Un film, une visite

L'intervention marquante du jour portera sur B.Traven, auteur mystérieux dont on ne connaît que le pseudo. Les livres sur les voyages en mer me fascinent, il s'agit toujours de voyages initiatiques vers la mort.

Autre choc de la matinée, un extraordinaire film sur Naples, Dreaming by numbers, qui décrit la passion napolitaine pour la loterie. Il existe un livre, le livre des Grimaces, qui permet de convertir tout fait, tout objet, en nombre, et donc de le jouer à la loterie. La réalisatrice commence par nous montrer une échoppe où se vendent les billets, puis choisit quelques personnages et leur fait raconter leur histoire et leur passion. C'est souvent déchirant, sont mis en lumière, sans geste, la difficulté de la vie quotidienne et la décision de ne pas en faire drame, de vivre malgré tout. Jouer à la loterie, ce n'est pas vivre, c'est décider de vivre. Quelque chose d'Affreux, sales et méchants court sous ce film, atténué par la générosité de la caméra.
Un vieux monsieur, historien en train de devenir aveugle, raconte: «Moi je suis un bourgeois. J'ai recueilli Maria, je lui ai dit: "Maria, pourquoi tu joues comme ça? Tu pourrais économiser, mettre quelques sous de côté, pour l'avenir". Elle m'a répondu: "Monsieur, je joue parce que je veux pouvoir dormir la nuit". Et je me suis dit que j'avais des réflexes de bourgeois, économiser, c'était se construire un avenir, elle, elle ne pouvait qu'espérer vivre encore un jour».

Ce matin au petit déjeuner Edgar nous a parlé d'un château à visiter. Il devait rentrer en urgence en Allemagne et nous a fait rire («Je ne vais pas partir sans payer, les Allemands ont suffisamment mauvaise réputation») et comme je m'étonnais de la gentillesse des gens du pays: «C'est parce qu'ils habitent en montagne. Ils n'ont jamais été envahis. Les Grecs étaient trop paresseux, ils se sont arrêtés dans les plaines. Les gens des plaines sont plus méfiants, c'est très difficile de faire parler les Calabrais. J'aimerais bien que Béatrice organise un colloque en Calabre, ça me permettrait d'étudier les gens sur place.» (Edgar est spécialiste des dialectes italiens, il étudie les variations et déformations du langage.)

Nous nous renseignons au cours du déjeuner: «Mais oui, Castel del Monte, c'est le un centime!»
Hein, quoi? J'imagine aussitôt un système de classification italien où nos étoiles au guide Michelin seraient remplacées par des centimes… Mais pourquoi UN centime pour un château à visiter absolument?
Renseignement pris, il s'agit du château sur la pièce de un centime italien.
Une route fantôme, que nous paraissons seuls à connaître, surplombée de ponts qui ne portent aucune route (A quoi peuvent-ils servir? Aux tracteurs? Hypothèse de H.: «Un type construisait des ponts, il a vendu des ponts, l'Union Européenne a payé.») Puis des oliviers à perte de vue, je n'ai jamais vu autant d'oliviers. Castel del Monte, du vent, la vue qui porte à des kilomètres, une architecture dépouillée, parfaite, si parfaite que certains doutent que le château ait jamais pu être habité tant il manque de commodités, tandis que d'autres imaginent des campements à la mode arabe au milieu des salles.
J'achète le seul livre en français sur Frédéric II, une minuscule biographie destinée aux enfants, qui commence par «Imaginez qu'en ce temps-là il n'y avait pas de télévision ni de Wii» (citation de mémoire, mais je suis très proche).
Je suis heureuse.
Désir de Kantorovicz, désir irrépressible de Kantorowicz.

H. veut voir l'Adriatique, nous passons à Trani, dont c'est la fête du saint patron.

Le soir, il y a concert dans le cadre du colloque. Nous arrivons en retard, le concert a commencé. Chants traditionnels, juifs pour la plupart mais pas uniquement, recueillis tout autour de la Méditerranée. Je ne suis pas capable d'apprécier les variations de mélodie et de rythme (je n'ai pas le souvenir de la musique, je ne sais pas discerner), mais les variations des paroles d'un pays à l'autre m'impressionnent et m'enchantent (en fait, ce qui m'impressionne, c'est le noyau dur, ce qui résiste dans les transformations). La chanteuse, fort peu sympathique au demeurant, est un monstre polyglotte qui parcourt les pays méditerranéens à la recherche des derniers témoins de civilisations orales en train de disparaître. Elle recueille les chansons et les note. Et les chante.

Deuxième journée

Mise en forme de 5 à 7 heures, toujours dans la salle de bain. Je dors une heure. H. intervient pour diverses sauvegardes.
Mon intervention est la première de la journée. Je ne crois pas que je trouverai un jour une plus jolie salle de colloque. Je suis le petit VRP de la camusie. Je ressens de la gêne à donner, via le filtre de l'objet du colloque (fatum et téléologie) une image aussi biaisée des journaux de RC. Le regard est partiel, orienté.

Puis Médée, Dante, Michel Leiris.

(Plus tard un intervenant, le seul qui ait connu Camus, me demandera: «Mais pourquoi les Eglogues?» La réponse condensée qui me vint fut «Ça me fait rêver».)

L'après-midi est projeté un film formidable (La vie autrement) d'une réalisatrice belge Loredana Bianconi: interview de quatre femmes d'origine maghrébine ayant choisi de se couper de leurs racines pour vivre la vie dont elles rêvaient et racontant le prix de ce choix. Au-delà du sujet, ce sont quatre personnalités qui se dessinent, c'est très émouvant, d'une grande force de vérité, chaque femme réussissant sans en être consciente à être totalement des individus, uniques, et des archétypes.

H. et N. sont fatigués et viennent me chercher. J'ai le regret de "sécher" la fin de journée. Je trouve impoli de quitter la salle alors que des intervenants n'ont pas encore parlé (ou plus radicalement partir, quitter la ville, dès qu'on a parlé. Mais il faut dire que si mon but est prosélyte, il est aussi de m'instruire, d'apprendre le plus vite possible auprès des meilleurs (ou tout au moins des passionnés, ceux qui préparent des interventions pendant leurs vacances?)). Ce n'est pas forcément le cas des autresparticipants, souvent professeurs.

