Alice du fromage

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Billets qui ont 'conduire' comme mot-clé.

dimanche 12 août 2012

De New Stanton à Charlottesville

Breakfeast en self-service, cette fois j'essaie le porridge à la cannelle. Acceptable. Le micro-ondes est une pièce de collection.

Sud-Est, Est. Je suis fatiguée d'entendre la voiture peiner, ma boîte de vitesse me manque. 65 miles en descente dans les virages sans rétrograder, je n'y arrive pas, cela m'effraie. Et la direction assistée est trop assistée, le volant n'est pas assez lourd, je n'ai pas l'impression de tenir les roues. Tout cela me démoralise, j'ai l'impression de non assistance à voiture en danger, elle peine et je ne peux pas l'aider. Je laisse le volant (et j'écris: hier j'ai conduit, je n'ai pas écrit).
Les oiseaux ont changé (aux chants: on ne les voit pas), les grillons sont toujours aussi présents. Plus de circulation, plus de Harley, la température s'élève peu à peu.

Traversée du Potomac (fleuve de Washington D.C.). Peut-être parce que nous sommes dimanche, peut-être parce qu'il fait beau, nous croisons beaucoup de bikers en Harley (je ne suis pas sûre que ce ne soit pas un pléonasme), dont une femme ayant derrière elle un chien portant des lunettes de soleil roses.



Pause déjeuner. Martin au McDonald, cheveux blancs, nous écoute patiemment passer commande et nous demande si nous sommes français ou belges. Plus tard, il réussira à s'éclipser de sa caisse pour nous dire qu'il est allé à Paris il y a cinq ans et nous prévenir d'être prudents sur la route: nous allions changer d'Etat et les limitations de vitesse étaient plus strictes en Virginie.

Parc national de Shenandoah, les cent miles les plus au nord de la Skyline drive, rien que le nom fait rêver (mais nous n'irons pas dans les montagnes bleues).



Un ours, trois biches, des chipmunks (Tic-Tic et Tac-Tac), un cerf, des MacMahons (papillons), des fleurs.
Au pied des chutes d'eau d'Hollow creek, à huit cent mètres de la route au bout d'un chemin très escarpé un bel exemple de... De quoi? Tolérance, intégration, melting pot? Indiennes en sari et puritaines en bonnets de tulle.

Virginie, il fait bon, le soir tombe. Nous sortons au bout de cinquante miles et non cent, la randonnée jusqu'aux cascades a pris beaucoup plus de temps que prévu et je ne veux pas arriver trop tard chez Ruth.

Soirée comment dire? Soirée souvenirs. Photos, moi à dix-sept ans à Virginia Beach, moi à trente-et-un an sur la Tour Eiffel (J-179 avant l'an 2000, c'est noté sur la photo (c'est la dernière fois que j'avais vu Ruth)) que je n'avais jamais visitée avant d'y accompagner Ruth... Les enfants sont séduits par sa gentillesse (et O. par le fait qu'elle chasse les écureuils au pistolet à eau (pour protéger ses oiseaux)), et moi je n'en reviens pas d'avoir autant de chance. Tout ça parce qu'à dix-sept ans, quand il a fallu écrire une lettre de présentation pour les familles d'accueil, j'ai écrit quatre pages au lieu d'un quart... Et j'ai été envoyée chez Ruth.

jeudi 9 août 2012

Amherst et Arrowhead

Je tape en voiture. C'est très pratique. Je suis installée au milieu à l'arrière et la clim me souffle sur les genoux, la sortie d'air est camouflée autant que possible par une casquette. Je suis en jean, j'ai découvert hier que les peaux collaient trop pour être trois en short côte à côte sur le siège arrière (jusqu'ici j'avais presque toujours conduit, préférant que ce soit H. qui prenne la responsabilité du pilotage: en cas de problème il proclame que la carte est fausse (ce qui peut être vrai), tandis que si je pilote je me plains de ne rien comprendre à la carte (et c'est sans doute que la carte est incompréhensible, mais il me reste toujours un doute).
Le problème de cette place arrière est qu'elle est légèrement surélevée, ce qui fait que j'ai le rétroviseur en face des yeux. Mais à part ça, ce n'est pas mal comme place.

Nous roulons depuis huit heures du matin vers l'ouest. Nous avons traversé (ou contourné, selon les interprétations: suivi la route) Concord, où se trouve le cimetière de Sleepy Hollow (Emerson, Thoreau, Alcott, Hawthorne sont enterrés là (les "transcendantalistes")). Le paysage change lentement, nous montons, nord des Appalaches.

