samedi 30 septembre 2006
Par Alice,
samedi 30 septembre 2006 à 07:24 :: 2006
J'ai tendance à dire un petit peu trop ce que je pense (trop vite, trop tôt, problème de timing davantage que de fond (parce qu'après tout, le fond, hein, autant savoir à quoi s'en tenir)), et je suis heureuse d'avoir des amies qui me battent sur ce terrain.
J'aime beaucoup le très sobre «Non merci, je ne bois que de l'excellent vin» de A., refusant par ces mots un verre lors d'un dîner chez des amis. (Elle voulait dire, bien sûr, qu'elle ne faisait d'exception à sa sobriété coutumière que si une bouteille rare attisait sa curiosité.)
Le récit de Matoo m'a rappelé Florence. Nous avons quelques années d'écart, et tandis qu'elle passait ses premiers entretiens d'embauche, j'avais déjà un peu d'expérience et savais que lorsqu'on a
vraiment besoin de travailler, il vaut mieux fermer sa gu…
Elle avait passé plusieurs entretiens dans de grandes banques pour travailler à l'international, et elle jugeait froidement les méthodes quelquefois puériles des recruteurs. Ce jugement, elle l'exprimait devant moi, mais également en entretien, ce qui était plus risqué.
Un jour, elle s'emballa devant un recruteur :
— Tout de même, ces tests, c'est n'importe quoi! De la graphologie à l'astrologie, les entreprises ne savent plus quoi inventer. Il y a même une banque — c'est arrivé à une amie — qui demande de raconter la vie d'une gomme !
— Oui, Mademoiselle, c'est nous, et j'allais vous le demander, répondit le recruteur penaud.
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mercredi 27 septembre 2006
Par Alice,
mercredi 27 septembre 2006 à 23:02 :: 2006
Je viens de terminer trois jours de "formation", sur un sujet tellement pipeau que je n'ose l'évoquer ici (de l'art de perdre son temps et d'enfoncer les portes ouvertes).
Mais bon, un animateur, six autres cobayes, chacun extrêmement poli, courtois, aimable, et même intéressant, quand il parlait de son expérience et non du sujet du stage.
Le problème, c'est que je dors. Si j'aime My own private Idaho, c'est aussi à cause des catalepsies du héros. Dès que j'arrête de bouger, de parler, de m'activer, je dors. J'ai parfois l'impression d'ouvrir la fenêtre et de planer comme le personnage de Folon, d'autres fois de tomber dans un puits, mais dans tous les cas, je m'évade du réel, je suis ailleurs.
Ce n'est pas de la rêverie, je dors réellement, si je garde les yeux ouverts (dans un ultime sursaut de politesse, comme durant ces trois jours), ils se révulsent, ils deviennent blancs (j'ai recueilli des témoignages), je peux ronfler (horreur et malédiction), je peux tomber (debout dans un train, c'est arrivé une fois). Je peux dormir en marchant, j'ai un témoin, il m'a rattrapée alors que je partais dans le fossé (marche de nuit, Paris-Mantes, 52 ou 54 km je ne sais plus).
Imaginez le supplice pendant trois jours, sept dans une salle, les tables en U, moi presque en face de l'animateur. Je lutte comme je peux, je me mords les doigts, je m'assois à l'extrême bord de ma chaise, je m'agite (on dirait que j'ai six ans). Et je dors.
Si ce n'était le fait que ce n'est absolument pas prévu par la vie sociale, j'adore ça.
Je ne tombe pas dans le sommeil, mais immédiatement dans le rêve, et pas dans un rêve léger qui mélangerait songe et réalité, comme dans les périodes d'endormissement ou de réveil : non, un rêve très lourd, épais, insaisissable, un autre monde, dont je ne me souviens pas et qui ne laisse ses marques que sur mon humeur : tristesse, colère, désespoir, apaisement, silence, calme, solitude (jamais joie ou rire).
