Quand ça veut pas, ça veut pas

Quatre ce matin sous la pluie : trempés comme des soupes. Mais le meilleur bateau depuis longtemps.

L'après-midi en glandant (surfant) sur FB, je tombe sur l'info : la Coupe des Dames est annulée. La Maine est trop basse et une bactérie a amené le préfet à interdire la navigation.

Je suis dépitée. Je me suis tout de même entraînée tout l'été pour améliorer mes performances et faire partie de l'équipage.
H. tente de me remonter le moral:
— Vous ne pouvez pas faire une autre course?
— Il y avait bien Rouen une semaine avant… On avait laissé tomber, c'était trop compliqué d'emmener les bateaux d'un endroit à l'autre à une semaine d'intervalle.
— Alors c'est peut-être l'occasion ?
— Tu sais maintenant, Rouen… ce n'est pas vraiment le moment.
Il me regarde un moment sans comprendre, puis nous nous mettons à rire.









Note pour les temps futurs: à Rouen, incendie dans une usine chimique classée Sévéso dans la nuit du 25 au 26 septembre.

Catéchisme

Cette année, je n'ai pas été recontactée par la responsable de l'année dernière. Il faut dire que le courant passait mal entre nous. N'empêche, je suis un peu vexée, un peu déçue, un peu inquiète: est-ce que j'ai mal enseigné? Est-ce que les enfants étaient mécontents? Ou les parents? Ou n'est-ce que la responsable qui ne voulait plus de moi dans son équipe?

Dans le fond ça m'arrange, les enfants me font peur et je ne savais pas comment j'étais censée m'y prendre. Mais malgré tout, mi-vexée, mi-inquiète.

En juin, la responsable du bulletin de la paroisse avait demandé aux catéchistes leur témoignage. Voici ce que je lui avais donné (en sachant qu'elle couperait largement: je voulais lui laisser le choix des thèmes abordés, qu'elle puisse caviarder à l'aise en fonction de ce qu'auraient écrit les autres).
Pourquoi avoir accepté de « faire » du catéchisme? La réponse ressemble à une boutade: parce qu’on me l’a demandé. Cependant, n’est-ce pas tout ce que demande l’Évangile, à plusieurs reprises et sous des formes variées : répondre «oui» à un appel, même si l’on ne se sent ni très à la hauteur, ni très armé? (Mais comment je vais faire? Est-ce que je vais savoir faire?)
Par ailleurs, je suis convaincue de l’importance du catéchisme. Tout commence au catéchisme. C’est le premier lieu de la transmission. C’est le lieu qu’il faut tenir. C’est une question que je pose aux enfants quand je les vois me regarder lors de notre première rencontre, déconfits de s’être levés un dimanche pour une heure de quelque chose qui ressemble beaucoup à de l’école:
— A votre avis, pourquoi êtes-vous là? Pourquoi vos parents vous ont-ils inscrit au catéchisme?
— Pour qu’on connaisse Dieu et qu’on apprenne à l’aimer?
— Oui, bien sûr. Pour connaître et aimer Dieu. Mais pourquoi il est important que vous soyez ici, pourquoi vous, vous êtes importants? (Ils se regardent d’un air sceptique: eux sont importants?)
— Parce que vous êtes les suivants. Vous avez déjà fait de la course de relais ? Vous vous rappelez le nom du bâton, ça s’appelle un témoin. Vous êtes là pour qu’on vous passe le témoin. Les chrétiens ont besoin de vous, l’Église a besoin de vous pour qu’on continue à raconter l’histoire de Jésus et à croire en sa promesse. Vous êtes les suivants. Sans vous ça s’arrête.
(Entre nous, je ne sais pas si je les ai vraiment convaincus. Mais un ou deux deviennent attentifs. Et moi j’en suis convaincue : sans eux ça s’arrête. «Vous êtes la lumière du monde»: ils sont la lumière du monde et ils ne le savent pas. Nous devons tout faire pour faire naître et entretenir cette lumière.)

Qu’est-ce que cela m’apporte? Là encore je vais répondre par une boutade : beaucoup de panique. J’ai le bagage théorique nécessaire, mais je n’en ai aucun en pédagogie et je panique la veille, le matin: qu’est-ce que je vais raconter aux enfants? Et comment? Je n’ai pas d’aptitude en coloriage ou en découpage ou en chansons. Alors je révise les textes, j’essaie de trouver un axe intéressant, quelque chose à leur montrer, une carte de Méditerranée, une bible en hébreu... J’explique le contexte, la géographie, le vocabulaire («qu’est-ce que c’est, un scribe? Vous avez déjà vu du lin?») J’essaie de montrer combien les émotions et réactions des hommes et des foules d’hier et d’aujourd’hui se ressemblent, les peureux, les courageux, les enthousiastes, les indécis. J’attache beaucoup d’importance à ce qu’ils aient bien compris les textes. Ce que je préfère, c’est le dialogue avec les enfants, leurs questions et leurs réponses. Ils sont terriblement sérieux (je leur ai posé la question: à la place du père, eux n’auraient jamais donné l’héritage à l’enfant prodigue), mais aussi provocateurs: «la résurrection, c’est comme Mario Kart, on a plusieurs vies. — Sauf que dans Mario tu n’as que trois vies, alors qu’avec Jésus, c’est pour toujours»).

