Looper

Je ne sais pas trop quoi en penser. Hyper violent par instants, quasi romantique à d'autres, impression de voir l'ancêtre de L'Armée des douze singes ou de Blade Runner.

Amusant de constater que pour choisir un Bruce Willis jeune, ils ont cherché un acteur ayant la même courbe de nez.

Amour, sacrifice, rédemption. Mythe irréductible, visiblement.

Au film, il manquera pour devenir lui-même mythique une musique personnelle, un reminder comme une signature.

Six mille de belote

Beaux-parents à la maison. Pas de grec, pas d'allemand, pas de révision/écriture d'un article qui devrait être rendu depuis longtemps.

Mais du ménage (c'est un point positif, il n'est fait que sous la contrainte) et de la belote.

Pas de jeu (et je joue de plus en plus mal (sachant que je n'ai jamais très bien joué; cela ne m'intéresse pas assez pour que je mémorise les cartes et en déduise ce qui reste à chacun, comme cela doit se faire)).

Pendant une interruption (téléphone), O. joue sur son téléphone, R. continue deux pages de son PD James, je feuillette Souvenirs de la forêt noire de Frédéric de Towarnicki derrière moi dans la bibliothèque. Mathématiques; Platon qui voulait aller au-delà, les trouvant trop restreintes ou trop restrictives (intéressées par la fin et non l'archê, l'origine); Descartes qui aurait voulu atteindre en philosophie la rigueur mathématique (mais Platon employait-il la notion de philosophie dans le sens actuel? Non). Exactement ce que je suis en train de lire dans Ricœur, ça me fait plaisir.
Je commence à comprendre (il serait temps) ce que c'est qu'un cours: c'est une cartographie, un guide de voyage. Cela peut vous éviter de faire le voyage. Ce que je lis actuellement peut m'éviter de lire Platon (et visiblement "tout" Platon, car les différents thèmes sont appréhendés différemment de livre en livre), comme un guide peut donner une idée d'un lieu sans voyager.
Mais si je voulais vraiment savoir ce que j'en pense, il faudrait me déplacer sur place, il faudrait explorer par moi-même. Il faudrait lire Platon.
Je crois que je vais me contenter du guide. Dans le temps qu'il me reste, je ne peux plus me consacrer à la lecture totale que de quelques-uns.
La chance que nous avons, c'est que certains guides sont si bons qu'ils deviennent à leur tour destination en eux-mêmes. Ricœur sur Platon, c'est Ricœur (angle du langage, on ne se refait pas).

Dimanche et lundi, perdu un mille, gagné un mille.
Ce soir, perdu les deux.

La blague du week-end

— Vous savez pourquoi les croque-morts s'appellent croque-morts? Ils mordaient l'orteil des morts pour vérifier s'ils étaient bien morts?
— Euh, oui.
— Eh bien un jour, on leur a amené un cul-de-jatte et depuis, ça s'appelle les pompes funèbres.




Fêté les soixante-dix ans de mon beau-père en grand comité. Je suis contente, j'y tenais, c'est un homme soupe-au-lait mais extrêmement disponible et serviable à qui l'on ne dit pas assez merci.

Désirs ou souhaits

— J'en ai marre de ma tête. Je voudrais retrouver ma tête d'avant.
— Je ne sais pas si la tête d'avant existe.



Je viens de découvrir que le cours d'allemand que je voulais suivre a lieu à l'Institut protestant de théologie. (Aller chez les protestants: quelle horreur!) D'un autre côté la description du cours présuppose "un bon niveau d'allemand", donc ce que je fais par erreur cette année (une remise à niveau) n'est pas inutile, c'est le moins que l'on puisse dire.

A la manière d'Obaldia

De Sophie, assise à côté de moi lors de la pizza oulipienne:

«Cherche homme brillant qui ne me fasse pas d'ombre.»

Dans ma cuisine, onze heure du soir

«Enfin, peut-être qu'il y a une solution. Mais il faudrait que p=n/p, et ça, personne n'y croit.»

Un rêve

Cette nuit j'ai rêvé de RC.

Nous étions en voiture sur une nationale, les nationales de notre enfance, pas encore transformées en "quatre voies". Deux chats persans caramel se tenaient sur la route immobiles, nous fixant de leur nez écrasé.
Nous les dépassions et je convainquais H. de revenir en arrière pour les déplacer, les enlever de la route où ils allaient se faire écraser et provoquer un accident.

Quand nous atteignîmes les chats, RC était sur place avec Pierre, pour les mêmes raisons que nous je suppose. Il avait une barbe longue de plusieurs centimètres, totalement sauvage, qui lui donnait l'air fou de certains Russes du XIXe siècle.