Comme durant ces trois jours je lisais par ailleurs Roland furieux, mes rêves me laissaient une impression d'étoffes riches, de velours rouge sombre et de galop de chevaux, de fuites et poursuites dans les forêts, quand j'émergeais entre deux transparents powerpoint, entre deux phrases…
Est-ce que cela se voit, est-ce que cela s'est vu ? Un peu, beaucoup ? Comme c'est malgré tout très gênant et irrépressible, je préviens en riant, sans insister, au premier déjeuner pris ensemble : «Oh là là, je vais encore dormir cette après-midi !»
Sourires polis et bienveillants.
Je croise des regards l'après-midi, un visage qui mime l'endormissement en souriant : bon, donc je viens de dormir et cela s'est vu. Car je n'ai aucun moyen de savoir moi-même ce qui se passe, ce que je fais, combien de temps ça dure, quelques secondes, une, dix, trente? Plus? (Non, ce n'est pas possible que ce soit plus. Ou bien si?)
J'ai lu un jour qu'il fallait sept minutes pour s'endormir. Je pense pouvoir m'endormir en trente secondes, une minute.
C'est tout de même très gênant. J'espère ne pas avoir été trop impolie, j'espère que mon impression d'avoir passé des heures entières à lutter contre le sommeil est fausse, que ce n'était que quelques minutes et que mon embarras me fait gonfler ces minutes.
Mais je ne peux en être sûre.
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mardi 19 septembre 2006
Par Alice,
mardi 19 septembre 2006 à 00:29 :: Paul Rivière
Paul a été durant trente ans environ le bras droit d'un important entrepreneur des BTP, "le principal concurrent de Bouygues à l'époque", me dit-il. (Cet homme est mort il y a une dizaine de jours, à Monaco.)
Il m'a raconté à midi (et la suite de mon récit confondra les imprécisions de Paul et les miennes) qu'à la mort du dernier propriétaire du
Palais rose, l'héritage devait être partagé entre trois familles. Les héritiers, peu sentimentaux, décidèrent de vendre pour récupérer le prix du terrain. Il fallait faire vite, le palais pouvait être classé d'un moment à l'autre. Antoine Bernheim, de la banque Lazard, assura la transaction avec la finesse et la célérité nécessaires, le patron de Paul, très satisfait de récupérer un tel emplacement dans Paris,
détruisit le palais en deux jours.
Paul commenta : «Je n'étais pas ravi.» Il rit : «Mais qu'est-ce que j'étais timide! En me promenant dans les décombres, j'ai osé ramasser un livre, un seul, de la bibliothèque. Je te le montrerai, il est relié. Le titre en est ''De quoi cela est-il fait?'', il décrit la fabrication des clous, de toutes sortes de choses. Il y a une dédicace, «A Boni».
Il ajouta : «La femme de Boni faisait donner des cours particuliers de français à ses enfants. C'était M. Lebailly, mon futur beau-père, qui les assurait. Lorsque je lui ai raconté la destruction du Palais rose, il s'est souvenu qu'un jour qu'il passait dans la chambre d'Anna Gould accompagné de Boni de Castellane, celui-ci avait déclaré «Voici la chambre d'expiation».
complément le 26 septembre 2006
Vous savez bien, elle n'est pas mal, vue de dot, et ce genre d'histoires. Il fait construire avenue du Bois, avec son argent à elle, évidemment, le Palais rose, qui imite à la fois la cour de marbre, à Versailles, et le grand Trianon. Il a été plus ou moins question d'en faire l'ambassade de Chine, il y a quelques années, le saviez-vous? Mais il a finalement été démoli. Romain, qui habite alors la rue Pergolèse, à deux pas, voit un jour une porte entrouverte, après les premiers coups de pioche, et, curieux de visiter enfin l'intérieur, s'y faufile. Il erre entre des miroirs brisés, dans des salons vides, surchargés d'une ornementation compliquées, à demi arrachée, dont les rameaux, les guirlandes et les angelots baroques se sont écrasés sur les parquets, en mille morceaux.
