Hannah Arendt (le film)

Que des dialogues, bien sûr, avec l'accent allemand parlant anglais.
Je me demande si l'appartement d'Arendt donnait ainsi sur l'East River.
Je ne sais pas s'il est possible de rendre le scandale de l'époque. Hannah Arendt a perdu tous ses amis dans cette affaire. Toutes les correspondances s'interrompent à ce moment-là (je feuilletais l'autre jour celle d'Arendt-Scholem: elle s'arrête en 1963). Le film illustre cela avec Hans Jonas et Kurt Blumenfeld.

L'idée développée est que ce qui nous rend humain est la pensée. Eichmann et ses pairs ont cessé d'être humain car ils ont cessé de penser. Ils se sont contentés d'appliquer des ordres.
Cela me paraît faux : Heidegger n'a jamais cessé de penser, cela ne l'a pas empêché d'errer.
Ni l'intelligence ni la culture ne protègent du mal (dans son application quotidienne: la méchanceté) ni de la bêtise.

Ce qu'essaie d'articuler Hannah Arendt, c'est la médiocrité d'un homme avec l'efficacité et l'atrocité du système mis en place. Un taylorisme poussé à l'extrême, finalement. Chaque artisan intervenant dans la construction d'une cathédrale ne devait pas être bien malin non plus. Ce qui manque à l'artisan ou à Eichmann, c'est le recul pour juger de l'ensemble.
Mais si Eichmann ou les autres avaient eu ce recul, auraient-ils agi autrement? Je ne le crois pas, au moins pour la majorité d'entre eux.1
Qu'est-ce qui rend humain? L'attention à chacun, individuellement. Le refus de traiter une personne selon la catégorie où on la place.

Crime contre l'humanité: j'ai compris soudain qu'il ne s'agissait pas de crime contre "l'humanité, communauté d'hommes", mais crime contre "l'humanité, ce qui constitue la qualité d'homme, la qualité d'appartenir à l'humanité"; crime de déni d'humanité.
La particularité de ce crime, c'est qu'il s'applique autant au bourreau qu'à la victime: le bourreau dénie la qualité d'homme à la victime, mais ce faisant il se la dénie également. En ne sachant pas reconnaître un pair, il pert la qualité de pair. En un sens on juge le bourreau pour quelque chose qu'il s'est infligé à lui-même.
Peut-on juger un homme comme un homme quand il s'est lui-même retiré la qualité d'homme? Sa seule place ne serait-elle pas le zoo? Mais si nous décidions cela, deviendrions-nous comme lui, en lui niant sa qualité d'homme?



Note
1 : Je triche un peu en disant cela, car je suis persuadée que malgré leurs dénégations, ils étaient au courant. Si même les personnes enfermées dans les ghettos de Hongrie étaient au courant, comment les dignitaires berlinois ne l'auraient-ils pas été? Je crois que c'est Himmler qui avait vu les Einsatzgruppen à l'œuvre et disait à tout dirigeant allemand: «N'y allez pas, n'allez pas voir ça» (la référérence est à retrouver dans Raul Hilberg).

Image

Six mois plus tard, je ne suis pas bien sûr d'assumer mes lunettes de soleil Guess roses dans un étui panthère. Ça fait un peu pouffe sur le retour.

Le pont de la rivière Kwaï

Matinée sur des sites de… teeshirts : spreadshirt, redbubble, I' m voting tea party, woot, 80stees, ça me fait rire (un rien m'amuse).