Cette année, j’ai eu le souffle coupé par la question d’un futur communiant, alors que je venais de raconter Jésus visitant les apôtres barricadés dans une maison après la crucifixion: «mais Madame, est-ce que tout ça c’est vrai?» Souffle coupé qu’il ait attendu si longtemps pour la poser, mais aussi qu’il ose la poser. Je m’applique toujours à répondre avec le plus d’exactitude possible. Pour moi il est fondamental que ma réponse corresponde à ce que les enfants voient et vivent au quotidien, qu’il n’y ait pas de divergence entre le discours de l’Église et leur expérience du quotidien: «Pour moi c’est vrai. Pour toutes les personnes que tu vois à l’Église, c’est vrai. Les évangélistes ont raconté la vie de Jésus, puis Paul et les premiers Chrétiens, et c’est venu jusqu’à nous. Nous attendons le retour de Jésus et nous croyons à la vie éternelle. Mais tout le monde n’y croit pas. Il y a des gens qui ne le croient pas.»
C’est ce que j’aime avec les enfants : d’une certaine manière c’est avec eux qu’il est plus facile de parler sur le fond, de parler de ce qui compte vraiment. Car à quel moment dans nos vies parlons-nous de notre foi, et avec qui ?
J'ai écrit cela, une partie a été publiée dans le bulletin paroissial en juillet, et en septembre je suis débarquée: pas de doute, je suis vexée, même si soulagée!

Fièvre

Aller en RER (bus, RER D, RER A).

Beau huit à midi, intéressant. Deux nouvelles rameuses, deux Marie, brune et blonde. La blonde râle et conteste. Nous avons des problèmes de cox (le micro qui permet de parler dans le bateau en étant entendu de toutes). Ça coûte une fortune à remplacer.
Beaucoup de vent.

J'ai innové à midi: avant de partir ramer, je suis passée au self pour prendre des lentilles et deux œufs durs. J'ai englouti les lentilles et enveloppé les œufs au fond de mon sac.
Je les ai mangés de retour au bureau.
Je ne sais pas s'ils sont responsables, mais la faiblesse m'a gagnée. Le soir 38°3. Intoxication?

Rentrée en voiture. Une dizaine de chefs scouts à la maison. Je suis allée dormir à part, au cas où cela soit contagieux (ça ressemble à une grippe intestinale, mais je n'y crois pas).

Le piège à singe

— Mais qu'est-ce que tu t'es fait ?
— Je suis tombée, et comme j'avais les mains prises, je ne me suis pas protégée et le menton a porté.
— Tu sais que c'est comme ça qu'on attrappe les singes ? On attache une noix de coco à un arbre, on fait un trou juste de la taille d'une main de chimpanzé, on place une friandise au fond: le singe la saisit et quand on se rapproche de lui, le singe n'a pas le réflexe d'ouvrir la main pour s'échapper, il reste prisonnier de son réflexe de serrer le poing sur sa prise.

Gnon

Je suis tombée ce matin. Je suis tombée en descendant d'une chaise: j'ai mis le pied sur un oreiller (non le lit n'était pas fait), la plume a glissé sous mon poids et je suis tombée de tout mon long. J'avais les bras chargés, je ne me suis pas protégée, le menton, à gauche, a porté avec un bruit sec contre le plancher. (Rien aux cervicales, ouf, pensée pour Jean.)

Un bleu très noir dépare la pointe gauche de mon menton. Femme battue, trace de charbon (dit le scout), trace de cambouis (dit la rameuse).

J'étais à la recherche de mon carnet de santé: rendez-vous chez le médecin pour me faire vacciner contre la rougeole, après une remarque de ma mère: «mais au fait, tu n'as jamais eu la rougeole. Tu es vaccinée?»
Or nous allons à Val Thorens à Noël, il y a eu une épidémie de rougeole là-bas l'année dernière.

Le médecin a ri : « Votre mère ? J'adore ! »
Il a feuilleté le carnet: «Mais si, vous avez été vaccinée en 1973, par le Ronvax. Une seule injection, on va en refaire une par précaution.»
Il a déchiffré le cachet du médecin vaccinateur : docteur Ponnou-Delaffon Louis de la faculté de Montpellier, Inezgane - Prévention rurale.

