2020

Deuxième d'une course devant des péteuses qui nous regardaient de haut (les premières étaient de niveau national), licence de théologie mention bien, emménagé dans un loft (un vrai, 554 mètres cube avec des murs uniquement autour de la salle de bain), claqué ma dèm à des gens qui imaginaient que j'allais attendre la retraite dans l'ennui (quinze ans tout de même).

Au chapitre des choses tristes : l'abattage du sapin et Tullius devenu fou.

Vaccination

— Je ne comprends pas cette manière de vacciner. Puisqu'il y a tant de gens qui ne veulent pas du vaccin, il n'y a qu'à mettre en place l'équivalent d'un vaste Doodle national et vacciner les volontaires dans l'ordre d'inscription.
— C'est de la poudre aux yeux. La vérité c'est qu'on n'a pas de vaccin. On l'a payé 20% moins cher, moralité nous passons les derniers.

Je ne sais pas quelles sont les sources de H. et si ces 20% sont l'une de ses habituelles exagérations pour emporter l'adhésion (il y a longtemps que cela ne fait qu'attiser ma méfiance), mais j'entendais hier sur RTL qu'Israël, qui a l'intention de vacciner un quart de sa population avant fin janvier, a acheté ses doses 40% plus cher que le prix du marché.

J'ai l'impression qu'il serait plus exact de dire que la France attend le vaccin de Sanofi.

On change d'étage

Depuis que j'ai démissionné, j'essaie de boucler tout ce qui est en cours : je suis descendue de deux cents mails à vingt-deux en deux jours. Il reste toutes les procédures à revoir, les courriers de début d'année et la clôture comptable.

Un merle vient manger le raisin de la vigne vierge. Aujourd'hui qu'il a fait à peu près sec, les moineaux étaient présents dans la glycine. Je pense qu'ils nichent dans les infractuosités du mur mitoyen, juste en face de la fenêtre.
Aucun oiseau ne semble avoir encore repéré ni le tournesol, ni la graisse "saveur ver de terre" que j'ai accroché aux branches.

La radio nous répète sur tous les tons qu'il fait enfin froid mais c'est très relatif. Il gèle à peine. L'année 2020 a été la plus chaude recensée depuis que l'on prend des mesures: 14°C en moyenne. C'est très agréable mais ça fait peur.

Le lit est arrivé aujourd'hui. Pour un peu je n'avais pas de draps qui convenaient (je comptais en commander chez Linvosges, mon fournisseur officiel depuis 1991 chez qui les délais sont souvent de deux à trois semaines; le lit devait normalement arriver mi-janvier; je n'avais pas passé commande plus tôt parce que je voulais être sûre d'être là pour les colis), dans un sursaut j'ai commandé hier soir un drap-housse de 160x200 chez amazon.
Promis pour le 31 décembre, il est arrivé avant midi; un tour dans la machine à laver, sec ce soir, et voilà.

C'est un lit-coffre, je vais pouvoir y stocker mes draps: les 90x190 pour le seul lit une place conservé, les 120x190 (achetés pour O. à Paris, je vais les donner à A. pour son clic-clac), les 140x200 du lit précédent maintenant au deuxième étage, et bientôt, donc, les 160x200.
Quel intérêt de raconter cela? La multiplicité du réel m'étonne, et surtout cette incroyable richesse occidentale qui permet d'avoir quatre tailles de draps dans un foyer ordinaire. Et puis malgré tout, cela a un rapport avec les 14° évoqués plus haut.

Le nouveau lit a été monté (dans les deux sens du terme) au premier étage dans ce qui devrait constituer notre chambre. A ce niveau, les défauts majeurs du loft prennent toute leur ampleur: le bruit des radiateurs (mais pourquoi sont-ils si bruyants? Faudra-t-il les remplacer, ou un réglage par un plombier suffira-t-il?) et le lampadaire en face de la baie vitrée sans volet (certes il y a des rideaux, mais il faudra les changer pour des rideaux réellement occultants).

J'ai défait mon carton de livres vespéral, encore des poches. Manipuler les livres est réconfortant, c'est comme revoir de vieux amis (d'autant plus que ce n'est pas moi qui les ai mis en carton: je me suis davantage consacrée au grenier où il y avait des jouets, des cours et de la documentation camusienne à trier).

