La faune et la flore

Je fais le ménage le moins souvent possible et je n'ai pas le temps de m'occuper du jardin (ce que je regrette davantage que le ménage, les plantes étant les êtres les moins ingrats que je connaisse).

Lorsque je veux m'occuper du jardin, je suis assez rapidement désarmée par la pugnacité des mauvaises herbes : je n'y peux rien, elles me font rire et me remplissent d'admiration. Quand la même plante, déracinée à deux ou trois reprises, repousse à un quatrième endroit, faisant même un coude pour aller chercher le soleil, j'ai envie de rire, et je ne me sens pas la force de lui refuser son bout de ciel si chèrement conquis.
Au fond de moi, l'obstination des plantes me rassure : quelle que soit la malfaisance humaine, elles sont là, poussent dans les gouttières, prennent racine dans les failles, font éclater le ciment, le goudron… Allons, tout n'est pas perdu. Mais je fais un bien piètre jardinier, surtout si l'on songe qu'une chenille poilue obtient toute mon indulgence, pour peu qu'elle soit suffisamment bizarre. Je ne peux pas la détruire, même si elle mange les rosiers : Dieu sait quel papillon en sortira.

En temps normal, l'agitation d'une maisonnée suffit à cantonner les araignées et les insectes dans les failles insoupçonnées de la maison, sans compter que de jeunes chats sont d'efficaces insectivores.
Mais après une semaine d'inoccupation, la maison devient le royaume des araignées. C'est fascinant. Les faucheux (ou la même famille, ces araignées toutes en pattes) tendent des fils poisseux au ras des plafonds et dans les angles lumineux. Quand les œufs éclosent, les centaines de petites araignées prises dans le nuage de toile ressemblent aux nébuleuses célestes (j'ai voulu les prendre en photo avant de les aspirer, mais H. a trouvé profondément choquant que je veuille photographier mes futures victimes; j'ai eu l'impression d'avoir bafoué la convention de Genève).
Il y a les grosses araignées noires, que j'appelle «araignées d'églises», parce qu?elles me paraissent avoir une prédilection pour les endroits sombres et anciens. À une époque, il y en avait une qui sortait chaque soir à l'endroit où je rangeais mes bottes. Je la tolérais, observant avec curiosité ses habitudes, jusqu'à ce qu'une seconde apparaisse : j'ai alors imaginé des grappes d'œufs, des dizaines d'araignées noires, et j'ai massacré tous les spécimens à ma portée. (Chaque fois que je tue un insecte ou une araignée, je me demande si c'est un mâle ou une femelle.)
Je ne fais pas de chasse systématique aux araignées, surtout l'été : elles protègent des moustiques. Un jour, j'en ai vu une piquer et emmailloter un insecte à l'allure de poisson-chat argenté, d'un centimètre environ : je déteste cette bestiole, tout animal m'en débarrassant est un allié naturel.
Mais les araignées les plus merveilleuses sont celles qui vivent dehors. Nous avons une espèce, grosse comme une pièce de un centime, cuivrée tigrée, qui tisse de magnifiques toiles entre des points incroyablement éloignés, trois à quatre mètres parfois (comment est-ce possible?). L'une d'entre elles est entrée par hasard dans la cuisine (elles n'essaient d'entrer qu'à l'automne en temps normal) et a tissé une toile entre l'évier et une chaise pendant la nuit. H. ne l'a pas vue et est passé à travers juste avant son départ.
Sans cela, je n'aurais pas eu le courage de détruire un si bel ouvrage. J'aurais laissé mon araignée tranquille toute une semaine. Là encore, je suis sans défense devant tant d'adresse et d'obstination.

Punk is not ded

À midi, au cinéma rue Pasquier.

J’ai enfin vu Persépolis. À lire les critiques ça et là sur différents blogs, je savais que c’était un bon film, je ne pensais pas le trouver si drôle et si émouvant. Je n’imaginais pas dire un jour de la musique d’Iron Maiden qu'elle constitue un fond sonore approprié à certaines images.

Commençons par le plus rébarbatif : à travers un récit familiale, c’est un cours d’histoire, très simple, l’histoire telle qu’on la vit et non telle qu’on la comprend des années plus tard, de loin, expliquant d’une phrase le rôle déstabilisateur de la Grande-Bretagne après la seconde guerre mondiale, et plus tard celui de la CIA, luttant à tous prix, y compris le sort des populations locales, contre l’influence communiste. Il montre l’oppression au jour le jour, quand l’acte le plus simple aussi bien que les convictions les plus affirmées peuvent conduire à la prison, à la torture et à la mort.

Le dessin est beau, plein d’inventions, sachant prendre des accents orientaux pour raconter l’avènement du père du shah, faussement naïf et simpliste quand il schématise la ligne des voitures ou des immeubles la nuit, tendre quand il souligne le flottement des foulards dans le vent, pudique mais explicite quand il montre ou suggère la mort, ironique dans ses détails. Dieu a de beaux yeux et une belle barbe mais il est dépassé par la situation (il paraît d’ailleurs un peu las lors de sa dernière apparition).

Les dialogues sont drôles, à l’image de ce qui a fait le renom de Marjane Satrapi, toute déclaration un peu solennelle ou utopique étant suivie d’un contrepoint réaliste qui fait rire, ou plus tard, Marjane grandissant, pleurer, par sa justesse et son décalage : la réalité n’est pas une idée, c’est la réalité.
La vacuité des adolescents nihilistes/anarchistes viennois est égratignée, sans appuyer, mais aussi l’inconscience de Marjane capable d’accuser un passant pour se débarrasser de la police. Le rôle des pays occidentaux est dénoncé en passant, sans insister, comme un fait, et non comme un sujet de débats ou de propagande.
C’est un film qui montre sans démontrer, un récit qui rend hommage à un pays et une grand-mère disparue. C’est avant tout une histoire familiale racontée de façon tonique, un témoignage qui vise le particulier, et l’accuser de ne pas être assez politique (je crois que certains l’ont fait), c’est sans doute le juger sur un critère non pertinent ici.


Et je me rappelle mon amie de lycée aînée de quatre filles, dont le père psychiatre avait fuit le régime iranien, qui me racontait comment sa mère, devant produire une photo d’identité où ses cheveux n’apparaîtraient pas et n’ayant rien d’autre sous la main, s’était fait photographier une bombe d’équitation sur la tête.

Devinette

A quoi reconnaît-on une chauve-souris qui fait du yoga?

La cage dorée

[...]
Des scènes violentes ou à caractère sexuel, des échanges d'insultes et des rumeurs de viol ont ému une partie de l'opinion et des dirigeants politiques. Une bagarre entre les locataires de ce nouveau "Loft" a même dégénéré, la semaine dernière, lorsqu'une partie d'entre eux a voulu déshabiller une jeune femme avant de la jeter dans un étang. Des téléspectateurs ont composé le numéro de la police pour réclamer son intervention.
[...]
C'est en octobre 2006 que les dix candidats, jeunes et peu fortunés pour la plupart, ont été installés dans une luxueuse villa avec jardin et piscine dans le nord des Pays-Bas. Enfermés en permanence, ils n'ont que des contacts très réduits avec le monde extérieur. Le groupe a à sa disposition une somme de 6 millions d'euros. Chaque mois, les participants peuvent voter pour expulser l'un d'entre eux. Deux locataires sont partis après des incidents, un autre s'en est allé volontairement. Le dernier occupant des lieux gagnera la villa. Quelque 500 000 personnes regardent chaque jour "La Cage dorée" et 100 000 autres se connectent sur Internet pour suivre sa version intégrale, ce qui assure à l'émission de rester à l'antenne au moins jusqu'en 2008.
Le 17 juillet, le public a pu découvrir comment l'un des participants, Jaap, dit "la terreur", était utilisé par la production pour rendre l'émission "plus spectaculaire". En pleurant, ce colosse de 24 ans affirmait participer à "un complot". La direction de Talpa se défend toutefois d'entretenir l'agitation dans la villa. Elle admet seulement organiser, "de temps en temps, une fête ou un événement du même genre" pour éviter les images de gens "allongés huit heures par jour sur un matelas et sirotant des cocktails".
[...]
Le Monde, édition du 28 juillet 2007

Tout cela me rappelle étrangement On n'achève bien les chevaux: même récompense à la durée, même tricherie des organisateurs pour créer de l'événement, même désespoir des participants qui souhaitent tenir à tout prix.
Seule la cruauté est peut-être plus grande, car c'est de la résistance psychologique pure qui est exigée des candidats, et non de la résistance physique, avec tout ce que cela peut entraîner de dérives violentes. Gagnera celui qui tiendra le plus longtemps, mais aussi celui qui réussira à effrayer tous les autres, absous d'avance par les caméras complices.
Honte sur nous.

