samedi 5 octobre 2013
Dijon première journée
Par Alice, samedi 5 octobre 2013 à 23:51 :: 2013
Peur que quelque chose foire, que le RER ait un problème, que je perde les billets de train… je les vérifie vingt fois dans mon sac, vingt fois je ne les trouve plus…
— Maman c'est bon, tu les avais il y a trente secondes. Arrête!
Je suis contente qu'ils aient eu envie de venir.
Arrivée à Dijon sous la pluie, je malmène tout le monde pour trouver l'hôtel, en fait c'est tout simple, je ne comprends pas les commentaires de Tripadvisor qui décrivait un chemin compliqué dans la vieille ville.
La chambe est amusante (c'est une "suite"), toute de guingois sous les toits, pas une surface verticale ou horizontale. Un peu dangereux pour les grands.
Crypte de Saint Bénigne. Encore les méfaits de la Révolution. Cela me stupéfiera toujours: quelle somme de haine accumulée, comment ou pourquoi cette rage de destruction? La crypte a été dégagée, des chapiteaux et des pierres remplacées. Difficile de savoir si cela ressemblait vraiment à cela, en tout cas le travail a été effectué avec soin et amour (c'est la même chose).
L'or du Rhin et La Walkyrie. Cela n'a rien à voir avec Reims, ou du moins pas grand chose. La salle est immense (enfin, grande; immense par rapport à Reims), très agréable (je la préfère à l'opéra de Lyon, si noir); il y a beaucoup de monde dont une bonne partie parlant allemand.
Le spectacle est très bon, netteté de la ligne instrumentale qui dialogue avec les chants ou les souligne sans jamais les couvrir; netteté des voix qui articulent, netteté du décor, avec une thématique autour du livre et de l'écrit (le savoir comme trésor?).
Mention spéciale pour Siegmund/Siegfried (Daniel Brenna), Sieglinde (Josefine Weber) et surtout Brünnhilde (Sabine Hogrefe).
Les coupes ne sont pas les mêmes qu'à Reims; j'ai l'impression qu'à Reims le récit, sa cohérence, la cohérence entre les personnages et leurs interactions les uns par rapport aux autres avaient été privilégiés, alors qu'ici ce sont les "blocs" musicaux qui me paraissent mis en avant, en particulier les duos (ou plutôt les dialogues). C'est une option sans doute meilleure d'un point de vue artistique, à condition de connaître les œuvres (donc de ne pas utiliser ce Ring réduit pour découvrir la Tétralogie).
Pour le reste, le contenu du livret provoque toujours en moi la même répulsion. Il faudrait que je lise les livrets pour vérifier mes impressions, mais je suis frappée par la dimension punitive du sexe dans ces opéras, par l'importance de la pulsion de viol: Freia emmenée par les géants, Sieglinde mariée de force, Brünnhilde offerte à l'homme qui passe (avant que la sentence soit "adoucie"), Erda utilisant le mot "contrainte" (problème de traduction? "tu m'as contrainte…"), Brünnhilde parlant d'être "contrainte au plaisir et à l'amour" (demain, j'anticipe)… et cela se reflète dans les paroles de Wotan, qui voit l'acte sexuel comme une flétrissure que l'homme impose à la femme, ce qui suppose qu'il a de lui-même une bien piètre image… Freud était nécessaire de façon urgente.
Mais ce qui me choque le plus, c'est la punition de Brünnhilde: Wotan punit la pitié (après avoir espéré peu de temps avant un enfant libre qui exécute ses désirs sans qu'il intervienne…). Cela n'arrive jamais, je pense, dans la tragédie antique, dans la Bible, dans les mythes, dans les épopées. La pitié est le geste sacré qui est toujours respecté. (J'ai cherché des contre-exemples: Antigone? Mais c'est un devoir de piété qu'accomplit Antigone, piété envers un mort, pas pitié envers un vivant). Sans doute va-t-on argumenter que ce que Wotan punit, c'est la trahison de sa volonté par sa volonté (un double de sa volonté, une autre lui-même). Mais cela veut simplement dire que Wotan punit sa propre pitié. Wotan n'a pas la grandeur qui permet la pitié, il est agité de calculs, il ne vit plus au présent, mais dans un futur qu'il craint et tente de prédire (pour l'éviter ou le faire advenir? Ce n'est pas clair, il y a une pulsion suicidaire chez Wotan, et c'est d'ailleurs ainsi que cela se termine). Qu'est-ce que c'est que ce dieu?
Le vrai dieu, celui qui agit selon ce qui doit être, sans chercher à suivre un plan qui favorise ses propres intérêts, sans chercher à calculer les conséquences, qui réagit spontanément au courage de Siegmund et à sa déclaration d'amour ("garde ton walhala, je n'en veux pas sans Sieglinde") ou qui a pitié de Sieglinde et protége la vie sans défense, c'est Brünnhilde.