Suite

Lave-linge rebranché. Première machine, il était temps (je ne sais pas comment le linge va sécher ici, or de la vitesse du séchage dépend la vitesse de résorption du linge sale accumulé. Puis il y aura le repassage.)
Travaux de soudure pour installer des éclairages indirects sur les étagères.
Coiffeur à cent mètres. J'ai fini le troisième tome des Valérian en intégrale offert par O. à Noël.
Télétravail.
Transfert du courrier prévu à partir du 18 janvier (O. a demandé un délai de grâce car il attend des paquets à Yerres).
Plateau du premier étage vidé de ses cartons dans l'attente du lit demain.

parquet et Nu bleu de Matisse

(Dommage, je n'ai pas pris de photo du capharnaüm avant l'effort de rangement, avec les cartons, les fils et les tableaux entassés sur la bâche de peintre.)
J'ai déballé un carton de poches moitié sérieux, moitié San-Antonio. Et des Frédéric Dard.
Il faut que je prévienne mes co-listiers de mon déménagement. J'aurais dû le faire beaucoup plus tôt. J'ai du mal car j'ai l'impression de les abandonner, mais plus j'attends moins il devient compréhensible que je ne l'ai pas dit il y a des semaines.

Dernière nuit

Aujourd'hui a été plus facile. Les cartons restants allaient au rez-de-chaussée. Encore le lit très lourd à installer au second. Ouf ils ne se seront pas tués.

Les déménageurs procèdent systématiquement, du haut vers le bas de la maison. Ils arrivent vers huit heures moins le quart et remplissent le camion. Quand le camion est plein ils partent, déchargent, remontent les meubles le cas échéant et rentrent chez eux: donc plus les pièces sont grosses, plus ils partent tôt. Hier il y avait principalement des cartons, ils ont fini à quatre heures; aujourd'hui plutôt des meubles, à deux heures et demie. Cette possibilité de partir tôt les motive pour travailler sans interruption, avec rythme. Aujourd'hui ils ne se sont pas arrêtés pour casser la croûte.

A Yerres j'ai sorti la maisonnette à oiseaux que j'ai lasurée ces jours derniers. J'ai vidé deux poubelles de verre, enlevé la poussière sur les portants du lit démonté, les toiles d'araignée sur le mur derrière l'armoire d'O.
A Moret j'ai lessivé l'intérieur des étagères de la cuisine, rangé les verres, les tasses. C'est fou ce que cela devient habité avec un peu de porcelaine et des photos sur une étagère.

J'aime beaucoup les grands cartons prévus pour les verres et les tasses (ce sont les déménageurs qui mettent en carton, c'est moi qui vide):



La fleuriste n'avait plus de sapin de Noël : «il n'y en a plus, même en commande. C'est la rupture».
A. est donc chargée d'en ramener un le 24. A défaut, nous décorerons le ficus. (Le carton des décoration de Noël est entouré d'une ficelle pour être identifiable parmi tous les cartons.)

Dernière nuit à Yerres. Nous dormons dans le lit de O. qui va revenir ici dans une semaine quand il aura rendu sa chambre d'étudiant à Paris. Il gardera la maison habitée et chauffée jusqu'à ce qu'il se trouve un appartement — ou que la maison soit vendue.
Demain il faudra ramasser toutes les bricoles, le savon dans la salle de bain, le persil dans la cuisine, la mangeoire à oiseaux sur le treillage.
Demain soir il n'y aura pas de couvre-feu, nous resterons sur place. Ça va être bien.

Il a plu

Il a plu toute la journée. Les déménageurs sont impressionnants d'efficacité. Il y a le grand réservé et souriant, le typé Amérique du sud que j'ai honte d'entendre les autres l'appeler Pikachu et autres surnoms au racisme qui s'ignore, le râleur spécialiste du démontage de meubles et le dernier qui m'a dit à ma grande fierté: «j'vous aime bien, vous avez de l'humour».

Ils ont emporté cent dix cartons sur nos cent trente-trois, vidé le dernier étage, une chambre et quasi l'autre.



Pour ceux qui se souviennent.


J'ai eu honte de leur imposer mes kilos de livres.
Le râleur: — Moi les livres j'les porte, alors les lire… Vous savez qu'il existe des livres modernes sur tablette?
— Oui, je sais. Mais ce que je lis est ancien et souvent particulier, c'est rare que ce soit digitalisé.
— Mais non, tout est sur informatique maintenant.

