De Dolomieu à Apt

Nuit difficile : la VMC fait un bruit d'enfer et si l'on ouvre la fenêtre, le compresseur du voisin (mais que fait-il avec des bouteilles de gaz d'un mètre quatre-vingt?) lui fait écho. Je mets deux boules quiès et je dors en regrettant le silence que j'avais imaginé ici.

Nous avons décidé de rouler un maximum aujourd'hui pour être tranquilles demain. Autoroute pour dépasser Grenoble, puis routes de montagne, de nouveau Higelin, je nomme mes photos — activité futile et inutile puisque j'ai découvert que la recherche dans mes fichiers se fait désormais sur le contenu des photos indépendamment de leur titre: si je tape "papillon", je vois non seulement remonter toutes les photos contenant un papillon, mais aussi une photo de Delon en nœud papillon, entouré de Paul Newman et Marlon Brandon.
Mais j'aime bien. Donner un titre à chaque photo permet de choisir celles que j'envoie rejoindre mon bric-à-brac de témoignages sur l'époque et souvenirs plus personnels. Je supprime les autres.

Conversations diverses, cours sur la PAC (pompe à chaleur) dont H. est un fervent défenseur: «tu vois, un radiateur, tu chauffes une résistance et tu disperses l'énergie. Chauffer, ça coûte. Alors qu'avec une PAC, tu échanges des calories: tu les prends à un endroit pour les mettre à un autre. Tu échanges, tu ne crées pas. C'est beaucoup moins coûteux en énergie; le rendement est bien meilleur.»
Pourquoi pas, mais la PAC de nos voisins fait du bruit la nuit.

Déjeuner à Aspres-sur-Buëch «Chez les papa's» (je recommande) où nous découvrons les ravioles frites de Champsaur. Encore un morceau d'autoroute (champêtre, très peu autoroute) au niveau de Sisteron avant de sortir vers Forcalquier. La Durance est haute, plus haute que dans mon souvenir du printemps, et la végétation étonnamment verte.

Arrivée à l'hôtel vers quatre heures. Sieste et farniente, sentiment étrange d'avoir le temps — de n'avoir rien à faire — ça n'arrive jamais. Repas sur place, pieds dans la piscine trop froide pour se baigner («pas Bretagne froid, c'est juste le contraste»). Je m'installe sur un transat, j'y reste jusqu'à la nuit, jusqu'aux premiers moustiques.

Je consulte Wikipedia pour avoir la liste des albums d'Higelin. Pas trace du disque blanc, vinyles blancs de lait prêtés par Jacqueline circa 1987. J'apprends avec effroi la maladie dont il est mort, un mélange démoniaque de Parkinson et Alzheimer.

J'ai quatre cartes à écrire, par qui commençé-je?

Lundi

Il pleut. Je surveille avec fascination la pluie sur l'appli(cation) RainToday.
Cours d'abdo à midi. Je sors du métro sous l'averse, mon livre est mouillé.
H. reste à Paris avec un collègue. Je dîne dans le train d'un paquet de chips en lisant Faulkner. Je m'endors.
Quand je rentre, la chatte descend voir qui est là. Elle sort prudemment dans le jardin, rentre rapidement, disparaît à l'étage.

Parce que c'est le dernier jour où il passe, je regarde Problemos. Ce n'est pas très bon en tant que film, mais impressionnant en terme de satire. Cela me renforce dans l'idée que les zadistes et wokistes sont les hippies contemporains.

Ménage

Les enfants passent ce soir déposer leur chatte avant de partir en vacances. Elle est marrante, petite, curieuse et distante.
Comme ils vont dormir au dernier étage, je passe l'après-midi à y faire le ménage. Coup de chance, avec le temps qu'il fait, dormir sous les toits devient possible. Dès qu'il fait beau, la température monte au-delà de trente.
O. m'a amené la suite de One Piece. «Le meilleur arc», me dit-il. Je suis triste, cela veut dire que tous les autres seront moins bons.
Spritz et soufflé au fromage (je réussis très bien le soufflé au fromage).

Mauvais temps

Vent, pluie, nuages, en quantité suffisante pour bâcher la journée de planeur. La semaine s'annonce mauvaise pour la compétition des 8JF. J'ai laissé des boules de pétanque au club, les pilotes qui dorment une semaine sur place vont avoir besoin de s'occuper.

Accompli des petites tâches toujours remises à plus tard (montre chez l'horloger, rendez-vous pour la révision de la voiture, achat de chaussures pour H., demande d'une facture au fromager, recherche d'une façade pour le lave-vaisselle (nu depuis 2021)). Cela devrait être satisfaisant mais ne fait que donner une conscience plus aigüe de tout ce qui reste à faire par ailleurs.

