Billets qui ont 'féminisme' comme mot-clé.

Ni pute ni soumise

Nec domina, nec ancilla, sed socia.
Isidore de Séville (VIIe siècle)
Ni maîtresse, ni servante, mais compagne.
Isidore de Séville, dernier Père de l'Église





132504 caractères au moment où j'écris cela.

La question de fond : à quoi sert l'Europe ?

Julien Munoz, journaliste, feuillette les cahiers de doléance.
Il est tombé sur une question de fond et l'a publiée sur Twitter.

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Je vais copier l'intégralité de cette lettre car un tel témoignage se conserve.
Cahier de doléances, mairie de la Hague. Cotentin - Manche.

objet : éthique et dignité

Sur le téléphone de mon mari apparaît régulièrement une annonce : Rencontre avec des femmes matures et des photos par dizaines de fesses et vagin de femmes nues exposés comme du gibier en vitrine, avec une phrase attactive et une adresse en dessous. Il m'assure qu'il n'a rien demandé, que cela apparaît d'autorité sur Gmail parce qu'il est un homme et que ce type de message est classé dans "publicité", ce qui autorise tout.

C'est extrêmement choquant et perturbant. Comment se fait-il que malgré la quantité d'institutions, de règles et lois existantes et le nombre de femmes partout présentes et d'hommes clamant la dignité et l'honneur, des individus sans scrupules s'introduisent dans la vie privée des hommes au mépris de la vie conjugale et du respect dû à tous? C'est le degré 0 de l'humanité. C'est inacceptable. A quoi sert l'Europe? A quoi sert la politique si des délinquants de cette sorte sous le couvert de "publicité" font de la débauche et de l'abominable pornographie un produit de consommation banal?
Il est grand temps de faire obstacle à ce laisser aller et de rétablir la dignité humaine.

Une citoyenne française
Si vous êtes curieux, lisez les commentaires.

Foulard et féminisme

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— Tu vas vraiment aller au catéchisme avec ce tee-shirt ?
— Je ne sais pas. Tu crois que je ne devrais pas? [Il est chef scout, il s'occupe des 11-14 ans, je considère qu'il en sait plus que moi.]
— Tu me demandes ça à moi? Tu as élevé des enfants, pas moi!
— Oui, m'enfin quand je vois le résultat, je ne suis pas une référence.
— Mais maman, JE SUIS le résultat, donc ne me demande pas conseil!

Et in petto, je pense «Mes enfants m'ont battu, mes enfant m'ont battu.1


Cathé. Je suis censée parler de la joie de la résurrection. Je ne sais pas trop comment faire cela. Je raconte la peur des disciples, je commente l'évangile du jour. Je parle de la Trinité. J'explique la différence entre catholiques et chrétiens, les grecs et les latins, l'éclatement de l'Empire romain.

Une chose en entraînant une autre, je me retrouve à faire un cours de féminisme : sur un dessin représentant Pierre arranguant la foule, les enfants remarquent le foulard des femmes. Question d'une petite fille: pourquoi ce voile ? Réponse: en signe d'obéissance.
Ils me regardent. Je souris :
— Vous savez, se couvrir la tête, c'est quelque chose de courant. Ça existe aussi chez les chrétiens, les coptes en Egypte, par exemple. Les coptes qui sont persécutés… mais aussi dans l'est de l'Europe. Ou même vos grands-mères… quand elles étaient petites elle n'entraient pas dans une église sans quelque chose sur la tête… ou si vous voyez des photos de femmes qui rencontrent le pape: elles ont un voile sur la tête.
— Mais pourquoi obéissance ?
Je prends ma respiration et je demande aux filles : «Pouvez-vous me donner la date de naissance de votre mère ?»
1974, 1975, 1983… J'écris au tableau.
— Je ne me souviens plus de la date, mais c'est à peu près depuis la naissance de vos mères [j'entoure 1974, 1975] que les femmes en France ont le droit de travailler sans demander l'autorisation de leur mari et d'avoir leur compte en banque. Ça n'a pas d'importance tant qu'on s'entend bien, mais avoir son argent à soi, c'est pouvoir partir si on le souhaite. Donc vous voyez, ça ne fait pas si longtemps.
Et je conclus en les regardant : c'est pour ça, les filles, que c'est un peu bizarre de vous voir en rose avec des paillettes. Battez-vous, il y a encore du travail !




Note
1 : Talmud de babylone : Bava Metzia 59b. […]
Rabbi Eliezer finit par faire appel à Dieu pour soutenir sa thèse, et une voix divine affirme qu’il a raison. Les Rabbins rétorquent « Ce n’est pas au ciel, » ce qui est interprété comme disant que puisque Dieu avait donné la Torah aux humains et puisque la Torah dit que nous devons toujours suivre l’avis de la majorité (Exode 23 :2), nous ne devons pas faire attention à la voix divine si elle va à l’encontre de la majorité ! La fin de cette extraordinaire histoire est qu’à ce moment Dieu a ri de joie, disant « Mes enfants m’ont battu, mes enfants m’ont battu. » (Talmud de babylone : Bava Metzia 59b).

Pentagon Papers

La journée s'est terminée à temps, avant que je ne morde quelqu'un.
Je feuillette les annonces de Linkedin comme un catalogue de jouets avant Noël : plus de banque, plus d'assurance, n'importe où sauf dans le 92, 93, 95. Mais bon. Pour l'instant ce n'est que du feuilletage.

Pentagon Papers. Deux remarques non cinématographiques :

- plaisir des rotatives et des caractères en plomb. Je soupçonne Spielberg de n'avoir fait le film que pour cela, pour le plaisir de réveiller ou reconstituer ces machines endormies (ô le tremblement des meubles dans les étages quand les rotatives se mettent en route à deux heures du matin… Cette magie avait disparu avant internet, cela faisait longtemps que les imprimeries avaient été exilées en banlieue).

- Comme parfois, voire souvent désormais, Spielberg donne une leçon d'histoire, un cours de droits civiques. Ici cela porte sur deux sujets : le premier, évident, est celui de la liberté de la presse, le droit à l'information et à la vérité. La mise en scène de l'amitié entre les dirigeants politiques et les propriétaires de journaux m'a fait songer que c'était peut-être ce qui avait manqué à Edward Snowden : il ne faisait pas partie du même monde… Bien entendu, le film est destiné à renvoyer à l'époque actuelle, l'époque Trump, aux fake news, à l'implication de la Russie dans les dernières élections, etc. Le film se termine sur le cambriolage de l'immeuble Watergate qui aboutira à la démission de Nixon : sous couvert d'un film historique, Spielberg indique son espoir que la presse fasse son travail aujourd'hui comme en 1972 et abouttisse si possible au même résultat.
Par ailleurs, il traite le sujet de la transparence des femmes, des femmes riches oisives s'occupant de l'aspect mondain de la vie maritale (Mrs Dalloway), des femmes non prises au sérieux, ignorées, mais faisant face, devant faire face à leur corps défendant, quand les circonstances l'exigent. J'ai souri en constatant que Spielberg n'avait pas pris le risque que les spectateurs ne comprennent pas : la femme de Ben Bradlee, le rédacteur en chef, explique ce qui est en train de se passer : « Toi, tu ne risques rien, au pire ta réputation en sortira grandie ; elle, elle est seule et elle risque tout » (et Spielberg fait expliquer cela par une femme). Empowering women. Heureuse coïncidence (pour lui) qui fait sortir ce film peu après le scandale Harvey Weinstein: à croire qu'il en est pour les prises de conscience sociales comme pour les découvertes scientifiques : un moment où les temps sont mûrs, un moment où différents événements ou artistes ou scientifiques convergent.

Journée (des droits) des femmes

Jamais autant que cette année je n'aurai entendu la précision "des droits" des femmes.

