Dimanche sans histoire

Un quatre le matin. Je suis au quatre, qu'au CNF on appelle le un et qu'à Fontainebleau ils appellent la vigie.
C'est joli.
Toujours pas d'accès aux vestiaires. La fédération en autorise la réouverture, mais avec de telles contraintes d'espace (les célèbres quatre mètres carré) et de nettoyage que le club y a renoncé.

J'ai trié un mètre carré (à vue de nez) de grenier: les posters, quelques planches, le sac destroy qu'on voit le long du radiateur, la radio-lecteur de DVD qui nous a accompagné dans la cuisine de longues années et qui va partir à la recyclerie. Le but est d'atteindre le fond à droite dans l'ombre de la photo, mais il faut se pencher dans les toiles d'araignée et je n'en ai pas envie.

Les cartons blancs de ramettes de papier contiennent les décorations de Noël, le coffre en plastique vert des petites voitures en bon état. C'est fou tout ce bazar qui met le cerveau en échec. Qu'en faire? Donner, garder, jeter. Certaines choses paraissent si dérisoires qu'on n'ose même pas les jeter.
Et puis avouons-le: je songe à Toy story 3 et au feu qui attend les ordures.
Il y a longtemps que je sais qu'avoir de l'imagination est une malédiction.


Photo panoramique prise à partir du seuil.

Toujours pas grand chose

Télétravail. Rapprochement de bases pour le boulot en re-regardant (donc d'un œil) Better Call Saul. C'est vraiment un personnage attachant, par sa gentillesse, son astuce et sa folie.

Ce matin au lit avant de me lever je repensais à la question «Ce n'est pas trop dur de laisser la maison où les enfants ont grandi?» et je me disais «Non. Non au contraire. Parce qu'ils ne sont plus là.»

Durant toutes ces années je savais en me levant en me couchant où était chacun dans la maison. J'entendais mentalement leur respiration, je les sentais vivre.
La maison a beaucoup bougé ces dix dernières années. H. à Mulhouse ou Tours en semaine, C. en Suisse puis de retour avec Isa, A. puis O. en Allemagne, Deborah et Felix à la maison,… Chaque jour ou presque la maison respirait différemment.

Il y a deux à trois ans, les grands sont partis, H. est revenu. En décembre O. est parti à son tour. En février l'arbre a été coupé. En mars le confinement a commencé.

Le matin, le soir, la journée, je sentais les pièces vides, une impression de désert sous le vent. C'était quasi palpable. Personne ne respirait. Toute cette place pour nous… C'était à la fois trop grand et trop petit.

Pas grand chose

Lorsque les ouvriers ont attaqué le tour des fenêtres au karscher (décapage avant peinture), l'eau a dégouliné à l'intérieur du salon sur le mur repeint par eux-mêmes il y a un an.
Plus de peur que de mal (il a fallu éponger un moment, le temps que les joints rendent toute l'eau), mais les ouvriers manquent de finesse, parfois. (Le vrai terme est: «quels bourrins!»)

Pas grand chose. Journée au bureau à Nanterre. Roman africain, la blessure des deux guerres mondiales. Un aller au box (six cartons de poches, deux chaises). Resto "La Ferme", par flemme. C'est plein. Ça fait plaisir.

Harcèlement

Afin de pouvoir monter les échafaudages pour le ravalement, nous avons fait enlever deux tonnes et demie de pierres et gravats divers le long de la maison. (En volume c'est moins impressionnant, une vingtaine de brouettes.)

H. a donné un coup de main aux ouvriers qui sont les mêmes que ceux qui ont travaillé dans la maison au printemps 2019. Je sais qu'ils nous aiment bien parce qu'on ne les regarde pas de haut. En conséquence ils bavardent beaucoup.
J'en fais la remarque à H.
— Si tu savais… Bernard m'a dit… «vous vous n'rendez pas compte m'sieur Duchmoll. Entre les hommes qui nous méprisent parce qu'on est des ouvriers et les bonnes femmes qui attendent juste que leur mec soit parti pour se faire sauter…»

J'en suis restée comme deux ronds de flan.

