mercredi 7 juin 2006
L'art peut-il lutter contre le spleen?
Par Alice, mercredi 7 juin 2006 à 07:26 :: 2006
(J'aime bien ces titres ampoulés comme des sujets de dissertation.)
La lassitude de Tlön ou celle de Guillaume me rappelle cette constatation déjà ancienne : la littérature ne peut rien, ou pas grand chose, ou pas pour moi, contre les idées noires, la mélancolie, l'impression de se heurter aux parois de son être ou du monde. Je ne sais pas si c'est tout le monde, je n'ai jamais demandé.1
J'ai essayé à plusieurs reprises de faire une liste de livres pour lutter contre les périodes de découragement, d'ennui ou de lassitude, une liste de livres qui donnent de la gaieté, de la joie de vivre, qui influent de l'énergie, une liste de livres littéraires qui rendent joyeux.
Je n'y suis pas parvenue. Je peux trouver des livres apaisants, des livres qui font rêver ou rire, mais rien de suffisamment profondément joyeux pour qu'il en reste une envie de vivre une fois le livre refermé.
J'ai essayé : La conjuration des imbéciles est très drôle, mais il y a quelque chose de triste dans le sort de héros, dans la façon dont nous ne pouvons pas, nous ne pourrons pas l'aimer, Le Maître et Marguerite, drôle, sort consolant de Ponce Pilate, destin doux des héros positifs, mais grinçant puisque les situations les plus absurdes ou comiques font référence à la réalité soviétique (il faudrait ne pas connaître cette correspondance avec la réalité historique), Feu pâle, drôlerie de cette histoire folle, mais justement c'est une folie, les poèmes de Cavafy, merveilleux mais pas gais, la Chasse au Snark, sans doute ce que je préfère, mais dont la fin pince un peu malgré tout, les souvenirs d'Evguénia Guinzburg, (Le Vertige et Le Ciel de la Kolyma) jamais amers, profondément humains et sages, qui réussissent à vous convaincre que tout cela vaut la peine, finalement, malgré tout. Mais ce ne sont pas des souvenirs qui rendent gais. Peut-être certaines pièces de Shakespeare? Je ne le connais pas assez, il y a peut-être là une piste.
Difficile d'apporter des livres à un malade, par exemple : un peu de poésie, parce que ça se lit sans suite, La vie, mode d'emploi, parce que c'est gros mais que chaque chapitre peut se lire indépendamment, Notes sur les manières du temps, parce que les titres des chapitres à eux seuls suffisent à faire rire ou rêver.
Toute poésie, toute littérature (tout art?) bien menées nous racontent la condition humaine, avec donc la mort à contre-jour, le temps, le vieillissement…
Je ne connais pas de livre "littéraire" qui apporte de la gaieté et donne de l'énergie. Les livres peuvent apaiser ou faire rêver. La présence des livres suffit à m'apaiser: une après-midi en bibliothèque (à condition que le mobilier ne soit pas moderne) ou en librairie suffit à calmer l'inquiétude qui me ronge parfois. Il ne s'agit pas de lire, mais d'être debout parmi les livres. C'est suffisant. Ils sont tous là , à disposition, le temps ralentit, le cœur aussi. Nulle inquiétude à l'idée qu'on ne pourra tous les lire, puisqu'ils sont là , et sérénité de savoir qu'il nous survivront: nous mourrons, ils seront encore là . Je ne connais pour la gaieté que le n'importe quoi, l'absurde sans prétention. J'ai une prédilection pour les héros qui n'abandonnent jamais et s'en sortent toujours, Blueberry ou Thorgall ou Bruce Willis. J'aime les livres de la collection L'école des loisirs. Je regarde les robes des stars dans Gala et Point de vue (Guillaume, rassure-toi, il y a longtemps que je ne sais plus qui sont toutes ces stars, notamment les chanteuses. Je ne connais que leurs noms.) Je regarde quatre épisodes de ''Starky et Hutch'' (vivent les DVD) ou des ''Têtes brûlées''. Je prie pour qu'un jour sorte la série des "Happy days", avec Richie le gentil et le dieu Fonzy. Une heure de rock m'infue davantage de vitalité qu'une heure de musique classique. La peinture, grâce à la couleur, peut être plus efficace: si l'on choisit soigneusement sa toile de Rotkho (par exemple), on peut y puiser de l'énergie.
Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire, finalement. J'ai du mal à lire ce que je n'ai jamais lu, j'ai peur d'ouvrir un nouveau livre, quel poids nouveau de malheur, de mélancolie ou de réflexions douces-amères va-t-il m'apporter? Et c'est ainsi que je me suis détournée des romans, par fatigue, par appréhension. Les essais ou les livres théoriques sont bien moins prenants, demandent moins de force vitale.
