Doléance

Entendu en quittant la salle de l'opéra Bastille après La Veuve joyeuse :
Voix de femme, accusatrice :

— C'était la première fois que je voyais du French Cancan. Tu ne me sors jamais, tu ne m'as jamais emmenée au Moulin rouge.

Le vin est commandé

Passage près de chez Hardouin, achat de magnums de vin rouge que nous déposons au château.

H. rencontre M. Lépissier. Ça discute Tesla et développement durable (du jardinage pour se remettre d'un burn-out?)

J'ai peur. Je n'ai pas le nombre d'invités, je n'ai pas de traiteur, je ne sais pas qu'organiser comme "animations" (je déteste ce mot).

Dernier jour

Dernier jour d'H. dans son entreprise. Je lui ai proposé de descendre à Tours pour la fin de cette aventure. Il a accepté avec soulagement. Tout cela est amer et mélancolique.

318/365 RAS

Rien de particulier le matin.

16h30 : ligne 1 puis 13 pour Montparnasse. La liaison est très rapide, de l'ordre de la demi-heure. Un jeune homme me laisse sa place, et c'est gentil car je tombe de sommeil entre les heures passées à regarder The Good Wife loin dans la nuit et l'aviron de midi.

Puis TGV.

Allemand, grec

Reprise de l'allemand. Nous sommes beaucoup plus nombreux que les années précédentes, est-ce parce que le professeur paraît très populaire ici? Encore Schleiermacher, cette fois-ci en gothique (un texte non traduit en français). Les élèves sont d'origine et de niveau très divers : deux ou trois dans mon cas (une connaissance de la grammaire datant du lycée), une Suisse venant parfaire son français, une Autrichienne parlant parfaitement le français sans connaissance théorique de l'allemand (à l'école elle parlait anglais et français), une Brésilienne qui s'est dit que ça lui ferait une langue de plus (après le français et l'espagnol)…

Grec (la prof est revenue!) Nous ne sommes que trois, l'information de son retour a-t-elle bien circulé ? J'ai surveillé tout l'été les programmes de l'elcoa qui n'ont été mis en ligne que tardivement. L'heure est aux restrictions budgétaires; si j'ai bien compris, les langues rares (hourrite, ougaritique) ne sont plus enseignées qu'une semaine sur deux… Si vous avez une connaissance du grec qui remonte au lycée et si vous êtes intéressé par une sorte de cours de culture générale spécialisée (ou thématique : comment appeler cela?), n'hésitez pas. Prochain cours le 19 octobre, il y en a neuf par année scolaire.
Thématique de l'année : le vin. Corpus : les évangiles, peut-être Paul, la Septante.

La poste, suite

H. est à Tours pour la semaine. Il nous a laissé une recommandation angoissante : il faut absolument récupérer sa lettre de licenciement dès qu'elle arrivera. Ce sera un recommandé, il nous a laissé sa carte d'identité.
L'avis de passage était dans la boîte aux lettres hier soir. O. est allé sur le site de la poste pour signaler qu'il passerait aujourd'hui et a imprimé la preuve de sa demande « d'un retrait dès le lendemain » dans un bureau de poste « de son choix ». J'ai signé d'une fausse signature les deux documents, celui laissé dans la boîte aux lettres et celui imprimé en ligne.

Ce soir nous échangeons sur nos périples : ma randonnée pédestre, sa quête postale et cycliste.

— Quand je suis arrivé à la poste, elle était fermée… pour deux mois. Donc la lettre était partie dans une poste annexe, mais laquelle ? Rien n'était indiqué sur le site web. Alors j'ai pédalé comme un fou, il était cinq heures passées, j'ai monté toute la rue Rossini le plus vite possible… Je suis arrivé juste à temps. J'avais prévu de faire un scandale si je n'avais pas ma lettre, vu que j'avais prévenu la veille.
— C'est gentil. De mon côté j'avais prévu de passer à la poste tous les jours dès qu'on aurait eu l'avis de passage.
— Ce matin, cela n'aurait servi à rien : la poste annexe était exceptionnellement fermée jusqu'à midi.

J'ai ri d'incrédulité.


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Agenda
Passée par ailleurs à la poste de Neuilly poster deux Minaudier.

316/365 - A pied de Montgeron à Yerres

Je reconstitue mes voyages avec retard en regardant les échanges de sms et les photos prises.

Rien concernant le matin.

Le soir, le RER s'arrête à Montgeron. Longtemps. L'annonce sur les quais parle d'une « personne suicidaire en gare de Yerres ». Qu'est-ce que ça veut dire ? Quelqu'un s'est suicidé ? Dans ce cas il y en a pour plus de deux heures.
Je descends et commence à marcher. Nous sommes beaucoup à faire ce choix.
Je suis chargée. Je ramène des livres de la bibliothèques. Je suis des rues que je n'ai jamais empruntées. Des enfants pleurent.
Quatre RER passeront pendant que je marcherai : en fait de personne suicidaire, il s'agit de personne sur les voies.
Je rejoins ma voiture garée à la gare de Yerres.

Heidegger, le quotidien, le temps (les blogs ?)

Je rentre, je dîne, je lis les pages d'Être et Temps et le commentaire de Jean Greisch. Et soudain j'ai l'impression qu'il parle des blogs.
La « quotidienneté du quotidien » est un « phénomène hautement complexe » (GA, 209) qu'on ne peut pas se contenter d'aborder par une approche purement narrative. Ce n'est pas en racontant dans le menu détail ma vie quotidienne, heure par heure ou jour par jour, que j'arrive à cerner la structure existentiale de la quotidienneté ! La « négligence » de ce phénomène s'explique par le fait, lui aussi déjà évoqué (SZ §5, 16) que « ce qui est ontiquement le plus proche et le mieux connu est ontologiquement le plus lointain, le non-reconnu (SZ 43, trad. mod.). Heidegger illustre cette difficulté par le beau passage des Confessions de Saint Augustin, où celui-ci décrit ce qui est le plus proche, à savoir le moi, comme étant en même temps ce qu'il y a de plus difficile à comprendre.
La médiocrité quotidienne n'est pas une simple « alénation » qui rendrait impossible toute compréhension de soi. Elle correspond à une manière particulière du Dasein d'être concerné par lui même (SZ 44). L'analytique ne peut pas se contenter d'évocations vagues de cette structure, elle doit au contraire viser le même degré de précision que la description de l'être authentique ! Il apparaîtra alors que la quotidienneté nous met en présence d'un « concept spécifique du temps » (GA 20, 209).