Échange, p.70
Mais l'on ne peut jamais être sûr de rien, car dans une autre version, qui n'est peut-être pas entièrement incompatible avec celle-ci, il est le portrait du plus illustre dandy de l'époque: député à trois reprises, il s'élève contre la politique marocaine. Mais son épouse américaine, Anna, divorce de lui pour convoler à nouveau, aussitôt après, avec son oncle Sagan, non sans qu'ait eu lieu, entre les deux hommes, une parodie de duel dont les journaux, enchantés de ce drame familial, rapportent avec délices tous les détails. Cassellane comme s'obstine à prononcer son sosie, ruiné du jour au lendemain mais toujours très digne, se reconvertir dans le trafic en chambre des meubles anciens, et rembourse ses dettes.
Ibid., p.91
Vous parlez de l'architecte, ou bien du fameux dandy ?
Ibid., p.203
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lundi 18 septembre 2006
Par Alice,
lundi 18 septembre 2006 à 09:36 :: 2006
En faisant un peu de ménage dans ma messagerie ce matin, je retrouve ce dialogue, reçu en novembre 2002.
We take you now to the Oval Office.
George: Condi! Nice to see you. What's happening?
Condi: Sir, I have the report here about the new leader of China.
George: Great. Lay it on me.
Condi: Hu is the new leader of China.
George: That's what I want to know.
Condi: That's what I'm telling you.
George: That's what I'm asking you. Who is the new leader of China?
Condi: Yes.
George: I mean the fellow's name.
Condi: Hu.
George: The guy in China.
Condi: Hu.
George: The new leader of China.
Condi: Hu.
George: The Chinaman!
Condi: Hu is leading China.
George: Now whaddya' asking me for?
Condi: I'm telling you Hu is leading China.
George: Well, I'm asking you. Who is leading China?
Condi: That's the man's name.
George: That's who's name?
Condi: Yes.
George: Will you or will you not tell me the name of the new leader of China?
Condi: Yes, sir.
George: Yassir? Yassir Arafat is in China? I thought he was in the Middle East.
Condi: That's correct.
George: Then who is in China?
Condi: Yes, sir.
George: Yassir is in China?
Condi: No, sir.
George: Then who is?
Condi: Yes, sir.
George: Yassir?
Condi: No, sir.
George: Look, Condi. I need to know the name of the new leader of China. Get me the Secretary General of the U.N. on the phone.
Condi: Kofi?
George: No, thanks.
Condi: You want Kofi?
George: No.
Condi: You don't want Kofi.
George: No. But now that you mention it, I could use a glass of milk. And then get me the U.N.
Condi: Yes, sir.
George: Not Yassir! The guy at the U.N.
Condi: Kofi?
George: Milk! Will you please make the call?
Condi: And call who?
George: Who is the guy at the U.N?
Condi: Hu is the guy in China.
George: Will you stay out of China?!
Condi: Yes, sir.
George: And stay out of the Middle East! Just get me the guy at the U.N.
Condi: Kofi.
George: All right! With cream and two sugars. Now get on the phone.
(Condi picks up the phone.)
Condi: Rice, here.
George: Rice? Good idea. And a couple of egg rolls, too. Maybe we should send some to the guy in China. And the Middle East. Can you get Chinese food in the Middle East?
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dimanche 17 septembre 2006
Par Alice,
dimanche 17 septembre 2006 à 23:29 :: 2006
La mise en scène est terrifiante ou stupide, si la chanteuse s'en sort sans une entorse ou une fracture avant la fin des représentations, ce sera un miracle.
Elle chante magnifiquement, pourquoi lui demander de courir, de traîner des cordes, de faire de la poutre? C'est un test, une épreuve pour Intervilles?
Heureusement, elle chante magnifiquement, et l'on finit par oublier tout le reste.
J'ai pleuré comme une Madeleine.
(— Mais c'est idiot, elle n'avait qu'à se sauver et à épouser qui elle voulait.
— Ma chérie, les tragédies sont toujours très bêtes, il suffirait de ne pas se préoccuper de son devoir, de sa famille ou de sa patrie, pour qu'il n'y ait pas de tragédie. C'est d'ailleurs pour cela qu'il n'y a plus de tragédie. Tu comprends?
Elle n'a pas l'air convaincue.)
ajout le 14 décembre 2009
Trois ans plus tard, mon fils se souvient surtout que je me suis exclamée à un moment de la mise en scène: «Mais ils forniquent dans la brouette!»