Deuxième tour

Quatre de couple à Fontainebleau. Je ne peux pas dire que je commence à connaître du monde, d'une part à cause de la rotation des vacances qui fait que ce ne sont pas tous les mêmes qui sont là à chaque fois, d'autre part à cause des masques.
Cette fois-ci nous sommes montés jusqu'à l'écluse de Champagne. J'apprends les règles de circulation sur le bassin.

La peinture de la mezzanine a craquelé au-dessus des étagères à DVD. Sans doute une fuite cet hiver. Les ouvriers vont repeindre dans la semaine. Nous avons mis les DVD en carton et emmené les étagères dans le box. J'en aurai profité à peine six mois.

Donné deux sacs de fringues à une voisine qui part deux semaines en Pologne dans sa famille. J'ai donné la robe que je portais pour le baptême de O. en août 2000, il y a vingt ans.

Commencé à trier des petites voitures, des billes (que veulent conserver les enfants?). Jeté le contenu de trois classeurs de cours, de première, deuxième et troisième années de licence de théologie. Ils étaient bien rangés, j'ai dû passer du temps à les classer à un moment de ses six dernières années. J'ai eu le plaisir de retrouver ma dissertation de théologie fondamentale de fin de première année (juin 2012). J'en ai perdu le fichier informatique et je pensais ne jamais la revoir. J'avais totalement oublié en avoir un exemplaire papier. Je vais la scanner.
Les classeurs vides iront à la ressourcerie. Comme dirait H., tout ce qui sera donné ou jeté ne sera pas à transporter.

Box

L'agente immobilière nous a demandé d'enlever quelques meubles du salon pour le faire paraître plus grand.
Dans l'après-midi H. a loué un box de quatre mètres carré qui va servir de tampon entre la mise en vente de la maison et l'emménagement dans le loft.
Nous avons fait un premier tour ce soir pour mettre de côté un fauteuil à bascule et le coffre à bois.

Devenir Liz Taylor ou Simone Signoret

Cela fait des années que je me bats avec mon poids.
Je me demande si je ne vais pas laisser tomber.



Allons, je vais recommencer l'entraînement d'ergo, ce sera toujours ça.
La coupe des Dames est prévue pour le 18 octobre. Nous allons voir comment cela se passe à Fontainebleau. Aurai-je une place dans le bateau?

Retour de vacances

Marché. Trois ou quatre commerçants, au plus.
Curage des canalisations évacuant l'eau de la cuisine. (Il y a eu un dégât des eaux pendant notre absence, le lave-vaisselle a refoulé, le plancher est légèrement gondolé. Zut.)
Trois lessives, dont deux de draps.
O. est revenu. Il était à St Tropez (ma chère), il nous raconte le festival du château de la Moutte où il travaillait à la comm et à la logistique. Il repart ce week-end pour Valloire. J'espère qu'il ne pleuvra pas demain, il faut laver du linge.

Il fait chaud et lourd.

This is Bryan

Une heure de visite guidée du marais poitevin. Très impressionnant, très beau, très vert, très calme.



Plus de huit mille kilomètres de canaux paraît-il. Il y a eu beaucoup d'anguilles ici, mais elles ont été surpêchées. L'hiver l'eau inonde les parcelles qui sont comme autant d'îles (autrefois à la belle saison on y déposait les vaches par barque). Au IIe avant JC, tout ce territoire était inondé (et c'est celui qu'a inondé la tempête Xinthya en 2010); il a été gagné sur la mer par le travail des moines de Maillezais et d'ailleurs. Conserver les canaux est un travail incessant: ils s'élargissent et s'embourbent, plusieurs associations et organismes de la région les curent et replantent des frênes pour maintenir les berges.
Des portes destinées à évacuer l'eau donnent sur l'océan. Les vantaux forment une pointe qui avance vers la mer: quand la mer monte, elle bloque les portes, quand elle descend, l'eau du marais pousse les portes et se déverse dans la mer.
La simplicité du dispositif m'enchante. J'aimerais voir ces portes.

