Reprise

Je ne suis pas efficace.
Je m'endors.
J'ai des problèmes de réseau, un fichier qui disparaît. Je le fais restaurer, il redisparaît. Que se passe-t-il?


Troisième passage chez le dentiste, surfaçage des dents de la machoire inférieure. Le dentiste évoque deux visites de contrôle, puis me donne une seule date:
— Vous avez raison, je ne serais pas venue à une deuxième.
Il rit : — Au moins c'est clair.
Il est beau gosse, décontracté, sympa et très loin de ses patients. Je pense qu'il vous a oublié dans la seconde où vous quittez le cabinet.


Parkour. La douleur voyage. Elle n'est plus au-dessus du foie mais dans la partie droite vers le centre. Sensation d'éventration. Comme je me dis que j'exagère, j'insiste. La douleur augmente, j'abandonne. J'ai trop peur d'aggraver la déchirure — si déchirure il y a. Je suis déçue, je pensais que deux semaines auraient suffi à guérir.
Bon, si ça continue à se déplacer, ça va atteindre la gauche extrême et disparaître. Avec de la chance.


One Piece 13 et 14. Les combats sont lassants, c'est un peu toujours la même chose, mais c'est curieusement attachant.

Happiness

Journée de repassage (commencé hier) devant Happiness, une série coréenne intéressante qui mélange épidémie et simili-zombies (une rage qui donne soif de sang et se transmet par morsure).

Série après série se dessine une Corée aux strates sociales imperméables et méprisantes coiffées d'une caste de puissants intouchables.

Le couple-phare d'Happiness est dynamique, joyeux, touchant. Le confinement transforme un immeuble en théâtre de Cluedo et ses habitants en pions manipulables et rapaces. Chacun (ou presque) montre un égoisme ahurissant dans sa bêtise, car absolument contre-productif dans un objectif de survie.
Dernier point remarquable : l'insistance sur le fait que les malades sont des êtres humains et non des monstres. Une phrase d'un épisode paraît impliquer que les familles des malades du Covid ont été harcelées durant la pandémie. Il faudrait retrouver le passage pour vérifier.

Le pull vert

Cousu les sept derniers centimètres d'un pull commencé avant 2001. Enfin, ce n'était pas exactement le même pull: à l'origine mon but était un pull chauve-souris. Puis (dans la mesure où le processus s'est prolongé) je l'ai détricoté pour un point irlandais — des torsades en diagonale — qui représentait un plus grand défi technique. Il me semble même que j'ai eu l'intention à un moment de l'offrir à ma nièce (vers 2014?).
Bref, j'ai terminé le dernier morceau l'année dernière et je couds les pièces depuis plusieurs mois (vous avez compris que chaque étape prend un temps infini dû à des interruptions de longueur imprévisible).

J'ai donc fini aujourd'hui.

Il me semble que je dois avoir encore deux ou trois tricots à terminer. Sans compter des pelotes achetées pour un pull jamais commencé.

Violence

Première utilisation de l'IA pour me fabriquer des photos d'identité. Je ressemble à une executive woman sortie d'une série américaine. C'est amusant.

J'ai rempli les documents nécessaire à réunir les différents plans d'épargne retraite que j'ai découverts en octobre. Je ne sais pas si c'est une bonne idée de les réunir tous chez le même gestionnaire (tous les œufs dans le même panier), mais comme le PERCO cible que je souhaite n'est pas celui de mon entreprise actuelle mais celui de l'avant-dernière, je ne suis pas sûre que j'aurai gain de cause.
J'ai fait la demande parce que c'est plus rapide que de chercher à comprendre les textes. Si c'est interdit, je sais qu'on me le dira.

Le soir nous avions prévu un apéro avec Matthias et Mohamed. Ce dernier tarde, je sais que sa mère est à l'hôpital; l'apéro prévu initialement lundi a été déplacé à cause de cela. J'envoie un sms:
— Tu ne nous as pas oubliés? Comment va ta mère?
— Désolé. Ma mère vient de s'éteindre à 17h30.

Je l'écris ici ce soir. Où ailleurs pourrais-je exprimer à quel point je me suis sentie déplacée?

Je songe au graphique vu ce matin: c'est le trois janvier que le nombre de morts est le plus élevé en France (statistiques sur vingt ans).

Le sapin

Journée chez mes parents pour l'anniversaire de maman.

Il a plu tout le long de la route. Comme chaque fois que je suis seule en voiture, j'écoute des podcasts, et donc la fin de celui sur Poutine: sa logique de chef de bande (si ce n'est pas quelqu'un qu'il soutient qui est élu, alors c'est quelqu'un de la bande adverse), sa façon de tester les gens par l'humiliation, la maladresse d'Obama qui a traité la Russie de "puissance régionale" et n'a pas pris la peine d'apprendre quelques mots de russe lors de sa visite en Russie.
Le plus étonnant — et le plus flippant — a été d'apprendre que les protagonistes de la Manif pour tous ont appelé Poutine au secours devant l'ambassade de Russie à Paris. Tout de même de grands malades.

Journée filles : ma sœur et ma fille sont là.
Puis uniquement ma sœur. Au téléphone, ma mère expliquera à son interlocuteur ce fait si juste :«il nous arrive quelque chose qui ne nous était pas arrivée depuis trente cinq ans: nous sommes seuls avec nos deux filles». Comme c'est juste, et pourtant je ne m'en serais pas rendu compte seule: l'atmosphère ne m'évoque en rien mes souvenirs d'enfance. Je me sens tellement plus joyeuse.

J'avoue sans honte que je suis fière de mes cadeaux: une peluche sapin pour maman, une veste JO pour papa (pas si simple à trouver six mois plus tard. Beaucoup de tailles sont épuisées. Moi qui pensais que le Coq sportif allait surfer sur la vague, mais non).

sapin en peluche


Et les pièces d'Andorre ou Saint Marin ont eu beaucoup de succès.