Première journée

Désormais je ne peux plus travailler dans le patio. Entre cinq et sept je travaille assise sur le carrelage de la salle de bain, l'ordinateur sur les genoux. C'est stupide mais ça m'amuse, inexplicablement ces bizarreires m'aident à me concentrer.
Je laisse mon ordinateur à H. avant de partir pour la journée afin qu'il mette en forme les citations sur keynote.

A 9h30 le programme prévoyait le discours d'accueil de "l'échevin de la culture", sans que je sache si c'était le terme italien ou une impropriété belge (patrie d'adoption de l'organisatrice). L'échevin est un grand italien barbu décontracté en jean et chemise à carreaux...

Interventions en français: Yourcenar, Léautaud, Morand et Nérimovsky.
Le film de Sophie Calle, Prenez soin de vous. Nous ne voyons que vingt minutes choisies de son film, c'est très drôle (les passages sont très bien choisis), mais son idée de faire lire publiquement une lettre de rupture pour s'en moquer me révulse. Guérir une blessure par l'humiliation publique de l'autre, mais quelle horreur. Le comble est qu'elle sera sans doute surprise si le suivant la quitte sans un mot.

Je me fais intercepter par H. au cours du dernier film de la journée que je ne peux donc voir en entier. Entretemps, en écoutant les interventions sur Yourcenar et Léautaud, j'ai eu une illumination sur la façon de terminer mon propre papier (les rapports entre destin et hérédité, mais c'est bien sûr!).

Sortis très tard de table après que H. ait obligé X. à venir dîner comme il s'y était engagé.

Je travaille jusqu'à avoir terminé (une heure du matin). Je remets au lendemain tôt (5 h du matin) le fait de tout copier sur Keynote puisque je n'ai pas d'imprimante: il faudra lire directement sur écran. J'espère malgré tout réussir à lever les yeux de mon texte... (Le problème est un problème de niveau de langage. Dès que je n'ai plus le soutien de l'écran, j'ai l'impression de parler atrocement mal, de façon très relâchée. L'écrit me rassure, non contre d'éventuels trous de mémoire (je pourrais parler sans avoir rien préparé), mais contre cette langue qui m'échappe et que je ne maîtrise pas. N. à qui j'explique mes craintes rit: «Oh oui, moi j'attends toujours les questions: on voit les gens qui lisaient un texte parfait, très léché, se mettre à parler naturellement, le décalage est souvent amusant.»
Voilà qui n'est pas rassurant.)

Repas du midi dans un restaurant que nous n'aurions jamais trouvé seuls. Buffet. Le restaurateur produit ses fromages. Je me damnerais (c'est peut-être ce que j'ai fait) pour cette ricotta.
Terra e Sapori
di Agata d'Alessandro
Via Martiri di marzabotto, 5
Bovino

Une enquête sentimentale

Les question sont ici sont ici.
Réponses apportées le 1er octobre 2016.

1/ Plutôt au moment où je m'habille.

2/ Jamais je n'aurais osé leur demander une futilité. Ma mère nous racontait toujours combien elle avait été malheureuse à l'internat, comment les autres se moquaient d'elle parce qu'elle était mal habillée (on pourrait croire que cela l'aurait incité à nous habiller dans l'air du temps: mais non, c'était plutôt tu peux bien souffrir puisque j'ai souffert.)

3/ Je devrais. J'essaie.

4/ Oups. Quatre ans? je mange des crevettes depuis toujours. 5/ Non. Je reste le moins possible en maillot de bain. Mon corps m'embarrasse.

6/ Oui. Cela ne me gêne pas beaucoup. Je dois être trop factuel et pas assez sentimentale, j'espère que cela ne laisse pas de séquelles affectives.

7/ Non. Ouh lala. J'ai dû avoir droit à un «Fais attention» quand j'ai commencé à sortir avec mon (futur) mari.

8/ Par expérience, c'est indécidable à priori.

9/ Oui. Ce n'est pas un animal très intéressant.

10/ Par périodes. C'est très déstabilisant.

Insomnie

Nuit de mardi à mercredi, de nouveau réveillée, un peu moins longtemps. Décidé de tout recommencer. Repartie de zéro.[1]
Je travaille, j'avance lentement.

Quand j'étais étudiante, les échéances me paraissaient des murs. J'avais l'impression que j'allais me fracasser contre, que le monde n'existerait plus, cesserait de tourner, au moment où l'échéance cherrait.
L'âge et l'expérience venant, j'ai pris l'habitude de m'imaginer après, une heure après ou le lendemain, afin de maîtriser la panique, de me convaincre de l'écoulement inéluctable du temps, de relativiser tout cela (il faut dire que cela me rendait réellement malade de terreur; c'est ainsi qu'à vingt-deux ans j'ai interrompu mes études en dernière année tant l'idée du grand O me terrifiait (je les ai achevées plus tard, après avoir appris à relativiser (au moins un peu) en entreprise (à l'approche de 2000, un chef me disait encore : «Tu prends tout au tragique».)).
L'inconvénient de cette méthode, c'est que j'ai le plus grand mal à me mettre à travailler: après tout, puisque quoi qu'il arrive le temps va passer, puisque tout cela n'a pas d'importance...
Tentation de laisser tout tomber, d'abandonner. Je me retiens de le dire, de le formuler; je sais que si je prononce ces mots, la machine se mettra en route, pour accomplir ce que je désire et ne désire pas.

Seule dans la journée. H. est parti à Bovino, à la recherche du wifi (succès sur toute la ligne: wifi gratuit pour le prix d'un capuccino dans l'après-midi, 80 centimes).

18h30. Début officiel du colloque, accueil dans la cour, nous attendons des Français en retard (!), Béatrice est très inquiète que nous puissions être mécontents, nous la rassurons comme nous pouvons, il fait un temps magnifique dans un cadre superbe.

