En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

Aujourd'hui, quelqu'un qui a changé le cours de votre vie : RC, évidemment.

Renaud Camus à l'Ircam en juin 2009
RC à l'Ircam - 2009


C'est compliqué. Je me souviens de Philippe Val disant après l'emprisonnement de Patrick Font: «Si je vais le voir on me demande comment je peux soutenir un tel salaud; si je n'y vais pas on me demande si je n'ai pas honte d'abandonner un ami».

RC n'était pas un ami, ce n'est pas un ami. Mais je me sentirai toujours l'obligation de ne pas en dire de mal. De juste me taire.

Dans le journal 2002, Outrepas, RC a écrit qu'il aurait souhaité que Le Pen ait le maximum de voix, juste assez pour ne pas être élu. Le livre est paru en 2004. Donc en 2004, la SLRC a appris que RC ne l'avait pas détrompée quand elle avait publié en 2002 une pétition contre Le Pen, pétition dont toutes les phrases commençaient par «Avec RC, nous…»
Je savais donc depuis 2004 que RC n'avait aucune loyauté envers son entourage, qu'il était capable de trahison — ce qui fait que 2012, le ralliement à MLP, a été une déception, la certitude que désormais le génie littéraire de RC ne serait jamais reconnu, mais pas vraiment une surprise.
Le dégoût est venu en 2013 quand RC s'est réjoui du suicide de Dominique Venner à Notre-Dame et le rejet sans retour est survenu après les white supremacists et Christchurch.

Quel gâchis, quelle horreur.

Mais il reste qu'il a changé ma vie. Le lire a changé ma vie.
C'est difficile d'expliquer à quel point, parce qu'il faudrait tenter d'expliquer tout ce que je ne connaissais pas (histoire, art, littérature, géographie, etc) quand j'ai commencé à le lire et tout ce que j'ai découvert en le lisant.
Il m'a aussi fait découvrir de quelle façon j'étais capable de lire, de me concentrer, de faire des rapprochements, de travailler par associations… Il m'a fait me découvrir moi-même.

L'Amour l'Automne, L'Inauguration de la salle des Vents, Vaisseaux brûlés sont de grandes expériences de lecture, elles me font accéder à des dimensions de conscience inédites, en profondeur et en extension. C'est difficile à expliquer, c'est comme une drogue, un état second du cerveau. Je pense que James Joyce produit le même effet à d'autres, et peut-être Arno Schmidt aux locuteurs germanophones.

RC me faisait, me fait, rire. Parfois je retombe sur une citation, et aussitôt, je ris: «Castro à mon enterrement? Plutôt mourir!» ou «Georges Marchais et moi n'avons pas la même idée de la poésie : j'en avais toujours eu le vague soupçon».

Hélas, la phrase la plus juste sur RC est sans doute celle de Jean-Yves, le pastichant après Christchurch: «On m'a mal lu».

RC a été l'occasion de me faire des amis qui ont survécu à la tourmente. Nous avons arrêté de lire RC ensemble mais nous avons continué à voyager, à visiter, à aller au concert.
La vie n'a plus jamais été la même après RC.