Sieste

Coiffeur près du bureau. Je m'assoupis plusieurs fois pendant que la jeune fille / jeune femme (très jolie, elles sont toutes très jolies dans ce salon) blanchit mes racines à l'aide d'un pinceau (mixture blanche destinée à brunir et teinter et résister à l'eau et au soleil, vive la chimie).

L'opération achevée, elle me propose: «Vous voulez passer au bac? Il n'y a personne, vous pourrez dormir.»
Et c'est ainsi que j'ai dormi la tête en arrière, la nuque appuyée sur le lavabo, une demi-heure ou trois quart d'heure, le temps de pause du produit.

En sortant je suis passée à la bibliothèque chercher Alger. Lettre de colère et d'espoir à mes compatriotes de Boualem Sansal que j'avais réservé quelques jours plus tôt.
Je continue Absalon! Absalon! C'est fantastique.

Résumé

Dans les vestiaire, une jeune Américaine enfile une jolie robe bleu ciel à la jupe évasée, neud à la taille.

— C'est rare qu'on voit autant de tissu ici! s'exclame une autre.

Temps de travail

Bayrou propose de faire sauter deux jours fériés, ce qui, comme l'a remarqué je ne sais qui, est une habile manœuvre: tout occupé à protester, plus personne ne s'occupe du fond des propositions. (C'est drôle, je n'avais jamais pris conscience que le budget N+1 était présenté à l'été N. C'était si tôt que cela, les autres années?)

Il me semblerait normal de faire disparaître tout ce qui est chrétien (parce que ça suffit, l'hypocrisie qui consiste à bouffer du curé mais à profiter des jours fériés): et hop, disparus, l'Ascension, l'Assomption (quoi qu'il en soit personne ne les distingue), le lundi de Pâques, le bordel du lundi de Pentecôte et la Toussaint.
Ça aurait aussi l'avantage de diminuer les ponts du mois de mai et juin. Aujourd'hui l'école et la vie en général s'arrêtent à Pâques pour reprendre en septembre. C'est la course contre la montre pour réussir à boucler les programmes ou les projets avant que tout le monde ne s'éparpille pour solder ses congés (en mai) puis prendre ses vacances (l'été).
On garderait Noël (la grande fête du consumérisme) et on ajouterait une fête juive et une fête musulmane, à choisir avec les personnes concernées.
Moins cinq plus deux: trois jours en moins.

Quand je pense que certains disent encore que le travail est une valeur de gauche. C'était vrai après la Révolution, quand l'oisiveté était une marque de l'aristocratie (voir Le bal de Sceaux de Balzac). Aujourd'hui (ou depuis cent ans, depuis le Front populaire), la valeur de gauche, du moins en France, c'est le temps libre. Avec les robots et l'IA, ça va devenir atteignable. Reste à savoir ce que fera la population de ce temps libre. «Recreational riots» en Irlande du Nord, n'est-ce pas ce que nous avons vécu en juin 2023 en France? Le futur va être très intéressant. Flippant, mais intéressant, curieux.

Par ailleurs, et pour continuer dans le politiquement incorrect, j'ai découvert par hasard qu'au Danemark, l'âge de départ à la retraite est revu tous les cinq ans depuis 2006 et indexé sur la durée de vie: il vient de passer à 70 ans pour les personnes nées après 1970. Rien à faire, ça me donne une envie de rire sardonique.
Cependant, j'ai un gros doute sur la mise en pratique de ce genre de décision: il faudrait que le regard des employeurs sur les salariés de plus de cinquante ans change entièrement. Sans compter l'IA et les robots cités plus haut.
Hum. J'entrevois plusieurs scénarios de SF possibles, assez différents les uns des autres.

Chiche !

J'adore les Bic 4 couleurs, tous les prétextes sont bons pour en acheter et en offrir: anniversaires, visites, rencontres, etc. Je suis donc abonnée à leur newsletter.
La dernière, en plus de produits célébrant l'OM, proposait trois stylos particulièrement affreux:

trois Bic 4 couleurs kebab, pizza, MacDo

Comment une idée aussi atroce avait-elle pu naître dans la tête d'un type?
Quelques recherches plus tard, tout s'éclairait:
L’arroseur arrosé : c’est l’histoire de BIC qui a publié le 1er avril dernier un post sur Instagram annonçant un stylo 4 Couleurs édition spéciale kebab : le KEBIC. Ce poisson d'avril s'est transformé en défi lancé par BIC: si le post atteint les 30 000 likes, il sort pour de vrai. Un challenge plus qu'atteint avec + de 118 000 likes en quelques jours et une demande massive. Face à cet engouement, le KeBIC est devenu réalité !
Je suis curieuse de voir combien ils vont en vendre.