Le soir, nous dînons comme les soirs précédents à Panni, auprès de nos hôtes qui tiennent également un restaurant, La Locandia di Pan. Pas de carte, à peine un menu, on s'obstine à nous demander ce que nous voulons, barrière de la langue, nous nous efforçons de faire comprendre que nous mangerons ce qu'on nous donnera: nous ne prenons pas grand risque, tout est excellent, les produits très frais (légumes, fromage, pâtes, fruits) cuisinés le plus simplement du monde, c'est délicieux. Je me souviens avoir lu que l'essor de la cuisine bourgeoise en France, terreau indispensable à une tradition gastronomique, date du mariage de Henri II avec Catherine de Médicis qui amena ses cuisiniers d'Italie.

Notes

[1] Ça me paraît tellement incroyable une semaine plus tard que j'ai vérifié la date sur le fichier: créé le 28 juillet à 2 heures 39, pour une intervention le 30 juillet à 10 heures, sachant que le 29 était entièrement occupé par des conférences. Visiblement je n'avais plus aucune notion du temps.

Panni studieux

Une chose que j'aime en montagne : l'ombre des nuages sur le paysage.
Eoliennes à perte de vue sur les crêtes.

Dans la nuit de lundi à mardi, réveillée à deux heures du matin. Je me suis levée et j'ai profité que nous fussions seuls dans la maison pour aller travailler dans le salon sous les toits, avec sa large baie vitrée sur l'horizon.
Travaillé de deux à six heures, puis dormi deux ou trois heures.

Journée très calme, au village. Journée studieuse chacun à notre ordinateur. Je me dis en contemplant notre chambre que nous n'avons besoin de rien de plus: quelques rayons d'étagères, peut-être. Mon idéal reste la cellule monastique, ou ce que j'ai connu de plus proche, la chambre de cité U.

Panni désert

Naples – Panni – Bovino – Foggia – Panni
Location d'une voiture: Naples (Floride) nous promettait une corvette, dans la même catégorie Naples (Italie) nous octroit une Fiat 500 rouge vif, superbe, à la direction d'auto-tamponneuse, se faufilant partout (et heureusement. Je ne compte plus le nombre de demi-tours sur routes ou reculs dans des rues trop étroites paraissant finir dans des cours privées). Il me semble de plus en plus évident qu'il existe un rapport étroit entre les voitures fabriquées par un pays et sa topographie, la topographie de ses villes. Je suis trop française pour comprendre ce que disent de la France les voitures françaises (avoir inventé le monospace: qu'est-ce que ça veut dire?) mais je serais curieuse de comprendre le rapport des voitures japonaises au Japon.

Atteindre Panni n'est pas de tout repos. Personne à la chambre d'hôte que nous avons réservée, il est quinze heures, tout semble désert.[1]
Panni- Bovino, route improbable, je repasse en première dans les virages en épingle, à un endroit la chaussée s'est effondrée dans le ravin.
— Eh ben dis donc, j'espère qu'il ne passait personne quand ça s'est effondré!
— Si ça s'est effondré, c'est qu'il passait quelqu'un.

Bovino, palais ducal (ou diocésain). Francesco est très serviable, il téléphone à Béatrice B., nous démêlons la situation. A huit ou neuf heures du soir, nous serons attendus à Panni pour dîner et retrouver notre chambre, Béatrice est navrée du contretemps.

Foggia. Pas de parcmètre, mais un homme qui délivre des tickets quand il vous voit arriver (est-ce que c'est rentable? Plus besoin de gérer des contractuelles et un suivi des contraventions, en cas de dépassement de temps de stationnement il vient réclamer le supplément, accessoirement il surveille et donc protège les voitures. Un euro ving les deux heures, à combien est l'heure de Smic chargée, combien faut-il qu'il facture de voitures pour que son embauche soit rentable?) Un café, nous n'arrivons pas à nous faire comprendre, glaces, wifi, les magasins commencent à ouvrir (il est 17 heures, je vérifie les horaires d'ouvertures, 17- 21 heures, mais que cela doit être pratique quand on travaille dans un bureau), nous visitons le jardin. Je pousserais bien jusqu'à la mer mais nous sommes fatigués.

Le soir je vois un épisode de Lost pour la première fois. C'est au restaurant, la télévision gueule, c'est en italien et je n'y comprends rien.

Notes

[1] Dans les jours qui suivront, nous apprendrons qu'il faut s'arrêter au café, en bas dans le village, devant la poste, pour demander les clés.

Somatique

Je me souviens qu'en février ou mars 1995, devant présenter un exposé sur Paul Ricœur auquel j'accordais une grande importance, je me réveillai avec une extinction de voix. Une amie lut l'exposé à ma place. (Le même jour j'avais rendez-vous entre deux avions avec une autre amie qui repartait à Tahiti. L'échange fut limité.)

Bovino

— Bovino, Bovino, mais qu'est-ce que vous allez faire à Bovino? Il n'y a rien à faire à Bovino!

Le stress peut-il se traduire de façon ligamentaire? Coude gauche en mauvais état.
Réalisé tard le soir que si je voulais avoir une version papier à emmener, j'avais vingt-quatre heure pour terminer, et non trois jours comme je le pensais.

Eça de Queiroz

Lundi, à la suite d'une série de déconvenues, je me suis retrouvée sur le terre-plein central de l'avenue du Général de Gaulle à Neuilly (métro "Pont de Neuilly", sortie "rue de l'église").

A ma grande surprise, j'y ai découvert une statue de Eça de Queiroz, que je révère depuis la lecture des Lettres de Paris. (Et il paraît que ses romans sont meilleurs encore, ce qui à vrai dire me fait un peu peur.)


Photo de téléphone, huit heures du matin, ciel maussade.


2010-0720-EcaDeQueroz.jpg



Sculpture d'Antonio Teixeira Lopes, selon une étude de 1903. Statue offerte par la ville de Lisbonne en 2004.


