Le mari de la coiffeuse

— Je me suis séparée de mon mari.
— […]
— Maintenant je fais du coaching. J'ai suivi une formation de coach chamanique, ça m'a ouvert les yeux et en novembre, je lui ai dit, «je veux divorcer.»
— Le pauvre...
Ça m'a échappé, j'imagine le type qui ne s'attendait à rien, qui laissait sa femme suivre ses formations de coupe énergétique et de coaching chamanique en se disant que ça lui faisait plaisir et ne portait pas à conséquence.
— Au début ç'a été dur, mais mes cours de coaching m'ont beaucoup aidée à l'accompagner.


Commentaire de H.:
— Il est peut-être mieux sans cette folle.
— Oui, mais lui ne le sait pas.

Saute-nuages

J'arrive au terrain à onze heures moins le quart. La salle pilote est vide; il y a deux K21 et un duo devant le hangar; P. s'exclame: «voilà Alice!»

— Il n'y a personne?
— Ils sont déjà tous en piste, c'est une journée à faire un 500 (km).

Je comprends que je suis terriblement en retard.
Repas, en piste, VI (vol d'initiation) pour quatre personnes. Tenir les ailes pour «mettre en l'air», aller chercher les planeurs pour les ramener en piste en attendant mon tour.

Nous ne sommes que deux élèves. Etrange par une telle météo. Roland-Garros?

Comme le temps est prometteur, Manu a décidé de nous faire faire de la campagne, c'est-à-dire sortir du local (local en finesse 10 pour les élèves, soit 100 m de gain d'altitude pour s'éloigner d'un kilomètre. Comme nous sommes dans une zone où nous n'avons pas le droit de dépasser 2000 m à cause d'Orly (FL065, 6500 pieds, ça varie chaque jour en fonction de la pression), et qu'on compte 400 m pour le tour de piste (atterrissage), cela signifie qu'un élève ne peut s'éloigner de plus de seize kilomètres les très bons jours. En pratique, le plafond (le plancher des nuages ou le sommet des ascendances) est plutôt à 1200, 1400 mètres, ce qui fait donc dix kilomètres.

Faire de la campagne, c'est donc quitter le local de son terrain de départ. Le but était de faire Moret-Buno-Pithiviers, mais les conditions étant moins bonnes que prévu, nous sommes simplement partis pour Buno afin que je découvre le terrain (le but plus général est d'apprendre à repérer les pistes d'aérodrome: vu du ciel, ce sont des bandes jaunies, plus claires, difficiles à distinguer des champs environnants quand on ne sait pas où elles se trouvent).
Duo discus + instructeur = autorisation de finesse 20. Distance à parcourir 28 km, donc pour être en finesse d'un terrain ou l'autre, 14 km (soit Buno, soit Moret); avec un fort vent d'ouest, donc le cône des distance se déplace, mettons 12km Buno, 16 km Moret, soit une altitude nécessaire de 1200 mètre (800m + 400m de tour de piste) pour être en sécurité à mi-parcours et être sûrs d'atteindre l'un ou l'autre aérodrome.
Tout le planeur se résume à cela: atteindre le prochain nuage pour monter (ou ne pas descendre), conserver un terrain d'atterrissage à portée d'aile si on n'en trouve pas (de nuage), ce qui nécessite parfois d'être très haut en l'absence d'ascendance potentielle, au-dessus d'un col ou d'une forêt ou d'une étendue d'eau: pas de champ vachable) et de préférence atterrir sur un aérodrome plutôt que dans un champ, parce que c'est plus sûr pour le pilote et la machine et moins ennuyant pour les potes restés au club qui doivent venir vous chercher si les conditions ne permettent pas de vous remettre en l'air.

Nous avons joué à saute-nuages pendant trois heures et nous sommes rentrés les derniers.

Bussy-St-Georges

Journée sur des problèmes épineux. Quel justif demander pour verser une prestation quand plus aucune autorité ne veut fournir de justif? Comment être juste? beaucoup de mal à convaincre mes interlocuteurs qu'il va falloir abandonner la perfection pour le pragmatisme — de cette acceptation dépendra notre capacité à rendre réellement service.

RER pour Bussy-St-Georges. Rencontre sur l'Ukraine; Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe; Aline Le Bail-Kremer journaliste (Stand with Ukraine); Volodymir Kogutyak vice-président du Congrès mondial des Ukrainiens. Courts discours, questions. Présence de retraités heureux de voir un ministre (séance de photos, portrait de groupes, selfies. Quelle patience), de jeunes hommes minces, pâles, courbés, cravate ficelle, paraissant n'avoir jamais vu le soleil ni avoir fait de sport (des aspirants attachés parlementaires?). Rituel. Toujours la même surprise que ces rencontres se fassent dans les mêmes salles municipales qui servent à la fête des écoles et se terminent dans le coca et les chips. C'est sans doute la marque de la République: l'absence de décorum. La politique ne se fait plus chez le nobliaux du coin; Balzac ou Proust, c'est fini.