Sortie estivale

Journée chez belle-maman. Nous avons prévu de l'emmener au restaurant sans lui demander son avis, pour lui éviter de refuser. Elle se plaint de s'ennuyer mais refuse toute distraction, tout effort, sans que je comprenne si c'est par paresse ou par honte d'être maladroite. Nous passons une journée assez agréable. H ne veut plus y aller seul: «quand tu es là, elle fait un effort. Si je viens seul, elle se laisse aller.»

La N4 est fermée. Nous faisons un détour par le nord entre Châlons et Sézanne. Les routes sont désertes, match de foot oblige (PSG en finale de la coupe du monde des clubs contre Chelsea. Même H qui ne suit pas le foot me tient informée depuis plusieurs semaines: «Tu te rends compte, ils ont gagné contre le Bayern avec neuf joueurs; ils ont douze victoires consécutives contre des clubs européens; ils ont écrasé le Real». Ce qui me surprend, c'est surtout de découvrir H intarissable sur un sujet pareil). Je songe aux mairies qui ont prévu leur feu d'artifice ce soir. Difficile concurrence.

— Tu veux écouter la radio? J'adore le foot à la radio.
— Non non. On n'entend rien avec le bruit de la voiture.

Vers la nuit, quand le match est sans doute terminé, je devine que le PSG a perdu rien qu'à la façon dont conduisent les conducteurs.

AG

Journée en AG. Pas assez de petits fours. Tout est voté, donc je vais avoir du travail dans les six mois, avec une chance que la structure survive à trois ans (oui, oui, nous en sommes là. J'ai l'impression d'être sur un navire par gros temps. Je songe souvent à Conrad.)

Gemma en terrasse. Nous bitchons sur les passants et passantes. Tatouages et chaussures, sujets principaux. Maigreur, parfois effrayante.
A côté de nous, un bellâtre mufle insupportable; le gros Américain paisible qui a mangé deux part de lasagnes en lisant Stephen King a failli lui mettre un pain.
Recommandation des blogs de self-help américains: dont't be judgemental. Je ne suis pas les recommandations des blogs de self-help américains.

Salon

Journée à tenir un stand dans le gymnase d'une ville de l'Essonne avec deux salariés. C'est un exercice nouveau pour nous puisque MaSociété ne commercialisait que par bouche à oreilles.
La municipalité nous avait conseillé de venir à trois; c'était largement surévalué. Ce fut malgré tout une journée agréable du point de vue team building.

Le soir, j'ai ramené chez elle l'une des salariés qui habite le long de l'Yonne. C'est celle qui est le moins intégrée: elle n'arrive pas à travailler en équipe. Elle n'aime pas ça, elle ne sait pas faire. C'est compliqué avec les autres.
Promenade tranquille en roadster dans le département en cours de moissonnage, fraîcheur de la forêt. Je l'ai fait un peu exprès: je me demande ce qu'elle va raconter, si elle va raconter quelque chose — et si j'en aurai vent (sans doute, mais bien plus tard).

Le soir, nouveau restaurant à Fontainebleau (il a fallu trouver un restaurant ouvert le lundi soir): L'écailler du château (vieux restaurant: nouveau pour nous). Demi homard et profiterole, j'avais besoin de me réconforter après cette journée étrange. Je remets cette photo que j'adore, sortie au moment de l'affaire de Rugy: eh bien ce soir, tout à fait ça.

affaire de Rugy - Homard m'a yonnaise


MisaTango de Martin Palmieri

Exception ce dimanche: remontée à Paris pour aller écouter Philippe([s] de l'escalier, pour ceux qui se souviennent) qui chantait la Misa Tango dans la cathédrale des Arméniens.

Solistes et quintette à cordes en première partie (Julie Alcaraz, soprano; Lucas Belkhiri, pianiste; Andrea Terra, bandonéon; avec le chef et ténor Florian Pereira) pour des mélodies sud-américaines, puis la MisaTango (ici un teaser. Je changerai le lien le moment venu).
Belle messe, très entraînante. J'aime beaucoup le bandonéon, je regrette d'avoir été trop loin pour le voir. Le public retient son souffle dans l'ambiance surchauffée de l'église. Deux écoles, ceux qui applaudissent entre les morceaux de la messe et ceux qui s'abstienne. Je n'ai pas réussi à déterminer ce qu'attendait le chef.