Au petit déjeuner, France Inter me décrit les nouvelles poupées "gonflables" (non gonflables, mais c'est pour faire comprendre de quoi il s'agit) au toucher doux, dont on peut choisir le caractère grâce à l'intelligence artificielle (soumise, insolente, etc) et dont on peut changer la tête quand on est lassé (dix-huit visages possibles).
Je devrais sans doute être choquée mais devant le titre de la chronique «Et si on se passait des femmes?», je remarque surtout que ce à quoi "servent" les femmes est crûment explicite (sachant que le chroniqueur est une chroniqueuse, a-t-elle simplement voulu être provocatrice, ou avait-elle une visée accusatrice?). In petto je m'exclame: «ça nous fera des vacances».

Le soir, retour à la bibliothèque nordique pour entendre la lecture intégrale des Vraies Fremmes. Etrangement, Benoît semble surpris que je trouve ce texte déprimant. J'ai utilisé un mot en-deça de ma pensée: ces pièces suscitent exaspération et désespoir.

Plutôt que l'égalité, ce que réclame l'héroïne, c'est la réciprocité. Il ne s'agit pas d'obtenir l'égalité dans la visée des avantages, mais également dans la charge des responsabilités. Il s'agit de ne plus être infantilisée, d'être considérée comme un être humain à part entière. «Pourquoi considères-tu qu'il est normal que tu nourisses ta mère et tes sœurs et que tu ne comprends pas que je veuille en faire autant avec les miens? Parce que tu es un homme et que je suis une femme n'est pas une réponse valable.»

Réciprocité: je te respecterai dans la mesure où tu me respecteras, et mon mépris sera sans mesure avec le tien.

D'Obama à Donald Trump

Guillaume et moi lisions le même article de Courrier international. Mais tandis que lui relevait un point de traduction, j'obtenais enfin l'explication d'un mystère: comme pouvait-on passer d'Obama à Trump, comment la même population pouvait-elle faire un tel grand écart?

La réponse était pourtant évidente: il ne s'agit pas de la même population. Ceux qui plébiscitent Trump sont les Blancs qui ne supportent pas qu'un Noir puisse être meilleur qu'eux.
[…] On peut difficilement interpréter l'histoire des Etats-Unis — ou décoder l'élection présidentielle de 2016 — sans se référer à la lutte entre les Blancs pauvres et les descendants des premiers esclaves. Lyndon B. Johnson, qui est arrivé à la Maison-Blanche un siècle après la guerre de Sécession [en 1963], en a saisi les conséquences politiques de manière frappante. "Si vous pouvez convaincre l'homme blanc le plus médiocre qu'il vaut mieux que l'homme de couleur le plus talentueux, il ne s'apercevra pas que vous lui faites les poches, a déclaré le trente-sixième président américain. Diable, si vous lui mettez sous le nez quelqu'un à mépriser, il videra même ses poches pour vous." […]

«La revanche des "white trash"» dans Courrier international HS septembre-octobre-novembre 2016. Traduction d'un article d'Edward Luce paru dans le Financial Times le 15 juillet 2016
J'aurais dû m'en douter. C'est un problème courant en entreprise pour une femme : ce que ne supportent pas certains hommes, c'est qu'une femme soit aussi, ou (horreur) plus intelligente qu'eux.
(Cela peut déborder l'intelligence et se placer sur d'autres plans: je sais par exemple qu'il y a peu de chances que je convainc mes collègues de venir ramer. Vu ma position étrange dans l'organigramme, où je ne côtoie que des directeurs sans en être un, je sais qu'aucun n'acceptera de, ne songera même à, venir débuter dans un domaine que je maîtrise. J'ai évoqué cette situation une fois dans le vestiaire: toutes les femmes présentes, de tous âges, ont toutes très bien compris ce que je voulais dire.)

Bref.

Si Hillary Clinton est élue… Nathan songeait pour le futur à Michelle Obama. Si cela devait se réaliser, je me demande quelle monstruosité pire que Trump l'Amérique exhumerait ensuite.



PS: deux jours plus tard, un discours de Michelle Obama.

Agacée

Mardi, la RH a envoyé un mail à toutes les femmes cadres d'un certain niveau. Je l'ai lu avec stupéfaction, j'ai ri, je l'ai commenté à ma collègue, et je suis passé à autre chose.
Mercredi, en revenant de Melun, n'ayant rien à faire en conduisant, j'y ai repensé et une certaine forme de colère s'est installée : qu'est-ce que c'est que ces foutaises, et surtout, pourquoi et comment notre direction groupe peut-elle s'associer à cela? (Je suppose que cela leur permet d'afficher une action supplémentaire dans la lutte pour la diversité ou contre la discrimination (je ne sais plus quelle est la "lutte" à la mode actuellement, ni si ces deux appellations recouvrents exactement les mêmes "combats".) Je suppose qu'il doit exister quelque part un rapport annuel à rédiger, puisque nous avons une "charte de la diversité" et un accord pour l'égalité hommes-femmes (enfin, il me semble. Entendons-nous bien: ce n'est pas que je sois contre, c'est que je souhaiterais moins de chartres et plus d'actes concrets. Est-il normal qu'il n'y ait pas une seule femme dans la direction générale groupe, et que lorsqu'il y en a (c'est arrivé), ce soit toujours à la RH, au marketing ou à la communication? Nous sommes capables de manipuler des chiffres, vous savez (enfin bon).)

Donc voici le mail:
Bonjour à toutes,
Les 14 et 15 novembre prochains, le Groupe sera partenaire de la 2ème édition des journées Happy Happening (suite des rencontres "Aufeminin.com"), un événement pour découvrir, partager et réfléchir aux mutations de notre environnement.

L'objectif ? Révéler (ou réveiller !) la leader qui sommeille en vous !
Happy Happening donnera la parole à une trentaine de speakers, chercheurs, entrepreneurs, artistes, penseurs… pour faire évoluer les mentalités, bousculer les conventions, débattre et ouvrir des perspectives sur le monde de demain.

Monentreprise soutient cette initiative groupe et, dans ce cadre, vous invite à ces journées Happy Happening au Carreau du Temple à Paris.
Venez nombreuses nous retrouver sur le stand Monentreprise pour cet événement solidaire, engagé, participatif et audacieux !
Jusque là, ça va. C'est le programme de la journée qui m'a fait sursauter :
I/ Le programme de l'événement
Happy Brain : un colloque animé par une trentaine d'intervenants emblématiques issus de tous les horizons.
Happy Show : des animations lifestyle, des cours de sport, de relaxation, des dégustations, des concerts, des shows humoristiques…
Happy Brand : une vingtaine de marques offrant aux visiteurs une expérience unique

II/ Sur le stand Monentreprise
Des conférences de coaching RH :
Changer de cap / "oser" se mettre en danger
Comment se construire une image

Des conseils de la diététicienne XXX :
Le déjeuner : des idées pour manger équilibré
Faire ses courses : apprendre à lire les étiquettes
Astuces pour préparer un dîner sain, équilibré et bon

Pour plus d'informations sur les journées Happy Happening et pour l'achat des billets d'entrée, rendez-vous sur le site happyhappening.
Euh… Lire les étiquettes? J'en parle à déjeuner, j'essaie d'évaluer si je suréagis: «Qu'est-ce que c'est que ce truc? Ils veulent faire un blog de filles? Vous croyez qu'ils auraient mis un diététicien dans un salon "pour hommes"? Inutile, répond H., eux, ils savent lire les étiquettes.» (Fou rire autour de la table)

Depuis j'essaie de relativiser, de me dire que les hommes sur "leurs" salons ont aussi droit à leurs futilités, le vin, les voitures, le foot, la bière, (les putes…)
Enfin bon, bis.


Et maintenant, la question qui tue: fais-je part de ma protestation à mon chef? Nous avons pourtant dans le groupe une manifestation plus porteuse de dynamisme (sans compter le mécénat pour le cinéma et les maladies rares, mais ceci n'est pas spécifiquement féminin).