(Je trouve ce visage admirable.)

Une enquête sentimentale

Les questions sont ici.
Réponses apportées le 1er octobre 2016.

1/ pas spécialement.

2/ Plutôt oui, car je sais que les enquêteurs sont payés au questionnaire. Mais c'est toujours plus long que ce qu'ils annoncent.

3/ Oui, mais en avance d'un an, peut-être.

4/ Non, pas souvent. A la limite c'est moi qui vais interrompre!

5/ Dans les transports.

6/ Au lycée, oui. De la solitude.

7/ Maintenant oui, car qu'à douze ans j'ai coupé les ponts avec une amie parce qu'elle lisait Guy des Cars.

8/ L'amour de l'argent (mon avant-dernière conseillère bancaire).

9/ Avoir pris mon temps, avoir bien ramé, avoir appris quelque chose, avoir résolu un problème.

10/ Plus maintenant. je me détache des animaux comme étant tout autre.

11/ Non.

Vacances

— Et tu construis quoi ?
— Je ne construis pas, je comble !
— Tu combles en faisant des trous ? Il est pas près d'être fini, ton chantier !
— Les trous, c'est pour remplir: il s'agit de remplir d'un mélange de béton, de cendres et d'eau les anciennes carrières de Paris qui s'affaissent. Ça s'appelle du coulis, je trouve ça joli…
— Tu fais des trous pour combler des carrières avec du coulis ?!…

Vocabulaire

— Je n'ai plus que deux frags à finir.
— Viens manger, deux frags, ça peut prendre un quart d'heure.

Il paraît que je ressemble à un zougoumfritien.

Finalement

Il faut bien me rendre à l'évidence: j'adore lire RC.

Folie II

De nouveau la directrice. Très longue conversation. En huit jours, A. leur a offert un pot-pourri de son savoir-faire, un florilège de ses meilleurs moments. Je suis anesthésiée, navrée qu'elle fasse subir cela à un groupe de vingt-huit enfants, cinq animateurs, venus passer dix jours à pratiquer leur passion. J'ai proposé qu'ils la mettent dans un train et la renvoient à la maison mais il est trop tard, le stage se termine vendredi.

La directrice a téléphoné dans un but thérapeutique, pour s'épancher elle. Ça fait plaisir d'avoir affaire à quelqu'un qui ne s'est pas laissé embobiner, et qui a les mêmes analyses que nous.
Une nouveauté cependant: au lieu d'évoquer un traitement psychologique (ce que fait habituellement la plupart des gens), elle propose d'explorer une piste neurologique, à commencer par des examens sanguins approfondis.

Je n'imagine pas me lancer là-dedans, mais j'en parlerai quand même à notre médecin. Après tout…
Ce serait bizarre de se retrouver dans un cas bénin de L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau.

Folie I

J'ai évoqué autrefois ma terreur de finir comme Ruth Fisher, enterrée vivante entre la machine à laver et "les enfants à élever" (syntagme figé). Me revient en mémoire une émission d'Eve Ruggieri (j'entends encore sa voix prononcer les mots), en 1985 ou 1986, dans laquelle elle évoquait une jeune femme qui, venant d'apprendre la mort de son mari, hurlait d'affolement dans les couloirs du château de Versailles: «Pas le couvent! Pas le couvent!»1. Parfois devant les tâches ménagères et les heures de RER je hurle dans les couloirs de ma tête: «Pas le couvent! Pas le couvent!»

(Qu'est-ce que je pense de Mad Men? Qu'est-ce que je pense de Don Draper, un personnage qui enferme sa femme, lui fait suivre une psychothérapie, interroge le psychiatre (ce qui pour moi est l'équivalent d'un viol de l'âme), mais n'est pas capable de lui confier sa vraie identité, ne lui parle pas, la laisse mourir à petit feu? Je n'en pense rien, tout cela m'est étranger, à mille lieues de mes préoccupations. Ce ne sont pas des personnages qui se battent, ce sont des personnages qui survivent. (A la rigueur Roger…) (Parenthèse dans la parenthèse: Et si l'on considère que la représentation dit une certaine vérité, à la fois sur les années 60 et les années 2000, il me semble que le personnage de la femme de Don Draper (son prénom m'échappe: Bett? Elisabeth?) est l'ancêtre (bien que la chronologie de la production soit inverse) des clinquants Desperate Housewives d'une part, Sex and the City d'autre part. De cela je tirerai une conclusion concernant mes goûts: je n'aime pas les téléfilms "vernis", qui montrent un monde où tout est brillant, au sens propre (la décoration, les vêtements, les couleurs) et figuré (la situation sociale, les métiers, l'éducation, etc).))

Pas Ruth Fisher, donc.
Mais en ce moment, c'est une question de Claire qui me trotte dans la tête:
— Maman, pourquoi est-ce que j'attire toujours les dingues ?


Note
1 : Laurent m'apprendra qu'il s'agit de la princesse Palatine.

Marais

Déménagement (un étage, pas de meubles).
Diabolo menthe.
500 grammes de thé (rupture, on risque la crise de manque).

Les rues sont très animées, beaucoup de magasins sont ouverts. Je regarde les chemises, je me marre devant les caleçons.
— Ce que j'aime chez les gays, c'est qu'ils sont gais. Ils ont un sens du kitsch… ils en font toujours un peu trop, mais en le sachant…

Ce que j'aime, c'est le sentiment de gaieté intérieure qu'ils me donnent (pas me donnent moi, le sentiment qu'ils l'ont, eux), de fantaisie, de légèreté. Il y a là un rapport à l'enfance, quel mot choisir, ni enfantin ni puéril… Juvénile?1
Je cherche le plus discrètement possible une trace de gravité sur les visages, je pense à un billet récent de Matoo, au doigt cassé de R. dans une agression, au Journal d'un voyage en France. J'ajoute pour le bénéfice de C., je sais qu'il ne sait pas, moi-même j'ai du mal à le croire dans cette après-midi dorée du Marais:
— On ne dirait pas que c'est fragile, que la plupart ont connu l'hostilité ou la connaissent encore… Matoo disait que dans certains quartiers il avait peur des gestes tendres.
C. me regarde, interloqué.


