Les mardis sont le pire jour de la semaine. Dans un sens, il est assez instructif d'essayer de comprendre comment le "pilotage d'un projet" a réussi à si parfaitement démotiver un groupe de personnes de bonne volonté, entreprenant et joyeux.

Si seulement on ne me posait pas de question, si seulement on me laissait traverser les réunions hebdomadaires en silence. C'est terrible ces gens qui veulent absolument votre avis, puis se mettent en colère s'il ne va pas dans leur sens. Que souhaitent-ils, une approbation formelle? Je ne sais pas faire cela, le saurais-je que je ne le ferais pas. Question d'honnêteté vis-à-vis de moi-même. «Romantisme!», comme disait X plus ou moins en forme d'insulte.

Pour le reste la situation est curieuse: mon entreprise est en vente, le groupe qui la possède ne donne aucun renseignement à la direction générale, mon patron, qui en fait partie, est vexé comme un pou et (de ce fait?) fait un déni de la vente («SI l'on est vendu, répond-il à mes objections dans le cadre du projet. Mais si on ne l'est pas?»), on apprend par la presse la ''short-list'' des repreneurs éventuels, puis quelques jours plus tard la proposition du management d'une solution indépendante (comprendre: un montage financier avec quelques grosses sociétés de réassurance qui éviterait de faire disparaître notre enseigne du marché).

Ce matin au café je discutais avec un salarié embauché en 1981, un autre en 1983:
— Un jour on a vu arriver Attali à la cafeteria: «Je peux payer un café en liquide? — Ah non, il faut des tickets. — Et comment on achète des tickets? — Mmm, la vente, c'est le lundi.» Après il en faisait acheter par sa secrétaire, il venait de temps en temps. A l'époque, les directeurs faisaient le tour des bureaux le matin.
— Et l'on touchait chaque année une dotation pour une blouse… Aux archives, j'avais une blouse et deux paires d'espadrilles.

J'aime bien les entreprises. «Rien de ce qui est humain ne m'est étranger», ou plutôt tout ce qui est humain m'intéresse.