Un homme en colère

Je ne sais si Charles Gave a raison ou tort (ses arguments sont convaincants mais je ne suis pas spécialiste). Ce qui me plaît, c'est la vigueur de sa colère. Il n'a pas écrit «Jean-Claude Trichet est un âne», mais on sent qu'il l'a pensé très fort.


« Je dois écrire que la gestion de la crise financière par M. Trichet a été absolument calamiteuse. Â»

[...]

2. Sur le moyen terme, la croissance des profits dans n'importe quel pays est égale à la croissance du PNB nominal. Dans un système économique normal, les entrepreneurs ont donc une hausse de leurs revenus égale à la croissance du PNB, tandis que les rentiers touchent les intérêts que leur versent leurs fonds de trésorerie. Si les taux d'intérêt sont supérieurs au taux de croissance - les rentiers touchent plus que les entrepreneurs -, prendre des risques ne paie plus et l'économie s'arrête brutalement, nous avons donc une récession. Depuis un an, les taux sont au-dessus de la croissance en Europe et l'économie européenne est en train de s'effondrer. Il est vrai que la croissance économique n'est pas de la responsabilité de la BCE, mais il est encore plus vrai que la BCE n'est pas non plus censée suivre une politique qui tue la croissance. C'est pourtant ce qui a été fait.

3. La crise bancaire a débuté il y a plus d'un an. Tout le monde savait que les banques dans le monde entier en général, et en Europe en particulier, étaient dans une situation difficile. Au printemps de cette année, tous les indicateurs avancés de l'économie européenne ont commencé à s'effondrer. En avril, il n'y avait plus le moindre doute que l'économie du Vieux Continent allait rentrer en récession. La quasi-totalité des banques se sont donc déclarées pour une baisse des taux courts en Europe. Patatras ! Juste après que la Fed et la Trésorerie américaine eurent sauvé Bear Stearns, trois jours après que M. Bernanke eut manifesté sa volonté de voir le dollar monter, la BCE a annoncé qu'elle allait monter ses taux en juillet. Toutes les banques commerciales furent prises à contre-pied et perdirent des milliards sur leurs positions, la courbe des taux s'inversant brutalement au lieu de se « pentifier Â», comme tout un chacun l'attendait. Ces milliards manquent cruellement aujourd'hui, comme chacun peut le constater. La responsabilité de la faillite de plusieurs banques européennes est donc à mettre au débit de cette décision insensée d'augmenter les taux courts en juillet. Les taux furent augmentés de 0,25 point, comme promis, et la BCE, pour faire bonne mesure, annonça qu'elle allait durcir les conditions de ses prises en pension pour certains papiers à partir de février 2009, déclenchant de ce fait un véritable effondrement des prix de ces mêmes papiers, et menant les banques à une faillite certaine compte tenu de la règle du « mark-to-market Â» (cf. nos précédents articles sur le sujet). On a du mal à imaginer pareille incompétence...

4. Alors même que nous sommes dans la crise financière la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale, la BCE maintient ses taux à 3,75 %, à la place de les amener à toute allure à 1 %. Cela est très supérieur à la croissance du PNB nominal dans tous les pays européens aujourd'hui. Le système est lourdement endetté (sociétés, particuliers. Etats), le coût de la dette explose tandis que les recettes disparaissent, les faillites se multiplient et on va, peut-être, baisser les taux au printemps 2009 ? Maintenir les taux courts à ce niveau, c'est garantir que l'Europe va rentrer en déflation-dépression, ce qui relève maintenant d'une quasi-certitude. Un seul responsable à cet inéluctable désastre, la BCE, dont le gouverneur restera comme l'homme qui a organisé le troisième suicide de l'Europe en un siècle. Je suis absolument atterré de l'incompétence dont fait preuve la BCE, qui dépasse tout ce que je pouvais imaginer, et pourtant, je ne m'attendais pas à être « déçu en bien Â», comme disent nos amis suisses. Depuis que j'ai commencé à écrire ces chroniques dans Le JdF, et tout spécialement depuis ce printemps, je n'ai cessé de recommander au lecteur de sortir des pièges que constituaient l'Europe et l'euro.
La seule solution, qui sera imposée par le marché, c'est bien entendu l'effondrement de l'euro. [...]