Note
1 : pentimento: sentiment semblable sur des modes différents avec les geeks (pas les nerds), les oulipiens… Quel pourrait être leur point commun? l'aptitude au jeu, au rire, à l'écart, à l'échappée?

Vitrine sociale

Si ma mère n'était pas de ce monde, j'aurais toujours la ressource de me suicider. Mais, outre que rien n'assure que j'aurais le courage d'un tel acte, je crains le chagrin qu'elle en éprouverait, et plus encore celui qu'elle se sentirait tenue, par ses convictions, son éducation, par l'usage, d'en ressentir.
RC, Hommage au Carré, p.49

C'est drôle, c'est toujours ce que j'ai pensé de ma mère, à peu près: qu'un suicide ne lui ferait pas vraiment de chagrin, que cela lui causerait avant tout une honte sociale ("cela ne se fait pas") et a thrilling (enfin quelque chose d'un peu dramatique à raconter).

(Dans la phrase de RC, reste ambigu le fait qu'il redoute le chagrin social parce que ce serait du chagrin ou parce qu'il serait artificiel).

Pas de miracle

Il y a dix jours dans la cuisine je remplissais machinalement le dossier du stage de chant qu'allait suivre ma fille. Celle-ci était présente, et je commentais en écrivant : « Vaccins... à jour, allergies... non, traitement médical... non, observations particulières...»
Je relève la tête : «Tu vois, j'hésite toujours: est-ce qu'il vaut mieux les prévenir de ton caractère, ou est-ce qu'il faut te laisser ta chance? J'ai prévenu une fois, depuis je ne le fais plus.»
Et plus loin : — Ah, et si ça se passe mal, ils peuvent te renvoyer, le voyage est à notre charge.
Elle commente : — Triste.

Ce soir nous avons reçu ce mail :
Bonjour Madame,
Bonjour Monsieur,
Je me permets de vous contacter pour vous prier de m'appeler sur mon portable au 06 xxx.
L'horaire le plus propice pour moi serait vers 20h.
J'aimerais m'entretenir avec vous au sujet de A.
Rien de gravissime, rassurez-vous.
En vous remerciant par avance,
cordialement,
Isabelle X
Directrice du séjour XXXXXX
Non, rien de gravissime et rien de nouveau pour nous (la directrice, par contre, voulait s'assurer que c'était "normal". Normal, je ne sais pas, mais ordinaire, oui).
Simplement une déception et du découragement, et l'assurance désormais que A. se sera rendue insupportable dans son prochain lycée au bout d'une semaine. Dans cette colonie, cela a pris cinq jours.

Je me suis servie un verre.

Une enquête sentimentale

Les question sont ici sont ici.
Réponses apportées le 1er octobre 2016.

1/ Une religieuse.

2/ Les deux, ça dépend de la vitrine. (Mais je me regarde beaucoup, j'avoue).

3/ Non. Il y avait eu un accident à l'école et nous étions devenus prudents.

4/ Longtemps. J'ai toujours un livre. Sauf si j'ai un rendez-vous après.

5/ Un ciel bleu (ce qui signifie que je suis dehors).

6/ Tant pis. Ça se passera peut-être bien (surtout maintenant avec les tablettes électroniques).

7/ Oui.

8/ Non. J'aimerais même que disparaissent les preuves que je l'ai tenue un jour !

9/ Oui. Ou plutôt triste: comment, je suis si peu comprise ?

10/ Oui.

La Défense, lieu d'histoire

Un homme m'a demandé si je cherchais quelque chose, j'ai dit que je voulais seulement voir l'ancienne gare [de Cahors], mais je n'ai pas osé expliquer pourquoi, de crainte de me présenter dans l'emploi fastidieux, et obscène pour le coup, chère Arcadie, de héraut de la poésie. Et pourtant il me semble que ce serait moins dur de travailler dans ces murs si l'on connaissait l'existence de ces lignes qui leur sont consacrées. Gare, ô double porte ouverte sur l'immensité charmante / De la Terre...[1]
RC, Journal d'un voyage en France, p.468

Certitude: La Défense est devenu pour moi un lieu "possible", habitable, vivant, un vrai lieu avec une histoire et non une place artificielle et inhumaine, du jour où j'ai découvert la statue de Barrias posée sur un pilier en plein centre du parvis (et curieusement invisible, in-remarquée, sur le fond de tours qui constitue l'horizon) et que j'ai appris que ce nom de Défense était un hommage aux Français qui avaient ici défendu Paris contre les Allemands en 1870.

Notes

[1] Valery Larbaud, Les Poésies de A. O. Barnabooth, in Poésie Gallimard, pp.38-39 et in Oeuvres, Pléiade, pp.51-52.

Choix III

— Espagnol, c'est complet. Il reste latin, grec, ou chinois.
— Latin et grec ça sert à rien. Chinois.

Un peu de politique: l'affaire Woerth

Innocent, présumé innocent, coupable.

Je n'en sais rien, mais qu'est-ce que ça change? soit c'est un naïf incompétent qui n'a rien vu, soit c'est un pourri corrompu (pléonasme) qui ment comme il respire. Dans les deux cas, démission: comment voulez-vous que cet homme aille défendre dans quelques semaines la réforme du régime des retraites face aux syndicalistes ou aux députés?

En entreprise on hésiterait pas trois secondes: cet homme ne peut plus assurer les fonctions pour lesquelles il est payé, donc dehors!

Feignasse !

