J'ai la flemme de me lever pisser au milieu de la nuit; moralité je dors mal. Je me lève finalement vers six heures, me rendors une heure et demie. Je reste au chaud dans le duvet; je révise, «manche à gauche, pied à gauche» en avançant le pied gauche et penchant le poignet droit vers la gauche; il y a plusieurs façons de mettre la main à gauche avec un manche, c'est beaucoup plus précis qu'un volant — et donc beaucoup plus brouillon quand on n'est pas précis — «manche à droite, pied à droite»; quand je ferme les yeux l'atmosphère noire lumineuse danse lentement comme une houle.
Sortir de la tente, se doucher, s'habiller.

Dernier matin dans la caravane. Dernier porridge, dernier petit déjeuner au rythme d'AC/DC. Je finis ma pastèque. J'ai si peu envie de partir qu'il ne faut pas penser.

Ranger. Deux sacs, un «structurel», la tente, le sac de couchage, le sac à viande, l'oreiller, la serviette de toilette, et à côté le tapis de sol: Dom les remontera en voiture; l'autre de vêtements, plus le petit sac à dos pour l'ordinateur. Il fait beau, le soleil tape, je plie tout sur les palettes qui constituent une terrasse devant la caravane: c'est une surface propre et sèche.
Le pantalon qui m'a servi toute la semaine en planeur est déchiré à l'entre-jambes, il avait plus de vingt-cinq ans, je l'avais acheté après la naissance de ma fille. C'était l'un de ces pantalons amples baba-cool style indien sud-américain. Il finira ici à la poubelle, je n'ai pas la place de le remonter pour en faire des chiffons.

Pat me dépose à la gare de Sisteron. Départ à midi, j'ai trois quart d'heures devant moi; j'appelle H.; j'achète un café et des oreillettes à la boulangerie de l'autre côté de la route (elle a l'avantage d'être à l'ombre), je tache mon pantalon blanc de deux gouttes de café (c'est rageant).

Le car arrive, le chauffeur d'une trentaine d'année ne connaît pas Trainline et n'a pas de quoi lire le QR code des billets électroniques, il maugrée à voix haute et prend les passagers habitués à témoin, tout change, c'était mieux avant.
Changement de car au péage de Peyruis, une heure trente-cinq de route jusqu'à Aix par Manosque et Cadarache. Sandwich à la gare, TGV à 14h18. Trois heures de train, ça me paraît beaucoup plus long que six heures de planeur, je regarde Quantum of solace (parce qu'il était téléchargé dans mon téléphone) et j'écris des cartes postales.

Descente à Fontainebleau. Cela fait six mois que je n'ai pas utilisé l'escalier côté Seine, entretemps il a disparu, remplacé par une rampe. Restaurant pour une bonne viande rouge, mais à moins manger depuis une semaine je me rassasie vite.
Retour à la maison. Une rose est sortie, la glycine et la vigne vierge se sont déployées, l'azalée est couverte de boutons et la verveine de feuilles. Mon carnet de pilote de planeur est arrivé, je ne sais pourquoi personne au club ne s'est jamais préoccupé de m'en procurer un (ou de me dire de le faire): pensaient-ils que je ne resterais pas après les six heures de l'été dernier?

Je viens de passer une semaine sans écran, sans info, sans Twitter. Je ne m'en suis même pas rendu compte.