Repas près de l'eau sous la tonnelle. Nous contemplons l'adresse des jeunes gens dans les barques, pantalon gris et chemise blanche, qui orientent leur barque en tournant leur rame de quelques degrés. Nous piquons vingt minutes de roupillon à l'ombre d'un pommier avant d'être chassés: «Vous ne pouvez pas rester là, c'est la zone de décontamination des gilets» (qui pendent à l'air libre sous un hangar. On se croirait en pleine guerre nucléaire.)

Visite guidée de l'abbaye, avec un guide plein d'allant dont l'anticléricalisme est digne de celui d'un instituteur de la 3e République.
Lorsqu'il nous abandonne, nous nous installons sous le noyer derrière la nef. On est bien. Nous commençons nos recherches: il nous faut une chambre pour la nuit. Toujours la même erreur: l'été il ne faut pas s'y prendre au dernier moment le week-end, tout est réservé pour des mariages. L'hôtel le plus proche au sud est à Cognac.

Allons il faut repartir. Une dame vient nous interroger à la recherche d'un doudou. J'espère qu'elle le retrouvera. Nous sortons. Achat de cartes postales. La boutique a beaucoup changé en deux ans, beaucoup plus de livres sur la vie monastique et pratiquement rien sur Rabelais.
— Comment va ton genou?
À ce moment-là je pense «il faudrait passer acheter de la glace» ce qui me mène à «M***! on a encore oublié le médicament dans le frigo de l'hôtel!» (Je jure que ce n'est pas un running gag destiné à vous faire rire ou soupirer.)
Et donc demi-tour, retour à Fontenay-le-Comte. Il est presque six heures, il fait chaud, on commence à s'engueuler. Pause urgente: retour à Maillezais, diabolo-menthe sous la tonnelle, achat d'un couteau de poche pour découper notre pain d'épices.

Nous repartons pour Cognac par les petites routes. Décapotable le long des canaux puis dans la forêt. Nous sommes seuls, la chaleur s'apaise dans le soir.
Où dîner? Nous sommes au milieu de rien.
Aulnay. Place Aristide Briand. Le café ferme. Le bistro à vin ne sert pas de casse-croûte: «mais à la sortie de la ville, vers la gauche, il y a des Anglais qui servent des plats».

Relais d'Aulnay. Ils acceptent de nous servir si nous ne sommes pas pressés. Mais non, nous sommes prêts à tout pour avoir un dîner.
Notre table est une bobine en bois pour enrouler des câbles posée sur le flanc.
Chicken Pie. Onion rings. Mayonnaise. La nuit tombe, des leds s'allument.
J'entends un chuitement genre Dark Vador. Je tourne la tête.
— Oh, regarde !
Je montre à Hervé une petite chouette perchée sur une chaise proche. Elle bouge la tête, s'agite mais ne s'envole pas. Un autre couple la remarque. La serveuse revient. Je chuchote:
— Look, there is a bird.
Elle se redresse et s'exclame: — Oh, this is Bryan!

La petite chouette est venue un soir, la propriétaire lui a donné du saumon. Depuis, elle revient tous les soirs pour avoir son saumon.
La serveuse lui en donne quelques bribes puis la petite chouette s'envole.



Nous arrivons à Cognac tard dans la nuit.

Un saut de puce

De la même façon que j'ai emmené H. voir la maison de Clemenceau, je voulais lui faire découvrir l'abbaye de Maillezais.
Lui avait flashé sur les marais. Il fallait s'inscrire. Au début il visait aujourd'hui midi, puis il a voulu réserver aujourd'hui fin de journée: coup de fil, c'est plein («la jauge»), ce sera demain onze heure.

