Alice du fromage

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Billets qui ont 'Stendhal' comme nom propre.

mardi 21 octobre 2014

Livres audio

Au cours de la journée, je dis à un adhérent qui n'a pas sa carte de tiers payant que je ne trouve pas aberrant de payer ses médicaments d'abord, pour être remboursé ensuite (et encore, il ne s'agit que de payer la part non réglée directement par la sécurité sociale).
Il s'étrangle au télephone:
— Mais c'est un jugement de valeur que vous émettez là !
— Oui, tout à fait.
Et je me demande in petto pourquoi il supposait que j'allais reculer devant le fait d'émettre un jugement de valeur. Evidemment que c'est un jugement de valeur, un jugement qui correspond à une certaine idée du bien commun et public, pourquoi cela ne pourrait-il pas être dit? (Il l'a réellement prononcé comme il aurait dit: «Mais vous êtes raciste!» Bizarre.)
(Ajoutons pour ceux qui s'apitoieraient sur cet homme qu'après deux ou trois questions, il s'est avéré qu'il était "à 100%" et donc ne payait rien, carte de tiers payant reçue ou pas.)

Hier matin en me connectant sur l'intranet, j'avais appris que le directeur de l'autre entreprise du groupe hébergée dans cet immeuble partait, après deux ans passés "à redresser les filiales en France". J'avais été surprise, il était étonnant qu'il partît si vite, la boîte allait plutôt bien et il était réputé travailler beaucoup en intervenant à tous les niveaux.
Renseignements pris en prenant le café, il aurait insulté un chauffeur de voiture privée qui aurait porté plainte (ce n'était pas sa première insulte ni la première humiliation publique, mais les affaires en interne avaient été étouffées). Autre rumeur: la drogue (et je pense "coke" car il était connu pour son hyperactivité).

Le soir je passe à la bibliothèque Rilke (Port Royal) chercher la suite de Twin Peaks puisque Charlotte Delbo (place de la Victoire) est fermée. Je vais rendre des livres à Buffon (Jardin des Plantes) et en explorant le rayon des livres audio je suis prise d'une véritable frénésie d'emprunt (totalement impossible d'écouter cela en trois semaines, mais je me suis dit que je prolongerai les prêts (par internet, c'est facile)):
La fille aux yeux d'or, Le Lys dans la vallée, Une Ténébreuse affaire, L'auberge rouge, Le Curé de Tours, La Chartreuse de Parme.
Mais qu'est-ce qui m'a pris?

samedi 7 juin 2014

Le Rouge et le Noir

Le TGV pour St-Brieuc n'est pas à quai quand j'arrive à Montparnasse.
Je prends un café et quand j'arrive ensuite sur le quai, je n'ai plus le temps avec mes tongs et ma valise de remonter les deux rames de TGV : je monte dans la première qui doit être détachée à Rennes en me disant que je changerai de rame à ce moment-là.

A Rennes, j'ai bien failli ne pas réussir à monter dans la deuxième rame tant l'opération de désarrimage s'est fait vite.

Dans cette deuxième rame, ma place légitime était bien sûr occupée par une personne pensant que j'avais raté mon train. Comme elle le reconnaît aussitôt, je lui laisse la place et vais m'installer sur un strapontin entre deux voitures, ce qui explique cette photo de mon vis-à-vis prise d'un peu trop près (je n'ai pas reconnu l'édition. Peut-être une nouvelle maison.)