Fin du rêve, rien de plus.

D'autres langues que la mienne

Sostiene Pereira.
Ligne 12, lundi 17h25.
J'ai aimé cet homme qui m'a semblé être Pereira en train de lire Pereira.




RER D, lundi 7h12. Je n'ai pas compris le titre. De Victor Hugo, deniz işçileri.




D'après Google, ce sont les Travailleurs de la mer.

Eh bien en fait...

Je croise l'assistante sociale dans l'ascenseur. Elle remarque mon sac de sport:
— Ah, vous allez ramer ?
— Hmm..
— C'est bien, au moins, vous, quand vous ramez, vous avancez.



Je n'ai pas osé lui dire qu'à l'aviron, on recule.

Fin de week-end

Fin de partie. Définition du week-end: moment très occupé où l'on ne fait rien (où rien n'est fait, rien n'avance).

Une tarte aux pommes, une potée au chou, le marché, les courses (au marché on achète de quoi manger; les courses, c'est pour le fond, le lait ou les boîtes chat), lu debout dans un Carrefour Market un magazine détaillant la vie d'Elizabeth II et de ses enfants (comme le temps passe), failli l'acheter pour envoyer les cartes postales de la fin à Patrick, mais ce n'étaient pas mes photos préférées de Kate, avec le chien du régiment irlandais ou en joueuse de hockey, appris à l'occasion des choses très utiles, comme le fait qu'à la prochaine génération tous les héritiers de trônes européens étaient des hommes sauf Victoria de Suède, mais qu'à la génération suivante c'était l'inverse, engueulé avec un restaurateur, copiné avec un autre, oublié un chapeau (pas le mien mais c'est embêtant quand même), dormi sur un parking (ça devient une habitude), avancé dans Clarel, joué un mauvais tour à mon beau-père passé à l'improviste à la maison (enfin non, H. le savait mais avait oublié de nous prévenir) et qui devait s'attendre à ce que nous fêtions son anniversaire (nous lui fêtons dans deux semaines avec toute la famille mais il ne le sait pas: embarrassée d'imaginer sa déception), reçu un mail très étrange d'un rameur qui me fait craindre pour l'avenir du club tel qu'on le connaît aujourd'hui, retrouvé une blouse de chimie, cousu une étiquette nominative dessus, taillé une barbe. Et quelques broutilles.

Quelques nouvelles

Inattendu : la bibliothèque de l'entreprise possède l'édition des œuvres complètes de Sade reliée de cuir noir et tranche dorée ("édition du cercle du livre précieux", 1966).

J'emprunte un mince volume d'Isherwood, Octobre. (C'est pour lire en déjeunant, je ne veux pas me promener à la cantine avec Diès, Autour de Platon).

J'ai mal à l'épaule depuis des semaines. D'abord j'ai cru que c'était un nerf pincé (douleur très vive mais intermittente, tapie), puis une déchirure musculaire. Nous en sommes à soupçonner l'articulation (je rame sans problème, j'en paie le prix dans les heures qui suivent).
— Mon père a eu mal à l'épaule pendant des années. On lui a fait des infiltrations, rien n'y a fait.
— Il a toujours mal?
— Non, un jour c'est passé, on ne sait pas pourquoi.

Bon. Je vais attendre encore un peu, alors. Je voudrais juste savoir ce que j'ai, et je suis tellement persuadée que la médecine ne sera pas capable de me le dire (en revanche elle saura me faire perdre du temps en examens mutiples) que je n'ai pas envie d'aller la consulter.

Moisson de la journée

Un polycopié de Clarel (introduction et notes incluses), Les Falaises de marbres (quatorzième édition de 1943 !!) et d'énormes chaussons Guinness qui ont rendu jaloux nos voisins de table. (A celui qui voulait me les piquer, il a fallu que j'explique qu'il avait les pieds trop grands, ce qui était sans doute un mensonge car ils (les chaussons) me paraissent extensibles.)



R est entré au PI. Cela me met le moral dans les chaussettes, d'un autre côté je suis curieuse de voir combien de temps il va résister à leur bêtise.

Sans pitié

Dans l'ascenseur, quelques femmes :

— Pourquoi, tu ronfles?
— Ah non, depuis que je ne fume plus je n' ronf'e plus.
— Moi c'est Mohammed… j'lui dis "tu ronfles!", i'm dit "mais non j' ronf'e pas!" Alors je l'ai enregistré, comme ça j'ai une preuve!