Après le concert, pot rue place Patrice Chéreau (mort en 2013. Comme le temps passe), dans une conformation proche des Cruchons (moins Aline qui a quitté Paris: nous lui envoyons un selfie). Nous parlons trains, RER, boulot et harcèlement moral. J'évoque Le Bal de Sceaux et Laurent nous apprend drôlement qu'une plaque dans Sceaux affiche «Balzac, auteur du Bal de Sceaux». Patrick évoque le Puy du fou qu'il vient de visiter (et les bouchons à la sortie du Puy du fou). Bref, pressés par des horaires de trains, nous balayons le plus vite possible le champ de la vie de chacun en nous promettant de nous revoir.

Gare de Lyon. Le train a un quart d'heure de retard. J'apprends qu'il n'y a plus de train pour Montargis et que deux trains ont été supprimés.
Je serai assise, mais il y a énormément de monde, qui essaie de se rapprocher de Melun ou de Moret. Il paraît qu'à Melun il y a des bus pour Montargis.

Les nouveaux codes de la pudeur

Cours de barre au sol. A vrai dire, je ne sais pas exactement ce que c'est. Je pensais que nous aurions à manipuler une sorte de manche à balai pour faire des assouplissements, mais en fait non. Cela ne m'a pas paru si différent du cours de pilates, sauf que le prof utilise des expressions de danse («les bras en seconde position») sans rien expliquer, comme s'il était évident que tout le monde sache ce que c'est (non).
Toujours les mêmes mouvements diaboliques qui n'ont l'air de rien et finissent par devenir insoutenables.

Le plus inattendu, ce sont les vestiaires. La plupart des cours sont des cours de danse aux noms étranges («Sexy chocolat» ou «Bachata Fusion»: mais qu'est-ce que c'est?) Il y a de nombreux cours de Pole dance, et aussi des cours de «Heels», danse sur talons très hauts, talons de drag queen. Je regrette de ne pas entendre le rythme, car «Heels», ça m'aurait plu, ça m'aurait fait rire.
Pour ces cours, les filles revêtent des tenues dont quelqu'un avec mon éducation et mes complexes n'aurait jamais rêvé: des trucs en dentelle, des machins transparents ou à trous ou en filet, découvrant un maximum de lingerie minimaliste.

Mais le plus surprenant, pour moi habituée des vestiaires de filles où l'on se met à poil et se douche et se change sans en faire un sujet, c'est qu'alors qu'elles se promènent avec un souffle de tissu sur elles, elles s'enferment dans les toilettes pour s'habiller et se déshabiller. Jamais elles ne se montrent nues, jamais elles ne changent de soutifs dans le vestiaire-même. Je découvre avec stupeur qu'elles portent deux slips: sous le slip ajouré en dentelle, elles portent un slip couleur chair destiné à donner l'illusion de la nudité.
Ce sont donc des jeunes femmes qui ne supportent pas d'être nues, même entre elles dans un lieu clos; mais qui jouent à le paraître en public.
Je ne comprends pas du tout.

Compliment

— Tu fais très bien les glaçons.

Fast food africain

Très mal dormi — trop dormi hier — sans doute pas assez fatiguée. Journée maussade. Je suis triste sans cause.

A midi, Entrée des entrepreneurs rue des Francs-Bourgeois pour acheter un ruban destiné à remplacer la ceinture perdue mercredi dernier. Le Marais est décidément un beau quartier. Il faudra que je revienne ici cet hiver pour acheter les pulls qui me manquent.

Le soir, nous testons un Fast food africain que j'avais repéré il y a quelques semaines en face de la gare de Lyon: AfriCallFood. Je recommande pour les grosses faims: c'est bon et copieux.

Rétro

Dans la perspective de faire un cadeau d'anniversaire à mon père, je suis partie à la recherche d'une Fiat 124 coupé que j'avais autrefois (une dizaine d'années?) trouvée à louer dans le Loiret.
Je n'ai pas réussi à la retrouver, mais j'ai trouvé un site de location de voitures rétro qui me fait rêver.
Cela m'a permis aussi de constater que nous pourrions louer facilement une berline contemporaine pour un week-end en cas de besoin.

Ça va m'amuser de tester.

Sinon, à ma grande surprise, H. a évoqué la possibilité d'acheter un kangoo ou un berlingo d'occasion. Ça m'a étonnée car c'est le genre de voitures qui m'amuse (on enlève les sièges arrière, on met un matelas et je peux dormir en diagonale: un micro camping-car) mais qui n'est pas du tout son genre.
Ou n'était pas. Ou était et je ne le savais pas. Trente-huit ans ensemble et j'en découvre en permanence.

