Je plie les trois grenouillères premier âge que les trois enfants ont portées à la naissance. J'ai donné au fur à mesure tous les vêtements des enfants mais conservé une dizaine d'habits: ces trois grenouillères, une salopette emblématique de l'aîné (et je pense à la salopette du prince George qui a fait le bonheur de Petit Bateau: il me semble que la mienne est une Bonpoint, ce qui est plus élitiste), deux ou trois tricots portés par le dernier car les moins abîmés. J'ai aussi le manteau de laine de mes deux ans.

Je plie avec remords; voici ce qui reste de l'enfance des enfants; moi qui étais si heureuse d'emménager ici, je culpabilise désormais de vendre la maison où ils ont grandi, même si seul le dernier en paraît affecté — et encore pas beaucoup, sans que je sache s'il cache ses regrets devant notre joie ou s'il s'habitue à l'idée avec son fatalisme et son pragmatisme habituels.

Je plie ce qui reste et je songe à Viktor Klemperer, je songe à Klemperer retrouvant un album de timbres dans une malle après la guerre et s'exclamant, lui qui a tout perdu: «comme nous étions riches».

Comme nous sommes riches.