extrait de l'éditorial de Charles Gave (charlesgave@gmail.com) dans Le Journal des Finances du 25 octobre 2008

Soirée

- 17h30 : j'arrive à Roissy. L'avion pour Hambourg qui doit partir à 18h40 est déjà affiché "départ retardé". A 18h05, nous remettons ma fille aux hôtesses. Comme elle est mineure, nous devons attendre le décollage de l'avion avant de quitter l'aéroport. Les cartes postales sont vendues à un prix exagéré, je renonce à écrire à ma grand-mère. (Je déteste qu'on se moque de moi).
L'avion part à 19h40, sans explication. Je suis agacée.

- 20h45 : théâtre de Vanves, projection privée d'un film très réussi sur le travail de Jean-Paul Marcheschi, avec un texte mesuré qui ouvre des horizons et tisse des liens. «La plupart d'entre nous, nous ne vivons que très peu durant notre vie.».
Reste à savoir comment il sera diffusé.

- 22h45 : Restaurant aux Halles avec deux couples d'amis. J'ai l'impression d'être la vedette féminine d'un de ces repas de Journal de Travers et j'ai envie de rire. L'un des participants semble sorti tout droit des illustrations de Pierre Joubert.

- A pied jusqu'à gare de Lyon. Je n'ai pas d'écharpe, pas le courage de prendre un vélib. Il faudra que j'étudie les horaires des Noctambus. 1h50. Le car passe à 2h30. Il ne fait pas encore trop froid dans Paris, à Yerres, les vitres de la voiture sont couvertes de givre. J'espère que le rosier nain n'a pas gelé.

Coluche, l'histoire d'un mec

Les critiques sont mitigées, et je pense comprendre pourquoi: ceux qui vont voir ce film en pensant rire pendant deux heures devant des sketches doivent être très déçus. Ceux qui connaissent l'histoire de Coluche (et qui supportent le personnage, mais dans le cas contraire, pourquoi aller voir un tel film?) sont tristes. Ce film ne leur apprend rien mais leur rappelle beaucoup de choses.

Ce film est un déclencheur de nostalgie. Je ne sais pas ce que peuvent y comprendre les trentenaires, les vingtenaires. Je repense à l'époque qui s'annonçait en 1980, dix à quinze ans de Reagan/Thatcher/Mitterrand/Jean-Paul II. La compagnie créole chante «T'es OK, t'es bath», Georges Marchais donne des interviews (je n'avais jamais vu Marchais à la télévision... je l'ai vu pour la première fois ce soir. Je vivais dans une famille un peu bizarre, pas de sexe, pas de politique, pas de films en noir et blanc, pas de films sous-titrés, pas de westerns, du sport, «t'as fait tes devoirs?» (et la réponse était toujours oui même quand c'était faux), et c'était tout), les postes de radio sont énormes, les lunettes aussi. Je n'avais jamais écouté un sketch de Coluche à la maison (trop vulgaire (plus tard, quand il animerait une émission sur Europe 1, je l'entendrais en revanche chaque fois que je serais dans la cuisine: ma mère n'écoute qu'Europe 1 («parce qu'on écoutait obligatoirement RTL chez moi quand j'étais petite» (Moralité j'écoutais RTL, Les grosses têtes et Julien Lepers... tout cela est tellement prévisible)))), mais j'avais une copine qui les connaissait par cœur, Coluche, Renaud, Magdane, Balavoine, un peu Desproges, que le monde était étroit et l'horizon resserré. (Coluche sur Europe 1, c'était le plus souvent insupportable de vulgarité. Il s'est passé pour Coluche la même chose que pour les Guignols de l'info: j'ai eu la chance de ne pas l'écouter en direct, mais de n'en connaître que les moments les plus pertinents, les phrases les plus justes, sélectionnés par mes amis.)