L'étage s'est vidé durant le week-end. je fais le tour des bureaux, récupère une carte de France, un calendrier, des aimants... Dans l'ancien bureau d'une personne de la DRH je détache une liasse d'éditoriaux photocopiés de je ne sais quel magazine. Il s'agit pour la plupart de conseils comportementaux, mais l'un a retenu mon attention:

Vous voulez donc prendre un jour de congé. Regardons de plus près votre demande. L'année compte trois cent soixante cinq jours. Il y a cinquante deux semaines par an et chaque semaine vous disposez déjà de deux jours de congé. Il vous reste donc deux cent soixante-et-un jours disponibles pour le travail. Comme vous passez seize heures par jour loin du bureau, vous enlevez cent soixante-dix jours, ce qui vous laisse quatre-vingt onze jours de présence. Vous faites chaque jour une pause-café de trente minutes, soit un total de vingt-trois jours par an, ce qui vous laisse donc soixante-huit jours. Avec une pause de midi d'une heure par jour, vous utilisez encore quarante-six jours, laissant vingt-deux jours disponibles pour travailler. En moyenne, vous êtes malade deux jours par an, ce qui vous laisse vingt jours. Comme l'année compte cinq jours fériés et que l'on vous accorde en plus quatorze jours de vacances, il ne reste plus qu'un seul jour pour travailler! Je veux bien être pendu si je vous laisse prendre précisément ce jour de congé!

Irrationnel, et pourtant

Le 26 juin, nous avons appris que A. était sur la liste d'attente des admissions au lycée Y. Ce n'était pas prévu.
Comme nous lui avions promis qu'elle n'irait pas dans son lycée "naturel" (le lycée prévu par la carte scolaire) afin de pouvoir repartir de zéro, dans un environnement où personne ne la connaîtrait (une nouvelle vie, une nouvelle chance, en quelque sorte), en dix jours nous lui avons trouvé par relations une place ailleurs, dans un lycée Z. dont les inscriptions étaient closes depuis février (il faut dire que son dossier plaide pour elle).

Nous avons appris vendredi qu'elle était finalement acceptée à Y. Dilemme, où aller? Elle n'a pas voulu choisir, j'ai donc tranché: ce sera Y.
Maintenant il faut dire à Z., que nous avons abondamment dérangé pendant une semaine et dont la responsable a été charmante, nous consacrant tout le temps nécessaire, que A. ne viendra pas.

A. a des remords. Comment lui expliquer, lui communiquer, notre intime conviction que c'est aussi parce que nous nous sommes remués, que nous avons trouvé Z., que Y. l'a acceptée?
C'est irrationnel et invérifiable, mais j'ai tant de fois constaté la vérité de l'adage "Aide-toi, le Ciel t'aidera".

Couleurs, chaleur

Chaleur, puces, moustiques, voisins qui font la teuf jusqu'à trois heures du matin... Rien à faire, j'ai trouvé l'hiver si long que je suis contente de me réchauffer enfin un peu.

Je joue au camaïeu de bronzage en variant la largeur des bretelles des robes. En vérité c'est atroce. Mais on dirait que grâce à l'aviron je vais enfin réussir à bronzer un peu cette année.

Contente

Je ne développerai pas, mais ce soir, tout baigne (non, je ne parle pas de la température). Journée de réussite, mieux que si j'avais pris de la Felix felicis. A tel point que je suis passée (en vélib) vérifier s'il n'y avait pas une chambre à vendre rue Crémieux.

Douche tiède-froide et au lit pour travailler à la fraîche demain.

RER

  • mercredi soir

"De multiples incidents sur la ligne A". Je prends la ligne 1, de La Défense à Gare de Lyon, soit vingt minutes de plus, à peu près. Lire debout, se souvenir des passages remarquables pour les noter quand je serai assise.
Ligne D. Arrêt dix minutes en rase campagne. Nous repartons.

  • ce matin

Très en retard. Normalement le dernier RER que je m'autorise est celui de 8h51 (ce qui me fait arriver vers 9h40 dans mon bureau). Il est 9h17 quand j'arrive sur le quai. Je vois tout de suite qu'il y a eu un problème, il y a beaucoup trop de monde pour cette heure déjà avancée. Le train précédent a été supprimé. Le train de 9h21 est un train court, c'est-à-dire avec quatre à cinq voitures de moins. Quand il entre en gare il est déjà plein, les gens sont debout dans les couloirs.
Nous tassons, nous montons. Je me débrouille pour atteindre l'escalier, le but est d'obtenir un espace vital suffisamment grand pour pouvoir lire. Il reste de la place au milieu du couloir mais une dame refuse d'avancer, il faut passer derrière elle, au-delà d'elle (son excuse: elle a une main gauche mutilée (il lui manque deux ou trois doigts) et préfère se tenir de la main droite aux sièges. Pas de chance pour elle, j'ai dans mon service une femme avec un bras coupé au niveau du coude, je sais qu'elle, elle se débrouillerait pour avancer. Donc je fais remarquer à la voyageuse qu'il suffirait qu'elle fasse demi-tour sur elle-même pour se tenir à nouveau de la main droite — mais de l'autre côté de l'allée. Il paraît que je suis méchante. Entretemps une passagère assise se plaint que la même voyageuse l'a assommé à plusieurs reprises avec le sac à main qu'elle tient à l'épaule, c'est-à-dire au niveau du visage des personnes assises.)
Pendant que nous débattons le train est arrivé à Crosne. De l'étage nous entendons les gens lutter pour monter dans le train, sur la plateforme bondée (c'est en prévision de ces luttes que j'avais entrepris de me réfugier à l'étage. L'expérience...) Quelqu'un panique, nous ne comprenons pas bien ce qui se passe, le signal d'alarme est tiré. Je sais que nous allons être arrêtés vingt minutes. Pensée pour tous les trains qui suivent, obligés de s'arrêter. Pensée, toujours, pour l'accident de 1988, exactement sur cette ligne: ce sont des freins mal purgés après un signal d'alarme tiré qui en ont été la cause.
Nous allons repartir. Sonnerie des portes, brève lutte, un homme repousse des personnes qui veulent monter. Les portes sont enfin fermées, le train s'apprête à s'ébranler.
A ce moment-là s'élève un hululement déchirant, interminable. Nous nous penchons vers les fenêtres, une jeune noire assise sur le quai, entourée de deux ou trois hommes, sanglote dans ses mains, coudes sur les genoux.
Le train s'éloigne.