Un autre ou le même a remarqué «SAS» ou «San-Antonio» sur certains cartons:
— On en lit un ou deux ou deux et puis on les jette. Vous, je suis sûr que vous avez la collection.

Ou encore: — Vous avez beaucoup de choses. Mais pourquoi trois écrans puisque vous zêtes que deux?

Un peu étonnée malgré tout de leur liberté de ton et leur jugement sur et devant des gens qui sont après tout leurs clients.

J'ai passé l'après-midi à redouter qu'ils ne se tuent dans les escaliers dont l'un n'a pas de rampe vers l'intérieur (le râleur: «c'est pas aux normes») et l'autre de simples barres au-dessus du vide où glisser et passer en dessous signifierait une chute de deux étages sur le carrelage.

Le loft ne leur plaît pas. Incompréhension totale. Ils sont persuadés que nous aurons vite envie/besoin de pièces fermées.

Turning point

Nous avons signé à trois heures, nous avons bouchonné à Fontainebleau à cinq heures.

Photos à cinq heures et demie du second étage du loft, vers l'intérieur puis l'extérieur. Dans trois six jours les jours commencent à rallonger. Nous allons déménager pendant la période suspendue de temps étale.

loft poutrelles acier loft vers l'ouest


Nous avons bu du champagne à six heures avec les anciens propiétaires, avec alarme du téléphone réglée à sept heures moins le quart à cause du couvre-feu.
Le propriétaire nous a montré ce clip de Fred Blondin tourné au loft.


Sur mon ordi m'attendait le mail d'embauche de mon futur employeur (mercredi, ce n'était que la confirmation du cabinet de recrutement).

Champagne bis !

Bu un peu trop de mousseux à jeun pour fêter le fait que je suis embauchée dans une petite boîte et que je vais pouvoir plaquer ma dém' dans mon grand groupe. Et dans ta face, le chef qui ne comprend pas que je ne vais pas attendre (comme lui) la retraite à me décomposer sur place d'ennui et d'exaspération (enfin bon, lui n'est pas du style à beaucoup s'exaspérer).

Better Call Saul, S4E8, ma préférée. Il faut sauver le soldat Babineaux. Tellement de fantaisie, de folie, de travail et de préparation.

Mon dernier Zaco

Enfin peut-être, enfin j'espère.
Zaco, c'est le nom des RER D qui vont en direction de Melun en s'arrêtant à Yerres.

A Nanterre, pour relever le courrier. Bureaux vides mais très beau sapin de Noël.
Le chagrin des sapins de Noël qui clignotent pour personne.
Début de la revue intérimaire des CAC.
Vaccinée contre la grippe.

C'est à peu près tout pour aujourd'hui. J'attends un mail, un coup de téléphone.
Rien.

Les gens qu’on aime : #10 quelqu’un qui aime l’art

En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

Aujourd'hui, quelqu'un qui aime l'art. J'avais commencé par me dire «je vais parler d'Aline», mais finalement, je vais parler des Cruchons.

Au départ il s'agissait de lire L'Amour l'Automne à plusieurs dans l'espoir de mieux comprendre le texte en apportant chacun nos expériences et nos connaissances.

Nous avons (bien sûr) commencé chez Rémi.

première rencontre des futurs cruchons
17 novembre 2008


Mais très vite la contrainte a été trop forte pour lui, il devait travailler, la femme de ménage devait passer — bref, nous nous sommes rabattus dans des cafés et Rémi n'est plus venu.

Il a fallu le temps de trouver un café qui nous convienne, qui accepte que nous restions des heures à table avec des piles de livres, des discussions, des rires. Nous avons atterri au Petit Broc, et Marie nous a surnommés les Cruchons.

Aline est présente pour la première fois
29 juin 2009 - première participation d'Aline


Nous nous sommes réunis une fois par mois pendant quatre ans (jusqu'au ralliement de RC à MLP), avec des participants variés (Jérémy, Marie, Tlön, Afchine, Sophie…) et un noyau dur. Parce que nous avions trois Chartrains parmi nous, nous nous réunissions une fois par an à Chartres, avec en point d'orgue une visite de la cathédrale commentée par Philippe.

table couverte des pages commentées de L'Amour L'automne
table d'étude - octobre 2010


Les lectures ont disparu après mai 2012, pour être remplacées par des voyages et des concerts. Pour des raisons financières et familiales, je ne participais que rarement. Je les suivais à travers FB, les voyageurs m'envoyaient des cartes postales et me donnaient des pistes (c'est ainsi que j'ai visité Richelieu après l'une de leur carte postale, par exemple).