Agenda:
Magnifique lever de soleil sur La Défense.
Pris mon temps à boire un café pain d'épice au Starbuck en attendant que le soleil soit vraiment levé.

Gender studies

Le matelas est en laine et soutient merveilleusement le dos. Je paresse et me lève au dernier moment (j'ai tendance à me réveiller vers cinq heures et lire une heure avant de me rendormir, ce qui ne facilite pas le lever une heure plus tard). Le petit déjeuner est servi entre huit heures et quart et neuf heures et quart, j'arriverai toute la semaine dans la dernière demi-heure.
(billets écrits deux semaines plus tard environ).

Par ma fenêtre au moment de partir. Je me demande si je suis la seule à l'avoir vu.




Première demi-journée light car j'ai cru comprendre qu'un intervenant s'est décommandé tardivement.

A déjeuner, je suis à côté et en face de trois femmes ayant toutes réussi un concours en 1968 environ, et toutes racontent la façon dont leur carrière a été cannibalisée par leur famille, mari et enfants.
Quoi qu'en pensent certaines, les choses ont quand même évolué. (Mais peut-être davantage au niveau des mentalités collectives qu'au niveau individuel: l'une d'entre elles me confie que si son mari, qui connaît personnellement la plupart des organisateurs, n'est pas là, c'est qu'il ne supporte pas, même s'il ne l'avoue pas, d'être le "mari de", de n'être pas celui qui est connu et reconnu.)

Visite du château (pour moi c'est la troisième fois, mais j'apprends toujours quelque chose — ou j'ai toujours oublié quelque chose). Une nouvelle pièce a été aménagé dans la laiterie, très moderne, semblable à un laboratoire de langues (elle permet effectivement des traductions simultanées). C'est également une pièce qui respecte les normes d'accessibilité. Je suis un peu inquiète pour ce château: jamais il ne pourra se mettre aux normes sans perdre énormément de son cachet, et si les nouvelles générations accepteront peut-être l'absence d'ascenseurs (je dis bien les nouvelles, et non les anciennes), supporteront-elles longtemps les douches et les WC communs? (Quelques jours plus tard, une très vieille dame me confiera que lorsqu'on a assisté à beaucoup de colloques dans des couvents, on est habitué au confort spartiate. Qui aujourd'hui assiste à des colloques dans des couvents?)

Le soir Jean Greisch nous parle de ses contes. Ce sont à peine des contes (pas de méchants, pas de quête, pas de récompense), ce ne sont pas véritablement des fables (pas de morale ou moralité), plutôt de courts récits à la façon platonicienne.
Ce soir, Minerva la chouette.

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Quelques livres cités
Greisch : L'Arbre de vie et l'Arbre du savoir
Maldiney : Une phénoménologie à l’impossible
Maldiney : "Impuissance et puissance du Logos" dans Aîtres de la langue et demeures de la pensée
Husserl : Sur le renouveau, traduction de cinq articles parus au Japon dans les années 20.

L'affaire Tim Hunt

Des propos du prix Nobel Tim Hunt sur les femmes scientifiques on suscité le tollé: «Vous tombez amoureux d'elles, elles tombent amoureuses de vous, et quand vous les critiquez, elles pleurent» ; tant et si bien qu'il a été contraint de démissionner du University College of London où il travaillait.

Les propos de Tim Hunt ne me surprennent pas, je les ai déjà entendus. Ce qui me surprend, c’est la réponse qu’ils reçoivent.

Concernant les larmes, pourquoi pas. En tant que fille qui pleurait très facilement (au point que lorsque mon assistante m’avait demandé pourquoi je m’étais mariée (ça la torturait car elle était célibataire à vingt-six ans et j’avais trois ans de moins qu’elle) je lui avais répondu «parce qu’il a toujours des kleenex» (le pire, c’est que pendant trois secondes elle m’avait crue)) et qui recommence à pleurer facilement (les hormones?), pourquoi pas. C’est embarrassant, il faut faire avec, ne pas y accorder trop d’importance et réussir à le gérer sans avoir l’air trop con. Bon.

Ce qui manque, c’est la contrepartie masculine. Si les femmes pleurent quand on les critique, que font les hommes? C’est simple, ils ne reconnaissent JAMAIS une erreur, ils ne reconnaissent jamais leurs torts. Impossible. Au mieux ou au pire, acculés, ils se mettent en colère. Est-ce mieux et plus facilement gérable socialement que des larmes? Je n’en sais rien, mais il est sûr que c’est aux autres de gérer, car ils n’admettront pas non plus qu’ils sont en colère. Non, ils ont juste raison.
Donc j’attends simplement des hommes qu’ils soient capables d’entendre cette généralisation sans nous fournir des contre-exemples (car les hommes généralisent sur les femmes, mais si une femme leur rend la pareille, inévitablement «elle exagère». Donc s’ils reconnaissent que les hommes se mettent en colère, je reconnaîtrai que les femmes pleurent. S’ils nient, je nie aussi, je fais comme eux, je leur cite une douzaine de contre-exemples. Car pourquoi eux pourraient-ils s’en tirer ainsi et pas nous?)

Concernant la partie «les femmes mettent le bazar dans les labos par leur présence sexuelle» (et affective?), j’ai entendu cet argument entre mes treize et quinze ans, et il m’a marqué à cause des hommes qui l’ont émis: mon oncle (vétérinaire) et mon entraîneur d’aviron (ébéniste), deux hommes que j’aimais beaucoup et pour lesquels j’avais beaucoup d'admiration. Or le drame d’admirer quelqu’un, c’est que vous avez tendance à croire ce qu’il dit. Donc je prenais pour argent comptant la phrase «une fille met le bazar dans une équipe» et j’avais juste envie de supplier et de m’excuser: «mais ce n’est pas ma faute si je suis une fille. Je n’ai pas choisi, je vous assure, j’aurais préféré être un garçon, c’est tellement plus facile! Acceptez-moi quand même, je vous en prie !» (Mais bien sûr, je me taisais).

Aujourd’hui, trente ou trente-cinq ans plus tard, j’ai juste envie de répondre: «ce n’est pas mon problème. Je gère mes règles, ma contraception, mes grossesses, alors si vous avez des problèmes, gèrez-les, je ne les porterai pas pour vous, j’ai assez des miens. Vos appétits sexuels, votre problème; vos besoins affectifs, votre problème; débrouillez-vous, prenez du bromure si ça vous aide! VOS hormones, VOTRE problème.»

Un film nul

Nos Femmes: vu à Boussy avec H. Un film ahurissant dans le contexte de DSK, trois amis dont l'un tue sa femme dans un moment de colère. Ça m'étonnerait que ce film passe longtemps, je suis même surprise qu'il passe tout court.
Puis MacDo, en attendant la fin du cours de musique.

Je voulais acheter des tongs, j'ai acheté un genre de santiangs basses, beiges.

Le mariage gay, non, les femmes à poil, oui.

La semaine dernière, Hervé tenait un stand au salon des maires. Comme je lui parle du livre d'Aubenas — qui n'a fait que confirmer ce que je savais, pour chaque chapitre ou presque je pourrais raconter une anecdote parallèle — et que je lui dis: «Ça va mal», il me répond drôlement: «Oui, il y avait beaucoup moins de stands que l'année dernière [Un stand coûte très cher]. Les petits éditeurs [de logiciels] ne sont pas venus. Les gens se replient sur l'essentiel. Moi ça m'arrange, je vends de l'essentiel.»

Nous avons eu peu de temps pour discuter le week-end dernier et il est parti à Mulhouse lundi.
Hier il me dit: «Ah tiens, j'ai quelque chose pour ton blog. C'était distribué au salon des maires.» Et il me tend la carte suivante (recto/verso, de la taille d'une carte postale).



La guerre des Roses et Les femmes du bus 678

Hier.