Je sais, je date. Mon excuse est que tout cela est relativement nouveau pour moi, je n'ai pas eu une de ces adolescences hyper politisées.

Pas grand chose

Télétravail. Coiffeur (pour la couleur. La coupe, ce sera lundi). One Piece tome 24 parce que je ne me sens pas de lire Bréviaire de la haine chez le coiffeur. Visio. Instructive réunion. Repassage (l'avantage du télétravail) en regardant Red Notice. Mignon et creux. Puis La filature, gags longuets et là aussi, mignon et creux. Points communs inattendus entre les deux films: la Russie, une histoire de montre et deux personnages principaux qui ne se supportent pas. Je ne comprends pas comment je peux enchaîner aléatoirement deux films qui aient de tels poins communs (j'ai quitté la Russie et suis maintenant dans le désert de Gobi, en route (à pied) pour Hong-Kong).

Eclaircies

Encore une de ces journées où mon seul sujet serait le boulot. Il me faut donc être sibylline.
C'est assez amusant, passera, passera pas, serons-nous encore là dans quatre ans? Après trois ans de déboires systématiques (décrets après accords interministériels, la législation nous condamnait en nous retirant notre clientèle), le vent semble tourner, et c'est si inattendu que je n'y crois pas vraiment. On dirait une illustration d'«Aide-toi et le ciel t'aidera».
Il est beaucoup trop tôt pour savoir comment cela va finir. Ce sera plus clair en février prochain.

Courbatures aux abdominaux. Dans ma salle de sport (majoritairement destinée à la danse), j'ai récupéré le numéro gratuit de Neon magazine. Dans un sens ce n'est pas mon style; dans un autre, j'adore leur merveilleuse liberté, leur façon de concevoir le bonheur comme quelque chose qu'on va conquérir.
Bien évidemment j'ai aussitôt consulté mon horoscope queer pour l'été: «réfléchissez moins, foncez plus».

Sommeil.
Je continue Poliakov, Bréviaire de la haine.

Infrarouge

A midi, j'ai testé le sauna de la salle de sport, directement en venant du boulot, sans avoir fait de sport (c'est-à-dire à froid, sans rytme cardiaque élevé et processus de transpiration amorcé). C'est un sauna sans eau, sans pierre, sans vapeur, entièrement électrique. «Infrarouge», me dit la jeune fille qui me montre les installations. Cela ressemble plutôt aux résistances d'un grille-pain.

Vingt minutes environ. Je somnole sans parvenir à m'endormir, la banquette est trop étroite. J'aurai chaud toute l'après-midi.

C'est amusant, je recommencerai.
Ce soir je suis épuisée. Je ne sais pas si cela a un rapport.

Municipales

Réunion départementale pour faire le point sur les listes, circonscription par circonscription.
Je ne suis pas réellement engagée dans ces tractations, je ne sais pas encore si je serai sur une liste (je veux dire qu'on ne me l'a pas formellement proposé; qu'on manque souvent de femmes; que je ne sais pas ce que je répondrai si on me le propose): la tête de liste potentielle dans ma ville s'obstine à se présenter alors que la ville est lasse de lui, mais lui ne veut pas l'entendre. Je n'ai pas envie d'apparaître sur la liste de ce vieux kroum autiste. D'un autre côté l'expérience est tentante, je suis curieuse. Et puis c'est sans doute la dernière fois que c'est possible: dans sept ans, à la retraite, j'espère faire du planeur, pas m'occuper d'une ville. J'écoute les intervenants de chaque circonscription, héberluée par la complexité des rapprochements et des haines. Dans le nord du 77, LFI joue sur toute la gamme du communautarisme.
Dangereux.

Ce qui est agréable dans ces réunions, c'est le sentiment de sécurité, le sentiment que nous ne risquons pas d'entendre soudain une énormité économique ou antisémite, d'être agressé pour des raisons incompréhensibles, purement dogmatiques. Entre nous nous ne nous apprécions pas tous, il y a les habituelles affinités et inimitiés, mais nous sommes tranquilles.

Coup de maître

Dans la soirée, H. m'interpelle:
— Tu as vu ce qu'on fait les Ukrainiens?
— Euh non, pourquoi?
— Ils ont attaqué par drones des bases militaires à plus de 4000 km de l'Ukraine. Ils auraient détruit un tiers des avions, ce qui veut dire avec le turn-over (l'entretien et les vérifications) que la moitié de la flotte n'est plus opérationnelle. C'est énorme!

Cela me rappelle l'opération qui a fait exploser les mains du Hamas: même programmation à long terme et implacable, même précision dans les détails.