In petto je me suis dit que les progrès technologiques avaient des applications inattendues. Nous n'aurions pas fait cela avec les magétophones et les micros de papa. Trop compliqué. Est-ce que tout devient trop simple?

La fille aînée de l'Eglise

Il y a deux ou trois ans j'avais été un peu choquée d'apprendre que si le mercredi restait libre, c'était que ce jour était réservé au catéchisme, et qu'un préfet qui souhaitait utiliser le mercredi à l'école primaire devait en avertir l'évêque: comment, c'était cela la séparation de l'Eglise et de l'Etat? D'un autre côté, cette influence occulte de l'Eglise m'avait fait sourire: ah, j'avais été stupide de ne pas m'en douter.

Ce matin en écoutant la radio j'apprends simultanément qu'il y aura école le mercredi matin et que nous manquons d'aumôniers musulmans dans les prisons. Pas de doute, les temps changent.


(Qu'on ne se méprenne pas: je préfère des croyants d'une autre religion que des non-croyants, parce qu'il me semble avoir ainsi davantage de chances d'échapper à un monde entièrement tourné vers la consommation et l'étourdissement par les sens. (Et qu'on ne se méprenne pas bis: je sais aussi parfaitement que les amis les plus humanistes, les plus généreux, les plus réfléchis, que je côtoie sont aussi très souvent les plus délibérément athées1 et que ce que je viens d'écrire ne supporte pas l'examen de la réalité (ma réalité: celle qui m'entoure). Peut-être que cela veut simplement dire que nous, croyants, croyons mal, insuffisamment.)


Note
1 : Mais comme le dirait une professeur, un athée a des convictions, ce n'est pas un indifférent, un tiède, un sans-opinion, un gloubiboulga (sic) de convictions new-age. Même les vrais athées tendent à disparaître.

Alsacienne

Réunion pour la terminale de A.

Cette école qui m'a rendue si heureuse me donne maintenant envie de pleurer, je me retiens d'aller voir P*nafieu ou O*sini pour plaider: "faites quelque chose!"

(Je me rends compte que je vis la paresse, la lâcheté et l'indifférence de C. comme une maladie contagieuse, je n'ai qu'une envie, me tenir loin de lui pour ne pas être contaminée. Je ne crois pas qu'il va changer. Il apprendra peut-être à ne pas le montrer, mais je ne crois pas qu'il va changer.)

Pourtant il me semble encore que j'ai eu raison d'inscrire C. ici, de lui donner cette chance, même s'il n'en a rien fait.
Même si je me dis que la situation actuelle est une punition pour mon orgueil et mon ubris, une leçon d'humilité qu'il me faut endurer avec patience, je reste convaincue que je devais le faire.
Que vaut ce sentiment d'avoir agi droitement face à des résultats mauvais? Faut-il remettre en cause l'intuition initiale et cette impression de bien agir? Ou faut-il juste se dire qu'il faut attendre, que l'histoire n'est pas écrite jusqu'au bout?

Apprendre le grec

Nous sommes nombreux, il manque des chaises, il ne faut pas arriver en retard.

Ce qui m'ébahit le plus, ce sont les étrangers présents. Pour nous, Français (de langue maternelle française), cela présente un avantage certain, car cela se traduit à l'occasion par de la grammaire comparative.

Anecdote: le Grec qui proteste contre la prononciation du grec ancien (réponse du professeur: «Vous pouvez prononcer intérieurement comme vous le souhaitez, vous avez un travail de décodage à faire, mais vous n'êtes pas obligé de rencoder» (apprendre le grec ancien en France quand vous êtes étranger: apprendre à traduire vers une langue qui n'est pas la vôtre (est-ce que cela rend le thème plus facile?))).

Question: est-ce mon passé de germaniste ou le souci de (l'orthographe de) mes enfants qui me rend les cas si naturels? J'ai l'impression de n'avoir jamais cessé de les utiliser, alors que la prof nous annonce: «Vous allez vous rendre compte que vos problèmes seront souvent des problèmes de grammaire française.»
Non. Au moins un problème que je n'aurai pas.
En revanche, latin oblige, la présence d'article m'étonne. Je m'en passerais bien.

Doxa et épistémé

C'est très étrange d'avoir en face de soi quelqu'un qui semble considérer que les mathématiques relèvent de l'opinion et qui défend ses erreurs comme un avocat défendrait une cause.

Un peu désespérant, en fait.

