dimanche 9 juillet 2017
Nous n’avons rien vu à Sils Maria
Par Alice, dimanche 9 juillet 2017 à 23:53 :: Eté 2017
Réveillée à trois heures du matin pour une raison incompréhensible. Alors qu’hier soir le blog Alice était enfin accessible, il n’y a pas de wifi (O. me dira demain qu’il a lu qu’il était coupé de minuit à six heures). Je reprends le récit de la journée du 7 juillet dans TextEdit, la journée de randonnée d’Ibergeregg à Oberiberg. Les cloches du village ne sont pas interrompues la nuit. Quand sonnent quatre heures, je prends (pour mon genou) un Ibuprofène 400 retrouvé par chance au fond de mon porte-monnaie et j’éteins, afin de ne pas être trop assommée demain.
Réveil vers huit heures, mise en ligne de deux billets (il faut que je vérifie quelques noms pour le suivant), petit déjeuner en terrasse, départ. Je regretterai cet hôtel. J’ai particulièrement aimé quelque chose d’insaisissable, son odeur : une odeur de bois et de fleur, de cire peut-être, une odeur sans rien qui rappelle l’odeur humide des vieilles demeures en France.
Parking pour charger les bagages. Nous attendons onze heures l’ouverture de l’épicerie, je veux racheter (six ans plus tard) du shampoing de Soglio. Nous prenons également du miel, des cartes postales (plus que nous ne pourrons en écrire), de l’huile de massage. Nous avons vidé nos porte-monnaie, il ne nous reste que quelques centimes suisses (pas de paiement par carte).
Nous reprenons la route en sens inverse vers Sils Maria. Comme tous les matins, spontanément, O. prend le volant. Il fait frais, à la limite de la pluie, c’est très agréable. Nous montons les épingles à cheveux vers le plateau de Sils Maria (Segl en allemand). Il y a énormément de motos. Un Tchèque devant nous conduit agressivement dans la vallée avant de se faire peur dans la montée et de s’arrêter dans un dégagement dans la prolongation d’un des virages. Il y a trois objectifs potentiels: visiter la maison de Nietzsche (je reverrais volontiers la chambre au plafond si bas), faire le tour de la presqu’île où il se promenait et trouver la tombe de Claudio Abbado signalée le matin-même par Gv.
Tuons tout de suite le suspens: nous ne ferons aucun des trois. La maison de Nietzsche n’ouvre qu’à trois heures et nous avons l’intention de rejoindre Toblach à cinq ou six heures de route (nous ne prenons pas l’autoroute). Le tour de la presqu’île n’enthousiasme pas O. Nous décidons de déjeuner d’abord puis de chercher la tombe d’Abbado.
Installation en terrasse, violent orage, repli dans le restaurant. Le service est lent, mais il pleut tant que nous ne pourrions rien faire, en tongs et tee-shirt comme nous le sommes.
Fin du repas, fin de l’orage, recherche de la tombe, pas de cimetière à Sils-Maria (en tout cas rien trouvé), une église à Sils-Baselgia, mais rien dans le petit cimetière. Nous interrogeons le restaurateur en face, il ne sait rien; j’interroge trois motards arrêtés devant le restaurant qui ont ri en voyant mon look atroce (robe blanche, bottines en caoutchouc rose et ciré rouge, l’horreur étanche sous les dernières gouttes). Sabir franco-germano-anglais, le mot « tombe » m’échappe en anglais, j’utilise « grab », ils ne savent pas qui est Abbado, je montre l’article de journal sur mon téléphone. Oh, ABBAdo (accent tonique), mais bien sûr, l’un des motards est soudain très intéressé, surpris et enchanté, mais non il ne sait rien (cherchera-t-il plus tard pour son propre compte? C’est probable, il semblait heureux.)
Nous retournons à la voiture, nous retournons à Sils-Maria, c’est agaçant à la fin, moins je trouve et moins je veux abandonner. En désespoir de cause j’envoie un sms à Gvgvsse en même temps que je fais une recherche en allemand cette fois: « grab claudio » et aussitôt « grab claudio abbado » et « grab von claudio abbado » apparaît et l’image enneigée de l’église de Fex Crasta. Dans le même temps Gvgvsse m’envoie des indications en précisant qu’il s’agit d’une heure de marche.
