Alice du fromage

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Billets qui ont 'série américaine' comme mot-clé.

jeudi 16 février 2012

Calme

J'ai repris SFU saison 5. Un disque par soir en tricotant. C'est drôle comme des événements qui me semblaient s'être étendus sur plusieurs épisodes n'apparaissent qu'en un seul. Que le souvenir déforme.

dimanche 12 février 2012

Dimanche

Après-midi crêpes.

Découvert tardivement (déjà cinq saisons, oui, tardivement) The Big Bang Theory (en anglais: je n'ai pas trouvé de version sous-titrée, et la version doublée est insupportable).

Les clins d'œil de Chuck Lorre.

dimanche 13 février 2011

Pushing Daisies

Je découvre la série très tard, bien trop tard puisqu'elle a été interrompue en 2008. C'est vraiment très déjanté et très réjouissant.

mercredi 18 août 2010

Journée tranquille

Fin du repassage.
Fin du papier peint dans la chambre d'O.
Fin de tous les épisodes de Mad Men dont je dispose.
Je me souviens de Bruce nous expliquant, dans la cuisine d'Aubervilliers en 1992, les mutations de l'Amérique entre 1950 et 1960: «Les années 50 c'était comme Happy Days, "Hello, Dad, hello Mum", et dix ans plus tard: "Fuck you Dad!". Personne n'a rien compris.»

mardi 17 août 2010

Philippe et les voitures

Le musée des Beaux-Arts possède deux portraits de Feydeau et de sa jeune femme, la fille du peintre Carolus-Duran (de mémoire). Ce Feydeau-là ressemble beaucoup à un ex-collègue de bureau, Philippe[1].
Je pense à Philippe en repassant, tandis que Don Draper interdit la pâte à modeler à sa fille, de peur de salir la voiture, ou que sa femme s'étonne devant les enfants: «Papa vous a laissés monter dans la voiture avec du chocolat?». Je pense à Philippe expliquant que le cuir, c'est très résistant (une peau de vache, malgré tout, quand ce n'est pas de buffle), et racontant qu'un voisin à Jersey lavait les coussins de la Rolls à grande eau. Ça me faisait rire.

Suite au rachat de notre entreprise en 2001, et au changement de société que cela avait signifié pour nous tous, et aux primes diverses que nous avions reçues, il s'était offert, sur les encouragements de sa femme, la voiture de ses rêves, une Mercedes. Et lorsqu'il traversait les petits villages de la Manche, sa région natale, il saluait parfois un paysan d'un appel de phare et d'un signe de la main:
— Je leur fournis un sujet de conversation pour les trois semaines suivantes, disait-il en riant. Et fronçant le sourcil, empruntant les expressions du coin: «Mais qu'i c'est-i qu'ça peut bien être?»
Et je riais encore, songeant à ma grand-mère. Je ne connaissais pas alors tante Léonie, sa façon d'envoyer Françoise chercher du sel chez l'épicier pour tâcher d'identifier un inconnu passé dans la rue.

Notes

[1] voir aussi Pierre V, roi du Portugal.

lundi 26 juillet 2010

Panni désert

Naples – Panni – Bovino – Foggia – Panni
Location d'une voiture: Naples (Floride) nous promettait une corvette, dans la même catégorie Naples (Italie) nous octroit une Fiat 500 rouge vif, superbe, à la direction d'auto-tamponneuse, se faufilant partout (et heureusement. Je ne compte plus le nombre de demi-tours sur routes ou reculs dans des rues trop étroites paraissant finir dans des cours privées). Il me semble de plus en plus évident qu'il existe un rapport étroit entre les voitures fabriquées par un pays et sa topographie, la topographie de ses villes. Je suis trop française pour comprendre ce que disent de la France les voitures françaises (avoir inventé le monospace: qu'est-ce que ça veut dire?) mais je serais curieuse de comprendre le rapport des voitures japonaises au Japon.

Atteindre Panni n'est pas de tout repos. Personne à la chambre d'hôte que nous avons réservée, il est quinze heures, tout semble désert.[1]
Panni- Bovino, route improbable, je repasse en première dans les virages en épingle, à un endroit la chaussée s'est effondrée dans le ravin.
— Eh ben dis donc, j'espère qu'il ne passait personne quand ça s'est effondré!
— Si ça s'est effondré, c'est qu'il passait quelqu'un.