Jean Greisch, Ontologie et temporalité. Esquisse d'une interprétation de Sein und Zeit, p.115
Avertissement : ce billet est à lire avec le niveau de sérieux que vous déciderez.

315/365 - problèmes le soir

Matin : RER de 8h13 après être passée à la station-service.
Cela m'a pris dix minutes puisque O. a eu celui de 8h06.
Debout.

Vers 17h50, ligne 1 pour la grande Arche. Problème sur le RER A. Je reprends la ligne 1. Je dors jusque gare de Lyon. Beaucoup de monde sur le quai, je prends le premier RER qui passe. Je descends à Villeneuve-Saint-Georges à 19h05 et attends un Zaco qui passera à 19h20.

La tête vide

Cette année le cours d'allemand hebdomadaire et le cours de grec quasi mensuel devraient tomber le même jour, le jeudi. (J'ai posé tous mes jeudis après-midi jusqu'à Noël: et que faites-vous pendant vos vacances? Euh ben…)

Je me suis donc installée en bibliothèque pour ouvrir une grammaire grecque. C'est terrible, je ne me souviens de rien.

314/365 - RAS

Matin : RER de 8h06. Nous avons eu de la chance car nous sommes partis tard de la maison.

vers 17h45 : ligne 1 puis 12.

Soir : RER D de 22h31 aux Halles. Il pleut un peu mais il fait très doux

Un barbecue anniversaire

Pas assez dormi : couchée bien trop tard zonée devant The Good Wife. Cette série met bien en scène l'intimité : ce que c'est que se connaître intimement entre époux, même après la trahison et dans la colère. L'actrice est exceptionnelle.

Anniversaire chez the voisins (ils sont nés à une semaine d'écart, pratique).

Cette année sera décidément sous le signe de la folie : une connaissance (qui a lui-même était hospitalisé plusieurs mois pour dépression) raconte la maladie de sa fille de quinze ans, pour laquelle il n'y a pas de nom pour l'instant : trop tôt pour l'instant. Parmi les symptômes, il y a la scarification ; l'incapacité à supporter d'être dans un espace confiné avec d'autres, donc l'incapacité à aller en classe ; la peur d'approcher ses parents, car celle qui habite dans son corps risque de les attaquer et de leur faire du mal…

Le voisin a un esturgeon de vingt centimètres dans un bassin de seize mètres carrés dans le jardin. Caviar dans vingt ans… Ah non, zut, c'est un mâle. Je suggère qu'on pourrait manger le sperme plutôt que les ovules, cela n'a pas l'air de réjouir les messieurs présents.

Tard le soir, nous mettons à jour mon CV pour un poste mieux payé, plus prestigieux et sans doute ennuyeux à mourir. Je ne sais pas si c'est une bonne idée. (Je suis sûre que c'est une mauvaise idée mais cela peut être un tremplin utile vers autre chose.) H. a l'idée étrange de mettre "grec" en loisir. C'est un bon test pour jauger ceux qui vont lire ce CV. Quelle quantité de déviance à la norme sont-ils prêts à accepter ?

Zut

J'avais téléchargé les documents pour la session de demain. J'avais été surprise que ce soit autour du mythe de Phèdre, que nous avons étudié en deuxième année. Les documents d'accompagnement étaient passionnants, notamment les articles de Clémence Ramnoux et Paul Ricœur pour l'entrée "mythe" de l'Encyclopedie Universalis. J'ai donc passé les quinze derniers jours à potasser les documents.
Ce soir, avant de quitter le bureau, j'ai voulu télécharger les questions concernant les textes.
Les documents sur le mythe avaient disparu. C'étaient désormais des documents sur la psychanalyse que nous devions étudier.
Pour demain.
J'ai tout imprimé et je suis partie ramer.

Yolette de débutants avec Adrien à la barre le bras dans le plâtre. Keski cause !
Je rentre dans la nuit. H. est rentré de Tours quelques minutes aupavant.

311/365 - RAS

Matin. RER de 9h15 (O. n'est pas avec moi).
Soir. Ligne 1 après l'aviron. RER D de 21h01 au Halles.

En 2017, vous êtes la reine des contrats

H. est parti tôt pour éviter les éventuels bouchons dus aux manifestations contre les ordonnances Macron : rendez-vous à Montrouge, le contrat de cession du logiciel et sa propre négociation devaient être signés à onze heures et demie. Nous sommes convenus qu'il se débrouillera pour m'envoyer un SMS dès que ce sera signé, y compris en prétextant de l'encre sur les doigts pour quitter le bureau cinq minutes.

Attente.

11h44 : sms qui m'annonce la signature de la vente du logiciel.

Attente.

Je n'ose pas envoyer de sms, j'ai peur que son téléphone ne tinte à un moment inadéquat.

14:13 : sms pour me dire que la signature de son départ négocié est prévue à quinze heures. En attendant, les négociations sont âpres pour faire baisser le montant transactionnel (en février, sans aucun avertissement, H. a été brutalement désavoué face à ses équipes, il y a lieu de le dédommager. Par ailleurs, l'entreprise qu'il quitte a encore besoin de lui, d'où son intérêt à se séparer en de bons termes. (Mais alors pourquoi ne le garde-t-elle pas ? Parce qu'il le refuse : on ne reste pas sous-fifre dans une entité où l'on a été DG : on n'a plus aucune autorité)).

Attente.

16:43 : je reçois un sms d'un autre directeur pour me dire que c'est signé. H. n'a pas pu se libérer pour écrire quelques mots.


Voilà, c'est fait. Et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête, B. ne s'est pas réveillé au dernier moment (le nouveau DG avait prévu depuis deux jours de ne plus lui répondre au téléphone, ambiance), le méchant ex-salarié n'a pas eu vent de la transaction.
C'est fait.


