samedi 5 décembre 2020
Les gens qu’on aime : #5 quelqu’un avec qui on a étudié ou été à l’école
Par Alice, samedi 5 décembre 2020 à 20:03 :: Les gens qu'on aime
Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»
Aujourd'hui, quelqu'un avec qui on a étudié ou été à l’école : Jérôme. Je l'ai choisi parce que nous avons été neuf ans dans la même classe.
Mes parents étaient profs. Quand nous sommes rentrés du Maroc en 1975, ils ont chacun obtenu un poste dans l'un et l'autre lycées d'une petite ville, et entre les lycées se trouvait une école primaire.
Nous avons donc été inscrites ma sœur et moi dans cette école primaire plutôt que dans celle dont nous dépendions administrativement car il était plus simple de nous y emmener et nous en ramener.
En école primaire, la population est stable, les mêmes enfants se retrouvent chaque année, la hiérarchie est établie dès le CP (ceux qui apprennent vite à lire et à écrire, ceux qui sont rapides ou jouent bien aux billes, etc).
Je suis arrivée en CM1 et j'ai bousculé cette hiérarchie. En CM1 et en CM2, je suis passée en tête devant Xavier et Jérôme. Ils étaient verts.
Quand j'ai quitté la primaire, j'ai rejoint le collège correspondant à la carte scolaire et j'y ai retrouvé Jérôme. Jérôme a été mon Poulidor jusqu'en terminale. Comme il a fait allemand première langue (le truc de l'époque pour essayer de reconstituer les classes d'excellence que la réforme Haby venaient d'éparpiller) puis latin à partir de la quatrième (idem), nous avons été ensemble toutes ces années. Toutes ces années il s'est présenté comme délégué de classe et a été élu.
Il était fils unique et fier de l'être. En cinquième, sa mère s'est trouvée enceinte et il l'a très mal pris. Elle n'avait pas le droit de l'accompagner devant le collège; elle devait le déposer au coin de la rue.
En quatrième nous avions une prof d'anglais provocante, genre sous-tif noir sous chemisier blanc transparent. Jérôme était au premier rang. Elle l'a interpelé: «Alors, Jérôme, vous rêvez?»
Il est devenu cramoisi, d'un rouge comme je n'en ai jamais revu d'aussi foncé. La classe a éclaté de rire.
J'étais très innocente, je n'ai compris que des années plus tard à quoi pouvait rêver Jérôme.
Nous ne nous aimions pas beaucoup. A cause de cette rivalité, bien sûr, mais aussi parce que j'étais sérieuse et que je le jugeais frivole. Il s'est très bien entendu avec ma meilleure copine en première et terminale, ils parlaient mérites comparés de shampoings, genre. Il avait été tout surpris quand elle lui avait appris que les filles se rasaient les jambes: il pensait que les filles étaient imberbes.
Il avait grandi tôt et était très grand, il se tenait toujours un peu courbé. Il avait cette morphologie des nageurs que je n'aime pas, les trapèzes surdéveloppés. Ses yeux bleus verts étaient légèrement globuleux. Il aimait Higelin et je le revois en term en train de chanter Champagne en dansant sur les tables comme un pantin dégingandé .
Sous mon influence, il s'est inscrit à l'aviron. Christine, Isabelle, Jérôme, tous venus à l'aviron en seconde à cause de mon enthousiasme.
Quand il a perdu son grand-père (en première ou en terminale), il a eu cette remarque qui m'a frappée parce qu'elle était inattendue de sa part et que je n'avais pas encore vécu de deuil: «On croit qu'on n'est pas très attaché, et puis ça fait super mal».
Après le lycée j'ai eu des nouvelles par ma mère: marié, trois enfants puis un quatrième («un accident»).
En 2017, au moment où je préparais les 50 ans de mariage de mes parents, j'ai fait des recherches sur Linkedin et j'ai tapé son nom. Je l'ai trouvé, je l'ai demandé en contact.
Il ne m'a pas acceptée.
Aujourd'hui, quelqu'un avec qui on a étudié ou été à l’école : Jérôme. Je l'ai choisi parce que nous avons été neuf ans dans la même classe.
Mes parents étaient profs. Quand nous sommes rentrés du Maroc en 1975, ils ont chacun obtenu un poste dans l'un et l'autre lycées d'une petite ville, et entre les lycées se trouvait une école primaire.
Nous avons donc été inscrites ma sœur et moi dans cette école primaire plutôt que dans celle dont nous dépendions administrativement car il était plus simple de nous y emmener et nous en ramener.
En école primaire, la population est stable, les mêmes enfants se retrouvent chaque année, la hiérarchie est établie dès le CP (ceux qui apprennent vite à lire et à écrire, ceux qui sont rapides ou jouent bien aux billes, etc).
Je suis arrivée en CM1 et j'ai bousculé cette hiérarchie. En CM1 et en CM2, je suis passée en tête devant Xavier et Jérôme. Ils étaient verts.
Quand j'ai quitté la primaire, j'ai rejoint le collège correspondant à la carte scolaire et j'y ai retrouvé Jérôme. Jérôme a été mon Poulidor jusqu'en terminale. Comme il a fait allemand première langue (le truc de l'époque pour essayer de reconstituer les classes d'excellence que la réforme Haby venaient d'éparpiller) puis latin à partir de la quatrième (idem), nous avons été ensemble toutes ces années. Toutes ces années il s'est présenté comme délégué de classe et a été élu.
Il était fils unique et fier de l'être. En cinquième, sa mère s'est trouvée enceinte et il l'a très mal pris. Elle n'avait pas le droit de l'accompagner devant le collège; elle devait le déposer au coin de la rue.
En quatrième nous avions une prof d'anglais provocante, genre sous-tif noir sous chemisier blanc transparent. Jérôme était au premier rang. Elle l'a interpelé: «Alors, Jérôme, vous rêvez?»
Il est devenu cramoisi, d'un rouge comme je n'en ai jamais revu d'aussi foncé. La classe a éclaté de rire.
J'étais très innocente, je n'ai compris que des années plus tard à quoi pouvait rêver Jérôme.
Nous ne nous aimions pas beaucoup. A cause de cette rivalité, bien sûr, mais aussi parce que j'étais sérieuse et que je le jugeais frivole. Il s'est très bien entendu avec ma meilleure copine en première et terminale, ils parlaient mérites comparés de shampoings, genre. Il avait été tout surpris quand elle lui avait appris que les filles se rasaient les jambes: il pensait que les filles étaient imberbes.
Il avait grandi tôt et était très grand, il se tenait toujours un peu courbé. Il avait cette morphologie des nageurs que je n'aime pas, les trapèzes surdéveloppés. Ses yeux bleus verts étaient légèrement globuleux. Il aimait Higelin et je le revois en term en train de chanter Champagne en dansant sur les tables comme un pantin dégingandé .
Sous mon influence, il s'est inscrit à l'aviron. Christine, Isabelle, Jérôme, tous venus à l'aviron en seconde à cause de mon enthousiasme.
Quand il a perdu son grand-père (en première ou en terminale), il a eu cette remarque qui m'a frappée parce qu'elle était inattendue de sa part et que je n'avais pas encore vécu de deuil: «On croit qu'on n'est pas très attaché, et puis ça fait super mal».
Après le lycée j'ai eu des nouvelles par ma mère: marié, trois enfants puis un quatrième («un accident»).
En 2017, au moment où je préparais les 50 ans de mariage de mes parents, j'ai fait des recherches sur Linkedin et j'ai tapé son nom. Je l'ai trouvé, je l'ai demandé en contact.
Il ne m'a pas acceptée.