Alice du fromage

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Billets qui ont 'Roubaud, Jacques' comme nom propre.

mercredi 5 juin 2024

Maurice

Maurice est mort hier après-midi.
Adieu son humour décalé et ses yeux qui pétillent. C'était le mari discret et inoubliable d'Elisabeth.
Cette deuxième mort (ou ce deuxième mort) m'anesthésie.

Il avait écrit un livre drôle et érudit, sans doute devenu introuvable.

Je ne sais que dire d'autre, il ne faudrait raconter que des anecdotes, peindre à touches rapides. Vous trouverez ici quelques conseils de lecture. Il avait l'art du grain de sel. Je me souviens de son récit concernant Roubaud, qui râlait parce qu'à chaque repas au restaurant tout le monde réclamait qu'il s'occupât de l'addition, au prétexte qu'il était mathématicien:
— Alors, me raconte Maurice, Roubaud finit par abandonner, et de guère lasse s'empare de l'addition pour faire la division. «Bon, combien sommes-nous?»
Maurice me regarde, les yeux pétillants, et conclut:
— On était dix.

vendredi 19 février 2021

Sonnées

Dernière journée avec J.. Procéder à un envoi Sendinblue pour valider sa compréhension des mécanismes, lire ensemble les procédures de bilan qu'elle va devoir prendre en charge. Nous avions le cœur serré sans l'avouer. Selfie avant de nous quitter:
— Ça fait presque neuf ans… si le suivant reste aussi longtemps que moi, tu seras presque à la retraite.
— J'aurai soixante ans, s'esclaffe-t-elle, incrédule.

Je pense que je devrai revenir deux fois pour lui donner un coup de main, mais je ne sais pas si cela se fera réellement.
Et puis toujours la promesse d'un resto «après le déconfinement». Cela ressemble à l'horizon, recule au fur à mesure que nous avançons. J'ai fini Le grand incendie de Londres. Ces grandes catastrophes, rupture du temps, qui effacent tous les projets, à la fois ceux qui étaient en cours avant la catastrophe et la possibilité même de faire des projets.
Et sinon, très beau livre, même si sa structure me reste hermétique.

jeudi 14 janvier 2021

J'ai décidé de lire ma bibliothèque

J'ai décidé de lire ma bibliothèque par étagère. Cette idée m'est venue en la rangeant. Par quelle étagère commencer? Pas une de romans en poche, je n'aurai pas la patience de lire tous ces romans d'affilé, pas celle consacrée à la grammaire et la traduction, il y a des livres de linguistique trop rebutants pour une reprise, pas des policiers, ce serait tricher.
J'ai choisi l'étagère la plus basse (spatialement) des livres d'auteurs français, auteurs classés sans ordre mais par affinité, et j'ai pris Roubaud, Le grand incendie de Londres.

J'y ai trouvé cette description qui correspond à ce que je vis en ce moment au fur à mesure que je fais émerger ma bibliothèque des cartons dans lesquels elle avait sombré en novembre, faisant de nouveau connaissance avec chaque volume au fur à mesure que je lui attribue une place et le range.
[cet ensemble de livres] Il m'arrivait autrefois d'en vérifier mentalement le contenu (un réflexe d'avare) et l'ordre, la disposition des volumes sur les rayons, les relations entre eux établies par la contiguïté, la familiarité des voisinages jouant un grand rôle dans la signification intime de leur présence, dans leur accessibilité […]

Jacques Roubaud, Le grand incendie de Londres, p.28, Seuil
Et surtout cette notation: «Les troubadours (du moins ceux que je possède dans des livres) sont placés à ma gauche, contre les radiateurs toujours fermés, le plus près possible de la tête du lit.» (Ibid)
Qui dira l'importance des livres autour du lit? J'ai ainsi déplacé il y a deux jours les livres de philo vers les pieds du lit d'ami («Mais tu crois vraiment que quelqu'un va y faire attention? — On ne peut pas dormir avec autant de philo près de la tête») pour rapprocher la poésie de la tête du lit. Poésie, livres grecs (Meillet, Ramnoux), Corto Maltese et Calvin et Hobes, voilà ce qui convient à un sommeil paisible.

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Agenda

Matinée à Nanterre pour relever le courrier et faire partir les lettres mensuelles indispensable. Depuis que mon départ a été annoncé par le président de la Mutuelle il y a une semaine, aucun signe de vie de ma hiérarchie ou des administrateurs. Remarquez, cela ne me change guère, aucun signe de vie depuis le second confinement.

J'ai commencé à vider mon bureau: trié les livres, abandonné dans l'église la plus proche ceux que je destinais à l'origine à l'ICP (avant le second confinement), abandonné dans le métro deux poches que j'ai en grand format (dont Vie et Destin), passé remettre dans l'armoire de désherbage du G** des livres que j'avais en double… et inévitablement j'en ai repris quelques-uns, des Westlake et des Buzzati mais aussi un Thomas Wolfe, L'ange banni, à cause de Didier Goux (je dis bien «à cause», car tout ajout de livre est devenu difficile, je les importe en cachette — même si la cote des livres remonte dans notre nouvel intérieur).
J'ai laissé ces livres au bureau, je les ramènerai une autre fois.