J'envoie alors à H. et au directeur messager (qui fait partie des neufs "vendus" dans la transaction), tous les deux nés mi-avril, une photo de l'horoscope de Biba 2017 qui a donné lieu en janvier à quelques lectures désopilantes dans la cuisine. Je recopie tel quel, mais c'est à mettre au masculin, bien entendu.
BELIER - du 21 mars au 21 avril
Viva la liberta
En 2017, vous voilà à la fois libre et dans le désir profond de vous engager. Après un temps d'adaptation, vous finirez par combiner ces énergies opposées de manière complémentaire et bénéfique dans la sphère intime et pro.
[…]
Les autres surprises
Ça, vous allez adorer…
Prête à renouveler votre vie en signant un bon accord ? Vous allez être imbattable pour dénicher la location d'appart de vos rêves ou acheter à bon prix et à taux d'intérêt ultra-concurrentiel votre future maison. Vous avez un manuscrit qui a pris la poussière ? Un éditeur accepte de vous publier. En 2017, vous êtes la reine des contrats tous azimuts.
Mais faites gaffe à…
Un triangle assez agressif entre Jupiter, Uranus et Pluton peut créer de sacrées surprises dans votre job : entre mauvaise ambiance et réorganisation de poste, ayez le nez fin et n'hésitez pas à passer des entretiens d'embauche pour éviter de passer par la case chômage.
Pour le plaisir, j'ajoute ce qui me concerne et qui nous à bien fait rire aussi dans la perspective du voyage qui s'annonçait :
VERSEAU- du 20 janvier au 19 février
A fond dans la life !
En 2017, la vie va à votre rythme : mouvementée, active, pleine de rencontres et de gaieté. Votre entourage aura peut-être du mal à vous suivre, mais vous, qu'est-ce que vous êtes bien. Amour, job, amitié, quand ça va, ça va !
[…]
Les autres surprises
Ça, vous allez adorer…
Vous avez la bougeotte ? Ça tombe bien, 2017 est l'année des (grands) voyages. Remplissez votre agenda de petits week-ends en France et de voyages exotiques à l'étranger. […] Foncez ! Votre cœur sera chargé de souvenirs inoubliables.
Mais faites gaffe à…
L'amitié est très importante pour vous, mais attention aux apparences. Vous allez ouvrir les yeux et vous apercevoir que votre entourage est parsemé de faux amis. Vous resserrerez alors les liens avec ceux qui le méritent. Un mal pour un bien.
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Agenda
Seven Sisters. Pas mal. Peu fouillé mais curieux par moments.
A. revient de Lisieux en train avec deux lapereaux pour le voisin.
Tard le soir, je finis Camille revient en jouant à Candy Crush puis je regarde je ne sais combien d'épisodes de Stranger Things dont j'ai entendu parler le matin même sur Twitter tout en rédigeant un long mail.
(Je me couche à trois heures du matin, ce qui va faire peu d'heures de sommeil.)

310/365 - Des retards et de la foule

Matin : c'est un jour de grève, mais le trafic est annoncé sans perturbation.
Cependant, un train est resté en panne dans les ateliers et un autre a pris du retard à Melun pour des problèmes de portes. Les train de 8h22 est donc supprimé et le suivant en retard. Nous arrivons gare de Lyon à 8h05 au lieu des 8h50 espérés (la différence entre avoir cinq minutes d'avance ou cinq minutes de retard en cours).

17h : métro ligne 1 pour une station jusqu'à grande Arche pour aller au cinéma.

RER A vers 19h30
RER D de 19h51 gare de Lyon. Très plein : il y a sans doute eu des perturbations dans la soirée. J'ai pris le même que A., nous rentrons ensemble (avec ses lapins).

La tension monte

Demain H. doit signer à la fois la vente d'une activité à un futur repreneur et une transaction pour son propre compte afin de mettre fin au contrat de travail dans l'entreprise pour laquelle il travaille depuis sept ans et dont le patron est devenu fou avant de désavouer H. peu après. Je dois avouer que je reste confondue que H. soit resté dans cette entreprise huit mois après cela. Dans un monde normal, la conséquence mécanique d'un tel désaveu aurait dû être de virer H. aussitôt, en février dernier. Mais non : ce n'était pas un désaveu rationnel, c'était la décision d'un fou, et donc la personne à qui B., propriétaire de l'entreprise et fou, a confié la direction de l'entreprise (à la place de H.) s'est appuyée sur H. tout ce temps pour assurer la transition avant son départ inévitable.

Il a également confié à H. le soin de vendre une activité de l'entreprise, activité qui gravite autour d'un logiciel écrit par H. dans les années 2000 au sein de la société d'un ami. Ce logiciel a été vendu une première fois en 2006 à une entreprise de Cholet, puis racheté — sous l'impulsion de H. — en 2010 par son entreprise actuelle.
C'est donc pour ce même logiciel et l'activité qui gravite autour (neuf personnes) que H. a trouvé un repreneur. (C'est aussi le logiciel que H. débuggue depuis un an et demi : il corrige ce qui a été fait par les équipes choletaises entre 2006 et 2010 en s'arrachant les cheveux et pestant beaucoup à cause du code écrit avec les pieds).

Cela fait des semaines que la tension monte. En effet, tout doit rester secret : il ne faut pas que B. découvre que le logiciel va être vendu car il est capable de s'y opposer, il ne faut pas que les salariés le sachent non plus car un ex-salarié (l'un de ceux qui a salopé le code) pourrait se venger en prêtant de l'argent aux salariés actuels qui deviendraient prioritaires dans le rachat de l'activité (se venger : se venger de H. qui s'est débarrassé de lui en lui faisant comprendre qu'il n'était pas à la hauteur. Or cet ex-salarié est d'une part riche, d'autre part persuadé d'être bon).
Depuis trois semaines H. mène trois fronts : la rédaction des documents de vente (valoriser de l'activité sans l'aide des comptables puisque tout est secret (et donc se procurer les documents, les analyser, rédiger le protocole de vente)), la négociation de son propre départ et l'éternel débuggage du logiciel dont se plaignent les clients (et au fur à mesure qu'il débuggue, il comprend mieux ces plaintes… Il n'avait pas pris la mesure des erreurs de code. Ce week-end, découragé, il m'a dit : «J'aurais mieux fait de repartir de mon code-source (avant 2006) pour implémenter ce qu'ils ont ajouté, j'aurais été plus vite qu'à corriger leurs erreurs. Il y en a partout.»)

Depuis trois semaines nous pensons «un mur de briques», comme dans Le Village des damnés, pour ne pas attirer l'attention des dieux… (mon fils va encore dire que je suis superstitieuse… mais c'est aussi une façon de parler d'autre chose, de rire de notre bêtise et de nos craintes). Depuis trois semaines nous attendons que le ciel nous tombe sur la tête, que B. se réveille ou qu'il y ait une fuite auprès des salariés.

Tout doit être signé demain à onze heures et demie.


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Agenda
Yolette de débutants avec quatre garçons dont c'est la deuxième sortie. Amusant de les bizuter un peu pour assoir mon autorité.
Le soir, fin de The dressmaker. Finalement décevant, une fin trop misérabiliste. Début de Camille revient. Une bonne surprise.

309/365 - RAS

Matin : RER de 8h13

Soir : j'oublie de partir du bureau. RER D de 20h35.

19 ans un 19

Charmant dîner chez Léna et Mimile. La cuisine est de grande qualité (compliment rare puisque nous mangeons très bien à la maison : rare que ce soit meilleur au restaurant, ce qui fait que nous ne sortons plus souvent).