Comme je vais devoir changer de boulot («devoir»: envie paresseuse stimulée par l'achat du loft, à la fois parce que Moret est loin et parce que c'est un tel coup de cœur que je me dis que je dois profiter du boost au moral qu'il produit), je surfe un peu et apprends… la mort d'un ami perdu de vue depuis trente ans. Mort fin juillet 2016 d'un accident de montagne. Je googlais son nom de temps en temps, sans oser le contacter. Pas le même monde.

Pendant qu'H. discute boulot (c'est très difficile ici: pas de wifi, pas d'ADSL, pratiquement pas de 3G ou 4G, sauf le matin quelques heures avant midi), j'organise le coffre.
Riez, mais c'est un art. Notre hôte a deux cartons de vin pour nous (Morgon cuvée Assemblée nationale, on est snob ou pas). Nous lui avions dit que nous ne pourrions pas les prendre tant le coffre est petit, mais depuis que j'ai vu la taille de la maison, je me dis qu'on ne peut pas lui laisser les deux cartons: ça l'encombre. Donc je vide le coffre, installe un carton au fond, ouvre le deuxième et répartis les bouteilles dans le linge sale (pour ne pas qu'elles s'entrechoquent). Je remets les sacs de voyage par dessus, tasse le sac poubelle qu'H. utilise pour le linge sale. Ça m'agace car c'est encombrant, plus encombrant à mon sens que s'il mettait le sac poubelle dans son sac (est-ce logique (linge en boule) ou purement subjectif?)
Je m'applique. Je termine par son oreiller (!) et son sac à dos. Le mien tiendra derrière mon siège puisque mes courtes jambes m'obligent à me rapprocher des pédales.
Tout tient. Mission accomplie.

Nous partons plus tard que prévu, traversons la forêt d'Olonne (sans les détours cela paraît court), déjeunons longuement dans un excellent restaurant aux Sables («Je voudrais manger du poisson». Il faut dire qu'en trois jours nous avons surtout consommé des pizzas à emporter).

Au moment de remonter dans la voiture:
— J'ai oublié mon médicament dans le frigo ce matin!
Coup de fil, retour à Brétignolles. Récupération du médicament (de la trousse réfrigérée), re-traversée de la forêt, direction Maillezais.

Nous arrivons à Fontenay-le-Comte en fin d'après-midi. Il a plu.



Je pensais que nous ressortirions car j'avais de bons souvenirs de la ville. Las, H. est fatigué et souhaite dîner sur place.
Il n'y a rien à reprocher au personnel très aimable du restaurant mais ne prenez pas de poulpe au chorizo : j'ai conseillé au serveur d'enlever ce plat de la carte.

Bref, nous venons de perdre une journée de vacances. Dommage.

Maison de Clemenceau

Il a plu cette nuit, toujours pas de vent propice pour une débutante en voile (et puis il faut que cela coïncide avec la marée. Cette fois-ci le papotage se fait sérieux, discussion de boulot entre H. et notre hôte, à laquelle j'apporte mon grain de sel.
Notre hôte a un point de vue intéressant, pour lui l'origine de la plupart des problèmes rencontrés est l'incompétence (et non la cupidité ou l'amour-propre, comme j'ai tendance à le penser).

L'après-midi, visite de la maison Clemenceau que je voulais montrer à H. après ma visite il y a deux ans. Elle me plaît toujours dans sa simplicité.
Nous ne sommes pas très nombreux, mais toutes les visites sont fastidieuses à cause de «la jauge» (j'aime la découverte du choix de vocabulaire: jamais à cours de barbarisme ou néologisme, mon entreprise dit «le capacitaire»), H. propose «le quota» — de la jauge, donc, de personnes admises à l'intérieur de la maison. (Masque obligatoire, bien sûr.)
J'aime toujours autant cette maison et sa simplicité, le contraste entre la notoriété de l'homme et la modestie de sa demeure. Certains devraient en prendre de la graine.

