La plupart des jeunes pilotes, et notamment ceux qui pilotent les avions qui nous remorquent, ont pour ambition de devenir pilotes de ligne. J'arrive au milieu d'une conversation entre pilotes d'avion-remorqueurs, instructeurs de planeur, élèves-pilotes de planeur. Elle concerne une grande compagnie aérienne:
— Pour sept postes, ils ont pris six filles. Ils manquent de filles dans les cockpits. Pour le septième, ils ont fait évoluer un mec en interne.
Mon premier mouvement est d'être désolée pour lui (surtout que celui qui parle est mon préféré). Mais je dis seulement:
— Vous êtes en train de payer pour les dix générations précédentes.

L'histoire avec sa grande hache: être présent au mauvais moment au mauvais endroit. Je m'abstiens de leur faire remarquer que la frustration qu'ils éprouvent, c'est celle de générations de filles à qui on a dit non pour la seule raison qu'elles étaient fille. Ce n'est pas plus juste aujourd'hui qu'à l'époque. Mais je ne vais certainement pas regretter qu'on essaie de rééquilibrer la situation, même si c'est brutal et injuste au niveau individuel. Cela permettra de faire évoluer les mentalités (rendre la présence de femmes normale, ordinaire, que cela devienne un non-sujet. La guerre des sexes est plutôt ennuyeuse, vivement qu'on passe à autre chose).

Combien de temps pour que la situation s'équilibre? Avec les départs à la retraite et le remplacement générationnel, quatre ans ou cinq ans?