Poésie potagère

Au Journal officiel de ce jour, texte 18 :

Art. 3. - Est prolongée, pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2007, l'inscription au Catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France dont les semences peuvent être soit certifiées en tant que « semences de base » ou « semences certifiées », soit contrôlées en tant que « semences standards » (rubrique a), des variétés de plantes potagères désignées ci-après :
Ail : Clédor, Corail, Cristo (et son [ses] synonyme[s] Cristop), Gayant (et son [ses] synonyme[s] Artop), Jolimont, Moulinor, Primor, Vigor Max.
Aubergine : Ronde de Valence.
Aubergine déclarée hybride : Marfa, Mistral.
Betterave potagère/betterave rouge : Crapaudine.
Carotte : Suprême, Touchon.
Carotte déclarée hybride : Nandor, Presto, Primo, Tancar, Vigor.
Chicorée frisée : Frisela, Glory, Grosse pommant seule.
Chicorée scarole : Blonde à coeur plein (et son [ses] synonyme[s] Dorée à coeur plein), Prada, Ronde verte à coeur plein, Vicor.
Chou cabus déclaré hybride : Altess, Brigadier, Guardian, Judge, Picador.
Chou de Milan déclaré hybride : Capriccio, Norma.
Chou rouge déclaré hybride : Fuego, Redsky.
Chou-fleur déclaré hybride : Escale, Jeff, Nominoé, Sérac, Taroke.
Concombre : Le Généreux, Marketer.
Cornichon : De Bourbonne (et son [ses] synonyme[s] Amélioré de Bourbonne), Fin de Meaux, Vert petit de Paris (et son [ses] synonyme[s] National).
Concombre déclaré hybride : Darina, Edona, Gynial.
Courgette déclarée hybride : Amalthee, Jédida, Sofia.
Fenouil déclaré hybride : Amigo.
Fraisier : Darsival, La Chapelaine, Milsei, Mount Everest, Sans rivale, Surprise des halles.
Haricot à rames : Bannerol, Haricot maïs.
Haricot nain : Aquilon, Blondor, Booster, Braimar, Calisto, Calypso, Coco blanc Gautier, Coco nain blanc précoce (et son [ses] synonyme[s] Coco de Carpentras), Coquette, de Rocquencourt, Duel, Fruidor, Impact, Liverte, Marfil, Michelet à longue cosse, Primel, Royalnel, Totem.
Laitue : Amelia, Bacares, Ballon, Bérénice, Blonde de Paris (et son [ses] synonyme[s] Batavia blonde de Paris), Blonde maraîchère, Brunia, Cardinale, de Verrières (et son [ses] synonyme[s] d'hiver de Verrières), Dorée de printemps, Féria, Gloire du Dauphiné, Gotte jaune d'or (et son [ses] synonyme[s] Gotte dorée), Grosse blonde paresseuse, Hussarde, Kinemontepas, Kristine, Krizabri, Kublaï, Lores, Madrilène, Nadine, Sucrine, Têtue de Nîmes (et son [ses] synonyme[s] Cadières), Trocadéro (et son [ses] synonyme[s] Trocadéro à graine noire, La Préférée), Val d'orge, Verpia, Verte maraîchère, Vista.
Lentille : Anicia.
Mâche : Coquille de Louviers, D'Italie à feuille de laitue, Ronde maraîchère, Verte de Cambrai.
Melon déclaré hybride : Amigo, Baggio, Brennus, Calipso, Capitol, Europer, Fiesta, Hélios, Jalisco, Jérac, Laser, Lunaduke, Luxo, Milky Road, Troubadour.
Melon d'eau, pastèque déclarée hybride : Fabiola.
Navet : Blanc dur d'hiver, de Croissy (et son [ses] synonyme[s] demi-long de Croissy, Précoce de Croissy), Jaune boule d'or, Marteau (et son [ses] synonyme[s] des Vertus marteau).
Oignon : Elody, Printanier parisien.
Piment, poivron : Doux italien, Piquant d'Algérie.
Piment, poivron déclaré hybride : Buster, Campor, Denver, Forti, Livor, Madison, Nour, Ori, Predi, Siénor.
Poireau : Atal, Azur, Castor, d'hiver de Saint-Victor, Flipper, Révil.
Pois : Abador, Arkel, Auréole, Bamby, Cabree, Caribou, Carouby de Maussane, Cobalt, Douce Provence, Etna, Primdor, Télévision, Tézierprime.
Radis de tous les mois : Bamba, Java, Novo.
Radis de tous les mois déclaré hybride : Aviso, Clipo.
Tomate : Cannery Row, Caraïbo, Carlin, Fline, Marmande VR, Raf, Roma VF, Saint-Pierre.
Tomate déclarée hybride : Camélia, Catherine, Daïquiri, Fandango, Opéra, Ovata, Pétula, Rougella.