Pour évacuer un peu de ma frustration et de ma violence, je regarde La guerre des Roses, l'un des films les plus violents que je connaisse, une histoire de divorce qui n'est pas une bluette sentimentale, malgré un début trompeur, très "Harlequin". C'est un vieux film, je spoile.
Elle s'aperçoit un jour que son mari lui téléphone des urgences en se pensant à l'article de la mort que cette annonce ne la plonge pas dans la tristesse mais dans le soulagement (ce qui est très violent, certes, mais franc, objectif). Elle décide de divorcer.
Le mari profondément blessé refuse de quitter la maison. Il en obtient le droit grâce à une loi qu'exhume son avocat. Suit une guerre des tranchées dans les pièces et les couloirs.
Chacun rivalise de mesquineries et d'humiliations pour décourager l'autre, mais avouons que la femme est bien plus salope que le mari.
Concernant le mari, ce qui est parfaitement mis en scène, c'est sa radicale incapacité à admettre que sa femme ne veut plus de lui: c'est impossible, au fond d'elle elle doit l'aimer encore, cette conviction guide tous ses actes, il ne peut admettre qu'elle veuille être seule, tranquille, débarrassée de sa présence.

Aujourd'hui.

Je vais voir Les femmes du bus 678 et je retrouve cette même lutte pour avoir la paix. Laissez-nous tranquilles, laissez-nous vivre, oubliez-nous.
Nous sommes en Egypte et le contexte est évidemment très différent, beaucoup plus physique, brutal et généralisé à la société entière (alors que La guerre des Roses illustre un cas particulier).
Trois femmes, une pauvre avec enfants, une mariée d'une famille aisée et une fiancée d'une famille plutôt aisée également, subissent ou ont subi un harcèlement sexuel ou des violences sexuelles (dans le bus, sur un stade de foot, dans la rue). Il s'agit pour elles de savoir comment se défendre alors que personne n'est prêt à les aider, que leur famille fait pression pour éviter le scandale.
(En voyant ces trois femmes, je pense à Marx et à la lutte des classes, ou plutôt au Tiers-état: comment une population aussi hétérogène, avec des contraintes et des ressources si différentes, peut-elle faire front commun? Scène dans laquelle la plus pauvre, voilée, accuse la plus riche d'être à l'origine, par sa tenue libre et ses cheveux détachés, du harcèlement universel des hommes.)
Ici, comme dans Il était une fois en Anatolie et dans une moindre mesure dans Une séparation, c'est un policier qui a le rôle du sage, celui qui comprend, se tait, mais essaie de protéger qui doit l'être et de favoriser la justice et la droiture.

Je reste émerveillée par la façon dont ces films du Proche ou Moyen-Orient (Une séparation, Les femmes du bus 678) mettent en scène les rapports homme-femme, la façon dont ils comprennent et montrent ces femmes lassées qui un jour disent non, à la présence, aux rapports sexuels, à la pression continuelle. Elles partent ou elles restent, mais elles disent non. Elles sont entendues ou pas, comprises ou pas (plutôt pas, sauf par une poignée d'hommes attentifs; c'est bien l'attention à l'autre qui est au centre du débat (dans La guerre des Roses, le manque d'attention du mari avant le divorce est caricatural)), mais elles disent non. Elles veulent être tranquilles, ne pas être dérangées dans leur corps, ne pas être surprises par l'intrusion d'un autre corps dans ou sur leur corps (car il s'agit tout simplement de cela: de la surprise d'une main étrangère ou d'une main non désirée qui se pose sur vous: insupportable, comment ne pas le comprendre?)

En Occident, ou tout au moins en France, nous sommes persuadés d'être loin de ce schéma. Or c'est faux. L'idée inconsciente de la plupart des hommes, c'est que les femmes ont beau proclamer leur désir d'indépendance, elles ne souhaitent que l'homme (cf. Rousseau et son idée d'une femme soumise à un désir irrépressible). J'en veux à toute la peinture occidentale, tous les Fragonard et tous les Watteau, à toutes les Pompadour et toutes les maîtresses royales (le tableau Mademoiselle O'Murphy me dégoûte, mais je n'ai pas tout à fait le droit de le dire: je vais faire rire, je le sais; il faut que je sois prête à supporter ces rires et ces airs supérieurs sans rien avoir à répondre: si ce que je dis n'est pas compris, qu'ajouter?), qui sont peut-être à l'origine de cette idée culturelle: la femme au fond d'elle-même, même quand elle ne le sait pas, est toujours consentante, comme Mme Rose est dans l'esprit de son mari forcément amoureuse, même inconsciemment.
C'est faux.

Le Mariage de Figaro de Beaumarchais

Le spectacle m'a beaucoup plu, et le théâtre en lui-même aussi: j'ignorais que la Comédie française était en travaux, le chalet en bois de pin qui la remplace est plein de charme, je ne me lassais pas de caresser les poutres poncées.

Je suis sortie de la pièce emplie d'admiration pour Beaumarchais. Je comprends de moins en moins ce qui s'est passé au XIXe siècle. Quelle chute. Quel courage au XVIIIe siècle pour donner des droits à ceux qui n'en avaient pas. Je trouve cela bouleversant. Qu'attend-on pour faire une chaîne classique, une chaîne des Lumières, en arabe, à l'intention du Maghreb ou de l'Arabie, une anti-Aljezirah, quelque chose qui souffle la voix de la liberté de penser par soi-même et d'être heureux?

Quelques liens

Ça ne s'arrange pas : plusieurs jours sans même pouvoir arriver devant cet écran. Voici quelques liens thésaurisés avant de compléter les jours précédents (de dimanche à ce soir):

l'odeur des livres en bouteille

quelques pas de danse au ralenti

des raisons d'être optimiste

des portraits d'artistes, de savants, de chanteurs…

450 films libres d'accès (Wells, Lang, Tarkovsky, le premier court-métrage de Lynch, etc)

un projet obsessionnel en blanc (dédié à Guillaume) qui aime les obsessions (je le comprends)

le dessin technique d'une brique de lego

des ordres de grandeur démographiques: équivalence entre la population de mégalopoles et celle de quelques Etats d'Amérique

un peu de bisounours israëlo-iranien (irénisme, dirais-je à ma collègue en manque de gros mots)

l'histoire de la page de Google (conte pas du tout moral, l'incompétence récompensée)

le hashtag #jenaipasportéplainte : contre le silence qui suit un viol

un jeune blog qui raconte des histoires d'enfance, et qui m'intrigue, parce que les histoires sont assez longue: va-t-il tenir le rythme?

trajet de la Comté au Mordor (ne faites pas comme mon fils, regardez les lieux traversés)

écouter des auteurs (anglais) morts (pastiche en anglais).

Un projet commun

La première fois que nous étions allés chez les L., les parents de François, j'avais été frappée par l'aspect de leur maison: non crépie, grise, ciment à nu. Au cours de la conversation, comme je demandais innocemment à Madame L. s'ils menaient des travaux de rénovation, elle m'avait répondu gentiment : «Quand nous avons fait construire nous n'avions pas d'argent; plus tard nous n'avions plus de projet commun.» Trente ans après, la maison était donc toujours dans le même état que lorsque le manque d'argent avait interrompu les travaux, le placoplâtre à nu dans certaines pièces.

François était le benjamin, après trois filles. Quand il parlait de son enfance, il nous laissait toujours stupéfaits. Par exemple, à une époque son père avait installé sa jeune maîtresse dans une caravane dans le jardin. Mon féminisme jugeait cette idée révoltante:
— Mais enfin, pourquoi tes parents ne se sont-ils pas séparés?
— Et qu'aurait fait maman? Elle n'a jamais travaillé, elle s'est toujours occupé de nous. Un divorce l'aurait réduit à la misère. Papa l'a protégée.

C'était une façon de voir, et après tout il n'y avait pas à juger. Mais c'était si étrange.

