J'avais envie d'une salade travaillée (autre chose que de la tomate avec de la laitue ou du fromage de chèvre ou du saumon — je n'en peux plus de ces salades sans imagination), donc rendez-vous à 19 heures au Carpe Diem.
Déception: les propriétaires ont changé. Les nouveaux sont très gentils, mais la carte est devenue de la brasserie banale. Points positifs, la Guinness est de retour et nous les soupçonnons de faire un excellent couscous.
Ce sera pour un autre jour: je n'ai pas envie de cela ce soir, je suis trop fatiguée.

Café Beaubourg en terrasse, protégés du crachin. Omelette et pavlova. Comme toujours la cuisine est très bonne (plats simples dépouillés exécutés avec rigueur) et leur musique nulle et trop forte. Heureusement nous sommes dehors.

Gare de Lyon. Le prochain train est annoncé à 21h16, ce qui est bien; nous avons loupé le précédent à cinq minutes, ce qui est dommage.
— Au moins on va avoir le temps de s'installer.

Sauf que le quai n'est pas affiché: hall 1. Une troupe attend. Une rame arrive. Sera-ce le bon train? Des gens remontent le quai, dubitatifs. Il y a trois rames, les trois partiront-elles, ou seulement la première?
— Viens, on va remonter entre la troisième et la deuxième, on sera au niveau des escaliers; si ce n'est pas le bon train il sera facile de changer de quai.

Nous remontons le long du train. Le conducteur est dans la cabine de la seconde rame, nous le voyons descendre en grommelant. Apparemment quelque chose ne fonctionne pas dans les portes, un problème de purge.
Nous attendons encore. Le quai est quasi envahi tout du long d'une population clairsemée; ceux qui pensent que c'est le bon train restent tandis que d'autres qui connaissent les tours pendables de la SNCF doutent.

Finalement le quai est annoncé, c'est bien le bon train, mais sur les trois rames, il n'y en a qu'une qui va partir, la dernière. Nous remontons le quai, nous avons du retard sur ceux qui étaient mieux placés. Je monte dans une rame; instruite par l'expérience de la veille, je force l'escalier pour trouver des places à l'étage. Il y en a, mais séparées.

Je suis assise en bord d'allée, je lance la suite de Bullet Train que je regarde depuis deux jours gratuitement sur Prime Minister en me connectant en VPN à partir du Canada. A côté de moi, dans l'allée, un jeune homme s'est assis sur le sol en tailleur. Il est frisoté, plus petit que moi, a le poil (de barbe) si rare que j'ai cru que c'était une fille qui ne s'épilait pas, un anneau dans chaque narine. De mon siège je le surplombe et de temps en temps je regarde ce qu'il regarde sur son téléphone; j'essaie de comprendre s'il s'agit de sms, de Twitter, de Tic-Toc ou d'autre chose; mais à coups d'œil furtifs je ne parviens à aucune conclusion.

Soudain je lis, écrit en capitale, «LA MEUF A COTE DE MOI EST EN TRAIN DE REGARDER BULLET TRAIN». Nous échangeons un regard, je souris et je précise: «pour la troisième fois».
Je lui tends un écouteur et j'installe mon téléphone sur mon genou.
Nous regardons ensemble Bullet Train jusqu'à Melun.