Note
1 : M. Duras, L'Amant.
La lassitude de Tlön ou celle de Guillaume me rappelle cette constatation déjà ancienne : la littérature ne peut rien, ou pas grand chose, ou pas pour moi, contre les idées noires, la mélancolie, l'impression de se heurter aux parois de son être ou du monde. Je ne sais pas si c'est tout le monde, je n'ai jamais demandé.1
J'ai essayé à plusieurs reprises de faire une liste de livres pour lutter contre les périodes de découragement, d'ennui ou de lassitude, une liste de livres qui donnent de la gaieté, de la joie de vivre, qui influent de l'énergie, une liste de livres littéraires qui rendent joyeux.
Je n'y suis pas parvenue. Je peux trouver des livres apaisants, des livres qui font rêver ou rire, mais rien de suffisamment profondément joyeux pour qu'il en reste une envie de vivre une fois le livre refermé.
J'ai essayé : La conjuration des imbéciles est très drôle, mais il y a quelque chose de triste dans le sort de héros, dans la façon dont nous ne pouvons pas, nous ne pourrons pas l'aimer, Le Maître et Marguerite, drôle, sort consolant de Ponce Pilate, destin doux des héros positifs, mais grinçant puisque les situations les plus absurdes ou comiques font référence à la réalité soviétique (il faudrait ne pas connaître cette correspondance avec la réalité historique), Feu pâle, drôlerie de cette histoire folle, mais justement c'est une folie, les poèmes de Cavafy, merveilleux mais pas gais, la Chasse au Snark, sans doute ce que je préfère, mais dont la fin pince un peu malgré tout, les souvenirs d'Evguénia Guinzburg, (Le Vertige et Le Ciel de la Kolyma) jamais amers, profondément humains et sages, qui réussissent à vous convaincre que tout cela vaut la peine, finalement, malgré tout. Mais ce ne sont pas des souvenirs qui rendent gais. Peut-être certaines pièces de Shakespeare? Je ne le connais pas assez, il y a peut-être là une piste.
Difficile d'apporter des livres à un malade, par exemple : un peu de poésie, parce que ça se lit sans suite, La vie, mode d'emploi, parce que c'est gros mais que chaque chapitre peut se lire indépendamment, Notes sur les manières du temps, parce que les titres des chapitres à eux seuls suffisent à faire rire ou rêver.
Toute poésie, toute littérature (tout art?) bien menées nous racontent la condition humaine, avec donc la mort à contre-jour, le temps, le vieillissement…
Je ne connais pas de livre "littéraire" qui apporte de la gaieté et donne de l'énergie. Les livres peuvent apaiser ou faire rêver. La présence des livres suffit à m'apaiser: une après-midi en bibliothèque (à condition que le mobilier ne soit pas moderne) ou en librairie suffit à calmer l'inquiétude qui me ronge parfois. Il ne s'agit pas de lire, mais d'être debout parmi les livres. C'est suffisant. Ils sont tous là , à disposition, le temps ralentit, le cœur aussi. Nulle inquiétude à l'idée qu'on ne pourra tous les lire, puisqu'ils sont là , et sérénité de savoir qu'il nous survivront: nous mourrons, ils seront encore là . Je ne connais pour la gaieté que le n'importe quoi, l'absurde sans prétention. J'ai une prédilection pour les héros qui n'abandonnent jamais et s'en sortent toujours, Blueberry ou Thorgall ou Bruce Willis. J'aime les livres de la collection L'école des loisirs. Je regarde les robes des stars dans Gala et Point de vue (Guillaume, rassure-toi, il y a longtemps que je ne sais plus qui sont toutes ces stars, notamment les chanteuses. Je ne connais que leurs noms.) Je regarde quatre épisodes de ''Starky et Hutch'' (vivent les DVD) ou des ''Têtes brûlées''. Je prie pour qu'un jour sorte la série des "Happy days", avec Richie le gentil et le dieu Fonzy. Une heure de rock m'infue davantage de vitalité qu'une heure de musique classique. La peinture, grâce à la couleur, peut être plus efficace: si l'on choisit soigneusement sa toile de Rotkho (par exemple), on peut y puiser de l'énergie.
Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire, finalement. J'ai du mal à lire ce que je n'ai jamais lu, j'ai peur d'ouvrir un nouveau livre, quel poids nouveau de malheur, de mélancolie ou de réflexions douces-amères va-t-il m'apporter? Et c'est ainsi que je me suis détournée des romans, par fatigue, par appréhension. Les essais ou les livres théoriques sont bien moins prenants, demandent moins de force vitale.
Note
1 : M. Duras, L'Amant.