Froid

Télétravail.
Nous avons rallumé le chauffage.

La taxe lapin version coiffeur

Après des calculs savants pour estimer les les dates prochaines de mes passages chez le coiffeur (comment éviter d'avoir des cheveux blancs pour la fête de famille / le stage de planeur / la semaine de vacances tout en respectant un écart minimal entre les passages (car cela coûte) tout en navigant entre les ponts), j'ai estimé qu'il fallait que j'y aille le soir-même.

Mon coiffeur près du bureau étant fermé une semaine, j'ai pris rendez-vous avec celui de Vincennes sur l'application Planity, un équivalent de Doctolib qui a vu le jour à l'époque du Covid. Je n'y ai pas prêté attention, mais j'ai été immédiatement débitée du montant de la visite. (Le coiffeur du 12e, lui, débite d'un euro pour vérifier la présence d'un moyen de paiement valide.)

J'ai eu l'explication le soir: plusieurs salons de Vincennes ont fermé récemment et le coiffeur a vu s'inscrire sur Planity des clients inconnus qui n'ont pas honoré leurs engagements: «non seulement je perdais du chiffre, mais en plus, je refusais mes clients habitués pour eux».
Donc désormais il fait payer à la prise de rendez-vous. Mais il a poussé la logique jusqu'au bout, et c'est l'objet de ce billet: il s'est débarrassé de son lecteur de carte bleue. Désormais, vous ne pouvez plus payer en carte bleue qu'en ligne. Au salon, c'est en espèces ou par chèque si vous êtes un client connu (comprendre: une vieille dame).

Cette radicalité m'impressionne.

Planches de BD

A midi, je suis allée voir des planches de BD qui vont être vendues aux enchères mercredi à 19 heures par Artcurial. Le catalogue est ici.

J'ai eu beaucoup de plaisir à reconnaître des planches de Cosey et Hermann. La mise à prix d'un dessin d'Asterix par Uderzo est à 200000 euros (c'est le plus cher. Corto Maltese est à 60000 euros.)

Il y avait même une planche du roi Léo, le lion blanc de mon enfance. Je n'avais pas conscience que le dessinateur était un mangaka connu (Tezuka). Cela me fait également prendre conscience que c'était un manga (enfin, un anime) avant Goldorak.

Kong x Godzilla

Soudain, vers cinq heures, la proposition que je n'attendais pas: «On pourrait aller voir Kong x Godzilla».
Ça m'a tellement étonnée que j'ai répondu oui. D'habitude, c'est plutôt moi qui émets des idées bizarres et le désir d'aller voir du cinéma populaire.

Ce n'est pas seulement mauvais, c'est paresseux. Les scénaristes n'ont pas fait leur boulot, il n'y a pas d'histoire. Un narrateur en voix off nous raconte ce qui va se passer: «Godzilla va se recharger en énergie» — et on voit Godzilla se recharger en énergie; «sur ces runes, il est écrit qu'elle va réveiller la reine» — et elle réveille la reine.
Finalement il y a combat. J'ai eu l'impression de voir les cartes Pokémon de ma fille. J'ai fait quelque chose que je ne fais jamais, j'ai pris des photos pendant le film.

combat de Godzilla


N'oublions un coup de pouce pour les complotistes avec une terre creuse et de l'apesanteur créée chimiquement.

Emilie perceuse

Pour aller au laboratoir d'analyses ce matin je passe par les rues secondaires du village. Une dame d'une cinquantaine d'année, blonde, habillée un peu trop court en blanc, est en train de jurer en s'approchant d'une porte la clé à la main («Fais chier putain»). Je remarque au niveau de la sonnette une plaque: «Emilie perceuse».
A-t-elle ouvert boutique pour faire des petits travaux? Pourquoi perceuse et pas chignole? Je me mets aussitôt à chercher une meilleure dénomination: «Emilie bricoleuse», «Emilie menuiserie»…
Il me faudra quelques secondes pour remarquer la devanture: Tatouage. C'est du piercing.


Au retour j'achète des croissants et Paris Match, pour Marlène Jobert en couverture (Rita des Canards sauvages reste une valeur sûre à la maison: «est-ce qu'on ne voudrait pas me piquer mes sous?»)
Je passe également récupérer L'esprit des terrasses au point Relay: je suis en train de me procurer les trois tomes de Journaux d'avant 2012 qui me manquent.

Raté pour le Louvre

Café de Marly. Il pleut. Des files de touristes attendent sous des parapluies.

— Tu as lu La promesse de l'aube? Tu sais ce qui est vrai ou pas dedans? Est-ce que Piekielny a existé?
— Il y a eu des recherches sur le sujet. Certains ont mené l'enquête, sont allés à Vilnius. Je crois que Désérable a écrit sur le sujet.
— Enquêter sur les juifs à Vilnius, après le passage des Allemands… C'est sans espoir. Non, j'aimerais juste savoir s'il a vraiment prononcé la phrase devant la reine d'Angleterre. Si c'est vrai, ça doit être possible d'en trouver la trace, quelqu'un a dû être témoin.

Nous devions visiter le Louvre mais la queue nous a découragés. Nous sommes partis dans la bruine.

Rue de Rivoli, organisation d'un 10km qui part dans vingt minutes; déambulation sous les arcades du Palais Royal, beaucoup de boutiques ont fermé, celle que nous cherchions a disparu; Grand Vefour; les petites robes noires ne sont plus là mais la boutique oui; vestes étranges et bottes hideuses.

Reconnaissance du quartier, deux endroits pour boire de la Guinness. Galerie Véro-Dodat, extraordinaires gants, il faudra que je revienne.

boutique de gants passage Véro-Dodat


Flânerie à la librairie Mona lisait, apparemment devenue Boulinier.
— C'est étrange, toutes ces collections dépareillées. C'est aussi mystérieux que les chaussettes. Comment perd-on un tome dans une série?

AG Cerisy

AG ce soir dans des bâtiments de Vinci à deux pas de la gare de Lyon.

AG Cerisy à la Fabrique de Vinci


Présentation des colloques et présentation des comptes. J'apprends que la diminution du nombre de colloques l'été dernier et l'été prochain est volontaire (mais pourquoi? pour que la gestion soit plus simple?) La fréquentation a été très bonne l'été dernier et les recettes ont été au plus haut; hélas, les dépenses ont été plus importantes et le résultat est déficitaire. Ce qui est particulier, c'est que ce n'est pas dû à l'inflation ou à la hausse de l'énergie mais à des dépenses RH: le départ de salariés (solde de congés payés, etc) et la nécessité d'en embaucher de nouveaux a pesé sur les comptes.

Je le note parce que je regrette le départ de Jean-Christophe. Le nouveau jardinier a un compte FB qui déborde d'énergie.
Nous apprenons que le responsable sécurité embauché en 2020 a disparu il y a dix jours — au sens propre: il faisait de la plongée et n'a pas donné signe de vie depuis. Etrange nouvelle — glaçante — à apprendre ainsi.

J'espérais voir quelqu'un que je connaîtrais — mais il n'y avait personne.
Buffet. Hélas je ne bois pas, régime oblige, donc je m'éclipse assez vite.

Pour mémoire je note : dans le train, une jeune Russe avait un magnifique sac plissé. Je lui en ai demandé la marque: Armani. Je ne sais pas si je vais résister.

Télétravail

Journée peu productive. Terminé La promesse de l'aube. Difficile de démêler le vrai du faux.

Posté deux livres de théologie pour la Réunion, dont l'un m'avait servi pour ma première dissertation à l'ICP. Le coût d'envoi d'un paquet d'un kilo est de quinze euros.

Soirée canapé

Tractage tôt le matin. En distribuant mes petits papiers, je répète l'avertissement qui m'a marquée hier: le vote européen est un vote à un seul tour. «Le 9 juin, un seul tour.»

Dans la journée je reçois un sms de la responsable de la circo 1: serais-je partante pour du collage ce soir à Melun?
Ça me fait rire, je soupçonne qu'elle ne serait pas contre une virée en cabriolet rouge. Mais ça ne me facilite pas la vie: si j'avais été prévenue, j'aurais déposé la voiture à Melun ce matin, alors que là, je vais devoir repasser par la maison et me dépêcher de dîner.

Je quitte le bureau, passe au Carrefour chercher des yaourts à 0% (je galère pour les trouver, ce n'est plus du tout tendance: les rayons sont remplis de Skyr ou de yaourts de brebis).

Je rentre. Dans le train, je commence Les Rêves d'un Européen du XXIe siècle. C'est étrange de lire les souvenirs d'un autre qui raconte vos propres souvenirs.

Finalement, vu la pluie, S. annule. Soirée canapé. Je comate devant Body Gard, les angoisses terroristes de l'Angleterre, avec un acteur principal qui possède deux expressions faciales.

Tractage

H. tend un tract :
— Non, merci, je ne sais pas lire.
— Ça se voit.

Il reste cinq jours

Il ne reste que cinq jours pour donner un coup de pouce à un livre de photos d'Emmanuel Régniez.



Cette image de Tokyo m'évoque le dernier Wim Wenders.

Copropriété

A l'origine, le loft que nous habitons appartenait à une ferme. Les bâtiments de la ferme entouraient une cour intérieure dont l'entrée se trouve dans une rue derrière chez nous. Notre maison se trouve à l'extérieur de ce cercle, appuyé au dos d'un des bâtiments. Un autre loft, plus petit, est dans le même cas.

Cependant, tous les bâtiments de la ferme, même hors du cercle, appartiennent à une même copropriété, car notre compteur d'eau est installé dans la cour. Cela a des conséquences administratives: Orange est persuadé que nous habitons dans cette rue opposée, ce qui nous empêche d'avoir accès à la fibre. Le cadastre ne nous identifie pas non plus: il connaît le bis de la rue, mais pas le ter, où nous habitons.

La copropriété est constituée de six logements, quatre donnant sur la cour, dont un salon de coiffure, et nos deux lofts. La réunion de copropriété commençait à 18h30, mais par la magie de la SNCF, je suis arrivée avec une heure de retard, en plein débat sur les pot de fleurs qui gênent l'accès aux places de parking, l'abattage des clôtures délimitant des parties privatives, la fermeture du portail pour éviter les vols, etc.

J'arrive au moment où l'une des copropriétaires menace de faire appel à un avocat parce qu'il lui faut détruire sa clôture (le «claustra», est-ce un mot juridique?) qui est désignée comme provisoire dans un ancien PV d'assemblée: «j'ai acheté mon appartement avec une clôture, tout ce qui peut diminuer sa valeur doit m'être remboursée, j'ai contacté un avocat» dit-elle en brandissant son titre de propriété.

Je crois rêver: un avocat? pour une cour qui ne nous concerne pas? combien cela va-t-il coûter à la copro?
— Euh excusez-moi, mais pourquoi est-ce important de détruire cette clôture?
Et l'un des présents de répondre, avec un fort accent:
— Moi on m'emmerde, alors j'emmerde. J'aime pas me laisser emmerder.
OK. C'est donc un problème entre cet homme et la dame. Un soulagement imperceptible court parmi les copro raisonnables de l'assemblée: après cet aveu, il doit être possible de trouver une solution. Nous voici transformés en groupe de parole, et après quelques échanges, les choses s'apaisent.

N'empêche, qu'on en arrive là avec une copro de six, ça ne laisse aucun espoir pour les assemblées plus grandes.

MOOC

En novembre 2020, lors du deuxième confinement, j'avais entrepris un régime express (perdre les kilos du premier confinement) à base de protéines en poudre.
Je vais recommencer demain (cette fois, ce sont les kilos de l'arrêt de l'aviron — et la gourmandise). Cela devient nécessaire car ma garde-robe rétrécit: il y a un certain nombre de vêtements adorés que je ne peux plus mettre.
Le carton est arrivé vendredi, je classe et pointe les boîtes. Il en manque quatre, l'équivalent de tous les dîners. Zut, il va falloir faire une réclamation.

(Longue) vaisselle devant Slow Horses saison 3. Ai-je déjà dit que depuis Venise (le voyage à Venise d'octobre dernier) nous faisons la vaisselle à la main si nous ne sommes que deux?

Pour le reste je ne sais pas exactement ce que j'ai fait. Je devais repasser mais de toute évidence je ne l'ai pas fait. J'ai mis à jour le site Renaissance 77 (une sorte de Wordpress bridé). Les explications de Macron sont insuffisantes, parler de troupes au sol donne l'impression qu'il veut la guerre — alors que c'est une façon de la tenir à distance.
Explication de H. (qui passe tout son temps libre à se documenter sur le sujet): «il faut sept ans pour former un utilisateur de xxx (ici mettre le nom d'une arme hyper moderne et sophistiquée). Il est plus rapide d'envoyer quelqu'un qui sait s'en servir.»

Ah si, je viens de me souvenir: devant le début de Slow Horses saison 2, j'ai fait une recherche sur des cours d'art contemporain en ligne. J'ai trouvé
Par ailleurs, sur un sujet bien différent, voici un MOOC gratuit sur les finances locales qui commence bientôt (pour ceux qui veulent se présenter aux prochaines municipales).

Polyphème

Télétravail.
Matin sur des combinatoires folles, du genre partager l'équipe en sous-groupes pour les faire passer par roulement deux semaines sur site, quatre semaines en télétravail (de quoi devenir dépressif, je pense, mais après tout, on m'a demandé de lâcher mon imagination); passer à la semaine de quatre jours; en choisissant entre le lundi, vendredi et mercredi, ou seulement le lundi et le vendredi; sans télétravail ou avec un jour de télétravail; avec les conséquences sur le nombre de personnes sur site et les chaises vides et la rotation à l'accueil des clients.

Reçu ma nouvelle coque de téléphone "The Hunting of the Snark", d'un très beau rouge, et mes tee-shirts "high & fines herbes" et "Bambi is a son of a biche" (je ne m'en lasse pas).

Entretien d'embauche à Polyphème. J'en parlerai plus si ça se concrétise. Un vrai changement de monde, à un salaire bien plus faible. A suivre.

rue Poliveau

En mai 2021, j'ai commandé à la Monnaie de Paris un coffret de neuf pièces Harry Potter pour Y., la dulcinée de O., qui est une fan de JK Rowling. Je le lui ai offert à Noël suivant. Comme elle n'avait pas eu l'air enthousiaste, je n'avais pas commandé les neuf pièces suivantes, dite "Vague 2".

Quelle ne fut pas ma surprise (syntagme figé) quand elle nous montra l'été dernier un présentoir fabriqué par son père ferronnier d'art dans lequel il restait neuf emplacements pour les neuf pièces manquantes.

Il ne me restait plus, trois ans plus tard, qu'à trouver les pièces manquantes, dont le coffret n'est plus disponible à la Monnaie de Paris. J'ai eu de la chance: il y a dix jours, j'ai dégoté la vague 2 sur le Bon coin. Et c'est ainsi que je me suis retrouvée à midi rue Poliveau (si si) pour récupérer les pièces en main propre.
Il me reste à décider si je les lui offre dans quelques jours pour son anniversaire ou si j'attends Noël.

J'ai déjeuné dans un excellent restaurant, le Bacav, à deux pas de la Salpêtrière.

La station Austerlitz est fermée pour travaux. Du quai de la Rapée à la station Saint-Marcel la ligne est aérienne et surplombe un chantier impressionnant auquel cette photo ne rend pas justice. Je ne sais plus s'il est lié à la gare ou à l'hôpital.

chantier près d'Austerlitz vu du

Carte bleue

Il y a une quinzaine de jours, j'ai reçu une nouvelle carte bleue, alors que la précédente avait une date d'expiration en octobre. (mon conseiller bancaire ne connaît pas la raison de ce renouvellement anticipé). Pour valider cette nouvelle carte, il fallait faire un retrait. Je me suis dit que cela pouvait attendre, puisque la précédente allait jusqu'à l'automne.

Cependant, mes achats du week-end ont été contrariés à plusieurs reprises: ma carte bleue était refusée. Je me suis donc décidée à faire le retrait fatidique aujourd'hui.
Ce soir j'ai mis à jour ma carte bleue sur Amazon. Je m'apprêtais à en faire autant dans mon téléphone (cela fait des mois que je ne paie plus qu'avec mon iPhone — ce qui me vaut parfois des réactions à peine polies, du type «vous êtes moderne pour votre âge» ou mieux «je connais des jeunes moins modernes que vous» (mais ta gueule petit con) quand je me suis rendue compte que… cela s'était fait tout seul, la carte actuellement utilisée par mon smartphone était la nouvelle, avant même le retrait effectué aujourd'hui.

Cependant il a fallu que j'enregistre ce soir cette nouvelle carte dans ApplePay sur mon ordinateur. Donc c'était à jour sur mon smartphone mais pas sur mon ordinateur.
Je ne comprends pas comment la mise à jour s'est faite sur mon smartphone. Un accord avec ma banque? le GIE carte bleue? mais pourquoi sur mon iPhone et pas sur mon Macbook?

18 minutes

C'est le temps qu'a duré mon premier vol de la saison.

Il faisait vraiment froid sur l'aérodrome, à attendre le retour de l'élève précédent. Il y avait beaucoup de vent, du vent de face, donc majoration de la vitesse. (Le planeur, c'est facile: chaque fois que les conditions ne sont pas optimales, il faut majorer la vitesse).

J'avais oublié qu'il fallait suivre autant de variables, l'anémomètre (ou Badin, mesure de la vitesse), l'altimètre, le variomètre, le compas, sans compter le fil de laine et j'étais un peu dépassée, mais l'instructeur a été encourageant.
Nous avons trouvé une ascendance, réussi à monter de 50 mètres, mais hélas la dérive due au vent risquait de nous entraîner trop loin du terrain («le gain d'altitude était inférieur au taux de dérive» a résumé un ancien). Nous avons dû l'abandonner et nous n'en avons pas retrouvé.

J'ai un problème de vocabulaire, la différence entre «au vent» et «sous le vent» n'est pas nette pour moi. Si je vole sous le vent, je vole contre le vent ou dans le sens du vent?
Google me dit: «naviguer sous le vent signifie aller avec le vent». Donc voler au vent, c'est voler contre le vent. La préposition «au» gêne ma compréhension.

Moi au décollage. Je suis très heureuse d'avoir cette photo.

Une énigme

Saurez-vous me dire en quelle langue est écrit ce livre?

Titre: Dioten, de Fiodor Dostojevski. Cela ne correspond à aucune graphie des traductions de L'Idiot disponibles dans Wikipédia.
Ou alors ce n'est pas L'Idiot? L'homme du souterrain?

Thé au beurre

Ce soir j'ai bu du thé au beurre pour la première fois. C'est très chaud, un peu salé. Ça me plaît, je recommencerai.

C'était un hommage à Jonathan, une BD très aimée. Est-ce exactement la même chose que du thé au beurre rance?

Une grosse con***

J'ai posé ma matinée pour participer à un atelier sur l'Europe à Melun.
Je suis toujours un peu perdue dans les diverses offres autour de l'Europe; en l'occurence ce matin, il s'agissait de la communication institutionnelle du parlement européen dont le but est de faire voter, mais «de préférence pour des députés pro-européens», a fini par ajouter une des participantes, pointant les limites du parti pris apolitique.

La plupart des présents étaient professeur, préoccupés d'avoir des outils pour parler aux lycéens et aux étudiants. A été évoquée avec fierté par les jeunes organisateurs une vidéo de mauvais goût: un jeune votant et sa grand-mère, avec le slogan «c'est la première fois que je vote, c'est peut-être la dernière fois que je vote» (mais quelle horreur: eux étaient tout fiers de ce lien générationnel). Je vous mets quelques liens (s'ils sont en anglais, fouillez un peu, il est toujours possible d'obtenir du français): dans ma région, dans ma vie et quelques gros plans, série de podcasts.

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Le matin j'étais comme d'habitude en retard. En constatant que je n'avais pas de raclette pour gratter le gel sur le pare-brise, j'ai utilisé la coque de mon téléphone.
J'ai bousillé le pare-brise. Il est profondément rayé, de plusieurs grandes rayures, juste au niveau des yeux puisque c'est l'endroit qu'on gratte en premier.
Je ne comprends pas comment c'est possible. Sans doute le pare-brise n'est-il pas en verre? mais la coque est bien en plastique, comment est-ce possible?

Quoi qu'il en soit, cela met fin à notre espoir de faire réparer la fuite dans le dossier de la voiture due à une erreur du garage mandaté par l'assurance suite à l'accident de mars dernier. En effet, un nouvel expert devait passer. H a remarqué: «quand il va voir le pare-brise, il va réformer la voiture».
Nous allons devoir trouver une solution tous seuls. Je me demande combien ça va coûter.

Ce soir nous sommes déprimés.

Evaporation

Je ne sais pas exactement à quoi j'ai passé la journée. Le temps s'est évaporé. J'ai enfin écrit à Gilbert.

Encore des voeux

Cette fois il s'agissait de vœux partisans, des vœux du parti. Cela se passait à Coulommiers. Nous avons fait du covoiturage, avec beaucoup d'ambiance.
J'ai eu la surprise de voir une colonie de vanneaux huppés dans un champ, je ne savais pas qu'ils vivaient en groupe et au sol. C'est très joli.

Discours devant une assemblée plutôt âgée, composée sans doute d'un quart ou un tiers d'agriculteurs ou d'anciens agriculteurs (nous sommes dans la Brie), ce qui a donné dans le contexte du blocage des routes par les tracteurs un discours quelque peu démagogique: «mangez français! si on vous sert de la viande argentine, sortez du restaurant!»
What? Mais si on me sert de la viande argentine, c'est sans doute que j'ai choisi le restaurant pour cela.

Discours d'Hadrien qui comme jeudi alerte sur la désinformation russe: «une fausse information se diffuse sept fois plus vite qu'une vraie. Je rencontre beaucoup d'élèves; il est plus facile d'écouter une minute de Louis Boyard sur Tiktok que dix minutes de discours nuancés.»

Un long moment est consacré aux questions et celles-ci sont franches. En particulier, je ris intérieurement quand un adhérent fait remarquer: «qu'allons-nous devenir en 2026? Vous allez vous déchirer et le mouvement va disparaître».

Très bonnes galettes des rois.

Tard le soir nous regardons sur AppleTV une série sur les modèles des années 80. Toute notre jeunesse, elles sont si belles et si vigoureuses (aujourd'hui encore, c'est bluffant), c'est un bonheur.

Linda Evangelista, Cindy Crawford, Nomie Campbell et Christy Turlington

Voeux de la 8e circo

Dans la suite de mon exploration de l'accessibilité des villes de Seine-et-Marne par les transports en public: ce soir la salle Millésime à Montévrain.
RER A, station Val d'Europe. Il bruine. Pour autant que je puisse en juger de nuit, le paysage est composé pour partie de champs ou de terrains vagues et pour partie d'immeubles neufs dont la disposition rappellent les grandes places berlinoises des années 30.
C'est assez joli dans son genre, un côté grandiose et vide, comme un décor à moitié terminé.

Plus de six cents personnes. Quand les maires montent sur scène, il est assez étrange de voir la brochette de mâles blancs (blancs à plus d'un titre) quinquagénaires ou plus. Ce n'est plus dans l'air du temps.
Je discute avec quelques connaissances, c'est plaisant : en trois ans, je connais plus de gens en Seine-et-Marne qu'en vingt ans à Yerres. Je recueille des réactions. L'affaire Depardieu a choqué les plus jeunes adhérentes.

voeux d'Hadrien Ghomi à Montévrain

Je déclare le Covid officiellement terminé.

Il y a à nouveau des magazines chez le coiffeur, c'est un signe qui ne trompe pas.

Je n'ai pas appris grand chose: Delon a deux fils (et non pas un); Sophie Marceau fait du théâtre.
Ah si : Brad Pitt a eu soixante ans en décembre. Comme le temps passe.

Bof

Journée en télétravail. La difficulté à me mettre à faire ce que je n'ai pas envie de faire ne diminue pas avec le temps.

Le soir, j'ai désinstallé FB de mon téléphone.

A. doit trouver un stage en logistique pour le 1er février. Comme nous n'avions aucune nouvelle (et que nous évitons de poser des questions pour ne pas être taxés d'ingérence), nous avons craqué et appelé: non, elle n'a pas trouvé de stage. Il lui reste quinze jours.

Vous ne connaîtriez pas quelqu'un qui travaille chez Amazon ou Rungis assez haut dans la hiérarchie pour décider de prendre un stagiaire en quinze jours? (A ne se rend pas compte à quel point tout est lent et prend du temps en entreprise. Processus décisionnel pour prendre un stagiaire: un mois je pense, peut-être deux. Et pourtant c'est de la main d'œuvre à bon marché.)

Equilibré

Grasse matinée, raclette le midi, crêpes le soir.

A notre décharge, il continue de faire froid.
En même temps, c'est l'hiver, donc pas tout à fait anormal (ces quelques mots ironiques parce que depuis une semaine les médias parlent d'une vague de froid pour un malheureux -2. Serge Zaka s'arrache les cheveux devant la désinformation).

Je fais du pointage de liste toute l'après-midi en regardant vaguement Starsky et Hutch. En réalité ça ne se prête pas au binge watching car chaque épisode est autonome, sans lien avec le précédent. La seule mesure du temps serait le vieillissement des acteurs, mais chez des adultes de cet âge, quatre ou sept ans sont imperceptibles.

Par ailleurs je regarde L'extraordinaire attorney Woo, sur le système juridique de la Corée et sur l'autisme. C'est informatif et attendrissant. Cependant il est difficile de faire autre chose en même temps car au mieux c'est en anglais — un anglais très clair qui ne nécessite pas de sous-titre, mais à mon niveau, il faut malgré tout que je sois attentive.

Incendie

Passage au club, mais en fait il y a très peu de travail. Retourné un planeur. Appris que le montant de cartes bleues refusé à Disney est de l'ordre de 3% (alors qu'il y a eu acceptation au moment du paiement).

Je me suis inscrite pour 2024 (seul club où les inscriptions sont en année civile). J'aimerais bien être lâchée solo, ce sera mon vœu pour cette année.

Violent incendie à Saint-Pétersbourg, en représailles à une rafle parmi les travailleurs de l'Amazon russe pour les envoyer sur le front ukrainien. H. m'explique que la Russie envoie ses soldats en première ligne avec deux chargeurs de kalachnikov pour que les Ukrainiens dépensent des munitions à les abattre. Cette explication me laisse sans voix. Faut-il y croire? Dans le même temps (car H. regarde tout sur la guerre d'Ukraine), j'apprends que les Russes utilisent des armes chimiques, en d'autres termes, du gaz.

Parce que H. regarde Twitter, nous avons eu tout de suite connaissance de la rafle. Mais si vous consultez les journaux français, c'est beaucoup moins clair. On a juste l'impression que ça brûle, sans référence à cette odieuse forme de mobilisation (toutes les mobilisations sont terribles, mais parfois vous pouvez tout de même avoir l'impression que vous allez protéger votre pays, et non assouvir les caprices d'un tyran).

Par exemple, j'ai récupéré la photo ci-dessous ici: le tweet n'est pas traduit dans l'article du journal.
Traduction : Russie : en réponse aux rafles fascistes de Poutine effectuées le matin-même sur les lieux, les employés de Wildberries réduisent en cendres l'entrepôt de 100000 mètres carrés (25 acres) à Saint Pétersbourg. Les employés ont été arrêtés en masse pour être envoyés sur le front. Wildberries est l'équivalent russe d'Amazon.

tweet d'Igor Sushko sur l'incendie de Wildberries à Saint-Pétersbourg incendie de Wildberries à Saint-Pétersbourg


Toujours en anglais, un autre tweet.

Dans un certain sens, c'est magnifique. Mordor.

Témoignage des cuisines

Comme je suis les cotisations de beaucoup plus près (correction: je ne les suivais pas, je pensais que c'était le rôle des délégués de circo. Mais quand le boulot n'est pas fait, on s'y met), j'ai vu arriver (en 2024) un cotisant 2022 qui n'avait pas réadhéré en 2023.

Décidée à personnaliser les relations, je l'appelle. Nous papotons. J'avais vu sur Linkedin qu'il suivait une formation chez Ferrandi et je pensais que c'était une reconversion. Curieuse, je l'interroge:
— Ah non, je n'irais pas travailler en cuisine!
— Ah bon, pourquoi? Je pensais que c'était une reconversion.
— Oui, j'y avais pensé, mais ce n'est pas possible. J'ai 58 ans et on se fait traiter comme des chiens. A la moindre erreur on se fait insulter, traiter de connard. On était douze, la moitié est partie. (Il reprend:) Mais la formation était très bien, c'était très intéressant, et je me suis éclaté à faire la cuisine pour les fêtes.


Et je songe à la réputation désastreuse du management français et aux interviews que j'entends le matin à la radio: la crise dans les métiers de bouche, les patrons qui augmentent les salaires pour trouver des salariés, etc. Peut-être qu'être poli et aimable («reconnaître l'autre dans son altérité», dirait-on en théologie) serait un début.

Rachida Dati

C'est bien la première fois que j'ai l'impression qu'un remaniement pourrait avoir un impact sur ma vie (un président d'association ministre, c'est un président absent. S'il n'est plus ministre, sera-t-il davantage présent?)

La grande surprise, c'est la nomination de Rachida Dati. Je n'aime pas la dame, qui manque d'élégance morale (ne pas rendre des robes prêtées par de grands couturiers, c'est le genre d'indélicatesse que je n'oublie pas). Mais H. propose une explication qui me réjouit:
— C'est pour faire suer Hidalgo.

Plus tard dans la soirée, nous apprenons qu'un certain nombres de lieux parisiens seraient hors du périmètre de la mairie de Paris et relèveraient de la culture: il s'agirait donc de protéger Paris des nuisances de sa maire, peut-être en perspective des jeux olympiques (tout cela pures hypothèses, évidemment).

Quoi qu'il en soit, et c'est à cela qu'on mesure combien les gens sont fatigués des bêtises et des exagérations des extrêmes, la nouvelle fait plutôt rire (je vous livre ci-dessous mes montages préférés parus les jours suivants).



La Nupes a tenté d'expliquer que c'était un gouvernement homophobe puisque six ou sept ministres n'ont pas voté le mariage pour tous, mais c'est difficile à tenir quand le premier ministre est lui-même homo. Pour ma part j'y lis que le sujet du mariage pour tous n'en est plus un.

Sagesse

Rien de marquant dans cette journée (travailler est bien monotone). Je saisis en passant ces fleurs (si je suis passée là, remontant l'avenue Daumesnil pour prendre le métro une station plus loin, c'est que la ligne 8 était sans doute bondée: ligne 6 puis 14) à cause de «il vous faut purger avec quatre grains d'ellébore»: première fois que j'en vois, je ne savais pas ce que c'était. Comment obtient-on des grains à partir des fleurs?

(Mea culpa: je viens de comprendre que "grain" est une unité de mesure, pas l'équivalent d'une graine.)

hellébore


Renseignement pris, l'ellébore est toxique. Quatre grains, c'est beaucoup; deux était la dose prescrite pour soigner la folie.

Voile

A peine un centimètre de neige aujourd'hui (cela avait commencé hier). Les trains n'ont pas eu de retard, tout le reste n'a pas d'importance.

Les médias en font un sujet extraordinaire, les moqueurs aussi. J'en profite pour mettre un extrait de journal suisse en ligne: pas de complexe à avoir (je ne les imaginais pas comme ça).

Devinette triste

Monsieur et madame Lalalalalala ont perdu un fils.

David Soul est mort hier. 80 ans, pas si mal pour quelqu'un de malade depuis longtemps. Je me souviens d'une image émouvante de lui en fauteuil roulant poussé par Paul Michaël Glaser (comicon de mars 2017).
Alors vers la fin de la journée j'ai ressorti les DVD et j'ai lancé le pilote. J'ai regardé trois épisodes en bricolant je-ne-sais-quoi sur le canapé.

Starsky, Hutch et Huggy dans l'épisode pilote de la série


J'avais terminé le repassage dans la matinée.



Pour ceux qui ne connaissent pas la devinette:
Monsieur et madame Lalalalalala ont deux fils. Comment s'appellent-ils ?

Choses vues

En réalité j'en ai vu davantage, séries après séries. Il y a celles que j'ai pensé à noter, le jour du dernier épisode disponible. Il y a aussi toutes les séries commencées non terminées (le très bon Beef).

2 et 3 janvier 2023 : Alice in Borderland, fin de la saison 1 et saison 2.
4 et 5 janvier : Control Z, saison 1 et 2. L'intéressant, c'est qu'elle est mexicaine. J'ai abandonné après un ou deux épisodes.
Arte : Le rapace, avec Lino Ventura.
Arte : Manon des sources de Pagnol. Première fois que je le voyais
Arte : Ugolin de Pagnol.
21 janvier: The last of us, épisode 1 pendant que je fais mes valises pour Dublin.

5 février : The last of us, épisodes 2 et 3 en repassant
puis Ghost Dog sur Arte. J'adore ce film et sa musique. Fini de repasser.
Your Place or mine? en bricolant au bureau. Occupe un demi-neurone.
série Inventing Anna

13 mars : The last of us. Fin de la saison 1. Bof. Bizarre qu'une jeune actrice au visage aussi banal se soit fait une place 13 mars : j'en suis à la saison 6 de Shameless
24 mars : fin du dernier épisode de la saison 11 de Shameless
28 mars : The Glory, coréen. La vengeance. Brutalité sociale incroyable pour un Français.

Dr House une ou deux saisons. Finit par être agaçant.
Doctor Who Vintage. Très agréable.
Périphériques Les paradoxes spatio-temporels remplacés par des allers-retours entre jeu vidéo et réalité. La frontière n'existe plus réellement, interpénétration. J'attends la suite.
Futurman J'aime beaucoup. Une caricature qui caricature les caricatures, beaucoup de références et clins d'oeil, et chaque saison vraiment différente dans leur objectif. Une tentative de filmer le paradis, quand le temps s'arrête.
Mrs Maizel au fur à mesure de la cinquième saison
puis revu l'ensemble.
Ascenseur pour l'échafaud au cinéma de Fontainebleau
Indiana Jones et le cadran de la destinée
juillet, en salleMission impossible 5
23 juillet, en salle : Barbie
24 juillet : The Boys. L'intégralité de la série pour la deuxième fois. La saison 4 sera projetée à la fin de la grève des scénaristes.

Jarmush, Night on Earth, Mystery Train, Dawn by Law, Permanent Vacation
Bullet Train avec H. à l'hôtel à Vilnius

2 septembre : Top Gun 2
3 septembre : Armanda Iannucci, La mort de Staline sur Arte
21 septembre : Anna Jadowska, Une femme sur le toit
Radu Jude, N'attendez pas trop de la fin du monde
Aki Kaurimäki, Les feuilles mortes
Le théorème de Marguerite

4 novembre, Kate sur Netflix
5 novembre, Arte, Opération jupons
6 novembre, Amazon prime, début de Gen V. Nettement moins bien que The Boys

1er décembre, Denys Arcand, Testament
2 décembre, Jérémie Perrin, Mars Express
Live up your name, série coréenne sur l'acupuncture et la chirurgie cardiaque, avec une pointe de SF. Beaux acteurs et humour fantaisiste. 22 décembre, fin de la série The Rookie sur Netflix. C'est sympa, série attachante de propagande au bénéfice de LAPD.
The recruit, une saison sortie à ce jour. Le bleu qui par son zèle met à jour de sombres machinations et accumule les gaffes. La particularité est que ça se passe à la CIA.
27 décembre, Ady Walters, SHHTL
28 décembre, Wim Wenders, Perfect Days
31 décembre, West Side Story, Théâtre du Châtelet

Livres lues

Date : celle de la fin de lecture. Ne sont pas pris en compte les articles, les livres jamais finis.
La date de fin ne dit rien du rythme de la lecture, qui a pu être interrompue pour lire autre chose.

13/01/2023 : Langelot sur la Côte d'Azur, Langelot à la Maison-Blanche
14/01/2023 : Langelot et la Voyante, Langelot et les Exterminateurs
29/01/2023 : Benjamin Stevenson, Everyone in my family has killed someone
31/01/2023 : Julia Kelly : With my Lazy Eye

12/02/2023 : Antonio Lobos Antunes : Fado Alexandrino
23/02/2023 : Marguerite Yourcenar, Les yeux ouverts

05/03/2023 : Marguerite Yourcenar, L'Œuvre au noir
06/03/2023 : 16 tomes de XIII (BD)

14/06/2023 : Józef Czapski, Terre inhumaine
: Virgil Georghiu, La vingt-cinquième heure

03/09/2023 : Agatha Christie, Le train de 19h50
08/09/2023 : Langelot et la marée noire
09/09/2023 : Dictionnaire insolite des pays baltes
11/09/2023 : Agatha Christie, La mystérieuse affaire de Styles
22/09/2023 : Oswalds Zebris, A l'ombre de la Butte-aux-coqs
25/09/2023 : Janis Jonevs, Metal

03/11/2023 : Jules Vernes, Un drame en Livonie

27/12/2023 : Satoru Noda, Golden Kamui, 1 et 2

Vingt en comptant les mangas.
J'ai de plus en plus de mal à terminer les livres que je commence. Trop déchirants.
Je recommande vivement Métal.

La ligne de Blakiston

Je lis les deux tomes de Golden Kamui reçus à Noël (j'avais lu les livres d'O en mars 2020 pendant le confinement. A l'époque il y en avait huit de publiés en français, aujourd'hui nous devons en être à plus de vingt.)
Une adaptation animée très fidèle se trouve ici. (Si je commence à regarder les anime, je suis perdue.)

Je découvre en préface une autre ligne zoogéographique, la ligne de Blakiston. Est également évoquée la règle de Bermann.

Durant la pause de midi j'ai vu SHHTL, film en yiddish qui raconte la dernière journée du shethel ukrainien le plus à l'ouest de l'Ukraine, la veille de l'invasion allemande.
C'est un film bavard, dont l'intérêt principal est de nous rappeler que nous avons tort de ne pas choisir d'être heureux tant que le malheur inexorable est à distance et que nos disputes sont une perte de temps criminelle compte tenu de notre durée de vie si courte.

Il y a trois ans, j'avais monté une structure en auto-entrepreneur de façon à facturer encore quelques travaux à mon ancienne société. Depuis que j'avais déménagé en Seine-et-Marne, je n'avais jamais réussi à la changer d'adresse (à qui s'adresser? incompréhensible, tribunal, CCI, etc.)
C'est désormais chose faite, grâce au guichet unique de l'INPI. Alleluiah. Comme quoi la simplification administrative n'est pas un vain mot (cela a été facilité par le fait que j'avais déjà un compte France Connect Plus que j'avais créé pour utiliser mon CPF.).

Plombs

Froid de canard au bureau. J'essaie de régler les thermostats qui s'allument trois secondes et retournent au gris. Que se passe-t-il?

Je suis la seule responsable sur les lieux. A midi, j'envoie un sms à la DAF en vacances pour savoir qui je dois contacter: le gestionnaire de l'immeuble? un plombier chauffagiste? Avons-nous des contrats, peut-elle me donner des numéros de téléphone?

Elle m'envoie deux numéros, que j'appelle l'un après l'autre. Un chauffagiste passe dans l'après-midi. Il a l'habitude, il sait où est rangé le badge pour se déplacer dans tout l'immeuble (nous n'occuppons que trois étages, les trois autres sont loués).
Il revient quelques temps plus tard: «il n'y a personne dans les derniers étages, les plombs ont sauté. Ça faisait longtemps que ça n'était pas arrivé, au moins cinq semaines (What? mais cinq semaines, ce n'est pas long du tout. Et à chaque fois quelqu'un se déplace?) Ça a aussi sauté chez vous, au premier. J'ai remis les plombs en place».

Je lui demande de me montrer le tableau électrique, je prends des notes, je vais mettre des étiquette. J'ai toujours l'espoir de devenir autonomes dans le traitement de ce genre de problème.
En me quittant, il me dit: — au revoir, à la prochaine fois.
— Ah non, j'espère ne jamais vous revoir. Bonne année.

Il paraît donc certain que les plombs vont à nouveau sauter.
Mais pourquoi?

Vers quatre heures, la température commence à s'élever. Demain il fera bon.

Pull de Noël

Après des années d'hésitation, je me suis offert un pull de Noël.

pull avec père Noël - site sur Lorealwear


Rentrés à la nuit tombante. Nous travaillons tous les deux cette semaine.

Parkour

Journée à écrire des billets de blog et à chercher une nouvelle série sur Netflix. Rien ne me convient.

Je contemple également cela avec intérêt (il me manquait le vocabulaire pour faire une recherche. Je l'ai trouvé en hashtag sur les vidéos FB). Je me sens tellement gauche. Le club référencé à Paris s'appelle Pinkparkour, pour une pratique «entre femmes et minorités de genre». C'est une nouvelle encourageante, c'est moins impressionnant que se retrouver parmi des musclors, mais je me demande s'ils auraient la même bienveillance envers une vieille qu'envers les minorités de genre.

23

Thé à la menthe à 22 heures; mal dormi; préparé les valises. Arrivés chez mes parents en avance, pour une fois. Pas de sapin, pas de guirlande, pas de décoration, strictement rien. C'est tout de même très étrange.

Dormi une partie de l'après-midi dans un fauteuil du salon, puis tenté de sécher la voiture pour découvrir qu'elle était trempée plus haut derrière le siège conducteur. Je ne comprends pas quel est le trajet de l'eau, à quel niveau elle passe. Ce n'est pas la capote qui a un défaut, c'est plutôt la structure derrière le siège conducteur qui doit être fêlée. Le compliqué, c'est qu'il faudrait ramener la voiture où elle a été réparée au printemps dernier, à 80 km de la maison, et que le garage reconnaisse qu'il a mal fait son travail, le tout avec l'aval de l'assurance afin de faire jouer la responsabilité civile du garage. C'est une bataille de longue haleine que je laisse H. mener.

Terminé The recruit. Amusant, le personnage du naïf dans un film d'espionnage.

Journée cool

Fini The Rookie, regardé 2012 donc je ne connaissais pas l'existence (une bonne bouse traditionnelle avec des parents divorcés, un fils et une fille et une catastrophe naturelle — soudain je comprends pourquoi tout le monde connaissait la prédiction maya), commencé The Recruit, plutôt amusant.

En y réfléchissant, 2012 est à inscrire dans la liste les films où les Chinois sont les sauveurs, comme dans Gravity, par exemple. C'est une histoire d'argent, mais aussi une façon de structurer les esprits — en un mot un instrument de propagande. C'est plus ludique et moins hostile que la manipulation russe de l'information. Reste à voir les conséquences à long terme.

J'écris quelques billets de blog en regardant ces films et épisodes; je nomme des photos, je fais des recherches Google. C'est les vacances.

Fan de la ligne de Wallace et de Stephen Hawking barreur d'un huit vainqueur à Oxford en 1961.

Lâcher prise

Je suis en vacances deux jours, soit cinq, par la magie du week-end et du 25 décembre.

Je n'arrive pas à «redescendre», adrénaline au plus haut. Le plus gênant, c'est pour dormir.

Aujourd'hui, je suis allée chez le coiffeur, j'ai récupéré mon imperméable et le cadeau pour ma sœur, fait la sieste, étendu une machine, continué la saison 3 de The Rookie tout en rédigeant un billet de blog, le premier depuis trois semaines; le tout avec un sentiment d'urgence que je ne maîtrise pas. Je n'arrive pas à redescendre.

H. a rapporté un sapin et l'a décoré. Il faut que j'installe la crèche.

sapin de Noël


Une grande photo pour un petit sapin. Je me suis toujours dit que le jour où nous ne ferons plus de sapin de Noël, nous aurons abandonné quelque chose.

Décision professionnelle

— Tu as deux minutes? Il y a cet adhérent qui a un cancer, il a compris qu'on remboursait cent euros pour les médicaments non remboursés pour le cancer1, il me dit que son médecin insiste pour qu'il en prenne tous les jours, et le médicament, c'est du Tadalafil.

Elle m'annonce cela avec l'air de «on sait ce que ça veut dire», or je ne sais pas. Je la regarde sans comprendre.
— Regarde !
Elle me montre triomphante une page google: «traitement de la fonction érectile».

Hum, il faut trancher. Est-ce vraiment en rapport avec son cancer? Le forfait est plafonné à cent euros par an; l'adhérent trouvera toujours quelque chose à se faire rembourser pour ce montant dans cet intervalle. Par rapport à mon équipe, il s'agit de donner l'impression que je décide de façon logique.
Comme toutes les personnes ayant autorité, je navigue entre les réputations également désagréables d'être trop gentille ou d'être une peau de vache.
— Ecoute, c'est un cancer. Imaginons qu'il en ait pour deux ans à vivre. Si on peut l'aider à s'envoyer en l'air durant cette période et avoir un peu de joie, pourquoi pas. Demande-lui simplement son ordonnance, qu'il comprenne que nous vérifions l'aspect médical de sa demande.



Note
1: c'est normalement destiné aux crèmes contre les brûlures, à la comestique adaptée aux radiations qui attaquent la peau ou à des schampoings particuliers.

Le pull vert

Terminé ce soir un pull vert foncé en point irlandais.

J'ai commencé ce pull aux environs de 1995, 1996. A l'époque ce n'était pas le même modèle: j'avais commencé un pull à manches chauve-souris (c'est un patron où les manches se tricotent d'un bloc avec le corps du pull, sans couture. J'aime beaucoup, même si c'est peu pratique pour enfiler une veste ou un manteau). Je me souviens de la date, parce qu'après la naissance de ma fille, je suis allée passer une semaine chez ma tante. J'espérais qu'elle s'occuperait des enfants (trois ans et quelques mois), ferait la cuisine et que je pourrais me reposer.

Cela ne s'est pas du tout passé comme ça. Ce n'est que plus tard, après la naissance de mon dernier, que je comprendrai à quel point ma tante célibataire sans enfant est totalement démunie, incapable de gérer de jeunes enfants avec toute la vivacité d'esprit et les réflexes que cela demande. Cela a été épuisant. Je me souviens de mes mains transpirant sur les aiguilles (un pull chauve-souris, c'est très lourd) et de ma tante en train de me dire: «Mais arrête, tu me stresses à tricoter tout le temps, à tout le temps faire quelque chose. Tu es comme ta mère et Solange 1».
Je suis tombée des nues: le tricot, stressant? Un pan entier d'interprétation s'ouvrait (c'était avant internet, avant d'avoir compris que tout était possible, que rien n'excluait rien, qu'on ne pouvait jamais être sûr que si X pense X, il est incapable de Y).

Ce dont je me souviens surtout, c'est que je voulais emprunter la voiture de ma tante pour aller voir ma grand-mère à Vierzon (une trentaine de kilomètres) et qu'elle a refusé. Enfin, pas exactement refusé, mais donné tant de raisons pour ne pas me la prêter (j'avais plus de cinq ans de permis) que j'ai abandonné. Je m'en veux encore de ne pas avoir insisté et pris la voiture malgré tout — c'est pour cela que je m'en souviens encore aujourd'hui. (Ma grand-mère est morte cinq ans plus tard, mais je la voyais si peu: pas le courage de faire deux cents kilomètres le week-end pour la voir avec les enfants, trop de sommeil en retard — je suis rongée de remords sur tous les sujets).

Quelques années plus tard, sans doute vers 2008 ou 2010 (y en a-t-il la trace dans ce blog?), j'ai changé de modèle et détricoté le pull chauve-souris jamais terminé pour commencer un pull irlandais. J'ai arrêté de tricoter il y a une dizaine d'années. Il était presque fini, j'étais arrivée aux diminutions des manches du dos, la dernière pièce à terminer. Je l'ai achevée aujourd'hui en regardant Qui est Erin Carter?

Il n'y a plus qu'à coudre les morceaux.



Note
1: sa soeur, mon autre tante, hyper active et maniaque de la propreté.

Appel aux dons: le bréviaire de Charles V

La BnF lance un appel au don pour acquérir un exceptionnel manuscrit enluminé réalisé vers 1370 pour le roi de France Charles V (1338-1380), le Bréviaire à l’usage de la Sainte-Chapelle. Cette acquisition permettrait au manuscrit de rejoindre les collections nationales, dont l’histoire commence avec Charles V dit « le Sage », célèbre pour son amour des livres et du savoir. La librairie qu’il installa au Louvre vers 1368 constitue le cœur historique de la BnF. Le Bréviaire à l’usage de la Sainte-Chapelle provient de cette inestimable collection princière dont seuls 185 volumes ont été retrouvés. L’appel au don est ouvert jusqu’au 31 décembre 2023.

Pot de départ en retraite



Ce soir, départ de Noëlle, 68 ans (elle part fin décembre mais le pot a lieu avant les divers départs en vacances).
Il y a un an, elle avait demandé une dérogation pour poursuivre au-delà de 67 ans, âge auquel les fonctionnaires sont rayés automatiquement des cadres. Cela m'arrangeait car c'est une excellente pro. Il va falloir s'adapter à la vie sans elle au bureau.

Je passe la soirée à boire du champagne et à observer les groupes se faire et se défaire: tristesse de voir l'un des plus anciens partir après quelques minutes car il hait d'une haine sans relâche celui que j'ai remplacé, présent pour accompagner sa conjointe qui est blessée à la jambe; satisfaction de voir la dernière arrivée (trois semaines d'ancienneté) s'intégrer au point de raccompagner Noëlle en voiture dans le 19e.

Dernier mardi de l'oulipo

Comme je suis la reine de la nostalgie, une fois tous les spectateurs sortis, je me retourne pour une photo.
Je pensais photographier la scène vide, mais un régisseur était déjà en train de ranger les tables.

grand auditorium de la bibliothèque François Mitterrand


Est-ce la dernière fois qu'on se voit? Les optimistes pensent qu'il y aura reprise des soirées ailleurs, sous un autre nom.
Au cours de la soirée, j'apprends que GEF et Nicolas se sont connus par internet. Ça me plaît. Ça me console de mon entourage pro qui vit en 1912 et s'oppose à la dématérialisation au nom "du maintien de la relation humaine".

Quand je vois la résistance au changement de mon entourage professionnel, je suis étonnée que certains endroits de France ne s'éclairent pas à la bougie en se déplaçant en voiture à cheval (je me dis en écrivant cela que c'est ce que font les Amish. Comment se fait-il que nous n'ayons pas d'Amish en France?)

6

La vie est riche en réunions. Entre deux, je déjeune avec Patrick, lui-même en retard à cause du RER. Une heure à parler santé et famille, mais également de livres et de voyages.
Quand Paris a été choisi pour les Jeux olympiques, tout le monde paraissait ravi; aujourd'hui je ne rencontre que des gens qui organisent leur fuite de Paris: «je vais partir en juin dans les pays baltes avec X, mais mon but, c'est de ne pas rentrer avant la fin des jeux».

Patrick me raccompagne au bureau. Devant la porte, mon consultant parle au téléphone. Chic, je ne suis pas en retard (je me suis trompée d'une demi-heure concernant la réunion suivante).

Formation

Formation des quatre derniers arrivés dans l'équipe.
Contexte : dans une équipe de quatroze, trois sont là depuis plus de vingt ans, sur les onze autres, le plus ancien est arrivé en 2019 et la dernière il y a trois semaine. Nous avons un vrai enjeu de transmission des compétences — et de mise aux oubliettes des procédures inutiles (tant il est vrai qu'il est plus facile de changer les hommes que les habitudes, ce qui s'exprime dans cette phrase incompréhensible: on ne change pas les hommes, ce sont les hommes qui changent).

Je donne du contexte, remonte aux grands principes de l'assurance, redescends dans les détails, explique des à-côtés en assurance de biens… Aucune idée de si je les gonfle ou si je les intéresse, je le fais parce que je suis persuadée que comprendre un mécanisme général permet de répondre aux questions imprévues hors des FAQ prémâchées.
En fait j'aime beaucoup l'assurance. C'est un beau principe, même s'il est souvent perverti.

Sur place

Week-end sur la rédaction du mémoire technique en réponse à l'appel d'offres. Je n'ai jamais fait ça, je suis paralisée par la peur. Je n'écris pas, je joue à Candy Crush, je commence une jolie série, Live up to your Name, une histoire d'acupuncture et de chirurgie cardiaque à travers le temps, avec de très beaux acteurs.

C'est incroyable d'en être toujours là, dans la même situation que lorsque j'avais quinze ans, ou douze, ou vingt-trois, toujours paralysée, incapable d'écrire, persuadée que je n'y arriverai pas. Heureusement que je me suis forcée à écrire mon mémoire de théologie, je me raccroche à cela.
Pendant ce temps, le consultant m'envoie des mails incroyables, du genre «XX compte beaucoup sur toi», alors que le même XX n'écoute jamais ce que je dis en réunion.

Mars Express

J'ai convaincu H. d'aller voir Mars Express.

Très bon moment, film animé à la façon manga (des ralentissements dans la fluidité comme s'il manquait des images), qui m'a rappelé Les Cavernes d'acier, le cycle d'Asimov que je préfère.
C'est un film mélancolique à la façon de Blade Runner: les robots, victimes ou coupables? Les dernières images sont énigmatiques comme dans les meilleures histoires.

Balais à chiotte

Levés trop tard pour que H. me dépose au planeur le matin. Il est parti au ping-pong et je ne sais absolument pas ce que j'ai fait de ma matinée, sans doute rien. Ou la vaisselle.

Arrivée trop tard au planeur pour rentrer les ailes ou retourner les fuselages. Dans les listes des tâches (car il y a plusieurs listes, classées par thèmes), je me retrouve donc à nettoyer les sanitaires — type sanitaires de camping, puisque des vélivoles campent l'été au club et qu'il y a tout pour y vivre, cuisine et douche.

Il se trouve que Matthieu a fait une photo inattendue, les balayettes de WC dorées par le soleil couchant (la tâche rose, ce sont les rideaux de douche).

balayettes à chiotte dorées par le soleil

Testament

C'est un film étrange en ce qu'à tout moment on se dit que c'est une caricature forcée — puis on réalise qu'à bien y réfléchir non, ce n'est pas si exagéré que ça, voir pas exagéré du tout. Ça se moque beaucoup des manies de la jeune génération et des féministes. Le Québec ne va pas beaucoup mieux que la France.

Une phrase triste d'un vieux monsieur: «Nous autres hommes, nous sommes habitués à payer pour un peu de tendresse.»

C'est un message d'espoir malgré tout, parce que la vie continue. Il n'aura pas beaucoup de succès, car personne ne va oser dire du bien d'un film qui se moque des wokes.

La question demeure: pourquoi la jeune génération est-elle si en colère, alors qu'objectivement, la vie n'a jamais été aussi facile? (La dernière fois que j'ai écrit cela sur FB, on m'a rétorqué «comment? mais les taux d'intérêt? mais le réchauffement climatique? mais…». Et j'ai rétorqué guerre froide, impossibilité de voyager, pas d'internet, pas de smartphone, tout ce sans quoi les jeunes sont incapables d'imaginer le monde aujourd'hui. Combien capables de vivre sans eau courante et électricité une semaine?)

Evidemment, ça va se compliquer dans les années à venir. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'un jour ils regretteront de ne pas avoir plus et mieux profité de la vie aujourd'hui, de ne pas avoir davantage savouré chaque minute actuelle.

Lâcheté

Je le recopie pour que ce soit référencé par Google.

Journal de Sfar:
  • Le même jour à Sciences-Po Paris, une minute de silence a été observée en mémoire des victimes palestiniemmes de la guerre. L'UEJF a demandé qu'on observe également une minute de silence en hommage aux morts du pogrom du 7 octobre. Cela a été refusé.
  • Le même jour, la mairie de Londres a annoncé renoncer au traditionnel allumage des lumières de Hannoucah cette année. Par peur de l'hostilité de la population.

Je pense à cette photo de 1932 où une famille juive allemande allume un chandelier de Hannoucah tandis qu'au dehors un étendard nazi occupe l'espace public.


Sciences-po


Nous paierons cher notre lâcheté.
Je ne comprends pas ce manque de discernement qui fait confondre l'agresseur et l'agressé.

Rue du Bac

Entretien d'embauche rue du Bac. Je ne pensais pas que cela me ferait aussi plaisir de revenir dans ce quartier, le quartier de mes études et de mes premières années à Paris.
Comme c'est un quartier riche.
Quelle ironie qu'on y trouve la société St-Vincent-de-Paul, les Missions étrangères, le Secours catholique, etc. C'est déstabilisant.

J'en ai profité pour aller rendre le livre écrit par la prof de grec à la bibliothèque augustinienne.

une étagère de la biblibliothèque augustinienne

2024, l'année de tous les dangers

Ce soir, conférence-débat organisée à Torcy par Hadrien Ghomi sur la guerre en Ukraine.
Les invités : Anna Colin Lebedev et le Général Jérôme Pellistrandi.

Je suis surprise des questions: l'assemblée en sait vraiment peu. D'un autre côté, H. est obsédé par l'Ukraine, et donc j'en sais sans doute beaucoup plus que la moyenne.

J'apprends qu'il y aura des élections russes en mars 2024, élections courues d'avance mais élections quand même.
Bien entendu, la Russie va tout faire pour influencer les élections européennes et américaines. Quand je pense à nos concitoyens qui avalent la désinformation sans sourciller… Comment allons-nous faire, comment allons-nous nous défendre?

Quelle année, cette année 2024: élections en Russie, Europe, Amérique.
Je suis morte de trouille.

Sciure

Ce soir, j'ai eu l'œil attiré par des petits tas blonds derrière mon bureau. Je touche, mon doigt s'enfonce (ça se voit sur la photo), c'est de la sciure.
Un ou des vers sont en train de ronger mon plancher.

plancher rongé par les vers

Formation bis

Changement de prof, changement de style : plus juridique, moins passionné. Davantage dans le genre QCM pour passer les examens: chaque chose a sa définition et sa case.

Les règles de la commande publique : s'inscrivent dans la sphère de la gestion des deniers publics.
Principe d'égalité de traitement, principe de liberté d'accès, principe de transparence de procédure.

Beaucoup de vocabulaire. Je le note ici surtout parce que je trouve cela curieux.

Appel d'offres : une procédure initiée par une personne soumise au code de la commande publique.

Procédures formalisées: Appel d'offres et procédure avec négociations (PAN)
Procédures adaptées (en dessous des seuils): MAPA (marché à procédure adaptée)
Procédure de gré à gré: pas de publicité ni de mise en concurrence

Le monde des sirènes1 : «vous êtes une personne privée (ici, une SEM, société d'économie mixte) qui passez des marchés privés qui suivent le droit de la commande publique. En cas de contentieux, vous dépendez du juge judiciaire et non du juge administratif.»

pouvoir adjudicateur (secteurs classiques) / entité adjudicatrice (secteurs spéciaux (transports, eau, électricité, services postaux, entreprises publiques comme la SNCF))
+ groupement de commandes (un mandataire coordinateur)
Accord cadre: 4 ans. Mais dans le domaine de la défense et de la sécurité, 7 ans.

Vocabulaire : Passation (jusqu'à la signature) / Exécution

Travaux: appel d'offres obligatoire au-dessus de 5 382 000 € HT. Et toujours je pense à Largo Winch, quand il est l'objet d'un redressement fiscal: «et vous tenez beaucoup aux 87 centimes?»

**************


Le soir avant de reprendre le métro j'aperçois de la lumière au-dessus de l'esplanade de la Défense. Il me semble que c'est à l'emplacement de mon ancien immeuble: il devait être vendu et détruit, pour que soit construit à sa place l'un des plus hauts immeubles de la Défense. Est survenu le Covid, le projet était en péril. Apparement il a abouti. J'ai marché jusqu'au pied de l'immeuble pour me rendre compte.

construction de l'immeuble de Total the Link, de loin au pied de l'immeuble en construction de Total the Link




Note
1 : mi-chair, mi-poisson

Formation aux appels d'offres

Très bonne journée sur un sujet aride, avec un avocat dont les yeux pétillent à chaque fois qu'il évoque un point délicat: on voit tout le plaisir du travail intellectuel, de la délicate pesée des mots et des interprétations.

«Nous sommes une cinquantaine d'avocats à intervenir sur les marchés publics. C'est un tout petit monde, tout le monde se connaît.»
Et chaque fois je pense à Thomas Römer, commentant le Pentateuque au Collège de France: «Les auteurs de la Bible se connaissaient tous, c'était un tout petit monde — comme aujourd'hui les exégètes, nous nous connaissons tous.»
Sur le coup, l'analogie m'avait fait sourire, mais en fait elle est toujours vraie: les spécialistes d'un domaine ne sont jamais nombreux et la plupart de temps se connaissent puisque qu'ils travaillent en dialogue — ou en opposition.

Obtenir des documents de l'administration: consulter la CADA.
Commentaire du prof: «la possibilité d'obtenir les documents de l'administration… ce sont les lois de Giscard d'Estaing, dont la vision libérale a dévérouillé l'administration de style gaulliste, avec la création de la CADA et la CNIL.»



Et sinon, ma mâchoire s'est décrochée en voyant le portable de ma voisine partie chercher un café: adresse de son employeur, numéro de téléphone, mot de passe scotchés sur le clavier… je ne pensais pas que c'était possible de réellement faire ça, en s'absentant et en laissant son portable grand ouvert sur la table.



Ponce Pilate

Présentation à la Sorbonne du livre Ponce Pilate de ma prof de grec. Les élèves sont une vingtaine, ce qui me paraît toujours extraordinaire pour une matière aussi peu porteuse: la littérature patristique et apocryphe des premiers siècles chrétiens.
Le temps prévu aura été bien trop court. Nous attrapons des bribes de savoir: comment chaque auteur grec ou latin a-t-il interprété les actions de Pilate? J'apprends qu'aux premiers siècles du christianisme, Pilate était considéré comme un saint pour avoir permis la résurrection. Il y avait même une église copte Saint Pilate en Egypte jusqu'au XXe siècle. Je me demande si Roger Caillois le savait.

Puis cours de grec, décalé d'une demi-heure. Chaque fois que je confronte mes traductions à celles des autres, je ne comprends pas pourquoi j'ai construit des phrases si compliquées. Malgré l'heure de décalage j'attrape le train de 22h16 car... la ligne 14 est en service !!! (Hourra!)

A la vôtre !

Ce matin à la buvette de la gare, Toufik me rend la monnaie: une pièce de deux euros de Monaco avec le prince Albert.

A 6 heures 52 (c'est-à-dire au départ du train), j'envoie une photo à mes parents (pour qui, afin de ramener la collection complète des pièces, nous avons écumé les pots à pourboire dans les pays baltes) avec le commentaire: «Monaco à la buvette de la gare».

La réponse de ma mère (à 7h14) m'a laissée pantoise: «En ouvrant sans voir la photo j’ai cru que tu buvais un monaco au buffet de la gare. La photo m’a rassurée 😂 bonne journée 🥰.»

Oulipo

BNF. Eternellement les fouilles de sac et les poêles le long du corps, je crois que je n'ai jamais connu la BNF sans contrôle de sac. J'aimerais connaître la liberté d'aller et venir une fois avant ma mort.

Avant-dernier Oulipo, peut-être. En tout cas, avant-dernier à la BNF. Que signifie «Après 18 ans de lectures à la BnF, l’équipe de l’Oulipo part voguer vers de nouveaux horizons»? La lassitude des participants laisse à croire que les réunions publiques vont s'arrêter. Les plus optimistes d'entre nous évoquent une poursuite ailleurs, dans un lieu plus petit, pourquoi pas chez Olivier Salon.
Il me paraît plus réaliste d'admettre que les protagonistes sont fatigués et ont envie de passer à autre chose.

Pendant le dîner, conversation à bâtons rompus, comme d'habitude. Je note simplement, à propos d'intoxication alimentaire: «Chez nous, mal manger signifie la perte d'un mois d'espérance de vie dans trente ans; ailleurs, cela signifie mourir dans les trois jours».

Départ à 21h50 pour un train à 22h16.
Retour tranquille.

Equilibre des vertus

J'ai conservé ce doc pour m'entraîner à le traduire car certains mots ne me venaient pas spontanément.

manque             équilibre            excès

corruption          probité               procédurier
légèreté             clairvoyance       condamnation
égoïsme             amour               obsession
mépris               respect              idôlatrie
fierté                 humilité             dévalorisation
paresse             application         acharnement
débauche          mesure              puritanisme
lâcheté              courage              imprudence



vocabulaire éthique

Filarmonica Joven de Colombia

Après nos mésaventures de l'année dernière, la Philharmonie m'envoyait des messages pour m'inciter à utiliser le crédit que j'avais sur mon compte.

J'avais donc regardé les programmes, avec la contrainte — pas folle la guêpe, chat échaudé etc — d'un concert le week-end l'après-midi, et trouvé un spectacle avec le double attrait de la présence d'Hillary Hahn et d'un orchestre colombien.

(Evidemment, marris qu'entretemps une manifestation contre l'antisémitisme soit programmée. Ce sera sans nous, avec cette impression de prêcher ce qu'on ne suit pas.)

Orchestre Filarmónica Joven de Colombia: surprise en les voyant arriver sur scène, tous moins de trente ans, pantalon veste noirs, baskets noires lacets blancs, t-shirt beige. La salle est différente aussi, plus colorée, plus remuante, sans grand effort vestimentaire mais dans une vraie joie d'être là. Est-il possible que tant de familles des musiciens aient fait le déplacement?

Ce sera le maître-mot de l'après-midi: la joie. Travesia n°1 de Wolgang Ordoñez (totalement inconnu de moi, évidemment), joyeux, enlevé, avec des évocations de danse sur la plage à la manière de L'homme de Rio ou du Tailleur de Panama; Petrouchka de Stravinski, où l'absence de danseurs est remplacée par une chorégraphie des musiciens à base de ola; coupés par le concerto pour violon n°2 de Mendelssohn jouée par Hillary Hahn qui se laisse porter avec grâce par l'enthousiasme de la salle.

En sortant, nous sommes pris par un embouteillage dans le hall de la Philharmonie: les joueurs de cuivre de l'orchestre improvisent un bœuf dans l'entrée.
Joie, jeunesse et vitalité.

Orchestre Filarmónica Joven de Colombia à la Philharmonie


PS: j'apprends par le livret que l'Orchestre Filarmónica Joven de Colombia est un «laboratoire d'innovation sociale» (je cite).

La lassitude de la Mort

Ciné-concert dans l'église de Moret : Der müde Tod de Fritz Lang (1921) à Moret, accompagné au luth médiéval par Jozef Van Wissem, compositeur quasi-exclusif des bandes originales de Jim Jarmush (mais comment et pourquoi s'est-il retrouvé à Moret?).

J'y suis allée davantage pour Lang que pour Van Wissen (que je ne connais pas: ce que j'ai précisé plus haut vient d'internet).

C'est un film restauré récemment grâce à des partenariats internationaux. C'est un conte, avec la stylisation des contes, c'est lumineux et vaporeux à la fois. Effets spéciaux par superposition, par surexposition.

Le conte se déroule en six chapitres, bien caractérisés. Le premier nous présente un jeune couple heureux dans une diligence. Un grand homme en noir arrête l'attelage et monte dans la voiture. Le deuxième nous montre la ville, ses notables à la Daumier et noue l'intrigue: l'étranger en noir a acheté le terrain près du cimetière et l'a clos d'une enceinte sans porte et dont on ne voit pas le faîte tant elle est est haute. Le jeune homme meurt, la fiancée rencontre la Mort (l'étranger, comme nous le savons tous). Très belle scène sous une voûte immense emplie de cierges; chaque cierge représente la durée d'une vie qui inexorablement fond vers sa fin.
La Mort propose un marché à la jeune femme: elle lui confie trois bougies à dix centimètres de leur fin, représentant la vie de trois jeunes hommes: si la fiancée parvient à en sauver un, la mort lui rendra son bien-aimé.

S'en suit trois épisodes, en pays mahométan, en Italie et en Chine, avec tous les indices qui permettent au spectateur de s'orienter dans des représentations qui s'appuient sur des clichés, non seulement visuels, mais également musicaux (trois types de musique) et graphiques: les cartons entre les scènes adoptent des graphies rappelant l'écriture arabe ou chinoise. Je vous joins ici trois cartons: le titre, en écriture gothique, un carton arabisant et un carton de type calligraphie chinoise.

Der müde Tod - carton en écriture gothique Der müde Tod - carton en police arabisante Der müde Tod - carton en police de style chinois


La jeune femme échoue à chaque fois (comment empêcher une bougie de fondre si elle brûle?), ce qui explique le titre: la Mort exprime sa lassitude d'être invincible. Elle propose alors à la jeune femme de lui rendre son fiancé contre la vie d'un autre humain. Le dernier chapitre se déroule dans le village, où la jeune femme tente de trouver un habitant qui accepte de donner sa vie pour qu'elle puisse retrouver son bien-aimé.

C'était très beau et je n'ai pas eu froid (ma crainte prosaïque).

Pour les cinéphiles, un billet sérieux qui m'apprend que le titre est classiquement traduit par Les trois lumières (mauvaise traduction: les trois flammes serait plus exact et rendrait mieux la tension qui traverse le film).

SPR

Ce soir, réunion à 19 heures près de la piscine (j'ai quitté le bureau précipitamment) sur le thème «Site Patrimonial Remarquable». Moret a été classé il y a un ou deux ans et il s'agit de tenir au courant les citoyens de l'avancée du projet.

C'était frigorifique et très intéressant pour la nouvelle Morétaine que je suis.

En résumé, il y a 27 monument historiques inscrits ou classés, 7 sites classés, 3 sites inscrits et 3 zones de sensibilité archéologique ainsi que plusieurs zones de conservation et de protection de la faune et de la flore. La dénomination SPR permet d'assurer à tout cela une protection globale, d'obliger à une certaine cohérence architecturale (ou de la rétablir). De ce que je comprends, les deux priorités sont de conserver une identité visuelle aux rues (des maisons vernaculaires aux villas bourgeoises du XIXe siècle en passant par les devantures des commerces) et d'aider à la rénovation thermique.

Au fur à mesure de la présentation où nous nous transformions lentement en glaçons, j'ai pris des photos des slides projetés. Voici une gravure de Moret :

gravure de Moret et de son enceinte


J'habite hors de l'enceinte, à cinquante mètres de la porte A (porte de Paris).

Condor

Ce soir, visio organisée par la FFVP pour «prise en main de Condor», le simulateur de vol sur planeur.

Je m'attendais à plein d'élèves (le mail était envoyé à tous les licenciés), nous sommes treize, la plupart retraités et pilotes. Je suis la seule femme; nous sommes deux à ne pas être lâchés (c'est-à-dire n'avoir jamais fait de sortie en solo).

L'explication avance pas à pas, prodiguée par un vieux de la vieille, de ces personnes qui ont vu naître la technologie et ont grandi avec elle: il connaît le simulateur par cœur, ses versions 1 et 2, il travaille sur la béta de la 3.

Il nous remet un doc de soixante pages qu'il a rédigé en français (désormais Condor n'est plus disponible qu'en anglais) et j'écoute les autres poser des questions en prenant des notes: choisir le pack T.16000M FCS flight pack, utiliser trackir pour suivre les mouvements de la tête, positionner l'écran à hauteur de ses épaules pour ne pas abîmer ses cervicales.

Pour faire fonctionner le simulateur en conditions réelles, il faut télécharger des «scènes» qui représentent le vrai paysage. Je pensais naïvement que c'était repris de Google, mais non: il faut les construire. Et c'est dans ces moments-là que je retrouve mon émerveillement d'internet des premiers mois et des premières années: les scènes ont été construites et mises en ligne par des passionnés. Des dizaines de scènes à travers le monde, des millions d'heures de travail, un site traduit en vingt-et-une langues. Vous pouvez les trouver là, et plus précisément celle de Moret ici.
(Pour vous cela ressemble à Google maps, mais en plus, ça modélise le vent, les courants ascendants, les relations avec le relief, etc).

La réunion s'éternise bien au-delà de la visio, les pilotes discutent de l'intérêt du simulateur qui permet d'étudier sereinement ses erreurs. C'est économique, c'est écologique. Cela peut aussi convenir à de l'apprentissage à distance, j'apprends avec surprise que la pollution principale du planeur est due… à la voiture: les trajets des pilotes pour atteindre les clubs. Je ne m'en rends pas compte mais je suis une privilégiée avec mes huit kilomètres: la plupart font cinquante à cent kilomètres pour venir voler. (D'un autre côté, c'est aussi l'une des raisons pour laquelle je me suis inscrite: ce n'était pas loin. Je n'aurais pas fait cinquante kilomètres pour apprendre à voler.)

Maintenant j'attends qu'H. termine l'installation informatique. C'était mon cadeau de Noël ou d'anniversaire dernier, j'espère que ce sera opérationnel à Noël prochain.

Camus par Enthoven

Camus «l'autre», ou Camus «le seul», selon les personnes qui connaissent les deux.

Je ne suis pas une fan d'Enthoven, j'hésite sur ce qu'en penser et j'ai tendance à le confondre avec André Enegren (la malédiction des assonances); en un mot je ne vais pas écrire un dythirambe, mais la mise en scène est solide, la démonstration impeccable, avec des illustrations filmiques inattendues qui font sourire. Par moments Enthoven a des faux airs de Belmondo. Devant le succès, le spectacle est prolongé jusque fin décembre.

J'ai lu tout le théâtre de Camus entre la première et la terminale (je lisais beaucoup de théâtre, Anouilh, Giraudoux, Camus, Sartre, Claudel, Péguy, tous ceux qu'on trouvait dans le Lagarde et Michard du XXe siècle). Je ne me souviens de rien et pourtant je l'aimais beaucoup. J'aimais moins les romans: rien compris à L'Etranger (j'ai toujours pensé que les profs nous le faisaient lire uniquement parce qu'il était mince), peu de souvenirs de La Peste lu les jours d'ennui chez ma grand-mère.

Séance de questions à la fin du spectacle. Réponse à un spectateur:
— Il est trop tard pour entreprendre le procès de Sartre. […] Vous savez que Sartre se moquait de Camus en l'appelant un «philosophe pour terminales». En fait, c'est un grand compliment: Camus est clair, il n'y a pas besoin de bagage conceptuel pour l'aborder. D'ailleurs Camus répondait: «certains ont des commentateurs; moi, j'ai des lecteurs.»

Il y a une erreur courante qui m'agace: non, il n'y a pas dans les évangiles de lien entre culpabilité et souffrance ou mort. (Si l'on prend le cas du Christ, c'est même l'inverse.) Les catholiques et les protestants ont propagé cette interprétation, mais ce n'est pas dans les évangiles.
Ce qu'implique les évangiles, c'est l'inverse: qu'il n'y a pas de raison de souffrir ou de mourir, il n'y a pas de lien logique entre les deux: «Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem?» Luc 13, 4.

Il faudrait peut-être que je relise Camus. Ça me semble moins urgent que lire les témoignages du XXe siècle. Je peine désormais à m'intéresser à la fiction.

Fuite

J'étais contente hier soir: la serviette mise chaque matin, essorée chaque soir, remplacée pour la nuit, remplacée le matin, n'était plus qu'humide, et non trempée; je me disais qu'avec un coup de sèche-cheveux dans le week-end, la voiture serait à peu près sèche.

Il a plu cette nuit, ce matin il y avait à nouveau un centimètre d'eau dans la voiture. Donc il y a une fuite. Il faut faire ré-ajuster la capote. Elle avait été mal remontée une première fois après l'accident; je suppose qu'elle s'est détendue pendant les kilomètres cet été.

Travaux d'hiver, encore.

Le théorème de Marguerite

Le vendredi c'est donc cinéma, du moins j'essaie, si je trouve un film à une demi-heure du bureau qui commence vers 16h30, c'est-à-dire qui se termine vers 19h — le genre de critères chez les autres qui me les faisaient mépriser quand j'avais vingt ans.

La plus belle phrase concernant les maths dans un film se trouve dans Incendies: «bienvenue dans un monde de solitude, d'incertitudes, de nuits blanches,…» (etc, de mémoire).

Ce film-ci, il est plutôt pour les premiers de la classe et les amoureux d'Amy Farrah Fowler, mâtiné de french love car les Français ne savent pas faire autrement. On ne s'ennuie pas une seconde. J'espère que les scénaristes ont blindé les formules mathématiques car je suis sûre qu'il va y avoir des dingues pour les décortiquer.
Perso j'y ai trouvé du suspense car en observatrice des structures de récit, je ne voyais pas comment le scénariste allait trouver une issue: il n'allait tout de même pas résoudre une grande énigme mathématique mondiale?

Gênée malgré tout que l'actrice en gros plan me rappelle Paul Mirabel.

Les sept problèmes mathématiques du millénaire
T-shirt familial non repassé

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Agenda
Le traitement de la cystite par les pharmaciens est un leurre, ils refusent de vendre le médicament.
Trouvé par une sorte de miracle un rendez-vous à 11h45 à dix minutes du bureau. Je me suis fait un peu engueulée par un docteur sympathique aux cheveux très blancs: «Trois jours? Mais la cystite, c'est une urgence, on n'attend pas trois jours. (Mon excuse balbutiée: j'ai cru que ça allait passer en me reposant mercredi.) Bon, vous n'avez pas de fièvre? trois jours! Je ne vous donne pas le traitement minute mais le traitement sur cinq jours».

Médicament, soulagement dans les deux heures. Aussitôt la fatigue s'allège. Que ceux qui veulent vivre au Moyen-Âge ne se gênent pas, j'ai choisi mon camp.

Le jour des morts

La Toussaint est le jour des saints. Le jour des morts, c'est le 2 novembre.
Je le sais mais je l'oublie; et donc surprise quand je découvre en arrivant à Saint-Eloi que la messe n'a pas lieu dans la chapelle mais dans la nef, vaste volume aux poutres de métal. Le vent souffle en rafales (tempête Ciaran à l'ouest) et le soleil illumine l'autel au gré des nuages.

Jour de fête et donc mise en scène particulière, une mince cierge et une feuille de chant pour chacun.

Si je vous raconte tout cela, c'est à cause du chant d'entrée. Depuis ma formation en théologie, j'ai découvert que ces chants qui me paraissaient tous les mêmes ont souvent des intentions théologiques précises et renvoient à des textes spécifiques.
En gardant à l'esprit qu'il s'agit d'une messe pour tous les morts, voici la dernière ligne du quatrième couplet:
Sur les peuples de la nuit et du brouillard que la haine a décimés.
Quelle évolution depuis le peuple déicide.

Pour ceux que ça intéresse, mes notes sur Nostra Ætate, fin janvier 2015.

La douleur

Ce qui est terrible avec la douleur, c'est de devoir faire bonne figure.
On aimerait gémir dans son bureau, marcher à grands pas dans les couloirs du train en agitant les bras, se rouler en boule sur la moquette en hurlant à mi-voix. Juste faire du bruit et s'agiter pour se distraitre de la douleur, l'alléger en la dispersant dans l'espace par la voix et le mouvement.

Mais il faut faire bonne figure, il ne faut pas déranger les personnes inconnues qui nous entourent. Surtout il ne faut pas déclencher leur sollicitude, devoir les rassurer est au-dessus de nos forces alors qu'il faut déjà contrôler la douleur. Alors on se tient assise rigidement avec un sourire rigide; on souffle lentement les lèvres entrouvertes, on marche de façon saccadée et on essaie de concentrer son esprit sur autre chose en attendant que passe l'heure de trajet.

Aller-retour Blois

J'ai le projet de voir mes parents plus souvent — parce que le temps passe et que j'ai peur de les perdre — que j'ai la douloureuse et terrifiante certitude que je vais les perdre. J'espère qu'ils ne le voient pas trop, mais ils s'en doutent forcément — on ne passe pas impunément de presque jamais à quelques fois.

Journée tranquille à regarder les montages de papa sur leurs derniers voyages. C'est amusant de constater la façon dont ils se sont mis à visiter les villes, eux qui ne baroudaient que dans les jungles ou les savanes. Salzburg, Milan, Varsovie… et toujours au moment où on ne s'y attend pas, un oiseau à tête noire, un bison, un lynx.

Un tout petit monde: «Lui, il avait été notre guide en Espagne, et on l'a rencontré en Pologne.»

«Il y avait un Français, il est spécialiste des lynx. Il prend l'affût; dans le Jura, en dix ans, il en a vu trois, alors en Espagne, il était content. Les lynx hispaniques avaient quasi disparu jusqu'à ce qu'une propriétaire terrienne en réintroduise sur ses terres — avec des lapins. Les lynx sont petits, ils ne mangent que des lapins.»

Le gibier en France appelle ce commentaire: «Il n'y en avait plus du tout après la guerre, ça a pris cinquante ans, les premières biches qu'on a vues en Sologne, ça devait être en 80».

Maman s'est fait mal au genou, il est très enflé, et ça dure (et empire) depuis l'été. Elle se plaint du manque de médecins, de la durée pour avoir un rendez-vous. Les gouttes de papa pour son glaucome: «la boîte ne contient qu'un mois de traitement: pourquoi pas trois ou six?»
Ça l'exaspère. Je ne sais que dire, je sais le nombre de fois où je ne vais pas chez le médecin par flemme (juste en ce moment, j'aurais sans doute besoin d'un traitement antibiotique pour couper court à l'infection, mais je ne sais pas où aller, et il faudrait poser une journée de congé. Ça finira sans doute comme ça si ça continue à faire mal). Ils sont plus âgés, il est nécessaire qu'ils soient suivis.

Papa ne dit rien, mais je l'ai vu grimacer dans la cuisine. Ses vertèbres lombaires se calcifient et pincent le nerf des jambes, parfois il ne sent plus ses pieds. Un chirurgien propose de l'opérer. Il réfléchit.

Je leur montre le dossier de naturalisation des parents de papa. A ma surprise, cela les intéresse. Je n'aurais pas cru.

Nous rentrons dans la nuit. Maman nous a donné un trèfle rouge (oxalis) en pot, de la confiture de figues et de questches. Il ne pleut pas. Il est prévu une tempête demain.

Plantes vertes

Coiffeur (RAS pour une fois).

Librairie avenue Daumesnil. Après de longues minutes :
Le Japon en guerre de Haruko Taya Cook & Theodore F. Cook
Les infiltrés de Norman Ohler
Les intégrés d'Arnaud Lacheret

Acheté une plante verte dégoulinante, mais je n'arrive pas à trouver son nom. Toutes les plantes de même type semblent artificielles. Sans doute une Soleirolia ou helxine.

En faisant des recherches sur Google, je découvre que deux mots antagonistes règnent sur le monde des plantes d'intérieur: dépolluantes et artificielles. Cela me semble représentatif de la schizophrénie actuelle, entre conviction d'une nature bienveillante et recherche du moins d'emmerdes possible (comme si la nature n'était pas le contraire du confort, comme si le travail de l'homme n'était pas justement destiné à construire un monde plus aisé).
Ce qui me fait penser, libre association, que la natalité n'a jamais été aussi basse en France depuis quatre-vingts ans: souci écologique ou refus des contraintes?

Infection urinaire ou presque. Difficile de rentrer à la maison. J'espère que ça n'est pas grave, que ça va passer dans la nuit (mais qu'est-ce qui a pu causer cela?)

Fonds européens

Recherche sur les fonds européens utilisés en Seine-et-Marne. On trouve beaucoup de choses sur les appels à projets pour le futur, mais c'est difficile de trouver des chiffres sur les projets réalisés. L'UE ne sait décidément pas faire sa pub.

Il reste toujours de l'eau au fond de la voiture (je veux dire que la moquette n'est pas seulement mouillée, mais qu'une flaque, un fond verre d'eau, se reforme après chaque aspiration). Je change les serviettes, tord les torchons, met un rouleau de PQ pour aspirer le maximum d'eau.

Vaisselle à la main: c'est ce que font nos amis vénitiens, nous nous sommes dit que ce n'était pas une mauvaise idée. A deux le lave-vaisselle ne tourne pas assez souvent et lave mal la nourriture séchée. Nous allons réserver son usage aux journées où nous sommes nombreux.

J'ai commencé Bodies sur Netflix parce que quelqu'un en disait du bien sur FB. Ça occupe mais n'est pas transcendant. Mon genre, c'est la critique sarcastique.

Travaux d'hiver

Je ne suis pas retournée au planeur après les vacances: soit j'étais occupée le week-end, soit il ne faisait pas beau. Il faut dire aussi que je suis embarrassée: je me sens si nulle que j'ai peur d'ennuyer mes instructeurs. Je sais c'est idiot, mais c'est ainsi. Je mets tous mes espoirs dans le simulateur que H. doit m'installer. Si seulement j'arrivais à faire des progrès pendant l'hiver.

J'y suis retournée aujourd'hui pour les travaux d'hiver: démontage, aspirage, polissage… et l'ambiance, entre tension et une certaine vacance. Tout est suivi, noté; chaque pièce a sa durée d'utilisation notée en heures. Un planeur, c'est douze mille heures (indépendamment de la durée de chaque pièce qui est souvent bien inférieure). Si l'on considère que l'on sort trente week-ends dans l'année, dix heures par week-end, trois cent heures par an, cela donne une durée prévisionnelle de quarante ans. Est-ce que mes calculs sont bons? Est-ce qu'un planeur de club sort davantage?
Plutôt moins, je pense.

J'appends avec ébahissement que selon les stats, seuls cinq pour cent des pilotes de ligne font ce métier par passion.
— Mais alors, ils le font pour quoi?
— Pour le rapport salaire / temps libre.

Priez, bonnes gens, pour, lorsque vous prenez l'avion, tomber sur un pilote passionné, et si possible vélivole: il y a davantage de chances de s'en sortir en cas de pépin.

Courses à l'Intermarché du coin. Acheté une nouvelle plante verte dans un petit pot. Pas de prix à la caisse, bizarrement la caissière l'a passé en code bijouterie. (D'après internet, c'est un palmier Kentia, «endémique dans l'île Lord Howe». (Ça fait rêver.))
Nous avons également acheter une sorte d'aspirateur à main également lave-vitre. Fou rire en découvrant à la maison qu'il a été utilisé (pour une démonstration?) et remis sans vergogne en rayon. Il est tout sale. H. est furieux, mais nous n'avons pas de ticket de caisse.

Les feuilles mortes

Depuis Leningrad cowboys go America, je suis une fan de Kaurismäki. Je ne sais même plus comment je l'ai vu la première fois, je pense que c'était au cinéma en plein air de La Villette, dans les années 90-93.

Un autre film m'a marquée: La fille aux allumettes. En regardant Les feuilles mortes, j'ai eu l'impression de voir le second volet d'un dyptique, le pendant positif de La fille aux allumettes. Il y a longtemps que je sais, depuis exactement L'homme sans passé et sa pomme de terre coupée en deux, que Kaurismäki estime que l'élégance consiste à ne pas sombrer dans le mélodrame — et c'est tout ce que j'aime chez lui.

