Adieu à 2019 sans regret

Quelle année infernale.

Passé au bureau pour gérer les urgences (tout va bien finalement). Coiffeur, achat d'un sac de voyage pour la chatte (je le note car pour la première fois depuis ses deux ou trois mois (elle a quatorze ans) nous allons l'emmener avec nous: à son âge, je n'ose pas la laisser seule sans sa sœur).

Le rendez-vous avec la RH a été annulé. Jumandji 3. C'est poussif, en fait sans intérêt (bon, le deuxième peut-être aussi, mais j'avais bien aimé l'imitation du jeu vidéo, les personnages de jeu avec un nombre limité de répliques, etc. Le troisième film est réellement très pauvre). En revanche j'admire les sous-titres, non littéraux mais qui rendent très bien l'esprit des répliques.

Ladurée. Macarons et café viennois. J'écris des cartes de Noël. H. me rejoint. Nous allons au théâtre à neuf heures, nous n'avons rien prévu et entrons dans une brasserie parce que son nom nous plaît: "le non coupable".
Grave erreur, les serveurs sont totalement à l'ouest. Un jeune couple entre, s'installe à côté de nous. Le jeune homme se voit apporter un hamburger, il demande du sel et attend le plat de sa compagne; un serveur revient, lui prend son assiette en disant ce n'était pas pour lui (et va la donner à une autre table, sans se préoccuper de savoir si l'assiette a été touchée ou pas). Le jeune homme en reste bouche bée. Plus tard quand le couple est servi, le jeune homme redemande le sel qu'il n'a toujours pas eu; le serveur se penche vers une table voisine, sans un mot saisit la ménagère, la met sur la tabe vide entre les deux et s'en va.
Le jeune homme éberlué se tourne vers nous: «Vous voulez des frites? On peut partager, c'est le style ici». Nous sommes hilares: «moi il me reste des glaçons, si vous voulez.»

La Machine de Türing. Je connais l'histoire par cœur, l'intérêt est la mise en scène, la façon de raconter l'histoire avec deux personnages. L'accent est entièrement sur l'homophobie et l'injustice et très peu sur le décryptage du code.
Je note que comme pour le déchiffrement de l'accadien, ce sont les suscriptions qui ont permis de comprendre le langage inconnu.

Un pot au café de la Madeleine, avec des serveurs infiniment plus enjoués que les précédents.

Reprise

Ce soir il reste une quinzaine de mails dans ma boîte pro. Je suis contente de moi (cent soixante six le 20 décembre).
J'ai effectué les deux formations obligatoires en ligne qui devaient être suivies «avant le 30 décembre» (loi Sapin 2 et cyber-sécurité): ce n'est pas que ce soit inintéressant mais c'est si lent, si long, que je retarde toujours le moment de m'y mettre.
J'ai un rendez-vous avec la RH groupe demain.
Deux virements effectués le 20 décembre destinés à des achats en bourse ne sont pas passés: il faudra voir ça demain, je n'ai pas ici les mots de passe nécessaire à la connexion. Ça va être difficile de faire le nécessaire avant le 31 au soir (clôture comptable).

C'est à peu près tout.
Sans doute parce qu'O. est absent pendant ses vacances, je commence à comprendre que la vie va être celle-ci désormais, à deux. C'est bizarre, une aussi grande maison, autant de place, pour deux. Je suis déstabilisée, peut-être à cause du contraste brutal six en appartement/deux en maison.

Des meubles, un chat, des pompiers

J'ai réussi à relancer la comtoise, mais pour combien de temps? Depuis que je l'ai déplacée fin novembre (avant le départ de O.), elle s'arrête au bout de quelques minutes ou quelques heures. Il faut mettre des cales avec art de façon à la pencher légèrement vers la droite et en arrière afin que la pesanteur soutienne exactement le mouvement du balancier.

Marché. Trois bouquets de tulipes.

Avant que je le dépose à la gare pour qu'il rentre «chez lui» (je ressens un pang inattendu chaque fois qu'il dit «chez moi» en parlant de son studio à Paris: comment, ce n'est plus ici, chez lui?), O. m'a aidé à replacer sur la mezzanine deux étagères et le meuble télé relégués dans le grenier (the room of requirement) depuis le premier week-end de décembre 2018… (oui, les travaux sont finis depuis mars 2019). Objectif: les laver, les remplir de DVD, avoir de nouveau de quoi regarder des films sur un grand écran et non sur un ipad.
Mais apparemment cela ne va pas être si simple, une histoire de switch avec la box.

En remontant l'allée pour chercher la chatte chez les voisins, nous croisons le fils des voisins qui nous dit d'un seul souffle: «on a un problème avec Enzo mais c'est pas grave, vous pouvez entrer, on a appellé les pompiers.»
Pas grave, les pompiers? Je me retourne et effectivement, un camion rouge «18» s'est arrêté en silence au bout de l'allée.
Nous franchissons la porte et la voisine, beaucoup plus logiquement, nous met dehors: «ce n'est pas le moment». En repartant, nous recroisons le fils, un grand gaillard, au bord des larmes, accompagné des pompiers (Enzo est son fils d'un an).

Plus tard la voisine nous rappelle. Les pompiers ont emmené le petit-fils qui convulsait aux urgences. Nous prenons le thé en tenant notre première discussion sur les grèves depuis le début des vacances. Cela fait une semaine que nous avons très naturellement oublié le sujet. Nous récupérons notre chatte qui a passé la semaine sous les meubles du salon quand ils étaient dans le salon, sous les meubles de la chambre quand ils étaient dans la chambre.


Le lendemain, l'enfant est toujours en observation à l'hôpital. Fièvre et bronches encombrées. Pas de diagnostic précis.

Bilan

1. Les gens de Val Thorens sont charmants. Tous les commerçants, employés aux télésièges, conducteurs de bus, serveurs, moniteurs de ski, tous, sont charmants et attentionnés.