Je me souviens de Jean-Louis disant dans les écuries, alors qu'on lui apprenait la grève de la faim de Coluche, «Coluche fait la grève de la faim? Mais non, il est au régime», je me souviens de la façon dont j'ai appris l'élection de Mitterrand, assise sur un seau dans le hangar à bateau après une régate, attendant que mes parents viennent me chercher, je me souviens de la mort de Coluche, de la rumeur qui a couru (était-ce vraiment un accident?) et du disque de Renaud. Souvent je me dis qu'il manque aujourd'hui un œil aussi vif, un esprit aussi prompt à saisir et saisir l'essence d'une situation. Je me demande ce qu'il l'aurait pensé des émeutes de 2005 ou d' Entre les murs, par exemple. Il ne faisait pas spécialement dans le politiquement correct. En tout cas, il se serait bien moqué des "cinq fruits et légumes par jour" sous la pub Coca zéro imitant James Bond, et ça m'aurait fait du bien. Personnellement, il me manque davantage que Philippe Muray.

En regardant le film, l'accueil que les petites gens dans les villes touchées par le chômage (1,5 million de chômeurs, c'était effrayant et ça fait rêver) réservait à Coluche, je me dis qu'il ne faut pas chercher loin ceux qui ont voté Le Pen en 2002: on ne peut pas éternellement désespérer et Billancourt, et Longwy, et Saint-Etienne, et...
Coluche, Le Pen, Bayrou : le système est à la recherche d'une possibilité de fonctionner autrement, mais il est trop bien verrouillé. Est-ce un bien, est-ce un mal?

Le film se termine sur une allusion aux Restos du cœur. Quelques minutes avant, je venais de dire à H.: «J'ai beau savoir que c'est injuste, pour moi Mitterrand, c'est l'apparition des SDF». (Ç'avait été l'un de mes étonnements de retour du Maroc à huit ans: il n'y avait pas de mendiants. Etaient-ils enfermés? Dix ans plus tard, j'avais ma réponse.)

Hier: deux approches de la lecture

Midi

Le livre est sur la table.
— Qu'est-ce que c'est?... Ah, c'est en anglais...
— Oh, c'est un policier. C'est le seul auteur de policiers que je lis encore, j'achète toujours ses nouveautés.
— Ah, tant mieux si c'est un policier.
— Pourquoi?
— Eh bien, parce que c'est gros: un policier, on s'ennuie moins.
— Vous savez, il y a longtemps que je ne lis plus de livres ennuyeux. C'est fini ce temps-là, je n'ai plus le temps. Quand un livre m'ennuie, j'en prends un autre.


Soir

— Tu veux un livre?
Je me penche pour voir les titres que j'ai à portée de main... Un petit et un plus gros Melville, Cocorico et Le grand escroc, Stevenson...
— Tu veux un petit livre? (Je pense à Bartleby, mais il est au rez-de-chaussée). Et puis non, toi tu préfère les gros livres, les trucs bien massifs, je crois.
— Oui, les petits livres, c'est souvent plus difficile, il faut plus réfléchir.

Soir de colère

J'évite d'écrire quand je suis en colère. Ou alors, il faut que je trouve un sujet autre.

Alors je me mets sur mon clavier, je fais un tour chez Bienbienbien, à partir de quoi je glisse ici, puis je joue à Splash[1], et ça va mieux.

Et je me souviens qu'internet m'a sauver.

Notes

[1] Plus généralement (mais je suis comme les enfants, je joue toujours à la même chose).

Collages

Petit déjeuner. Machinalement je fredonne: «Ce petit chemin, qui sent la noisette,...».
O., dix ans, et C., seize ans, relèvent brutalement la tête et me regardent avec ahurissement:
— Comment tu connais ça, toi?

Je les regarde interloquée mais déjà en train de rire intérieurement, comme à chaque fois que ces jeunots découvrent qu'une chose qu'ils pensaient leur être réservée (qu'il étaient seuls à connaître et pouvoir comprendre) fait partie du patrimoine commun depuis des générations.
H. entre à ce moment-là dans la cuisine.
— Dis-moi, «Ce petit chemin, qui sent la noisette,...», c'est de qui?
— Maurice Chevalier, non?

Je me tourne vers mes lascars: — Et pour vous, c'est quoi?
— C'est la chanson d'un nain barde qui se promène dans un RPG.
H. intervient, incrédule:
— Un quoi?
— RPG, un "role playing game".
— Tu sais ce que c'est, un RPG 7?
— Euh... Un bazooka?