----------------------
Nous avons eu ensuite des précisions. Les drones ont été dissimulés dans le toit de chalets en bois et tranportés par camion jusqu'à être proches des bases militaires.

opération ukrainienne du 1er juin 2025 illustré par un cheval de Troie contenant des drones


SPAM

Il fait trop mauvais pour voler, mais les repas sont toujours intéressants : j'apprends que spam (pourriel) vient d'une marque de corned-beef anglais particulièrement mauvais, tourné en dérision par les Monty Python.
Un peu de ménage au club (il y a toujours quelque chose à faire) et je rentre tôt, ce qui nous permet d'aller voir Mission impossible.

Film longuet auquel je n'ai rien compris (le type après qui il court n'aurait-il pas dû souhaiter être rejoint?), dont le seul but paraît d'être de permettre à Tom Cruise de faire des cascades improbables. La suspension d'incrédulité est soumise à rude épreuve (se mettre à poil sous la banquise pour remonter des profondeurs de l'océan sans avoir les tympans qui explosent ni mourir de froid?)
Par instants j'ai l'impression d'être dans un Marvel, avec Thanos qui veut détruire le monde. Le plus dérangeant, c'est la façon de déifier Ethan Hunt.

Restaurant (negroni, black angus et frites). Le serveur nous explique qu'ils ont prévu d'arrêter le service plus tôt de façon à fermer avant la fin du match1: ils redoutent les troubles d'après-match.
Je n'en reviens pas que les violences soient devenues banales et prévisibles à ce point-là.



Note
1: Le PSG jouait contre Milan. Il a gagné par 5 à 0 et est devenu champion d'Europe.

Sport fusion

Cours de pilates aujourd'hui. A un moment le prof commente avec embarras, sous son souffle: «ce n'est pas vraiment du pilates, c'est du Pilates-Mézières. Je suis fière de moi car dès la première fois, j'avais reconnu les exercices avec la balle de tennis, popularisés par Thérèse Bertherat.
Plus tard, en réponse à une question concernant un autre exercice, des squats avec front et genoux touchant le miroir, il explique que c'est un exercice de médecine chinoise.
Donc si je comprends bien, l'inventivité des exercices est le fruit d'un mélange de traditions corporelles et de connaissances médicales contemporaines. C'est sans doute pour cela que c'est aussi fun et aussi douloureux à partir de mouvements en apparence inoffensifs.

Fail

Il me restait un demi-RTT (ils sont calés sur les congés, donc à prendre jusqu'au 31 mai). J'en ai profité pour poser mon après-midi pour déjeuner avec Josiane, mon adjointe dans ma boîte précédente.
Elle me paraît très en forme et moi aussi (la dernière fois que nous nous sommes vues, j'avais encore mon précédent patron. J'étais désabusée et je songeais à changer de boulot. Cette fois-ci je suis guillerette), nous papotons agréablement.

J'ai réservé une entrée à 16h30 pour l'exposition sur l'art dégénéré1 au musée Picasso. Comme je suis en avance, je passe un long temps dans la librairie Michèle Ignazi (La librairie a fêté ses 33 ans hier, dit-elle à un client).
J'aime bien, rien n'est indiqué sur les étagère, il faut déduire le classement soi-même.

Je repars avec
- Hannah Arendt, Eichman à Jérusalem, à cause de Marek Edelman
- Timothy Snyder, La reconstruction des nations : Pologne, Ukraine, Lituanie, Bélarus. Je connaissais son autre œuvre, Terres de sang. Celui-là, de 2003, contient des cartes stupéfiantes et des tables de traduction des noms de villes et pays en huit langues.
- Jacques Roubaud, La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains. J'aime de plus en plus la poésie de Roubaud.

Musée.
Patatras, l'exposition attendue se terminait dimanche. C'est raté pour l'amélioration de l'organisation.
Je revisite la collection permanente et confirme mon impression: je n'aime pas Picasso (à la rigueur la période cubiste). Je ne reviendrai sans doute pas ici.
Je poste pour mémoire une photo de Brassaï qui m'a plu.

photo de Brassai. Picasso, Sartre, Camus, Beauvoir, Reverdy, Lacan-juin 1944


Dans le train du retour, coup de fil de mon boss: une de mes salariées a fait un malaise, sans doute une crise d'angoisse. Elle était déjà malade hier et avait posé une journée; ce matin elle m'avait dit être très fatiguée. Elle a été emmenée à l'hôpital par les pompiers. Je songe: «deux salariés en crise d'angoisse en une semaine, pas mal pour une boîte de vingt-cinq». Mais ce n'est qu'une coïncidence: cette fois, ce sont de mauvaises nouvelles concernant son frère qui auraient provoqué la crise.