2. La préparation des pistes est impressionnante. Chaque soir nous avons vu les lumières clignotantes des dameuses sur les pistes et il m'a semblé que les pistes étaient beaucoup plus prévisibles que dans mon souvenir (trente ans plus tôt) où à tout moment on risquait de rencontrer une bosse ou un creux inattendu.
Une dameuse a eu un accident le jour de Noël et j'en profite pour saluer tous ces travailleurs dont il est vaguement gênant de se dire qu'ils travaillent pour que nous nous amusions (j'ai beau savoir que c'est la loi des loisirs en général et des vacances en particulier, c'est plus embarrassant quand il s'agit de travail l'hiver dans le froid et la nuit — et de plus dangereux).

3. Les grévistes nous ont rendu service en nous obligeant à louer un minibus: nous avons pu écouter des playlists, moduler nos horaires (ne pas craindre de rater le train) et emmener les cadeaux (en train nous avions prévu de ne prendre que des photos, poids et encombrement obligent).

4. La répartition des tâches s'est faite naturellement, même si certains ont donné plus que d'autres. Ma plus grande crainte était que H. se retrouve à tout faire parce qu'il ne skiait pas (et comme il n'avait pas envie de venir, il l'aurait fort mal pris, c'est compréhensible). Cela n'a pas été le cas, ouf.

5. Ce matin nous avons acheté six assiettes plates à Val Thorens puis six couteaux à Moûtiers.

6. Beaucoup de Hollandais.

7. Cam sait mettre des chaînes à un camion. Heureusement car descendre de la montagne n'a pas été simple.

8. J'ai très mal à l'épaule droite. C'est le plus gênant.

9. Je suis triste que tout le monde ait l'air si pressé de rentrer chez soi. Comment appelle-t-on le contraire du heimweh, le fait de ne jamais avoir envie de rentrer?

10. Violente attaque de chagrin, encore, que je dissimule comme je peux mais plutôt mal — parce que ce n'est pas contrôlable, c'en est la définition (le pire, c'est quand on me demande «Ça va?» — je sens tout l'intérieur de moi s'effondrer et se mettre à pleurer. Je ne peux plus parler tant la concentration est grande pour conserver figure humaine).

11. Rentrés vers 22h30. Cam et C. sont repartis aussitôt. A. partira demain, elle est attendue pour soigner un chevreau nouveau-né qui refuse de téter (? Mais que peut-elle y faire?)

Dernier jour

Même temps que le 22. On ne voit rien, mais tandis qu'au début de la semaine nous ne savions pas ce que nous rations, il y a le regret du beau temps, et la fatigue sans doute aussi. Cam se décourage, C. continue à avoir mal, non à cause de ses chaussures mais parce que la jambe a été trop meurtrie. O. présente toujours la même énergie et moi je sais si peu quand j'aurais l'occasion de skier de nouveau, avec une aussi bonne neige, des aussi bonnes chaussures, autant de kilomètres de pistes, que je n'ai pas envie d'arrêter mais de continuer le plus possible.

Restes de croziflette, quelques parties de Mind en spectatrice puis en actrice (jeu étrange, intéressant) et O. et moi repartons. Je regretterai ces parties de Mind en m'apercevant qu'il est trois heures: nous avons gaspillé une heure, irréversible. O. a l'ambition de descendre l'une des deux pistes noires. Je ne me sens pas au niveau mais je vais essayer.

Les montées vers le sommet s'effectuent par paliers: un télésiège puis un autre pour accéder à la piste souhaitée (que je serais bien incapable de trouver seule tant je me repose sur O. dont le sens de l'orientation est légendaire dans la famille). La première montée s'effectue dans une purée de poix (blanche...), les flocons givrés cinglent les visages, nous sommes quasi seuls sur le télésiège, la seconde montée entre à l'intérieur même du nuage, nous ne voyons plus rien. Le masque d'O. est couvert de givre et il l'enlève. Nous descendons une rouge pour nous échauffer, remontons dans le même brouillard et prenons cette fois la noire.
Je tombe trois fois, sans déchausser, en faisant toujours la même erreur: je ralentis tant que je remonte la pente et tombe quasi en reculant, debout vers l'amont.

La beauté de cet après-midi, la consolation, la joie, est que le soleil perce derrière les nuages, ou plutôt que le nuage descend dans la vallée et que nous restons au dessus. C'est magnifique et tellement reposant après le mauvais temps du matin.
Vue en arrivant en haut du télésiège, en face de nous. La photo écrase la profondeur et ne rend pas justice à l'intense sensation de présence des montagnes face à nous. A un centimètre du bas de la photo, la ligne blanche représente le bord du précipice.


Nous refaisons la noire plusieurs fois; je ne tombe qu'une fois, encore de la même manière. Je me répète comme un mantra «les épaules vers la pente, la vitesse est ton amie». Cela n'a pas grand sens de prendre cette piste à mon niveau, mais peut-être qu'avec deux ou trois jours de plus je pourrais la descendre proprement. O. est heureux comme un chien fou et cela chauffe le cœur.

Dernière remontée («vite, il reste une minute» nous dit l'employé du télésiège), dernière descente, je suis triste.

Les quatre autres nous attendent devant le magasin de location de skis, ils nous ont descendu nos chaussures (bénédiction!). Nous rendons tout, c'est fini.

Vin chaud au même endroit qu'hier. C. et A. se sont disputés et font la gueule. A. se déride quand je lui demande d'observer mon coude gauche (j'ai découvert une vive douleur quand je tends le bras et je ne sais pas d'où elle vient: pas d'une chute, pas d'un choc…) A. me masse le poignet en expliquant que je me suis probablement trop crispée sur mes bâtons et que ça va passer. C. se concentre sur son téléphone.
Vin chaud et crêpe.