Nous avons appris aujourd'hui la mort en mai dernier de Stanislas Petrov, l'homme qui a sauvé l'occident. Il me semble que j'en ai parlé quelque part dans ce blog, mais sans doute en mettant un lien sur un mot impossible (genre "héros soviétique") ce qui fait que je ne le retrouve pas (trop d'ellipse tue).
Je me suis souvent demandé ce que je faisais à l'heure où nous avons failli nous prendre un missile nucléaire sur la tête. J'étais en terminale.

308/365 Un aller sans retour

RER de 7h58. (Assis). J'ai oublié mon téléphone. Je lis Heidegger, étonnamment lisible (Qu'appelle-t-on penser ?)

18h45 Je quitte Barry Seal en milieu de séance à l'UGC George V (c'était prévu: j'ai déjà vu le film et je voulais juste passer le temps agréablement) pour ne pas être en retard et prends le A puis le B pour aller chez Léna et Mimile rue Tournefort. J'arrive à 19h35, la dernière.

Retour en voiture après avoir fêté l'anniversaire d'O.

Mon génocide préféré

« Tu as multiplié cent fois les posts sur les chrétiens d'Orient, en comparaison. Mais bon, tu as le droit de préférer certains génocides. »

Il y a des phrases qui laissent rêveur et qui vous prennent au piège car il n'y a aucune façon honorable d'y répondre tant elles sont abjectes.

307/365 : la reprise

matin : RER de 7h58. Nous sommes debouts et serrés, le RER précédent a sans doute été supprimé. Le nôtre est à l'heure de bout en bout.

soir : je quitte le bureau en retard à cause de FB (le feu des conversations). Ligne 1 à 19h40, ligne 12. J'ai dix minutes de retard.

retour : RER D aux Halles à 22h31 sans problème.

L'échange privé au complet

Mail FB

GC : Des amis COMMUNS, Valérie. nombreux à m'écrire en mp pour me dire que c'était classique, tu partais en vrille, et tu t'enferrais dans ton tort, il valait mieux laisser tomber.
Moi, je ne me laisse pas salir et insulter.

Moi : Moi non plus. On comparera nos messages reçus quand tu veux. Quand tu en auras le courage.

GC : Le seul qui a du courage, et même bien de la persévérance d'essayer de te faire entendre raison, c'est moi.

GC : Toi, tu es veule, depuis l'affaire Rouaud. D'une veulerie pitoyable.

Moi : Ah tiens, et j'ai droit à des excuses pour les Rohingyas, en parlant d'agression ?

GC : Bien entendu. Je me suis complètement trompé sur les Rohingyas, tu n'as pas été silencieuse...
Tu as multiplié cent fois les posts sur les chrétiens d'Orient, en comparaison. Mais bon, tu as le droit de préférer certains génocides. Moi, tous les meurtres m'horrifient.

Glissade

La seule occupation productive de la journée a été d'aller au marché. C'est l'un des arguments qui joue contre le fait d'interrompre l'aviron le week-end : j'arrête en me disant que je pourrais davantage travailler (ménage ou devoirs), en réalité je fainéante.
Cela fait du bien. Il est fort possible que je sois fatiguée, ou que j'ai besoin de rassembler mes forces avant de repartir.

Tenté de regardé Rocky. Je pensais que c'était le premier (je n'en ai jamais vu aucun et j'essaie de rattraper mon retard en matière de culture populaire) mais en fait c'était le dernier, Rocky Balboa, tellement ennuyeux que nous avons craqué au bout de vingt minutes.
Nous avons enchaîné sur Netflix avec le premier épisode de Grace et Frankie (un épisode, ça suffit), puis j'ai fini The Bounty Hunter, assez difficile à comprendre dans la mesure où il s'appuie sur des mécanismes judiciaires et des professions qui n'existent pas en France (le prêteur de caution, le chasseur de prime, etc.) Ce n'est pas très bon, mais je jouais à Candy Crush en même temps (quand je glande, je glande).

Apéro avec les voisins (les voisins, syntagme figé) qui ont sonné pour nous inviter chez eux et finalement sont restés chez nous.
Diagnostic définitif concernant la voiture de A. : réparations inutiles vu le prix de la voiture. Il nous faut lui en trouver une autre.

Le soir, je commence The Dressmaker qui me plaît beaucoup, entre recherche de la vérité, vengeance et histoire d'amour dans l'Australie toujours présentée comme la brousse absolue. Pas le temps de regarder la fin.

GC m'interpelle sur les Rohingyas

Je ne vais plus souvent sur Facebook, et c'est donc un peu par hasard que j'ai découvert cela aujourd'hui qui m'a coupé le souffle : brutalité et indécence de l'interpellation (s'agit-il d'un concours pour savoir qui pleurera le plus tôt et le plus fort?).

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Voici donc ce qu'on lisait sur la page de GC (depuis il a masqué la discussion, je ne peux plus la voir).

G** C** (14 septembre 9:57) Tiens, encore un exemple : les exactions épouvantables contre les chrétiens d'Orient ont fait l'objet de nombreux commentaires, pétitions, partages d'articles, et à juste titre. Je constate que mes amis chrétiens, notamment, sont bizarrement silencieux. [ici mon nom est tagué]

S** D** (14 septembre 9:58) Oui tout à fait. Et quant aux pertes civiles considérables causés par nos avions en Syrie…

Alice (17 septembre 14:56) Cher Guillaume, si tu avais regardé mon mur aussi souvent que j'ai consulté le tien au cours des dernières années, tu aurais constaté que j'ai signalé le massacre des Rohingyas bien avant1 que ce ne soit à la mode.
A la manière de GC, j'aurais pu alors me plaindre de ne recevoir aucun écho. Si tu vas traîner dans les pages que je suis, tu en trouveras sans doute une trace.

Alice (17 septembre 15:26) Par ailleurs, ce genre d'interpellation extrêmement aimable permet à chacun j'en suis sûre de comprendre pourquoi je "n'échange" pas avec toi. Nous n'avons pas la même définition de "l'échange".

G** C** (14 septembre 15:27) Tu sais très bien ce qui s'est passé, et que tu refuses de répondre aux questions (fort gênantes pour toi, il est vrai) que j'ai adressées suite à tes mises en causes injustes.