Surprise en sortant de la voiture: nous avons regagné les degrés perdus à Boston et Gloucester, il fait aussi chaud qu'à New York, avec la même impression d'humidité.

Excellente visite de la maison d'Emily Dickinson, avec la même question du guide que celle que nous avons eu hier aux Sept pignons: «Qui connaît Emily Dickinson?» Nous sommes deux à lever la main (quel motif guide la visite des autres? Cela m'intrigue). La visite s'appuie sur des poèmes et des lettres d'Emily Dickinson, présentée comme le poète (en passe d'être reconnu) le plus important des Etats-Unis (pensée pour Whitman), dont la maison attire des visiteurs du monde entier (il est émouvant d'imaginer des gens du monde entier converger vers Amherst au nom d'Emily Dickinson, comme il est émouvant d'avoir vu des Argentins, des Australiens ou des Japonais trouver la route de Cerisy, guidés par un instinct mystérieux et sûr (je songe aux saumons remontant les cours d'eau, aux anguilles traversant l'Atlantique: quel instinct guide les intellectuels amoureux?))

Le père d'E. Dickinson avait promis à sa future épouse "un bonheur rationnel" (a rational happiness).

Et tandis que j'écris cela midi est passé, nous avons déjeuné et repris la voiture. Nous roulons vers Pittsfield. Nous continuons de gagner peu à peu en altitude, le bleu du ciel devient très pâle; parfois la route atteint un plateau — prairies et maisons, toujours en bois —, puis monte encore entre les arbres tandis que des montagnes se dessinent devant nous — des montagnes basses, impression de Vosges.

Emily avait un frère aîné et une sœur puînée. Enfant, elle habita une maison près du cimetière, et la guide de commenter: «Elle voyait au moins un enterrement par jour (death by the window), ce qui a sans doute impressionné sa nature sensible d'enfant».
Personne ne sait exactement pourquoi elle se mit à s'habiller en blanc, mais la guide remarque en riant que c'était une option plus hygiénique que le noir, car les taches se voient aussitôt. Dans le même temps elle ne sortit plus de la maison. Il faut dire que sa robe ressemblait plus ou moins à une chemise de nuit et était loin des jupons et corsets requis par l'habillement féminin en société. Elle intriguait ses voisins qui cancanaient, elles s'en moque dans ses lettres (mais je n'ai pas compris les lettres-poèmes; dès que la syntaxe se désarticule, je me perds à l'oral).

Nous ne possédons que les lettres envoyées par Emily Dickinson, car sur son lit de mort elle a demandé à ce que celles qu'elle avait reçues soient détruites. Concernant ses poèmes (sa famille et ses amis savaient qu'elle écrivait, ce n'était pas un passe-temps mais une occupation à plein temps, elle envoyait des poèmes, elle en offrait pour les anniversaires), sa sœur dut faire un choix, car E. Dickinson n'avait émis aucun souhait. Finalement les lettres furent rassemblées et les poèmes publiés, avec beaucoup de difficultés car il en existait de multiples versions.

Une salle est destinée à montrer la façon dont E. Dickinson travaillait au cours des mois, reprenant un poème, ajoutant une croix et une sorte de note de bas de page lorsqu'elle songeait à un autre mot possible: elle ne choisissait pas, ce qui a reporté sur les éditeurs la responsabilité d'établir la version "définitive" (''qui évidemment dans ses conditions n'existe pas. Il existe une édition annotée qui présente toutes les notes et versions possibles. C'est un livre de référence universitaire qui coûte une fortune (pense la guide qui nous en donne le prix que je n'ai pas compris)'').
Nous sont montrés aussi l'absence de titre des poèmes (les 1775 poèmes sont référencés par leur premier vers), l'usage des majuscules, des tirets, de la ponctuation en général, des fausses rimes (assonances).
Je suppose que la guide doit être doctorante. Je n'ose pas discuter. Il va être temps que je prenne de vrais cours de conversation en anglais (Echange: conversation sur Proust en français contre conversation en anglais sur Joyce, Pound ou Melville.)

L'association a plusieurs projets: reconstituer la bibliothèque d'Emily Dickinson dont elle possède l'inventaire en faisant appel à tous les bibliophiles qui trouveraient par hasard (ou pas) un de ses livres chez un bouquiniste ou une vente par lot (cela s'est déjà produit et elle en a déjà récupérés) et remonter la serre (E. Dickinson était une botaniste éclairée) dont elle possède les panneaux de verre d'origine et les plans.