Au retour, podcasts Blockbusters sur la saga du robot Gundam puis les Dragqueen qui commence en soutenant que les super héros sont des Dragqueen: une meilleure version d'eux-mêmes.
Pour moi c'est l'inverse: j'ai toujours considéré que les Dragqueen étaient des super héros. Une conséquence des années sida, je suppose. Je suis une fan des soeurs de la Perpétuelle indulgence et de leur voeu: promulguer la joie universelle.

Saint Gapour

Une à deux heures au téléphone avec Annie, prof d'histoire en terminale (SSGT : lettres données au hasard, je ne les retiens pas car je ne sais pas ce qu'elles signifient). Elle a toujours des histoires incroyables ou amusantes. A côté de Saint Gapour, il y a par exemple «Hé madame, on pouvait pas enterrer les comédiens au Carrefour: sous Louis XIV, Carrefour, ça existait pas!»

Echange de voitures avec un ami : on lui emprunte sa cinq places et on lui laisse mon cabriolet. Cela nous permet de récupérer les Bostoniens à Moret et de passer la soirée au théâtre de Fontainebleau.

Repas maison — gage d'excellence —, oie et bûche glacée, discussions jusque tard dans la nuit.

VPN en Estonie

Encore du pointage et des mails pour l'association.

Toujours avec le VPN situé en Estonie, je finis la saison 1 de Dark winds et j'entame Yellowjackets. Il ne s'agit pas de gilets jaunes, mais des couleurs du maillot d'une équipe de foot de lycéennes. La particularité de la série, c'est que ses trois premières minutes commencent par une chasse à l'homme (à la jeune fille) dans la neige. Il vous reste ensuite neuf heures d'épisodes pour comprendre de quelle façon le récit va parvenir aux dernières minutes du pilote.

C'est dans le genre atroce, mais justement si atroce mais également si illogique que cela perd toute crédibilité (si vous vous crashez en avion entre deux villes des Etats-Unis, même en pleine nature à deux cents kilomètres de toute habitation, en marchant tout droit deux semaines, vous croisez forcément une route. Ou il suffit de suivre le premier ruisseau que vous croisez pour arriver à la mer). Cet illogisme permet de tenir l'horreur à distance.

C'est une série «Teenagers» musclée, a priori non diffusée en France.

Librairie polonaise

Encore une journée à répondre au téléphone pour soulager l'équipe. Les hôpitaux continuent à renvoyer les gens chez eux, sans que je sache si c'est pour leur permettre de passer les fêtes en famille ou pour libérer des lits en attendant les poivrots du 31.

Je suis passé à la librairie polonaise pour trouver un calendrier éphéméride pour mes parents.
En entrant, éblouissement: juste devant moi à l'angle de la table, Tigre, le dernier livre de Janis Jonevs, l'écrivain du génial Métal. Je ne savais pas qu'il en avait écrit un nouveau. C'en est fait de toute tentative de ne pas acheter de livres ce soir.

Je repars avec Tigre, donc; Ma vie en fragments de Zygmunt Bauman dont j'ai découvert le concept de société liquide à l'Institut Protestant de Théologie et Comment être socialiste + conservateur + libéral de Leszek Kolakowski parce que le titre m'a plu.

Le vendeur ne m'a pas proposé de sac et je suis partie les livres partagés entre mes deux bras (deux tomes de One Point en plus).
Ligne 10, sortie à la gare d'Austerlitz qui promet d'être magnifique mais qui est insupportable à traverser. Vivement la fin des travaux.

Chaud froid

J'ai amené au bureau de quoi préparer du vin chaud pour les six salariés présents. J'avais même emmené passoire (pour filtrer les épices) et casserole.
J'avais juste oublié qu'il n'y a pas de gazinière au boulot.
Je suis donc allée acheter en catastrophe un saladier et j'ai préparé le vin chaud au micro-ondes.
Cette cuisson a un peu nui au velouté de la potion, mais nous avons beaucoup ri, en terminant par le monologue de Maria Pacôme.

**************
Cependant, la fin de journée a été plus sinistre.

L'une des personnes de mon équipe a perdu son père lundi. Cela faisait une semaine qu'elle nous tenait au courant de son emploi du temps, télétravail à son chevet à l'hôpital, retour à Paris après le décès, absence pour les funérailles dès qu'elle en aurait la date.
Elle s'excuse beaucoup de désorganiser le service, ce qui est fort embarrassant car bien sûr secondaire.
Ce soir je l'ai au téléphone:
— L'enterrement est le 31 à dix heures, excuse-moi, je vais devoir poser ma journée. Je pense y aller en train de nuit avec les enfants, parce qu'avec les vacances, il n'y a aucune chambre de libre.
— Comment ça, tu ne peux pas dormir chez ton père?
— Ah non, la vache (comprendre: sa belle-mère) ne me parle pas depuis trente ans, ce n'est pas maintenant qu'elle va commencer. Ce n'est même pas elle qui m'a appris la date de l'enterrement, mais un voisin.
J'ai l'impression d'avoir mal entendu:
— Comment ça?
— C'est un des amis de papa qui m'a appelée pour vérifier que j'étais au courant de l'heure de l'enterrement; comme quoi il la connaît bien, la garce.

Je suis rentrée chez moi hagarde.

Petit salon du livre grec

Patrick m'avait signalé un "Petit salon du livre grec" au centre culturel hellénique et nous nous y sommes donnés rendez-vous.

J'ai longtemps déambullé devant les piles de livres. C'est toujours impressionnant de regarder des livres tandis que les éditeurs ou les écrivains ou les traducteurs vous observent ou s'appliquent à ne pas vous observer à quatre-vingt centimètres de l'autre côté de la table. Pour lutter contre la gêne ou la timidité, je me suis appliquée à regarder chaque livre comme si j'étais seule au monde. Cela a pris du temps.