Note
1 : En fait, j'espérais revoir l'ombre d'une exposition qui m'a beaucoup marquée, Les années 1930 en Europe : le temps menaçant (1929-1939) et que je regrette de n'être pas allée revoir après la première fois. Mais on n'a jamais le temps.

Livres lus 2025

janvier 2025 : des One Piece, je ne sais plus combien. Cinq ou six?

janvier - février 2025 : Natsu Hyūga, Les carnets de l'apothicaire, 5 premiers tomes. Trop lent pour moi.

entre février et fin mars 2025 : lectures d'Agatha Christie aux éditions Rombaldi pour me réentraîner à la lecture. (C'est mon nouveau patron qui m'a motivée.) Je les prends dans l'ordre chronologique.
Mr Brown - Opinion de Christie sur la psychanalyse.
Le crime du golf - Hastings trouve l'amour.
L'homme au complet marron - Emma Bovary se dévergonde.
Le secret de Chimneys - Je pense que je ne l'avais jamais lu. Tiré par les cheveux. Romantique ou nunuche, au choix.
Le meurtre de Roger Ackroyd - Je l'ai lu en 1987 ou 88 et je me souvenais du meurtrier. Cela permet de faire attention à la construction du scénario
Les quatre - Sans intérêt. Un scénario à la James Bond (les premiers films)

21 février - mars 2025 : Mitsu Izumi, Magus of the library, 3 premiers tomes. Enfantin.

avril 2025 : Romain Gary, L'angoisse du roi Salomon
avril 2025 : Motorō Mase, les 10 tomes d'Ikigami (le dixième en mai après l'avoir commandé)

mai 2025 : Jacqueline Auriol, Vivre et voler
26/05/2025 : Marek Edelman et Hanna Krall, Mémoires du ghetto de Varsovie

01/06/2025 : Philippe Roth, Une heure avant la fin du monde

Marcel Ophüls

Mémoires du ghetto de Varsovie est préfacé par Pierre Vidal-Naquet qui évoque Le chagrin et la pitié, mais aussi The Memory of justice dont je n'avais jamais entendu parler.

Un tour sur Wikipedia plus tard, j'apprends que Marcel Ophüls est mort samedi.

Retours

Douche maquillage rasage vingt minutes; petit déj quarante minutes; valise quinze minutes. Direction la salle, démonter et ranger tables et chaises, laver les derniers couverts, les gros plats, organiser les caisses réfrigérées; à l'aller H. avait fait deux voyages, soit deux volumes de voiture, un le week-end précédent et un avant-hier; tout ce qui reste aujourd'hui doit tenir dans la voiture d'A. en un seul voyage. Quelques décisions plus tard tout est chargé. Retour chez Madame mère pour le déjeuner; retour à la salle pour effectuer l'état des lieux et rendre les clés; retour chez Madame qui avait émis le souhait d'aller sur la tombe de beau-papa (il faut en profiter quand nous avons une voiture suffisamment grande pour installer sa jambe raide). Mais finalement non, elle a eu froid hier, elle est enchifrenée, sans doute un peu déprimée en contrecoup de l'agitation de la veille qui a rompu son quotidien monotone, elle ira dans la semaine avec son frère.

Je monte à l'étage dormir vingt minutes; ça la surprend toujours que je puisse dormir ainsi sur commande dans à peu près toutes les situations.

Puis nous partons, autoroute, pluie, A. arrive quasi en même temps, déchargement des voitures, capharnaüm. Deuxième Tétris, tout tiendra-t-il dans le frigo, je vais acheter des sacs congélation chez l'arabe du coin.

Je fais la vaisselle en regardant Sugar sur Apple, série esthétique et lente. Préparation de mon sac et mes vêtements afin de partir vite demain matin. Cela paraît très loin et bien trop proche.

Cousinade

Ça s'est très bien passé et je ne me souviens rien. Sont-ce les rêves de la nuit à la recherche de clés disparues; ai-je bu trop de soupe champenoise, est-ce le récit de Marek Edelman lu par intermittence?

J'ai discuté, j'ai lu, j'ai eu froid, j'ai essuyé des assiettes, j'ai regardé des boulistes. Il y avait une tripotée de petites filles, quatre et deux sœurs, intrépides et trognons, dont une Heidi de carte postale et un bulldozer frisotté de trois ans.
A l'arrivée des cousins j'ai eu un blanc. Les autres années je révise mais cette fois-ci je l'avais négligé et je ne me souvenais plus des prénoms, Carole, Carine, mais qui est ce jeune homme? «le copain de Julie» «non, de Tiffany; moi c'est Christelle, Julie (sa fille) se marie dans trois semaines». Christelle est grand-mère depuis mars. C'est beau-papa qui me tenait au courant des naissances; maintenant je n'ai plus les infos.