Dîner après avoir dépassé Albany. Orage. Nous venons de perdre dix degrés, de trente à vingt. Nous suivons l'Hudson (prise de conscience que nous sommes exactement à la vertical de New York (ça y est, je me souviendrai de quel côté est la rivière: ouest de Manhattan): le Massachussets est l'État qui déborde à l'Est de la verticale de l'Hudson). Panneau: Utica 48 miles.





Le pare-brise de la voiture est propre: où sont les insectes?

J'achète des livres, les poèmes, les lettres (édités par Johnson, puisque ''Travers Coda'' indique que c'est lui qui a établi la première édition respectant l'utilisation des tirets), une biographie.

Il ne pleut plus. Ciel dégagé, soleil couchant.





Ensuite direction Arrowhead près de Pittsfield pour voir la maison de Melville (pour des photos d'Arrowhead (et autres sites littéraires et artistiques), voir ici). Je suis un peu déçue de ne pas y trouver la correspondance Melville-Hawthorne que j'attendais là après mon échec aux Seven Gables hier. La visite guidée commence dans vingt minutes, nous discutons avec l'homme au comptoir. La conservation de la maison dépend entièrement des visiteurs (elle reçoit parfois un legs) (à Déborah qui me dit que les tee-shirts sont chers, je réponds que c'est un moyen de soutenir l'association) et le caissier trouve la saison bonne pour l'instant: 64 visiteurs hier, un jour de semaine.

La visite m'apprend des détails que je saurais sans doute si j'avais lu la biographie traduite par Patrick (celle de Mumford) et je culpabilise un peu.
A l'horizon, au nord, le mont Greylock est presque invisible dans la brume de chaleur. Nous apprenons que le père de Melville était riche, que sa femme était hollandaise, et que Melville comme sa femme avaient des héros de la guerre d'Indépendance dans leurs ancêtres. L'un d'entre eux a participé à la Boston tea party.

Le père de Melville est mort ruiné, et Melville dut travailler à onze ans. Il fit plusieurs métiers, dont celui de garçon de ferme chez son oncle Thomas dans la région d'Arrowhead, ce qui explique que Melville songea à cette région quand il fut devenu célèbre et riche après la publication de Typee. (Sans doute paya-t-il la maison deux fois son prix tant il était anxieux d'acquérir Arrowhead, qui était alors une petite ferme en activité.)
Il n'y avait alors aucun arbre sur le terrain car le bois était vendu pour faire du charbon, et les pins que nous voyons, plus que centenaires, ont été plantés par Melville (une photo montre les pins plus petits que les hommes).

Melville arriva dans la ferme avec le manuscrit de Moby Dick qu'il déclarait alors terminé. Mais il y travailla encore un an et l'on pense que l'influence d'Hawthorne, qui habitait à quelques miles et qu'il rencontra au cours d'une promenade, l'amena à remanier profondément le manuscrit.
C'est sa femme qui se chargeait de mettre ses brouillons au propre, il y eut sans doute des erreurs de transcription que nous ne pouvons retrouver car il ne reste aucun manuscrit. Sans doute Melville les a-t-il détruits, car dès qu'il avait fini un livre il s'en désintéressait, laissant sa femme et sa sœur s'occuper de la relecture et de la publication. Les généticiens travaillent aujourd'hui à partir de l'édition américaine, considérée comme plus fiable que les éditions anglaises.

Les romans suivants furent des échecs et une dizaine d'années après, Melville dut revendre Arrowhead à son frère. Sa femme, sa sœur et un homme de loi (j'ai oublié son nom) furent des soutiens constants tandis que sa mère lui enjoignait de trouver "un vrai travail", ce qu'il fit pendant les dix-neuf dernières années de sa vie. Il mourut oublié et ce n'est qu'en 1923, après que sa dernière fille, Fanny, eut donné le manuscrit de ''Billy Budd'' à un critique, que son œuvre commença à être lentement réévaluée.

La maison ne comprend presque rien ayant appartenu à Melville; elle a été transformée après sa vente: puisque Melville était un écrivain raté, il n'y avait aucune raison de conserver quoi que ce soit en particulier.

Je découvre qu'il est possible de soutenir les baleines en payant pour une plaque d'immatriculation particulière. Le mont Greylock est à une demi-heure, mais à cette heure-là la route doit être fermée (??). Il est le point le plus haut du Massachussets.