Art. 4. - Est prolongée, pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2007, l'inscription au Catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France dont les semences peuvent être contrôlées en tant que « semences standards » (rubrique b), des variétés de plantes potagères désignées ci-après :
Aubergine : De Barbentane (et son [ses] synonyme[s] Violette de Barbentane), De Toulouse (et son [ses] synonyme[s] Violette de Toulouse).
Carotte, type fourragère : Blanche à collet vert hors terre, Jaune du Doubs (et son [ses] synonyme[s] Jaune obtuse du Doubs).
Carotte : De Luc (et son [ses] synonyme[s] Demi-longue de Luc), de Meaux (et son [ses] synonyme[s] Longue lisse de Meaux).
Chicorée frisée : de Louviers (et son [ses] synonyme[s] Fine de Louviers), de Meaux, de Ruffec, d'été à coeur jaune (et son [ses] synonyme[s] de Saint-Laurent), d'hiver de Provence (et son [ses] synonyme[s] d'hiver de Saragna), Grosse pancalière, Wallonne.
Chicorée scarole : Cornet d'Anjou, Cornet de Bordeaux, Géante maraîchère.
Chou cabus : Cœur de bœuf des Vertus (et son [ses] synonyme[s] Cœur de bœuf moyen de la Halle), Nantais hâtif (et son [ses] synonyme[s] Nantais Colas), Pointu de Châteaurenard, Précoce de Louviers (et son [ses] synonyme[s] Très hâtif de Louviers), Quintal d'Alsace (et son [ses] synonyme[s] Quintal de Strasbourg).
Chou de Milan : d'Aubervilliers (et son [ses] synonyme[s] Hâtif d'Aubervilliers).
Chou rouge : Rouge gros.
Haricot à rames : Coco blanc à rames (et son [ses] synonyme[s] Coco gros Sophie), Michelet à rames, Or du Rhin (et son [ses] synonyme[s] Merveille de Venise), Soissons gros blanc à rames.
Haricot nain : Coco nain rose d'Eyragues, Contender, Fin de Bagnols (et son [ses] synonyme[s] Bagnolais), Lingot (et son [ses] synonyme[s] Suisse blanc), Saint-Esprit à oeil rouge, Saxa, Soissons nain à gros pied, Triomphe de Farcy.
Laitue : A couper feuille de chêne blonde à graine noire, Blonde de Doulon (et son [ses] synonyme[s] Patience), Blonde du Cazard (et son [ses] synonyme[s] Reine de juillet, Wunder von stuttgart, Henri Monville), Brune d'hiver (et son [ses] synonyme[s] Passion brune, Passion rosée), Craquerelle du Midi (et son [ses] synonyme[s] Craquante d'Avignon), de Pierre-Bénite, du Bon jardinier (et son [ses] synonyme[s] Rhénania), Frisée de Beauregard (et son [ses] synonyme[s] Reine des glaces), Grosse blonde d'hiver (et son [ses] synonyme[s] Bourguignonne), Merveille des quatre saisons (et son [ses] synonyme[s] Besson), Merveille d'hiver (et son [ses] synonyme[s] Mai Wunder), Passion blonde à graine blanche (et son [ses] synonyme[s] de Trémont), Reine de mai de pleine terre, Rouge grenobloise, Rougette de Montpellier (et son [ses] synonyme[s] Rougette du Midi à graine noir).
Mâche : A grosse graine.
Navet : A forcer nantais, d'Auvergne hâtive (et son [ses] synonyme[s] Rave d'Auvergne hâtive), d'Auvergne tardive (et son [ses] synonyme[s] Rave d'Auvergne tardive à collet rouge), de Milan à forcer à collet rose (et son [ses] synonyme[s] de Milan rouge extra-hâtif à chassis), de Montesson (et son [ses] synonyme[s] demi-long de Cambrai, de Peronne), de Nancy à feuille entière, Long du Palatinat (et son [ses] synonyme[s] Rosé de Verdun), Noir long de Calluire, Noir long, Rave du Limousin.
Oignon : de Barletta (et son [ses] synonyme[s] Extra-hâtif de Barletta), de la Reine (et son [ses] synonyme[s] Très hâtif de la Reine), de Malakoff (et son [ses] synonyme[s] Extra-hâtif de Malakoff), de Moissac (et son [ses] synonyme[s] de Saint-Michel), de Mulhouse type Auxone, de Paris (et son [ses] synonyme[s] hâtif de Paris), de Vaugirard (et son [ses] synonyme[s] Très Hâtif de Vaugirard), Espagnol (et son [ses] synonyme[s] Valencia), Extra-hâtif parisien, Gros (et son [ses] synonyme[s] Blanc de Lisbonne), Paille des Vertus, Premier, Valenciana temprana (et son [ses] synonyme[s] de Valence hâtif).
Persil : A grosse racine gros hâtif, Frisé vert foncé.
Piment, poivron : de Cayenne, doux d'Espagne, Marconi.
Poireau : Bleu de Solaise, de Liège, Géant précoce, Jaune gros du Poitou.
Pois ridé : Lincoln (et son [ses] synonyme[s] Prodige), Merveille de Kelvedon, Onward, Téléphone à rames, Téléphone nain (et son [ses] synonyme[s] Daisy).
Pois lisse/pois rond : Caractacus, Express à longue cosse (et son [ses] synonyme[s] Le Généreux, Bountiful),
Nain très hâtif (et son [ses] synonyme[s] d'Annonay), Petit provençal, Plein le panier (et son [ses] synonyme[s] Fillbasket), Roi des conserves, Serpette Guilloteaux (et son [ses] synonyme[s] Merveille d'Etampes), Serpette nain cent pour un
Pois mange-tout : Géant à fleur violette
Radis de tous les mois : A forcer rond écarlate (et son [ses] synonyme[s] Rond écarlate hâtif), Cerise, Rond écarlate, Rond rose à très grand bout blanc (et son [ses] synonyme[s] de Sézanne).
Radis rave : Blanche transparente (et son [ses] synonyme[s] A forcer blanche transparente), Noir gros long d'hiver de Paris (et son [ses] synonyme[s] Noir gros long d'hiver), Noir gros rond d'hiver, Noir long maraîcher (et son [ses] synonyme[s] Noir long poids d'horloge), Ovale blanc de Munich, Rose d'hiver de Chine, Violet de Gournay.
Tomate : Cerise.

Cavafy (le film)

Mardi midi.
Le programme du cinéma Accatonne sera valable jusqu'au 21 août. J'ai l'impression d'une liste sortie tout droit du Journal de Travers: Oscar Wilde, Goya, Absolute Wilson, La vierge des tueurs, Pier Paolo Pasolini (dont Salo ou les 120 jours de Sodome), Le cri et La Notte.

En entrant dans la salle, je ressens la même impression que la semaine dernière en allant voir Wittgenstein: il n'y a qu'une poignée de spectateurs, ce qui me ramène au premier film que j'ai vu ainsi à Paris, en 1985. J'étais allée voir Les Fraises sauvages dans le grand cinéma de la place Saint-Sulpice (aujourd'hui disparu), il était 14 heures en semaine, j'étais seule et persuadée que pour cette raison la séance allait être annulée.
Chaque fois que j'entre dans un cinéma presque vide, je ressens le même soulagement et la même gratitude: la séance aura quand même lieu.

Le film commence par la lecture d'un poème de Cavafy (Londres, 1950) puis il s'enracine dans la journée du 29 avril 1933. Cavafy est à l'hôpital, il mourra ce jour-là, à la fin du film.
Les images sont belles, le dialogue rare. Des ruines, des jeunes hommes, turcs ou arabes, leur regard, leur peau nue luisante de sueur, des costumes que j'associe aux colonies anglaises, clairs, élégants, on dirait un film sur mesure pour camusiens, à cela près qu'il traîne en longueur, que la musique est beaucoup trop présente, et qu'au bout de vingt minutes, on s'ennuie.
Ma plus grande déception vient sans doute de ce que les poèmes lus ne sont pas ceux que j'aurais choisis.
Il s'agit d'un film nostalgique montrant la fin d'un monde, un de ces films à la Gone with the wind comme Le jardin des Finzi-Contini, Guerre et paix, Out of Africa,... Les couleurs sont chaudes et dorées, elles pourraient être sépia.

Un film à voir une fois, sans doute, pour mémoriser facilement quelques dates et une chronologie:
- 29 avril 1863 : naissance à Alexandrie ;
- les Arabes attaquent les magasins, la famille fuit ;
- 1882 : Constantinople (la mer au soleil couchant);
- retour à Alexandrie, la famille est ruinée, Cavafy est embauché dans l'administration de régulation des eaux du Nil, il y travaillera trente-trois ans ;
- 1901 : premier voyage en Grèce (les ruines ocres et blanches) ;
- 1903 : second voyage en Grèce...

Maud Laforest, guitariste

Dimanche, 16 heures.
Nous abandonnons O. chez un ami et rejoignons Paris pour aller écouter Maud Laforest à la guitare à l’hôtel Soubise.
Durant le trajet, C., qui revient d’un stage de planeur, me fait cours sur les courants ascendants («Il y en a de trois sortes: les pentes, les pompes et les ondes. […] L’onde c’est la plus dangereuse. Tu vois les cercles quand on lance un caillou dans l’eau? Et bien c’est pareil, l’air fait des cercles qui se déplacent, quand on prend le bord ascendant d’un cercle, on monte très vite, mais dès qu’on arrive sur le rebord du cercle, on redescend aussi vite…»). Il regarde les nuages et commence une dissertation sur les cumulus à fond plat.
— À fond plat ?
— Mais oui, regarde, le bas de tous les nuages est à la même altitude.
Et je m’émerveille une fois encore de constater la variété des lectures du monde. Il suffit d’un stage de planeur pour que les moutons deviennent des ascenceurs.
— Tu sais, moi, tout ce que je sais du planeur me vient de Yoko Tsuno.
— Ce n’est pas si mal, mais elle n’aurait jamais pu utiliser les aérofreins en même temps que…
Je ne sais plus. Mes souvenirs de Yoko Tsuno ne sont pas assez précis. Il me fait rire. Une chose est sûre: s’il fait du planeur en région parisienne, j’en ferai aussi.
— C’était beau, l’endroit où tu étais ?
— Oui, surtout en planeur !
Suis-je bête. Evidemment, la Beauce aura moins de charme.