Je m'endors sur le terrain de boules; je rentre discuter avec un oncle et une tante («vous n'êtes pas trop isolés?» «ça dépend, comment définis-tu isolés?» ils ont l'air bien dans leur peau dans leur village de cent cinquante âmes); les boulistes et la marmaille rentrent pour dîner; comment cela, ils ont encore faim? incroyable. Mais tant mieux, tant mieux, que va-t-on faire des restes? Distribution, de brioches, de salières, de cubis («j'ai une AG d'assoc la semaine prochaine» «ça tombe bien, tu ne veux pas les cubis?»), de pains, de terrines «attends je te trouve un contenant, il faut que je rende le plat au charcutier».

Les enfants épuisés commencent à pleurer de fatigue, les cousins débarrassent les tables, enlèvent les nappes, nettoient un peu. «Partez, vous avez de la route», mon surmoi d'assureur est vaguement inquiet. J'impose qu'on aille se coucher, nous avons mal partout; non, pas de dernière vaisselle, nous verrons cela demain.

Hôtel. la fête de la bière fait moins de bruit ou il est plus tard. Ce fut une bonne journée.

Préparatifs

Dans la matinée, je récupère Mémoires du ghetto de Varsovie de Marek Edelman et Hanna Krall dans un casier Mondial Relay.

Violente engueulade avec A. qui me reproche de lui reprocher de mettre soixante-dix ans d'efforts familiaux à la poubelle. Mais deux mois plus tard, elle n'a toujours pas de boulot. Nous ne posons plus de question.

— J'ai fait lire la conversation à mes amis pour voir si c'était moi qui étais anormale de trouver que tu exagérais.
— Ah, parce que non seulement tu m'insultes mais tu trouves normal de faire lire ça à tes amis?
— Tu m'as accusée de mettre soixante-dix ans d'efforts à la poubelle.
— Ce n'est pas de ma faute si c'est vrai.
— C'était à propos de soutifs je te rappelle.
— C'est faux.
— C'est vrai.
— C'est facile : c'est écrit. Descends (elle est à l'étage), on va relire la conversation à deux, tu vas voir.
— J'ai autre chose à faire.
— Espèce de lâche. Tu m'insultes devant tes amis, mais tu es incapable de venir lire à côté de moi.

Elle n'est pas descendue. C'est bon, qu'elle se débrouille avec son père. Un fils et une fille en moins, je vais bientôt être tranquille.

On part à deux voitures. Je prends la petite rouge, H et A sont dans la Dacia avec les victuailles. J'écoute les podcasts sur Bouveresse. Il me fait sourire, surtout quand il souligne l'épouvantable sérieux des philosophes français qui rejettent la science tout en en adoptant les tournures de langage pour faire sérieux. J'ai acheté plusieurs de ses livres au cours du temps; il faudrait que je les lise.

Nous récupérons la salle, installons tables et chaises, bourrons les chambres froides. H. a oublié d'emporter nos assiettes, nous en récupérerons chez sa mère, O. viendra avec une douzaine.

Carrefour, dernières courses, nous achetons des compotes déraisonnables (rhum ananas) et de quoi faire des spritz. Le soir, nous soûlons Madame d'un spritz miniature dans un petit verre à cognac.

Hôtel. Fête de la bière à Châlons. Nous sommes sur la cour, c'est bruyant malgré tout. Je lis Edelman. Je connais si bien tout cela; pourtant c'est comme si je le découvrais, comme si je n'avais jamais rien lu.

Une journée ordinaire

Matin: le salarié qui m'avait dit qu'il donnait sa dèm vendredi dernier pour finalement me dire lundi qu'il restait a donné sa lettre ce matin avant que j'arrive pour revenir faire une crise d'angoisse dans le bureau de la RH et reprendre sa dèm…
Nous l'aimons tous beaucoup et c'est un excellent professionnel: deux raisons pour souhaiter qu'il reste, mais ça va devenir compliqué. Il ne supporte pas la période d'incertitude dans laquelle nous sommes entrés pour deux ou trois ans.

Midi : conseil d'administration et coup de théâtre; revirement du président; je ne comprends pas ce qui vient de se passer (ou plutôt pourquoi et comment cela vient d'arriver) mais c'est parfait. Je murmure à mon chef: «vous venez de gagner une cape et un slip par-dessus votre pantalon».

Fin d'après-midi: pilates.

Soirée : H. a cuisiné toute la journée, A. est arrivée vingt minutes avant moi. Elle nous prête sa voiture pour emmener jusqu'en Marne le buffet préparé par notre charcutier local.