Nous rentrons. Une bière, une douche, nous repartons pour le même restaurant que le 24, dans l'anticipation de nos plats puisque nous connaissons la carte. Je finis pas pousser une gueulante car tout le monde trouve très drôle de me harceler sur le thème «dépêche-toi, tu vas être en retard». Non ce n'est pas drôle quand on insiste, oui je me sens bullied, surtout si tout le monde s'y met, et je suis en vacances, et j'ai tout organisé, et pendant vingt ans j'ai emmené des enfants à l'école et préparé les affaires de colo et attrapé leurs bus ou leurs trains sans en manquer un, ce n'est pas pour qu'on me casse les pieds parce que je mets cinq minutes à trouver mon jean ou me sécher les cheveux EN VACANCES, alors fichez-moi la paix, apprenez à hiérarchiser les priorités, le restaurant s'en tape d'un quart d'heure de retard: nous sommes les clients.
Mais bon, je suppose qu'à un autre moment je les aurais laissé faire (c'est sans doute un tort, ils ne se rendent plus compte qu'ils font cela tout le temps et que ce n'est plus drôle depuis longtemps) mais ce soir, je suis triste de devoir rentrer et je voudrais un peu de considération (c'est bizarre de l'écrire ici, de devoir l'écrire ici ("devoir" non comme une obligation, mais comme seul lieu d'expression: la véritable raison d'être du blog)).

Fondue aux cèpes.

Ça se gâte

Il fait encore très beau. Je me suis réveillée avec une grosse douleur au genou gauche, soit l’inverse d’hier. Je n’y comprends rien, je sais seulement qu’il faut que je skie bien parallèle et qu’il faut absolument éviter de retomber en tirant sur les ligaments des genoux. Nous descendons sur l'autre versant de la montagne, ensoleillé dès le matin. Il n'y a plus vraiment besoin de m'attendre, je suis un poil plus lente mais rien de flagrant.

Nous avons fait une erreur de débutant: en quittant l’appartement C. se plaignait de ses chaussures mais nous a assuré que «ça irait» et nous n’avons pas insisté; nous sommes partis skier. Au fur à mesure de la matinée il a eu de plus en plus mal au point de ne plus vouloir skier l’après-midi. Il est de très mauvaise humeur. Je regrette vraiment de ne pas avoir insisté ce matin pour qu'il les change.

Nous sommes ressortis à trois (O., Cam et moi) pour skier avec A. sur des pistes vertes. Le temps a viré au gris. O. et Cam font les andouilles en jouant à chat avec de grands gestes (ils ont laissé leurs bâtons à l’appartement) et de grands cris (je vois certains skieurs les examiner en se demandant s’ils doivent intervenir). Je soigne mes virages (plier/alléger) et je me retiens de partir tout schuss. Nous sommes contents que A. ait eu envie de skier avec nous; elle était très réticente, elle craint toute perte de contrôle et prise de vitesse, elle examine le fonctionnement des télésièges en supputant les risques d’accident: nous devons une fière chandelle à son moniteur (le chic!) qui a su ne pas la brusquer et ne pas la laisser se braquer.

À la fermeture des pistes nous rejoignons H. et C. devant Goitschel: C. change de chaussures et reprend espoir. Nous prenons un selfie à six (ne riez pas: je le note parce que c'est le premier de ma vie) et nous allons prendre un vin chaud en brasserie. Cam et O. continuent à faire les andouilles en jouant au foot sur la table en soufflant sur une boulette de papier serviette.

La grenouille à grande bouche ne peut pas faire de selfie car elle dépasse du cadre. On lui conseille de dire «confiture».
Elle essaie de le dire «confit..., confit...»
«Marmelade!»

Le soir pendant que C. prépare la croziflette, O. et Cam testent un autre jeu amené par C.: the Mind. Je les regarde jouer sans bien comprendre, comateuse après un deuxième vin chaud pris à l'appartement.

Croziflette. Le reblochon est décevant: il ne pue pas des pieds.

Noël

Aujourd'hui il fait beau. De notre balcon, à la même heure qu'il y a trois jours:


Nous repartons tous les quatre. Cette fois-ci c'est C. qui reste derrière moi. Je prends de l'assurance et cela se passe ma foi plutôt bien. Je gagne en vitesse. Le moniteur du premier jour avait l'appellation "bleu foncé" pour certaines pistes et il est vrai que la différence entre pistes rouges et bleues n'est pas toujours très claire: plus pentues?

Je tombe à nouveau, bêtement, en descendant d'un télésiège. Je tombe à plat dos, les skis à angle droit au niveau des talons. Cela tire horriblement sur les genoux, pourvu que je ne me sois rien déchiré. Je suis intérieurement furieuse et frustrée, c'est stupide, une chute d'inattention, elle aurait été si facile à éviter. Un surveillant des télésièges m'aide car je suis incapable de remettre mes skis parallèles pour me relever. J'ai très mal au genou droit.

En fin de matinée je trouve un iPhone rose sur les pistes et les garçons passent le déjeuner à identifier la jeune fille pour tenter de le lui rendre (ce sera chose faite vers trois heures). Nous mangeons au sommet des pistes, à 2800 mètres, au soleil. Nous découvrons les montagnes invisibles depuis notre arrivée. La vue est magnifique.

Phrase du jour: «Le roller derby, c'est un sport ultra doux.»

Je skie de mieux en mieux, mais vers le soir avec la fatigue je perds le sens de la piste. Quand nous rentrons à la nuit, ni A. ni H. ne sont là: l'une est partie skier sur les pistes vertes pour tester ses nouvelles compétences (elle parle beaucoup de son moniteur. Je l'avais prévenue: la définition du chic1, c'est le moniteur de ski), l'autre est descendu boire un thé au soleil sur la place.

Un chocolat chaud m'achève: je dors une heure de tout mon long sur l'un des deux canapés de la pièce commune et l'on commentera plus tard: «c'était impressionnant, quel que soit le bruit de la discussion, ta respiration ne se modifiait pas d'un poil».


Note
1: cf Les Dingodossiers

Fragile

J'ai skié avec les grands aujourd'hui (C., O. et Cam). Il neige toujours, la visibilité est quasi nulle ce qui est presque un avantage pour moi: cela m'évite de me poser trop de questions sur la façon de négocier les bosses.

Nous avons commencé par changer mes chaussures qui m'irritaient. (Pause pub: sur les conseils d'Agnès Barthélémy1, nous avons pris nos skis chez Goitschel qui scanne les pieds en volume et s'engage à changer les chaussures aussi souvent que nécessaire durant la location.) J'étais sceptique quant à la possibilité de trouver des chaussures qui ne me feraient pas mal (je me souviens des chaussures de mon enfance), mais le miracle a eu lieu.