J'ai craqué et j'ai sorti la carte Michelin afin de contrecarrer la volonté wazienne de nous maintenir sur les routes sans feu. Cela nous a amené à beaucoup de détours puisque les routes de bord de mer se terminent souvent en impasse. Nous avons finalement réussi à traverser la forêt d'Olonne, bienvenue dans la chaleur.

Le soir, récit des aventures du club de voile de Brétignolles. Notre hôte a l'art de se faire des ennemis. J'ai du mal à faire la différence entre l'école de voile et le club. L'un est municipal, l'autre une association. Y a-t-il besoin de deux structures?

Des coques au chorizo

L'idée était de travailler le matin (on a tous les trois du travail en retard — pour moi il s'agissait de "travail" qui n'a rien à voir avec le "boulot") et que j'apprenne des rudiments de voile l'après-midi.

En réalité le matin nous avons beaucoup papoté (notre ami nous raconte le syndic de copro Foncia qui n'avait toujours pas ouvert la piscine au 15 juillet et distribue les procurations à ses amis lors des assemblées générales. Pouvoir de quelques barons locaux. C'est un montage compliqué, des syndics pour une centaine de maisonnettes puis un syndic de syndics. Je ne vais pas en dire plus, mais c'est politique, financier, spécial).

L'après-midi il n'y avait pas assez de vent pour faire de la voile et nous nous sommes baignés (elle est froaaade).

Le soir nous avons sortis la table derrière la maison; deux voisins en ont fait autant et nous avons partagé le repas. Nous avons beaucoup ri entre des Montargois (pas si loin de Moret) et des Anglais qui viennent ici depuis trente ans.

Nous parlons de notre prochain déménagement. La Montargoise, mère de deux adolescents, questionne:
— Ce n'est pas trop dur de laisser la maison où les enfants ont grandi?
Je balbutie je ne sais quoi. Comment expliquer que ce qui paraissait impossible il y a deux mois est maintenant une évidence?

Les Anglais avaient une lampe de camping géniale (je le note ici comme pense-bête) hélas en rupture de stock pour le moment.
Au loin (très loin puisqu'on n'entendait pas le tonnerre) se dessinaient des éclairs roses et oranges.
Je suis rentrée me coucher la première: j'avais un peu froid et j'étais ivre de fatigue (la baignade?)

De Chinon à Brétignolles

Deuxième petit déjeuner au Novotel de Blois.
Je me demande comment ils font en absence de covid: la circulation des clients est-elle fluide? En temps de virus c'est la cata: l'espace buffet (avec frigo, plaques réfrigérantes ou chauffantes, machines à café, etc) est dans une petite pièce à l'entrée resserrée, nous sommes censés n'entrer qu'un par un en respectant le sens de circulation (ce qui n'arrive jamais, car nous avons toujours oublié quelque chose), ça bouchonne, les deux serveuses n'arrivent pas à apporter assez vite de nouvelles assiettes/tasses/œufs brouillés/crêpes, la queue déborde sur la salle à manger comble (et peu spacieuse), les clients qui attendent leur tour stagnent donc devant ceux attablés au petit déjeuner.
Bref, le bordel, malgré (ou à cause de) la bonne volonté.

Tout le monde paraît être descendu encore plus tôt qu'hier. Huit heures un dimanche de vacances. Sans doute à la recherche de fraîcheur. Je reste fascinée par tous les couples avec enfants entre quatre et onze ans qui paraissent «faire la Loire à vélo». Mais c'est surtout une insolation qu'ils vont faire!

Passage par la maison pour récupérer une trousse de médicaments conservée au frigo et en route, direction Chinon.
Visite (avec masque) du château de Chinon que je n'ai jamais vu. J'avais oublié que c'était ici que Jeanne d'Arc avait reconnu Louis VII dissimulé parmi les courtisans. Appli(cation) sur tablette vidéo qui permet de voir le château reconstitué (il faut bien avouer qu'il n'en reste pas grand chose). H. regarde de près, fait quelques tests et juge qu'elle est très bien faite («financée par le conseil régional: ça a dû coûter un bras»). Vue sur la Vienne. Impossible de me souvenir si j'ai ramé ici (en compétition le week-end). Derrière les arbres, dans l'enceinte du château, un peu à l'écart, il y a un café-buvette. Nous y déjeunons très agréablement loin de l'affluence.