Culture

Ce matin, RTL décrivait le défilé de mode qu'est devenu Roland Garros, tant sur le court où les joueurs sont habillés par des couturiers que dans les tribunes où les désormais incontournables influenceurs exhibent différents placements de produits.
C'est donc la foire aux produits de luxe. Pourquoi pas, cela éclipse l'entraînement quotidien, la souffrance, l'exploit sportif qui me paraît être l'objectif premier d'un tournoi international; mais après tout, si tout le monde est d'accord… je m'en fiche, je ne regarde pas.
Imaginez cependant ma surprise en entendant la conclusion du journaliste: «Roland Garros ne veut plus être simplement un événement sportif, il veut devenir une référence culturelle».
Référence culturelle, cette apologie de la société de consommation qu'il vient de décrire?


Ce soir j'allais assister au Chevalier à la rose au TCE. Je l'avais vu à Bastille il y a une dizaine d'années dans une mise en scène plutôt classique de Wernicke, à base de miroirs. J'en avais aimé l'élégance et la mélancolie.
Ce soir, Krzystof Warlikowski met en scène une caricature de notre époque, paillettes, selfies, followers remplaçant la cour aristocratique. Toute cette agitation superficielle rend encore plus cruelle la solitude de La Maréchale.
Je n'ai pas supporté. Peut-être que si j'avais été joyeuse j'aurais apprécié cette ironie mordante qui souligne la foire contemporaine mais cela ne convenait pas ce soir à mon petit moral. Je suis partie au premier entracte.

Les impôts de Madame mère

Mon beau-frère devait s'occuper des impôts de sa mère. Mais finalement non, il ne peut pas, il est trop occupé, son fils passe les concours d'ingénieurs (il est si affairé qu'on dirait que c'est lui qui planche. Nous avons très envie de nous moquer (entre nous, pas devant lui, il se prend bien trop au sérieux, cela terminerait en drame), mais nous nous en abstenons, tenus par la conscience qu'il a peut-être raison: ses enfants ont réussi leurs études. Peut-être est-ce la méthode, leur coller aux basques sans les laisser respirer. Je sais que je suis bien trop paresseuse pour cela).
Bref, il a appelé samedi pour dire qu'il ne s'en occuperait pas, que nous devions nous débrouiller. J'ai demandé à H. de vérifier la date limite de dépôt: 20 mai. «Trop tard», ai-je pensé.
Ce n'est que ce soir que j'ai réalisé que nous étions le 19, et qu'il était encore temps.

Ragaillardie, j'ai passé ma soirée à remplir deux feuilles d'impôts: pointage des relevés de comptes pour vérifier les sommes effectivement touchées, téléchargement des attestations fiscales (le plus dur est de comprendre quels sites interroger (je me perds entre la retraite de base et les complémentaires) et de retrouver les mots de passe qui correspondent), rapprochements des données, rassemblement des justificatifs de dons et des factures de service à domicile, petit tableau Excel pour calculer les quotes-parts et affecter les sommes aux bonnes périodes.
Ça peut paraître étrange, mais j'aime bien, je trouve cela reposant. Es stimmt, comme disent les Allemands: enfin quelque chose qui sonne juste.

Mentionner les sommes payées pour les aides à domicile et le portage de repas me donne l'impression d'une déduction d'impôts sur des subventions reçues: c'est logique, ça?

Pour information: quand l'un des conjoints décède, les deux déclarations peuvent se faire en ligne, les deux à partir de l'identifiant du conjoint vivant.

Poe for ever

C'est la fête des artistes au village. Hier, la voisine d'en face (que nous n'apprécions pas plus que ça) est passée solliciter H.: elle expose, elle compte sur nous pour passer voir ses œuvres.

Au petit déjeuner nous nous regardons avec désenchantement. J'essaie d'alléger l'atmosphère:
— Qui sait? Ce sera peut-être bien. Elle sera peut-être célèbre dans vingt ans ou après notre mort.
— Ah oui, tu vises loin.
— C'est peut-être le nouveau Van Gogh.
— Je ne voudrais pas dire, mais pour cela, elle a une oreille de trop.


Finalement on y est passé, ça nous a plu, et H. a acheté un corbeau effrayant qui m'effraie. Voilà un étrange écho à mes dernières séries Netflix. La peintre paraissait très émue. Nous avons cru qu'elle allait se mettre à pleurer. Mais où allons-nous mettre cette toile?

Vol de pente

Dernier jour.
Je me suis vu attribuer un instructeur qui est également remorqueur. Nous partirons quand tous les planeurs seront en l'air. J'attends sur le terrain, à l'ombre d'une dérive. Au briefing, le chef pilote a commenté «la journée sera au moins aussi bonne qu'hier». Je me demande encore ce qu'il voulait dire car des pilotes commencent à atterrir avant même que j'ai décollé: rien pour tenir en l'air.