Je suis tombée durement le matin, à la deuxième ou troisième descente. Impossible de dire ce qui s'est passé, je n'ai eu le temps de me rendre compte de rien. Je suis tombée de tout mon poids sur l'épaule droite et la tête a porté (bougeant avec précaution après le choc en me disant «Finalement j'aurais peut-être dû prendre un casque» et «zut, pourvu que je n'ai pas de commotion cérébrale»). J'ai mis un temps infini à rechausser. La neige s'était agglomérée en paquets sous ma chaussure et je n'arrivais plus à rechausser. C. a fini par remonter la pente pour voir ce qui m'était arrivé.

Les enfants sont attentifs et me baby-sittent. Ils s'arrêtent régulièrement pour m'attendre et Cam reste souvent derrière moi afin de me ramasser si je tombe. Je suis embarrassée de les ralentir; j'éprouve une pointe de regret quand ils m'appellent "maman", j'aimerais tant, juste sur les pistes, avoir leur âge. Je pense à Alec Guinness et je souris jaune.

La journée se termine à la tombée de la nuit; les télésièges s'arrêtent à 16h30. Nous rentrons, goûtons, jouons. Mon épaule droite est très douloureuse, tous les mouvements qui éloignent le coude du corps me sont interdits, je ne peux plus enlever un pull ou porter un broc. Heureusement ça ne me gêne pas pour skier, sauf au moment de prendre les télésièges où il faut que je me souvienne de ne pas utiliser mon bras droit pour amortir l'arrivée sur les portillons. Surtout ne pas retomber sur cette épaule…

Quand nous descendrons en ville pour le réveillon nous assisterons au feu d'artifice de la station. A la demande d'H. nous prendrons une photo de famille devant le grand sapin de la place principale: chaque fois qu'il va aux USA ses interlocuteurs lui réclament une telle photo et il n'a rien à montrer.
Agnès nous a trouvé un restaurant pour le réveillon (alors que le même restaurant nous avait dit être plein) et nous passons une soirée animée, à base de fondue de légumes et de rôti de cerf.

Cadeaux de Noël: Valérian et Calvin & Hobbes.



Note
1 : un service de conciergerie était compris dans la location de l'appartement, ce dont je n'avais pas pris conscience au moment de louer.

Ski

C'est bon, le ski ne s'oublie pas. Même les défauts sont là, fidèles (le poids trop en arrière). Ce qui me surprend le plus, c'est que j'oublie totalement que je peux tomber. La neige est fraîche et produit un crissement merveilleux, le bruit de mon souvenir.

Matinée en cours de ski: ne pas avoir peur de prendre de la vitesse en se mettant face à la pente pour tourner, rester bien en avant le tibia en appui contre la chaussure, se redresser pour tourner (alléger). Courses, repas, sieste. Dormi comme un bébé, comme je n'avais pas dormi depuis longtemps (un ou deux ans je pense: ma qualité de sommeil s'est beaucoup détériorée, je me réveille très souvent). Quand je me lève il neige tant qu'on ne voit rien par les fenêtres, les enfants ont abandonné l'idée de skier cet après-midi.

1000 bornes avec un jeu très ancien, datant sans doute de la création du jeu; à nouveau la Fiesta de los muertos, à six, avec des contraintes cette fois (quel mot de rime en i associeriez-vous à Newton? Quel mot de la nature à Bruce Lee?); vin chaud.

Tais-toi projeté sur le mur du salon (il fait partie des films que nous citons beaucoup («il faudrait construire des asiles de cons, mais vous imaginez la taille des bâtiments», «— J'ai du mal à rassembler mes idées — C'est pas grave, laisse-les en désordre») et nous souhaitons donner des points de repère à Cam): que Depardieu joue bien et que Reno joue mal!

Fin prêts

L'appartement est au cinquième étage, trois chambres agencées autour d'une pièce commune. C'est mignon, un peu kitsch. La cuisine est fonctionnelle, torchons fournis (je le signale car je ne sais plus combien de torchons nous avons achetésdans de telles locations).

La vue sera sans doute splendide, mais pour l'instant il est difficile d'en juger (vue du balcon à huit heures et demie):


Comme il pense ne pas reskier de si tôt, C. n'a pas acheté d'équipement mais l'a loué chez ski chic, qui le lui a laissé en dépôt dans un magasin de Val Thorens.
Journée à louer des skis et acheter des forfaits de remonte-pente. Les grands ont skié l'après-midi. Les filles ont réservé des cours, A. pour la semaine, moi demain matin pour me remettre en jambes. (J'espère ensuite pouvoir suivre les grands sans être un boulet. A voir.) L'oxygène manque à H.
Il a neigé toute la journée. Beaucoup de neige fraîch, le pied.

A cinq heures il fait nuit (soltice, les jours rallongent). Thé et jeu de société, la Fiesta de los muertos. Cam a gagné avec Mathurin Lecter King.
Pâtes. Nous n'avons rien à manger, même pas du beaufort; nous partageons un reste de brioche d'hier matin. En revanche nous avons trois sortes de thé que nous faisons infuser dans des filtres à café. A chacun ses priorités.

Voyage

Chat laissé aux voisins. Départ dans un minibus loué (pour six adultes volumineux). Une impression de Mahuzier en Afrique.

Playlist à l'ancienne, Une maison bleue, Le Sud, Le Forestier, Delpech… C'était déjà vieux quand j'étais jeune.

Conversations variées:
— On entre en résonnance avec le monde?
— Non. Si on entrait en résonnance avec le monde on aurait un problème, maman.
— Surtout que le chant de la terre est de quelques hertz, on le sentirait passer.

— Les vendeurs professionnels t'expliquent qu'il ne faut pas mettre de lampe clignotante à l'avant d'un vélo. Ça désoriente les conducteurs qui ne peuvent pas estimer la distance quand ils te voient dans leur rétroviseur. Et si tu en mets à l'arrière, il faut aussi mettre une lumière fixe, toujours pour permettre d'évaluer la distance. Ils te disent aussi de ne pas mettre de lampe clignotante le vendredi soir: parce que les ivrognes sont attirés par ce qui clignote.