Et donc Les feuilles mortes, avec son fond de guerre d'Ukraine comme La fille aux allumettes montrait en permanence Tian'-anmen, est un contrepoint empreint de sagesse au mécanisme implacable de La fille aux allumettes, avec là encore l'art de l'attente, marqué ici par les bouteilles vides autour de la femme, là par les mégots aux pieds de l'homme. Lenteur et rythme, tenue du récit à la limite du mutisme, dialogues absurdes qui veulent tout dire: «— La fille de l'autre soir, nous sommes presque mariés. — Elle s'appelle comment? — Je ne connais pas son nom».

Certains sont surpris du succès de ce film. Mais il y a un secret: les films emplis de clins d'œil aux cinéphiles ont toujours du succès auprès des cinéphiles — et la dernière image clopinante est merveilleuse.

Avec tout cela je ne vous ai sans doute pas exactement donné envie de voir ce film, mais ce n'était pas le but: les films de Kaurismäki, je les vois pour moi-même, pour me consoler.

Remords

Hier mercredi, sms d'A-C: «[…] est ce que l'on peut échanger d'ici vendredi 😇 ..., car j'ai une visio pour une mission dans l'assurance et j'aurais besoin de me rafraîchir la mémoire !»

Je le contemple avec fatalisme: cela fait une éternité qu'elle n'a pas donné de nouvelles (après recherche dans ce blog: janvier 2024), j'étais suffisamment agacée pour ne plus envoyer de carte postale (preuve que je suis très très agacée). J'en ai finalement envoyé une de Chartres; trois semaines plus tard elle m'a remerciée en me demandant comment ça allait à…Blois (euh non, moi c'est Moret).

Bref, je réponds «oui bien sûr, ça me fait toujours plaisir de parler assurances» (ce qui est vrai), et donc ce soir, longue conversation autour de l'assurance, la famille, la santé.

Quand je l'avais vue en 2022, elle était sans arrêt au bord des larmes. J'avais attribué cela au chagrin, à la mort de sa mère deux mois plus tôt. En fait elle était déjà arrêtée («mais comme je pensais que c'était un break de deux semaines, je n'en parlais pas»). Cela a duré dix-huit mois, «je ne sais pas où passaient mes journées, je ne sais pas ce que j'ai fait tout ce temps. On me disait d'être patiente, maintenant ça va mieux, il faut que je recommence à travailler».

Je m'en veux. Je sais bien que cela n'aurait rien changé, mais j'aurais pu prendre des nouvelles comme je l'ai toujours fait, tous les six mois environ. La seule fois où je ne le fais pas correspond à une dépression de dix-huit mois.

Collage Halloween

Il y a quelques jours, Max m'a proposé une action de collage parce que c'était les vacances scolaires (et qu'il était en vacances); mais après discussion, nous nous sommes rendus compte que le seul soir possible était celui-ci.
Et donc avec Max et Medhi, et Noah, nous sommes partis sur les routes de la circo pour coller dans la brume. Il a fini par faire froid, nous avons vu une biche, nous nous sommes bien amusés.

Je ne saurai jamais ce qu'est la politique, rien d'autre que de l'amitié et la peur atroce que recommence une fois de plus tout ce qui a été atroce dans l'histoire.



Piscine

Hier soir j'ai laissé la fenêtre de la voiture entrouverte côté conducteur.

Avec tout ce qu'il a plu cette nuit, elle s'est littéralement remplie: cinq centimètres d'eau sous le siège et jusque sous les pédales. Nous avons écopé ce que nous avons pu, j'ai mis une serviette de toilette pour servir d'éponge toute la nuit.

Je ne sais pas comment cela va pouvoir sécher avec l'hiver qui vient.

Accident ferroviaire

Le train de 6h55 ne vient pas de Montereau mais de Montargis.
A l'intérieur, tous les passagers dorment, épuisés. J'entendais hier une dame discuter, ils rentrent après neuf heures du soir, ils partent de chez eux à cinq heures du matin.

Nous avons trouvé des explications sur le net: le déraillement du train de marchandise entre Nemours et Montargis a détruit cinq cent mètres de voie ferrée, il faut compter une semaine pour la remise en état (ce qui est rapide si l'on considère que nous sommes en période de vacances).
Une solution de délestage a été mise en place: une seule voie, la même voie, sert dans les deux sens, pour aller à Paris et en revenir.

Je me demande ce que transportait le train de marchandises.

Journée politique

A midi, revu RP (première fois depuis onze ans?) pour lui demander un service.
Il n'a pas changé.
Ses trois derniers livres sont juste effrayants par leur taille et leur contenu. Il faut que je tente de lire ça.

Le soir, visio-discussion sur des sujets institutionnels ou juridiques.
Je suis frappée de constater que sur le sujet de l'uniforme à l'école, les plus jeunes (entre 18 et 30 ans) n'ont pas l'air de penser à l'intégrisme religieux, mais à la discrimination sociale. L'argument se retourne: «à Fontainebleau, deux écoles privés ont des uniformes. Quand on les voit, on sait que ce sont des enfants de riches» (alors que classiquement on prône l'uniforme pour gommer les différences sociales).

Pagaille

Nous avons fini par monter dans l'avion avec un atterrisage prévu à 23h15. A mon effroi, notre voisin de siège a commenté benoîtement: «si nous arrivons après 23h30, nous serons déroutés sur Charles de Gaulle». Et moi de nous imaginer dormant à Roissy ou à Paris (car pas question de faire le trajet jusqu'à Moret pour dormir deux heures et repartir à 7 heures.
Mais tout s'est bien passé.

Nous récupérons la voiture, sortons du parking à 23h45. Il faut trouver de l'essence (nous avions voulu en prendre au départ vendredi matin mais les pompes à Moret étaient vides). Toutes les stations les plus proches ferment à minuit, une autre paraît inaccessible à cause de travaux… nous tournons un peu, trouvons de l'essence à plus de deux euros le litre, remplissons un demi-réservoir et prenons la N7 indiquée par Waze.
Las, au bout de quelques kilomètres la route que nous devons prendre est barrée, il nous faut poursuivre à l'aveugle car Waze ne réinitialise jamais ses trajets avant que la voiture soit assez loin du premier trajet qu'il avait proposé. Nous allons vers le sud, au hasard, et rentrons à une heure passée.

Le lendemain matin (donc ce matin), je sors de la maison une heure plus tard que d'habitude (j'avais décidé de ne pas me presser jusqu'à ce que je me souvienne que j'avais un rendez-vous). Il fait jour. Sur la route principale à cinquante mètres de chez moi, route qui passe sous une poterne médiévale (porte de Paris), traverse le village et ressort par une seconde poterne (porte de Bourgogne) avant de traverser le pont (qui a l'air si vieux qu'on y a tourné un épisode de The Walking Dead) est arrêté un semi-remorque, désemparé. Il ne peut pas s'engager sous la poterne, il ne peut pas aller vers le Loing car les routes sont minuscules, il ne peut pas prendre ma rue (du moins j'espère pour lui qu'il ne la prendra pas) car il ne pourra pas tourner sous le pont ferroviaire au bout. Peut-il prendre la rue des fossés? Peut-être, si aucun bus n'arrive en face… Je m'enfuis littéralement pour ne pas voir la suite, c'est un cauchemar. Sera-t-il encore là ce soir?
(La raison de ce bordel est la fermeture pour un mois du viaduc sur la RD206. Je ne sais pas qui a organisé cela, ni comment, mais il faut dérouter les camions beaucoup plus tôt, lors des (multiples) ronds-points précédents sur la voie rapide. Une fois engagé dans Moret, il n'y a plus de solution.

Rajoutons une couche à tout cela: hier à l'aéroport de Venise, H. a consulté le compte Twitter de la ligne R: déraillement d'un train de marchandise entre Nemours et Montargis vendredi dernier, plus de train pour Montargis pendant dix jours (soit la moitié de ceux qui passent à Moret), un trafic grandement désorganisé. (J'ai engueulé H.: les mauvaises nouvelles pouvaient attendre aujourd'hui).

J'écris tout cela dans le train que j'ai réussi à avoir.

Salutations à Brodsky

Levés tard, trop tard pour faire tout ce qu'il reste à faire : courir jusqu'au bout de la ville, aller voir l'imprimeur, revoir le Carpaccio…

Eglise jésuite.

San Michele. Stravinsky, Diaghilev, Pound, Brodsky. Brodsky a changé.

Déjeuner au restaurant près de la fac ou cité universitaire. Le décor du restaurant est raccord avec l'église proche. Enorme assiette de fruits de mer frits.

Les deux bandes blanches sur les murs.

Errance : je voulais revoir Carpaccio mais mes compagnons ne sont pas motivés. La fondation Olivetti est fermée. Nous allons prendre un café au «Café» Campo Santo Stefano. Il fait doux au soleil.

Marie doit partir pour un rendez-vous. Nous rentrons chercher nos valises, dire au revoir à Jules. Fondamenta Nove, achat de billets (inutiles puisque nous avion pris un aller-retour — mais nous l'avions oublié).
Nous ne pouvons pas monter dans le premier vaporetto pour l'aéroport — il est plein. Deuxième vaporetto, nous passons les différents contrôles.

J'écris à une table dans l'aéroport. Nous avions une heure et demie d'avance (19h), l'avion a une heure de retard (21h40).
L'aéroport propose du wifi. Beaucoup de temps pour bloguer.
Je vais être fatiguée demain.

Laura de Santillana à l'Accademia

Chaque jour nous nous levons plus tard. L'eau a descendu.
Exposition Laura de Santillana qui était notre prétexte / notre objectif pour venir ici.
Sandwich assis sur les bords d'une place. Le problème des goélands. Peu de bancs à Venise.
Pont éphémère devant Maria della Salute. Marathon. Glace chez Nico. Anish Kapoor.
Nous rentrons par les petites rues. Parfumeur de Marie. Opticien aux montures extravagantes.
Basilique Saint Marc protégée des acqua alta. Visiteurs les pieds dans l'eau pour entrer dans l'église.

Retour. J'écris des cartes postales. Rougets au grill. Nous ressortons prendre un verre dans le Canarregio. Petites rues la nuit.

Fortuny

Petit déjeuner 8h30.

Marché aux poissons. Spritz au Chat noir. Sieste. Acqua alta au réveil (même si c'était prévu: téléchargez l'application hi!tide Venice). Musée Fortuny. Place Saint Marc partiellement sous l'eau. Bellini près le la place Santa Margherita (la librairie a été divisée en deux; la librairie française n'existe plus depuis 2017). Locanda Montin. Retour en évitant les rues inondées.

Fondation Querini Stampalia

Marie rencontrée à Cerisy a organisé une exposition sur Laura de Santillano à l'Accademia de Venise (du fait de son âge et statut de doctorante, elle n'est qu'assistante sur le programme, elle en éprouve quelque amertume). Nous avons donc décidé d'y aller avant que l'événement ne se termine. Elle nous a gentiment invités chez elle.

Levés 3h20, départ de la maison 4h, arrivés Orly 5h, attente deux heures. Je dors en vrac sur un siège.

Arrivée Fondamenta Nove, Marie nous attend. Son appartement est une surprise, haut de plafond, vastes pièces, terrazzo traditionnel. (Je m'attendais à dormir sur un sofa défoncé dans un appartement étudiant). Son ami Jules est un vrai Vénitien, de trois générations au moins et l'appartement est à son père.

Passage derrière l'Arsenal. Fondation Querini Stampalia. Sieste. Spritz au comptoir. Risotto artichaut.

N'attendez pas trop de la fin du monde

Whaouhh. Je ne sais que dire d'autre.

Je voulais voir ce film à cause de Peu m'importe si l'Histoire nous considère comme des barbares. Il y a toujours le même sens caustique, mais en beaucoup moins rythmé. Vers la fin, avec les croix des morts le long de la route meurtrière et le tournage du film publicitaire, la pellicule devient quasi immobile, et ce n'est que dans la variation que se dessine peu à peu ce qui se passera après la fin du film — si on est pessimiste, mais nos expériences nous ont appris l'inéluctable qui suit la situation filmée ici.

La vie moderne: des heures dans la voiture, la vitesse, la fatigue, le smartphone et Tik-Tok, la guerre en Ukraine («ne parlez pas de la Russie»), l'homme venu témoigner réduit peu à peu au silence…
Le collage: l'inscrustation d'un film préexistant comme une préquel au film actuel.
Des citations et des références en pagaille, Charlie, Les deux corps du roi, Goethe, Godard il me semble…

— Pensez-vous que ce que dit Goethe dans Wahrheit and Dichtung soit vrai? Que ce dont on a rêvé dans son enfance nous est donné en abondance dans la vieillesse?
Et depuis je me demande ce dont je rêvais dans mon enfance. Des chevaux et des livres, je crois. Je rêvais d'une bibliothèque qui contenait tous les livres avec toutes les réponses.

Ce n'est pas un très bon film, mais c'est film à avoir vu, pour savoir ce qu'on en pense (n'attendez pas trop de N'attendez pas trop de la fin du monde). C'est aussi un film épuré en voie de stylisation: j'espère que Radu Jude va abandonner cette voie car cela risque de devenir très pénible.


J'arrive gare de Lyon à 22h46. Bus à 23h16. Une heure et demie pour rentrer. Je blogue dans le bus, c'est beau la technologie.
C'est plus organisé qu'il y a six mois: un certain nombre de cars directs pour Melun, des cars pour des destinations plus lointaines dans lesquels on décourage les Melunois de monter pour laisser de la place aux autres.
Nouveauté dans mon car: plus d'arrêt à Bois-le-Roi (sont-ils tous supposés avoir quelqu'un qui vient les chercher à Melun?), terminus à Moret (comment va-t-on à Montereau?).
A Moret, j'accompagne un jeune homme sur le quai et lui indique comment couper dans la nuit noire vers St-Mammès. Pourvu qu'il ne se perde pas, il va me maudire (il fait vraiment noir).

Conseil municipal

Remontée à bloc après le week-end dernier, j'assiste ce soir à mon premier conseil municipal à Moret (j'avais dû assister à un ou deux à Yerres). J'ai eu un mal de chien à en trouver la date, dissimulée quelque part sur la page FB de la ville.

C'est plutôt intéressant, aux sigles près que je ne comprends pas, et aux lieux que je ne connais pas. L'amusant, c'est que les votes ont lieu sur des petites sommes (deux ou trois mille euros) tandis que des sommes énormes pour la ville (plus de cinq cent mille euros) sont citées en passant.
Malgré tout c'est long: je tombe de sommeil; vers la fin je m'endors sur ma chaise.

Quand la séance est levée, je vais me renseigner: les dernières sommes concernent des décisions déjà votées, ce n'est que du suivi de dossiers pour information.


Aux prochaines municipales, on risque de voir ressurgir le maire précédent, un dinosaure dont plus personne ne veut — et moi non plus. Or par le jeu des couleurs politiques, je risque de me voir embarquée sur sa liste: pas question.
J'aime bien le maire actuel. Je préfèrerai.

Shit happens

Je suis restée en télétravail car un couvreur devait passer. En son honneur, j'ai commencé à ranger et passer la serpilière au dernier étage, bien poussiéreux.

Le couvreur n'est pas venu (mais le secrétariat a prévenu). En vidant le seau, j'ai fait tomber une éponge dans les WC qui, emportée par la force de l'eau que j'étais en train de déverser, a aussitôt disparu.
Il y a donc une éponge dans les canalisations. Quel diamètre font celles-ci? Bouchon ou pas bouchon? Suspens.
A suivre.

Topographie

Pour mémoire : j'ai acheté des chaussures blanches à la Madeleine. Je n'ai pas l'habitude d'utiliser la ligne 6 (je suis plutôt ligne 1): elle est vraiment pratique pour attraper la 4 et la 14.

Le ciel se charge

Toutes les allocutions du week-end ont commencé par évoquer l'attaque terroriste en Israël (dont je n'avais aucune connaissance, ne suivant pas l'information en ce moment festif), la dénoncer et affirmer notre soutien à Israël.

Il a fallu quelques heures pour que je comprenne que c'était une sorte de Bataclan puissance dix, à ciel ouvert. Rentrée à la maison, j'ai trouvé H. rivé sur Twitter, à regarder les vidéos («mais pourquoi tu regardes ça? Il ne faut pas faire de vues à ces ordures»). Il est effondré. Je me rends compte qu'il a beaucoup moins lu que moi, qu'il a beaucoup moins conscience de l'horreur. Derniers Témoins, par exemple, sans parler de Hilberg ou du Livre noir de Grossman et Ehrenbourg. Ça donne une idée du possible — ou de l'indicible. J'essaie de ne pas trop penser.

Ukraine, tremblement de terre au Maroc en septembre, Haut Karabakh la semaine dernière, tremblement de terre en Afghanistan samedi et Israël. Comment faire face, comment aider tout le monde?
Je contemple sur FB un appel à dons pour le Maroc, et je sais que ça va être difficile.


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Quel est le pays dont le président est juif, le ministre de la défense musulman, qui se bat pour protéger sa population en majorité chrétienne?










L'Ukraine.

Nouvelle

En 2024, la coupe de France de vol à voile (ie planeur) se tiendra à Moret.

Pourvu qu'il fasse beau. (J'espère que ce ne sera pas en même temps que les JO. Ou cela n'a-t-il pas d'importance?)

Méthode

— Vous prenez tout pour un compliment.
— Ma chère, c'est une habitude qui permet de sortir de bien des situations difficiles.

Isabelle Crawley à Violet Crawley, Dowton Abbey S4

Fièvre

Arrivée à 7h30 au bureau pour donner le coup d'envoi à une formation qui commence à 8 heures.
J'ai oublié mon téléphone, je n'ai pas de quoi payer, je passe la journée sans manger.
J'ai un bon rhume. Réunion le matin, réunion l'après-midi. Je me sens de plus en plus mal, je mets un masque l'après-midi. 38°2 le soir, après un doliprane dans l'après-midi.
Test par acquis de conscience: H. est malade depuis dix jours mais n'est pas positif, donc ça devrait aller.

Patatras.
Positif sans hésitation en trois secondes.
J'espère que je n'ai contaminé personne.

Apprentissage précoce

— Ce que je voudrais, c'est qu'elle sache que la famille peut être un lieu d'amour. L'amour, c'est comme monter à cheval ou parler chinois: si on ne l'apprend pas jeune, adulte, il est plus difficile d'y arriver.

Shrimpie Flintshire, Downton Abbey, S3E10

Tits up

— Ne soyez pas défaitiste, ma chère, ça fait très classe moyenne.

La comtesse douairière, Downton Abbey, S2E8

Une femme sur le toit

En avant-première au festival du cinéma polonais.

Jamais vu un parti pris de monochrome poursuivi avec autant d'obstination, un camaïeu bleu, vert d'eau, gris, magnifique, lumineux. Les seules couleurs vives (je spoile (je dévoile, dirait la traductrice du polonais au français lors de la présentation) (ça n'a aucune importance)) sont la boucle d'oreille de la psy et un coquelicot.
C'est somptueux, les yeux n'en finissent pas de se reposer dans la couleur. Mon reproche serait le nombre de gros plans, qui ne permettent pas de se rassasier de la vue.

Côté diégèse (comme dirait Truc), ce serait un possible préquel (comme disent mes enfants) de La vieille dame indigne.

Tombée du ciel

Ce week-end, chez des amis, une collaboratrice est passée à travers le plancher du grenier.
Un bras cassé, des contusions, (pas de radio des côtes, bizarre), six semaines d'arrêt maladie.

Journée du patrimoine

Matin visite du palais de Justice, après-midi visite de la préfecture. Deux belles visites, bien préparées, avec l'objectif pédagogique de nous informer sur le fonctionnement de la justice ou le rôle du préfet.

Le président du greffe est passionné par les archives et paraît avoir des projets d'études: prouver que le procès de la bande d'Orgères est le plus grand procès criminel de France (quatre-vingt accusés), retrouver toutes les lettres qui expliquent, depuis 1800 environ, que le bâtiment actuel est inadapté, pour les mêmes raisons alors qu'aujourd'hui (froid, dimension, sonorisation, etc). Plusieurs projets, éternellement, sont à l'étude pour le remplacer.

Ce qui me frappe surtout concernant l'hôtel de Ligneris, c'est la présence obsessionnelle de Jean Moulin, dans toutes les pièces. J'apprends qu'il a commencé à résister avant même la Résistance, dès le 17 juin 1940, en refusant de signer une lettre accusant à tort les tirailleurs sénégalais de crimes de guerre. Je me rends compte que je le confondais sa mort avec le suicide de Brossolette: Jean Moulin, lui, est mort dans le train qui l'emportait en déportation.
Dans une lettre il dit qu'«il ne pensait pas si simple de faire son devoir», ce qui me rappelle la remarque de Marc Bloch disant que les soldats les plus tranquillement courageux étaient les travailleurs qui avaient l'habitude d'accomplir leurs tâches quotidiennes, avec le souci du travail bien fait.

hôtel de Ligneris - préfecture de Chartres


Passage dans la cathédrale. La dernière fois que j'avais vu l'intérieur, il n'y avait que quelques pans du choeur qui étaient restaurés. Aujourd'hui toute la nef est éclaircie ainsi que le trancept sud. Le chœur, restauré dans les couleurs du XVIIIe siècle, est magnifique. Nous passons un long moment à observer les niches du tour de chœur dont le nettoyage permet d'apprécier l'expressivité.

Déjeuner au Petit Prince; goûter au Molière dont la légende veut que le propriétaire aurait servi de modèle à l'Avare, écriture de cartes postales à deux, trois, quatre ou cinq mains; dîner chez nos hôtes, avec une lecture inattendue de la vie d'Ophélie Winter.

Départ pour Chartres

Journée concentrée sur les urgences d'avant-hier, puis départ pour Chartres.

Toast en terrasse à l'amitié.

La bibliothèque des amis est toujours un réconfort, source de curiosité confiante.



Au cours du dîner j'apprends qu'avant de se lancer dans Saint-Simon (ou en parallèle), il est utile de lire Saint-Simon ou le système de la Cour d'Emmanuel Le Roy Ladurie.

Prometteur

Premier cours de grec de l'année.
Renouvellement : des élèves fidèles ne sont pas revenus (ce qui est toujours inquiétant les concernant); mais surtout, des nouveaux sont là, des jeunes, des étudiants, qui étudient quatre à cinq langues bibliques, et une sœur passionnée par le codex de Bèze.
Je sens que l'année va être captivante.


Avant le cours de grec, je suis passée à la librairie polonaise. Quelques couples attendaient sur le trottoir que commence la rencontre avec Agata Tuszyńska à propos de sa biographie de Romain Gary, Le Jongleur.

Achat:
- Oswalds Zebris, A l'ombre de la Butte-aux-Coqs
- Janis Jonevs, Métal
- Jaan Kross, Le vol immobile

Pas grand chose

Journée de télétravail. Pas grand chose à dire. H. est aller chez le dentiste, finalement il n'y aura pas eu d'alerte pendant les vacances (ouf).
Le salon de thé version "brunch" (c'est ainsi que s'appelle ce genre d'endroits quand on cherche sur le net) à côté de chez nous a rouvert (fermé pendant les vacances dans un endroit touristique, chercher l'erreur). J'ai bien peur que la qualité soit en baisse (vulgaire laitue quand nous avions des tranches de crudités amusantes, pain ("bun") non toasté). Après La dame blanche qui se laisse couler par manque de motivation, cela rétrécit tristement l'offre.

Je me suis attaqué au rangement des valises. (Ben oui, ça fait dix jours qu'on est rentré).

Huile de lin

Quand nous avons emménagé, l'ancien propriétaire nous avait laissé un pot entamé d'huile de lin dont il se servait pour entretenir la terrasse.
Fidèlement, nous utilisons la même marque. Comme nous ne savons pas où la trouver, nous la commandons en ligne.

Hier, coup de fil de la poste: «suite à une manipulation inappropriée, nous ne pourrons pas vous livrer votre colis».
En clair, ils ont balancé le paquet avec suffisamment de violence pour que le bidon d'huile de lin s'ouvre ou crève (qui a peiné à ouvrir ce genre de bidon avec un tournevis comprend ce que je veux dire).

Nous n'aurons pas notre bidon. Je plains surtout ceux dont le paquet était sous le nôtre: les livres, les cadeaux de naissance, etc. J'en suis embarrassée.

Reliure

Récupéré des Langelot et la thèse de Clémence Ramnoux.
Laissé Antoine Meillet Aperçu de la langue grecque et d'autres Langelot. Il en reste six à relier.
Un verre de vin blanc en terrasse.

Je rentre. H. a dîné de son côté. Début de la coupe du monde de rugby (j'aime bien les événements sportifs, le pays s'arrête et on est tranquille).

Les miracles du XXIe siècle

Je nomme et classe mes photos. Grâce aux coordonnées GPS des photos, j'essaie de retrouver les noms de lieux qui me manquent (le nom d'une place, d'une pâtisserie, etc). J'utilise traduction pour comprendre les plaques que j'ai photographiées justement pour cela. Puis je vérifie dans Wikipedia et ailleurs ce que je trouve.

It is royal fun.

Plaque dans les rues de Vilnius :

Zawadzky plaque dans Vilnius


Traduction du lituanien au français par google translation (avec une transcription lituanienne aléatoire, évidemment : modifier une lettre peut modifier le sens significativement, c'est impressionnant).

Zawadzky traduction d'une plaque dans Vilnius


Traduction du polonais au français

Zawadzky traduction d'une plaque dans Vilnius


Evidemment, ça prend beaucoup de temps.

Pays baltes

- Les pays baltes aiment le thé et le font bien — en théière, ils ne sont pas mesquins.
- Les plantes aiment le froid. Jamais vu d'aussi beaux parcs ou plantes en pot qu'en Pologne, Lituanie ou Lettonie. En Estonie cela devient plus compliqué, sans doute parce que le froid doit être plus vif et les nuits plus longues.
- On ne connaît personne (sur les murs, sur les noms de plaques), on ne reconnaît aucun mot et on ne sait rien prononcer.
- Les centre villes sont piétons. (J'ai désormais un plan à proposer à Hidalgo: rouvrir les quais de Seine et fermer le Sébastopol. Toutes cette zone doit devenir piétonne.) Les Baltes aiment les pavés sauvages, ronds (baltes) ou rectangulaires (suédois), ce n'est qu'à contre-cœur qu'ils les recouvrent à l'occasion de pavés autobloquants.


pavés de Vilnius pavés de Vilnius pavés de Vilnius pavés de Vilnius pavés de Vilnius
pavés de Vilnius pavés de Vilnius pavés de Vilnius pavés de Vilnius pavés de Vilnius


- Ils détestent les Soviétiques mais leur population est composée pour moitié de Russes (déportés, importés, volontaires?) sans qu'ils soient bien clair pour l'étranger si l'on est en train de parler de langue (locuteurs russes de nationalité balte) ou de nationalité.

En cherchant autre chose je suis tombée sur des rapports du Sénat. Tous les dix ans le Sénat s'intéresse aux pays baltes.
- Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 22 - 1er octobre 1998: La Lituanie : pays entre deux mondes
- Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 88 - 18 décembre 2009 : Courageuse Lettonie
- Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 152 - 20 juillet 2018 : Estonie, Lettonie, Lituanie : 1918-2018

Dans la bibliothèque européenne en téléchargement gratuit se trouve à ce jour 62 livres en français, dont Un peuple sort de prison, de Vytautas Landsbergis.

La mort de Staline

Après l'écoute des podcasts sur Agatha Christie, j'ai pris le premier tome des quinze volumes des œuvres complètes aux éditions Rombaldi (complètes à la date de 1966). Curieusement il commence par Le train de 16h50, je me demande bien pourquoi.
Je pensais trouver un ou deux sites de passionnés sur la romancière, mais rien. Le plus intéressant de mon point de vue (qui consiste en une lecture de la société et de son évolution à travers la toile de fond du roman policier) se trouve ici. Une liste vraiment complète des œuvres se trouve ici, mais exige de connaître la traduction des titres en français (4.50 from Paddington).

J'ai donc lu un livre en une matinée (toujours je le note car c'est devenu si rare, à la fois de prendre le temps de lire d'une traite et d'avoir un livre qui se lit d'une traite).

Après-midi sans événement notable. Je n'ai toujours pas fini de traiter la terrasse: si je le fais le matin le bois est humide, si je le fais l'après-midi, je nous interdis de dîner dehors car l'odeur est forte. Néanmoins, comme il faut que ce soit fait avant l'automne, nous avons déplacé le parasol (très lourd avec les pots de fraisiers).
Le rosier s'est requinqué en notre absence, il faut croire que la voisine a la main plus verte que nous.

Nous avons espéré dîner au bord du Loing, mais terrasse fermée le dimanche soir. Un pot sur la place du village (orchestre, mais surtout école de danse de salon, ce qui fait qu'il y a toujours des couples en piste, et qu'ils savent danser la salsa ou le tango, ce qui est agréable à voir).

Regardé La mort de Staline sur Arte. En revenant tout juste des pays baltes c'est quasi insupportable. Une folie absurde qui serait effectivement amusante (ainsi que le traite le film) si cela ne conduisait pas à la mort de façon à la fois erratique et inexorable.

Insomnies

Neuf jours sans écrire.
C'est compliqué. Le soir je tombe de sommeil; dans la journée, je ne peux écrire que dans la voiture, ce qui implique 1/ que nous fassions de la voiture 2/ que je ne sois pas en train de conduire.
Il y a aussi le classement des photos et leur renommage, l'écriture de cartes postales ou leur confection via l'appli Popcarte (je fais des tests d'acceptation par mes correspondants), les réponses à la famille inquiète («vous voyez beaucoup de militaires?»), les visios (hélas oui) de préparation de la rentrée et les interactions diverses (une salariée a attrapé le palu, c'est exotique): le quotidien ne vous abandonne plus si facilement.

Insomnies : je vais aller tenter de mettre quelques points en ligne, avec cet espoir toujours illusoire, toujours déçu, de compléter plus tard, au moins par des photos.

Vilnius I

Visite guidée de la ville avec une guide qui a du peps. Historienne, donc que des faits vérifiés, mais présentés comme des anecdotes pour la plupart. Le squat d'Užupis devenu l'un des quartiers les plus chers de la ville. Le dieu de la bière. Baptême des Lituaniens. Les soldats de Napoléon. La rue de la littérature.

SMS de mes parents, coups de fils de ceux d'H : coup de chaud pour nous. Ils s'inquiètent simplement de ne pas avoir de nouvelles depuis trois jours. Je comprends soudain que notre excursion à Nida près de la frontière russe les a inquiétés davantage qu'ils l'ont avoués.

Un tour à trois heures sur les traces de la Vilnius soviétique, mais nous nous sentons trop fatigués (je le retterai plus tard, comme toujours).

café Strange Love.

Tour de l'université. Nous comparons ce que nous avons compris du matin, parfois ça diverge. Pendule de Foucault. Mickiewicz everywhere.

Retour rue de la Littérature, à la recherche de la pâtisserie qui sentait si bon ce matin.

Nous cherchons deux restaurants recommandés par l'hôtelier. Comme toujours, c'est le genre d'objectifs qui est surtout un prétexte pour se promener dans la ville. Fontaine. Premier restaurant fermé le lundi. Façon d'indiquer les jours. Deuxième restaurant mystérieux. Jamais réussi à y entrer. Mais sérendipité, plaque Brodsky sur la façade. Street Art Alice.

Place mystérieuse. déchiffrage difficile de la plaque: Moišė Karpinovičius, (père d'Abraham Karpinovicius). .

Guinness au gringo. Le Nude hamburger, idée de génie. Netflix en gros sur la télécommande de l'hôtel. Bullet train qu'Hervé n'a jamais vu.

De Klaipeda à Vilnius par Kaunas

Départ de Klaipeda. Je photographie une statue de motard et trouve plus tard sur Google de qui il s'agit .
Route transversale sans histoire. Kaunas. Niémen (comme Normandie-Niemen: j'ai atteint le Niémen!
Repas puéril (food confort) et cocktail au gin.
Rue natale de Levinas. Désincarnée (lessivée, blanchie, immeubles de bureau et colonnades). A l'angle, une terrasse de bar, un grand écran, match de baskett.
Musée du diable. Hélas fermé. Nous laisse du temps pour trouver un diable à y ramener (la tradition veut qu'on y ramène un diable).
Chaleur. Fontaines, bassins, brumisateur. H. fait l'andouille.
Vilnius. The Joseph. Chambre pas prête => un tour dans la ville.
Retour.
Très jolie déco (je l'ai choisi pour cela), tout neuf, un peu étrange, dernier étage sans ascenceur, le proprio veut savoir ce que nous prenons au petit déjeuner et à quelle heure car nous l'apportera dans la chambre (? what??)
Il est tard désormais. Nous échouons dans un restaurant "typique" où nous mangeons lourdement. Au lit, demain nous avons rendez-vous à onze heures.

De Jevalga à Klaipeda par Nida

Huit Polonais au petit déjeuner (six enfants dont cinq en survêtement aux couleurs de la Pologne)
Départ. Il pleut mais nous sommes à peu près seuls: bouchons évités et route carossable. Campagne. Des cigognes ou des grues.
Suite du podcast sur les réfugiés. Maintenant Didier Fassin. Lassant.
Arrêt à Liepāja. Marché. Salon de thé.
Podcast Agatha Christie.
Klaipeda en Lituanie. Ancien Memel. Déjeuner. Puis bac, puis péage sur la presqu'île. Nida, à quelques kilomètres de la Russie. Des touristes russes (mais pourquoi? pas d'euros, dans l'incapacité de faire quoi que ce soit).
Maison de Thomas Mann. Heinrich Mann et l'ange bleu.
Café, dune, retour à Klaipeda. Agatha Christie préparatrice en pharmacie.
Hôtel Eurtorpe, très calme; dîner dans un pub. Veau Orloff. Un très bon thé. Rue Kurpiu. 1, Klaipėda

De Tallinn à Jegalva en passant par Urvaste

Les journées de transit sont toujours difficiles.

Les barres soviétiques à Väike-Õismäe. Pas si mal voire bien.
Autoroute pour Urvaste. Il fait bon. H. conduit. Je fais des cartes Popcartes. C'est long (de faire une popcarte).
Saverna buffik sur la route. Inattendu et d'autant plus inattendu qu'on va y entendre successivement à la radio L'été indien de Dassin et Evidemment de France Gall en estonien (du moins je suppose).
Chêne de Tamme-Lauri. Plus vieux chêne d'Europe. H. pas enthousiaste.
Je prends le volant. Podcast sur les migrants. François Héran. Des statistiques qui me font rire.
H. de mauvaise humeur. Il roule trop vite décapoté, ça fait du vent et du bruit, ça le fatigue et il devient de mauvaise humeur. C'est moi que ça fatigue.
Je décide de nous arrêter à Jegalva. Bouchons dans le sud de Riga. Routes mauvaises et Lettoniens chauffards.
— Mets ton clignotant. Ils le voient bien, que tu n'es pas d'ici. Ils vont te laisser passer.
Jegalva. Hôtel amusant, entre années 50 et 70, avec un côté Shining. Pour une fois la serveuse ne connaît pas l'anglais.

Quelques jours plus tard, j'apprendrai que c'est ici (et non sur la presqu'île de Courlande comme je le pensais) qu'a résidé Louis XVIII pendant son exil. Zut, on aurait au moins pu passer devant son château).

Tallinn 2

Epuisés hier + mariage => réveil tard. Je demande un massage comme le propose l'hôtel => attente vaine toute la matinée à l'hôtel. Tant mieux : repos. J'avance dans ma lecture des Âmes baltes (dilemme: lire ou écrire ou classer des photos?)
La citation de Brokken sur la langue que font apprendre les parents estoniens.
Varblane Terrace. Les Estoniens ont le sens du thé.
Les choeurs sur la place. Fête nationale ukrainienne.
Musée des marionnettes, Nukk museum.
Tour guidé. Guide étudiant russe. Histoire du type qui ne voulait pas vendre son terrain au cœur de la ville. Les deux villes, la ville haute et la ville basse, qui se détestaient. C'est aussi le cas aujourd'hui entre le maire et ?? le premier ministre?
Le soir, repas sur la tour de la télé. Décor de science-fiction. Serveur grec à Tallin par amour. Science-fiction bis.

Tallinn 1

Résumé de la journée: des kilomètres à la recherche d'une laverie automatique.

Réveil en fanfare. Lol.
De beaux hommes. Estonie terre des beaux hommes.
Longue errance en fonction des adresses Google. Pressing chic puis laverie industrielle. Quartiers non touristiques. Maisons des "vrais gens", sans doute upper-middle-class puisque pas appartements.
Restaurant salon de thé sans doute de quartier (nom à retrouver). Site likealocalguide.
Il fait frais. Canicule en France.
H. trouve un lavomatic à Tallinn (adresse précieuse: SOL Laundromat Wash SelfService, Maakri 23). Trois heures de libre, les employées (lavandières?) s'occupent de tout.
KUMU, le musée d'art moderne. Autre trajet dans la ville, quartier chic.
Un long moment au musée. Noms inconnus. Il faudrait tout lire pour savoir qui travaillait sur place, qui travaillait en exil.
Découverte du concept de hippies soviétiques (??!!!)
Retour au lavomatic. Loin. Epuisés, mal aux pieds, mal partout.
Café Paris, les touristes mangent n'importe quand. (quelques lignes à écrire sur le pourquoi). Nous reprenons des forces. J'étudie likealocalguide.
Repas léger et heureux au caniche noir, à côté de l'institut français. Très beau glaçon.

Nous rentrons épuisés. La règle du remplissage des chambres d'hôtel.
Il y a un mariage à l'hôtel.

Estonie

Journée de transit entre Riga et Tallin. Des camions, mais raisonnables. Belle route.
H. s'est piqué ce matin pour recaler progressivement sa piqûre au lundi soir. Nausées.
Les pieds dans la Baltique.
Arrêt au hasard dans un restaurant au bord de la route juste avant l'Estonie. Très bon moment. Jeune serveuse incrédule et ahurie devant nos cartes postales.
Hôtel Von Stackelberg à Tallin. Ancienne demeure d'un baron balte. Je découvrirai plus tard en avançant dans ma lecture des Âmes baltes que Jan Brokken y a séjourné en 2010. La peinture était encore fraîche.
Langue du groupe finno-ougarien. Impossible désormais de rien deviner. Tout est différent. Même le stop devient «stopp».
Sortie dans Tallin pour dîner. Parlement. Cathédrale russe. Les trois statues de moines, Nazgul, Dementors.
Le serveur apprend le français: la troisième langue obligatoire est soit le français, soit l'allemand. Son anglais est infinement naturel.

Riga I

J'ai dormi d'un seul trait, je suis en trains de rêver de ma prof de grec (je suis accusée d'avoir séché des cours) quand je me réveille. H. dort encore, il m'expliquera qu'il s'est endormi très tard, le pub d'à côté ayant fermé vers deux heures du matin. Vu la chaleur lourde, impossible de fermer les fenêtres.

Petit déjeuner (avec toujours ce choix international qui ne permet pas de savoir ce que mange un autochtone au petit déjeuner), je découvre une merveilleuse petite patisserie, un feuilleté léger avec très peu de confiture au fond et des noix grillés concassées dessus.
Pause dans la cour de l'hôtel. Je plaide pour que nous demandions une chambre côté cour et que nous restions ici deux jours pour reposer notre dos de la voiture — et parce que cela paraît bête de ne pas en profiter maintenant que nous sommes là. Nous étendons la carte des pays baltes, je liste à grands traits notre nombre de jours disponibles, nous remontons le temps à partir de Châlons: passer à Berlin, Sans-souci pas le temps une autre fois, la tannière du loup en Pologne, Vilnius, Nida, la chêne de Tamme-Lauri.

— Tu veux vraiment passer à Nida?
— Oui, je veux voir la maison de Thomas Mann. Et puis ça nous fait un but.
— On aurait dû le faire en montant, ça fait un sacré détour.
— C'est l'inconvénient de ne pas préparer son voyage. Tant pis, au pire on dormira une nuit sur la presqu'île.
— A quelques kilomètres des Russes? Tu es folle, pas question.
— Euh… tu es sérieux?
— Oui. Tu as vu ce qui s'est passé avec la Pologne il y a quelques mois?

Je n'argumente pas, on verra bien. Nous réservons deux nuits de plus, déplaçons nos bagages et sortons trouver un parking à la voiture: Europark à deux rues d'ici, pas de barrière, pas de ticket, on gare la voiture, on charge l'appli, on enregistre sa plaque et sa carte bleue, et voilà.
— La confiance règne.
— Si on veut. Si tu ne viens pas chercher ta voiture, ils te débitent et c'est tout.

Est-ce le Covid ou le fait d'être européen (union-européen) depuis trente ans seulement? Les paiements électroniques sont très développés, nous sommes loin des galères en Italie en 2011 ou en Autriche en 2017, où nous étions régulièrement obligés de partir à la recherche d'un distributeur de billets car seul le cash était accepté. Ici les distributeurs donnent des coupures de dix euros, il est clair qu'au-dessus, personne ne s'attend à un paiement en liquide.

Nous nous dirigeons vers le centre. Eglise orthodoxe, tout est écrit en cyrillique, statue de Barclay de Tolli, le promoteur de la terre brûlée. Nous coupons à travers un parc magnifiquement fleuri pour aller visiter le musée consacré à Krišjānis Barons, le père des Dainas, que Vaira Vīķe-Freiberga, future présidente lettonne, a fait connaître en exil au Canada, puis dans le monde entier.
Hélas c'est exceptionnellement fermé, jusqu'au 23 croyons-nous comprendre, peut-être une histoire de gaz, il y a des travaux de l'autre côté de la rue. Tout cela n'est que supposition car rien n'est en anglais; apparemment les touristes ne sont pas censés s'intéresser à cela.

Traversée du jardin, passage devant l'opéra, place de la liberté, déjeuner à un angle, sur ce que je comprends être l'ancienne poste. La jeune serveuse a le visage fermée jusqu'au moment où elle comprend que nous sommes français: «j'apprends le français» murmure-t-elle en rosissant. Une fois de plus je me dis qu'il faut absolumment que j'emmène un stock de cartes postales de Paris et Moret quand nous nous déplaçons à l'étranger.
Très bon repas, simple et bien fait. Il y a toujours de l'attente, tout est préparé au fur à mesure.

Mon second souhait était le musée d'art nouveau rue Albert mais apparemment il était trop loin vu l'heure: H. a préféré le musée de l'occupation soviétique. Le parvis est occupé par une exposition d'oeuvres consacrées à la famine des années 32 et 33 provoquée en Ukraine par Staline. J'en ai photographié deux, qui datent de 1986 et 2007, soit bien avant la ou les guerres.

Yevhen Lunyov, Staline and the bones of ukraine, 1986 Valeriy Viter, Ukraine 1932, 2007


En résumé, la Lettonie a été indépendante pour la première fois en 1918. Lors du pacte germano-soviétique en 1939, elle a été attribuée aux Soviétiques. Le 14 juin 1941, juste avant l'invasion allemande, les Soviétiques déportent trente à quarante milles Lettons (sauvant paradoxalement les juifs). Occupation allemande, puis retour des Soviétiques en 1945.
Le musée raconte la résistance et la façon dont elle est brisée: par la déportation des Lettons (on déporte les paysans qui nourrissent les résistants dans les forêts) et l'importation de population "russe" (je mets des guillemets car je suppose qu'il s'agit de diverses ethnies de l'empire soviétique — hypothèse à vérifier), ce qui fait qu'au moment de la proclamation de l'indépendance (mai 1990), la moitié de la population est russophone — aujourd'hui «citoyens de seconde zone" à ce que je comprends.

J'ai photographié la chaîne de Vilnius à Tallinn le 23 août 1989. Riga était au centre.

23 août 1989, chaîne humaine aux pays baltes - musée de l'occupation soviétique, Riga


Tout est traduit en anglais dans le musée, mais beaucoup d'interrogations demeurent: qui sont ces familles photographiées? Sont-ce des notables, des familles politiquement connues, ou simplement les photos dont on disposer? Le plus terrible, ce sont ces petits garçons de dix ans dont la mort (à vingt-deux ou vingt-trois ans) intervient invariablement en 1941 tandis que les filles survivent jusqu'en 1980 ou 1990.
Description de l'occupation, description de la résistance, description de la déportation, description de la vie au goulag, témoignagnes filmés des Lettons rentrés de déportation. Cartes postales des enfants envoyés à leur famille, aux dessins réalistes.

Ici il y a des drapeaux ukrainiens partout.

Nous rentrons, pensifs. Le soir nous allons dîner dans une cafétéria de quartier à deux pas de l'hôtel, en face d'un théâtre. Je ne sais pas trop ce que j'ai mangé, un genre de cordon bleu à la tomate, mais pas gras. La soupe, un bortsch chambré, était excellente.

Lituanie, Lettonie

Petit déjeuner somptueux — le plus beau que j'ai jamais vu, reprenant les goûts anglais, américains, suisses, français, grecs, sans compter ceux que je n'ai pas reconnus.

Départ.
Nous n'avons pas l'habitude du monde. Nous voyageons peu, le plus souvent à des dates décalées sur des routes départementales. Les autoroutes de France sont-elles aussi chargées? C'est le week-end, y a-t-il des pendulations hebdomadaires en Pologne? Il y a beaucoup de monde et les Polonais ont une conduite à la française, agressive et dangereuse. Ils ont tous l'air terriblement pressés, conduisent beaucoup trop près, ne stabilisent pas la vitesse sur une des voies. Impossible de conduire au régulateur, la vitesse change tout le temps. On rencontre le même problème qu'en France: deux ou trois voies avec des vitesses beaucoup trop proches, difficile de dépasser. Se rabattre et laisser passer les plus rapides est une des clés d'une conduite aisée sur autoroute. Ici, même se caler à cent dix ou cent vingt est impossible.

A partir de Varsovie (j'ai traversé la Vistule! Ô nom magique des grands fleuves — j'ai dans la tête Cendrars et le Transsibérien) il devient évident que certains partent en week-end ou en vacances, sans doute vers Gdańsk (Dantzig, le couloir de Dantzig entre deux-guerres (et le risque que tout cela recommence avec Kaliningrad) ou Gdańsk et Solidarność la crainte et l'espoir à la maison, crainte maintenant je le comprends plus forte des adultes qui se souvenaient de Budapest et Prague — voyage dans la mémoire autant que dans le paysage) et la Baltique. Longtemps je suis une Jeep avec un magnifique canoë style pirogue indienne «comme dans les films» sur le toit.

Les voitures ont changé, davantage de SUV, davantage de Mercedes en Pologne qu'en Allemagne, ai-je l'impression, quelques voitures françaises. En quittant Lodz nous avons indiqué Tallinn sur Waze : mille cent cinquante kilomètres, douze heures de route. Nous avons l'impression que ça bugue, les kilomètres ne descendent pas, l'heure avance… Nous remplaçons cette destination ambitieuse par quelque chose de plus encourageant: Kaunas, qui nous permet d'être sûrs de prendre la bonne route. Bifurcation vers Łomża, «on va quitter l'autoroute, on va être plus tranquille, ça va davantage nous ressembler, on sera bien».
Et donc route plus étroite avec autant de monde, ralentissements. «Je crois que c'est dans ce coin que mes parents viennent voir les bisons» (vérification faite, c'est plus à l'est, à la frontière de la Biélorussie). Nous traversons quelques villages et Łomża. Sans connaître la langue, sans s'être renseigné sur rien, tout cela est incompréhensible: comment vivent les gens ici? Pourquoi s'être installés ici? Quel temps fait-il l'hiver? Où sont les écoles, les lycées? D'un autre côté, tout est très familier: les mêmes fleurs des champs, les mêmes arbres, le même style des immeubles de bureau.

Et soudain, après un rond-point compliqué, une autoroute vers le nord. Elle est toute neuve, n'existe pas vers le sud, n'est pas connue du GPS de la voiture. Nous sommes seuls. Nous roulons vers le nord. «Ça permettra à la Russie de nous envahir plus vite. Ou l'inverse».
A midi, arrêt vers ce qui est peut-être la dernière station-service avant la frontière. Pins de soutien à l'Ukraine (je regrette de ne pas en avoir acheté un) et magazine gratuit avec une jolie militaire en couverture. A l'intérieur, article, «la spectaculaire rénovation de l'armée polonaise» (oui, je lis le polonais quand les mots ont 80% de lettres en commun). H. me raconte que la Pologne a remis au goût du jour les défilés militaires et a récemment exposé les armes achetées à la Corée du sud.
Ce n'est pas pour rien que je voulais voir les pays baltes: combien de temps cela va-t-il tenir?

Passage de la frontière. Désolation. L'autoroute s'arrête, la route devient une départementale défoncée, quelques grands bâtiments blancs en train de lentement retourner à la poussière autour de parkings où s'éparpillent des semi-remorques. La queue des camions est cette fois-ci dans le sens Lituanie-Pologne, ouf. La route est très mauvaise, la file des voitures ininterrompue et les travaux commencent. Les Lituaniens sont en train de construire une autoroute. Le bizarre est qu'elle ne paraît pas avancer au fur à mesure, mais être en cours partout à la fois, terre damée, murs anti-bruit montés, engins de chantiers monstrueux et abandonnés (parce que c'est samedi?). Peut-être que toutes les autoroutes sont construites ainsi, et non comme l'avancée des rails sur la prairie dans les westerns? Après tout je n'en sais rien. Des kilomètres et des kilomètres de travaux. Une file, cinquante à l'heure, «mais regarde, la prochaine fois qu'on viendra, si on revient, cela n'aura plus rien à voir. C'est un moment à ne pas manquer».

Travaux, routes départementales, nous n'avançons pas, «je ne comprends pas, selon mes calculs, il manque cent kilomètres». Nous analysons le trajet et soudain j'ai une idée: n'aurions-nous pas changé de créneau horaire? Aux horloges nous sommes une heure plus tard, ce qui renforce notre impression de ne pas avancer. Nous sommes passés en Lettonie (espace Schengen, passage marqué par un panneau et le changement de l'enrobé routier), nous n'irons pas beaucoup plus loin ce soir. Direction Riga; avec difficulté je trouve une chambre, tout paraît plein.
Malgré tous ces désagréments, on est bien. L'air est doux, le paysage tranquille; il rappelle la Sologne, pins et bouleaux. Comme nous ne sommes plus ni sur autoroute, ni sur un chantier, nous voyons des maisons, croisons des villages. Le paysage redevient humain.

Arrivée à Riga dans le soleil déclinant, la Daugava magnifique. Rues larges, immeubles hauts, très décorés (Art nouveau, disent les guides). C'et charmant, même si nous sommes trop fatigués pour vraiment apprécier.
Chambre dans un hôtel tranquille, sans doute un immeuble rénové, au plafond haut. C'est joli, fonctionnel, pratique, avec un je-ne-sais-quoi de grandeur passée dans la décoration soignée. Comme je le pressentais, pas de clim, il faudra choisir cette nuit entre la chaleur et le bruit, laisser ou pas les fenêtres ouvertes (ce fut souvent le cas en 2017 dans notre tour d'Europe).
La cour intérieure laisse voir les façades d'autres immeubles, terriblement dégradées.

Nous sortons pour aller dîner dans un pub tchèque dans notre rue repéré par H. Des roses au sol attirent mon regard, je regarde: c'est un monument aux victimes du KGB.

monument aux vicitmes du KGB - Riga


«Dans cet immeuble, durant l'occupation soviétique, l'agence de sécurité d'Etat (KGB) emprisonna, tortura, tua et humilia moralement ces victimes.»
La progression dans les verbes laisse à penser.

Repas léger de poisson. H. propose de rester ici, je vais réfléchir. Retour. Je sombre dans le sommeil.

Puis la Pologne

Autoroute, autoroute, autoroute. En sortant de Gießen, H. choisit de rejoindre la Pologne par Dresde plutôt que Berlin: «comme ça on évitera les bouchons autour de Berlin.»

Et donc nous eûmes les bouchons de Dresde.

Comment ne pas visiter un pays? En le traversant par autoroute. Mais on apprend des choses malgré tout. La conduite allemande n'est pas agressive, vous n'avez jamais un type qui colle à votre capot à cent trente kilomètres/heure pour que vous le laissiez passer. Les distances de sécurité sont respectées et c'est très agréable. En revanche, une voiture qui arrive derrière un camion n'hésite jamais à déboiter, à la limite de la queue de poisson (d'un point de vue français). Autre spécialité, le camion qui en double un autre dans une côte, faisant ralentir toutes les voies.

Comme d'habitude il y a des travaux, régulièrement des travaux. Imaginons des travaux sur un axe ouest-est: en France les deux ou trois voies deviennent une, et l'axe est-ouest n'est pas affecté. En Allemagne, les voies est-ouest sont rétrécies, de façon à créer deux voies rétrécies ouest-est. Bien mieux, ces deux voies sont nettement séparées par un terre-plein et les véhicules se partagent, voie de droite les camions et les voitures qui souhaitent emprunter une sortie, voie de gauche les voitures plus rapides.

En approchant de Dresde (vingt kilomètres, trente? je ne sais pas, puisque comme je ne m'y attendais pas, je n'ai pas fait attention), la quantité de camions devient phénoménale. Ils se suivent sans discontinuer sur la file de droite, c'est très impressionnant.
Le lendemain (moment où j'écris), nous tenterons une estimation: si un camion fait quinze mètres (trois voitures par camion), il faut six camions pour cent mètres, soixante camions par kilomètre. Y avait-il trois kilomètres ou dix kilomètres de camions (que nous avons doublés par la voie de gauche due aux travaux)? cent quatre vingt à six cent camions, «c'est plus une fourchette, c'est un éventail.»

Autre particularité allemande: le break. L'Allemand préfère le break au SUV, et je suis d'accord avec lui.
Echantillon sur l'aire d'autoroute où nous sommes arrêtés, près de Bautzen-Bolbritz: une Honda, une Skoda, une BMW, une Vokswagen, une Ford.

cinq breaks sur une autoroute allemande


Dresde, Görlitz, nous passons en Pologne. (Franchissement de la Neisse, ce voyage fait prendre chair à mes cours d'histoire du lycée.) Quelle limitation de vitesse? 120 km/h paraît-il, mais si c'est vraiment le cas, personne ne le respecte. Nous nous adaptons au flux.
Lorsque j'étais au lycée, le symbole de la puissance américaine était le coca-cola, l'exemple donné pour expliquer «l'offre crée la demande». Le long des autoroutes de Pologne, c'est MacDonald et KFC: immenses panneaux publicitaires dans les champs et l'une ou l'autre enseigne systématiquement associée aux stations-services.
De l'autoroute, le pays est vide, très peu de toits ou de bétail dans les champs. Forêts de pins au tronc plus foncé que les pins landais.

Abrégeons: peu avant Breslau, au croisement de la A4 et de la A8, nous jouerons de malchance: travaux, bouchons, accident, violent orage. Petit détour dans le but de couper à travers les bouchons et rejoindre l'autoroute une entrée plus loin. Détour amusant dans le village du coin sur une route pavée. Pas sure que cela ait servi à grand chose.

Notre but était Varsovie, nous avons perdu une ou deux heures sur la route, nous sommes moites et gluants, le coucher du soleil est prévu à vingt heures, nous décidons de nous arrêter à Łódź (prononcé Voutch, nous a dit mon père). Les abords de la ville sont étonnants, pleins de barres d'immeubles plus ou moins pimpantes, plus ou moins délabrées, la chaussée est déformée, bordée de flaques d'eau (un autre orage?), les trams sont rouges et jaunes. Nous suivons la route qui nous mène jusqu'à l'intérieur de la ville, nous ne savons pas où nous sommes, hauts immeubles de bureau carrés, je vois «Katedra»: «suis ça, ça nous amènera au centre».
Cela ne nous a pas amené au centre mais devant la cathédrale. Une recherche internet plus tard, nous sommes à l'Holiday Inn du coin. C'est une solution de facilité, rien de typique, mais nous avons eu une journée éprouvante et j'ai envie d'une clim et de gens qui parlent anglais. Nous nous garons dans le parking de l'hôtel, entre des voitures luxueuses surveillées par les immeubles décatis alentour. Ce côtoiement de richesses et de délabrement nous laisse perplexes. Est-ce plus sain que de rejeter les logements sociaux au loin?

Très belle chambre, bon restaurant à l'hôtel. En entamant nos dumplings (piroguie? raviolis?), H. et moi échangeons un regard: lui le mi-yougoslave, moi la mi-polonaise, nous avons le même souvenir d'enfance, le même souvenir d'assaisonnement d'une farce très fine. C'est très réconfortant.

**********

Journée compliquée. Sentiments compliqués envers la Pologne. Tout ce que j'en connais, c'est par Shoah de Lanzmann. La famille s'attend à ce que j'aille voir tel ou tel village où s'est marié ma grand-mère ou que je rende visite à une cousine, mais ce que je souhaiterais, c'est une ou deux semaines, seule, de pélerinage, à ressasser l'éternelle question sans réponse: «que s'est-il passé?»
Après seulement je pourrai m'occuper des vivants.
Mais je ne peux pas expliquer ça, ça ferait de la peine ou même, ça vexerait.

L'Allemagne enfin

Hôtel recommandé à Châlons: Le Renard, sans prétention et efficace.
Je m'endors sur mon clavier. Je me couche. Plus tard dans la nuit j'entends vaguement H. déclarer «il reste un bug, tant pis, je me couche».
Plus tard encore je me réveille et pense «mais s'il reste un bug, tout ce qu'il a fait ces derniers jours ne sert à rien, rien ne va être utilisé»; plus tard encore je me réveille et pense «il va se réveiller avec la solution».

Il s'est donc réveillé avec la solution, ce qui nous a valu deux heures de programmation pendant lequel j'ai écrit un billet de blog et fais vingt minutes de Tabata.

Passage chez mes beaux-parents, reprogrammation de divers appareils après l'installation de la fibre. Ils vont bien mais lui a mal partout, elle se déplace difficilement — lui a mal partout, elle se déplace difficilement, mais ils vont bien. Ils nous remercient trois fois d'être passés et j'ai honte de passer si rarement. Nous leur laissons l'ordinateur d'H. — pour éviter de le perdre, qu'il soit volé, qu'H. travaille — et mes beaux-parents plaisantent: «nous avons l'ordinateur en otage, nous savons que vous allez repasser».
C'est vraiment la honte.

Départ vers deux heures et demie. Je dors vingt minutes puis je blogue, nous échangeons nos places au bout de deux heures. Il fait très chaud, la conduite allemande est plutôt agréable, sans agressivité. Il y a beaucoup de monde. Nous arrivons à Gießen à sept heures et demie et trouvons un hôtel dans le centre. Personne et porte close, la carte-clé s'obtient en s'enregistrant sur un automate.

Nous n'avons pas beaucoup avancé (450 km?) mais nous sommes très fatigués. Demain sera un autre jour. J'apprends tard le soir qu'hier, l'aéroport de Francfort a été inondé.

Photo d'une caravane dans une station-essence. J'ai supposé que l'effet miroir était destiné à minimiser le réchauffement à l'intérieur de l'habitacle. Pas sûr qu'il soit facile de rouler derrière cela (éblouissant) mais c'était très joli.

Faux départ

Le projet initial, c'était de dîner ce soir à Châlons-en-Champagne avec les parents de H puis de partir demain matin pour être à la frontière polonaise le soir, la frontière lituanienne le surlendemain soir et Tallin le troisième soir. Pourquoi cette hâte? C'est que nous sommes si nuls en voyage, si incapables de nous dépêcher et de nous tenir à un plan qu'il nous a semblé que c'était la seule façon d'être sûrs (sûrs, aux aléas politiques et militaires près; sûrs, à la carte d'identité d'H. près) d'atteindre Tallin: si nous prenions notre temps nous n'y arriverions jamais.

Matin studieux pour H. qui débuggue pendant que je repasse (Down by law, Permanent vacation (le long traveling arrière parfaitement stable sur Manhattan qui s'éloigne, présence des deux tours. Mais comment a-il annulé les mouvements du bateau?); Jarmusch me rappelle l'une des rares règles de cinéma que j'ai fini par dégager: pas de grand film sans une bande-son impeccable), puis ma valise, puis déjeuner. H. remonte travailler, je range le rez-de-chaussée, lave les vitres de la voiture, fait la vaisselle. H. survient, découragé: «je n'aurai pas fini ce soir, je vais emmener mon ordinateur, je travaillerai ce soir…».
Pour une fois je refuse: «pas question. Il te faut combien de temps? Appelle ton père, décale le repas à demain, retourne travailler. Je ne veux pas de vacances où tu passes toutes tes soirées sur l'ordi, autant rester ici.»
Il va vraiment falloir qu'il change de boulot. Il a tant de mal à se motiver que cela devient infernal.

Je me mets à la partie théorique du brevet SPL (Sail Plane Licence) en attendant. Cours sur l'oreille interne, la cochlée, les otolytes.

Cinq heures et demie: «c'est bon, il me reste deux petits bugs, on peut y aller, je terminerai ce soir à l'hôtel, je laisserai mon ordinateur demain chez mes parents.»
Ce n'est pas tout à fait satisfaisant — j'aurais préféré que tout soit fini avant de partir et qu'il n'emmène pas son ordinateur, mais c'est mieux que rien. Cela fait descendre la tension d'un cran, je parle d'expérience.

Nous chargeons la voiture, bagages ajustés au coffre. Habituel problème des médicaments, glaçons, glacière; chaque fois je pense au journal de Viktor Klemperer, lorsqu'il voit un de ses voisins déporté partir sans son traitement contre le diabète et l'inquiétude de ses proches. Evidemment je ne peux pas le dire, c'est trop bizarre; mais cette histoire de médicament (et des risques de l'oublier) me mine.

Départ finalement; nous ne nous sommes pas si mal débrouillés. J'aime prendre la route, trois kilomètres au compteur et un objectif quelque part tout droit trois mille kilomètres plus loin (peut-être qu'en plissant les yeux vraiment fort on pourrait l'apercevoir?); cette fois je me souviens du début du Seigneur des Anneaux, ou plutôt de Bilbo le hobbit: «tous les chemins commencent devant ta porte».

Campagne décapottée, restaurant le Mange-disque à Villenauxe-la-Grande, arrivée à l'hôtel à presque onze heures… et maintenant H. débuggue et je blogue. Je tombe de sommeil. Au lit !

Préparatifs

Faire ou ne pas faire de canoë? H. avait d'abord dit non («je n'ai pas terminé ma livraison, j'ai encore du travail»), puis oui (en revenant de la boulangerie, celle qui est loin, près de l'église: «j'ai changé d'avis, il fait un temps à faire du canoë»), mais c'est moi qui ai alors dit non («on va faire du canoë, il sera midi, tu vas faire la sieste (NB: à cause du diabète), tu vas te mettre à travailler à cinq heures: ce n'est pas possible»).

Travail, donc; pendant ce temps je range le premier étage, je fais tourner une machine. Il y a eu un orage cette nuit, la terrasse n'est pas assez sèche pour que je termine de la passer à l'huile de lin. Coup de fil d'un camusien, il voudrait reprendre le travail sur les Eglogues, «parce que vous comprenez, on s'intéresse à RC en Amérique, on va traduire Le grand remplacement, ce serait bien d'en profiter pour faire connaître son œuvre littéraire.» Ah ben c'est sûr, les gars du Ku Klux Klan, les Eglogues, ça va les passionner. Comment faire comprendre à ces zemmouriens qu'ils me font horreur? (Je ne m'attendais pas à ça. Quand on m'avait parlé du projet, j'avais cru à un vrai désir de littérature, mais c'est juste… juste… en fait je ne sais pas ce que c'est. Du snobisme? Un désir de publicité? Je ne comprends pas.)

Messe, c'est l'Assomption tout de même.

En rentrant, je propose quelque chose qui paraissait plaisant mais qui va se révéler une grave erreur: «si on allait déjeuner à St Mammès, chez le caviste ou dans le nouveau restaurant en bord de Seine?»
Nous y allons à pied. Il est une heure de l'après-midi, c'est plein, idéalement placé en bord de Seine. Nous reconnaissons le propriétaire, il a un restaurant à Moret, plutôt style raclette: «nous l'avons fermé en juillet août». Spritz à la mandarine, discussion avec nos voisins qui ont abordé en canoë au pied du restaurant.

Il faut rentrer. H. titube, ne se sent pas bien. Elevée à la campagne, je demeure persuadée qu'une bonne promenade aide à digérer. Mais il ne va vraiment pas bien, je suis inquiète (sans le montrer) et je me sens vaguement coupable (moi et mes idées). Nous nous arrêtons le long du Loing sur une aire de pique-nique pour qu'il se repose et moi-même je m'endors dix minutes. Le spritz était fort.
Nous rentrons.
Dans l'après-midi j'étudie Les âmes baltes. Histoire de Romain Gary. Je me mets au repassage, termine Night onEarth, regarde Mystery Train. Comme c'est étrange, voilà un film que je suis allée voir deux ou trois fois au cinéma, quand le Champo faisait des rétrospectives Jarmusch. J'y retournais car j'étais si fatiguée que je m'endormais au milieu et ratais la fin. Aujourd'hui je me rends compte qu'en fait, je n'en avais jamais vu plus que les dix premières minutes. En réalité je dormais toute la séance, et non quelques minutes.

Soudain dans la soirée, H. s'exclame: «J'ai oublié de me piquer hier! [à l'ozempic]. C'est pour ça que je me suis senti si mal cet après-midi!»
C'est la deuxième fois que ça arrive. Autrefois, Gvgvsse terminait certains de ses billets par: «toujours les mêmes erreurs». Que devrions-nous dire. Il faut que je mette en place des procédures, des pare-feux. Jusqu'ici je m'étais refusée à le faire, arguant que chacun est responsable de lui-même, mais finalement, puisque cela a des conséquences sur ma vie, autant le prendre en compte.
Je programme sur mon téléphone une alerte tous les lundis soirs.

Un peu mieux

Planeur. Ciel voilé, chaleur étouffante. Nous ne sommes pas nombreux, Dom présent décide de rentrer chez lui devant les mauvaises conditions météo (ça ne l'intéresse pas de voler en local (pouvoir à tout moment se poser sur la piste), il vient «circuiter», faire des kilomètres).

Nous reparlons des bases, du repère capot. C'est la première leçon, celle où on t'explique qu'une fois ton assiette déterminée (inclinaison du planeur pour une vitesse donnée, vitesse optimale définie par le constructeur et le manuel de vol, qui change d'un type de planeur à l'autre), il faut prendre un repère à l'intérieur du cockpit par rapport à l'horizon et s'y tenir.

Je me dis que je n'ai peut-être pas pris cette leçon suffisamment au sérieux et une fois en l'air, je m'applique.
Sortie courte (22 minutes), rien «ne tient» (comprendre: pas d'ascendance franche), mais PP est content de moi: «tu as fait beaucoup de progrès, c'est plus calme, ça ne gigote plus dans tous les sens».
Cela faisait plusieurs semaines que nous n'avions pas volé ensemble. Je m'abstiens de lui dire qu'aujourd'hui l'air était calme et que mes derniers instructeurs ne paraissaient pas de son avis.

Ne pas me décourager, ne pas psychoter, ne pas me dénigrer, tenir bon. Je révise mentalement la nuit chaque fois que je me réveille (et je me réveille souvent); les messages radio («planeur India Lima en vent arrière, piste 24 main gauche train fixe»; «planeur Alpha Novembre en ZPA pour piste 06 main droite»); les quatre possibilités de corrections pendant le roulage (palonnier droit manche à droite si le planeur est à gauche de l'avion aile gauche basse; palonnier droit manche à gauche si le planeur est à gauche de l'avion l'aile droite basse; palonnier gauche manche à gauche si le planeur est à droite de l'avion aile droite basse; palonnier gauche manche à droite si le planeur est à droite aile gauche basse) (cela n'a aucun sens d'écrire cela, c'est affaire de sensation et de réaction, mais du fond de mon lit je visualise le repère capot (position de l'aile) et l'avion remorqueur et je révise pied-manche); la sensation magique du virage stabilisé; le TVBCR (tout va bien ça roule ou tout va bien continue Robert, train-trafic, vent-vitesse-volet, balast-bronx, compensateur-ceinture, radio) (je ne déroule pas cette check-list assez vite); j'essaie de trouver mes repères pour l'atterrissage mais il y a quelque chose que je n'ai pas compris, la façon de conjuguer manche et aérofreins pour régler la vitesse et le plan d'atterrissage.

Je verrai cet hiver au simulateur. J'aurais aimé être lâchée cette saison, mais ce sera trop juste. Tant pis.

Nouvelles décousues

Descente chez mes parents pour l'anniversaire de papa — un peu plus tard que les années précédentes. H. travaille dans la voiture, il a encore quelque chose à livrer, un programme non terminé.

Nous en profitons pour nous renseigner sur la Pologne. Nous repartons avec des cartes et des guides de Varsovie. Je retiens qu'il nous faudra une trousse de secours et un extincteur — pour la Pologne et pour l'Allemagne, je ne sais plus quel pays exige quoi, mais quoi qu'il en soit, cela sera toujours utile. Autre point délicat: lorsqu'on approche de la Lituanie, ne pas laisser son smartphone choisir librement son réseau: la Biélorussie a des émetteurs puissants, et comme elle est hors communauté européenne, cela coûte très cher.

Nous apprenons que l'Australie a mis au point un robot pour tuer les chats sauvages.

O. m'a ramené un PC pour installer le simulateur de vol en planeur et il papote avec H de ce qu'il y a à installer et désinstaller sur cette machine.

A. va quitter son emploi fin août — ou plutôt ne pas renouveler son CDD. Elle a l'intention de reprendre des études mais nous n'y comprenons pas grand chose: elle n'a pas l'air de savoir quoi, elle n'a pas l'air d'être inscrite à quoi que ce soit, apparemment elle a l'intention de décider en septembre pour septembre (ôÔ), et dans ce cas-là, pourquoi avoir pris une maison perdue dans la campagne à vingt minutes de tout plutôt que s'être installée à Caen, par exemple?
Tout cela n'a aucun sens, mais nous renonçons à nous renseigner car nous nous faisons rabrouer à chaque question. Quoi qu'il en soit c'est son problème; nous verrons bien.

Papa a mal au dos, aux lombaires et plus inquiétant, aux cervicales. Je comprends qu'il souffre d'un rétrécissement du canal rachidien et qu'il n'y a pas grand chose à faire. C'est toujours la même chose: on se dit que s'il y a un traitement, il faut s'en occuper maintenant car chaque année compte à son âge; d'un autre côté, chaque année amène son lot de progrès et miracles de la médecine, donc inutile de se précipiter.
Je ne sais que penser, mais je déteste les voir vieillir, je ne le supporte pas.
Cet hiver, il faudra que j'essaie de venir les voir plus régulièrement.

Le temps

Veille de vacances, et donc en retard, en retard. J'essaie de boucler tout ce que je peux mais tout prend trop de temps.

En parallèle, durant mes trajets, je travaille mentalement mes atterrissages. Je visualise trente secondes. 90 km/h, 25 m/s, 32 secondes pour 800 mètres, la longueur de la piste, celle de la branche arrière, par vent nul.
C'est long, 32 secondes. Je ferme les yeux, je ne compte pas mais visualise un cadran, l'aiguille des secondes qui se déplace. J'accélère toujours vers 20 secondes. «Respire, il y a le temps. Tu as le temps.» Il faut m'en convaincre.

J'ai repris les cours théoriques. Ce sont des cours en ligne, le problème est donc d'avoir du réseau tout le long de mon parcours en train.

Cours sur les cinq sens. Caractéristiques de l'œil. Je découvre l'échelle de Monoyer : 10/10e correspond à un angle de discrimination de 1 minute à 1 mètre. Ainsi donc, avoir 12/10e à un œil n'est pas une absurdité, mais une réalité quantifiable.

Le guide Verne

La dernière fois que j'ai vu Patrick, il venait de lire Le rayon vert: «L'intrigue est minimale, mais c'est le meilleur guide sur l'Ecosse.»

Alors j'ai tapé «Verne balte» sur Google et je suis en train de lire Un drame en Livonie. Il faudra que je vérifie la date de son écriture, mais dans les premiers chapitres, c'est tout le XXe qui est en germe: deux populations antagonistes, les Allemands et les Slaves (et le reste, des juifs, est-il quasi noté tel quel, après avoir nommé les Esthes (avec une h)).

J'ai eu peur un moment que la durée du jour si haut soit courte, mais vérification faite, elle est quasi plus longue qu'ici. Y a-t-il des «nuits blanches de Tallin»? Sans doute que oui, mais il y manque un Dostoïevski.

Ça fait un

A propos de Juan Branco : «Un tiers mondiste, deux tiers mondain.»

Retrouvailles

Journée de télétravail. J'ai tourné mon bureau d'un quart de tour, ce qui fait qu'il en est à trois quarts de tour depuis que nous avons emménagé. Le problème est que le plancher n'est pas plan et que le fauteuil à roulettes tend à partir en arrière, m'obligeant à rester toute la journée en tension pour éviter de m'éloigner de mon bureau.
J'espère (je pense) avoir résolu ce problème. Reste à tester la course du soleil dans l'écran.


Le soir, retrouvailles avec Adèle, la marraine de l'aîné. Retrouvailles est peu dire, quel est le nom d'une réunion après une longue séparation? Je n'arrive pas à me souvenir de la dernière fois que nous nous sommes vues, j'arrive à la date incroyable de 2011 (communion de O. Mais la communion de son dernier, ça devait être en 2014 ou 2015, non?), en habitant à trente kilomètres l'une de l'autre. Est-ce vraiment possible? Autrefois nous nous voyions au moins pour la galette des rois; une année nous ne l'avons pas fait, et depuis il n'y a plus eu que des coups de fil.

Elle est prof d'histoire en lycée et nous raconte des histoires incroyables:
— J'ai fait partie d'un jury pour le recrutement des profs en section européenne allemand et anglais. Je vois arriver une convocation pour le jury de russe. J'appelle la secrétaire, je lui dis qu'il doit y avoir une erreur, je ne parle pas russe, je n'ai aucune compétence pour juger quelqu'un. Elle me répond non non, c'est bien ça. En fait ils ont la flemme de déplacer un jury spécifique pour deux candidats (d'ailleurs il y en a un qui n'est pas venu) et donc je me suis retrouvée dans un jury de russe. Je ne pouvais pas poser de question sur la langue, alors j'ai posé quelques questions de littérature et de culture gé. Il ne savait pas grand chose. A la délibération mon voisin s'est penché vers moi et m'a dit: «c'est pas jojo mais c'est toujours mieux que recruter un poutiniste».

— J'ai un élève, son père voulait qu'il passe en première S. Je lui dis «mais enfin, avec 4 en maths et 6 en physique, ce n'est pas possible»; «mais si, c'est parce qu'il a un jumeau, on va le ramener au pays et on va le désenvoûter» (elle explique en off: parce que vous savez, en Afrique, c'est la théorie qui veut que l'un des deux prenne toute la force de l'autre) «mais avec le covid, comment allez-vous voyager?» «peut-être pas à la rentrée, mais je vous assure, à la Toussaint».

— J'en ai un autre, c'est Jean-Claude. Le père, un pur Bellifontain, ne jure que par Jean-Claude, un guérisseur exorciste qui va désenvoûter son fils pour qu'il travaille mieux. A chaque problème: Jean-Claude.

Etc, etc.

Dimanche tourmenté

Il fait mauvais, nous sommes peu nombreux. Nous sortons trois planeurs, un pour l'instruction et deux pour des jeunes pilotes.
Il y a beaucoup de vent et de fortes rafales. Il fait presque froid.

Nous réussissons tant bien de mal à atteindre 1400 mètres, sous les nuages.
— Que dit la réglementation sur les nuages?
— Qu'il ne faut pas y entrer.
— Qu'il faut être trois cent mètres en dessous. Mais en fait on ne la respecte pas.

RL m'a conseillé la programmation mentale: assise sur une chaise, yeux fermés, repasser et mimer toutes les étapes de l'atterrissage (la PTL).

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Ce matin regardé La tulipe noire sur Arte en faisant la vaisselle.
Ce soir, commencé Peu m'importe qu'ils nous prennent pour des barbares. Se souvenir de regarder les films de Radu Jude et de lire Isaac Babel.

Projets indécis

35 à 40 degrés en Italie, paraît-il. H. s'était chargé d'organiser les vacances et avait prévu de descendre toute la botte, mais il hésite de plus en plus devant les températures annoncées.
Je contre-propose Tallin. Après tout, nous ne savons pas combien de temps les pays baltes vont rester accessibles. Tarente ou Tallin, cela se décidera au dernier moment, le 15 août.

— Ah mais… Est-ce que l'Estonie fait partie de l'espace Schengen? Je risque d'avoir un problème.
— Comment ça?
— Mon passeport n'est pas à jour.
— Comment ça? Ni ta carte d'identité ni ton passeport ne sont valides? Tu m'as regardée faire refaire mon passeport en janvier sans réagir?

Comment peut-on s'en fiche à ce point-là? Cela vaut-il la peine de quitter la maison dans ces conditions d'indifférence, d'imprévoyance? Je dissimule mon découragement:
— Bon ben on suivra les frontières et on entrera là où on nous laissera passer.

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Laura est venue pour la journée. Il y a longtemps que j'aurais dû l'inviter; là, c'est presque trop tard: dans une semaine nous partons en vacances et en septembre elle s'installe à Bourges. Elle a pour projet d'aller en février prochain rendre visite à sa sœur installée en Australie et d'y rester plusieurs mois. Il paraît que l'Australie permet facilement de travailler sur place mais est stricte sur ses lois migratoires.

Elle nous raconte la vie l'hiver dans un village de l'Ariège: «Mes parents habitent sur la place au-dessus du café. Tous les cafés sont fermés l'hiver sauf un mais personne n'y va parce qu'ils n'aiment pas le patron. Alors les gens vont chez mes parents. Ils toquent et ils entrent. C'est infernal, il y a tout le temps du monde et on n'arrive pas à s'en débarrasser. Ils s'installent.»
Ça me fait rire. J'imagine si bien. La vie de village regrettée par les romantiques.

Le soir O et Y passent chercher leur chatte. Ils nous racontent Madère (Ronaldo y a fait construire un aéroport qui paraît infernal pour les habitants, les avocatiers sont de grands arbres, les mangues pendent au bout de looongs fils nus et il ne reste qu'à les saisir) et Amsterdam (un restaurant spécialisé dans la cuisine à l'ail, un loueur de vélos très confiant et la boue divine ou céleste qui vend de la mousse au chocolat).
Ils racontent deux expériences de lieux encore dans les guides de voyage mais déserts depuis le covid: une place renommée pour sa vannerie à Madère et une galerie marchande à Amsterdam. Cela paraît les avoir beaucoup impressionnés.

Promenade à Cracovie

Si ce film passe près de chez vous, allez le voir.

Je découvre ce soir que Libé lui reproche de ne pas être un film. Mais en fait c'est le cadet de nos soucis, même si parfois j'aurais bien aimé savoir comment ils avaient préparé les scènes: ces conversations à bâtons rompus, ce ne sont pas des conversations spontanées, n'est-ce pas? Il a fallu les préparer. Y avait-il un scénario, les deux amis/acteurs ont-ils répété? Ou bien non?

Polanski et Horowitz se promènent dans Cracovie et racontent des anecdotes, deux galopins sans âge remontent le temps. Horowitz était si petit, trois ans, il ne se souvient pas de grand chose (et il paraît plus introverti); Polanski était si seul, d'abord sans mère puis sans père, arrêtés tous les deux. La ville, le ghetto, les Allemands. Récits entrecoupés de questions, de rires, de silence. Le contraste entre la banalité du ton et la brutalité des faits vous plonge en état de sidération: «quel est ton premier souvenir, le ghetto ou le camp de concentration?»

Ce serait comme si l'un des Derniers témoins d'Alexiévitch avait décidé de se mettre en scène devant une caméra.

Tempête

Il pleut, le vent est fort. A midi, la coulée verte était fermée à hauteur de l'allée Vivaldi (peur des chutes de branches) et le soir je trouve le ficus sur le flanc. Il est pourtant protégé par des hauts murs sur trois côtés mais cela n'a pas suffi.

Les gens râlent pour leurs vacances. Perso je me réjouis pour la forêt de Fontainebleau

Du bleu au noir

l'oiseau bleu Twitter


Il y a quelques jours, Musk a annoncé qu'il remplaçait l'oiseau bleu de Twitter par un X noir (comme Space X).

Je n'y ai pas vraiment cru, mais H. hier a vu l'icône de Twitter se transformer sur son smartphone. Aujourd'hui ça a été mon tour.

Alors j'ai désinstallé Twitter car ce X est franchement laid et sinistre. Il me restera mon compte sur ordinateur, mais c'est comme FB: une fois que ce n'est plus sur smartphone, on ne s'en sert plus vraiment.
Je vais gagner du temps.

Unités

Des nœuds, des kilomètres, des bars, des hectopascals, des pieds, des mètres, un nord magnétique, un nord géographique…
Toutes les données dans un aéronef sont mesurées par rapport à la pression, donc à l'altitude et la température. Le plafond autorisé est donné en pieds, mais il dépend de la pression.
Bref, c'est un miracle qu'il n'y ait pas davantage d'accidents.

J'exprime ma stupéfaction.
Réponse: — Tu connais l'histoire du Gimli Glider?
— Euh non.
— C'est un 727 qui a plané sur plus de deux cents kilomètres, jusqu'à Gimli, Manitoba, au Canada. Ils savaient que la jauge était en panne donc ils ont fait les calculs à la main mais ils se sont plantés sur la quantité de carburant: la quantité nécessaire était donnée en kilogrammes et il fallait faire une conversion de volume en poids, mais les Canadiens ont utilisé des livres, soit à peu près la moitié du carburant nécessaire.

Plus tard, autre discussion, autre délire:
— Oui, tout est donné en fonction de la direction (exemple la piste: piste 06 veut dire piste face au 60° de la rose des vents, soit face à l’est, à peu près (l’est est à 90°)), sauf le vent qui est donné en fonction de son origine.
— Par rapport au nord géographique (dit nord vrai) si c'est la météo, mais la circulation aérienne utilise le nord magnétique.

En lisant sur le sujet, la différence semble provenir de l'instrument de mesure utilisé par convention: manche à air (nord vrai) ou boussole (nord magnétique).

Ici une étude sur l'abandon du nord magnétique dont la dérive accélérée pose des problèmes de fiabilité des données dans le temps.



Pour finir, les nuages vers le nord vue de la piste à six heures du soir. Ce fut une journée difficile, éprouvante, une de celle où je me demande si je recule d'un pas après avoir avancé de deux ou si je recule de deux après avoir avancé d'un.



Décalogue

Retour à St-Eloi. C'est le prêtre en charge de la paroisse qui officie, peut-être rentre-t-il de vacances. Il est âgé, marche difficilement, son humour affleure dans sa voix.

Lecture du jour: Exode 20, 1-17.
Sermon (extraits): « Lorsque j'étais petit, on apprenait encore par cœur, et j'ai appris les dix commandements. […] Lorsque j'étais jeune prêtre, je reçois une dame en confession: "— Mon père, j'ai péché contre les commandements six et neuf. — Te absolvo…" (il mime les geste de l'absolution); puis lorsqu'elle a été partie, je me suis précipité sur la liste: c'était les commandements cochons. […] D'ailleurs ce ne sont pas des commandements, ce sont des paroles, deca logo. Paul n'était pas encore passé par là, on ne savait pas encore qu'il faut respecter l'esprit et non la loi […]. Entre nous soit dit, il est beaucoup plus facile de respecter une loi que l'esprit […]»

J'ai l'impression d'avoir enfin trouvé un prêtre à la hauteur de celui de mon enfance, qui faisait des prêches extraordinaires, réussissant toujours à lire l'actualité à la lumière des textes du jour.
Impression à confirmer.


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En sortant, je flâne devant la table des livres à emporter. Je prends:
- Jean-Marie Tillard, Eglise des Eglises, sur l'œucuménisme;
- H. Godin et Y. Daniel, La France, pays de mission?, livre mythique sur l'accueil des ouvriers;
- William J Whalen, Separated Brethen, dont le sommaire liste les religions aux US (édition 1979)

Bullet Train

J'avais envie d'une salade travaillée (autre chose que de la tomate avec de la laitue ou du fromage de chèvre ou du saumon — je n'en peux plus de ces salades sans imagination), donc rendez-vous à 19 heures au Carpe Diem.
Déception: les propriétaires ont changé. Les nouveaux sont très gentils, mais la carte est devenue de la brasserie banale. Points positifs, la Guinness est de retour et nous les soupçonnons de faire un excellent couscous.
Ce sera pour un autre jour: je n'ai pas envie de cela ce soir, je suis trop fatiguée.

Café Beaubourg en terrasse, protégés du crachin. Omelette et pavlova. Comme toujours la cuisine est très bonne (plats simples dépouillés exécutés avec rigueur) et leur musique nulle et trop forte. Heureusement nous sommes dehors.

Gare de Lyon. Le prochain train est annoncé à 21h16, ce qui est bien; nous avons loupé le précédent à cinq minutes, ce qui est dommage.
— Au moins on va avoir le temps de s'installer.

Sauf que le quai n'est pas affiché: hall 1. Une troupe attend. Une rame arrive. Sera-ce le bon train? Des gens remontent le quai, dubitatifs. Il y a trois rames, les trois partiront-elles, ou seulement la première?
— Viens, on va remonter entre la troisième et la deuxième, on sera au niveau des escaliers; si ce n'est pas le bon train il sera facile de changer de quai.

Nous remontons le long du train. Le conducteur est dans la cabine de la seconde rame, nous le voyons descendre en grommelant. Apparemment quelque chose ne fonctionne pas dans les portes, un problème de purge.
Nous attendons encore. Le quai est quasi envahi tout du long d'une population clairsemée; ceux qui pensent que c'est le bon train restent tandis que d'autres qui connaissent les tours pendables de la SNCF doutent.

Finalement le quai est annoncé, c'est bien le bon train, mais sur les trois rames, il n'y en a qu'une qui va partir, la dernière. Nous remontons le quai, nous avons du retard sur ceux qui étaient mieux placés. Je monte dans une rame; instruite par l'expérience de la veille, je force l'escalier pour trouver des places à l'étage. Il y en a, mais séparées.