Bovino, palais ducal (ou diocésain). Francesco est très serviable, il téléphone à Béatrice B., nous démêlons la situation. A huit ou neuf heures du soir, nous serons attendus à Panni pour dîner et retrouver notre chambre, Béatrice est navrée du contretemps.

Foggia. Pas de parcmètre, mais un homme qui délivre des tickets quand il vous voit arriver (est-ce que c'est rentable? Plus besoin de gérer des contractuelles et un suivi des contraventions, en cas de dépassement de temps de stationnement il vient réclamer le supplément, accessoirement il surveille et donc protège les voitures. Un euro ving les deux heures, à combien est l'heure de Smic chargée, combien faut-il qu'il facture de voitures pour que son embauche soit rentable?) Un café, nous n'arrivons pas à nous faire comprendre, glaces, wifi, les magasins commencent à ouvrir (il est 17 heures, je vérifie les horaires d'ouvertures, 17- 21 heures, mais que cela doit être pratique quand on travaille dans un bureau), nous visitons le jardin. Je pousserais bien jusqu'à la mer mais nous sommes fatigués.

Le soir je vois un épisode de Lost pour la première fois. C'est au restaurant, la télévision gueule, c'est en italien et je n'y comprends rien.

Notes

[1] Dans les jours qui suivront, nous apprendrons qu'il faut s'arrêter au café, en bas dans le village, devant la poste, pour demander les clés.

lundi 19 juillet 2010

Folie I

J'ai évoqué autrefois ma terreur de finir comme Ruth Fisher, enterrée vivante entre la machine à laver et "les enfants à élever" (syntagme figé). Me revient en mémoire une émission d'Eve Ruggieri (j'entends encore sa voix prononcer les mots), en 1985 ou 1986, dans laquelle elle évoquait une jeune femme qui, venant d'apprendre la mort de son mari, hurlait d'affolement dans les couloirs du château de Versailles: «Pas le couvent! Pas le couvent!»1. Parfois devant les tâches ménagères et les heures de RER je hurle dans les couloirs de ma tête: «Pas le couvent! Pas le couvent!»

(Qu'est-ce que je pense de Mad Men? Qu'est-ce que je pense de Don Draper, un personnage qui enferme sa femme, lui fait suivre une psychothérapie, interroge le psychiatre (ce qui pour moi est l'équivalent d'un viol de l'âme), mais n'est pas capable de lui confier sa vraie identité, ne lui parle pas, la laisse mourir à petit feu? Je n'en pense rien, tout cela m'est étranger, à mille lieues de mes préoccupations. Ce ne sont pas des personnages qui se battent, ce sont des personnages qui survivent. (A la rigueur Roger…) (Parenthèse dans la parenthèse: Et si l'on considère que la représentation dit une certaine vérité, à la fois sur les années 60 et les années 2000, il me semble que le personnage de la femme de Don Draper (son prénom m'échappe: Bett? Elisabeth?) est l'ancêtre (bien que la chronologie de la production soit inverse) des clinquants Desperate Housewives d'une part, Sex and the City d'autre part. De cela je tirerai une conclusion concernant mes goûts: je n'aime pas les téléfilms "vernis", qui montrent un monde où tout est brillant, au sens propre (la décoration, les vêtements, les couleurs) et figuré (la situation sociale, les métiers, l'éducation, etc).))

Pas Ruth Fisher, donc.
Mais en ce moment, c'est une question de Claire qui me trotte dans la tête:
— Maman, pourquoi est-ce que j'attire toujours les dingues ?


Note
1 : Laurent m'apprendra qu'il s'agit de la princesse Palatine.

samedi 22 mai 2010

Vaux, j'aime je n'aime pas

Je n'aime pas les jardins à la française, écrasés de soleil, sans ombre.
J'aime les croquis de Le Nôtre, son esprit géométriques et ses rêves. J'aime la bière locale (blonde: en 75 cl, elle n'existe que blonde) bue le long des haies en papotant.

Je n'aime pas le hall d'entrée, vide, disproportionné, humide, sans chaleur ni humaine, ni mobilière, ni immobilière.
J'aime la charpente, les outils et le vocabulaire des charpentiers. J'aime la vue du haut du clocheton. J'aimerais acheter une tuile (cinq euros) mais ce n'est pas prévu sur le site.