— Maman arrête. Sinon quand tu seras en maison de retraite, on dira aux infirmières que tu n'aimes que le thé Lipton Yellow en sachet.

Comme il n'est pas possible d'écouter des podcasts à six (le mot podcast leur fait peur, surtout si c'est moi qui le prononce («Mais qu'est-ce qu'elle va nous faire écouter encore?»)), j'écris en voiture. Nous avons dépassé le lac du Bourget. Ça se densifie devant nous. Arrivée prévue à six heures et demie.

Sur les chapeaux de roues

Restée à la maison (home office, ça me fait rire, cet anglicisme utilisé le plus sérieusement du monde), pas envie de braver les départs en vacances dans l'ambiance des grèves.
Traité un maximum de mails inquiets ou angoissés, dans l'idée de permettre à leurs auteurs de passer un bon Noël (ou tout au moins s'il est mauvais, que ce ne soit pas à cause de leur mutuelle).
Acheté quelques cartes de Noël, feuilleté le livre de souvenirs de Simone Veil, L'aube à Birkenau, fait quelques courses pour le dîner en en oubliant une partie je ne sais où (ce qui fait que nous avons mangé une omelette).
Ergo.

Débarassé le lit de A. pour qu'elle puisse dormir ce soir. Passé en revue les papiers qui s'accumulent pour traiter les plus urgent. Zut de zut, impossible de remettre la main sur un PV de 135 euros pour stationnement gênant de janvier dernier (je l'avais contesté, la réponse m'est parvenue il y a une ou deux semaines: contestation rejetée. Mais qu'est-ce que j'ai pu en faire? J'ai peur que ce ne soit passé à la poubelle.) Tant pis, je n'y peux rien maintenant, on verra plus tard.

Je suis défaite, je n'arrive plus à me concentrer, à tenir deux idées ensemble. Envelopper les cadeaux. Préparer ma valise. Prendre une douche. La séance d'ergo a été très dure. Est-ce le ROR1 qui me met dans cet état? Nous attendons O. qui avait un concert, A. est arrivée de Mortagne, nous dînons tard, C&C arrivent ensuite: tout est prêt pour le départ demain matin après les croissants.





Note
1 : je me suis fait vaccinée contre la rougeole lundi, après Tours. Le médecin m'a dit que si je devais avoir de la fièvre (il semblait en douter), ce serait quatre ou cinq jours plus tard.

Contemporain

Dans le RER A, deux trento-quadragénaires, habillés en nuance de gris, de physionomie agréable, discutent de conduite de projet :

— J'ai pas envie de me jéopardiser avec une burne.

A Nanterre

Les commissaires aux comptes sont là trois jours. Je raconte les péripéties de l'année. L'un des CAC souhaiterait que j'établisse une typologie des dysfonctionnements. Mais volontiers, très volontiers. Je publierai un jour, dans dix ou quinze ans, certaines des situations rencontrées.

De nouveau je me suis garée au parc floral de Vincennes. Ergo à midi au club. Aucune sortie sur l'eau, la Seine est beaucoup montée en quelques jours et le courant est fort, les eaux brunâtres. Le soir rentrer de Vincennes me paraît interminable (sans bouchon particulier car il est vingt heures passées — mais c'est fatiguant, je me suis levée à 5h40 pour une arrivée au bureau à 8h30).

Décision

En fin d'après-midi, ne comprenant pas si notre TGV circulait ou pas (est-ce que le fait que son trajet et ses étapes apparaissent en ligne voulait dire qu'il circulait ou n'était-ce que le simple récapitulatif de son itinéraire théorique, sans garantie de sa circulation effective?), nous avons demandé le remboursement de nos six billets de train et loué un minibus (surprise: c'est moins cher).
Avantage : nous allons emmener les cadeaux de Noël, alors qu'en train nous avions décidé de n'emmener que des enveloppes avec des photos.

***

Déplacé quelques meubles de façon à installer au rez-de-chaussée un bureau pour les jours de travail pro. Nous avons rebranché un écran ancien, si usé qu'il a pris des teintes roses.

Priorités

— Oui, la remise des diplômes [de théologie] était prévue le 18, mais ils ont annulé à cause des grèves.
— …
— D'toute façon j'y s'rais pas allé, ce jour-là c'est la sortie du dernier Star Wars.

Concours ! Votez !

Un ami participe au concours du roman ariégois. Il s'appelle Michel Francesconi et il faut voter là avant le 10 janvier.

Si vous êtes puriste et que vous voulez lire le livre avant de voter, vous pouvez le commander ici.
(L'éditeur est une association, il faut envoyer un mail pour passer commande.)

Si vous voulez lire tous les livres en compétion, en voici la liste:
Hervé Bellut, Quaerite
Thierry Benoît, Lerouge et Lenoir
Denise Déjean, Bleu Pyrène
Maria Djalla Longa : La Vallée oubliée
Philippe Ferkatadaji : Je t'aime, ne t'en fais pas
Michel Francesconi : Morceaux choisis du singe
Marie-Chantal Garreta : Au temps de la belette
Georges-Patrick Gleize : Le Crépuscule des justes
Marie Guillon : La Messagère d'Appamée
Béatrice Ortéga : Le domaine des Hautes Combes
Béatrice Ortéga : Le Prince du désert
Cathou Quivy : Trois destins
Claude Souquet : Tlemcen
Claude Tournier : Les Américaines
Martine Trouillet : Les filles du moulin

N'hésitez pas à partager, faire tourner, envoyer à la famille en même temps que les voeux !

Coupe de Noël

Troisième.
J'aurais pu — j'aurais dû — adopter un rythme plus rapide mais je ne voulais pas cramer mes coéquipières. J'ai manqué de confiance en elles et en moi. Ce sera pour la prochaine fois.