Je suis partie avec des livres d'un Albanais (qui écrit en grec), d'un Luxembourgeois (qui traduit du grec), d'un Italien (interviewé par un Grec) et malgré tout de trois Grecs.
- Antoni Tabucchi, Une chemise pleine de taches (j'ai mis longtemps à me souvenir du titre Tristano meurt, dont les images grecques surnagent dans ma mémoire)
- Gazmend Kapllani, Je m'appelle Europe et Petit journal de bord des frontières
- Gilles Ortlieb, Sous le crible, Vraquier et Le train des jours, les journaux les plus courts que j'ai jamais vus
- Thanassis Valtinos, Accoutumance à la nicotine
- Dimitris Sotakis, L'argent a été viré sur votre compte et Comment devenir propriétaire d'un supermarché sur une île déserte
- Pètros Markaris, A travers Athènes
- une revue sur les juifs de Thessalonique


Dîner au Roméo, aux serveuses amateur et aux fauteuils en velours vert pétard.
Rentrée à temps pour attraper le train, qui est devenu ma grande obsession.

Dimanche

J'avance dans Bucket list of the dead. Lu le 1 et le 2 hier, fini le 3 et le 4 aujourd'hui. Ça me plaît. C'est vivant, enjoué, loufoque. Je suis en manque. J'irai chercher la suite demain.

Le reste du temps, j'ai l'impression d'avoir passé ma journée à faire la vaisselle. Ce n'est peut-être pas une impression car je vais lentement. La raison en est que je continue Mad dog. Je lis les sous-titres, ce qui ralentit l'activité effectuée en parallèle.

Le soir je sors pour aller déposer à pied Le Gars à la bibliothèque en écoutant Toni Morrisson.

Anniversaire

Après longues délibérations et deux ou trois modifications, c'était la date retenue pour fêter l'anniversaire d'A. Elle est finalement venue en voiture: entre les travaux, les grèves et la neige, tous les trains ont été supprimés entre L'Aigle et Paris (supression progressive: d'abord quelques trains, finalement supprimés la veille ou l'avant-veille. Quelle bande d'enfoirés. J'espère qu'il y a un karma).

Repas à l'Anco, passage dans un magasin de mangas (MCBD rue Taillandier) où O. offre à A. de choisir des mangas pour son anniversaire. Je furète dans les étagères, trouve La critique de la raison pure en manga (!!!), feuillette Bucket list of the dead (cent choses à faires avant de devenir zombie), un manga réjouissant qui vit l'invasion des zombies comme une délivrance («Le remède au burn-out? une apocalypse zombie!») Je prends les quatre premiers pour essayer.

liste du manga bucket list of the dead


Montparnasse. j'ai pris cinq places pour Le porteur d'histoires que je souhaitais voir depuis des années (de l'avantage d'être celle qui organise la journée). Le théâtre est bon enfant, longues banquettes et non fauteuils. On se serre.
Histoire, histoires, entre l'Algérie et les Ardennes, entre aujourd'hui et 1830. Dumas, Napoléon, société secrète. Enchâssement. Je somnole, je m'y perds, mais ça n'a pas d'importance.

A midi A. a oublié d'ouvrir ses cadeaux. Donc en sortant nous allons prendre un vin chaud pour ce faire.
Et devinez quoi? On a oublié à nouveau.

Neige

Levée à 4h20 pour être au bureau vers 7 heures.
Arrivée à la gare à 5h48 (à pied pour éviter toute glissade en voiture. La neige gelée craque à chaque pas).
Train annoncé à quai dans une minute. Mais à l'horizon, rien, nul feu qui perce aérien au-dessus du viaduc.
Instruite par l'expérience, je remonte le quai pour changer de voie (train en provenance de Montargis) si le train de Montereau n'arrive jamais.

C'est le cas. A 6h04, changement de quai pour le train montargois de 6h08 benoîtement annoncé sur les écrans.
Secondes, goutte à goutte.
Minutes.
Un train passe en sens inverse, sans s'arrêter, vide. Machinalement je pense: «si c'est le nôtre, il y en a pour un moment».

Annonce inaudible. Il me semble comprendre «reprise des trains à 7h30».
Je consulte Twitter:
Le trafic est interrompu de Montargis vers Melun et de Montereau vers Melun, via Héricy et via Moret, dans ces sens de circulation, en répercussion de conditions climatiques dégradées.
Je vais donc arriver à la même heure que d'habitude.
J'écris cela dans la salle d'attente non chauffée de la gare de Moret. Toufik n'a pas été remplacé, il n'y a plus de quoi boire un café au chaud et attendre en riant (en décon***). Il n'y a pas de wifi (je me vois toujours proposer le wifi SNCF, je ne me souviens pas avoir réussi à m'y connecter une fois en six ou dix ans), j'utilise la 4G.
Dans un état d'esprit fin du monde, je me dis que lorsque mon ordinateur sera déchargé, ce sera fini.
Mais bon, j'ai un livre.

Je vais remettre Mad Dog. Arnaque à l'assurance, un côté Perry Mason. Assez difficile à suivre (que des sous-titres, pas de pistes audio français ou anglais) à cause des prénoms que je retiens difficilement, mais passionnant.

Grève, neige, réunions

Matinée sur mes mails, après-midi en réunions,14-16 puis 16-19. Tout l'objet de la première a été de rendre la deuxième efficace: faire disparaître un maximum de questions. Nous, les opérationnels, n'osons plus poser de questions, car au lieu d'obtenir des réponses (comprendre: des décisions), nous obtenons d'autres questions (comprendre: des hésitations) qui se multiplient dans un foisonnement amazonien. Pas le temps, plus le temps, tout doit être rendu demain à 13 heures.

Je n'irai pas en grec: du fait de la grève (noyée dans l'effet neige), pas de train au-delà de 19h46. J'attrape le précédent (19h32) en soufflant comme une locomotive.