Je lui parle du Velib. En arrivant à Paris, il comprend le phénomène: il fait beau, il y a des vélos partout. Je gare la voiture dans un parking.

Nous arrivons devant l’hôtel Soubise. Devant les caisses, je m’aperçois que j’ai oublié mon portefeuille dans le panier des courses du marché.
Nous faisons demi-tour. C. est déçu, je me sens très bête. De plus, nous n’allons pas pouvoir reprendre la voiture au parking. En commençant à marcher vers Bastille, je fais le tour des possibilités: rentrer en RER à la maison tous les deux puis revenir seule chercher la voiture, rentrer à la maison tous les deux et reprendre la voiture demain en allant travailler («Mais ça va coûter une fortune!»)… Dans tous les cas il y en a pour au moins trois heures, le dimanche il n'y a que deux RER par heure, et il n'y a pas de bus.
— Tu veux m’attendre au café avec ton livre? Ce sera moins galère que le RER, je reviens te chercher dans trois heures et je paierai….
Trois heures… non, trop long, ce n’est pas viable.
— J’ai un chéquier, tu veux prendre une place et aller au concert pendant que je rentre à la maison chercher mon portefeuille?
—Tu as ton chéquier? Mais alors nous pouvons prendre deux places!
Je me laisse tenter mais ce n’est pas raisonnable. Je n’explique pas à C. le fond de ma pensée : le concert va décaler d’autant l'heure de notre retour, O. va s’inquiéter, ou avoir faim, ou pire, il ne rentrera pas, s'imposera chez son ami, que vont penser ses parents?
Tant pis. Au pire nous prendrons un taxi.
Nous achetons nos billets.

Tandis que nous traversons la cour, C. me murmure: «C’est l’hôtel de Guise, celui de Pardaillan».
Et la salle du concert, m’apprend-il, est l’ancienne salle des gardes où Pardaillan a défait (sic) quatorze gardes. Bizarre, il me semblait que c’était l’antichambre de la Princesse… (En fait, ce fut les deux, à des époques différentes). Je remarque des cartes postales en vente (on est dimanche, c’est fermé), il faudra que je revienne.

Un homme nous présente assez longuement l’histoire de l’hôtel, je ne me souviens pas que nous ayons eu droit à toutes ces explications lorsque je suis venue avec Zvezdo. Ou est-ce que nous étions dissipés au point de ne pas avoir entendues ? J’ai un peu honte rétrospectivement. Mais non, je ne crois pas.

Je vous livre des extraits du contenu du feuillet de présentation joint au programme du concert:

L'hôtel de Clisson, l’un des rares vestiges parisiens d'architecture civile du 13e siècle, devint à la Renaissance propriété de la famille de Guise. Dès cette époque, l’hôtel particulier de l'actuelle rue des Archives connut une brillante activité musicale, notamment lorsqu'en 1660 Marc-Antoine Charpentier s'y installa au service de Marie de Lorraine, dite Mademoiselle de Guise, cousine de Louis XIV et dernière descendante de l'illustre famille.
C'est dans ce cadre que furent conçues des pièces destinées à un ensemble de quinze musiciens et dont M-A. Charpentier participa à l'exécution en chantant comme haute-contre. Cantates et pastorales constituèrent l'essentiel de sa production pour la duchesse de Guise. De nombreux concerts furent organisés, dont un auquel le roi assista, émerveillé, au point de verser une pension au compositeur. A la mort de Mademoiselle de Guise en 1686, M.-A. Charpentier devint Maître de musique du collège Louis-le-Grand. Il fut ensuite nommé maître de musique des enfants de la Sainte-Chapelle, où il demeura jusqu'à sa mort le 24 février 1704.

En 1700, l'hôtel de Guise fut racheté par François de Rohan, prince de Soubise, et son épouse Anne Chabot de Rohan. Sur les conseils de leur fils cadet, prince-évêque de Strasbourg, ils confièrent en 1705 au jeune architecte Pierre-Alexis Delamair le soin de restructurer le bâtiment.

En 1732, à l'occasion de son remariage avec une jeune veuve de 19 ans, le deuxième prince de Soubise, Hercule-Mériadec, confia à l'architecte et décorateur Germain Boffrand le soin de redécorer entièrement l'intérieur du palais. François Boucher, Carle van Loo, Jean Restout et Charles Trémolières participèrent à l'œuvre d'embellissement.
En 1762, le maréchal de Soubise, dernier prince du nom, demanda à son ami le compositeur François-Joseph Gossec de créer le Concert des Amateurs qui devait rivaliser avec le Concert Spirituel, créé lui-même en 1712 en réaction à l'emprise musicale de Lulli, auquel revenait sans partage le privilège royal. Avec 70 à 80 musiciens, le Concert des Amateurs avait une dimension symphonique, fait exceptionnel pour l'époque.
Fr.-J. Gossec y fit jouer en création ses premières symphonies avant de partir diriger le Concert spirituel et de céder sa place à Joseph de Boulogne, dit Le Chevalier de Saint-George, exceptionnel violoniste qui était devenu le batteur de mesure du Concert des Amateurs, sous la direction du premier.
Sous la direction de Saint-George, le Concert des Amateurs devint la meilleure formation symphonique de France et sans doute d'Europe. La foule se pressait à l'hôtel de Soubise pour y entendre la formation dirigée par ce beau métis, professeur de musique personnel de la reine. Lui aussi y donna en création ses symphonies, opéras ou quatuors à cordes. Sa renommée était telle qu'il fut chargé de commander à J. Haydn ses six symphonies dites parisiennes. Mozart qui, résidant alors à Paris, cherchait en vain à se produire, prit ombrage de la renommée du fameux chevalier, franc-maçon comme lui, et, malgré les suggestions de son père Léopold, se refusa à le rencontrer.

Souvent dévolus à la musique, aux arts et plus largement à l'histoire, les différents hôtels qui se succédèrent sur Factuel quadrilatère du Centre historique des Archives nationales ont accueilli les créations de compositeurs qui leur étaient contemporains : M.-A. Charpentier, Fr.-J. Gossec, J. Haydn, Saint George. Aujourd'hui l'hôtel de Soubise renoue avec cette tradition : Jeunes Talents a fait créer ou interpréter des oeuvres du jeune compositeur Karol Beffa et de son maître Henri Dutilleux. Les concerts de la saison comme le Festival Européen confirment chaque année cette tradition: l'harmonie entre histoire et époque contemporaine.

Le présentateur nous fait ensuite remarquer que vendredi prochain seront jouées des pièces très rarement interprétées ou enregistrées : les versions pour 4 mains de Petrouchka et du Sacre du Printemps, transposées par Stravinsky lui-même.


Maud Laforest s’avance sur l’estrade, un sourire timide aux lèvres. Elle est grande, très mince, vêtue de noir. Comme elle porte un débardeur, son bras gauche est protégé sous le coude d’une large bande de tissu noir.
Elle se concentre avant de commencer, puis se perd dans la musique. Les fenêtres sont ouvertes, par moments le vent fait bouger les rideaux qui balaient le parquet dans un chuintement. Les notes de guitare rendent leur son très particulier. La main droite de Maud Laforest, étroite, longue, blanche, se dessine sur le manche, tous les tendons des doigts transparaissent, c’est un écorché, on suit le muscle de l’avant-bras. Elle paraît heureuse.
Mon morceau préféré sera un Capriccio diabolico op.85 (1935) de Mario Castuelnovo-Tedesco, un morceau vif, enlevé, malicieux. À ma grande surprise, il me semble reconnaître dans les dernières mesures le thème de Jeux interdits. C. soutient que j’ai rêvé.


Pendant la première partie du concert, je me tourmente : comment récupérer la voiture à moindre coût (temps et argent)? Le plus simple ne serait-il pas d’emprunter de l’argent à un ami parisien? Qui serait là un dimanche après-midi à Paris, à qui oserais-je demander de l’argent ? Rémi, bien sûr, mais il doit être en vacances, Olivier, Florence… J’ai même songé à Zvezdo.
Je somnole pendant Haendel, qui me paraît, cause ou conséquence, plutôt soporifique.
— Haendel a écrit pour la guitare ? demandai-je à C. à voix basse.
— Haendel a écrit pour tout, me répond-il en haussant les épaules.
Ah.