Je n'aime pas le destin de Fouquet, la trahison de ses pairs (quoi qu'il ait fait par ailleurs), l'enfermement durant 19 ans, le passage brutal des fastes au dénument. Je frémis d'horreur quand je tente de me représenter l'ennui de toutes ces heures à vivre inutiles et vides.
J'aime les photos de famille (dit-on Vogü-é ou Vogueuil?), le nom de duc de Praslins, la fidélité de Madame de Sévigné et de La Fontaine, et tous ceux qui furent fidèles alors que c'était dangereux.

J'aime le jeune homme qui n'a pas froid dans la cuisine (sa position contre le radiateur, les mains inoccupées, me rappelle Fouquet représenté dans son cachot), les chasubles des prêtres taillées dans les robes de mariées.

Je n'aime pas les réflexions des puristes, qui tordent le nez parce que les statues du jardin ne sont pas "d'époque" et que la bibliothèque a été reconstituée.
J'aime le kitsch de la boutique de souvenirs, si commercial, mais témoignant d'un attachement naïf de la part des acheteurs, d'une sorte de ''worship'ing'', d'un désir d'adoration ou d'esbrouffe qui m'émeut ou me fait rire.

La gloire c'est : signer une tuile de Vaux (de l'ardoise d'Angers) et qu'elle soit exposée sous vitrine plutôt que posée sur le toit.







Note en mai 2015.
Cette journée devait être une sortie cruchons mais finalement seuls Patrick et Aline sont venus. J'étais tellement en larmes que j'ai songé à annuler. Je m'en suis empêchée, me tenant à la conviction qu'il ne fallait annuler aucun engagement, que tout renoncement ne ferait que renforcer mon sentiment de vacuité et de ratage.
J'ai caché mes larmes comme je pouvais, et au fur à mesure de la journée c'est allé mieux, grâce à leur conversation.

samedi 26 décembre 2009

L'écart

Deux jours pour regarder la saison 1 de Happy days. Premiers épisodes maladroits tournant autour d'un seul thème, le timide Richie embrassera-t-il telle ou telle fille, toujours la plus jolie, parfois la plus gentille? La pédagogie à l'œuvre est assez simple: laisser les adolescents faire leurs propres expériences, afin qu'ils en tirent les conséquences. Puis les épisodes se font plus "sociaux" (ie problèmes de société), racisme, bombe atomique, blousons noirs, beatnicks, etc, vision 70's des années 50 américaines.

Il n'y a pas tant de différences entre cette série et Six Feet under: une famille "gentille", avec des principes, pas vraiment de méchants, pas vraiment d'adversaires autre que la vie elle-même (devenue la mort dans SFU) et ses vicissitudes: comment vivre, comment apprendre à vivre? En trente ans l'art de la narration a évolué avec la maîtrise technique et le recul de la pruderie, tant sexuelle que sociale, avec cette narration plus détendue mais plus fine et plus acérée dans SFU, Happy days ayant introduit jusque dans la manière de filmer la timidité et la maladresse de Richie.

dimanche 7 juin 2009

Que dire ?

Mercredi soir : concert d'enfants.
Jeudi soir: théâtre, Yves-Noël Genod.
Jeudi et vendredi : colloque sur le kitsch.
Samedi : exposition Marcheschi à Nemours.
Dimanche : assesseur en bureau de vote.

Perte de mémoire, glissements. Le quotidien se délite. Ebahissement et silence. Joie et pleurs. Etonnement. Silence.
Menace du silence et tentation du silence.

J'ai pleuré en apprenant la mort de David Carradine.
Je me rends compte qu'à côté des gens dont je découvre qu'ils étaient encore vivants quand j'apprends leur mort, il y a ceux que je pense encore vivants bien que les sachant morts.
Exemple: Paul Newman.
Autre exemple : Jacques Martin.

dimanche 3 août 2008

Toujours pas grand chose

Je pense à l'époque où je lisais Matoo sans avoir de blog. Il posait de temps en temps le dilemme du blogueur : écrire tous les jours même sans avoir quelque chose à dire ou n'écrire que lorsqu'on a quelque chose à raconter?
(J'adore ce genre de phrase: pur remplissage, écrire qu'on ne sait pas quoi écrire, c'est déjà écrire. J'ai commencé à lire la thèse d'Hermes sur Raymond Roussel, je me dis qu'il faut que je lise Les Mots et les Choses.)
En fait, il y a toujours quelque chose à écrire, quelques notations qui identifient la journée comme différente de la veille ou du lendemain. Simplement, on craint que cela soit mortellement ennuyeux.
La question devient donc: est-ce si important d'ennuyer les lecteurs?
Malgré tout, je crois que la réponse est oui, en tout cas pour moi. Tant pis.