L'anneau mystérieux

Ce soir, il y avait une petite enveloppe matelassée venue de Chine dans ma boîte aux lettres. Dedans, pas de papier, seulement une poche de velours rouge et un anneau.

anneau Cartier - sans doute contrefaçon


Pourquoi reçois-je ça? Y a-t-il eu erreur sur le destinataire? Est-ce un cadeau lié à ma commande d'un calendrier de l'avent Totoro? Ou m'a-t-on envoyé cela à la place du calendrier?

Que vais-je en faire?

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Fini Le Gars, de Tsvetaïeva. Ce n'est toujours pas le texte que j'ai entendu un soir des années 90 à la maison de la poésie. Mais c'est très impressionnant, très oulipien, vers monosyllabiques, bisyllabiques, beaucoup de noms et peu de verbes (tandis que j'entends dire que Tsvetaïeva a créé le «verbisme», beaucoup de verbes et peu de noms).

J'ai récupéré dans les casiers (lockers!) de la gare La Maison de feuilles dans l'édition Toussaint Louverture, épuisée (Rakuten). Il est superbe. Je ne me souvenais pas que la mise en page était si compliquée. Imprimé en Lettonie.

Vaisselle en regardant Meurtres zen, une série allemande qui sort des sentiers battus (Netflix). Je pense que je vais m'en inspirer au boulot. Je tente la VO sous-titrée allemand, mais c'est trop ambitieux. Je repasse en sous-titrage français.

Télétravail

Les journées passent vite quand tout est urgent.
Je passe la journée sur l'ordinateur à voir un peu flou, un peu vague: il faut que je recule mon écran et remonte mes lunettes sur mon nez au maximum pour viser le point précis de netteté prévu par les verres. Cela a des conséquences sur le port de tête et les cervicales.

Comme j'ai une fois de plus repris du poids (dès que je ne fais pas attention, paf) et que couscous le midi, raclette le soir (c'est une erreur, nous avons oublié de manger la raclette à midi: notre âge avancé et notre métabolisme vieillissant nous ont amenés à la conclusion suivante: plus de fromage fondu le soir, sinon nous ne dormons pas de la nuit), je m'agite sur vingt minutes de Tabata. Cela fait dix-huit mois (comme le temps passe) que j'ai arrêté l'aviron, et même si je n'en ai pas conscience, il est très clair que j'ai perdu de la masse musculaire. Il faut que je m'y remette, mais quand? Le soir, je n'ai pas le courage, et surtout, cela ne favorise pas l'endormissement; le matin (tôt, vers 4h30, avant le boulot), je préfère faire du grec ou bloguer.

Et comme je n'en suis pas à une bêtise près, j'ai attendu qu'H. soit parti au ping pour descendre l'escalier du loft selon la méthode de lundi (à quatre pattes la tête la première).

C'est vertigineux.

Vitamine D et train surprise

En catastrophe (j'aurais dû le faire pendant les vacances), parce qu'il me fallait un certificat médical dû depuis un mois, j'ai pris rendez-vous chez le médecin où j'avais atterri il y a un an quand je souffrais d'infection urinaire.
Le cabinet est toujours aussi vieillot. J'ai été reçue par un remplaçant. J'imaginais un fringant jeune homme; c'était un autre médecin à quelques années de la retraite.
J'ai eu droit à de la vitamine D, un bilan sanguin (— De quand date votre dernier bilan? — Je ne sais pas... farfouillage dans mon ordi — De 2020. — C'est loin) et un protocole pour prendre ma tension vingt-sept fois en trois jours.
J'ai trop de tension, c'est évident. Pas besoin de protocole. Mais bon.

Parkour : rendez-vous cette fois gare de Lyon, place Pierre Fresnay. Cela m'arrange, je pourrai rentrer plus vite.

A force d'être en avance, j'arrive classiquement en retard, et les échauffements sont déjà bien avancés. Nous avons eu la dernière fois la recommandation d'éviter cela: l'échauffement ici est pris très au sérieux, bien plus que je ne l'ai jamais vu pratiqué dans ma vie d'adulte (il me semble vaguement me souvenir qu'on s'échauffait avant la gym quand j'étais enfant).
J'arrive au moment où il faut monter les marches trois à trois et les descendre... à quatre pattes, têtes la première. Non seulement c'est un peu dégueu pour les mains (la prochaine fois j'amènerai de la solution hydro-alcoolique), mais c'est flippant — à mi-hauteur les bras et le ventre cèdent et on a l'impression qu'on va dévaler la pente — heureusement l'instinct de survie joue.

Sauts d'impulsion (avec élan: trois marches, quatre marches à la fois, je ne sais plus si un ou deux pieds), sauts de précision (pieds serrés à la réception, contrôle en préférant tomber en arrière qu'en avant «imaginez qu'il y a le vide devant»), exercice pour grimper au mur, il paraît que mes chaussures sont trop lisses.
Je crois surtout que je n'ai pas de muscles mais ce bénéfice du doute est gentil.

Je m'apprête donc à prendre le train de 21h16.
Et là, catastrophe: le train s'arrête à Melun au lieu de Montargis, son habituelle destination. Pourquoi?
Et donc train pour Melun, bus à 21h50 (environ) à Melun, pataquès: la SNCF a eu la bonne idée de prévoir deux bus, un direct Montargis, ce qui fera gagner un temps considérable aux Montargois, et un omnibus pour les autres, dont moi.
Sauf que c'était très mal indiqué.
Au bout de quelques centaines de mètres, arrêt des deux bus dans une rue melunoise, palabres, transfert de passagers d'un bus à l'autre pour que chacun atteigne sa destination.
Et c'est alors que l'on s'est rendu compte que tous les Montargois ne tenaient pas dans le direct Montargis. Il fut alors pris une décision très française: pénaliser tout le monde plutôt qu'avantager quelques-uns: les deux bus furent rendus omnibus.
Cela n'a rien changé pour moi, j'ai juste perdu vingt minutes supplémentaires sur le trajet.