— Maman c'est bon, tu les avais il y a trente secondes. Arrête!
Je suis contente qu'ils aient eu envie de venir.
Arrivée à Dijon sous la pluie, je malmène tout le monde pour trouver l'hôtel, en fait c'est tout simple, je ne comprends pas les commentaires de Tripadvisor qui décrivait un chemin compliqué dans la vieille ville.
La chambe est amusante (c'est une "suite"), toute de guingois sous les toits, pas une surface verticale ou horizontale. Un peu dangereux pour les grands.
Crypte de Saint Bénigne. Encore les méfaits de la Révolution. Cela me stupéfiera toujours: quelle somme de haine accumulée, comment ou pourquoi cette rage de destruction? La crypte a été dégagée, des chapiteaux et des pierres remplacées. Difficile de savoir si cela ressemblait vraiment à cela, en tout cas le travail a été effectué avec soin et amour (c'est la même chose).
L'or du Rhin et La Walkyrie. Cela n'a rien à voir avec Reims, ou du moins pas grand chose. La salle est immense (enfin, grande; immense par rapport à Reims), très agréable (je la préfère à l'opéra de Lyon, si noir); il y a beaucoup de monde dont une bonne partie parlant allemand.
Le spectacle est très bon, netteté de la ligne instrumentale qui dialogue avec les chants ou les souligne sans jamais les couvrir; netteté des voix qui articulent, netteté du décor, avec une thématique autour du livre et de l'écrit (le savoir comme trésor?).
Mention spéciale pour Siegmund/Siegfried (Daniel Brenna), Sieglinde (Josefine Weber) et surtout Brünnhilde (Sabine Hogrefe).
Les coupes ne sont pas les mêmes qu'à Reims; j'ai l'impression qu'à Reims le récit, sa cohérence, la cohérence entre les personnages et leurs interactions les uns par rapport aux autres avaient été privilégiés, alors qu'ici ce sont les "blocs" musicaux qui me paraissent mis en avant, en particulier les duos (ou plutôt les dialogues). C'est une option sans doute meilleure d'un point de vue artistique, à condition de connaître les œuvres (donc de ne pas utiliser ce Ring réduit pour découvrir la Tétralogie).
Pour le reste, le contenu du livret provoque toujours en moi la même répulsion. Il faudrait que je lise les livrets pour vérifier mes impressions, mais je suis frappée par la dimension punitive du sexe dans ces opéras, par l'importance de la pulsion de viol: Freia emmenée par les géants, Sieglinde mariée de force, Brünnhilde offerte à l'homme qui passe (avant que la sentence soit "adoucie"), Erda utilisant le mot "contrainte" (problème de traduction? "tu m'as contrainte…"), Brünnhilde parlant d'être "contrainte au plaisir et à l'amour" (demain, j'anticipe)… et cela se reflète dans les paroles de Wotan, qui voit l'acte sexuel comme une flétrissure que l'homme impose à la femme, ce qui suppose qu'il a de lui-même une bien piètre image… Freud était nécessaire de façon urgente.
Mais ce qui me choque le plus, c'est la punition de Brünnhilde: Wotan punit la pitié (après avoir espéré peu de temps avant un enfant libre qui exécute ses désirs sans qu'il intervienne…). Cela n'arrive jamais, je pense, dans la tragédie antique, dans la Bible, dans les mythes, dans les épopées. La pitié est le geste sacré qui est toujours respecté. (J'ai cherché des contre-exemples: Antigone? Mais c'est un devoir de piété qu'accomplit Antigone, piété envers un mort, pas pitié envers un vivant). Sans doute va-t-on argumenter que ce que Wotan punit, c'est la trahison de sa volonté par sa volonté (un double de sa volonté, une autre lui-même). Mais cela veut simplement dire que Wotan punit sa propre pitié. Wotan n'a pas la grandeur qui permet la pitié, il est agité de calculs, il ne vit plus au présent, mais dans un futur qu'il craint et tente de prédire (pour l'éviter ou le faire advenir? Ce n'est pas clair, il y a une pulsion suicidaire chez Wotan, et c'est d'ailleurs ainsi que cela se termine). Qu'est-ce que c'est que ce dieu?
Le vrai dieu, celui qui agit selon ce qui doit être, sans chercher à suivre un plan qui favorise ses propres intérêts, sans chercher à calculer les conséquences, qui réagit spontanément au courage de Siegmund et à sa déclaration d'amour ("garde ton walhala, je n'en veux pas sans Sieglinde") ou qui a pitié de Sieglinde et protége la vie sans défense, c'est Brünnhilde.