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mercredi 13 septembre 2006
Par Alice,
mercredi 13 septembre 2006 à 17:36 :: Paul Rivière
Lundi, j'ai fait une longue promenade à cheval en forêt de Luzarche avec Paul Rivière.
Lui n'a jamais arrêté de monter à cheval, il a été international dans une discipline peu connue, l'équitation d'endurance, il a été président de cette fédération, il a fait partie de la délégation française aux Jeux Olympiques de Stockholm. Il a une tonicité musculaire excellente, lorsqu'il s'est cassé le poignet il y a deux ans, le chirurgien a été tout étonné de sa capacité de récupération : Paul est une publicité vivante pour les bienfaits de l'équitation sur la musculature et les articulations.
Moi, j'étais montée pour la dernière fois une heure en 2002, après avoir arrêtée l'équitation en 1984.
Côté courbatures, je suis plutôt contente, j'en ai moins qu'en 2002, l'année dernière j'ai remusclé les obliques et les dorsaux. Les cuisses font mal, mais c'est davantage un problème de contact qu'un vrai problème musculaire.
En revanche, il me manque entre vingt à trente centimètres carré de peau sur les fesses (3x7 ou 4x7). La peau est brûlée comme si elle avait frotté contre du bitume. Lundi soir, mardi matin, j'ai mis de l'éosine (produit rouge miracle pour les bébés.) Mardi matin, j'ai subi quatre heures de réunion : quatre heures à supporter les courbatures de muscles qui supplient qu'on les étire, quatre heures assise sur des fesses à vif.
L'éosine, délayée par la lymphe qui coule de la blessure, a traversé les couches de tissu, quand je me suis levée, tout était rose. J'ai récupéré une robe au pressing, je me suis changée, je suis restée debout le reste de la journée, ce matin j'ai inventé un dispositif imperméable.
Ma seule crainte, c'est que Paul ne me propose une nouvelle balade avant que je ne sois guérie. Car il est hors de question que je refuse comme il est hors de question que je lui avoue l'étendue des dégâts.
On a sa fierté.
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lundi 11 septembre 2006
Par Alice,
lundi 11 septembre 2006 à 23:32 :: 2006
Cela s'est presque passé comme pour tout le monde. Je décrochai le téléphone qui sonnait et dit à H. :
— Ne dis rien, je sais ce qui se passe.
— Hein ? Mais comment es-tu au courant ?
— Tu plaisantes, tout le monde est au courant.
— Tu sais que le frère d'E. est mort ?
D. avait fait
une crise cardiaque en février. Il est mort en septembre, à trente-six ans, sans être sorti du coma. C'était le frère vrai jumeau de notre ami E., chez qui nous passons souvent une semaine l'été, dans le Dauphiné.
Un soir que nous discutions des différences et ressemblances entre vrais jumeaux, E. nous livra l'observation suivante : « Nous n'avions pas forcément le mêmes goûts. Par exemple, il arrivait souvent qu'on soit d'avis opposé sur un film; mais lorsqu'on étudiait ce qui nous faisait l'aimer ou le détester, on s'apercevait que c'étaient les mêmes raisons qui nous menaient à des conclusions différentes. »
Et il conclut : « Nous sommes bien plus prédéterminés que nous le pensons.»
Laissez-moi vous confier le soulagement de voir E. revenir, cette année seulement, lentement, à une vie normale.
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jeudi 7 septembre 2006
Par Alice,
jeudi 7 septembre 2006 à 00:47 :: Paul Rivière
Assumant le ridicule des références circulaires, j'avoue que je suis très touchée par les clins d'œil de
Zvezdo et
Gvgvsse. J'ai l'impression de tenir ma correspondance privée en public, et cela ne me déplaît pas. Je suis surprise que cela ne me déplaise pas.
Après un premier post sur Paul Rivière, je n'en ai pas réécrit. Ce n'est pas que je n'avais pas de matière, c'est que je voulais mener à bien deux ou trois projets, et j'attendais que ce fût fait pour en parler. Mais ça traîne, ça traîne tant que malgré mon côté superstitieux, je vais parler de l'un d'entre eux : il s'agit de rencontrer Roland de La Poype.