Je suis assise en bord d'allée, je lance la suite de Bullet Train que je regarde depuis deux jours gratuitement sur Prime Minister en me connectant en VPN à partir du Canada. A côté de moi, dans l'allée, un jeune homme s'est assis sur le sol en tailleur. Il est frisoté, plus petit que moi, a le poil (de barbe) si rare que j'ai cru que c'était une fille qui ne s'épilait pas, un anneau dans chaque narine. De mon siège je le surplombe et de temps en temps je regarde ce qu'il regarde sur son téléphone; j'essaie de comprendre s'il s'agit de sms, de Twitter, de Tic-Toc ou d'autre chose; mais à coups d'œil furtifs je ne parviens à aucune conclusion.

Soudain je lis, écrit en capitale, «LA MEUF A COTE DE MOI EST EN TRAIN DE REGARDER BULLET TRAIN». Nous échangeons un regard, je souris et je précise: «pour la troisième fois».
Je lui tends un écouteur et j'installe mon téléphone sur mon genou.
Nous regardons ensemble Bullet Train jusqu'à Melun.

Ode au MacDo

Je quitte la coulée verte, traverse la place Henri Frenais, entre dans le hall. 19h04, le panneau indique un train pour Montargis voie K à 19h07 (je devrais connaître les horaires par cœur mais ça ne m'intéresse pas assez). Je cours un peu, pas envie de le rater, envie de m'assoir et dormir.

Je monte l'escalier en clamant «pardon» pour qu'on se pousse (première alerte, des gens sont en train de le descendre), j'arrive sur le quai, saisis la situation d'un coup d'œil: voie L un train pour Laroche-Migennes, voie K un train pour Montargis (ils suivent la même ligne jusqu'à Fontainebleau), beaucoup de monde dans les voitures, sur les quais; il y a dû y avoir des trains de supprimés plus tôt.

Je remonte le long du train vers les dernières voitures, attendant la sonnerie fatidique pour me précipiter vers une porte — pas de sonnerie —, je monte dans une voiture, dérange des voyageurs debout sur la plateforme, fais se lever deux jeunes filles assises dans l'escalier. J'avais l'intention de m'assoir moi aussi sur une marche, mais je découvre qu'il reste trois ou quatre places à l'étage (les gens ne sont pas assez opiniâtres), m'installe.

Annonce vocale dans le train, problème de catenaire à Bussy-St-Antoine, plus rien ne circule.
SMS à H. pour le prévenir, je commence mentalement à choisir mon restaurant pour aller attendre tranquillement que les choses se tassent. (Je ne peux plus aller au cinéma comme je l'aurais fait auparavant à cause du dernier train à 22h46: c'est trop tôt, le temps de revenir d'une salle aux Halles (et pas à Bercy car la ligne 14 est fermée: tout est devenu infernal, mon monde rétrécit à coup de transports indisponibles)
Et là, inattendu, coup de fil de H. (d'habitude on règle ça par sms) avec une décision elle aussi inattendue:
— Je viens te chercher.
— ?? pas question. Tu ne vas pas faire 160 km aller-retour pour un problème de train. Je te l'interdis.
Mais qu'est-ce qu'il lui prend? Je ne comprends pas. Comme j'ai très peur qu'il ne m'écoute pas (en règle générale il ne m'écoute pas), je cherche une solution de compromis:
— RER A à Boissy, ça t'irait?
(soit une heure de voiture malgré tout).

RER A à 20h40, arrivée à 21h08, passage chez Joël (la case villecresnoise) vers 21h30. Hélas le rideau est baissé, il n'avait pas de client ce soir donc il a fermé. Il attend un dernier livreur Uber-eat. Il nous fait entrer, nous offre un verre, on discute. Il cherche à vendre, il a trouvé un boulot salarié, les charges ont trop augmenté: «je ne me paie plus, tout ce que je gagne sert à payer les salariés et les charges».
L'Ukraine après le Covid auront eu raison de lui.
On se quitte en lui faisant promettre de nous contacter s'il organise quelque chose avec ses clients fidèles avant la fermeture. Le fera-t-il?

Nous échouons à 22h30 au Mac Donald de Brie-Comte-Robert. Salle ouverte jusqu'à vingt-trois heures, Mc Drive jusqu'à une heure. Les employés sont si jeunes que j'ai l'impression d'un camp scout, en auto-gestion.
H: — N'empêche, Amazon, MacDo, on critique, mais ça marche.
Moi: — Ils m'ont sauvé la mise à Metz, y'avait plus qu'eux pour servir après dix heures.
H: — Le nombre de fois où on a atterri au McDo à Mulhouse parce qu'il n'y avait que ça d'ouvert…


Le lendemain, une collègue m'apprendra qu'elle était dans un train à 16 heures quand tout s'est arrêté. Le train était à Montgeron, il est reparti en arrière et est retourné gare de Lyon. Elle est arrivée chez elle à Montereau (une station après Moret) vers 22 heures.

Dagobert

Cela faisait un moment que j'avais repéré qu'il y avait des messes à midi à St-Eloi pas loin du boulot. Depuis que je ne travaille plus à la Défense, je n'y vais plus beaucoup: je n'arrive pas à caser cela dans le week-end; y aller tôt à neuf heures (mais maintenant que je ne rame plus je fais une grasse mat par semaine, c'est royal), à six heures et demie le soir le samedi ou le dimanche ou à onze heures à Moret le dimanche? Il faudrait annoncer à H. que je m'en vais et je n'en ai pas le courage. Je n'arrive pas à accepter l'incompréhension de son regard concernant une chose qui m'est précieuse, je préfère agir de façon invisible: le midi au boulot, c'est très bien. (Evidemment ça loupe le côté propagande et affichage de la démarche, mais cela n'a jamais été mon style. La plus grande propagande est celle que je fais ici, c'est dire. Est-ce être mauvaise catholique? Je suis si convaincue que chacun sait ce qu'il a à faire que je considère le prosélytisme comme une insulte à l'intelligence; par ailleurs, l'église catholique est si agaçante dans ses travers irréformables. Que c'est étrange, tant de personnes de valeur dans une institution parfois si méprisable.)

Messe à St-Eloi donc, pour la première fois, petite salle en longueur astucieusement logée sur le flanc de la nef. Eglise consacrée en 1967 à la place de l'ancienne démolie; église métallique en hommage à St-Eloi, patron des travailleurs du fer. Des photos montrent le quartier, racontent la destruction et la construction, commentent la consécration: «l'assemblée participe à la bénédiction de la nouvelle église. Les fidèles découvrent avec surprise le cadre d'avant-garde auquel ils vont devoir s'adapter». On sent la réticence du journaliste devant cette architecture contemporaine.

Je suis venue en métro (deux stations), je repars à pied. Il bruine, il pleuvait ce matin quand j'ai emprunté la coulée verte. Finalement la canicule n'aura pas eu lieu au nord de la Loire. Ce quartier me plaît. Je traverse le square St-Eloi, photographie une baleine (baleine de 1982 par Michel Le Corre, apprendrai-je plus tard).


baleine de 1982 par Michel Le Corre- square St Eloi


En sortant du square, j'apprends que celui-ci occupe l'emplacement du manoir mérovingien du roi Dagobert.
Il me faudra un petit moment pour faire le lien avec saint Eloi.

Calme

Une semaine seul responsable au boulot.
C'est reposant.

Barbie film odieux

Je me faisais une joie de voir ce film, la bande-annonce était drôle et j'aimais que Ryan Gosling ait accepté de jouer le rôle de Ken.

Gros, gros malaise. Pour le résumer, il suffit de mettre en relation les premières minutes du film, où des fillettes shootent dans des poupons et détruise des bébés symboliques (ce qui est très dérangeant: ce n'est pas parce qu'on ne veut pas d'enfants ou moins d'enfants qu'on souhaite détruire des bébés) et la dernière phrase du film (que je ne donne pas pour ne pas spoiler1) pour comprendre que l'idée générale est: on ne change rien et achetez des Barbie, elle est super.

Evidemment, la mission était impossible: comment défendre Barbie avec ses mensurations fantasmagoriques comme image de la femme moderne? Il aurait fallu que le film soit réalisé par quelqu'un d'autre que Mattel, il aurait fallu quelque chose d'aussi noir que The Boys, où il est clairement affiché, assumé et critiqué que tout n'est qu'histoire de popularité et d'argent, puisque les deux sont indissolublement liés, que les super-héros se fichent de sauver l'humanité et que Barbie se moque de promouvoir les femmes: tout ce qui compte, c'est vendre.
C'est bien pour cela que j'étais curieuse de le voir: comment ce film allait-il s'en sortir?

Il ne s'en sort pas, et le pire, c'est que (ou: c'est loqique, puisque) il n'en a jamais eu l'intention. Il présente deux mondes manichéens, le monde de Barbie dominé par les femmes et le monde réel dominé par les hommes («le patriarcat»), il fait se croiser les deux et n'en tire qu'une conclusion: qu'il faut que le monde de Barbie continue comme avant, et donc inéluctablement, le monde réel aussi.
Seule touche d'humour, Ken pense un instant que le monde réel est dominé par les hommes ET par les chevaux (je fais l'hypothèse que tout ceci est très américain, qu'il y a des clins d'œil qui nous échappent, qu'il s'agit d'opposer le modèle californien au modèle texan, les intellos fitness aux bourins cowboys).
C'est une catastrophe de propagande, il faut interdire ce film au moins de douze ou quinze ans, et s'il y a des profs très courageux, il faut l'étudier en classe pour démonter le discours, l'imaginaire et le modèle proposé.

Il n'y a pas de solution pour Barbie. Si l'entreprise veut réellement défendre les femmes, il faut changer les mensurations des poupées. (Ç'aurait été fantastique si Mattel avait profité de ce film pour faire cette annonce. Ça, ça aurait eu de la gueule, cela aurait démontré un véritable engagement. Dommage.)



Note
1: Evidemment, cette dernière phrase est censée signifier que Barbie est entrée dans le monde réel, mais elle dit beaucoup plus que ça — et autre chose —, l'inconscient parle.

La triste histoire d'une histoire drôle

Anna Kubišta est franco-tchèque. A l'occasion d'un partage de blagues sur Poutine et les Russes, elle a repartagé une blague qu'elle avait publiée le 1er avril 2022 lorsque Le Monde avait fait un article sur l'humour noir soviétique.
1/ Ma contribution au débat avec une blague #tchécoslovaque des années 1960 :
Le président communiste Novotný arrive un matin à son bureau au Château de #Prague et trouve un ouvrier accroupi devant sa porte. Il lui demande ce qu'il fait.

2/ "Je répare la serrure de ta porte, camarade président," répond l'ouvrier.
"Ah bien, bien," répond Novotný qui rentre dans son bureau.
A la fin de la journée, Novotný sort du bureau et trouve à nouveau le même ouvrier devant sa porte.

3/ Il s'exclame : "Comment ? Tu es encore là camarade ! Mais moi, j'aurais réparé cette serrure en 20 minutes !"
Et l'ouvrier de répondre : "Toi peut-être, mais moi je suis avocat".

(4/ Président de République socialiste tchécoslovaque entre 1957 et 1968, Antonín Novotný avait une formation de serrurier)
Jusqu'ici, tout va bien. On sourit ou on rit, on regrette de ne pas avoir su que Novotný était serrurier et on lit la blague suivante.

Sauf qu'au passage on lit les commentaires.
Et le monde vacille :
Un twittos : Mais du coup, c'est quoi la blague?
Anna Kubišta explique : La «blague» c'est que les intellectuels (etc), le plus souvent considérés comme des ennemis du régime, finissaient ouvriers (dans le meilleur des cas, sinon ça pouvait être le camp de travail ou la potence). C'est une blague politique et particulièrement grinçante.

Un autre twittos : ah bah non, tout ça c'était pas dans la blague
Anna Kubišta : Purée. Alors déjà expliquer une blague, c'est nase. Et une blague politique je vous raconte pas. Je viens de vous faire une explication de texte et de contexte, si vous ne comprenez pas je ne peux pas vous aider.
Et c'est alors — tadaam — qu'apparaissent les commentaires de @PRCF:
premier tweet : juste une blague contre les ouvriers.

deuxième tweet : un serrurier ne peut pas etre president selon vous ?
la classe…
tout est claire

Un twittos ré-explique : Pire - ceux qui avaient des métiers jugés trop “intello” étaient très souvent requalifiés de force par les dictatures rouges (partout pareil - nivellement par le bas, toujours, à chaque fois). Bien évidemment ils n’étaient pas du tout formés pour faire leurs nouveaux métiers.

réponse du PCFR : mais bien sur.
c'est comme ca que Cuba arrive à faire des vaccins contre le covid, l'urss envoyer des femmes dans l'espace, ce dont la France est incapable.
Je suis bien contente d'être un boomer, d'avoir des souvenirs et de contempler cela — même si je ne sais pas exactement si cela me fait plus rire que pleurer ou plus pleurer que rire.

Convention et protocole, billet technique

Encore une journée passée comme en rêve. Je ne me souviens de rien, sauf que j'ai découvert le protocole PAOS, l'équivalent de l'IDA pour les dommages corporels causés par des accidents de circulation.
Sur ce modèle, pour les accidents de la circulation et les sinistres impliquant des bicyclettes, un protocole a été signé le 24 mai 1983 entre les trois caisses nationales d'assurance maladie (CNAMTS, CANAM et la CCMSA) et les organismes représentatifs des entreprises d'assurance (GEMA et FFSA) avec pour objectif d'accélérer le recouvrement par les caisses de sécurité sociale des créances qu'elles détiennent auprès de l'assureur du responsable de l'accident, de permettre aux assureurs d'indemniser plus rapidement les victimes d'accidents de la circulation et de simplifier les rapports entre les caisses de sécurité sociale et les entreprises d'assurance en éliminant les causes de litiges. (Annexe III)
Bon, tout le monde s'en fiche ici, mais il en ressort que les mutuelles de la code de la Mutualité ne sont pas concernées. Du moins je crois. Si cela se confirme, une méchante assurance à forme mutuelle (ne pas confondre) est en train de nous voler quinze mille euros. (Je suis assez contente de moi d'être parvenue rapidement à cette conclusion sans connaître le sujet une heure plus tôt).

Je suis allée chercher H. gare de Lyon et nous sommes revenus ensemble par la coulée verte au Janissaire dont l'enseigne matin après matin retient mon œil: «gastronomie turque».
Excellente cuisine.

Au retour vers la gare, H. a reconnu la mairie du douzième où il a déclaré O. lors de sa naissance (une aventure que je raconterai un jour). Je n'avais pas pris conscience que c'était ici.

En parlant d'épure

Journée sans intérêt. Le vieux Metz est joli.

Je rentre. H. est allé chez le dentiste.
— T'as vu sa signature ?
— Non, montre.
Je regarde, ne comprends pas.

signature de médecin

— Il n'a pas signé?
— Mais si, c'est le trait.
— ...

Metz

Demain déplacement pro. Comme je n'ai pas envie de me lever aux aurores pour arriver gare de l'Est à sept heures, j'ai décidé d'y passer la nuit. J'ai dormi comme une bûche dans le TGV, avec toujours l'angoisse: ai-je ronflé (peut-être), ai-je bavé (non).

Hôtel, cinéma, Asteroid city. Je pense à Six Personnages en quête d'auteur et à Picasso, qui ne dessinait plus, ne peignait plus, ne traçait plus que quelques traits, arrivé au bout de ce qu'il avait envie d'exprimer, épurant encore et encore, minimaliste jusqu'à la disparition.

Même chose avec Jarmusch, les frères Coen, Anderson: de moins en moins de récit et de personnages, de plus en plus d'images et de simplification, menant pour eux à la caricature: The Dead don't die, Avé, César!, et pour Anderson French Dispatch et maintenant Astéroid City: des images, de la couleur, une graphie à la limite de la bande dessinée.

Je sors du cinéma trop tard pour trouver un restaurant ouvert et échoue au McDo près de la cathédrale. Une serveuse ressemblant à Anna Kendrick, tirée à quatre épingles malgré la chaleur et l'heure tardive, semble sortie tout droit d'un film américain.

Ni pluie ni orage. Eclairs dans le lointain.

Mauvais esprit

Et tandis que le prestataire informatique nous expliquait que l'un de ses clients mutualistes, assureur de nombreux policiers, avait demandé pour eux «une charte graphique un peu plus bleu blanc rouge que pour ses autres adhérents», je n'ai pu m'empêcher de murmurer: «qu'est-ce qu'on va choisir pour les nôtres? Picsou dans son coffre-fort?»

Orage et MI5

Orage donc pas de planeur, journée «bâchée». Aussitôt s'ouvre une éternité de temps devant soi qu'on s'imagine remplir de mille trucs en retard — pour finalement avoir classé ses mails, répondu à un ou deux d'entre eux en regardant Princesse malgré elle (bof. Je préfère les trucs pour ados plus musclés, genre Trinkets ou One of us is lying.)

Mission Impossible 5 à Dammarie-les-Lys (mais pourquoi si loin? Pourquoi ce film ne passe-t-il pas à Montereau ou Fontainebleau?). Les vingt dernières minutes de cascade sont parfaites, mais la première heure est verbeuse, avec des courses poursuites convenues qui pourraient être écourtées.
MI4 parlait de surpopulation et de virus, MI5 nous parle d'une IA en quête avancée d'autonomie, entre Terminator et ChatGPT.
Sachant que le film a forcément été tourné avant que ChatGPT ne soit rendu public, cette conscience de l'air du temps est à souligner.

Commentaire de H. : «tout le monde savait que Windows travaillait dessus [commentaire pour dire que ce n'est pas si extraordinaire que MI5 paraisse s'en inspirer]; mais je ne pensais pas qu'il le mettrait à disposition du grand public.»

Le retour du chat

O. part en vacances, donc nous récupérons Charlotte pour trois semaines. Dix-huit ans, sourde, maigre, mais en bonne santé, toujours en train de râler. Elle reprend immédiatement ses marques.

Il fait très chaud.
Comment appelle-t-on les parents de la copine de votre fils? Ce ne sont pas des beaux-parents, ou bien si? Il manque beaucoup de noms pour nommer les liens de parenté.
Ils sont passés à la maison pour la première fois. Leur fils, le frère de Y., habite dans le village épicentre du tremblement de terre en Charente la semaine dernière. Ils nous ont confirmé que ça tremblait souvent, mais à peine, des frémissements (euh… entre ça et le raz-de-marée il y a quelques années, il faut fuir cette région au plus vite).

J'ai appris qu'on parlait portugais à Madère et il est possible que je fasse enfin la différence entre les Baléares et les Maldives. Oui je suis une bille en géographie vacancière. Il faut dire que je me sens peu concernée.

O. a un PC à me prêter/donner, je me rapproche de l'installation d'un simulateur à la maison (parce qu'au rythme d'une heure de leçon par semaine vingt-quatre semaines par an, ça va me prendre une éternité).

Je note ici, dans Les Travaux et les Jours: j'ai ciré les chaussures d'hiver avant de les ranger. Je pensais avoir le temps de faire un peu de couture, et puis non. Le temps passe vite à ne pas faire grand chose.

J'ai fini hier La vingt-cinquième heure (conte balkanique flippant) et il me faut choisir le livre suivant. Je feuillete la biographie de Boulgakov, organisé en trois parties suivant ses épouses successives; vérifie que je n'ai pas La garde blanche; compare les dernières pages du Maître et Marguerite dans la Pléiade et chez Robert Laffont (j'ai lu (ou imaginé) qu'il existait plusieurs versions de cette fin qui m'est très chère et j'ai toujours peur d'en découvrir une autre version que celle que j'aime); ouvre un livre d'entretiens avec Akhmatova (qui ressemble plutôt à une correspondance) et découvre à la fin du Absalom! Absalom! de Gallimard imaginaire une biographie des personnages, une chronologie et une carte. Que choisir?

Les marins ont leurs raisons de faire des phrases

Journée de m** comme je n'en avais pas eu depuis longtemps, à commencer par m'être trompée de jour et être restée en télétravail alors que je devais former quelqu'un au boulot.

Bon bref, je vous mets quelque chose trouvée sur Twitter.
Dans la Marine, un enseigne de vaisseau est appelé Lieutenant.
Il peut commander une petite unité. Dans ce cas, on l'appelle commandant.
Après on a le Lieutenant de vaisseau, qu'on appelle capitaine.
Quand il commande une unité, on l'appelle aussi commandant.

Après, le capitaine de corvette. On l'appelle commandant. Même s'il ne commande pas. On peut avoir plusieurs commandants sur un même navire mais un seul qui commande tout le navire.

Puis le capitaine de frégate. Lui aussi est appelé commandant.
Il peut commander un navire mais pas une frégate. Pour commander une frégate, il faut être capitaine de vaisseau. Alors qu'il n'y a pas de vaisseaux dans la Marine, c'est un terme générique.

Enfin on a les contre-amiraux, les vice-amiraux, les vice amiraux d'escadre et les amiraux, que l'on appelle tous "amiral".
Parce que .....
Ben parce que c'était déjà assez compliqué comme ça.

Dans le prochain fil, nous verrons l'appellation des navires modernes, et pourquoi nos frégates ont un "D" sur la coque qui veut dire Destroyer, alors que certaines sont des croiseurs.
Comme l'a commenté quelqu'un, le plus simple est de saluer tout gradé par «commandant» (et j'ai appris qu'on ne dit pas «mon» dans la Marine).

vocabulaire-marin


Boîte à livres

Peut-être devrais-je en faire une catégorie.

Train pour Champagne (rive droite de la Seine alors que Moret se trouve rive gauche, si vous avez suivi), H. me rejoint du ping-pong, kebab.

Gare de Champagne, boîte à livres. Un magnifique Palliser, les cinq tomes du Quinconce en un, du papier presque bible mais pas bible. (Pour ceux qui ne connaissent pas, c'est un livre qu'il faut relire quand on l'a fini, un polar dont vous devez trouver la clé — et il paraît qu'il en existe deux.)

Le Quinconce

Entre deux chaises

Nous avons lancé un appel d'offres pour un développement informatique (ou quatre, ou quatre en un). C'est toujours extrêmement embarrassant pour moi: j'ai toute la compétence à domicile (via H.) pour savoir quelles questions poser; mais lorsque je suis au bureau, je n'ai aucune compétence personnelle pour juger des réponses.

Et décider en une semaine1 d'un engagement de 700 000 euros HT sur cinq ans (sachant qu'en assurance on ne récupère pas la TVA) me semble vraiment léger (le développement est urgent et les décideurs partent en vacances).

Bref, cette situation est inconfortable et frustrante.



Note
1 : ce n'est pas moi qui décide, je me contente de mettre des grains de sable dans les engrenages, ce qui est une autre source d'embarras : celle qui conteste sans apporter de réelles solutions.

Variations

J'ai horreur de la routine. Comme mon quotidien est essentiellement routinier, il me faut trouver des variations. Sachant que mes trajets sont contraints sur leur plus grande partie, il me reste les extrémités.

Ce matin, j'ai testé le viaduc des arts suivi de la coulée verte entre gare de Lyon et Félix Eboué.
Seule contrainte : emmener des chaussures de ville pour remplacer mes basketts en arrivant au boulot.

Viaduc des Arts


Ce n'est pas plus long que le métro.

Logique

Je connaissais la version :
«Un ami rencontre un logicien qui vient d'être papa:
— Alors? C'est un garçon ou une fille?
— Oui. »

Il existe désormais la version publicitaire métropolitaine (ligne 8, Reuilly). Je me demande combien de personnes la comprennent.

publicité logique pour the fork

Emeutes

Bavure: le 27 juin 2023 à Nanterre, un policier a tué un adolescent de 17 ans, Nael Merzouk, pour un refus d’obtempérer (il avait grillé un stop après d’autres infractions). Peur du policier, fatigue, racisme ordinaire, (racisme endémique), etc? Quoi qu’il en soit, les quartiers se sont embrasés. Incendies et pillages, moyenne d’âge quinze ans, atmosphère festive, caméras de surveillance démolies et posts sur Instagram et Snapchat.
Ce qui est impressionnant, c'est que toute la France est touchée: une pharmacie séculaire brûlée à Montargis, la bibliothèque de Metz réduite en cendres. Les maires sont pris à partie.

C'est l'été (et non novembre 2005), l'école est finie (— ou presque: sujet de débats sans fin entre profs et parents sur Twitter), ces gosses ne sortiront pas des cités pendant les vacances — ils n'en sortent pas non plus durant l'année: je me souviens de la copine prof à Bobigny qui nous expliquait qu'un voyage scolaire à Paris était une aventure pour eux. C'était quinze minutes de RER — qu'ils ne leur venaient pas à l'idée d'effectuer: absence de curiosité, d'imagination, enfermement dans leur monde bien connu.

Pour expliquer l'embrasement, certains évoquent le rôle en sous-main des barons de la drogue, mécontents de la pression qui pèse sur eux ces dernières années. Je n'y crois pas, cette explication ne sert qu'à satisfaire notre besoin de logique.
Je crois que c'est tout simplement l'occasion, l'impunité, l'effet de groupe, et aussi l'exemple donné par les adultes depuis cinq ans: après tout, ceux-ci ont brûlé le Fouquet's, la Rotonde, saccagé l'Arc-de-Triomphe, pourquoi les enfants ne pourraient-ils pas s'amuser aussi?

Je ne sens rien, rien de la colère que je ressens lorsque ce sont des adultes qui font n'importe quoi. Fatalisme. Nous sommes collectivement responsables des enfants, j'en ai toujours eu la conviction.

Que faire maintenant?
A court terme, aucune idée.
Pour l'été, imposer aux CE de la Poste, de la SNCF, d'Engie, de tous les groupes où l'Etat est largement partie prenante et où les CE sont si riches qu'ils n'osent en parler, cinq à huit pour cent de gosses de ces cités: que ceux-là en sortent, qu'ils voient autre chose.

Et puis évidemment, l'école. Il y a tout à revoir.
Parfois je pense à la fin du premier ou second chapitre de La Gloire de mon père: Joseph reproche à un collègue instituteur son manque d'ambition, celui-ci répond qu'il a évité l'échaffaud à une poignée d'élèves, qu'il estime donc avoir réussi sa vie.
Des derniers témoignages directs d'instituteurs que j'ai reçus, je retiens le découragement devant des injonctions contradictoires et un programme loufoque où se mélangent l'apprentissage fondamental (lire, écrire, compter) et des lubies contemporaines et changeantes. En substance, j'ai entendu «on n'a pas le temps de se concentrer sur le programme avec tout ce qu'on nous demande autour».

Retenons les habituels guignols de la Nupes qui ont du mal à cacher leur satisfaction (la France brûle, ils se réjouissent: tout va bien):

la Nupes ne condamne pas les violences


Cependant, parfois, retour à la réalité: ceux qui brûlent et saccagent ne sont pas électeurs, ce qui risque à terme de poser un problème pour ces députés si particuliers, d'où des volte-faces comiques et pitoyables.

double langage d'Alma Dufour


Indiana cinq

Le bon bouche-à-oreilles dont bénéficie Indiana Jones et le cadran de la destinée nous a décidé à aller le voir. Verdict: d'après H. (plus fan que moi), c'est le meilleur après le premier.

On passe un bon moment, Indy est un misanthrope déçu par la vie, les répliques sonnent juste (quelle différence entre un archéologue et un pilleur de tombeau?) et le scénario évite de nouer une histoire d'amour entre la jeune filleule et le vieil ours (écueil que contourne peu de films américains).

Je vais spoiler légèrement en posant la question suivante: si vous pouviez visiter l'époque de votre choix, laquelle choisiriez-vous?

Et j'ajoute une autre question: qu'est-ce qu'un homme de notre époque projeté dans l'Antiquité peut apporter aux homme de cette époque?
Je suppose que ça dépend de la spécialité de l'homme en question, mais personnellement, pas grand chose: je peux leur apprendre le lavage des mains et la stérilisation des instruments, la fourchette, l'étrier, le collier de labour. Je peux expliquer pourquoi certaines transfusions sanguines fonctionnent et pas d'autres — mais sans savoir comment vérifier lesquelles vont fonctionner. Je peux expliquer aux savants de l'époque les rapports entre pression et température, l'existence du vide, l'attraction des planètes, l'équation de la vitesse. Je peux expliquer deux ou trois choses en gynécologie et obstétrique — mais pas sûre de faire beaucoup baisser les morts en couche.
Mais l'électrécité ou le vélo, par exemple, suppose une ingénierie (fil de cuivre, verre pour l'ampoule, acierie).
H. me parle de la poudre, de la machine à vapeur.
Mais je ne suis pas sûre d'avoir envie d'apprendre cela à l'humanité et précipiter l'industrialisation.

Tryphon

Nous devions assister à une table ronde sur l'énergie, mais à cause des incendies et violences, cela fait deux jours qu'il n'y a plus de bus à partir de 21 heures. Je n'ai pas eu le courage de prendre le risque de voir nos trains supprimés, car les bus de remplacement à partir de 23 heures sont également supprimés.

Rendez-vous à Ground Control pour dîner puis rentrer. J'y vais à pied; sur le chemin je croise ce magnifique tournesol. Achat d'impulsion.



C'est un hommage à Berlinette. Descendez jusqu'à «Mes chers voisins - 1» (impossible de faire un lien sur le billet, le blog est trop vieux, c'est déjà miraculeux qu'il subsiste).

Et puis ça.

Au Sénat

Dîner au Sénat, invitée par notre amie devenue sénatrice il y a deux ans et demie. («Je vous invite car je ne suis pas sûre d'être réélue». J'espère qu'elle le sera car elle travaille beaucoup et elle aime sa fonction.)

Avant le repas, visite.
En clin d'oeil à DG, Anatole France qui fut bibliothécaire des lieux de 1876 à 1890.

buste d'Anatole France au Sénat

Rencontre cerisienne

Miriam (l'Espagnole vénitienne d'adoption) a passé six mois à Paris et quitte la France fin juin. Nous l'avons donc invitée sur la Butte aux Cailles au Temps des Cerises avec les Romains (franco-américain) installés à Maisons-Alfort.

Eclats de rire, échanges sur deux thèses en cours de rédaction, et déjà la nostagie de se séparer. Promesses de se revoir; promesses de voyage.

amitiés  cerisiennes


L'avenir

Un type (ou une nana) fait du trollage pour recueillir des réactions. C'est bien, ça permet d'identifier les comptes qu'on a envie de suivre.

Je vous laisse méditer sur cela.

Mélenchon, Bompard, Coquerel, Roussel, Autain, Garrido, Taché, Boyard, Bex, Faure, Ruffin, Léaument, Chatelain, Guedj, Wulfranc, Batho, Corbière, Quatennens, Rousseau, Bernalicis, Panot


Sortez le pop-corn.

Visite

Mes parents sont venus aujourd'hui. Nous ne les avions pas vus depuis Noël, j'ai un peu honte. D'habitude on se voit une fois au printemps, pour mon anniversaire ou celui de H. Nous n'y sommes pas allés en février, je préparais les championnats de France en huit; pas en mars, je ne sais pas pourquoi; pas ensuite, entre l'accident de voiture et leur propre voyage en Pologne. Puis mai et Sisteron, juin englouti…
Je ne suis pas fière de nous.

J'ai appris que la passiflore donnait les fruits de la passion (si nous avons de la chance, s'il fait chaud), que les tortues mangaient les escargots. Ce serait peut-être une solution pour notre jardin, malheureusement elles risquent de passer sous le portail.
Les forêts d'épicéa du Harz sont mortes, c'est un spectacle terrible qui a marqué mes parents.

Il a fait vraiment chaud. Mes parents sont fatigués, leur roadtrip en Europe les a fatigués. Il faut dire qu'en voyage ils se lèvent à quatre heures du matin pour arpenter la campagne. J'essaie de suggérer qu'ils pourraient en faire moins, ou moins vite, prendre plus leur temps; mais ils m'opposent que c'est l'âge (qui les fatigue) et qu'ils ont un emploi du temps contraint: ils ne peuvent pas ralentir, ils doivent rentrer à temps pour s'occuper des maisons de leurs voisins (plantes, chats), tous partis en vacances. A les entendre parler, j'ai de plus en plus l'impression — ça ne date pas d'hier — que leur quartier est un kolkoze, un lieu collectif de partage.

Le bordel en Russie

La milice Wagner contre l'armée régulière se tapent dessus depuis hier.
Puis Wagner arrête, son chef Prigojine se retire en Biélorussie.
Personne en Occident n'y comprend rien, même si certains commentateurs font semblant de maîtriser la situation.

Commentaire hier de Colin Lebedev:
Mon moniteur d’auto-école à Moscou me disait: «tu vois tous ces fous au volant devant nous qui cherchent à régler leurs comptes? On les laisse partir devant s’entretuer, et on arrive tranquillement après eux pour analyser la situation. » A demain donc, et bonne nuit.
Son analyse du jour (24 juin 2023) est à lire ici.
Quelle que soit l'issue, certains acteurs, les combattants mais pas seulement, ne pourront s'empêcher de se dire:
1. Il n'a pas tort
2. L'Etat n'est pas si puissant si cette insurrection est même possible.
Et ça, c'est le petit dégât des eaux invisible, mais redoutable.
Quant à nous, Européens lambda, on serre juste les fesses en espérant que les têtes nucléaires ne tomberont pas entre les mains d'un plus barge que les actuels barges.

Une journée en piste

Après la semaine d'orage, j'ai pris une journée de RTT pour faire du planeur.

Sur le câble qui tient la manche à air, trois libellules.

trois libellules


J'en ai profité pour laver la voiture et le bureau. Ça m'a rappelé mon père qui me disait quand j'avais quinze ans: «tu ne fais pas le ménage dans ta chambre mais tu nettoies les écuries.»

Absurdité

Dîner à Ground Control, gare de Lyon à 19h36 pour un train qui part à 19h46. C'est un train de Bourgogne-Franche-Comté, à l'aspect extérieur sale et vieux et l'intérieur passé, le successeur des trains Corail. Ils ont l'avantage d'être confortables, on y dort bien.

Le train est déjà plein, mais nous trouvons deux places assises l'un en face de l'autre. Il fait chaud, nous nous installons, je sors La vingt-cinquième heure.

Le train se remplit, comme toujours à quelques minutes du départ. Il nous faut un moment pour nous rendre compte — «avancez dans le couloir, il y a encore de la place» — qu'il se passe quelque chose d'anormal. A écouter les gens, nous comprenons qu'un autre train n'est jamais parti — sans qu'aucune annonce ne soit faite — enfin si, une, au début, pour informer que le train de 19h21 partirait avec dix-huit minutes de retard — puis plus rien.
Et donc le train de 19h21 est en train de se déverser dans le nôtre, avec des passagers passablement énervés de n'avoir eu aucune information.

Notre train partira avec quelques minutes de retard et se refroidira avec le temps. Les gens debouts, très tassés, attendront plus ou moins patiemment. Heureusement pour eux, la plupart descendent au premier arrêt, à Melun.

En arrivant à Moret, tandis que nous parcourons la centaine de mètres qui nous sépare du parking, nous voyons arriver à quai le train de 19h21, finalement parti, et vide, absolument vide: je ne vois que deux ou trois têtes par les fenêtres.

Panne

Pas d'internet au bureau et pas de téléphone fixe. A midi nous avons renvoyé les équipes chez elles pour qu'elles travaillent à distance. Je n'ai pas compris exactement la cause, des travaux, une gaine coupée?

Nous avons laissé tout le monde en télétravail demain et acheté une antenne 4G avec amplificateur pour servir de relais.

Cependant, on nous a promis que tout serait réparé demain.

Orage

Dans l'après-midi, une élève-pilote nous envoie cette photo d'un orage au-dessus de la piste.

orage au club



Le soir — cela a-t-il un rapport avec l'orage? — il n'y a pas de train sur la branche Moret et je prends un train pour Champagne. Nous mangeons un kebab sur place dans une ville désertée — sans doute à cause de France-Grèce.

Petite journée

Les conditions n'étaient pas très favorables: nous avons commencé tard, vers quinze heures, le temps que les thermiques se forment. Je suis passée en troisième et je n'ai volé qu'un quart d'heure, le temps d'un remorqué (mon point faible) et d'un aterrissage.

Nous avons eu juste le temps de ranger les planeurs avant que l'orage n'éclate, très violent.
A Fontainebleau, le concert de Sting a été annulé.


******


Pour mémoire, les réseaux ce soir se déchirent autour d'une bière bue par Macron à la fin d'un match de rugby. Je dois avouer que je suis écroulée de rire. Cette époque est vraiment particulière. Les LFIstes peuvent attaquer les policiers au mortier1, mais le drame, c'est que Macron boive une bière.
Je me demande si j'aurais l'occasion de relire ce billet dans dix ans, et si oui, ce que j'en penserai alors.



Note
1: tunnel Lyon-Turin.

Economie et politique - semaine du 5 au 12 juin

Journée de télétravail. J'ai donné des vêtements très anciens (une robe saumon de Bordeaux, soit trente ans, presque pas portée car achetée au moment de ma plus grande minceur). Je voulais les donner à quelqu'un parce que ce sont des vêtements qui passent au pressing et que je voulais qu'on en prenne soin car j'y suis attachée. J'ai donné des vêtements achetés pour ma fille il y a dix ans et qu'elle ne portera jamais, une robe rouge à pois blanc que je n'ai plus envie de porter à mon âge. Sortie au marché. Revu Taxi Driver que j'avais vu au cinéma en 1987, je pense, dans un cinéma du Boul Mich disparu depuis longtemps (à l'époque il y avait encore des cinémas porno, c'était une petite salle coincée entre).
C'est à peu près tout pour mes aventures palpitantes de la journée, donc je vous mets de l'info économique et politique.

Les entreprises se délocalisent aux États-Unis – Euractiv
Les entreprises sont confrontées à des charges administratives et à des coûts énergétiques élevés en Europe selon Stefano Mallia, le président du groupe des employeurs du Comité économique et social européen (CESE). Cette délocalisation d’entreprises concerne principalement les secteurs qui dépendent d’une forte consommation d’énergie. Le groupe des employeurs du CESE a poussé l’UE à introduire un « contrôle de la compétitivité ». Un tel contrôle supposerait que les conséquences d’une législation proposée sur l’environnement des entreprises soient analysées au cours des processus de prise de décision de l’UE.

Blockchain : consolider nos atouts – Institut Montaigne
La France a été pionnière dans l'écosystème international blockchain et dispose d'atouts techniques et réglementaires incontestables pour cette technologie. L’enjeu est désormais de développer notre avantage sur cette infrastructure numérique de confiance, en capitalisant sur ces avancées. À l’échelle européenne, le développement d’infrastructures de paiement qui s'appuient sur la blockchain serait clé pour notre souveraineté.

La gestion publique des risques – Cour des comptes
Le rapport s’attache à analyser concrètement la gouvernance de la gestion publique des risques, les processus qu’elle met en œuvre et les conditions de son adaptation à l’évolution des risques. Il émet notamment des recommandations pour rationaliser les dispositifs sectoriels de gestion des risques, pour améliorer la vision d’ensemble de la puissance publique sur les risques qu’elle supporte et sur les moyens qu’elle met en œuvre pour les gérer et pour expliciter et approfondir l’interaction entre l’État et la société.

L’Allemagne est-elle à nouveau « l’homme malade de l’Europe » ? – Institut Jean Jaurès
La récession allemande constitue une opportunité pour corriger certaines orientations économiques. Entre l’intervention étatique souhaitée par le chancelier Olaf Scholz et la volonté́ de l’industrie allemande d’avoir les mains libres, il y a une occasion de faire émerger un chemin pour la transformation écologique du modèle économique allemand, en développant davantage de technologies vertes dont le monde entier aura bientôt un besoin vital.

Santé et technologies : quelle entente pour nos professionnels ? – Institut Sapiens
Selon Gaetan Casanova, Isabella de Magny, Vincent Diebolt, le secteur de la santé subit une transformation profonde due à l’innovation technologique et aux évolutions démographiques. Entre la diminution des médecins, la désertification médicale (qui concerne 10 millions de Français), les professionnels de santé sont confrontés à des contraintes de taille. Pour les résoudre, ils considèrent qu’il est donc nécessaire d’exploiter les nouvelles technologies comme l’IA, qui libère du temps médical, pour réinventer le système de soins.

80 ans

AG et 80 ans de la mutuelle.

— Vous êtes une mutuelle à contre-courant.
— Non, nous sommes une mutuelle singulière.

Bu trop de champagne.

Départ en catimini

Départ à la retraite d'une salariée. Départ à 67 ans : elle est fonctionnaire détachée, sa retraite n'est calculée que sur son salaire de base, hors "primes", donc elle part le plus tard possible pour optimiser sa pension.

Je mets primes entre guillemets car celles-ci n'ont pas la même nature que celles du privé: elles ont un caractère permanent — tant que vous êtes présent au travail: elles ne sont pas versées quand vous êtes en arrêt maladie, ou même — en vacances (ce qui fait qu'un des fonctionnaires de ma structure ne prend jamais de vacances et est d'une humeur exécrable). Peut-être que ce n'est pas vrai pour toutes les primes, peut-être que ça dépend de leur nom. Je suis désarmée devant cet imbroglio et je découvre des bizarreries tous les jours.

Les fonctionnaires ne cotisent que sur leur salaire de base (salaire indiciaire brut) et touchent une retraite proportionnelle. Cela signifie que durant leur vie professionnelle, ils supportent moins de prélèvements que les salariés du privé, mais une fois à la retraite, leur pension est plus faible. En clair, il leur faudrait cotiser volontairement sur leur partie "primes". Je suis toujours effarée de me dire qu'on demande aux fonctionnaires de se comporter comme des salariés américains. (NB: je présente des généralités, il y a beaucoup de cas particuliers. Par exemple, comme le salaire des professeurs ne comportent quasi pas de prime, l'écart de calcul de retraite avec le privé est inexistant (ou presque: je n'ose rien affirmer catégoriquement.))

Toujours est-il que les fonctionnaires de mon équipe restent jusqu'à être rayés des cadres, c'est-à-dire mis à la retraite d'office à 67 ans. J'en ai même une qui, s'étant arrêtée de travailler dix ans pour élever ses enfants et n'ayant pas tous ses trimestres pour une retraite à taux plein, a demandé à poursuivre au-delà. Elle aura 68 ans en juillet, elle part en décembre. Je sens qu'elle commence à peiner; les changements dans les modes de travail la désorientent mais elle reste une excellente technicienne.

Donc aujourd'hui, l'une des fonctionnaires partait à la retraite. Comme je suis très attachée aux rites, je lui avais demandé il y a dix jours si elle voulait qu'on organise un pot de départ à la retraite. Elle s'y attendait si peu qu'elle avait rougi et répondu oui.

Elle ne s'y attendait pas parce que c'est une vraie peste.
Je ne suis ici que depuis deux ans, mais durant ce court délai, elle a envoyé à la direction un mail odieux de dénonciation d'une collègue. Personnellement, à ce moment-là je l'aurais renvoyée dans son ministère d'origine (ce qui est l'équivalent d'un licenciement, ai-je appris sur Google); elle a simplement eu droit, sur mon insistance, à une lettre d'avertissement (j'ai appris au passage que le droit du travail privé s'applique aux fonctionnaires détachés (enfin, je suppose qu'il doit y avoir des subtilités)).

Depuis que j'ai annoncé qu'il y aurait un pot, certains sont venus me demander si c'était obligatoire (non), d'autres combien de temps il fallait y rester (un temps décent). D'autres m'ont dit qu'ils feraient le pot pour fêter son départ. On m'a (re)raconté qu'elle avait des poupées vaudou; aussi incroyable que cela paraisse, elle suscitait de la peur chez les agents les plus anciens qui la soupçonnaient d'avoir provoqué la mort de collègues (je vous jure qu'on m'a vraiment raconté ça. C'est si Jacques Yonnet.)
Bref, elle a dû entendre des commentaires et des conversations. Elle est venue en fin de semaine dernière me prévenir qu'elle ne voulait plus de pot car «elle n'aimait pas les hypocrites».

Elle est partie à trois heures, une orchidée et un bougainvillier dans les bras offerts par deux ou trois salariées charitables.

*****

J'ai fini la lecture de Terre inhumaine. Finalement l'aide que nous apportons aujourd'hui à l'Ukraine face à la Russie, c'est celle que nous n'avons pas accordée à la Pologne en 1945. A l'époque Staline avait jugé que l'Occident n'entrerait pas en guerre pour sauver la Pologne; aujourd'hui l'Occident compte sur l'Ukraine pour épuiser la Russie (ou plutôt se débarrasser de Poutine. Mais quid des oligarques?)

Cartes postales

Deux cartes postales m'attendaient ce soir.

Quand je me retourne pour regarder ce que j'ai réussi, ce qui constitue une différence par rapport à si je n'avais pas été là, je ne trouve pas grand chose: quelques années de vie sauvées pour la dernière chienne de mes parents qui aurait sans doute été piquée trop tôt si je n'avais pas été là pour conseiller la patience, cent mille euros d'arriérés et une rente mensuelle récupérés pour un dossier d'invalidité que j'ai défendu par hasard (cela ne faisait pas parti de mon poste, mais un administrateur de la précédente mutuelle me faisait confiance et m'avait envoyé un cas litigieux), quelques passants aidés au hasard des rues, le huit féminin du CNF dont j'ai patiemment instillé l'idée dans les vestiaires (mais ça n'a pas fonctionné à l'ANFA, sans doute par absence d'un entraîneur que le projet intéresse).

L'une des cartes postales trouvée ce soir constitue la preuve de l'une de ces réussites: avoir fait se rencontrer des personnes qui ne se seraient pas connues sans moi et qui sont devenues amies, entre elles, sans que je n'ai plus besoin de servir d'intermédiaire. Carte postale signée Aline et Tlön, l'une ayant déjeuné chez l'autre: je n'avais même pas conscience qu'ils en étaient à ce niveau de relations, et ils ont pris la peine de trouver une carte et de me l'envoyer. Cela me fait vraiment plaisir.


L'autre carte, c'est mon premier timbre Charles III.
En voyant le prix du timbre, je me rends compte que je n'avais aucune idée du cours de la livre. J'en étais restée aux francs, quand une livre valait autour de dix francs, si je me souviens bien.

timbre Charles III


Merci à tous les trois.

Le persil perce

Dans la série «Martine se met au jardinage», j'ai semé du persil. Je n'arrive plus à me rappeler si ça fait une semaine ou deux que je l'ai planté. J'avais retrouvé le sachet de graines quelque part dans la cuisine (là depuis deux ans), les avais mises à tremper quarante-huit heures (une journée de trop, je les avais oubliées) puis semées dans la jardinière à côté du pied qui a survécu à l'hiver.
Cela faisait beaucoup de graines, beaucoup trop de graines, de quoi ensemencer un carré de cinquante centimètres de côté, mais je me suis dit pour me rassurer qu'une graine ou deux allaient prendre sur cinquante (lorsque j'avais semé un "mélange de fleurs pour friche fleuri" acheté à Giverny, j'avais eu trois coquelicots).

Depuis, rien. Malgré ma surveillance attentive, rien, matin et soir.

Samedi matin, dix jours plus tard, neuf heures du matin, miracle, alors qu'il n'y avait rien la veille au soir, les premières pousses étaient sorties.
Du matin neuf heures au soir six heures, l'évolution est visible à l'œil nu (du moins je trouve, ce n'est peut-être que la fierté du jardinier):

persil samedi à 9 heures persil samedi à 18 heures


A neuf heures du soir dimanche, c'est carrément un succès.

persil dimanche à 21 heures


Inquiétude impuissante

Température de l'Atlantique Nord, jour par jour, depuis le début de l'année.

températures de l'Atlantique Nord au premier semestre 2023


On pourrait se dire qu'un degré, ce n'est pas beaucoup.
Cela devient plus impressionnant quand on sait que six à sept degrés nous séparent de la dernière ère glaciaire.

Je rappelle les travaux de Rockström et son équipe en 2009: ils ont démontré un effet cliquet sur neuf critères. Nous sommes aujourd'hui incapables de modéliser ce qui se passera quand nous aurons dépassé les frontières connues sur ces critères.

Dix ans plus tard, l'article s'est répandu et on en trouve une version allégée en français ici. On notera que le texte préfère mettre en avant les conditions d'une stabilité plutôt qu'expliquer qu'on ne sait pas très bien ce qui va se passer.

En tant qu'individu, je ne vois pas ce que nous pouvons y faire (si : éviter de me mettre à faire du planeur justement maintenant. C'est le moment où on se trouve des excuses, du type «c'est moins polluant qu'aller à Bali». Mais à vrai dire, je n'en sais rien.)

Pour les anglophones, cet article volontariste explique qu'on peut encore stopper la tendance.

Contrecoup

La plupart des jeunes pilotes, et notamment ceux qui pilotent les avions qui nous remorquent, ont pour ambition de devenir pilotes de ligne. J'arrive au milieu d'une conversation entre pilotes d'avion-remorqueurs, instructeurs de planeur, élèves-pilotes de planeur. Elle concerne une grande compagnie aérienne:
— Pour sept postes, ils ont pris six filles. Ils manquent de filles dans les cockpits. Pour le septième, ils ont fait évoluer un mec en interne.
Mon premier mouvement est d'être désolée pour lui (surtout que celui qui parle est mon préféré). Mais je dis seulement:
— Vous êtes en train de payer pour les dix générations précédentes.

L'histoire avec sa grande hache: être présent au mauvais moment au mauvais endroit. Je m'abstiens de leur faire remarquer que la frustration qu'ils éprouvent, c'est celle de générations de filles à qui on a dit non pour la seule raison qu'elles étaient fille. Ce n'est pas plus juste aujourd'hui qu'à l'époque. Mais je ne vais certainement pas regretter qu'on essaie de rééquilibrer la situation, même si c'est brutal et injuste au niveau individuel. Cela permettra de faire évoluer les mentalités (rendre la présence de femmes normale, ordinaire, que cela devienne un non-sujet. La guerre des sexes est plutôt ennuyeuse, vivement qu'on passe à autre chose).

Combien de temps pour que la situation s'équilibre? Avec les départs à la retraite et le remplacement générationnel, quatre ans ou cinq ans?

Horreur

Hier, un réfugié a attaqué au couteau de très jeunes enfants dans un parc. J'avais vu passer l'information sur Twitter mais sans chercher à en savoir plus: c'est le genre d'info dont je me passe.

Quand Hervé est rentré du bureau, il m'a demandé:
— Tu as vu ce qui s'est passé à Annecy?
— Vaguement, mais pas plus que ça.
— Un homme a poignardé des enfants dans un square. Ça a tourné au drame dans la boîte: X vient d'Annecy, il n'arrivait pas à joindre sa femme, à un quart d'heure près elle était dans le parc.

6h50 ce matin. Je commande mon café. La télé est allumée dans la buvette, elle diffuse des images de l'homme qui marche de long en large dans le sqare en agitant les bras. C'est un grand gaillard costaud: mais pourquoi une telle armoire à glace est-elle allée attaquer des enfants de trois ans? Qu'a-t-il bien pu se passer dans sa tête? C'est une question que l'on sait sans réponse, car comment expliquer rationnellement la folie? Mais la curiosité, de l'ordre de l'effarement, demeure.

6h50 ce matin. Pour échapper à la télé, je sors en terrasse, du côté des quais vers le sud, peu fréquentés le matin. Il fait doux, le ciel est limpide. Ce pourrait être un moment calme et salutaire de ressaisissement de soi-même avant de s'élancer dans la journée. Trois habitués sont là, des hommes que je connais peu mais que j'aime bien, qui le plus souvent se taquinent sur leurs équipes de foot préférées. Ils sont en train de parler de l'agresseur.
— Moi, je l'enfermerais dans ma cave et matin et soir, j'irais le torturer.
J'interviens, pas sur le fond, simplement parce que j'aimerais qu'ils parlent d'autre chose: — Il faut être sacrément motivé, j'ai autre chose à faire de mes journées.
— Oui. (Il continue, obsessionnel:) C'est facile de torturer. Au Moyen-Âge, ils en connaissaient un rayon.
Un autre renchérit: — Et les Chinois...
— Oui. Par exemple, vous enfoncez un tuyau dans le cul et vous prenez un rat...

Je m'éloigne.

Watson

Watson est un gros chat roux. Il ressemble davantage à Churchill qu'à Watson. C'est la star du quartier.

Il habite en face de l'arrêt de bus dans la rue derrière chez nous. La première fois que je l'ai vu, à six heures et demie du matin dans le froid, en train de traverser lentement devant le bus qui arrivait, je me suis précipitée: j'ai eu peur qu'il ne se fasse écraser.
Depuis, je ne cours plus. Je sais que ça l'amuse de faire ralentir les voitures. Et les voitures et les bus ralentissent. Il trône au milieu des parkings et les voitures le contournent. C'est de la roulette russe: rien n'assure que le véhicule qui approche soit au courant et attentif.

J'ai appris son nom puisque tout le monde le connaît. Parfois quelqu'un le ramène chez lui quand il le juge trop loin. La surveillance est collective.

Cet après-midi il dormait le long du comptoir du coiffeur. De temps à autre il s'installe sur les genoux des clients. Quand je suis passée au shampooing, il avait squatté l'un des fauteuils.

le chat Watson

Dorothée le retour

C'est l'info du jour: Dorothée et Ophélie Winter doublent des voix dans le dernier Transformers.

A la buvette de la gare, Toufik fait la tête parce que je ne lui réponds pas: j'écoute Cyprien Cini sur RTL. J'enlève mes écouteurs et mets mon téléphone sur haut-parleur. Aussitôt séquence nostalgie pour tous les quincagénaires présents.

Oulipo

Dernier oulipo de l'année — mais il y aura une séance supplémentaire le 20 juin à la TGB, avec projection d'un film.
Dernier oulipo, mais je me demande si pas seul oulipo de 2023: entre les grèves, les concerts et les problèmes de train, je ne sais plus si j'ai assisté à une séance depuis janvier.

Le plus difficile aujourd'hui est finalement de trouver un restaurant qui conviennent à tous, sans être trop loin du métro. La fermeture de la 14 vers 22 heures décourage tous ceux qui habitent loin.

Certains font la différence entre «jour» et «journée»: vingt-quatre heures contre le contraire de la nuit, mais l'attribution à l'un ou l'autre mot n'est pas stable et dépend des utilisateurs. Nuance également avec après-midi: masculin ou féminin selon qu'il s'agit d'une durée (toute l'après-midi) ou une indication ponctuel («je passerai cet après-midi») (j'avoue que j'utilise un autre critère: féminin avec mes amis littéraires comme un secret partagé, masculin avec les autres).
A propos de je ne sais plus quel choix de mot, Nicolas propose une explication à laquelle je souscris totalement: l'un ou l'autre mot selon le nombre de syllabes nécessaires à balancer la phrase.
Enfin, question piège: d'El Desdichado ou de El Desdichado? Solution: construire sa phrase de façon à ne pas se trouver dans la situation de devoir choisir.

Deux surprises : GEF a lu un billet où je parlais de son père (je suis embarrassée: est-ce indiscret? Je suis surprise: il lit mon blog? (il a dû suivre un lien de référencement un jour où j'avais fait référence à ses travaux.)) Il me signale une erreur: son père n'était pas médecin mais pasteur.
Et choc, alors que je parlais de je ne sais quoi: «ça fait du bien de t'entendre tenir un discours de gauche comme ça». What? Parce qu'il pense que son laisser-faire laisser-aller est un discours de gauche? Je ne veux pas que l'Etat s'occupe de moi, je préfère ne compter que sur moi-même parce que le XXe siècle ne m'a pas convaincu que l'Etat était bienveillant.
Par ailleurs, il est exact que je crois que sans économie forte il n'y a pas de politique sociale possible. Il faut de l'argent pour avoir de la liberté de décision. Nous le savons tous, nous le vivons au quotidien. C'est aussi vrai pour un Etat que pour un foyer.

H. était là. Il s'est cassé la figure dans les escaliers de la TGB qui descendent vers la Seine et c'est tout juste s'il ne m'en a pas rendu responsable. Fin de soirée tendue. Je suis très fatiguée.

Un buffet Henri II

Aller retour chez ma tante dans le Berry pour aider ma fille.

Nous démontons tout ce que nous pouvons et à ma grande fierté, nous réussissons, à force de calcul et de créneaux entre les portes encastrées dans des murs très épais (la maison a deux cents ans au moins), à déplacer le meuble et l'arrimer dans le camion. La supériorité du cerveau sur la force brute. (Je n'ose pas mettre de points d'excalamation car je suis retombée sur cet article sur la syntaxe de Trump qui prétend que nous avons droit à douze points d'exclamation dans une vie: «Some writers recommend that you should use no more than a dozen exclamation points per book; others insist that you should use no more than a dozen exclamation points in a lifetime.»).

A l'aller j'ai traversé la Loire à Gien, au retour je prends la transversale jusqu'à Cosne car j'affectionne les coteaux de l'Auxerrois. Je remonte ensuite vers Moret sur une ex-nationale parallèle à l'autoroute. Y a-t-il chaque année autant de roses, le climat a-t-il été favorable cette année, ou ne suis-je jamais passée ici en juin? Quoi qu'il en soit, la campagne et les villages sont magnifiques.

A la nuit tombée je recapote. Tous les villages sont noirs désormais, très peu restent allumés la nuit.
En arrivant, avant de rentrer, je prends une demi-heure pour aller coller à Veneux: il y a encore une journée d'action contre les retraites mardi. J'ai créé mes propres affiches qui rappellent que si l'Etat s'est endetté, ce fut pour protéger les salaires et les entreprises. Oublieuse mémoire, disait Supervielle.

Marathon repassage

Début mai, j'avais repassé le minimum avant de partir en Sisteron. Aujourd'hui, j'ai descendu la pile. Je fais des progrès, j'ai découvert au bout de trente ans la température idéale pour trois types de vêtement: soie pour les polos et tee-shirt, laine pour les chemises et coton pour les jeans et les torchons. J'ai donc fait trois tas de façon à augmenter la température entre chaque tas.
Je le note ici pour la prochaine fois car je vais oublier. Je n'ai pas d'éclair de génie tous les jours, je dois les noter.

Emploi du temps

Soudain à 17h53 un sms de ma fille : «Est-ce que tu préfères en week-end ou je peux faire ça en début de semaine prochaine?»

C'est la réponse, sans un mot entretemps, à une proposition d'aide de ma part dix jours plus tôt: si elle récupérait des meubles chez ma grand-mère, qu'elle n'hésite pas à me le faire savoir, j'en profiterai pour aller voir ma tante.

Et donc dix jours plus tard, le mercredi soir, ma fille dispose de façon très précise de mon week-end: il faut que ce soit dimanche, et dimanche après-midi parce que le matin elle participe à la collecte pour la Croix Rouge.
Je suis estomaquée: faisions-nous des coups pareils à nos parents? Sans doute que oui. Il me semble que je prévenais les miens toujours très tard, parce que j'avais peur de les appeler.

Renseignements pris, c'est ce week-end ou en septembre: elle n'est pas libre de l'été parce qu'elle connaît trop de tournées, que la poste a gagné un appel d'offres qui va lui faire utiliser certains facteurs (avec une qualification particulière, je n'ai pas compris laquelle) à relever les compteurs de gaz pendant six semaines, et que par conséquent les autres facteurs sont réquisitionnés pour faire leur boulot à leur place.

Elle me décrit le meuble qu'elle veut récupérer: un buffet de style Henri II tels qu'il s'en trouve dans les foyers low middle class des années 40. Ça m'interloque qu'elle veule ça, et ça m'émeut: le buffet de son arrière-grand-mère.

Mais comment diable allons-nous charger cela dans un camion? Elle est plus petite que moi. Elle parle de démonter, mais ce n'est pas un meuble Ikéa, il faut savoir enlever des chevilles...
Ça promet du sport et des déconvenues.

Je m'exprime

Ce soir avant de quitter le bureau, j'ai imprimé mes propres affiches parce que la comm Renaissance est vraiment molle du genou.

Un départ en retraite

Participation à une AG d'union de mutuelles.

Pot de départ en retraite, deux très beaux discours, colorés et spirituels.

Une phrase terrifiante et vraie: «je m'en vais, car dans un an, avec la PSC, vous allez tous vous haïr et je ne veux pas voir ça».1

Une citation inattendue: «car X vivait selon la phrase de Kierkegaard: "ce n'est pas le chemin qui est difficile, mais la difficulté qui est le chemin"».



Note
1: cela ne vous dit rien et c'est normal. Depuis quelques années, tous les employeurs du privé doivent fournir une complémentaire santé obligatoire à leurs salariés. Avec la réforme de la PSC (protection sociale complémentaire), cela va devenir obligatoire également pour les employeurs publics. Pour choisir cette complémentaire, les différents ministères vont passer des appels d'offres. Il y aura une société d'assurance ou une mutuelle de choisie par ministère, toutes les autres ne le seront pas, et donc de fait, destinées à disparaître à plus ou moins long terme (tout au moins les mutuelles puisqu'elles ne font que de la santé).

Glamour

Laura a un petit ami saint-cyrien. (Et aussitôt d'imaginer le casoar: je lui ai demandée à être invitée au vin d'honneur si elle se marie, je veux prendre une photo, une vraie photo glamour de magazine).
Parlé été, mémoire de lettres classiques, projets australiens.

*****
Revu Orimont pour la première fois depuis treize ans (c'était la troisième fois).
Parlé de voyages, du goût de non-voyage, du désir d'océan, de la difficulté à s'intégrer en Italie, de la pingrerie des milieux éditoriaux.
Il lui est arrivé cette chose romantique qui consiste à se découvrir légataire universel d'une vieille dame morte sans descendance. A moyen terme ce sera sans doute profitable, mais pour l'instant c'est beaucoup de tracas. (J'imagine ce moment où l'on s'aperçoit qu'on comptait beaucoup pour quelqu'un et qu'on ne le savait pas — le remords de se dire qu'on aurait dû faire plus attention — mais finalement on faisait déjà plus attention que le reste de son entourage — et pourtant ce n'était pas tant que ça — etc.)

Les pompes australiennes

Aujourd'hui, cours pratique sur le remorquage.

(Je ne dis rien de ma précédente expérience.) L'instructeur insiste beaucoup sur la «position haute», principale source d'accidents: le planeur remorqué monte au-dessus de l'avion, tire la queue de celui-ci vers le haut et le fait piquer du nez, le câble devient si tendu qu'il est impossible à larguer (sur certains avions il est néanmoins possible de le couper) et l'ensemble de l'attelage chute.
— En revanche, la position basse n'est pas un problème. D'ailleurs en Australie, on remorque toujours en position basse, car les turbulences peuvent être si violentes qu'elles peuvent vous remonter brutalement au niveau de l'avion.

Donc après les animaux dangereux en tout genre, des grenouilles aux araignées en passant par les crocodiles de mer, je découvre que même l'air est traître en Australie.

Ça donne furieusement envie d'aller y planer — si un jour j'arrive à piloter, ce dont je doute ce soir: «si ton nez défile, c'est que tes ailes ne sont pas horizontales» (diagnostic après conversation au sol). Problème: je ne me rends pas compte que je suis penchée — mais après tout qu'importe: si mon nez défile, je n'ai qu'à redresser. J'essaierai la prochaine fois.

Déception à Malesherbes

L'été dernier, après nos quatre sorties en canoë double, nous avions décidé d'investir dans un canoë, et dans notre grande sagesse, nous voulions rencontrer des professionnels pour avoir des conseils. Un Google plus tard, nous avions identifié un magasin à Malesherbes: c'était parfait, au sud, exactement ce qu'il nous fallait.

Et donc aujourd'hui, huit à neuf mois plus tard, nous sommes partis pour Malesherbes (Le Malesherbois par la vertu des regroupements de communes) afin de commencer nos aventures.

N'y allez pas. Ce n'est qu'une boîte aux lettres, au sens propre: une boîte aux lettres marquée Idoine, et c'est si peu clair qu'il y a deux flèches jaunes indiquant "Idoine" en direction de la boîte, sans doute à l'intention du facteur. Je n'ai pas compris pourquoi ils faisaient apparaître cette adresse de Malesherbes sur leur site à l'égal de leur magasin en Bretagne (du moins je suppose qu'il y a un vrai magasin en Bretagne).

Bref, retour au magasin Décathlon de Montereau, achat d'un canoë gonflable, d'une pompe, d'un bidon étanche et de deux pagaies.
Il ne reste qu'à espérer que nous allons utiliser tout cela plus d'une fois ou deux (perso je vise une journée de planeur, une sortie en canoë par week-end, mais j'ai toujours été optimiste/extrémiste).

Ascenseur pour l'échafaud

Rendez-vous ce soir pour voir ce film à Fontainebleau — apparemment, nous l'apprendrons sur place, une association cinéphile s'est montée en septembre dernier et il y aurait un classique montré chaque troisième vendredi du mois.

Grand plaisir à revoir ce film que j'ai vu (au cinéma) pour la première fois durant l'été 1990.
Il m'apparaît très vite que je ne me souviens de rien.
Grande admiration devant le velouté des noirs, grand bonheur de voir marcher Jeanne Moreau (note pour moi-même: revoir Eva). Cette lente déambulation, les crimes croisés, m'évoquent Les Gommes.

1958. Le mur de Berlin n'était pas construit, Les Gommes datent de 1953, les guerres d'Indochine étaient proches, on pouvait faire demi-tour sur l'autoroute, le motel de Trappes était le dernier avatar de la modernité.

La lumière se rallume et catastrophe, le cinéphile responsable de l'association entame le débat avec la salle en le faussant dès le début puisqu'il commence par dire que le couple des jeunes gens jouent très mal («la direction d'acteurs des vingtenaires n'existait pas dans les années 50»).
Les interventions se succèdent et sont insupportables, affirmations gratuites non étayées. Chaque fois que j'assiste à un débat entre cinéphiles (vingt ans de blogs et de FB), j'ai l'impression que chacun représente une secte à lui tout seul.
Je finis par craquer et même si ce n'est pas très poli, nous nous levons, dérangeons nos voisins et quittons la salle. La prochaine fois nous le ferons dès que les lumières se rallumeront.

Notes sceptiques: ce qui m'a frappée en revoyant ce film, c'est à tel point il est peu cohérent: une femme ayant un amant secret ne passe pas sa nuit à interroger tous les bars et hôtels. Cela prouve seulement que l'enjeu n'est pas là, mais dans la construction lente du cercle qui se referme.

Ikéa et Léon de Bruxelles

Achat de deux caissons de bureau, un blanc, un brun, dans l'espoir de finir enfin le déménagement (tout le petit bordel du dernier moment). Il faut que je me résolve à jeter. Espérons que le reste tiendra dans le caisson.

Léon de Bruxelles en hommage à un ami disparu dont c'était la sortie dominicale.

Démontage de la toile du parasol (j'avais mis du DW40 dans le mécanisme la semaine dernière), passage à la machine inutile, la mousse verte n'a pas bougé. Mise à tremper dans l'eau de javel pour la nuit. On verra bien.

Après-midi à monter le caisson en regardant Docteur Who, cinq tiroirs. J'admire toujours Ikéa d'avoir réussi à faire des meubles si bien ajustés destinés à être montés par n'importe qui. Les explications sont purement dessinées, sans texte: simplification de la traduction, adaptation aux illettrés.

Je replie le sac à viande propre, je range les dernières affaires ramenées de Sisteron. J'espère que dimanche il fera beau — enfin, beau: il me faut des cumulus, même gris — la météo est incertaine (j'ai pris un abonnement à topmeteo).

Deux docteurs

Depuis mon retour, je me suis attaquée à des classiques jamais vus (au moins dix saisons chacun, ça devrait me faire un moment).

J'ai commencé avec le Dr House. J'aime le caractère du personnage principal et de l'équipe, chacun bien particularisé, j'aime tout particulièrement la directrice de l'hôpital et le jeu entre elle et le docteur insupportable, mais la structure toujours identique des épisodes (un malade dans un état critique, deux ou trois fausses pistes, des recherches dans la vie du patient (ou dans sa maison), un climax où l'on frôle la mort et soudain, l'épiphanie) m'a lassée. Difficile aussi de regarder ces épisodes sans penser aux remarques ironiques des twittos médecins — même ceux qui aiment la série.
J'y reviendrai sans doute car c'est bien fait, ça a la finition d'un épisode de Columbo.

Je suis passée à Dr Who. C'est le pied. Les meilleures séries sont toujours anglaises. J'ai l'impression de retomber en enfance: le kitsch, les situations rocambolesques, le sourire du docteur, Rose, les références que je connais pour les avoir rencontrées dans The Big Bang Théorie. C'est si régressif qu'il est possible que je tente ensuite la série originale de Stat Treck.

Fonctionnement inversé de la référence: normalement une référence consiste à être plusieurs à avoir lu ou vu ou entendu la même œuvre source. Puis quand un autre y fait référence, on le repère et on le comprend parce que justement on a vu l'œuvre source.
Ici, je reconnais dans l'œuvre source des éléments déjà vus, comme par exemple les Daleks, sans parler évidemment de la célèbre cabine téléphonique.
Je n'ai pas encore vu l'écharpe, mais ça ne saurait tarder.

Bobo ou populo

Je me souviens qu'à la fin des années 90 on m'avait regardée avec incrédulité: mais enfin, un coiffeur ne travaille pas le lundi!

Pas de place samedi à Moret, mon coiffeur de secours à Paris ne travaille pas le lundi, je passe par Planity (l'appli, pas le site), je trouve Yonathan, (ce fancy name dénote le coiffeur homo (n'ayons pas peur des clichés)), je m'inscris (pas parce que ça dénote, etc: parce qu'il est ouvert le lundi).

En réalité je découvrirai un coiffeur pied noir sans l'accent. Pendant qu'une coiffeuse opulente et très brune m'applique ma teinture, je suis avec amusement via le miroir la tragicomédie qui se déroule derrière moi: une mère fait couper les cheveux de son fils de cinq ou six ans en donnant des indications extrêmement précises sur la longueur sur les côtés et surtout la longueur de la mèche, qui ne doit pas le gêner tout en restant la plus longue possible (un look Brad Pitt 2011).
Le garçon devant une vidéo est bien sage, la conversation truculente. J'identifie mal la voix du coiffeur, c'est quasi une voix féminine, non parce qu'elle est aiguë, mais parce qu'elle possède ce voile grave de certaines actrices féminines pied noir. Tout cela déborde d'énergie et de joie de vivre, avec une touche de fatalisme.

Je réalise avec un pang de culpabilité devenu courant ces derniers mois que c'est le milieu où je me sens dans mon élément, l'endroit qui me repose, où je me sens bien, mais que j'abandonne progressivement, que j'ai abandonné, pour des endroits plus glamours, plus branchés, où le carrelage est blanc et non noir, où la lumière est bleutée, et où dans l'ensemble le rire est banni — ou alors mesuré.
Je me sens coupable de snobisme, de la recherche d'un certain standing et d'un certain confort, alors que ces lieux chaleureux sont tellement plus accueillants. Dans le même temps je sais que je n'y appartiens pas ou plus, par mes goûts et mes aspirations, par mon look et mes fringues.

C'est sans doute inévitable.

Durant les deux heures de ma présence, je verrai défiler des clients qui sont des amis, des prises de rendez-vous qui sont autant de prises de nouvelles, toujours bruyantes, toujours expansives, toujours joyeuses ou rassurantes.
Je sais que si les deux coiffeurs ont des créneaux disponibles, je retournerai plutôt dans l'autre, comme à Moret nous allons plus volontiers à Fontainebleau qu'à Montereau. Et la question est: pourquoi? Parce que j'ai envie de calme? Parce que cela correspond davantage à un statut social?
Je n'aime pas ce que je sens en moi, parce qu'il y a un certain malaise à souhaiter quelque chose que je tourne si souvent en dérision chez les autres.

Avant de s'y remettre

Rangement. Rampotage du myosotis (un pied qui avait gelé en avril, que j'avais coupé court et qui a repris derrière une vitre au soleil) et diverses tâches administratives.

L'idée était de faire un après-midi de collage politique, mais à force de papoter, cela a plutôt été une heure et deux panneaux, sous un soleil qui s'était enfin dévoilé. La thématique de ces affiches m'étonne, paternité et sécurité, rien sur l'économie. Enfin bon.

Racheté des cigarettes, descendu les chaises longues, fumé dans le soir qui tombe.

Et maintenant j'écris dans la salle de bain en regardant Pride. Demain est très loin.

Rangement et désordre

A être si occupée et avoir si peur de trop manger et être malade en l'air, j'ai perdu du poids cette semaine. Je suis rassurée, car passer d'un sport qui brûlait des calories par centaines à un sport où on reste assis dans un cockpit tout l'après-midi n'est pas une transition facile.

Levés tard. Nous avons des amis qui viennent dîner ce soir, H. me dépose au club (de planeur) en allant faire les courses pour me reprendre au retour. J'avais l'intention d'aider au remontage du duo-discus que Dom a ramené hier avec la voiture (les prévisions météo sont si mauvaises à Sisteron qu'il est rentré trois jours plus tôt que prévu).
Mais il fait si beau qu'ils sont tous en train de se préparer pour voler au plus tôt (la pluie est prévue en milieu d'après-midi); ils remonteront le duo sans moi. En attendant H., coup de balai dans la salle du club. Jamais vu autant de cafards morts. J'en profite aussi pour photographier le manuel de l'ASK21: lire le manuel est obligatoire avant de voler sur tout planeur (ou tout aéronef, je pense). Le contrôle est matérialisé sur une fiche signée, X atteste qu'il a lu le manuel tel jour. Tout cela fait partie des procédures d'enquête en cas d'accident, je suppose.

Il fait très beau en début d'après-midi. Dépliage de la tente, séchage, nettoyage, repliage. J'espère que cette fois-ci il ne s'écoulera pas cinq ans avant que je ne m'en resserve… Je complète avec amour mon carnet de vol tout neuf. Objectif: suffisamment voler cet été pour être lâchée en solo avant l'hiver. J'en suis à 9 heures 37 de vol avec instructeur (huit vols). Les vols à Sisteron ne comptent pas (21 heures) car ce ne sont pas des vols école.
Rangement; passage d'O et Y qui viennent déposer la chatte en prévision de leur week-end prolongé à la Rochelle. L'orage éclate.

Dîner imperceptiblement tendu car nos amis se sont disputés dans la voiture. Heureusement, l'alcool détent.
Nous terminons par deux parties de billard où je suis de très loin la plus mauvaise. C'est là que je vois que j'ai vieilli: cela ne m'affecte guère, je sais que c'est la sixième fois que je joue alors qu'ils ont des après-midis derrière eux. Cela n'est juste guère amusant pour eux, à mon sens.

Demain il y en aura bien pour deux heures de vaisselle mais au moment de me coucher, j'ai la joie de découvrir qu'un nouvel épisode de Mrs Maisel a été mis en ligne (il ne l'était pas vendredi matin).

Retour

J'ai la flemme de me lever pisser au milieu de la nuit; moralité je dors mal. Je me lève finalement vers six heures, me rendors une heure et demie. Je reste au chaud dans le duvet; je révise, «manche à gauche, pied à gauche» en avançant le pied gauche et penchant le poignet droit vers la gauche; il y a plusieurs façons de mettre la main à gauche avec un manche, c'est beaucoup plus précis qu'un volant — et donc beaucoup plus brouillon quand on n'est pas précis — «manche à droite, pied à droite»; quand je ferme les yeux l'atmosphère noire lumineuse danse lentement comme une houle.
Sortir de la tente, se doucher, s'habiller.

Dernier matin dans la caravane. Dernier porridge, dernier petit déjeuner au rythme d'AC/DC. Je finis ma pastèque. J'ai si peu envie de partir qu'il ne faut pas penser.

Ranger. Deux sacs, un «structurel», la tente, le sac de couchage, le sac à viande, l'oreiller, la serviette de toilette, et à côté le tapis de sol: Dom les remontera en voiture; l'autre de vêtements, plus le petit sac à dos pour l'ordinateur. Il fait beau, le soleil tape, je plie tout sur les palettes qui constituent une terrasse devant la caravane: c'est une surface propre et sèche.
Le pantalon qui m'a servi toute la semaine en planeur est déchiré à l'entre-jambes, il avait plus de vingt-cinq ans, je l'avais acheté après la naissance de ma fille. C'était l'un de ces pantalons amples baba-cool style indien sud-américain. Il finira ici à la poubelle, je n'ai pas la place de le remonter pour en faire des chiffons.

Pat me dépose à la gare de Sisteron. Départ à midi, j'ai trois quart d'heures devant moi; j'appelle H.; j'achète un café et des oreillettes à la boulangerie de l'autre côté de la route (elle a l'avantage d'être à l'ombre), je tache mon pantalon blanc de deux gouttes de café (c'est rageant).

Le car arrive, le chauffeur d'une trentaine d'année ne connaît pas Trainline et n'a pas de quoi lire le QR code des billets électroniques, il maugrée à voix haute et prend les passagers habitués à témoin, tout change, c'était mieux avant.
Changement de car au péage de Peyruis, une heure trente-cinq de route jusqu'à Aix par Manosque et Cadarache. Sandwich à la gare, TGV à 14h18. Trois heures de train, ça me paraît beaucoup plus long que six heures de planeur, je regarde Quantum of solace (parce qu'il était téléchargé dans mon téléphone) et j'écris des cartes postales.

Descente à Fontainebleau. Cela fait six mois que je n'ai pas utilisé l'escalier côté Seine, entretemps il a disparu, remplacé par une rampe. Restaurant pour une bonne viande rouge, mais à moins manger depuis une semaine je me rassasie vite.
Retour à la maison. Une rose est sortie, la glycine et la vigne vierge se sont déployées, l'azalée est couverte de boutons et la verveine de feuilles. Mon carnet de pilote de planeur est arrivé, je ne sais pourquoi personne au club ne s'est jamais préoccupé de m'en procurer un (ou de me dire de le faire): pensaient-ils que je ne resterais pas après les six heures de l'été dernier?

Je viens de passer une semaine sans écran, sans info, sans Twitter. Je ne m'en suis même pas rendu compte.

Sisteron dernier jour

Avec le recul, je me dis que cette semaine aura été sous le signe d'une certaine frugalité. L'emploi du temps est très régulier: huit heures et demie petit déjeuner, douche, habillage; dix heures briefing, puis sur la piste pour préparer les planeurs (brancher les batteries, laver les ailes avec la rosée, enlever les housses, régler le siège, mettre le planeur en piste); repas vers midi ou même avant; décollage et sortie jusque six ou sept heures. Apéro, repas, coucher vers neuf heures et demie, au plus tard dix heures. Les repas sont pour la plupart très simples, flocons d'avoine, nouilles asiatiques, omelette, jambon, yaourt, melon, pastèque, fraises.

J'ai mis du temps à comprendre cette régularité. Je suis toujours en train de courir au moment du déjeuner et au moment de monter dans le planeur: je me change, je m'interroge sur le fait de m'habiller chaudement ou pas et tout cela me fait perdre du temps. Personne ne m'attend, personne n'attend jamais personne quand il s'agit de planeur, chacun agit avec détermination vers son but. Donc je cours avec le remord d'être en retard et la crainte que les autres fassent (ou doivent faire) mes tâches.

Largage au-dessus des petites Monges. Nous rejoignons le lac de Serre-Ponçon. En tant que pilote en première place, j'ai la charge de surveiller les parapentes — «pour nous ce sont des points immobiles, nous nous déplaçon à plus de cent kilomètres heure» — mais Pat les voit toujours avant moi. Il doit faire joliment froid avec le vent relatif à deux mille mètres d'altitude directement dans un harnais de parachute.
Pat a l'intention de m'emmener voir les montagnes au-delà de Barcelonnette, il faut donc monter au-delà de trois mille mètres. Nous cerclons — il cercle, car il y a trop de relief ici pour qu'il me laisse piloter.
Nous atteindrons l'altitude souhaitée, mais inutilement: la pluie envahit peu à peu les vallées au nord et à l'est. Impossible d'y aller. Je ne verrai pas les aiguilles de Chambeyron cette année, ni le glacier blanc. Ce sera pour l'année prochaine.

Pat énonce sententieusement: «cela t'apprend le renoncement» (qui n'est pas (seulement) un mot de sagesse antique mais bien un mot de la formation du pilote).

Nous repartons vers le pic de Bure. Depuis le début, c'est Pat qui pilote, à partir de maintenant il va me laisser le manche de façon quasi continue afin que je prenne les ascendances à ma guise. Il a décidé de me faire travailler la conjugaison. De temps en temps il lâche une phrase sybilline du style: «on est près du relief, alors t'as intérêt à surveiller ton fil de laine». (A terre je lui poserai la question: «mais pourquoi faut-il faire davantage attention au fil de laine près du relief? — si tu pars en autorot, tu as moins le temps pour rattraper à cent mètres qu'à mille mètres1.» (Remarque: en réalité, il faut toujours faire attention au fil de laine, c'était une boutade, mais une boutade sérieuse, mes préférées)).

Nous papotons. Je tiens mieux l'assiette de mes virages quand nous discutons de choses frivoles — comme quoi il ne faut pas que je me concentre trop. Toujours la question de pisser en vol revient:
— Bon, tu fais attention, je vais pisser, donc tu as les commandes, ne fais pas de bêtise (ceci alors que nous survolons une crête d'un peu près à mon goût.)
— Non, toi fais attention: imagine si on se plante, on va te retrouver la bite à la main et moi en train de rire; imagine la gueule de la REX.

Une des règles de base revient sans arrêt: «en planeur, la vitesse, c'est la vie». C'est une logique difficile à intégrer (en tout cas par moi): il faut aller plus vite en cas de danger (turbulence, atterrissage délicat, etc), donc perdre de l'altitude alors que c'est justement le sol le danger.

Autre règle de base : il faut sauvegarder l'apéro du soir. «Si tu xxxx, l'apéro du soir est compromis» est une phrase récurrente de Pat, phrase qui me paraît une raison suffisante pour s'appliquer.

Retour, c'était mon dernier vol ici. Ce soir, c'est justement moi qui offre l'apéro.
Pat a invité un couple d'amis. Monsieur, pilote, fait partie de ceux qui ne racontent pas leurs succès mais leurs catastrophes, leurs atterrissages d'urgence pour des raisons parfois futiles. Je suis intérieurement scandalisée qu'il raconte cela devant Madame; cela me semble un manque de tact absolu d'ainsi (potentiellement) effrayer son conjoint, mais elle paraît habituée.

Puis tour au Pegasus où un petit groupe fête l'anniversaire de la secrétaire de l'aérodrome, puis retour sous la tente.
Demain il faudra plier.



Note
1: le fil de laine est un indicateur de dérapé; le dérapé peut entraîner une autorotation du planeur (une vrille).

Vol d'ondes

Il existe trois types d'ascendance: la chaleur dégagée par le sol (les thermiques), le vent qui se heurte à un relief (le vol de pente), et quelque chose que j'avoue ne pas tout à fait comprendre: sous la conjugaison du vent et du relief, l'air se met à osciller selon une sinusoïde et sous la sinusoïde se trouvent des «rotors», des endroits hyper turbulents où le vent tourne en lessiveuse. Si l'on passe au-dessus des rotors, si l'on trouve la sinusoïde et qu'on s'installe au-dessus, on plane dans un grand calme et l'on peut monter à de grandes altitudes.
Ajoutons que les nuages sont les meilleurs indicateurs de ces ascendances: le planeur, c'est avant tout la lecture des nuages.

Marc qui est venu deux ans de suite et est reparti dimanche n'a pas rencontré le phénomène, et moi, au bout de cinq jours, bingo!
J'ai de la chance.

Nous nous équipons contre le froid (on perd 6,5°C tous les mille mètres) et le manque d'oxygène (une canule dans le nez type hôpital dès 3200 mètres). (Test de la bouteille d'oxygène avant de partir: «par sécurité, on teste toujours la bouteille quand on est hors du planeur».)

Nous avons trouvé une onde presque aussitôt; puis plus tard, après avoir été bien secoués au dessus du pic de Bure. Nous sommes montés jusqu'à 4400 mètres et selon AB nous étions à -13°. Bizarrement j'ai eu froid aux coudes, à cause de l'air provenant des palonniers et remontant le long des jambes bien protégées. J'ai pu travailler très calmement — «va tout droit, pas si vite, il faut chercher l'ascendance, sinon tu vas passer à travers; vas-y, tourne» — en faisant attention à ma vitesse car j'ai le défaut d'accélérer dans les spirales. «Le duo discus perd le moins d'altitude à 90km/h.» (La question devient alors: pourquoi ne pas toujours voler à cette vitesse? Je n'ai pas encore élucidé ce mystère, je poserai la question une autre fois.)

A côté de nous la vallée était recouverte d'un épais manteau de nuages. Il devait faire tout à fait noir là-dessous.

nuages sur la vallée à l'ouest du pic de Bure


Atterrissage secouant, rafales au seuil de la piste. Dom prend de la vitesse et se pose comme une plume.

Je me précipite pour manger un yaourt et une tranche de jambon, j'ai une dalle dévorante et j'ai très froid. Et puis il y a l'apéro du club ce soir: je ne veux pas y arriver le ventre vide.

Pluie

Sommeil tourmenté, est-ce le vin rouge de l'apéro ou de m'être fait peur hier pour la première fois? Vers quatre heures du matin j'ai fini par mettre des boules quiès contre les grenouilles. Dormi jusqu'à huit heures, soit neuf heures de sommeil : pas mal du tout.

Hier la pluie était prévue aujourd'hui; je sèche le briefing pour me laver les cheveux et faire une micro-lessive. Comme je suis la seule femme j'ai fini par m'étendre dans la partie sanitaire féminine du camping, j'y laisse ma trousse et ma serviette de toilette, une façon assurée de les oublier à mon départ...
Pluie, nous ne volerons pas aujourd'hui.

Courses, je me lâche sur les fraises, la pastèque, le melon (jusqu'ici j'évitais ce qui me paraissait susceptible de remonter dans les turbulences). Cuisine au Pégasus sous la tonnelle, il fait lourd, cervelles d'agneau haricots verts fraises vaisselle.

Balade en voiture jusqu'à la chapelle de Dromon; c'est l'occasion de réviser et visiter quelques champs vachables. Marche, fleurs, cloches de vaches.
Café à Sisteron, ennui impalpable. C'est dur les conversations entre trois personnes qui en fait ne se connaissent pas, les récits ressortissent soit de l'esbrouffe (quand il s'agit de succès) soit d'une certaine tristesse (quand il s'agit de regrets). Les conversations sur le vol à voile sont intéressantes mais épuisantes car je ne comprends pas la moitié des mots (qu'est-ce que ça veut dire? où cela se trouve-t-il? de quoi parlent-ils?) Je trouve quelques cartes postales, c'est une catastrophe, la plupart comportent des chatons en chaise longue sur fond de Sisteron.

