Alice du fromage

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Billets qui ont 'Tchernobyl' comme oeuvre.

mardi 7 juillet 2020

Premier jour

Première journée à l'école d'été des JRS. Il y a beaucoup de monde dans la cour quand j'arrive, toute une foule joyeuse (en fait environ soixante: le maximum que l'on peut accueillir dans les salles dans le respect des règles sanitaires) qui est filtrée par deux professeurs de FLE qui évaluent leur niveau (débutant, intermédiaire, avancé) avant que chacun ne s'enregistre (ce qui permet de les compter et de prendre leur téléphone pour leur envoyer des sms d'invitation et de rappel) et descendent dans la grande salle prendre un café (ou plutôt du thé: une population, masculine à 90%, qui prend du thé) et manger une tartine (à la confiture de rhubarbe? Ils aiment la rhubarbe? Ne font-ils pas la grimace en en découvrant le goût?)

J'anime un groupe avancé sur le thème des métiers et des professions. Je suis seule avec eux; les animateurs des groupes débutants et intermédiaires sont en binôme. Ils sont trois jeunes hommes, un qui travaille, un qui attend des papiers (ou attend d'être refoulé, si on est pessimiste) et un étudiant, deux Afghans et un Syrien.

Celui qui était salarié travaillait à Auchan au rayon PGC (produits de grande consommation). Par chance j'ai travaillé dans cette enseigne il y a trèèès longtemps (mon premier emploi) ce qui me permet de connaître certains des sigles utilisés. J'ai sans doute trop parlé, je tente de leur donner du vocabulaire pour le quotidien, pour leur permettre de comprendre ce qu'ils entendent autour d'eux ou à la télévision.

Rayons, rayonnage, rayonner de joie: comment dit-on le contraire de rayonner de joie? «Je suis triste, je devais aller en Iran en mars, ma mère avait un visa entre l'Iran et l'Afghanistan, on devait se revoir, puis le covid est arrivé, et maintenant son visa n'est plus bon.»
Il parle de la vie difficile de smicard en région parisienne. Son idée est de faire venir sa famille, mais c'est dur avec un tel salaire. J'explique «coût de la vie»: «tu pourrais aller en province: le salaire serait le même, mais le loyer moins cher.» Mais il m'explique qu'il a besoin de Paris, pour jrs, ses cours de français, pour toutes les structures associatives et administratives. J'explique les départements, les préfectures, les antennes JRS comme Angers, Dijon… (il y en a sept mais je ne les connais pas toutes).

Moslem a expliqué en se présentant qu'il songeait à changer de nom: les Français ne comprennent pas son prénom et imaginent qu'il est en train de dire qu'il est musulman. Il est en attente de papiers et il exprime sa frustration: «je perds mon temps. Un an que je suis là et je ne fais rien, je vieillis, ma vie s'en va». (Je rappelle qu'en attendant la reconnaissance de son statut de réfugiée, une personne ne peut pas travailler, d'où beaucoup de solitude et d'ennui — d'où l'idée des jrs jeunes.)

Séance de débrief ensuite avec tous les animateurs. J'arrive très en retard, (je ne savais pas où c'était) et je n'entends pas ce que disent les autres, dommage. Un animateur de groupe avancé a imaginé un jeu de rôle sous forme d'entretien d'embauche: mais oui, quelle bonne idée, voilà comment les faire parler, plutôt que ce que j'ai fait.
Et je sais qu'il faut que je fasse taire cette voix, que c'était bien, que ça s'est bien passé, que nous avons passé un bon moment ensemble, que tout va bien, et que je dois arrêter de douter.

Le plus dur finalement est de ne parler de rien à la maison. Je ne suis pas sûre que H. apprécie que je rencontre trois réfugiés dans un espace confiné car le virus est toujours une grande source d'inquiétude.

J'ai fini Tchernobyl. Le dernier épisode pourrait être un commentaire de l'époque actuelle: la science n'est pas une idéologie, elle résiste à la propagande. Annoncer 3,5 röntgens de radiation quand la réalité est à 400 ou 4000 ne fera pas descendre le niveau à 3,5. Le mensonge ne peut pas tout cacher.
Soutenir que les vaccins sont nocifs ou que le covid n'existe pas — a ou aura des conséquences réelles sur la vie — et la mort — des gens.

dimanche 5 juillet 2020

Ensommeillée

Debout une heure au petit matin, ce qui me permet d'écouter les oiseaux au lever du soleil (en réalité, une demi-heure avant que le soleil n'apparaisse). Je continue la lecture du livre du voisin de Thomas Bernhard (en allemand).
Je me recouche, et, fait exceptionnel, H. se lève avant moi plein d'allant (c'est ce qui est exceptionnel), me réveille, me propose de partir au marché pour prendre le petit déjeuner sur place.
What ?
Je suis passablement embrumée. J'apprendrai plus tard qu'il a du travail et qu'il ne voulait pas me laisser faire le marché seule.
C'est gentil.

Entraînement d'ergo (le moral boosté par la sortie sur l'eau hier matin) puis messe (la première depuis longtemps). L'église peut accueillir cinquante-et-une personnes, annonce une feuille sur la porte. Une affiche par banc indique "place autorisée". Il n'y a pas de quête mais un panier à l'entrée (c'était ainsi dans mon enfance, le curé avait l'habitude de faire la quête à la sortie. C'était plus facile de ne rien donner quand on n'avait pas d'argent (il m'arrivait régulièrement d'avoir oublié ma pièce)); les fidèles ne se déplacent pas pour la communion, c'est le prêtre qui remonte l'allée.

Ayant pris soudain conscience que j'avais bel et bien fini mes années de théologie, j'ai réinstallé CandyCrush. Niveau 1650.

J'avais pour projet de ranger et commencer le ménage ce week-end. Ambition déçue.

Premier épidode de la série Tchernobyl.
Je ne peux que conseiller que La supplication de Svetlana Alexievitch. Déchirant. Mais je n'en finirai pas de conseiller Svetlana Alexievitch.
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