jeudi 20 décembre 2012
Entraînement
Par Alice, jeudi 20 décembre 2012 à 21:56 :: 2012
La Seine est en crue et il pleut.
Je secoue ma flemme et je vais faire de l'ergo (ergonomètre = rameur). J'oublie de prendre un souku et comme d'habitude je m'écorche la peau au niveau du coccyx (proéminant depuis une chute de ski de fond vers douze ou treize ans): une semaine à m'assoir en réprimant (ou pas) un "aïe".
Au moment de partir, un important groupe de jeunes gens arrivent, sweat noir, armes jaunes que je n'identifie pas. J'interroge Vincent du regard: «C'est Polytechnique», me répond-il avec une moue significative.
Comme j'ai l'habitude du sentiment bien français envers les étudiants et diplômés des grandes écoles, l'X, l'ENA et Normale Sup en tête — mélange de complexe d'infériorité, d'envie et de méfiance envers les meilleurs de la classe —, je n'y accorde pas d'attention particulière, quand je me souviens brusquement d'une anecdote racontée par Vincent quelques semaines plus tôt.
Ayant accepté pour rendre service de remplacer l'entraîneur habituel des X, il leur avait préparé un programme d'entraînement progressif accordé à leur niveau. Le leur ayant exposé, il s'était entendu répondre: «Non, nous ne ferons pas cela, nous avons voté démocratiquement et nous avons choisi de… (etc)».
En racontant cela ici, je me demande si ceux qui me liront saisiront la bêtise de cette réponse, son manque de pertinence, son absolue méconnaissance de ce qu'est le sport, sa lente austérité et sa nécessaire humilité[1]. C'est dommage de faire de l'aviron sans avoir cette intuition fondamentale. L'eau se chargera de la leur apprendre mais ils ne vont pas progresser très vite (les mêmes l'année dernière avaient déclaré à leur entraîneur qu'ils voulaient participer à je ne sais plus quelle épreuve oxfordienne. Entre découragement et amusement, Constanza (ancienne championne roumaine) avait conclu: «Ils ne se rendent pas compte, c'est vingt kilomètres d'entraînement tous les jours, pas dix une fois par semaine.»)
Notes
[1] au moins à notre niveau. Je ne comprends pas exactement ce qu'il en est des grands footballeurs qui paraissent dans le caprice permanent. Peut-être est-ce leur bulle de décompression. Mais enfin, il s'agit d'un autre monde.