Les rameurs qui partent en stage au Creusot ont fait un huit, je me suis rabattue sur un skiff.

Comment décrire le bonheur de cette sortie, après une journée entre quatre murs? C'est indicible de liberté.

Seine verte, ciel bleu, tache blanche du château de la Rivière en remontant vers Thomery


Pendant toute ma sortie j'ai attendu que le huit me rattrape, mais cela n'a jamais été le cas: que s'est-il passé? Ont-il fait beaucoup d'exercices? Oui, un peu, mais surtout, ils avaient pris pour barreur un enfant de douze ans non rameur — qui a passé son temps à papoter, à donner des coups de barre et faire des réflexions inquiétantes («comment je fais pour éviter la péniche?»). Bref, les huit rameurs étaient passablement exaspérés en rentrant.

Cela ne m'a pas empêchée de jouer ma Calimero auprès d'H., venu pour la deuxième fois participer au dîner du mercredi:
— Tu n'as pas ramé en huit?
— Non, il se passe ce que je craignais, ils constituent les huits entre rameurs qui partent au Creusot.
H. commence à fléchir:
— Bon, tu peux y aller, je ne veux pas être un obstacle à ta carrière de rameuse.

Nous sommes encore très nombreux. Sylvain ouvre le champagne pour fêter son aviron de bronze (niveau débutant qui se débrouille): c'est de l'amertume teintée d'ironie, il attendait un aviron d'or et une autorisation de sortie en absence de sécu (bateau moteur aui assure la surveillance du bassin), mais il y a du tirage avec la direction du club et visiblement le président lui a fait une mauvaise blague. Sous les dehors très amicaux que j'ai vus jusqu'à présent semble ce cacher une lutte acharnée pour le pouvoir et l'équilibre entre loisirs et compétion.

Après ce dîner, H. me confie: «je ne sais pas si je reviendrai. Ça parle beaucoup d'aviron, quand même.»