À l’entracte, prise d’une inspiration, je m’adresse tout simplement à la caisse : accepteraient-ils de me donner du liquide en échange d’un chèque ?
Oui.
Yeeess !!! J’obtiens quarante euros, nous avons même de quoi aller boire un diabolo menthe à L’ébouillanté derrière Saint-Gervais.

Au retour, C. joue avec le vent pendant que la voiture roule : main verticale, main horizontale, main oblique dans le vent relatif:
— Pop avait raison, comme ça, ça monte ! dit-il, ravi.

Un sourire attirant

Samedi 23h11, gare d’Austerlitz, le train arrive, je rejoins C., bronzé, heureux, ses vacances l’ont enchanté.

Nous remontons le quai côte à côte, un homme en pull bleu ciel arrive en face de nous, sourire resplendissant et bras largement ouverts, il me regarde, mais qui est-ce, je ne le connais pas, je fais un pas hésitant vers lui…
C’est alors que je me rends compte que son sourire s’adresse à quelqu’un derrière moi.
Je regarde C., il a eu la même impression que moi, nous éclatons de rire tous les deux.

Sur le coup, et encore maintenant, je ressens un étrange choc : j’ai réellement failli me jeter dans les bras d’un inconnu, simplement parce qu’il avait l’air si heureux de me voir.

Raisons d'Etat

Je réussis samedi matin à me lever plus tôt qu'en semaine avec pour objectif la séance de 9h10 aux Halles. Je laisse la voiture gare de Lyon, prend la rue Roland Barthes toujours aussi rêveuse (quelle douceur de savoir que cette rue n'est pas destinée aux voitures), tous les vélos sont au rouge, je vais à la station suivante (c'est facile, c'est ce que j'ai fait la veille), deux types de la maintenance sont perplexes devant la carte de la borne: visiblement ils ont pour mission de réparer une station de vélos, mais ils ne savent pas très bien laquelle, et ils ne savent pas lire une carte. J'essaie de leur indiquer comment aller rue Roland Barthes mais ça ne leur convient pas à cause des sens interdits, je leur fait remarquer qu'ils pourraient y aller à pied, cela semble les épouvanter.

Les Halles, une place pour rendre mon vélo presque en face de l'appartement de Zvezdo, le film, pas le temps de boire un café.

Raisons d'Etat est un beau film, un film long et lent, durant lequel on ne s'ennuie pas. Il couvre une durée de six à sept jours, du 19 au 26 avril 1961 (de mémoire, soit les jours qui suivent le débarquement de la Baie des Cochons : quelqu'un a trahi, qui est-ce?
C'est l'occasion de divers flash-back qui permettent de retracer la vie du héros Edward Wilson.
C'est un film mélancolique, sans pathos, très sobre. La question est classique, qu'est-ce qu'être loyal dans un monde de mensonges? Comment ne pas trahir son pays, comment ne pas se trahir?

Peut-être un peu trop de gros plans, peut-être un peu trop de violons par moments, mais des scènes magnifiques, comme celle du lacet, par exemple.
Ai-je rêvé, ou Matt Damon se tasse au fur à mesure du film?
C'est un film très WASP. Un vieil Italien demande à Edward Wilson: «Nous avons la famille et la religion, les juifs ont leurs traditions, même les niggers ont leur musique, qu'est-ce que vous avez, vous? — Nous, nous avons les Etats-Unis d'Amérique, les autres ne font que passer» (are only visitors), répond Wilson.

Je n'ai pas compris les quelques critiques que j'ai lues ça et là avant de voir le film, notamment que cela donnait une mauvaise image de la CIA — cela n'en donne qu'une image humaine — et que le héros se renfermait de plus en plus: il ne me semble pas qu'il soit davantage renfermé à la fin qu'au début. L'Histoire broie les individus, voilà tout.


En sortant, je reprends un vélo, je passe sous l'appartement de Zvezdo et je vais rejoindre Tlön pour continuer nos gender studies. (Il a ses habitudes dans un restaurant où la serveuse est très jolie et très souriante).
Tlön, très classe, a son propre vélo, et pas un vélo de prolétaire qu'on partage (non mais quelle horreur!).

En Velib avec Gvgvsse

Vendredi soir, Gvgvsse propose de me rejoindre à la Madeleine en Velib. Je lui fais remarquer par texto que cela risque de ne pas être très pratique avec mes talons de 10 cm.
Il découvrira que ce n'était pas une façon de parler, je pense même que ces talons doivent en faire onze. Tant pis, je ferai du vélo nu-pied puisqu'il n'y a pas de picots sur les pédales (ce n'est pas pédaler qui est gênant avec des talons, ce sont les moments où l'on s'arrête: ça déséquilibre. Question d'habitude, après une première tentative, je garderai mes chaussures).

Donc Vincent me fait prendre un ticket pour une journée. Je ne sais pas si j'aurais essayé sans lui, à lire les journaux je ne comprenais plus s'il fallait un abonnement ou pas. Les bornes sont à la fois simples et compliquées, je crois que la première fois il doit falloir prendre son temps.

J'ai une illumination lorsque je gare mon vélo la première fois et que Vincent me fait remarquer que je peux réutiliser mon ticket pendant 24 heures: il suffit de rendre son vélo toutes les demi-heures, et en reprendre un, et c'est reparti pour une demi-heure gratuite... (mais Tlön a lu dans Libé qu'il fallait attendre dix minutes entre chaque emprunt. A vérifier (enfin, sans grand intérêt non plus, car on ne va pas changer de vélo toutes les demi-heures juste pour économiser un euro).

Le soir près de gare de Lyon toutes les stations sont pleines, je ne peux pas rendre mon vélo. Je découvre la rue Roland Barthes avec beaucoup d'émotion, ce n'est pas une rue, plutôt une large allée sous deux rangées d'arbres que je ne connais pas. Je finis par garer mon vélo assez loin et reviens à pied.
Le lendemain, j'emprunterai trois vélos dans la journée et j'attraperai un rhume. A 17 heures, je ferai cadeau de mon ticket à un couple en train d'essayer d'acheter un ticket (Il reste deux heures utilisables).

Le jouissif du vélo, c'est de pouvoir emprunter les couloirs de bus, même ceux à contre-sens.
Pauvres bus et taxis, les vélos sont une véritable plaie qui ralentit la circulation.
Il faudra que je regarde combien de minutes je perdrais à prendre un vélo plutôt que la ligne 14. Avoir une carte intégrale et une carte vélib', cela me paraît redondant.


PS: Vincent est un vrai chauffard à vélo.
PPS: Ce billet, bien sûr, parce que je n'ai rien à dire.


Adage de Gvgvsse à retenir : il faut surveiller les cons. (Je m'en suis déjà servi trois fois entre hier et aujourd'hui).

Wittgenstein (le film)

Vendredi, j'abandonne ma stagiaire d'été à 11h30 pour aller voir Wittgenstein au Reflet.

C'est un film étrange, davantage une série de photos commentées que véritablement un film. Le fond est noir, le décor minimal. Les personnages sont habillés soit de façon classique, morne, universitaire anglais, soit de couleurs vives et excentriques. Il y a même un martien (vert).
C'est un film qui repose sur les dialogues, qui veut montrer l'asociabilité, la soif de perfection, l'isolement mais aussi le désir de solitude de Wittgenstein.

Je m'aperçois que je connaissais déjà sa biographie grâce à L'Amour l'Automne, je connais même davantage d'anecdotes qu'il n'en est montré. Le film m'a permis de mettre les événements dans l'ordre : Vienne, trois frères suicidés, un quatrième manchot (d'où le Concerto pour la main gauche de Ravel), Cambridge, la Norvège, la première guerre mondiale, prisonnier en Italie, le poste d'instituteur, le retour à Cambridge, la découverte de l'homosexualité, le désir de travailler comme ouvrier en URSS, la brouille avec Russell, la fuite en Irlande, le cancer, le retour à Cambridge pour mourir.