Au moment de partir, un homme sur le parking nous voyant cartes déployées nous donne quelques indications:
— Vous voulez la route la plus rapide ou des lieux intéressants?
— La plus rapide, nous avons déjà fait beaucoup de détours, nous venons d'Amherst.
— Ah oui? Qu'avez-vous visité?
— La maison d'Emily Dickinson.
— Ma femme y travaille.
J'ai vraiment l'impression que tous ces gens sont des universitaires bénévoles.

Nous dînons dans un fast-food sur la route 90. En sortant j'aperçois une sorte de journal gratuit, HotelCoupons. Comme un ami nous avait prévenu que le couponing est pratiquement une monnaie parallèle aux Etats, je l'attrape en passant.
C'est ainsi que nous dormons dans un hôtel entre Utica et Rome, à Oriscany.

D'après Google Maps, nous sommes à trois heures et quart des chutes du Niagara. Tout le monde nous dit que c'est plus beau du côté canadien, mais je ne crois pas que nous puissions traverser la frontière avec la voiture de location. Pour une raison que j'ignore, l'étude de location de maxi-camping-car m'avait appris que les loueurs l'interdisaient formellement.

H. me dit qu'il ne montera pas dans les bateaux qui s'approchent des chutes: l'année dernière l'un d'entre eux c'est retrouver sous la chute et les passagers sont tous morts. De même, il y a trois semaines, un homme s'est assis sur la balustrade de sécurité et est tombé en arrière: mort. (Je précise que c'est H. qui veut voir les chutes.)
C'est un point qui contredit l'idée que l'on se fait des Américains qui seraient "tout sécuritaires": nous constatons plutôt l'inverse, vos actes sont de votre responsabilité, vous êtes prévenus de ce qui peut vous arriver, et ensuite, à vous de choisir votre comportement (par exemple, j'ai été surprise qu'on ne vérifie pas mon permis de conduire: mari et femme peuvent conduire, je suppose que si je conduis sans permis, c'est mon problème. De même, les piscines ne sont pas surveillées dans les hôtels, c'est écrit en gros, les consignes sont affichées, et ensuite, à dieu vat.

Dans la voiture

Première voix: — Bump !
Deuxième voix: — Aïe !
Première voix: — Ah oui.
Explication: «Bump» est le mot lu à haute voix par le conducteur intrigué, mot inscrit sur de gigantesque panneaux orange fluorescent (couleur post-it, dit H.). «Aïe» est le cri du passager surpris par le soudain décroché des roues sur la chaussée déformée. «Ah oui» est le constat satisfait du conducteur qui vient de comprendre la signification du panneau: dos d'âne ou nids de poule.

Panneau sur le bord de la route signalant des locaux à louer: «Si votre bureau était ici, vous seriez arrivé» (ce qui m'évoque «Les nouvelles vont vite» du Chat consultant un plan et lisant «Vous êtes ici» (cf. également, pour une référence plus littéraire, l'oncle dans Tristam Shandy «Où avez-vous été blessé? — Ici.»))

Dans un autre genre, j'adore «Adopt a highway» (adoptez une autoroute), qui me rappelle une émission politique au moment des élections en France dans laquelle un commentateur expliquait que pour le reste des Européens, Sarkozy était socialiste (et que l'élection de Hollande ne changerait donc pas grand chose à l'équilibre à l'intérieur de l'Union européenne): je crois qu'un Français ne peut pas réellement se rendre compte de ce que signifie la non-intervention de l'Etat. Pas un magasin ou un fast-food qui ne nous propose de "supporter" une cause ou une famille (ce matin en prenant des doughnuts, une affichette proposait d'assister à un concert de soutien à une famille dont la maison a été ravagée par les flammes en juillet (photo à l'appui), tous les musées ou maisons que nous avons visités proposent de devenir membre de leur association (ce qui existe également en France, certes, mais moins systématiquement: le Louvre ou l'association des amis d'Eugénie de Guérin, mais pas Chambord ou Chenonceau)).

"Do not pass": il est interdit de doubler (ça n'a l'air de rien, mais nous avons mis un certain temps à comprendre ce que cela signifiait. (Non ça n'a pas d'importance de ne pas l'avoir compris plus tôt: à part sur les autoroutes, où chaque file avance à son allure et où il ne s'agit pas véritablement de doubler, je n'ai vu personne doubler, et comme nous imitons les mœurs autochtones, nous n'avons jamais doublé non plus). J'aime bien leurs panneaux en noir sur fond crème.