  • ce soir

Quai du RER A bondé, encore des trains manquants, j'arrive à monter dans le wagon de tête, à m'assoir entre Châtelet et gare de Lyon. Deux, trois minutes. Dès que je m'assois je m'endors. Je rêve. Toute la journée je lutte contre la tentation de fermer les yeux et me mettre à rêver aussitôt.
Quand j'arrive sur le quai du RER D, le train pour Melun que je vois défiler le long du quai ne ralentit pas pour s'arrêter, mais accélère pour s'éloigner (il faut toujours quelques secondes pour analyser ce genre de situation, pour comprendre ce que voient les yeux — un train qui roule, et en tirer les conséquences). Le Zuco suivant (ie, le RER pour Melun s'arrêtant à Yerres ("ayant pour mission" Melun)) est à 20h10.
Je décide de prendre le premier train qui passe, pour n'importe où, et de descendre à Villeneuve-Saint-Georges attendre mon Zuco au grand air, le long de la Seine. Je prends donc un train à 20h, qui a la particularité de s'arrêter dans toutes les gares avant Villeneuve; le Zuco part dix minutes plus tard, les trains devraient coïncider à Villeneuve, je l'ai déjà fait.
Je lis. Le train s'arrête, à peu près au même endroit qu'hier. Annonce: dégagement de fumée dans le train précédent, il faut attendre qu'il résolve son problème. Nous attendons un quart d'heure. Raté pour mon Zuco. Si j'avais attendu gare de Lyon, à l'heure qu'il est je serais presque arrivée à Yerres.
Le train repart, s'arrête à la station suivante (Villeneuve-triage, Villeneuve-prairie?) et embarque tous les passagers débarqués par le train précédent. Je m'endors. Une grosse jeune fille plutôt jolie jacasse dans son portable, je l'entends à travers mes rêves. Nous arrivons à Villeneuve-Saint-Georges, il y a déjà beaucoup de monde sur le quai, je ne comprends pas bien pourquoi. Je descends attendre le Zuco, il est 20h28. Nous nous y entassons quand il arrive. Il reste deux stations à parcourir.

Quelle température faisait-il ce soir?

Enquête

Les questions sont ici.
Réponses apportées le 18 septembre 2016.

1/ Oui, mais pas longtemps. Ça me fatigue vite.

2/ Le musée du Vatican.

3/ Non

4/ Oui. Je lis avec un crayon, alors forcément…

5/ Non. Sauf à considérer que tout emploi dans un bureau se ressemble.

6/ Du soulagement : "une bonne chose de faite". Et un engagement: "Et maintenant, L'île mystérieuse".

7/ Cité des oiseaux (c'était bien une rue).

8/ Non.

9/ Non.

10/ Non.

11/ Oui.

12 Oui.

13/ En train parce qu'on peut faire autre chose pendant ce temps-là, tout en ayant conscience de la distance.

Déménagements

Au sein du même groupe :
- été 1996 La Défense côté Seine (filiale)
- été 1997 boulevard Haussmann (changement de filiale)
- décembre 2001 boulevard Malesherbes (au siège)
- février 2002 aux environs de la place Saint Georges
- décembre 2003 rue de Washington (changement de service)
- automne 2004 retour boulevard Malesherbes
- automne 2006 déménagement dans une rue adjacente
- mai 2009 La Défense côté Seine (retour dans la filiale de départ, mais pas dans le même immeuble qu'en 1996)


À la fin de cette semaine, je devais déménager du côté de la Grande Arche. C'est reporté à la semaine prochaine, et pour cause: j'ai vu le plateau à midi, rien n'est prêt, au mieux les cloisons ne sont pas posées, au pire c'est la moquette.

Je serai au sud, bureau très lumineux (et fenêtre qui s'(entr)ouvre, enfin!), mais vue sur la dalle de toit du centre commercial. Au loin le mont Valérien ? mais caché par un immeuble.

Profitons donc de la vue actuelle de mon bureau.
Ceci est un coucher de soleil hivernal, photographié comme toujours avec mon téléphone:

Choix II

Mon fils va ouvrir un compte en Suisse.

Choix I

— Ça fait drôle de penser que je vais mourir à soixante ans.
— Si tu ne veux pas mourir, maigris. Reprenant, pensive: Enfin, ce n'est pas une garantie, c'est mettre les probabilités de ton côté.
— Je ne sais pas si je tiens à la vie à ce point-là.

Jalousies

Si quelqu'un doit jouer un jour auprès de moi le rôle que j'ai joué auprès de Paul Rivière, il n'est pas encore né. Il naîtra dans trois ans.
Je n'ai rien su des derniers mois de Paul, ni de sa mort, parce que pour sa famille je n'existais pas. Pendant dix ans j'ai déjeuné une fois par semaine avec cet homme, il m'a raconté des souvenirs d'enfance, il a partagé des soucis et des regrets, et pour sa famille je n'existe pas.
Il avait peur de la jalousie de sa femme (femme que j'ai rencontrée une fois, moi-même accompagnée de mon mari. Janvier 2002, nous venions de passer à l'euro, sujet de conversation). Il faisait appel à son ancienne secrétaire pour venir l'aider à classer ses papiers, mais uniquement quand sa femme était absente. Il avait si bien intégré que les femmes étaient jalouses que j'avais découvert ces derniers temps qu'il me cachait que cette ancienne secrétaire venait régulièrement l'aider depuis qu'il était veuf (lui ayant un jour demandé, alors qu'il se plaignait de ses éternels problèmes de classement: «—Vous ne m'aviez pas dit que vous aviez eu une excellente collaboratrice qui venait vous aider? Pourquoi ne pas l'appeler? — Ah je t'avais parlé de ça? Elle vient, oui, de temps en temps...»). Il me cachait aussi qu'il voyait régulièrement une connaissance commune, rencontrée via le club littéraire de notre ancienne école. («— Vous avez des nouvelles de Claude? Quelle femme extraordinaire (etc). — Ah bon, tu l'apprécies? Eh bien j'ai déjeuné avec elle hier...»)
Bref, la jalousie faisait partie de sa vie.
Elle fait aussi partie de la mienne, je cache des situations pour simplifier les explications à donner, par paresse. C'est aussi pour cela que je n'ai pas appelé le petit-fils de Paul pour prendre des nouvelles, de peur de tomber sur l'épouse de ce petit-fils, de m'embrouiller dans mes explications, d'éveiller des soupçons qui n'avaient pas lieu d'être.