Transition écologique

Violents orages cette nuit, de ceux que je préfère : suffisamment loin pour ne pas s'inquiéter (trois kilomètres), suffisemment proches pour que chaque éclair éclaire comme en plein jour.

Lu une heure à la fraîche, vers six heures, rendormie, lever neuf heures, planeur onze heures. Atmosphère tropicale, chaude et humide, nuages bizarres, nous ne sommes que deux élèves, pas de pilotes (j'aurais dû me douter que ce n'était pas volable: les bons jours, dix pilotes sont inscrits), l'instructeur rechigne à déranger le pilote remorqueur pour deux vols: journée annulée, je ramène Mickaël et son vélo pliable à la gare, renseigne un touriste sur l'heure du dernier train («téléchargez CityMapper»), achète un pass et deux voyages pour un vieil homme qui panique devant l'automate et je rentre chez moi.

Ma-Su à Nemours puis shorts pour H. qui a perdu une ou deux tailles. Retour. Chaleur. Désœuvrement.

Je ne sais plus exactement comment l'idée a germé, mais nous sommes allés essayer des voitures, avec notre cahier des charges étrange, la jambe raide de madame mère (en reculant au maximum le siège passager, la jambe raide de la hanche au talon passe-t-elle la porte? la diagonale entre le fond du siège et la charnière de la porte est-elle assez longue?) et le poids qu'il est possible de tracter (au minimum une remorque de LS4) avec la voiture. Dans la mesure du possible, pas de SUV. Plus quelques babioles qui tiennent à cœur à H., comme le carplay et le régulateur de vitesse adaptatif.

Nous découvrons que le temps a passé. Ces deux dernières fonctionnalités qui étaient des options il y a dix ans sont désormais en série. Les avertissements/avertisseurs en tous genres (les bips quand vous roulez à 81 alors que la voiture vient de passer un panneau 80, par exemple) correspondent à de nouvelles normes depuis deux ou trois ans et sont inévitables: charge au conducteur qui le désire de tout désactiver chaque fois qu'il démarre. Il n'y a plus de pures essence (non je ne dirai pas thermiques), les voitures sont soit hybrides rechargeables, hybrides non rechargeables ou totalement électriques. C'est une chose de l'entendre à la radio, c'est autre chose d'en prendre réellement conscience dans une concession: quelle adaptation industrielle en quelques années. Nous sommes réellement en train de quitter le monde de nos grands-parents. Je suis impressionnée.
Dernier détail: il n'y a plus de plaquettes sur papier glacée, c'est désormais interdit. Toute la doc est en ligne. Peugeot nous l'imprime, Toyota nous en montre les grandes lignes à l'écran.

Peugeot 308 ou Toyota Corolla.
Je ne suis pas du tout pressée de me lancer dans cet achat. En réalité il me paraît inutile et dangereux pour l'équilibre de notre budget. Certes il est impossible d'aller chercher des amis à la gare avec notre voiture actuelle, mais cela demande simplement de s'organiser. Je peux facilement trouver quelqu'un pour échanger nos voitures le temps d'un week-end. Pour déplacer Madame mère, il nous suffit d'un taxi. J'espère réussir à retarder de trois ou quatre ans l'achat d'une seconde voiture.
Et alors tout sera à recommencer car les modèles auront changé.

Retraite

Déjeuner avec Z. Cela faisait un moment qu'on ne s'était vu.

Ce qui m'étonne, c'est qu'avec un an de moins que moi, il attend la retraite. «Carrière longue», me dit-il. Carrière longue, certes, mais pour moi, carrière longue, c'était ma tante avec un certificat d'études dans les années 60. C'est un terme que je confonds facilement avec «pénébilité», les personnes qui travaillent à l'extérieur ou en horaire décalée ou soulèvent des charges. Mais Z., partir pour carrière longue? Comme c'est bizarre.
En réalité, dès qu'on discute, on se rend compte qu'il s'agit bien de pénibilité au sens de démoralisation. Manque de motivation, collègues sans intérêt, boulot trop bien maîtrisé. Ennui.

Perso, je redoute le moment où je n'aurai plus rien d'autre à faire qu'à manger des Tuc dans mon canapé en regardant Netflix (oui, je sais, on est censé s'investir dans le bénévolat, aller au musée et parcourir la planète. L'idée d'aller promener ma tête blanche parmi les têtes blanches me déprime.)
Pourvu que j'ai mon diplôme de pilote, que je puisse voler un maximum avant soixante-dix ou soixante-quinze ans.