En descendant du bateau, j'ai pris Anne à part pour lui dire que si elle voulait la nage, il fallait qu'elle le dise à Vincent. Réponse: «C'est moi qui ai dit à Vincent de te donner la nage. Il me l'avait donnée, j'ai passé la nuit sans dormir et je lui ai demandé de te la donner».
Mystery solved.

A mon grand bonheur, René et mes parents sont venus.

J'ai dormi durant tout le chemin du retour.

À Tours

Boulangerie, brioche aux pralines puis je passe chercher Nathalie et Caroline et gare la voiture chez Pascale à Suresne puisque c'est sa voiture que nous prenons pour descendre à Tours (précisions minutieuses de temps de grève).

Histoires.
— Et comment es-tu devenue juriste?
— Je voulais être moniteur de ski mais je me suis fait une fracture rotative en terminale. C'était la quatrième fracture…
— Quatre? Mais tu as passé ton adolescence dans le plâtre?!
— Euh… oui. Maintenant que j'y pense, oui.
— Et alors, le rapport avec le droit?
— Je ne pouvais plus être moniteur de ski alors j'ai choisi la fac la plus proche de la montagne pour pouvoir skier au maximun.

— Je me suis dit que j'était en train de faire un reportage, pas un documentaire.
— Quelle est la différence entre un reportage et un documentaire?
— J'allais poser la question.
— Un documentaire a un point de vue, il raconte une histoire en fonction d'un point de vue.

Nous sommes parties très tôt parce que nous voulions ramer l'après-midi pour tester le bassin. Nous faisons un tour vers trois heures, nous rentrons pour passer le bateau aux garçons quand M. proteste: on lui a dit qu'on pouvait ramer une heure, elle veut faire un second tour.
— Mais il va faire nuit pour eux.
— Ça m'est égal.
Et nous avons fait un deuxième tour. Et les garçons sont rentrés à la nuit.

Dîner au centre de Tours entre nous seize. Pizzéria. Joyeuse ambiance et délires jusqu'au moment de l'addition. M. a refusé de partager (ce qui pouvait être légitime car elle avait moins mangé que nous) puis le restaurant a refusé qu'elle paie à part et que nous partagions le reste. Nous nous sommes retrouvés les seize à faire la queue en encombrant la caisse jusque dans l'escalier, avec des clients pressés et furieux derrière nous.

À la nage

Vincent a envoyé la composition du bateau. Je suis à la nage. Je pensais que ce serait Anne. Je ne comprends pas, mais ça me fait plaisir. J'espère juste qu'Anne ne m'en voudra pas trop. Si elle pouvait ne pas maugréer pendant toute la course…


Le soir réunion pour préparer les élections municipales. Unis contre NDA, c'est l'idée, sauf pour les insoumis: eux ne font pas de différence entre adversaires et ennemis. Il n'y a que des ennemis, sans hiérarchie.
Ce n'est pas plus mal, j'aurais eu du mal à travailler avec eux sans me moquer de temps en temps.

3e de Mahler

Ce soir concert à la Philharmonie. J'ai donc commencé la journée en garant la voiture porte de Pantin, après avoir suivi le parcours sinueux de Waze qui m'a fait traversé la Seine deux fois pour éviter la A4. Puis deux croissants et un crème, tramway, ligne 1 et RER A.

A midi, sept des huit rameuses de dimanche prochain était là. Belle sortie avec Anne à la nage (est-elle allée se plaindre après la sortie du week-end dernier?).

Le concert (la 3e de Mahler) commençait à 20H30. J'avais donné rendez-vous à Jérémy — que je n'avais pas revu depuis deux ans ou plus — à 19h30 au café des Concerts. CityMapper me proposait plusieurs trajets, j'ai choisi de varier un peu: RER A puis ligne 9 jusqu'à mairie de Montreuil.
Dix minutes annoncées entre chaque rame. Nous attendons sous une pluie glacée, sous l'abri de la station. Un Algérien beurré comme un petit Lu est surveillé par des congénères, la conversation s'engage, c'est jour d'élections en Algérie. Nous attendons. Un tramway passe en face, deux stations le sépare de nous. Nous attendons. Je twitte, je lis Twitter. Nous attendons. Des gens commencent à s'impatienter, certains partent. Nous attendons. Une rame arrive, vide, ralentit, nous nous approchons, elle ne s'arrête pas et repart, vide. Cela fait plus d'une heure que nous sommes là, j'aurais dû surveiller l'heure, la triste réalité est qu'il n'y a plus de tramway.
Je préviens Jérémy de dîner de son côté et commence à marcher sous la pluie, porte de Montreuil-porte de Pantin combien de kilomètres combien de temps?
Pour une raison que j'ignore une dame a commencé à engager la conversation avec moi et m'accompagne, elle voudrait prendre un taxi en commun, elle va aussi à la Philharmonie. Pas de taxi, nous marchons, nous voyons passer d'autres rames vides qui ne s'arrêtent pas. Si ma voiture n'avait pas été à Pantin, je serais rentrée chez moi. Je toque à la vitre des voitures arrêtées aux feux rouges, mais à ma grande surprise les conducteurs ne sont prêts à faire aucun effort. Un homme finit par accepter de nous avancer de quelques portes, nous bavardons, il est d'Europe de l'est, éberlué par le bordel actuel.
— Ça va s'arrêter quand ?
— Oh, ça va continuer la semaine prochaine, ça ne va pas s'arrêter avant les vacances. Après les profs seront en vacances, ce ne sera plus pareil.
Il est effaré : — Ah, c'est bien d'être prévenu, répond-il, paraissant réellement soulagé.

Nous marchons, trouvons un taxi, j'arrive quelques minutes avant le concert. Je suis déçue de ne pas avoir pu discuter avec Jérémy. 3e de Mahler dirigée par Esa-Pekka Salonen devant une salle clairsemée. Quand les chanteurs entrent sur scène lors du quatrième mouvement, je me souviens de Gv expliquant les choix différents selon les chefs d'orchestre (chanteurs présents durant tout le concert ou entrants sur scène, assis ou debouts).