Regardé la saison 1 de Six feet under à partir de l'épisode 6 (évidemment moins de temps pour lire ou bloguer. Mais j'ai repassé). Toujours le même étonnement devant la somme d'événements dans un épisode: à la fin d'un épisode, je me sens à peine capable de résumer ce qu'il est arrivé à chacun des personnages.
Je me rends compte que j'ai été élevée dans un monde de fiction télévisuelle avare, toujours prêt à thésauriser les péripéties pour l'épisode suivant, dans un monde de films où il ne se passe rien, où s'ennuyer est esthétique. Mon dieu, que ça fait du bien d'avoir une histoire débordante d'événements inattendus, où les scénaristes n'hésitent pas à se mettre en danger, où, quelle que soit la gêne née de certaines situations, les dialogues sonnent toujours justes.

Il faudra un jour que
1/ je reprenne chaque épisode en notant exactement ce qui s'y passe (et la mort du début) (mais ce relevé doit exister sur le net, en anglais).
2/ je comprenne ce qui me touche tant dans cette série. Je crois que je m'identifie à chacun des membres de la famille Fisher. Je crois que le principe des hallucinations, des films éveillés, de la projections des fantasmes dans la réalité, m'est très naturel.

J'ai égaré Allen. J'ai commencé La bibliothèque de Villers.

jeudi 8 mai 2008

Dernière cigarette

« Je ne veux pas mourir sans avoir revu une queue.»

Oz saison 3, une prisonnière dans le couloir de la mort

mardi 7 août 2007

Mirages

Je ne sais pas si beaucoup d'hommes regardant Sex and the City s'imaginent que le monde contient autant de jolies filles, mais en tout cas, je sais qu'il ne contient pas une telle proportion de beaux mecs.
C'est d'ailleurs amusant, le personnage masculin au physique le plus ordinaire est l'ami homosexuel, alors que dans la réalité, c'est généralement l'inverse.

Du rapport à la réalité : dans Six feet under, je me retrouve dans pratiquement tous les personnages, ils me sont extraordinairement proches, dans Sex and the City il me sont tous étrangers.

dimanche 6 mai 2007

La série que j'attends en DVD

Il y a quelques jours j'expliquais à C. qui s'étonnait de je ne sais plus quelle information à la radio, qu'on passait sa vie à essayer de retrouver les impressions et les sensations de l'enfance. (Je lui ai épargné Proust).

Un peu plus tard dans la voiture, nous écoutions l'horoscope déjanté de RFM: chaque jour l'horoscope est construit sur un thème, et ce jour-là, le thème était la Hollande, nous avons donc eu droit à douze clichés sur la Hollande (un par signe astrologique): les tulipes, les canaux, etc, et l'Ajax d'Amsterdam. Durant les quelques secondes où a été évoqué l'Ajax, le bruit de fond était un étrange grincement.
Une fois l'horoscope fini, j'ai demandé à C:
— Tu sais ce que c'était, le bruit sur l'Ajax?
— Non.
— C'est une référence à une vieille pub pour Ajax crème: la pub t'expliquait que sans Ajax crème, tu rayais l'émail («Ça raye l'émail», je l'ai encore dans l'oreille), et on voyait un patin à glace en train de pirouetter en rayant l'émail: c'est ce bruit que tu entendais.

J'en ai profité pour lui expliquer l'autre bruit célèbre de ces années-là: une assiette propre lavée avec Paic citron, Peeeeurrrrrkkkkkkk (un post fétiche sur un produit fétiche).

C. est très bien préparé pour vivre dans les années 80, de même que j'étais parfaitement préparée à vivre dans les années 50. Comme dirait Rémi, l'important, c'est de ne pas transmettre ses névroses.