Note
1 : (en novembre 2016 sur ma page FB)

René

Finalement nous n'avons pas fêté les 80 ans de René. Je pense à lui, souvent. Je lui envoie des cartes, rarement : deux fois à Noël en sept ans, une fois en avril dernier, parce qu'il me restait une carte postale du lac de Vouglans et que j'étais sans doute terriblement frustrée (et inquiète pour le futur) d'avoir dû annuler ma participation au stage d'aviron de mars : tiens, si j'envoyais cette carte à René ?
La différence, c'est que cette fois-ci, il m'a répondu. Il m'a envoyé la photo noir et blanc d'une barque à moitié submergée avec la mention « il y a des circonstances où faire avancer le bateau pose des problèmes » et son numéro de portable. Je l'ai appelé jeudi. Sa voix était pleine de vie, inchangée.
Rendez-vous pris pour cet après-midi. H a accepté de venir.

Nous sommes arrivés plus tard que prévu dans une maison déserte. Dans le jardin, un joli bateau vernis, bas, d'environ quatre mètres, deux verres sur la table, un chat qui miaule. Il fait frais mais le ciel est dégagé. Tout est tranquille, l'herbe est tondue ras, la maison a un air propret et bien entretenu. Un cognassier finit de mûrir. Nous faisons le tour, tapons au carreau. « Appelle-le », me dit H. (je ne pense jamais aux solutions simples).

René est chez le voisin d'en face. C'est ainsi que nous nous retrouvons à prendre une bière chez un conducteur de RER B à la retraite. (Il faut sept à dix ans d'expérience de conducteur de métro pour pouvoir postuler au poste de conducteur de RER. Avant les conducteurs changeaient à gare du Nord, un conducteur SNCF prenait le relais d'un conducteur RATP. « Ça allait très vite. Mais ils ont décidé de ne plus changer, ils ont vendu ça aux usagers comme un avantage sur la ponctualité, mais en fait, ils ont économisé douze à quatorze conducteurs. Ça fait deux réglementations à apprendre (nous découvrons que ce n'est pas la même : mais qu'est-ce qui change ? la signalétique ? ça fait peur), et même trois avec la réglementation intra-muros. Un jour il y aura un accident. Surtout avec les jeunes. Ils raccourcissent l'ancienneté, la plupart n'ont que sept ans de métro, et ils ne veulent pas travailler. Isabelle (sa femme) était formatrice, eh bien vers la fin, il y en a qui lui pourrissaient sa formation : « Vous z'allez tout de même pas vous lever à quatre heures du mat' y compris le dimanche pour mille six cents euros ! » a dit l'un, et y'en a quatre qui sont partis. Mais il faut bien commencer.»
Je ne dis rien. Dans un sens il est délirant que je gagne le double les fesses sur une chaise pendant des horaires de bureau, d'un autre côté il a mon âge et est à la retraite dans sa jolie maison en lisière de Beauce, tranquille. Il est à la retraite avant d'être vieux, il a vingt ans d'agilité devant lui, et peut-être quarante ans de vie : plus qu'il n'en aura passé à travailler. Est-ce normal par rapport à une infirmière ou un plombier ? Il faut harmoniser la législation et laisser chacun choisir.

Nous revenons chez lui. Je note sans ordre des bribes de conversation, des précisions que j'ai obtenues sur des souvenirs flous (René conduisait la remorque quand nous partions en régates le week-end, il racontait des anecdotes et m'a appris les contrepétries (oui, il a bien eu un oncle, un frère de sa mère, religieux au Brésil. Non, pas évêque, supérieur d'un couvent de dominicains)). Je m'accuse ici de misérabilisme : je venais rendre une visite charitable à un octogénaire veuf ayant perdu ses fils, je suis repartie ragaillardie par quelqu'un débordant de vie et de projets1.

Au mur un immense agrandissement d'une photo noir et blanc montre au premier plan un cours d'eau (la Mayenne), deux ou trois maisons, une barque plate et claire, le coteau planté d'arbres.
— Ça c'est mon enfance, c'est la maison où j'ai grandi. C'était un moulin à tan, on broyer des écorces de pin pour les tanneries (jamais entendu parler de ça). Tu vois la barque devant ? C'est moi qui l'ai construite, c'était pour aller boire l'apéro chez Joseph de l'autre côté de la rivière. Un jour quand j'avais quatorze ans mon père m'a demandé de construire un bateau pour aller boire l'apéro.
— A quatorze ans ? Mais qu'est-ce que tu avais fait avant, pour qu'il te demande une chose pareille ?
— Ah… j'ai toujours été un manuel…
— Je me souviens que tu avais descendu la Loire avec ton frère en canoë français, c'est bien ça ?
— Ah oui, c'était aussi un bateau que j'avais construit… (Ça, je ne le savais pas.) Je l'avais appelé J3, comme les cartes d'alimentation pour les jeunes. (Il rit.)

Autre souvenir de guerre, les avions français mitraillant les Allemands qui fuyaient par la route en haut du coteau, invisible sur la photo : « je m'étais caché là (il montre un coin sur la photo), tu parles si j'étais bien caché. On n'a pas peur quand on est gosse ».

— De toute façon les bateaux ça me poursuit. Je me souvient à l'école, on avait rempli le lavabo pour voir si la maquette du prof flottait… On avait passé plus d'un an à lui construire son bateau en taille réelle.
Je lui parle du bateau qu'il construisait l'avant-dernière fois que je l'ai vu, quelque part en 1995 : il en était à lester la quille, il avait des problèmes de proue.
— Je l'avais construit avec un orme du père Tape-dur. Tu te rappelles du père Tape-dur ? On bricolait chez lui, son arbre était mort, on l'a débité en planches.
— Mais le bois était assez sec ?
— Il faut un an par centimètre : trois ans pour une planche de trois centimètres, un an pour un centimètre… Bon allez, un peu plus d'un an.

Avec ce bateau, nous apprend-il, il a traversé l'Atlantique avec son fils. Il nous parle de St Barth : « Vous êtes déjà allés à St Barth ? Y'a que des riches et des trafiquants, là-bas.» Il a revendu l'embarcation, trop grande désormais.
— Je suis trop vieux, constate-t-il sans amertume et avec réalisme. C'est comme le bateau dehors, il est trop sportif, il faut être deux pour le manœuvrer. Je l'ai donné à un neveu, ce sera plus facile, il va s'en servir sur un lac, en eau douce.
Dans le jardin, une carcasse de bateau d'à peu près la même longueur repose sur l'herbe. Il reste quelques planches.
— Tu vois, celui-là aussi je devrais le rénover. Les bateaux viennent à moi… (in petto je pense aux livres me concernant. C'est étrange, cette aimantation individualisée.)
H. s'étonne devant le peu qu'il reste de l'épave : — Euh… vous pouvez vraiment en faire quelque chose ?
— Mais oui, c'est merveilleux ce qu'on peut faire avec de la colle. (Sauf qu'en l'occurrence il ne reste pas grand chose à coller, me dis-je in petto.)
J'interviens : — Tu n'irais pas plus vite à partir de rien ?
Le joli voilier dans le jardin était dans cet état-là. Il l'a rénové en un peu plus de trois ans.
— Je me suis énervé sur le huit… (un bateau d'aviron) Depuis je fais de la tachycardie. J'ai été opéré… c'est magnifique l'hôpital, je suis comme un coq en pâte, tout le monde s'occupe de moi, H. y est infirmier. Un jour je promets du chocolat à des infirmières qui s'occupaient de moi et j'entends une voix : « c'est pas la peine, elles sont déjà assez grosses comme ça.» C'était H.2. (Il rit.)