Longue conversation avec H. Je lui raconte ma surprise devant la compétition permanente et les récits d'exploits. Il me répond qu'il a souvent vu ça dans l'armée: «les pilotes et les sous-mariniers sont contrôlés sans arrêt, ils sont jugés en permanence et sont obligés d'être les meilleurs pour progresser. Ça donne ce résultat.»

Apéro, rires et histoires limite caricaturales, avec le mec prêt à tout accepter tant qu'il ne s'agit pas de sa fille (autour de la table nous essayons de lui faire comprendre qu'il s'enfonce, mais rien à faire, il continue son récit), omelette, fraises, je termine mon thé seule au Pégasus en tapant ces quelques lignes.

Demain il est prévu du vol d'ondes et tous les pilotes expérimentés autour de moi sont emplis d'impatience.


Liste des sites découverts aujourd'hui:
netcoupe.net pour obtenir mes circuits (cliquez sur un nom de club puis sur le nom d'une personne puis sur détails. Cliquez sur QFU.FR ou carte 122.2 pour voir le circuit effectué).
La direction du vent avec un curseur à droite permettant de le connaître à différentes altitudes et un curseur en bas permettant d'avancer dans le temps.
L'application SDVFR

Le mont Ventoux

Nous ne sommes plus que quatre, donc aujourd’hui pas de partage: c’est parti pour un vol long.

Je ne sais pas trop comment raconter: au moment du largage nous avons rejoint un groupe de vautours (l’optique de mon téléphone n’est pas assez bonne pour les capturer), nous sommes allés au mont Ventoux. Pat m’a beaucoup laissé piloter; c’était très perturbant car il donnait très peu d’indications («si je ne te laisse pas décider tu n’apprendras jamais») et j'ai du mal à engager les spirales, j'arrive à stabiliser l'assiette si je regarde à l'extérieur mais dans ce cas je ne vois pas le vario donc je ne sais pas si je monte dans l'ascendance et si je l'ai bien centrée.
Je laisse trop descendre le planeur et nous n'arriverons pas réellement à remonter pour aller aussi loin que souhaiter. Nous frôlons l'atterrissage, puis repartons en direction de Dignes où nous sommes arrêtés par un paquet de pluie.

A tout moment il faut prendre des décisions, c'est très intéressant mais épuisant. J'apprends qu'il faut aller vite entre les nuages (ce n'est pas instinctif car aller vite c'est piquer davantage donc potentiellement descendre davantage) et ralentir sous les cumulus à la recherche de l'ascendance, que les ascendances sont plutôt du côté du soleil mais pas toujours, «ça dépend du vent».
Toutes les règles sont ainsi, générales et inapplicables. Une sorte d'anti-statistique.
A un moment je fais une grosse bêtise et Pat rattrape du manche en catastrophe. La rapidité de sa réaction me fait comprendre que nous sommes passés près de l'accident, il se crée en moi une dépression qui doit être la réaction à la peur. Au bout de quatre heures je finis par rappeler à Pat que ce n'est que ma onzième sortie et que je n'y arrive plus s'il ne me donne pas quelques indications. Il reprend le manche et termine la sortie. Il commente: «c'est bien, tu écoutes ce qu'on te dit et tu n'es pas chiante», ce qui me fait plaisir.

Nous couvrons bien les planeurs car demain il est prévu de la pluie.

C'est moi qui offre l'apéro. J'assiste avec incrédulité aux récits des vols de la journée, je repense à Compagnon nous expliquant que la littérature est née autour du feu quand l'homme des cavernes racontait sa journée de chasse (est-ce une théorie de Carlo Ginzburg? Je ne sais plus). Je suis stupéfaite devant l'aspect «comparaison de taille de bites» de ces récits: sérieux, ils en sont encore là? Je me demande s'ils en sont conscients (sans doute que non).
Je bois trop de vin rouge.

Des tongs et un bob

Durant la nuit je me rends compte que j'ai mal à l'avant-bras au raccordement du coude: hier je me suis tant crispée sur le manche que je me suis fait une tendinite — ou même plus puisque j'ai des douleurs jusque dans l'épaule.

Briefing de 10 heures: trop instable, trop d'orages, on ne volera pas aujourd'hui. Il fait lourd, j'ai mis une chemise à manches longues pour protéger mes coups de soleil (hier par SMS «— J'ai attrapé des coups de soleil. — Ça change de l'aviron de mer.»)

Courses, j'achète des tongs (je ne supporte pas de rester en chaussures le soir, j'ai besoin d'avoir les pieds à l'air dès qu'il fait beau, dès le printemps), un short (pour bronzer des jambes: comment je vais faire sans l'aviron?) et un bob d'une très jolie couleur vert d'eau (malheureusement je ne pourrai sans doute pas le porter en planeur: sa couleur trop claire va se refléter dans la verrière et gêner le deuxième pilote — ou alors quand je serai lâchée seule (croisons les doigts: dans un an, deux? combien d'heures de vol?))

Déjeuner ensemble, j'ai failli cramer la poêle du club house, puis temps libre. Je regarde le dernier épisode en date de Mrs Maisel, puis je blogue. Je m'endors sur place, je retourne au club house (le Pegasus, c'est le nom d'un planeur) dans l'espoir de trouver un canapé. Café et petits écoliers avec DB. Il retourne à ses copies et je m'endors sur le canapé même s'il fait un peu froid à l'intérieur.

Les recherches pour tenter d'illustrer ces billets m'ont fait trouver un site de géologie et un article de… Charles-Pierre Péguy. Serres met en ligne une carte très utile des barres et montagnes utiles en planeur. Les points verts correspondent aux champs vachables.

Pluie et orage vers cinq heures.

Le soir repas au Pegasus. Champagne amené par AB pour fêter son (re)lâcher. (Je suppose qu'il n'avait pas volé depuis longtemps et qu'il a dû reprendre des cours d'instruction).
J'apprends qu'il est possible de voler au-dessus des nuages à condition de continuer à voir le sol. Si ça se solidifie et qu'il n'est plus possible de savoir où on est ni de traverser les nuages, il est possible (voire recommandé, voire indispensable) d'appeler les militaires d'Istres qui vous accompagneront jusqu'au sol, par radio ou même en envoyant un avion. Mais attention: il faudra avoir une bonne excuse pour s'être retrouvé dans cette situation, sinon c'est le conseil de discipline et le risque d'être interdit de vol à vie.

Pendant ce temps H et les deux plus jeunes se rendaient à la première cousinade annuelle depuis 2019. Tristoune, me dit H, les oncles et tantes ont vieilli.

Le couronnement de Charles III

Lever 8h50 ce qui est plus que ce que je dors à la maison.

La vie au sol est compliquée à expliquer (et à vivre): dans un sens on attend beaucoup, dans l'autre sens tout va très vite dès que les décisions sont prises — sauf que je ne comprends pas vraiment à quel moment elles sont prises ni leur teneur.

A 10 heures le briefing. Facile. Mise en piste des planeurs qui sont installés au départ de piste face au vent. La particularité locale, c'est que le vent tourne entre midi et une heure: au fur à mesure que les parois des montagne chauffent, l'air s'élève le long des parois, créant un appel d'air dans la vallée qui forme la brise (terme consacré), brise qui souffle du sud vers le nord.
Il y a donc un pari sur l'heure de départ et l'endroit où installer les planeurs: le vent aura-t-il tourné ou pas?
Les planeurs anglais s'installent en piste 35, c'est-à-dire face au nord (le nord = 360 degrés), tandis que nous, les quelques Français, pensons malin d'aller tout de suite en 17, face au sud (180 degrés).

Repas à midi ou même un peu avant, puis nous montons en 17 (la piste fait 950 mètres (je n'arrondis à pas un kilomètre car tous les mètres comptent, à l'atterrissage et au décollage)).

Les planeurs anglais commencent à décoller. Nous observons leur stratégie, où se font-ils lâcher, au dessus de Chabre ou au dessus de Hongrie? Quelle hauteur attendent-ils avant de larguer? (plus on monte haut plus c'est facile mais plus ça coûte cher)

Nous sommes trois planeurs au seuil 17 (Pat et DB, Dom et Marc, et un «local»). Nous regardons les planeurs décoller en 35. Nous attendons que le vent tourne, que les remorqueurs donnent le signal du changement de seuil de décollage.

Nous allons attendre une heure: le vent a tourné, mais deux avions remorqueurs semblent nous avoir oubliés. Nous sommes sur le bord de la piste (impossible de s'aligner (se mettre face à la piste) tant que d'autres décollent en face), le soleil tape (c'est la même malédiction que l'aviron: pas d'ombre sur les fleuves, pas d'ombre sur les pistes d'aérodromes), nous cherchons l'ombre sous les ailes. Les verrières sont grandes ouvertes pour éviter la surchauffe, calées par un coussin pour éviter qu'elles ne se referment brutalement et ne cassent (la terreur des vélivoles).

Ils partent enfin, il est deux heures. Je vais m'installer en terrasse au Zinc avec un coca en attendant de rejoindre le seuil 17 à 16h30 pour remplacer Marc.

Nous partons au-dessus de Chabre puis remontons vers le nord. Toute la sortie est à nouveau un cours de géographie: il faut reconnaître les monts, apercevoir les endroits où il est possible de se poser. Il ne faut pas aller à Gap — trop de parachutistes; il ne faut pas atterrir à Aspres par vent du nord.

Nous montons vers le col La Croix. La sortie est un miracle, avec des varios (variations? nombre de mètres par secondes, en plus ou en moins) de deux à trois mètres y compris en ligne droite: ça monte tout seul. La pluie tombe au nord et nord-ouest, nous la contournons, nous jouons avec les cumulus et les barbules, j'arrive à peu près à spiraler; c'est beaucoup plus facile en regardant l'extérieur plutôt que les instruments. (Je me suis bien débrouillée mais je n'ose le crier trop fort avant de le confirmer une deuxième puis une troisième sortie).

Les cumulus nous aspirent si bien qu'à un moment je me retrouve dans le nuage. C'est flippant, nous sommes totalement aveugles; heureusement que nous sommes bien au-dessus des montagnes: «sors les aérofreins et plonge, il faut sortir de là!» me crie Dom (le cri n'est pas de la panique mais est destiné à être sûr que j'entende).

Sans que je sache si c'est pédagogique, si c'est du bizutage ou si c'est par plaisir parce que la voltige lui manque, Dom me fait un cours sur l'accélération (à 180 km/h, la carlingue semble se désintégrer), le décrochage (à 60 km/h environ: le bruit s'arrête, plus de vent, nous tombons) et réalise des huits paresseux, sorte de montagnes russes libres.

Nous faisons demi-tour. Il est encore trop tôt pour rentrer, nous faisons un tour au-dessus de la Baume et du Hongrie, à la recherche des dernières ascendances le long des parois.
Retour. La Durance minuscule coule au ras du terrain, vingt mètres plus bas. Ce relief crée des «rabattants», qu'il est préférable d'éviter en attaquant le terrain légèrement de biais.

Nous sommes rentrés. Je suis enchantée de ne pas avoir été du tout malade, est-ce le coca ou le métier qui entre?

A 19h30, rendez-vous au restaurant le Zinc. Le jeune remorqueur prend l'apéro avec nous. Il est également instructeur et est né en 2000 (!!! vive la jeunesse) Son club d'origine est Romorantin, il vient de Vendôme: «mais pourquoi pas Blois?» Il n'y a plus d'instructeur. Le terrain est parfait, en croix, mais il n'y a plus personne.

Restau au Zinc tous ensemble. Nous rions beaucoup. J'en profite pour poser des questions qui m'intriguent; par exemple, comment peut-on continuer à planer à haute altitude, quand l'air se raréfie? Réponse: il faut prendre de la vitesse, on crée sa propre portance. Idem pour les avions de ligne: ils ne consomment pratiquement rien en altitude, c'est pour ça qu'ils essaient de monter au plus vite. Toute l'énergie est consommée pendant la montée.

Couronnement Charles III. La restauratrice offre un cube de feu d'artifice aux pilotes de la RAF. Sur le coup ils ne réagissent pas, ils sont pris par surprise, ils ne s'attendaient pas à ce sujet en fin de repas dans un restaurant de vélivoles en France.
— Dis donc, il a fallu les pousser pour chanter.
— Ils ne se sentent peut-être pas concernés.
— C'est la RAF quand même.

Sisteron jour 1

Bonne nuit malgré l'absence de tapis de sol: pas de caillou qui remonte traitreusement durant mon sommeil (c'est la particularité du camping à même le sol: le soir vous vous couchez la surface est plane, le matin vous vous levez vous avez l'impression que des caillous ont vicieusement émergé durant la nuit et que vos côtes et hanches se souviennent de chacun).

Petit déjeuner au Pegasus (le foyer du club, où je croise un jeune pilote remorqueur), inscription au club de Sisteron, briefing («le briefing est à 10 heures, Fred ne supporte aucun retard»). Je savais que le planeur cherchait à attirer des pilotes femmes, je suis soufflée de constater qu'il n'y en a aucune dans la salle. J'ai toujours été dans des milieux masculins (aviron, ingénieurs), mais jamais à ce point-là.

briefing de RAF


— Ça alors! Mais pourquoi les pilotes de la RAF viennent-ils faire du planeur à Sisteron?
— Ça coûte beaucoup moins cher à l'entraînement. Quand tu sais piloter un planeur tu sais tout piloter.

Le vent changera de sens vers 13h, il faudra donc emmener les planeurs en 17; la météo s'annonce mauvaise dans deux jours.

Courses dans la zone commerciale du coin. A vrai dire je ne sais pas trop quoi acheter, je sais juste qu'il ne faut pas que je mange trop avant de voler. Pour ce midi je me prends des sushis, pour les autres jours les bols déhydratés japonais qu'affectionnent les enfants (en d'autres termes, le Bolino japonais). Je fais un saut au magasin de sport pour prendre un tapis de sol et des lunettes de soleil cheap (ça m'ennuirait d'abîmer mes lunettes achetées en Grèce). J'hésite longuement devant des tongs que je finis par ne pas prendre.

Déjeuner devant la caravane de Pat, soleil, c'est les vacances. Il fait chaud. Je regrette les tongs et même un short: j'aurais pu préparer mon bronzage car cela va être plus dur cette année sans l'aviron.
Marc devait voler en premier avec Pat mais il n'arrive pas. Je vais donc commencer. Je m'applique à montrer à Pat que j'ai bien écouté tout ce qu'il m'a dit : collant polaire, chaussettes de foot, sous-vêtement en soie, tee-shirt manche longue, foulard, veste polaire. Devant la température estivale il me prête malgré tout un bob, car le bonnet en polaire, ça va faire beaucoup. Néanmoins il me fait enfiler d'énormes surbottes autrichiennes («Ne marche pas avec»). Parachute. Je m'installe.
— Tu as des canules? [pour l'oxigène]
— Euh non, tu m'as pas dit qu'il en fallait.
— C'est pas grave, je t'en prêterai au besoin.

Nous avons eu beaucoup de mal à monter. Le principe est de toujours avoir la hauteur minimale nécessaire pour rejoindre une piste d'atterrissage, pas question de s'éloigner de Vaulmeilh tant que cette hauteur n'est pas atteinte. Nous restons 40 minutes à tourner au-dessus de la Malaup pour atteindre 2200m, je sens derrière moi la déception de Pat, il tient tellement à me faire faire un beau vol. Je n'ose pas lui dire que je m'en fiche, je ne suis pas venue faire du tourisme, mais vérifier que ça me plaît, que je n'ai pas peur, que je ne suis pas malade de façon rédhibitoire.
De temps en temps il me dit: «tu vois en bout d'aile? C'est l'aéroport de Gap, d'Aspres, de Barcelonette,...» J'hésite à lui avouer que je ne distingue pas grand chose. Ou je distingue, mais sans savoir si c'est bien ce que je pense. La seule façon de vérifier serait de se rapprocher… et donc d'être obligés d'atterrir, puisque pas de moteur pour remettre les gaz. Il me donne des noms de montagne et de chaînes que je comprends à moitié. Il me faudrait une carte à consulter avant d'être en l'air.
Quoi qu'il en soit, et même si ce n'est pas verbalisé, il s'agit bel et bien de commencer à me familiariser avec les terrains de secours en cas de problème. Approche rationnelle du risque.

Nous allons jusqu'au lac de Serre-Ponçon, nous prenons quelques ascendances à 3 ou 4 mètres/secondes. Ça secoue; je suis rassurée, je ne suis pas malade et je n'ai pas peur. Nous montons jusqu'à 3000 m. Je fais des rots comme un bébé, normal paraît-il, c'est dû aux variations de pression, ça fait gonfler les intestins. Voilà quelque chose qu'on ne raconte pas dans Top gun.

Pat me laisse les commandes le long des parois, ça ne se passe pas trop mal, mieux que lorsque j'essaie de spiraler dans les ascendances où je suis capable de faire des accélérations/décélérations très brutales (150km/h à 100km/h en un geste de manche) qui malmènent la machine et me désorientent. Il y a trop de choses à faire et à surveiller, je suis crispée et j'ai terriblement chaud, je ne suis pas du tout habillée de façon adéquate.

circuit en planeur au-dessus de Sisteron


Vol de 2h33, je suis remplacée par Marc.
Je ne sais plus ce que j'ai fait en attendant, il me semble que j'ai dû ramener la voiture de Pat au camping (c'est toujours intéressant, un homme qui vous file les clés de sa voiture sans vous connaître plus que ça, surtout quand il s'agit d'un break BMW.)
C'est à ce moment-là que je reçois cet arbre de décision qui me convainc que cette activité est pour moi.

graphique du bonheur grâce au planeur


Le soir nous sommes invités par Marc qui a pris un gîte avec sa femme. Repas très gai au cours duquel nous abordons un sujet envahissant: la gestion de la vessie par le pilote de planeur. J'en avais eu des échos cet hiver au club, c'est ainsi que je savais que les filles utilisaient des protections pour incontinence. Les garçons ont chacun leur méthode; ceux autour de la table utilisent plutôt des poches en plastique qu'ils balancent par la petite fenêtre de la verrière. La femme de Marc nous regarde avec effarement, je suis intérieurement morte de rire: quel sujet de conversation avec une dame qui ne vole pas, qui a accompagné son mari et passe son temps à l'attendre, et qui nous a invités à dîner.

Nous passons une très bonne soirée et rentrons sous la pleine lune.

Course contre la nuit

Des exercices aéronautiques interdisent de décoller de Moret: finalement nous partirons de Coulommiers.
Comme nous devons arriver avant la nuit aéronautique (à 21h11, une demi-heure après le coucher du soleil à 20h41), DB passe me chercher à Créteil Université à 16h30 (lieu choisi comme croisement de nos trajectoires, entre lui sur la A86 et moi sur la ligne 8).

DB est inquiet, il a pris du retard à cause d'un accident sur la route.
Nous arrivons au terrain de Coulommiers, nous prenons du retard une deuxième fois à sortir un avion garé devant le Piper, puis le Piper, puis nous rentrons le premier avion, puis nous faisons le plein des réservoirs dans les ailes.

Piper à Coulommiers


Bref, tout cela prend davantage de temps que prévu et DB est inquiet, il faut arriver avant la nuit, c'est sa licence de pilote qui est en jeu. Nous partons, les villes et les cours d'eau défilent. C'est un véritable cours de géographie. Sens, Migennes, Auxerre, Avallon, Le Creusot, Mâcon,… Au fur à mesure que nous descendons, DB contacte la tour de contrôle locale qui nous donne un numéro qu'il entre dans le transpondeur pour être identifié au radar. Message radio pour dire au revoir au contrôleur de la zone que nous quittons; message radio pour signaler notre position à la tour suivante. Nous passons ainsi de main en main, tel un furet entre les tours de contrôle.

Au départ, DB m'a emprunté un criterium et a noté l'heure: à un moment donné (j'ai oublié quand), il faudra changer de réservoir pour équilibrer le poids des ailes.
C'est à ce moment-là que DB me fait le coup de la panne.
Il passe sur le second réservoir… et l'hélice s'arrête, le silence se fait. Silence impressionnant. Je regarde rapidement DB puis bien droit pour le laisser réfléchir, intérieurement incrédule: ce n'est pas vrai, ce n'est pas possible, il va forcément se passer quelque chose.
Je n'ai pas peur, je suis plutôt curieuse, j'ai confiance en DB et j'ai vu trop de films: il va trouver une solution, mais laquelle? va-t-il planer, se poser sur une prairie moteur éteint, ou dans un cours d'eau genre Sully?
Il repasse sur le premier réservoir, relance le moteur (bruit rassurant), fait balancer les ailes et descend à nouveau l'interrupteur pour passer sur le second réservoir. Le moteur continue sans heurt. DB explique calmement: «je pense qu'il y avait une bulle d'air dans le tuyau».

Le soleil commence à descendre nettement. Nous atteignons Lyon que DB avait prévu de le contourner pour ne pas déranger les contrôleurs de l'aéroport de Saint-Exupéry, mais il obtient l'autorisation de survoler la ville à plus haute altitude qu'il ne l'espérait, c'est-à-dire en volant plus vite dans un air plus rare.
DB est ravi, il fait des calculs sur son genou avec une feuille et mon critérium et relève la tête: «nous devrions arriver à 9h04, avant la nuit aéronautique.»
Il m'avait déjà avertie que si nous étions en retard, nous serions obligés de passer la nuit à Valence.

Nous passons le long du Vercors, il est 20h15, le soleil est bas.

coucher de soleil en altitude


Nous arriverons quatre minutes en retard par rapport aux prévisions de DB.

Omelette et bière au Zinc (le restaurant de l'aérodrome). Je parle de la Cordillère des Andes, DB me raconte qu'Adrienne Bolland, face à une montagne qu'elle ne pouvait franchir avec un moteur trop faible, continua vers la paroi au lieu de faire demi-tour: «ça lui a sauvé la vie. Le vent a soulevé son aéronef et elle est passée davantage en planant qu'en volant. Si elle avait fait demi-tour, le vent l'aurait écrasée contre la paroi.»

Puis arrivera le moment le plus embarrassant: le montage d'une tente que je n'ai pas montée depuis cinq ans, dans la nuit noire, éclairée par une lampe frontale détendue, entourée de trois hommes qui me donnent des conseils, avec l'angoisse d'entendre le crac d'énormes escargots qui envahissent la pelouse la nuit. Mes compagnons sont par ailleurs très inquiets que j'ai froid la nuit.

Je finirai par m'en débarrasser en emmenant la toile dans les sanitaires du camping, en allumant la lumière et en faisant le point (je l'avais tout simplement mise à l'envers sur le sol), puis en revenant sur mon emplacement monter ma tente à la lumière d'un stylo lumineux offert par un consultant (stylo que je ne savais même pas que j'avais emporté).

C'est à ce moment-là que je me suis rendu compte que j'avais oublié mon tapis de sol.

Préparatifs jour 2

Je vois Miriam ce soir, je continue le vocabulaire et la syntaxe : "à le", "à les", ça n'existe pas. Il n'y a qu'"à la" ou "à l'institut", "à l'opéra". Non ce n'est pas de ta faute, ça veut dire qu'il y a un problème de pédagogie, on apprend d'un côté le nom et l’article, de l’autre les prépositions et on ne met jamais les deux ensemble.

«J’en veux plus», elle me dit son étonnement devant les mêmes mots qui veulent dire deux choses exactement opposées.
Je réexplique, j’écris: j’en veux plus, je n’en veux plus. Pour éviter les confusions je propose d’utiliser plutôt «encore», ou «davantage».
"Davantage" n’est pas "d’avantage", avantage = contraire d’un handicap
Bref, je m’amuse bien.

Le soir, deuxième sac, celui des vêtements. Qu’emporter, est-il nécessaire/souhaitable d’emporter des vêtements de fille pour le soir? Dans un sens, je me dis que je suis avec des passionnés qui se moquent du reste; dans l'autre je me suis souvent fait avoir à l'aviron où j'étais la seule à n'avoir rien prévu. Oui mais à l'aviron il y avait des filles, là il n'y a que des mecs (donc pas de contraste, donc ils ne le verront même pas); mais justement, ça leur ferait peut-être plaisir (c'est sensible, un mec; il y a des petits efforts qui ne coûtent pas grand chose, pourquoi se priver). Mais je n'ai pas beaucoup de place, il faut que je puisse porter les deux sacs, combien de pulls, de chaussettes, il paraît qu'il fait très froid en altitude, pas de boucles d'oreilles, un bâton de fond de teint ça suffira, les chargeurs dont je ne sais pas où je pourrai les brancher, la bouteille de shampoing ne tient pas je la mets sur le côté du petit sac à dos dans lequel j'ai empilé la nourriture de premier secours; je ne sais pas ce qu'il y a dans la cuisine ni quand on ira faire les courses et je vais dépendre des autres; un litre de lait, des flocons d'avoine, de boîtes de lentilles cuisinées, des barres caloriques pour les longues virées (il paraît que ça demande une énergie dingue), je glisse la lampe frontale dans l'autre poche du sac à dos, je remplace l'écharpe en coton (rose) qui prend beaucoup de place par un tour du cou (bleu) en soie impalpable.

Je suis morte de trac et impatiente, je n'arrive pas à me souvenir d'une telle impatience, un tel désir, peut-être le père Noël à cinq ou six ans? Pourvu que je ne vomisse pas, pourvu que je supporte, pourvu que j'ai emporté les bonnes fringues. Je sais bien qu'il peut pleuvoir toute la semaine, il est possible que je ne vole pas pendant dix jours.
J'ai hâte.

Préparatifs

Je poursuis la lecture des derniers Langelot, Langelot et le général kidnappé et Langelot aux arrêts de rigueur.

Côté planeur, ça évolue : du fait de restrictions de vol (exercices militaires en cours), nous ne pourrons pas partir d'Episy jeudi; rendez-vous au bout de la ligne 8 à Créteil pour décoller à Coulommiers. Cela signifie que je vais partir directement du bureau, ils vont faire une drôle de tête quand ils vont voir mon acoutrement et mes bagages.

Journée peu palpitante (comme souvent, mais c'est sans doute bon signe). Le soir j'oublie que je suis venue à la gare en voiture et je rentre à pied, ce qui est couillon vu les bagages demain, cf. ci-dessus.

Premier repas en terrasse le soir. Les martinets sont revenus. Leurs cris dans le ciel sont l'un de mes ravissements des beaux jours (sens quasi propre: ils me transportent ailleurs — ou nulle part, avec eux).
Un couple de tourterelles peu farouches songe à se poser à quelques mètres.

Je vais chercher ma tente au fond d'une malle, elle n'a pas servi depuis la rando d'aviron à l'île de Bréhat. Je devrais la déplier pour vérifier que je sais toujours la monter, mais il est tard. Tente, sac de couchage, sac à viande, ostrich pillow, tapis de sol, protections urinaires adultes (c'est le fun du planeur, j'en parlerai un jour).

Repassage. Je ne peux tout de même pas abandonner mon mari dix jours sans chemise repassée, il y a des limites à l'inconvenance. Je regarde Léon. Je ne m'attendais pas à ce que soit si bon. Nathalie Portman est excellente, elle qui joue toujours comme une cruche.

Retour

Ce matin blogué au lit (rattrapé la dernière semaine) sans mettre les billets en ligne car zone quasi blanche et oublié de demander le code wifi hier soir.

Petit déjeuner somptueux et départ, départementales, odeur entêtante du colza. La décapotable nous manque.
Etampes, Milly-la-Forêt, tout est fermé, nous finissons chez Pizza Mimi à Fontainebleau qui nous a déjà sauvés samedi dernier.

Sieste, coup de chaud en constatant que je n'ai accès à aucun justificatif de domicile (l'abonnement en eau indique l'emplacement du compteur dans une rue au dos de la maison, les impôts fonciers indiquent le bis alors que je suis au ter, et le site d'Engie est planté). C'est frustrant, au bout de deux ans, j'avais enfin réussi à trouver comment changer un Siret.

Achat d'un billet de train pour revenir de Sisteron et réservation d'un emplacement pour la tente au camping.

Pour mémoire : nous avons arrêté le chauffage samedi. Il ne fait pas très chaud, mais en réalité, la température est "normale", dans la norme statistique des années 1991-2020. Ce sont les quatorze mois précédents qui étaient anormaux.
Suivez Serge Zaka.

Le Perche

Pour fêter l’anniversaire de H. nous avons coupé la poire en deux: rendez-vous à Chartres, à une heure et quart de trajet pour les enfants venant l’un de Corbeil-Essonne, l’autre de Mortagne-au-Perche.

Repas de famille traditionnel, c’est-à-dire très gai, avec beaucoup d’éclats de rire. Je me rends compte après coup que nous n’avons pas échangé d’informations sur la vie des uns et des autres. De quoi avons parlé? Je me souviens de citations de Gaston Lagaffe (analyse structurale de Lagaffe: «l'enfer est pavé de bonnes intentions») et d’Astérix… J’espère qu’Y. (la petite amie d’O.) ne s’ennuie pas trop dans ces conversations très marquées par des private joke familiales. Il y faudrait des notes de bas de page quasi constantes.
Une amie me l’avait fait remarquer.
— Mais c’est comme ça dans toutes les familles, non?
— Chez vous c’est particulièrement marqué.

Le restaurant (Le moulin Ponceau) sert d’intéressantes glaces à la moutarde ou au cornichon. Le contraste froid piquant est très bien venu.

Nous n’aurons pas le temps de monter à la cathédrale (je voulais surprendre H.avec les restaurations intérieures) car nous avons rendez-vous avec le nouveau propriétaire d’A. à cinq heures. Elle quitte son grenier de Mortagne (un vaste studio sous les toits) pour une maison de deux chambres au milieu des champs, boutons d’or et jeunes vaches face à ses fenêtres, un enclos à poules, une grange au sol en terre battue dans laquelle elle prévoit d’installer un atelier (?) et peut-être un congélateur («tu comprends, dans les fermes, quand ils tuent un animal, ils vendent la viande en gros»), du terrain pour un potager…
Son choix me laisse pensive: pas un commerce alentour, rien à moins de dix minutes de voiture… Mais elle n’a pas de contraintes, pas d’enfant à emmener à la crèche ou à l’école, pas de problème de santé. Dans un sens tout cela paraît très sain et très écolo, dans l’autre sens elle dépend beaucoup de la voiture.

Nous passons deux heures à remplir les papiers. H. et moi mesurons les pièces pour qu’A. puisse dessiner un plan et positionner ses meubles (c’est le grand plaisir des déménagements, les meubles figurés en carton que l’on déplace sur un plan en papier: la projection de sa future vie). Je n’avais pas compris qu’elle récupérait les clés aussitôt. Elle a donné tardivement son préavis, elle va être à cheval sur deux locations pendant trois mois, elle prévoit de déménager progressivement, ce qui par expérience me paraît une mauvaise idée. Elle verra bien.

A. tenait à nous faire découvrir le restaurant asiatique de Mortagne et y avait réservé des places pour dîner. Vraiment très bon.
C’est également sur les conseils d’A., qui en tant que factrice et pipelette connaît parfaitement la région, que nous avions réservé au château de Blavou, perdu dans la campagne. Si vous y allez un jour, dînez-y, cela sentait très bon et l’hôtelier est un ancien cuisinier-pâtissier.

Entre l’alcool du midi et le curry du soir, je me couche en légère indigestion.

A la soupe

Eclat de rire ce matin en découvrant cela (il faut dire que Romorantin, c'est chez moi, ou à peu près).

casserole à Romorantin. Article de la Nouvelle République


J'envoie l'article à mes parents qui vadrouillent en Pologne au printemps comme chaque fois que c'est possible depuis leur 50 ans de mariage (le déclencheur fut la venue d'une cousine polonaise pour fêter l'événement).
Ma mère commente: «il voulait peut-être de la soupe».

Plus de crémant, H. sort en chercher: «On ne peut pas vivre sans crémant»; il revient: «il [le caviste] n'avait plus de crémant de Loire, j'ai pris du Bourgogne.»
Pas mauvais mais moins joyeux, et peut-être plus alcoolisé. H. a commencé à lire Le tire-bouchon du bon Dieu, j'ai repris les Langelot contemporains, les deux derniers de la série, Langelot et le Commando perdu et Langelot donne l'assaut, et nous avons comaté tout l'après-midi.

Quand nous émergeons, vers 17 heures, je racommode le parasol avec six boutons (dont quatre proviennent d'un pyjama des années 90) en écoutant l'audition de Bruno Lemaire et Gabriel Attal par la commission des Finances. Ça répète un peu toujours la même chose. En gros, nous essayons de nous désendetter rapidement en pariant sur la croissance par l'allègement des impôts (politque de l'offre). L'effort est demandé à l'Etat et aux collectivités.

Remarque : si vous y avez droit, ouvrez un livret d'épargne populaire, le taux d'intérêt est positif même après inflation (6,1% d'intérêt actuellement, plafond 7700 euros).

Je suis ravie, je n'étais pas sûre de réussir à réparer le parasol, mais c'est parfait. Restera à enlever les traces d'algues ou de mousse sur la toile.

Etymologie

Hier, pot de départ de la directrice. En réalité elle est en retraite depuis le 14 avril, jour de ses 67 ans (fonctionnaire rayée des cadres, limite d'âge comme un couperet) mais elle partira le 12 mai pour faire la soudure avec son successeur. (Je me demande sous quel régime elle travaille: CDD d'un mois?)

Elle avait engagé un magicien pour égayer la soirée. La plus jeune employée, 21 ans, était terrorisée à l'idée d'être hypnothisée et se retrouver à poil devant tout le monde. Impossible de lui faire comprendre que dans ce contexte pro cela n'arriverait pas. Sa terreur confinait à la superstition.

Prestidigitateur : les doigts prestes. Je n'y avais jamais pensé.


Rappel
Digit en français: doigt; digit en anglais: chiffre. Digital en anglais doit (devrait) se traduire par numérique en français.

Mon jet privé à moi

Comme je n'écris plus beaucoup, je ne sais plus si j'ai raconté ici qu'en janvier j'avais prévu de faire un stage de planeur à Sisteron début mai.
En mars est arrivée la perspective d'un appel d'offres très important pour ma société. Quarante-cinq jours pour répondre, adieu stage. Et changement de direction le 15 mai. Adieu bis.
Mais l'appel d'offres a tardé. Rien en mars, rien mi-avril. Travail préparatoire avec les consultants (ma boîte n'a jamais répondu à un appel d'offres, tout le dossier est à monter. Nous avons donc commencé à préparer la partie commune à tout appel), puis arrêt.
Pleine d'espoir, j'ai prévenu les vélivoles que je viendrais peut-être, que je préviendrais au dernier moment. «Pas de problème, mais dans ce cas, il faudra que tu dormes sous la tente.»
OK. Le 15 avril, j'ai récupéré le sac de couchage "hiver" de mon fils.

Hier, mes vacances du 9 au 12 mai ont été acceptées. Hier soir, j'ai envoyé un mail pour prévenir les autres pilotes et j'ai fait mon inscription sur le site de Sisteron. J'ai commencé à regarder comment descendre à Sisteron: train jusqu'à Marseille puis Sisteron, ou train jusqu'à Aix puis bus.

Ce matin, encore au lit (qu'est-ce qui m'a pris? je ne fais jamais ça. Sans doute que la douche était occupée), j'ai regardé mes mails et j'ai trouvé ça:
Si tu peux prendre un RTT ou une journée de plus le vendredi 5/5, je peux t'emmener car je pars en avion jeudi 4 soir ou vendredi matin tôt en fonction de la météo.
2h30 de vol au lieu d'une journée de train...
Tu devras seulement prendre un billet retour car je remonte le mardi 9/5.
Appelle moi pour les détails.
À +
— Et tu vas comment à Sisteron?
— En avion.
— Tu pars d'Orly?
— Non, non, pas un avion de ligne, un avion privé, il passe me prendre sur la colline derrière chez moi.

J'ai un peu honte (conviction écolo oblige), mais j'en ai le souffle coupé.
Maintenant il faut que j'obtienne un jour de congé de plus.



Précisons: le titre est une exagération censée illustrer ma sensation de démesure. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un jet. J'ai appris depuis qu'il s'agit d'un Piper A28.

Décalage horaire

Télétravail. Je me connecte à 9h30 pour une visioconférence à quatre. «Une personne va vous laisser entrer en réunion».
Rien.
Pensant que je n’ai pas le bon lien, je me connecte à partir d’un autre appareil.
Idem.
Je farfouille dans mes mails: cela a peut-être été annulé, c’est fébrile ces temps-ci, avec l’appel d’offres qui ne tombe pas.
De guerre lasse, je laisse Zoom allumé et continue ce que j’étais en train de faire.
Plus tard encore, Zoom me déconnecte avec un message: personne ne s’est présenté pour la réunion.

Dans la matinée, échange de mails à je ne sais plus quel sujet. «On verra ça durant la visio de 14h30».
Je réagis aussitôt: «Désolée, je n’ai pas de lien pour une visio à 14h30».

Il s’avèrera que les autres non plus, sauf un, l’organisateur de la visioconférence — qui est en vacances en Thaïlande mais n’a pas annulé la réunion — de 9h30 ce matin — qui est devenue 14h30 pour lui.
En fait nous sommes trois à avoir attendu bêtement ce matin à 9h30 que quelqu’un nous «laisse entrer en réunion». En temps normal nous nous serions envoyés des SMS, mais là, chacun a pensé qu’il s’était trompé.
Bref, nous annulons la visio de l’après-midi.

Célébrations

Le matin réunion annuelle chez un prestataire boulevard Haussman. Déjeuner au Petit Riche dans une atmosphère parfaitement proustienne. Il s’agit de fêter le départ en retraite de la directrice. Une fois de plus, je suis frappée de la façon dont des fournisseurs, sans même s’en cacher, se servent de leurs (nombreux) clients pour collecter de l'information. Cela m’amuse, me choque et me fait regretter que ma hiérarchie n’ait pas le réflexe d’en faire autant. J’apprends beaucoup sur la méthode.

Le soir, rendez-vous chez Raimo, le glacier à deux pas du bureau, avec Josiane, mon ancienne collaboratrice. Je l’ai invitée pour fêter son nouveau poste: les administrateurs et dirigeants de ma boîte précédente ont si bien réussi à la dégoûter qu’elle s’en va. J’en suis stupéfaite (mais comment ont-ils réussi cela, elle qui était si dévouée et si fidèle?) et ravie (bien fait pour eux, ils n’ont pas pris soin d’elle parce qu’ils étaient trop sûrs qu’elle ne partirait pas. Que cela leur serve de leçon).

N’empêche, c’est une drôle d’impression: j’ai quitté mon poste parce que tout était en place, qu’il n’y avait plus rien à améliorer et que je m’ennuyais; en deux ans, tout s’est désintégré.
Quelle leçon managériale: parce que tout s’accomplissait sans effort et qu’ils n’entendaient parler de rien, les administrateurs ont cru qu’il n’y avait pas de travail d’accompli, qu’il n’y avait besoin de personne pour le faire. Ils ne se sont pas rendu compte que l’aisance était due à la maîtrise des tâches et non à leur absence.

Dans trois mois ils perdront la personne qui connaît tous les rouages — sachant que celle qui m’a remplacée n’a pas daigné mettre les mains dans le cambouis et délègue les tâches qu’elle ne veut pas apprendre à Josiane, au commissaire aux comptes, à l’administrateur trésorier. Elle n’a même pas pris la peine faire le nécessaire auprès de la banque pour avoir une délégation de signature (électronique) pour les montants minimes et quotidiens, c’est Josiane qui déclenche les virements.
La transition va être intéressante. Y a-t-il une possibilité que le groupe jette l’éponge, que la structure disparaisse entièrement? Elle est noyautée par la CFDT, celle-ci laissera-t-elle faire cela?

Pas de dîner le soir : entre le repas de midi et la glace avec Josiane, je suis en indigestion. J’ai prévenu H., il a mangé sans m’attendre, diabète oblige.

Quartier Saint-Lazare

Couchée à quatre heures du matin pour terminer le compte-rendu d’une réunion politique que j’aurais dû terminer depuis dix jours.
Malgré tout je ne reste pas en télétravail: j’ai rendez-vous ce soir au siège du parti pour un échange au sujet des grands donateurs.

Après cette réunion je flâne dans ce quartier qui était le mien il y a vingt ans. Gvgvsse est-il encore rue de Madrid? La petite annexe de la Procure est-elle encore là?
Oui, mais le sous-sol n’existe plus. Je flâne dans cet endroit minuscule. Une dame demande Vingt ans après mais s’effraie du nombre de pages (plus de neuf cents en livre de poche). Est-ce que cela en vaut la peine? J’interviens: «Je crois que c’est mieux que Les trois mousquetaires. Plus on vieillit, plus on apprécie Vingt ans après».
Une demoiselle demande deux livres de préparation au mariage. L’un des deux n’est pas disponible:
— Je peux vous le commander, je l’aurai dans deux jours.
— Je vais le commander sur internet.
Décidément cette génération me choque. Ce n’est pas qu’elle commande sur internet qui me choque, mais qu’elle le dise à la libraire. Se rend-elle compte de ce que cela signifie? «Bon, je ne vous poignarde pas à mort, juste un coup de canif, pour que vous saigniez goutte à goutte…» (Vous me direz, le dire ou pas revient au même concernant le saignement. Mais tout de même.)

Bien sûr je ne voulais rien acheter. Bien sûr je ressors avec le dernier Gomart (Les ambitions inavouées) et un livre anglais des années 30 dont j’avais découvert l’existence en 2020 durant le confinement : La mâchoire de Caïn. C’est un roman policier dont il faut remettre les pages dans l’ordre pour découvrir l’assassin et les victimes. Je ne savais pas qu’il avait été traduit. Je parcours la préface d’Hervé Le Tellier et je suis surprise qu’il ne cite pas le Dictionnaire khazar, qui a la particularité de ne pas se présenter dans le même ordre selon ses langues de traduction.

Le thé

J’ai invité Jean et Jérôme, mes acolytes de la campagne il y a un an, à venir prendre le thé (cela sonne vieille dame anglaise, mais comment dire quand ce n’est ni le café postprandial, ni l’apéritif préprandial, mais bel et bien la pause du milieu d’après-midi?), et comme j’ai décidé brusquement de faire des petits gâteaux, je passe ma matinée à feuilleter des livres de recettes. Comme d’habitude je consulte un peu gay dans les coings, mais il y a trop d’ingrédients inconnus ou de recettes dont on se dit qu’il faudrait les tester avant de les présenter à des invités.

Je cuisine en écoutant un podcast sur le studio Ghibli. Je découvre l'importance de Paul Grimault et du Roi et l'oiseau dans leur inspiration.

Mes petits gâteaux seront plutôt réussis, ouf (je me souviens de précédents sablés incassables). Discussion à bâtons rompus sur la situation politique et l’organisation du parti. Classiquement, depuis que Jean est à la retraite, il est insaisissable, et Jérôme doit encore passer une floppée de partiels. Pas facile de planifier de futures réunions.

Jean part à six heures s’occuper de sa mère (cette contrainte a toujours rythmé nos sorties, cela me permettait de savoir que je ne serais pas en retard à la maison), Jérôme s’attarde, tant et si bien qu’H. propose: «Tu veux dîner à la maison?»
Jérôme a vingt-deux ans, il est en vacances depuis deux jours, il décompresse de ses examens, il a le temps. Il répond oui, nous papotons. A dix heures je finis par m’excuser: «je suis désolée, j’ai un compte-rendu à finir, je vous laisse». J’entends H. et lui débattre des réformes institutionnelles, des regroupements de communes, ils ne sont pas d’accord, ça compare le Portugal, les Etats-Unis, ça parle de Tocqueville.
Jérôme partira vers minuit.

Crashée

Il faisait mauvais hier, il faisait mauvais ce matin, mais les vélivoles semblaient persuadés que ce serait volable cet après-midi donc je suis allée au club.

Des jeunes et des parents attendaient, c'était jour de baptême de vol. Ils ont attendu longtemps, sans rien dire, sans se plaindre, sans manger (je suppose que le pilote sachant qu'il faisait mauvais et que cela devait se lever ne se pressait pas). C'est à ce genre de patience que je mesure mon impolitesse et mon impatience mais aussi la docilité de mes contemporains.

Thibault (pilote instructeur) est arrivé et s'est mis en tête de faire fonctionner le simulateur de vol. Nous avons passé beaucoup de temps à tout démonter et démonter avant de penser à mettre le logiciel à jour (je l'avais vaguement balbutié mais pas avec assez de conviction).

Cours sur le remorqué:
Il y a deux façons de décoller en planeur: le treuil (avec huit cents mètres de cable) et le remorqué derrière un aviron remorqueur. A Moret nous utilisons la deuxième possibilité.

Le remorqueur se décompose en plusieurs phases: tant que le planeur roule encore, «tu gardes les ailes horizontales, si l'une touche le sol tu largues. Tu restes dans l'axe de l'avion, c'est le seul moment où tu peux dissocier les palonniers du manche»; puis une fois que le planeur est en vol tandis que l'avion est encore au sol, «tu le maintiens dans l'axe. Attention, comme la vitesse de l'avion amplifie l'effet sur les gouvernes, il faut que les mouvements du manche tiennent dans une pièce de deux euros», enfin quand les deux sont en vol, «tu poses les ailes du planeur sur l'horizon, tu inclines les ailes du planeur selon la même inclinaison que le remorqueur, si tu t'écartes tu ramènes doucement dans l'axe en arrêtant ton action avant d'être totalement dans l'axe parce que sinon l'inertie te fera dépasser ton but et tu vas te mettre à marsouiner».
Et surtout surtout, «tu ne dois jamais être en position haute, tu dois toujours voir l'avion. Sinon tu mets le pilote en danger, tu te mets en danger, et le pilote de l'avion a le droit de couper le câble (quand la possibilité mécanique existe) pour sauver sa peau».

Romuald a réussi au premier ou au second essai.
Un essai, deux, cinq, je ne sais plus combien de fois, je me suis crashée à tous les coups, parfois de façon tout à fait spectaculaire. Comment dire cela? le simulateur ne me fait aucun effet. Je ne vois pas le rapport entre le manche et ce que je vois à l'écran. Cela ne fait aucun sens, je reste inerte, je n'adapte pas ce que je fais à ce que je vois.

Cependant tout n'est pas négatif: j'ai réussi à atterrir deux fois (je veux dire qu'après avoir été larguée en catastrophe par l'avion, j'ai réussi à rejoindre le sol sur le ventre).

Agronome

Plant de petites tomates.
Bientôt je pourrai m'intituler experte et donner des conseils aux agriculteurs.



Pour info, le jardinier a recommandé de ne pas trop arroser, voire très peu.

Progrès

Un peu déprimée ce soir quand soudain j'ai réalisé: avant je ramais, maintenant je plane.

Journée blanche

Pas fait grand chose : une ballade le matin jusqu'au confluent du Loing et de la Seine le matin, pour essayer de reconnecter H. à la vie, car il reste bien secoué.

Vers le soir, regardé La liste de Schindler que je n'avais encore jamais vue. Il y a beaucoup de détails dont j'aimerais savoir s'ils sont exacts, par exemple l'entrée du camp pavée de tombes juives.
Il y en a d'autres (qui ne sont pas des détails mais des faits) dont je ne sais que trop bien qu'ils sont exacts, par exemple le fait d'avoir déterré plusieurs mois plus tard des charniers pour les brûler afin de ne pas laisser de preuve.

Recette

Si vous voulez faire fuir un démon, posez un foie de poisson sur des cendres d'encens encore chaudes.

Coup de chaud

17h45. Je suis chez le coiffeur. H. appelle sans que je puisse décrocher.
Je rappelle dix minutes plus tard.

— J’ai eu un accident de voiture.
— Comment ça? Maintenant? Tu l'avais déjà eu quand tu as appelé?
— Oui, je suis en train d’attendre le dépanneur.
— Et tu vas bien? Qu’est-ce qui s’est passé?
— J’ai failli passer sous un camion.
— Whaaattt ??? (pas trop fort car je suis chez le coiffeur)
— Le camion a heurté l’arrière de la voiture et le camion l’a traînée sur trente mètres.
— Hein? Mais tu vas bien?
— Oui, secoué, mais ça va.
— Et le routier?
— Il est tout tremblant.
———————————


Police, assistance, dépanneur, taxi, le tout comme en rêve.
De mon côté je prends le train pour rentrer. Je ne réalise pas vraiment. Je suis tellement soulagée que j'ai envie de rire. Le fait d'avoir appris ce week-end que le mari de Ricroël était mort de façon foudroyante ajoute sans doute à mon soulagement, à cette conscience d'être si fragile, que tout ce que nous tenons pour acquis est si éphémère.

Le récit complet de l'accident est encore plus effrayant : le camion a heurté la voiture au niveau du feu arrière gauche et l'a fait pivoter d'un quart de tour, ce qui fait que tout le flanc gauche de la voiture s'est retrouvé contre le pare-choc du camion qui a continué à avancer:
— Le mec freinait à mort, c'est sans doute ce qui m'a sauvé.
(NB: notre voiture est une MX5, très basse sur la route.)
L'autre point qui a joué, c'est que ça s'est passé dans un bouchon: le camion était en train de redémarrer, donc à très petite vitesse.
— Sinon j'aurais été aplati comme une crêpe.

Le WhatsApp de mes potes pilotes

Vous ouvrez votre téléphone et soudain il y a ça.

plan de vol

plan de vol



les dolomites 2023

les Dolomites



les dolomites 2023

les Dolomites



Montenegro 2023

Montenegro



Thessalonique

Thessalonique



Mont Athos

Mont Athos



Chios

Chios



Mikonos

Mikonos



Samos et Izmir

Samos et Izmir



Dubaï

Dubaï

Bassines, écologie, émeutes

C'est tout de même triste que sur un sujet aussi fondamental que nos futures sécheresses, on n'ait que des écologistes idéologues et aucun scientifique.
On dirait des ZADistes prêts à tout détruire par pure haine macroniste.

Voici un thread sur les bassines. Il présente les aspects scientifiques, les avantages et les inconvénients. La conclusion est : le bénéfice des bassines dépend beaucoup de l'endroit où on les installe, elles ne sont pas un remède universel. En l'occurrence, les bassines de Sainte-Soline correspondent à dix ans d'études et de concertation entre les acteurs locaux. On assiste donc bien à la confiscation d'un projet local par des intérêts qui n'ont plus rien à voir avec l'agriculture ou l'écologie.

Il est temps de se souvenir qu'il n'y a pas de solution idéale, qu'on essaie de faire au mieux et que la politique consiste à choisir en fonction d'objectifs qui (normalement) visent le bien commun.
C'était le cas pour les vaccins, le cas pour le nucléaire, c'est le cas pour les bassines.

Pour rappel, la synthèse du rapport du Giec, p.8, et la recommandation des retenues d'eau.

synthèse du rapport du Giec

Les petits gros

Journée au club de planeur. Ça y est, je suis inscrite officiellement. Toujours pas de vols possibles, trop de vent et de giboulées. Nous avons remonté quatre planeurs et rangé sept remorques.

Le déjeuner a lieu dans une joyeuse cohue. C'est l'occasion d'en apprendre davantage les uns sur les autres.
— Mon mari fait de l'aéromodélisme. Je le suivais dans les démonstrations, tous les week-ends.
— Donc tu connais la Ferté-Alais.
— Ah oui, il y a les petits gros là-bas.
Il doit voir ma tête car il se tourne vers moi et m'explique.
— Ce sont des modèles plus grands que d'habitude, mais plus petits que des avions.

Mais bien sûr

— Il n'a aucun goût, ce poulet.
— De toute façon, le poulet, ça n'a pas vraiment de goût. C'est surtout une affaire de consistance.
— Mais pas du tout. Tu le fais un peu revenir à la poêle, et grâce à la réaction de Maillard, tu obtiens un goût de caramel.
(Je ne sais absolument pas de quoi il parle.))
— Mais oui, bien sûr, j'aurais dû y penser !
— Fallait pas me faire lire Hervé This.


Et donc, pour ceux que ça intéresse, la réaction de Maillard.

A rebours

Les rames de métro circulent de gauche à droite (vues du quai où il est possible d'y monter); les rames de RER de droite à gauche. Je suppose que les Anglais y sont pour quelque chose.

En arrivant sur le quai Reuilly-Diderot, imaginez ma surprise de voir une rame surgir de l'endroit où elle était censée s'engoufrer.

Un Pakistanais (peut-être pas du tout pakistanais, c'est juste mon idée du pakistanais) me demande paniqué avec un fort accent:
— Il va bien à Créteil?
— Euh, j'espère, parce que c'est pour cela que je le prends.


Plus tard j'apprendrai que la ligne 8 est fermée entre Reuilly-Diderot et Concorde et que les rames ne circulent qu'aux deux extrémités. C'est bizarre comme idée; j'aurais pensé que pour un conducteur, c'était plus intéressant, plus varié, de faire toute la ligne qu'un quart ou un tiers. Il doit y avoir une raison, mais laquelle?
Par ailleurs, les rames circulaient de 6 à 10 heures et de 16 à 20.

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En rentrant à Moret, direction la Dame du lac pour manger une Pavlova et boire un kir royal pour compléter le sandwich pris gare de Lyon.

Quelques observations sur le temps, l’âge, la durée

Ce qui me frappe en lisant ou écoutant les revendications, c’est cette impression que l’Etat devrait subvenir à tous les besoins indispensables (de l’alimentation aux études des gosses (si tant est qu’on considère que les études soient indispensables)) afin que chacun puisse dépenser son salaire ou ses allocs pour ses loisirs, son téléphone, ses fringues, ses vacances, sa voiture (la voiture est encore personnelle, mais pas le carburant), le coiffeur et le maquillage (je découvre avec stupeur le prix de ces produits).

Concernant l’âge de départ à la retraite:
les gens qui avaient quinze ou vingt ans dans les années 80 ou 90 ont vu leurs parents partir en pré-retraite à 55 ou 58 ans. C’est peut-être ce qui leur rend si difficile de comprendre que ce temps-là est révolu (j’ai appris hier que ces dispositifs de pré-retraite avaient pris fin en 2012).
A l’époque (les années 80 et 90), il y avait des licenciements par trains entiers (les filatures du Nord, les aciéries de l’Est, etc). On se réveillait en apprenant des OPAs hostiles, des batailles à coups de chevaliers noirs et blancs (cf. Pretty Woman, c’est l’arrière-plan du film). Plus tard les sociologues et les RH se sont plaints du « désinvestissement des nouveaux arrivants dans le monde du travail »: mais pourquoi des enfants qui avaient vu pleurer leurs pères mis à la porte après vingt ou trente ans consacrés à une boîte auraient-ils dû croire (en et à) une entreprise et s’investir aveuglément? Le temps de la foi était passé.
Aujourd'hui, ces mêmes enfants trente ou quarante ans plus tard ne comprennent pas que les pré-retraites n’existent plus. En fait ce n’est pas deux ans de plus, mais six ou huit ans de plus que leurs pères qu’ils doivent travailler. Leurs pères auraient aimé avoir ces six ou huit ans. Pas eux.

Je lis et j’entends aussi des pères et des grands-pères «dégoûtés» en train de déplorer que leurs enfants et leurs petits-enfants n’auront pas de retraite et leur conseiller… de s’exiler! (on se demande où, puisque ailleurs l’âge de départ est généralement supérieur à celui en France. Passons.)
C’est possible. C’est trop loin pour qu’on le sache. Mais une chose est sûre: les jeunes ne repoussent plus l’accomplissement de leurs rêves à l’âge de la retraite. Ils font tout ce dont ils ont envie au fur à mesure. Et comme ils ont leurs enfants de plus en plus tard, ils ont le temps de parcourir le monde et de se consacrer à leur hobbies avant d’entamer une vie familiale.

Ce qui m’amène à une dernière remarque: on a ses enfants entre trente et quarante ans et on souhaite travailler jusqu’à la fin de leurs études. On a des prêts immobiliers sur vingt ou vingt-cinq ans et on souhaite travailler jusqu’à leur extinction. Tout naturellement, toutes les échéances reculent.

Amidon de patate

— Si la planète va mal, c’est à cause des riches. Ça va bien d’accuser les pauvres de détruire la planète avec des pailles; mais tout le monde n’est pas né en buvant du jus de sureau avec des pailles en amidon de patate.

Shameless saison 10 épisode 11
PS : RC ressemble beaucoup à Franck Gallager, en moins chevelu.

Rats

Pour célébrer ce tweet, je crée une nouvelle catégorie (je sens qu'elle va servir souvent) destiné à célébrer tout ce que je ne comprends pas — et je sens que cette catégorie va grossir dans les années à venir. Le nom originel était «Nouveau monde», mais je trouve celui-ci plus à la page.
J'y affecterai quelques anciens billets à l'occasion.

Benjamin Bakouch défend les rats


Contexte : grève des éboueurs pour refuser la réforme des retraites (le passage à 64 ans). Les poubelles débordent, les rats engraissent et certains écolos veulent les protéger.

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Pas de planeur, il pleut (tant mieux s'il pleut, mais dommage).
L'instructeur de planeur est venu boire un café à la maison. Il travaille à la Philharmonie.

Addiction

Courses le matin, repassage l'après-midi.

Addiction : je ne sais plus quand j'ai commencé Shameless (américain), mais j'en suis à la saison 7, soit quatre-vingt-deux heures de film en une semaine à peu près.

Je suis impressionnée par le nombre de bipolaires dans les séries américaines: Homeland bien sûr, Six feet under, Ozark,... Cela paraît aussi populaire que l'autisme en France.

Les premières saisons concernent des frappadingues à la lisière de la parodie, avec des incursions dans les sujets de société, dont le premier serait la fertilité des pauvres et les ado enceintes.
A partir de la saison 7, ça vire à l'actualité, LGBT trans, queer, iel, #metoo, la lutte contre la culture du viol, la fin du rêve américain, le racisme… Tout bien évalué, entre la lutte contre les démons intérieurs (alcool, drogues), l'arnaque, le cul (jamais vu autant baiser dans une série américaine), la dénonciation des hipsters et leur yoga et leur bublletea, la série est plutôt pédagogique.



publicite intermarche procrastination


Repos

Journée à faire des tâches administratives de courte durée. C'est assez plaisant.
Pas suffisant pour faire un billet de blog, mais plaisant.

J'ai commencé à lire Unsinkable, l'histoire d'une rameuse canadienne qui a gagné une médaille aux Jeux Olympiques de 1992 six semaines après un accident qui lui a brisé la jambe et arraché le muscle du mollet.
Insubmersible. Est-ce vendeur? Indestructible?

Giono

La lumière est jaune car il y en avait très peu.

lecteur de Colline dans un train ligne R


6 heures 36

En attendant le bus, le soleil se lève derrière la porte de Paris.
C'est bientôt le changement d'horaire.

porte de Moret au lever du jour


Jour de non grève

Arrivée gare de Lyon à 19h12 pour prendre le train de 19h21 pour Moret.

Panneau d'affichage :

panneau des départ SNCF pour Moret


L'icône en fin de ligne signifie que c'est un bus.

J'ai appris que le dernier train était parti à 19h01.
RER D jusqu'à Melun. (Comme il partait à 19h46, j'ai été assise puisque j'étais très en avance.)
H. est venu me chercher, dîner au Franklin à Fontainebleau.

Et pour le reste, no comment.

Raté

Je devais faire du planeur (j'avais le trac, j'ai tout oublié) mais cela a été annulé à cause du vent (qui balaie les convections).

J'en ai profité pour faire un peu d'administratif. Ça a occupé cinq à six heures. J'ai totalement oublié de consulter en ligne le compte rendu de ma radio du pied (du 25 février) et il ne paraît plus disponible. Zut.

Une élève de cours a trouvé un super document de grec écrit par un informaticien, d'où une description systématique très satisfaisante pour l'esprit.

Melun 7h17

passage en train sur le pont SNCF de Melun à 7h15 le 10 mars

Melun 7h17

Il pleut enfin. Sans doute pas assez, mais c'est un début.

passage en train sur le pont SNCF de Melun à 7h15 le 1er mars

Shameless

Deux trains le matin, deux le soir : préféré rester à la maison.

J'ai trouvé une série qui me fait vraiment rire : Shameless.
Le générique en plan fixe sur une salle de bain est formidable, un résumé puissant du contenu de la série. Particularité pour une série américaine (je regarde le remake de la série: apparemment l'initiale était anglaise, cela explique sans doute le côté déjanté): on voit des seins, les actrices ne sont pas en soutien-gorge.

Mâcon - huit de filles

Départ à huit heures pour Mâcon. Les autres ne le savent pas, mais ce sera mes deux derniers jours d'aviron, mes dernières courses. Huit de filles aujourd'hui, huit mixte demain. J'espère vaguement une médaille en huit de filles, mais nous sommes à la limite supérieure de la tranche d'âge, ce qui veut dire que nous allons concourir contre des filles qui auront dix ans de moins que nous.

Il fait très beau. L'ambiance est désagréable, nous sommes six filles et deux stars qui visiblement n'ont pas envie de ramer avec nous. Elles restent ensemble, parlent ensemble, ne nous adressent pas la parole. Elles ont même trouvé le moyen de s'habiller différemment, en portant leur collant par dessus leur combinaison d'aviron, tout en nous accusant d'être vieux jeu et ne pas nous habiller comme les jeunes. Mais les jeunes que nous croisons portent leur collant sous leur combinaison. Fleur et Sybille font un double avec six filles de façon à atteindre un huit. Ce n'est pas un équipage de huit.
S. est très déçue, elle rêvait de la même chose que moi, en plus romantique encore, avec discours de motivation à l'américaine de la part de notre entraîneur.
Nous n'aurons rien de tout ça. J'essaie de la réconforter, de maintenir de l'humour ou de l'ironie.

Montage des bateaux, pique-nique chacun pour soi, transport des bateaux et mise à l'eau de façon périlleuse car la Saône est basse, le ponton est trente centimètre au-dessus de l'eau.



Nous terminons septième. Sybille repart aussitôt chez ses parents au Creusot.
Une partie des rameurs a loué des chambres à l'hôtel, cinq autres ont loué suivant un gîte, ce qui scinde les rameurs selon d'autres lignes encore. Nous dînons à l'hôtel entre rameurs présents.

RTT

Matin chez le coiffeur à deux pas de mon boulot (puisque j'avais rendez-vous à Paris, c'était ce qu'il y avait de plus rationnel).

Midi avec J, mon bras droit dans mon entreprise précédente. Ils ont réussi à suffisamment la dégoûter pour qu’elle souhaite quitter son poste. J’en reste intérieurement ébahie, comment ont-ils réussi à décourager quelqu’un d’aussi engagée et adaptable? Ils sont vraiment nuls.

Je retourne à Vincennes pour un massage thaï. Je suis si nouée qu’elles me disent que la prochaine fois, je devrais essayer un massage à l’huile.

Une vache, deux veaux et un kangourou

Rendez-vous à 9h au salon de l’agriculture pour une visite VIP.

Je n’y étais jamais venue (depuis ma déception au salon du livre, j’évite ce genre d’endroit) et ce fut fun. J’ai découvert que la vache star, Ovalie, avait deux veaux dont personne n’avait parlé.

« Ovalie


Rendez-vous avec les céréaliers. Citation: «des zozos à gogo». Le temps des agriculteurs n’est pas linéaire: si les semailles ont lieu en octobre et que le décret sort en décembre, on vient de perdre un an. Le juridique est en train de devenir plus important que le politique.

Passage aux stands de Seine-et-Marne. «Cheese» pour la photo avec les producteurs de Coulommiers.

«Franck


Chez les producteurs de lait:
Le risque, c’est la fin de l’élevage. Les Pays-Bas viennent de prendre la décision de réduire leurs troupeaux de vaches d'un tiers dans les années à venir.

Chez les brasseurs : quarante ou cinquante bières pression le long d’un long comptoir. Je bois deux stouts françaises — une imperial stout de la brasserie du grand Paris et une autre dont je me souviens pas, Nordstream ou quelque chose de ce genre.

Chez les spiritueux. Je vous mets un schéma des taxes et une carte des fruits. Un très beau barman nous sert d’excellents cocktails.

«taxes «carte


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Après-midi en bibliothèque pour préparer le cours de grec. La bibliothèque Malraux est totalement transformée. Je continue à lire L’Œuvre au noir.

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A 19 heures, cours de grec.
1 Corinthiens 7, 36. Fascinant passage, où l’on ne sait pas s’il s’agit d’un père qui se demande s’il doit marier sa fille nubile (la honte de n’être pas mariée pour une fille) ou d’un jeune homme qui se demande s’il ne doit pas épouser sa bien-aimée de peur de la déshonorer.
Rien ne permet de décider et les traductions (TOB, Jérusalem, etc.) présentent l’une ou l’autre des solutions.

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Je termine à neuf heures et trouve un train. Je découvre alors un message de H. sur Twitter et manque de m’étouffer.

un kangourou sur la ligne R


Melun 7h15

passage en train sur le pont SNCF de Melun à 7h15 le 1er mars

Panne de réveil

Autre histoire de sommeil: ce matin je n'ai pas entendu le réveil.

Je me suis réveillée une demie-heure plus tard. C'est rarissime, cela a dû m'arriver trois fois dans ma vie.

Insomnie

Réveillée entre trois heures trente-trois (c'est toujours le même plaisir) et les alentours de cinq heures et demie.

Je ne me suis pas levée. Ne pas bouger, sentir, ressentir les draps, la surface plane du matelas, écouter la comtoise, mettre une boule quies (en mousse) du côté hors oreiller, attendre, résister à l'envie de vérifier l'heure, se tourner, ne pas bouger, penser, chercher un sujet de rêverie pour lâcher prise, ça ne marche pas, tiens la comtoise ne fait plus de bruit, le balancier est enfin en bout de course, malgré mon amour de cette pendule je ne vais pas la remonter quelques jours pour voir si je dors mieux sans le tic-tac et le carillon des heures, ne pas regarder le réveil, bouger un peu pour sentir une portion de drap frais.

Quand je me suis réveillée, la comtoise faisait tic-tac.
J'ai donc rêvé que je faisais de l'insomnie, que les draps étaient frais et que la pendule s'était tue.

C'est fatigant.

Emotion

Entraînement d'ergo. 6 fois 500 mètres cadence 14 le plus puissant possible.

J'arrive trois minutes avant le départ du train. Comme ce matin, c'est un train court, sans doute à cause des vacances (même si je ne comprends pas pourquoi cela fait raccourcir les trains: il faut le même nombre de conducteurs quelle que soit la longueur du train). Plus une place assise, la plateforme (devant la porte) est bondée, encombrée de valises et de poussettes. Je titube de fatigue après le sport, parviens à me frayer un chemin jusqu'au couloir central de la voiture.

Le train s'ébranle, je me cale debout dans le couloir contre un bord de siège, je sors mes lunettes de lecture (pas les mêmes que les lunettes d'écran), un criterium et mon livre.

C'est alors que la blackette sur le côté me propose sa place.
Interloquée, je checke mentalement, non je n'ai pas l'air enceinte, mes cheveux ne sont pas blancs,… mais pourquoi?
Je remercie en souriant, (il y en a pour trente minutes, il n'y a aucune raison objective pour que je sois assise plutôt qu'elle), et pour la rassurer, je vais m'assoir sur les marches entre la plateforme et le couloir.

Elle sourit, mime quelque chose avec les mains, et soudain je comprends: elle voulait me laisser sa place parce qu'elle a vu mon crayon. Quand elle a pensé que j'allais écrire et travailler, elle a voulu me laisser sa place pour que je sois assise.
Tant de respect pour l'écrit et l'étude… je ne savais pas que cela existait encore.

Les laitues du lamantin

— J'adore les lamantins. Je pourrais les regarder des heures.
— Tu as déjà vu des lamantins manger de la salade ?
— Non. Je n'ai jamais vu de lamantin tout court.
— Ils ont des petites pattes sur le devant; ils prennent la salade, et groumpf, groumpf, groumpf, ils la mangent en trois bouchées.
— En faisant des roulades dans l'eau. Ils sont super.


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Agenda:
Belle sortie ce matin. Un équipage heureux d'être ensemble, c'est tout de suite différent. Je rame en me disant que le week-end prochain sera le dernier. Cinq fois cinq minutes cadence course.
Repas d'anniversaire à base de coquilles St-Jacques, de Mont d'Or et de Saint-Honoré (non, pas ensemble).
Nous avons récupéré Charlotte pour une semaine. Elle a vieilli (17 ans), elle s'est décharnée et elle a peut-être de l'arthrose car elle monte lentement les escaliers. Globalement elle est en bonne santé.

Pokémon

Sortie en huit mixte cahotante, bassin agité par le vent. J'étais mal réglée.
Remarque de l'entraîneur: «Un huit, ça se fait bouger à huit, pas à huit fois un. C'est difficile, surtout quand on est adulte et qu'on ne rame pas ensemble six fois par semaine».

Je rentre. A. est arrivée de Mortagne, nous allons déjeuner au MaSu de Nemours de façon à faire nos traditionnelles courses de chaussettes et autres dans notre magasin préféré.

Passage à Thomery dans la boutique Pokélégende. C'est minuscule et perdu, loin du centre de Thomery (déjà pas bien grand) et de la gare, à cent mètres du château de By. Je ne comprends pas comment ils arrivent à survivre ici, mais apparemment les passionnées viennent de toute la France et même de Belgique.
A. ressort avec une somme indécente en boîtes de cartes (boosters?). Elle nous explique la spéculation autour des nouveaux boosters, en vente cinq ou six semaines tout au plus. La particularité du magasin de Thomery, c'est de réunir toutes les boîtes de boosters qui sortent, alors que normalement les boîtes sont dispersés à travers la France dans différents points de vente: il faut tous les visiter si on veut tous les boosters. (Je ne garantie pas l'exactitude des termes, mais c'est le principe).

Pour mémoire : rupture d'approvisionnement du médicament Ozempic. Le pharmacien a demandé à H. de prévenir son médecin pour trouver un traitement de substitution.

Nager ou manger, il faut (il va falloir) choisir

L'excellent Serge Zaka, météorologue, passait ce matin sur RTL.
Il n'a pas plu depuis un an, il fait sec, très sec, les nappes phréatiques sont à moins de la moitié de leurs capacités.

— Que faut-il faire? demande la journaliste.
— Economiser l'eau dès maintenant, sans attendre juin. Ne pas laver les voitures, ne pas remplir les piscines…

NE PAS REMPLIR LES PISCINES !!! Horreur, malheur, mais vous n'y pensez pas !

Le moment présent

Large sourire en lisant la phrase suivante :
Je me hâte de dire qu'il me paraît [...] assez vain d'essayer de communiquer dans la mort quand nous communiquons déjà si mal dans la vie.

Marguerite Yourcenar, Les yeux ouverts, p.107, éd. le Centurion
Comme c'est évident. Je n'y avais jamais pensé. Les questions, c'est maintenant.

Rangement et trouvailles

Demain des ouvriers doivent venir enfin installer les stores choisis en septembre (délai dû à une rupture de stock de aluminium). Il me faut donc ce soir dégager les restes du déménagement non terminé entassé derrière la télé au deuxième étage. (Car la télé, ou du moins l'écran qui n'est pas une télé mais sert au DVD et au streaming, se trouve devant le haut de la fenêtre qui s'ouvre au premier étage: c'est donc là que seront fixés les stores).

C'est l'occasion de jeter des papiers, de classer quelques livres et d'en sortir d'autres des étagères pour les donner (des biographies essentiellement. Exit Sarraute, Duras, Claudel).

Je retrouve le Marque-Pages d'Orimont que je ne savais plus où je l'avais rangé: eh bien il n'était pas rangé mais en attente de rangement. Il est maintenant sur mon bureau.

Bzzz

J'ai une ruche !

Oui, bon, pas exactement. Ma sœur m'a offert un parrainage pour mon anniversaire. Avec une appli (3bee) à télécharger pour suivre le travail, le poids quotidien de la ruche (comment ça, ça varie quotiennement en plein hiver?)
Bref, ça fleure (hihi) bon le truc bobo, mais d'un autre côté, c'est une idée astucieuse pour financer son activité. "Ma" ruche est en Seine-et-Marne, je n'ai pas compris (mais pas vraiment cherché) s'il y en avait partout en France.

H: — C'est vrai k'c'est sympa, une ruche. C'est mieux que louer une fourmilière.

Surgi du passé

Je fume ma clope tranquille en attendant les consultants. (Oui j'ai racheté un paquet en revenant d'Irlande. L'ennui.)
Deux types arrivent, s'approchent de la porte, et l'un deux s'exclame avec le sourire enchanté de celui qui découvre une bonne surprise:
— Alice !

Je le regarde. Il m'évoque un rameur de Melun, mais ce n'est pas ça. Qui est-ce?


Nous avons travaillé ensemble en 2001. Je me rappelle vaguement leurs noms. Sinon rien. La réunion s'est très bien passée.

Les potins du coiffeur

Je me plains souvent — ou parfois — qu'il n'y ait plus de magazines chez le coiffeur: plus de photos (d'inconnus pour la plupart, désormais — mais les robes sont jolies — mais les photographies prises de trop près avec des portables plutôt laides), plus d'anecdotes croustillantes, plus d'interviews stupides.

Mais soudain, pendant que je suis au bac, une cliente à la coiffeuse:
— Vous avez vu, ils avaient fermé le pont aujourd'hui.
— Oui, ils tournaient un épisode de The Walking Dead.

WHAT ??!!?

Top Crop

Je ne pense pas grand chose du crop top en juin, mais à sept heures du matin en février, avec cinq centimètres de peau à l'air au niveau du nombril, respect.

Huit de filles

Lever à presque huit heures, ce qui est vraiment tard pour un jour d'aviron. Je ne pensais pas avoir du sommeil en retard.

Huit de filles, un peu bringuebalant mais qui s'est stabilisé au fur à mesure de la sortie. Quel dommage que nous ne nous soyons pas entraînées ensemble régulièrement depuis novembre, c'était si prometteur.
Il faut que j'arrête d'en parler, d'y penser, et que je passe à autre chose.

Repassage en regardant The last of us. C'est fou ce que j'aime les films post-apocalyptiques. Ils éveillent une vraie curiosité, ils représentent les peurs du siècle. Ça remplace les loups, les sorcières et les ogres.
Puis Ghost Dog car je n'ai pas résisté à «dernier jour» indiqué sur Arte.

Crêpes. Encore une attaque de cidre fou, piscine sur la table du salon.

Huit mixte

Donc il y aura deux huit mixte à Mâcon, avec des calculs compliqués d'âge. Au lieu de mettre les meilleurs dans un bateau, les autres dans le deuxième, et de travailler/s'entraîner sérieusement six mois à tomber ensemble dans l'eau au quart de seconde près, on préfère faire des calculs d'apothicaire en allant chercher au dernier moment un rameur de 76 ans de façon à rester dans la catégorie des plus de 50 ans pour compenser nos deux plus jeunes et plus talentueuses rameuses…
Peut-être est-ce la voix de la raison. Je n'en sais plus rien.
X. en larmes parce qu'on lui annonce qu'elle va barrer… alors que je préfèrerais barrer parce que le mixte, je m'en fiche, c'est le huit de filles qui m'intéresse… Si le calcul des âges passe (elle est de 1973), nous échangerons.
En tout cas c'est la fin pour moi. Je termine cette compétition et je vais faire du planeur.

Perdu beaucoup de temps à armer le Falcon en pointe (et quelqu'un a récupéré ma clé de 13). La sortie a été agréable, j'ai barré une grande partie du temps — et heureusement, car après mes trois séances d'ergo, mes cuisses brûlent vite.

Impossible de me souvenir de ce que j'ai fait l'après-midi. Mis à jour mes mails, mon compte Assessfirst (je donne le lien au cas où ça vous amuse de passer le test: la façon dont sont donnés les résultats est bonne pour le moral. Avant de le commencer, je vous spoile qu'il y a de la logique à l'intérieur. Vous pouvez vous échauffer avec cela, pour vous préparer mentalement).

Vendredi

H. est encore de compétition ce soir (oui, j'ai mes clés).

J'ai repris ma grammaire grecque dans le train. Vingt minutes chaque jour, quatre pages environ. Je continue Fado Alexandrino. C'est magnifique.

A midi j'ai récupéré ma carte bleue au Goût du sablé. Ç'avait été un coup de chaud de ne pas la retrouver au moment de faire ma valise il y a une semaine; un message m'attendait sur FB pour me dire que je l'avais oubliée mercredi midi au restaurant (je ne m'en étais pas aperçu avant car je ne paie quasiment plus que par téléphone).

Ergo le soir (trois jours de suite car lundi je rentrais de vacances et mardi c'était la grève): quatre fois dix minutes, cadence 18, 20, 22 et 24. J'ai tenu aux cadences attendues. Réussir vous laisse épuisée mais vous donne une impression de puissance, de capacité à faire face.

A Moret, dîner à la Dame du Lac. Ils ont changé leur carte, mais aussi le style de leur carte, pour faire davantage dans le menu de brasserie.
Je prends deux kirs royaux à la pêche, mon péché mignon: un en apéritif, un avec mon dessert.
Est-ce pour cela que j'ai si mal dormi, d'heure en heure me réveillant en sueur? Ou est-ce l'ergo qui réchauffe mon métabolisme?

Au moment de mon dessert est arrivé un groupe de personnes. J'ai pensé qu'il venait fêter un anniversaire. Je suis partie alors qu'une féminine voix rocailleuse portait un toast: «à la connasse qui paie!»
Je suppose que c'était affectueux. J'ai imaginé leur état une ou deux heures plus tard. Sacré bizutage pour le nouveau et jeune serveur.

Calculs et emploi du temps

A midi, encore de l'ergo, trois fois vingt minutes cadence dix-huit, c'est-à-dire de l'endurance. J'ai tenu — mais l'endurance, c'est toujours plus facile.
Les autres n'ont fait aucun commentaires à mon retour, mais j'avais le visage blanc couverts de tâches rouges.

Selon mes calculs, tout cela me prend trop de temps si je veux continuer à prendre le train entre 18h30 et 19h (demande d'H. pour pouvoir manger à heure compatible avec son diabète). Il va falloir redécaler mon heure de lever, sans doute la repasser à 5h50, peut-être 5h55 (pour la beauté du nombre). L'ennui c'est que ça me fait prendre le train de 6h55, et que c'est un «train moche», comprendre une rame de RER D: je ne suis pas venue habiter si loin pour prendre une rame de RER D.
Mais bon.

Le soir, Ground Control. Encore une assiette africaine, avec des frites de patates douces.

Reprise de l'ergo

En octobre, j'en ai eu marre de ma feuille d'entraînement d'ergo. Apparemment j'étais complètement remise de mon covid. J'ai donc décidé de prendre la deuxième feuille, d'un niveau plus élevé, avec des exercices plus variés (davantage de variations dans les durées, les cadences, les puissances).

J'ai commencé en novembre, et je me suis rapidement aperçue que c'étaient également des entraînements plus longs (j'en étais là en 2020, juste avant le confinement, cela m'a rappelé des souvenirs oubliés). Cela ne tenait plus en cinquante minutes, je ne pouvais plus faire cela le matin avant le boulot (entre sept heures trente et neuf heures, en ajoutant la douche et les habillages rhabillages); le faire après le boulot m'obligeait à sortir rigoureusement du bureau avant cinq heures — ce que je suis incapable de faire — car mon abonnement en salle était tel que je ne devais pas m'entraîner sur les plages horaires d'affluence.

Bref, j'ai arrêté de m'entraîner à l'ergo en décembre, en même temps que je me levais une heure plus tard (à six heures vingt), ce qui m'a remonté le moral. J'ai également pris le pli de quitter le bureau plus tard, ce qui correspond davantage à mon rythme naturel.
Je m'étais dit que je reprendrais après Dublin, en changeant d'abonnement pour pouvoir venir le midi.

Dont acte ce midi.
C'est une catastrophe. Je devais faire quatre fois douze minutes cadence 22 (22 coups par minute: l'entraînement à l'endurance se fait à 18, les JO se courent à 36 ou 40) avec trois minutes entre chaque, j'ai fait trois fois douze minutes (par manque de temps), mais le dernier intervalle cadence 18, complètement HS.
Sans compter que j'ai pris deux kilos en deux mois.

Manifs contre les retraites

Je ne vais pas le dire trop fort, mais ça m'arrange bien: ça me donne un bon prétexte pour rester à la maison.

Je passe la journée à faire ce que je préfère (m'occuper des demandes des adhérents) et à ne pas faire ce que je devrais (gouvernance et conformité, comprendre: rédaction de procédures, ça m'agace de plus en plus. A bas l'ACPR!).

Bref, tard le soir je me retrouve en train de suivre négligemment les quatre derniers modules des quinze heures de formation annuelle obligatoire de la DDA (directive sur la distribution d'assurances).
Je n'en peux plus de la conformité.

Des nouvelles de l'Algérie

Matin : café chez Toufik à 7h15 (après un malentendu: j'avais compris qu'on quittait la maison à 7h10 (soit, pour moi, comme d'habitude), H. voulait prendre le train de 7h10: bref, «on part à 7h10» n'est pas assez précis.)

J'apprends (est-ce que tout le monde le sait?) que les Algériens, Tunisiens, Marocains, nés en France, sont bi-nationaux et que cela se transmet aux enfants. (Ce sera donc sans fin. Je me demande si c'est une bonne idée.)
Voilà qui change mon regard sur les supporters de foot: ils ne prennent pas partie pour le pays de leurs ancêtres contre leur pays d'adoption puisqu'ils sont les deux. (Toufik: «pour le foot, on est schizophrène»).

Toufik va partir en vacances en Algérie. Il doit passer au consulat pour avoir un tampon quelconque, ou refaire son passeport, je ne sais plus très bien: «pour ma femme française française, ça va beaucoup plus vite, elle a eu son visa tout de suite. Mais moi, comme j'ai la double nationalité, c'est compliqué, l'Algérie exige que je passe au consulat.»
Bref, une fois de plus, comment faire suer les gens plutôt que leur rendre service. Maltraitance administrative.

Le soir, bière chez Toufik. On parle retraite, générations, souvenirs. Quel est votre plus grand souvenir? la mort de Kennedy, la chute du mur, le 11 septembre, le Bataclan?
Comme l'un des présents résiste à cette vision des choses, nie qu'il puisse y avoir une différence entre connaissance apprise et expérience vécue, je dégaine mon arme secrète: «qui a connu Goldorak?» — car j'ai remarqué qu'il y a aussi les générations Goldorak, les Cités d'or, Power Ranger, Pokémon, etc.

«Moi je regardais Goldorak en France, et quand on allait en Algérie, je le regardais en arabe. Vous voulez que je vous chante Goldorak en arabe?»



Je précise qu'il est sobre, le verre qu'il tient est sans doute le mien.
(N'hésitez pas à cliquer, l'image s'agrandit.)
.

Ou encore Goldorak / Grendizer en arabe.

Retour



deux boîtes de Vache qui Rit intitulées


Je vous mets une photo de Vache qui Rit pour ne pas mettre une photo de Guinness. Profitant que j'étais seule, j'en ai pris deux à l'aéroport: une pinte et demie. Quand je suis avec H., je ne peux pas faire ce genre de choses, il a trop peur que nous soyons en retard pour l'embarquement.
Je me suis dit que l'avion ne partirait pas sans moi puisque ma valise était dans la soute (ou qu'ils seraient obligés d'aller la chercher si je n'étais pas là, ce qui me donnerait le temps d'arriver).
Bon, j'exagère, je n'étais pas bien loin et surveillais les panneaux du coin de l'œil. Je n'ai fait attendre personne.

Acte manqué : en arrivant à Moret, je me suis rendue compte que j'avais oublié de leur rendre la clé de la maison. J'en suis quitte pour la leur poster demain.

Jour 1

An "agony aunt" is someone in a newspaper who answers the personal questions of the readers.
Never heard this expression, and what an expression !

Long walk along the sea, on the Sandycove beach — not far from the Joyce museum (closed on Monday…). We had the project to go there, but we had not the time before going to take her daughter after school.
Some people are swimming each day of the year (with just a swimming trunk, not a combinaison!)
The starlings are as familiar as pigeons. Since the lock-down the seagulls (which were alone in town during several weeks) are very bold. One stole a McDo from a man's mouth.

The daughter (13 years old) is invisible. She doesn't eat with us. She's always snappy.
At 13, is the fact there are strangers from all over the world (a Japanese woman will come next month) in your kitchen annoying or interesting? Always the same discussions (because Julia's job is to provoke discussions) or always something new?

I found a text from Kapuscinsky in a small anthology about mothers. He was seven years old in 1939 and describes exactly the same scenes in Poland than in France during the Exode. But one year before. The French peope were not careful enough.
Kapuscinski said there were only dead horses along the roads (because the men were quickly buried), as it was a war between horses.
Kip's family has a house in Caux near Pézenas. They found papers from world war I, accountability diary and maps. Kip is looking for an institution to give all these papers.

Your Honor episod 2. Julia and Kip had an argument before dinner (I was not here, I don't know what it was about) and the evening was tense. The young and big boxer slept on my knees while we were watching TV.

Valise(s)

Bien entendu je n'avais pas fini l'indispensable hier et je passe ma matinée à 1/ mettre des mots de passe sur des pdf en les zippant 2/ à chercher un moyen de transférer des gros fichiers pour un audit pro.

J'arrive à mettre des mots de passe mais plus à rouvrir mes documents quand ils passent du PC au Mac par wetransfer.com. Je suis à peu près désespérée quand arrive midi (trois heures à faire des tests, H. dort comme un bienheureux, sa compétition de ping-pong s'est très bien passée hier soir). Je viens de perdre ma matinée.

Nous déjeunons à Fontainebleau au Barbak enfin rouvert, puis récupération de ma veste en cuir et passage chez le fromager (Barthélémy-Goursat, les princes du fontainebleau). J'achète des "punitions", les petits sablés Poilâne. Ce sera pour mes Dublinois.

Nous rentrons. J'ai une visio à 18h30. H. me trouve une solution pour mon transfert de fichiers (Sync): un mot de passe non pas sur les docs mais sur le lien de transfert. (Comme c'est un audit de sécurité, je peux difficilement balancer mes docs dans la nature, même s'ils n'ont pas grand chose de confidentiel… J'enverrai le mot de passe lundi, je trouve un peu pédant — et un peu incompétent — d'afficher qu'on bosse le premier jour de ses vacances.)
J'attends la visio. J'ai tout préparé, éclairage inclus (lol). Las, problème technique, la vidéo n'aura jamais lieu. Cela m'aura fait perdre une bonne demi-heure.

