mercredi 1 novembre 2023
Aller-retour Blois
Par Alice, mercredi 1 novembre 2023 à 23:15 :: 2023
J'ai le projet de voir mes parents plus souvent — parce que le temps passe et que j'ai peur de les perdre — que j'ai la douloureuse et terrifiante certitude que je vais les perdre. J'espère qu'ils ne le voient pas trop, mais ils s'en doutent forcément — on ne passe pas impunément de presque jamais à quelques fois.
Journée tranquille à regarder les montages de papa sur leurs derniers voyages. C'est amusant de constater la façon dont ils se sont mis à visiter les villes, eux qui ne baroudaient que dans les jungles ou les savanes. Salzburg, Milan, Varsovie… et toujours au moment où on ne s'y attend pas, un oiseau à tête noire, un bison, un lynx.
Un tout petit monde: «Lui, il avait été notre guide en Espagne, et on l'a rencontré en Pologne.»
«Il y avait un Français, il est spécialiste des lynx. Il prend l'affût; dans le Jura, en dix ans, il en a vu trois, alors en Espagne, il était content. Les lynx hispaniques avaient quasi disparu jusqu'à ce qu'une propriétaire terrienne en réintroduise sur ses terres — avec des lapins. Les lynx sont petits, ils ne mangent que des lapins.»
Le gibier en France appelle ce commentaire: «Il n'y en avait plus du tout après la guerre, ça a pris cinquante ans, les premières biches qu'on a vues en Sologne, ça devait être en 80».
Maman s'est fait mal au genou, il est très enflé, et ça dure (et empire) depuis l'été. Elle se plaint du manque de médecins, de la durée pour avoir un rendez-vous. Les gouttes de papa pour son glaucome: «la boîte ne contient qu'un mois de traitement: pourquoi pas trois ou six?»
Ça l'exaspère. Je ne sais que dire, je sais le nombre de fois où je ne vais pas chez le médecin par flemme (juste en ce moment, j'aurais sans doute besoin d'un traitement antibiotique pour couper court à l'infection, mais je ne sais pas où aller, et il faudrait poser une journée de congé. Ça finira sans doute comme ça si ça continue à faire mal). Ils sont plus âgés, il est nécessaire qu'ils soient suivis.
Papa ne dit rien, mais je l'ai vu grimacer dans la cuisine. Ses vertèbres lombaires se calcifient et pincent le nerf des jambes, parfois il ne sent plus ses pieds. Un chirurgien propose de l'opérer. Il réfléchit.
Je leur montre le dossier de naturalisation des parents de papa. A ma surprise, cela les intéresse. Je n'aurais pas cru.
Nous rentrons dans la nuit. Maman nous a donné un trèfle rouge (oxalis) en pot, de la confiture de figues et de questches. Il ne pleut pas. Il est prévu une tempête demain.
Journée tranquille à regarder les montages de papa sur leurs derniers voyages. C'est amusant de constater la façon dont ils se sont mis à visiter les villes, eux qui ne baroudaient que dans les jungles ou les savanes. Salzburg, Milan, Varsovie… et toujours au moment où on ne s'y attend pas, un oiseau à tête noire, un bison, un lynx.
Un tout petit monde: «Lui, il avait été notre guide en Espagne, et on l'a rencontré en Pologne.»
«Il y avait un Français, il est spécialiste des lynx. Il prend l'affût; dans le Jura, en dix ans, il en a vu trois, alors en Espagne, il était content. Les lynx hispaniques avaient quasi disparu jusqu'à ce qu'une propriétaire terrienne en réintroduise sur ses terres — avec des lapins. Les lynx sont petits, ils ne mangent que des lapins.»
Le gibier en France appelle ce commentaire: «Il n'y en avait plus du tout après la guerre, ça a pris cinquante ans, les premières biches qu'on a vues en Sologne, ça devait être en 80».
Maman s'est fait mal au genou, il est très enflé, et ça dure (et empire) depuis l'été. Elle se plaint du manque de médecins, de la durée pour avoir un rendez-vous. Les gouttes de papa pour son glaucome: «la boîte ne contient qu'un mois de traitement: pourquoi pas trois ou six?»
Ça l'exaspère. Je ne sais que dire, je sais le nombre de fois où je ne vais pas chez le médecin par flemme (juste en ce moment, j'aurais sans doute besoin d'un traitement antibiotique pour couper court à l'infection, mais je ne sais pas où aller, et il faudrait poser une journée de congé. Ça finira sans doute comme ça si ça continue à faire mal). Ils sont plus âgés, il est nécessaire qu'ils soient suivis.
Papa ne dit rien, mais je l'ai vu grimacer dans la cuisine. Ses vertèbres lombaires se calcifient et pincent le nerf des jambes, parfois il ne sent plus ses pieds. Un chirurgien propose de l'opérer. Il réfléchit.
Je leur montre le dossier de naturalisation des parents de papa. A ma surprise, cela les intéresse. Je n'aurais pas cru.
Nous rentrons dans la nuit. Maman nous a donné un trèfle rouge (oxalis) en pot, de la confiture de figues et de questches. Il ne pleut pas. Il est prévu une tempête demain.