Le chat miaule.
— J'étais à Nîmes, mon voisin me téléphone et me dit : « tu as oublié de donner de l'eau à ton chat». J'ai pas d'chat ! j'lui réponds. Y'a des salauds qui l'avaient laissée dans l'abri à bois. Elle s'appelle FêtNat parce que c'était le 14 juillet.

Nous sommes rentrés, René a allumé un feu avec une brassée de copeaux et trois bûches : « J'ai fait rentrer mille euros de fioul, j'ai trois stères de bois. Ce ne sera pas assez pour l'hiver. Je chauffe juste en hors gel, je fais du feu, je reste dos à la cheminée tout l'hiver. »
Nous aussi. Nous épluchons les pommes véreuses du jardin, il sort une pâte brisée du frigo. Il paraît avoir une grande habitude de recevoir ainsi. Il décongèle des cèpes cueillis trois semaines plus tôt (pas beaucoup de champignons cette année. Mince, nous allons lui manger sa réserve), prépare une omelette. La nuit est tombée.
— Il ne manque qu'une comtoise, remarqué-je.
— J'en ai une, dans l'atelier, je répare le meuble pour X. Pas le mécanisme, ça c'est pas mon rayon. J'avais une pendule Boulle, j'ai dû la vendre parce que j'avais besoin d'argent. C'est vrai que le carillon m'a manqué.

Je passe aux toilettes. Un livre, Gertrude Bell de Christel Mouchard, se trouve là. Ça alors, je pensais être la seule3 à la connaître en France!

Il nous raconte ses voyages en train, Mer-Tours, Tours-Lyon, Lyon-Nîmes où vit son amie ancienne sage-femme («on ne se supporte pas plus d'une semaine, mais comme ça, ça va»). Il prend moins le train, davantage la voiture, car il trouve les gens moins ouverts qu'avant, ils ne saluent plus, ne sourient plus. In petto je me demande si cela est dû à l'âge de René, si les gens, ne pouvant deviner sa vitalité, ont peur ou pas envie de s'adresser à un homme si âgé.

Il nous raconte des anecdotes de son apprentissage dans le faubourg St Martin (il est ébéniste). Il nous raconte ses projets : un meuble en galuchat. «C'est un meuble plaqué en peau de poisson. C'est très difficile à travailler. Vous connaissez la chanson "Nini peau-de-chien" ? Eh bien c'est du chien de mer, du galuchat.» Il nous raconte ses voisins, où par hasard (ou karma ?) se retrouvent plusieurs personnes ayant vécu rue Keller, quartier de la Bastille. «Il y a de tout dans le village, des syndicalistes à l'extrême-droite. Mais ils sont tous très gentils, alors on fait avec.»

Quand nous partons, il nous montre la lampe extérieure qui détecte les mouvements : «ce sont mes voisins qui m'ont installé ça. Vous avez vu comme ils sont gentils mes voisins ? Je vais vous montrer comme ils sont gentils. Vous voyez cette glycine ? J'avais dit que je voulais une glycine. Je suis parti en voyage, et bien, quand je suis revenu, ils avaient planté cette glycine.»

Bref, tout le village prend soin de lui et il rend service à tout le monde. Je suis partie rassurée et reposée de cette visite hors du temps.
Il faudra revenir.


Note
1 : à la réflexion, tandis que j'écris cela, je me demande si c'était vraiment une surprise. Si, tout de même : j'étais inquiète parce que, lorsque j'avais fait des recherches sur son nom sur internet en avril, les résultats avaient tous un an ou deux.
2 : Hervé fut le premier petit ami de Jacqueline. Est-ce lui qui m'avait fait peur en me disant : «j'ai beaucoup entendu parler de toi ? » A l'enterrement du fils de René, il m'avait ému en parlant de son divorce : « On se marie pour partager de la tendresse, et puis… »
3 : déclaration emphatique et exagérée, bien entendu.

La poste, unique objet de mon ressentiment

Les deux montres que je dépose machinalement dans le plat de cuivre sur le meuble de l'entrée se sont arrêtées en même temps : coïncidence, ou y a-t-il eu une interaction entre le cuivre et les piles ? (mais laquelle ?)
J'ai trouvé aux Quatre temps l'endroit où a déménagé le point "Montre services". Tout un ensemble de boutiques a été déménagé, apparemment pour agrandir la poste.

La poste parlons-en : faire payer le "service" de parler aux gens… (j'explique, pour les jeunes générations et les futures : "avant" (jadis, auparavant, naguère), le facteur s'arrêtait chez les gens, à la porte ou dans la cuisine, papotait, repartait. Il permettait de bavarder, de colporter les nouvelles, d'assurer un lien vers l'extérieur. Désormais, avec le nombre de facteurs en diminution et les tournées de plus en plus longues, ils n'en ont plus le temps, voire le droit (augmentation du nombre de suicides chez les facteurs). Récemment, quelqu'un a eu la bonne idée de transformer cela en service payant. Que ce marketteux rôtisse en enfer. J'espère qu'il terminera sa vie seul, sans même un facteur pour lui rendre visite.)
Charline Vanhoecker disait ce matin (ou hier ?) sur France Inter que la visite ne devait pas durer plus de six minutes, car si elle devenait plus longue, les études montraient qu'il y avait risque d'attachement. Ce doit être une plaisanterie, son billet est censé être comique (ce doit être une plaisanterie, ce doit être une plaisanterie…)

Question : si le courrier a diminué avec internet, la distribution des colis n'a-t-elle pas explosé avec la vente en ligne ? Et si la distribution de colis appartient à une entreprise séparée de celle qui distribue le courrier, n'est-il pas temps de les réunir, de façon à ce que les colis fassent vivre le courrier, comme les romans à gros tirage font vivre la poésie ?

