Faire-part
Par Alice, jeudi 31 mai 2007 à 22:17 :: Paul Rivière
La femme de Paul est morte samedi, elle était enterrée cette après-midi à Saint-Sulpice.
La place Saint-Sulpice est encombrée de baraques en bois qui présentent des jeux éducatifs. Sans méfiance je m'engage à travers elles, toutes les issues sont bloquées, sans doute pour la sécurité des enfants, je suis obligée de faire un détour, chaque pas me coûte, j'ai mal aux pieds.
La façade de l'église est en cours de restauration ("pendant les travaux les boutiques sont ouvertes"), d'immenses palissades se dressent, enfermant des outils ou des machines, elles cachent le corbillard. J'entre, je m'avance le long d'un bas-côté, un homme dort affaissé sur une chaise.
Il y a beaucoup de monde et je ne connais personne. J'aperçois Paul, loin, au premier rang. Il est très rouge et paraît comme ratatiné.
La messe commence. Le prêtre célèbre «la gentillesse et la bonne humeur» de la disparue. Aux visages autour de moi, je vois qu'il dit vrai.
Je n'ai rencontré M. qu'une fois, c'était une petite dame courbée aux cheveux très blancs. Elle souffrait beaucoup du dos. C'était sans doute aux alentours de Noël 2001, je me souviens que nous avions discuté de l'imminent passage à l'euro. Nous étions allés voir, Paul, M., H. et moi, une comédie musicale, Irma la douce, avec Clotilde Courau, très jolie, à la voix un peu faible et un peu fausse (ce qui ne manquait pas de charme), puis nous avions pris un verre. Nos conjoints présentés et rassurés, les convenances respectées, nous continuâmes, Paul et moi, nos déjeuners hebdomadaires.
La messe se poursuit, très classique, sans beaucoup de personnalisation. Paul m'a dit à plusieurs reprises qu'il souhaiterait un Salve Regina lors de son enterrement, en souvenir de vacances scoutes dans les Alpes italiennes avant la seconde guerre mondiale. Comment pourrais-je faire respecter cela, personne ne me connaît dans sa famille.
Ma pensée vagabonde un peu. Une jeune femme au visage dur pleure en mâchant du chewing-gum. Sa petite fille sourit dans sa poussette. Les vieilles dames qui n'ont pas les cheveux courts ont de lourds chignons compliqués. L'émotion semble contrôlée, en réalité elle oscille, elle envahit l'assemblée par vagues. Vers la fin, toutes les femmes ont les yeux rouges, moi compris.
Lorsque nous sortons, les gens se saluent, se sourient, avec ce sourire des enterrements que j'aime, ce sourire des gens qui ont le cœur gros et sont heureux de voir un visage ami, un visage qui comprend.
Je retourne au bureau.
La place Saint-Sulpice est encombrée de baraques en bois qui présentent des jeux éducatifs. Sans méfiance je m'engage à travers elles, toutes les issues sont bloquées, sans doute pour la sécurité des enfants, je suis obligée de faire un détour, chaque pas me coûte, j'ai mal aux pieds.
La façade de l'église est en cours de restauration ("pendant les travaux les boutiques sont ouvertes"), d'immenses palissades se dressent, enfermant des outils ou des machines, elles cachent le corbillard. J'entre, je m'avance le long d'un bas-côté, un homme dort affaissé sur une chaise.
Il y a beaucoup de monde et je ne connais personne. J'aperçois Paul, loin, au premier rang. Il est très rouge et paraît comme ratatiné.
La messe commence. Le prêtre célèbre «la gentillesse et la bonne humeur» de la disparue. Aux visages autour de moi, je vois qu'il dit vrai.
Je n'ai rencontré M. qu'une fois, c'était une petite dame courbée aux cheveux très blancs. Elle souffrait beaucoup du dos. C'était sans doute aux alentours de Noël 2001, je me souviens que nous avions discuté de l'imminent passage à l'euro. Nous étions allés voir, Paul, M., H. et moi, une comédie musicale, Irma la douce, avec Clotilde Courau, très jolie, à la voix un peu faible et un peu fausse (ce qui ne manquait pas de charme), puis nous avions pris un verre. Nos conjoints présentés et rassurés, les convenances respectées, nous continuâmes, Paul et moi, nos déjeuners hebdomadaires.
La messe se poursuit, très classique, sans beaucoup de personnalisation. Paul m'a dit à plusieurs reprises qu'il souhaiterait un Salve Regina lors de son enterrement, en souvenir de vacances scoutes dans les Alpes italiennes avant la seconde guerre mondiale. Comment pourrais-je faire respecter cela, personne ne me connaît dans sa famille.
Ma pensée vagabonde un peu. Une jeune femme au visage dur pleure en mâchant du chewing-gum. Sa petite fille sourit dans sa poussette. Les vieilles dames qui n'ont pas les cheveux courts ont de lourds chignons compliqués. L'émotion semble contrôlée, en réalité elle oscille, elle envahit l'assemblée par vagues. Vers la fin, toutes les femmes ont les yeux rouges, moi compris.
Lorsque nous sortons, les gens se saluent, se sourient, avec ce sourire des enterrements que j'aime, ce sourire des gens qui ont le cœur gros et sont heureux de voir un visage ami, un visage qui comprend.
Je retourne au bureau.