Toussaint

Voyage vers Châlons dans la brume. Temps de Toussaint. J'ai sommeil, je suis rentrée tard hier et j'ai encore regardé deux ou trois épisodes du Lincoln Lawyer avant de me coucher. Peut-être le changement d'heure.

H. avait dans l'idée d'emmener sa mère au cimetière dans la MX5, ce qui représentait une gageure vu que la voiture est petite, basse et que la jambe droite de madame est d'un seul tenant, raide, sans genou.
Au bout de plusieurs minutes, ils ont réussi à trouver à eux deux l'angle pour glisser la longue diagonale du pied à la hanche entre le siège et la portière. H. a conduit sa mère au cimetière puis est revenu me chercher puisque la voiture n'a que deux places.

Nous nous sommes trouvés un peu bêtes devant la tombe toujours sans plaque en nous rendant compte dans le cimetière fleuri que nous avions oublié de prendre des fleurs. Trois plaques (à mon frère, à mon oncle, à mon parrain) sur la terre brune. Trois personnes devant, les mains vides. Difficile de se reccueillir à plusieurs, quand on souhaiterait tenir une conversation seule à seul avec le mort.

Madame était ravie de son tour en voiture rouge, ce qui m'a fait penser qu'on oubliait trop souvent de le proposer.

Nous avons rencontré l'assistante de vie du soir, une jeune trentenaire qui nous a raconté de façon très naturelle des choses ahurissantes: deux jours plus tôt, elle a été empoisonnée par un homme dont elle s'occupe (je ne sais pas s'il faut dire client ou patient). Empoisonnée paraît un peu fort, mais elle nous a raconté que l'homme venait de détartrer sa cafetière avec un produit industriel, qu'il lui a dit en riant qu'il l'avait rincée et qu'elle pouvait se servir un café et que sa petite-fille lui a demandé «pourquoi tu ris, grand-père?»
Bref, elle a vomi une journée.

Le plus ahurissant est ce qu'elle nous a raconté ensuite: après la mère de H., elle passe chez une dame seule qui s'imagine entourée d'une foule. Alors elle prépare des cafés, en met sur la table, sort des assiettes. Elle vide le frigo et dispose les aliments dans la maison. Elle est étonnée que la jeune femme ne voit pas ses invités. Il lui est déjà arrivé de sortir nue dans la rue avec une simple culotte. Elle lui dit des choses du genre: «mon chien est malade, vous avez vu? Sa tête est séparée de son corps». Ledit chien n'est pas propre et pisse et défèque dans la maison.
La jeune femme nous raconte cela sur le ton de la conversation, comme si tout était normal dans un monde normal.
Quand j'y réfléchis, cela me fait peur: et si c'était elle qui avait raison? Si comme je le soupçonne je vivais dans un monde surprotégé?

Plus tôt je me suis endormie une vingtaine de minutes et je me sens étonnamment en forme. C'est moi qui conduis au retour, dans un brouillard moins épais que ce matin.

Quartier du corbeau

Journée encore folle au boulot, non pas au sens «beaucoup de travail», mais au sens «les gens sont fous» — ou tout au moins incompréhensibles — ou incompréhensibles par moi.

Je continue à aller à la Cinémathèque le jeudi quand je n'ai pas cours de grec.

Ce soir, Bo Widerberg, Quartier du corbeau. La salle (Georges Franju, la petite) est pleine.

Premières minutes. Noir et blanc lumineux, enfants, cour, couples. Famille, repas.
Lot de serviettes, blanches, pliées, bourgeoises, volées dans divers hôtels.
«La serviette est ce qui sépare l'homme du charognard. Les deux mangent des cadavres, seul l'homme s'essuie la bouche avec une serviette.»

Le père rêve et boit, la mère travaille et se réjouit d'aller au cirque, le fils écrit et espère. Scènes narratives coupées d'intermèdes. Le premier escalator, le cercueil blanc, le bureau de vote.
Le film donne des indices, des explications, le spectateur reconstitue le sens et tisse les liens. C'est un puzzle plutôt qu'un récit et c'est magnifique.

Réconciliation

Journée de télétravail, à faire du pointage et des rapprochements.
C'est difficile à expliquer et sans doute à croire, mais j'aime bien. C'est méticuleux, demande de l'attention mais pas d'effort intellectuel particulier, et j'éprouve une grande satisfaction au moment où tout coïncide, où tous les chiffres ont pris sens, où je sais exactement en quoi se décompose une somme.

Quarante Langelot

Encore essayé de trouver des baskets (cette fois-ci des reebooks) — en vain—, mais trouvé une petite librairie, les Champs magnétiques. J'en ai pourtant une immense à deux pas rue Daumesnil mais je préfère les petites qui reflètent le choix du libraire.
Elle n'a pas passé la plupart de mes tests (pas de Janis Jonevs (mais ç'aurait été miraculeux), pas de Roubaud, pas de Dany Laferrière (L'énigme du retour, un livre jaune et bleu, chaud et froid)) mais elle a un très beau rayon poésie.

Je suis repartie avec
- Résistance(s) - Huit poètes russes, des Russes contre la guerre en Ukraine, un mince livre
- Mandelstam, Pierre et Tristia, édition Harpo &
- Joseph Roth, La Montée du nazisme, édition fari, collection Théodore Balmoral (qui est-ce?)
- Rekacewicz et Vidal, Palestine Israël, une histoire visuelle au Seuil. Des cartes depuis 1880. J'ai hésité: un journaliste du Monde diplomatique doit être biaisé. Je n'ai pas résisté aux cartes.

En passant à la caisse, j'y ajoute Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Dagerman, une plaquette que j'ai perdue il y a longtemps.