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Actualité : Cette nuit, Israël a bombardé l'Iran.

Un laps

— Ce qui me rend triste, c'est que du point de vue du photon, il meurt au moment de sa naissance. Il traverse l'univers, mais de son point de vue, sa durée de vie est nulle.
— Mais non, ne dis pas ça: c'est juste que le photon atteint le nirvana.

Chemin des écoliers

— Ça te dit une pizza chez Gemma?

Oui, bien sûr. C'est toujours aussi bon, ils sont toujours accueillants (plutôt que vous jeter sans vous regarder, ils vous laissent vous asseoir à 18h30 et prendre un verre en vous prévenant à quelle heure il faudra partir pour laisser la place aux clients qui ont réservé) et nous passons un bon moment.

Nous ratons le 20:16 de deux minutes. Pas grave, cela permet de s'assoir dans un train vide et choisir sa place.

20:46. Départ. Le train est plein.
Quelques minutes plus tard, annonce : une voiture est tombée sur les voies vers Combs-la-Ville, donc nous allons faire un détour par Évry et suivre la Seine entre Évry et Melun. Quand ce détour est prévu (les weeks-ends de travaux, par exemple), cela prend vingt minutes; là, en gestion de crise, quarante.
C'est parfait, la SNCF a réagi et nous allons rentrer chez nous. Mais c'est long, très long; je ne comprends pas pourquoi il est aussi insupportable de rester assis vingt minutes de plus. Objectivement ce n'est rien, et pourtant c'est pénible.

Le plus dommage, c'est que tout le bon moment passé au restaurant s'efface, s'oublie. Quel dommage que la mémoire ne sache pas mieux retenir les bons moments.

Le mari de la coiffeuse

— Je me suis séparée de mon mari.
— […]
— Maintenant je fais du coaching. J'ai suivi une formation de coach chamanique, ça m'a ouvert les yeux et en novembre, je lui ai dit, «je veux divorcer.»
— Le pauvre...
Ça m'a échappé, j'imagine le type qui ne s'attendait à rien, qui laissait sa femme suivre ses formations de coupe énergétique et de coaching chamanique en se disant que ça lui faisait plaisir et ne portait pas à conséquence.
— Au début ç'a été dur, mais mes cours de coaching m'ont beaucoup aidée à l'accompagner.


Commentaire de H.:
— Il est peut-être mieux sans cette folle.
— Oui, mais lui ne le sait pas.

Saute-nuages

J'arrive au terrain à onze heures moins le quart. La salle pilote est vide; il y a deux K21 et un duo devant le hangar; P. s'exclame: «voilà Alice!»

— Il n'y a personne?
— Ils sont déjà tous en piste, c'est une journée à faire un 500 (km).

Je comprends que je suis terriblement en retard.
Repas, en piste, VI (vol d'initiation) pour quatre personnes. Tenir les ailes pour «mettre en l'air», aller chercher les planeurs pour les ramener en piste en attendant mon tour.

Nous ne sommes que deux élèves. Etrange par une telle météo. Roland-Garros?

Comme le temps est prometteur, Manu a décidé de nous faire faire de la campagne, c'est-à-dire sortir du local (local en finesse 10 pour les élèves, soit 100 m de gain d'altitude pour s'éloigner d'un kilomètre. Comme nous sommes dans une zone où nous n'avons pas le droit de dépasser 2000 m à cause d'Orly (FL065, 6500 pieds, ça varie chaque jour en fonction de la pression), et qu'on compte 400 m pour le tour de piste (atterrissage), cela signifie qu'un élève ne peut s'éloigner de plus de seize kilomètres les très bons jours. En pratique, le plafond (le plancher des nuages ou le sommet des ascendances) est plutôt à 1200, 1400 mètres, ce qui fait donc dix kilomètres.

