Saint Gapour

Une à deux heures au téléphone avec Annie, prof d'histoire en terminale (SSGT : lettres données au hasard, je ne les retiens pas car je ne sais pas ce qu'elles signifient). Elle a toujours des histoires incroyables ou amusantes. A côté de Saint Gapour, il y a par exemple «Hé madame, on pouvait pas enterrer les comédiens au Carrefour: sous Louis XIV, Carrefour, ça existait pas!»

Echange de voitures avec un ami : on lui emprunte sa cinq places et je lui laisse mon cabriolet. Cela nous permet de récupérer les Bostoniens à Moret et de passer la soirée au théâtre de Fontainebleau.

Repas maison — gage d'excellence —, oie et bûche glacée, discussions tard dans la nuit.

VPN en Estonie

Encore du pointage et des mails pour l'association.

Toujours avec le VPN situé en Estonie, je finis la saison 1 de Dark winds et j'entame Yellowjackets. Il ne s'agit pas de gilets jaunes, mais des couleurs du maillot d'une équipe de foot de lycéennes. La particularité de la série, c'est que ses trois premières minutes commencent par une chasse à l'homme (à la jeune fille) dans la neige. Il vous reste ensuite neuf heures d'épisodes pour comprendre de quelle façon le récit va parvenir aux dernières minutes du pilote.

C'est dans le genre atroce, mais justement si atroce mais également si illogique que cela perd toute crédibilité (si vous vous crashez en avion entre deux villes des Etats-Unis, même en pleine nature à deux cents kilomètres de toute habitation, en marchant tout droit deux semaines, vous croisez forcément une route. Ou il suffit de suivre le premier ruisseau que vous croisez pour arriver à la mer). Cet illogisme permet de tenir l'horreur à distance.

C'est une série «Teenagers» musclée, a priori non diffusée en France.

Librairie polonaise

Encore une journée à répondre au téléphone pour soulager l'équipe. Les hôpitaux continuent à renvoyer les gens chez eux, sans que je sache si c'est pour leur permettre de passer les fêtes en famille ou pour libérer des lits en attendant les poivrots du 31.

Je suis passé à la librairie polonaise pour trouver un calendrier éphéméride pour mes parents.
En entrant, éblouissement: juste devant moi à l'angle de la table, Tigre, le dernier livre de Janis Jonevs, l'écrivain du génial Métal. Je ne savais pas qu'il en avait écrit un nouveau. C'en est fait de toute tentative de ne pas acheter de livres ce soir.

Je repars avec Tigre, donc; Ma vie en fragments de Zygmunt Bauman dont j'ai découvert le concept de société liquide à l'Institut Protestant de Théologie et Comment être socialiste + conservateur + libéral de Leszek Kolakowski parce que le titre m'a plu.

Le vendeur ne m'a pas proposé de sac et je suis partie les livres partagés entre mes deux bras (deux tomes de One Point en plus).
Ligne 10, sortie à la gare d'Austerlitz qui promet d'être magnifique mais qui est insupportable à traverser. Vivement la fin des travaux.

Chaud froid

J'ai amené au bureau de quoi préparer du vin chaud pour les six salariés présents. J'avais même emmené passoire (pour filtrer les épices) et casserole.
J'avais juste oublié qu'il n'y a pas de gazinière au boulot.
Je suis donc allée acheter en catastrophe un saladier et j'ai préparé le vin chaud au micro-ondes.
Cette cuisson a un peu nui au velouté de la potion, mais nous avons beaucoup ri, en terminant par le monologue de Maria Pacôme.

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Cependant, la fin de journée a été plus sinistre.

L'une des personnes de mon équipe a perdu son père lundi. Cela faisait une semaine qu'elle nous tenait au courant de son emploi du temps, télétravail à son chevet à l'hôpital, retour à Paris après le décès, absence pour les funérailles dès qu'elle en aurait la date.
Elle s'excuse beaucoup de désorganiser le service, ce qui est fort embarrassant car bien sûr secondaire.
Ce soir je l'ai au téléphone:
— L'enterrement est le 31 à dix heures, excuse-moi, je vais devoir poser ma journée. Je pense y aller en train de nuit avec les enfants, parce qu'avec les vacances, il n'y a aucune chambre de libre.
— Comment ça, tu ne peux pas dormir chez ton père?
— Ah non, la vache (comprendre: sa belle-mère) ne me parle pas depuis trente ans, ce n'est pas maintenant qu'elle va commencer. Ce n'est même pas elle qui m'a appris la date de l'enterrement, mais un voisin.
J'ai l'impression d'avoir mal entendu:
— Comment ça?
— C'est un des amis de papa qui m'a appelée pour vérifier que j'étais au courant de l'heure de l'enterrement; comme quoi il la connaît bien, la garce.

Je suis rentrée chez moi hagarde.

Petit salon du livre grec

Patrick m'avait signalé un "Petit salon du livre grec" au centre culturel hellénique et nous nous y sommes donnés rendez-vous.

J'ai longtemps déambullé devant les piles de livres. C'est toujours impressionnant de regarder des livres tandis que les éditeurs ou les écrivains ou les traducteurs vous observent ou s'appliquent à ne pas vous observer à quatre-vingt centimètres de l'autre côté de la table. Pour lutter contre la gêne ou la timidité, je me suis appliquée à regarder chaque livre comme si j'étais seule au monde. Cela a pris du temps.

Je suis partie avec des livres d'un Albanais (qui écrit en grec), d'un Luxembourgeois (qui traduit du grec), d'un Italien (interviewé par un Grec) et malgré tout de trois Grecs.
- Antoni Tabucchi, Une chemise pleine de taches (j'ai mis longtemps à me souvenir du titre Tristano meurt, dont les images grecques surnagent dans ma mémoire)
- Gazmend Kapllani, Je m'appelle Europe et Petit journal de bord des frontières
- Gilles Ortlieb, Sous le crible, Vraquier et Le train des jours, les journaux les plus courts que j'ai jamais vus
- Thanassis Valtinos, Accoutumance à la nicotine
- Dimitris Sotakis, L'argent a été viré sur votre compte et Comment devenir propriétaire d'un supermarché sur une île déserte
- Pètros Markaris, A travers Athènes
- une revue sur les juifs de Thessalonique


Dîner au Roméo, aux serveuses amateur et aux fauteuils en velours vert pétard.
Rentrée à temps pour attraper le train, qui est devenu ma grande obsession.
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