Oscar Wilde pensait que la réalité copiait l'art, Proust a écrit que nous ne voyions plus le même ciel depuis les impressionnistes. Depuis que je vois un peu plus de tableaux et d'expositions, il me vient à l'idée, en regardant les couloirs du métro et en écoutant les conversations, que la constatation continue de s'appliquer: la vie continue de copier l'art, mais nous sommes passés au pop-art, au ready-made, au collage, aux nouveaux réalistes, que sais-je encore.

Un automne sous le signe de la plomberie

Ce soir, descendre à la lueur d'une lampe torche les quelques marches de l'échelle pour atteindre le compteur d'eau dans la fosse sous les thuyas. Mémoriser les chiffres: 43869743 (quatre noirs, quatre rouges).

Ne plus faire couler d'eau (chasse d'eau, douche, verre de minuit), d'ici demain.

Renouveler demain le périple sous les thuyas, mais cette fois dans la rosée du matin.

S'apercevoir (probablement, je vous tiens au courant) que le compteur a tourné, qu'il y a une fuite.

Pickpocket de Robert Bresson

Avant:
— Tu vas voir quoi?
Pickpocket, de Robert Bresson.
— C'est bien? C'est quoi?
— Je ne sais pas. Un truc psychologique, je suppose.
— Aaah, un truc sanguinolant.

Après:
— Alors, qu'est-ce que tu en penses? Ça t'a plu?
— Euh...
(Et de parler pour dire un peu n'importe quoi de peur que mon silence fasse peur, alors que "aimer ou pas aimer" n'est pas vraiment la question).

Le film commence par un texte qui nous résume en quatre phrases l'histoire et la fin: c'est le rachat du pécheur, c'est Raskolnikoff, c'est le jeu du chat et de la souris, c'est l'amour d'une jeune fille.
Cela étant posé, il ne reste plus qu'à regarder comment nous allons parvenir à cette fin attendue. C'est un phénomène que j'ai déjà observé: connaître la fin d'un film ou d'un livre ne diminue en rien le suspense, mais déplace la curiosité du spectateur (ou du lecteur): il ne s'agit plus de savoir ce qui va arriver, mais comment cela va arriver, autrement dit, la curiosité devient attentive aux structures, aux mécanismes du développement du récit.
Ici, il n'y aura pas à proprement parler de progression vers la fin. L'histoire avance et se répète, Michel est pickpocket par volonté et ne souhaite pas changer. Images noires et blanches, presque des dessins ou des photographies, fixité des regard et agilité des mains, la caméra devient main, remplace les doigts, gros plans, tension. Paris 1959, les Parisiens, les Parisiennes, la mode, les voitures, un arrière-plan que le cinéaste n'imaginait sans doute pas devenir si précieux, témoignage d'une époque. Images géométriques, des rectangles, valises, tables, pieds de table, le lit, les portefeuilles, camaïeux de gris.
Il n'y a d'explications de rien, aucun lien entre les événements. Michel décide puis agit, il veut vouloir et prouve qu'il veut en agissant, alors que tout son aspect extérieur ne trahit que pusillanimité: il s'agit d'être courageux contre soi, de faire.

Ce n'est que lorsqu'il décidera de devenir honnête qu'il faillira, et ce n'est qu'alors qu'il sera arrêté: ce dernier vol ne répond plus aux mêmes motivations que les précédents, il n'est pas la transformation en acte d'une volonté, mais au contraire une soumission à la passion du vol, malgré l'avertissement de la raison (l'homme qu'il s'apprête à dépouiller lui montre ses gains gagnés à la course précédente. C'est étrange, se dit Michel, ce n'est pourtant pas le cheval gagnant qu'il avait joué).
Le triomphe final de l'amour, brutal, sans réelle progression, fait penser à l'abandon qu'un animal sauvage ferait de ses défenses, condescendant à être apprivoisé. C'est l'acceptation d'un lâcher prise, l'acceptation de sa propre vulnérabilité.

C'est un film étrange. Dostoïevski voulait peindre les mouvements de l'âme, Bresson a rendu compte du mystère de soi-même pour soi-même: la volonté de Michel et Michel paraissent deux entités différentes.

Revue du web à propos de la crise financière

Un remarquable travail de concaténation des articles, dessins, vidéos, disponibles sur le web à propos de la crise financière.