Aujourd'hui, nouvelle situation: je suis surveillée par une femme jalouse qui me lit, décrypte mes moindres écrits (je n'ai sans doute pas de lectrice plus attentive), essaie de deviner la "nature de mes relations" avec X., nous traque lui et moi sur internet à travers toutes les traces que nous nous plaisons à y laisser.
De temps en temps elle craque, elle envoie des lettres d'insultes à X., menace de se suicider, m'envoie des exhortations à bien m'occuper de X., s'excuse,... Oufffa!!

C'est aussi pour ce genre de raisons que j'ai perdu de vue mon meilleur ami entre 20 et 23 ans: peur de la jalousie de son épouse. Nous avions tant traîné ensemble, nous étions si inséparables, que j'ai découvert après (je découvre toujours tout après) que tous nos amis pensaient que nous sortions ensemble. (Le plus drôle c'est qu'ils n'ont jamais fait d'allusions. Sans doute ne devions-nous pas donner l'impression de nous cacher, sans doute ne prêtions-nous pas le flanc à l'allusion, si visiblement sereins ensemble... Et pour cause, il n'y avait rien à cacher.)

Je n'imagine jamais rien sur personne. Cela me met dans des situations ridicules (— Mais enfin, tu ne t'en doutais pas? — Tu sais, moi, tant qu'on ne me dit rien, je ne suppose rien) mais tant pis.

Bbk

Partie à l'heure où je devais arriver. Accident, bouchon, place de parking introuvable.
Fièvre.
Heureusement la pluie menace. Ce bbk sans pluie menaçante trahirait la tradition.

— Alors, quand est-ce qu'il meurt?
— Normalement en décembre.
— Oh mais c'est loin!
— Ça peut être beaucoup plus long: appel, cassation, cour européenne, ça peut durer cinq ans.

Cigare, gaspacho dans mon verre de vin, puis vin dans mon verre de gaspacho. Les assiettes et les couverts sont en bois, on progresse. V. de plus en plus bleue et dorée, merveilleuse.

— Tu as un blog? (Je me force, j'ai pensé: «Vous avez un blog?» Mais déjà que je me fais remarquer à tendre la main aux hommes que je ne connais pas...)
— Non, mais je vais en avoir un, et il sera génial.
WTF ??

Cerisy. David Bellos. Le bleu dans l'impressionnisme.

— P. n'est pas là?
Insistance déplacée de ma part. Mea culpa.

Je ne sais pas où est passé le temps. Quatre heures du matin, entassés dans la voiture, Pigalle animée, pont de Saint Cloud, Voulzy (depuis je chante les Nuits sans Kim Wilde), Guy Marchand. Inattendu.
Le ciel blanchit.
Je rentre au radar. Drame de l'inquiétude.
Je dors. Ce n'est pas moi qui irai à Austerlitz.

Coups de soleil

Midi sur la Seine sans casquette. Ramé en double, avec ce genre de femme que je n'aime pas beaucoup (elles me font peur, je ne les comprends pas), les autoritaires sans poigne, ou les molles capricieuses: leurs désirs sont des ordres, et là où je hurlerais un très clair «StoOp!», ainsi qu'il est de tradition, elle élabore une longue phrase :«il serait peut-être temps qu'on s'arrête, non?»
Et moi un peu méchamment de continuer de ramer. J'aime les traditions, moi.
(Blague à part, elle était au un (selon la norme internationale, au deux tradition française), c'était à elle de donner les ordres et d'assurer la direction. Trois secondes représentent plusieurs dizaines de mètres dans un bateau lancé.)

Paradoxal de mettre à la nage quelqu'un qui a aussi peu le sens du rythme que moi.
Coups de soleil. Micro-insolation, mal à la tête.

Passé en librairie. C'est fou comme c'est apaisant.

Radio-Londres

« Il n'y a pas d'incident dans les DMR. »

Au féminin

Complément suite à un commentaire reçu par mail.

Il y a une auditrice, aussi. Jeune, intelligente. Blonde, forte poitrine. Je me dis que ce ne doit pas être facile tous les jours (de faire comprendre qu'on est pas une potiche). Elle n'a pas l'air d'en souffrir. Peut-être que je date.
Elle mâche du chewin-gum (très discrètement).
Elle s'appelle Annabelle, je complète "Annabelle Lee" sans même y songer, et ma pensée dérive vers Poe et Lolita. Je me demande si elle connaît. Je ne sais pas si j'oserai lui poser la question à la fin de sa mission.

Une enquête (vraiment) sentimentale

Les questions sont ici.
Réponses apportées le 18 septembre 2016.

1/ Savez-vous quel était son nom ?
Oui.

2/ Où est-il allé ?
Il est sans doute chez lui.

3/ A-t-il habité dans cette avenue boisée ?
Non.

4/ Quelle était la couleur de sa chemise préférée ?
Blanche.

5/ Pouvez-vous décrire sa façon de marcher ?
Le dos raide, se tortillant imperceptiblement.

6/ Quel est le premier mot qu'il vous a dit ?
Je ne sais pas. Sans doute quelque chose comme: "Ah c'est vous".

7/ Avez-vous déjà vu une photo de lui ?
Oui.

8/ Ecrivait-il souvent ?
Un peu.

9/ Ou vous appelait-il dans la nuit ?
Non.

10/ Vous disait-il qu'il vous aimait ?
Non. (Grosse engueulade, plutôt.)

11/ Où alliez-vous quand vous l'avez rencontré ?
Où étais-je, plutôt. Une assemblée générale d'association.
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