Parking. Nous décapotons. Un petit garçon de quatre ou cinq ans est en admiration: «Regarde maman!» Je lui propose de monter derrière le volant. Il n'ose pas. Nous partons.

Il fait vraiment très chaud. Campagne française. Jardin de Maulévrier.



Trace de l'exposition coloniale de 1900. Toujours la visite d'un jardin évoque l'urgence d'y revenir en une autre saison. Il faudra que nous le fassions, un jour. Prévoir, anticiper. Tout ce que nous ne faisons pas concernant nos vacances.
Salon de thé sur les hauteurs (le récit des vacances comme une tournée des points de restauration). Nous admirons la diligence des serveurs dans la canicule. Thé et diabolo menthe. Quelques cartes postales.

Cholet laid (zone industrielle). J'ai passé ici une semaine de stage d'aviron en 1981 (peut-être 1981).
Nous nous arrêtons pour nous dégoudir les jambes le long d'un cours d'eau. Quelques pas le long du chemin, et nous arrivons au bord d'un étrange bâtiment, un cube noir de béton posé sur l'eau, accessible par une passerelle. Je traverse, pousse les portes lourdes.
Ce n'est pas religieux, mais presque. C'est un mémorial, le mémorial du massacre des Lucs-sur-Boulogne (dont je n'ai jamais entendu parler, mais vu la date, février 1794, pas difficile de comprendre de quoi il s'agit). Je traverse les quatre salles sombres, dépouillées. Sur le seuil de l'entrée principale, une plaque de l'inauguration porte les noms de Villiers et … Soljenitsyne.

Brétignoles. Nous sommes invités quelques jours par un ami d'H. dans sa maisonnette près de la mer, dans un lotissement de neuf cents maisons construits dans les années 70. C'est joli tout plein.



Deux pièces, une devant, le salon, une derrière, la chambre. Au milieu le coin cuisine, salle de bain. Une mezzanine pour liliputiens, un mètre vingt au plus haut.
Pizza dans le patio.
Pas de moustique.
J'évoque le mémorial vu cet après-midi. A ma grande surprise, notre hôte se révèle un fervent Vendéen, défenseur de l'œuvre de Villiers («pas de ses idées, mais il a fait des choses fantastiques pour la Vendée. Il n'est pas Vendéen, c'est sa femme. Par exemple, il voulait que le TGV aille aux Sables, pendant des années il a fait atteler une loco au frais du Conseil général, jusqu'à ce que la SNCF amène le TGV aux Sables. Et le Puy-du-Fou, il râfle tous les prix internationaux, même aux Etats-Unis. J'y vais tous les ans,…» (etc, etc)).
Je ne m'attendais pas à un tel chauvinisme.
Je trouve cela sympathique, mille fois plus que ma copine briochine qui passe son temps à médire de sa ville.

Nuit. Nous devons dormir sur la mezzanine, juste sous les tuiles chauffées à 38° toute la journée. H. craque et va dormir à la belle étoile sur une chaise longue du patio.

Anniversaire

Nous fêtons l'anniversaire de mon père mais nous ne faisons plus de photos (nous le regretterons. Je ne sais pas pourquoi ils refusent (ou oublient) désormais de faire des photos).
Ma tante D. et ma fille A. arrivent dans la matinée. L'ambiance devient plus électrique car elles sont très bavardes, avec comme conséquence que ma sœur se ferme. (Dommage. Nous nous parlons si peu que je suis avide des détails sur sa vie.)

Toujours ce moment de gêne au moment où nous nous souvenons qu'il ne faut pas nous toucher alors que nous ne nous sommes pas vus depuis des mois. C'est étrange.