Un jour à déjeuner, il y a environ un an, je parlai de moto et le visage de Paul s'éclaira. Il me raconta ses premières escapades en motocyclette dans les années trente sur le porte-bagage d'un ami, quand ils sortaient de leur collège jésuite du Mans.
Son sourcil se fronça, d'un air mélancolique et triste il ajouta : «Il s'appelait Roland de La Poype. L'un des pères l'avait pris en grippe, c'était vraiment terrible. Roland était son bouc émissaire. Il a fini d'ailleurs par être renvoyé de l'école. Il n'était pas méchant, mais il n'était pas très appliqué, toujours tête en l'air, toujours en train d'inventer quelque chose. Il était farceur.»
Paul me regarda et continua: «Il a fait partie de l'escadrille Normandie-Niemen, tu sais. C'était quelqu'un. Staline l'a autorisé à ramener son yak en France pour service rendu à la patrie.»
A noël dernier, Paul s'est vu offrir
Une éducation manquée : Souvenirs 1931-1949, dans lequel Ghislain de Diesbach évoque cette anecdote :
Beaucoup de futurs grands hommes, à commencer par Voltaire, ont été élevés chez les Jésuites et y ont fait, suivant la formule consacrée, « de solides études ». En chaque célébrité, l'ordre de saint Ignace aime à reconnaître un de ses chefs-d'œuvre, oubliant parfois l'époque où le brillant élève était indésirable. Un jour, au printemps 1945, nous en eûmes un piquant exemple.
Quelques années avant la guerre, Mme de La Poype était venue supplier le préfet de ne pas renvoyer son fils Roland qui, paraît-il, donnait alors du fil à retordre à ses maîtres. Le Préfet avait refusé en ajoutant :
— Croyez-moi, Madame, vous n'en ferez jamais rien de bon !
Après la Libération, Roland de La Poype, lieutenant dans l'escadrille Normandie-Niémen, héros fameux de la guerre aérienne et abondamment décoré par plusieurs pays, était venu revoir son ancien collège où il avait reçu un accueil triomphal. Le Père Préfet avait promené fièrement son « cher enfant » à travers les cours de récréation, au milieu d'élèves admiratifs, et il avait complètement oublié le petit différend, survenu dix ans plus tôt…
En attendant cette consécration, la gloire du collège était Antoine de Saint-Exupéry qui n'avait plus que quelques mois à vivre et allait bientôt lui donner son nom, ainsi qu'à la rue des Vignes, encore champêtre et sablée.
Rentrée au bureau, je fis évidemment une recherche internet et tombai sur la biographie
militaire et
civile de Roland de La Poype. Je découvris alors qu'il était encore vivant et décidai d'organiser une rencontre entre les deux hommes. Cependant, comme il n'est pas si simple d'écrire
out of the blue à quelqu'un, je prévoyai d'attendre janvier et le parfait prétexte des vœux du Nouvel An.
Avant que j'ai pu mettre mon projet à exécution, le hasard s'en mêla : Paul revint tout excité d'une réunion de famille en Sologne (il redoute les réunions familiales, il n'entend pas très bien dès qu'il y a du brouhaha et s'ennuie beaucoup); il venait d'apprendre que le père d'une de ses nièces par alliance avait lui aussi fait partie de l'escadrille Normandie-Niémen. Ils avaient beaucoup discuté, la fille entretenant pour son père (mort après la guerre) une véritable adoration, et Paul avait décidé de contacter Roland par son intermédiaire. Zut, mon plan et ma surprise étaient à l'eau, mais ce n'était pas grave, puisque Paul allait s'en occuper lui-même (d'un point de vue de pure politesse, c'était même sans doute mieux).
(Quelques temps plus tard, la nièce prêta à Paul quelques pages du journal de son père, où celui-ci décrit une alerte aérienne durant la nuit, la nécessité de s'habiller vite avec peu de lumière, "comme d'habitude, La Poype avait perdu quelque chose, une chaussette, son pantalon ou sa chemise".)
Les semaines ont passé, Paul a obtenu le numéro de téléphone de La Poype, il l'a appelé, La Poype était absent. Paul n'a jamais rappelé.