Commencé à écrire sur Tamar (je me suis aperçue que j'avais perdu ma dissert de l'année dernière sur tradition et révélation. Il faudra que je fouille dans ma clé USB sur laquelle je sauvegarde de temps en temps en vrac, générant quantité de doublons qui font que je n'ose plus l'ouvrir).
Cette deuxième année représente de grands progrès sur la maîtrise du temps, avec plus de rigueur et de discipline, à tel point que j'ai entendu H. regretter le temps où je perdais mon temps sur internet!!! (comme quoi tout est possible, même l'incroyable. Contexte: je me plains de tout perdre et de tout oublier. Il me répond: «Normal, tu fais trop de choses. Moi: —Tu plaisantes, j'en fais beaucoup moins, plus de blogs, plus de FB, j'ai beaucoup concentré mes activités. H: —Justement, surfer et glander, ce n'est pas fatigant.»)

Le pont de la rivière Kwaï. Je ne l'avais vu qu'une fois en cassette vidéo, j'en gardais un souvenir flou (deux images, "le four" du camp et le jardin paradisiaque du commandement britannique). Quelle perfection dans la construction narrative, tout le nécessaire, rien que le nécessaire, au moment qui convient.

Dîner chez Jaffar. Nous sommes clients depuis longtemps. Lorsqu'il avait fermé en 2010, j'avais cru que les charges avaient tué un petit restaurant de plus: j'ai la surprise de découvrir qu'il est recommandé par un journal de Chicago!

The Grandmaster

Je ne sais si ce film trouvera son public (comme on dit): ceux qui attendent du kung-fu seront en partie déçus, ceux qui aimeraient ce film n'iront peut-être pas le voir (le "peut-être" porte sur le nom du réalisateur, Wong Kar-Wai, qui, je le suppose, a ses fidèles).

Beauté des images, ellipses. Comme pour une oreille européenne tous les noms se ressemblent, le spectateur est totalement perdu au bout d'une demi-heure et démêle les fils grâce à son habitude des récits: nord, sud, la gradation des épreuves, le méchant prétentieux, la fille liée par sa condition de femme qui s'en délie en se liant par un vœu plus contraignant, et l'histoire en marche qui broie les histoires individuelles. J'ai eu le temps de penser à Autant en emporte le vent avant que la musique d'Il était une fois l'Amérique me ramène sur les traces d'une fresque plus contemporaine.
C'est un film de patience et un film sur la perte, sur la mémoire et la tradition perdues.

Lassitude

Coup de fil à 18h. Le plus jeune exclu une journée du collège pour bagarre (ayant entraîné le port d'une minerve, tout de même). C'est arrivé vendredi il y a huit jours, il n'avait rien dit.
Cela après avoir eu au téléphone la fiscaliste qui a découvert une retraitement imprévu (en notre faveur, encore heureux) et avoir perdu le mot de passe pour répondre à l'enquête drees (je l'ai changé puis je l'ai oublié).
De toute façon j'oublie tout en ce moment. Et je perds tout (la montre que mon père avait gagnée au tennis et qu'il m'avait donnée en août 1986. A l'époque il n'y avait pas de bracelet de couleur pour des montres pareilles.)
Bref, pas eu le temps d'aller voir Hannah Arendt à 16h30 comme je l'espérais.

Et H. qui ne rentre pas. Revient à travers les années la peur de l'accident de voiture.
Je vais me coucher.

Jeudi

Temps magnifique (''for the records''. Je suis encore traumatisée par le temps de l'année dernière. Pauvre Félix.)
Je ne peux pas en profiter pour ramer, car j'y suis allée hier après presque trois mois d'interruption et j'ai la peau du pouce arrachée.

Fini la liasse fiscale, yapluka la faire relire. (Je le rapporte ici parce que c'est tellement satisfaisant de remplir cela de A à Z. La dernière fois que j'avais joué à ça, c'était en 1993, et je n'avais droit qu'au 2059A. Et aux tableaux de conso de l'actif immobilisé. Pas glop, un rouage dans un grand tout. Maintenant je suis le grand tout, mouahahah.)
Et la DAS2.
Demain, enquête à remplir pour la [Drees|http://www.drees.sante.gouv.fr] (dernier jour): il est conseillé de prévoir trois heures… (WTF!!! Ce n'est pas comme si c'était la période de l'année la plus blindée en échéances administratives diverses. Mais enfin, j'espère en profiter pour dessiner des courbes démographiques.)