La série que j'attends, c'est celle-ci. Elle n'existe pour l'instant qu'en zone 1.


mercredi 18 avril 2007

Insidieuse propagande

Oz est à la foi ce que Jack Bauer est à la torture.

lundi 3 juillet 2006

Sans importance

— Vous prenez cela trop au tragique !
— Vous vous êtes trop investie.
— Je ne pensais pas que vous étiez aussi affectée.

Suite à mon départ du forum de la SLRC, les réactions de quelques lecteurs me surprennent et me font rire. Comment les gens peuvent-ils être aussi illogiques? Ne viendra-t-il à l'idée de personne que si je suis aussi affectée, c'est justement parce que je me suis investie? Et que si je suis en colère contre eux, c'est parce que je comptais sur eux ?

Ecrire sur un forum, écrire sur un blog, ce n'est sans doute pas très important quand par ailleurs on a l'occasion d'écrire sur, ou de parler de, ou d'étudier, ce qui vous tient réellement à cœur. Mais lorsque c'est le seul lieu où vous pouvez formaliser votre pensée, lorsque c'est la contrainte que vous vous êtes donnée pour ne pas vivre comme un légume et finir comme Ruth Fischer ou Desesperate housewives, c'est important.

C'est peut-être pathétique, mais c'est comme ça.

mercredi 28 juin 2006

Jack Bauer

— Rendez-moi ma fille ! Où est ma fille ?!
— Je veux protéger ma famille !
— Passez-moi le Président.

C'est très agréable de vivre sans télévision : on découvre tout avec quatre ans de retard, toujours par hasard et via les séries préférées des uns et des autres. C'est ainsi que je n'ai jamais vu Les Guignols, mais qu'à la grande époque (il y a dix ans, quinze ans ? Putain?) j'avais un ami qui les imitait à la perfection (du moins je suppose, puisque je ne connais pas les modèles), qu'en 1996 j'avais un collègue passionné de la série Urgences, qu'il y a dix-huit mois j'ai trouvé chez Matoo et Ron des commentaires sur Six Feet under qui m'ont intriguée…

En mai dernier, à l'occasion d'un anniversaire, nous nous vîmes offrir les trois premières saisons de 24 heures chrono. J'ai donc passé cinquante-quatre heures de ma vie durant les six dernières semaines à regarder transpirer et s'époumoner Jack Bauer. Je suis fatiguée.

Avant écrire quelques lignes à propos de ce passionnant sujet, jiai fait un petit tour sur les blogs afin de ne pas répéter ce qui avait déjà été écrit. Cela m'a confortée dans mon impression d'être perpétuellement décalée, puisque Sébastien Benedict parlait de Jack Bauer dès octobre 2004, mais cela m'a également permis de constater qu'à la faveur de la saison 5, la série était d'actualité.

Alors doncque, pourquoi en faire un billet ?
Parce que je suis déçue.

Je crois toujours ce qu'on me promet, même quand je sais que je ne devrais pas.
Imaginez dès lors ma curiosité et mon impatience de voir une série qui promettait du temps réel, c'est-à-dire exactement ce qu'on nous apprend à l'école qu'il est impossible d'obtenir dans une fiction, ou plutôt, exactement ce qu'une fiction s'attache à ne pas reproduire : quel ennui si chacune de nos actions prenait leur temps réel au théâtre ou au cinéma.
Ce phénomène est clairement expliqué par Umberto Eco dans Six promenades dans les bois du roman:
Parfois on recherche la coïncidence des trois temps (de la fabula, du discours, de la lecture) à des fins très peu artistiques. La temporisation n'est pas toujours un signe de noblesse. Je me suis un jour demandé à quoi on reconnaît scientifiquement un film pornographique. Un moraliste répondrait qu'un film est porno s'il contient des représentations explicites et minutieuses d'actes sexuels. Pourtant, lors de nombreux procès pour pornographie, on a démontré que certaines œuvres d'art recourent à ce type de représentations par scrupule de réalisme, pour dépeindre la vie telle qu'elle est, pour des raisons éthiques (on représente la luxure afin de la condamner) et que de toute façon, la valeur esthétique de l'œuvre rachète sa nature obscène. Comme il est délicat de dire si une œuvre a vraiment des préoccupations de réalisme, si elle a de sincères intentions éthiques, et si elle atteint des résultats esthétiquement satisfaisants, j'ai établi (après avoir analysé maints hard-core movies) une règle infaillible.