C'est à peine un film. Cela a le mérite de baliser le chemin pour de futures lectures.

Exemple de dialogue (de mémoire):
Un élève : Professeur, je ne comprends pas.
W : Pourquoi croyons-nous que le soleil tourne autour de la terre ?
L'élève: parce que c'est ce que nous voyons.
W: Et que verrions-nous si la terre tournait autour du soleil?
L'élève se tait, puis répond: J'ai compris.

Hier, 18h34, quai du RER D aux Halles

Une black et une beurette discutent sur le quai en attendant le train. Elles ont autour de vingt ans, la noire porte un corsage blanc à pois verts, elle explique :
« Alors ch’fais l’ménage, tu vois, et qu’est-ce que j’ trouve dans le placard ?... Un paquet de tampax ! J’ui dis c’est quoi ça, i’m’répond ch’ais pas, c’est pas à toi ? J’dis non, j’me sers pas d’ça, moi, c’est quoi c’truc ?! Oh rien, c’est mon ex qu’a dû le laisser. J’avais la rage, tu vois, j’ui dit tu m’jettes ça à la poubelle tout de suite ! Et après i’m’dit et dans la salle de bain tous les produits Yves Rocher, c’est à toi ? Ben non, j’ui réponds. Alors c’est pareil, ça doit être à une fille qu’a tout laissé. J’étais vénère, tu vois, i’ fait jamais le ménage… »

Le reste s'est perdu avec l'arrivée du train.

Two days in Paris

Ayant décidé ce soir de me coucher tôt, je cherchai un horaire de film acceptable et décidai d'aller voir Two days in Paris, 18h05. Je réservai par internet une place pour l'UGC de Bercy et me rendai aux Halles pour m'étonner de ne pas réussir à récupérer ma place aux bornes. Passons (c'est pénible, ces absences)).
Je me méfiais un peu, j'avais déjà repéré que les critiques de Zvezdo ne correspondaient pas à mon avis (une expérience avec Spiderman III, une autre avec je ne sais plus quoi), cela s'est confirmé: ce qui paraît lui plaire, le côté outrancier "anar-montmartrois" est ce qui me déplaît, la veine bite-chatte-poils-cul n'est pas trop ma tasse de thé.
Mais le reste est excellent, les dialogues sont vifs, on se retrouve perpétuellement entre cliché et réalité, en train d'avoir envie de protester (mais non, les Français ne sont pas comme ça) et de devoir reconnaître qu'on n'est pas si loin d'une certaine vérité. D'ailleurs une phrase du début le dit expressément: «C'est un cliché mais c'est vrai». (Importance du cliché et des clichés, la photographie est omniprésente.) Il y a d'ailleurs un rapport étrange à la vérité dans ce film; même tout à la fin, je ne suis pas sûre que Julie Delpy nous dise, à nous spectateurs, la vérité sur ses amants.
D'autre part, Julie Delpy a visiblement accumulé un lourd contentieux avec les taxis parisiens...
Pas tout à fait d'accord avec la fin (no spoiler, promis), mais je confirme: au bout de deux ans, on ne connaît pas l'autre. Au bout de vingt-et-un non plus, d'ailleurs. (Tant mieux, le contraire serait d'un ennui profond).

Le générique est étonnant, Julie Delpy est partout, montage, dialogue, musique, production, réalisation...

En sortant, pour confirmer une théorie exposée en début de film, je rencontre Matoo qui me parle de téléphones comme j'entendais autrefois les mecs parler de voitures ou d'ordinateurs.

Et maintenant, une glace devant la suite de Sex and the city (saison 1 épisode 2) and then to bed.

Conversation à deux blogs (canon)

Grâce à ce blog, j’avais repéré le «festival des jeunes talents» à l’hôtel Soubise. Le cadre semblait beau (j’aime les occasions d’entrer dans des endroits où je n’entrerais pas), le programme prometteur, je choisis naturellement un progamme chanté puisque c’est ce que je préfère et je proposai à Zvezdo de m’accompagner.

L’hôtel est très beau mais un peu vide, je regrette le meuble à consignes en mélaminé installé en bas de l’escalier monumental, il y aurait de quoi tailler plusieurs robes de bal dans les rideaux. Comme je discute avec Z., je ne détaille pas le public. Des couples âgées, des enfants, c’est varié et peu (pas) touristique.
La salle est au premier étage, grande, chaude (les fenêtres ne seront pas ouvertes, même le temps de l'entracte, dommage); au mur derrière l’estrade se trouve un grand tableau que j’essaierai de décrypter durant tout le concert: un navire empli de moines, de religieuses, de saints, est sur le point d’aborder le «port du salut», les occupants du navire remorquent deux barques et tentent d’aider à monter à bord par une échelle les passagers d’une troisième. Deux autres esquifs sont en train de couler, leurs passagers dévorés par des monstres marins, des cartouches indiquent les différentes hérésies auxquelles ils appartiennent. Les diables nautonniers ont de belles ailes vertes bordées de rouge. Le titre semble indiquer une typologie des religions : Tupus religionis.[1]

Henry Bonamy est blond, tout mince dans une veste qui lui arrive aux genoux, compromis étrange entre la queue-de-pie et la veste classique. Les deux musiciens doivent avoir terriblement chaud dans leur costume sombre. Thomas Dolié a les cheveux plus longs que sur la photo dénichée par Zvezdo, son visage m’évoque un peu David Fischer (de Six feet under). (Je fais ma sejan, là).
Bien entendu, je n’ai pas le recul que Zvezdo. Le chanteur me paraît agréable parce qu’il articule bien, et son agitation («il y met trop d’intentions», me dit Zvezdo (révolté par ce zhabité que je n’ai même pas entendu, me concentrant surtout sur les poèmes que je ne connaissais pas)) ne me déplaît pas : voilà un chanteur qui n’est pas loin du théâtre, pourquoi pas. Ce goût du mime semble mieux servir les textes légers, comiques ou satiriques, et Jules Renard lui convient mieux que Goethe.
J’attends avec curiosité une occasion de le voir à l’opéra.


Notes

[1] Une recherche permet d?obtenir une photo et quelques détails : ce tableau saisi dans la chapelle des jésuites de Billon a joué un rôle dans le procès des jésuites devant le Parlement en 1762.

Matin

Gare de Lyon, sur le quai du métro de la ligne 14, je remarque une vieille dame, panama à large ruban noir et basketts grises à semelles épaisses. Elle est très élégante, grande, droite, elle porte un blazer bleu marine à boutons dorées, un chemisier italien à rayures grises et blanches, un pantacourt blanc. Son nez est pointu, sa peau très fine, ses cheveux blancs remontés en chignon. Quelle âge a-t-elle ? 80 ans ? Elle est américaine, elle me fait songer à Katharine Hepburn.

Lorsque la rame arrive je la suis, afin de pouvoir la contempler encore. Au moment où la sonnerie des portes retentit un homme encore jeune, rubicond, dont les muscles commencent à se transformer en graisse, se précipite derrière moi et me bouscule un peu ; bien entendu les portes se ferment, son sac est coincé, on dirait une sacoche de portable, j’espère que non pour la pauvre bécane, il tire pour la dégager.
Je me retourne, croise les yeux de la vieille dame, j’y lis la même pensée que la mienne et nous échangeons un large sourire: «Dieu que les hommes sont stupides à toujours jouer les fiers-à-bras».


(Je devrais peut-être éviter de regarder Sex and the city au petit déjeuner en recousant trois boutons à mon chemisier que finalement je ne mettrai pas après y avoir découvert deux minuscules taches dans le dos).

Post incomposé

J'en ai marre de Safari, j'ai l'impression que Netvaïbes ("Netvibes", c'est plouc, m'a appris Matoo) le fait planter. Zou, sur Firefox. Il paraît, H. dixit, que c'est tout de même à l'usage (de programmeur) Opéra qui respecte le mieux les normes supposées être suivies (j'adore les posts simili-geek. À propos, ceux qui ont besoin d'être réveillés peuvent aller voir ça).