Matinée à bloguer sur la terrasse. H. aide ma tante à résoudre un problème de connexion: comme elle utilisait la touche capslock au lieu de la touche majuscule, elle avait transformé sans le savoir un chiffre en caractère spécial; donc quand elle indiquait son mot de passe au technicien informatique censé l'aider, celui-ci n'arrivait pas à se connecter.
Problème solved, mais je me demande comment elle aurait pu s'en rendre compte sans qu'on la voit, physiquement, taper son mot de passe.

On écoute A. bavarder avec quelque chose de l'ordre du désespoir devant ses longs tunnels de conversation: impossible de le lui dire, impossible de lui expliquer qu'il faut laisser de la place aux autres, elle a toujours l'impression d'être brimée, qu'on lui coupe la parole, qu'on l'empêche de parler.
Il faudrait enregistrer la conversation. Se rendrait-elle compte?

A part, je lui pose quelques questions. Son lapin le plus âgé (lapine) est mort. Elle s'en veut. Elle a vu les symptômes mais n'a pas voulu déranger le véto le week-end.
Je sais qu'on ne peut rien contre le remords, que lui dire que la lapine était âgée et arrivait en fin de vie ne sert à rien. Je suis désolée.

Il fait chaud

Nous sommes partis vers 15 heures. Journée noire de départ en vacances, c'est idiot, comment nous sommes-nous débrouillés? Recherche des routes en forêt, Milly, Malesherbes, vallée de l'Essonne, 38°, rien à faire il faut traverser la Beauce. Arrêt à Jargeau, ville très agréable, commerçante à l'ancienne, c'est-à-dire avec tout en centre ville.

Ma sœur et ma filleule. Ma filleule me montre les basketts que je lui ai offertes pour ses vingt ans (ô le temps de la montre ou du stylo-plume), ma sœur m'a apporté mon cadeau de Noël: un parapluie samouraï. Il est magnifique. J'espère faire flipper les agents de sécurité du RER et des grands magasins.

Apéro. Apparemment le virus a simplifié l'année de prise de fonction de ma sœur en tant que proviseur adjoint: elle n'a pas eu d'examens à organiser (une dizaine car elle est en lycée pro).
Moi : — Et le bac en contrôle continu… Jamais je l'aurais eu comme ça.
Ma sœur : — Il y en a plein. Il y en a plein qui ne fichent rien et comptent sur les épreuves finales.
Ma mère : — Le contrôle continu, ça permet de descendre les élèves qu'on n'aime pas.
Ma sœur, d'un ton égal : — Ça n'est pas professionnel.

Nous dormons à l'hôtel, afin de faciliter la gestion des chambres et ne pas avoir trop chaud (éviter le Charybde et Scylla du «Il fait trop chaud. Ouvre la fenêtre. Y a des moustiques.»)

Les impôts

— Ah tiens, j'en ai profité pour aller payer les 55 euros d'impôts qu'ils me réclamaient. Tu sais, le truc que je ne peux pas régler moi-même par virement sans faire sauter tous les abonnements qui permettent à mon comptable de payer à ma place? Il y avait noté « Paiement par virement ou par carte bleue ». Et tu sais quoi?
— ??
— Ils n'ont pas de lecteur de carte bleue !
— Lool ! Fais un chèque, on le postera en partant.
— Surtout pas ! J'ai posé la question, le mec m'a dit qu'il ne fallait surtout pas faire ça. La perception est autant destinée aux particuliers qu'aux entreprises, les chèques sont tous encaissés sur le compte "particuliers", ceux qu'ils ne savent pas affecter — donc ceux des entreprises — sont mis en compte d'attente et toi, tu continues à recevoir des relances.