Valises. Il paraît qu'il fera froid la semaine prochaine. Sous-vêtements et grosses chaussettes. Et une bouteille de vin à offrir, quand même.

Alice in Borderland

Couchée à cinq heures du matin à regarder Alice in Borderland, dont je devrais vérifier si elle (la série) a été diffusée avant ou après Squid Game mais dont il est à peu près évident qu'elle date d'avant (moins politique, davantage jeu vidéo et dépression adolescente).

En toute logique, levée à dix heures, ce qui est agaçant car réduit considérablement la journée.
Qu'est-je fais aujourd'hui? J'ose à peine avouer que j'ai travaillé, utilisant mes vacances pour mettre à jour mon boulot en retard et en particulier à classer et archiver ma boîte mail, en prenant grand soin de ne jamais répondre à un mail puisque je suis en vacances et que l'agent d'absence est activé. Saison 2 d'Alice.

Passé en fin de journée à Fontainebleau pour récupérer deux livres livrés dans un mauvais point Relay, dîné à Fontainebleau dans un restau vietnamien.
J'écris devant le dernier épisode de la saison 2 d'Alice in Borderland dont j'ai le plaisir de constater qu'il se termine par un jeu de croquet avec la reine de cœur.
Je n'ai pas fait de grec aujourd'hui.

Ce que j'ai appris aujourd'hui

Les lapins aiment le jus d'ananas.

Level up

Levée tôt. Commencé un relevé des photos postées sur Télégram durant 2022, dans l'hypothétique ambition de reconstituer l'année de tous les billets que je n'ai pas écrits.

Puis petit déjeuner, derniers emballages de cadeaux, j'ai terminé I'm not okay with this et commencé Alice in Bordeline, valise, repas léger, départ.

Autoroutes, hôtel à Blois — l'hôtel installé dans un ancien couvent, à côté du restaurant ouvert par Christophe Hay (à cause de travaux dans la salle de bain il est difficile de loger chez mes parents).

Un tour dans la piscine (piscine faite pour nager, toute en longueur — eau presque trop chaude dès qu'on nage) puis chez mes parents.
Ma sœur est là, échange de cadeaux. Je reçois des chaussettes chauffantes (pour le planeur en montagne, avec des batteries à conserver dans une petite poche sur le côté) et de la confiture de tomates vertes.

Deux bouteilles de champagne et beaucoup de gougères, l'une des spécialités de papa. Nous circulons tant bien que mal entre les sujets de conversation sans trop nous disputer. Je ne sais pas pourquoi c'est toujours compliqué. Cela ne devrait pas être compliqué.

En y réfléchissant, je crois que nous ne nous sommes pas souhaités bonne année, et ce n'est peut-être pas plus mal. Depuis 2020, chaque année fait regretter la précédente.
Il ne faut pas trop y penser. Armons-nous de courage.

D.I.V.A.

Matinée à décider des derniers cadeaux, tous achetés à Moret. Deux beaux magasins de décoration ont surgi ces derniers mois, d'un design un peu baroque. Certains appellent cela de la boboïsation, mais à mon sens c'est plutôt un changement d'époque, comme celle qui a terminé l'ère du formica.
D'autres boutiques, art ou salon de thé, ressemblent davantage à des descendants des hippies, poterie, salades aux graines et gâteau aux pommes.

Dernière soirée 2022 au théâtre de Fontainebleau. Représentation de D.I.V.A., opéra burlesque. Costumes extravagants, chanteuses aux voix posées. Principe: résumé en dix minutes de cinq ou six opéras (un Verdi, je ne sais plus lequel, La flûte enchantée, Don Juan, Carmen, La Tosca et un autre en bis). Une très bonne soirée, une performance d'une heure et demie pour quatre chanteuses accompagnées d'un quatuor. Ce soir c'était la première soirée des deux nouvelles violonistes.

A la sortie du spectacle nous étions invités à rejoindre les chanteuses pour des photos. Nous nous sommes éclipsés, par timidité. Je le regrette, cela aurait fait un beau souvenir, leur costume et maquillage étaient spectaculaires.

Rentrés pour un réveillon à deux à la maison (impossible de trouver un restaurant à Fontainebleau qui nous accepte après le spectacle: c'était soit réserver pour le repas à partir de vingt heures, soit rien.)

Choses lues

janvier à mars, Balzac.
La fausse maîtresse,
Une fille d'Eve,
Le message,
La grenadière,
La femme abandonnée.


24 juin, La quiche fatale, M.C. Beaton
25 juin, Valérian intégrale tomes 5, 6 et 7

Après avoir commencé le Goblet of Fire dans la voiture, pour m'occuper:
12 août, Harry Potter and the Goblet of Fire, J.K Rowling
17 août, Harry Potter and the Order of the Phoenix , J.K Rowling
20 août, Harry Potter and the Half-Blood Prince, J.K Rowling
25 août, Harry Potter and the Deathly Hallows, J.K Rowling

L'élégance du hérisson, Muriel Barbery

5 novembre, Les petits chevaux de Tarquinia, Marguerite Duras

17 décembre, Animal Farm, Orwell.

Je suis dépitée de voir ce bilan : à ma décharge j'ai commencé beaucoup de livres sans les terminer, Duflo, les Apocryphes chrétiens.. (quinze jours pour lire les dernières pages des Petits chevaux, jamais terminé Illusions perdues tant je n'ai pas envie de relire cette fin)
Mais peut-être est-ce plutôt à charge.

J'ai commencé à lire vingt minutes de grammaire grecque par jour cinq jour par semaine depuis Noël.
L'année prochaine, concernant les livres, il faut que j'essaie de lire autrement, peut-être par bloc le week-end.

Déco geek

Il y a quasi un an, H. avait vu passer un projet de coussins sur KissKissBankBank.
Nous avons cru un moment que le projet ne se réaliserait jamais, mais aujourd'hui j'ai reçu un coup de fil excité: les coussins étaient arrivés.



Les coussins ne sont pas sponsorisés par Apple, et le logo est remplacé par un carré.

Films et séries

Il manque beaucoup de choses parce que j'ai négligé de noter au fur à mesure. Une très bonne série: The Boys.

1er au 5 janvier, La Casa de papel, les 5 saisons
5 janvier, Les bourreaux de Staline

37°2 le matin, Beineix - je ne me souvenais pas à quel point ce film était barré. M'a fait me souvenir et retrouver Romain Didier

8 février, Erreur de la banque en votre faveur
24 février, 90's

14 août, La nuit du 12 au cinéma
août, Top Gun - Maverick
août, Yentl, cinéma en plein air château de By

One of Us Is Lying. série adolescente. Netflix. J'ai bien aimé

Un conte de Noël, Arnaud Desplechin. Que c'est creux.

Pluie noire, Shôhei Imamura

octobre, Bullet train, vu deux fois. Film d'action zen et gore.

The Boys, trois saisons- Proprement fantastique dans sa prise en compte des ambivalences de chacun et de la société

Better Call Saul, dernière saison - un peu décevant

La fabuleuse Mrs Maisel, saison 2022 - un peu décevant. sans doute trop court quand on a vu les trois premières saisons d'un coup

15 octobre, fin de la saison 3 de Veronica Mars après la saison 1 et 2

octobre et novembre, fin le 4 novembre, En thérapie saisons 1 et 2 - la 2 bien meilleure que la 1. Pratiquement une pièce radiophonique

5 novembre, télétravail: Risky business avec Tom Cruise (je l'avais vu dans l'avion un jour, je l'ai téléchargé);
Easy Girl avec Emma Stone (plaisir de voir ces deux acteurs jeunes);
La somme de toutes les peurs, un peu nul. Fait remonter mon remords de ne pas avoir compris que la Tchétchénie nous concernait.

Repassage : Truth Seekers, anglais

19 novembre : fin de la saison 2 One of us is lying après avoir revu la saison 1. (je me suis remise sur le compte Netflix que C. nous avait donné).

Saison 2 (pour me remettre dans le bain) puis 3 de Dead for me

26 novembre : She said au cinéma.

3 décembre, fin de la saison 3 de Good Girls. Après un bon début, c'est vraiment brouillon, voire carrément agaçant.

Seule la danse sur Arte (un an au Conservatoire de danse)

The Glass Oignon : parodique, un peu exagéré, amusant.

30, 31 décembre 2022: I am not okay with this

Joyeux Noël

Très bon Noël, calme, avec les enfants. (J'ai du mal avec Noël depuis les jeunes années des enfants, les rivalités entre grands-parents, oncles, tantes, cousins, cousines, pour la taille, le prix, le nombre des cadeaux, pour savoir qui marche ou parle à quel âge, qui est propre, qui fait du vélo… Noël me fait peur.)

dinosaure effrayé par l'étoile de Noël


Le système de liste mis au point par O. (googlesheet) fonctionne très bien. Il y a ceux qui sont contre les listes («et la surprise?») et ceux qui sont pour, pour être sûr de faire plaisir et de rendre service. Je suis plutôt de la seconde catégorie, toujours un peu triste qu'on ait trouvé indispensable d'être original alors qu'il était si facile de me faire plaisir de façon certaine.

Avec les enfants, je complète les collections en suivant les liens qu'on me donne : Pokemon (incomplétable, il y en a des milliers — je m'applique, c'est stressant quand on n'y connaît rien, surtout que je suis avertie qu'il y a de fausses cartes et de faux decks (je ne sais pas ce que sais)); Harry Potter (qui a si bien compris les produits dérivés que ça en devient écœurant); WoW (World of Warcraft) et mangas.
Oui, oui, tout ce petit monde approche la trentaine et reste accroché à ses dix et quinze ans. Mais sans doute est-ce notre cas à tous, simplement nous ne le voyons pas lorsque cela nous concerne.

Quant à moi, une bouteille de gin (pas sur ma liste (!)) et une grammaire grecque me paraissent assez représentatives de ma façon d'envisager la vie.

Covid : des nouvelles terrorisantes de Chine

Je n'ai pas le temps de traduire, mais pour ceux qui lisent l'anglais (ou utilisent la traduction de google), un thread du docteur Ding.

Trois points en bref:
- des millions de morts à attendre
- chez nous une pénurie de médicaments sans précédent car les Chinois vont les utiliser pour eux-mêmes plutôt que les exporter.
- un espoir, ils ont développé un vaccin aérosol qui paraît très efficace.


(Et je me souviens de ma sœur en 2020: «une pandémie dure cinq ans». 2020, 2021, 2022, ça fait trois.)



Quelques jours plus tard (2 janvier), traduction à la volée. Je ne mets pas les vidéos, regardez le fil original du Dr Eric Ding sur Twitter.
Mauvaises nouvelles niveau thermonuclaire : depuis la levée des restrictions les hôpitaux chinois sont complètement débordés.
Les épidémiologistes estiment que >60% de la Chine & 10% de la population mondiale seront probablement malades dans les 90 prochains jours. Les morts se compteront par — plusieurs — millions. Et ce n'est que le début —

2/ Synthèse de l'actuelle stratégie du PCC: «Que ceux qui doivent être malades le soient, que ceux qui doivent mourir meurent. Le plus tôt nous auront des malades, le plus tôt des morts, le plus tôt le pic d'épidémie, le plus tôt la reprise de la production.» @jenniferzeng97
Dans le nord-est de la Chine les corps ont commencé à s'empiler au bout d'une nuit —

3/ Le temps de doublement (TD) du nombre de personnes infectées en Chine pourrait ne plus se compter en jours, mais selon certains experts, «en heures». Je vous laisse absorber cela. R est difficile à calculer si TD <1 car les tests PCR ne sont pas aussi rapides. Ce la signifie que la Chine & la planète ont un problème grave.

4/ Les morts du centre de la Chine sont très sous-évaluées en dehors de Chine. Des statistiques réalisées à partir des hôpitaux, des maisons funéraires & des chaînes de pompes funèbres à Pékin montrent une récente explosion des obsèques dus à une brutale augmentation des morts.

5/ Exemple: crémations non-stop à Pékin. Les morgues sont surchargées. Les containers réfrigérés manquent. Obsèques 24h/24, 7j/7. 2000 corps en attente de crémation. Ça vous rappelle quelque chose? Le printemps 2020 est de retour; mais cette fois-ci en Chine, qui s'inspire maintenant de la méthode de gestion occidentale de l'épidémie.

6/ L'Occident se plaint actuellement d'un manque d'antibiotiques et d'antipyrétiques? Attendez voir que la production chinoise ne s'exporte plus! Ici les gens se précipitent vers une usine pharmaceutique pour acheter de l'ibuprofène totalement épuisé ailleurs! (18 décembre, à Zhuhai).

queue pour avoir de l'ibuprofène en Chine


7/ Bien sûr que je m'inquiète parce que je suis né en Chine — mais aussi parce que je suis un épidiémologiste (ma thèse porte sur le sujet) & et j'ai déjà vu ce scénario catastrophe. Les conséquences globales de cette vague 2022-2023 seront loin d'être négligeables.
(Ici, une référence à l'alerte lancée par le même Ding sur Twitter en janvier 2020)

8/ Je vais faire une pause — suis-je en train de dire que c'est le début d'une nouvelle vague mondiale de covid «niveau thermonucléaire»? Peut-être pas forcément directement à cause du virus — mais le décrochache économique global provoqué par le nouveau méga-tsunami chinois va être très moche.
Vous ignorez mon avertissement à vos risques et périls.
Ici référence d'un tweet de Vincent Rajmukar regrettant le 25 octobre 2021 de ne pas avoir pris au sérieux le tweet du 24 janvier 2020 du Dr Ding.

9/ 1 à 2 millions de morts en Chine : c'est le chiffre courramment avancé désormais — j'ai vu les modèles — c'est certainement possible. Il pourrait être plus élevé si le gvt ne fait rien, plus bas si le gvt combat le virus par de nouvelles restrictions lourdes. Mais les gens contre la politique chinoise zéro-covid doivent prendre leurs responsabilités.
(Ici un lien vers un autre tweet de Din:«Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi les Républicains [américains] sont si virulents contre la politique zéro-covid chinoise? Avec les prévisions actuelles de centaines de millions de malades, d'1 à 2 millions de morts —& son économie condamnée à s'effondrer en 2023— peut-être qu'ils sont surtout anti-Chine & qu'ils veulent que la Chine/son peuple soit dévastée.»)

10/ Ce monde a besoin de davantage d'empathie globale. Ce n'est pas parce que quelque chose arrive dans une ville lointaine dont vous n'avez jamais entendu parler que cela signifie que cela ne vous touchera pas. Il est probable — dans le monde actuel — que cela vous touchera. Et potentiellement touchera / blessera vos enfants… nous pardonneront-ils?

drapeau dans la pelouse du souvenir pour regretter de ne pas avoir écouté les alertes du Dr Ding


11/ Le mois prochain, les écoles sont fermées à Shanghai ainsi que dans de nombreuses autres villes touchées. Cela arrive quelques semaines après la levée des mesures anti-covid. Protéger les enfants, c'est aussi protéger leurs parents et leurs nounous pour leur éviter de devenir orphelins à cause de la pandémie.

12/ Qu'en est-il de la situation vaccinale en Chine? Chez les plus âgés, il y a une grande résistance à la vaccination. En outre, contre les nouveaux sous-variants d'Omicron, 2 injections ne sont pas suffisantes — et 3 injections du principal vaccin chinois CoronacVac pourrait ne pas être suffisant pour des nouveaux variants virulents et insaisissables.

shéma vaccinal chinois fin 2022


13/ Un problème plus structurel provient des vaccins décevants ConovaVac (de SinoVac) & Sinopharm. Remarquez comment même avec 3 injections du principal CoronaVac, la protection contre les variants omicron les plus récents est faible. La Chine n'utilise pas encore de bivalents.

efficacité du vaccin chinois


14/ Cela dit, même avec l'infection #Ba5 récente ou les récents rappels bivalent BA5, la protection est à peine améliorée. C'est peu face à certains des variants très inquiétants auxquels la Chine est confrontée. Ce n'est plus la bonne vieille souche de Wuhan.

efficacité du vaccin chinois


15/ Voici la réalité — au cas où vous auriez besoin d'une preuve en vidéo — des crématoires en Chine. La direction de Babaoshan, la plus grande entreprise de pompes funèbres de Pékin, confirme que tous ses incinérateurs travaillent à plein sans réunnir à faire face à la demande, et qu'il y a une liste d'attente de 20 jours…

Les voitures noires sur le bord sont des corbillards faisant la queue.

efficacité du vaccin chinois


16/ Le reporter de la BBC en Chine Stephen Mc Donell m'a dit: «le covid à Pékin est hors de contrôle, des millions de malades très rapidement. Je suis certains que d'autres villes vont suivre.»

17/ Parmi les personnes débordées, les livreurs à domicile… pas assez nombreux pour faire face. Beaucoup ont eux-mêmes le covid. Les commandes de nourritures s'empilent sans avoir la possibilité d'être livrées à bon port. C'est un bordel sans nom.

efficacité du vaccin chinois


18/ Cela dit, très récemment la Chine a approuvé un vaccin aérosol (à inhaler) sous forme nébulisée — qui provoque une meilleure production d'anticorps qu'en intramusculaire — & multiplie les anticorps par 9 avec une dose plus faible. Les vaccins via les muqueuses pourraient être la solution.

19/ Plus important encore, les vaccins inhalés ont également le pouvoir de provoquer une "immunité des muqueuses" plus large, ce qui protègerait mieux les vaccinés contre les formes faibles, et non plus simplement contre les formes graves, de la maladie.
C'est pourquoi il faut que le vaccin par muqueuse soit testé au plus vite.

20/ Important : le rappel du vaccin pour muqueuse par nébulisation à inhaler donne également de meilleurs résultats contre les nouveaux variants du SARSCoV2 que les vaccins en intramusculaire. C'est fondamental.

21/ Si nous savons que le vieux vaccin chinois CoronacVac est faible, le nouveau vaccin chinois nébulisé pour muqueuse est à coup sûr plus puissant — produisant 14,5 fois plus d'anticorps que le CoronacVac. Il faut que les US investissent dans ce nouveau champ de recherche génétique.

22/ Eh oui, la Chine a approuvé dans l'urgence la distribution de leur vaccin par inhalation (de CanSino). Mais la majorité des vaccins administrés en Chine reste le CoronacVac. J'espère que les nouveaux vaccins miraculeux par inhalation vont faire la différence.

23/ Et au cas où vous vous poseriez la question: oui, les US sont en pleine recherche — l'université de Washington en a développé un, la licence appartien à Ocugen. Yale a également développé un vaccin nasal. Le problème c'est qu'il n'y a pas de financement américain pour les tests. Grand temps pour un Warp Speed 2.0.

Etc...

Retours

Retour au boulot sans se presser : arrivée tard à la gare, train supprimé. Arrivée à dix heures, ce qui était une habitude avant 2006… (avant l'entrée de l'aîné au lycée, l'accompagnement du plus jeune en primaire). Le temps passe.

Visioconférence «Le look à l'ère de Zoom». Je découvre l'existence d'un instrument indispensable, le light ring. (Pourquoi on ne me dit jamais rien ?)
Le bleu marine est la couleur la plus passe-partout, la couleur préférée au monde sauf en Chine et en Espagne, où c'est le rouge, couleur de la passion. Le gris est la couleur des diplomates (ni blanc ni noir) et celle des techniciens (le métal). (Ça me fait rire: à la fois évident et inconscient).
Sachez le message que vous voulez transmettre et en cas de doute… posez des questions.
Bref, toutes choses évidentes qu'on oublie de mettre en pratique.

J'ai perdu mon casse-croûte (acheté le matin gare de Lyon) je ne sais où. Sur un banc dans le métro? Encore heureux que je n'avais pas glissé mon téléphone dans le sac en papier comme je le fais parfois.

Je tousse tant que cela fait rire mon équipe (de perplexité, je crois). J'en profite pour demander à rester en télétravail demain. Je range mon bureau car j'ai été embarrassée à l'idée du bazar laissé au moment de mon absence imprévue. Il faut que je prenne cette habitude au quotidien.

Je rentre par le train de 19h42, les trains de la branche Bourgogne, les trains les plus sales que j'ai jamais vus en France. C'est un train étonnant, avec des compartiments de six à l'ancienne, non éclairés je ne sais pourquoi, les vitres si sales qu'on ne voit pas à travers.
Je voyage debout, ce qui ne m'était encore jamais arrivé. Il ne faut pas arriver quatre minutes avant le départ du train.

Il a gelé ce soir à la tombée de la nuit. J'ai ressorti mon manteau ce matin.
Retour à la Dame du Lac. Ça faisait longtemps. J'aime tant l'équipe qui tient ce restaurant.

Convalescence

Plus de fièvre, je tousse encore atrocement.

Journée moins productive qu'hier (télétravail toujours). J'ai découvert que les étourneaux mangeaient les olives de notre olivier. Pourtant c'est amer.

Accepté (d'aller chez) une professeur à Dublin: je serai en immersion une semaine fin janvier.

Je pourrais parler des retraites, des grèves qui vont à coup sûr éclater dès que le projet va être présenté; de l'électricité, de ceux qui paniquent à l'idée d'en manquer deux heures alors qu'il suffit d'une tempête pour en être privé des jours; des syndicats de cheminots qui ont pris l'habitude de faire grève à chaque départ de vacances (au train (ahah) où ça va, ils vont finir par demander cinq cent euros deux fois par an en décembre et juillet chaque année); du pass navigo qui augmente alors que le service se dégrade.

Mais je vais plutôt vous mettre cette belle image:

les iraniennes personnalités de l'année 2022 - Couverture de Time


Malade

Suffisamment malade pour ne pas aller ramer. Réveillée à sept heures, puis huit heures, puis neuf heures. Difficultés à respirer, pile d'oreillers pour ne pas être à plat et éviter l'étouffement. Rendormie et levée à dix heures.

Tarte aux pommes, vaisselle et réunion politique… à cela près que ce n'était pas une bonne idée de la fixer le jour de France-Pologne (3-1).

Il faut que je reprenne ce blog. Je finis par l'oublier. Ce n'est pas parce que j'ai une vie passionnante, c'est juste que je suis fatiguée le soir. Il faut que je blogue à un autre moment.
Il me reste à reconstituer les jours à partir des traces laissées, les photos prises, les sms reçus et envoyés, les tweets likés ou sauvegardés en signet. J'aime bien faire cela, l'écoulement du temps n'est jamais celui qu'on pense.

Malade

Sortie en huit. Entraînement en huit mixte pour la course du 11 décembre. Je suis au sept, à babord. Le bateau n'est pas désagréable, mais ce n'est pas le plaisir que nous avions à ramer ensemble.

H. tousse beaucoup, il a réellement attrapé froid hier.

She said

Restaurant plutôt désastreux à Fontainebleau: "l'Air du temps", une carte raffinée réalisée sans soin à un prix exhorbitant.

Nous étions au restaurant en attendant le début de notre film, She said, un film sur #Metoo et Harvey Weinstein.
Le film est brouillon, on comprend mal ce que cherchent les journalistes, on comprend bien qu'elles veulent des preuves et des témoignages — mais pour nous spectateurs il nous semble qu'elles ont déjà tout ce qu'il leur faut. Bref, c'est à moitié réussi et à moitié raté.

Ce qu'il y a surtout à retenir de la soirée, c'est qu'il faisait très froid dans la salle de cinéma où nous n'étions que cinq. H. a attrapé froid et ne se sent pas bien.

L'automne enfin

Première gelée ce matin. En une semaine la forêt a changé de couleur.

Huit un peu étrange : chaque fois qu'un équipage commence à se stabiliser, comme notre équipage de filles, Sibylle invente quelque chose. Donc elle a décidé de monter un mixte. Le premier problème, c'est qu'il y a des rameuses en commun entre les deux bateaux, donc il faut choisir quel équipage s'entraîne.
Bref c'est le bordel.
Mais bon. Très belle sortie, équilibrée.


Déjeuner avec A. et son amie Laure. Elles repartent après le repas.

Rempotage des mini-cyclamen et coings confits. Je fais également confire un potimaron en suivant un peu gay dans les coings. Pas encore goûté.

Dead to mee saison 2 : «Parfois on a plus besoin d'un bon ami que de connaître la vérité».

A Châlons

Départ à neuf heures trente, passage à St Germain-les-Corbeil pour récupérer les tourtereaux (mon benjamin et sa copine), direction Châlons pour fêter les 80 ans de mon beau-père.
Je comprends de mieux en mieux qu'on n'ait pas envie de fêter son anniversaire et je suis très contente d'avoir organisé ses 70 ans.

Restaurant le carillon gourmand. Je n'avais encore jamais de restaurant aussi clairement organisé pour des repas de famille avec des personnes qui se déplacent mal, en déambulateur ou en fauteuil roulant, tout en conservant une décoration très moderne, dont une sorte de tenture 3D en liège contre le mur qui a des propriétés acoustiques certaines.
Je ne sais plus de quoi nous avons parlé, je ne retiens plus rien. Au moins de Pokémon, puisque nous fêtions également l'anniversaire de A. et que je m'évertue à trouver les cartes plus ou moins rares qu'elle me liste (c'est assez flippant car je ne suis jamais sûre de ce que j'ai trouvé. Elle avait l'air contente).

Cy à O. en rentrant dans le salon de mes beaux-parents où la télé est allumée: «Ah tiens, ta mère est comme toi, si la télé est allumée, elle la regarde».
?? => chez ses parents, la télé est allumée en permanence, même quand sa mère est dans le jardin; personne ne la regarde. Toutes mes tentatives pour convaincre d'écouter la radio sont vouées à l'échec.

Je dors pendant le voyage du retour, j'ai sans doute trop bu.

Je termine la saison 2 de One of us is lying.

Simone Weil

Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale, en attendant la mise à quai de mon train gare de Lyon 19:52; après une réunion qui s'est prolongée au-delà du nécessaire («les recommandations de l'ACPR concernant les réclamations client»).





Dimanche paisible

Entraînement en huit de filles.
Ça balance toujours. En revanche, le sentiment de voler quand nous accélérons est grisant.

Vaisselle en écoutant Lilian Thuram dans le cours de l'histoire. C'est si étonnant désormais, et si reposant, d'entendre une personne concernée au premier chef s'exprimer posément sur le racisme. Reviendrons-nous à cela un jour? (oui, je veux croire que cela reviendra, enrichi, si étrange que cela puisse paraître, par la folie actuelle).

Fin du repassage en regardant Truth Seekers sur Amazon Prime, chasseurs de fantômes déjantés et très branchés (intallateurs de 6G). Ça me fait beaucoup rire, mais je me demande si c'est une bonne idée en ces temps de complotisme.

Formation



Capitaine Haddock contre le harcèlement téléphonique




Je me renseigne sur le financement des formations pro. En fait c'est assez simple: soit c'est l'entreprise qui vous impose de vous former, et elle la finance et vous l'accomplissez durant les heures de travail; soit il y a accord entre l'employeur et le salarié pour que vous en fassiez une partie en dehors des heures de travail; soit c'est une formation que vous accomplissez hors de vos heures de travail et ça ne regarde pas l'employeur.
Dans le dernier cas, cette formation peut être financée par son CPF, alimenté à hauteur 500 euros par an (800 euros pour les personnes les moins qualifiées).

D'après ce que je comprends (ça reste à tester), les organismes agréés sont directement payés par le CPF; le salarié ne verse pas un centime si le montant sur le CPF est suffisant pour payer l'intégralité de la formation.

J'ai regardé deux ou trois sites pour travailler l'anglais à l'oral: le maison, esl, anglais in France et effective linguistique. (Je le note ici pour ne pas les perdre, et au cas où ça soit utile à quelqu'un).

Repassage en regardant En thérapie. C'est à la fois très agaçant et plutôt prenant.

Journée d'automne

Très belle sortie ce matin en huit de pointe. Le genre de sorties qui donne du sens à toutes les autres. Il commence à y avoir du courant, le niveau de l'eau a monté.

Il fait doux, au retour le soleil est éblouissant. Nous sommes à ce moment où il semble que cette année il y aura un miracle, nous échapperons à l'hiver, les feuilles ne tomberont pas, il ne fera pas froid. On a beau savoir que c'est inexorable, on croit qu'on va y échapper.

Nous atteignons les cadences 30 à 34, sans difficulté.

En fait il y a peu de choses à dire sur cette journée. Blog, tri de photos, café «chez les filles», promenade au bord du Loing. Il y a la liste des choses à faire, repassage, grec, CV à mettre à jour et programme de recherche de boulot («Encore!» m'a dit P. à Chartres).

En mettant à jour les docs d'entrainement à l'ergo fournis par Vincent pour les transmettre à l'équipage, je me rends compte que je devrais sans doute passer à la saison 2, que la première feuille est sans doute trop facile maintenant (ce qui provoque un léger ennui).
A moi les entraînements à bout de souffle qui décoiffent! (c'est curieux d'être à la fois aussi épuisée le soir et aussi en forme dans l'effort physique).

Sonate pour violoncelle de Kodaly; The Wall; La Flûte enchantée.

Six suites de Bach pour violoncelle seul

Journée de boulot dense comme elles le sont toutes depuis plusieurs semaines — pas pris le temps d'aller faire de l'ergo car j'avais une réunion à 9h30, timing trop serré.

Dîner au Local café porte de Pantin puis concert. Yo-Yo Ma impérial dans les six premières suites de Bach. Je me demande comment il pense, comment sont rangées les notes, les partitions, dans sa tête. Deux heures dix de jeu yeux fermés quasi en permanence. A-t-il mal au dos, aux fesses, le bras se crispe-t-il? C'est aussi une performance physique. Je suppose que tout cela est dépassé depuis longtemps.

Après la troisième suite un groupe de jeunes noirs au dernier étage quitte la salle très discrètement (mais je les vois, je suis en face tout en bas), puis plus bas trois blackettes au début de la quatrième. Ont-ils cru que Yo-Yo Ma était un rappeur, comme il y a bien longtemps j'avais pensé je ne sais plus quelle formation être du jazz alors que c'était de l'ultra-contemporain? (nous nous étions éclipsés à l'entracte). C'est dépouillé, austère et dansant. Yo-Yo Ma sourit. Il dédicace la troisième aux Parisiens, la cinquième à ceux qui souffrent ou ont récemment perdu un être cher.
Deux heures de transe.

Ce qui m'a fait sourire en rentrant dans la salle: le plateau vide occupé uniquement d'une chaise.



Une image du passé

Je pensais que les dictionnaires avaient disparu, tués par les outils en ligne comme reverso ou linguee ou les dictionnaires en ligne.

J'étais derrière elle dans la ligne 8 bondée. Elle discutait avec une amie, apparemment elles sortaient d'un devoir de traduction.
(Comment traduire «up and down the deck»? (arpenter le pont de long en large? l'anglais utiliserait de haut en bas, le français explorerait un rectangle?))

Elle portait son Oxford English dans le creux du bras, avec tendresse, comme Milena Jesenska portait ses briques à Ravensbrück, nous dit Margarete Buber-Neumann. (Et toujours j'y pense quand je porte des livres ainsi. La lecture rend fou en tissant des associations qui brisent le cœur.)

jeune fille dans le RER avec un dictionnaire d'anglais


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Sortie en quatre à une cadence élevée avec un "nouveau" qui n'a pas ramé depuis dix ans mais était de niveau national. Ça penche à babord. Je ne sais plus ramer en couple.
Il fait doux. Des chauves-souris au ponton.

H. passe me prendre après son ping-pong et nous décidons d'aller dîner au MaSu pour prendre quelques protéines.
C'était une mauvaise idée.
Epuisés, muscles brûlants, incapables de mener une conversation, tout à la fois nous endormant sur place et trépignant sur nos chaises.
Dommage, c'est un bon restaurant.
Note pour plus tard: en cas d'épuisement, rentrer chez soi.

Coupe des dames en pointe

Réveillée vers sept heures. Veronica Mars saison 3. Je descends vers neuf heures et m'empiffre de corn flakes au prétexte que je vais ramer cet après-midi.

Je sors après avoir longuement hésité sur la façon de m'habiller: collant ou pas, manches longues ou courtes? Il fait chaud dans la chambre, moins dans la rue. Je remonte et me change.

J'ai rendez-vous à midi pour remonter les bateaux. Hier j'ai repéré des magasins qui me plaisent, en particulier cette belle poire d'un mètre trente. Je me demande si elle résisterait à l'extérieur.

statue de poire à Angers


J'achète des chaussettes "Berthe aux grands pieds" (une petite fortune mais elles ne m'irritent pas la plante des pieds), des bodys Petit Bateau (cadeau de naissance), un sac à dos et un bol à céréales Pokémon (cadeau d'anniversaire), deux pulls aux manches chauve-souris (j'essaie d'acquérir une garde-robe plus cool pour les weeks-ends).

Remontage des huits. Je pense que le nôtre est mal monté (mauvaise hauteur des portants) mais comme je n'ai pas la légimité pour me faire entendre, je ne dis rien. C'est à cela que je sais que vieillis: e ne dis rien et ça me pèse à peine, je m'en moque. Je regarde les gens se planter, j'attends le moment où ils s'en rendent compe. C'est curieux à observer. Je pense à O.: «il fallait réfléchir, ils ont préféré me tuer».
Peut-être que cinq ans de folie Gilets Jaunes et antivax jouent aussi: regarder les gens se planter. Le seul enjeu qui reste est de trouver l'énergie de résister pour éviter les catastrophes qu'ils provoqueraient dans leur inconscience autosatisfaite — et pourtant la tentation est forte de les laisser faire, dans une sorte de preuve par l'absurde (et maintenant je rencontre ce même enchaînement au boulot).
(Heureusement Sibylle fera tout remonter comme il faut quand elle arrivera une heure plus tard.)

A midi j'essaie de retrouver le Cube où nous avions déjeuné l'année dernière avec H, mais il est fermé. Cela ne m'étonne pas, c'était un endroit trop joli pour vendre des hamburgers bio (je veux dire que le potentiel de loyers possible était trop élevé pour la rentabilité d'un salon de thé alternatif).
Déjeuner agréable avec Jean-Paul et Madeleine au Barbecue Party. Je mange un peu trop d'ailleurs: vague envie de vomir pendant la course. Cadence 26-28, vent, on se prend une bouée qui nous fait facilement perdre trente seconde, mais dans l'ensemble, ça se passe bien, même si nous ramons moins bien qu'à l'entraînement.

Voilà, j'ai enfin couru la Coupe des Dames avec mon club. En 2018 j'étais à Annecy (car Vincent m'avait dit non, avant de dire oui, mais trop tard pour moi puisque j'avais pris un autre entraînement); en 2019, il n'y avait pas assez d'eau; en 2020 il y avait le covid, en 2021 Fontainebleau n'avait pas de huit de filles et j'avais couru avec Bourges.
Eh bien voilà, c'est fait.

Enfin bon, si l'on voulait chipoter, on dirait que ce n'est pas tout à fait la "vraie" Coupe des Dames: du fait du manque d'eau de la Sarthe, nous n'avons pas accompli le parcours traditionnel de quinze kilomètres autour de l'île St-Aubin, mais nous sommes restées sur la Maine pour neuf kilomètres, avec deux demi-tours et le passage d'un pont aux arches si étroites que le chronomètre était interrompu pour nous permettre de passer en toute sécurité, sans précipitation.
Mais je ne vais pas chipoter.

huit de pointe à la Coupe des Dames 2022


Le soir remise des prix au palais des Congrès. Nous sommes cinquième au général (sur vingt-deux ou vingt-quatre, je ne sais plus), deuxième des coques de pointe (les bateaux de couple sont plus rapides).
Je me gave de soupe angevine, j'adore ça.

Départ pour Angers

Journée en conseil d'administration. Je pars avant la fin pour ne pas rater mon train.

C'était inutile, le train n'est pas prêt, il aura plus d'une demi-heure de retard. Attente à St Lazare. J'en profite pour acheter des écouteurs (j'ai oublié les miens au boulot) et pour réserver un hôtel pour ce soir: à l'origine, c'était H. qui devait s'en charger. Il devait aller à Angers en voiture et je devais le rejoindre en train. La pluie et le manque d'essence l'en ont dissuadé (à quoi bon les kilomètres inutiles si on ne peut même pas décapoter dans la campagne).

Je m'installe à l'hôtel, je pars à la recherche du Grandgousier où nous avions dîné l'année dernière. Angers est très différent, je me rends compte soudain que l'Angers de l'année dernière était faux, paralysé par le covid. Aujourd'hui il est joyeux et animé, c'est vendredi soir.

Je dîne en regardant Veronica Mars sur mon téléphone. Il m'aura fallu du temps pour en arriver là: regarder des séries téléchargées sur mon smartphone. Je ne sais pas si je dois me réjouir de cette modernité ou m'en affliger.
Soupe angevine. J'adore ça.
Peu avant l'addition, je vais aux toilettes et découvre à l'entresol une tablée de Bellifontains. Parmi tous les restaurants angevins, nous avons choisi le même. Je prends mon café avec eux et rentre dans la nuit douce.

Combo gagnant

Ce matin j'ai laissé Les petits chevaux de Tarquinia à la maison, même s'il ne me restait que trente pages à lire: j'avais téléchargé une dizaine d'épisodes de Veronica Mars sur mon smartphone.

Sauf que j'ai oublié mon téléphone dans la voiture garée dans le parking de la gare.
Pas de livre, pas de téléphone.

Dans la journée, H. m'a envoyé un mail : «Tu as pris la voiture mais j'en ai besoin pour la compèt de ping. Je suis allé la chercher.»

Ah oui, la compèt de ping-pong. Donc il ne rentrera pas avant minuit, une heure du matin. Donc j'ai le temps de retourner voir Bullet Train à 19h10 aux Halles.
C'est durant les pubs que je me suis souvenue: comme d'habitude, j'avais laissé les clés de la maison dans la voiture (je n'aime pas me promener avec mes clés, je trouve ça lourd et bruyant).
Pas de livre, pas de téléphone, pas de clés. Et la maison fermée jusqu'à une heure du matin.

Comme je n'avais pas envie de prendre le risque de rentrer en bus comme mardi soir (peur de rentrer après H. et qu'il s'inquiète), je suis allée gare de Lyon dès la fin du film (si je n'avais pas craint de ne plus avoir de train après dix heures, j'aurais dîné à Paris).
J'y suis arrivée avec une demi-heure d'avance, le temps de trouver un livre dans un Relay H.
Constat: je ne connais quasi plus aucun nom de la littérature de gare, et il n'y a quasi plus aucun autre livre que de la littérature de gare dans les Relay H.
Je repars avec Économie utile pour des temps difficiles d'Esther Duflo et Abhijit V. Banerjee.
Je n'ai toujours ni clé ni téléphone, mais maintenant j'ai un livre.

Train à 22h16, à Moret vers 23h10, je me réfugie quelques minutes dans un escalier du parking (le but est de trouver un abri pour ne pas avoir trop froid pendant les deux heures à venir). J'espère dormir la tête sur les genoux mais je n'y parviens pas. Je descends l'avenue jusque chez moi, j'ai vaguement mal aux pieds, mon cartable est lourd.

Dans ma rue j'essaie quelques portails (espoir de me réfugier dans une cabane de jardin, avoir chaud), quelques poignées de voitures. C'est fou comme tout le monde ferme tout. A minuit les lampadaires s'éteignent (c'est nouveau, mesure en place depuis le premier octobre). Je m'approche du hall d'un immeuble bas proche du parking où H. devrait se garer, immeuble évidemment protégé par un digicode. Miracle, une lumière s'allume dans le hall, je vais pouvoir lire à travers la vitre.
Je lis; régulièrement la minuterie s'éteint et je sors de sous le porche pour me re-rapprocher et la faire se rallumer; je tiens ainsi quarante minutes, le froid gagne lentement mais c'est très supportable (j'ai une robe en laine).

Vers une heure moins dix je vais vérifier que je n'ai pas loupé la voiture et que H. n'est pas rentré. L'hôtel du cheval noir au bout de la rue laisse une veilleuse allumée, peut-être suffisante pour que je lise. Je tente, la réponse est oui, c'est plus faible et plus compliqué qu'à ma place précédente, mais il y fait plus chaud sous le porche et je peux enlever mes chaussures sur le paillasson ce qui soulage mes pieds.

Je lis ainsi cent pages; c'est clair et très intéressant. Je me situe à un carrefour de cinq rues (deux qui se croisent plus une); par instants des voitures, vélos, piétons, indiquent que des trains ou des bus viennent d'arriver à la gare un kilomètre plus haut; je pense que personne ne me remarque.
Une heure. Ce serait bien qu'il rentre. Pourvu qu'il ne prenne pas son temps.

Il est rentré à une heure et demie, après avoir ramené un jeune joueur à Avon. J'ai mangé des pâtes au gorgonzola (déjà prêtes: elles m'attendaient bien plus tôt).

Je me demande comment j'arrive encore à me mettre dans des situations pareilles. J'ai gardé un esprit très jeune.

Disney

H. a résilié l'abonnement Netflix hier.
Aujourd'hui il s'est abonné (il nous a abonnés) à Disney. Le soir il a regardé avec ravissement Pretty Woman.

Je dois avouer que c'est avec grand plaisir que j'accueille l'idée d'avoir à disposition Les Aristochats ou Bernard et Bianca. Peut-être même que je vais regarder La Reine des neiges.


Restée à la maison (télétravail) pour cause de légère fièvre. J'espère que je n'ai pas rattrapé le covid samedi.

Mardi

Pendant mon entraînement d'ergo, vaguement regardé le cercueil de la reine se déplacer d'Edimbourg à l'aéroport. C'est aussi longuet qu'une étape du tour de France.

Je révise le grec. J'ai oublié toute la conjugaison.

Il fait chaud et moite.

Flou

Journée dans le brouillard. Est-ce le changement de lunettes?

J'ai la tête ailleurs, dans L'élégance du hérisson. Très agréable à lire (sans compter que nous partageons le goût de la peinture hollandaise et des natures mortes), avec des longueurs à force d'à force (sauté quelques pages passées les deux cents premières).
J'avoue que je n'ose plus reprendre Illusions perdues depuis que Lucien est rentré à Angoulême. Je redoute la suite, même et surtout si je la connais déjà.

Réunion au boulot. Les personnels soignants quittent la profession en masse pour faire autre chose. Le mouvement amorcé à la sortie du premier confinement se confirme, entre ceux qui ont peur et ceux qui ne supportent plus la charge psychique.
Aux Etats-Unis, un mouvement plus général de démission est en cours.

Ergo, à pied jusqu'à Bercy village. H. me rejoint chez Roberta. Le jardin du fond est fermé par insuffisance de personnel (est-ce parce que nous sommes lundi?)
Le matin ça va, mais le soir je suis épuisée.

11 septembre : résumé

Trouvé sur Twitter.

Echiquier : perte d'une reine; perte de deux  tours.


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Sortie en huit quand la brume se dissipe. Le bateau prend forme.
Dans l'après-midi, sans raison précise (pour éviter La gestion de projet pour les nuls), je commence L'élégance du hérisson offert par ma sœur en février.
Il fait très doux. Tant pis pour le repassage.

Intendance

Je m'octroie une journée par semaine sans réveil. C'est aujourd'hui.

Cordonnier (récupéré chaussures bleu marine d'hiver, déposé talons noirs), opticien (posé une colle en demandant des verres roses à ma vue pour mes lunettes roses de 2012), pressing (je me souvenais pas que j'y avais laissé toutes mes vestes d'hiver — le blouson de cuir n'est pas revenu), boucher (repas jusqu'à mardi), sortie canoë (cinquième sortie à deux) écourtée car coiffeur à une heure.

Il pleut vaguement.

Feu d'artifice

Journée sans grand intérêt.

Le soir, quasi au moment de partir, nous parlons du nouveau recruté qui est plutôt mimi (genre mousquetaire blond, barbichette incluse). J'évoque la règle âge N/2 +7. Laure se met à rire:
— J'ai 52 ans, ça fait 26+7, 33; non, c'est trop jeune!
— Moi ce qui me gênerait ce n'est pas tant l'âge mais les souvenirs: t'imagines, quelqu'un qui n'a pas connu la chute du mur? Le club Dorothée ou rien!
— Ah oui! j'avais une copine de ma sœur, c'était Capitaine Flamme. Mais non, moi je savais que c'était Goldorak.

Le soir, H. passe me chercher en voiture chez Toufik car il pleut. Quand j'entre dans le bar, un groupe de clientes à leur dixième bières scandent «A-li-ce! A-li-ce!» Toufik a encore beaucoup bavardé. Une jeune fille prend des photos (un énorme appareil photo) pour un mémoire d'étude en photographie. Elle a un jean amusant, une jambe blanche une jambe jean.

Nous passons à la maison. Je m'habille plus chaudement, nous dînons à la Dame du lac (nouvelle carte, risotto de coquillettes!), puis feu d'artifice sur la rive du Loing.

Je n'ai pas compris l'occasion: le patron de la ville ?

Elizabeth, Charles et les autres

J'avais l'intention de parler de mon irrépressible envie de citronnier, mais la nouvelle du jour, c'est la mort d'Elizabeth II.
A vrai dire je n'en pense rien. Je suis toujours effarée de ce que fait le temps à un corps, et je la remercie de l'avoir porté avec dignité, de nous l'avoir montré sans faiblir. Ça m'aide à vieillir. (Il y a des questions importantes, du genre: «A quel âge la reine a-t-elle arrêté de se teindre les cheveux?»

J'en profite pour faire de la pub pour ce billet sur les bijoux de la reine. C'est un fil Twitter à l'occasion d'une visite de Trump à la reine d'Angleterre.

quatre profils d'Elisabeth II


Passées ces réflexions purement anthropologiques, quelques appréhensions: que va-t-il se passer si l'Ecosse demande son adhésion à l'union européenne? Si c'est accepté, que fera la Catalogne? Verra-t-on l'Irlande réunifiée?

Le rouge ne va pas à Charles III.

Montgallet-Saint-Eloi

Recherche dans le catalogue de la bibliothèque de Paris. Les livres qu'il me faut sont à la bibliothèque Saint-Eloi, à deux pas du bureau. Je prends un vélib et en route.

Je ne comprend pas les indications de Citymapper : pourquoi me faire descendre l'avenue Daumesnil et passer par la rue de Charenton alors que c'est à deux pas par la rue de Reuilly?
Alors je fais à mon idée. Au début tout va bien. je me dis que Citymapper n'a pas voulu m'indiquer un chemin sans piste cyclable en piste propre. Puis ça se corse. Impossible de me rapprocher de mon but sans passer sur une passerelle interdite aux vélos.
Qu'à cela ne tienne, je descends de mon vélib et le pousse à la main. La passerelle André Léo passe au dessus d'un jardin, d'un square encaissé et tranquille. Un havre de paix dans lequel je me promets de revenir. Je débouche sur la rue Jacques Hillairet, à qui l'on a rendu justice en lui dédiant un endroit aussi attrayant.
Impossible de me rapprocher de la bibliothèque. Une autre passerelle semble m'emmener sur la coulée verte et je ne veux pas y aller, car comment en sortir ensuite avec un vélib, lourd à porter dans de probables escaliers?

Demi-tour, rue Hillairet jusque rue de Reuilly. Je dépose mon vélib à la première station (à côté du métro Montgallet) et continue à pied. Le quartier très animé conserve un je ne sais quoi de désuet, sans doute dû à ses passages et impasses. C'est beaucoup moins connu que la butte-aux-cailles mais tout aussi charmant.

Des livres sont peints sur le mur de la bibliothèque.

peinture murale bibliothèque saint Eloi Paris


Je ne connais pas Chimamanda Adichie. (Le titre du livre est Americanah.)

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Pour mémoire:
Le soir sortie en huit de pointe. Huit filles (\o/)
Nouveau sens de circulation sur le bassin.
Repas au club avec H. qui a repris le ping-pong. Je suis ivre de fatigue. Conversation animée avec Denis qui nous paraît poutinophile... sans le déclarer clairement.

Rien

6h58, la Seine à Melun.



Reprise de l'entraînement d'ergo de base, celui commencé pour la première fois en juin 2019 et que je reprends au début à chaque fois que je le reprends (l'année dernière en mars et maintenant).

Le soir, pas d'orage mais une athmosphère d'orage. J'ai dormi comme une masse pendant le trajet. Il pleut quand je sors du train. Il me reste quatre cigarettes. Nous partagerons.

Rien

6h57, la Seine à Melun.



Orage en sortant du train à Moret le soir vers sept heures et demie.
Deux google drive (mes premiers GoogleDrive à moi: jusqu'ici je recevais des photos, je ne créais pas les dossiers) pour partager les photos du mariage et de Cerisy.

Le mariage le plus attendu et le plus inattendu de l'année

Inattendu… En fait je n'en sais rien, peut-être que l'entourage avait senti des frémissements. C'est un retour aux fondamentaux, la protection de la famille et du patrimoine (le mariage d'amûûûrrr date d'un siècle, peut-être moins).
J'apprends que le texte lu à la mairie a changé, qu'on parle désormais de violences psychologiques et physiques. Mazette, nous nous éloignons (enfin) de saint Paul.

Parc Montsouris. Je suis venue pour le plaisir de voir des gens heureux, des gens qui comptent pour moi même si nous nous connaissons peu et avons peu d'opinions communes. De l'humour, la volonté de s'entraider et la capacité à parler d'autre chose que des sujets qui fâchent suffisent à vivre ensemble, ou tout au moins à se lire et à se rencontrer de temps en temps.

Comme prévu je ne connais pas grand monde à part Gilda et les mariés. Je découvre IRL trois blogueurs, Orpheus, Satmandi et Noé cendrier. Je reconnais Padawan (en train de raconter une anecdote, «Moi je suis monsieur "ah mais en fait, quand on te connaît, t'es sympa») et Sacrip'Anne, déjà vus en photo ou en visio. Archéologie, cela fait quinze ans, seize ans que je les ai lus? je confonds un peu les histoires, je me souviens mais je mélange, Fuligineuse, Virgile, Tarvalanion, il y avait un pompier à Toulouse, je n'ose pas poser de questions car je ne sais pas qui est ami de qui, tout cela est trop loin maintenant.

Je déguste les célèbres maamouls: plaisir d'expérimenter la légende.

Durant une semaine la météo a prévu des orages pour aujourd'hui, mais il fait magnifiquement beau. Des gens très organisés ont amené d'énormes poufs (qu'on gonfle en de grands mouvements de bras, m'a-t-on dit) qui donnent le mal de mer (il faut de la cohésion pour s'assoir dessus à deux ou trois) et ravissent les enfants. Il y a des chips, des tourtes, des tartes. Les gens prennent des nouvelles, pour certains cela fait dix ou quinze ans qu'ils ne se sont pas vus. Les plaids et poufs se déplacent au fur à mesure que tourne le soleil, la pelouse est verte et soyeuse, les arbres majestueux. Satmandi nous raconte une histoire de harcèlement (et le peu de mesures prises), la dernière année avant la retraite est difficile. Les conversations tournent autour des projets immobiliers, Le Guillevinec en tête (le Godrick's Hollow des blogueurs).

Je rentre. C'est difficile de se dire que demain il faut y retourner. Photo de pieds car l'un des participants ne veut pas apparaître sur internet.

mariage Anne et Franck. Parc Monsouris. Des pieds


N'oublions pas la page de pub: les livres de Sylvie Lassalle, amie de la mariée.

Correspondants

Réveillés à neuf heures, sans réveil. Oups, en retard, en retard.
Dix heures chez l'opticien, une demi-heure pour choisir une monture et commander des lunettes. Je suis frustrée, voilà trois fois (2018, 2020 et 2022) que je ne peux pas jouer avec les montures et passer un temps infini à toutes les essayer. Mais nous devons prendre le train de onze heures moins dix pour être devant la Sorbonne à midi et quart.

Pour info, je n'ai pas de verres progressifs mais des verres de proximité qui me permettent de travailler facilement sur écran tout en consultant mes notes écrites. Voilà quatre à cinq ans que l'ophtalmo m'a proposé cette solution et elle me convient parfaitement.

Rendez-vous à Paris pour déjeuner avec une cousine d'H. qui vient de Chaumont.
Nous allons servir de correspondants à sa fille admise en prépa-véto à Saint-Louis (cela ne s'appelle plus prépa-véto mais prépa BCPST, biologie, chimie, physique et sciences de la Terre).

Mon dernier souvenir de cette jeune fille remontait à 2019, une ado renfermée toujours auprès de sa mère divorcée et de sa grand-mère veuve. (A sa décharge c'était dans une cousinade d'une cinquantaine de cousins dont elle ne devait pas connaître la moitié.) Aujourd'hui elle ne quittera jamais un sourire épanoui. Elle m'étonne car elle sait parfaitement ce qu'elle voulait: pas Reims, le lycée ne lui plaisait pas, Dijon plaisait à sa mère mais elle était sur liste d'attente pour l'internat, donc Paris.
Elle paraît comme un poisson dans l'eau, ravie d'avoir obtenu ce lycée (elle a raison), à l'aise dans la capitale et dans l'établissement, non désarçonnée par les éventuelles différences de classe sociale (elle vient d'un milieu très modeste) ou de culture générale. Il faut dire que c'est moins handicapant dans les prépas scientifiques.

Parenthèse : les œuvres littéraires au programme sont Les Géorgiques, La condition ouvrière de Weil et Par-dessus bord – Forme hyper-brève de Vinaner. Soudain je comprends cette photo, sans doute un étudiant en prépa pour faire sup-aéro.

La cousine d'H. en revanche n'en revient pas d'être à Paris; tout l'étonne et l'émerveille, avec humilité: «si on nous avait dit ça!»; j'ai une impression de dialogues des années 50.

Nous les emmenons déjeuner au O'Neil (mon idée est de lui fournir une adresse peu chère et pittoresque où emmener ses copines). Puis nous inventons au fur à mesure une déambulation pseudo-touristique (au départ les parents devaient repartir à trois heures. Ils ont changé d'avis au dernier moment, nous prenant de court), par le collège de France, le Panthéon, l'institut Curie, la rue Mouffetard. Citronnade et repos aux arènes de Lutèce, transformées en jardin depuis la dernière fois que j'y suis venue il y a une dizaine d'années avec Déborah. Bancs, vignes, jeux de kermesse pour les enfants, scène pour du théâtre ou un concert ce soir.

J'ai les pieds en compote, je n'ai pas les bonnes chaussures, je n'avais pas prévu de marcher autant.

Retour au lycée. J'exhorte la jeune fille à nous contacter en cas de problème, quel que soit le problème.

Nous les laissons, ils rentrent à Chaumont.
Direction Mariage rue des grands Augustins. Achat de thés. Le salon de thé est toujours fermé, je me demande s'il rouvrira un jour. Nous claudiquons jusqu'à l'île de la cité. Un thé et un coca en terrasse dans le centre de l'île, puis ligne 1, ligne R, à la maison, non sans avoir épluché les films programmés alentours et être parvenus à la conclusion que nous voulions juste rentrer chez nous.
Et enlever mes chaussures.

Dernier jour

J'avais commencé ce billet pour bitcher : je n'ai jamais compris l'anti-pantacourt (police fashion) de certains amis, mais aujourd'hui j'ai découvert l'horreur: un bas de survêtement pantacourt, collant du genou au mollet (et donc vaguement bouffant au-dessus).
Le pantacourt je ne sais pas, mais ça non.

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Ce matin les plus jeunes chercheurs devaient produire un rapport d'étonnement. Comme ils ont beaucoup joué ensemble (pétanque, ping-pong), ils ont également travaillé ensemble sur leurs interventions de ce matin, interventions courtes, claires, complémentaires, une question chacun.

Je donne donc quelques notes pour conserver des anecdotes et des sources (des noms).

- Yuweh: la question de la vérité et du savoir n'a pas été posée (perspective philosophique).
Andrea: Il a vingt ans, j'aurais donné une réponse fictionaliste. La fiction construit sa propre vérité et ses propres lois.
Eric: Peut-être parler d'échec.
Aujourd'hui Frenhofer est un raté, à l'époque de Madeleine Ambrière, c'était un génie martyr. Les lectures ont changé et changeront encore.
A l'époque du Dictionnaire balzacien j'avais demandé à Madeleine Ambrière: fait-on une entrée «échec»?
Réponse de Madeleine: l'échec n'est pas balzacien, il y a toujours rebond.
Et donc nous avons fait une entrée «échec»: voir réussite.

- Tristan (thèse en génétique): La mise en ligne de l'œuvre va permettre de lire dans d'autres sens que l'édition Furne corrigée qui n'a même pas été publiée du vivant de Balzac.
Site suisse Variance.
Andréa: Pierre Barberis disait: il faut lire trois fois Balzac, une fois dans l'ordre Furne corrigée, une fois dans l'ordre chronologique des éditions et une fois dans l'ordre des brouillons.
L'importance du support: lire le même texte en feuilleton ou en livre ne donne pas la même lecture.

- Karolina: nous avons vu la prise en compte de la science par Balzac.
Quid de la prise en compte de Balzac par la science?
Réponse: en cours mais pas évident pour des problèmes de financement et de pouvoir.

Reprise d'Eric: de façon générale il faut évoquer le problème de l'anachronisme. Référence: François Hartog.
Homosexualité : mot inventé en 1869 en Allemagne. pour éviter l'anachronisme, dans le Dictionnaire Balzac, «homosexualité»: voir «troisième sexe», expression de l'époque.
«Psychologie»: faut-il renvoyer à «intériorité»?

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Les interventions terminent plus tristement en évoquant la difficulté des universités, de leur tendance à trop travailler en silo (un dix-neuviémiste ne peut pas travailler sur le XXe); D'un autre côté, remarque un autre, l'appel actuel à travailler en transdipliscinarité est due surtout aux manques de financement: l'université des humanités manque d'argent.

Conclusion d'Andréa: le colloque de 1980: réhabiliter Balzac contre la Nouvelle Critique (Barthes, etc). Militantisme pour défendre Balzac.
Le colloque de 2000: on était au-delà. Davantage multiple. On recommençait à faire de l'histoire. Encore de la socio-critique. Colloque très agréable, mais sans thèse.
2022 : beaucoup de défauts, mais réelle tentative d'interdisciplinarité en partant de ce qu'on connaît.

Christelle (déjà là en 2000): le côté éparpillé de 2000 était dû qu'il y avait énormément de jeunes balzaciens. J'espère que les jeunes d'aujourd'hui se sont également senti bien accueillis en 2022.

Claire (idem): bons souvenirs. Etonnant qu'il n'y a pas eu d'intervenant sur "Balzac et l'histoire".

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L'heure des adieux. Je déteste cela.
Des promesses de se revoir, de s'appeler: avec le temps j'ai appris à ne plus trop y croire, tout en laissant la porte ouverte. Après tout, quatorze ans que je vois quasi mensuellement Elisabeth rencontrée à Cerisy, sans compter les amis qu'elle m'a fait rencontrer. Tout est donc possible.

Retour par les chemins de traverse. Passage à Mortagne voir A. (excellent glacier). Rentrés tard dans la nuit, épuisés. Nous écoutons la biographie de Glenn Gould pour soutenir notre attention.

Excursion chez les Cahun

Difficile réveil, je me rendors trois fois. Il fait beau, peu de brume. Nous aurons eu de belles journées malgré les prévisions pessimistes.

Balzac le matin, Cahun l'après-midi; je vais soutenir Lucie.

En gros, les Balzaciens rappellent ce qu'ils ont écrit, les Cahuniens imaginent ce que Claude Cahun pensait et croyait et chacun défend qu'il la comprend mieux que son voisin. Cette approche est vraiment de l'ordre de l'approche amoureuse: c'est moi qui détient la vérité de la personne que j'aime.
Je pense qu'il en est ainsi chaque fois qu'on étudie quelqu'un de peu connu et qu'on ne se confronte pas à des milliers de lecteurs.

Claude Cahun et sa publication au Mercure de France (j'entends le nom de Rachilde dont je n'avais pas entendu parler depuis longtemps), la fonction de l'acte de résistance au nazisme dans la vie de Cahun, la transcendance selon Cahun et son attirance pour le bouddhisme.

A dîner, je suis assise non loin d'un organisateur. J'en profite pour m'étonner qu'il n'y ait pas davantage d'étudiants dans les colloques (peut-être pas à Cerisy éloigné mais au moins à Paris). Réponse du professeur: dichotomie entre les élèves bêtes à concours qui préparent l'agrégation et ne se dispersent pas et les autres qui ne sont pas très motivés pour quoi que ce soit.
Il raconte drôlement la différence entre les bobos de Montmartre qui veulent que leurs enfants aient un an d'avance dès la maternelle et ceux du XVIe qui à l'inverse refusent parce qu'ils ne veulent pas que leurs enfants soient désavantagés en arrivant dans des classes où ils ne seraient pas premiers de la classe.

Nous expliquons les classes préparatoires à un professeur en Angleterre, la façon dont elles vident les universités et créent des distorsions.
— D'un autre côté, tous les profs rêvent d'y enseigner.
L'Anglais (il n'est pas anglais mais je ne connais pas sa nationalité) pose the question: «Ça coûte cher?»
Eh non, ça ne l'est pas. Peut-être que cela explique que les étudiants choisissent leurs études avec tant de légèreté et s'autorisent à changer trois fois de filières. (De mon temps, ma bonne dame, on voulait travailler et ne plus peser sur ses parents. Aujourd'hui ce souci ne semble plus effleurer grand monde : comment est-ce possible?)

Je bitche, pour le plaisir:
— L'impressionnant, en France, c'est le nombre d'étudiants en psycho.
A ma grande surprise, au lieu de provoquer un blanc réprobateur, je déclenche le rire du professeur français:
— Un tiers en psycho, un quart en histoire. Les autres disciplines des humanités se partagent le reste.
Le prof anglais: — Mais pourquoi?
Moi: — Je connaissais une psychologue qui disait que s'inscrivent en psychologie les jeunes qui auraient besoin de consulter. C'est sans doute réducteur, mais c'est amusant.

Le soir, film sur les actes de résistance de Claude Cahors sur l'île de Jersey. C'est un film en cours, non terminé. (Un autre film davantage grand public devrait avoir Vanessa Paradis comme actrice principale. Têtes de mes intellectuels.) J'aime les actes de résistance qui nous sont montrés, des tracts abandonnés dans des journaux, des commentaires sur les tombes, sans jamais savoir si ce sera lu et par qui.

Cave. Porto. Pas de ping-pong.

Puis longue discussion avec Eve dans l'étable, pour ne gêner personne — et n'être entendues de personne.
Certains moments résonnent avec la discussion ci-dessus. Elle enseigne à Oxford: «tous les professeurs sont évalués par leurs élèves. Si l'un d'entre eux décroche, il a le droit de me demander des comptes.»
Mais évidemment, tout cela est payant, et très cher.
Il y a sans doute un milieu à trouver, mais il faudrait au moins accepter de se poser la question.

Décodons à pleins tubes

A rebours des prédictions pessimistes de la semaine dernière, le temps se maintient au beau. Ce matin, la brume en face du chateau donne un air de savane au bocage normand.

brume à Cerisy août 2022


Petit déjeuner avec un jeune doctorante qui nous raconte sa difficulté à vivre dans une chambre double aux Escures: difficile de ne jamais pouvoir réellement se détendre puisqu'on est toujours dans une interaction sociale, sans compter la pulsion de travailler la nuit qui se trouve empêchée. Il faut bien reconnaître qu'être ici en tant qu'auditeur est une fonction privilégiée.

Je retrouve H. tout heureux d'avoir rencontré une thésarde sur la modélisation géographique (je simplifie). Il y a davantage de mathématiciens ici que je ne l'aurais imaginé (d'où les livres achetés par H.).

Après le déjeuner je récupère mes livres et j'ai la joie incrédule de découvrir dans Secrets, complots, conspirations un article sur Frantômette.
Un oeil sur l'article me fait aussitôt penser qu'il va falloir les relire. Il y en aurait quatre-vingt-quinze (un tiers portant sur des associations secrètes), il me semble qu'il m'en manquait sept à la sortie du collège (mais il n'y en avait peut-être pas quatre-vingt quinze à l'époque).

Beaucoup de départs et d'arrivées aujourd'hui, est-ce parce que c'est le week-end? Il faut dire que venir ici est compliqué, un train ou avion d'Italie ou de Chine pour Paris puis l'un des rares trains jusqu'à Lison ou St-Lô, en début ou fin de journée, puis taxi ou bus. Mais justement, après un tel périple, autant rester longtemps plutôt que pour un saut de puce.

Quoi qu'il en soit, peut-être parce que les intervenants ayant déjà parlé sont plus détendus, ou grâce à la demi-journée de détente qui a permis de mieux se connaître, les échanges sont plus sereins et relèvent davantage de la conversation informée qui fait le charme de Cerisy.

L'après-midi, présentation du site ebalzac. L'ambition est extrêmement vaste. D'une part il s'agit de la numérisation de l'œuvre, ce qui a déjà été fait, mais celle-ci présente la photo Furne et Furne corrigée en vis-à-vis de la version numérisée (on nous signale des erreurs dans l'édition de la Pléiade); d'autre part le dessein est d'y adjoindre à la fois les références explicites de Balzac (les œuvres citées par Balzac) et les œuvres implicites, celles qui circulaient à son époque.
Les premières œuvres ainsi adjointes sont celles d'économistes car elles sont disponibles déjà numérisées ailleurs.
L'idée est d'essayer de retrouver les sources de Balzac, conscientes ou inconscientes. La volonté d'omniscience, de puissance (se faire Dieu, tour de Babel) me laisse songeuse. Reconstruire une époque, quelle difficulté, quelle impossibilité.

A l'occasion d'une recherche je trouve cette carte balzacienne.

L'intervention suivante se fait en visio-conférence à partir du Québec, belle évolution depuis Cerisy 2008.

Le soir, omelette norvégienne, anniversaire de Pierrette et ping-pong, tournantes et matchs en double. Je progresse. (J'ai gagné un match de double en équipe avec Andréa Del Lungo. Quelle émotion.)
Beaucoup d'étoiles quand nous sortons de la cave.

Des huîtres

Petit déjeuner avec une intervenante qui nous explique que si beaucoup de professeurs ne viennent que quelques jours, c'est qu'ils manquent de temps: ils profitent de l'été pour mener à bien des travaux plus personnels, le reste de l'année ils sont débordés par des charges administratives de plus en plus envahissantes1.

Ce que je remarque, c'est que beaucoup des présents passent du temps au téléphone, ce qui n'était pas possible en 2008 quand un filet d'ondes permettait d'avoir du réseau le soir vers 18 heures les jours de beau temps, à condition d'être chez Bouygues ou Orange.
Bizarrement, cette possibilité d'être davantage connecté n'aide pas les personnes à rester plus longtemps car elles n'oublient plus le reste du monde. Leurs obligations et contraintes les rattrapent («on vous sonne, vous obtempérez?!» constatait goguenard Tristan Bernard ou Alphonse Allais au début du téléphone Jean-Louis Forain quand Degas se fit installer le téléphone).

Les interventions de la matinée sont consacrées à l'économie (la politique économique) et la présence des chiffres. Certains dans la salle sont avides d'obtenir une équivalence en euros, ce qui me paraît étrange. Il me semble que l'important, c'est le fonctionnement interne du texte, que les chiffres ne sont que destinés à nous dire «il est pauvre», «elle est riche», «sa maîtresse lui coûte cher», «il est ruiné». D'ailleurs une personne dans la salle parle de proportionalité à l'intérieur des récits, ce qui me paraît très juste. Mais il est vrai que je serais preneuse d'une table de transcodification entre sous, francs, livres (dans Illusions perdues, par exemple). Je suppose que cela existe quelque part, mais j'aurais aussi vite fait de le faire moi-même.

L'après-midi est libre. Il n'y a pas eu de proposition de sortie ensemble pour un lieu ou un autre, et donc nous avons prévu à la demande de Christopher (américain à Rome) d'aller manger des huîtres au bord de la mer. Ce sera ce soir, car Lucie veut travailler à son intervention de samedi.

Sieste, promenade dans le parc (décharge électique contre les barbelés: je ne m'y attendais pas, pour moi c'était barbelés ou électricité, pas les deux). Quand nous revenons, de jeunes balzaciens jouent à la pétanque. C'est enfin ce qui doit être.
J'ai pris quelques photos, précieuses quand ils seront célèbres dans vingt ans2.

jeunes Balzaciens jouant à la pétanque à Cerisy


Je participe à ma manière en fournissant mon cordon de lunettes pour mesurer l'écart boule-cochonet.

Départ pour Hauteville. Miriam monte en décapotable avec H., je monte avec Christopher, Lucie, Eve, Cristiana et me taille un franc succès en diffusant Elle voulait revoir sa Normandie (j'aime faire connaître le vrai folklore français aux étrangers, ce qu'ils n'entendront pas en cours). Eve entame une conférence sur les textes problématiques de Sardou (Balavoine chanterait-il L'aziza aujourd'hui?), ce qui doit être particulièrement obscur pour les Américain et Italienne.

Terrasse face à la mer. Vent, coucher de soleil, huîtres, Pouilly-Fuissé. Bonheur.

huîtres à Hauteville

Il se trouve qu'Eve connaît (ou est connue de) Pierre Boyer. Evidemment, puisqu'ils ont les mêmes idées, mais elle sans la culpabilité puisque femme.
Elle ne désarme jamais et c'est ainsi qu'au moment du dessert elle s'exclame: «le sucré est féminin, les hommes mangent du fromage».
Voilà autre chose. Depuis, je me demande si mon grand-père mangeait des ou du gâteau. Question de classe, question sans réponse: il y avait du gâteau les jours de fête, on en mangeait pour célébrer la fête. Les autres jours, c'étaient des fruits. Les fruits sont-ils féminins?

Retour dans la nuit. Cette fois-ci c'est Eve qui monte dans la décapotable (mais elle ne connaît pas La Voie sacrée).

En arrivant au château, je m'aperçois que j'ai totalement oublié qu'il y avait une projection de La peau de chagrin de la BBC. J'en attrappe quelques minutes au vol: trop kitsch, trop Jane Austen (je veux dire les adaptations filmiques anglaises, si précises dans leur reconstitution qu'elles en deviennent jolies).



Note
1: j'ai découvert cette charge en lisant le blog de GC et je reste abasourdie de ce travail qui à mon sens devrait être confié au secrétariat des universités.

2: je me souviens d'un savoureux récit autour d'une photo de Heidegger dont le geste rappelle la pétanque.

La cloche disparue

Comme il y aura des actes de colloques et que Cerisy est payant je ne publie pas de notes. Je me spécialise donc dans l'anecdote.

Durant le petit déjeuner, Miriam raconte une tradition espagnole de la St Sylvestre: quelques minutes avant minuit, les cloches sonnent (pour se préparer), chacun à douze grains de raisin dans son assiette, et lors du compte à rebours, les douze secondes précédentes, on engouffre dans sa bouche un grain de raisin par seconde sans le mâcher, puis à minuit il faut tout avaler sans laisser s'échapper un seul grain de raisin, sous peine d'avoir de la malchance toute l'année.
Fin 2021, l'amie (non espagnole et inconsciente) chargée d'amener des grains en a apporté des énormes et Miriam en a laissé échapper cinq.
Aussitôt, nous comprenons pourquoi elle a eu des draps humides hier et qu'aujourd'hui il pleut.

Après le petit déjeuner et en attendant la première séance, je rejoins quelques intervenantes sur le pont-levis (qui n'a jamais été un pont-levis) devant la porte1. Elles étaient là lors du colloque précédent il y a vingt ans2 et racontent drôlement comment l'une de leurs amies avait caché la cloche du goûter (qui n'est pas celle du clocheton mais une jolie cloche à main) dans une potiche, quasi sans y penser. Cette blague innocente et quasi-inconsciente (la coupable m'a avoué «je l'avais fait sans y penser, la potiche était là, j'y avais mis la cloche, elle n'était pas vraiment cachée) avait provoqué une grande effervescence pour ne pas dire colère. (Je suis très fière de connaître la coupable de cette blague potache, dont le nom n'a jamais été dévoilé).

Première communication (dans la bibliothèque). Séance de questions-réponses. Les trois premiers à parler sont soit les organisateurs soit une ancienne organisatrice, tous contre la communication qui vient d'être donnée. Comme c'est très technique (jargon de la critique littéraire, catégories linguistiques et stylistiques, problèmes de définition), il est difficile pour moi de juger du bien-fondé des reproches adressés à l'intervenant3, mais je suis choquée par l'unanimité des trois voix. Le président de séance a tenté une défense après les deux premiers contradicteurs («A la décharge de xx, je voudrais dire que…») mais il s'est fait couper la parole par le troisième qui a accentué la charge. Puis est venue une remarque «il y a d'autres questions? Les derniers rangs n'interviennent pas beaucoup» et j'ai failli être sarcastique: que pourraient dire les amateurs (les derniers rangs) après de telles interventions?

A la pause, la révolte gronde parmi nous, les auditeurs libres sorties prendre l'air sur le pont-levis. Je m'informe du ressenti de mes compagnes, il est le même que le mien. Quand passe l'un des organisateurs, je mets les pieds dans le plat en m'étonnant de l'agressivité des remarques post-communication.
«— Ah bon, vous trouvez cela agressif? Je vous assure que ça ne l'est pas, ce ne sont que nos traditions universitaires.
— Mais justement, je pensais que Cerisy vous permettait (vous, universitaires) d'échapper à cela quelques jours.
(Une des auditrices utilise même les mots de «règlement de comptes»).

Je suis embarrassée lorsque l'organisateur introduit la prochaine communication en faisant part de notre discussion, mais j'ai malgré tout l'impression que les échanges suivants sont plus sereins.

Plus tard, la plus ancienne des auditrices (92 ans), qui vient ici chaque année depuis un demi-siècle au moins et était au collège avec une sœur d'Edith, se plaindra que les intervenants parlent trop vite et qu'elle ne comprend pas tout.
— C'est parce qu'ils lisent. Ils essaient de tout dire dans le temps imparti et c'est pour cela qu'ils parlent très vite.
— Mais pourquoi font-ils cela? Ils ne lisaient pas avant.
Je suis désolée pour elle, mais que dire? Il faudrait faire le deuil d'une partie de son travail, accepter de ne pas tout dire. Or les intervenants parlent devant leurs pairs, ils sont jugés, et pour certains, les plus jeunes, cela peut être décisif pour leur carrière future.

Pendant ce temps se poursuit le colloque Claude Cahun qui paraît encore plus houleux, dans la mesure où il aborde le thème du genre, confrontant de vieux (comprendre: historiques) surréalistes et féministes à une génération tendant vers le wokisme4.
A déjeuner, la jeune Espagnole, qui étudie à Venise et suit le colloque de Cahun, qui comprend le français mais parle en anglais, me confie son étonnement: «je ne comprends pas, les gens ne prennent pas la parole pour poser une question mais pour donner leur point de vue et faire une seconde conférence».
Elle me fait rire de bon cœur: «c'est vrai. Ce n'est pas comme ça en Italie? Je pensais que c'était toujours comme ça dans les colloques.
— Non. C'est impoli, n'est-ce pas?
— Oui, tout à fait. (traduction simultanée d'une conversation simplifiée par le bruit et le souci d'utiliser des mots simples dans une langue étrangère à nous deux).

Décidément, ces colloques donnent une furieuse envie d'une description à la manière de Balzac ou de David Lodge. (Le pastiche m'a toujours fascinée, mais je n'ai pas le courage d'essayer. Trop de travail (là aussi un trait décrit par Balzac: les gens avec des désirs mais qui ne travaillent pas pour les atteindre. Ce que dit également Proust. Peut-être que tous ceux qui travaillent beaucoup disent cela)).

Après le repas, traditionnelles photos (en noir et blanc) des colloques et «bibliothèque éphémère» qui permet de feuilleter les livres vendus à Cerisy… et de les commander. A ma grande surprise, H. en choisit trois, ce qui me permet d'en prendre autant en toute bonne conscience.

L'inconvénient de ces interludes (hier la visite, aujourd'hui la photo et la bibliothèque) est qu'elle raccourcit le temps pour les communications (d'environ quarante minutes chacune). Or il y en a trois, ce qui est inhabituel: la tradition est d'en faire deux, pour laisser davantage de temps pour les échanges. Sans doute aurait-il fallu prévoir huit ou dix jours et non pas six. Sans doute est-ce aussi l'une des raisons de la précipitation des communications.

Tout cela peut paraître très négatif, mais en réalité c'est très intéressant et amical. Nous nous sommes liés d'amitié avec un autre couple dans un configuration quasi identique à la nôtre (elle française intervient dans le colloque Cahun, lui américain l'accompagne et télétravaille). Ils vivent actuellement à Rome mais déménagent la semaine prochaine à Paris. Nous papotons également avec Miriam, espagnole à Venise, et Cristiana, italienne, toutes les deux au colloque Cahun, et Eve (Cahun aussi et à l'origine de débats houleux), française à Oxford. Il y a effectivement une proximité plus grande avec les Cahun: c'est que les Balzaciens sont intimidants et tendent à parler entre eux. C'est le cas pour tout colloque sur un grand écrivain, nous dit Edith, comme Proust ou Duras: les spécialistes du monde entier ont l'occasion de se rencontrer et en profitent. C'est légitime.

Mousse au chocolat.

Le soir, dans le grenier, lecture surréaliste par un acteur: dialogue imaginaire entre Birot (PAB) et Claude Cahun, reprenant des textes de l'un et de l'autre.
En apparté, l'acteur nous raconte que Giraudoux, arrivant devant l'affiche annonçant La Guerre de Troie, entra en colère. Le directeur du théâtre fit ajouter une bande en travers: «n'aura pas lieu».
Moralité, il n'y eut personne à la première ce soir là.

Puis quelques tours de tournantes au ping-pong à la cave avec une poignée de Balzaciens (les plus jeunes mais pas que).



Note
1: La fonction de ce pont a été théorisée par un anthropologue qui a photographié et analysé les groupes en circulation devant la porte: lieu de rencontre exemplaire, passage obligé, hauteur idéale du parapet pour se poser et poser ses fesses (je confirme), possibilité d'éviter certaines personnes ou au contraire prendre leur suite à l'appel des repas pour être assis proche ou loin d'elles.

2: Il y a eu deux précédents colloques Balzac, en 1980 et 2000. Celui-ci aurait dû se tenir en 2020 mais évidemment a été décalé par le confinement. Cela a mené l'un des organisateurs à commenter: «nous laissons aux suivants la difficile tâche de déterminer si le colloque suivant devra se tenir en 2040 ou 2042»).

3: Se souvenir: ne pas parler de Balzac et de psychologie sans citer Paul Bourget. Je ne sais plus de quel passage il s'agit. J'ai trouvé au moins cela sur google:
Balzac n'a pas écrit un seul roman à thèse. Son oeuvre tout entière n'est qu'un immense roman à idées. La différence est radicale. Le romancier à thèse est celui qui part d'une conviction à priori et qui organise sa fable en vu d'une démonstration ; le romancier à idées est celui qui part de l'observation, et qui par delà les faits dégage les causes. […] C'est dire que tout grand roman devient par définition un roman social. L'analyse psychologique est le procédé par excellence pour ce dégagement de vérités profondes. On ne saurait trop désirer que les romanciers contemporains pratiquent ainsi leur art. Ce dont la France actuelle a le plus besoin, c'est d'éducateurs de sa pensée, je n'ai pas dit de sermonneurs. La prédication n'a rien à voir avec la littérature d'imagination. Mais cette littérature […] a le droit, disons mieux, le devoir, de suggérer des hypothèses sur les faits humains qu'elle a enregistrés. Ces hypothèses elles-mêmes sont des suggestions pour le lecteur à qui elles apprennent à mieux se comprendre et à mieux comprendre son pays. Voilà notre service à nous.
«Note sur le roman français en 1921», Nouvelles pages de critique et de doctrine, Paris, Plon-Nourrit, 1922, p.130
4: Pour parler vite et simplifier: j'utilise le terme pour sa contemporanéité, sans en reprendre la connotation souvent négative en France, surtout chez les vieux birbes dont je tends à être.

L'anastomose du magnolia

Au petit déjeuner, deux étudiantes, une Espagnole vivant à Venise et une Italienne. La jeune Espagnole est morte de froid, elle est logée aux Escures et ses draps sont humides, elle a attrapé un rhume. Par chance Dominique Peyrou vient déjeuner à côté de nous, il commence à discuter en espagnol (débat sur la popularité de l'espagnol auprès des Français, nous soutenons qu'il est de plus en plus enseigné car il permet de voyager) et une solution est trouvée (je n'en avais jamais douté, j'avais déjà conseillé d'aller voir le secrétariat, Jean-Christophe est précieux).

Matin à la laiterie. Deux interventions. Je suis surprise, nous sommes sur du très technique et jargon littéraire, loin de ces communications qui vous prennent par la main et vous emmènent en promenade. D'un autre côté, la présentation du colloque le laissait pressentir.

Au déjeuner nous continuons la discussion avec un autre couple venu selon le même modèle que nous: monsieur en télétravail, madame en colloque (elle intervient sur Claude Cahun, elle est la dernière samedi, ce qui signifie qu'elle va vivre sur le grill toute la semaine). Ils habitent Rome et vont déménager la semaine prochaine pour Maisons-Alfort. Echange sur les prix parisiens. Discussion également sur la production agricole, les modes d'alimentation et la démographie puisque monsieur travaille à la FAO (l'organisation pour l'alimentation et l'agriculture pour l'ONU).

Première journée signifie visite du château. J'y assiste chaque fois car chaque fois j'y apprend des choses nouvelles. M.Queval (de la famille de Jean Queval, fondateur de l'oulipo) est absent, c'est donc Dominique Peyrou et Edith qui nous proposent une visite à deux voix. J'entends à nouveau l'histoire du manoir protestant «après la révocation de l'Edit de Nantes, il y avait trois choix: la résistance (et la mort), l'exil ou la conversion. Ici il s'agit d'une conversion particulièrement réussie puisque l'un des membres de la famille est devenu évêque, d'où la bizarrerie d'un clocheton épiscopal sur un manoir protestant».

Il a fait très chaud la semaine précédente et l'étang était quasi à sec («nous avons été à deux doigts d'appeler l'office de l'eau pour sauver les poissons»). Il y avait ici deux moulins pour travailler le lin. Le mur de soutènement qui s'est effondré en 2012 a été reconstruit après que les architectes de la DRAC aient souligné que cela permettait de conserver l'alignement avec le toit à l'impérial des escures (les écuries).
Dominique Peyrou nous fait sourire en rappelant ses convictions d'enfant: un trésor était caché dans la tour qui s'est effondrée. (Hélas, les travaux menés lors de la reconstruction ont prouvé qu'il n'en était rien. Mais l'espoir de l'enfance n'est pas éteint pour autant.)
Cependant, des paysagistes ont regretté que ne soit pas mis davantage en lumière le magnifique platane de deux cent-cinquante ans planté sans doute pour fêter un mariage. La réflexion sur l'amènagement se poursuit donc (il faudra revenir).

Il s'est tenu dans le mois un foyer de réflexion autour des arbres et Edith prend beaucoup de plaisir à nous nommer les différentes essences du jardin, nous présentant tour à tour chaque arbre. (Je pense à RC: «nous ne voyons que ce que nous savons nommer»).
Sur la terrasse aux tilleuls, Edith nous fait remarquer un banc (une planche en forme de feuille) avec une boule de bois au bout: c'est un point d'exclamation, hommage au soixante-dix ou soixante-quinze ans de Derrida (je ne sais plus), qui tenait à être à Cerisy chaque année pour son anniversaire (15 juillet).

Ancienne ferme. C'est l'endroit que j'ai vu le plus se transformer depuis 2008: espace de vidéoconférence accessible aux handicapés et possibilité de traduction simultanée («car la centralité de la pensée française est moindre») dans la laiterie en 2012-20131; espace tisanerie, spot wifi et salle informatique à la place de ce que j'ai connu comme une seule salle en 2008. Il y a maintenant onze chambres au-dessus dans ce bâtiment.
L'étable est toujours aussi belle. C'est le lieu où commence les visites publiques, car le château est ouvert aux visites guidées. Il y avait ici quatre-vingts vaches, mais lorsque le paysan est parti à la retraite, il a été impossible de lui trouver un remplaçant (ce qui me fait penser que les colloques devaient être odoriférants dans les années 60-70, avec bouses, mouches et hirondelles). L'endroit a donc été tranformé en lieu d'exposition et de performance.

L'après-midi nous déménageons dans la bibliothèque, ce qui est plus satisfaisant sur les plans esthétique et tradition. Le deuxième intervenant de l'après-midi est pris à parti sur le thème de l'épistémocritique. Je suis perplexe. C'est mon troisième colloque "long" (d'une semaine) ici et celui ne ressemble pas aux deux premiers: la dimension chaleureuse est absente, les questions à la fin des interventions sont teintées d'agressivité et il est difficile d'intervenir dans la mesure où ce sont les experts reconnus qui prennent la parole les premiers.

Après le dîner (et une magnifique charlotte), visite du verger. Je retrouve la treille palissée à l'intérieur d'une serre dont elle suit la courbe. Poiriers, pommiers, dalhias. Edith nous montre alors un magnolia présentant une anastomose. Le mot m'a fait rire par son incongruïté (jamais entendu parlé), mais le phénomène est étonnant. Difficile d'imaginer la circulation de la sève.


Il s'agit de la branche au centre de la photo qui fait un pont entre deux branches

Nous rentrons dans la nuit.



Note
1: comme cette salle était beaucoup utilisée par le séminaire de Jean Ricardou, la bibliothèque de celui-ci a été installée ici après sa mort, ce qui en fait aussitôt une salle beaucoup plus cerisienne.

Voyage

Vingt minutes de piscine avant le petit déjeuner. C'est sans doute ma dernière activité sportive avant dix jours. Cependant ce n'était pas une très bonne idée car cela nous a rendus chaffoins.

Petit déjeuner sur fond d'indigestion, H. déclare qu'il mange beaucoup et que nous ne nous arrêterons pas pour déjeuner.
Je sais par expérience que le croire totalement est dangereux: si finalement nous déjeunons, j'aurai beaucoup trop mangé pour la journée.

H. prend le volant. Direction Argentan en évitant L'Aigle. Décapotés: il ne pleut pas. Nous passons de la Beauce à la Normandie, forêts et vallonnement.

Argentan. Ahurrissement: cinq euros vingt pour deux cafés et une part de tarte.
Nous marchons pour nous détendre, l'Orne est au plus bas. Nous passons un long temps à baguenauder dans un magasin de déco. Un miroir nous plaît, mais difficile de le faire livrer.