RC

J'avais reçu la semaine dernière un mail de l'avocat de RC. Il cherchait à me contacter. Je l'ai eu ce matin au téléphone. RC veut porter plainte contre Lesquen qui l'a accusé de pédophilie («souiller les petits garçons») et l'avocat me demandait si, en tant que lectrice et connaisseuse de l'œuvre, j'acceptais de témoigner en faveur de RC.
Tout en imaginant la posture de RC souhaitant laver son honneur façon XVIIIe siècle, j'ai fait remarquer que le mieux était de laisser courir.
Cependant, si c'était utile, j'acceptais bien sûr de témoigner.

La loi de Brandolini

J'ai désactivé mon compte FB perso parce que FB a désactivé d'autorité un second compte que j'avais créé dans un but plus formel. Il paraît que je dois prouver mon identité... Cela fait au moins vingt ou trente mails que j'envoie avec les justificatifs demandés, rien ne bouge.
Ce sera donc tout ou rien (comme je fais partie des utilisateurs bienveillants vis-à-vis de la pub, il est possible que cela les ennuie un peu. Au pire ça me fera des vacances. Si cela se prolonge, je risque de prendre l'habitude de m'en passer et de détruire le compte. On verra bien.)

J'ai donc soudain beaucoup de temps (le problème de FB, c'est qu'on flâne. C'est un art de la flânerie poussé à l'extrême. On clique, on reclique, paresseusement, on rit, on prend des coups de sang, on fait des associations d'idées, on va chercher des choses dans les coins…). Et donc en ouvrant Twitter, je tombe, via Tristan Kamin, sur la loi de Brandolini (article de Laurent Vercueil):
"La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter du baratin est beaucoup plus importante que celle qui a permis de le créer";

avec la précision suivante :
la somme énergétique (E) nécessaire au dégonflage est fonction du caractère alarmiste de la prétendue information (A), du crédit attribué à celui qui la diffuse (C), et, not the least, du caractère "occulté", "secret", que le dévoilement courageux a permis de rendre visible (S). La quantité d'énergie nécessaire à la production de cette information (e) est généralement suffisamment nulle pour pouvoir être négligée (e tend vers 0). E sera d'autant plus important (E tend vers KOLOSSAL), que A, C et S sont significatifs.
Baratin pour pipeau ou pipo, pour fake news ou bullshit.
Cela me rappelle le jour où j'ai entendu Happy Potter («Mais qu'est-ce que tu veux dire?») à la place d'«un pipoteur»… (Nous étions à New York, d'où l'oreille déformée vers l'anglais).

Article de décembre 2016, après l'élection de Trump.

Quand la planification coïncide avec l'urgence

L'année dernière nous n'avons pas curé notre canalisation. J'avais donc mis l'opération à l'ordre du jour de ce week-end, parce que des gargouillis dans la baignoire lors d'un orage récent m'avait inquiétée, parce qu'il vaut mieux le faire pendant qu'il fait encore chaud et pendant qu'O. est encore là.

Je n'ai pas eu à utiliser ma persuasion.
Comme j'avais fait le marché et la cuisine (une fois n'est pas coutume), la vaisselle revenait aux garçons. H. lave à grande eau, c'est agaçant pour O. et moi qui sommes économes, mais il est inutile de protester. Soudain O. fait remarquer: «Tu as renversé de l'eau partout».

En fait non. C'était l'évacuation de l'évier qui refoulait dans l'évacuation du lave-vaisselle et débordait sur le plancher de la cuisine. J'avais été justement alertée par l'orage l'autre jour, la canalisation principale était belle et bien bouchée (ou quasi). Les plombs ont sauté, il a fallu explorer la chaufferie, découvrir des fils électriques noyés dans des plinthes en bois trempées du fait d'un tuyau en piteux état (mais lui attendra, si la canalisation est débouchée il devrait tenir encore un peu, d'après ce que j'ai compris).
Et donc après-midi à déplacer les planches mouillées (provenant d'étagères démontées depuis les travaux) de la chaufferie à la terrasse, à acheter un adapteur pour le kärcher (car le nôtre est trop vieux, il a fallu se rabattre sur une marque concurrente (je note tout cela pour la patience de noter et pour la méticulosité que demande chaque action non routinière: rien n'est jamais simple, il y a toujours une anomalie (d'où l'extraordinaire du récit de Mathieu Lindon dans Ce qu'aimer veut dire quand il part chercher un bouchon pour le lave-linge: tout se passe bien du premier coup))) puis à monter la buse, à curer les canalisations, puis à reranger les planches en les isolant du sol.

Pendant ce temps j'ai fait une tarte aux figues.