Voyager avec les Cruchons est une chance extraordinaire. Chacun est spécialisé dans deux ou trois domaines: Aline en art et architecture, Laurent en histoire, peinture et architecture, Patrick en histoire avec un sens aigü de la chronologie, des souvenirs précis des forces de gauche en France durant les années 50 à 70 et des références bibliographiques sur tous les sujets, Philippe est amoureux de musique et d'art roman.

Quand on voyage avec eux, il n'y a qu'à se laisser porter: ils ont organisé et prévu, ils ont lu et planifié, ils montrent, ils racontent, il y a toujours une anecdote amusante sur un fond érudit, des goûts et des opinions qui s'expriment de façon tranchée et drôle, des débats montés en épingle pour finir en éclats de rire.
Je n'en finirais pas d'énumérer les lieux découverts, d'abbayes en châteaux; les expositions, les concerts, une tétralogie, deux puis trois, les jardins de William Christie et ses concerts en plein air.

concert dans les jardins de Thiré
Jardin de William Christie - août 2018


2019 a été une année sans que je voyage avec eux — avec encore des cartes postales reçues; 2020 a tout figé.

Les gens qu’on aime : #9 quelqu’un qui n’a peur de rien

En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

Aujourd'hui, quelqu'un qui n'a peur de rien. Je vais encore parler d'un groupe. Il aurait pu entrer aussi dans la catégorie «quelqu'un qu'on admire»: les jeunes, bénévoles ou salariés, de JRS.

C'est une ode à la jeunesse que je voudrais écrire. J'ai admiré leur audace, leur bonne humeur, leur courage, la force inébranlable de leur simplicité. Ils étaient là pour faire ce qu'il y avait à faire — répéter du vocabulaire avec des personnes qui ne connaissaient pas un mot de français, faire le café, la cuisine, enregistrer des noms, organiser des jeux, chanter, jouer au foot, danser — sans douter, sans hésiter, sans se laisser décourager par les barrières de la langue ou des coutumes.

Je les ai admirés et je les chéris. Ils me font du bien à l'âme quand je pense à eux. Il me donne l'espoir que tout n'est pas perdu, le futur avec un grand F, celui de la planète, celui des enfants et des petits-enfants n'est pas perdu — s'il est entre leurs mains.

l'équipe des bénévoles de jrs en juillet 2020

Encore des nouvelles lunettes

J'ai craqué. Je n'en peux plus. Ce sera mon cadeau de Noël: je suis retournée chez l'opticien pour me faire fabriquer des lunettes selon mon ordonnance "N", une paire de "proximité" qui me permettra de travailler sur écran.

Les gens qu’on aime : #7 quelqu’un qu’on voit souvent

En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

Aujourd'hui, quelqu'un qu’on voit souvent.
Là c'est la tuile. Evidemment à cause du confinement. Mais même sans cela: la boulangère? le pharmacien? le vendeur du Relais H?
En fait les gens que je voyais le plus souvent avant le confinement, le premier confinement, jusqu'en mars, c'était les rameuses du huit. Une, deux, trois fois par semaine, c'est en fait l'un des buts du huit: devenir inséparables, ce que nous avions bien du mal à réaliser.

L'étonnement c'est que nous ne savons finalement que peu de choses les unes des autres. J'ai ainsi été désarçonnée d'apprendre que Clarisse était veuve depuis deux ans: certes elle a toujours été très discrète, mais comment avions-nous pu ne nous douter de rien? Quel manque d'attention de notre part (elle a souri et m'a dit: «vous ne pouviez pas savoir»).

Nathalie affairée, Isabel serviable, Pascale coupante, Anne perfectionniste, Clarisse rigoureuse, Marine revêche et Caroline Betty Boop: c'est la liste des rameuses de la coupe de Noël il y a un an à Tours.

huit rameuses et leur barreur


Chaque rencontre hors du huit est (était) importante, car c'est le moment de nous découvrir.
C'est pourquoi j'étais heureuse que nous ayons passé une excellente soirée à quatre juste avant le couvre-feu; j'attends maintenant le déconfinement pour inviter celles qui ne pouvaient être là ce soir-là.