Faire de la campagne, c'est donc quitter le local de son terrain de départ. Le but était de faire Moret-Buno-Pithiviers, mais les conditions étant moins bonnes que prévu, nous sommes simplement partis pour Buno afin que je découvre le terrain (le but plus général est d'apprendre à repérer les pistes d'aérodrome: vu du ciel, ce sont des bandes jaunies, plus claires, difficiles à distinguer des champs environnants quand on ne sait pas où elles se trouvent).
Duo discus + instructeur = autorisation de finesse 20. Distance à parcourir 28 km, donc pour être en finesse d'un terrain ou l'autre, 14 km (soit Buno, soit Moret); avec un fort vent d'ouest, donc le cône des distance se déplace, mettons 12km Buno, 16 km Moret, soit une altitude nécessaire de 1200 mètre (800m + 400m de tour de piste) pour être en sécurité à mi-parcours et être sûrs d'atteindre l'un ou l'autre aérodrome.
Tout le planeur se résume à cela: atteindre le prochain nuage pour monter (ou ne pas descendre), conserver un terrain d'atterrissage à portée d'aile si on n'en trouve pas (de nuage), ce qui nécessite parfois d'être très haut en l'absence d'ascendance potentielle, au-dessus d'un col ou d'une forêt ou d'une étendue d'eau: pas de champ vachable) et de préférence atterrir sur un aérodrome plutôt que dans un champ, parce que c'est plus sûr pour le pilote et la machine et moins ennuyant pour les potes restés au club qui doivent venir vous chercher si les conditions ne permettent pas de vous remettre en l'air.

Nous avons joué à saute-nuages pendant trois heures et nous sommes rentrés les derniers.

Bussy-St-Georges

Journée sur des problèmes épineux. Quel justif demander pour verser une prestation quand plus aucune autorité ne veut fournir de justif? Comment être juste? beaucoup de mal à convaincre mes interlocuteurs qu'il va falloir abandonner la perfection pour le pragmatisme — de cette acceptation dépendra notre capacité à rendre réellement service.

RER pour Bussy-St-Georges. Rencontre sur l'Ukraine; Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe; Aline Le Bail-Kremer journaliste (Stand with Ukraine); Volodymir Kogutyak vice-président du Congrès mondial des Ukrainiens. Courts discours, questions. Présence de retraités heureux de voir un ministre (séance de photos, portrait de groupes, selfies. Quelle patience), de jeunes hommes minces, pâles, courbés, cravate ficelle, paraissant n'avoir jamais vu le soleil ni avoir fait de sport (des aspirants attachés parlementaires?). Rituel. Toujours la même surprise que ces rencontres se fassent dans les mêmes salles municipales qui servent à la fête des écoles et se terminent dans le coca et les chips. C'est sans doute la marque de la République: l'absence de décorum. La politique ne se fait plus chez le nobliaux du coin; Balzac ou Proust, c'est fini.

Je sais, je date. Mon excuse est que tout cela est relativement nouveau pour moi, je n'ai pas eu une de ces adolescences hyper politisées.

Pas grand chose

Télétravail. Coiffeur (pour la couleur. La coupe, ce sera lundi). One Piece tome 24 parce que je ne me sens pas de lire Bréviaire de la haine chez le coiffeur. Visio. Instructive réunion. Repassage (l'avantage du télétravail) en regardant Red Notice. Mignon et creux. Puis La filature, gags longuets et là aussi, mignon et creux. Points communs inattendus entre les deux films: la Russie, une histoire de montre et deux personnages principaux qui ne se supportent pas. Je ne comprends pas comment je peux enchaîner aléatoirement deux films qui aient de tels poins communs (j'ai quitté la Russie et suis maintenant dans le désert de Gobi, en route (à pied) pour Hong-Kong).

Eclaircies

Encore une de ces journées où mon seul sujet serait le boulot. Il me faut donc être sibylline.
C'est assez amusant, passera, passera pas, serons-nous encore là dans quatre ans? Après trois ans de déboires systématiques (décrets après accords interministériels, la législation nous condamnait en nous retirant notre clientèle), le vent semble tourner, et c'est si inattendu que je n'y crois pas vraiment. On dirait une illustration d'«Aide-toi et le ciel t'aidera».
Il est beaucoup trop tôt pour savoir comment cela va finir. Ce sera plus clair en février prochain.

Courbatures aux abdominaux. Dans ma salle de sport (majoritairement destinée à la danse), j'ai récupéré le numéro gratuit de Neon magazine. Dans un sens ce n'est pas mon style; dans un autre, j'adore leur merveilleuse liberté, leur façon de concevoir le bonheur comme quelque chose qu'on va conquérir.
Bien évidemment j'ai aussitôt consulté mon horoscope queer pour l'été: «réfléchissez moins, foncez plus».

Sommeil.
Je continue Poliakov, Bréviaire de la haine.

Infrarouge

A midi, j'ai testé le sauna de la salle de sport, directement en venant du boulot, sans avoir fait de sport (c'est-à-dire à froid, sans rytme cardiaque élevé et processus de transpiration amorcé). C'est un sauna sans eau, sans pierre, sans vapeur, entièrement électrique. «Infrarouge», me dit la jeune fille qui me montre les installations. Cela ressemble plutôt aux résistances d'un grille-pain.