Ignobles Nobel cuvée 2008

[...] on peut déjà se réjouir de la distinction obtenue par une chercheuse de l'École nationale vétérinaire de Toulouse, Marie-Christine Cadiergues : L'Ig Nobel de biologie pour une étude sur les sauts de puce (avec Christel Joubert et Michel Franc). Juste avant la semaine des Nobel, qui commence aujourd'hui avec la médecine, les Ig Nobel (« Ignobles Nobel Â») sont remis à l'initiative de la revue scientifique humoristique « Annales de la recherche improbable Â». Lors de la cérémonie à Harvard, un des vainqueurs de 2007, Dan Meyer, coauteur d'un rapport médical sur « les effets collatéraux de l'ingestion de sabre Â», a ouvert la soirée en avalant une épée, qui a vite été retirée par le Dr Thomas Michel, doyen de l'École de médecine. La capacité d'une amibe à sortir d'un labyrinthe, le Coca-Cola spermicide efficace ou sans effet (prix ex œquo pour les deux équipes parvenues à des résultats opposés), les faux médicaments chers qui marchent mieux que les faux médicaments bon marché (l'Ig Nobel de médecine, remporté par un économiste), la modification électronique du bruit de la chips pour dormer l'illusion du croustillant et de la fraîcheur, le principe légal de la dignité des plantes (Ig Nobel de la paix)... : les récompenses sont parodiques, mais les recherches sont sérieuses. « La recherche n'est pas forcément toujours de la grande recherche Â», dit à l'AFP Marie-Christine Cadiergues, dont le travail portait en fait sur la comparaison de deux espèces de puces dont l'une est en voie de disparition. « D'abord rire, puis réfléchir Â», dit Marc Abrahams, l'organisateur du prix. Un bon conseil ?

éditorial de Renée Carton dans Le Quotidien du médecin, le 6 octobre 2008

Emplettes

Assisté à l'essayage d'une dizaine de jeans, d'une poignée de manteaux, de quelques pulls.
Marché des heures dans la foule et le bruit.
Je suis vannée. Tant pis pour la remarque pétillante censée égailler un blog.

Nikita Nicolas, même combat !

Ça doit être en train de faire le tour du web, mais tant pis pour l'originalité:

(Précisons que j'aime bien ce slogan: je fais partie de ceux qui ont été élevés dans la religion du travail, et qui ne comprennent pas très bien qu'on puisse avoir des problèmes avec la DRH parce qu'on travaille trop.)

A l'occasion, j'essaierai de mettre un meilleur scan en ligne.

Qu'est-ce qu'on s'amuse

On dirait Jean Yanne.

(Ces internautes, aucun respect.)


(Je ne sais jamais quel titre donner à ce genre de billet: quelque chose de racoleur ou d'énigmatique?)

Quelques pluriels

H. contemple la feuille sur laquelle il vient d'écrire quelques mots.

— Ça ne va pas?
— Non, je me demandais juste s'il fallait un s à pied.
— Et alors?
— Alors non, des doigts de pied, sans s.
— Ça dépend combien il y a de doigts. A partir de six, il faut un s. Deux doigts de pied, sans s; six doigts de pieds, s. Si tu mets un s à deux doigts de pieds, on sait tout de suite qu'il s'agit d'un orteil par pied.

Silence.
— D'ailleurs, quatre fers à cheval, cinq fers à chevaux.

Symétrie

Il était une fois deux frères, H. et F., qui épousèrent chacun une femme (sans lien de parenté) ayant chacune une sœur qui eurent chacune deux filles.
Les belles-mères de H. et de F. avaient de nombreux traits de caractères en commun, dont une tendance à prédire le pire et à s'épanouir dans le malheur: leur annonciez-vous que vous étiez heureux, elles se renfrognaient, on les voyait penser «tout cela ne présage rien de bon», tandis que leur annoncer une contrariété ou un drame provoquait leur compassion et leur aide — d'une remarquable efficacité d'ailleurs, soulignons-le.

Les belles-sœurs de H. et F. (les sœurs de leurs femmes) épousèrent l'homme de leur rêve: l'une un sportif blond aux yeux bleus, l'autre (pharmacienne) un médecin qui reprenait le cabinet familial.
Le sportif, terriblement égoïste et parfaitement infantile, délaissa sa femme et ses filles pour aller courir un peu plus d'Ironman qu'il n'était raisonnable (auparavant, il avait tout de même réussi à user les cartilages de son jeune berger allemand à force de le faire courir). Plus grave, le médecin roue sa femme de coups, et comme celle-ci a demandé le divorce, il tente de la faire interner en asile psychiatrique.

