Un 20 minutes qui traînait dans la rame m'a émue:
«Dans sa vie, un homme peut changer de femme, de parti politique ou de religion mais il ne peut pas changer d’équipe de football» disait le célèbre écrivain Eduardo Galeano, décédé tout récemment. Il aurait pu ajouter qu’un homme peut tout oublier, sauf les émotions liées au football. C’est, en tout cas, le sens louable d’une expérience menée en partenariat par la fondation «Santé et vieillissement» de l’Université autonome de Barcelone et la revue espagnole Libero, dénichée grâce à une traduction publiée sur le site des Cahiers du foot.

L’idée de départ est simple: il s’agit, pour des patients victimes d’Alzheimer, d’inclure dans les exercices de travail de la mémoire des émotions liées à des événements sportifs marquants. Une approche testée avec succès aux Etats-Unis, où le club de baseball des Saint-Louis Cardinals a créé une association, la Cardinals Reminiscence League, qui permet à ses supporters touchés par la maladie d’échanger autour du passé du club deux fois par mois, dans l’enceinte même de l’équipe actuelle. «On a voulu faire la même chose ici avec le football, explique Diego Barcala, le directeur de la revue Libero. L’initiative est venue des médecins, qui ont fait venir des anciens joueurs du Barça pour générer une conversation autour du foot et essayer de mobiliser des souvenirs».

C’est là que Libero, une revue très centrée sur l’utilité sociale du football, intervient, en proposant gratuitement des numéros spéciaux adaptés aux époques recherchées, avec Suarez, Pelé, ou Cruyff en couverture. «Alzheimer efface la mémoire mais elle n’efface pas la passion pour le football, ni les émotions, et c’est cela que nous souhaitons récupérer par le biais de cette thérapie de la réminiscence», détaille Laura Coll, le médecin responsable du projet. Les résultats sont assez bluffants. On y voit des malades parfaitement capables d’identifier une action précise, comme le fameux but du talon de Cruyff, et même, parfois, de se souvenir de certains noms, quand ils ont oublié celui de leur enfant.[…]

20 minutes, le 30 juin.
Ça doit être étrange pour un fils de constater que son père ne se souvient plus de lui mais se souvient d'un joueur de foot… D'un autre côté, ça ne me paraît pas si étonnant que ça.

Peut-être parce que je suis en train de lire La norme et la règle, un dialogue entre Jean-Pierre Changeux et Paul Ricœur, l'idée que la mémoire et les émotions ne soient pas codées exactement de la même façon ou aux mêmes endroits du cerveau me paraît fascinant.