Meilleure amie

— Tu peux compter sur la gravité. Elle ne te laissera jamais tomber.

Traces du temps - 5

Il manque mercredi 2.
Les feuilles sont tombées entre jeudi et vendredi. Mais il en reste.

arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre
arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre



Déconfinement progressif : nous avons le droit de ramer, mais en bateau individuel (en double pour les personnes vivant sous le même toit). L'hiver il faut être sûr de soi: trois rameurs se sont retournés samedi, deux dimanche.
Je constate à quel point mes cinq kilos de trop étaient en trop cet été quand j'ai repris après le premier confinement: quel plaisir de pouvoir à nouveau bouger avec fluidité.
En revanche j'ai beaucoup perdu en forces. Dès que je recommencerai à manger quasi normalement, il va falloir que je suive des programmes de muscu (disons: de gymnastique au sol). Ça va être compliqué d'adapter la quantité de nourriture au sport effectué. Aujourd'hui j'ai l'impression que je peux vivre en ne mangeant presque rien. C'est impressionnant et très peu contentant.

la Seine à Avon - ciel d'automne

Les gens qu’on aime : #6 quelqu’un qu’on n’aimait pas au début mais ça a changé

En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

Aujourd'hui, quelqu'un qu’on n’aimait pas au début mais ça a changé: Sophie-Charlotte.

Je ne suis pas vraiment sûre que Sophie-Charlotte entre dans les définitions du Dr CaSo. Non seulement ce n'est pas une amie, mais c'est même une inconnue et le plus probable est qu'elle ait oublié depuis longtemps que j'existe.
Elle est le prétexte à montrer deux de mes défauts: mes jugements abrupts et mon stalking (ma traque) sur internet.

En août 1997 (un an avant Google, en pleine bulle internet) j'ai été embauchée dans une filiale de mon actuel grand groupe, une filiale qu'on appellerait aujourd'hui start-up, mais qui à l'époque était simplement une structure légère détachée de la mère pour travailler en mode projet. Nous étions trente, nous fonctionnions comme une famille (les platées de cèpes dans la salle de réunion hausmanienne ramenées par le président périgourdin à l'automme), je vénérais mon boss, c'était enthousiasmant.

Sauf qu'il y avait, comme dans tout projet, des consultants, des consultants d'Accenture, juste avant la déroute d'Andersen. Il y avait deux consultants junior aussi horripilants l'un que l'autre. J'ai failli gifler le mec qui disait des conneries et n'écoutait rien (avec sa gueule de beau gosse et sa cravate… Tous ces consultants embauchés sur leur gueule…) Leur seule obsession était de respecter le planning, même au prix de la qualité du travail. Or nous étions en train de construire une architecture informatique, la gauchir dès le départ, c'était faire partir le projet de travers.

L'autre, c'était Sophie-Charlotte. Elle devait surveiller que nous documentions1 le paramétrage d'un progiciel que nous avions acheté. J'étais chargée du paramétrage, mais c'était un faux paramétrage, un paramétrage contraint, du genre «— Ici il faut mettre A — Mais pourquoi? — Parce que.»
Sophie-Charlotte exigeait que je remplisse un tableau avec écrit «A» comme valeur de ce paramètre.
J'ai essayé de lui expliquer que si nous ne savions pas quelle autre valeur était possible et que nous ne savions pas à quoi servait ce A, le document que nous étions en train d'écrire était inutile et inutilisable.
Je me heurtais à un mur. La consigne était la consigne.

Un jour Sandrine m'a dit: «tu n'aimes pas beaucoup Sophie-Charlotte» et j'ai eu honte que cela se voit autant.

Les consultants sont partis. Je crois que c'est encore Sandrine qui m'a appris que Sophie-Charlotte était admise à Standford; à quoi j'ai répondu «Ça fera une dinde qui a fait Standford.»
Il est possible que j'ai été jalouse: à son âge j'étais mariée et j'avais déjà un enfant: je n'aurais jamais pu aller à Standford. Mais je pensais aussi que c'était une dinde, avec son obéissance militaire à son cabinet de consultants.