Finalement Tamar (Genèse 38) et pas les Lamentations de Jérémie pour la dissert de fin d'année. A condition que j'obtienne l'autorisation d'entrer à la bibliothèque de troisième cycle, seul endroit où se trouvent les livres et revues sur le sujet (chic chic chic! j'adore les endroits où je ne suis pas censée mettre les pieds).

Vacances. Deux semaines sans rentrer de cours à minuit. Perspective reposante.



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Pour mémoire : Clément est admissible à la piscine de free.

Promised land

Pas un grand film, mais des questions mélancoliques.

L'agriculture peut-elle faire vivre une région, une région peut-elle vivre sans industrie?
Faut-il fuir la terre, la campagne, la brûler au nom des besoins en ressources naturelles? («Mais où irons-nous, tous?»)
«Nous savons pourquoi vous êtes là: parce que nous sommes pauvres.»
«Les temps ont changé.»

Matt Damon prend le bus. Je parcourrais bien les Etats-Unis en bus. Maintenant je sais que les films donnent une image fidèle des paysages américains.
Pensée pour les petites usines électriques ("plants") sur les bords de magnifiques petites criques bleues du Massachussets, ou pour la centrale nucléaire sur la crête.
Le rapport des Américains à l'environnement n'est pas le nôtre, mais le pays est si grand qu'on a l'impression qu'il en restera toujours des pans intouchés.


J'ai repris une carte UGC. C'est la seule chose qui me permet de me reposer.

Besoin de vacances

A quoi reconnaît-on un besoin de vacances? Au fait de décider de compléter dix jours de blog pendant le cours sur Qohélet (oui, le cours intervient après le TG, ce n'est pas heureux); et après avoir fini Gottland, de ne rêver que de reprendre Maudit Karma reçu en cadeau samedi.

Aujourd'hui, j'ai cité Charles d'Orléans dans une réponse à un client («Je suis de tous maulx bien garny, Autant que nul qui soit en France»); je me suis retenue d'utiliser La Fontaine, "La Lice et sa Compagne", dans une autre.

J'ai emprunté un roman polonais sur Jérémie, Les Montagnes de la nuit de Dobraczynski. En le voyant arriver (c'est le charme de la communication en bibliothèque: on ne sait absolument pas ce qu'on commande), j'ai cru à un vieux Signe de Piste. Je ne suis pas bien sûr de le lire mais ça n'a pas beaucoup d'importance. Cela me fait plaisir de le feuilleter.

J'ai découvert dans le catalogue de la bibliothèque qu'il existait un Jérémie par Stefan Zweig.

L'homophobie libérée

La loi va passer, les enfants de couples homosexuels vont continuer à aller à l'école, de nouveaux enfants de couples homosexuels iront à l'école.

Mais avec "l'homophobie décomplexée" (approuvée par l'Eglise, je commence à sentir la colère monter en moi (jusqu'ici ce n'était que la honte)), ces enfants vont courir des risques de plus en plus grands.
Et quand ils se seront fait agresser, les antis diront que c'est la faute de leurs parents homos, je suppose.

Ce n'est pas possible d'être aussi con.
J'ai plein d'analogies Godwin qui remontent, et c'est pour ne pas faire du Godwin que je me retiens. Mais comme disait Todorov (introduction de Face à l'extrême), les problèmes moraux rencontrés pendant le nazisme étaient les mêmes que ceux de tous les jours. C'est la conséquence des décisions prises qui était radicale, qui menait à la vie ou la mort.
Mais le choix, accueillir ou rejeter, aider ou dénoncer, voir ou fermer les yeux, est le même tous les jours.

Oral

Déstabilisée ce soir après un oral d'AT avec O. Artus.