Fini la couture et le rangement des cours de l'année dernière. Retrouvé la liste des livres à lire à la Toussaint. Un peu ennuyée, j'ai la septième édition du Nouveau Testament en grec, dois-je acheter la vingt-septième, celle que nous recommande la prof? (Oui c'est l'appareil de notes qui change. Mais je ne pense pas m'en servir de sitôt.)

Quelques photos américaines autour de l'aviron

Aux Etats-Unis, j'ai été surprise d'avoir autant d'occasion de photographier des objets en rapport avec l'aviron. Est-ce une caractéristique de la Nouvelle Angleterre, qu'en est-il en vieille Angleterre?


A Mystic Seaport, il y avait cette affiche dans la cabane qui permettait de louer des barques :




Dans le "hall of Fame" etaient exposés de nombreux objets autour de l'aviron et l'histoire de l'aviron (dont un skiff suspendu au plafond).
J'ai pris la photo d'un porte-voix impressionnant et d'une affiche imaginant l'aviron du futur:







Sur les murs de Washington, j'ai trouvé une affiche à deux pas du bâtiment des archives, il me semble. Je n'ai pas bien compris à quelle manifestation ou quel musée cette affiche faisait référence:




Enfin, à Philadelphie, je n'ai pas pris de photo du bassin ou de rameurs, mais au petit déjeuner, le jour de notre départ, j'ai photographié une photographie sur les murs du fast-food:




L'aviron est une activité importante à Philadelphie, on trouve au musée de la ville des tableaux d'Eakins sur le sujet.

Résumé

Hier : journée de réunion, à réfléchir à la façon dont nous allons d'abord nous passer d'informatique pendant six mois, puis à la façon dont nous allons la remettre en place.

Aujourd'hui : journée à rattraper ce que je peux de retard («le temps ne se rattrape jamais» dit mon père un soir de Noël quand j'avais six ans. (Et j'avais alors entrepris un raisonnement par récurrence pour parvenir à la conclusion qu'il avait raison)). Coup de fil à Danielle, mon ancienne collègue, qui est en train de mourir d'ennui. Journée des erreurs, il me semble en savoir moins aujourd'hui qu'il y a trois mois. C'est toujours une période troublante, même si cette phase est connue.

Mon beau-père a soixante-dix ans aujourd'hui. Je n'arrive pas à accepter que nos parents vieillissent.

Sortie en skiff

Comme d'habitude il a fallu que je me force pour quitter le bureau et aller ramer. Je sais d'expérience qu'il faut absolument que je tienne cet engagement avec moi-même, c'est le moment où j'en ai le plus besoin entre mon nouveau poste, la philosophie antique et le grec. C'est le moment où glisser entre ciel et eau devient très important, remet tout à sa juste dimension et à sa juste place (un héron a surgi d'une péniche).

Sortie en skiff, toujours aussi instable. Mais il me semble avoir compris quelque chose durant une centaine de mètres, quelque chose qui tient à la décontraction des épaules, à une façon de les laisser tomber.
Plus tard, il m'a été impossible de retrouver ce geste. Mais je sais maintenant ce qu'il faut chercher. C'est un grand progrès.

Si fatiguée (par l'aviron?) que j'ai dormi une heure dans la voiture sur le parking du RER avant de rentrer à la maison.

Philosophie et littérature

Quand nous étudions Phèdre je pense à Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes, Le Banquet me rappelle Ravelstein, et ce soir, tandis que le professeur s'emballe sur Aristote et nous présente la substance en prenant une table comme exemple (de ce qui est là, ici et maintenant), je songe à la table de cuisine de Promenade au phare.

Ma pensée vagabonde, je n'en reviens pas de tout ce qu'il faut connaître avant de pouvoir comprendre quelques bribes, entrevoir quelques éclats (Ça va tout de même beaucoup mieux qu'il y a quelques années, je me rends compte que j'ai accumulé un substrat de connaissances non négligeable: je dispose de suffisamment d'éléments pour commencer à créer des liens entre eux. C'est une sensation très plaisante). Je m'endors sur Leo Strauss (un de mes préférés, il me fait rire) dans son attaque de Wild (Sur une nouvelle interprétation de la philosophie politique de Platon); son art de distinguer toujours plus finement entre les concepts m'emplit d'admiration, je sais maintenant que ce genre de choses sera toujours hors de ma portée: je comprends tant que je lis, j'oublie dès que j'arrête de lire (exemple: les différences entre philosophie classique et philosophie moderne).
Tout ce que j'entreprends ces derniers temps n'a pas grand sens finalement, toute cette activité, toute cette agitation. Mais au moins j'aurai appris à jouer de la flûte avant de mourir.

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