Il y a deux ans, je crois que c'était pendant que j'étais immobilisée à cause de mon pied, j'ai fait une recherche sur facebook. Le curieux est que je me souvenais de ses nom et prénom, car en général je les oublie. Et je l'ai retrouvée. Son sourire, ses photos, les causes qu'elle défend… Elle m'a plu. Et je me suis dis que j'étais vraiment con, avec mes jugements à la con.



Note
1: Ecrire un document de référence.

Présentation

Rencontré la copine de O. (C'est la première fois qu'il nous en présente une).
Elle est pétulante.

Mes grands-parents paternels étaient polonais, ceux de H. yougoslaves (côté maternel), C. a une compagne dont la grand-mère polonaise vit en Pologne, les parents de l'amie de O. sont arrivés en France vers six ou sept ans, ses grands-parents ont fui la dictature portugaise.

Cette permanence d'origines étrangères répétées à chaque génération, est-ce statistiquement dans l'ordre des choses, ou est-ce un tropisme familial?

Les gens qu’on aime : #5 quelqu’un avec qui on a étudié ou été à l’école

Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

Aujourd'hui, quelqu'un avec qui on a étudié ou été à l’école : Jérôme. Je l'ai choisi parce que nous avons été neuf ans dans la même classe.

Mes parents étaient profs. Quand nous sommes rentrés du Maroc en 1975, ils ont chacun obtenu un poste dans l'un et l'autre lycées d'une petite ville, et entre les lycées se trouvait une école primaire.
Nous avons donc été inscrites ma sœur et moi dans cette école primaire plutôt que dans celle dont nous dépendions administrativement car il était plus simple de nous y emmener et nous en ramener.

En école primaire, la population est stable, les mêmes enfants se retrouvent chaque année, la hiérarchie est établie dès le CP (ceux qui apprennent vite à lire et à écrire, ceux qui sont rapides ou jouent bien aux billes, etc).
Je suis arrivée en CM1 et j'ai bousculé cette hiérarchie. En CM1 et en CM2, je suis passée en tête devant Xavier et Jérôme. Ils étaient verts.

Quand j'ai quitté la primaire, j'ai rejoint le collège correspondant à la carte scolaire et j'y ai retrouvé Jérôme. Jérôme a été mon Poulidor jusqu'en terminale. Comme il a fait allemand première langue (le truc de l'époque pour essayer de reconstituer les classes d'excellence que la réforme Haby venaient d'éparpiller) puis latin à partir de la quatrième (idem), nous avons été ensemble toutes ces années. Toutes ces années il s'est présenté comme délégué de classe et a été élu.

Il était fils unique et fier de l'être. En cinquième, sa mère s'est trouvée enceinte et il l'a très mal pris. Elle n'avait pas le droit de l'accompagner devant le collège; elle devait le déposer au coin de la rue.

En quatrième nous avions une prof d'anglais provocante, genre sous-tif noir sous chemisier blanc transparent. Jérôme était au premier rang. Elle l'a interpelé: «Alors, Jérôme, vous rêvez?»
Il est devenu cramoisi, d'un rouge comme je n'en ai jamais revu d'aussi foncé. La classe a éclaté de rire.
J'étais très innocente, je n'ai compris que des années plus tard à quoi pouvait rêver Jérôme.

Nous ne nous aimions pas beaucoup. A cause de cette rivalité, bien sûr, mais aussi parce que j'étais sérieuse et que je le jugeais frivole. Il s'est très bien entendu avec ma meilleure copine en première et terminale, ils parlaient mérites comparés de shampoings, genre. Il avait été tout surpris quand elle lui avait appris que les filles se rasaient les jambes: il pensait que les filles étaient imberbes.
Il avait grandi tôt et était très grand, il se tenait toujours un peu courbé. Il avait cette morphologie des nageurs que je n'aime pas, les trapèzes surdéveloppés. Ses yeux bleus verts étaient légèrement globuleux. Il aimait Higelin et je le revois en term en train de chanter Champagne en dansant sur les tables comme un pantin dégingandé .
Sous mon influence, il s'est inscrit à l'aviron. Christine, Isabelle, Jérôme, tous venus à l'aviron en seconde à cause de mon enthousiasme.
Quand il a perdu son grand-père (en première ou en terminale), il a eu cette remarque qui m'a frappée parce qu'elle était inattendue de sa part et que je n'avais pas encore vécu de deuil: «On croit qu'on n'est pas très attaché, et puis ça fait super mal».