Nous en avons reparlé. J'ai appris quelques détails sur les années 1937 et 38 : La Poype, après s'être fait renvoyé du collège, s'était inscrit aux cours (gratuits? je crois que oui) que donnait l'aviation civile pour passer son brevet de pilote. «Tu comprends, me dit Paul, on sentait venir la guerre.» (Je n'avais jamais entendu parler de cela : ainsi, pendant les accords de Munich, on préparait la guerre?) Il s'était engagé dès que la guerre avait été déclarée. «Moi, dit Paul avec regret, j'ai fait ce qu'on me disait de faire, j'ai poursuivi mes études. Finalement, conclut-il avec un sourire mélancolique, être renvoyé a été la chance de sa vie.»
Peu à peu, j'ai compris que Paul Rivière faisait un énorme complexe d'infériorité parce qu'il n'avait pas été résistant (son frère aîné a été dans la Résistance, si j'ai bien compris). C'est un remords, un regret, une culpabilité. «Tu comprends, on ne contacte pas un héros comme ça». J'essaie de lui répondre que Roland de La Poype sera ravi, qu'il ne doit pas évoquer souvent ses souvenirs d'enfance avec quelqu'un qui connaît les lieux et les personnes. Mais Paul n'est pas vraiment convaincu.
— Pourtant, La Poype est resté très simple : je l'ai revu par hasard dans les année cinquante, il vendait des emballages en plastique de sa fabrication — mais quel type! quelle imagination! — on avait déjeuné ensemble. Il était toujours aussi simple et aussi droit.
— Mais alors… vous voyez bien!
Mais il n'y a rien à faire.
Il faut que j'écrive à Roland de La Poype moi-même et que j'organise cette rencontre.
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mercredi 6 septembre 2006
Par Alice,
mercredi 6 septembre 2006 à 09:52 :: 2006
J'aime les mots en f : farfelu, frivole, frivolité, frimousse, frisé, folie, fantôme, fiction, fumée, fumeux, faribole, fable, fabliau, fascinant, fascination, fronce, froncé, futile, futon, fuligineuse, farouche, féroce, furieux, flamboyant, fleuve, fil, fiole, flacon, flammèche, flemme, farine, fastigié, fabuleux, fatigué, famélique, frêle, fragile, foutaise, foudre, foudroyant, firmament.
PS1 - petit plaisir
La Slovénie adoptera l'euro en janvier prochain. (Devant mon air sincèrement heureux, ma collègue a éclaté de rire. Je suis une incomprise.)
PS2 - grand soulagement
Après huit heures d'opération à cœur ouvert, JM va bien. J'ai une furieuse envie de lui passer un savon pour nous avoir fait aussi peur.
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lundi 4 septembre 2006
Par Alice,
lundi 4 septembre 2006 à 07:03 :: 2006
Le dernier commentaire en date de Mumm sur ce blog fait référence à
ce billet.
Je vais donc dévoiler un moment fort de
cette soirée dont j'avais soigneusement donné une image si sérieuse.
Ce soir-là, Mumm, Livy et moi allâmes dîner dans une brasserie en face de la fontaine Saint-Michel. Je ne sais plus très bien comment nous en sommes arrivés là (je rappelle que c'était la première fois que je rencontrais Mumm et Livy, et que si Mumm était une vieille fréquentation internautique, je ne connaissais de Livy que son sourire), peut-être avons-nous évoqué l'un des derniers billets de Mumm qui parlait de son goût pour la vaisselle. Quoi qu'il en soit, je me retrouvai à raconter une histoire drôle, une histoire en fait moyennement drôle qui me fait surtout rire à cause des circonstances dans lesquelles je l'ai entendue, ce qui fait qu'il me faut raconter et l'histoire et les circonstances, ce qui rend le récit si laborieux qu'à la fin ce n'est plus drôle du tout.
Néanmoins, ne reculant devant rien, je me lançai :
«Ça me rappelle une histoire drôle qu'on a raconté à table un jour qu'étaient présents de nombreux copains. C'est deux petits vieux qui discutent :
«Et toi, tu fais ça encore souvent?
