Une journée de réunion — conseil d'administration, révision des statuts. Les administrateurs élus parmi les syndicalistes (ils sont en fait élus en tant que salariés et non en tant que syndicalistes, mais les cinq mille votants choisissent des gens connus sur la liste des candidats, donc le plus souvent des syndiqués/syndicalistes) sont persuadés que les représentants désignés par les entreprises adhérentes (dits "membres honoraires") sont "aux ordres de la direction". Ils ne le laissent pas sous-entendre, ils le disent ouvertement.

Je ne comprends pas pourquoi cela m'énerve autant, ou plutôt je le sais, c'est l'injustice et la démesure de l'accusation qui m'exaspère: d'une part les entreprises adhérentes, une fois fixé le montant de la cotisation annuelle, se moquent éperdûment de ce que les administrateurs pouvent décider tant qu'elles n'en entendent pas parler (je veux dire: tant que la mutuelle fonctionne), ensuite le travail des membres honoraires (les seuls à me répondre, à relire les comptes, à préparer les réunions) n'est pas reconnu, enfin il est fatiguant d'être accusé de vouloir saborder une entité pour laquelle on se démène pour justement assurer sa survie.

J'éprouve le sentiment étrange que les membres syndiqués préfèreront tuer la mutelle que la laisser évoluer, devenir autre que ce qu'elle est aujourd'hui (accepter de nouveaux adhérents, en particulier). Et lorsqu'ils l'auront tuée à force de rigidité, ils proclameront: «Nous vous l'avions bien dit, que la direction voulait la peau de la mutuelle». (Et je ris nerveusement).

Ça m'exaspère. L'injustice et l'illogisme m'exaspèrent, et l'ennuyant, c'est que je proteste. Il faut que je fasse des progrès, que je ne dise rien, que je ne réagisse pas. La première précaution, c'est de prévoir une boule quiès la prochaine fois — à cacher discrètement par les cheveux — selon le principe que les bêtises entendues à moitié me tapent moins sur les nerfs. (Je le sais par expérience).