Sortie intense et agréable. Vol de pente pour la première fois cette semaine (les autres jours il n'y avait pas de vent), ondelette au-dessus de Sisteron. Nous restons en local car après un début prometteur, nous ne trouvons plus d'ascendance qui nous permettent de monter haut et nous éloigner. JF raconte des anecdotes et me fait rire. Nous tenons presque trois heures en l'air.
— Comment tu tiens ton bras?
— Le coude collé au corps.
— Pose ta main sur ta cuisse et tiens le manche comme un crayon. Tu feras moins de mayonnaise.

Check-list pour préparer l'atterrissage, moment de suspension:
— Tu as bien sorti et verrouillé le train d'atterrissage?
— Euh... j'ai bien tiré le levier, mais c'est étrange, je me retrouve sur le rouge. Je me demande s'il n'est pas resté sorti tout le vol.
— Mais si, on l'a rentré, on en a parlé.
— J'ai expliqué au sol que je vérifiais que ma main atteignait la poignée parce que j'avais eu des problèmes la première fois en Discus, mais je ne suis pas sûre qu'on l'a sorti une fois en vol.
Bref, j'ai ressorti car je venais de le rentrer au moment de l'atterrissage.

Atterrissage. Je suis moulue. Rentrer le planeur au hangar, le laver, le housser. Les autres sont rentrés depuis longtemps; ils ont mis les deux discus démontés dans les remorques. Demain il pleut, tout le monde regagne la région parisienne.
Je pars ranger mes affaires et démonter ma tente. P. remontera le sac des affaires de camping, je ne prends avec moi que les vêtements.

Dernier repas au gîte, j'ai une faim de loup. Transit en voiture jusqu'à Gap. Je n'ai pas osé prendre le bus qui arrivait à la gare avec dix minutes d'avance sur le train de nuit. L'année prochaine, peut-être.

François

L'amateur au cinéma en fin d'après-midi. Insipide et peu vraisemblable mais pas désagréable. Dîné de popcorn.

Tandis que je zone en ligne, H. explore Twitter:
— Ah tiens, t'as vu? Le pape est mort.
— C'est vrai? Non, personne n'en a parlé sur FB.

Je trouve remarquable qu'il ait attendu le lendemain de Pâques.
Attendons le suivant. Je crains le pire, un «effet Obama»: qu'après un pape plutôt progressiste, on se retrouve avec une sorte de Trump papal.

La salle

Sans doute parce que j'ai fait quelques recherches sur google, j'ai vu passer sur FB la semaine dernière des pubs pour une salle de sport. Les cours collectifs ont lieu en effectif réduit, sur réservation en ligne, sur site ou appli téléphonique. C'est moderne, c'est joli, c'est sur mon chemin entre le bureau et gare de Lyon. C'est cher.

Je suis passée ce soir. Grande salle, genre ancien atelier ou garage ou usine. On se déchausse à l'entrée car le sol après l'accueil est un immense tatami. Il y a un tapis persan à dominante rouge dans le minuscule vestiaire. J'ai suivi un cours, celui qui passait à ce moment-là: «Front split», ce qui veut dire, ai-je compris à l'usage, grand écart latéral.
Les mouvements sans amplitude jouent sur la répétition. C'est à la fois non violent et douloureux. Je suis épuisée.

Les autres élèves ont vingt ans de moins que moi et ont des profils de danseuses. Les cours tournent d'ailleurs autour de la danse, des danses très spécialisées: danse sur hauts-talons, pole dance, sensual workfloor (mais qu'est-ce que c'est?)

Une heure trois

Beau soleil, belle journée. Les pilotes étaient nombreux, les élèves moins.

Une heure trois en vol par vent du nord. Grâce au simulateur, je tiens mieux le nez de mon planeur. Atterrissage à parfaire, encore.
Je suis cuite. C'est fou ce que le vent fatigue.

Respiration

Et donc aujourd'hui, j'ai regardé/écouté une vidéo sur la respiration.

J'en retiens que je respire trop vite: quinze respirations (inspiration/expiration) par minute. Il faudrait mieux être en dessous de douze. J'ai cru comprendre qu'en respirant trop vite, on ne laissait pas le temps aux échanges gazeux d'avoir lieu (remplacement du gaz carbonique par l'oxygène); bref, on étouffait ses cellules.

Commentaire du présentateur: «on mange trop, mais aussi on respire trop».

J'ai repéré une appli qui me plaît beaucoup: Respirelax+. Très simple d'utilisation.
Un usage régulier pourrait-il faire baisser ma tension?

Fumer détent

Je ne sais plus comment et quand j'ai accédé pour la première fois au site webikeo. C'était dans le cadre professionnel, et c'est toujours le cas. Je reçois des invitations à des webinaires quasi tous les jours. C'est gratuit; leur espoir est d'appâter quelques clients. De temps en temps je m'inscris pour une vidéo que j'oublie de regarder en direct et que j'écoute parfois plus tard, en replay. Je fouille aussi dans les archives, surtout dans les «soft skills» et le «bien-être au travail», nouvel avatar du self-help que j'ai tant aimé dans mon adolescence.