Je ramène Jérémy chez lui. A onze heures passées il y a encore énormément de voitures dans les rues. Nous parlons traductions (les logiciels de traduction automatique utilisés dans des cadres professionnels malgré leurs failles), GPA (les femmes indiennes qui paient ainsi les dettes de leur mari, les Américaines qui s'offrent un tracteur), adoption… Je suis contente de l'avoir revu.

Yerres-Nanterre en absence de transport

Lever à 5h40, départ de la maison à 6h15, je ne sais pas aller vite. Puis voiture garée au parc floral de Vincennes, à 7h30 métro en bout de ligne pour être assise. Il y a beaucoup moins de monde que je ne l'appréhendais. La Défense, RER A sur une station. Arrivée 8h30.
Cafétéria, un crème + un croissant.

Je suis davantage à l'heure en temps de grève.

A quel âge partirai-je à la retraite?

D'une certaine façon, cette grève est une grève de privilégiés: la grève de ceux qui ont quelque chose à perdre (des privilèges) mais ne risquent pas de perdre leur emploi (emploi à vie).

Evidemment, comme je suis consciente d'être moi-même une privilégiée, je m'abstiens de le dire trop fort, dans des lieux trop fréquentés, par décence, parce que je ne vais pas aller dire ça à des gens au SMIC — même s'ils ont par ailleurs d'autres avantages qu'ils oublient ou dont ils n'ont même pas conscience (CE surpuissant et transports gratuits pour les cheminots, pas de problème de garde d'enfants pour les profs, etc).

Par ailleurs, j'ai l'impression que beaucoup de Français ont une conviction inverse de la mienne: ils sont persuadés que tout le monde autour d'eux est mieux lotis qu'eux, ils sont envieux, remplis de ressentiment.

C'est pourquoi je mets en ligne un extrait de ce document reçu cet été :

Je dois avouer que cela m'a fait un choc. Je n'avais pas conscience qu'il était sérieusement envisagé que j'allais travailler jusqu'à 67 ans. Ce n'est pas que cela me dérange sur le fond (vivre, c'est toujours vivre, il faut bien passer le temps), c'est surtout que j'ai l'impression que les entreprises n'ont pas du tout envie de me conserver tout ce temps-là.

Sortie désespérante

Entraînement à une semaine de Tours. Vincent avait donné des ordres précis pour que je monte le rythme. Je pensais faire la même chose que mercredi dernier où la sortie en quatre avait été très efficace mais les rameuses en absence de cox ne suivaient pas. Je n'ai pas réussi à augmenter la cadence. Anne derrière moi a passé son temps à maugréer «on avance pas, on joue les essuie-glace», Johanna derrière elle n'était pas plus positive. Pendant ce temps je donnais des indications à Marine qui barrait pour la première fois (et Anne de donner des ordres contradictoires… j'ai fini par lui dire de se taire).

Bref, ce fut très pénible.


Le matin j'étais passé chercher Caroline, Nathalie et Anne-So, le midi je ramène Caroline, Nathalie et Anne. Paris est bouché, Caroline raconte des histoires de dessinateurs de BD (le dessinateur qui a remplacé Goscinny, je ne sais plus si c'est pour Lucky Luke ou Astérix).

Allers et venues

Comme il y a grève, je passe chercher Caroline à huit heures pour être au club à neuf. Dans la nuit illuminée par les décorations de Noël les conducteurs sont très prudents. Sortie en huit puis AG du club.

Je passe chez O. lui apporter une lampe et des cintres puis je l'emmène à Villejuif où il doit tester le vélo de C. qui a proposé de le lui donner.
Voyage dans Paris en grève, à circuler dans les petites rues.

Je m'écroule chez C. et dors dix minutes. Thé. O. est enchanté par le vélo. Comme il parle d'acheter des chaises pliantes, C. lui propose les siennes. Problème: comment les transporter dans la Mazda?
O. trouve la solution en les coinçant derrière le siège conducteur. Nous repartons dans la nuit et les bouchons.



Retour chez O. près de Denfert, puis dîner à deux pas chez une rameuse: soirée post-Bellecin. Les invitées venues du quartier de l'Opéra mettent une heure et demie à traverser Paris, samedi de grève et gilets jaunes oblige. Nous commençons sans elles. Eclats de rire, bouteilles de vin et foie gras.

La grève, une spécialité française célébrée même dans les blockbusters américains

— Que faites-vous à Paris ?
— On vient chaque automne, pour les grèves et la météo.

Je cite souvent cette phrase, je vais donc la mettre ici, pour la retrouver facilement. C'est tout de même une phrase qui apparaît dans RED 2, en 2013.
Contexte : une militaire russe veut savoir ce que font deux barbouzes américains retraités à Paris.




(En fait j'ai honte.)

Même les Vélib ne circuleront pas

Enfin certains. Mail reçu, recopié ici dans le respect des caractères graissés ou soulignés :
Cher.e.s abonné.e.s,

En prévision des manifestations de demain et sur demande de la Préfecture de Police, nous allons procéder ce soir à la fermeture d'une soixantaine de stations, essentiellement dans les 7ème, 8ème, 10ème et 11ème arrondissements de Paris : les Vélib' en seront tous retirés et les bornettes seront bloquées par des dispositifs rouges. En savoir plus

Le nombre de stations fermées est susceptible d'augmenter en fonction des demandes de la Préfecture de Police.

Les stations fermées seront progressivement rouvertes dès que possible.

Pour préparer vos trajets et trouver un Vélib’ en station puis une bornette libre à l’arrivée, consultez le billet blog dédié et la carte interactive, tous deux régulièrement mis à jour.

Nous vous remercions de bien restituer votre Vélib' dans une bornette disponible en station. En effet, tout dépôt d'un Vélib' en dehors d'une bornette pourra entraîner une facturation hors forfait et l'application de pénalités. Retrouvez plus d'informations ici.
On notera comme il se doit et non sans une certaine exaspération goguenarde, la mise en garde finale. Il n'y aura pas de pitié. Tout cela relève de la brimade ordinaire de l'usager.

