Après études et concertations l'année dernière à St-Rémy, nous étions parvenus à la conclusion que le meilleur moment pour partir ensemble en vacances était juin: après l'envoi du matériel de vote aux électeurs de la mutuelle, avant l'AG, et du côté de H., ça correspondait pas tout à fait à un creux d'activité (après les ponts de mai) mais presque. C'était une période moins chaude que l'été, moins encombrée, moins chère. Septembre aurait sans doute été mieux du point de vue de la température de la mer, mais c'est un mois ou l'activité reprend à plein (considérons qu'en France nous travaillons de septembre à avril), impossible de s'absenter à ce moment-là.
J'ai donc systématiquement refusé tout engagement pour juin (aviron, concert, invitation) et attendu que H. m'indique quand poser une semaine de vacances.
Il a fait des réservations la semaine dernière alors que je commençais à ne plus y croire. Nous partons en Toscane, il a loué un gîte et une voiture.

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Arrivée à Pise. Recherche des comptoirs de voiture de location: ils sont à cinq cents mètres, une navette tourne sans arrêt pour y emmener les touristes.
Beaucoup de monde. Nous regardons avec effarement. «It's chaos» murmure avec fatalisme un Américain accompagné de sa femme et de jumeaux de deux ou trois ans très sages qui croise mon regard.

Guichet Avis. H. a réservé une Giulietta mais nous tentons notre chance (en anglais plus ou moins maîtrisé: H. fait tout en anglais, je mets ma fierté de Latine à vouloir comprendre l'italien et supposer qu'ils comprendront le français):
— Vous n'auriez pas un cabriolet ?
L'Italienne à la peau fatiguée par le soleil (genre Valeria Bruni-Tedeschi plutôt que Claudia Cardinale) nous regarde, semble peser le pour et le contre: «Attendez une minute» et disparaît discuter dans les bureaux.
Elle revient, demande: «Vous avez beaucoup de bagages?» Nous lui montrons notre valise rouge, le cartable d'H., mon sac à main (à l'épaule).
— J'ai un spider. Une fiat spider 124.
Il était réservé, mais le client n'est ni venu la prendre ni n'a décommandé, d'où son hésitation.

Spider rouge, magnifique, taché de sable (la pluie). Neuf (4000 km).
Nous comprenons pourquoi elle a posé la question des bagages: la valise s'encastre exactement dans le coffre, nous ne glissons les deux sacs supplémentaires qu'en tassant.

Je prends le volant. Il faut me réhabituer à une boîte manuelle. Les Italiens conduisent plus lentement que dans mon souvenir: nord de l'Italie ou multiplication des radars (fixes et signalés légalement par Waze)? H. m'assure que l'Italie a un nombre de morts sur la route inférieur à la France, il faudra que je vérifie.

Gîte sur le haut d'une colline à Gambassi Terme dans une ferme qui produit de l'huile et du chianti. Deux pièces emménagées sans doute dans une dépendance de la ferme, très propres, sobres, au dos des pièces habitées par la propriétaire. Des moustiquaires aux fenêtres, des poules en contrebas, beaucoup d'oiseaux, des pins.
Wifi en panne, H. grince des dents, mais il capte la 4G: ça ira.
Comme souvent, la piscine est davantage pensée pour le bain de soleil que la baignade.
Comme il y a trois ou quatre ans à Venise, ce gîte est entièrement dépourvu de toute nourriture (c'est agaçant: pas même du sel ou du poivre. Est-ce une tradition italienne? En France, il y a toujours un "fond", parfois comique dans ses choix, de farine, condiments, pâtes.

Nous allons donc au restaurant ce premier soir. Prosecco et poisson. La vue s'étend jusqu'à la plaine, magnifique. Le soir tombe, la nuit est d'un bleu profond. Parfois une clameur monte assourdie de la ville lointaine, je suppose le stade de foot local, nous apprendrons demain que c'était le match Juventus de Turin - Real Madrid. Il s'agissait les cris devant la télé…

(Pour l'histoire : à la suite d'une mauvaise blague (fausse alerte à l'attentat), il y aura une bousculade et des blessés. C'est Madrid qui a gagné.).