Il faut savoir si, dans un film représentant des actes sexuels, lorsqu'un personnage prend une voiture ou un ascenceur, le temps du discours coïncide avec le temps de l'histoire. Flaubert met une ligne à nous dire que Frédéric a voyagé longtemps; dans les films normaux, quand un personnage monte en avion, on le voit débarquer au plan suivant. En revanche, dans un film porno, si quelqu'un […] ouvre un frigo et se verse une bière pour la siroter au creux d'un fauteuil, l'action prend autant de temps que cela vous prendrait chez vous pour faire la même chose.

La raison en est très simple. Le film porno est conçu pour satisfaire le public par la vision d'actes sexuels, mais il ne peut offrir une heure et demie d'accouplements ininterrompus, ce serait fatigant pour les acteurs et cela finirait par devenir assommant pour les spectateurs. Il faut donc distribuer l'acte sexuel au cours d'une histoire. Or, personne n'est disposé à dépenser de l'argent et des trésors d'imagination pour concevoir une histoire digne d'intérêt, dont le spectateur se ficherait parce qu'il veut du sexe. L'histoire se réduit donc à une série minimale d'événements quotidiens : aller quelque part, mettre un pardessus, boire un whisky, parler de chose sans importance… […]. C'est pourquoi tout ce qui n'est pas sexuel doit prendre autant de temps que dans la réalité alors que les actes sexuels doivent prendre plus de temps qu'ils n'en requièrent en général dans la réalité. Voici donc la règle : si dans un film, deux personnages, pour aller de A à B, mettent un temps égal à celui qu'il faut en réalité, nous avons la certitude de nous trouver face à film porno. Bien entendu, il doit y avoir aussi des actes sexuels sinon Im Lauf der Zeit de Wim Wenders, qui montre pendant presque quatre heures deux personnes voyageant en camion, serait un film pornographique, ce qu'il n'est pas.
J'ai donc commencé la vision de la saison un en me demandant si Jack Bauer allait faire mentir Umberto Eco.
La réponse est non, hélas.
Au début j'ai bien cru que 24 heures chrono tenait son pari et qu'il faudrait ajouter un chapitre à l'art de la narration. Bien sûr la multiplicité des personnages permettait de remplir les minutes du film sans qu'on suive jamais l'intégralité des actes d'un unique personnage (cf Sebastien Bénédict et sa "manière de linéarité biaisée"1), mais il me semblait que nos actions « vides », celles que l'on ne filme pas parce qu'elles sont sans intérêt — à moins d'y mêler du dialogue ou de l'action, — la longueur d'un déplacement ou d'un repas, par exemple, étaient réellement représentées dans leur épaisseur. Il m'a fallu un peu de temps pour me rendre compte que tous les trajets étaient vertigineusement raccourcis, les distances étaient abolies. Jamais les déplacements montrés à l'écran n'auraient pris si peu de temps. La vitesse se gagne non par l'accélération du temps, mais par la disparition des distances.

Il serait amusant de faire le compte des heures réellement nécessaires pour vivre les événements de la saison trois, par exemple : combien de temps pour aller au Mexique et en revenir, sachant qu'il faut commencer par aller à l'aéroport…?
Mais évidemment, ce genre de calcul serait idiot, ce serait accorder à cette série une prétention à la vraisemblance qu'elle n'a pas (du moins j'espère! Mon dieu, quel fatras et quelles incohérences! Je n'en reviens pas.)