Potiche

La première minute, Blanche-Neige kitsch, annonce clairement la couleur: tout cela ne devra pas être pris trop au sérieux, et les dialogues parfois un peu creux un peu forcés un peu récités (c'est du théâtre, est-il volontaire que cela se sente imperceptiblement par instants?) ne feront pas oublier la loufoquerie de l'ensemble, et une certaine... hum, nostalgie est trop fort, pas de nostalgie (non, pas du tout, comme tout était lent et vide), mais plaisir, plaisir certain, à retrouver quelques minutes cette tranche de passé que nous (ceux qui ont au moins mon âge!) sommes capables de reconnaître.

J'ai beaucoup aimé voir Gérard Depardieu et Catherine Deneuve danser ensemble, j'ai aimé imaginer leur complicité dans la maîtrise partagée de leur métier et la conscience réciproque de ce que l'autre a traversé depuis le début de sa carrière pour se retrouver là à faire les pitres ensemble...

Une usine de parapluies: les Parapluies de Cherbourg?
Intéressant, les questions laissées sans réponse, ou avec trop de réponses possibles. (Bon, je ne spoile pas).
Féminisme, prise de conscience des femmes? Dans les entreprises familiales de province, cela n'a pas évolué tant que cela (ni les rapports sociaux, d'ailleurs).

Catherine Deneuve a des jambes parfaites, mais si Depardieu grossit encore il va nous faire une crise cardiaque.

Féminisme

The birthplace of Simone de Beauvoir and Brigitte Bardot may look Scandinavian in employment statistics, but it remains Latin in attitude.
Le New York Times

La France peut ressembler aux pays scandinaves par ses statistiques d'emploi, elle reste latine dans son comportement.

Voilà qui me rappelle ces blogueurs prêts à la censure dans leurs commentaires ou à l'exclusion de leur blogroll de qui "parlera mal à une femme" ou "dénigrera le physique d'une femme", en ne s'engageant que mollement sur le fond: «Tout cela n'a pas tant d'importance».

Très certainement une importance qui ne porte pas sur les mêmes sujets et ne s'appuie pas sur les mêmes principes.

Je me surprends devant les bébés à avoir un mouvement de recul, «plus jamais ça», à ne penser qu'au travail et à l'emprisonnement que cela représente, et je reconnais dans ce mouvement ce que nous disaient les grands-mères et ma tante (à nous, les filles); et je pensais alors: «Elles disent cela parce qu'il n'y avait pas la machine à laver, les pauvres, aujourd'hui c'est beaucoup plus facile.»
Tous comptes faits maintenant que j'en suis sortie (grâce à Dieu on ne s'en rend pas trop compte tant qu'on est "dedans"), non.

Au féminin

Complément suite à un commentaire reçu par mail.

Il y a une auditrice, aussi. Jeune, intelligente. Blonde, forte poitrine. Je me dis que ce ne doit pas être facile tous les jours (de faire comprendre qu'on est pas une potiche). Elle n'a pas l'air d'en souffrir. Peut-être que je date.
Elle mâche du chewin-gum (très discrètement).
Elle s'appelle Annabelle, je complète "Annabelle Lee" sans même y songer, et ma pensée dérive vers Poe et Lolita. Je me demande si elle connaît. Je ne sais pas si j'oserai lui poser la question à la fin de sa mission.

Un vieux billet promis

La photo qui a remporté le 1er prix du concours l'aviron au féminin est la 107, et je la trouve tellement mauvaise, tellement représentative de la vision stéréotypée de certains hommes (de ce que doit être une photo gagnante représentant des femmes dans un monde sportif) que cela m'a un peu découragée d'en parler plus tôt. Il y avait tant de belles photos, axées sur la joie, l'effort, la technique, la nature... et choisir un talon haut sur une rame! Vraiment n'importe quoi, rien qu'à ce choix il me semble pouvoir faire le portrait robot de ceux qui l'ont choisie (sachant qu'il y avait sans doute beaucoup trop de photos et trop peu de votants pour qu'il soit réellement possible de départager les photos par un vote).


Voici donc ma photo préférée. Paradoxe qui me ressemble, je n'ai pas voté pour elle, car je ne l'ai vue qu'après avoir voté. J'aime cette photo parce que l'idée est à la fois raffinée et amusante: ce n'est qu'un jeu, une mise en scène, que la compétition (couleur de l'équipe) permet de mettre en évidence.
Elle représente ce que je pense de l'élégance: un superflu qui établit une complicité entre l'acteur et le spectateur, un plaisir offert et un plaisir reçu.





En un j'ai voté pour celle-ci, par nostalgie, parce que c'est le souvenir que j'ai de nos retours sur la Loire en automne ou en hiver, dans le soleil couchant.





En deux pour celle-ci, parce qu'elle est terriblement vraie, entraînant des sentiments ambivalents: «Chic, je ne porte pas, zut, je ne porte pas». C'est le condensé de tout le débat sur les règles de politesse: merci de me porter mes paquets (c'est lourd, je suis "petite et faible" (private joke)), vous ne devriez pas porter mes paquets (je peux me débrouiller toute seule, arrêtez de me materner).





Et celle-là en trois, parce que je ne pouvais tout de même pas ne pas choisir une photo qui représente ce que veut dire ramer ensemble. «Ensemble», le mot et sa musique me sont si fort gravés dans la mémoire que j'en rêve. Se dissoudre individuellement dans la glisse du bateau, abandonner toute velléité de prééminence et savoir que c'est à ce prix que le bateau pourra glisser au mieux, sans à-coups.
Quand se pose la question: «Si c'était à refaire...», je sais qu'il y a une chose que je ne ferai pas: abandonner l'aviron au lycée. Je sais pourquoi je l'ai fait, c'était stupide, et c'est l'un de mes plus grands regrets (pas pour le sport, non, pour l'ambiance et pour René).


Beaubourg

Parti un peu en catastrophe voir les feuillages de Lucian Freud. Passé à la librairie du centre Georges Pompidou afin de préparer les enfants à ce qu'ils vont voir (et pour regarder les cartes postales: excellent endroit pour acheter une carte postale poilue).
En feuilletant le catalogue Freud, A. tombe sur un homme nu allongé, sexe exposé en premier plan:
— Je pensais que c'était interdit, me dit-elle.
Je suis surprise. Ah tiens, malgré la télé qu'elle regarde et les BD qu'elle lit, elle imagine donc qu'il reste des sujets qu'on ne peut pas peindre, et qu'il y a des lois pour cela? Je réponds avec force:
— Mais non! Mais évidemment, comme ce sont les hommes qui peignent, ils préfèrent peindre des femmes à poil.

Nous étions venus voir Freud, nous aurons vu Erró (Des cartoons, chic!… Des cartoons, beeeuuuh… Réactions des enfants (11 à 14 ans) car nous avons remonté l'expositions Erró à l'envers et commencé par le plus hard, dans tous les sens du terme) et un film sur Patrick Jouin qui montre la réalisation de divers objets: chaudement recommandé pour toute personne fascinée par les conceptions industrielles, la machine à emboutir les cuillères à soupe, le laser à faire fondre des micros-particules de plastique (0,3 mm) ou la résine incorporée sous vide à une structure en carbone… (Mais où se trouvent donc ces usines magiques?)
Nous apprenons à faire cuire les pâtes à la façon du risotto (??!) et qu'on se déplace en vélib dans les ateliers qui fabriquent la nouvelle sanisette parisienne (gratuite, lavée à l'eau de pluie recyclée).

En sortant je me trompe de direction et nous passons par hasard devant cette affiche, qui répond très précisément à la question de A. posée beaucoup plus tôt. Hélas elle ne lit pas l'anglais.




J'ai imaginé le public féminin entrant nu à Beaubourg et je me suis dit que cela ne gênerait pas grand monde, au contraire.
Quel mauvais slogan.

Marelle

Quand vous marchez en talons sur les dalles de La Défense, vous jouez au vieu jeu qui consiste à ne pas marcher sur la ligne entre les carreaux.
Si vous coincez votre talon entre deux dalles, vous avez perdu.