Après le lycée j'ai eu des nouvelles par ma mère: marié, trois enfants puis un quatrième («un accident»).
En 2017, au moment où je préparais les 50 ans de mariage de mes parents, j'ai fait des recherches sur Linkedin et j'ai tapé son nom. Je l'ai trouvé, je l'ai demandé en contact.
Il ne m'a pas acceptée.

Les gens qu’on aime : #4 quelqu’un qui a changé le cours de notre vie

En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

Aujourd'hui, quelqu'un qui a changé le cours de votre vie : RC, évidemment.

Renaud Camus à l'Ircam en juin 2009
RC à l'Ircam - 2009


C'est compliqué. Je me souviens de Philippe Val disant après l'emprisonnement de Patrick Font: «Si je vais le voir on me demande comment je peux soutenir un tel salaud; si je n'y vais pas on me demande si je n'ai pas honte d'abandonner un ami».

RC n'était pas un ami, ce n'est pas un ami. Mais je me sentirai toujours l'obligation de ne pas en dire de mal. De juste me taire.

Dans le journal 2002, Outrepas, RC a écrit qu'il aurait souhaité que Le Pen ait le maximum de voix, juste assez pour ne pas être élu. Le livre est paru en 2004. Donc en 2004, la SLRC a appris que RC ne l'avait pas détrompée quand elle avait publié en 2002 une pétition contre Le Pen, pétition dont toutes les phrases commençaient par «Avec RC, nous…»
Je savais donc depuis 2004 que RC n'avait aucune loyauté envers son entourage, qu'il était capable de trahison — ce qui fait que 2012, le ralliement à MLP, a été une déception, la certitude que désormais le génie littéraire de RC ne serait jamais reconnu, mais pas vraiment une surprise.
Le dégoût est venu en 2013 quand RC s'est réjoui du suicide de Dominique Venner à Notre-Dame et le rejet sans retour est survenu après les white supremacists et Christchurch.

Quel gâchis, quelle horreur.

Mais il reste qu'il a changé ma vie. Le lire a changé ma vie.
C'est difficile d'expliquer à quel point, parce qu'il faudrait tenter d'expliquer tout ce que je ne connaissais pas (histoire, art, littérature, géographie, etc) quand j'ai commencé à le lire et tout ce que j'ai découvert en le lisant.
Il m'a aussi fait découvrir de quelle façon j'étais capable de lire, de me concentrer, de faire des rapprochements, de travailler par associations… Il m'a fait me découvrir moi-même.

L'Amour l'Automne, L'Inauguration de la salle des Vents, Vaisseaux brûlés sont de grandes expériences de lecture, elles me font accéder à des dimensions de conscience inédites, en profondeur et en extension. C'est difficile à expliquer, c'est comme une drogue, un état second du cerveau. Je pense que James Joyce produit le même effet à d'autres, et peut-être Arno Schmidt aux locuteurs germanophones.

RC me faisait, me fait, rire. Parfois je retombe sur une citation, et aussitôt, je ris: «Castro à mon enterrement? Plutôt mourir!» ou «Georges Marchais et moi n'avons pas la même idée de la poésie : j'en avais toujours eu le vague soupçon».

Hélas, la phrase la plus juste sur RC est sans doute celle de Jean-Yves, le pastichant après Christchurch: «On m'a mal lu».

RC a été l'occasion de me faire des amis qui ont survécu à la tourmente. Nous avons arrêté de lire RC ensemble mais nous avons continué à voyager, à visiter, à aller au concert.
La vie n'a plus jamais été la même après RC.

Les clés

L'une des tâches que je redoute dans ce déménagement est le tri des clés.

Pour une raison que j'ignore, chez nous les clés se multiplient. Tous les sept ou huit ans, j'ouvre la boîte à clés, et nous essayons d'en jeter quelques-unes.

clés variées


Clés de serveurs, clés de voitures disparues, clés d'antivols inidentifiables, clés de valises — mais lesquelles, clés de portes murées, de serrures changées (barillets), clés obsolètes de mes parents, clés du voisin (un autre)…
C'est très difficile de jeter une clé, on ne peut s'empêcher de penser qu'on risque de le regretter. Cela fait peur. Mais nous nous en allons, il n'y aura pas de regret.
Il faut tout de même que je parvienne à identifier une ou deux clés du portail. Aujourd'hui nous le fermons avec une chaîne de moto… Pas très sérieux.

