Perdue
Par Alice, lundi 4 décembre 2006 à 23:14 :: 2006 :: rss
Dans la vie de la plupart des femmes, tout, même le plus grand chagrin, aboutit à une question d'essayage.J'ai détesté Proust d'avoir écrit cela. J'en ai parlé à un ami, qui m'a répondu que la remarque s'appliquait également aux hommes. Piètre consolation.
Le côté de Guermantes, Pléiade t.2 (1957) p.335
Lorsque j'ai rencontré H. il y a vingt ans, nous réunissions à nous deux sept grands-parents. Nous avons enterré le sixième aujourd'hui, la grand-mère maternelle de H. Il ne reste que ma grand-mère maternelle.
Je suppose que nous sommes censés nous résigner. C'est l'inverse qui se produit, la colère, la frustration, est plus grande à chaque fois. Ce n'est pas tant la mort que la fin de ces vies qui me révolte, ces vies dures, honnêtes, courageuses, terminées dans la souffrance ou l'ennui ou la folie pendant quelques semaines ou quelques années, et la mort à l'hôpital loin chez soi. J'ai l'impression d'une promesse trahie — comme s'il nous avait jamais été promis la justice en ce monde.
Nous eûmes par la suite une conversation que je n'ai jamais oubliée. Nous passions la soirée chez elle, Lore et moi, avec Marie McCarthy et une amie à elle qui vivait à Rome, catholique croyante comme il apparut bientôt. Elle s'intéressait vivement à moi et me provoqua en me demandant à brûle-pourpoint: «Croyez-vous en dieu?» On ne m'avait jamais posé la question de manière aussi directe — et cela venant d'une presque étrangère! Je la considérai d'abord perplexe, je réfléchis puis dis — à ma propre surprise: «Oui!» Hannah [Arendt] sursauta — je me souviens de son regard presque épouvanté sur moi. «Vraiment?» Et je répliquai: «Oui. Finalement oui. Quel qu'en soit le sens, la réponse "oui" se rapproche plus de la vérité que le "non".» Peu de temps après je me trouvais seul avec Hannah. La conversation revint sur dieu et elle déclara: «Je n'ai jamais douté d'un dieu personnel.» Sur quoi je dis: «Mais Hannah, je ne le savais pas du tout! Et je ne comprends pas pourquoi, l'autre soir, tu as eu l'air tellement stupéfaite.» Elle répondit: «J'étais très ébranlée d'entendre cela de ta bouche, car je ne l'aurais jamais pensé.» Ainsi nous nous étions surpris l'un l'autre par cet aveu.
Hans Jonas, Souvenirs, p.259
Commentaires
1. Le lundi 4 décembre 2006 à 23:30, par Patrick
2. Le mardi 5 décembre 2006 à 17:41, par pradoc
3. Le mardi 5 décembre 2006 à 20:07, par Tlön
4. Le mardi 5 décembre 2006 à 20:12, par VS
5. Le mardi 5 décembre 2006 à 20:15, par VS
6. Le mardi 5 décembre 2006 à 21:16, par Tlön
7. Le mardi 5 décembre 2006 à 22:58, par VS
8. Le samedi 7 février 2009 à 21:37, par PB/JYP
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