Vingt minutes environ. Je somnole sans parvenir à m'endormir, la banquette est trop étroite. J'aurai chaud toute l'après-midi.

C'est amusant, je recommencerai.
Ce soir je suis épuisée. Je ne sais pas si cela a un rapport.

Municipales

Réunion départementale pour faire le point sur les listes, circonscription par circonscription.
Je ne suis pas réellement engagée dans ces tractations, je ne sais pas encore si je serai sur une liste (je veux dire qu'on ne me l'a pas formellement proposé; qu'on manque souvent de femmes; que je ne sais pas ce que je répondrai si on me le propose): la tête de liste potentielle dans ma ville s'obstine à se présenter alors que la ville est lasse de lui, mais lui ne veut pas l'entendre. Je n'ai pas envie d'apparaître sur la liste de ce vieux kroum autiste. D'un autre côté l'expérience est tentante, je suis curieuse. Et puis c'est sans doute la dernière fois que c'est possible: dans sept ans, à la retraite, j'espère faire du planeur, pas m'occuper d'une ville. J'écoute les intervenants de chaque circonscription, héberluée par la complexité des rapprochements et des haines. Dans le nord du 77, LFI joue sur toute la gamme du communautarisme.
Dangereux.

Ce qui est agréable dans ces réunions, c'est le sentiment de sécurité, le sentiment que nous ne risquons pas d'entendre soudain une énormité économique ou antisémite, d'être agressé pour des raisons incompréhensibles, purement dogmatiques. Entre nous nous ne nous apprécions pas tous, il y a les habituelles affinités et inimitiés, mais nous sommes tranquilles.

Coup de maître

Dans la soirée, H. m'interpelle:
— Tu as vu ce qu'on fait les Ukrainiens?
— Euh non, pourquoi?
— Ils ont attaqué par drones des bases militaires à plus de 4000 km de l'Ukraine. Ils auraient détruit un tiers des avions, ce qui veut dire avec le turn-over (l'entretien et les vérifications) que la moitié de la flotte n'est plus opérationnelle. C'est énorme!

Cela me rappelle l'opération qui a fait exploser les mains du Hamas: même programmation à long terme et implacable, même précision dans les détails.

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Nous avons eu ensuite des précisions. Les drones ont été dissimulés dans le toit de chalets en bois et tranportés par camion jusqu'à être proches des bases militaires.

opération ukrainienne du 1er juin 2025 illustré par un cheval de Troie contenant des drones


SPAM

Il fait trop mauvais pour voler, mais les repas sont toujours intéressants : j'apprends que spam (pourriel) vient d'une marque de corned-beef anglais particulièrement mauvais, tourné en dérision par les Monty Python.
Un peu de ménage au club (il y a toujours quelque chose à faire) et je rentre tôt, ce qui nous permet d'aller voir Mission impossible.

Film longuet auquel je n'ai rien compris (le type après qui il court n'aurait-il pas dû souhaiter être rejoint?), dont le seul but paraît d'être de permettre à Tom Cruise de faire des cascades improbables. La suspension d'incrédulité est soumise à rude épreuve (se mettre à poil sous la banquise pour remonter des profondeurs de l'océan sans avoir les tympans qui explosent ni mourir de froid?)
Par instants j'ai l'impression d'être dans un Marvel, avec Thanos qui veut détruire le monde. Le plus dérangeant, c'est la façon de déifier Ethan Hunt.

Restaurant (negroni, black angus et frites). Le serveur nous explique qu'ils ont prévu d'arrêter le service plus tôt de façon à fermer avant la fin du match1: ils redoutent les troubles d'après-match.
Je n'en reviens pas que les violences soient devenues banales et prévisibles à ce point-là.



Note
1: Le PSG jouait contre Milan. Il a gagné par 5 à 0 et est devenu champion d'Europe.

Sport fusion

Cours de pilates aujourd'hui. A un moment le prof commente avec embarras, sous son souffle: «ce n'est pas vraiment du pilates, c'est du Pilates-Mézières». Je suis fière de moi car dès la première fois, j'avais reconnu les exercices avec la balle de tennis, popularisés par Thérèse Bertherat.
Plus tard, en réponse à une question concernant un autre exercice, des squats avec front et genoux touchant le miroir, il explique que c'est un exercice de médecine chinoise.
Donc si je comprends bien, l'inventivité des exercices est le fruit d'un mélange de traditions corporelles et de connaissances médicales contemporaines. C'est sans doute pour cela que c'est aussi fun et aussi douloureux à partir de mouvements en apparence inoffensifs.
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