Je rappelle qu'il existe une corrélation géographique entre le vote FN et le retrait des services publics. Remettez des postes et des facteurs, des tabacs, faites circuler des bus au niveau de chaque village (à organiser au niveau des départements, responsabilité du préfet). Faites reculer le FN, permettez aux gens de se déplacer, de se rencontrer, de parler.

302/365 : Un train supprimé le matin

Matin : j'arrive toujours aussi tard à la gare. Le train de 9h13 est supprimé. Un café. Je prends le suivant (9h28).

Soir : Zico de 18h57. Pluie battante.

301/365 - Grève

Je me suis appliquée pour ne pas rater le train de 8h58 car le suivant était annoncé supprimé : contrainte plutôt positive.

Retour le soir après l'aviron : RER de 21h31 aux Halles. Aucun problème. (Soulagement)

Heidegger for ever

— Tous les grands philosophes ont été élèves de Heidegger : Jonas, Hannah Arendt, Günther Anders, le premier mari d'Hannah Arendt, qu'on a beaucoup traduit depuis dix ans, Gadamer, Marcuse sur un autre plan… En 1960 paraissent Vérité et méthode de Gadamer et Le Volontaire et l'involontaire de Ricœur : deux grand textes phénoménologiques dans des genres très différents.
J'ai l'impression de me retrouver à Cerisy il y a deux ans1.

Qu'est-ce qu'un homme. Lecture suivie de Expérience et Absolu (nous avons dû atteindre la page 15 du liminaire), lecture commentée, commentaires, promenade. J'aime beaucoup. Je pense à Löwith (encore un élève de Heidegger, un ami, même, puisqu'il me semble qu'il a été baby-sitter des enfants avant d'être totalement repoussé), je pense à Lucie Kaennel qui nous a résumé en deux mots l'antisémitisme du "petit Martin", comme dirait Jérôme de Gramont : un juif n'était pas un homme puisqu'il n'avait pas de Dasein.

Quel sujet pour mon mémoire l'année prochaine ? Qu'est-ce qu'un homme ? Ecce homo, Jésus était juif.
Faut-il théologiser par concept ? Le concept est-il la bonne façon d'approcher la foi ? Parler de Dieu, parler sur Dieu, ne concernerait pas la foi ? Jésus enseignait en paraboles et la Bible raconte des histoires. Ricœur, article "Mythe" dans l'Encyclopedie Universalis : le mythe nous dit-il quelque chose de la vérité que la science n'atteint pas ?


Note
1 : impression confortée par le fait que je découvre que notre professeur a soutenu sa thèse avec Jean Greisch.

Mauvais temps

Beaucoup de vent : Marc a rentré son skiff et nous sommes sortis en double. Heureuse des commentaires des autres après la sortie : apparemment nous étions l'image de l'aisance et de la facilité.

Passé à la librairie Charybde pour prendre des Poésie du gérondif : un pour mon prof de philo amateur de Franquin (cité p.24) et un pour les éditions de Gruyter-Mouton. Au passage j'ai pris le dernier Le Tellier, Toutes les familles heureuses, dont mes oulipotes disent le plus grand bien (la lecture d'extraits en séance était déjà fort réjouissante, de cette réjouissance qui fait froid dans le dos).
Il pleut, il fait froid.

Pendant ce temps, H. a rendu la coccinelle dont le leasing arrivait à échéance. Nous avions dépasé le kilométrage prévu et la voiture avait des rayures, le pare-choc arrière était légèrement enfoncé (souvent cela se voit peu : les pare-chocs sont montés sur des morceaux de plastique qui cèdent au choc (et donc absorbent l'énergie) en se déformant, rendant le pare-choc inutile désormais puisque les morceaux de plastique ne pourront plus jouer leur rôle.)
Nous nous attendions donc à payer un supplément en rendant la voiture. Il n'en a rien été. H. a expliqué qu'on ne conservait pas la voiture parce que les freins se bloquaient quand le régulateur de vitesse était en place : parfois — mais pas toujours, cet aléatoire aussi était angoissant —, au moment où l'on souhaitait freiner, la pédale se durcissait énormément et il fallait l'enfoncer de toutes ses forces pour la débloquer. Plus d'une fois je me suis félicitée d'avoir gardé d'importantes distances de sécurité.
Un incident a été déclaré à Volkswagen par le garagiste qui suivait la voiture. Une pièce a été changée mais le problème n'a pas disparu. Pendant les vacances, O. n'a jamais utilisé le régulateur tant ça lui faisait peur.
H. a donné le numéro de l'incident et le concessionnaire a commencé à interroger son ordinateur. Pendant ce temps, H. est sorti avec un mécano pour faire le tour de la voiture. Celui-ci a commencé à relever toutes les éraflures sur la carosserie ; H. voyait la facture s'alourdir à chaque nouvelle anomalie quand soudain le directeur de la concession est arrivé, a dit que la voiture était reprise sans complément et a signé les papiers dans la minute.
Notre conclusion est que l'incident leur a fait peur. Il n'est pas certain que la voiture soit mise en vente d'occasion. Elle va peut-être passer à la casse. Ça me fait mal au cœur.

297/365 : RAS

RAS je suppose, puisque je n'ai rien noté, je n'ai nulle trace parmi mes photos ou sms pour me rappeler un dysfonctionnement.

En revenant de la librairie je traverse la place Henri Fresnay et emprunte le hall 3 : heureuse surprise, des banquettes bleues ont été aménagées pour les voyageurs, tout cela a l'air agréablement confortable.

La loi interprétée par ceux qui la pratiquent

Quand une entreprise veut se séparer d'une activité majeure, par exemple un département de l'entreprise, un produit qui représenterait une grosse part de son chiffre d'affaires, elle doit prévenir le comité d'entreprise. Celui-ci peut faire une contre-proposition : il est le repreneur prioritaire de par la loi, il peut préempter le bien.

Je suppose que cette loi était bienveillante : elle devait être destinée à prévenir les abus de certains patrons qui vidaient leur entreprise de sa substance, laissant les salariés sans recours.
Cependant, peut-être parce que de nombreux comités d'entreprises ont préempté une activité que de fait ils n'étaient pas capable de gérer, la loi a été changée : elle prévoit désormais que la transaction puisse rester secrète, sans prévenir personne avant sa conclusion — au prix d'une taxe de 2% de la valeur de la transaction à verser au comité d'entreprise.