Nous repartons, je conduis. Panneau annonçant avec fierté que le département plante des haies. J'hésite entre rire et colère, je me souviens encore du remembrement des années 70 qui au prétexte de constituer de grandes parcelles plus faciles à exploiter de façon intensive a conduit concrètement à l'appauvrissement de la grand-mère de H. (on prend vos terres éparpillées, on vous rend la même surface, mais pas de même valeur agricole: toutes les terres ne se valent pas et les notables paysans connaissent les bonnes personnes) et à l'éventrement des prairies derrière chez mes grands-parents.
Ce fut une catastrophe pour la Normandie lavée par les pluies, il aura fallu tout ce temps pour s'en rendre compte.

Tinchebray, très joli. Je découvrirai plus tard que c'est le lieu de naissance d'André Breton. Flers, Vire. Les routes sont de plus en plus petites; de loin en loin H. s'exclame «Même ici ils ont la fibre!»
Nous nous arrêtons dans le dernier village avant Cerisy. Diabolo menthe et achat d'un paquet de cigarettes que j'ai négocié: «ça facilite le dialogue devant la porte»1.

Arrivée. Nous serons dans l'ancienne ferme. Escalier petit et bas, je guette les réactions d'H., j'ai peur qu'il fasse la moue mais tout va bien, à cela près que j'avais oublié de prévenir H. qu'il n'y a pas de serrure aux chambres2. Aussitôt il s'émeut pour son matériel (il a apporté son informatique pour travailler); heureusement l'armoire à glace ferme à clé.
Nous sommes en avance, je lui présente les bâtiments, nous nous promenons. H. est séduit par l'orangerie, «la 4G passe très bien, je viendrai ici».

Un bus amène une trentaine de voyageurs de la gare la plus proche: l'époque où le train s'arrêtait à Carantilly sans que cela n'apparaisse sur aucun horaire officiel est révolu, ce qui induit des frais supplémentaires pour le château.

Premier repas dont choux au chocolat; premiers voisins et premières discussions, la salle à manger est bien plus bruyante que dans mon souvenir; je reconnais quelques cuisinières. Traditionnelle présentation, mais dans la bibliothèque et non pas dans le grenier. Je suis surprise par le nombre d'auditeurs, je n'en avais jamais vu autant, sans doute Balzac attire-t-il les amateurs.
L'autre colloque s'intéresse à Claude Cahun dont je n'ai jamais entendu parler, je déduis de la présentation de chacun qu'elle est poète, photographe, sans doute lesbienne ou transgenre, en relation avec le surréalisme. Georges Sebbag est l'un des organisateurs du colloque, je crois comprendre qu'il est l'un des derniers vivants à avoir connu André Breton.



Notes
1: dès le premier soir, sûr comme la mort, une jeune femme nous déclare «ça fait plaisir d'être accompagnée dans son vice, en Angleterre je suis très seule». La cigarette est une merveilleuse amorce de dialogue entre inconnus.
2: il y a des verrous intérieurs, installés au moment de mai 68 quand les Cerisiens étaient parfois trop entreprenants pour certaines Cerisiennes soucieuces de tranquillité.

Départ

Toutes les vacances le réveil a sonné à huit heures et demie. Notre vision de la grasse mat.

Départ prévu à deux heures. Croissants sur la terrasse. Arrosage des plantes en pot (il est prévu ici de fortes chaleurs la semaine prochaine). Rangement rapide de la maison (qui n'est désormais jamais vraiment en désordre, même si H me reproche de m'étaler). Fermeture de toutes les fenêtres (ça n'arrive jamais). Valises, je compte les jours sur mes doigts, six jours, sept robes, une que je sais que je ne mettrai pas car elle a de petites bretelles et il est prévu de la pluie, mais je ne la porte jamais, alors je l'emmène. Espoir et bêtise); un pantalon blanc pour demain (plus confortable en voiture, la peau sur le siège est désagréable); les sous-vêtements (leur couleur, leur texture, les bretelles amovibles pour être invisibles selon le tissu et la coupe de la robe (ces détails pour les messieurs qui se demanderaient comment une dame fait ses valises)); les chaussures (plates parce que c'est les vacances, mais malgré tout la paire dorée au cas où, et aussi parce que les robes plus courtes sont plus jolies avec un petit talon (non pas de basketts ou sneakers avec des robes. Ce refus catégorique est le signe le plus sûr de ma ringardise (je suis vintage d'esprit), je ne comprends pas qu'on en soit arrivé là, je me souviens du temps où l'on se moquait des basketts-costards des Américains, ça fait longtemps que c'est oublié, c'est un signe d'américanisation bien plus profond que le globish)); la trousse de toilette (le maquillage et le démaquillant sont lourds); des kleenex et des boules quiès; le pyjama, un gilet, j'ai fini. J'ajoute un livre, un seul (Balzac et son monde), je sais par expérience que je n'aurai pas le temps de lire. Et l'ordinateur et les chargeurs.

Je fais tout cela en écoutant la fin des Illusions perdues. Ce roman sur les éditeurs et les relations de la presse avec la politique me paraît tout à fait d'actualité, il suffit de lire ce billet de blog sur Paris-Match.

De son côté H prépare son matériel informatique: peut-il utiliser les deux ipads comme écran d'appoint (non); a-t-il téléchargé ce dont il aura besoin (car le débit sera faible à Cerisy); clavier, souris, chargeurs, fils divers. Cela représente un sac à côté de sa valise de fringues (pour être juste, reconnaissons que ce sac contient aussi un peignoir).

Je pensais avoir le temps de repasser: non. Repas tomates mozarella tartelette aux fraises, nous sommes prêts avec dix minutes d'avance. Dix minutes de retard après le chargement de la voiture (en évitant d'écraser un escargot à la coquille fêlée ce qui fait que je ne peux le déplacer).

Départ, petites routes dans la forêt vers Milly, Beauce vers Chartres, nous écoutons la tribune des critiques de disques, Schubert, toujours instructive (beaucoup aimé le Stabat Mater de Poulenc la semaine dernière).

Hôtel à Maintenon, celui de 2019 je pense (ou 2018?) Il m'avait laissé un très bon souvenir, il a survécu au confinement. Une demi-heure dans la piscine non chlorée, un quart d'heure au sauna.
Et excellent restaurant, une côte de veau d'anthologie.

J'ai oublié ma parka, j'espère qu'il pleuvra moins que prévu (hum).

Jour 15

- Quatrième sortie de canoë. Plus de quatre kilomètres. Progrès certains.

- Déjeuner chez "les filles", qui ne sont plus qu'une depuis que Laura est en congé maternité.

- Pas grand chose. Tome 6 d'Harry Potter, sieste, machine à laver et courses pour préparer notre départ. J'éprouve un certain trac, pourvu que ça se passe bien.

- Dame du Lac en terrasse. Sybille — que nous croisons chaque fois que nous sommes le soir dans les rues de Moret — vient m'apprendre que les entraînements en huit auront lieu le samedi après-midi, avec comme objectifs les courses d'Angers, du 11 novembre et du grand National en décembre. Si réellement c'est sérieux, voilà qui met un coup d'arrêt aux perspectives de planeur.

- Fin du tome 6. Je ne sais vraiment pas pourquoi je relis ça, ça ressemble à une addiction au chocolat ou aux cacachuètes: finir le paquet ou la tablette qu'on a commencé. Certaines remarques, certains dialogues, prennent un relief différent quand on a des scènes à venir en tête.

Les géorgiques

La dernière fois j'étais arrivée trop tôt (dix heures), cette fois j'arrive trop tard, les planeurs sont déjà sortis. Je reconnais un ou deux jeunes. Les conditions sont les mêmes que la dernières fois, «du thermique pur», comprendre un ciel d'un bleu pur, sans nuage. Cela complique la tâche des pilotes qui doivent trouver les ascendances (les pompes) sans repère, juste avec leur expérience du relief (quel endroit, plus ou moins humide, de couleur différente (toit ou carrière).

Un homme dans mes âges me raconte qu'il était pilote-instructeur, mais que suite à un problème de santé il y a trois ou quatre ans il n'a plus le droit de voler seul.
Je l'écoute en silence. Ça doit être difficile d'accepter de passer d'instructeur à tutoré. Il doit y falloir beaucoup d'humilité et de désir de voler. Peut-être que la connivence qui s'instaure sous la verrière entre deux pilotes confirmés rend la situation plus aisée. Mais c'est aussi un raccourcissement des vols, puisqu'il faut attendre qu'un instructeur soit disponible, alors que le brevet de pilote permet de longues sorties d'une après-midi entière (cinq heures environ).

Je révise la ligne droite et commence les vidéos sur les virages. La première sortie de l'après-midi se conclut par une «rowenta», c'est-à-dire que le planeur n'ayant pas trouvé de thermique revient au sol au bout d'un quart d'heure pour repartir aussitôt. (Rowenta pour la machine à laver? l'aspirateur? ai-je mal entendu? je ne trouve rien en ligne).

Je passe la deuxième. Ce n'est pas le même instructeur que la première fois. Nous revoyons l'assiette, j'ai tendance à être trop cabrée.
— Ce n'est pas trop piqué? On va descendre.
— Un planeur, ça descend toujours.
Gloups. Ce n'est pourtant pas l'impression que cela donne de l'extérieur. C'est comme les virages: j'ai toujours l'impression d'être beaucoup plus inclinée que le planeur ne doit l'être en réalité.

Ligne droite, compensation. «Essaie de tenir le manche plus bas, ça te donnera plus de précision». La difficulté, c'est qu'il y a un très court délai entre mon action et la réaction du planeur, et qu'en conséquence, j'ai tendance à trop corriger par impatience: «ça ne fait rien», donc j'insiste, et quand la correction intervient, elle est trop forte.

Tard dans l'après-midi après avoir rentré les planeurs j'aperçois cela sur le bar:

livre sur le comptoir extérieur du club de planeur


Un fil de laine

Quand je m'étais inscrite, Juliette m'avait prévenue: «il faut prévoir la journée entière parce qu'on a besoin d'être là pour manipuler les planeurs. C'est un sport collectif. On arrive à dix heures, il y a le briefing. Il faut amener un casse-croûte, on pique-nique ensemble puis on vole.»

Arrivée à dix heures, donc. Il y a du vent, la prairie est desséchée, je suis la première, j'attends. (Un anneau de manche à air égale cinq nœuds, 1,852 km; il faut compter avant la cassure (astuce: pour multiplier par cinq, multiplier par 10 puis diviser par deux)).

terrain devant les hangars des planeurs à Episy, 77


Des jeunes arrivent peu à peu, deux ou trois, entre seize et vingt ans peut-être. Le moins que l'on puisse dire est que je fais tache, une femme, âgée, débutante, qui pourrait être leur mère.
Ils disent bonjour et se taisent. Même entre eux ils se taisent. Difficile de savoir s'ils se connaissent.

Hangar.

le hangar des planeurs à Episy, portes fermées


Sortir les planeurs avec précaution, quinze à dix-huit mètres d'envergure, les piliers sont entourés de coussins. Le planeur a une roue avant. On lui en ajoute une au ras de la queue grâce à une roulette nommée B.O.1.

On équipe chaque planeur d'un parachute et d'une batterie (pour la radio). Les verrières se manient avec grande précaution, une seule méthode est possible. Parce que je suis nouvelle et parce qu'il n'y a rien à faire en attendant le briefing, Etienne me montre la visite de pré-vol, qui consiste à vérifier tous les profils du planeur (pas de bosse, de trous, de fissures), les instruments de mesure (que du physique marchant par pression, pas d'électronique), les commandes, l'absence de boulons qui se baladeraient dans les aérofreins.
Plus tard je me rendrai compte que cette visite ce fait plutôt en bout de piste, avant le décollage.

Vérification des golfettes. Carburant, huile. Remorquage de quelques planeurs en bout de piste.

Briefing. Différentes cartes, vents, températures. Je n'y comprends pas grand chose, à part qu'il y a du vent. Certains présents veulent partir en «campagne» vers Pont-sur-Yonne. J'apprendrai que cela s'oppose au «local», rester à proximité de son terrain de décollage / d'apprentissage. Partir en campagne, c'est prendre le risque d'un atterrissage «aux vaches», c'est-à-dire forcé, sur un terrain imprévu, parce qu'on n'a pas trouvé suffisamment de courants ascendants pour se maintenir dans les airs. Evidemment, il y a deux types d'atterrissages imprévus, celui sur un terrain d'aviation, à Pont par exemple, avec l'espoir de pouvoir être de nouveau remorqué et largué, ou dans un champ, auquel cas quelqu'un doit venir vous chercher avec une remorque pour ramener le planeur.

Déjeuner sur des tables sous les pins. Chaleur idéale. Peu causants. Loin de mes souvenirs de sandwichs jambon-beurre / chips / tomate. On est plutôt sur la boîte de salade composée, ce qui me paraît admirable pourde si jeunes gens. L'arrière des bâtiments est aménagé en terrain de camping, avec douche et vaste cuisine. L'instructeur-pilote dort en caravane. Il est embauché pour l'été.

Vers une heure et demie les premiers planeurs sont largués. Premier élève. Je passe en second.
Enfilage du parachute («Pour larguer la verrière, c'est ici. Après on se détache, et comme il n'y a rien pour s'éjecter, il faut se mettre accroupi sur le siège puis pousser fort comme au fond de la piscine.» (J'imagine la manœuvre dans un planeur en torche, aile cassée.) «Ça vous est déjà arrivé? —Moi non. En vingt-cinq ans, je connais deux personnes à qui s'est arrivé. Statistiquement, ça arrive surtout à des Allemands de 65 ans dans les Basses-Alpes.»2), présentation des différents instruments, mise en place d'un dossier parce que je suis petite, réglage des palonniers pour mes jambes courtes.
— Tu pèses combien?
— Soixante.
— Plus sept de parachute, et moi à l'arrière trente. Ça ira. Quand tu monteras seule il faudra prévoir des gueuzes. (Je suis surprise, je pensais qu'il fallait être le plus léger possible. D'un autre côté, en voyant les champions du monde, je m'étais dit que c'était faux.)

Je n'aime pas beaucoup la partie derrière l'avion remorqueur. Le vent nous secoue. Bruit fort, l'amarre est larguée, je ne l'ai pas vu, je regardais ailleurs. L'instructeur recherche des courants ascensionnels, on monte dans les pompes en virage continu, le planeur penché sur l'aile. Je n'aime pas être penchée, j'ai un peu le mal de mer (la prochaine fois penser à manger plus tôt), l'odeur de ma crème solaire me rend malade (la prochaine fois ne pas mettre de crème solaire), mes oreilles se bouchent et se débouchent plusieurs fois. Mais dans l'ensemble ça va. C'est beaucoup moins flippant que le parachutisme. Etre devant dégage tout l'horizon, c'est grisant, surtout que la verrière permet de voir également au-dessus de soi.

Cours sur les commandes, le manche à balai est intuitif, les palonniers sont durs et je n'ose pas appuyer dessus. Le vol se fait entièrement sur des repères visuels, il n'y a pas d'électronique (ou uniquement pour le dispositif anti-collision). Première leçon, voler droit, ne pas intervenir n'est pas une option car le planeur dérive aussitôt, l'air est invisiblement parcouru de courants, c'est mystérieux, «on a calculé qu'un pilote doit intervenir toutes les trois secondes».
Je prends les commandes, pas assez de palonnier, j'oscille (roulis), je ne suis pas satisfaite, mais tant pis. On rentre.
Atterrissage sans encombre, un peu inquiète mais tout se passe bien, dieu que nous roulons vite en arrivant à terre (la verrière est au ras du sol, imaginez un pare-brise qui permette de voir le sol défiler).
Sortir de l'avion (j'ai mis la main n'importe où sur la verrière, horreur et damnation), dégager la piste, enlever le parachute, arrimer le planeur à la golfette, tenir l'aile (une seule), le ramener en début de piste.
Pour ceux que ça intéresse, vidéos accueil et la ligne droite.

Ce qui m'a le plus amusée et enchantée, c'est le fil de laine: un fil collé sur la verrière qui donne l'orientation du vent relatif quand le planeur est en vol. Un fil à plomb inversé, en somme. Quelle simplicité, quelle évidence.

Fil de laine au sol (dans les air, il est plaqué contre la verrière et indique l'inclinaison du planeur).

fil de laine sur la verrière  d'un planeur


Je suis épuisée. je m'endors sur la prairie en attendant le retour des derniers planeurs. Remorquer, nettoyer, rentrer dans le hangar.
Retour à la maison.





Notes
1: Je n'ai pas demandé ce que cela signifiait. Après quelques recherches, pas sûre qu'ils auraient su répondre: «Bourget-Opéra», selon la ligne de tramway Bourget-Opéra.
Il existe une anecdote plus précise:
Un chef d'équipe du Bourget demandait à ses mécanos de rentrer un avion alors que la soirée s'avançait. L'un des mécaniciens s'exclama «Mais chef, je file, j'ai le BO qui va partir». Sur quoi le patron Didier Daurat, qui passait dans le hangar, l'aurait attrapé par la manche en lui désignant le chariot: «En fait de BO, prends donc celui-là!».
2: Je suis perplexe: quelle est l'information importante dans ce profil, la nationalité, l'âge ou la géographie?

Aller-Retour à Blois

O. et Y. sont passés nous chercher pour descendre ensemble fêter l'anniversaire de papa. C'est amusant de monter à l'arrière et d'être relégués à l'état de passagers. Le début de l'irresponsabilité, nous ne sommes plus en charge.
J'avais l'intention d'en profiter pour continuer Illusions perdues, mais en l'absence de mes écouteurs oubliés, je me suis rabattue sur le seul livre disponible dans la voiture: Harry Potter and the Goblet of Fire (Y est une grande fan).

Y. a eu droit à une démonstration de mes troubles du langage.
Elle n'était jamais passée devant Chambord et j'ai donc voulu la prévenir: «Ce n'est pas le meilleur moment, ses cheminées sont couvertes d'escabeaux».
Y interloquée, les autres rient aux larmes: «Echaffaudages, nous on parle l'Alice couramment».
Eh oui, j'utilise très souvent un mot pour un autre, simplement parce qu'il commence par la même lettre. C'est bizarre.

Après les jours de fortes chaleurs, il a fait plutôt doux. Déjeuner sur la terrasse. Champagne (beaucoup). A. part aussitôt après sa longue sieste, nous n'avons pas eu la présence d'esprit de faire un selfie à cinq pour notre groupe WhatsApp.

Ma mère a eu une réaction brutale et blessante lorsque j'ai suggéré que nous pourrions organiser quelque chose pour les quatre-vingts ans de sa sœur. Je ne comprends pas bien ce qui se passe.

— Qu'est-ce qu'un palindrome?
— Un mot qui est identique à l'envers, comme radar, kayak…
— Ah non, kayak à l'envers, ça fait «gloub».

— Quelle est la différence entre wallon et un flamand?
— Un Wallon c'est blond et un Flamand c'est rose.

Jour 1

Premier jour des vacances.

- quatre de couple. Xavier et deux Sandrine. De nouveau à la nage. Bateau moins harmonieux que mercredi, mais comme je maîtrise mieux le couple, je peux compenser techniquement.

- courses pour préparer lundi puisque demain nous ne sommes pas là et que lundi vient Catherine en famille.

- apéro avec une connaissance politique qui a vécu longtemps à Moret (il connaît bien les problèmes d'urbanisme. Toujours le même engrenage, les gens ne veulent pas que se construisent de nouveaux logements près de chez eux et s'étonnent que le mètre carré augmente: ben oui, en fait, ça va ensemble, si tu veux que ça baisse, laisse construire!) et qui vit maintenant à Libourne. Il nous ramène le château Fleur d'Eymerits que nous lui avions commandé sur sa recommandation.

- deux paninis au bar des capitaines à St Mammès. Je voulais essayer l'endroit parce qu'il est idéalement situé (le long de la Seine), et qu'il est ouvert le lundi: cela aurait pu servir de repli si Catherine s'éternisait.
Mauvais, fortement déconseillé. Les paninis finissent à la poubelle, discrètement (ou plutôt dans un buisson, pour engraisser les pies et les chiens errants).

- deux glaces sur la place principale de Moret. Le groupe est bien meilleur que celui de la semaine dernière.

Je m'endors sur mon clavier. Tard dans la nuit je prépare un bavarois à l'orgeat pour lundi.

Le bonheur du jour

Les blogueurs historiques convolent.

Mais que cela fait plaisir. Je les lis depuis si longtemps, ils font partie de mon univers alors que je les connais si peu (ou très bien, mais pas — si vous comprenez ce que je veux dire), c'est comme si Yoko Tsuno épousait Lucky Luke.

Et dans ta face (dans vos faces), tous les rageux qui m'expliquent que les écrans/internet c'est le mal, et qu'eux, ils préfèrent la vraie vie.

Ensemble à Paris

Matin : nous déposons des caisses de rosé chez Toufik. C'est le préféré de sa femme, mais il faut le commander sur internet et Toufik ne sait pas le faire (mais quel assisté). Alors, comme nous faisons partie de la coopérative des clients de Toufik, nous nous en sommes chargés.

Soir : retour à GroundControl. H. en retard car la ligne 14 est interrompue pour travaux. Nous dînons coréen. Les petites boutiques contre le mur sud (grecque, italienne, coréenne, américaine) sont savoureuses. On emporte son assiette et on s'assoie aux grandes tables communes.
Seul inconvénient: c'est très bruyant.

je repère un futur événement Dragqueen et pense à Matoo.

Je regarde les jeunes gens, leurs vêtements, leur façon de se mouvoir. Ils n'en finissent pas de m'émerveiller (est-ce parce que je n'ai jamais eu l'impression d'être jeune et insouciante?)

Nous sommes très fatigués. En sortant par le portail sud, il suffit de continuer tout droit pour arriver à la gare routière de gare de Lyon (derrière le hall 2).

Quatre sans

De nouveau il fait très chaud.

Quatre sans (quatre de pointe sans barreur). La nouveauté est que je suis propulsée à la nage, Xavier ayant décrété que j'étais «une bonne nage» (ça fait toujours plaisir).
Le problème est que je manque d'expérience en pointe. Je m'épuise à tenir le rythme et surtout à «pousser des coups forts» (je ne savais même pas que j'en étais capable). La ténacité mentale acquise a l'ergo m'est utile. Papillons noirs sur le ponton en descendant de bateau. Je flageole.

Pas d'oiseaux (trop chaud?) mais beaucoup de libellules: cela correspond-il à un cycle ou est-ce dû à la chaleur?

Traditionnel repas le soir devant le club. Des petites mouches mordent douloureusement. Il fait bon.

La Seine à 22h38.

ponton de l'ANFA - nuit d'été


Au retour, la route de Bourgogne est bloquée par une voiture de gendarmerie qui laisse passer un camion-pompier. Je fais un grand détour par Fontainebleau pour rentrer.

Il fait encore très chaud à l'étage. Je parviens à faire quelques étirements, j'ai mal partout.

Book d'oreilles

Ayant terminé (avalé) The boys, je me dis une fois de plus d'une part que les séries me mangent mon temps (donc ma vie) et que je devrais arrêter cette addiction, d'autre part qu'il va falloir recommencer à en chercher une qui vaille la peine (quête frustrante car offrant beaucoup de déceptions).

C'est à ce moment-là que je me suis dit qu'il faudrait revenir à Balzac. Le colloque est dans trois semaines et je n'ai lu qu'un tome et demie de pléiade. A la vérité je n'ai pas le courage de lire. Ça me fatigue les yeux, je ne tiens pas assise, j'ai les muscles qui chauffent. Je ne sais plus me détendre. Il faudrait ajuster mes lunettes.
J'ai donc fait une recherche sur les livres enregistrés et je suis tombée sur Book d'oreilles. (C'est nul mais ça me fait rire).

J'ai téléchargé Illusions perdues. Je l'ai lu il y a très longtemps, en 1986, en première année à Sciences-Po. Je me souviens qu'au fur à mesure que je lisais les descriptions de la morgue angoumoisine, je comprenais mieux ce qui m'était arrivé l'année précédente en hypokhâgne à Versailles: «tous avaient pour lui l’accablante politesse dont usent les gens comme il faut avec leurs inférieurs.»

Planification des vacances

Dormi au dernier étage jusqu'à 9h23 (c'est précis).
Depuis que j'ai mentalement accepté le fait que je ne ferai pas partie d'un équipage stable dans un bateau fixe (parce que ce club ne fonctionne pas comme ça), j'ai ralenti les entraînements sur l'eau (à quoi bon?): une seule sortie par week-end, c'est pouvoir dormir sans contrainte un jour dans la semaine, le luxe.

Cela nous a permis de bruncher chez les filles pour la première fois. Pancake sucré-salé, intéressant.

J'ai décrété que je ne m'occupais plus des vacances (ça fait partie de ma lutte contre la charge mentale. J'avais, rassurez-vous, une idée assez précise des conséquences). H. voulait aller en Grèce. Je ne sais pas à quel moment il s'est préoccupé de transformer le désir en réalité, mais il n'y avait plus de places dans les avions.

En conséquence, je vais faire du planeur. («Si nous restons à Moret, j'irai faire du planeur.» (Nous devrions aussi faire du canoë, ensemble. Je suis curieuse de voir ce que ça va donner.)) Je suis allée m'inscrire cet après-midi. Stage de six jours qu'il est possible de prendre de façon discontinue. Pas de certificat médical nécessaire tant qu'on ne passe pas son brevet de pilotage. On s'inscrit sur un intranet, en fonction des places encore disponibles. C'est prenant: arrivée à dix heures (on ne vole pas le matin, l'air est trop froid, pas de courant ascendant), pique-nique le midi, pilotage l'après-midi (et beaucoup de manipulations, j'ai l'impression), départ à sept heures. Oups, cela veut dire que je laisse H. toute la journée pendant ses vacances. A une époque cela n'avait pas d'importance, il passait ses journées à programmer.
Maintenant je ne sais plus. On verra bien. Je pourrai toujours terminer les six jours au-delà du mois d'août. Je dois avouer que si cela me plaît et qu'on ne monte pas un bateau pour la coupe des dames, je songe à remplacer l'aviron par le planeur, au moins un an, pour faire un break.

Les longues remorques sur la photo sont destinées à contenir un planeur.

planeur à Episy


Lorsque je rentre, H. a acheté un tableau qu'il lorgnait depuis longtemps. L'intensité de son désir est prouvé par l'empressement qu'il met à le pendre au mur. (Trouver l'endroit, planter le clou).

Messe de 18h30 à St Mammès. J'y vais à vélo et repère le bar des capitaines en bord de Seine. Une solution de secours pour les dimanches soir où c'est la dèche (soit deux sur trois, trois sur quatre...)?

Samedi

Skiff le matin. Il fait beau, voire lourd. Après une montée aisée vers Champagne, je faiblis à deux kilomètres du club et rentre difficilement.
Sieste. J'ai mal sous les côtes flottantes, quelque chose comme des courbatures. Je ne sais pas ce que c'est.

H. travaille tenaillé par le temps. Une présentation mardi, la mise au propre d'un programme qu'il n'a pas développé et dont il ne saisit pas la logique.

J'ai tellement connu cette angoisse toutes ces années. Toujours la même impuissance à ses côtés.

**********

Je note ici cette information arrivée dans ma boîte mail, qui pourra intéresser les locataires, mais aussi les lecteurs soucieux à la fois d'économie d'énergie et du bien-être de leurs contemporains :
Gel du loyer des passoires énergétiques
Dès 2023, les propriétaires de passoires thermiques seront obligés de réaliser des travaux de rénovation énergétique s’ils souhaitent augmenter le loyer de leur logement en location. Il s’agit d’un premier signal important avant l’entrée en vigueur des interdictions de mise en location des logements les plus consommateurs d’énergie.

En 2025, il sera interdit de louer les passoires thermiques les moins bien isolées (classées étiquette G),
en 2028 le reste des passoires (classées F).
A partir de 2034, ce sont les logements classés E qui seront interdits à la location.

Ces logements seront ainsi progressivement considérés comme indécents au regard de la loi. Le locataire pourra alors exiger de son propriétaire qu’il effectue des travaux et plusieurs mécanismes d’information, d’incitation et de contrôle viendront renforcer ce droit pour le locataire.

La cravate solidaire

H. a perdu deux tailles lors de sa première infection au covid. Il a trié sa garde-robe et nous avions quatre ou cinq vestes, deux ou trois pantalons à donner.
Depuis que j'ai vu un reportage sur les vêtements européens au Ghana, je ne sais plus s'il faut utiliser les bennes à vêtements. J'aurais pu aussi les donner à la Croix Rouge ou au Secours catholique. Mais j'ai cru comprendre qu'ils n'avaient pas vraiment besoin de très grandes tailles.

J'ai googlé et j'ai trouvé La cravate solidaire. Il s'agit d'une association qui ne récupère que des vêtements qui puissent être portés en entretien d'embauche. Pour Paris, les vêtements peuvent être déposés les lundi, vendredi et samedi après-midi de 13h à 17h au 134, rue Nationale à Paris.
J'y suis donc passée cet après-midi.

Puis velib, quartier St Germain, j'achète un pantalon blanc pour aller avec mes chemises et pour soulager mon pantalon noir reprisé.

Puis librairie polonaise parce qu'elle est toute proche. Et donc j'ai acheté des livres1.
Bibliophore :
Malgorzata Smorag-Golberg, Marek Tomaszewski, Mémoire(s) des lieux dans la prose centre-européenne après 1989
Dario Pontuale, La malle de Joseph Conrad
Stéphane Mosès, Exégèse d'une légende
Alexeï Varlamov, Mikhaïl Boulgakov
Jean-Luc Sochacki, Dictionnaire insolite de la Pologne

Ça m'a fait plaisir.

Le soir H. regarde la dernière vidéo de Xavier Tytelman qui est la référence sur la guerre d'Ukraine.
Les Ukrainiens ont bombardé et fragilisé le pont vers Kherson. Maintenant, il ne peut être emprunté qu'à pied ou en véhicule léger. Les Russes peuvent quitter la zone, mais sans leurs blindés.
Selon la diplomatie occidentale, l'enjeu maintenant est de ne pas humilier Poutine de façon flagrante, de peur que celui-ci réagisse par un missile nucléaire. Comme dit un participant sur la vidéo (Sergueï quelque chose, qui était à l'école de guerre avec Poutine: «nous réfléchissons comme si Poutine était rationnel, mais il ne l'est pas»).

Seine : deux photos vers l'aval, matin 6h57 et soir 19h44. Le train est proche le matin, sur des voies plus lointaines le soir.

Seine au dessus du pont SNCF de Melun à 6h57 le 29 juillet 2022 Seine au dessus du pont SNCF de Melun à 19h44 le 29 juillet 2022






Note
1: reçu une carte de Patrick qui m'a bien fait rire. Je cite: «J'ai lu un livre».

Les clients

Jeudi. Le jour de la semaine sans sport. J'ai des courbatures.

Matin 6h57 vers l'aval (vers Villeneuve-St-Georges, la Défense, là-bas, au loin); soir 18h41 vers l'amont (vers Bois-le-Roi, Fontainebleau, Montereau), sur le même pont, mais pas les mêmes voies : je regarde le fleuve et visualise son passé et son futur.

Seine au dessus du pont SNCF de Melun à 6h57 le 28 juillet 2022 Seine au dessus du pont SNCF de Melun à 18h41 le 28 juillet 2022


Je finis la saison 3 des Boys. Cette omniprésence du père dans la fiction américaine. Le côté «je suis ton père» est si récurrent que je me demande si ce n'est pas un clin d'œil sardonique à l'intention de ceux qui le percevront.
Par ailleurs, l'un des réalisateurs a tourné The Walking Dead: je suis fière d'avoir reconnu son esthétique (gore).

H. m'attend chez Toufik (la buvette de la gare). C'est toujours un peu la foire chez Toufik, il a fait brûler ses croissants ce matin (après mon passage) et une cliente vient de lui offrir un minuteur. Elle lui apprend à s'en servir: «Ne le laisse pas dans la cuisine, tu ne vas pas l'entendre, ramène-le au comptoir». Un second client, cuisinier, a, lui, trop fait cuire ses cookies et les a laissés sur le comptoir de la buvette car il ne pouvait les présenter à ses clients, leur consistance est excellente, celle de croquants aux amandes. Un troisième, épuisé («j'ai commencé un plafond et j'ai voulu le terminer sinon j'y aurais pensé toute la nuit»), offre du pain berbère non levé (j'ai déjà oublié le nom) à Toufik… et à nous puisque nous sommes là. Nous l'emmenons enveloppé dans du papier d'aluminium.

Tout est fermé à Veneux. Fontainebleau. Le japonais est aussi fermé. Bar'back.

Huit

La Seine vers l'aval à 6h59.

Seine au dessus du pont SNCF de Melun à 6h59 le 27 juillet 2022


J'ai abandonné l'idée de télétravailler. Je gare ma voiture à Fontainebleau le matin pour rejoindre le club à l'heure le soir. Parce que j'ai insinué qu'on pouvez s'entraîner même si tout le monde n'était pas là, nous sortons en huit. Nous complétons le bateau et sortons. Il fait beau.
Je suis plus décontractée depuis que j'ai reculé ma planche de pied.

Repas devant le club jusqu'à la nuit. Empanadas et île flottante.
Pour blanchir les coques de bateau, appliquer de l'acide chlorydrique au pinceau.

Quotidien

Toujours pas grand chose. La Seine à 7h46, vers l'amont, une heure plus tard qu'hier car j'ai pris le temps de vingt minutes de Tabata ce matin. L'amont est moins beau car la voie est plus éloignée de la Seine.
Je pense à Barthes regrettant que l'édition d'Amiel en français expurgeât les mentions de la météo au dessus de la Genève.


Seine au dessus du pont SNCF de Melun à 7h46 le 26 juillet 2022


Nouvelle organisation: je viens de comprendre qu'en achetant cinq jours de déjeuners à Prêt à manger, je gagnerai de précieuses minutes tous les matins, surtout les jours où je fais de l'ergo (ergonomètre: rameur).

Le soir je reprise mon pantalon noir sur la terrasse en continuant ma série. Bizarrerie des Boys : on peut montrer une partouze de superhéros (avec des bites télescopiques, des volumes monstrueux de sperme, etc), mais pas la paire de seins de l'héroïne. Cet épisode (S3:6) a une dimension grotesque dans son exagération.

Le jardin est un réconfort. Les fleurs de bougainvillier sont d'abord minuscules, puis grandissent (je veux dire que ce ne sont pas des fleurs en boutons qui éclosent). Nous sommes vieux: dans le jardin à regarder l'herbe pousser. Ce n'est pas désagréable. Les martinets ont laissé la place aux hirondelles.

The Boys

Il ne s'est pas passé grand chose aujourd'hui. Donc une photo de la Seine au dessus du pont SNCF de Melun à 6h57, vers l'amont, vers l'est.

Seine au dessus du pont SNCF de Melun à 6h57


L'été passe, il fait déjà moins jour, et j'en ai la nostalgie.

Entraînement d'ergo. Toujours pas au niveau d'avant le covid (niveau pas bien haut certes, mais justement, j'aimerais retrouver au moins ça).

Journée tranquille, à l'adhérent de 88 ans près qui me dit: «on m'a tué ma femme». Maladie nosocomiale après une opération banale d'un hallux valgus. Que répondre à ça? Et de chagrin (de fatigue) il est tombé. Deux mois d'hôpital avant «qu'on me mette dehors le premier juillet».
Il n'y a rien à dire, alors j'écoute.

J'entame la troisième saison des Boys. C'est vraiment très étonnant. C'est si violent que c'en est gore façon Walking Dead. Au début j'ai pensé que c'était une critique sardonique du capitalisme américain, de son cynisme et de son goût de l'image. Mais c'est aussi une illustration de la règle «Chacun a ses raisons». Les gentils sont méchants et les méchants sont malheureux.
C'est également un curieux mélange des années 60 (le méchant par excellence est nazi) et des années 2010 (réseaux sociaux et terrorisme islamique).

La buvette de Samoreau

Pas Plan du quartier dans le but d'écrire à la mairie. La fibre est installée du 4 à la fin de la rue, elle ne dessert pas du 1 au 3T. H. est très agacé, son emportement, reflet inverse de l'enthousiasme, me fait sourire, cela dénote tant de passion.

Yentl

Aviron le matin, tajine le midi, achat de deux chemises, rouge et violette (Ma ptite chemise à Fontainebleau: j'aime beaucoup la vendeuse). H. passe dans un magasin Orange pour se renseigner sur un abonnement à la fibre. Fatalitas!: notre adresse n'existe pas.
Je le savais déjà, le cadastre ne reconnaît que le 3 et pas le 3T, il est tout proche de nous domicilier dans une rue parallèle dans la mesure où notre loft appartenait à une ferme dont le portail s'ouvre sur cette rue. Je l'avais signalé aux impôts lors de la réception de notre premier avis d'impôts fonciers, sans résultat. Je n'avais pas réussi à intéresser H. au sujet à l'époque; j'ai soudain l'impression qu'il va s'en occuper. Il m'apprend qu'il faut s'adresser à la mairie, responsable du cadastre, et non aux impôts. Il aurait dû me le dire, maintenant je lui abandonne le sujet.

Le soir, festival Rosa Bonheur.
(Pour les fans il y a Juliette qui y passe le 28 août).



Concert autour des musiques de Yentl. Robert Fienga a fait les arrangements. Le Sextet Héméra est composé de femmes. La chanteuse Marie Oppert est étonnante.

Après le concert, nous attendons la nuit afin d'assister à la projection de Yentl.
C'est un film que je n'ai jamais vu mais que je rêvais de voir en 1984, à sa sortie. Tout ce qu'en disaient les médias, la petite fille qui étudiait le Talmuld en cachette avec son père, l'émancipation des femmes, j'étais si curieuse de voir ça.

En fait ce n'est pas du tout ça.
C'est une daube plus ou moins romantique, avec une reconstitution plus ou moins fiable de la Pologne de 1903. Je ne peux pas croire que Barbara Streisand n'ait pas fait de recherches sur son sujet, mais Lublin si propre, une jeune fille juive en cheveux devant des étrangers... Tout cela me paraît pour le moins improbable.
Sans compter l'invraisemblance du mariage blanc.
N'importe quoi.
Et à la fin, bien entendu, l'Amérique comme terre de toutes les promesses: pfff… (quoiqu'en 1903, personne ne pouvait savoir à quel point cela allait être vrai pour un juif européen.)
Bref, je me serais beaucoup ennuyée si je n'avais eu H. pour rire sous cape ensemble.

Ground Control

xx



La pluie enfin

Cela me rappelle la fin de la nouvelle de Boulgakov, Les œufs fatidiques ou Les œufs du destin.

Cependant il ne pleut pas sur les incendies du sud-ouest.

Les canicules s'emballent

Ce sera ma seule contribution à cette (très) chaude journée.

Le temps passe, bis

Après la yolette hier, encadrement de bateaux "mono" (des planches à ramer insubmersibles pour débutants).

Après la sortie, café. (J'insiste sur l'importance du café: «quand vous saurez ramer, vous rejoindrez l'ensemble des rameurs. Pour qu'ils vous proposent de venir avec eux, il faut qu'ils vous connaissent. Pour cela, il faut prendre le café.»)

C'est à la bonne franquette et comme les nouveaux hésitent, JP déclare pour les encourager: «Servez-vous, n'ayez pas peur, c'est un kibboutz ici.»

Je regarde les jeunes (trente ans?), je souris intérieurement, m'approche de Sonia, lui demande en apparté:
— Tu sais ce que c'est, un kibboutz?
— Non, je regarderai sur Google en rentrant.
J'interpelle: — JP, tes références sont datées, je doute qu'ils sachent ce qu'est qu'un kibboutz.
JP: — Un kibboutz? C'est un kolkoze !

Télétravail

Journée à lire des contrats de 2016. Il faut que négocie, paraît-il. Aussitôt remonte la phrase du Cinquième élément: «Où est-ce qu'il a appris à négocier?»

Je suis installée dans la salle de bain sur la table rouge. Il fait frais. A ma gauche la vigne vierge. D'un trou dans le mur vont et viennent des petites guêpes.

Quatre sans

Victoire: une sortie en quatre sans ! (sans barreur, et si l'on précise, c'est que c'est de la pointe: il n'y a jamais de barreur en couple).
La dernière fois que j'avais essayé, nous étions rentrées au club au bout de deux cent mètres. Peut-être parce que Fleur a découvert une fissure dans son portant (la soudure en train de s'ouvrir), le bateau était facile à barrer, sans déséquilibre flagrant entre babord et tribord (en pointe, il faut un équilibre des forces, sinon le bateau dévie et il faut sans cesse corriger la trajectoire. Or Fleur a beaucoup plus de puissance que nous, par son âge, sa technique et ses dons innés).

J'allais oublier, note très importante: aujourd'hui j'ai ramé dans le bustier commandé cette semaine et destiné à éviter les marque de bronzage dans le dos. On se moque gentiment de moi, mais je suis sûre que je vais en convertir une ou deux. Les marques de bronzage sont atroces à l'aviron (à quoi reconnaît-on un rameur? à ses pieds blancs).

Encore un Lillet rosé à l'Ephémère en attendant ma commande au MaSu.

Je comate tout l'après-midi.

Le soir, de nouveau en terrasse au bord du Loing et de nouveau une petite Grim.

Une table rouge

Matin, coiffeur : «demandez à votre corps ce qu'il a pensé de ce moment». (Hein, quoi? Pourquoi tous mes coiffeurs sont-ils bizarres? Sans doute est-ce de ma faute, parce que je choisis des spécialistes de «la coupe énergétique».)

Vers cinq heures, courses au supermarché (je le note car cela arrive une fois par mois, quand le chat a fini ses boîtes).

Quand le soleil descend, nous allons acheter une table de bistro rouge à la jardinerie: comme la température est insupportable au dernier étage, j'ai négocié de m'installer dans la salle de bain — plus grande qu'un appartement d'étudiant à Paris — sur cette table que nous plierons en hiver.
J'y gagne, car la salle de bain est la pièce la plus fraîche. Cela me permettra aussi de me mettre au clavier la nuit puisque cette pièce a une porte.

table de bistro rouge


Le soir, tandis que nous nous promenons au bord du Loing, nous découvrons avec délice que la terrasse longtemps attendue est enfin ouverte. Pas de Lillet pamplemousse (celui de l'année dernière), je me contente d'une petite Grim.
C'est malgré tout le bonheur.

Le jour le mieux partagé

Aujourd'hui (comme tous les 8 juillet) à 13h15 (7:15 UTC) quasi tous les habitants de la planète (99%) seront éclairés en même temps par la lumière du soleil.

habitants de la terre illuminés par les soleil au même moment


Deux Lillet rosé citron jaune et trois bières

Pot post-élections pré-vacances avec les équipes LREM du sud Seine-et-Marne. Nous sommes plus nombreux que je ne l'aurais pensé, tout le monde n'est pas encore en vacances.

H. et moi sommes arrivés en avance et dînons d'une planche assis sur les marches du théâtre de Fontainebleau, en écoutant un guitariste et un chanteur affadir des tubes américains des années 60. Le bar l'Ephémère est installé sur le terre plein pour l'été.
Soirée peu politique (à l'annonce près d'une consultation de la base pour imaginer les structures du futur "Renaissance") et très amicale. Souvenirs, cigarettes, un deuxième Lillet, une bière, l'Ephémère baisse rideau, H. veut rentrer, pas moi, il fait la moue et part avec Jean, je reste avec Anthony, Audrey, Mustapha et Alain.
Nous allons boire une Guinness (enfin une vraie bière!) au Glasgow (Mustapha et moi, je ne sais pas ce que boivent les autres) et nous terminons au Bonaparte, où là aussi nous faisons la fermeture.

Bref, il est une heure passée quand je reprends la voiture. Traverser la forêt, voir sans y croire un daguet sur le bord de la route, choisir l'heure de réveil pour le lendemain (dormir trois ou quatre heures?) et se coucher.

Grève, aviron, bambous

Titre résumé.

Matin: Voiture garée à Fontainebleau pour pouvoir aller à l'aviron ce soir. J'avais prévu d'être en télétravail (pour faciliter le fait d'aller ramer) mais comme il y a une grève SNCF, seuls le CDD, la nouvelle embauchée (période d'essai) et la standardiste vont être au bureau (ils ne sont pas éligibles au télétravail), donc j'y vais, selon le principe du capitaine dans la tempête du Nègre du Narcisse (je pense souvent à ce livre).
J'oublie mon téléphone dans la voiture, je ne m'en apercevrais qu'au bureau.

Journée: je remplace la covidé (-e?). (Vous ai-je dit que j'avais une covidé, une fracture du coccyx, une hernie cervicale, une opérée du dos, une dépressive, un congé maternité et un futur congé maternité — et le reste de l'équipe qui fronce le nez en soupçonnant les malades d'être des simulateurs? Une équipe de bras cassés (dis-je avec tendresse, car en fait, ils sont super, investis et solidaires). Quand je songe à cette liste, j'ai froid dans le dos: est-ce que je suis responsable de cela? Est-ce mon management? Est-ce dans la moyenne statistique d'une équipe de cette taille et de cet âge moyen?)
Je remplace la covidé, disais-je, et je prends quelques coups de fil amusants. Le problème est que je ne sais pas répondre brièvement.

Fin d'après-midi. J'ai un train, une place assise dans ce train. Un quatre de couple. Cela faisait longtemps que je n'avais pas ramé en couple. Tant mieux, ça permet à ma blessure au pouce due à la pointe de cicatriser. Sortie honnête et Seine toujours magnifique. C'est un tel repos, un tel soulagement, visuel et mental.

Dîner devant le club, JP a apporté le champagne pour arroser le mariage de son fils. Cette tendance de chacun à partager au club les joies de sa vie privée donne l'importance de l'aviron dans la vie des rameurs. Une seconde famille. (Je n'en suis pas là: trop timide, trop sceptique (difficulté à le croire, à y croire).)

Je rentre. Mur de bambous, bougainvillier, des pots de fleurs pour une future trans-plantation.
Photos au crépuscule (22h10).

bougainvillier bambous verts, jaunes, noirs fleurs en pot


Un libanais à Montereau

Cette après-midi réunion à Passy. Retour gare de Lyon à Vélib. Les pistes cyclables ont été bien améliorées, elles suivent la Seine de bout en bout rive droite rive gauche, avec traversée à pont de l'Alma.
Il y a énormément de cyclistes, mais aussi de cycloporteurs, comment cela s'appelle-t-il, des voitures cyclotractées pour touristes, qui prennent beaucoup de places sur les pistes cyclables.
Il faut être très attentif. Tout reste courtois, pas d'insulte, mais ce n'est pas si simple de naviguer en fonction des vitesses relatives des uns et des autres, sachant que les pistes sont prévues côte à côte pour les deux sens, sans couloir séparé (et heureusement, cela permet une meilleure adaptation aux circonstances).
La plus grande crainte, finalement, c'est le piéton inconscient qui traverserait sans estimer la vitesse des vélos lancés à sa rencontre.

J'arrive dans le train (ligne R), m'installe, sors Chronique des sentiments qu'il va falloir que je couvre d'urgence car comme tous les livres POL il s'abime très vite.

Le conducteur au micro: — On vient de m'informer d'un accident de voyageur à Bois-le-Roi. Notre train s'arrêtera à Melun, puis sera direct Montereau par Héricy.
(En clair, à Melun il prendra l'autre côté de la Seine et ne passera ni à Bois-le-Roi, ni à Moret).

Nous partons à l'heure. Je suis admirative de cette décision prise si vite. Il ne doit pas y avoir beaucoup de circulation sur cette branche.

Coup de fil à H. Il viendra me chercher à Montereau.
Je lis jusqu'à Melun, puis dans la voiture vidée je m'installe près d'une fenêtre. Nous suivons la Seine jusqu'à Champagne, tout le bassin que je parcours à la rame, c'est magnifique, Fontaine-le-Port, Héricy, je reconnais le cimetière où est enterré Malarmé.

Montereau. Les passagers qui descendent consultent les panneaux pour repartir dans l'autre sens; il leur faut atteindre les gares évitées par ce train (je songe qu'il suffit de plonger dans la Seine et flotter, le courant est dans le bon sens), le prochain train en direction Paris est dans une heure. Toujours ce pang de culpabilité impuissante, ceux qui ont les moyens ont des solutions, les autres trinquent. Chaque problème de transport le met en évidence.

Nous dînons dans un libanais (majuscule ou pas pour un restaurant? adjectif ou substantif?) le long de la rue principale, peu passante. La serveuse, fille du propriétaire, paraît rassérénée à constater que cela nous plaît. Nous détonons avec notre allure bourgeoise, cela me fait rire. Les gens comme nous vont plutôt à Fontainebleau, cela me fait de la peine (s'il y a un mépris, c'est bien celui-ci). Je crois que les personnes que nous croisons sont surprises mais contentes de nous voir là, contentes que nous ne (les) fuyions pas. Tout respire la pauvreté dans cette ville, les magasins fermés abandonnés (covid?), les magasins ouverts aux devantures décolorées, les jeunes hommes un peu trop musclés, les jeunes filles un peu trop maquillées. Je songe à Faulkner. Mais ici, tout est calme, serein, il fait bon en terrasse, deux femmes à côté de nous se racontent des anecdotes en riant beaucoup.
Falafels et kébés moelleux à souhait.

Choquée

Une nouvelle embauchée est arrivée aujourd'hui. Elle habite Provins. Pour être sûre d'être à l'heure elle a réservé des chambres d'hôtel tout le mois.

Grand désarroi:
— Mais enfin, vous ne pouvez pas faire ça! C'est le travail qui doit vous faire vivre, vous ne pouvez pas perdre de l'argent pour venir travailler.
— Ça me plaisait ici. Je voulais ce boulot. Et la ligne R, c'est trop incertain, surtout l'été, avec les travaux. Ce matin il y avait encore une grève surprise.

Je ne suis pas marxiste. Je ne fais pas de grande analyse du capitalisme car c'est toujours moins mauvais que le communisme.
Mais tout de même, quelque chose dysfonctionne profondément.

Chez les enfants

O et Y ont trouvé une maison et ont déménagé le week-end où nous étions chez mes beaux-parents, le 28 mai.

Aujourd'hui nous allions chez eux pour la première fois. Le voyage d'une cinquantaine de kilomètres a été rock'n roll, avec un parasol coincé derrière mon siège et dépassant d'un mètre de la voiture décapotée («s'il pleut nous ne pourrons pas le leur amener») et la crainte d'une panne d'essence (H. n'a jamais su anticiper un réservoir vide. Chacun ses faiblesses.)

Les enfants ont trouvé une maison de plain-pied extrêmement claire, aux larges baies vitrées et un joli jardin protégé des regards. Les bibliothèques sont remplies de mangas, de livres sur WoW et Harry Potter. Ils ont privilégié le bureau pour dessiner (Y) et celui pour jouer en ligne (O) et sacrifié la salle à manger classique. C'est peu conventionnel et ça me fait rire.
Sinon, il leur a fallu gérer les meubles en double, les lits, les canapés, etc. Leurs choix leur ressemblent, ça me plaît.

Déjeuner sur la terrasse. Il fait beau. La table est celle de la cuisine de Yerres et comme chaque fois que je la vois hors de cette cuisine (soit toujours, désormais), je la trouve petite: vraiment, nous mangions à cinq, voire six, autour d'elle? Ma vie passée ne cesse de me surprendre.

Par ailleurs, j'ai définitivement l'impression d'être passée dans le camp des vieux kroums puisque la génération suivante est définitivement sortie de l'enfance.

J'ai fait les soldes

Sortie en huit de pointe (une rame par personne, le huit officiel des compétitions internationales (le huit de couple est un huit de loisirs)), je suis au cinq, à bâbord (rame de droite). Sybille est absente, son fils a le covid. Coup de soleil. Les couleurs sur l'eau sont merveilleuses, bleu et vert profonds. Je peine encore après la maladie; en début de sortie j'ai l'impression que je n'y arriverai pas c'est long, nous n'avons pas encore atteint le virage, nous n'avons pas encore atteint la folie du château... puis je me demande quand nous allons passer le château lui-même et je m'aperçois que nous l'avons dépassé de cinq cent mètres: c'est bon, j'ai trouvé mon second souffle.

Quand je rentre, le jardinier a passé le motoculteur dans le jardin. C'était prévu; je m'attendais à un champ de labour, je découvre de la terre tamisée façon semoule que nous n'avons pas le droit de piétiner: le jardinier installe des planches entre le portail et la terrasse.



Après-midi : achat d'un pot de menthe et d'un parasol pour O. et Y. que nous voyons demain. C'est un test: réussirons-nous à le faire tenir dans la voiture? (Réponse oui, mais ça dépasse d'un mètre).

Puis virée à Fontainebleau: j'ai perdu une veste entre sweat et poncho achetée à Prague et il me manque quelque chose de chaud pour lutter contre le froid de la clim (c'est tout de même choquant d'en être là en pleine crise de l'énergie mais je n'y peux pas grand chose: j'arrête la clim qui redémarre d'elle-même. Le soir, je quitte le bureau en disjonctant les lumières car il n'y a pas d'interrupteur. Tout est bizarre et hors de tout bon sens.)

Je n'avais pas pensé que c'était les soldes. Je fais des essayages rouge écrevisse (c'est difficile à supporter car pendant des essayages on voit beaucoup sa tête). Je repars avec trois pièces qui me plaisent beaucoup (oui je le précise: car combien de fois on achète des pièces qui ne plaisent que moyennement. Maintenant que je n'ai plus d'espace de stockage, je ne peux conserver que des vêtements que je suis sûre de porter. Je vais donner deux chemises et une combinaison en jean. J'ai deux robes habillées et trois vestes en soie que je ne voudrais pas abandonner au hasard. Il faudrait que je les propose aux rameuses mais je n'ose pas.)
C'est drôle cette envie de fringues. Est-ce parce que je n'achète plus de livres?

Une glycine de moins

Avec Maria toute la journée (elle part à la retraite le 30). Ne pas avoir été sur site la semaine dernière a mis à mal le transfert de connaissances que j'avais planifié.

Le soir quand je rentre le jardinier a coupé la glycine blanche, ce qui donne une impression de mur pénitentiaire à cette partie du jardin. Il espère pouvoir sauver la violette en coupant les rejets et en dégageant la partie centrale. Ce sera pour cet automne.



Par ailleurs, j'ai reçu mon baptême de manager: la jeune embauchée du 15 décembre m'annonce qu'elle est enceinte. J'espère que le reste de l'équipe sera élégant avec elle, je redoute les remarques assassines.

Tailler la vigne

L'un de mes collaborateurs est descendu en urgence en Gironde: La grêle a cassé des tuiles de sa maison de famille.

Il a trente ans, est orphelin et a hérité des vignes de ses parents:
— Et tes vignes, ça va?
— Pour la récolte de cette année, ça ira. C'est la récolte de l'année prochaine qui va être compliquée… quand on va tailler à l'automne.
J'essaie de comprendre.
— Tu veux dire qu'il sera difficile de tailler parce que le bois est abîmé?
— Oui, ce sera difficile de tailler les bois fragilisés.

Et c'est ainsi que j'apprends que la grêle de cette année compromet la récolte de l'année suivante.

Sériphage

Le résultat du test PCR arrive dans la nuit (SMS à trois heures du matin (non je ne l'ai pas lu à ce moment-là)). Nous avons tous les deux le Covid.
(Je n'aime pas le terme de «positif». Il paraît que cela signifie malade, mais moi je l'assimile à séropositif, c'est-à-dire non malade mais vecteur de transmission. Pourquoi dit-on «je suis positif» plutôt que «je suis malade»?)

Deux jours que je travaille en regardant Trois pour cent sur Netflix. Série SF portugaise très classique, thèmes et dilemmes ressassés jusqu'à la corde. Cela permet de voir d'autres acteurs que les habituels Américains. L'une des héroïnes me fait penser à Hermione enfant.

Tard le soir je bascule vers une série russe, Meilleurs que nous. C'est une variation autour des lois de la robotique d'Asimov, ça me fait penser aux Cavernes d'acier (à mon avis, série (de livres) bien meilleure que les Fondation).
A bien y réfléchir, cette série russe est bizarre car d'une certaine façon il n'y a pas d'intrigue: on sait qui a tué, il n'y a pas vraiment de méchant (juste un ou deux personnages antipathiques), un groupe d'opposants anti-robot est sympathique parce que jeune et dissident, mais sans que le film ne prenne fait et cause pour eux, il se contente de les montrer. Ce qui fait que le spectateur continue à regarder, c'est qu'il anticipe un drame, une catastrophe; il l'attend.
Mais jusqu'ici (quatre épisodes), rien. La série porte plutôt sur les choix personnels (enfants, couple, travail, défis adolescents) que doit faire chaque personnage.
Etrange.

Remords et regrets

5h20. De façon inhabituelle je consulte mes mails sur mon téléphone (normalement je me contente d'allumer la radio).
Et c'est alors que je découvre un mail de Nicolas de vendredi qui nous apprend qu'il était cas contact mardi à l'oulipo, malade jeudi.

Zut. Pourquoi n'ai-je pas regardé mes mails de près ce week-end?

Autotest. Positif aussitôt, dans la seconde où le liquide touche la bandelette.
Zut. Pourquoi n'ai-je pas fait un test samedi? J'étais tellement persuadée que c'était une rechute due à la clim, la toux et la fièvre étaient tellement les mêmes. Zut. J'ai dû contaminer la vendeuse de chaussures, j'aurais dû mettre un masque, je suis trop con. Et peut-être la jeune fille dans le train — mais peut-être pas, j'avais si froid que je m'étais recroquevillée le visage contre ma manche pour me tenir chaud avec mon souffle.
Et H.? Jamais je ne regarde un film avec lui, parce que je trouve idiot de regarder un film sur un iPad1 quand on a un grand écran à disposition — sauf que celui-ci étant au dernier étage il faisait trop chaud et que les chips et le gin devant un film sans enjeu c'était cool.

Autotest négatif pour H. Mais il tousse comme moi et m'accompagne chez l'infirmière pour lui aussi faire un test PCR. Nous portons nous-mêmes la pochette des prélèvements au laboratoire. La rue principale est jonchée de tuiles cassées, les carosseries sont bosselées, les pare-brises fendus. Des portions de trottoirs sont interdites à la circulation à cause des risques de chute de tuiles. Au retour, nous passons devant l'entrée du loft jumeau du nôtre (elle donne dans une autre rue). La propriétaire est en train de balayer, son toit est bâché, sa verrière a éclaté: «on était en dessous, j'ai juste eu le temps de tirer mon fils et de le projeter sur le canapé».

Ce matin H. est allé voir la voiture: cratères dans la carosserie, pare-brise fêlé, rétroviseur éclaté. Nous nous en tirons plutôt bien par rapport à d'autres.

pare-brise fêlé par la grêle






Note
1 : lui qui a une très mauvaise vue voit mieux sur les écrans Mac, la définition et la luminosité sont meilleures. Au fur à mesure que ma vue baisse je comprends mieux son point de vue.

Longue journée

H. a dormi sur le canapé au rez-de-chaussée pour échapper à la chaleur (et à ma fièvre).
Quand je me réveille, je découvre qu'aux alentours de minuit, sans doute parce qu'il n'arrivait pas à dormir, il a entamé une discussion politique avec C. sur le groupe familial WhatsApp.
Mauvaise idée, ça s'engueule sec.

9h - Café, croissants. Ma fièvre est stable à 38, je souhaite tenter Bernstein.

Jusqu'à Champeaux, blé, plus doré au sud qu'au nord où les tiges sont encore vertes (explication absurde: il n'y a que quinze ou vingt kilomètres de différence. Et pourtant mon observation est exacte, c'est l'explication qui est fantaisiste: l'explication, je ne la connais pas).
Magnifique matin.

11h10 - Collégiale de Champeaux. Nous sommes dix minutes en retard. En entrant dans l'église, j'ai un choc: elle est quasi vide. Je m'attendais à un auditoire, une foule, même petite: la nef est vide, un petit groupe est massé dans les stalles. Une chorale chante, je comprends soudain que «Messe» sur le progamme du festival signifiait réellement messe, ce n'était pas une pièce de musique, mais bien une messe entrecoupée de morceaux de Berstein. Cela me plaît, j'ai toujours regretté de ne pas assister à une messe (un office) telle que Bach pouvait les conduire.
Nous nous asseyons dans la nef. Elle réverbère trop, le son n'est pas net. Je sens H. se raidir. Une messe, c'est beaucoup pour lui qui pense que la religion est la mère de toutes les guerres.
La première lecture parle de Melchisédech, l'écho empêche de comprendre, je sors mon téléphone pour retrouver les lectures du jour. Je découvre alors que C. a quitté le groupe WhatsApp. Ça n'a l'air de rien, mais c'est de fait le seul lien qu'il conservait avec nous. Il ne fête pas Noël, ne souhaite pas les anniversaires, ne remercie pas pour les cadeaux, ne contacte pas ses grands-parents, condescend vaguement à répondre au téléphone de temps en temps.
Donc c'est fini, pour une discussion politique. J'ai envie de rire.

H. se lève: «Je vais faire un tour, tu peux rester». — Non, je viens.

11h30 - Auberge de Crisenoy, (on y parle letton et russe), la carte ne nous tente pas; auberge de Sivry-Courtry, c'est plein; l'Alhambra à Fontainebleau. Le propriétaire est charmant, le couscous délicieux. C'est la meilleure pastilla que j'ai mangée en France.
Le patron nous explique qu'avant le Covid il avait un restaurant de quatre vingt couverts. Maintenant il en a une quinzaine et fait surtout de la vente à emporter: «c'est pas la même fatigue, pas la même responsabilité». Toujours le même témoignage: «certains se sont enrichis avec le Covid. Ils ont empoché les aides et ont mis la clé sous la porte».

14h30 - Vote. Je suis contente de m'être désistée en tant qu'assesseur: à l'origine parce que je voulais aller à Champeaux, mais aujourd'hui cela aurait été difficile avec ma toux et la fièvre.

15h - L'après-midi O et Y passent chercher des outils de jardin pour leur nouvelle maison. Ils sont choux.

19h - Allongé sur le canapé, H. lance sur son iPad Une famille à louer que nous avions vu à sa sortie. Je m'installe à côté de lui sur un tabouret avec un bol de chips et vingt centilitres de gin Juillet.

20h10 environ - Nous avions presque oublié les résultats des élections. 52 ou 54% d'abstention, pas de majorité absolue, un groupe pour les RN. Tout le monde proclame avoir gagné. Beaucoup de ministres ne sont pas élus.

22h30 - Orage. Grêlons comme des balles de ping-pong. Par réflexe, je sors balancer les coussins de fauteuil sur la vitre de la table de jardin pour la protéger. Plusieurs grêlons me font des bleus sur les bras.
La verrière du puits de lumière (trois mètres par trois) tient.
Quand l'orage s'apaise, nous entendons un bruit d'assiettes. Je connais ce bruit, ce sont des tuiles cassées. Les voisins sont en train de dégager leur toit.

38

Il fait aussi chaud dehors que dedans (dedans de moi : je suis chambrée).

Fièvre, toux, nouvelle infection ou c'est le foyer du 28 mai non guéri. Depuis O. j'ai peur des infections sournoises (Fredi, c'était avant le covid: il y avait déjà des maladies à l'époque, qui le croirait?). J'essaie de trouver un médecin qui 1/ consulte le samedi 2/ ait de la place.
Peine perdue. Je comprends mal le principe qui consiste à prendre rendez-vous à l'avance chez le médecin: comment sait-on à l'avance qu'on va être malade?
Toujours le même conseil sur les répondeurs: «appelez le 15».
Mais je ne vais pas déranger les urgences pour de la fièvre, j'ai ma fierté.

Je joue à CandyCrush littéralement toute la journée, j'ai acheté un crédit de 24 heures. Dehors il fait 38, au rez-de-chaussée 27, au premier (où je suis) 33, au second 40 (pas de volet, pas de rideaux. Les stores que nous devons installer ne seront pas disponibles avant septembre. Nous devons faire percer une fenêtre à la place de la baie inamovible mais les matériaux manquent. Pas avant l'automne non plus).

La fièvre oscille en restant à un niveau raisonnable.

Demain je devais aller au festival de Champeaux pour écouter des passages de la Messe de Bernstein. Zut de zut, je suis très déçue. Je repense à Sophie qui lors de l'Oulipo mardi dernier me disait, en référence aux confinements successifs chaque fois que je programmais une soirée anniversaire pour nos trente ans de mariage, à la guerre en Ukraine quand j'ai programmé un voyage à St Pétersbourg: «Ne fais plus de projet! Tout à l'improviste, au dernier moment!»

J'y pense : nous avons bel et bien mis en route un projet aujourd'hui (malgré tout il faut continuer: souvent je pense à Kipling, que ce soit devant une petite déception quotidienne ou le tableau immense de la guerre).
A force de bavarder avec le fleuriste (à côté du boulanger), H. a appris qu'un de ses fils habitait en face de chez nous (une Tesla et une Ford Mustang dans la cour minuscule, c'est un dingue de bagnoles, donc avec notre petite voiture rouge, nous avons droit à un a priori favorable) et que l'autre était jardinier (ingénieur jardinier, je ne savais pas que ça existait) et travaillait pour le château de Fontainebleau.
Ce fils intervient également chez les particuliers. Il était passé voir ce que nous souhaitions, il revenait aujourd'hui nous présenter un projet.
Nous avons été médusés: il a sorti un carnet de croquis, bâtiments et fleurs et arbres placés en volume: «avant j'utilisais Sketchup, mais je n'ai pas pris le temps.»
Ah ben mince alors. C'est un jardinier très tech, qui nous propose un arrosage branché sur internet et qui arrose en fonction de la météo… («J'ai mis ça chez moi, c'est super pratique»).
Pour couronner le tout, il ressemble au roi de coeur des jeux de tarot, avec des yeux vert gris (le t-shirt assorti, ce qui prouve qu'il en est parfaitement conscient).
On lui a laissé la clé du jardin. Il viendra travailler le soir, commencer par «un coup de propre», comme il dit (débarrasser les pierres, l'auvent en bois, enlever l'une des glycines, passer le motoculteur pour évaluer la qualité de la terre).

La clim m'a tuer

Matin : je reprends l'ergo pour la première fois depuis le 28 mai. J'ai décidé d'abandonner le programme de Vincent pour continuer les 600 calories challenge. L'étape 1 avait été difficile (incapable de monter à 34 de cadence), mais j'adapte et maintient des cadences plus basses.

Je retourne au bureau rouge tomate. Je suis fatiguée. A midi je vais dormir dans l'église proche (oratoire Saint Jean-Paul II); j'ai l'impression de ne pas réussir à dormir et me réveille en sursaut vingt minutes plus tard à la sonnerie du téléphone. Il fait très chaud sur le boulevard.

Le soir, glace chez Raimo. Puis place de la Madeleine pour acheter des chaussures, beaucoup de chaussures. Toutes mes chaussures actuelles me font mal, sont devenues coupantes. Mes pieds ont changé, se sont élargis avec l'âge. Quant aux chaussures utilisées après mon opération de 2019, elles sont déformées et trop larges. Toutes sont sans doute à jeter, car à qui les donner? Qui peut porter des chaussures trop portées? Mais c'est une décision difficile à prendre que de jeter des chaussures qui ne sont pas trouées ou déchirées.

Je passe un très long moment dans le magasin de chaussures. Il y fait bon, pas froid comme il faisait froid au bureau. J'essaie toutes les formes et toutes les couleurs, pour finalement rester très classique: des talons hauts, une paire noire, une paire beige, des bottines bleues marine et des tressées dorées. J'abandonne l'idée de reprendre des rouges, j'aurais aimé des roses vernis mais il n'y avais pas ma taille.
Ça fait du bien (au dos, à la cambrure) de reporter des talons, quatre ans que je suis à plat (avant mon opération j'avais trop mal sous le pied (métatarsien du gros orteil)), j'avais envie de me repercher.
C'est un tel soulagement des chaussures qui ne font pas mal, qui ne blessent pas; des chaussures qu'on ne sent pas.

Je reprends la 14. Le train est blindé. Je me retrouve coincée entre la fenêtre et une grosse dame, mes quatre boîtes sur les genoux. Je ne peux pas bouger. L'air qui tombe le long de la fenêtre est glacé. Je ne sais plus comment me protéger, je roule mon écharpe en boule contre mon oreille, je vais attrapper une otite, impossible de s'endormir malgré la fatigue.

Moret. Il fait trente degrés. Je rentre. Je me sens faible. Thermomètre. 38°2. Zut.

Enfin !

Un mail ce soir :
Cher étudiant,

Nous sommes heureux d'accueillir de nouveau Madame Anne-Catherine Baudoin cette année au sein de l'ICP.

Si vous êtes intéressés pour suivre de nouveau son cours pour trouverez les renseignements nécessaires sur le lien suivant : Lecture en grec de la Septante et du Nouveau Testament.

La Princesse de Clèves

Ligne 1 vers neuf heures.

jeune fille lisant la Princesse de Clèves dans le métro


AG de la mutuelle.

Dans mes projets, j'aurais dû partir demain pour Saint-Pétersbourg, au moment du solstice.
Comme m'a dit Sophie, faisant allusion au fait qu'à chaque fois que nous avons voulu fêter nos trente ans de mariage nous avons été reconfinés, «ne fais plus de projet, tout au dernier moment».

Rentrer chez soi

Je savais qu'il n'y avait plus de métro 14 à partir de 22 heures (depuis Noël: mais que font-ils?). Cependant j'ai pris délibérément la décision de rester malgré tout: dernier oulipo, deux ans de confinement, j'ai raté des séances cette année, restons.

A 23 heures, je prends un vélib en bas des marches de la bibliothèque côté Seine, je pédale jusqu'à gare de Lyon.

Ce que je n'avais pas prévu, c'est qu'il n'y aurait plus de trains, même jusqu'à Melun: bus jusqu'à Montereau ou Montargis (mais aussi Combs-la-Ville, Corbeil-Essonne, etc: mais que font-ils, bis).

Bus dans la gare routière, c'est-à-dire le long de la voie 23: ah, il y a une gare routière à cet endroit? Plusieurs bus, tous pleins, mais nous sommes assis malgré tout. Départ théorique à 23h55, mais le bus précédent est en retard, donc part en avance (d'un certain point de vue), vers 23h40 (c'est toujours ça).

Autoroute A6, le bus fonce dans la nuit, je tente de dormir, avec difficulté, ce qui est rare me concernant. Fontainebleau. Le bus de 23h55 nous a rattrappés, notre conductrice nous fait le prendre puisqu'il va à Montereau: elle va à Montargis et une fois que nous aurons changé de bus, elle ne s'arrêtera pas à Thomery et Moret. (C'est prendre le risque de laisser sur le carreau d'éventuels voyageurs Moret-Montargis, mais à une heure du matin, elle fait le pari de leur inexistence).

Moret. Je rentre à vélo à la maison, j'arrose les plantes, un broc (un litre) pour l'olivier, un broc partagé pour l'azalée et le petit rosier; les deux rosiers grimpants; la verveine et la menthe; le persil, l'estragon et la ciboulette (ces deux derniers sont exubérants dans la chaleur).
Démaquillage.
Lit.

Dernier jeudi de l’oulipo

Toujours un mardi, mais dans le petit auditorium: je ne sais si c’est parce qu’il y avait une conférence dans le grand, j’ai aussi entendu parler de travaux.

J’ai enfin appris la différence entre «cassis» et «dos d’âne», dans l'expression figée «cassis ou dos d’âne» du code de la route: le cassis est un creux, un affaissement, qui soulève le cœur comme sur les montagnes russes (j’adore ça mais il en reste très peu); le dos d’âne n’existe quasiment plus à l’état naturel, remplacé par le gendarme couché (depuis notre voyage aux US, appelé «bump» dans la famille).

Soirée au restaurant asiatique entre oulipotes. Quatorze ans déjà, quand je retrouve des photos j’observe la trace des ans.
Soirée drôle et très variée, les phases de la lune et les moyens mnémotechniques (à inverser dans l’hémisphère sud); les rails de droite plus usés que ceux de gauche dans l'hémisphère nord) à cause de la force de Coriolis (au bout d'un certain temps il suffit de les échanger avec les rails de gauche de l'Afrique du Sud); la physique (mystérieuse) du mouvement de balançoire (faut-il les bras ou pas, est-ce possible avec des barres ou faut-il des cordes); le mystère du chat qui se retourne (d’où vient l’énergie du mouvement); les poèmes de Queneau; Alphonse Séché; les différents carrés inscrits dans une forme quelconque (pour déterminer le centre de la France); discussion qui nous mène aux tables à quatre pieds sur un sol inégal (pour les stabiliser, il suffit de les tourner lentement moins qu’un quart de tour sur elles-mêmes).

La liste (la mailing liste) des typographes est psycho-rigide (mais la liste Oulipo, pas du tout).

La prochaine réunion sera le 4 octobre. Avant, nous devons nous revoir chez Nicolas le 25 juin, mais tous ne seront pas là.

Tex Mex

Tabata le matin plutôt qu'ergo (séance plus courte, pour la reprise). Je tousse à plat sur le dos (les abdos) mais plus à l'effort cardiaque (l'essoufflement). J'ai décidé de partir plus tard car le soir je me décale beaucoup.

Canicule prévue cette semaine. Magnifique bleu profond à 7h47 de la Seine à Melun.

Seine à Melun à partir du train


Déjeuner avec une fournisseur. Si nous avons des anecdotes concernant notre déménagement, elle nous bat largement: déménagement avenue de la Grande Armée dans un espace de co-working. Cependant, parce qu'ils travaillent dans la santé, un espace privatisé a été aménagé, avec un sas d'entrée. La canalisation des eaux usées (toilettes) a explosé au-dessus du sas. Quatre étages de m*** se sont déversés dans le sas, l'eau marron qui monte...: «Et puis l'odeur... malgré le nettoyage, ça reste.»

Le soir, H. me propose de venir me chercher à la gare de Fontainebleau pour manger sur place. C'est aussi un test: combien de restaurants ouverts dans la ville un lundi soir, ce qui constitue une mesure de provincialisme.

Le résultat est en courageant.
Nous dînons en terrasse dans un Mexicain.

Assesseur titulaire

Cette fois-ci je suis titulaire. Je tiens le bureau entre onze et quinze heures. C'est calme, la participation est inférieure aux présidentielles.
Je reviens à dix-huit heures pour le dépouillement.

Nous avons une différence de un entre le nombre de signatures et le nombre d'enveloppes. Quelqu'un a dû partir en oubliant de signer. C'est notre plus grande crainte pendant la journée (ça et les personnes qui s'installent pour bavarder).

Le dépouillement va assez vite. Je suis surprise par le peu de votes blancs ou farfelus. Les gens ont voté utile, c'est très peu éparpillé.

Je rentre sans attendre les résultats des deux autres bureaux: Jérôme au Portugal en sait plus que moi ici, il a des taupes dans tous les bureaux. Il n'y a qu'à attendre les messages sur WhatsApp.

Septiers, vieux Modem ancien maire de Moret qui n'accepte pas que les Morétains ne veuillent plus de lui; Gérôme-Delgado, Nupes parachutée ici parce qu'on met les filles dans les circos ingagnables; Lioret, RN; Thiériot, LR sortant: c'est l'ordre d'arrivée dans les bureaux de Moret centre.

Ce n'est pas représentatif de MLO dans son ensemble (Moret-Loing-et-Orvanne), qui échange les deux premiers, ni de la circo, qui classe Nupes en premier et LR en second (ce qui signifie que les RN modérés ont voté utile en votant LR dès le début).

Nous sommes soulagés de ne pas avoir à choisir entre Nupes et RN (car pour nous (je sais que certains ne nous comprennent pas et ne voient pas notre point de vue), Mélenchon est de la graine de dictateur).

Revu Zvezdo

Passage au dessus de la Seine à Melun à 7h16.

Seine vue du pont du RER de Melun à 7h16


Joie et bonheur, Zvezdo m'a invitée à passer chez lui à quatre heures. En général c'est toujours moi qui provoque les rendez-vous, ça fait plaisir que ça se passe dans l'autre sens (je sais que je suis parano, il faut que je fasse avec).

En faisant quelques recherches dans ce blog, je me rends compte que je mélange toutes les fois où nous nous sommes rencontrés. Lui a un souvenir plus net et est capable de me dire que la dernière fois que nous nous sommes vus, c'était pour L'enfance du Christ.

Bière et papotage, détails familiaux. Zvezdo me fait rire dans ses emportements, les pigeons, son voisin du dessus, la mauvaise organisation des pompes funèbres, le maire de Dun-sur-Meuse… Il y met beaucoup d'humour, même lorsque les circonstances sont tristes ou dramatiques.

Il me pose la question qui tue: «Alors, prête à travailler à jusqu'à 65 ans?»
Ça m'interloque. En fait je ne comprends pas pourquoi cela paraît être si inconcevable pour la plupart de mes contemporains alors que moi je n'y pense pas, je n'y pense jamais.
Est-ce parce que depuis que les enfants sont partis j'ai l'impression de sortir de mes études et d'avoir vingt-cinq ans? Est-ce parce que je suis en pleine forme, même si mes yeux déclinants prouvent que je suis sur la pente descendante? Est-ce parce que mon boulot m'a permis de comprendre à quel point le statut de retraité vous mettait à part de la vie, comme au rebut, et que je n'ai pas envie d'être au rebut? Ou est-ce parce que j'espère encore trouver un emploi dans lequel je serai utile alors que si je fais le compte de mes années actives, elles ont été inutiles et sans intérêt?

Je trouve ça triste que tant de gens attendent la retraite comme un refuge à atteindre à tout prix. Cela signifie-t-il que toute leur vie n'est qu'une parenthèse? Ne commencent-ils à vivre qu'à la retraite?

J'ai perdu la notion de l'heure. H. m'attend.
Passage au dessus de la Seine à Melun à 20h42.

Seine vue du pont du RER de Melun à 20h42


Rien

H. à Lille.
Télétravail pour attendre le technicien Véolia : il m'a fait prendre une photo du compteur qu'il changeait. Voilà tout.

Travail le nez dans le guidon en écoutant la saison 4 de The Good Fight. Il faut que je télécharge la 5. Frustration que ce ne soit pas disponible en France.
Aberration diététique: j'ai fait cuire une galette bressane.
Tout effort me faisant tousser, je n'essaie même pas d'aller ramer.
J'ai rechargé Candycrush.

Un fait bizarre

J'ai du mal à voir quoi que ce soit de marquant dans cette journée.

Alors je vais vous traduire un fait bizarre (tweet qui répond à la question: «Citez un fait qui vous étonnera toujours»):
Allez sur Wikipedia, choisissez un article au hasard.
Cliquez sur le premier mot cliquable de l'article en dehors de parenthèses, puis de même sur l'article sur lequel vous arrivez, et ainsi de suite.
Vous obtiendrez l'un des résultats suivants:
- soit vous serez pris dans une boucle,
- soit vous atterrirez sur l'article «philosophie».
De façon générale, si vous lisez l'anglais, les réponses à la question sont passionnantes. (Il faut cliquer régulièrement sur "voir plus de tweets" (c'est assez énervant), sinon vous allez passer sur d'autres fils sans vous en apercevoir.)

Evocation flaubertienne

J'ai enfin les affiches du candidat Modem. Entre six et sept heures, je fais ma tournée des panneaux de MLO (Moret-Loing-et-Orvanne).

Près de l'église de Veneux, un panneau que je pensais provisoire mais qui persiste fait ma joie:

vous-etes-ici


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Panneau devant la mairie d'Ecuelle. J'en reste ahurie. Quel résumé.

panneau devant la mairie d'Ecuelles


De gauche à droite:
- la photo de deux illuminés1 illustrant soit un appel au don pour les terres desséchées du Sahel, soit un hymne à la vie façon Roi Lion;
- des affiches pour une fête traditionnelle, affiches imprimées en A3 sur une imprimante de mairie puis collées bord à bord;
- l'annonce de la balade des reliques de Ste Thérèse et de la famille Martin («Quel fanatisme!», citation de la phrase finale de l'épisode du comice agricole de Madame Bovary (ce panneau m'a aussitôt évoqué ce discours));
- un festival local de hard-rock.

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Journée de télétravail.
En préparant le guacamole, H. regarde Roland Garros et tombe sur Nadal contre Zverev, un match de toute beauté (qui me croira si je dis que c'est la première fois que je vois Nadal?)
Soudain le drame, entorse de Zverev, abandon. C'est déchirant.

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Le soir, réunion "politique" prévue de longue date: en fait, réunion amicale qui consiste à boire un verre (des verres) et à grignoter en racontant des souvenirs et des bêtises.

J'en suis enchantée.



Note
1: Place publique, c'est le mouvement de Glucksmann.

Les transports agaçants, toujours

H. travaille à Paris, donc rendez-vous chez Gemma, le restaurant italien rue Traversière.

Agacée: lorsque je veux déposer le vélib que j'ai emprunté pour aller au restaurant, plus une place, toutes les stations sont pleines. «Ils» ont blindé les stations autour de gare de Lyon à six heures de soir, ce qui n'a pas de sens (puisque les gens vont à la gare le oir, en partent le matin), alors que les stations plus lointaines comme boulevard de Reuilly sont vides.
De façon générale, la rotation des vélos (qui consiste à ramener en remorque des vélos dans les stations vides) est très mal programmée. Je me demande même si elle existe encore.

Je fais trois stations avant de trouver une place à la quatrième. Ça m'agace. Je songe à me désabonner de Vélib et à amener mon propre vélo pour le laisser à Paris.

Une fois encore j'arrive en retard, un quart d'heure ou vingt minutes, c'est mieux que la dernière fois (je plaisante, j'ai honte).

ballotin accompagnant le café chez Gemma


Nous arrivons dans la gare de Lyon à 20h44 pour un départ à 46. Je ne dirais pas que c'est large, mais cela aurait dû être facile. Sauf que la première et deuxième rame (rame, pas voiture) sont condamnées, elles restent à quai, garées pour le lendemain. Il faut donc piquer un sprint jusqu'à la troisième. J'essaie, mais avec ma toux, c'est impossible. Je reviens à la marche, espérant que comme souvent, le chef de gare sifflera1 avec bienveillance.

Nous montons dans un train bondé, tous les voyageurs tassés dans une seule rame.
Mais pourquoi? Pourquoi tasser tout le monde dans une rame; qu'est-ce que ça coûterait d'en prévoir deux; une rame ou deux, c'est le même nombre de conducteurs, non? Est-ce parce qu'il faudra les nettoyer avant qu'elles ne repartent? Est-ce pour ralentir l'usure?
C'est agaçant.



Note
1: Patatras : une recherche Google m'apprend que les chefs de gare n'existent plus.

Votez Gédéon

Affiche du parti animaliste (PA) :

Affiche du Parti Animaliste en 2022. Un Canard


Il est magnifique. Il donne très envie de voter pour lui.

Est-il normal que le monde me paraisse partir tout de travers depuis 2015 ou 2016, depuis Trump, à peu près? Qu'il me paraisse si bizarre, si étrange, si curieux, et donc, finalement, si intéressant à observer? L'a-t-il toujours été, et n'étais-je pas attentive, trop absorbée par le quotidien, ou quelque chose a-t-il réellement changé?

Théodoret de Cyr

J'ai revu Laura aujourd'hui. Elle m'a parlé de Théodoret de Cyr et d'exégèse et d'épîtres aux Romains. Cela m'a reposé.

J'ai appris qu'on prononçait antiochien comme dans chien, et non antiokien comme je le pensais.

C'est étonnant tout de même que dans cette société déchristianisée il y ait une dizaine d'étudiants en patristique («étude de l'Antiquité tardive») inscrits à la Sorbonne.

Malade

4h30 : je me réveille, j'ai froid, je pense «je ne ferai pas de sport aujourd'hui». Je me rendors.
5h : j'ai froid. Je tire les couvertures, je me dis «je vais rester en télétravail», jamais le courage de prendre les transports.
5h20 : Le réveil sonne. Je prends ma température. 38°6. J'écris un message sur Teams pour dire que je reste en télétravail.

Je me rendors. Grasse matinée.
38° à 7 heures, sans avoir pris de médicament. Tousser fait très mal, déchire les poumons, à un endroit où il n'y a pas de poumon je pense, juste derrière le sternum.

Je travaille toute la journée, sur un dossier que je repousse depuis janvier, en dormant dix minutes de temps en temps. La fièvre tombe dans l'après-midi. Vers le soir, je lance The Good Fight en toile de fond.

Concert de poche

Concert de poche à Montigny dans un gymnase (pardon: une salle polyvalente). Tandis que les notes de Mozart s'élèvent, je me représente les salons viennois du XVIIIe siècle. J'imagine tant de commentaires contradictoires. Partir à la rencontre du public plutôt que l'attendre. Il est temps.

Piano et direction : François-Frédéric Guy
Orchestre de chambre de Paris

Mozart, Concerto pour piano N°12 en la majeur, K.414
Aurélien Dumont, Ecoumène, concerto pour piano et orchestre
Beethoven, Syphonie N°4 en si bémol majeur, Op 60

Les pièces sont présentées par Pierre-Alain Braye-Weppe. Je ne sais pas qui c'est (bon, maintenant j'ai googlé), mais il est très bon.

Après la pièce de Dumont (noonnn, pas le polystyrène!!), H. commente:
— Comment faire voter RN toute une salle.1.
Je ris: — Pas sûr. Les élèves de collège que le classique ennuie, ça leur fait peut-être du bien de découvrir qu'on est libre, qu'on peut faire ce qu'on veut.

La quatrième est menée à un train d'enfer. Les bois ont l'air de beaucoup s'amuser.



Note
1: il triche, la circo 3 vote déjà RN.

Visite express

Aller-retour à Châlons pour voir mes beaux-parents.
Test avant de partir car je ressens une gêne dans la poitrine. La promenade dans les champs d'hier soir a réveillé mon vieux fond allergique.

Eoliennes dans la plaine. Où sont les câbles? Enterrés?


char romilly à romilly


Je ne suis pas sûre de comprendre si c'est ce char, celui-ci précisément, appelé Romilly, qui est entré dans Paris, ou s'il s'agit d'une catégorie de chars dont celui-ci serait un représentant.

Billard

Je ne prends plus beaucoup de temps pour rien. Je vais donc juste laisser des pistes au cas où j'ai le temps de développer plus tard.