Ce soir, j'ai récupéré les trois derniers Langelot reliés par Sophie de Listel Or. Quarante en huit ans.
Nous avons célébré ça au champagne avec deux de ses élèves («tire sur le fil, Paul») en racontant des souvenirs.

Sophie m'a dit que depuis la dissolution, elle avait peu de travail «on est tous dans le même cas; le tapissier de la rue n'a plus de clients. — Mais quel rapport? — Je ne sais pas, peut-être la peur de l'avenir.»
Donc si vous avez des livres à réparer, consolider, protéger (reliure dite «de travail») ou si vous voulez un ouvrage d'art (pas le même prix, mais elle fait des choses superbes, je me souviens d'une couverture de La Vie mode d'emploi avec une pièce de puzzle), c'est le moment.

40 Langelot reliés par Sophie Quentin de Listel Or



J'ai également récupéré le Péguy dédicacé par Barthes que je me suis finalement décidée à faire relier pour le protéger. Le papier était en si mauvais état que Sophie n'a pas directement cousu les cahiers mais les a consolidés.

Prières de Péguy relié par Sophie Quentin de Listel Or Prières de Péguy relié par Sophie Quentin de Listel Or


Lundi infernal

Lundi étrange, tout le monde à cran. J'arrive tôt au bureau afin d'accueillir une formation qui commence à huit heures (ce qui suppose de prendre le train à six heures et demie) et gère les ennuis au fur à mesure qu'ils pleuvent. Comme je le répète parfois, «s'il n'y avait pas d'emmerdes, je n'aurais pas de travail».

Pas de cours officiel de parkour puisque c'est encore les vacances. Celles qui le peuvent sont invitées à venir faire de l'escalade à Arkose Pantin à partir de 19h.
Donc j'y suis allée — puisqu'il s'agit à la fois de ne pas avoir peur du ridicule; travailler l'agilité, l'équilibre et la musculation; accepter d'être parmi les plus faibles.

C'est fun. Ce ne sera jamais une passion, mais je perçois le potentiel de tout ce que cela développe, en esprit de décision, élongation ou étirement des muscles, décision de lâcher une main ou un pied en comptant sur la vitesse et la puissance, apprentissage de prises telles qu'on n'y pense jamais (pousser et non aggripper pour tenir); bref, toute une physique pratique à apprendre ou réapprendre par le corps et le cerveau paresseux qui au quotidien agissent et réagissent toujours de la même façon. C'est aussi, et c'est peut-être le plus amusant, un casse-tête en 3D, un labyrinthe à plat le long de la paroi devant l'énigme des blocs: très bien, pour commencer je mets mes pieds ici, mes mains là, et mon but est de poser les mains sur le bloc marqué de deux flèches là-haut. Mais comment faire? Dans quel ordre déplacer mes quatre membres, pour les mettre où, afin de progresser le long de la voie? Comment couvrir ces deux mètres de vide, êtes-vous sûr que cela soit vraiment possible?

J'apprends la différence entre blocs et voie (nous faisons des blocs); le code de couleurs correspondant à la difficulté (ce n'est pas le même que celui du ski — ça commence par jaune). J'apprends à tomber («c'est très important. Surtout ne mets pas tes bras en arrière, tu risques de te déboiter l'épaule. Ramène tes bras pliés devant ta poitrine.»), les gros matelas sont très agréables, ils accueillent le dos comme un hamac.
Je parcours quatre cheminements et je suis épuisée. «C'est parce que tu n'es pas détendue». Détendue? On peut être détendue en escaladant alors que tout se joue dans l'articulation de la puissance à la vitesse de décision et d'exécution? (smiley incrédule).

Après la séance nous devons prendre un pot et dîner dans la salle du club, mais c'est à Pantin et je veux prendre le dernier train (22h46). Je pars donc à dix heures moins le quart après une bière, footing dans les rues, la 14 est fermée, la 7 jusqu'à Auber puis le RER A, j'arrive sur le quai à 30, un train s'apprête à partir pour Montereau.
Je monte en catastrophe, il est plein comme un œuf, dérange trois personnes pour grimper à l'étage, il y a des places assises pourquoi donc tous ces passagers campant en bas, me renseigne: «ce n'est pas l'horaire habituel, c'est un train en retard?»

Oui. Accident de voyageur à Melun. Le train part à dix heures et demie, il se traîne, je m'endors, me réveille en sursaut chaque fois que sent ma mâchoire pendre (ma terreur: baver), le train n'avance pas, j'aperçois la Seine miroiter à Villeneuve, me rendors, déchiffre «Viry-Châtillon», mais qu'est-ce qu'on fait là?
Je me rends à l'évidence: au lieu d'aller directement à Melun, le train parcourt les deux côtés du triangle Paris-Corbeil-Melun.
J'arrive à minuit.

Et de deux

Le métro est ma fenêtre sur le monde: j'apprends les expos, les concerts, les pièces de théâtre, sur les murs (il est important de varier ses trajets, car ce ne sont pas les mêmes qui sont présentés selon les lignes. Analyse sociologique et marketing). Je regarde les pubs qui oscillent entre nouveaux produits (alimentation et voyage) et classiques. J'apprécie les jeux de mots, en me demandant parfois qui va les comprendre.

Je regarde ce que lisent les gens, ce qu'ils portent. Je suis incapable d'estimer d'un coup d'œil la valeur d'un vêtement ou d'un téléphone (toujours éberluée par ceux qui font ça: vraiment, ils passent leur vie le nez dans les catalogues?) mais je sais ce qui me plaît.