Cette série m'a beaucoup amusée en ce qu'elle s'oppose quasi-systématiquement à toutes les règles d'un récit bien construit. Elle bafoue une règle d'or du théâtre classique: ne jamais donner un élément qui ne soit utile à la suite de l'action (c'est ainsi que l'on a reproché à Corneille d'avoir esquissé une idylle entre l'Infante et Le Cid : ce détail n'est pas utilisé dans la suite de la pièce, il peut être enlevé sans dommage, donc il était inutile de l'introduire dans la pièce).
Mais évidemment, une telle règle suppose une action rectiligne, une épure, une architecture anticipant dès le début sa fin : il y a dant tout récit classique une part d'inéluctable.
Rien de tel ici, chaque minute ne dépend que des quelques minutes qui l'ont précédée, elle n'est pas comme la pointe logique de tout ce qui s'est passé auparavant.
C'est un point qui m'a particulièrement impressionnée: cette série n'a pas de mémoire, elle est entièrement tournée vers l'avenir. Je crois que ce que je préfère dans 24 heures chrono, ce sont les résumés au début de chaque épisode. Il s'agit de l'aveu sans complexe que seuls comptent les deux ou trois épisodes précédents, voire uniquement le précédent. L'histoire, le récit, n'est pas conçu comme un tout, la quinzième heure a déjà oublié la dixième, seule compte la seizième. Chaque résumé doit permettre de comprendre ce qui va se passer, savoir ce qui s'est passé n'est absolument pas une préoccupation.
Chaque résumé est ainsi l'occasion de contempler en moi l'incrédulité provoquée par une telle méthode. Au début, naïvement, je complétais mentalement les résumés (l'attentat contre le boeing dans la série un ou l'assassinat de Chapelle, par exemple). Je ressentais en effet une sorte de révolte à voir ces résumés qui ne résument pas, qui contreviennent à tout ce qu'on m'a appris. Plus tard, j'essayais de composer à l'avance le résumé que j'allais voir dans quelques minutes : quels étaient les éléments indispensables à la compréhension de la suite, quelles pistes les scénaristes allaient-ils abandonner?

Et c'est étrange de se dire que ce manque de rigueur est sans doute l'une des forces de la série : c'est en cela, bien plus qu'en l'utopie d'un temps "réel", qu'elle ressemble à la vie. Tous les récits sont fictifs dans le sens où ils s'organisent en fonction de leur fin, c'est ce qui les différencie fondamentalement de la vie "réelle", où la fin est inconnue, où des pans entiers de notre passé sont inutiles pour comprendre notre situation actuelle (voilà une remarque très a-psychanalytique); la connaissance de quelques faits suffit à expliquer notre journée de demain.2
(Et cette idée n'est pas très agréable.)

Très vite, j'ajoute une dernière remarque, sociologique cette fois: j'ai été impressionnée (encore) par l'image de la torture donnée dans cette série. Elle est considérée comme normale, des hommes de la cellule anti-terroristes sont formés à cela, le président des Etats-Unis ordonne qu'on torture et assiste à une séance de tortures… sans qu'il y ait dilemme cornélien sur le respect de la personne humaine.
Guantanamo ne devrait pas tant surprendre quand on a regardé 24 heures chrono. D'autre part, la population américaine semble totalement sous surveillance : satellites qui surveillent les voitures, banques ADN qui permet de retrouver un inconnu… Fantasme ou réalité? Quoi qu'il en soi cela ne paraît pas choquer grand monde.


Notes
1 : "Joies enfantines de la vitesse dans la 1ère, qui lance son sprint dès le départ, engage l'Amérique avec elle, ni plus ni moins, et concentre, en une fois, tout ce qui fait la grandeur d'un cinéma à nul autre pareil : art de la vitesse, justement, manière de raconter une (des) histoire(s) et, ne sachant faire que ça, le faire mieux que personne ; en multiplier, au même moment, les différentes pistes, toutes données au spectateur (à peu près) en même temps. C'est dans cet "à peu près" que se joue d'abord l'originalité de la série. Une manière de linéarité biaisée, lors même que l'usage du montage parallèle, associé au split-screen, n'est qu'un leurre. Une simple mise à plat dans la distribution des plans, qui cependant se suivent chronologiquement, là-dessus, le titre ne ment pas." (http://intimedia.kaywa.com/p81.html, blog disparu)

2 : Je trouve un écho à cette remarque, qui elle-même est un écho au "présent" souligné par Sébastien Benedict, dans ces phrases de Victor Klemperer : «Mais autre chose agissait davantage sur nous — c'était la même chose chez Neumark et chez moi : l'impuissance de la mémoire à fixer tout cela dans le temps, toutes ces choses cruellement vécues. Quand ceci ou cela a-t-il eu lieu — pour autant que ce soit encore présent à nos esprits —, quand était-ce? Seuls quelques faits isolés restent gravés, les dates pas du tout. On est submergé par le présent, il n'y a pas d'hier, pas de demain, qu'une éternité. Là encore une raison pour laquelle on ne sait rien de l'histoire vécue: le sentiment du temps est annulé; on est à la fois trop apathique et trop excité, on est surchargé de présent.» in Je veux témoigner jusqu'au bout, p.544
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.