Il est trois heures, O. s’est mis dans l’idée que nous atteindrions Toblach ce soir alors que cela me paraît improbable, il n’a pas envie de marcher pour cela, l’orage menace encore, j’ai le genou qui va mieux mais qui reste sensible… Je propose à O. de dormir à Fex puisqu’il y a un hôtel mais il veut avancer, l’étape lui paraît trop courte.
Nous repartons sans avoir rien vu à Sils Maria.
Maintenant que j’écris je ne me souviens plus de la succession des vallées, des montées et des descentes. La route est parsemée de motos, de cyclistes et d’arrêts de bus. Le « car postal »(des bus jaunes suffisamment emblématiques pour qu’on en fasse des cartes postales) passe partout, des arrêts sont prévus pour ce qui paraît n’être que trois ou quatre maisons à flanc de montagne. Peut-être sert-il aussi de voiture-balai aux cyclistes épuisés, ou de véhicule de rapatriement vers leurs pénates (je mets ici un lien vers les les statistiques d’accidents car nous nous sommes posés la question, époustouflés par le nombre de cyclistes dans des endroits impossibles.) Quoi qu’il en soit c’est fantastique de maintenir un tel réseau de transport public à travers un pays entier.
Longtemps nous avons davantage monté que descendu. Passo Bernina (2330 m), des neiges éternelles en face de nous, à portée de main; passage en Italie, avec aussitôt, brutalement, un changement de paysage, des arbres fruitiers et des vignes et des villes qui ressemblent à des villes, populeuses, commerçantes, mille choses oubliées durant notre traversée de la Suisse qui nous a paru si étrangement déserte (mais nos choix d’itinéraires ont été particuliers).
Nous changeons de conducteur à cinq heures (toutes les deux heures, c’est la règle instaurée). Le volant est poisseux de sueur et de crème solaire, j’ai pour objectif de nous acheter des gants de conduite dès que possible.
Nous avons abordé la montée au col du Stelvio sans savoir que ce serait un col. Après quelques tunnels, quatre ou cinq, les panneaux ont indiqué le nombre d’épingles à cheveux à venir, quatorze d’abord, puis ensuite dix. Rien de difficile après le vaccin d’Ibergeregg, une route où il y a de la place pour se croiser et aucun arbre, une grande visibilité à flan de montagne, quelques secondes d’ignorance au moment de l’épingle et voilà tout, un jeu d’enfant.
Nous montons, montons, le plus étonnant est moins la vallée qui s’éloigne que les sommets qui paraissent à la même hauteur que soi. Les parois sont grises, c’est austère après la verte Suisse, mais d’une grande majesté.
Col du Stelvio (2758 m), pause au restaurant Le Genziano, capuccino auquel je dois d’être éveillée si tard. Au mur des photos impressionnantes de cyclistes franchissant le col entre des murailles de neige. Est-ce Fausto Coppi ou Claudio Chiappucci qui a dit (en anglais dans une coupure de journal affichée sous verre): « c’est comme lutter avec un gorille : vous n’arrêtez pas lorsque vous êtes fatigué, mais lorsque le gorille est fatigué »?
Nous remontons dans la voiture à six heures, il commence à pleuvoir. Les motards présents en quantité sont partis devant nous. Longue descente à la suite d’un mini-bus familiale rouge contenant six personnes et un bateau style rafting sur le toit. Nous continuons jusqu’à Merano où à la suite d’un malentendu entre nous (car nous voulions tous deux un hôtel modeste où nos tongs ne dépareraient pas) nous nous retrouvons dans un hôtel de luxe (le prix affiché n’est pas par chambre mais par personne. Damned. Nous nous débrouillons trop mal en anglo-germano-italien pour avoir envie de débattre ou de tourner les talons. Tant pis. Il faudra que j’essaie demain la piscine avant le petit déjeuner afin d’amortir tout cela.)
Nous dînons dans une brasserie en ville. Toujours la même impression de désert: mais où sont les gens?
Je fais découvrir à O. le cocktail Hugo qui me paraît à la couleur être celui que j’ai bu à Dessau. L’essayer c’est l’adopter, c’est très fin et très bon.