Galette, mairie, buffet les pieds dans le sable, punch et huîtres. Il fait très beau malgré les prévisions pessimistes mais la mer est froide.
Un mariage de raison pour la protection des enfants et du patrimoine (les vraies raisons du mariage, me dira JY, et je penserai à Balzac). Cela n'empêchera pas la mariée de s'essuyer les yeux et le garçon de sept ans qui demandait sans cesse à son père s'il dirait oui — et son père de réfléchir, de douter, de peser le pour et le contre — de crier "Yesss!!" quand son père, finalement, aura dit oui.

jeudi 7 octobre 2010

Marais

A midi passée chercher mon billet pour Ginzburg au musée du judaïsme. Prétendre que lorsqu'on hésite à acheter un livre il faut l'acheter est criminel. Flâner à la fois vite (peu de temps, pause déjeuner) et longtemps dans la librairie, avec toujours les larmes qui montent dans l'accumulation de ce genre de livres. Pensées incorrectes, est-ce que tous les salariés sont juifs, le musée respecte-t-il les obligations légales de diversité? (Je deviens bizarre, c'est qu'on doit beaucoup m'embêter.)

Comme Emmanuel Régniez avait attiré mon attention sur les 70 ans de la mort de Walter Benjamin, comme j'avais relu le matin même mes quelques mots sur la correspondance Strauss/Scholem, je vérifiai les livres de Gershom Scholem. J'ai acheté tout ce qu'ils avaient, je crois.

  • Gershom Scholem, Fidélité et utopie (je suis contente, je crois qu'il est épuisé);
  • Gershom Scholem, Sur Jonas, la lamentation et le judaïsme (Jonas, celui qui reproche au Seigneur d'être trop indulgent);
  • Gershom Scholem, La kabbale (inévitable);
  • Gershom Scholem, Benjamin et son ange (quand même);
  • Gershom Scholem, Walter Benjamin, histoire d'une amitié (l'amitié entre les grands hommes me fascine, me console, me réconforte);

et un livre que j'avais en son temps hésité à acheter en grand format. Je l'ai pris en poche:

  • Avraham b. Yehoshua, Le Responsable des Ressources humaines. (J'ai commencé par celui-là, bien sûr, abandonnant Frédéric II pour quelques heures.)

Tourné un peu en songeant à ma tentation de tenter d'apprendre l'hébreu, [en songeant] qu'il faudrait qu'un jour je raconte "mon histoire juive", [en songeant] que je semblais condamnée à (ou incapable de ne pas) retourner sur mes traces pour explorer chaque chemin abandonné trop tôt, [condamnée à] tous les reprendre pour vérifier que c'est avec raison qu'ils avaient été abandonnés. Chemin après chemin, il n'en reste plus beaucoup, je crois. Va venir le moment où il faudra avancer sans se retourner, où il n'y aura plus rien sur quoi se retourner, tous les souvenirs présents, vivants.



Le soir, bibliothèque historique de la Ville de Paris. Daniel Ferrer et Jean-Jacques Labia, l'incroyable projet de Balzac et Stendhal, réécrire La Chartreuse de Parme à quatre mains. Comme d'habitude j'ai davantage appris en une heure qu'en vingt ans. C'est très étrange, la façon dont le creusement du détail permet de peindre des panoramas entiers. A regarder une seule ligne d'écriture, des pans tombent, Balzac était bibliophile, Stendhal non, qui pouvait prendre des notes sur un livre ou y rédiger un contrat. Détail sans intérêt littéraire, mais détail qui donnera un relief à certaines réactions des personnages. Cela minuscule détail parmi une foule de précisions plus directement dans le sujet, la bataille de Waterloo et celle de Wagram, «Waterloo fut la Berezina de Balzac», ses Scènes de la vie militaire restées au stade éternel de projet; reproches et compliments, compliments qui sont des reproches et inversement, qu'est-ce que le style... Mais enfin il semble qu'ils s'aimaient bien.

Que j'aime cette bibliothèque. C'est drôle de se dire qu'au même moment dans Paris doivent se tenir des dizaines de conférences identiques, professeurs invités par des associations des amis de Trucmuche, tout cela gratuit, gratuit, qu'ai-je fait de ma jeunesse, ils me font rire ceux qui regrettent leurs nuits blanches et leurs beuveries, s'ils savaient ce que je regrette, ils seraient horrifiés.



J'ai sommeil. Ménage dans la dropbox, mails, j'ai sommeil, je finis mon thé, le linge est étendu. Je ne vais même pas avoir le courage de lire.

Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.