Billets qui ont 'Tallinn' comme ville.

De Tallinn à Jegalva en passant par Urvaste

Les journées de transit sont toujours difficiles.

Les barres soviétiques à Väike-Õismäe. Pas si mal voire bien.
Autoroute pour Urvaste. Il fait bon. H. conduit. Je fais des cartes Popcartes. C'est long (de faire une popcarte).
Saverna buffik sur la route. Inattendu et d'autant plus inattendu qu'on va y entendre successivement à la radio L'été indien de Dassin et Evidemment de France Gall en estonien (du moins je suppose).
Chêne de Tamme-Lauri. Plus vieux chêne d'Europe. H. pas enthousiaste.
Je prends le volant. Podcast sur les migrants. François Héran. Des statistiques qui me font rire.
H. de mauvaise humeur. Il roule trop vite décapoté, ça fait du vent et du bruit, ça le fatigue et il devient de mauvaise humeur. C'est moi que ça fatigue.
Je décide de nous arrêter à Jegalva. Bouchons dans le sud de Riga. Routes mauvaises et Lettoniens chauffards.
— Mets ton clignotant. Ils le voient bien, que tu n'es pas d'ici. Ils vont te laisser passer.
Jegalva. Hôtel amusant, entre années 50 et 70, avec un côté Shining. Pour une fois la serveuse ne connaît pas l'anglais.

Quelques jours plus tard, j'apprendrai que c'est ici (et non sur la presqu'île de Courlande comme je le pensais) qu'a résidé Louis XVIII pendant son exil. Zut, on aurait au moins pu passer devant son château).

Tallinn 2

Epuisés hier + mariage => réveil tard. Je demande un massage comme le propose l'hôtel => attente vaine toute la matinée à l'hôtel. Tant mieux : repos. J'avance dans ma lecture des Âmes baltes (dilemme: lire ou écrire ou classer des photos?)
La citation de Brokken sur la langue que font apprendre les parents estoniens.
Varblane Terrace. Les Estoniens ont le sens du thé.
Les choeurs sur la place. Fête nationale ukrainienne.
Musée des marionnettes, Nukk museum.
Tour guidé. Guide étudiant russe. Histoire du type qui ne voulait pas vendre son terrain au cœur de la ville. Les deux villes, la ville haute et la ville basse, qui se détestaient. C'est aussi le cas aujourd'hui entre le maire et ?? le premier ministre?
Le soir, repas sur la tour de la télé. Décor de science-fiction. Serveur grec à Tallin par amour. Science-fiction bis.

Tallinn 1

Résumé de la journée: des kilomètres à la recherche d'une laverie automatique.

Réveil en fanfare. Lol.
De beaux hommes. Estonie terre des beaux hommes.
Longue errance en fonction des adresses Google. Pressing chic puis laverie industrielle. Quartiers non touristiques. Maisons des "vrais gens", sans doute upper-middle-class puisque pas appartements.
Restaurant salon de thé sans doute de quartier (nom à retrouver). Site likealocalguide.
Il fait frais. Canicule en France.
H. trouve un lavomatic à Tallinn (adresse précieuse: SOL Laundromat Wash SelfService, Maakri 23). Trois heures de libre, les employées (lavandières?) s'occupent de tout.
KUMU, le musée d'art moderne. Autre trajet dans la ville, quartier chic.
Un long moment au musée. Noms inconnus. Il faudrait tout lire pour savoir qui travaillait sur place, qui travaillait en exil.
Découverte du concept de hippies soviétiques (??!!!)
Retour au lavomatic. Loin. Epuisés, mal aux pieds, mal partout.
Café Paris, les touristes mangent n'importe quand. (quelques lignes à écrire sur le pourquoi). Nous reprenons des forces. J'étudie likealocalguide.
Repas léger et heureux au caniche noir, à côté de l'institut français. Très beau glaçon.

Nous rentrons épuisés. La règle du remplissage des chambres d'hôtel.
Il y a un mariage à l'hôtel.