(Cette explication narrativisée provient d'un expert-comptable qui pratique des cessions. La version officielle, exprimée tout autrement, est-elle celle-ci ? Cela ne correspond pas exactement puisque le lien concerne la vente de l'entreprise elle-même, et non une activité, et parle d'un droit de reprise des salariés, et non du comité d'entreprise… Ou alors cet article d'une remarquable clarté sur l'obligation de consulter le comité d'entreprise ? (mais je n'ai rien vu sur la préemption du bien). Si l'un de vous sait quel est le texte ainsi expliqué par l'expert-comptable, n'hésitez pas à me le signaler en commentaire.)

296/365 : RAS

Partie tôt avec H. qui a rendez-vous à 8h gare de Lyon. RER de 7h22.

Rentrée tard après l'aviron. RER de 21h31 aux Halles.

Sacrée Hélène

La cliente qui était morte a rappelé aujourd'hui.

Une chose en en entraînant une autre, elle me raconte : « Oui alors, j'ai soixante-dix huit ans […], je suis en train de racheter un terrain, parce, que vous comprenez, ils veulent démolir la forge et moi je veux la sauver ; y'avait un nouveau, là, au conseil de quartier, je ne sais pas d'où il venait, il commence avec des propos homophobes, alors moi je lui ai dit tout net : « Monsieur, je ne vois pas en quoi ce qui entre dans leur cul vous fait mal aux dents ». Ils m'ont tous regardée, mais moi j'en ai rien à faire. […] »

Faute de genre

Dans la voiture j’écoute le dernier « coup de gueule » d’une journaliste sur France Musique : tollé aux Pays-Bas parce que le Concertgebow a illustré une campagne de pub par un appareil à souffler les feuilles soulevant la jupe d’une femme, découvrant ainsi un string (jeu de mots en anglais sur un titre de Bach : air on string, mélodie sur une corde ou souffle sur une ficelle (le string)).
Et je me dis qu’ils sont bêtes, ils ont oublié qu’il fallait maintenant décaler ce genre d’allusions : ils auraient fait cela avec un homme en kilt, tout le monde aurait ri.

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Agenda
Aviron. Clémentine me vouvoie et me dit «Merci Madame». Je ne lui demande pas de me tutoyer. Il sera toujours temps si elle devient une fidèle du club.

C’est la rentrée. Encore deux ans.
Les travaux de l’ICP sont terminés. La cour ne me plaît pas, elle est entièrement cimentée de blanc (mais non plate, ce qui permettra à la pluie de ruisseler), percée de minuscules lampes qui sont comme des étoiles venues du sol dans la nuit. J'aurais préféré des arbres, des fleurs, de la terre. Evidemment il aurait fallu des chemins, c'est sans doute moins adapté à la circulation de beaucoup de gens.
Les salles (toutes les salles, ou seulement celles du bâtiment S) sont pimpantes et le mobilier neuf. Il était temps : le précédent semblait rassemblé de bric et de broc, avec des tables trop hautes, trop étroites, des chaises très inconfortables (celles-ci ô merveille sont rembourrées : combien de temps pour que des élèves inconscients de leur chance ne les tailladent ?)

Cours sur Heidegger, ou plutôt la phénoménologie (mais pas celle d'Husserl, donc celle de Heidegger) à partir de Jean-Yves Lacoste. « Il ne faut pas confondre la théologie philosophique (Voltaire, théodicée de Leibniz), la philosophie de la religion (Kierkegaard, les Russes, etc) et la philosophie des religions (étude des religions existantes).»
Je me prends à regretter que notre cours de sociologie soit si loin. J'ai l'impression que nous nous inscrivons dans la ligne directe de Durkheim and co.

Samedi de pré-rentrée

Rendez-vous chez le médecin pour un certificat médical. « Quel sport ? … De l’aviron ? Ah c’est bien, ça me change.»
Plus tard :
— Vous devriez faire un test d’effort pour être tranquille trois ou quatre ans.
— Ah, ça va venir : il est probable que mon père m’offre un tour en Mirage, les avions supersoniques. Un test cardiaque est obligatoire.

Nous avons emmené Clara à son appartement, ou plutôt sa chambre : une pièce avec douche individuelle dans une maison de maître à Créteil. Six colocataires à cinq cents euros mensuels chacun (hors charge), ça rapporte davantage que de louer à une famille.
Elle revient avec nous et repart en vélo, avec le vélo de mes onze ans qui roule toujours parfaitement. Si réellement elle s'en sert (je n'en reviens pas qu'une "jeune" de vingt-sept ans accepte de rouler sur mon vieux clou taché de rouille donc j'attends de voir si son enthousiasme a hérité d'un vélo gratuit persiste) si réellement elle s'en sert je le ferais repeindre (et de repasser mentalement les couleurs possibles : blanc, mauve, rose, violet, orange ? Pas bleu ou noir, non, quelque chose qui ne donne pas envie de le voler.)

Le soir, O. m'accompagne à la cinémathèque voir L'Atalante. Il a été restauré grâce au travail de Bernard Eisenschitz, ce qui est l'occasion de penser à Marie et Jérémy (il faut que je leur envoie un mot. Que s'est-il passé avec Marie ? Elle a été choquée que je proteste devant la vague de suicides à France Telecom, que je proclame qu'il fallait arrêter de leur faire de la publicité, qu'il y avait d'autres façons de résister. Elle a coupé les ponts. Est-ce irréversible ?)
Restauration argentique, montage à partir de la comparaison de plusieurs versions, et notamment une version anglaise. O. est surpris et un poil narquois devant la ferveur des présentateurs et des spectateurs, qu'il comprendra d'autant moins après vision : quoi, ce film un peu crachotant, cette histoire simplissime, c'est cela qui les enthousiasme ?
— Mais tu te rends compte, juste après le muet… tu as vu la diversité des plans, l'endroit où il a fallu réussir à mettre la caméra ? le cadrage de la caissière et le jeu des vitres, la façon dont tout est expliqué dès le cortège de la noce, la jeune fille qui quitte son village, qui n'a jamais rien vu,…
Devant l'admiration de tous, il veut bien convenir qu'il doit y avoir quelque chose, même s'il ne saisit pas exactement quoi (mais moi non plus, moi non plus : comment saisir les difficultés d'un montage, de la durée exacte d'une scène pour que tout soit montré et rien de trop ? A quel moment devient-on poétique au-delà de réaliste, à partir de quand la réalité bascule-t-elle dans la poésie ? A moins que la réalité soit toujours poésie et que l'art consiste justement à saisir celle-ci, la rendre visible.)

Nicolas Seydoux, de Gaumont, nous a promis une dernière restauration, celle qui saura nous rendre un son audible : en effet, il est aujourd'hui par moment si criard qu'il en devient inaudible.
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