Pont de l'Ascension. Bureau désert. Glace au Raimo avec H. qui m'y a rejointe. Très bonne glace aux noisettes (ne pas confondre avec praliné). Nous passons au Shoot again pour nous renseigner sur des cours de billard. Très joli passage, «Cité Debergue», rue pavée. Toutes les infos du site datent d'avant la pandémie et son fausses. Le barman est très sympa. Nos queues sont-elles démontables, pliables, transportables? Il vaut mieux jouer avec son matériel pour acquérir des sensations.
La rue du Rendez-vous est en fait du «Rendez-vous de chasse.»

Tentative à l'auberge de Dormelles, au restaurant la Forteresse (c'est un golf) à Thoury-Ferrottes. Tout est fermé. Drôle de façon de concevoir le commerce. Retour à notre cantine, la Dame du lac à Moret.
Bobun.

Farniente et miscellanées

Journée morne. Bien que n'ayant pas ramé je dors une grande partie de l'après-midi.

Messe de l'Ascension. J'apprends avec stupéfaction que les reliques de Thérèse et de ses parents seront là demain.
Je ne devrais pourtant pas être stupéfaite: j'avais vu il y a dix jours qu'elles venaient à Surville .
Mais l'idée que l'on promène des reliques me paraît… so glauque et so XIXe. Et si surprenante en soi. Si incompréhensible.

Je tourne sur Netflix. The f***-it List. Intéressante idée: avoir raté sa vie à dix-sept ans. Ça me fait doucement glousser.
Mais pas tant que ça: à quel âge a-t-on «raté sa vie», c'est-à-dire est-il trop tard pour commencer ou recommencer?
Je connais les optimistes ou les programmés qui se sentent obligés de vous répondre: «Jamais, il n'est jamais trop tard».
Certes ce n'est pas faux. Cependant, quand on fait beaucoup d'ergo (= ergomètre = rameur) comme moi, on sait bien que si on a prévu de ramer quinze minutes, on peut influencer sa moyenne de vitesse pendant dix minutes, mais que plus on approche de la fin, plus il faudra un effort immense pour compenser la mauvaise moyenne obtenue jusqu'alors, jusqu'au point où il faudrait atteindre une vitesse supersonique pour mathématiquement compenser la lenteur du début (alors que l'inverse est bien plus simple: si vous arrêtez de ramer, alors vous n'atteindrez jamais le but, de façon certaine).

Je songe à Simone Veil, à une réflexion à propos du retour des camps: «le plus dur, c'était pour les plus âgés. Nous, nous avions quinze ou seize ans, toute la vie à construire. Mais ceux qui avaient cinquante ans, qui avaient tout perdu, ils n'avaient plus le temps, il n'était plus possible de reconstruire.»

Ourlets et boutons devant la saison 3 de Colony. Ce n'est pas très bon (scénario peu rigoureux qui oublie des détails du passé) mais illustre bien la difficulté de prendre des décisions en univers incertain: quelles que soient les rationalisations qu'on se donne, il s'agit en définitive de pile ou face.

Les détestations alimentaires (végétariens s'abstenir)

Repas marrant offert par un fournisseur. Bonne adresse: les Zygomates rue de Capri dans le 12e.

La commerciale en face de moi a mangé du cochon d'Inde en Amérique du sud «avec la tête dans l'assiette». Mouvement d'horreur du commercial.
— Les autres ont goûté du ver blanc. Il paraît que c'est bon, sucré. Moi je n'ai pas pu.

D'où cela est-il parti? Des écrevisses américaines dans le marais poitevin? (la commerciale est niortaise).
— Ils font du pâté de ragondin, aussi.
— Vous vous rendez compte de ce que vous dites? Vous mangez du rat?
— Mais ce n'est pas du rat d'égoût, ce n'est pas pareil.
— Vous connaissez Demolition man, le rat-burger?

— Et vous, qu'est-ce que vous ne mangez pas?
Je réfléchis.
— Déjà, si vous êtes obligée de réfléchir…
— La cervelle. Avant, j'aurais dit les choux de Bruxelles, mais depuis que j'en ai mangé avec du gibier à Strasbourg…
— Ah oui, moi c'est pareil, je n'aimais pas […], mais depuis […]

— Pas les insectes.
— Ma petite-fille elle adore ça.
— Mais qui donne des insectes à son enfant?

— J'adore les oreilles de porc.
— Mais c'est plein de cartilages! Pourquoi manger ça?!
— Et les groins? On nous a apporté une soupe de groins, les groins fottaient à la surface, j'adore ça.

Etc, etc. Si bruyants que nous avons gêné la table derrière nous, j'en ai peur.

****


Oulipo le soir. Plus nombreux que souvent. Il fait chaud. Nous montons à l'étage du French Eyes.

Deux points marquants:
Information par Nicolas : l'écart social accepté socialement en France entre les membres d'un couple est son âge divisé par deux plus 7 (exemple: si vous avez 60 ans, vous pouvez prendre un conjoint de 37 ans). L'intéressant de cette règle est qu'elle n'est pas purement proportionnelle.

Information de GEF : X est de venu millionnaire grâce aux bitcoins. C'est un musicien doué, maladivement jaloux. A la suite d'une rupture amoureuse, il s'est réfugié dans une ferme (près de Saint-Etienne?) en mangeant peu et ne se chauffant pas. Soudain il s'est mis à rechercher dans ses disques durs des traces des bitcoins qu'il avait acheté des années auparavant. Bref, il se retrouve millionnaire, sans rien changer à sa vie, mais en aidant des amis.

Vivre

Depuis plusieurs semaines on (les médias) nous assurait que Poutine voudrait une journée du 9 mai exemplaire, qu'il fallait s'attendre à un carnage en quelques points d'Ukraine, peut-être à une tête nucléaire dont la cible était peu claire.

J'y croyais; depuis plusieurs semaines je m'appliquais à regarder le paysage et la ville dans une vision pré-apocalyptique (ça vous donne une idée de mon moral. «Alice, ne prends pas tout au tragique» me disait un ancien chef), pour me souvenir quand tout serait réduit en cendres.

La journée du 9 mai est bien sortie de l'ordinaire, mais d'une façon inattendue: plusieurs chaînes de télévision russes ont été hackées, et le message «Vos mains sont couvertes du sang de centaines de milliers d'Ukrainiens et de leurs enfants» s'est affiché.





Dans le même temps, nous apprenions que la démonstration aérienne lors du défilé militaire avait été annulée à la dernière minute sous prétexte de mauvais temps tandis que le ciel bleu s'affichait durant le reportage en direct.
H : «C'est tellement facile d'abattre un avion en plein vol à partir de la campagne voisine: tu imagines, l'avion qui explose, les débris qui tombent sur les spectateurs».

Mourir

Une adhérente m'apporte des documents: elle va passer à la retraite bientôt, sa situation va changer. Les statuts prévoient que les adhérents actifs doivent adhérer à un contrat de prévoyance leur garantissant un complément de salaire1 en cas d'arrêt maladie prolongé, les adhérents à la retraite doivent adhérer un contrat dépendance.

— Mais pourquoi obligatoire?
— Parce que c'est onéreux: donc élargir l'assiette permet de conserver des cotisations peu élevées en répartissant la charge sur tous (le principe même de la mutualisation).
— Oui évidemment. Mais moi je ne serai jamais dépendante.
— Hum. Vous savez, la dépendance, ça va être le sujet des prochaines années. En 2050 nous serons cinq millions de plus de quatre-vingts ans. Et comme on ne sait ni à quelle fréquence la population sera concernée, ni le coût que cela représentera, c'est difficile à tarifer pour un assureur. Difficile aussi de savoir combien seront dépendants, avec les progrès de l'alimentation, de la prévention…
— Et l'évolution des mentalités…
(Je ne comprends pas le rapport) — Qu'est-ce que vous voulez dire?
— Eh bien avec l'euthanasie bientôt possible…
J'en reste bouche bée: — Cinq millions de suicides, ça va être gai, le futur.



Note
1 : la mutuelle couvre des fonctionnaires. Le traitement des fonctionnaires se compose d'une «base indiciaire» et de primes (ne correspondant pas à grand chose: ce sont des primes techniques dont je comprends mal l'origine ou la justification. Dans le privé elles seraient réintégrées dans le salaire). En cas d'arrêt maladie supérieur à trois mois (il suffit d'un covid long ou d'une convalescence compliquée), les primes ne sont plus versées. Le contrat de prévoyance «perte de rémunération» est destiné à maintenir le traitement à niveau.

Evidemment, il est étrange que ce contrat soit obligatoire: on peut arguer que chacun est libre de se couvrir comme il le souhaite. Mais dans ce cas il suffit de choisir une autre mutuelle. Si ce contrat est obligatoire, c'est pour répartir la charge des cotisations sur tous. Dans le cas contraire, seules les personnes se sentant à risque (de santé fragile ou ayant une famille à protéger) souscriraient ce contrat: avec une fréquence plus élevée de sinistres, les cotisations seraient plus élevées. C'est ce qu'on appelle de l'anti-sélection.

Il faudrait que nous ayons tous profondément conscience que le but est de ne jamais utiliser une garantie d'assurance que nous souscrivons. L'assurance est un parachute: personne ne souhaite que son avion se crashe.

Des nouvelles du 91, 92, 93, 94

Comme je suppose que mes lecteurs sont des boomers, je suppose qu'ils connaissent tous la structure du numéro de sécurité sociale (les boomers n'ont pas que des désavantages): 1 ou 2 pour homme ou femme 1; l'année (grosse déprime quand sont arrivés les 00 dans les entreprises: mais qu'est-ce qu'on est vieux); le mois; le département (puis moins connu: le numéro de la ville dans le département et le rang de naissance dans le mois dans la ville).

Je connaissais les Palaiseau (78): les gens nés en Seine-et-Oise (so San-Antonio) avant la création de Paris et de la petite couronne, quand Palaiseau n'était pas 91 (Essonne) mais 78 (Seine-et-Oise): le 78 a été conservé pour les Français nés avant la création de Paris et de la petite couronne. Je l'avais constaté sur les listes électorales il y a encore une ou deux semaines.

Aujourd'hui j'ai découvert une autre bizarrerie.
Je discute longuement avec une adhérente déconfite d'être mal remboursée (à son goût: de notre point de vue, il s'agit d'équilibre global du portefeuille).
Elle en a lourd sur le cœur, donc je la laisse parler. De temps à autre je rectifie ou nuance un point, j'explique un fonctionnement.

On en arrive aux problèmes de tiers-payant, de carte de mutuelle avec droits pas à jour. C'est alors qu'elle me demande:
— Vous savez d'où ça vient, 91, 92, 93, 94?
— Non (en fait je pense savoir: création de Paris et de la petite couronne. Mais je préfère qu'elle le dise elle-même).
— Ce sont les départements de l'Algérie française. Ils ont été réutilisés: 91 pour Alger, 92 pour Oran, 93 pour Constantine, 94 pour le sud de l'Algérie. (J'en reste bouche bée de l'autre côté du combiné.) Nous les pieds noirs nés en Algérie, on a été immatriculé 99, Français nés à l'étranger. Sauf que les pieds noirs (pas moi, je m'en fiche, j'étais trop jeune) ont protesté, ils ont contesté être nés à l'étranger, ils étaient nés en France. Finalement, vers 94-96, ils ont obtenu d'être immatriculés selon leur département de naissance, à condition d'en faire la demande. Mais évidemment, moi ça m'était égal, et puis je n'ai rien compris au message qu'ils m'ont envoyé, donc je n'ai rien fait. Sauf que quelque temps plus tard ils ont décidé de changer tout le monde sans en parler, et que je me suis retrouvée en pharmacie avec une carte vitale qui ne fonctionnait plus parce qu'on m'avait changé mon numéro de sécurité sociale sans me prévenir.

Ça alors. L'Essonne, département d'Alger?

Une recherche Google plus tard, j'apprend des choses encore plus extravagantes: que les personnes nées en Algérie avant le 3 juillet 1962, possédant un numéro de sécurité sociale, qui voulaient changer le numéro 99 contre leur numéro de département algérien, devaient en faire la demande avant le 31 décembre 1997. Cette période a ensuite été étendue, les personnes immatriculées à la sécu avant le 1er mars 2000 devant faire une demande, les personnes immatriculées après affectées automatiquement aux départements d'origine (en pratique, souvent des femmes rattachées à leurs maris se mettant à travailler pour la première fois ou devenues veuves).
Finalement, à un moment donné, toutes les immatriculations ont été réaffectées aux départements algériens.

Donc un numéro de sécu X61XX91 ne signifie pas que vous êtes né dans l'Essonne mais à Alger.


Note
1: il y a aussi 6 ou 7 ou 8, des immatriculations provisoires dues à des cas particuliers.

Retour en bibliothèque

J'ai ramené ma carte de bibliothèque de Paris pour renouveler mon inscription annuelle. La dernière datait de septembre 2017: l'année où j'ai commencé à ramer pour des compétitions, l'année où il n'était plus possible de trouver les ouvrages de la bibliographie de théologie en bibliothèque grand public. Puis il y a eu le déménagement à Nanterre, puis le Covid, puis les bureaux à Vincennes.

La bibliothécaire teste le code-barre, entre le numéro manuellement:
— Elle n'est plus active, il faut la refaire. Elle ne correspond même pas au modèle précédent, mais à celui d'avant.
De quand date cette carte? Je ne sais plus. A l'époque il fallait fournir un justificatif de domicile (l'inscription est possible où qu'on habite, c'était simplement une vérification). Aujourd'hui il suffit d'une carte d'identité, l'adresse est déclarative.
La bibliothécaire me tend une nouvelle carte, toute rouge. La précédente était bleue.

Je commence à monter l'escalier, me ravise, revient:
— Vous avez détruit la carte?
— Oui.
— Dommage, je l'aurais bien photographiée.

Je m'installe dans le coin des mangas (parce qu'il y a un fauteuil). Je commence l'introduction à L'histoire des 3 Adolf d'Osamu Tezuka. Je m'endors.
En sortant, bien que m'étant promis de ne pas emprunter de livre, je prends Les fenêtres d'Hanna Krall.
— C'est vous qui enregistrez les emprunts?
— Vous avez l'automate, là (geste de la main)
Je suis vraiment has been.


Fontainebleau à 17h46. H. me prend, me dépose à l'aviron. Lui va au ping-pong («Tennis de table!»)
Belle sortie en quatre. A la nage. Retour un poil trop rapide, je sais que je ne vais pas assez vite au goût du deux qui a fait des progrès techniques considérables. A notre grand surprise elle se tait. Elle est si désagréable que plus personne ne veut ramer avec elle: il est possible qu'elle ait fini par s'en apercevoir.
Au retour, un nombre impressionnant de péniches: six, huit? Je me demande comment autant de péniches ont pu passer les écluses de Fontaine-le-Port en un temps aussi court. Beaucoup semblent vides (très hautes sur l'eau), est-ce une conséquence du 1er mai? De la guerre en Ukraine? Ou cela n'a-t-il aucun rapport?

Repas au club, en intérieur car il fait encore froid, encore nuit. Nous sommes peu nombreux, huit. Il y a un stage en cours à Bellecin.

Bilan macroniste

Comme chaque fois, la lecture mensuelle du journal de Didier m'a fait rire. Journal de lectures, lecture du monde poivrée de provocation, anglais traduit en franglais (Toitube), etc. J'y puise à l'occasion quelques idées de lecture (jamais appliquées puisque je ne lis presque plus: j'ouvre les livres).

Remarque à propos de la remarque de Didier concernant les élections de 1974: c'était alors normal de tourner la page: les deux partis en présence étaient classiques. J'aimerais une fois avant ma mort retrouver cette sérénité lors d'une élection présidentielle. La particularité des dictateurs, c'est premièrement qu'ils changent la constitution à leur avantage (je me demande d'ailleurs pourquoi ils prennent cette peine), deuxièmement qu'ils ne rendent pas le pouvoir: ils le gardent.
Evidemment, on ne peut pas savoir ce qui va se passer avant d'essayer.
D'un autre côté, il y a des indices forts en observant les comportements, les discours, les modèles (quand on a Chavez pour modèle…). Récemment nous avons eu l'exemple de Trump. La France n'est pas les Etats-Unis, très fiers de leur constitution et attachés à elle. Je ne suis pas sûre que les Français réagiraient aussi vite. Je ne sais pas de quel côté pencherait l'armée.
Je n'ai pas envie d'essayer.

J'ai fait mon examen de conscience: avais-je emm*** tout le monde avec mes «niaiseries» «bisounoursoïdes»? (Didier, on dit «irénique»: ça provoque toujours un micro-silence quand j'arrive à le placer en réunion professionnelle. Irénique, hollistique, tautologie, mon tiercé gagnant). Je suis arrivée à la conclusion que non seulement je n'avais pas écrit pendant un mois environ, mais que je n'avais posté que des photos d'affiche ou des récits de collage.

Donc à contretemps (puisque les élections sont passées (mais je n'aurais pas voulu transformer ce blog en blog de propagande)), voici quelques graphiques et un article des Echos d'octobre 2021. Ceci n'est évidemment destiné qu'aux lecteurs rationnels, je veux dire ayant quelque respect pour les chiffres et les observations.

Les premiers graphiques concernent le salaire, la pauvreté et la redistribution en France, mesurés par l'OCDE.

statistiques de l'OCDE sur le salaire, la pauvreté et la redistribution en France


Le deuxième graphique est un indicateur de verdure, de verdeur, d'écologie. Comme d'habitude avec ces indices verts, je ne sais pas trop ce qui est mesuré (le résultat (émissions de carbone) ou les efforts mis en place? Ce n'est pas la même chose, cela dépend de l'état de départ).
Toujours est-il que la France est bonne élève. (Mais c'est justement ce qu'on reproche à Macron: d'être bon élève).

comparaison internationale des efforts en écologie. Index du MIT


Enfin, je copie un article des Echos d'octobre 2021, par paresse parce que c'est lui que j'ai sous la main. Evidemment, c'était avant la guerre d'Ukraine. Mais même sans la guerre il y aurait eu de l'inflation: la reprise économique post-confinement provoquait une augmentation de la demande, donc mécaniquement une hausse des prix (pour réviser ce mécanisme, voir Obélix et compagnie). Et si le (les) gouvernement(s) sont si réticents à indexer les salaires, c'est que cela ne résout rien: les employeurs répercutent la hausse de leurs charges sur le prix de leurs produits.
C'est sans doute pour cela d'ailleurs que ce qui est annoncé, c'est une indexation des retraites: tant que les taux de prélèvement ne sont pas relevés, cela ne pèse pas sur les employeurs.
Inégalités : le bilan inattendu de Macron

On attendait le chef de l'Etat sur la lutte contre les inégalités de destin, mais les mesures socio-fiscales du quinquennat auront surtout réduit de façon plus classique les inégalités de niveau de vie. Avec un effet plus significatif des prestations sociales que des mesures fiscales.

Par Étienne Lefebvre
Publié le 13 oct. 2021 à 8:13Mis à jour le 14 oct. 2021 à 18:13

Emmanuel Macron n'est donc pas le président des riches. Ou en tout cas pas uniquement. L'évaluation, publiée par le Trésor la semaine dernière, de l'évolution du revenu disponible des ménages par décile de niveau de vie a fait ressortir des éléments factuels éclairants à l'heure du bilan du quinquennat.

D'abord, les gains de pouvoir d'achat depuis 2017 sont significatifs - +8 % en cinq ans. Ils concernent ensuite tous les niveaux de revenus et sont pour une part importante liés aux mesures prises par le gouvernement. Enfin et surtout, ces mesures sociales et fiscales auront bénéficié davantage au premier décile (les 10 % les plus pauvres), avec un gain de 4 % de pouvoir d'achat à la clé, qu'aux 10 % les plus riches (+2 %).

Cachez ce dernier centile
Il faut bien évidemment nuancer ce constat. Bercy n'a pas choisi cet indicateur au hasard, et certains points de méthodologie peuvent être discutés. Exemple : le coût de la flat tax pour les finances publiques est minoré du fait du versement accru de dividendes, de même que l'effet de la hausse de la fiscalité sur le tabac est minoré en tenant compte des changements de comportement induits (baisse de la consommation). Par ailleurs, le calcul concernant le dernier centile (les 1 % les plus riches) n'apparaît pas, alors qu'il ferait sans doute apparaître des gains plus importants en raison de la concentration des gains liés à la réforme de la fiscalité du capital (ISF, flat tax). En revanche, le reproche sur le fait que les calculs sont présentés en pourcentage de niveau de vie et non en valeur absolue est peu pertinent : il s'agit de la méthode de référence de toutes les études en matière d'inégalité.

D'autres travaux indépendants (dont ceux de l'Institut des politiques publiques) apporteront leur pierre à l'édifice ces prochaines semaines. Mais une chose est sûre : si les résultats publiés par le Trésor ont pu surprendre, voire agacer, c'est en raison de la focalisation du débat public sur les impôts, et de la sous-estimation de l'impact d'autres facteurs bien plus importants concernant la lutte contre les inégalités.

Les effets musclés du « 100 % Santé »
Les prestations sociales assurent davantage que la fiscalité un rôle de redistribution. Pour ce quinquennat, la forte hausse de certains minima sociaux (allocation adulte handicapée, minimum vieillesse, parent isolé) a un impact important pour les premiers déciles, de même que l'élargissement et la revalorisation de la prime d'activité pour les travailleurs pauvres (qui a rajouté quasiment un treizième mois à un célibataire au SMIC).

Et il ne faut pas oublier bien d'autres « petites » mesures aux effets déterminants pour certaines populations. A l'instar de la prise en charge à 100 % d'une partie des soins dentaires, d'optique et d'audioprothèses, ou encore de la Garantie jeunes (pour les jeunes ni en emploi ni en formation), dont le gouvernement s'apprête à annoncer une nouvelle extension.

L'édition 2021 de l'Insee sur Les revenus et le patrimoine des ménages est venue rappeler récemment que les transferts publics - entre prestations reçues et prélèvements acquittés - corrigent sensiblement des inégalités primaires très importantes en France. Ainsi, le revenu primaire moyen des 10 % les plus aisés est-il treize fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres. Mais ce ratio est ramené à sept après transferts monétaires.

Il tombe même à un contre trois pour le niveau de vie dit élargi, c'est-à-dire en prenant en compte non pas seulement les transferts monétaires, mais aussi les transferts en nature, comme l'éducation, la santé et le logement. Des services publics qui contribuent pour 50 % à la réduction des inégalités, souligne l'Insee. L'accès à des services publics gratuits ou à un coût plus faible que celui du marché a, de fait, une importante relative plus prononcée pour les moins aisés. Le système de santé et les aides au logement génèrent la redistribution la plus significative.

Une quarantaine de mesures intégrées
Une mesure telle que le dédoublement des classes de CP-CE1 en zone d'éducation prioritaire peut jouer aussi un rôle décisif. Inversement, la réforme durcissant les conditions d'indemnisation de l'assurance-chômage ou le calcul des APL en fonction des revenus récents (et non de ceux d'il y a deux ans) pénalisent les moins aisés.

Avec cette grille de lecture exhaustive, on comprend mieux, au final, pourquoi le bilan redistributif de la politique d'Emmanuel Macron apparaît beaucoup plus équilibré que certains voudraient le faire croire. L'évaluation du Trésor intègre les effets de pas moins d'une quarantaine de mesures socio-fiscales. La crise des « gilets jaunes » a changé la donne.

L'empilement plutôt que l'évaluation
On peut en revanche regretter un certain empilement des dépenses, surtout en fin de quinquennat, et le manque persistant d'évaluation des réformes qui sont menées. L'efficacité de la dépense, l'efficacité des services publics, en matière de redistribution notamment, devrait être bien davantage questionnée pour faciliter les choix collectifs difficiles qui devront être opérés ces prochaines années. Sachant que la hausse des dépenses publiques devra ralentir très fortement , ne serait-ce que pour stabiliser la dette après 2022.

Par ailleurs, Emmanuel Macron n'était pas vraiment attendu sur ce terrain classique (très social-démocrate) de la redistribution, mais davantage sur celui de la lutte contre les inégalités de destin, liées aux discriminations de tous types. Sur ce chantier de l'égalité des chances, le bilan est moins fourni, et les résultats ne pourront venir que d'un travail à plus long terme. De quoi inspirer, peut être, ceux qui auront la charge de nourrir le projet du chef de l'Etat pour 2022.
En fait, ce qui m'étonne le plus, c'est qu'avec un tel bilan, aussi peu de reconnaissance et autant d'emmerdes, il est envie d'y retourner.

Le lundi à Paris

Après les vingt-et-un kilomètres d'hier, pas d'ergo aujourd'hui.

Je repère que la station de Vélibs dans la descente de Daumesnil est souvent pleine, qu'il vaut mieux continuer sur l'avenue de Reuilly. J'aime les lions de la fontaine de la place de Reuilly. A chaque lion je pense Paris est une ville pleine de lions, selon le livre de Dormann (que je devrais feuilleter). Je découvre que la fondation de Rothschild est à deux pas, ainsi que la maison des Petites Sœurs des Pauvres et l'ONF (office national des forêts). La bibliothèque Hélène Berr est littéralement à cinq cents mètres, mais fermée le lundi. La place de la Nation est très fleurie et animée, j'en avais un souvenir désolé et désert — mais j'y suis toujours passée la nuit. Je passe rue St Maur, est-ce que Matoo n'avait pas organisé un lointain anniversaire ici?

Je déjeune d'un demi-camembert rôti en terrasse à L'Eglantine (rue Fabre d'Eglantine), la vieille dame derrière moi qui boit un thé se retourne: «ça sent bon». Des rondelles de ciboule flotte sur le camembert, ça change du sirop d'érable.

Le soir Vélib jusque chez Mariage rue du Bourg Tibourg (quatre kilomètres et demie). La rue de Charenton est très calme. De façon générale il y a peu de voitures. Les deux roues (et les une roue) sont infernaux, surgissant de tous les points cardinaux, silencieux, coupant la route, ne respectant pas les feux. Il faut être très attentif. Le marquage au sol aussi est compliqué: suivre la voie réservée aux cyclistes alors que j'ai grandi en respectant les règles ordinaires du code de la route, notamment dans les carrefours pour tourner à gauche.

Je croise beaucoup de couples, avec ou sans enfants, dont la femme habillée en djellaba (ou équivalent) est très élégante. Je me souviens alors que ce doit être la fin du ramadan, l'équipe en a parlé au bureau.

J'ai fini de reclasser les archives.

Doux et venteux

Sortie en double avec A. Nous nous serons très peu entraînées en yolette. Je pars du principe que demain, ce sera simplement une sortie plus longue que d'habitude.
Laurence m'a dit que je ramais les épaules remontées, d'où mon look dos rond (c'est laid). Donc sortie à bien descendre les épaules, bien rapprocher les omoplates.

Repas en face, à L'anneau de Mallarmé (l'anneau où Mallarmé attachait son bateau). C'est très bon mais cher, nous payons autant le cadre que la cuisine.

Sieste comateuse. Les nuits de cinq heures de sommeil finissent par peser.

Problème de robinets

Dans la rubrique aménagement de bâtiment, autre truc et astuce: n'installez pas un robinet de lavabo ne fonctionnant qu'à la détection de mouvements.
En effet, la détection de mouvements nécessite de l'électricité. Donc si vous n'avez pas d'éléctricité, vous n'avez pas d'eau au robinet.

Picpus

Le devoir de réserve impliqué par mon contrat de travail fait que je publierai mes notes dans cinq ou dix ans. Notons simplement pour mémoire (et parce que cela peut être utile à d'autres) que les dossiers suspendus à présentation verticale demandent un intervalle entre les étagères plus grand que les dossiers suspendus réservés aux tiroirs.

Vingt minutes de vélib tranquilles entre garde de Lyon et la rue Picpus. Le boulevard Daumesnil monte jusqu'à la place Félix Eboué puis descend en pente douce. Peu de circulation à sept heures et demie.

A midi, j'ai repéré une quincaillerie (j'adore les quincailleries) et une salle de sport vraiment proche. Le soir en rentrant j'achète un pinceau pour coller (à force de donner les miens je n'en ai plus) et je vais voir la salle. Elle est petite, sympa, elle a des fenêtres, elle n'est pas peinte en noir (ouf!). Je pense que je vais l'adopter, même s'ils me préviennent que le rameur Concept va être remplacé en juin (on verra bien).

J'emprunte beaucoup par curiosité un peu par erreur la petite ceinture: je pensais que c'était la coulée verte.
Je prends un velib et retourne gare de Lyon.

Sinon il y a lui qui lisait L'adolescent de Dostoievski à la table voisine à midi.

Jeune homme lisant Dostoievski en terrasse


Flottements

Les ordinateurs, le wifi, tout est débanché. Il n'y a plus rien à faire. Je pars.

Je teste la salle boulevard Diderot. Elle est très mal notée sur Google, avec raison: sur six ergomètres, quatre sont en panne et un cinquième a reçu un choc qui déforme son rail et lui fait faire un bruit parasite à chaque aller-et-retour.

J'effectue malgré tout ma séance (je suis le programme donné par vincent il y a maintenant trois ans) mais je ne reviendrai pas. Retourner à Vincennes? Ou accepter les ergos nouveau look de Nation? Dans tous les cas, je crois qu'il va falloir que je me lève une demi-heure plus tôt pour compenser les temps de trajet.
C'est la première séance depuis le 8 avril et mes résultats sont plutôt lamentables. Je manque de concentration.

Il est six heures et quart, je n'ai plus de jambes, H. me donne rendez-vous dans une heure. Je suis lentement les vitrines de l'avenue Daumesnil, des tableaux me plaisent, je suis heureuse de revenir dans Paris. Je tourne dans la rue Traversière. Que faire pendant une heure? Je décide d'entrer dans l'église, une entrée si discrète que je me demande si ce n'est pas un temple protestant.

C'est une chapelle à l'arrière de la nef. Des gens psalmodient, c'est un rosaire il me semble. Dans ce petit espace, nous sommes nombreux. Je m'assoie, je m'associe machinalement, je me décharge de mes pensées, de mes soucis.
Une messe commence. Je reste, entrant dans une transe proche du sommeil durant le sermon. Ce sera cela aussi, Paris, la possibilité de trouver des messes à toute heure.
Plus tard je fais le tour de l'église. C'est St Antoine des Quinze Vingts. Une recherche Google m'apprend qu'une importante communauté portugaise doit vivre là puisqu'il y a des messes dans cette langue. Ou les Portugais de Paris se déplacent pour venir ici.

Dîner chez Gemma. (Si vous aimez le goût d'amande amère, je recommande le cocktail «Like a porn star Martini»). C'est le premier retour à Paris d'H. depuis son covid et il est lessivé.
Ligne R 20h46. Son épuisement ne l'empêchera pas de se connecter à Top chef dès son arrivée à la maison. :D

Alignement des planètes

Au sens propre : je découvre cela ce matin dans le RER sur le compte de Lagadec:

Saturne Mars Vénus Jupiter alignées au-dessus  de Sydney


C'est juste fabuleux. Au début j'avais lu trop vite et pensé «une étoile de plus dans l'alignement de la ceinture d'Orion». Ce n'est qu'en lisant les noms que j'ai pris conscience qu'il s'agissait de planètes.

Déménagement : déménageurs très efficaces. A deux ils ont annoté et mis en cartons la quasi-totalité de notre bazar. Ils ne font pas de rotation; ils chargent tout aujourd'hui et demain et déchargent après-demain.
Panique concernant les locaux de destination: l'électricité ne sera pas mise en route avant mardi ou mercredi prochain (le compteur est là mais l'abonnement n'a pas pris effet), donc pas de chauffage et pas d'internet (heureusement qu'il y a le télétravail). Pas d'ascenseur non plus car pas de contrat de maintenance (c'est gênant pour les déménageurs).

Sport: je suis passée à Nation: belle salle, commentaires dithyrambiques sur Google, mais pas l'ergo que je veux. Je me suis inscrite à celle du boulevard Diderot. J'essaierai d'y passer demain.

Politique: Mélenchon a commis une affiche «Mélenchon premier ministre». Je me demande où il va la coller, comment cela va être accueilli par les candidats recevant l'investiture de LFI. Affiche destinée à l'affichage sauvage?

Soirée: Masu à Fontainebleau. Nous sommes ivres de fatigue.

Paper cuts

Levée à cinq heures vingt mais aucune envie (aucun ressort) de me presser. Je fais la vaisselle en écoutant la radio (les auditeurs de RTL expliquent leur vote), pars à la gare en voiture (quand je suis à l'heure je prends le bus), laisse délibérément passer mon train, prends mon café avec Toufik. Je lui suis reconnaissante de ne pas parler politique. A cette heure matinale, la plupart de ses clients sont mélenchonistes. Ils me regardent dubitatifs, avec une gêne imperceptible: ils me connaissaient avant la campagne, Toufik est amical (il l'est avec tout le monde, mais nous avons des conversations de fond — trois minutes avant de prendre le train), il leur faut choisir entre leur détestation théorique et leur jugement pragmatique.

Aujourd'hui (au boulot) c'est étiquettes et planification: nous déménageons de Vincennes à Paris durant trois jours. Je me rends compte que ce que j'avais fait avant mes vacances est faux, les étagères comptées pour trois mètres en font un cinquante (deux armoires côte à côte), il faut tout recommencer. Je ne sais pas comment tout cela va tenir dans les nouveaux locaux, tout est un peu laid, un peu de guingois, les boîtes d'archive de récupération ne sont pas toutes identiques, je m'agace devant des dossiers suspendus qui auraient dû être changés depuis longtemps; demain ils vont se vider à la première manipulation. Comment peut-on associer autant de dévouement dans ses fonctions à aussi peu de soins, aussi peu de sens de l'initiative (ici l'initiative aurait consisté à changer un dossier sans qu'on vous le demande)? Est-ce cela l'esprit bureaucratique?
J'ai fait changer les dossiers que j'ai repérés mais je sais que demain je vais en découvrir bien d'autres. Ça va être sport.

Dernier massage thaï à midi. Cela va me manquer. Cela ne procure aucune détente musculaire, ça fait un mal de chien, mais je suis persuadée (n'est-ce pas l'essentiel?) que cela remplace ostéopathie et acupuncture. Il me semble que je parviens à somnoler au milieu des douleurs.

Les LFI viennent expliquer que Macron est mal élu. Je pose ça là pour mémoire.



Il faut cependant admettre que 58%, quand on a l'extrême-droite en face de soi, ce n'est pas beaucoup. Dans un ou deux quinquennats, ça finira par craquer. Ce qui me déprime le plus, c'est de voir des noirs ou des basanés voter Le Pen ou s'abstenir. N'ont-ils pas conscience que pour eux la vie deviendra infernale? Délit de faciès multiplié par cent et associations de défense affaiblies ou disparues.

Quant aux plus faibles, aux plus pauvres... Est-ce Zweig qui commentait: «Quelques années après l'accession d'Hitler, il n'y avait plus de chômage: les gens étaient soit en prison, soit gardiens de prison»? (C'est un vieux souvenir d'un cours d'allemand de terminale, mais je ne suis plus sûre de l'auteur de cette citation (approximative)).

Marine Tondelier, conseillère d'opposition à Hénin-Beaumont, a publié un livre, Nouvelles du Front et gagné son procès en diffamation: délation et suspicion généralisées, c'est la vie sous le RN.

Elon Musk, trumpiste et nazillon, vient de racheter Twitter. Il veut supprimer la censure. Je pense à Sa Majesté des mouches.

Le premier obstacle est passé

Restent les législatives.
Mélenchon est à fond, décidé à devenir premier ministre. Pourquoi pas? Deux ans pour couler la France, ensuite dissolution et nouvelles élections.
Il faut bien reconnaître que quoi qu'il arrive, ce n'est pas moi qui en souffrirai le plus.

Assesseur suppléante de onze heure à trois heures et demie. Ce n'est pas désagréable, juste agaçant d'avoir des idées pour améliorer le fonctionnement global (ne pas choisir un sourd pour entendre le numéro du votant: il vaut mieux que ce soit lui qui parle; signaler à tous les bureaux que la liste des procurations est trompeuse et comporte les procurations du premier tour, fournir une liste électorale au secrétaire qui vérifie les identités de façon à ce qu'il puisse corriger le numéro de votant sur les vieilles cartes) et ne rien pouvoir dire car les titulaires prennent cela comme des critiques et refusent toute suggestion.

Je ne sais pas comment m'occuper ensuite, thé et café à la maison avec Jérôme et Jean. Un mail à Ruth qui m'a écrit en février et s'inquiète de mon silence. J'ai de nouveau mal au ventre. Sieste. Hervé me réveille en hurlant «Hourra».

Nous devons aller fêter cela à Fontainebleau dans la voiture de Jérôme puisque nous sommes trois. Celui-ci est bloqué dans son bureau, le comptage a pris trois quart d'heure de retard car les feuilles de décomptes n'étaient pas les bonnes (scrutin de liste, pas les bons motifs de nuls… Je n'ai pas vraiment compris et je n'ai pas cherché puisque pas concernée). Décidément la mairie n'est pas douée.

Petits fours au théâtre de Fontainebleau (beaucoup de monde que je ne connais pas) puis bière au Grand Café entre militants circos 2 et 3 (c'est amusant de désormais visualiser le territoire en circonscriptions. C'est à cela que je sais que j'ai franchi une étape). On bitche, je découvre des anecdotes insoupçonnées sous des messages étranges apparus dans des boucles Telegram. Deux fois, je recrache ma bière de rire (proprement, dans mon verre).

Jérôme nous ramène à Moret, puis je raccompagne Isis dans son village au sud de Nemours. Je me couche à deux heures, la journée va être longue.

Reprendre souffle, retenir son souffle

Double avec A. Je ne sais quoi en dire, pas le pied mais pas si mal, pas si mal mais pas le pied. Le dilemme est qu'il va falloir du temps pour amener les rameuses à niveau et que pendant ce temps-là je vieillis: nous parviendrons peut-être un jour à avoir un beau bateau, mais je ne serai pas dedans.
A vrai dire je ne suis pas sûre que cela les intéresse de s'entraîner sérieusement. Je suis découragée.

Je rentre. Je ne tiens plus debout. J'ai mal au ventre. L'angoisse? Sieste. Blogage, j'ai tant de retard. Deux mois que je colle et tracte. Je ne sais pas tout à fait si j'ai le droit de mettre les billets en ligne à cause du "silence républicain", donc on verra lundi. Pendant ce temps-là les équipes de Mélenchon ne se gênent pas, au prétexte qu'elles ne sont pas en campagne puisque leur candidat n'est pas au second tour.

Comme toujours, les images de la participation au Québec sont impressionnantes.

Café viennois dans le micro-salon de thé à côté de chez nous.
Le soir nous avons dîné d'une très bonne viande à Fontainebleau.

Dernière soirée

Le soir à 20h30, tournée vers l'est, St-Germain-Laval, Laval-en-Brie, Salins, avec une nouvelle recrue qui nous fait découvrir de nouveaux panneaux à affichage libre. J'en profite pour noter un futur marché de producteurs locaux le premier vendredi du mois à St Germain-Laval.

Nous retrouvons à Salins une affiche des premières semaines de campagne, vers le 10 mars.

la première et la dernière affiches de la campagne Macron


Après avoir détendu notre colle en puisant de l'eau à une pompe archaïque (force fous rires), nous collons les panneaux officiels qui ont été oubliés dans cette ville. Sur la place de la mairie, un restaurant sans carte: on y vient "à l'ardoise" pour dîner de ce que le chef propose. Il faudra essayer.

A la gare de la Grande Paroisse, mairie RN, Jérôme recolle avec plaisir une affiche anti-RN à côté d'une affiche municipale qui invite à commémorer la journée de la déportation (sachant que c'est à la Grande Paroisse qu'habite Lioret, le potentiel candidat RN aux législatives (il l'a été aux départementales)).

affiche anti-RN


St Mammès pour recoller une affiche sur la mienne collée le 19 (elle a dû durer une demie-journée, je soupçonne l'un des habitants d'une péniche en face de ne pas supporter qu'on touche à "son" panneau).

Nous rentrons. Je me sens transparente de fatigue. Cela aura été une belle campagne, nous nous sommes bien amusés.

Richter

Ligne R, 19h53.
Écrits, conversations

Femme dans le train lisant Richter

Janssens, suite

Rendez-vous ce matin pour le suivi de l'expérimentation.

Apparemment le Janssens augmente les risques cardio-vasculaires dans les semaines qui suivent l'injection. En conséquence j'ai une liasse de documents à signer pour prouver que j'en ai été informée (sachant que j'ai été vaccinée il y a un an, ça m'est indifférent (quoi qu'il en soit, cela m'aurait été indifférent, sinon je n'aurais pas accepté de participer à une étude)). «Cela signifie sans doute que ce vaccin va être abandonné» me dit ma doctoresse préférée.

Nous papotons. La conversation tombe sur le débat d'hier:
— Je l'ai regardé par intermittence. Il y a une phrase que j'ai beaucoup aimée: Marine Le Pen en train de dire qu'elle réintègrerait les quinze mille infirmières. D'abord elles ne sont pas quinze mille. Ensuite beaucoup sont déjà revenues. Beaucoup ont touché leur salaire, elles ont trouvé des médecins pour des certificats de complaisance et se sont mises en maladie. Et puis surtout j'adore quand elle a dit qu'elle leur verserait le rappel de leur salaire pendant leur absence: et nous alors? je me suis dit que j'avais vraiment été con de venir bosser toutes ces semaines!

Je lui raconte ce qui a circulé sur Twitter quand les antivax ont été virés de l'hôpital, les photos de banderolles «Bon débarras» ou «Enfin!»: est-ce que c'était vrai?
— Dans le principe oui. Cela générait beaucoup de tension. Les personnes non-vaccinées étaient sur la défensive et donc agressives. C'était pénible.

Elle me raconte que la règle a été de ne pas réintégrer les non-vaccinés dans leur service d'origine: trop de tensions.
— On avait un infirmier dans les étages qui avait demandé à passer en ambulatoire. Ça arrive souvent: dans les étages on fait des gardes jour/nuit, en ambulatoire on revient sur des horaires normaux. Le poste s'était libéré, tout était prévu. Il y a une non-vaccinée qui est revenue, c'est elle qui l'a eu.
Elle soupire.

Je parle des profs, de ce milieu dans lequel j'ai grandi, de la façon dont dans un établissement chacun sait très bien qui tire au flanc, qui n'est jamais malade, qui "consomme" ses jours d'enfant malade sans égard pour les élèves à qui ça supprime des heures de cours, etc. Mais si on leur parle de rémunération au mérite… (sachant que "mérite" n'est pas le bon mot.)
— En même temps, je comprends qu'ils aient peur de dépendre d'un chef d'établissement. Mais ce n'est pas pire que le fonctionnement actuel où ils dépendent d'une hypothétique visite d'inspection, où ils sont jugés sur une heure de cours tous les trois ou quatre ans.


Puis prise de sang avec l'infirmière.
Elle trouve la veine mais le sang ne coule pas. Elle bouge un peu l'aiguille, ne comprend pas. Je ne sens absolument rien, c'en est pertubant: comme si l'aiguille était plantée dans un bras en mousse. Je suggère que l'aiguille à un défaut. «Mais non, ça n'arrive jamais.»

Elle finit par changer d'aiguille. Là encore nous papotons. Elle a entre vingt et trente ans. Nous en venons au report de voix, elle est très surprise d'apprendre que des électeurs de Mélenchon sont susceptibles de voter Le Pen.

Puisque désormais j'enregistre énormément de copies d'écran dans mon téléphone afin de conserver un maximum de documents sous la main, je lui montre le schéma de gauche dont les pourcentages sont obsolètes (je n'ai plus la date et la source de cette image) mais le principe exact.

25 avril : mise à jour. Le schéma de droite représente le report réel.

Report des voix potentiel entre les deux tours de l'élection présidentielle 2022 Report des voix au deuxième tour de l'élection présidentielle 2022


Rappel : il est possible d'ouvrir la photo dans un onglet à part en faisant un clic droit dessus. Cela permet de l'agrandir.

Guinness

Je suis au Glasgow, pub de Fontainebleau qui sert de la Guinness.
C'est ce qui m'a décidée à venir.

Nous regardons ensemble, entre militants, à l'étage privatisé, le débat Macron-Le Pen.

Ce n'est pas ma tasse de thé, je n'avais pas regardé celui de 2017, je n'avais pas l'intention de regarder celui-ci. Cela me met mal à l'aise, un grand O d'adultes qui ressemble à un combat de gladiateurs.
Je n'aime pas cela.

Je regarde à l'écran ce que je connais par cœur : l'impossibilité de se défendre contre le mensonge; le manque de séduction de la réalité (de l'expérience) face au rêve.


Deuxième pinte de Guinness.

Dans la journée, H. a passé un coup de karcher sur la terrasse en teck et j'ai commencé à la passer à l'huile de lin. Commencé, car je n'ai pas eu assez d'huile. Nous en avons commandé.
J'espère qu'il fera beau samedi afin de terminer.



Avant d'aller à Fontainebleau, passage à Vernou chez T. pour lui apporter des tracts : elle a prévu de nombreuses actions dans les deux jours qui restent et manque de matériel. Nous discutons. Elle est asiatique, peut-être chinoise.
— L'autre jour nous avons tracté à Mormant. Un homme m'a dit "je n'étais pas sûr, mais maintenant, je vais voter Le Pen, il faut faire le ménage".
J'ai honte — Cela t'affecte?
— Ça va, mais ma fille, l'autre jour, a pleuré.

J'ai honte. Mais comment m'excuser? Et pourquoi? Et au nom de quoi?

Droguée au collage

Tractage à la gare à partir de six heures et demie. Les visages sont fermés, on sent le regret de la fin d'un long week-end ensoleillé (ou plus simplement les gens en ont marre: c'est la même gare, les mêmes horaires, donc à priori les mêmes voyageurs. J'ai renoncé à me battre pour décaler les horaires, personne n'en a envie. Habitudes encrustées). Je tracte avec Samir qui est venu nous donner un coup de main de Fontainebleau. C'est vraiment une ambiance sympathique.

En partant je passe devant les panneaux de Veneux. Le collage d'affiches m'est devenu ce qu'est le barbecue-merguez-rond-point pour d'autres.
Une affiche pour chat perdu a été collée sur l'affiche anti-Le Pen, mais les quatre autres n'ont pas été vandalisées. A Thomery les affiches officielles ne sont pas encore en place. A Champagne les affichages libres sont intacts, personne n'a touché au travail de Mohammed.

Je passe à St-Mammès. Depuis que nous avons trouvé ce panneau le long du Loing, les affiches sont régulièrement vandalisées, quel que soit le candidat. J'éprouve un malin plaisir à venir coller ici à des heures différentes en variant les affiches. La dernière fois j'ai fait un test, j'ai mis une affiche anti-Le Pen en me demandant si elle aurait l'approbation du vandaliseur que je soupçonne d'être mélenchoniste (c'est St-Mammès).
Non.
Un homme rentre de ses courses, monte sur une péniche. Il m'observe un moment. Je le soupçonne d'être le vandaliseur, mais je sais que l'activité de collage rend paranoïaque («Mais il me regarde! Mais pourquoi? Je suis sûre qu'il va décoller dès que je vais partir.») Je remplace par une affiche officielle, la seule que j'ai dans la voiture. Elle ne fera pas long feu.

Je recolle près du canal à Moret (les mélenchonistes ont pris la peine de recoller bien qu'ils ne soient pas au second tour, c'est la guerre des nerfs), à la mairie à Ecuelle, le long du canal vers Episy, retour au premier jour de collage .


Macron bucolique

Je rentre. Les L. viennent chercher du matériel à dix heures et demie. Ils acceptent de prendre un café, je leur présente H. Elle est scandalisée par sa belle-fille, biélorusse (en France), qui se plaint de ce qui est fait pour les Ukrainiens (et pas pour les Biélorusses): «Je ne dis rien mais quand même, ce n'est pas sa grand-mère qui vit dans une cave avec le froid». Monsieur nous a apporté un œuf construit avec une imprimante 3D, jaune et bleu aux couleurs de l'Ukraine.
Comme toutes les personnes qui viennent d'anciens pays communistes et se souviennent de ce que c'était (donc nés dans les années 40 à 70), ils ne peuvent comprendre qu'on soit tenté par la dictature. Qu'un Français puisse envisager de voter Le Pen est pour eux un mystère. Ils ne peuvent comprendre (moi non plus, mais pour moi c'est théorique) qu'on réponde «ça ne changera rien» ou «ils sont tous pareils». Eux savent que ce n'est pas pareil. Ils ont fui leur pays.

Hier m'a laissée sur ma faim. J'ai eu l'impression d'un porte à porte bâclé, d'une durée insuffisante. Je trépigne sur place. Jérôme est pris par son activité de placement des assesseurs dans les communes, je décide de partir seule vers le nord de la circo.

Je repasse à Veneux. Quelqu'un a collé deux affiches pour vide-grenier, mais en respectant les quatre affiches du côté. L'affichette de recherche du chat a été soigneusement déplacée dans l'abribus proche. Ce ne sont donc pas les mêmes équipes qui s'occupent de Moret et de Veneux.
(17 avril collage initial, aujourd'hui 15 heures).

affichage libre pro Macron

affichage libre pro Macron


Champagne, la gare. L'une des quatre affiches a été décollée, laissant apparaître Roussel. Dessus ont été collées deux affiches pour une Messe en si qui doit se jouer à Combs-la-Ville. (Pourquoi ne pas avoir directement collé sur Macron?) Je colle autour des Lettre aux Français format A4.
Est-ce ici que j'ai récupéré dans une boîte à livres Flamme et l'étalon noir? Impossible de me souvenir. Je me vois prendre le livre, mais je ne sais absolument plus où. C'est le premier Etalon noir de mon enfance, reçu au Maroc, et à peu près incompréhensible car laissant une part à la SF, ce qui n'avait aucun sens pour mon esprit terre à terre.

Fontaine-le-Port, je colle avec fureur sur une affiche Zemmour-Maréchal repérée dimanche en skiff. Féricy, pas de place sur les panneaux et Macron est arrivé premier, inutile de perdre du temps. Sivry-Courty, les panneaux officiels sont posés contre le panneau libre; Blandy, l'affichage doit se faire avec du scotch, je n'en ai pas, je colle des A4 sur des affichettes de théâtre à la date dépassée; Moisenay, je nous fais perdre des voix en collant directement sur le panneau en bois peint soigneusement en vert (toute la peinture va partir quand ils vont vouloir décoller); Rouvray, je découvre un nouveau panneau d'affichage libre (nous n'étions jamais venus à Mormant par l'ouest); Aubepierre, sur le panneau de l'école je recouvre Pécresse d'une affiche Jam (les jeunes avec Macron).

Je visais Grandpuits, où en mars nous avions trouvé des affiches de Bardella de juin précédent. Les trois affiches près de l'église sont lepénistes mais taguées («Ta mère en slip»). Au centre de celle du centre, un Guignois a malicieusement placé une affiche pour vide-grenier. Je colle des A4 autour pour faire disparaitre la mise en pli de la blonde. Une affiche pro-Macron à droite, une affiche anti-Le Pen à gauche.
(Plus tard quand je dirai que j'ai eu l'impression de venir en aide à un résistant de l'ombre, lui assurer qu'il n'était pas seul, H. me répondra froidement: «à l'heure qu'il est, il a peut-être déjà tagué Macron "ton père en tongs"».)

Le Pen taguée à Grandpuits-Bailly-Carrois

Macron à Grandpuits-Bailly-Carrois


En passant à St-Mammès, je résiste à la pulsion de m'arrêter, je suis sûre que mon affiche du matin est détruite, pas le temps, pas le temps; Jean passe me chercher à sept heures pour aller ensemble (avec Jérôme) assister à la réunion à Melun avec Franck Riester.

C'est bien mais moins impressionnant que Bruno Le Maire il y a deux semaines. Ils sont fatigués. Nous sommes fatigués. Les Crisenoyens sont descendus en masse protester contre la construction d'une prison sur leurs terres.

La phrase qui tue

Aujourd'hui porte à porte à Montereau. Il s'agit d'aller convaincre les électeurs qui ont voté Mélenchon au premier tour par désir d'avoir un candidat de gauche au second tour de se déplacer pour aller faire barrage au Front National (bon, le Rassemblement national: ça me paraîtra toujours un faux nom).

Il y a eu débat, ville basse ou ville haute? Ville basse l'a emporté, certains ont argumenté avec logique que d'une part à Surville beaucoup n'étaient pas français, et que les autres n'étaient pas inscrits (à la louche, sur vingt mille Monterelais seuls dix mille sont inscrits).
Cependant je ne peux m'empêcher d'être déçue et de ressentir cela comme une lâcheté: je sais que certains militants ont peur, redoutent le conflit, alors que moi j'aime bien ces populations mêlées, c'est en réalité mon élément naturel. D'autre part, ce sont eux qui ont le plus à perdre: il est important qu'on le leur explique.

Rendez-vous devant la gare, des Bellifontains viennent en renfort. Nous nous répartissons, commençons à sonner. Ça se passe normalement, avec les convaincus des deux bords, les indécis hostiles et les indécis bienveillants. Je suis avec Antoine et Jean-François, comment ne pas songer aux témoins de Jéhovah? Sentiment mêlé d'exposition au monde et de ridicule. Nous me découvrons un don, celui de me faire ouvrir la porte des halls d'entrée en appuyant au hasard sur une sonnette et en parlementant d'une ou deux phrases (cela renforce ma conviction que les gens ne sont pas si méfiants).

Immeuble bas HLM, premier étage, deux portes par palier. Je sonne à gauche, un jeune homme de ma taille m'ouvre:
— Bonjour, je m'appelle Alice, nous venons pour les élections présidentielles.
— Merci, mais la politique ne m'intéresse pas.
J'insiste, parce que c'est ma conviction devant le danger lepéniste:
— Mais la politique risque de s'intéresser à vous.

Ses yeux tournent légèrement vers le haut, ses genoux plient, il s'effondre lentement, il disparaît de la porte entrebâillée et sa tête fait un poc sonore sur le carrelage.
Est-ce un étudiant comédien? Ma phrase était pompeuse, est-il en train de se ficher de moi?
J'en suis persuadée, j'ai envie de rire. Cinq secondes passent, rien ne bouge.
Je pousse la porte. Il est étendu, immobile. Sa copine arrive du fond du couloir, accourt:
— Qu'est-ce qui se passe?
— Nous étions en train de parler des élections, il s'est effondré. Vous voulez qu'on appelle les pompiers?
— Non, non, ça va aller.

Le garçon se relève, se traîne jusqu'au canapé. Il s'allonge. La copine nous pousse, referme la porte. Nous nous retrouvons sur le palier, désemparés: que vient-il de se passer?

Brèves de tractage

Tractage au marché de Montereau «Ville Basse». A priori pas un terrain favorable. Quand nous arrivons, l'équipe Le Pen qui tractait est sur le point de monter dans un énorme bus «Marine» qui va les emmener à quelques centaines de mètres à la foire. Je songe aux bus de Boris Johnson.
Place au blé. Je repère une mercerie, il faudra que je revienne.

Un marchand de vêtements d'une soixantaine d'années, bientôt à la retraite: «Marine, elle est amoureuse de Macron. Regardez, elle ne peut pas s'empêcher de parler de lui. Toutes les trois minutes, elle dit son nom. Moi je vous dis, ce n'est pas innocent, elle est amoureuse.»
Je ris d'incrédulité, de joie devant la fantaisie de la proposition: sacrés Français, toujours surprenants. Mais aussitôt, comme devant toute assertion que je commence à étudier: «et si c'était vrai?»

Un homme au visage buriné, veste militaire, moustache à la Cavanna. Un stick marqué «Eucalyptus» dépasse largement de sa poche de poitrine:
— Qu'est-ce que c'est?
— De l'encens. (Bon évidemment, il n'allait pas me répondre «Du shit». Mais c'est peut-être vraiment de l'encens.)
Je lui tends un tract. Il ressemble à un post-soixante-huitard mais l'expérience m'a appris qu'en politique, encore plus qu'ailleurs, il ne faut pas se fier aux apparences. Il le prend:
— Oui je vais voter Macron. Moi je m'en fiche, ma vie est derrière moi, s'il y a des bombes je me mettrai dans ma cave et j'attendrai. Mais pour les autres…

Une quarantenaire BCBG traverse l'espace en marchant vite. Je la rattrappe et lui tend un tract:
— Oh moi je vais voter pour faire barrage.
— C'est bien.
— Barrage à Macron, bien sûr!
Je ris, je me suis fait avoir: — J'espère que vous parlez russe!

N'empêche, comment administre-t-on une ville à 47% pour Mélenchon, 21% pour Le Pen et 16% pour Macron? Sans doute qu'avec la moitié de la population non inscrite et un tiers à la moitié d'abstention, c'est la population qui ne s'exprime pas qui maintient la possibilité de vivre ensemble.

Nous nous faisons apostropher par un jeune gars au profil Gilet Jaune: «Macron est un suppôt de Satan!» Il marmonne, on entend «… satanique…»
Il a l'air très remonté.

De loin, j'entends une algarade devant la boulangerie, un type a traité Macron de juif pédé, un homme lui a interdit de parler ainsi devant son fils.

Dans l'ensemble c'est bon enfant, souriant ou indifférent. Au moment de ranger notre matériel dans la voiture, un homme et sa petite fille passent sur le trottoir. Il accepte un tract avec empressement, ce qui fait que je lui demande: «vous voulez une affiche?»
Il repart avec une affiche «la jeunesse avec Macron».


Je photographie le mur d'un café.

publicité pour le brie de Montereau


Quelques jours plus tard j'interroge Toufik en prenant mon café. Je lui montre la photo.
— Ah mais c'est chez le Chinois! Il a racheté le café et il a gardé la publicité. Mais c'est vieux ça, c'est très vieux, ça a au moins dix ans.
(Dix ans, très vieux ? (précision: Toufik a deux ans de moins que moi)).

Je ne comprends pas le slogan: veut-il dire que le brie de Montereau est si bon que Napoléon serait resté sur place sans aller à Fontainebleau, ou qu'il est si bon que Napoléon se serait battu jusqu'au bout sans jamais se rendre?
Les deux, me répond Toufik. «C'est Jégo, quand il était maire de Montereau. Il a voulu relancer le brie de Montereau, mais finalement, ça n'a pas marché. Ça a fait pschitt.»

Médaille de bronze

Course à onze heures. Cœur serré, ne rien oublier, la sono, le compte-coups. Ceux qui sourient, ceux qui se taisent, la tension. JP a refait la course toute la nuit à base de savant calcul, mathématiquement, en prenant en compte les performances des uns et des autres, nous devrions monter sur le podium. Derniers conseils de Pascal, le sens du courant, le vent, les bouées, la négociation du virage… J'ai entendu tant de recommandations depuis quinze jours, le fil de l'eau, la séparation du courant en fonction du vent; j'essaie de comprendre les principes sans retenir le verbatim car je sais que rien ne se présentera comme prévu, une rafale, un concurrent dans le chemin,…

Départ. Cette fois-ci je vois le parcours, il est beaucoup plus lisible qu'hier où je l'ai remonté en reculant. Assez vite un bateau nous double (départ lancé toutes les quinze secondes), moins vite nous en doublons un autre, c'est bon pour le moral. Je gueule pas trop fort, la sono marche bien, il ne faut pas que je les assourdisse. Il faut alterner les conseils de puissance et de décontraction, c'est assez étrange.

L'île, (les cigognes), le bassin plus calme abrité du vent, le pont, de nouveau le vent, au loin plusieurs coques abordent le virage, j'ai le cœur serré, c'est la plus mauvaise configuration, plusieurs concurrents dans ce fichu virage, que faut-il faire, prendre au large et perdre des secondes, épuiser l'équipage épuisé, prendre plus court et prendre le risque d'accrocher les bouées, ou pire, un autre bateau?
La sécurité avant tout, nous disait-on à Bruges.
«Ramez cinq coup rien dans l'eau».

Ils ne voient pas donc ne comprennent pas, obéissent. Tout se joue dans leur confiance, il ne faut pas qu'ils se désunissent, que chacun se mette à regarder, ils doivent rester concentrés, réagir vite, ensemble, comme un outil bien réglé. Nous nous sommes peu entraînés ensemble, pas sûr qu'ils me fassent si confiance que ça. Heureusement que je m'entends bien avec la nage; notre passé vaguement semblable en compétition, notre façon austère d'envisager les entraînements.

J'abandonne l'idée de comprendre ce que font les deux autres bateaux devant, accrochage ou pas, j'amorce le virage, les deux autres tournent finalement, je donne des ordre, quart de coulisse, j'entends B qui proteste «non, à fond», lui le remplaçant qu'il se taise, on va se prendre le bord, j'insiste, encore quart, «ramez tribord à fond», je vois les autres bateaux s'éloigner, ils étaient plus proches tout à l'heure, j'ai envie de pleurer, est-ce que je viens de nous faire perdre? Je relance le bateau, «concentration!», on appuie dix coups, on remonte une autre coque, je vois celle qui nous a doublés loin devant, je suis exactement ses traces, le fil du courant, les bouées, elle a sans doute choisi le meilleur parcours, premiers bâtiments sur la berge, deux mille mètres, huit minutes, vont-ils tenir?

C'est une course contre la montre, remonter des bateaux ne suffit pas, il faut faire le meilleur temps, mille mètres, je les fustige, je commence à les engueuler, hier le quatre est arrivé quatrième, JP en était malade, «allez on va chercher ce podium, on la veut notre médaille, on y va!». Lumière du matin, le boulevard de la Saône ouvert devant moi, le clocher de l'église de St-Laurent, c'est magnifique, «poussez, on y va, c'est pour nous!» Ma voix commence à se briser, la cadence augmente, ils tiennent, cinq cent mètres, deux cents… Tout sur le désir.

Ligne, encore trois coups avant de s'arrêter, de peur de s'arrêter trop tôt. Je ne sais absolument pas ce que nous avons fait. Troisième ou quatrième? Nous avons remonté deux bateaux, certes, mais le deuxième ne devait pas faire partie de notre catégorie. Alors?
Chacun s'interroge. Nous remontons vers le ponton.
Sybille attrape une pelle: «vous savez la nouvelle? Vous êtes troisième!»

Ouf! J'ai envie de pleurer. Pendant des heures j'aurai envie de pleurer. Le contrecoup de la trouille, du stress, du désir.
Je suis vraiment contente.



Huit mixte +55 ans

Trois aperçus de la Russie

Je passe du temps sur Twitter.

J'y trouve cet échange d'un soldat russe avec sa mère, échange qui a été lu par l'ambassadeur ukrainien à la tribune des Nations-Unies. Je le traduis en français :
— Pourquoi as-tu mis tant de temps à répondre? Tu es vraiment en exercice?
— Maman, je ne suis plus en Crimée. Je ne suis plus à l'entraînement.
— Alors tu es où? papa demande si je peux t'envoyer un colis.
— Maman, qu'est-ce que tu pourrais m'envoyer comme colis? En ce moment, j'ai juste envie de me pendre.
— Qu'est-ce que tu dis ? Qu'est-ce qui se passe ?
— Maman, je suis en Ukraine. Il y a une vraie guerre qui fait rage ici. J'ai peur. On est en train de bombarder toutes les villes, tous ensembles. On vise même les civils. On nous a dit qu'ils nous accueilleraient à bras ouverts et ils se laissent tomber sous nos blindés, ils se jettent sous les roues pour nous empêcher de passer. Ils nous traitent de fascistes. Maman, c'est tellement dur.

J'avais le projet à l'équinoxe d'aller voir les nuits blanches de St Pétersbourg avec Sophie. Voilà qui est remis. Sophie a depuis un an ou deux une belle-fille russe. Je lui demande comment ça va, si elle a des nouvelles.
Réponse:
— Hélas, c'est indéfendable! Je suis très mal. Aux dernières nouvelles, la belle-famille de mon fils «ne comprend pas qu'on en fasse tant pour une opération militaire.» Et ma belle-fille dit que la nation n'est pas le régime.
Mais pour sa carrière, son image, etc…
Mon fils parle d'un «néo-maccarthysme» des médias. Bref, nous ne sommes pas dans le sens de l'histoire!

Ce soir en rentrant je découvre ce tweet qui parle de la protestation de Yelena Ossipova, survivante du siège de Leningrad.
Je pense à Alexievitch et Derniers témoins.


Sinon, j'ai fait mon entraînement d'ergo et H. est en train de regarder Top chef. Ce semblant de normalité est rassurant, même si ou surtout quand on sait que tout pourrait basculer très vite.

Achievement unlocked

Je me suis fait traiter de facho par Aymeric Durox.

tweet d'Aymeric Durox me traitant de facho


C'est la gloire.

L'admission de l'Ukraine dans l'Union Européenne

Je viens de voir ça et j'ai froid ans le dos.
Il est 14h30. Serons-nous en guerre dans deux heures? Est-ce que je dramatise?

Tweet de KievPost annonçant le vote pour l'admission de l'Ukraine dans l'UE


L'entrainement

Je quitte Vincennes tout de suite après le bureau. JM me récupère à la gare de Fontainebleau à deux heures. Il fait un grand soleil.

Nous n'avons pas encore réussi à ramer ensemble avant Mâcon. C'est tout de même les championnat de France. Je suis hallucinée de temps de légèreté, quand je sais à quel entraînements durs se soumettent les équipages du CNF.

Nous aurons donc un entraînement ensemble. Pas davantage, car JM ne pouvait pas être là, pour raisons familiales et Sylvie ne pourra pas être là après.

Nous bénéficions d'un beau quatre, qui a le défaut d'avoir la barre au pied de la nage. C'est conçu pour un deux mille mètres, où il est inutile de se retourner: il suffit de se repérer aux bouées devant soi, les couloirs sont droits. Mais pour un huit mille sur un parcours légèrement en courbe, dont un demi-tour à effectuer à la moitié, c'est plus difficile à maîtriser.

Nous descendons (sens du courant) vers Fontaine-le-Port, puis effectuons un deux mille mètres en remontant. Ça me paraît très long. Il y a du vent, il fait un peu froid, je remets un pull. Bien m'en prend: il se met à tomber une pluie fine et glacée, de plus en plus abondante, mêlée de grêle fondue.
Nous arrivons au ponton trempés et glacés.

Je rentre à la maison me changer et me réchauffer puis je repars à Samois : ce soir il y a remise du trophée de l'espoir à Cornélus Palsma par le comité départemental olympique et sportif, le conseil départemental et le Crédit agricole. C'est un jeune rameur de 22 ans originaire de Fontainebleau, vice-champion du monde en quatre poids léger.

La cérémonie commence mal: comme c'est les vacances, l'intendance n'a pas suivi et personne n'a les clés de la salle. Nous battons le pavé un temps bien trop long avant d'entrer dans la même salle qui nous avait accueillis pour le tajine du premier novembre. Discours des trois parties invitantes, réponse du jeune homme qui se tire bien de l'exercice, photos. Pas d'intendance donc pas de verre de l'amitié ni cacahuètes, c'est tristoune.

Cornelus Palsma entouré de l'ANFA - février 2022

L'enclave russe

Quand mes parents ont commencé à voyager en Pologne en 2019, j'ai découvert avec stupéfaction qu'il existait une enclave russe au bord de la Baltique, sans lien terrestre avec la Russie.
Comment une telle idée avait-elle pu germer dans le cerveau des dirigeants de Yalta? Quel géographe fou avait-il conseillé cela?
Et surtout, comment cela se faisait-il que je ne le découvrais que maintenant?

(Ce n'est que récemment que j'ai compris que lorsque j'étais au lycée, c'était noyé dans l'URSS, donc pas un sujet.)

La chose apparaît sur cette carte humoristique en faveur de l'Ukraine : la petite tache rouge, c'est de la Russie.

carte de la Russie et des pays qui ne sont pas la Russie


Depuis que j'ai découvert cela, je me dis qu'un jour les pays baltes se feront attaquer.

Nous n'avons rien dit pour la Géorgie, la Tchétchénie, la Syrie. Si nous ne disons rien pour l'Ukraine, combien de temps avant que les pays baltes, qui appartiennent à l'Union européenne, se fassent attaquer?

Entraînement, le retour

Dans la foulée de mon inscription en salle, je propose aux filles de commencer l'entraînement pour la course des Impressionnistes, le premier mai à Port Marly: une dizaine de week-ends pour ramer au moins une fois par semaine ensemble. Je propose une yolette. Je sais que ce n'est pas enthousiasmant, mais je me règle sur la démarche de Vincent qui nous avait imposé une yolette en 2018, malgré la présence d'Anne-So et moi-même qui avions un niveau au-dessus. (Mais je ne suis pas Vincent et je n'ai pas beaucoup d'arguments pour convaincre).
Toutes semblent partantes.

Reprise de l'entraînement à l'ergo ce soir. J'y trouve une allégresse à laquelle je ne m'attendais pas: juste avant le confinement, l'ergo m'avait mené au bord de l'épuisement. Surtout, cela nuisait terriblement à mon sommeil, muscles brûlants.
Ce soir, je me sens légère, allégée. Cela me redonne également confiance en moi.

Ergo

Cette histoire de Mâcon me turlupine.
En janvier, selon le rituel des bonnes résolutions ou peut-être pour les Culs gelés, j’avais visité une salle de sport à Vincennes, mais elle n’avait pas l’équipement que je souhaitais. J’avais abandonné.

J’ai décidé de réessayer dans une autre salle.
J’arrive au comptoir. Je ne sais pas par quoi commencer.
L’hôtesse, compréhensive: — Vous ne savez pas ce que vous voulez?
— Si, au contraire. (Je prends une inspiration.) Est-ce que vous avez des rameurs?
— Oui, au fond de la salle.
— Je peux les voir ?
Elle débloque le portillon.

Murs noirs, sols noirs, pas de musique, souffle des machines. Ergo hydrauliques, flambant neufs. Ce n’est pas du tout ce que je cherche, un ergonomètre utilisé dans les clubs d’aviron.
Je reviens.
— Ça va ?
— Non, ils sont presque trop beaux, ce n’est pas ce que je cherche.
— Vous cherchez quoi?
— Un rameur de marque Concept.
— Il y en a d’autres à l’étage. Vous voulez aller voir?

Elle redébloque le portillon. Je monte à l’étage, en manteau rouge et bottes parmi les corps transpirants, casque sur les oreilles. Quelques regards me suivent, mais si peu. Chacun est dans son monde, à la poursuite de son but.

Il y en a deux, dressés contre le mur, que ce soit parce que la place manque ou parce qu’ils sont rarement utilisés. J’en mets un à plat, teste la chaîne, les piles. Ils ont l’air en meilleur état que ceux de Yerres.
Je redescends et je signe. Pas d’abonnement, je pars en avril. Contrat fixe pour un mois.

Même emploi du temps

Presque la même journée, avec un temps plus couvert.

Double avec Françoise. Sylvie m’a amené une veste-anorak qui lui vient de son entreprise: veste contre le froid des salles de test pour les moteurs. Elle ne s’en sert plus, elle me la donne pour ma fonction de barreuse.
Cela me fait fait énormément plaisir. J’aime beaucoup cette veste (j’avais déjà porté celle de JM, trois fois trop grande), très chaude, à l’odeur particulière du kérosène (se shooter au kérosène ou au gazole des tracteurs, à la graisse des machines agricoles).

D’autre part elle me remonte le moral quand je partage à mi-mots mes doutes sur notre participation à Mâcon.
— Ça nous permettra au moins de faire une reconnaissance du parcours pour la course en huit du dimanche.
C’est vrai. Je n’y avais pas pensé. J’en suis rassérénée.

De nouveau sieste, de nouveau décapotable, Champagne, Féricy, Fontaine-le-Port. Je discute longuement à Féricy avec un amoureux de MX-5. Je repars avec son 06 pour le tenir au courant de nos actions militante. J’en suis toute étonnée.
Le soir on me redit de ne pas faire cela seule: « J’espère que tu n’étais pas seule. Ça va devenir de plus en plus dangereux ».
Je ne réponds rien. Le problème de ne pas faire les choses seule, c’est qu’il faut s’organiser, ne pas décider de partir sur un coup de tête en se réveillant de la sieste.

Beau temps

Temps magnifique ce matin, gelée blanche sur le ponton.

Seine au lever du soleil l'hiver à Samois


Belle sortie en huit, même si Pascal ne nous suit pas : il y a eu un problème de bateau-moteur, il a dû rentrer au club pour laisser le sien à la personne qui encadre les scolaires.

J’apprends avec perplexité que finalement les deux quatre mixtes envisagés pour les Championnats de France sont maintenus: il s’agit de l’équipage du huit coupé en deux. Mais comme Nathalie ne veut pas ramer en couple, la place m’est proposée (je soupçonne Nathalie de se désister volontairement car elle ne peut concevoir que j’aille à Mâcon uniquement pour barrer).
— Mais on ne s’est jamais entraîné ensemble!
— C’est pas grave, on fera au mieux.
Je les regarde sans comprendre. Je pense au CNF, aux entraînements forcenés, au niveau des filles qui montaient en masters. Nous allons nous ridiculiser. Cela n’a pas l’air de les effleurer. Se pourraient-ils qu’ils aient raison et que j’ai tort?

J’avais l’intention de monter jusqu’à Champeaux l’après-midi. Je l’ai fait, mais tardivement, m’étant profondément endormie après le déjeuner.

Vernou-la-Celle cherche un médecin et l’a écrit en grosses lettres sur une banderoles devant l’église, forêts, routes où l’on se croise avec difficulté, un air de Sologne qui me réjouit. Je colle à Echouboulains, le cœur palpitant puisque nous sommes prévenus qu’il ne faut pas faire cela seul, que c’est dangereux (ce que je crois et cependant peine à croire: nous sommes en France, non d’un petit bonhomme. Remontent de vieux souvenirs d’informations à la radio (Europe 1), de bagarres entre colleurs d’affiche, les premières images d’Adieu poulet).

La nuit tombe. La forêt laisse progressivement place à la Brie, coucher de soleil sur les labours, et c’est la Beauce qui remonte de mon enfance.

Coucher de soleil sur la plaine au sortir d’Echouboulais


Chaque village a sa belle demeure, sa ferme fortifiée ou son château. Je comprends pourquoi la circo vote à droite, je repense à cet ancien collègue qui m’expliquait pourquoi il y avait tant de particules chez les agents d’assurance: «après la guerre, M. le comte devenait agent d’assurance; il allait voir les paysans autour de chez lui qui tous souscrivaient quand M. le comte le demandait». L’histoire passe lentement. Terres agricoles et peur des partageux, villes industrielles et haine des patrons. Sociologie à l’emporte-pièce pas entièrement dénuée de fondement.

Il fait nuit désormais. Château de Bombon. Je cherche des panneaux à l’école, la mairie, l’église. Je ne trouve qu’une boîte à livres contenant La valise en carton de Linda de Suza et La France en automobile d’Edith Wharton. J’emporte ce dernier livre en pensant à Aline qui m’en avait parlé pendant que nous visitions Maintenon.

Champeaux. Trop tard pour l’abbatiale. France Inter dévide la vie de Philippe Seguin, son refus de Maastricht au moment où Mitterrand se sert de sa maladie pour emporter le oui. 1992. Je me souviens de discussions sur la terrasse, ma mère anti-européenne. Était-ce à cette occasion, ou plus tard en 2006, qu’un ami m’avait dit: «si les Etats-Unis sont contre, c’est que cela ne peut pas être mauvais pour nous». Je ne m’étais pas rendu compte à l’époque à quel point c’était bien évidemment lié à 1989 et la chute du mur. Je vais avoir une heure de retard sur ce que j’avais promis à H.
Je colle à Sivry-Courty, à Veneux en passant devant la place et je rentre.

Sale temps

Autant il faisait un temps magnifique hier, autant il y avait du vent et de la pluie aujourd'hui. J'ai barré le huit. Par deux fois les rafales de vent ont stoppé le bateau dans sa course, par deux fois j'ai dû demander aux rameurs de redresser le bateau que le vent était en train de précipiter sur les bords cimentés de la Seine.

Un peu de fun rose

Cadeau.

Collage

Au moment où je sors, H. fredonne « n'oublie pas ta pelle et ton seau».

seau et bouteilles d'eau dans un sac de course


Bien flippé dans la matinée — impossible de trouver les affichages libres obligatoires dans toutes les villes.

Mais je suis une angoissée et l'après-midi tout s'est — bien sûr — bien passé, sillonnant trois villes de la circo sous un beau soleil d'hiver et collant des affiches sur des panneaux dont finalement nous n'étions pas bien sûrs qu'ils n'appartinssent pas aux voies navigables et non aux communes.

Cela donnait une autre image de la Seine-et-Marne que le tractage à la sortie du RER de Noisy.

affiches


PS : Sybille est championne de France en aviron in-door (ie, ergonomètre, dit vulgairement "rameur"). C'est géniaaaallll !!!

La fin

Nous signons la vente de la maison mercredi prochain. Objectif de la journée: la vider totalement, car dans la grande tradition de la famille, nous nous sommes arrêtés à cinq pour cent de la fin. Nous avons tout déménagé, tout vidé, sauf un placard, deux meubles, la cabane,…

Le camion (douze mètres cube) a été réservé trois jours avant à Intermarché à cinq cent mètres de chez nous. Le récupérer nous prend une demi-heure car les logiciels informatiques ont été changés le week-end précédent et ça beugue: impossible de faire passer la carte bancaire pour le dépôt de garantie, impossible d'imprimer le contrat, la responsable souhaite annuler la réservation, H. supplie, nous n'avons que cette journée, la maison est vendue, nous avons posé une journée de congé… La directrice du magasin est appelée, H. obtient gain de cause.
Nous avons trois quarts d'heure de retard sur notre programme.

La maison. Je suis catastrophée par l'état des rosiers. Depuis combien de temps ne suis-je pas venue ici? Sans doute il y a un an, en février, je me rappelle de crêpes. Je ne suis pas venue en juin pour couper les roses fanées, je pensais que le jardinier passait. Il est peut-être passé, je ne me souviens plus des dates, mais quoi qu'il en soit, il s'est occupé d'autres choses que des roses.
(Et tout le temps de notre présence je volerai des minutes pour aller couper des gourmands et des cynorrhodons. Il faudra que je vienne plus tôt le jour de la vente pour les nettoyer vraiment. Ah quoi bon me dit H., ils vont les couper (le futur propriétaire a l'intention de remplacer le grillage par un mur, des plaques d'acier). Mais je me sens responsable de tout ce qui est vivant, surtout que c'est moi qui ai planté ces rosiers.)

Nous vidons la cabane. Beaucoup de fils électriques, de clous, de bidons, de pots de peinture. Un animal inconnu a fait un tas de coques vides dans un coin de la cabane. Les toiles d'araignées pendent sombres, remplies d'une sorte de sciure. J'espère que les propriétaires ne sont pas de purs citadins, sinon cela risque de les effrayer, voire paniquer. Je vire les toiles, sauvent quelques araignées (en les déposant sous les étagères. Je ne les mets plus dehors depuis que j'ai appris que cela les tuait: elles ont pris l'habitude d'être à l'intérieur).

Nous laissons la table de jardin qui nous vient de nos amis bostoniens, les étagères, des chaises, le tuyau d'arrosage, une pelle, un outil pour tailler le rosier grimpant.
Je remets des graines de tournesol dans l'abri des oiseaux, je fais le tour du jardin, le cœur serré: l'if coupé dont je ne fais pas le deuil, le sapin de noël qui faisait un mètre vingt à notre arrivée, qui en fait douze, est en train de mourir, le rosier blanc disparu, le rosier jaune qui a tant perdu de sa superbe (mais quel âge a-t-il? trente ans?), le forsythia massacré… Le laurier et le romarin vont très bien.
J'aurai le regret de ne pas avoir su m'occuper de ce jardin. C'était hors de mes forces, beaucoup trop de travail. J'ai une colère rentrée, que H. ni les enfants ne m'aient jamais proposé de l'aide. Il fallait que je demande (les garçons si efficaces pour planter les rosiers… mais avant leurs quinze et vingt ans, qu'est ce que j'ai galéré. Et les feuilles à ramasser… et l'engueulade quand j'ai pris un jardinier… et les voyages à la déchetterie sans un coup de main pour mettre les pots dans la voiture ou le chêne abattu. Mais cette année-là j'étais allée seule en Grèce et H. m'en voulait… c'est fou tout ce que j'ai sur le cœur dont je n'arrive pas à me débarrasser. Fasse que l'écrire me permette d'oublier.)

Nous chargeons les meubles qui restent, une table, six chaises, qui viennent de ma grand-mère et un buffet très lourd. Au milieu du salon vide je suis désemparée. Une envie de pleurer monte. Frustration et surmenage. C'est ce qu'il me reste de ces vingt ans. Tant d'efforts pour rien, et en même temps, pas assez d'efforts (faut-il supposer, puisque pour rien: s'il y en avait eus assez, cela aurait sans doute abouti à quelque chose, non?) J'aime nos fenêtres et le puits de lumière qui donne sur le rosier. Vont-ils s'occuper du rosier?

Nous déposons les meubles à la maison, puis déchetterie d'Ecuelles. Nous vidons le camion. Un couple est en train de jeter ce qui ressemble à une maison de famille, vélos et poussette d'enfants inclus. La grand-mère serait-elle morte? Des ballots entiers, des sacs poubelles, y passent. Il faut avoir le cœur bien accroché.
H. va rendre le camion. Nous aurons été la dernière location de la semaine, trop de problèmes informatiques, toutes les suivantes ont été annulées.

Le soir nous mangeons des nouilles asiatiques instantanées et je repasse un maillot pour le ping-pong du lendemain.

La journée la plus politique de ma vie

En regardant Twitter durant le déjeuner, j'apprends que ma copine vient de devenir sénatrice.

Appel d’un sympathisant marcheur de Champeaux (77): «j’ai commencé à militer, mais j’ai eu des menaces de mort de la part de LFI, alors j’ai arrêté parce qu’il y a ma femme».
Champeaux, cinq cents électeurs…

H. m'a acheté le kit du parfait colleur (d'affiches). Je suis émue. Mon premier kit. Mieux qu'une première boîte de legos (le défi : ne pas s'en mettre partout. On verra ça samedi).
— Bon, je n'ai plus qu'à piler du verre.
— Si tu fais ça, c'est du pénal.

Porte-à-porte

Ce soir, formation en ligne au porte-à-porte. Il s'agit d'aller frapper aux portes de l'abstention.

C'est flippant mais curieux. Toujours en binôme (comme les témoins de Jéhovah pensé-je in petto), en mixant les genres: un homme, une femme; un vieux, un jeune; un agriculteur, un fonctionnaire territorial; etc.

Je me demande si j'oserai, mais une fois encore, je suis curieuse: les réactions des gens quand on sonne à leur porte: hostiles, indifférents, amicaux? Ça m'intéresse.

Un site pour découvrir les réalisations près de chez vous: dans la marge de gauche indiquez votre département.

Deux citrons

A midi, à mes pieds, ils avaient roulé sur le trottoir.

deux citrons


Tombés des citronniers du fleuriste. Ils étaient parfaits. Je les ai ramassés.

Ambition brisée

— Ça me plairait, député.
— T'as cent mille euros à claquer ?

Contrôle d'identité

Lumière bleue silencieuse dans le rétroviseur, je suis surprise car je ne sais pas ce que cela signifie pour une voiture de police. Longue rue qui descend avec des chicanes, je suis deux voitures sans me presser, à tout moment il faut laisser passer celles qui arrivent en face; je viens de ramer, je pense au gâteau que je vais acheter; je suis dans les nuages.

Au moment où je redémarre après une chicane, la sirène se met en route, un signe, c'est pour moi, je me gare.
Un joli jeune flic arrive à ma portière:
— Nous allons procéder à un contrôle d'identité. Vous savez pourquoi?
— Euh non.
— Vous avez glissé le stop. Très lentement, mais vous n'avez marqué aucun arrêt.
— Ah? Je ne sais pas.
— Je vous assure.
— Oh mais je vous crois, je ne conteste pas. Le problème c'est que je n'ai rien, aucun papier. Je reviens du sport (je fais un geste vers le sac sur le siège passager) et je n'ai rien, même pas mes lunettes. Attendez, je vais sortir.
— Ce n'est pas la peine.
— C'est pour la lumière (J'agite mon téléphone), sans lunettes je ne vois pas grand chose.
— Vous savez que vous devez avoir votre permis, la carte grise et le certificat d'assurance quand vous circulez?
— Oui, je suis désolée, j'habite tout près, à Moret.

Je farfouille dans mon téléphone, parviens à trouver une photo de mon permis. Ils sont trois, une fliquette et un plus âgé. Ils se passent mon téléphone, essaient de trouver des renseignements sur la voiture à partir de l'immatriculation. Le jeune papote, étonnamment amical, il est en admiration devant la voiture, un super moteur, très souple, il connaît. C'est plus fort que moi, je raconte ma passion pour cette voiture depuis les années 90: «Mais avec les enfants, ce n'était pas possible». Le plus âgé sourit compréhensif: — Ça coûte combien une voiture comme ça? — 25000. Il hoche la tête, c'est moins qu'il ne pensait. In petto je ne comprends pas bien pourquoi nous sommes en train de discuter comme si nous prenions le thé alors qu'ils m'ont arrêtée et que je n'ai pas de papier, mais c'est plus fort que moi, je continue: «si ça vous intéresse, il y a un super garage qui vend des occasions au niveau de Draveil.»

Bref, ils n'ont pas réussi à se connecter et à trouver des informations sur mon compte. Ils m'ont laissé repartir, «ça va pour cette fois, mais ne glissez plus de stop» «merci beaucoup, j'ai la tête un peu dans les nuages en sortant du sport».

Je pars, ils me suivent, je m'applique pour ne pas dépasser cinquante dans la ligne droite après la gare, je m'arrête au feu orange, je mets mon clignotant avec soin. Ils continuent sur la route principale.

Après m'être garée je vais m'acheter un baba au rhum.

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Je revenais de l'aviron : belle sortie en double avec Sandrine. Nous avons remonté la yolette et un quatre. Je manque de condition physique.

Picpus

Visite de nos futurs locaux. La perspective de se retrouver dans Paris me fait étrangement plaisir. J'en suis partie en 2009 pour la Défense. Puis Nanterre, puis Vincennes…

Nous devrions déménager en avril.
Le paradoxe, c'est que je ne suis pas sûre de ne jamais y aller. Ou quelques mois. On verra.