Impressions

Au sens propre : j'ai passé la journée au bureau à Nanterre à imprimer des documents, pour les assurés, l'ACPR, le commissaire aux comptes.
Canicule.
J'ai lancé sur mon téléphone la saison 2 d'Hindafing. Les situations sont à la limite de trop exagérer pour ne pas lasser, mais c'est parfois si stupide que ça fait rire, et le héros est attachant. Comme c'est en français (Arte oblige), je suis tout cela d'un œil, ce n'est pas le genre de séries qui demande beaucoup de concentration.

Journée bien remplie

Un saut à Moret dans l'après-midi pour faire signer un avenant à la promesse de vente. Dans notre grand optimisme nous avions prévu de passer devant le notaire le 4 août pour verser 7% du prix: je ne serai tranquille qu'une fois que nous aurons donné de l'argent pour officialiser nos engagements réciproques. Las, il faut que les diagnostics (thermique, inondation, Carrez,… il y en a dix) soient à jour or ceux du vendeur datent de 2008: la signature est donc repoussée à septembre et nous, procéduriers peut-être mais surtout échaudés, nous venons faire signer un avenant officialisant le déplacement de la date. «Courant septembre» est la formulation souple retenue.

Je revois le loft avec plaisir, tout est une question d’équilibre entre se projeter et ne pas faire preuve d’ubris… La dernière fois, il me plaisait tant que j’avais fait attention à ne pas trop regarder, ne pas trop m’attacher, car je ne savais pas ce qu’en pensait H, aujourd’hui je regarde les détails en essayant d’imaginer nos meubles. Jamais toutes nos affaires ne tiendront, c’est une évidence. Trier, donner, jeter. Je songe au vieux monsieur de Là-haut («Monsieur Fredericksen»): c'est la condition pour un nouveau départ.
Le dernier étage qui sera mon fief est magnifique, lumineux, c’est une merveille.

Le propriétaire nous a également proposé de nous vendre des meubles. Nous faisons la liste de ce qui nous plaît, il va faire une évaluation — mais il parle de meubles signés, je suis persuadée que cela sera trop cher pour nous.

Retour. Forêt de Fontainebleau, écurie. Pour la première fois je me dis que j'ai envie de remonter à cheval.
Supermarché : c’est la première fois que H. y remet les pieds depuis le confinement et retour à la maison. Il fait très chaud.

Tard dans la nuit je boucle le dossier ACPR qui aurait dû être rendu le 30 juin. Je n’avais pas connaissance de cette date dérogatoire (normalement c’est le 30 avril), mais depuis que mon boss est parti en vacances l’année dernière pendant mon opération du pied sans respecter aucune des échéances (je lui avais tout préparé, il n’avait plus qu’à envoyer — sa prédécesseur serait morte sur place plutôt qu’agir ainsi), je n’ai plus de scrupule. A quoi bon être plus consciencieux que sa hiérarchie?

Je découvre ahurie des photos de l'explosion au Liban.

La constellation des livres

Une amie a posté cet article sur FB: L’intérêt de posséder plus de livres que vous ne pouvez en lire.

L'article a l'air de supposer que tous les livres contiennent de la connaissance. C'est tout à fait faux. Il y en a quand même beaucoup qui sont des non-livres qui ne devraient même pas exister.

Sinon, posséder plus de livres que je ne peux en lire ne me fait pas culpabiliser : la présence de livres m'apaise. Je les vois, je vais mieux.

Qui ici se souvient des étoiles quand on les voyait encore? Le jeu consistait à regarder entre deux étoiles jusqu'à l'oeil en discerne une nouvelle et de recommencer, et toujours une nouvelle étoile apparaissait et la nuit se creusait et plus on trouvait d'étoiles plus le noir s'approfondissait, c'était vertigineux et c'était bien.

Les bibliothèques me font le même effet. Que je passe devant, je sens la présence d'un monde sous chaque couverture, monde de la diégèse mais aussi monde de l'auteur qui s'est assis à sa table pour écrire, et sur l'étagère une multitude de mondes repose, et d'étagère en étagère ils se multiplient.
Je contemple des galaxies.
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