Lecture à haute voix (partage de connaissances).
Statistiques : plus de la moitié des Américains habitent à moins de trois minutes d'un McDo.
55% des Américains exposent quotidiennement un drapeau; 20% ne possèdent pas de drapeau.
7,5% des pommes de terre cultivées aux Etats-Unis servent à McDo qui emploient 7% des salariés américains.
Les McDo sont identiques dans le monde entier. Particularités locales: de la bière en Allemagne, du vin en France, des salles séparées pour les hommes et les femmes en Arabie saoudite, pays où les McDo ferment quatre fois par jour pour la prière.
(source: Die 101 wichtigsten Fragen - Amerikanische Geschichte de Christof Mauch)

Ecrit entre Gloucester et Concord.

samedi 4 août 2012

En route

Récupéré la voiture. Ces Américains n'ont peur de rien: "enjoy!", et ils se barrent, et je me retrouve à devoir sortir la voiture (une Chrysler 300) dans la cinquantième rue, avec un camion garé en face occupant la moitié de la rue et un van blanc à moitié engagé à ma droite dans le parking dont je veux sortir (ce qui fait que je dois le contourner pour prendre la rue en sens unique à droite).
Je n'ai jamais conduit d'automatique. La voiture m'indique que je dois appuyer sur le frein en passant sur "D", je mets un certain temps à le comprendre, j'avance, je bloque la rue, les taxis klaxonnent, la voiture hoquète (ce n'est que plus tard que je comprendrai qu'elle ne peut pas caler), un black un peu affolé m'aide un instant («— Are you all right? — No, I'm French, I never drive automatic!» (j'ai ouvert la vitre sans vraiment m'en rendre compte)) à prendre le virage entre le camion et le van blanc. De hoquets en klaxons (ils ont le klaxon facile, ces New Yorkais), j'arriverai à l'hôtel.

Direction Long Island, le but est la maison natale de Walt Whitman. Bouchon dans le quartier chinois, j'ai compris qu'il ne faut pas que je me serve de ma jambe gauche, sinon je débraye, c'est-à-dire que je freine avec le pied gauche en accélérant avec le pied droit, ce qui explique les hoquets de la voiture. Sinon, elle est extrêmement agréable, une impression de vaisseau spatial, elle flotte, elle est légère, elle tourne court, les rues sont larges, il y a de la place, ça change tout.
Nous passons sur Brooklyn Bridge, en travaux. Je comprends enfin pourquoi on parle d'un magnifique point de vue du milieu du pont: il y a une voie piétonne au centre, entre les voies pour voiture. Je n'ose imaginer la chaleur (il est 1 p.m., le soleil cogne sur bitume, le pare-brise est brûlant).
Brooklyn, le Queens, quartiers tranquilles, puis friches industrielles, casses de voitures, autoroute, cimetières, golf, hôpitaux; trop tard, nous n'y arriverons pas à temps (4 p.m.), nous continuons.

Le musée est encore ouvert, il ouvre une heure plus tard le samedi, miracle.
Nous visitons une maison minuscule guidés par un jeune homme enthousiaste. Je suis impressionnée par les catastrophes qu'a affrontées la maison: un ouragan ou une tempête (j'ai compris son nom, Anne, mais pas l'année (j'ai des problèmes avec les chiffres)) a noyé le rez de chaussée et le plancher n'est plus d'origine, à l'étage les vitres ont été cassées par une tornade, et une pièce attenante a brûlé.
La maison est minuscule et plaisante, avec une jolie pelouse close par une palissade en bois.

— Connaissez-vous l'expression mad as a heater hatter?
— Oui, c'est de Lewis Carroll, "le chapelier fou"*.
Le jeune homme est interloqué, il ne nous comprend pas, puis rit quand il a compris:
— En fait, la technique de fabrication des chapeaux utilisait du mercure, ce qui empoisonnait les chapeliers qui devenaient fous.
(Et je suis stupéfaite et enchantée de découvrir que Carroll n'avait pas inventé l'expression, mais l'avait utilisée au premier degré.)

Long Island, autoroute dans l'autre sens, nous prenons la direction Cape Cod, deux péages successifs, magnifique vue sur Manhattan au loin dans la brume à partir de Throgs Neck Bridge. De l'autre côté, Manhasset Bay est piquetée de voiliers, c'est magnifique.

Soirée une fois encore cinématographique, motel de Terminator ou de No Country for Old Man près de Milford sur la 95 (sortie Post Road North), burger dans un steakhouse avec une dizaine d'écrans passant cinq ou six chaînes (dont les JO et du baseball), des photos noir et blanc de baseball et football américain et du rock en fond sonore. Et le meilleur hamburger que j'ai jamais mangé.





Et comme je n'en suis plus à un cliché près, NCIS passe à la télé quand nous rentrons.


* en français dans la conversation.
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