Je ne sais absolument pas ce que j'ai fait, ou plutôt je le sais: à la question «Quelle est votre critique de ce livre?» (Dieu obscur de T. Römer), je me suis jetée à l'eau et j'ai parlé de ce qui me préoccupe depuis quelques temps, pour des raisons de logique: j'ai répondu qu'il me manquait le lien entre ce genre d'exégèse et Dei Verbum. (En d'autres termes, comment peut-on réduire un texte biblique aux influences assyriennes voisines et à un discours de propagande royale, tout en bouleversant la datation de la diégèse en fonction des découvertes archéologiques, et parler encore d'inspiration divine?)

Réponse: «l'Eglise a mis cinquante ans après Dei Verbum à mettre au point la méthode qu'elle a donnée avec Verbum Domini, nous réfléchissons maintenant à l'inspiration, j'étais hier au Vatican en commission sur le sujet.»

Gloups. Ça fait bizarre de s'entendre répondre cela.
Sa dernière question a été: «A l'origine, vous êtes littéraire ou scientifique?»
C'est la troisième personne à me poser cette question depuis que j'ai entrepris ce cursus. Qu'est-ce que cela peut bien changer pour eux? Et si cela n'est pas perceptible, la réponse a-t-elle un sens?

Lisieux

Traversée de la région parisienne entre six et neuf heures du matin. Pas une bonne idée. Des champs autour de Massy, toujours étranges. En retard, déplacement du rendez-vous, café au lait à Evreux, je dors dix minutes.

Proust, Sodome et Gomorrhe deuxième partie, La Raspelière, toponymie, la visite des Cambremer. Que c'est drôle et méchant et finement observé. Je note une citation sur le tricot à ajouter à mon billet sur Ryan Gosling et une citation de Leibniz qui me fait penser à mon année à l'ICP (beaucoup de raison, peu de foi): «Un philosophe qui n'était pas assez moderne pour elle, Leibnitz, a dit que le trajet est long de l'intelligence au coeur.»

Crêperie, blagues Carambar (— Pourquoi ta sœur est toujours au téléphone? — Parce qu'elle veut garder la ligne).

— Ça veut dire quoi, aliénation?

Je prépare mon oral de demain pendant que A. passe son entretien.

Puis basilique de Lisieux, histoire de France, verveine, tilleul, miel, confiture de tomates vertes, Histoire d'une âme en MP3. Je fais l'erreur de ne pas acheter de cartes postales parce que je pense avoir le temps de m'arrêter ailleurs. Ce ne sera pas le cas.

Au lieu de rentrer directement, je passe par Deauville et Trouville1 puis Honfleur. Je veux montrer ces villes à A. mais aussi je veux passer par le pont de Normandie.

Nous rentrons. Je redors dix minutes sur une aire d'autoroute. Même Proust ne réussit plus à me tenir éveillée. La voiture tient vaillamment le coup, ce n'était pas évident, elle doit avoir trois cent mille kilomètres.



Note
1 : A. est la plus innocente du monde. A des camarades de classe qui annonçaient fièrement qu'elles allaient à Trouville, elle avait répondu: «c'est quoi cette ville si perdue qu'elle s'appelle Trou?»

Les premières victimes des musulmans

Cours assez triste ce soir. Que de malentendus et de rendez-vous ratés depuis deux cents ans.

La professeur est agitée d'une colère (avant j'aurais utilisé "indignation") contenue : «Les premières victimes des musulmans, ce sont les musulmans.» (non pas tous contre tous, mais une poignée contre tous. Cela me fait tellement penser aux bolcheviks ("les minoritaires", ça m'a toujorus impressionnée) ou aux SA.)

Que de déceptions chez les musulmans, des espoirs des Lumières à la réalité de la première guerre mondiale.