Estonie

Journée de transit entre Riga et Tallin. Des camions, mais raisonnables. Belle route.
H. s'est piqué ce matin pour recaler progressivement sa piqûre au lundi soir. Nausées.
Les pieds dans la Baltique.
Arrêt au hasard dans un restaurant au bord de la route juste avant l'Estonie. Très bon moment. Jeune serveuse incrédule et ahurie devant nos cartes postales.
Hôtel Von Stackelberg à Tallin. Ancienne demeure d'un baron balte. Je découvrirai plus tard en avançant dans ma lecture des Âmes baltes que Jan Brokken y a séjourné en 2010. La peinture était encore fraîche.
Langue du groupe finno-ougarien. Impossible désormais de rien deviner. Tout est différent. Même le stop devient «stopp».
Sortie dans Tallin pour dîner. Parlement. Cathédrale russe. Les trois statues de moines, Nazgul, Dementors.
Le serveur apprend le français: la troisième langue obligatoire est soit le français, soit l'allemand. Son anglais est infinement naturel.

Lituanie, Lettonie

Petit déjeuner somptueux — le plus beau que j'ai jamais vu, reprenant les goûts anglais, américains, suisses, français, grecs, sans compter ceux que je n'ai pas reconnus.

Départ.
Nous n'avons pas l'habitude du monde. Nous voyageons peu, le plus souvent à des dates décalées sur des routes départementales. Les autoroutes de France sont-elles aussi chargées? C'est le week-end, y a-t-il des pendulations hebdomadaires en Pologne? Il y a beaucoup de monde et les Polonais ont une conduite à la française, agressive et dangereuse. Ils ont tous l'air terriblement pressés, conduisent beaucoup trop près, ne stabilisent pas la vitesse sur une des voies. Impossible de conduire au régulateur, la vitesse change tout le temps. On rencontre le même problème qu'en France: deux ou trois voies avec des vitesses beaucoup trop proches, difficile de dépasser. Se rabattre et laisser passer les plus rapides est une des clés d'une conduite aisée sur autoroute. Ici, même se caler à cent dix ou cent vingt est impossible.

A partir de Varsovie (j'ai traversé la Vistule! Ô nom magique des grands fleuves — j'ai dans la tête Cendrars et le Transsibérien) il devient évident que certains partent en week-end ou en vacances, sans doute vers Gdańsk (Dantzig, le couloir de Dantzig entre deux-guerres (et le risque que tout cela recommence avec Kaliningrad) ou Gdańsk et Solidarność la crainte et l'espoir à la maison, crainte maintenant je le comprends plus forte des adultes qui se souvenaient de Budapest et Prague — voyage dans la mémoire autant que dans le paysage) et la Baltique. Longtemps je suis une Jeep avec un magnifique canoë style pirogue indienne «comme dans les films» sur le toit.

Les voitures ont changé, davantage de SUV, davantage de Mercedes en Pologne qu'en Allemagne, ai-je l'impression, quelques voitures françaises. En quittant Lodz nous avons indiqué Tallinn sur Waze : mille cent cinquante kilomètres, douze heures de route. Nous avons l'impression que ça bugue, les kilomètres ne descendent pas, l'heure avance… Nous remplaçons cette destination ambitieuse par quelque chose de plus encourageant: Kaunas, qui nous permet d'être sûrs de prendre la bonne route. Bifurcation vers Łomża, «on va quitter l'autoroute, on va être plus tranquille, ça va davantage nous ressembler, on sera bien».
Et donc route plus étroite avec autant de monde, ralentissements. «Je crois que c'est dans ce coin que mes parents viennent voir les bisons» (vérification faite, c'est plus à l'est, à la frontière de la Biélorussie). Nous traversons quelques villages et Łomża. Sans connaître la langue, sans s'être renseigné sur rien, tout cela est incompréhensible: comment vivent les gens ici? Pourquoi s'être installés ici? Quel temps fait-il l'hiver? Où sont les écoles, les lycées? D'un autre côté, tout est très familier: les mêmes fleurs des champs, les mêmes arbres, le même style des immeubles de bureau.

