Levés tôt : en ce matin de pont, un (quoi ? plombier, égoutier, ouvrier ?) de
Sanitra passait déboucher les canalisations, ou plutôt la canalisation, celle connectée à la baignoire et à la machine à laver qui se bouche tous les trois à dix ans. L’ouvrier nous a affirmé être celui qui était venu en 2001 : mais quel âge avait-il, il paraît si jeune.
Il doit y avoir quelques mètres de canalisation à contre-pente sous la terrasse, diagnostique-t-il, ce qui fait que l’eau stagne et des dépôts se forment et se calcifient. Il nous a conseillé d’introduire une fois par an le karcher avec une buse particulière dans le tuyau pour le curer nous-mêmes : « cela vous reviendra beaucoup moins cher ». (Je l’écris ici pour garder une trace du conseil.)
Il ne restait déjà plus que deux jours sur le week-end de quatre. La météo annonçait du soleil aujourd’hui, de la pluie demain. J’ai donc abandonné le grenier (qui n’aura perdu que dix centimètres de papier) pour décréter que maintenant que j’avais fini de lasurer le nouvel abri pour le bois, il fallait déplacer la stère ou la stère et demie appuyée contre la maison dans le-dit abri (afin que le plombier-fumiste puisse venir faire les travaux destinés à isoler le robinet extérieur : « C’est tout un ensemble ! » (s’exclamait mon père, etc.))
Je ne sais plus pour quelle raison, peut-être simplement ma paresse, mon statut d’épouse et de mère alors que mon fils a dix-huit ans, je n’avais pas participé à la constitution du tas de bois initial. Aujourd’hui, Olivier est en camp scout et Hervé a des contractures suite à son passage chez l’ostéopathe vendredi, donc la corvée de bois retombe sur A. et moi, Hervé supervisant l’utilisation de la brouette.
Brouette par brouette nous déplaçons les bûches. Le chêne coupé par les voisins malveillants, les arbres poussant comme de la mauvaise herbe contre les murs ou au dessus du fil à linge, le châtaignier qui a fini par mourir de ses blessures de 2000, je vois défiler un peu de notre histoire en rangeant les bûches dans l’abri à bois. Nous dérangeons araignées et fourmis (cela grouille : « Ne touche à rien, tu vas voir, dans vingt minutes, tout aura disparu. » Un quart d’heure plus tard, plus une fourmi, plus un oeuf, tout a été rapatrié à l’abri par les fourmis organisées jusque dans l’affolement. « Incroyable ! »), j’entasse en mettant le bois le moins sec en bas, il fait chaud. Deux heures de travail le matin, pause déjeuner, nous reprenons à deux, sans H.
A. se plaint, elle se sent barbouillée, la chaleur ou l’ennui ? « Rentre, je vais finir seule. » Une brouette, deux, cinq, je m’obstine, il fait chaud mais je ne veux pas avoir à y revenir, je veux que cette tâche soit derrière moi. Je suis satisfaite car il se confirme que mon dos est guéri.
En fin d’après-midi, coup de main au fils de nos amis expatriés qui a commandé un lit au Conforama d’Ormesson : comme il n’a ni permis ni voiture il lui faut un chauffeur. Nous passons deux heures sur la route de Boissy-St-Léger et Ormesson. Etonnants paysages, la forêt et la campagne rôdent aux portes de l’Ile de France.
Antoine ne s’est pas méfié, il pensait qu’il suffisait de se présenter à Conforama pour avoir un camion. Mais non : il n’y en a que deux ou trois, il faut les réserver, ils sont sortis, il doivent être rentrés avant six heures et demie, nous n’aurons pas le temps de le ramener… (Pendant ce temps deux employés se disputent violemment dans l’entrepôt, si violemment que la réceptionniste avec laquelle nous parlementons, embarrassée, se lève pour fermer la petite fenêtre derrière elle).
Nous nous regardons. Antoine part en vacances la semaine prochaine, H. sera à Tours (or il faut que nous soyons deux, un pour la camionnette, un pour la voiture qui nous amène à Ormesson), Antoine est venu avec un ami qui habite St Ouen, de l’autre côté de la région parisienne, ce qui représente des heures de transport… Repartir bredouilles ?
Riant in petto, j’observe H. utiliser une stratégie que nous avons développée au cours des années : l’occupation physique du terrain. Il ne discute pas, il n’argumente pas, il reste là au comptoir flanqué des deux jeunes gens qui ne se rendent compte de rien, prononçant de temps à autre une platitude pour donner l’illusion d’une conversation (« C’est très ennuyeux », « Dommage que ce ne soit pas précisé sur le site », etc) tandis que je fais lentement les cent pas dans la salle d’attente. La réceptionniste, la soixantaine ridée, revêche et énergique, nous a vus et entendus discuter, évaluer les différentes autres possibilités (conclusion : aucune). H. reste là, elle répond au téléphone, fourrage dans ses papiers. Comme par magie quelqu’un ramène une camionnette, elle tente de nous expliquer que nous n’aurons pas le temps de ramener le véhicule; Hervé impavide, campé sur ses deux pieds, commence à sortir son permis de conduire.
La camionnette est à nous.