D'où la démarche dansante de certaines femmes les yeux au sol, calculant le point d'impact de leur talon ou décidant de marcher sur les demi-pointes.

Exprime la féminité qui est en toi.

Il y a deux ans, j'ai suivi une formation pour apprendre à interroger les bases SQL. Le formateur free-lance avait appris l'informatique avec grand-papa, ne cachait pas son mépris pour les utilisateurs (que nous étions) et ses clients (pour lesquels il travaillait par ailleurs et qu'il citait en exemple). Bref, un type désagréable.

Pour le déjeuner, nous nous sommes tous retrouvés à la même table, formateur et formés. Les conversations roulant bon train, nous nous retrouvâmes vite à parler Playstation, internet, blogs, WoW, etc., sauf une ou deux minettes larguées et le formateur, considérant ces jeux d'enfants avec le mépris qu'ils méritaient (mais en fait, largué aussi).
Comme à l'époque je faisais quelques expériences sur WoW, je demandais à mon vis-à-vis combien il avait d'avatars (personnages), et sous quelle forme. Il hésita un peu avant d'avouer qu'il avait deux personnages masculins et une elfe. Je compris son hésitation en voyant un sourire goguenard se dessiner sur les lèvres du formateur, prêt à se lancer dans diverses variations sur les tendances efféminées que révélait ce choix. Je coupai court d'une ou deux phrases le remettant gentiment à sa place.

Aujourd'hui, Caféine m'offre un nouveau point de vue sur la question (ce doit être ça, la pragmatique du discours): «Vous connaissez l'adage des joueurs de MMO non ? "Quitte à regarder un cul pendant des heures, autant qu'il soit sexy…"»
Voilà qui me fait regretter de ne plus avoir mon formateur sous la main.

Douleur à rendre sourde

Hier, j'ai vu une lesbienne arc-boutée dans sa défense des femmes tenir un discours autiste: semblant tellement traumatisée que plus aucun dialogue n'était possible, interprétant tout au pire, ne recevant aucune parole, ni d'explication, ni d'apaisement. Ecorchée vive quasi au sens propre, impossibilité de tenir dans le temps et l'espace, hurlant de douleur au moindre effleurement.


Féminisme :
1er sens : visée légale, juridique. Obtenir dans les textes l'égalité des droits et des devoirs. Obtenir une protection qui contrebalance les tendances "naturelles" (historiques) de la société.
Deux dangers : aller trop loin dans cette protection et inverser l'inégalité (cela n'arrive pas bien souvent, mais la garde des enfants fait partie de cette catégorie. Encore faudrait-il être certain que la garde des enfants soient un "avantage" et non un handicap); oublier tout ce que nos aïeules ont gagné, n'éprouver envers elle qu'un peu de mépris en soulignant leurs "outrances", arrêter d'être sur ses gardes.

2e sens : visée sociale. Changer les mentalités. Beaucoup plus long, plus difficile. Ici les femmes doivent se prendre en main. A elles de ne pas accepter certains comportements, à elles aussi de s'interdire d'utiliser charmes ou pleurnicheries pour obtenir certains avantages. A elles de se faire respecter, de mériter le respect.

3e sens : la défense des droits de l'Homme1 (et c'est à ce moment-là que notre lesbienne ci-dessus explose: non, défendre les femmes n'est pas défendre l'Homme. Eh bien à mon sens, si). Contre les hommes violents, contre la prostitution brutale, contre le mépris : violence faite aux femmes certes, mais faites à l'humanité. Et c'est une erreur d'en rendre tous les hommes responsables, sans s'appuyer sur ceux que la situation indigne autant que "nous".

(Et la lesbienne quitta la salle quand fut soulevée la question épineuse de savoir s'il fallait ranger les pédés dans le camp des "gentils" (les homos) ou celui des hommes (les "méchants"). Ahuris, nous restions muets sans comprendre comment la discussion avait pu déraper si vite, dans un lieu pourtant privilégié, le centre LGBT.)



Note
1 : qui n'est jamais qu'une section du 1er. J'isole cette partie parce que je cherche à comprendre ce qui rend folle de douleur et de colère la femme rencontrée hier

Tu veux pas une pipe, pendant qu' tu y es ?

Ce matin, un tweet m'a fait rire de bon cœur.

Faisant référence à cette photo,



il écrivait « Ça donne plutôt envie de fumer ».



Eh oui, il faudrait choisir, à la fin : la fellation, pratique dégradante ou jeu (et plaisir) partagé ?

C'est toute l'ambiguïté du discours masculin (je ne précise pas hétéro, puisque c'est le discours de référence.)
Qui se livrerait de son plein gré à une activité qui, bien que procurant du plaisir, ne lui obtiendrait pas de la reconnaissance mais du mépris, ne serait pas considérée comme un don mais comme de la soumission? (Le même schéma se répète au niveau de la séduction: désirée la veille, méprisée le lendemain1. Mais ça va pas la tête? Tu peux t'mett'e la bite sous l'bras! (Bon, je m'égare)).

Et c'est ainsi qu'en tant que fille, femme, bref, élément féminin de l'histoire, je me suis toujours sentie perdante dans ces histoires de sexe. Quasiment toute la littérature érotique est organisée ainsi : une place dégradante pour la femme, ou plus généralement une place dégradante pour le partenaire pénétré.
Passons sur la bêtise du présupposé (nous ne savons rien de la jouissance de la pénétration, mais vous ne savez rien de l'inverse, héhé (ou alors si, vous savez, bande d'hypocrites!!))2

A une lointaine époque, j'ai eu une nourrice noire pour s'occuper des enfants. Il était impossible de lui faire la moindre remarque; toute remarque prouvait que nous étions racistes. Ou comme dirait un ami, «elle avait intensément conscience de sa négritude».

De même, j'ai eu longtemps « intensément conscience» de cette place de perdante, cette place de femme. Cela conduit à des interprétations perverties, à une paranoïa constante. On ne considère plus qu'un élément particulier de la gent masculine est con (si je peux employer ce terme dans ce billet), mais que tous les hommes en général mentent afin d'obtenir des gestes pour lesquels ils nous méprisent au fond d'eux-mêmes. Ici avoir beaucoup lu est plutôt un handicap, car 90% des récits tournent autour de ce thème (et le reste est souvent sirupeux).

Ce n'est qu'en lisant Tricks et Notes sur les manières du temps, quand RC note que de nombreux amants de passage sont incapables de le saluer amicalement le lendemain et l'ignorent, que je me suis rendue à l'évidence : non, les hommes ne méprisaient pas particulièrement les femmes. Simplement, un certain nombre d'entre eux était de sombres malappris, ou plus simplement des êtres pas tout à fait finis, à qui il manquait une fibre fraternelle (de la fraternité entre les hommes et les femmes, si, si, entre les hommes et les femmes comme appartenant à une commune humanité), défaut discernable le lendemain seulement (dommage).

Mais là, les concepteurs de cette campagne ont clairement affiché leur opinion3 et je lance ma malédiction : qu'il leur soit refusé à jamais toute pipe, tout jeu, tout rire, dans le plaisir partagé.




1 : Parfois cela prend des chemins plus retors, comme lorsque Matoo raconte que la mariée a mauvaise réputation pour avoir accepté de coucher le premier soir — avec son futur mari (couple très libre visiblement, mais inégalité dans le jugement de l'un et de l'autre…))

2 : Dire qu'on me demande ce que je trouve aux pdblogueurs ! Eh bien j'y trouve — au moins chez Matoo, je ne sais pas si je peux généraliser — une liberté de ton qui correspond à mon appréhension du réel, et c'est rassurant, une fois de temps en temps.