C'est ainsi que je suis tombée sur le TOP, technique d'optimisation du potentiel. Cela a retenu mon attention car j'ai cru y reconnaître quelques techniques abordées en planeur (et c'est donc davantage pour le planeur que pour l'entreprise que j'ai regardé).

Une remarque m'a fait rire: presque tout le monde respire mal. Ceux qui respirent bien sont… les fumeurs: inspiration vigoureuse en tirant sur la clope, expiration longue de la fumée. Ils stimulent leur système parasympathique.
Il n'y a pas que la nicotine qui détend, il y a aussi la respiration.

Tension

En avril 2019, l'anesthésiste qui devait m'endormir pour mon opération du pied avait trouvé ma tension haute: 16 ou 17.
— L'opération vous inquiète?
Non, pas du tout. Je sais qu'elle ne m'avait pas crue. Moi, qui ai depuis l'adolescence une tension de l'ordre de l'hypotension (10, 11), avais mis cela sur l'exaspération due à une migration informatique bordélique et à l'apathie de la direction.

Mais en 2021, quand je suis allée à St Antoine pour le suivi des tests sur le vaccin Janssen, ma tension était encore haute.
Elle paraît ne jamais être redescendue depuis 2019.

Le médecin que j'ai vu en novembre pour le certificat médical du Parkour a tiqué (c'est attendrissant de les voir être inquiets sans vouloir être inquiétant). Il m'a conseillé de prendre ma tension trois fois d'affilée trois fois par jour pendant trois jours. Je l'ai fait en décembre. Les résultats étaient mauvais, surtout pour la diastole qui frôlait souvent les 10.

J'ai refait une série de mesure en mars. Que ce soit grâce à mon nouveau boss ou mon régime express, la systole était meilleure, vers 13, 14, redescendant parfois à 12. La diastole restait haute. J'étais plutôt satisfaite de ce résultat. Est-ce que le fait de lire et de moins regarder d'écran a joué? Comment savoir?

Bref, j'ai décidé d'être raisonnable, surtout avec ma mère qui atteint les 20 depuis Noël même après traitement (l'idée de rester hémiplégique et d'embarrasser H. me terrifie) et j'ai vu mon médecin traitant aujourd'hui (c'est toujours celui du temps de Yerres, cela suppose donc de poser une journée de congé).

Verdict : la diastole est ennuyante. Pas beaucoup de détente. Moins de sel et on verra comment ça évolue (j'aime bien ce médecin. Il n'est pas très médicament).

Rimbaud rebelle

Pléonasme.
Ligne 8, 9 heures 9.

jeune homme gothique lisant Rimbaud


Dans la matinée, violente engueulade avec A. sur WhatsApp. Au moins j'ai réussi une chose: elle est sortie de son apathie.

Déprime

A. au téléphone me dit qu'elle n'a pas vu les deux semaines qui viennent de s'écouler. Apparemment elle ne sort plus de chez elle et s'installe dans un vide sans repère.

Ça m'inquiète mais je ne réagis pas aussitôt. Ce n'est qu'après avoir raccroché que je me dis qu'elle est en «menace de déprime», comme me l'avait dit un médecin il y a bien longtemps (aujourd'hui ils sont plus catégoriques et plus catastrophistes). Je prends la décision d'aller la voir vendredi plutôt que mes parents. Il s'agit de la secouer de son rêve éveillé, de lui redonner de l'énergie. Elle sort d'une formation, il faut qu'elle trouve du travail. Elle est affligeante et exaspérante: «tu comprends, maintenant que j'ai un diplôme, les agences (d'interim) ne peuvent plus me donner les petits boulots d'avant. C'est pour ça que je ne trouve pas.»

En réalité, elle ne trouve pas parce qu'elle ne cherche pas. Elle attend que Pôle emploi ou les agences d'interim lui trouvent un emploi à sa place. Elle est terrifiée à l'idée de «se vendre» (faire son auto-promotion), à l'idée qu'on lui dise non ou… que plusieurs lui disent oui et qu'elle doive dire non à certains (à quoi nous lui répondons que nous souhaitons que ce soit son seul problème…) Bref, elle a peur, ce qui est normal, mais ne prend pas la décision d'agir malgré la peur. Avoir peur mais l'ignorer et agir, c'est malgré tout la base dans de nombreuses situations. Ça m'agace. Que croit-elle? Que c'est facile pour tout le monde sauf elle?

L'autre solution pour trouver un emploi sans convaincre un recruteur, c'est de passer des concours. A condition de supporter l'oral.

Cours de grec

Atimie : privation des droits civiques et politiques

à ne pas confondre avec ostracisme, qui est un bannissement.
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.