Passage rue Francœur chez "ma" relieur (trois Langelot, deux Dumas, une bouteille de vin blanc), puis chez mon futur employeur pour récupérer mon contrat de travail. Ma future boss était inquiète de découvrir que j'habitais désormais si loin. Comment lui faire croire, lui faire comprendre et admettre, que pendant neuf ans, je suis rentrée chez moi trois à quatre fois par semaine après onze heures ou minuit, au rythme de mes cours, des travaux sur les voies, des grèves et des caprices des trains? Et qu'entre 2006 et 2016, pendant l'année scolaire, je prenais tous les jours le RER à sept heures pour accompagner les enfants au lycée? Moi-même j'ai dû mal à me le représenter. Il faut le vivre sans trop réfléchir.

Maintenant cela me fera deux heures de lecture par jour, deux heures climatisées et stables à priori puisque je serai dans un TER et non un RER. J'espère ne pas déchanter trop vite.
Et donc j'ai décidé de lire ma bibliothèque.

vendredi 2 décembre 2016

Expo de collages

Soirée au MPAA pour voir les collages de Françoise.
Elle a réalisé des collages sous forme de cartes postales, envoyées fictivement par Perec, rédigées par ses amis. Les cartes sont suspendues à un parasol formant un grand mobile; c'est joyeux, gai.
L'exposition dans son ensemble, y compris les autres artistes, est très réussie.

Restau indien. On parle Japon et RSI.
M. est mathématicien et c'est toujours lui qui est interpelé au moment de l'addition. Est-ce ce soir-là que M. m'a raconté l'histoire suivante? c'est le moment de l'addition entre oulipiens, on fait appel à Roubaud, le matheux de la bande, qui refuse et se fait prier, on insiste, il finit par accepter et demande:
— Bon alors, on est combien?
— Dix.

Au retour, je vis un épisode un peu étrange dont je ne sais s'il relève du harcèlement (toutes les femmes semblent si promptes à tout qualifier ainsi que je n'ose utiliser ce mot, mais je sais bien que se poser la question, c'est déjà y répondre par l'affirmative).
Je me suis installée dans un coin de RER, sur la première banquette dont le siège près de la fenêtre est en face d'un porte- bagage qui permet d'appuyer les pieds, et effet habituel de l'aviron, je m'endors la tête contre la vitre en attendant que le train s'ébranle.
Trois hommes montent, entre vingt-cinq et cinquante ans, d'Europe de l'Est (ce qui signifie que je ne comprends pas leur conversation). Le plus jeune s'installe non pas à côté de moi, mais contre moi, je sens son poids. En face de biais (puisqu'en face se trouve le porte-bagage), les jambes d'un autre homme me frôle.
Je ne bronche pas. Je ne me recule pas, je n'ouvre pas les yeux, je fais comme si tout était normal, comme si je n'avais rien senti. Une partie de moi les surveille (je ne risque pas grand chose à part l'humiliation, la voiture est pleine), une autre essaie de se rendormir. C'est le chat et le chien, si le chat ne court pas, le chien passe à autre chose.
Le train démarre, la vitre est froide, j'ouvre les yeux, ne regarde personne en particulier, ouvre mon sac, farfouille à l'intérieur. Mon voisin évalue d'un coup d'œil le contenu du sac (livres et affaires d'aviron). Je croise son regard sans l'affronter mais sans le fuir, je laisse le vague du sommeil adoucir ma fermeté. Je mets mon bonnet d'aviron afin de me protéger de la vitre et me rendors contre la fenêtre.
Est-ce le contenu de mon sac, mon bonnet, mon regard ou mon âge qu'il a dû comprendre en me regardant dans les yeux, je sens qu'il se désintéresse. Il s'appuie toujours autant sur moi, mais se penche parfois en avant pour discuter un point ou un autre avec ses compagnons.
Ils descendront à Maisons-Alfort.

jeudi 27 novembre 2008

Hommage à François Caradec

Raté l'anniversaire d'Agnès. Pourtant la carte était sur mon bureau depuis une semaine.

C'est drôle, ces gens qui ne veulent pas aller sur FB sous prétexte que leurs enfants y sont. Comme si on ne pouvait pas ne jamais se croiser.

Ai-je convaincu Sophie de commencer par Twitter plutôt que FB, "parce que c'est plus facile"? (mais ça ne sert pas à la même chose). De toute façon, tout cela est très lent quand on ne dispose pas de nombreux amis inscrits sur FB au moment de s'y inscrire soi-même: il faut se faire accepter par de purs contacts internautiques, il faut commenter, être discret, cela dure des semaines voire des mois.

Rencontré Saint_Glinglin, que j'avais découvert cette après-midi sur Twitter. Sans doute l'écart le plus court entre une rencontre internautique et une rencontre IRL.

Soirée Oulipo à la TGB. Je suis la dernière à entrer, la salle est pleine. Hommage à François Caradec. Beaucoup de tendresse, beaucoup de retenue. Je suis émue de voir ces gens, ses amis, venir ainsi rendre hommage à un homme par des lectures, des poèmes, des chansons, du rire. J'éprouve le manque qu'ils n'évoquent pas. La grande affaire de la soirée est que le parler chien supérieur (Jacques Roubaud in La princesse Hoppy), indéchiffré à ce jour, sera révélé la prochaine fois ? dans deux semaines.

La chair nous pèse au père Lachaise.

Soirée pizzeria. Trop parlé, beaucoup ri, un peu bu. Le fontainebleau est le meilleur des desserts que je connaisse.

Rentrée. C. nous a encore fait un sale coup aujourd'hui ? le jeudi ne lui réussit pas.

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