C'est ainsi que j'ai remarqué un sweat oversize sur la ligne 8. J'avais vaguement reconstitué le nom, écrit en cursive sur un poignet. (C'est difficile quand on voit de moins en moins bien: comment lire sans fixer le regard?)
Google est mon ami, «Blakeley sweat» m'a donné Blakely. J'aurais préféré essayer, je cherche «Blakely Paris», je tombe sur blakelyfrance.fr.
N'y allez pas, c'est une arnaque. J'avais vu que c'était bizarre: impossible de trouver une adresse sur le site, des liens Twitter et FB qui ne mènent à rien, un "à propos" avec des majuscules aux noms (je pense que c'est allemand, j'ai vu apparaître de l'allemand).
Mais j'ai commandé quand même, malgré les bizarreries. Il a fallu une nuit pour que mon cerveau parvienne à me convaincre et au matin, conviction: c'était une arnaque.

J'ai donc recommandé sur le site officiel.

J'ai appelé ce billet «et de deux», car il me semble que j'avais fait exactement la même erreur il y a un an à la même époque, encore pour des fringues, mais cette fois-là à partir d'une publicité sur FB pour une marque connue.
Il faudra que je me méfie l'année prochaine à l'automne.

Lol.V.Stein

Ligne 6, 18h45.
voyageuse lisant Duras dans le métro


Trajet inhabituel, pour rejoindre Olympiades.
Parkour sur la dalle entre les tours. Je découvre un paysage et un univers, une ville dans la ville. Parkour: c'est toujours aussi joyeux.

Deux fils

Tempête Kirk. Il a beaucoup plu aujourd'hui.

Quand j'étais étudiante, un ami avait installé dans sa chambre une chaîne de trombones à la naissance d'une fuite au plafond et les gouttes courraient le long, supprimant le bruit qui rend fou et les éclaboussures.

J'ai repris l'idée pour nos deux fuites au plafond: deux aimants sur la poutre en acier pour tenir deux fils à gigot aboutissant dans deux saladiers.

rendre silencieuse une fuite au plafond rendre silencieuse une fuite au plafond


Soulagement : au premier étage, au-dessus de la poutre, j'ai dégagé le coin du dressing (valise, canoë, sacs de sport, sacs de voyage) et il n'y a pas de flaque, pas de drame, juste une infime humidité sous la plinthe.

Mais alors, d'où vient l'eau? Comment fait-elle pour apparaître directement au plafond du rez-de-chaussée, sans inonder le premier et le second étage?

Quelques réflexes de bon sens concernant les chiffres

Pas grand chose à raconter (ma boîte est très intéressante, les administrateurs rejouent l'auto-destruction de l'aristocratie à la fin de la Restauration, je suis dans Balzac — mais je ne peux pas raconter cela maintenant).

Je vais m'attaquer à autre chose, un peu ou très prétentieux ou présomptueux ou les deux, en réponse à la souris1 qui regrettait de ne pas avoir de notions d'économie et à Fredi M. qui lui est un expert en économie (et en diplomatie moyenne-orientale).

Je vais le faire en deux ou trois billets (selon l'intensité de mon impression d'être ridicule (mais après toutes ces années je résiste assez bien à cela)). Aujourd'hui je commence par quelques pistes et réflexes de bon sens concernant les chiffres.

1/ Les pourcentages.
Les gens sont totalement perdus avec les pourcentages, et les médias, volontairement ou pas (pas sûre que tous les journalistes les maîtrisent), balancent des pourcentages effrayants alors que deux secondes de réflexion montrent qu'ils sont simplement ridicules.

La première règle est qu'il faut faire attention à la base de référence (le "pour cent" dans "cent pour cent").
* J'ai une cafetière, elle est en panne: 100% des cafetières de la maison sont en panne. Mais en réalité, c'est une pour une. Cela ne veut rien dire. Il faudrait prendre toutes les cafetières du quartier pour avoir une idée du taux de panne. C'est une question de taille d'échantillon: c'est un métier de savoir combien de cafetières il faut prendre pour avoir un pourcentage qui ait un sens.
Donc quand on vous balance un pourcentage, ne pas réagir trop vite, bien le regarder, voir ce qui est compté, quand, où, par qui…

* Par exemple les accidents de la route en 2021: ils ont explosé par rapport à 2020. Normal: en 2020, on a passé trois à cinq mois sans conduire. Ce n'est pas 2021 l'extraordinaire, mais 2020, la base de référence.

* «80%2 des cancers du poumon surviennent chez des fumeurs» est très différent de «80% des fumeurs ont un cancer du poumon». Or les gens ont tendance à dire l'une ou l'autre phrase indifféremment en pensant dire la même chose.

* Une décomposition en pourcentage donne toujours… 100: donc se réjouir parce que le % de morts par accidents de la route a diminué en déplorant que le % de morts de crise cardiaque a augmenté (en imaginant que ce soit les deux seules causes pour simplifier) est juste stupide: au total il faut atteindre 100, tous les morts sont morts de quelque chose, 100% des morts sont morts.
Dit autrement, tous les pourcentages d'une décomposition ne peuvent pas descendre ensemble: si certains baissent, d'autres montent. Si l'on veut savoir s'il faut se réjouir ou se lamenter, il faut regarder les chiffres absolus, et non les pourcentages.

* Et dernier point: une décomposition en % ne peut pas dépasser 100. Je ne pensais pas écrire cela un jour, mais après tout, Maduro a annoncé début août des résultats d'élection qui dépassaient les 100% (fous rires sur Twitter), et je me demande si Trump n'a pas fait quelque chose d'approchant récemment.


2/ La différence entre moyenne et médiane
Dans des statistiques, deux notions sont associées (un peu comme le signifiant et le signifié en linguistique): un nombre d'occurrences (par exemple UNE cafetière) et la qualité ou valeur mesurée (par exemple être cassée ou pas).
La moyenne va s'intéresser à la valeur, la médiane à la distribution des occurrences.

*Pour faire une moyenne (non pondérée), on additionne toutes les valeurs et on divise par le nombre d'occurrences.
Exemple : neuf personnes ont 10 euros, une en a 1000; en moyenne chacune a 109 euros.
On voit tout de suite que ce chiffre n'a pas beaucoup d'intérêt. C'est ainsi qu'il y a quelques temps a circulé un chiffre sur le patrimoine moyen des Français. Ainsi que l'a fait remarquer un Twittos: si Bernard Arnauld entre dans n'importe quelle assemblée, tous deviennent en moyenne millionnaires.