Mawdudi théorise un islam englobant, qui doit couvrir tous les domaines de la vie. Il est à l'origine du mythe d'une loi musulmane parfaite et cohérente (c'est lui qui est à l'origine de la Sharia'h telle qu'on la comprend en Occident). Il s'agit d'une pensée très moderne, qu'on pourrait appeler un "totalitarisme musulman" (nous sommes dans les années 30).

Saïd Qutb, frère musulman qui a passé dix ans les prisons de Nasser reprend l'idée de Mawdudi1 mais pose que l'Etat islamiste doit être instauré par une Révolution permanente. Nous sommes dans un esprit de guérilla, dans les années 70-80. djihadisme.
apothéose: 1979, révolution iranienne ; années 80 en Afghanistan.
s'essouffle à la fin des années 80. Iran pas la panacée, populations s'essoufflent. Il y alors polarisation des mouvements => 1997 Ben Laden, Al Qaida (il faut faire peur: violence de plus en plus aveugle, de plus en plus nihiliste).

Pour mémoire, le mot djihad veut dire effort. Il y a le grand djihad (lutte intérieure contre ses passions) et le petit djihad (lutte armée).



Note
1 : A l'origine, les frères musulmans n'étaient pas violents.

Boucle d'or

Comptes approuvés en conseil d'administration malgré des problèmes de quorum. Ça avance malgré tout, même si je ne sais plus bien ce que je fais (pas de café aujourd'hui durant les réunions; visiblement j'ai dû remplir les formulaires de commande mais oublier de les envoyer. Je hais l'intendance.)

J'ai l'impression d'être dans Boucle d'or et les trois ours: tout comme dans une grande boîte d'assurance, mais en petit: une petite chaise, une petite assiette, un petit lit: un petit rapport de gestion, un petit rapport de solvabilité, un petit dossier ACP. C'est plutôt amusant; ce qui m'empoisonne la vie, ce sont les échéances.

Demain encore une réunion, un comité financier ("Comment elle s'la pète", comme dirait Danielle croisée dans un ascenseur (elle me manque)): mais non, je ne me la pète pas, un tout petit comité financier, vous dis-je, mais comme un grand, qui dérange trois personnes en asset management. Boucle d'or, vraiment.

O. a réussi à me faire regarder cinq ou six épisode de Big Bang Theory (saison 4). Le problème, c'est que comme c'est en anglais sous-titré anglais, je ne peux pas écrire des billets en même temps (beaucoup de billets d'Alice sont écrits devant des films que j'ai déjà vus).
Pourtant ce soir j'avais prévu soit de dormir, soit de préparer mon oral d'AT de vendredi prochain.

2572

Le télépaiement était en carafe (serveur down?); pour le premier paiement d'IS de la longue vie de la mutuelle, je suis allée déposer un chèque à la trésorerie rue de Londres (oui, un peu loin de la Défense. Mais le siège social (qui n'est qu'une adresse sans bureau) n'est pas à la Défense (ce qui fait que le courrier officiel met deux semaines à nous parvenir — quand il nous parvient).
Il fallait accompagner le chèque d'un formulaire 2572, je l'ai rempli sur place en multipliant le montant du chèque par trois dans la case "base".
2572? Jamais entendu parler.

Le soir, grec. Je suis dans les choux. Puis Job. Décevant. Frustrant. Je suis fatiguée de ces analyses littéraires et historiques qui tournent autour des textes sans jamais (ou très peu) s'attacher au sens. Mais à quoi cela sert-il?
Ce que j'aime dans Job, c'est le pari avec le diable. Un pari entre Dieu et le diable: oui, la condition humaine pourrait résulter de cela, cela ne me surprendrait pas.
(«Pas le diable, le diable, c'est une création tardive. Faites attention, il faut lire le texte, ici Satan n'est qu'un invité parmi d'autres à la cour d'un grand roi».
Comprenez-vous ce que j'appelle frustrant? Je me fiche que ce soit le diable ou satan, ce qui m'intéresse, c'est le pari. Job a-t-il fait gagner Dieu? Ce n'est pas très net).