Et soudain, après un rond-point compliqué, une autoroute vers le nord. Elle est toute neuve, n'existe pas vers le sud, n'est pas connue du GPS de la voiture. Nous sommes seuls. Nous roulons vers le nord. «Ça permettra à la Russie de nous envahir plus vite. Ou l'inverse».
A midi, arrêt vers ce qui est peut-être la dernière station-service avant la frontière. Pins de soutien à l'Ukraine (je regrette de ne pas en avoir acheté un) et magazine gratuit avec une jolie militaire en couverture. A l'intérieur, article, «la spectaculaire rénovation de l'armée polonaise» (oui, je lis le polonais quand les mots ont 80% de lettres en commun). H. me raconte que la Pologne a remis au goût du jour les défilés militaires et a récemment exposé les armes achetées à la Corée du sud.
Ce n'est pas pour rien que je voulais voir les pays baltes: combien de temps cela va-t-il tenir?

Passage de la frontière. Désolation. L'autoroute s'arrête, la route devient une départementale défoncée, quelques grands bâtiments blancs en train de lentement retourner à la poussière autour de parkings où s'éparpillent des semi-remorques. La queue des camions est cette fois-ci dans le sens Lituanie-Pologne, ouf. La route est très mauvaise, la file des voitures ininterrompue et les travaux commencent. Les Lituaniens sont en train de construire une autoroute. Le bizarre est qu'elle ne paraît pas avancer au fur à mesure, mais être en cours partout à la fois, terre damée, murs anti-bruit montés, engins de chantiers monstrueux et abandonnés (parce que c'est samedi?). Peut-être que toutes les autoroutes sont construites ainsi, et non comme l'avancée des rails sur la prairie dans les westerns? Après tout je n'en sais rien. Des kilomètres et des kilomètres de travaux. Une file, cinquante à l'heure, «mais regarde, la prochaine fois qu'on viendra, si on revient, cela n'aura plus rien à voir. C'est un moment à ne pas manquer».

Travaux, routes départementales, nous n'avançons pas, «je ne comprends pas, selon mes calculs, il manque cent kilomètres». Nous analysons le trajet et soudain j'ai une idée: n'aurions-nous pas changé de créneau horaire? Aux horloges nous sommes une heure plus tard, ce qui renforce notre impression de ne pas avancer. Nous sommes passés en Lettonie (espace Schengen, passage marqué par un panneau et le changement de l'enrobé routier), nous n'irons pas beaucoup plus loin ce soir. Direction Riga; avec difficulté je trouve une chambre, tout paraît plein.
Malgré tous ces désagréments, on est bien. L'air est doux, le paysage tranquille; il rappelle la Sologne, pins et bouleaux. Comme nous ne sommes plus ni sur autoroute, ni sur un chantier, nous voyons des maisons, croisons des villages. Le paysage redevient humain.

Arrivée à Riga dans le soleil déclinant, la Daugava magnifique. Rues larges, immeubles hauts, très décorés (Art nouveau, disent les guides). C'et charmant, même si nous sommes trop fatigués pour vraiment apprécier.
Chambre dans un hôtel tranquille, sans doute un immeuble rénové, au plafond haut. C'est joli, fonctionnel, pratique, avec un je-ne-sais-quoi de grandeur passée dans la décoration soignée. Comme je le pressentais, pas de clim, il faudra choisir cette nuit entre la chaleur et le bruit, laisser ou pas les fenêtres ouvertes (ce fut souvent le cas en 2017 dans notre tour d'Europe).
La cour intérieure laisse voir les façades d'autres immeubles, terriblement dégradées.

Nous sortons pour aller dîner dans un pub tchèque dans notre rue repéré par H. Des roses au sol attirent mon regard, je regarde: c'est un monument aux victimes du KGB.

monument aux vicitmes du KGB - Riga


«Dans cet immeuble, durant l'occupation soviétique, l'agence de sécurité d'Etat (KGB) emprisonna, tortura, tua et humilia moralement ces victimes.»
La progression dans les verbes laisse à penser.

Repas léger de poisson. H. propose de rester ici, je vais réfléchir. Retour. Je sombre dans le sommeil.
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.