Quelles règles déduire de ce shéma? Des règles sociologiques ou psychologiques? Les femmes morbides ayant deux filles en auront une heureuse en amour, l'autre malheureuse? L'atmosphère chaleureuse dans laquelle H. et F. ont baigné les a-t-elle poussé "naturellement" à s'amouracher de femmes potentiellement peu équilibrées (et à les tirer de l'ambiance morbide dans laquelle elles avaient grandi)? Que vont devenir les quatre nièces? Répèteront-elles l'étrange schéma (une heureuse, une malheureuse, deux à deux?), observera-t-on encore des effets de symétrie à la génération suivante?

Deux jours

Hier plombier.
Aujourd'hui marché, soupe au potiron, futur lapin aux pruneaux.
C'est à peu près tout. Même pas eu le temps de faire la sieste.
Il n'y a plus de bière potable au frigo (que de la blanche, une espèce de truc sans corps).
Hier soir, assisté à une représentation de chorale pour faire plaisir à un ancien collègue.
Ce soir, regardé Les choristes, pour faire plaisir à ma fille.
Tout cela présente une certaine cohérence.

Pourquoi je blogue

A l'origine par colère et frustration, aujourd'hui par entêtement.

C'est un peu court? Oui, peut-être. Mais c'est à peu près ça. Mon penchant naturel est davantage le commentaire, les marges, la mosaïque éclatée entre différents blogs, sans lieu fixe.
Quand j'ai claqué la porte du forum de la SLRC (le forum des lecteurs de Renaud Camus), j'espérais qu'H. développerait le site qu'il m'avait promis (disons que j'y croyais sans y croire, je connais le loustic), le cahier des charges était écrit; j'ai pensé que le blog était une solution temporaire pour ne pas cesser d'écrire, pour ne pas perdre l'habitude d'écrire (et pour ne pas faire à ce connard de FM le plaisir de me taire) en attendant l'outil que je rêvais. Et puis voilà.
J'ai eu souvent des poussées de dégoût qui me donnaient envie d'effacer tout et de quitter la scène, mais je savais que mon état d'esprit était temporaire, tandis qu'un retrait serait définitif: j'ai passé outre chaque fois.
Aujourd'hui je souffrirais davantage d'ennui, presque de désintérêt: tant des blogueurs que j'aimais lire n'écrivent plus ou presque. Je crois désormais qu'on arrête de bloguer quand on a rencontré suffisamment de blogueurs avec qui les relations ne nécessitent plus de blog comme prétexte.
Je continue de bloguer parce que je ne veux pas m'arrêter. Je voudrais atteindre le 12 décembre 2012. C'est loin. Cette année j'ai raté le 8 août.

J'ai fini par scinder mon blog en deux, par séparer le littéraire de tout le reste, d'une part par pitié envers ceux qui soupiraient de "mon blog chiant", d'autre part dans l'espoir de débarrasser véhesse de tout ce qui était personnel, que ceux qui venaient lire les compte-rendus des cours de Compagnon, par exemple, ne subissent pas mes états d'âme (idée qui me gênait beaucoup).
Véhesse n'est pas vraiment destiné à être lu au fur à mesure. C'est plutôt une grosse malle dans laquelle je stocke ce que je ne veux pas perdre, ou tout ce que je veux avoir sous la main à tout moment où que je sois, du moment que j'ai un ordinateur.

Alice est davantage le "vrai" blog, tel que je me suis fait une idée du bloguing en lisant Gvgvsse et Matoo. Il est pour moi les lettres manuscrites que l'on n'écrit plus, à cela près qu'il ne s'adresse pas à une personne mais à un groupe (assez homogène, comprenant peu d'inconnus: sans doute parce que blog a comporté tout de suite un grand nombre de liens, Google le référence très mal et ce blog est quasi invisible). Chaque billet est généralement écrit en songeant à un lecteur particulier (parfois à quelques-uns), chaque billet ou presque est destiné plus particulièrement à l'un d'entre vous (ne cherchez pas ce soir, c'est très logiquement Aymeric).