«— Bah oui, la Marie, el' m'empoigne la zigounette une fois par jour.
«— Wouaouh, une fois par jour !?
«— Ben oui. Je me mets sur le lit, elle la prend, elle la lâche, si ma zigounette tombe à droite je fais la vaisselle, si elle tombe à gauche, c'est Marie qui fait la vaisselle.
On s'est tous mis à rire poliment, sauf une copine qui a demandé avec beaucoup d'innocence: «Je ne comprends pas ce qu'il y a de drôle»; avec tant de naïveté que nous avons éclaté de rire en nous exclamant en c?ur : «Ça tombe toujours du même côté!», laissant la copine rouge de confusion.»
C'est alors que Mumm déclara :
— Pas moi.
— Hein?
— Pas moi. La mienne est au milieu. Je n'ai jamais compris ces histoires de porter à droite ou à gauche.
Plus tard, Livy suggéra un moyen de vérifier si la bite de Mumm était vraiment au milieu et elle se leva pour aller aux toilettes. Je me souviens du mouvement de recul de Mumm, et de l'éclat de rire de Livy : «Mais non, je ne veux pas vérifier ni moi-même ni maintenant». En face d'eux, j'étais morte de rire (intérieurement) et incrédule : pas mal pour une première rencontre.
(Incidemment, ceci est mon centième billet en ligne.)
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samedi 2 septembre 2006
Par Alice,
samedi 2 septembre 2006 à 09:11 :: 2006
Je sors du métro, station Madeleine, rue Tronchet.
En arrivant en haut des escaliers, je remarque deux jeunes femmes qui s'insurgent, un certain émoi autour de moi, des yeux posés sur moi. Je m'informe:
— Que se passe-t-il?
— Vous n'avez pas vu? Un homme qui regardait sous votre jupe.
Je me retourne. Je vois un dos qui descend l'escalier.
— Celui-là? (Prête à redescendre pour le regarder dans les yeux, histoire de voir. Toujours curieuse de voir les gens en face, leur courage ou leur dérobade.)
— Non, un noir, il s'est presque couché sur les marches.
Je ne comprends pas vraiment, tout cela me paraît improbable (pourquoi moi? ce n'est pas moi que je choisirais pour ce genre de sport), trop bu, pensée lente. Je remarque:
— Il n'a pas dû voir grand chose avec la forme de ma robe.
Je m'éloigne.
C'est drôle, cela m'est indifférent (plus exactement, je m'en fous). Il y a quelques années, j'aurais été furieuse et je me serais sentie humiliée. Aujourd'hui, ce serait plutôt du mépris. Tout ce que j'arrive à faire, c'est à penser à Skot (vous bloguez trop quand…). D'après
Zvezdo, c'est un honnête père de famille (Bon. Toutes choses égales par ailleurs, je suppose). Il serait bien attrapé si certains venaient à pratiquer ce qu'
il prose voir le 19 juillet.
Et je me dis que cela fait un sujet de billet, rien ne se perd.
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vendredi 1 septembre 2006
Par Alice,
vendredi 1 septembre 2006 à 10:35 :: 2006
— Il m'a insultée, il m'a traitée de crétine!
— Non, ce n'est pas cela une insulte. Il y a très peu d'insultes, con, connard, salaud, salope, c'est à peu près tout.
— Mais qu'est-ce que c'est, "crétin"? C'est quoi la différence avec une insulte?
— "Crétin", c'est une opinion. Une insulte, c'est vulgaire et grossier. Il ne faut pas insulter, car quand tu insultes, tu prouves que tu ne sais plus quoi dire, que tu as perdu. Il faut surprendre l'autre, utiliser des mots auxquels il ne s'attend pas ou se moquer de lui. Tu peux le traiter de chameau, par exemple. Pour t'entraîner, tu peux utiliser le vocabulaine du capitaine Haddock.
— Marin d'eau douce, flibustier!
— Tu sais ce que c'est, un flibustier?
— Non.
— C'est un pirate ou un corsaire. Tu sais ce que c'est, un corsaire?
— Oui, c'est ça, répond-elle en promenant les mains le long de son buste.
— Non, ça, c'est un corset.
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