Repos

Matin: Qohélet 8.
Qohélet me fait penser à la phrase d'Alphonse Allais: «Ne nous prenons pas au sérieux, il n'y aura pas de survivant».

Après-midi: sieste et Big Bang Theory (fin de la saison 3). Il fait beau.

L'immoraliste d'André Gide




Pour Fabrice Pic.

Ligne 4 direction Châtelet vers 17 h 30. Le livre était considérablement annoté, à la façon dont on ajoute des traductions au-dessus des mots qu'on ne connaît pas dans un texte en langue étrangère.

Une journée bien remplie

C'est l'anniversaire de H. Nous avions prévu de nous retrouver le midi après mon TG et de passer l'après-midi à Paris.

Sauf qu'en arrivant à l'école à neuf heures, je m'aperçois que je me suis trompée d'horaire: le TG est à deux heures de l'après-midi. Je téléphone en catastrophe à la maison (H. dort encore). Puis j'ai une matinée à tuer. (Je ne me décide pas assez vite, un aller-retour de loose aux Halles, les films ont déjà commencé, trop tard. Je reviens à Odéon.)
Café "les éditeurs". Il fait beau, des gens petit-déjeunent en terrasse. Je lis le Coran et le dossier que la prof nous avait distribué lors du premier cours.

Puis je vais voir 11.6. Très bon film, taciturne. La volonté froide et incompréhensible d'un homme, son humour et sa rage, aussi. Quel dommage qu'il n'ait pas davantage de bouche-à-oreilles. Peut-être fait-il un petit peur, un vrai Robin de Bois, qui remet le système en cause et se venge des patrons. il ne faudrait pas que cela donne trop d'idées.
François Cluzet choisit très bien ses scénarios. Mon père est une femme de ménage était également très intéressant dans ce qu'il disait de la société française.

Après-midi de TG. Absolument passionnant. Intervention d'un jeune professeur qui nous explique l'islam de l'intérieur, dans sa version pieuse et recueillie, à la recherche de la paix intérieure. Un soufi sunnite.
Je ne résume rien (déjà que lui a condensé six ans d'études en trois heures) mais donne cette simple indication: islam "i" minuscule désigne la religion, Islam "I" majuscule désigne l'ensemble de la culture et de la civilisation développées autour de la religion.

La Maison de la radio

Grand plaisir durant ce film — et frustration.

Que des gros plans, pas de recul, une difficulté pour se situer dans l'espace pour le spectateur, pas de noms (sauf durant le générique, mais alors en vrac), pas de point de repère.
Oui, une frustration à la mesure de la joie éprouvée, de l'étonnement devant les chanteurs, les drôles de bricoleurs, les kilomètres de couloir, les micros, etc.


Le matin, j'étaits passé au Virgin (ouvert avant huit heures à la sortie du RER de la Défense) pour acheter le Coran dont j'ai découvert hier soir que j'en avais besoin demain pour le TG sur l'islam. Je choisis la traduction de Malek Chebel parce que la prof nous a dit de préférer les traductions faites par des musulmans.
A la caisse, je prends le dernier Emmanuel Todd et hervé Le Bras parce qu'il contient beaucoup de cartes de la France. Etonnant, à ce que je comprends en lisant la presse, cela semble un hommage aux valeurs du catholicisme enracinées au plus profond des consciences.

A la librairie de l'église de La Défense j'achète Un huluberlu dégingandé et une demi-portion parce qu'il dégage une énergie communicative. Pourtant il ne s'agit pas d'un sujet facile: le handicap moteur cérébral.