3 : Passons sur ce qu'il faudra expliquer aux plus jeunes enfants qui poseront des questions. Derrière son horreur affichée de la pornographie enfantine, notre époque considère que tous les enfants savent tout sur le sexe, ses pratiques et autres, dès l'école primaire (estomaquée d'apprendre que mon fils avait eu un cours sur le sida et la façon de mettre un préservatif… en CM2 (dix ans).

Mademoiselle Julie, de Strindberg, au théâtre du Nord-Ouest

Je l'ai déjà écrit, le charme du théâtre du Nord-Ouest, ce sont ses salles toutes noires, l'absence de décor, la proximité des acteurs. Mademoiselle Julie se joue dans la petite salle, l'espace de la scène est donc bordé de sièges sur trois côtés.

La pièce commence lentement, sur un constat: «Mademoiselle Julie est complètement folle!»
Repas du domestique servi par sa promise, exposition de la situation, apparaît Mademoiselle Julie, scène de séduction (de drague) effrontée, malaise du domestique qui souhaite protéger sa maîtresse de la déchéance, sociale et humaine, qu'il sait fatale, sans pour autant désobéir aux ordres qui se font humiliants et impudiques...
Puis la chair reprend ses droits et tout bascule.

Pièce à voir absolument, magnifiquement jouée par Audrey Sourdive, Jean Tom et Nathalie Lucas.
On en sort passablement secoué par la violence du texte et de la situation: pas d'issue, pas d'issue, pour celui ou celle qui ne saura pas tenir sa place, que ce soit une place attribuée par la nature ou par la société.

Pour une critique plus élaborée, voir ce blog consacré au théâtre.

Préjugé ou constat ?

— Les premières filles furent admises à Sciences Po l'année du Congrès de Tours. Il y avait eu des résistances, l'un des directeurs soutenait qu'une fille, c'était cinq garçons qui ne travaillaient pas.
— Il avait raison à double titre: si la fille est jolie, elle les déconcentre pour les raisons qu'on imagine, et si elle ne l'est pas, elle se lance dans l'agitation politique !

Entraves

Une vie de fille / de femme se caractérise par un ralentissement du pas : basketts et jeans, on court, illusion qu'il en sera toujours ainsi, mini-jupe et joie des jambes libres, grossesse, on ralentit, poussette, enfant de deux ou trois ans à guider, jupes serrées, talons hauts...
(Ne disons rien des burqas ou kimonos traditionnels.)

Je ne supporte pas les hommes qui encouragent les talons hauts et ne prennent pas la peine de régler leur pas sur le nôtre — ralenti.

Avancée féministe

Je suis contente qu'on envisage de m'offrir du vin (et quel !) plutôt que des fleurs.




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Neuf ans plus tard, j'explicite : déjeuner avec Olivier pour mon anniversaire. C'est au cours de ce repas qu'il prononça la phrase « Dépassionne-toi ! » (cela concernait un collègue. J'étais en train de lui raconter mes agacements de boulot.) J'ai parlé de H., de mon ressentiment devant ce que je ressens comme son mépris à l'égard de notre vie patiente de salariés qui ramenons la pitance au bout de chaque mois (et sa citation de la fable Le loup et le chien, très maladroite). Olivier hochait la tête en approbation. Nous sommes peut-être des chiens avec un collier, mais nous nourrissons nos famille. Cela représente un certain courage, un courage certain.

Sac de dame

Pour ne pas abîmer mes livres, je tends à privilégier les cartables.

Mon voisin de bus (inconnu) se penche sur mon cartable ouvert:
— Votre sac est bien rangé.
Je ne comprends pas ce qu'il veut dire:
— Je ne comprends pas, qu'est-ce qu'il a de spécial ?
— Rien. Pour un sac de femme il est bien rangé.
Je ne lui ai pas expliqué qu'il était impertinent, indiscret et pétri de préjugés.
Le plus étonnant est que la scène s'est répétée pratiquement à l'identique à quelques jours de là — à cela près que j'ai compris tout de suite.


Comme on se moquait de mon absence de "sac de dame", j'ai fini par trouver chez Loxwood le modèle idéal pour transporter des livres. Il existe en plusieurs tailles, plusieurs matières, plusieurs couleurs, qui changent à chaque saison (mais la forme reste la même).
Problème: les jours de pluie ou de neige.



2009-0203-sac-de-dame.jpg


Vendredi dernier : jour d'Eglogues.

Les événements palpitants de ce jour

Matin : Pris un RER plus tôt (ça n'a l'air de rien, mais c'est la première fois que cela arrive depuis la rentrée).

14 heures: rencontré Claire B. Plus pince-sans-rire que je ne l'aurais cru(e), et encourageante. Elle m'a donné plusieurs noms et un mot d'ordre: oser.

?? : à partir d'un twitt de Kozlika, je suis arrivée dans un blog au nom rigolo : sauvons la terre au lieu de manger des chips (Ce n'est pas incompatible (mais personne ne reconnaît jamais mes citations)). Et là catastrophe, je lis des jérémiades sur les chaussettes et l'esclavage des femmes.
Je crois que je vais faire ma Didier Goux: je vais râler en expliquant qu'elle a tort et que j'ai raison. Se plaindre d'esclavage en France, quand on tient un blog... Faut pas avoir honte.

* Mode d'emploi féministe :
Plier les chaussettes n'est pas obligatoire. Ni les mettre à l'endroit, ni les apparier. La chaussette sur le sol dans le passage peut y rester. La chaussette qui n'a pas atteint le bac à linge sale ne sera pas lavée. (S'il n'y a plus de chaussettes propres un matin: ah ben ça alors, ça c'est dommage...) Les moutons sous le canapé peuvent galoper: qui oblige qui que ce soit à y faire quelque chose? Ne font quelque chose que ceux et celles qui le veulent bien, pour des raisons qui leur appartiennent. Mais qu'ils ne viennent pas se plaindre en accusant la société (pas en France, pas dans nos sphères sociales (qu'on devine à travers nos blogs): un peu de pudeur, de grâce). 19h02: le Zuck est supprimé. Attendre celui de 19h17.

20h30. Je cuis les crêpes préparées par A. Sirop d'érable et poudre de noisette.

Café du matin, chagrin

La semaine dernière, j'ai mis de l'eau dans le réservoir de la machine à café, j'ai appuyé sur le bouton.
J'avais oublié de mettre un filtre et du café.

Ce matin, je me suis appliquée: j'ai fait pivoter sur le côté le compartiment de la cafetière destiné au café, j'ai mis un filtre dans le compartiment, du café dans le filtre, puis je suis allée chercher de l'eau en laissant le compartiment ouvert, désaxé par rapport au corps de la cafetière.
En revenant, absorbée dans mes pensées, j'ai versé directement l'eau froide sur le café. Le ploc des gouttes tombant sur les prises électriques le long du meuble m'a brusquement réveillée.


PS1 : Sur la folie des femmes.
Dans L'aliéniste, celui-ci juge sa femme folle quand elle se relève la nuit pour comparer l'éclat de deux colliers de couleurs différentes et tenter de choisir celui qui lui va le mieux. Pas un instant l'aliéniste n'entrevoit que s'il avait répondu à la question de sa femme («Lequel dois-je mettre?»), celle-ci ne serait pas devenue folle d'indécision.
Faut-il en conclure qu'observer sa folie était plus intéressant que la regarder et répondre à sa question?

PS2 : Je deviens totalement paranoïaque. Cela m'inquiète.

Cela demande réflexion

Vendredi matin, je contemplais mélancoliquement quelques mots de la pub pour le combi volkswagen «[...] on change de femme, on change pour un homme, [...]», en me disant que décidément cette pub avait bien saisi l'air du temps, quand miraculeusement j'ai reçu un mail qui contenait quatre photos réconfortantes.









Solidarité masculine

Au marché, le vendeur d'oignons-pommes de terre au mari à qui la femme vient de faire une remarque :

— Ne vous laissez pas faire, Monsieur. Allez, je lui mets plein de petits oignons pour la faire pleurer.