*La médiane, elle, compte la répartition des occurrences. Ici il y a dix occurrences, la moitié atteint 10 euros et l'autre est au-dessus. La médiane est donc de 10 euros.
Si cette mesure n'est pas assez fine, on peut ajouter des quartiles (occurrences groupées par quart), des déciles (par dixième), etc.
Il faut simplement conserver à l'esprit que plus les écarts sont grands et les occurrences sont dispersées, moins la moyenne a une signification utile.

Vous trouverez ici une illustration de la différence moyenne/médiane concernant les salaires en France.

Le seuil de pauvreté est un montant calculé par rapport au niveau de vie médian de la population.


3/ Ecouter les médias d'une oreille critique.
Il y a deux jours, j'écoutais RTL peu après l'annonce du report de la prochaine augmentation des retraites (indexation sur l'inflation). Tôt le matin (avant sept heures), les auditeurs laissent des messages pour donner leur opinion sur un sujet ou un autre et bien sûr, tous les retraités levés tôt criaient au scandale, comme d'habitude on s'en prenait aux plus faibles, etc.

Peu après, pendant le journal, un court reportage nous annonçait que du fait de la météo pourrie, les résultats du secteur de l'habillement étaient bons. Il détaillait le panier moyen des actifs (environ 60 euros, de mémoire) et ajoutait que les retraités, du fait de leur pouvoir d'achat supérieur, avaient dépensé davantage (70 euros environ).
Personne n'a relevé (et je le comprends : le journaliste qui l'aurait fait aurait passé un sale quart d'heure).

Ce genre de distorsion, de truc bizarre, d'illogisme, arrive régulièrement. Nous ne sommes pas obligés de prendre parti, mais il faudrait au moins prendre l'habitude de le relever au passage, pour ne pas être dupe: il y a certes des retraités pauvres, et plus ils sont âgés plus c'est terrible, et certes une moyenne ne veut rien dire, mais tout de même, réussir à nous donner des informations aussi contradictoires sans une amorce d'hésitation, c'est remarquable.



Notes
1: voir certains commentaires en juin
2: chiffre approximatif, de mémoire

Tatami

J'ai posé ma matinée pour aller voir ce film car j'avais peur qu'il cesse d'être diffusé d'un moment à l'autre.

C'est un film à la construction sobre et efficace, qui raconte une histoire uniquement avec des combats de judo et des appels téléphoniques.
C'est l'histoire d'une championne iranienne que le gouvernement veut obliger à abandonner pour éviter qu'elle combatte contre une Israëlienne. Ils font pression sur elle en menaçant ses enfants et ses parents.

Le couple iranien m'a rappelé celui que j'ai rencontré à JRS en juillet 2020, toujours main dans la main et décrivant l'Iran avec enthousiasme («tout est à deux heures, la montagne, la mer, la nature est magnifique, notre histoire est millénaire»).

Et puis bien sûr, Le Shah de Kapuściński, qui se mélange à mes souvenirs des photos du Shah dans Paris Match avant 1975. L'Iran pour moi est une mythologie littéraire.

Ce genre d'histoires fait remonter un autre souvenir d'enfance: le petit-cousin de papa en visite chez ma grand-mère à Vierzon avec sa fille — mais sans son épouse et sans son fils qui restaient en otage en Pologne. J'étais perplexe mais aussi effrayée: quel était donc ce pays qui prenait des otages pour obliger ses citoyens à revenir? Quelle était donc la vie qu'il leur proposait pour qu'ils aient envie de fuir à ce point-là?
C'était mystérieux mais la conclusion était sans appel: jamais ça. Eviter à tout prix à se retrouver dans ce genre de pays.

Je commenterais volontiers la dernière image du film mais je ne veux pas spoiler car j'espère que vous irez le voir.

Terminator II

Pas pu résister à revoir Terminator II qui passait à la Cinémathèque. Le son était trop fort, la version était en 3D, ce qui était inutilement fatigant, mais ce fut vraiment un plaisir de revoir Schwarzy et Sarah Connor. Les effets spéciaux de ce film restent mes préférés, j'adore les cascades et je trouve l'idée de la cryogénisation géniale.

Découvert l'Anco, un restaurant juste en face de la Cinémathèque. Nous y reviendrons.

Planeur

J'y suis allée à vélo. Cela faisait trèèèès longtemps que je n'avais pas eu un vélo avec des vitesses qui fonctionnent parfaitement.
Le seul problème, c'est que la selle descend. Je me retrouve tassée à pédaler les jambes jamais tendues. Il va falloir arranger cela.

Très belle journée, bleue et blanche (ciel et cumulus). Cinquante minutes en l'air, un peu déçue par moi-même: je n'aurais pas été lâchée cette année. Je vois les autres avancer et je fais du sur-place.
Il faut juste persévérer. Tant que les instructeurs ne se découragent pas, moi non plus.

Je rentre le long du canal. C'est long mais c'est beau — c'est beau mais c'est long.

Je suis épuisée.

Overbooked

Madame, veuve, en fauteuil roulant, infirmière le matin pour la toilette, femme de charge le midi pour le repas. Passe l'essentiel de sa journée devant la télé et dans les livres. Une ambulancière vient la chercher deux fois par semaine pour l'emmener chez le kiné.

— Tu te rends compte, elle a utilisé tous mes bons de transport et elle ne m'a même pas prévenue!
— Mais maman, l'ambulancière ne s'occupe pas que de toi, elle a d'autres patients. C'est à toi de compter tes voyages et à aller voir le médecin à temps pour en avoir d'autres.
— Mais enfin, je n'ai pas que ça à faire!
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