Je suis en train de mettre de la sauce tomate partout. H. me bourre le frigo de plats micro-ondes avant de partir, parce qu'il sait que dans le cas contraire je vais manger des céréales toute la semaine à tous les repas — c'est gentil à lui d'y penser. Et donc comme il n'y a personne pour me rappeler les règles de la vie en société (il faut beaucoup de formes quand on dîne seul), je peux enfin manger devant mon ordinateur.
Le problème, c'est que ça refroidit vite. Et puis ce n'est pas très pratique.

Enfin bon, ce serait le bonheur si je n'avais pas si mal à la nuque. C'est la faute à Bruce Willis, ses films sont vraiment fatigants. Il faut qu'il arrête de boire, ses yeux se pochent de plus en plus. Ou alors il utilise la chirurgie esthétique à l'envers: il se les fait pocher pour avoir l'air intéressant (au fait, il paraît qu'Indiana Jones IV est en préparation). J'ai changé de portable aujourd'hui (l'ancien, c'était ça, je l'aurais bien gardé encore un peu, j'aime les dinosaures, mais il commençait à bugguer trop souvent. Dommage), et je pense que si j'apprends à me servir du nouveau un jour, je devrais moi aussi pouvoir hacker la Maison blanche.
Je retiens que pour survivre, il faut dans la plupart des cas rester dans sa voiture, et qu'il ne faut pas jeter sa vieille CB. Sinon... rien à faire, les réalisateurs des Die Hard ne croient pas au terrorisme idéologique, la motivation des terroristes, in fine, c'est toujours l'argent.
Les cascades... Argh, quelle chorégraphie, ça me fait vraiment de la peine de me dire que la plupart des scènes avec l'avion de chasse doivent être virtuelles. Autre tristesse, les méchants parlent désormais français (je les préfère arabes ou allemands.)
Et puis, toujours, inévitablement, la fille du héros se fait enlever. Heureusement, celle-ci est moins nunuche que Kim Bauer (difficile de faire pire, remarquez).

A midi, j'ai déjeuné avec Paul. Roland de la Poype a sorti un livre, L'épopée du Normandie Niémen, que Paul m'a offert. Le livre regorge d'anecdotes, et ce n'était pas ses chaussettes que La Poype avait perdues lors d'une cérémonie soviétique officielle, mais sa médaille, 35 grammes d'or. Ce livre s'inscrit parfaitement dans la continuité de celui de Grossman. Paul a tenté de joindre La Poype au téléphone pour le féliciter, mais celui-ci était absent. Il faudrait peut-être que j'avoue à Paul que j'avais écrit (jamais eu de réponse)... Bah, on verra bien.

Hier soir, j'ai vu La Traversée du temps. Je n'y serais pas aller de mon propre chef, car je m'étais un peu ennuyée devavant Mon voisin Totoro et Nausicaa. Le grand soulagement, c'est que pour une fois les voyages dans le temps ne sont pas traités de façon tragique. Là encore, ce film est fatigant, l'héroïne passe son temps à courir et à tomber. Et à bien y regarder, sans voyage dans le temps, le film se terminerait de la même façon — à l'accident près.

Quand je suis trop fatiguée, le monde se dérobe, je passe mon temps à vérifier que lorsque je pose quelque chose sur une table, c'est bien sur la table que je le pose, et non à côté (je tâte la table avant de poser le verre). Je vois des ombres dans le coin de mes yeux, toute ligne verticale, arbre, poteau, montant de portière, devient un fantôme possible. Il faut que je regarde l'objet en face pour qu'il retrouve sa qualité d'objet. Le pire ce sont les reflets dans les vitrines des magasins, qui s'animent au fur à mesure que j'avance.
Le plus drôle (je dois passer pour un peu attardée), c'est le temps de latence entre une question posée et ma réponse: il faut que je réalise que c'est à moi que la question est posée (puis blanc) puis me souvenir, grâce à la mémoire immédiate, de ce qu'était cette question, puis la reformuler en moi-même, faire un effort de cadrage (de concentration) et enfin répondre.
Je vais me coucher. Un peu de coca, peut-être.

Dimanche ferroviaire

8 h – lever. Dernières vérifications des valises, ce qui n’empêchera pas d’oublier lunettes de soleil et tongs de A. (J’ai comme l’impression que cela ne va pas lui manquer (hélas)).

9h30 – départ

10h35 – arrivée à la gare Montparnasse. J’y abandonne C., et lui abandonne mon livre Les aventures d’un tee-shirt dans l’économie globalisée puisqu’il a oublié le sien. (Il a quand même cinq heures de train à endurer). Cela va lui donner un petit air alter-mondialiste… M’étonnerait qu’il en lise plus de cinquante pages, mais un livre, c’est comme un doudou : une affaire de présence.
Pour la peine j’erre une demi-heure dans la librairie de la gare et repars avec Notes d’un souterrain de Dostoïevski.

11h30 – Je gare la voiture gare d’Austerlitz. Je prends les bagages de O. Nous traversons le pont Charles de Gaulle à pied.

11h50 – Nous arrivons gare de Lyon au lieu de rendez-vous de départ de colonie de O. Une heure et quart à attendre, les organisateurs ont prévu large. Nous émargeons puis allons prendre un café. La voie du train n’est toujours pas indiquée. Notre voisin de table a un tatouage étonnant sur tout le bras droit, un motif de rectangles très art contemporain, Mondrian en noir et blanc. Voilà qui change des motifs celtiques ou hindous.
J'achète les billets pour A. et moi, en pestant contre les écrans tactiles qui restent impassibles sous mes doigts. Ce n’est qu’après dix minutes et plusieurs tentatives que je découvrirai qu’il faut effleurer l’écran et non appuyer dessus comme une malade. A. est écroulée de rire.

12h50 - Nous retraversons la garde de Lyon puisque bien entendu la voie du train est la plus éloignée possible du point où nous avions rendez-vous. Je préviens O. : « Nous ne resterons pas jusqu’à ton départ, sinon nous allons rater notre train. — C’est pas grave. » Visiblement la seule chose qui lui importe, c’est qu’on s’en aille le plus vite possible, qu’il puisse enfin lire son Picsou tranquille.

13h10 - Retour à la voiture gare d’Austerlitz, je récupère les bagages de A. Nous trouvons des places dans notre train.

13h35 – Départ pour Blois.

21h21 – Gare de Blois, je rentre seule à Paris. Le train a dix minutes de retard. Je m’installe où il reste de la place, dans l'un des quatre fauteuils centraux des voitures. En face de moi un jeune homme avec un coup de soleil (beaucoup de coups de soleil en général, les gens ont vraiment voulu profiter de cette première journée ensoleillée), à côté de moi au jeune homme le bras dans le plâtre. De l’autre côté de l’allée, une famille occupe les quatre sièges, lui, géant, elle, très jolie, enceinte de cinq mois environ, et une fille et un garçon très blonds de 18 mois et trois ans. Ils sont calmes. Ils s’énerveront peu à peu, c’est inévitable, il est tard, bien trop tard pour eux.
Je commence Dostoïevski en négligeant la préface de Todorov.
Le petit garçon se met à chanter très fort « Papa a pété, papa a pété », les parents ne réagissent pas (ils ont raison), la petite fille joue à la dînette, son frère veut manger du bébé, le père s’insurge, la mère rit, je pense à Swift. Ils sont bruyants et incohérents, le jeune homme à côté de moi les regarde avec ébahissement, bouche ouverte, œil exorbité. Il n’est pas près d’avoir des enfants.
La petite fille pleure, j’essaie de dormir.

