Planeur. Il fait terriblement gris mais le soleil finit par percer comme promis.
Aujourd'hui cours sur la vrille — non pour apprendre à en faire, mais pour apprendre à (s')en sortir quand on s'y met par erreur.
Nous montons au maximum (le plafond aujourd'hui, c'est-à-dire la base des nuages, est à 1400 m), T. prévient à la radio que nous allons faire des exercices de vrille et vérifie dix fois qu'il n'y a personne sous nous: «j'ai toujours peur qu'un planeur nous rejoigne en nous voyant tourner».
— Donc pour commencer tu te mets
aux grands angles d'incidence...
Késako? Je devrais sans doute le savoir mais je ne comprends pas et je n'ose pas le dire. Interprétant le mot «angle», je pousse vaguement sur le manche pour incliner le planeur.
— Non, tu te mets en limite de décrochage. La vrille, c'est un écoulement dissymétrique en limite de décrochage. Tu es prête? On y va.
Piqué vers le sol digne des plus violentes montagnes russes. La tête s'enfonce, le corps s'écrase, je ferme les yeux.
— Donc tu remets le manche au neutre et tu appuies sur le palonnier à l'extérieur du virage. Tu as compris?
Euh oui, non, je n'ai rien compris du tout, je ne sais plus où je suis, totalement désorientée.
— Bon, je le refais une fois, puis ce sera à toi.
Hein, quoi, comment ça, à moi? Bon, il faut que je garde les yeux ouverts.
Une fois, deux fois. Ce n'est pas parfait, mais ça va mieux. Le problème c'est que ça va vite et que je réagis lentement.
La dernière fois,
nous plongeons très vite, je vois la terre se jeter à ma figure et je sens distinctement mes cervicales faire un S (comment est-ce possible?) en s'enfonçant dans mes épaules.
Lorsque nous reprenons le cours normal du vol, j'ai l'impression d'être très éveillée, comme sortie d'un bain.
Atterrisage raté. «Tu m'as fait un virage à plat. C'est comme ça qu'on se tue. Et tu as rentré les aérofreins, alors qu'on était trop haut.»
Oui, bon, j'l'ai pas fait exprès, c'est quoi, un virage à plat? (Réponse: au palonnier seul) Ah, et le plan, c'est la hauteur par rapport au sol: «plan, vitesse, trajectoire; plan vitesse, trajectoire. Tu ne penses qu'à ça, ça va finir par rentrer».
T. a été très accomodant, il m'a fait refaire deux atterrissages supplémentaires (des «tours de piste»):
— Ce que je te dis là, ce n'est pas valable avec tous les planeurs, mais avec le K21, c'est pratique. Tu vises ton point d'aboutissement avec le manche et tu ajustes ta vitesse avec les aérofreins. Tu affineras avec le temps.
Bref, j'étais rincée en rentrant le soir. H. revenait de chez sa mère (ça y est, la pension de reversion est en place) et avait traversé de nombreux villages dans une ambiance de flonflons.
Nous sommes donc allés faire un tour sur la place et nous avons mangé les deux dernières chipolatas (plus de merguez).