Transport, grève, retraite

Je ne vais pas beaucoup en parler. Tout cela me fatigue tellement (moralement, éthiquement: l'absence de solidarité, chacun qui tire la couverture à soi) que je n'ai plus envie d'en parler.

D'abord les transports du jour : comme O. n'est plus à la maison pour me motiver à me lever et à partir, j'ai raté le bus, pris la voiture. En arrivant à 9h06 le long des voies, je vois un RER glisser vers le quai : zut, le temps de me garer je ne l'aurai pas, mais le suivant est annoncé à 9h13 (ce qui est bizarre : deux RER aussi proches à cette heure-là).
Je gare la voiture, je monte sur le quai : le RER que j'ai vu n'a pas dû s'arrêter car il y a du monde.
RER D à l'heure, je suis assise. Nous roulons lentement. Nous nous arrêtons. Nous mettrons une heure à atteindre gare de Lyon. En cause : un train de marchandise devant nous et des problèmes de signalisation.
Rebelote dans le RER A : une allure d'escargot. Je n'irai pas en cours d'allemand cet après-midi. Comme l'année dernière je vais abandonner, c'est trop compliqué en partant d'ici.

Le soir je rejoins H. au Temps des cerises. Il paraît qu'il n'y a plus de RER D (pour une raison que j'ignore, H. s'est abonné aux notifications du RER D). Problèmes de signalisation : les mêmes que ce matin?
Pas grave puisque nous rentrons en voiture. Comme hier à 22 heures, mais cette fois-ci à 21 heures, les axes est-ouest de la capitale sont bouchés, des routes sont fermées (travaux?). Nous partons plein sud vers Orly. Les conducteurs déboussolés roulent vite et sont imprévisibles.

***

Grève totale, générale, le 5 décembre, avec toujours cette joie mauvaise de nuire et de foutre le bordel de certains pendant que d'autres craignent pour leur job.

***

Ma vision irénique (profession de foi bisounours) de la sécu et des retraites: tout le monde met au pot en fonction de ses moyens, puis on partage. Évidemment ceux qui ont mis le plus reçoivent moins. Mais ce sont aussi ceux qui peuvent s’acheter un appart, une maison, avoir de l’épargne...

Pessimisme ecclésial

Il paraît que je suis pessimiste.
C'est la conclusion de mes camarades d'atelier de rédaction de mémoire de théologie (cinq «de» : record battu). (Principe: nous lisons nos travaux réciproques et apportons nos commentaires, conseils, incompréhension…)

Je le confesse. Entre les catholiques très respectueux des normes qui ne supportent pas qu'on touche à quoi que ce soit (le pompon revient aux évèques américains qui traitent le pape François d'hérétique — mais la plupart d'entre vous auront en tête la Manif pour tous); les catholiques qui pensent qu'il faudrait s'attacher plus à l'esprit qu'à la lettre, c'est-à-dire davantage aux pauvres et aux étrangers qu'aux pratiques sexuelles de chacun dans et hors mariage (les scandales sexuels de l'Eglise se présentant dans ce contexte comme une hypocrisie insupportable); et les autres, croyants, athées, bouffeurs de curés, qui regardent l'Eglise avec ahurissement (au mieux) ou haine (hélas), j'ai l'impression que l'Eglise est dans le même état de tension et de crise qu'en 1960, avant Vatican II.

J'ai présenté une ébauche de plan, trop détaillée et pas assez articulée pour être vraiment un plan. Ce qui m'a frappée, c'est que le diacre qui anime l'atelier m'a dit quelque chose comme «Pas la peine de parler de ce qui va mal, inutile d'insister», mais à mi-voix, en passant, et je ne sais pas s'il voulait parler des scandales sexuels. (J'ai été si surprise (car par ailleurs l'ICP organise des soirées et débats sur le sujet) que le temps que je réagisse et pense à demander des précisions, nous étions passés à autre chose.)
Je ne vois pas de quoi d'autre il pouvait s'agir. Mais pourquoi ne faudrait-il pas en parler? Pourquoi avoir peur de ce qui est vrai, avéré? N'est-ce pas à la condition d'avoir un discours vrai sur ce sujet qu'il sera possible de restaurer une certaine crédibilité de l'Eglise? Ou en creux, refuser d'avoir un discours vrai sur ce sujet, n'est-ce pas se condamner à perdre toute crédibilité sur tous les autres sujets?


J'ai repéré ce livre pour mettre un peu d'optimisme dans ma conclusion.

Le nid vide

Nous n'étions que quatre ce matin (donc trois tours d'île de la Jatte dans l'Hydre de L'Herne (peut-être Lerne. Mais bien sûr je pense aux cahiers)). Vincent a eu la gentillesse de me remonter le moral (je savais bien que mon coup de blues après le test d'hier allait lui être rapporté).

Rendez-vous près de Denfert où H. et O. ont fait deux allers-retours pour amener les cartons de vaisselle et de linge, quelques meubles et surtout l'écran et les ordinateurs. Tout le quartier est bouclé autour de la rue Daguerre: zone piétonne le week-end. Je découvre la chambre d'O. avec curiosité: dix-neuf mètres carrés en rez de chaussée, très haute de plafond comme il l'avait décrite. Le propriétaire exagère, il ne doit jamais faire de travaux, elle est dans son jus des années 70 : moquette moutarde très tachée, hautes fenêtres en simple vitrage laissant passer le froid. Ce sera sans doute très agréable l'été, avec les plantes de la cour. En hiver, c'est sombre, en toute logique pour un rez de chaussée, même orienté au sud.

Nous déjeunons rue Daguerre dans un restaurant qui sert des oreilles de cochon et du parmentier de lièvre (le patron me fait rire car il s'assure que je sais ce que sont les oreilles quand j'en commande. Je suppose que certains renvoient le plat en cuisine.)
Dans la rue, la vitrine du Léopard masqué est éclairée.

Dans la grande tradition des sous-doués des clés, H. a égaré le trousseau de secours confié par le propriétaire. Il les a testées, puis les a mises quelque part. Mais où?

Ce soir nous sommes sans enfant. Vingt-sept ans plus tard. Orphelins, célibataires, veufs d'enfants?
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