Aviron et syndic de copro

Huit ce matin, le premier de la saison. Il est cahotant mais cela fait plaisir: nous avons réussi à le sortir sans les trois rameuses qui font désormais partie des "Masters"1, sans les deux qui sont jeune maman ou future maman. Nous avons réussi à nous mobiliser, c'est tout ce qui compte. Ensuite reviendront la concentration et le travail technique.

Test d'ergo à venir samedi 14. Je confie dans le vestiaire mon désarroi de ne pas faire de progrès malgré mes entraînements à l'ergo tout l'été:
— Rien à faire, pas de muscle, que du gras.
— Tu veux dire que tu es persillée !

Réunion de tous les rameurs de compétition de loisirs (joliment nommé "collectif régate"). Idéalement deux ou trois d'entre nous devraient passer le permis remorque. Je me laisserais bien tenter. On verra.

En début d'après-midi, H. me fait suivre un mail. Je m'aperçois que nous n'avons pas réglé les charges de copropriété de Tours depuis un an. Nous n'avons rien compris, rien suivi, confondu les obligations de notre locataire avec les nôtres de propriétaire. Je passe l'après-midi à télécharger des documents sur le site du syndic (très bien fait) et à reconstituer les sommes de part et d'autres (l'enjeu, c'est de pouvoir remplir rapidement en mai prochain une déclaration fiscale exacte et de bonne foi).




Note
1 : niveau championnat de France et donc suivant un entraînement spécifique.

Réaliser un rêve

Depuis longtemps, O. a un rêve : partir au ski en famille. Tant que les enfants étaient petits, nous n'en avions pas les moyens et je n'en avais pas envie: j'ai un souvenir des séjours en ski (la dernière fois que j'ai skié, c'est l'année de mon bac) comme enthousiasmant (l'air de la montagne?) et épuisant (six heures sur des skis). Je n'avais pas envie de m'occuper de jeunes enfants le soir, mais de profiter de ma fatigue.

Cette année, après le trip en Europe (2017) et les 50 ans de mariage de mes parents (2018), c'était donc l'année du voyage au ski en famille (un projet par an, c'est tout ce que je supporte en charge mentale: comme il n'y a que moi que cela intéresse, je gère seule).

La première condition était que tous soient en vacances et disponibles aux mêmes dates: cela a requis six à neuf mois de préavis, tout en attendant septembre pour connaître les dates de vacances de la fac, potentiellement différentes de celles des vacances scolaires.
Et donc voilà, le moment est venu, je viens de réserver à Val Thorens. J'ai choisi la station la plus haute de France, pour être sûre d'avoir de la neige. J'ai pris un bel appartement selon la règle de H.: «pas question que les vacances soient moins confortables que la vie à la maison».

Le huit part en sucette

Les entraînements ne reprennent pas. Depuis que trois rameuses se sont détachées du lot en avril dernier (pendant mon arrêt maladie) pour préparer les championnat de France en double et en quatre, les entraînements n'ont jamais repris sérieusement. Entre celles qui rament en couple pour ménager leur conjoint et celles qui rament en couple pour se trouver un conjoint, il ne reste plus personne pour sortir en huit.

Ce soir ça m'a vraiment déprimée. J'ai renoncé à sortir en skiff, je me suis mise sur un ergo, j'ai arrêté au bout de dix minutes avec une envie de pleurer. (Mais qu'est-ce qui m'arrive? c'est quoi, ces déprimes express?)

Si ça ne décolle pas, je changerai de club. Je veux faire du huit, un huit de filles, courir la coupe des dames.

Statistiques

— Bravo, c'est ton premier prix !
Moi, immodeste — C'est aussi la première fois que je participais à un concours.
— Ça te fait cent pour cent de réussite. Et si tu participes deux fois et que tu gagnes deux fois, ça te fera deux cents pour cent!

Le prix

J'apprends par un mail (j'avais oublié que les résultats étaient publiés aujourd'hui à l'heure de l'apéro) que j'ai gagné le prix Jacques Theillaud.

J'en suis très émue. J'aimais beaucoup Jacques. Ma motivation essentielle pour participer à ce prix était d'aller prendre un pot avec ses potes, car j'avais été désarçonnée et attristée de ne pas avoir vu passer l'annonce du dîner entre amis qui avait eu lieu au moment de sa mort. (Quelle date? Le lundi suivant je crois; il me semble que je n'aurais pas été libre quoi qu'il en soit; mais n'empêche, j'avais été triste d'avoir loupé ça par ignorance, sans avoir eu la possibilité de choisir ou pas d'y aller).
Donc je serai (je devrais être) lundi 16 au café Odette et Aimé, 46, rue de Maubeuge.





NB: j'ai écrit mon texte en ayant en tête les Soucis du ciel de Claude Roy.
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