Contrainte, dit-il. Ma définition : ce sont des règles qui évitent de réfléchir les jours où l'on a pas envie de bloguer, les jours où l'on n'a rien à dire, les jours où l'on dort debout. (— Mais si tu n'as pas envie de bloguer, tu ne blogues pas, où est le problème? — Mais si je fais ça, je n'aurais jamais envie de m'y remettre. — Et alors? tant pis (tant mieux), quelle importance, puisque justement tu n'auras pas envie? — Je veux atteindre décembre 2012[1]; je ne veux pas céder, même à moi-même, et puis zut.)

La contrainte est simple: écrire tous les jours, chez Alice au moins les jours impairs, chez Véhesse au moins les jours pairs. Chez Véhesse ce n'est pas forcément écrire, ça peut être faire de la mise en forme dans les soutes. C'est d'ailleurs amusant, car je sais que cela doit se voir pour ceux qui me suivent par RSS (il est même possible que cela soit un peu agaçant) et que cela reste invisible pour les autres.


Faire passer la chaîne? Je m'en sens de moins en moins capable, les gens qui ne jouent pas le jeu me vexent (si, si), et j'ai l'impression de toujours mettre les mêmes à contribution. Je propose l'inverse: si vous poursuivez la chaîne à partir d'ici, je vous mettrai en lien en fin de ce billet.


edit le 8 octobre

Je linke Rémi, qui a répondu.
J'ajoute Zvezdo, qui me fait penser à quelque chose: je blogue pour impressionner mon fils (cela ne faisait pas partie des raisons initiales, mais il n'y a pas de petits profits).

Notes

[1] Cela n'est pas un engagement contractuel.

Point de vue n° 3141

Je l'achète de temps en temps, ou Gala, pour les photos et pour les articles toujours bienveillants, voire guimauve (ici se tient mon espace réservé de guimauve).
Paul Newman en couverture, j'achète donc Point de vue.

A noter :

  • Une photo étonnante réunissant Carla Bruni, la reine de Jordanie et l'épouse de Rupert Murdoch : trois femmes, trois continents, trois cultures (hum, où à grandi la femme de Murdoch? en tout cas, elle est asiatique), une identité de looks et de sourires.
  • le mariage de Julien Dassault : Proust cent ans plus tard.
  • Penélope Cruz me rappelle Marie Gillain.
  • Cinq pages d'interview de Dmitri Nabokov avec photos : «Le manuscrit forme un ensemble de 138 fiches de bristol, écrites au crayon — mon père utilisait un crayon n°2, assez fin, qui lui permettait de biffer son texte. Ces cartes sont numérotées, et un bon tiers est assemblées dans un ordre définitif. Le reste est un ensemble d'esquisses, de fragments, de disgressions qu'il est possible d'interpréter de plusieurs manières. Mon idée est de présenter la partie achevée de l'œuvre sous forme d'un livre, et le reste en fac-similé, que le lecteur pourra arranger à sa fantaisie. Il pourra battre les cartes à sa façon, se faire lui-même son petit Nabokov.»
  • En marge de l'exposition Mantegna au Louvre, la galerie G. Sarti présente 27 œuvres peintes entre 1325 et 1510 dans le nord de l'Italie. 137 rue du faubourg Saint-Honoré jusqu'au 15 novembre.
  • Le 4 octobre, la maison Tajan vend des arbres de collection. (Mais qu'est-ce que ça veut dire?)
  • Dans le cadre de la succession du comte et de la comtesse de Paris, des objets ayant appartenu aux Orléans (dont des souvenirs de Louis XVII et de sa sœur (je trouve cela lamentable de devoir se séparer de souvenirs de famille pour des raisons fiscales)) seront dispersés chez Christies le 14 octobre.

Visite privée chez Christie's, à Paris: les 10, 11 et 13 octobre à 9 heures, et le 12 octobre à 14 heures, en compagnie de Vincent Meylan. Réservation impérative au 01 40 76 83 70 les 2 et 3 octobre et sur présentation de ce numéro de Point de vue.
Donc si vous êtes intéressés, téléphonez d'abord, achetez le journal après!

Aptitude inattendue

— Je ne sais pas plonger mais je fais très bien le cornichon dans le vinaigre.

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