La vie mode d'emploi

[…]
Pour Nadine, les choses de la vie sont simples : les hommes se servent de leur intelligence pour devenir — ou, dans le cas du baron Edmond, rester — riches, et les femmes se servent de leur intelligence et de leur poitrine («Sans parler de ma jolie poitrine qu'il [le peintre mondain Jean-Gabriel Domergue] est le premier à admirer en véritable esthète») pour épouser des hommes riches.

Patrick Besson, in Le Point, 10 mai 2007

Cruauté

Fin de la journée. L'ascenceur s'arrête, une voix susurre "ouverture des portes", j'entre, "troisième étage, sens descente", la porte se ferme, "fermeture des portes", un homme mince, la quarantaine, plutôt agréable, neutre tendance poli presque avenant, lève les yeux au ciel et dit : «On comprend pourquoi ils ont choisi une voix de femme».
Je le regarde, un peu surprise, je ne dis rien. Il est obligé de continuer : «Parce que ce sont des pipelettes, elles parlent tout le temps».
Je le regarde, enregistre le cliché, ne dis rien. Sans doute ai-je l'air encore un peu surprise, ou peut-être un peu moqueuse.
Je me tais.
Il commence à se décomposer: «Euh, je plaisantais, je ne le pense pas, bien sûr.»
Je le regarde, souris largement et réponds froidement: «Mais si, vous le pensez.»
Il est très très ennuyé, essaie de balbutier quelque chose, de se justifier, de s'excuser, mais trois étages, c'est trop court.
Je sors, ("rez-de-chaussée, ouverture des portes") et bon prince, lui confirme: «Et vous avez raison, ce sont souvent des pipelettes».

Pourquoi les pdblogs ?

Ce fut la question de Gvgvsse, me regardant dans les yeux, attendant visiblement une "vraie réponse", quand je le rencontrai en mai 2005.

Evidemment, la réponse qui vient est "Pourquoi pas?"
L'autre est "Quelle question bizarre, pd n'a jamais été un critère, je ne choisis pas selon ce critère".
La vraie réponse est «Je ne sais pas».
L'autre réponse est «Je ne l'ai pas fait exprès» ou «c'est un hasard» (une recherche sur versatile qui m'a fait tomber sur un billet de Matoo).
La dernière réponse possible est «c'était peut-être inévitable pour une lectrice de Renaud Camus». (Absurde: j'ai commencé par Du sens et Répertoire des délicatesses du français contemporains, qui sont très neutres de ce point de vue: je le répète, l'homosexualité n'est pas un critère de choix).

Quoi qu'il en soit, la question de Gvgvsse a continué de me turlupiner: est-ce que c'était bizarre, de ne lire que des blogs pd? Evidemment, la raison principale du phénomène, c'est qu'ayant commencé par lire Matoo, puis ayant circulé dans ses favoris, I was trapped. Finalement, celui qui m'a permis de sortir de cet enfermement, c'est Philippe[s] (trouvé, lui, par une recherche Google avec "Renaud Camus" en mots-clé), car ses favoris sont d'une autre nature (qui détermine un monde tout aussi clos).

Mais la question reste, ou plutôt est ré-avivée, quand un ou deux de "mes" lecteurs masculins hétéros m'avouent ne pas accrocher avec mes blogueurs favoris. «Tant pis», pensé-je avec philosophie, ou «ça ne m'étonne pas», si je suis d'humeur sardonique.
Je me souviens de la surprise de Matoo, et aussi de quelque chose qui ressemblait à du soulagement, quand papotant pour la première fois ensemble, il s'exclama «mais t'es pas une fille à pd, alors», me laissant interloquée (mais qu'est-ce que c'est et pourquoi préfère-t-il que je ne le sois pas?). Plus tard, au cours d'une soirée, un certain Yann me peignit un tableau moqueur de la FAP: «Ça commence à l'adolescence, elles sont grosses, moches,…» C'était méchant et moqueur, et j'ai plaint ces filles dont j'ai soupçonné le besoin de chaleur humaine et d'amitiés gratuites (mais après tout je n'en sais rien, ces mondes-là me sont à peu près inconnus). Mais bon, Yann, c'est spécial (pas du tout mon genre, mais ça me ferait bigrement plaisir de le revoir parce que par une de ces alchimies inexplicables, on s'amuse bien (les mêmes dispositions naturelles à la langue de vipère, je suppose).)

Récemment, j'ai lu une phrase de Kozlika qui m'a arrêtée: «Ah tiens, c'est bien la première fois que je me sens d'emblée si à l'aise avec un hétéro.»
Je ne dirais pas ça mais je comprends parfaitement ce qu'elle veut dire. Ce qui m'ennuie, c'est que je suis incapable de l'expliquer.
Pourquoi ne serait-on pas spontanément à l'aise avec un hétéro? «Méfiance, méfiance, mais qu'est-ce qu'il me veut?»
Pourquoi serait-on spontanément à l'aise avec des homos? (ce qui n'est pas mon cas, d'une part parce que je n'ai pas de "gaydar", je suis même totalement nulle (ce genre de catégorisation ne m'a jamais intéressée), d'autre part parce qu'il y a a des homos avec lesquels je suis très mal à l'aise…)
La distinction de Kozlika est inopérante dans mon cas. Mais cependant… Il existe un soulagement (qui doit paraître incompréhensible à beaucoup) à NE PAS être l'objet d'intérêt principal. Je me souviens de mon amusement à constater que mes hommes préférés étaient finalement les hommes amoureux (d'une autre), les hommes passionnés (d'un sujet), les prêtres (qui peuvent entrer dans la catégorie précédente), bref, ceux qui n'ont d'autre intérêt à parler avec moi que le désintéressement et leur propre passion.
Il est possible que je sois une exception, comment savoir, puisque je ne parle pratiquement qu'avec des garçons (comme dirait Kozlika) depuis toujours, sports et maths obligent.

Finalement, j'aurai passé mon temps à faire oublier que j'étais une fille jusqu'au moment où je me serai rendu compte que ce n'était pas réellement possible, et qu'une paire de talons et un peu de maquillage et un sourire pouvaient obtenir beaucoup de choses1, ce qui est, avouons-le, profondément décevant.

Enfin, j'ajoute que la phrase de Kozlika m'a rappelée les phrases de Nuruddin Farah: «Les femmes sont comme les fourmis, elles ont développé une sensibilité au danger, elles ont développé des antennes comme les fourmis pour interpréter un sourire, un cadeau… (un cadeau n'est jamais gratuit)». Nuruddin Farah m'a profondément étonnée, j'ai eu l'impression qu'il avait compris quelque chose : «il va falloir payer» est une arrière-pensée inconsciente, les femmes (ou juste moi?) ne croient pas beaucoup à la gratuité… Je me souviens de Marilyn Monroe, qui sortait draguer dans les bars pour s'assurer de sa séduction (oh ce doute des femmes), et qui disait toujours oui en posant pour seule condition «d'être gentil». Cette condition est si triste.

Parfois je me dis que je suis complétement folle, très très parano (j'ai au moins un ennemi pour le penser) et que c'est totalement ridicule. D'autre fois je me dis qu'un homme blanc hétéro dans la société occidentale, c'est-à-dire dans une société entièrement taillée à sa mesure depuis des siècles, ne peut pas voir la société dans laquelle il vit, comme un poisson ne peut avoir conscience de l'eau, et je le plains un peu.



Note
1 : reconnaissons la grande complicité avec certains (généralement la catégorie "amoureux d'une autre") qui vous voient faire, le savent, et s'offrent le plaisir de céder malgré tout (je parle de sujets professionnels) tandis que je sais qu'ils savent et qu'ils savent que je sais… Cette complicité-là est merveilleuse. (En plus simple, il y a tous les gestes de la galanterie ancestrale qu'une bonne féministe devrait refuser mais que je trouve si agréable en compagnie d'un homme intelligent.)
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