De la suite dans les idées

Parce que j'ai trouvé son nom en note de bas de page, je vais chercher au grenier un livre acheté il y a longtemps et que je n'ai jamais osé lire parce que je n'étais pas sûre que c'était un "bon" livre (je veux dire un livre dont l'auteur est reconnu comme sérieux par mes professeurs).
Mais maintenant qu'il est légitimé par une note de bas de page, je vais chercher Nouvelle Introduction à la Bible de Wilfrid Harrington. (En relisant la quatrième de couverture, je me dis que je n'avais tout de même pas choisi n'importe qui: un dominicain de l'école biblique de Jérusalem. Je n'avais pas pris de risque.)

En l'ouvrant, je m'aperçois que je l'ai acheté en décembre 1989 à Strasbourg. Je découvre l'un de ces petits cartons grands comme des cartes de visite que j'utilisais au lycée pour résumer mes cours. Sur ce petit carton, j'avais commencé à mettre ce livre en notes.
Ce sont exactement les notes des cours d'AT de cette année, la chronologie des royaumes du Nord et de Juda.

Et je me souviens que je me désespérais de ne pas arriver à retenir cette chronologie.
J'ai au moins la satisfaction qu'elle me paraisse désormais à peu près naturelle. Au bout de trois ou quatre livres (trois ou quatre couches de peinture croisées, comme je le pense en moi-même), il finit par rester un dépôt.

Vocabulaire

Sharia'h, c'est à l'origine le chemin qui permet de mener le bétail à la source, la voie qui abreuve.

Cahuzac ou Depardieu ?

Finalement, qui est répréhensible? La grande geule ou le fraudeur?

Je suis en train de constater avec dépit que l'argent gagné en plus ne nous rendra pas beaucoup plus riches. Enfin, justement, je n'avais pas du tout l'intention de devenir riche, je voulais dépenser, je me faisais une joie à l'idée de dépenser, de pouvoir entretenir la maison, changer les fenêtres, repeindre la façade, rien de franchement mégalo, rien que du très ordinaire. Mais avec le nombre de parts qui diminue (les enfants grandissent) et les études de ceux-ci, il va falloir une fois de plus remettre cela à plus tard. Tant pis. Mais je suis déçue, j'y ai cru un instant.

Le paradoxe, c'est que la façon la plus simple pour un citoyen ordinaire de défiscaliser ses revenus, c'est (pour le moment) de les placer en assurance-vie: argent bloqué huit ans. Quand je pense que je compare l'argent au sang de l'économie, que je suis persuadée qu'il faut qu'il circule, que c'est la stase qui fait la stagnation…

Le dialogue et la rencontre

J'ai commencé le Pierre Claverie ce matin (malheureusement j'ai dû le rendre à la bibliothèque avant de l'avoir fini alors que je pensais le faire prolonger. Mais il était réservé).

Il est très bien, si ce n'est son style oral un peu déroutant. Il commence par «Ne prenez pas de bonnes résolutions, ça ne marche pas. Ne pensez à rien, promenez-vous, décrispez-vous» (il s'agit du prêche d'une retraite). J'ai pensé à Emerson, Thoreau, les livres de self-help américains et leur naïveté, la sagesse antique et les traditions orientales. Tout cela se croise, en surface c'est-à-peu près la même chose, c'est l'épaisseur d'expériences et de calme, les références utilisées, la façon dont tout cela a été ruminé, au sens quasi propre — mâché, régurgité, ravalé — qui fait la profondeur de certaines réflexions tandis que les autres restent doucement hippies (mais pas si différentes dans leur message).

L'une des dernières phrases lues avant de rendre le livre (à peu près à la moitié) est celle-ci: Pierre Claverie rapporte une réflexion entendue un jour: «Croire que parce que vous êtes quelqu'un de bien il ne vous arrivera rien de mal, c'est comme croire que le taureau ne vous attaquera pas parce que vous êtes végétarien.»

Pierre Claverie raconte la façon dont le fait de vivre en culture musulmane l'oblige à prendre conscience de ses propres présupposés culturels invisibles. Son récit ne dit que rien que nous ne sachions, ce sont les illustrations qu'il donne qui sont savoureuses et frappantes.