La petite fille pleure de plus en plus fort, le père est totalement inerte, la mère très calme, toujours aussi jolie (mais qu’est-ce qu’elle fait dans cette galère ?), déplie une poussette dans l’allée, y met sa fille et tente de la calmer en marchant.
Quelques minutes passent, elle revient, le train s’arrête à Orléans, les deux jeunes hommes descendent, j’ai les quatre places pour moi seule, la poussette bloque le passage, le couple qui vient de monter ne peut pas avancer.
Et c’est la catastrophe.
Il reconnaît la famille de l’autre côté de l’allée, s’exclame, s’embrassent, parlent en français, en italien, tout le wagon en profite, le vacarme est ahurissant, ils s'installent en face de moi sans un regard et continuent à parler avec l'autre côté de l'allée. J’attends un peu, au cas où ils reviendraient à la raison et adopteraient un ton plus mesuré.
Las.
Je me lève et vais m’installer exactement à la même place dans l’autre partie du wagon. J’essaie de dormir. Le train est déjà en train de s’arrêter aux Aubrais, l’homme en face de moi rassemble ses affaires, je remarque ses mains, énormes, enflées, rouges, pelées, mais qu’a-t-il fait, la brûlure semble monter jusqu’aux coudes, il y a des tâches rouges sur les biceps. Ce n’est pas possible, il a voulu égoutter les frites à la main… Le voir saisir ses affaires avec cette peau à vif me fait mal, il ne paraît pas souffrir.

Le train repart, le compartiment est calme, de l’autre côté de l’allée, à la place de la famille infernale, se trouvent deux jeunes hommes, l’un regardant une vidéo, l’autre lisant Courrier international.
Je dors.
Je suis réveillée par une voix, malédiction le DVD est fini et l’homme téléphone, interminablement, à voix haute, il est 23 heures passées, il raccroche, demande à son copain de rappeler la fille avec laquelle il était en conversation, il veut obtenir qu’elle les invite à venir dîner quand ils arriveront à la gare parce qu’il n’a pas envie de manger des tagliatelles, son copain résiste, il doit trouver comme moi que cela n’est pas tout à fait poli, la conversation s’éternise, je suis prodigieusement agacée par cette muflerie tous azimuths, je me lève encore et vais m’installer en première (après tout les contrôleurs sont passés). Je m’endors pour de bon.

Je suis chez moi à minuit.

Flemme

Pas le courage de feuilleter tous les Corto Maltese pour retrouver la bulle : « Ce que tu cherches n'existe pas.»

Et puis il est possible (mais pas tout à fait certain) que j'ai des choses plus urgentes ou plus importantes à faire de ma vie.



réponse donnée en 2009 par JYP :

C'est dans L'Aigle du Brésil, dans le volume Sous le drapeau des pirates, p.35. "Ne reviens pas trop vieux. Ce que tu cherches n'existe pas": Bouche Dorée à Corto Maltese.

(Sous le drapeau des pirates reprend les trois premières histoires de Sous le signe du Capricorne.)

Hier

J'ai déjeuné d'un sandwich au roastbeef et d'un verre de rouge au comptoir du café à l'angle du boulevard Raspail et de la rue du Cherche-Midi. A une époque, l'un des serveurs de ce café était si beau que je faisais un détour rien que pour venir le regarder. Je suppose que c'était un étudiant, il faisait si peu serveur… Il n'est plus là mais les sandwiches au roastbeef, excellents, sont restés une habitude.

A côté de moi, deux poivrots; pendant que l'un s'absente, l'autre demande laborieusement la note:
— J'ai commandé ce verre, et puis j'ai offert celui-là à Monsieur, alors lui il m'a offert celui-là…
— Donc un blanc et un kir, résume la serveuse.
— Non, j'ai commandé ce verre-là, insiste le poivrot en montrant le premier verre.
La serveuse impavide amène la note comportant le blanc et le kir.
L'autre revient, je les entends discuter, impossible de lire, le jeune homme à ma gauche a des yeux bleus de l'exacte couleur de sa chemise et un pull bleu marine noué sur les épaules, «Quand on est solitaire c'est pour toujours», énonce l'un des poivrots, je ferme mon livre, «Dardanelles… mon grand-père… j'ai fait cuire des hérissons…», le jeune homme allume une pipe, son alliance est en or blanc.


Le soir je fais les soldes, machinalement.
Mon quota de robes sérieuses et de robes à bretelles (pour ce que ça sert cette année) étant épuisé, j'ai pu enfin faire dans l'irresponsable : deux robes cent pour cent viscose coupe nuisette femme enceinte, imprimées l'une comme les robes de Mireille Darc dans Elle boit pas, elle fume pas, mais elle cause, l'autre comme un couvre-lit de ma grand-mère que j'aimais beaucoup et qui a été donné, et une combinaison bustier très douce genre Babygro en plus sexy.

Chic. Je ne vois pas trop quand je vais pouvoir porter ça mais c'est pas grave.

Un pianiste pressé

En découvrant ce billet de Zvezdo l'année dernière, je m'étais promis d'assister à au moins un concert du festival cette année (XVIe ou pas (il faut reconnaître que l'assistance est "marquée", j'ai même vu un col cassé et un nœud pap sur un jeune homme dont le plaisir était sans doute d'en faire un peu trop (en revanche, je suis sûre que la grande blonde devant moi n'imaginait pas que je verrais son Tupperware vide dans son sac à main))), j'aime les roses et Chopin, et j'aime ce nom de Bagatelle, trois raisons d'y assister.

Evidemment, c'était loin de ressembler à ce que j'aurais imaginé, le parfum des roses dans le soir d'été: il faisait froid (H. m'avait apporté un pull à col roulé), il s'est mis à pleuvoir de grosses gouttes glacées pendant l'entracte (écourtée) à la suite de laquelle l'auditoire se moucha et toussa un peu trop à mon goût.

Je fus ravie de constater que les Kreisleriana étaient au programme, un peu surprise par l'interprétation de Laurent Cabasso, extrêmement rapide, ne laissant pas le temps aux notes, dans les mouvements lents, d'atteindre leur plénitude. Je mis cela sur le compte d'une déformation de mon oreille, habituée à l'interprétation de Maurice Pollini. (Je réfléchissais en écoutant que j'étais une auditrice, une spectatrice, une lectrice, d'habitudes: qu'on me change l'instrument, l'interprète, l'acteur, la mise en scène, les voix d'un film, ou même la couverture ou le format d'un livre, et l'œuvre n'est plus la même, je ne la reconnais plus, j'ai perdu mes repères. Mon rapport aux œuvres est construit d'une accumulation de détails).

Je dus reconnaître en écoutant Chopin que j'avais été indulgente en cherchant ainsi des excuses à Cabasso: les Mazurkas furent exécutées au sens propre, je saisis à peine la ligne mélodique de ces morceaux qu'il me semblait pourtant connaître, et les pauvres Mazurkas finissaient par se confondre avec les mouvements rapides des Kreisleriana, tout ressemblant à tout… Très étonnant.

Bon, ce n'est pas grave, mon côté XVIe s'accomodera d'un autre concert, surtout s'il fait beau (et chaud). Cela donnera une seconde chance à H. (se raser) et à C. (ne pas mettre de baskett) de s'intégrer dans le décor. Et cela donnera une seconde chance à Chopin.

Expériences

Depuis vendredi je fais des expériences. J'ai ouvert un compte chez Netvibes et suivi les conseils de Zvezdo concernant les flux RSS (et je reperds le temps gagné à d'autres explorations), un compte chez Ziki que j'ai aussitôt détruit, un compte chez LybrariThing en me promettant de le remplir très lentement, et un twitter.

J'en suis à essayer de comprendre Technorati Profile (c'est pour cela que j'écris ce post: pour faire un claim (yes!)). Ce week-end, ou plutôt lundi, il faudra que j'essaie d'exporter mes flux RSS de Netvibes. Dès qu'on aborde l'internet américain on a l'impression de passer de la campagne à l'océan. J'entends les mouettes (et je lis trop de geeks)).



edit: comme je planque ce post dans les profondeurs dans la mesure où il n'est pas d'un intérêt grandissime, le vendredi dont je parle est le 6 juillet, c'est-à-dire demain par rapport à ce post…
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