Les gens qu’on aime : #3 quelqu’un qui nous fait rire

Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

Aujourd'hui, quelqu'un qui me fait rire. Là, ce n'est pas une personne mais un groupe: les oulipotes, les oulipiens, la bande des jeudis de la BNF et de la pizza subséquente.

rires entre amis de l'Oulipo, 18 juin 2015

Sophie, Nicolas, Elisabeth, Dominique dans le miroir, Gilles et Maurice à l'autre table… Nous ne sommes jamais le même nombre, nous ne parlons jamais des mêmes sujets, parfois c'est sérieux, parfois c'est drôle, parfois ça cancanne, parfois c'est triste (le temps qui passe, la famille, la santé, tout ça). Ce sont des amis merveilleux par leur culture, leur humour, leur gentillesse.
J'ai l'impression de les connaître peu parce que ce sont mes amis les plus récents: une douzaine d'années, mais finalement dix jeudis par an depuis plus de dix ans, et deux ou trois dimanches chez Nicolas, et autant chez Alain… Ce sont finalement les amis que je vois le plus souvent. Et nous rions beaucoup.

Les gens qu’on aime : #2 quelqu’un avec qui on a voyagé

En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

Aujourd'hui, quelqu'un avec qui on a voyagé : mon fils O.

la main gantée d'Olivier - en quittant Olsdorf
En quittant la maison de Thomas Bernhard


Au départ il s'agissait d'accumuler les trois mille kilomètres nécessaires à la conduite accompagnée.

J'ai fait une fausse signature. H. était contre la conduite accompagnée. Nous avons dans notre entourage deux exemples d'accidents graves dus à la conduite accompagnée.
O. voulait faire la conduite accompagnée. C'était le premier des trois enfants à souhaiter cela. J'ai rempli le dossier d'assurance en me mettant en conducteur accompagnant, et puis, au cas où cela nous en ayons besoin un jour en urgence, j'ai ajouté H. et j'ai imité sa signature.

Il fallait que j'accomplisse trois mille kilomètres aux côtés d'O.
Matin et soir, maison gare, cinq kilomètres, vingt-cinq kilomètres par semaine, cent par mois. Quelques voyages jusque chez les grands-parents. Il fallait quelque chose de plus long.
Ça faisait longtemps que je voulais faire un tour d'Europe. H. ne voulait pas, il n'avait pas envie de passer sa journée en voiture et dormir chaque nuit à l'hôtel: «je fais cela toute l'année pour le boulot, je ne vais pas le faire en vacances».
O. était d'accord, mais il fallait attendre ses dix-huit ans: pas de conduite accompagnée hors de France.

Pour vérifier que nous étions capables de nous supporter, nous avons fait une escapade d'une semaine en Bretagne l'été précédent, en 2016. Ce fut un succès.

Alors nous sommes partis en juillet 2017 pour Klagenfurt, Vienne, Prague, Berlin, Amsterdam et Bruxelles. Mon récit est plein de trous mais je ne désespère pas de le compléter un jour. Ce sont de merveilleux souvenirs. La Styrie ou les plaines de Saxe dans la Beetle décapotée en écoutant la biographie de Bob Dylan ou de Raymond Chandler ou de Jack London, les hôtels et les auberges de jeunesse et les hugos. Les châteaux, le vélo, les soirées sur l'ordi. Le légendaire sens de l'orientation d'O. sur lequel je me repose aveuglément. Sa gentillesse, O. toujours prêt à un détour pour me faire plaisir. La surprise de découvrir à quel point le malentendu est facile, même entre deux personnes déterminées à être attentives à l'autre.
Je ne sais pas si je retrouverai un jour un tel compagnon de voyage.

Entretien

Un entretien positif ce matin à Vincennes.
Les magasins sont ouverts mais il n'y a pas tant de monde que ça.
L'après-midi j'apprends que je suis sur la short-list des deux personnes qui doivent rencontrer le président.
Chic.

Quant à H., il avait son audience de référé cet après-midi. Ça a duré trois heures. Il était content car ils ont eu un juge attentif.

Y a des jours comme ça où tout se concentre.
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