Tard le soir je finis d’écrire ce jour puis la veille (le 8). Alice est à nouveau inaccessible.
Demain Toblach puis direction Klagenfurt.
PS : ça alors: une recherche après coup m’apprend qu’Anne Franck est venue ici. Quant au val de Fex, c’était un lieu de résidence de Thomas Mann.
Réveil vers huit heures, mise en ligne de deux billets (il faut que je vérifie quelques noms pour le suivant), petit déjeuner en terrasse, départ. Je regretterai cet hôtel. J’ai particulièrement aimé quelque chose d’insaisissable, son odeur : une odeur de bois et de fleur, de cire peut-être, une odeur sans rien qui rappelle l’odeur humide des vieilles demeures en France.
Parking pour charger les bagages. Nous attendons onze heures l’ouverture de l’épicerie, je veux racheter (six ans plus tard) du shampoing de Soglio. Nous prenons également du miel, des cartes postales (plus que nous ne pourrons en écrire), de l’huile de massage. Nous avons vidé nos porte-monnaie, il ne nous reste que quelques centimes suisses (pas de paiement par carte).
Nous reprenons la route en sens inverse vers Sils Maria. Comme tous les matins, spontanément, O. prend le volant. Il fait frais, à la limite de la pluie, c’est très agréable. Nous montons les épingles à cheveux vers le plateau de Sils Maria (Segl en allemand). Il y a énormément de motos. Un Tchèque devant nous conduit agressivement dans la vallée avant de se faire peur dans la montée et de s’arrêter dans un dégagement dans la prolongation d’un des virages. Il y a trois objectifs potentiels: visiter la maison de Nietzsche (je reverrais volontiers la chambre au plafond si bas), faire le tour de la presqu’île où il se promenait et trouver la tombe de Claudio Abbado signalée le matin-même par Gv.
Tuons tout de suite le suspens: nous ne ferons aucun des trois. La maison de Nietzsche n’ouvre qu’à trois heures et nous avons l’intention de rejoindre Toblach à cinq ou six heures de route (nous ne prenons pas l’autoroute). Le tour de la presqu’île n’enthousiasme pas O. Nous décidons de déjeuner d’abord puis de chercher la tombe d’Abbado.
Installation en terrasse, violent orage, repli dans le restaurant. Le service est lent, mais il pleut tant que nous ne pourrions rien faire, en tongs et tee-shirt comme nous le sommes.
Fin du repas, fin de l’orage, recherche de la tombe, pas de cimetière à Sils-Maria (en tout cas rien trouvé), une église à Sils-Baselgia, mais rien dans le petit cimetière. Nous interrogeons le restaurateur en face, il ne sait rien; j’interroge trois motards arrêtés devant le restaurant qui ont ri en voyant mon look atroce (robe blanche, bottines en caoutchouc rose et ciré rouge, l’horreur étanche sous les dernières gouttes). Sabir franco-germano-anglais, le mot « tombe » m’échappe en anglais, j’utilise « grab », ils ne savent pas qui est Abbado, je montre l’article de journal sur mon téléphone. Oh, ABBAdo (accent tonique), mais bien sûr, l’un des motards est soudain très intéressé, surpris et enchanté, mais non il ne sait rien (cherchera-t-il plus tard pour son propre compte? C’est probable, il semblait heureux.)
Nous retournons à la voiture, nous retournons à Sils-Maria, c’est agaçant à la fin, moins je trouve et moins je veux abandonner. En désespoir de cause j’envoie un sms à Gvgvsse en même temps que je fais une recherche en allemand cette fois: « grab claudio » et aussitôt « grab claudio abbado » et « grab von claudio abbado » apparaît et l’image enneigée de l’église de Fex Crasta. Dans le même temps Gvgvsse m’envoie des indications en précisant qu’il s’agit d’une heure de marche.
Il est trois heures, O. s’est mis dans l’idée que nous atteindrions Toblach ce soir alors que cela me paraît improbable, il n’a pas envie de marcher pour cela, l’orage menace encore, j’ai le genou qui va mieux mais qui reste sensible… Je propose à O. de dormir à Fex puisqu’il y a un hôtel mais il veut avancer, l’étape lui paraît trop courte.