A travers lui j'ai retrouvé l'impression que m'avait laissé le Coran quand je l'avais lu en terminale: un Dieu extrêmement lointain, coupé des hommes. Les musulmans ont un Dieu intouchable, éloigné, les juifs ont un Dieu avec lequel ils se collettent (ça me plaît beaucoup, j'aime la lutte de Jacob, Moïse qui refuse la mission, Jonas qui râle parce que Dieu est trop miséricordieux), les chrétiens ont trouvé un moyen terme, le leur (s')est incarné, c'est plus facile pour la rencontre (mais bien plus compliqué pour la théologie).

De fil en aiguille

Parce que je ne suis plus chez FB, Ruth s'inquiétait, et donc je lui ai donné l'adresse de ce blog. Elle a trouvé la catégorie "Etats-Unis 2012", qui en fait ne contient pas tous les billets à propos du voyage: elle ne contient que les billets relus et terminés.

En pensant à Ruth qui ne lit pas le français, j'ai donc passé une partie du week-end à alléger mes photos (beaucoup trop lourdes à l'affichage), à en ajouter quelques-unes et à espérer finir les deux billets manquants (concernant Washington). Mais je n'ai toujours pas fini, et c'était une erreur, car je suis en retard sur des choses beaucoup plus importantes. Enfin, ce qui est fait est fait.

Inconfort

Cela faisait des jours que je remettais un coup de fil à mes parents, et ce soir je reçois un mail : ils partent en Afrique du sud demain matin.

Cela me fait culpabiliser (ne pas leur avoir téléphoné avant) et me déstabilise (des parents ne devraient-ils pas prévenir leurs enfants de leur absence? (non, un mail la veille à minuit, ce n'est pas "prévenir")).

Entre deux eaux

Je ne sais plus trop quoi écrire ici. La tête dans la fiscalité au bureau, dans Melville dans le métro, dans Qohélet en bibliothèque.

Je ne sais pas si ce blog a jamais été très intimiste, mais j'ai l'impression qu'il le devient de plus en plus, et ça me gêne, je ne sais pas comment me saisir de ça ("to handle", quelle traduction?), le tenir sous contrôle.
Raconter des anecdotes ou décrire des scènes est tout de même moins dangereux, fait moins courir le risque de devenir niais.

Cours

Histoire de l'Islam. Ecriture du Coran en partie interractive, sous forme de dialogues: les personnes autour de Muhammad (Mahomet) posait leurs questions à Dieu par l'intermédiaire du prophète (pratique!), ce qui fait que l'un des premiers travaux d'exégèse consiste à reconstituer le contexte (la question posée) dans lequel a été délivré chaque verset ou chaque sourate1.

L'idée m'amuse, je pense à ce texte d'Origène Contre Celse qui permet de reconstituer un livre que nous n'avons plus.





Note
1 : En passant, il est tout à fait faux de dire qu'il n'y a pas d'exégèse coranique. Il est probable que cette idée fausse provient du débat (ou absence de débat) entre les tenants du Coran parole créée ou Coran parole incréée. Aujourd'hui, les derniers (parole incréée) imposent le silence aux premiers, qui souhaiteraient utiliser les outils modernes de l'exégèse occidentale, ce qui conduirait sans doute à la possibilité d'une interprétation adaptée au monde contemporain (l'esprit contre la lettre). (Je résume cinq minutes d'un cours de "découverte", donc tout ce que j'écris peut être le point de départ d'une recherche, non la possibilité d'affirmations péremptoires (prudence, prudence)).

La réalité dépasse la fiction

Il y a quelques années, j'avais mis une demi-minute à comprendre l'absurdité d'un article de journal parlant de "graines de bonsaï" un premier avril…

… ce qui fait que j'ai soigneusement photographié ces paquets de graines à Amsterdam, attendant mon heure.


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