Nous repartons sans avoir rien vu à Sils Maria.
Maintenant que j’écris je ne me souviens plus de la succession des vallées, des montées et des descentes. La route est parsemée de motos, de cyclistes et d’arrêts de bus. Le « car postal »(des bus jaunes suffisamment emblématiques pour qu’on en fasse des cartes postales) passe partout, des arrêts sont prévus pour ce qui paraît n’être que trois ou quatre maisons à flanc de montagne. Peut-être sert-il aussi de voiture-balai aux cyclistes épuisés, ou de véhicule de rapatriement vers leurs pénates (je mets ici un lien vers les les statistiques d’accidents car nous nous sommes posés la question, époustouflés par le nombre de cyclistes dans des endroits impossibles.) Quoi qu’il en soit c’est fantastique de maintenir un tel réseau de transport public à travers un pays entier.
Longtemps nous avons davantage monté que descendu. Passo Bernina (2330 m), des neiges éternelles en face de nous, à portée de main; passage en Italie, avec aussitôt, brutalement, un changement de paysage, des arbres fruitiers et des vignes et des villes qui ressemblent à des villes, populeuses, commerçantes, mille choses oubliées durant notre traversée de la Suisse qui nous a paru si étrangement déserte (mais nos choix d’itinéraires ont été particuliers).
Nous changeons de conducteur à cinq heures (toutes les deux heures, c’est la règle instaurée). Le volant est poisseux de sueur et de crème solaire, j’ai pour objectif de nous acheter des gants de conduite dès que possible.
Nous avons abordé la montée au col du Stelvio sans savoir que ce serait un col. Après quelques tunnels, quatre ou cinq, les panneaux ont indiqué le nombre d’épingles à cheveux à venir, quatorze d’abord, puis ensuite dix. Rien de difficile après le vaccin d’Ibergeregg, une route où il y a de la place pour se croiser et aucun arbre, une grande visibilité à flan de montagne, quelques secondes d’ignorance au moment de l’épingle et voilà tout, un jeu d’enfant.
Nous montons, montons, le plus étonnant est moins la vallée qui s’éloigne que les sommets qui paraissent à la même hauteur que soi. Les parois sont grises, c’est austère après la verte Suisse, mais d’une grande majesté.
Col du Stelvio (2758 m), pause au restaurant Le Genziano, capuccino auquel je dois d’être éveillée si tard. Au mur des photos impressionnantes de cyclistes franchissant le col entre des murailles de neige. Est-ce Fausto Coppi ou Claudio Chiappucci qui a dit (en anglais dans une coupure de journal affichée sous verre): « c’est comme lutter avec un gorille : vous n’arrêtez pas lorsque vous êtes fatigué, mais lorsque le gorille est fatigué »?
Nous remontons dans la voiture à six heures, il commence à pleuvoir. Les motards présents en quantité sont partis devant nous. Longue descente à la suite d’un mini-bus familiale rouge contenant six personnes et un bateau style rafting sur le toit. Nous continuons jusqu’à Merano où à la suite d’un malentendu entre nous (car nous voulions tous deux un hôtel modeste où nos tongs ne dépareraient pas) nous nous retrouvons dans un hôtel de luxe (le prix affiché n’est pas par chambre mais par personne. Damned. Nous nous débrouillons trop mal en anglo-germano-italien pour avoir envie de débattre ou de tourner les talons. Tant pis. Il faudra que j’essaie demain la piscine avant le petit déjeuner afin d’amortir tout cela.)
Nous dînons dans une brasserie en ville. Toujours la même impression de désert: mais où sont les gens?
Je fais découvrir à O. le cocktail Hugo qui me paraît à la couleur être celui que j’ai bu à Dessau. L’essayer c’est l’adopter, c’est très fin et très bon.
Tard le soir je finis d’écrire ce jour puis la veille (le 8). Alice est à nouveau inaccessible.
Demain Toblach puis direction Klagenfurt.
PS : ça alors: une recherche après coup m’apprend qu’Anne Franck est venue ici. Quant au val de Fex, c’était un lieu de résidence de Thomas Mann.