Seine-et-Marne

Surprise en ouvrant le courrier, l'enveloppe du Président du département (Jean-François Parigi):
En raison d'une pénurie d'une pénurie de papier liée à la crise sanitaire, votre numéro de Seine-et-Marne Magazine du mois de janvier n'a pas pu être imprimé. [...] Toutefois, vous pouvez le consulter en version digitale depuis le site internet du Département : www.seine-et-marne.fr.
La lettre était accompagnée d'un feuillet A6 avec un QRcode à flasher pour récupérer l'adresse du site.

Par ailleurs je cherchais une carte de la circo 3 (ma circonscription) et j'ai trouvé cette carte des intercommunalités de Seine-et-Marne soit 507 communes regroupées en 21 intercommunalités aux noms évocateurs:
  • Communauté d'Agglomération de Seine-et-Marne
CA Paris - Vallée de la Marne
CA Melun Val de Seine
CA Marne et Gondoire
CA du Pays de Meaux
CA Coulommiers Pays de Brie
CA Pays de Fontainebleau
CA Val d'Europe Agglomération

  • Communauté de Communes de Seine-et-Marne
CC Les Portes Briardes Entre Villes et Forêts
CC Pays de Montereau
CC Moret Seine et Loing
CC Brie des Rivières et Châteaux
CC du Provinois
CC Pays de Nemours
CC Val Briard
CC Brie Nangissienne
CC l'Orée de la Brie
CC des Deux Morin
CC Plaines et Monts de France
CC Bassée-Montois
CC Gâtinais Val de Loing
CC du Pays de l'Ourcq;

ce qui m'a amenée à la carte des 264 groupements communaux.

Un vertige m'a pris.

Tibétain

J'avais prévu d'inviter A-C à la Table du Loup, mais le restaurant ferme: contrôle sanitaire, pas aux normes, il faut refaire toute la cuisine, trop d'investissements. Où vais-je acheter mon gin désormais?

J'ai donc changé pour le restaurant tibétain. Il s'avèrera qu'A-C n'aimera pas. (Mais comment aurait-elle fait au Tibet, son voyage annulé il y a deux ans pour cause de pandémie?)

Elle ne va pas bien, elle a perdu sa mère en octobre, elle est en deuil, à la limite des larmes à tout instant, sur tous les sujets. Je suis toujours effarée par la violence de la société qui s'imagine qu'il suffit d'un mois pour surmonter un deuil. Mon estimation, pour quelqu'un de très cher, est de deux à cinq ans. (J'appelle «surmonter» le moment où il reste le manque et le regret, mais plus la douleur. Pendant si longtemps (peut-être toujours?) on se dit: «ah tiens, il faudra que je lui raconte cela»).

Elle va prendre le train pour Romans, son fils aîné nous rejoint gare de Lyon. Il finit des études en montage vidéo et cinéma. Vingt-deux ans. Comme cela a passé vite.

Une tablette d'avant l'iPad

Oulipo. Nous sommes très peu nombreux, cinq qui sont restés dîner, covid oblige.

Japonais. La dernière fois (à laquelle je ne participais pas) GEF a découvert qu'on pouvait y manger autre chose que du poisson cru.

Discussion sur Perec, Queneau, Roubaud. Roland Brasseur et l'histoire de Paul Vernier l'hypermnésique. Evocation de Bernard Magnier. Je donne la référence du Cinquante-quatrième jour à Sophie. D. explique qu'il fait une apparition dans ce roman à clef.

D. n'a pas de smartphone. Mais il va en avoir bientôt un car il devient difficile d'utiliser le reste de ses appareils.
— Je n'en avais pas besoin.
— Tu verras, ça ne sert que très peu à téléphoner.

Question sur le télescope James Webb.
— Toi qui t'y connais, tu pourrais me dire…
— Tu sais, sur ce sujet, je n'en sais pas plus que toi.
— Oui mais toi au moins, tu comprends ce que tu lis ou entends, tu peux imaginer les conséquences.

Nicolas s'est récemment mis au braille. Il nous montre une tablette destiné à écrire : on coince la feuille de papier et on la poinçonne.
Désormais nous connaissons tous la lettre é: c'est celle qui fait six points, deux colonnes de trois points.
Ecrire en braille, c'est comme composer en caractères de plomb: il faut écrire de droite à gauche en écriture en miroir, puisque qu'on poinçonne la feuille de points en creux avant de la retourner pour lire ces points en relief. Comme toujours, je reste admirative des capacités supplémentaires que développe un cerveau en situation de handicap.


tablette à écrire le braille

Je m'ennuie

Il faut bien le reconnaître, je m'ennuie. Plus de littérature, plus de cruchons, plus de Daniel Ferrer; plus de théologie (qui malgré mon espoir n'a jamais réussi à remplacer la littérature); bien moins d'aviron (mais l'ergo me tuait); un boulot qui consiste globalement à repeindre et remettre en ordre le salon du Titanic avant qu'il ne coule…

Je ne sais pas quoi faire de ma peau.
L'impression des Bourreaux de Staline ne s'effaçant pas, j'ai sorti Pour une juste cause de la bibliothèque. Pause dans la lecture de Balzac.
J'ai commencé Vigil (Arte) en faisant la vaisselle. Ça paraît prometteur.

Ça me réjouit

Pourrait-on écrire: « Ça, me réjouit » en voulant signifier par la virgule le geste de montrer ?

Homard m'a yonnaise


C'est tout de même une curieuse époque qu'une époque qui permet de se prévaloir de Charlie (septième anniversaire du massacre hier) pour défendre EZ.

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Agenda
Réveillée à cinq heures du matin.

Barrée le huit sous une pluie fine. Ce qui m'étonne, c'est le peu d'insistance sur l'entraînement physique par ailleurs. C'est bizarre, je n'ai pas été habituée à cela.

H. passe me chercher après son tennis de table (la reprise est dure, ça doit faire dix ans qu'il a arrêté) et nous allons déjeuner à la Méditerranée (globalement libanais).

Acheté trois chemises. J'espère qu'elles ne rétréciront pas.

Conversation twitter : il paraît que je vis hors sol parce que je ne me fais pas insulter dans le métro. C'est bien, les cons me bloquent avant que je ne les bloque. Ça me plaît, ça veut dire que je résiste bien.

Shrimp is the new bretzel

Ensommeillée toute la journée. Pas le courage de lire dans le RER du retour. Je fais défiler Twitter, deux thèmes principaux, les non-vaccinés (les Bogdanoff sont morts, un député "Debout le France" est mort (c'est beau de mourir pour ses convictions)) et Blanquer (l'objectif de ne pas fermer les classes mène à une modification permanente des règles d'isolement: c'est le chaos).

Et puis je tombe là-dessus (compte de Barbara Serrano):
Pour ceux qui suivent quelques comptes brésiliens, vous devez voir partout des images de crevette. Je vous explique : il y a 3 jours, le président Bolsonaro a été interné pour occlusion intestinale. Intestins qu'il a fragiles après avoir subi une agression au couteau de cuisine lors de la précédente

deux crevettes en forme de coeur


campagne électorale. On apprend aujourd'hui que cette hospitalisation a été causée par une crevette mal mastiquée (oui). Depuis, la crevette a été érigée en héros national et symbole de l'antifascisme, et fleurit un nombre infini de blagues, de logos et divers visuels détournés

slogan les crevettes de la résistance


Mon préféré est celui du @sensacionalista (= @le_gorafi) qui reprend une affiche célèbre des années 1970 (époque de la dictature militaire) sur laquelle il était écrit "Sois un marginal, sois un héros", et qui a été transformée en "Sois une crevette (camarão), sois un héros".

Sois un marginal, sois un héros Sois une crevette, sois un héros


Un hashtag commence à circuler, #CamaraoAntiFascista, et on parle aussi beaucoup de "Camarão comunista", le communisme étant, pour Bolsonaro et ses électeurs, tout ce qui est situé à sa gauche.

Crevette à la place de la faucille dans le symbole communiste la faucille et le marteau Crevette à la place de la faucille dans le symbole communiste la faucille et le marteau


À un an des élections présidentielles et face à la très grande notoriété de Lula (Lula signifie "poulpe" en portugais), le faux journal @sensacionalista a titré "Si une crevette a causé l'hospitalisation de Bolsonaro, imagine un poulpe".
Le titre de ce billet fait référence à Bush qui avait failli mourir d'un bretzel.

Assommée

Trois raisons possibles et non exclusives les unes des autres :

* le visionnage de trois documentaires d'Arte:
Les bourreaux de Staline, sur Katyn. Je connaissais le carnage, je n'avais pas conscience que cela avait constitué un enjeu politique majeur jusqu'en 1990;
Les bourreaux aux mains propres, terrifiant si vous avez un peu d'imagination. La torture sans trace physique ou le lavage de cerveau (selon les angles ou les buts poursuivis).
La vie après Guatanamo, un documentaire sans certitude.

* ma troisième dose, puisque Saint-Antoine m'a contactée. Je n'ai pas résisté au plaisir de revoir "ma" doctoresse (je l'aime vraiment beaucoup):
— Alors, comment ça va ici? Aussi compliqué que l'année dernière?
— Oh non, ce n'est pas du tout la même ambiance. On hospitalise des gens qu'on n'aurait pas hospitalisé l'année dernière.
— Comment ça?
— On a plus de place et les pathologies sont moins graves. Non, ce qui change vraiment, c'est le comportement des soignants. Ils craquent un peu, ils ne supportent plus les non-vax. Et ça, c'est très nouveau, parce qu'on a l'habitude de soigner le chauffard bourré qui s'est planté, le cancer du fumeur incorrigible. Mais là, au bout de deux ans, ça commence à faire trop.

(Et donc j'ai peut-être un peu de fièvre. Et très sommeil.)

* une heure de massage thai. C'est amusant, au lieu de progresser des pieds vers les épaules, elle m'a entreprise par le côté droit puis le côté gauche.
J'ai des endroits vraiment très douloureux, sur les tibias ou les épaules. Une heure éprouvante pendant laquelle ma tête divague et rêve.


Et maintenant, au lit.

Quelques variants

Dernier communiqué d'Olivier Veran il y a 10mn sur France Info : Plusieurs variants ont été détectés simultanément; il faut s'y préparer.

- Le variant Travolta donne toujours de la fièvre, mais seulement le samedi soir.
- Le variant Suisse reste neutre, quel que soit le test PCR, antigénique ou sérologique.
- Pour le variant Bordelais, pas de souci on a les Médoc.
- Le variant Normand est difficile à prévoir : "P'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non".
- Le variant Belge serait redoutable, ça finit généralement par une mise en bière.
- Ne craignez plus le variant Chinois, il est cantonné.
- Par contre, le variant SNCF arrivera plus tard que prévu.
- Contrairement aux apparences, le variant du Bénin serait grave voire dangereux.
- En ce qui concerne le variant Italien, vous en prenez pour Milan.
- De son côté, le variant Ecossais se tient à carreau.
- Apparemment, avec le variant Japonais, il y a du sushi à se faire.
- On parle de l'émergence d'un variant Colombien, mais il semblerait que ce soit de la poudre aux yeux.
- S'agissant du variant Moscovite, c'est un méchant virusse.
- Pour sa part, le variant Corse s'attaque au bouleau puisqu’il est transmis par l'écorce.
- Le premier symptôme du variant Breton, c'est quand on commence à entendre le loup, le renard et la belette chanter.

Sérivore

En vacances encore deux jours. Pluie fine. Aviron. Un quatre et une yolette. Je barre la yolette puis prends la nage. Plaisir du mouvement connu par cœur, de l'extention sur corps sur l'arrière, les coudes bien dégagés, les omoplates serrées, entre l'eau et le ciel, dans la pluie fine entre les arbres, le reste du monde disparu.

Sylvain au deux derrière moi m'a donné après la sortie des précisions sur le début du geste. L'intéressant, c'est qu'il a commenté la position en relation avec la technologie des bateaux: «quand les bateaux étaient en bois, ils étaient plus mous, c'est pour ça qu'on pouvait se permettre de ramer le dos un peu rond, comme les rameurs des années 70, mais maintenant les bateaux sont plus durs, il faut protéger son dos, il faut rester droit et jouer avec le poids de son corps».

La suite de Casa de papel. A la fois plus romantique et plus violent que les deux premières saisons (qui étaient déjà gratinées), entre hôpital de campagne et attentat au Liban, sans oublier les discours féministes et transgenres. La série s'inscrit dans la lignée des Anonymous, les contestataires post-crise 2008. C'est un peu décalé quand on regarde cela dans le contexte du covid: un scénario qui sacrifie allègrement les civils et déclenche une opération armée dans le centre de Madrid… Je me demande ce que cela devient dans les deux dernières saisons (à suivre).
Il est deux heures du matin, il faudrait que j'arrête.

J'ai piscine

Repassage devant la deuxième saison de la Casa de Papel, vidage d'un carton et piscine.

Impossible de me souvenir de la dernière fois que je suis allée à la piscine. Il y a plus de dix ans, probablement.

La piscine de Moret a rouvert cet été après avoir été fermée depuis l'inondation de juin 2016. Elle a deux bassins, dont un extérieur. C'est ce qui m'a convaincue d'essayer: l'espoir que grâce au grand air, les vapeurs de chlore ne me rendraient pas malade et que je pourrais ajouter la natation à mes entraînements.

Quarante-cinq minutes de bassin dans la nuit, sous la bruine. Au bout de quelques allers-et-retours, j'ai remarqué le clocher de Moret contre le ciel noir.

Le chlore a gagné. Crise d'éternuements en rentrant à la maison, champ de vision troublé par un voile blanchâtre, blanc de l'œil rouge vif.

Je ne retournerai pas à la pisicne.

Sans dérive

Il fait très doux. Je barre le huit. A cinq cent mètres du club, le bateau heurte un bloc destiné à mettre en place des barrières de chantier, un bloc de 80x30x13 cm percé de trous pour mettre les pieds des barrières. L'étonnant est que ce bloc ne coule pas, il flotte à fleur d'eau, invisible.
Le bateau le heurte exactement dans l'axe et on entend le bloc passer tout le long de la coque. Question: la barre est-elle touchée?
Nous ramons, je fais des tests, la barre réagit. Cela prend du temps, comme toujours en huit. La difficulté est qu'il faut redresser avant que le huit ait pris la direction souhaitée. Je tire vers babord, je compte trois coups de rame puis je redresse avant même que le bateau ait pris la direction de babord. Il vire alors vers babord au quatrième ou cinquième coups de rame.

La sortie se passe ainsi, avec un coup de chaud lorsqu'une péniche apparaît face à nous alors que le bateau est au centre de la Seine. «On appuie à tribord, un coup», je tire sur la barre, le bateau dévie, c'est bon, nous sommes passés. La péniche fait des vagues, nous remplissons un peu.

J'ai tellement tiré sur la barre qu'à quelques mètres du ponton le câble en a rompu brutalement.

Une fois le bateau retourné sur les tréteaux, nous avons découvert que la dérive était partie. Il ne restait que la partie mobile de la barre, un aileron de quelques centimètres carré. Pas étonnant que le bateau réagissait lentement.

*****

Le soir O et Cy viennent dîner. Encore un gueuleton. L'indigestion est proche. Ça fait plaisir de les voir, ils sont cool et joyeux.
O. m'a offert les deux derniers Akira dans l'édition dans laquelle j'ai les quatre premiers. J'aurais au moins appris cela à mes enfants: la cohérence des éditions.

Cole Porter

Cole Porter au théâtre du Châtelet. J'aime plus le music hall que l'opéra.

Retour à gare de Lyon à pied à travers le Marais. Boulevard des souvenirs, transformation de certains magasins, permanence d'autres, changement de nom d'hôtels ou de restaurants. Et évidemment la disparition des Mots à la bouche.

Nous avons oublié d'aller voir la Tour Eiffel bleue.

Bilan et prospective





Bonne année 2020.2

Livres 2021

15 janvier, Ryszard Kapuscinski, Il n'y aura pas de paradis

19 février, Jacques Roubaud, Le grand incendie de Londres
23 février, Schulem Deen, Celui qui va vers elle ne revient pas
26 février, Michel Francesconi, Marque-Pages (manuscrit)

4 mars, Barbara Cassin, Le bonheur, sa dent douce à la mort
6 mars, Christin et Mézières, tome 4 des œuvres complètes de Valérian (3 BD)
7 mars, Christin et Mézières, tome 5 des œuvres complètes de Valérian (3 BD)
15 mars, dir. Barbara Cassin, Philosopher en langues
26 mars, Carlo Emilio Gadda, L'affreux pastis de la rue des Merles

5 mai, Joseph Heller, Catch 22
7 mai, Georges Didi-Huberman, Être crâne

25 juin, Joseph Millard, L'homme du mystère, Edgar Cayce. Terriblement mal écrit, je ne m'en souvenais pas (j'y étais sans doute moins sensible à quatorze ans)

31 juillet, Mary Ellen Carter, Edgar Cayce on prophecy

5 octobre, Dante, L'Enfer mis en vulgaire parlure par Antoine Bréa
13 octobre, Benoît Decock, Fausses Pelles, éditions Salto
16 octobre, Balzac, La maison du chat-qui-pelote, Pléiade t1
18 octobre, Balzac, Le bal de Sceaux, Pléiade t1
23 octobre, Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées, Pléiade t1
25 octobre, Balzac, La bourse, Pléiade t1

5 novembre, Balzac, Modeste Mignon, Pléiade t1
12 novembre, Balzac, Un début dans vie, Pléiade t1
17 novembre, Balzac, Albert Savarus, Pléiade t1
18 novembre, Balzac, La Vendetta, Pléiade t1
27 novembre, Balzac, Une double famille, Pléiade t2
29 novembre, Balzac, La paix du ménage, Pléiade t2

1 décembre, Balzac, Madame Firmiani, Pléiade t2
2 décembre, Balzac, Etude de femme, Pléiade t2
15 décembre, Balzac, La fausse maîtresse, Pléiade t2

Un peu plus que les dernières années. On voit que je reprends le train et que j'ai arrêté la théologie.

Un cadeau

Tous les jours je traverse au même feu. Parfois il y a là un réfugié ou un migrant (comment les appeler?). Il est là depuis longtemps, depuis septembre ou octobre. Il a un chapeau rouge qui lui sert à faire la manche. Quand je le vois, parce que c'est embarrassant d'attendre au feu sans rien faire à côté de lui, je lui donne un ticket restaurant. Avec le temps, nous nous reconnaissons. Ce soir, je me suis exclamée: «Mais vous avez du chocolat!» en remarquant un paquet à côté de lui.
Il me l'a offert.
J'étais gênée et très fière.



Télétravail

Avec une équipe réduite de plus de moitié, le retard s'accumule. Passé la journée à traiter ce que je pouvais, en écoutant plus qu'en regardant le dernier épisode d'Hôtel Beauséjour (sur Arte. Pas mal), puis La Corde (fantastique étrange) et Don't look up sur Netflix, sorte de mélange de Tim Burton et des frères Coen quand ils font dans la satire.

J'ai essayé Il était une fois en Anatolie que j'avais beaucoup aimé à sa sortie, mais impossible de travailler avec un vrai film en fond sonore.

Et maintenant je baille en écrivant devant La casa de papel.

Temps doux et pluie.

Air du temps

Mon téléphone transforme zenitude en «zébu rude».

Une vidéo d'éléphant à regarder jusqu'au bout.

Sur Twitter, les gens se déchirent au sujet du popcorn.
Ça peut paraître étrange, ça paraîtra étrange dans vingt ans. Castex a annoncé que le popcorn sera interdit au cinéma1; il y a ceux qui hurlent à la privation de liberté (une habitude), ceux qui paniquent en disant que ce n'est pas cette mesurette qui va leur permettre de prendre soin des malades (les médecins, infirmers, etc) et ceux qui se réjouissent de ne plus avoir de mangeurs de popcorn au cinéma.

Les estimations mondiales sont de 17 millions de morts, soit environ 2 morts pour 1000 (17 000000 pour 7000 000000, 17 pour 7000).

Pendant ce temps, ma machine à laver continue à se faire la malle à chaque fois qu'elle tourne. Cela n'a l'air de rien, mais elle est ensuite très difficile à repousser contre le mur.



Une bûche au Grand Marnier m'attendait à la maison.

J'ai eu la confirmation qu'il me faudrait une troisième dose (je ne savais pas si pour Janssen la dose de rappel était la deuxième). Tard le soir, somnolente, je découvre un mail qui me propose de participer à une autre étude, cette fois-ci pour le vaccin Pasteur-Sanofi. J'ai posé ma candidature, ce qui fait que je ne sais plus si je prends rendez-vous pour me faire vacciner en janvier. (En tout logique non. Mais avec ce qui se passe au boulot… Mais pourquoi ai-je répondu à ce mail ?)


Note
1 : il s'agit de ne plus manger dans les endroits publics comme le cinéma et les trains, plus exactement de ne plus prendre le prétexte de la nourriture pour enlever son masque.

Films et séries

Tiny Pretty Things (sur la danse)
Truffaut, Vivement dimanche!
26 janvier : Le placard. Bien.
26 janvier : Une petite zone de turbulences
26 janvier : Le bal des casse-pieds
27 janvier : The old Guard
27 janvier : Ne le dis à personne
27 janvier : Truffaut, Tirez sur le pianiste
27 janvier : Denys Arcand, Les invasions barbares
28 janvier, Godard, Détective. Bonne blague.
28 janvier : Kill Me Three Times. Idem, mais pas le même genre.
28 janvier : Trois couleurs : bleu. Beau. Bleu et sépia.
janvier : Trois couleurs : blanc. Cruel
31 janvier : Trois couleurs : rouge. Consolateur après les deux autres. Du cinéma très beau, des histoires schématiques ou stylisées, proches du conte, invraisemblables.

3 février : quelques minutes de Baisers volés. Insupportable.
4 février : Le Mépris. Ça se confirme, j'aime Godard. Il a quelque chose que les autres Français n'ont pas : l'ironie.
4 février : Baby Driver. Une sorte de Bonnie and Clyde attendrissant et maladroit.
5 février : Feel the beat. Très mignon.
5 février. César et Rosalie. La jalousie.
série The Trinkets. Ados. Pas si mal.
17 février : Jules et Jim.
19 février : Dix pour cent. J'aime beaucoup.
20 février : Coup sur coup (Les favoris de Midas). Bien joué, mais décousu. Et toujours avec cette implacabilité espagnole.

My crazy ex-Girl Friend
Sky Rojo

avril : The One
3 avril : Biohackers
3 avril : I care a lot
5 avril : Pitch Perfect 2 et 3. Très nul.

18 mai: Denys Arcand, La chute de l'empire américain. Je suis fan. Je l'ai vu deux fois de suite.

juin : The New Girl. Mignon
juillet: Clan, série belge sur Arte
La Meute, série chilienne dans un lycée. Violence faite aux femmes

août. essayé la saison2 de Sky Rojo. Je ne peux plus. Trop violent.
1er août - fin de Généalogie d'un crime. Raul Ruiz. Je suppose que l'écrivain représenté est Dostoïevski
2 août - fin de Laissez tirer les tireurs. Guy Lefranc.
3 août - Roger Vadim, La bride sur le cou. Brigitte Bardot. Sans intérêt autre que Mireille Darc et Claude Brasseur jeunes. Et du kart.
9 août - Mahmoud al Massad, Pour quelques dinars de plus. Plaisant.
10 août - The Good Fight, S4E2, avant d'aborder la saison 5. Je m'en souviens bien et je comprends bien l'anglais.

10 septembre, au cinéma pour la première fois depuis le Covid : Titane
Queer as Folk
Plan cul. Les acteurs françaix sont mignons, surtout les héros.
Mes funérailles, mini-série islandaise
septembre ou octobre : Flag day. au cinéma. Un menteur pathologique. Pas très intéressant, mais montrant une forme de maladie.

Mytho je n'ai pas tenu plus de deux épisodes
8 octobre : Squid game
New Amsterdam
28 octobre, au cinéma, Wes The French Dispatch
31 octobre, Sex Education saison 1 (H. recommande de ne pas regarder le reste)

1er novembre, Nobody's looking une histoire d'anges espagnole dans le genre Pushing daisies
Une ou deux saisons d'Arabesque

Le diable n'existe pas, au cinéma. Un film iranien contre la peine de mort.
Beau Séjour, une série polar fantastique flamand
La Corde, une mini-série fantastique allemande assez flippante
Don't look up, sur Netflix. Entre frères Coen et Tim Burton. De la satire grinçante.

Enfin une carte vitale

Cela aura pris un an. En décembre 2020, j'ai enregistré mon changement d'adresse sur ameli.fr. Il a fallu une ou deux relances pour qu'il soit pris en compte. J'ai été correctement enregistrée à la CPAM de Seine-et-Marne.
Impossible cependant de télécharger une attestation pdf: je n'ai pas pu en fournir une à mon nouvel employeur en mars dernier. Néanmoins (va comprendre Charles), la télétransmission s'est correctement établie entre ma nouvelle mutuelle et ma nouvelle CPAM.
Impossible cependant de mettre à jour ma carte vitale: «anomalie», affichaient les lecteurs.
Alors je l'ai déclarée comme dysfonctionnelle et j'ai voulu en commander une autre (en ligne, sur le site ameli.fr).
Mais impossible également (message d'erreur).

J'ai laissé un message pour dire que je voulais une attestation ameli. On m'a répondu en m'expliquant comment appuyer sur un bouton pour l'obtenir. J'ai réécrit pour tenter d'expliquer que je SAVAIS comment obtenir cette attestation, mais que c'était le site qui ne me la fournissait pas.
Après deux ou trois échanges absurdes de ce genre, j'ai laissé tomber. C'était en mai. Je me suis dit que cela se règlerait tout seul, qu'il fallait leur laisser le temps de rebrancher quelques fils pour que tout refonctionne.

Mais en septembre, cela fonctionnait toujours aussi mal.
Alors, parce que je me suis dit que si je me retrouvais à l'hôpital, ce serait H. qui devrait gérer tous les problèmes d'affiliation, j'ai écrit au médiateur de la caisse de la sécu en lui fournissant les copies de mes mails et des réponses obtenues. Le problème s'est débloqué en octobre: j'ai obtenu mon attestation. Le 21 octobre j'ai alors commandé une carte vitale.
Rien n'est arrivé.
Là encore, j'ai attendu en me disant qu'il fallait laisser du temps aux institutions.

Puis le samedi 11 décembre je me suis cassé le doigt. J'ai pris rendez-vous pour passer une radio sans passer par les urgences. Le rendez-vous possible le plus proche était à Vincennes le jeudi suivant, rendez-vous que j'ai annulé pour le prendre le lendemain à Fontainebleau.
J'ai alors vérifié où en était la fabrication de ma carte vitale sur le site d'ameli.fr. Réponse: «elle devrait être arrivée depuis longtemps».
Aucune explication.
Alors j'en ai recommandé une.
J'avais une visite chez un généraliste (inconnu, choisi sur Doctolib comme étant le premier créneau libre) le 22 décembre, mais le médecin a annulé au dernier moment. La visite suivante était aujourd'hui (avec un autre médecin).

Celui-ci m'a sans doute prise pour une folle: je suis arrivée deux doigts bandés l'un servant d'attelle à l'autre, avec une radio datant de dix jours pour une fracture datant de quinze jours. Il a juste commenté qu'à l'hôpital on aurait sans doute mieux fait le bandage. J'ai parlé de ma tension (concernant la fracture, j'avais failli annuler le rendez-vous à cause du ridicule de se présenter quinze jours après), il m'a parlé des exagérations des laboratoires dans les années 70 et m'a prescrit une analyse d'urine pour savoir si mes reins fatigaient (je ne vois pas le rapport, mais qu'importe).

J'ai sortie ma carte vitale toute neuve. Elle a fonctionné du premier coup.

Prédiction

« Une pandémie, ça dure cinq ans ».

Le père Noël a chaud, le père Noël est chaud



Père Noël musclé sans doute métro New York
source inconnue (vu sur FB)

Noël

Beaucoup de champagne, un essai de klouskis (c'est le nom de mon enfance, mais la recette correspond aux kopytkas dont je n'ai jamais entendu parler), du saumon fumé, des magrets de canard, un macaron géant à la mandarine et la tendance à préparer le repas suivant à peine sorti du précédent. Il y a longtemps que je n'avais pas autant mangé.

Ambiance détendue dans l'ensemble. Le teckel à poils durs (Kaninchen) de trois ans tend à être insupportable, mais ce n'est pas bien grave.

Comme chaque année désormais, je m'en veux de ne pas avoir la fermeté d'imposer la messe de Noël.

En famille

Premier Noël chez mes parents depuis 2018 (2019 au ski, 2020 couvre-feu et cartons de déménagement; je compte sur mes doigts le temps qui passe, j'ai perdu mes repères).

Partis en retard, il a fallu transmettre des justificatifs au comptable d'H. qui a envoyé un mail à huit heures du matin… (à sa décharge, il aurait dû les recevoir deux jours avant).
Il a fallu tasser les cadeaux qui tenaient à peine, mais tout est entré dans le coffre.
Je suis ennuyée de laisser la chatte seule trois jours. Quelqu'un passera la nourrir le 25 au soir, mais je me dis que ce doit être long.

Ma sœur et ses filles sont arrivées dans la soirée. Pas d'enfants de notre côté: le grand a décrété qu'il ne fêtait plus Noël, la suivante travaille samedi et lundi, le plus jeune est dans sa belle-famille.

Tombée du piédestal

Je suis déçue, mais déçue.

Il y a dans mes souvenirs et mes idoles les grandes icônes de la mode des années 80: Claudia Schiffer (mais pas tant que ça parce qu'elle est blonde), Cindy Crawford (mais quand même pourquoi a-t-elle quitté Richard Gere, mais aussi pourquoi s'est-elle macquée avec ce type?), Naomie Campbell, Linda Evangelista, mais surtout, surtout, Elle McPherson, the Body, la belle des belles, et quel prénom!

Et aujourd'hui, patatras, j'apprends qu'elle vit avec un escroc planétaire.
(voir à 1h04 après avoir regardé à partir de 9 minutes).

Il y a dans ce film cette phrase d'un lycéen: «les gens préfèrent les histoires aux chiffres», phrase évidente et cruelle pour la vérité.

*****


Soleil hivernal sur la seine


Barré le huit.
Nous avons trouvé du papier rocher, le sapin est enfin décoré.
Cela fait un an que nous avons signé l'achat de ce loft.

C cassé

Le titre est un hommage à Jaddo.

fracture de l'annulaire



Samedi dernier, je me suis fait écraser la dernière phalange entre un portant et le ponton. En sortant du bateau, une débutante a failli tomber à l'eau, et en la rattrappant comme je pouvais, mon doigt s'est retrouvé coincé.

Pas envie de perdre mon samedi après-midi aux urgences. Première disponibilité d'un radiologue cet après-midi.
Pas de carte vitale car elle est toujours en fabrication après avoir obtenu mon attestation ameli en octobre en ayant fait appel au médiateur de la sécurité sociale. Pas d'ordonnance car je me souviens que le radiologue est un docteur et peut faire des radios sans prescription médicale.
Cependant le cabinet de radiologie a été charmant.

Visite chez un généraliste mercredi prochain. En attendant j'ai fait comme lundi dernier: j'ai attaché l'annulaire au majeur.

La semaine est finie. C'est pas trop tôt.

Brouillard

Journée dans la brume. J'ai mal aux pieds (la structure, les os, les muscles). Je sais à peine ce que j'ai fait aujourd'hui. Un tiers de l'effectif en arrêt maladie. Plus deux ou trois en congés. C'est compliqué.

Je me débats pour organiser «ma» yolette. Il manque des certificats médicaux. Pendant ce temps-là, la perspective de participer aux championnats de France masters (comprendre «vieux») longue distance à Mâcon en mars se précise.

Commencé Une fille d'Ève. Préface de Balzac très intéressante. L'égalité dans la société à l'origine des nuances. La vie des personnages présentée dans le désordre, en mosaïque, car c'est ainsi que le réel se présente à nous.

Soirée pro

Test négatif dans l'après-midi.
Cocktail pro avec des élèves de grande école dans la soirée.
Conclusion : ils sont épais comme des crevettes et ne mangent rien. Mais boivent un peu.

A un moment je tends un plateau de canapés au foie gras en plaisantant:
— Tenez, pendant que c'est encore autorisé!
Un garçon s'empare d'un canapé: «Ah oui, c'est vrai!» tandis que les deux filles me lancent un regard noir quelque peu méprisant. J'ai eu envie de rire tout en me sentant embarrassée. Je me suis demandée dans quelle mesure les garçons ne mangeaient pas à cause de la présence des filles (et j'ai pensé à Proust: «l'influence civilisatrice des femmes». Sauf que je ne sais pas s'il s'agit de civilisation. Sans doute que oui, malgré tout).

Ils étaient heureux de se retrouver et ça m'a fait plaisir de les voir rire et papoter.

Place Colette-Paris


******

En sortant vers 23 heures, j'ai fait l'erreur de vouloir prendre la ligne 14: de l'autre côté du portillon, les escalators sont barrés d'un ruban de chantier. J'interroge un ouvrier: plus de ligne 14 à partir de 22h30.
Je ressors et vais prendre la 1. Il est 23h12, impossible que j'attrappe le train de 23h16.
Train de 23h42 au départ de gare de Lyon.
Surprise : il ne s'arrête pas à Melun, il poursuit jusqu'à Champagne, ce qui est bien plus court pour H. qui vient me chercher.

Champagne à 00h32, église de Moret dans la lumière, à la maison à 00h50. Je suis crevée et j'ai mal aux pieds.

Branle-bas

Une salariée positive au Covid, une des deux mères de jeunes enfants que nous avons dans l'entreprise. Tous les présents (cas contacts) se sont fait tester à la pharmacie du coin dans la demi-journée. J'ai prévenu ceux en télétravail pour qu'ils y aillent de leur côté. Tout le monde est négatif pour l'instant.

Je découvre les protocoles officiels. C'est compliqué.

En résumé, si vous êtes vacciné et négatif, vous continuez votre vie normalement.

Bientôt Noël

Etrange scène dans les vestiaires où une rameuse soutenait que le confinement avait commencé en 2019: les gens commencent à perdre complètement la notion du temps.

Sortie en yolette pour préparer les culs gelés. Il me manque encore une rameuse. Tout cela est assez fragile. Il s'agit d'encourager les rameuses les plus récentes sans vexer les rameuses les plus anciennes qu'il faut empêcher d'effaroucher les premières par des remarques techniques intimidantes.

Il faisait tout à la fois meilleur qu'hier (plus de soleil, moins de vent) et plus froid. France au quatre était bleue de froid.

Sorti les décorations de Noël (sans les installer — nous n'avons pas de sapin), vidé un carton du déménagement et déplacé la malle à jouets. J'ai l'objectif inavoué (inavoué car je n'ose y croire) de vider les derniers cartons avant la fin de l'année. Il n'y en a pas beaucoup, mais ils sont pleins de bric-à-brac, tout ce que je ne savais pas étiqueter et que j'ai fourré en vrac au moment de fermer les derniers cartons. Maintenant il faut ranger ce bric-à-brac — et cela me fait peur.

J'ai retrouvé quelques photos de famille, mon oncle et mon père en 2006 (c'est exceptionnel de réussir à les prendre en photo ensemble), le mariage de mes grands-parents maternels, mes grands-parents paternels sans doute en 1936 avec un troisième personnage non-identifié (le père de ma grand-mère? ou plutôt son beau-père? ou un frère?) J'avais quelques cadres d'avance, je les ai mis sur le piano (un piano droit, c'est raté pour l'effet château vieille demeure de France). Il manque des passe-partout adaptés, les photos sont de guingois et laissent voir les marges. Il faudra que je m'en occupe.

derniers cartons du déménagement


Cadeaux de Noël commandés.

Lapin

Il fait très doux, 13°, ce qui est un agréable changement par rapport à la semaine dernière (chaque fois que je me réjouis qu'il fasse doux entre décembre et mars je me sens coupable). Sortie en double sur une Seine très agitée par le vent.
Je rentre très vite (sans café, sans papotage) car nous attendons des amis à déjeuner.

Nous avons attendu longtemps.
Puis nous avons envoyé un sms léger, du genre: «tout va bien, pas de problème de voiture?»

Nous avons réveillé notre ami à New York (où il travaille): il paraît qu'il a envoyé un mail la semaine dernière pour se décommander mais H. ne l'a pas reçu. Notre ami était très embarrassé.

Nous avons déjeuné comme des coqs en pâte.

Je trie quelques papiers jamais rangés depuis le déménagement il y a onze mois. Je passe deux coups de fil pour essayer de monter un équipage pour les prochains culs gelés le 23 janvier.

Tout va bien

Emmené la chatte chez le vétérinaire : H. trouve qu'elle tétanise dans son sommeil (non, pas un rêve) et ça lui rappelle les derniers jours de notre chatte précédente.
Sans compter que sa sœur de la même portée est morte cet été.
Bilan sanguin dans la foulée : tout va bien, et même étonnament bien vu son âge (seize ans).

— C'est quand même vachement bien, le véto: la prise de sang et le résultat dans la foulée en une demi-heure.
— Oui, enfin, ça coûte trois fois plus cher que pour les humains.

Quelques coups de bambou

J'ai pris trois jours de congé.

Hier, exposition Vivian Maier au musée du Luxembourg. L'organisation de l'exposition est davantage thématique que chronologie, mais même ainsi, on voit se dégager le mouvement des sujets les plus évidents — des portraits, des groupes, des enfants — vers des sujets de plus en plus abstraits, des lignes, des rayures, des objets au milieu du vide. Je suis plus réservée envers les commentaires sur les murs: ces explications qui imaginent ce que souhaitait faire Vivian Maier et ce qu'elle pensait me font la même impression que les commentaires anthropomorphiques sur les animaux.
Il faut s'y résoudre, nous ne savons rien de cette artiste, et c'est par hasard que nous avons eu accès à son œuvre.

Je regrette de ne pas avoir eu l'occasion de goûter le gâteau créé pour l'occasion.

gâteau Angelina pour l'exposition Vivian Maier


Repas avec mon ancienne collaboratrice:
- Ma successeur n'a toujours pas mis à jour certains accès et je suis toujours habilitée bancaire dans mon ancienne boîte que j'ai quittée fin février (smiley horrifié: que dois-je faire?)
- L'intérimaire qui avait travaillé pour la mutuelle entre février et juin avait été embauchée dans une start-up. En fait c'était une arnaque. Elle n'a jamais touché de salaire mais ne peut pas non plus toucher le chômage car elle était embauchée.
- La directrice RH de mon ancienne boîte aurait fait une tentative de suicide. Difficile de démêler si elle a été accusée de harcèlement moral par les syndicats ou à l'inverse si les syndicats l'ont harcelée.

— Mais qu'est-ce qui s'est passé? Tout paraît tomber en morceaux.
— Tu es partie.

Le diable n'existe pas, film iranien sur la peine de mort. Quatre histoires, les deux premières fournissant les éléments nécessaires à comprendre les deux dernières.
Bourreau, un métier ordinaire ou exceptionnel? Il n'y a pas de bonne solution: refuser ou accepter de jouer les bourreaux peut tout autant gâcher votre vie.
Belles images, beaux paysages, beaux visages — et crève-cœur.

Dîner dans un restaurant japonais de la rue Chabanais, restaurant que je fréquente depuis 1996. La cuisine est toujours aussi bonne mais les patrons ont changé, ce qui a pour conséquence que nous sommes désormais inconnus — alors que nous sommes des habitués de plus longue date que les propriétaires.

Train à 21h16 soit un train trop tard. Jusqu'à Noël, à partir de cette heure, les trains sont terminus Melun et il faut terminer le voyage en bus, ce qui allonge considérablement le trajet. Je ris sous cape car H. découvre les péripéties des transports en commun (il les connaissait, mais pas de façon systématique).

La civilisation de l'Occident médiéval

Ligne 14, 8h33. Debout contre les strapontins, voiture pleine mais non compressée.

Jacques Le Goff

Pourquoi ne pas convaincre Fredi (ou comment lutter contre les trolls de droite, de gauche, antivax, and so on)

Le 27 novembre, Fredi me laisse le commentaire suivant (à propos de vaccination):
Et si vous me voyez errer de blogs en blogs, j'en déduis que vous en faites de même... Sans chercher à convaincre ou apporter le moindre argument contradictoire visiblement. C'est ça avoir la foi. Mais la foi ça se proclame!
Ça m'a interloquée: pourquoi s'imaginait-il que j'allais perdre mon temps à lui redire des arguments qu'il connaît déjà, pour qu'il me réponde des fausses vérités que je connais déjà? Pourquoi rejouer à l'infini ces dialogues de sourds? Cela l'amuse-t-il?
C'est juste sans intérêt.

Ou alors il y a un intérêt: déstabiliser l'adversaire par l'énormité du propos. Si les réactionnaires, les extrêmistes, vous sortent des propos insupportables de conn** (excusez-moi, Fredi, je généralise, vous n'êtes pas visé puisque nous n'avons pas enclenché la spirale), ce n'est pas qu'ils sont bêtes à manger du foin, c'est qu'ils le font exprès.
C'est la base ou la définition du trollage. La provocation.

C'est très bien expliqué dans cet article intitulé Pourquoi il ne faut jamais débattre avec l'extrême-droite (applicable à tous les extrémismes).
Dans les premières lignes apparaît cette loi:
L'extrême-droite possède une tactique vieille comme l'extrême-droite: l'injonction au débat. C'est une arme extrêmement puissante qui joue sur nos valeurs progressistes pour les retourner contre nous. […et il continue plus loin] L'extrême droite n'a pas la science comme valeur. Bien au contraire. Par conséquent, leur montrer qu'ils ont scientifiquement tort n'a aucun impact sur eux.
(Lisez ou parcourez l'ensemble. Je connaissais déjà la loi de Brandolini, je ne connaissais pas la fenêtre d'Overton. C'est très intéressant.)

Revenons à Fredi. Il se plaint que je ne cherche pas à le convaincre, et termine par «la foi ça se proclame!»
Deux remarques en passant :
1/ il utilise «foi» là où il s'agit de science: lapsus inconscient (est-il en train de dire que pour lui la science n'existe pas?) ou provocation? (veut-il m'agacer en parlant de foi quand il s'agit de science?) (Même question pour dsl qui utilise «croire» sous un autre billet.)
2/ «La foi ça se proclame!» : là encore, j'ai un doute: a-t-il lu suffisamment mon blog pour faire référence à mes études de théologie ou se contente-t-il d'utiliser une phrase toute faite?

Quoi qu'il en soit, je vais le prendre au mot en citant l'évangile de Marc 8,12 : «Pourquoi cette génération demande-t-elle un signe?» (Pourquoi Fredi demande-t-il un signe?)
Là où Jésus condescendait à donner «le signe de Jonas» (à ses auditeurs d'interpréter), je vais donner le signe de Guillaume Rozier:

France: carte des malades du covid à côté de la carte des vaccinés

Pour agrandir l'image, cliquer dessus et l'ouvrir dans un nouvel onglet.


* 3 décembre: je rajoute une stat.
modélisation DREES à partir des observations du 31 mai 2021 au 14 novembre 2021-Covid-vaccin


Puis sur une mention en commentaire, je rajoute un article de Tedros Adhanom Ghebreyesus (directeur de l'OMS), paru dans Le Temps (journal suisse donc hors des passions françaises): «Créer un meilleur encadrement pour la santé mondiale».
remarque: J'ai préféré un article contextualisé à un tweet en 280 caractères.

Puisque 1/ les nouveaux virus sont et seront probablement des zoonoses dues au défrichement dans les pays les plus peuplés (Asie et Afrique), 2/ puisque la population non-vaccinée favorise la mutation du virus, il faut vacciner tout le monde — et donc il faut que les pays occidentaux se soucient des pays du Sud.

Négatif

H. était cas contact après le salon des maires.
Nous étions à peu près sûrs qu'il était négatif, mais c'est confirmé officiellement (après deux tests, un le 22 et un aujourd'hui).


Journée sans histoire. J'ai fini La paix des ménages qui est une variation sur le même thème que Madame de….

Sous la neige

Ramé une heure et demie en skiff sous la neige. C'était magnifique vers l'amont, avec des flocons de plus en plus gros — mais peu à peu j'ai eu de plus en plus froid, le dos trempé par la neige fondue. La redescente vers le club a été très longue. J'ai eu extrêmement froid, impossible de me réchauffer même sous la douche.
Nous avons combattu cette hypothermie en mangeant une fondue savoyarde, ce qui a mené à une indigestion et à une sieste.

Je dois reramer demain, mais j'ai très mal au radius au-dessus du poignet droit. Je ne sais pas à quoi c'est dû, je ne vois pas où je me suis cognée.

Pourquoi pas une perf de Pfizer ?

Un commentaire sous le billet précédent m'a rappelé ce panonceau qui circulait sur FB en avril dernier.

Dites les complotistes, quand Pfizer a inventé le viagra, vous étiez moins méfiants, hein!

5e vague, 3e dose

Il y a longtemps que j'ai perdu le compte, depuis que j'ai changé de boulot (1er mars) et que ma nouvelle boîte considère que je dois être là tous les jours (à priori je prends une journée de télétravail hebdomadaire pour les habituer, mais celle-ci disparaît souvent devant les contraintes de calendrier).

Je me souviens vaguement:
  • 20 mars 2020 - 8 mai 2020 (le jour précis est de mémoire, donc à vérifier): 1er confiement
  • fin oct - ?? (libres d'aller en famille à Noël avec couvre-feu 18 ou 19 heures - 6 personnes au plus): 2e confinement
  • avril 2021: 3e confinement, toujours avec couvre-feu
  • fin mai ou mi-juin : lever du couvre-feu.

  • J'ai perdu le compte des vagues. Je me souviens que le pass sanitaire a été mis en place le 12 juillet 2021 (ou le discours l'annonçant a eu lieu à cette date. Nous mangions un kebab à Dordives).

    Ce sera une troisième dose de vaccin.
    Entre ceux qui grommellent que ça enrichit Big Pharma et ceux qui protestent qu'on aurait pu le dire/le faire plus tôt, peu considèrent que ces vaccinations coûtent une fortune et qu'à chaque fois, justement pour ne pas enrichir Big Pharma pour le plaisir, les gouvernements (pas que la France) attendent de vérifier que c'est utile, voire indispensable.
    Et pour vérifier cela il faut des statistiques, donc du temps. Heureusement, on bénéficie aussi des résultats de nos voisins. (La mutualisation de la recherche médicale est l'un des aspects encourageant de cette pandémie. Ça fonctionne extrêmement bien.)

    Un lien qui répond à un bon nombre de questions , même si je ne comprends pas du tout les graphiques.
    Je cite : «Donc ceux qui pensent qu’on leur a menti se trompent : il est ultra classique (et normal) de modifier la posologie / le schéma de prise d’un médicament après sa commercialisation, parfois même plusieurs années plus tard. Ca s’appelle la science : nouveau data, nouvelle recommandation.»

    Concours de WTF

    — Et toi, ta journée?
    — J'ai appris que X, Y, Z, la boîte et moi, nous avons tous été attaqués au pénal en avril dernier.
    — En avril? (La fille qui rentre tard et ne sait plus où elle en est) En avril? Mais ça fait longtemps… Comment c'est possible? Comment avez-vous pu être accusés sans être avertis?
    — Je ne sais pas.
    — Et vous êtes accusés de quoi?
    — Je ne sais pas. On va m'envoyer les papiers, je vais lire. Ils ont également accusé le commissaire aux comptes et même l'avocat de la boîte.
    — L'avocat de la boîte? Ils ont trouvé un avocat pour accuser un avocat? Le juge va apprécier.


    (Moi aussi j'avais une nouvelle WTF, mais c'est professionnel. Je le raconterai dans quelques années. D'après H., j'ai gagné le concours.)


    Et sinon une vidéo incroyable. Cliquez et regardez jusqu'au bout.

    Minuteurs

    Je vais essayer d'écrire le temps d'un épisode d'Arabesque que je dois regarder depuis longtemps (car le 10 septembre 2020 je n'ai pas réussi à trouver les épisodes. Aujourd'hui je les regarde sur Primevideo. Crossover avec Mission Impossible (S1E07)).
    C'est amusant, une ambiance plus proche de Columbo que de Miss Marple.

    Plus tôt j'ai fait un peu de rangement le temps de deux épisodes de Mécanisme du complotisme : Qanon, les origines.

    Je n'arrive plus à me mettre ni à mon ordinateur ni au tâches ménagères sans écouter ou regarder quelque chose en même temps.



    Pour moi, Angela Lansbury, c'est surtout L'apprentie sorcière.

    La vengeance du vacciné masqué

    En attendant de prendre le temps et de reprendre l'habitude d'écrire (car moins on écrit moins on écrit), voici un autre thread (fil) Twitter d'un médecin.
    Il s'agit cette fois-ci d'une explication possible ou plausible de l'explosion actuelle des cas de covid.
    C'est un angle que je n'avais jamais envisagé, d'une forte logique interne.

    Le Twittos est médecin et le thread ici. Je ne prends pas la peine de copier les GIFs.
    Les non vaccinés covid vont prendre cher... à cause des vaccinés. Et c'est très logique. Je vous explique.

    Le vaccin contre le covid ce n'est pas comme le vaccin contre la rougeole par exemple. Contre la rougeole, vous n'avez plus la maladie une fois vacciné.

    Les non vaccinés de la rougeole sont donc protégés par les vaccinés. C'était d'ailleurs l'argument très égoïste des antivaxx de la rougeole pour ne pas vacciner leurs enfants quand ce n'était pas obligatoire.

    Mais pour le covid, les vaccinés peuvent encore avoir la maladie.

    Il y a bien une baisse du risque de contagion, mais pas assez pour empêcher le virus de circuler. C'est d'ailleurs l'argument des antivaxx pour pas se vacciner. Sauf qu'ils oublient que le vaccin, s'il n'empêche pas d'être malade, réduit considérablement les cas de forme grave.

    D'ailleurs on le voit en ce moment à l'hôpital : pour 1.7 vaccinés, il y a 6 non vaccinés. C'est à dire que 13% des gens (les non vaccinés) représentent 78% des hospitalisations en soins critiques (source data.gouv.fr, au 28/10)

    Ça c'est la preuve que le vaccin protège, en réduisant drastiquement les chances (non nulles, mais très faibles) de finir à l'hôpital.

    Bilan : quand les vaccinés ont le nez qui coule, une anosmie, de la toux, bref, des symptômes, bha ils s'en foutent.

    Et ils ont pas tort. Ils ont un pass, le nez qui coule, pourquoi aller se faire tester? Pour protéger les non vaccinés? Mais c'est une grosse blague. Ils en en rien à carrer des non vaccinés, au contraire même.

    Je vois moultes cas depuis 2 sem et aucun vacciné ne se teste.

    Bilan : le virus est en train de circuler à une vitesse qu'on n'a jamais vue, et on n'a que très peu d'infos car plus de tests systématiques. Ajoutez à cela les enfants, c'est explosif ! Quand la classe de ma fille a fermé, on s'est demandé qui était malade. Le cas. Le vilain.

    Ils étaient au final 8 sur 26. La classe d'à côté 15 sur 28. Du délire. Et vous savez quoi? Les gens devant travailler ont envoyé leur enfant en quarantaine (dans l'attente du test) chez les grands-parents! Olé! Et la directrice dépitée de me dire /...

    .../ que les familles n'annulent pas les goûters d'anniv pdt la quarantaine !

    Voilà pquoi les non vaccinés, qui avaient 3 options pour l'instant : vaccin, covid ou passer entre les gouttes, n'ont plus cette dernière option. La fenêtre entre le vaccin ou le covid se ferme.

    Les 13% de non vaccinés, entourés de 87% de gens qui n'en ont plus rien à foutre du covid ET de ces 13%, n'auront le choix qu'à soit le vaccin, soit le covid. C'est pas pour rien que le ministre allemand a dit ce jour que d'ici la fin 2022 chaque Allemand sera /...

    .../ soit vacciné, soit guéri du covid, soit mort du covid.

    Après les non vaccinés, n'oubliez pas un truc : 10% des covid font un covid long. Cela va d'une fatigue de qq semaines à une anosmie de plusieurs mois (et probablement définitive), à des fibroses pulmonaires.

    Je vous ai déjà raconté ce cas d'un ami de 35 ans, sportif, le mec qui fait des iron man tous les mois, qui depuis son covid ne peut plus monter deux étages sans être essoufflé. Et qui terminera probablement sous oxygène à vie dans 20, 30 ou 40 ans. Qui sait.

    Bref, les non vaccinés, je vous le dis : vous allez subir de plein fouet l'égoïsme des gens qui n'en auront rien à foutre de vous, c'est à dire les vaccinés. Et vous ne passerez plus entre les mailles du filet, qui se resserent chaque jour un peu plus.


    Attention, je ne copie pas ça parce que ce serait d'une exactitude absolue, mais parce qu'il me semble que cela donne à réfléchir.

    Hôpitaux et médecine contemporains

    De nouveau je copie un thread de twittos. Chaque fois que je fais ça je me dis que je vais mettre le twittos en colère s'il s'en aperçoit, mais aussi chaque fois je me demande pourquoi il n'écrit pas ça dans un blog où je pourrais le retrouver, mais aussi chaque fois je me demande comment quelqu'un peut avoir le courage d'écrire d'aussi longs threads sur Twitter, j'en frémis rien que d'y penser.

    Il s'agit du même neurologue que celui qui m'avait rire lorsque les infirmiers non-vaccinés s'étaient fait virer de l'hôpital — preuve que l'hôpital est pour lui un sujet de réflexion réccurent. Pour le lire sur Twitter, c'est ici.
    Bon pendant que j'attends une thrombolyse qui visiblement ne viendra jamais (mais je suis sympa, j'attends jusqu'à la 4e heure 30), je lis plein de trucs sur COMMENT RÉFORMER NOTRE SUPER SYSTÈME HOSPITALIER (que bien entendu tout le monde aime tant qu'il s'agit pas de payer).

    Et de façon fort peu surprenante, toutes les solutions proposées consistent à déplacer un curseur imaginaire, sur une ligne qui l'est tout autant, allant de "plus de pognon" à "une meilleure gouvernance".

    La partie "plus de pognon" tout le monde la connait.

    La partie "meilleure gouvernance" un peu moins, mais en gros c'est toujours le même combo: plus de pouvoir de décision aux équipes de terrain et moins de paperasse inutile.

    Mais personne (ou plutôt pas grand monde) ne s'interroge sur la pertinence de l'organisation générale de notre système hospitalier.

    Alors qu'elle date de plus de 60 ans, époque où il n'y avait rien de ce qui fait 90% de la vie quotidienne de 90% des gens.

    Notre système est assez simple.

    On a des petits hôpitaux un peu partout, des moyens hôpitaux dans chaque département, des gros hôpitaux dans chaque région, et trois cas particuliers à Paris Lyon et Marseille.

    Et plus un hôpital est gros, plus il a des moyens matériels (un plateau technique) et une diversité de compétences importantes.

    Mais quelle que soit sa taille, chaque hôpital est aussi l'hôpital de proximité de son territoire. Un peu comme les écoles avec la carte scolaire.

    Tout ça est très logique... Pour quelqu'un qui vit dans les années 60 où les traitements sont rares, les connaissances médicales de base universelles, et la transmission des savoirs difficiles.

    Chacun de ces trois points est essentiel pour comprendre l'organisation des hôpitaux.

    1/ les traitements rares signifie que dans ce modèle, on part du principe qu'avec un dizaine de molécules on couvre la majorité des besoins hospitaliers. Antalgique, Antibiotique, anti-inflammatoires, diurétique, insuline... Avec ça on est supposé être autonome partout.

    2/ les savoirs médicaux de base sont universels. Que vous voyez un chirurgien, un médecin ou un psychiatre, tout le monde sait faire un diagnostic de base (fracture, hypertension, infarctus, diabète...) et tout le monde sait prescrire un des rares traitements disponibles.

    3/ la transmission des savoirs difficile. Dans les années 60, la communication la plus rapide est le téléphone fixe. Et c'est payant. Sinon y'a la poste. Et quelques bibliothèques universitaires.

    Un médecin qui veut avoir un avis sur un traitement particulier, ne va pas se taper une biblio en commandant 15 livres dans une bibliothèque, ni demander au spécialiste (au singulier) de la question une conférence téléphonique. Il se débrouille comme il peut.

    Nous sommes 60 ans plus tard.

    La pharmacopée a explosé et de nombreux traitements hospitaliers ne sont utilisables que par certains spécialistes (en neuro on n'a presque que ça)

    La médecine de base est très peu enseignée parce que le savoir spécialisé a explosé. Pour vous donner une idée, il y'a des trucs neuro auxquels je ne comprends rien et que je confie à des collègues neuro, alors la prise en charge de l'HTA si vous voulez c'est pas trop mon truc.

    Et l'accès à l'information est universel. Depuis mon téléphone dans un gîte en Corrèze j'ai accès à à peu près tout ce que je peux imaginer, encore faut-il que je sache quoi chercher (ce qui est différent d'où chercher).

    Qu'est-ce que ça change à notre système de soins hospitaliers ?

    On pourrait dire...tout.

    Plus aucun hôpital n'a la taille critique pour s'occuper de toutes les pathologies avec le maximum de chances pour les patients.

    C'est vrai pour les petits hôpitaux, qui se contentent d'assurer la survie avant transfert ou la fin de vie en l'absence de transfert….

    Mais c'est aussi vrai pour les établissements de l'APHP. Aujourd'hui en neurologie, selon votre problème neurologique, là où vous seriez le mieux pris en charge sera Lyon, ou Bordeaux, ou Nantes, ou Lille ou…

    Et comme évidemment ces services ne peuvent pas accueillir toutes les personnes qui en France ont besoin d'eux, ils sont sollicités par tous les autres hôpitaux (ça fait toujours drôle aux patients parisiens hospitalisés à la Salpêtrière qu'on aille demander un avis à Montpellier).

    Et là j'oublie volontiers le fait que dans certaines situations, les dossiers sont discutés avec des gens de Milan, Berlin ou Stockholm, y compris pour la sclérose en plaque de madame Martin qui habite à Guéret dans la Creuse.

    Pourtant notre système ne change pas.

    Madame Martin qui habite à Guéret dans la Creuse pense que parce qu'il existe un hôpital à Guéret, elle n'est pas loin d'un hôpital qui pourra l'aider si besoin.

    Ce qui est faux. Elle sera sûrement très bien prise en charge (je ne connais pas Guéret, je n'ai aucun conflit d'intérêt) pour peut-être son infarctus, mais en cas de parkinson elle devra aller à Limoges. Et si elle a une forme atypique peut-être devra-t-elle aller à Lyon.

    Ou pas. Parce que rien ne dit que par hasard un jour un neurologue qui s'intéresse au Parkinson ne s'installe pas dans cet hôpital. Ce qui sera super pour Mme Martin si elle a un parkinson, mais incompréhensible pour Mme Renaud, qui devra toujours aller à Limoges en cas d'AVC.

    Et ce qui est vrai à Guéret est vrai à Paris, boulevard de l'Hôpital, en face de la Salpêtrière, si Mme Dupond qui a une SEP, traverse la rue pour se faire hospitaliser dans un des excellents services de l'APHP spécialisé dans la SEP, au cas où elle serait également diabétique.

    Parce que chaque hôpital étant hôpital de proximité de son territoire ET avec des services utra spécialisés, il est probable que personne sache quoi faire de son diabète.

    En gros pour celui-ci il est possible que Mme Dupond aurait été mieux prise en charge à Guéret...dans la Creuse.

    Bref l'organisation actuelle des hôpitaux ne correspond à plus grand chose en terme d'adéquation de l'offre par rapport aux besoins, de hiérarchie de compétences, et de logique des soins.

    Et donc à part quelques sénateurs alcoolisés et maires démagogues, plus personne ne croit au système actuel (et j'oubliais quelques débiles sur Twitter qui pensent qu'une maternité sans médecin, sans sage-femme, sans pédiatre et avec trois accouchements/an est un lieu sûr).

    Du coup là vous vous dîtes, bah si il est si malin, il a sans doute une solution !?

    Bah non.

    Non pas qu'il n'y ait pas de solution, mais parce qu'avant d'évoquer les solutions, il faudrait déjà éduquer les gens. Et ça c'est quasiment impossible.

    Qui veut entendre qu'il n'est pas possible d'avoir à côté de chez soi, même à Paris, les meilleurs soins possibles et imaginables, ni d'ailleurs que ceux-ci ne sont pas toujours nécessaires (tout le monde n'a pas besoin d'une IRM pour le moindre mal de dos).

    Qui veut entendre que tout le pognon du monde ne changera rien au fait que plus la médecine se développe, plus les médecins se spécialisent, et plus il en faut pour une population donnée identique, puisque chaque médecin est de moins en moins universel.

    Et ceux qui pensent que la médecine gé peut faire le relais se trompent tout autant. En dehors du fait qu'il y a de moins en moins de MG, en 2021 on me demande encore à quelle dose on doit prescrire l'aspirine après un AVC (depuis 1960 ça n'a pas changé c'est 160mg de KARDEGIC).

    Donc il faudra s'habituer à soit se déplacer loin de chez soi même pour des pathologies fréquentes et bénignes ET admettre que de facto, il va y avoir une médecine à plusieurs vitesses selon la chance géographique

    OU

    Réformer l'organisation des hôpitaux, avec des services polyvalents bien plus nombreux, et des services ultra spécialisés disséminés partout sur le territoire (peu importe où) suffisamment staffés en médecins pour pouvoir donner des avis à distance à tous ceux qui en ont besoin.
    Tout cela m'inspire quelques réflexions : d'une part je pense encore «médecine des années 60». Je soigne tout à coup d'aspirine et de vicks vaporub, mais je suis consciente que c'est parce que je n'ai jamais rien eu de grave.

    D'autre part je crois tout à fait à la spécialisation croissante décrite ci-dessus: les explications ci-dessus recoupent des expériences, ou plutôt des éclats d'expériences, des anecdotes rapportées, des témoignages entendus. Ce thread donne un sens à des éléments épars. Comment dire notre reconnaissance à ce chirurgien de Garches qui a opéré la hanche de ma belle-mère à 79 ans malgré sa sclérose en plaque — aucun chirurgien de Reims ne voulait prendre le risque — et l'a fait remarcher — promesse qui nous avait fait rire d'incrédulité quand il l'avait proférée?
    Ajoutons que la sécurité sociale ne voulait pas rembourser le voyage en ambulance de ma belle-mère (avant l'opération elle ne pouvait voyager qu'allongée) au prétexte qu'elle aurait dû se faire opérer à Reims — et qu'il a fallu que mon beau-père apporte la preuve qu'elle n'avait trouvé personne pour l'opérer sur place (ceci pour aller dans le sens «notre système n'a pas évolué depuis soixante ans»).

    Quant à la spécialisation/consultation par d'autres hôpitaux, je réalise que le sujet est traité dans la saison 2 de New Amsterdam, quand le directeur de l'hôpital a l'idée de "prêter" contre rémunération ses spécialistes à d'autres hôpitaux (contre rémunération car nous sommes aux Etats-Unis: il faut trouver soi-même des financements).

    Tout cela me laisse perplexe, car avec une telle spécialisation, comment traiter un patient comme un tout, prendre en compte les interactions entre organes ou glandes ou entre médicaments prescrits par différents médecins?

    Bonne sortie

    La composition des bateaux le matin ressemble aux invitations à danser dans les boums au collège:
    — Que fais-tu ce matin? Il reste une place dans le huit, tu viens avec nous?

    Il y a une hiérachie entre les rameurs, comme il y a une hiérarchie entre les élèves populaires: les moins bons rameurs et les élèves moins populaires espèrent être invités par les rameurs meilleurs et les élèves populaires.

    Evidemment, c'est plus difficile pour les nouveaux venus ou les post-débutants (plus débutants mais pas confirmés): il faut trouver sa place dans le groupe et avoir montré son niveau.

    Ce matin j'ai proposé un double à Françoise. Elle rame depuis un an et je sais qu'elle fera une bonne recrue pour le huit que j'envisage. Elle m'a remerciée et a résumé ce que je viens d'exposer: «on se sent mal à l'aise, on a peur d'être mis à part». Cela dit sans rancœur, dans l'acceptation de ces règles à la fois sportives et sociales.

    Nous avons fait une très bonne sortie par un temps doux et gris.
    L'après-midi j'ai eu mal aux bras: cela faisait longtemps que je n'avais pas fait une sortie en couple.

    Ozark saison 3 et repassage.

    Tranquille

    Sortie en yolette avec des débutants. Pluie fine. Ozark saison 2. J'essaie de me convaincre de faire quelque chose d'utile, faire les comptes (done), écrire une lettre de motivation, reprendre ce blog pour rattraper un peu de retard.
    Sans beaucoup de succès.

    Jour de pont

    Nous sommes peu nombreux au bureau. J'ai amené des chocolats pour les présents, volontaires en ce jour de pont sans que j'ai eu à le demander.

    Il faut se creuser la tête pour trouver des événéments à cette vie monotone qui tourne autour du boulot. J'ai fini Un début dans la vie. Ce serait un bon Balzac a étudier en classe si les élèves avaient le courage de lire.

    Soir - Camembert rôti à la Dame du lac. C'est un ancien café devenu restaurant par la vertu du confinement. Il permet de manger un plat du jour très bien cuisiné à tous les repas, soirs et week-end inclus. En basse saison où les restaurants sont plus rares, c'est précieux. J'aime cette vie entre habitués d'un petit village.

    Brume

    Aujourd'hui devait avoir lieu la première régate du 11 novembre organisée par l'ANFA. Tout était prêt, les tentes montées, les arbitres convoqués, les bateaux remontés, le café, le chocolat, les croissants exposés.

    La ronde des bateaux étaient organisée, départ par quatre, vingt-six en tout, les sept premières coques devant courir deux fois. Je devais barrer un huit à 9h30 puis courir vers 11h40 (en espérant ne pas être totalement frigorifiée).

    Mais la brume ne s'est pas levée.

    Seine dans la brume-Avon

    Nous avons attendu, nous avons trépigné, dansé dans l'air humide pour nous tenir chaud, nous avons espéré.
    Mais la brume ne s'est pas levée.

    A 11h30 la régate a été annulée. Nous avons démonté les tentes et nous sommes allés manger le tajine préparé à la salle des fêtes de Samois.

    Ambiance très chaleureuse, les rameurs heureux de se retrouver, d'avoir du temps pour papoter dans cette parenthèse qui leur appartient loin des contraintes quotidiennes.

    Puis le rangement, la vaisselle, ces rites de la vie associative.
    Nous sommes rentrés au club, il était quatre heures, la Seine était magnifique.

    Seine à Avon


    J'ai revu des rameuses de mon ancien club et appris la mort de L.. Ce n'était pas un anévrisme mais une tumeur. B., l'entraîneur serbe, part à Basse-Seine, c'est-à-dire à cinq cent mètres, ce qui fait courir le risque que les compétiteurs le suivent. C'est compliqué, les départs d'entraîneur, c'est toujours un déchirement pour les ados.

    Droit social

    J'ai dans mon équipe une personne à mi-temps thérapeutique en télétravail quatre jours par semaine.
    Cela pose des problèmes d'organisation délicats, en particulier pour la former.


    En creusant le droit du travail, la RH a trouvé un dispositif intéressant dont je n'avais jamais entendu parler: quand une personne n'a pas acquis les trente jours de congés que représente une année pleine de présence (retour de maternité, embauche en cours d'année, etc), si cette personne a des enfants de moins de quinze ans, elle a droit à un ou deux jours de congé supplémentaires par enfant.
    C'est compliqué mais c'est sympathique.

    *********

    Retour à Vincennes après quatre jours. On oublie facilement. Je me déshabitue volontiers du travail.
    J'ai repris Modeste Mignon.
    Le soir repas au tibétain.

    Quelques livres

    J'ai appris que Marcheschi présentait son dernier livre aux Cahiers de Colette.
    J'y suis passée. Il était en train de lire devant quelques personnes assises en cercle. Je n'en ai reconnu aucune derrière leurs masques, ou peut-être Finkelkraut — pas sûr.
    J'ai tourné dans la librairie, j'ai acheté Les Perséides et je suis partie.


    J'avais pris pour venir la ligne 1. Deux jeunes hommes écoutaient de la musique sur un téléphone, musique pas désagréable mais volume fort, beaucoup trop fort. J'ai attendu d'être à une ou deux stations de ma destination pour aller demander à celui qui tenait le téléphone, moi debout, lui assis: « Vous êtes sourd?»
    Pas de réaction.
    Je hurle dans son oreille «Vous êtes sourd?» et je m'aperçois qu'il est en train de me filmer en contre-plongée, moi au-dessus de lui.
    Je sors mon téléphone et je le prends en photo.
    C'est alors que je remarque qu'il est sans masque: tel est pris qui croyait prendre, moi anonyme, lui exposé.
    Il me dit qu'il est cinéaste, qu'il va sortir un film.
    — Ah? Je vais vous mettre sur Twitter, c'est quoi votre nom?
    — Sur Twitter, carrément? (Il paraît incrédule comme s'il n'était pas possible que je connaisse). Je m'appelle Eliott.
    Un dialogue s'engage, la rame s'arrête, une place se libère, il se pousse: «Asseyez-vous si vous voulez discuter».
    Mais en fait non, je ne veux pas, je m'assois, je sors mon livre (là pas de bol pour eux ou pour moi, un Balzac en Pléiade c'est vraiment intello, je me sens un peu con — mais pas sûr qu'ils se soient rendus compte que mon livre était un peu risible).
    — Ah, alors on prend nos livres?
    Et ils sortent chacun un livre. Eliott propose de prendre un selfie de livres, je n'arrive pas à voir le titre du sien, un poche écrit par une femme, sur la quatrième de couverture un personnage comme Mauser ou Macuder; son pote lit… L'Assommoir.

    Eliott
    Eliott

    Le franglais ne passera pas par elle

    — Lundi, il faudra revoir votre calendrier à rebours.

    Simplification administrative

    La simplification administrative est une volonté affichée du gouvernement. Mais si l'administration parvient à mettre en place des mesures pour les entreprises, j'ai l'impression que c'est un échec en ce qui concerne ses propres troupes.

    Je m'explique:
    Un décret prévoit qu'à partir de 2022, les employeurs publics rembourseront 15 euros aux "agents" (fonctionnaires et contractuels de la fonction publique) qui prouveront qu'ils cotisent à une complémentaire santé1 («mutuelle» dans le langage courant).

    La DGAFP (direction générale de l'administration et de la fonction publique) a mis en ligne un modèle d'attestation (voir en bas de page). Notons en passant que l'attestation prévoit qu'on renseigne le NIR (numéro de sécurité sociale) alors que c'est une donnée sensible au sens de la RGPD, que les complémentaires évitent d'utiliser pour autre chose que le remboursement des soins. Apparemment les agents de la fonction publique n'ont pas d'autre identifiant sur leur bulletin de paie.

    Mais ce qui m'assoit, c'est le «Modèle de demande de remboursement forfaitaire des cotisations de protection sociale complémentaire en santé» (je vous laisse l'ouvrir, toujours sur la même page) qui doit ou peut (ce n'est pas clair) accompagner l'attestation. Il consiste en un tableau reprenant la moitié des renseignements disponibles sur l'attestation: pourquoi? Pourquoi ce doublon?
    C'est typiquement ce genre de détail que je vis comme une brimade de la part d'un type (terme asexué) assis derrière son bureau et qui se demande «Voyons, que pourrais-je bien leur demander pour remplir cette feuille?»

    Mais à quoi ça SERT ?


    Note
    1 : remarquons au passage que depuis 2016, tous les employeurs privés ont l'obligation d'affilier leurs salariés à une complémentaire santé et à prendre en charge une partie de sa cotisation. Une fois de plus, l'Etat a imposé aux entreprises privées une obligation dont il s'exonère.

    Radiateurs

    Quand nous sommes arrivés dans le loft à Noël nous avons eu un coup au cœur: les radiateurs faisaient un épouvantable bruit de soufflerie. Comme d'une part nous étions dans le déni (nous venions d'arriver dans le lieu dont nous rêvions depuis six mois: tout devait être parfait), que d'autre part nous avions très peur qu'il faille changer toute la plomberie (est-ce que l'ancien propriétaire nous avait fait un coup de pute? Il paraissait si sympathique), nous avons coupé les radiateurs du rez-de-chaussée et maintenu la température grâce à l'insert; au premier étage nous avons mis les radiateurs au plus bas pour diminuer le bruit et compté sur la chaleur qui monte pour chauffer le deuxième étage.

    Depuis les problèmes de plomberie se sont multipliés: plus d'eau chaude fin juin, les robinets de raccordement de la machine à laver fuient (je les ouvre et ferme à chaque utilisation, heureusement pour deux adultes elle tourne moins que pour six), la chasse d'eau de l'étage ne fonctionne plus depuis deux mois et la seule solution durable semble de découper le mur dans le dressing pour accéder au mécanisme sans démolir la salle de bain et le changer pour un neuf. Nous avons coupé l'eau et nous faisons à l'ancienne: deux bassines dans la cuvette chaque matin.

    Le seul problème que nous avons réellement traité est celui de l'eau chaude (dur dur pour la vaisselle et la douche). Nous avons appelé un chauffagiste fin juin: la chaudière était restée sur mode «maintenance», d'où selon lui le bruit de cocotte-minute des radiateurs. Le fumiste s'est excusé d'avoir oublié de basculer le mode lors de sa dernière révision et nous a fait un rabais. Il paraît que notre installation est neuve et de très bonne qualité.
    Durant les quelques jours chauds de l'été (si, il y en a eus), je me suis rendue compte que la température du local de la chaudière était excessive (considérant qu'il s'agit de gaz, cela me fait peur): nous avons laissé la porte ouverte et baissé la température de la chaudière, ce qui fait que celle-ci s'est mise en mode sécurité et que nous avons dû rappeler le fumiste…

    Je me suis mise à surveiller la chaudière. A force d'observations (et de photos pour preuve et mesure du phénomène), je me suis rendue compte que la pression dans la chaudière diminuait: de l'eau s'évaporait (H.: «Mais comment est-ce possible? Il y a une fuite dans le circuit? Moi: Je ne sais pas et je m'en fiche puisque j'ai une solution»). Désormais je rajoute de l'eau tous les quinze jours environ. C'est peut-être dû au fait que c'est une chaudière à condensation.

    Avec anxiété, nous avons rallumé le chauffage ce matin.
    Les radiateurs ne font plus de bruit.

    *******

    Sortie du soir, sans doute la dernière de la saison (19h10).



    Les jeudis de l'Oulipo se tiendront le mardi

    Relayée par Dominique, la nouvelle était tombée il y a quelques temps déjà: les jeudis de l’Oulipo auraient lieu le mardi.

    Quel plaisir de se retrouver pour la première fois depuis février 2020. Tout le monde est là, un peu plus blanc, en forme, je suis rassurée. La pizzeria est toujours ouverte, ouf, mais elle a dû changer de cuisinier — je ne mangerai sans doute plus de spaghettis cuits dans une meule de parmesan.
    Nicolas a sorti un nouveau livre de poèmes sur les éléments, plus modeste, plus personnel que celui de février 2020. C’est un livre à compte d’auteur et il nous le distribue. Les contraintes de versification sont données à la fin du volume et les thèmes des poèmes sont expliqués ainsi: «Pour chaque élément, un mot ou une expression a ainsi été extrait de son étymologie (parfois incertaine, voire fantaisiste) pour inspirer le sujet du poème.»
    Exemple : élément 59 praséodyme: jumeau couleur poireau

    59. Destin

    Deux poireaux s'aimaient d'amour tendre.
    L'un d'eux, s'ennuyant dans son champ,
    Voulut entreprendre un voyage.
    Il pria l'autre de l'attendre
    Et fit promesse d'être sage
    Pour ne point finir en potage.
    Après un adieu fort touchant,
    L'aventurier prit son bagage
    Et s'en alla de bon matin.
    Hélas! Bien avant le couchant
    Il fut trouvé très alléchant
    Et termina dans un gratin.

    Nicolas Graner, De tout un peu
    Je parle à M. de mon projet de suivre le colloque sur Balzac en août prochain à Cerisy.
    — J’ai commencé un marathon Balzac, la lecture de tous les Pléiade.
    — Ah oui, tu révises. (Il a un sourire amusé.) Ce qu’il y a de bien, moi, c’est que même si je révise, je ne me souviens plus de rien.
    J’ai le cœur serré. Je sais de quoi il parle: vieillir, et il est trop fin pour être consolé par quelques mots creux et convenus. Je me tais.

    J’évoque avec GEF mon désir d’un colloque à Cerisy avec d’Hofstadter. Il s’exclame les yeux ronds: «Mais c’est beaucoup de travail!»
    Certes : il faut trouver le sujet, trouver les intervenants. Il faut avouer que je me défausse sur lui, mais d’un autre côté, moi, je ne connais pas Hofstadter.

    Pour ou contre la Pléiade?
    — Je déteste ce papier.
    — Ah, tu pousses ton anticléricalisme jusque là?
    — Tu n’aimes pas la Pléiade parce que tu as de la place. Tu en comprendrais l’intérêt si tu avais un tout petit appartement.
    — J’ai un petit appartement et je croule sous les livres.

    *******

    Le lundi et le mardi, la ligne 14 s’arrête à 22 heures. Je quitte donc le restaurant dès 21h30 car je ne veux pas prendre risque.
    Par ailleurs, j’avais en tête que pour cause de travaux, à partir de 23 heures les trains s'arrêtaient à Melun et qu'il fallait continuer en car jusqu'à Moret. Pour éviter cela il fallait attrapper au plus tard le train de 22h46.
    J'arrive à la gare à dix heures moins dix. Je découvre ô joie qu'il existe un train de 22h16 dont je n'avais pas connaissance.
    Et heureusement, car il ne fallait pas comprendre «les trains partant de la gare de Lyon à partir de 23 heures auront pour terminus Melun», mais «aucun train ne quittera Melun à partir de 23 heures», c'est-à-dire que le train de 22h46 m'aurait entraînée dans la galère du car et du trajet interminable.

    Cependant, pour compenser ce coup de bonheur, le train de 22h16 est mis à quai à 22h12 et ne démarre qu'une demi-heure plus tard, ce qui fait que je commence à m'inquiéter de notre heure d'arrivée à Melun: allons-nous finalement prendre le car? Je pose la question sur Twitter à @ligneR, et miracle, on me répond que non (double miracle: qu'on me réponde, et que le train aille jusqu'à Moret).

    Rentrée

    En milieu de journée j'ai la confirmation que je vais ramer avec Bourges, sans doute en cinquième place (j'ai proposé d'être le relais vers l'arrière). C'est un bateau sans prétention, monté pour le plaisir et la volonté de faire la coupe des Dames: deux rameuses qui l'ont déjà couru, des rameuses qui ont quatre mois d'aviron derrière elles (!! jamais cela ne serait passé au CNF, mais c'est à peu près ce que je tenterai à Pâques si rien ne change d'ici là).

    Rendez-vous LREM à Fontainebleau à 19h30. Il y a une grève de bus en Seine-et-Marne depuis la rentrée, il faut rejoindre le centre à pied. Soirée un peu lente, gaie. Nous avons chacun nos dadas (le mien c'est «Macron a été élu avec des voix de gauche, il faut se placer sur la niche «prévention» et non ressasser l'insécurité»). Le constat simple est que même si «les salaires ont été nationalisés pendant six mois» (selon l'expression d'un participant), la suppression de l'ISF reste l'arme par excellence des anti-macronistes.
    Nous sommes en terrasse. Nous voyons sortir les LR, masculins, grands, visages fermés, manteaux bleu marine. Nous avons au moins la satisfaction de nous dire que nous sommes joyeux et heureux d'être ensemble.

    Sous le signe de l'amitié

    O. (le parrain de O.) nous a rendu visite en famille. Ça fait plaisir, les amis ne paraissent pas hésiter à faire les 80 km nécessaires à venir nous voir.
    Journée gaie et détendue, facilitée par le fait qu'il a fait beau.
    Comme je m'étonne que la chatte à seize ans soit si patiente avec les enfants, H. me rappelle qu'elle a grandi avec des enfants. 2005, comme cela paraît loin.
    Bougie. Une. Après cinquante ans, j'ai décrété qu'on n'ajouterait pas plus de précision. (Voilà qui ne facilitera pas la datation des photos dans cinquante ans).

    Au moment de me coucher je découvre un sms de Claudine: une rameuse de Bourges est blessée, le huit cherche une fille pour la remplacer, suis-je intéressée?
    Je réponds aussitôt oui, mille fois oui.
    Et à l'allégresse qui m'emplit, je comprends que j'étais triste.

    Rhinocéros

    Sortie en huit où nous travaillons plus l’endurance que la technique. Il fait un temps magnifique. L’automne n’a encore touché qu’une sorte de vigne dont les feuilles virent très tôt au rouge sombre. Sur le reste du vert c’est splendide.
    Je regarde chaque fois le paysage comme si c’était la dernière fois, « Regarde de tous tes yeux, regarde. »
    Malheureusement il est difficile d’arrêter le bateau pour prendre des photos.




    Le soir, sortie au théâtre à Fontainebleau: un des rameurs, professeur de théâtre, joue dans Rhinocéros.
    Je ne connaissais que La cantatrice chauve et je redoutais l’absurde car La cantatrice me fatigue.
    Heureuse découverte. La mise en scène a choisi de mettre en avant l’incommunicabilité en traduisant une partie des dialogues en anglais. (Je me demande ce que cela aurait donné dans une langue que je n’aurais pas comprise du tout.) Finalement cela ressemble à écouter une personne au téléphone sans entendre son interlocuteur.
    Beaucoup deviennent rhinocéros, mais si l’on est le dernier non-rhinocéros, quel sens à résister?

    L’affiche aussi m’a plu.



    6 et 7

    Sixième et septième symphonies de Beethoven par Jordi Saval ce soir. H. intervient dans une AG et ne peut pas être là; j’ai invité Brigitte, administratrice de mon ancienne mutuelle et que je connais depuis 2009. Je lui ai proposé la veille pour le lendemain, elle a accepté aussitôt, ce qui fait plaisir. Je n’ose plus inviter Nicole qui doit en être à trois refus: peut-être qu’elle n’aime pas ce genre de concert, après tout, car pour Expendable, c’était oui.

    Pas convaincue par la sixième: les cordes résonnent curieusement, sont-ce les violoncelles qui chevrotent? Le rythme est languissant, amolli. Je ne reconnais pas « ma » (stupide pronom possessif) symphonie. Tout cela manque d'énergie.
    La septième sera plus vive, enlevée: le contraste était-il voulu, l'orchestre s'était-il échauffé, le chef a-t-il décidé de donner de la vivacité à la soirée? Quoi qu'il en soit, c'était tonique et j'ai pris beaucoup de plaisir, comme toujours dans Beethoven, à regarder le percusionniste.

    Retour en voiture, quatre-vingt kilomètres jusqu'à Moret, forêt à l'approche de Fontainebleau, biches à trois reprises sur le bord de la route (embardée de la voiture devant nous jusqu'à entrevoir les silhouettes à la limite des arbres).

    Pluie

    Quatre sous la pluie.
    Je n’ai pas eu froid sur l'eau le matin mais impossible de me réchauffer l’après-midi.

    Après-midi et soirée à regarder Mytho. Ça me fait penser à l'affaire Romand.
    Par ailleurs, c'est totalement irréaliste, à commencer par le jeune homme trans de quinze ans qui se promène sans problème dans son lycée. Je me demande si c'est possible en France.
    Crêpes.

    Très très peu envie de retrouner au boulot demain.

    Car

    Les problèmes de transport du week-end comptent-ils? Sans doute pas, surtout quand ils sont planifiés.

    A cause des clés de voiture inopérantes, j'avais prévu ce matin de mettre mon vélo dans le train jusqu'à Fontainebleau afin d'éviter de marcher les trois derniers kilomètres entre la gare et le club d'aviron. Hier soir en me couchant j'ai donc vérifié les horaires des trains afin d'adapter mon heure de réveil.
    Bien m'en a pris: pas de train. Pas de train pendant trois week-ends, mais des cars de Montargis à Lieusaint.

    Quelle est la différence entre un bus et un car? Dans un car, vous ne pouvez pas mettre de vélo. J'ai donc laissé mon vélo à la gare de Moret, pris le car jusqu'à Fontainebleau, et au lieu de suivre la route principale, j'ai descendu un escalier qui paraissait mener au niveau de la Seine.

    C'est ainsi que j'ai trouvé la rue Katherine Mansfield et une notice sur Gurdjieff.



    Problèmes de clés variés

    Rêve au creux du matin juste avant le réveil. Nuit, brume entre les piliers d’un cloître. Je sais que nous sommes en novembre et je me demande où est passé octobre. J’ai l’impression de ne pas l’avoir vécu.

    Aujourd’hui je suis en congé puisque j’ai prévu d’aller boire un pot avec mes anciens collègues (plus exactement les administrateurs de l’association sportive, avec lesquels je n’ai jamais travaillé… mais bu pas mal de pots).

    Cependant H. allant lui au bureau, nous sommes malgré tout partis à l’aube, visant le train de 6h33.
    Sauf que la clé électronique d’H. était à bout de pile et que pour une fois — la seule fois, la première fois — je n’avais pas pris la mienne, d’où petit trot jusqu’à la maison (cinquante mètres), retour avec la mienne dont la pile n’est pas bien vaillante, cinq minutes pour aller à la gare (quand je suis seule et qu’il ne pleut pas, j’y vais à pied ou à vélo), le temps de voir partir le train précédent (6h24), de s’engueuler parce que je me gare trop loin dans le parking, de revenir pour fermer la voiture parce que la pile n’a plus beaucoup de forces et que nous sommes déjà loin, et nous voyons arriver le train de 6h33.

    Ici, il faut expliquer que les trains qui viennent de Montereau (le 5h55, le 6h24) sont directement accessibles de la route, il suffit de franchir une trouée dans la clôture. En revanche, pour atteindre ceux qui viennent de Montargis, il faut remonter jusqu’aux bâtiments de la gare, descendre les escaliers, marcher dans un couloir et remonter sur le quai vers Paris.
    Dernière précision, à ces heures matinales, les trains ont souvent quelques minutes d’avance et stationnent en gare deux ou trois minutes pour ne pas partir avant l’heure (ce qui est une autre façon de rater son train: non parce qu’on est en retard, mais parce qu’il est en avance).

    Nous voyons donc arriver le train de 6h33 à 6h30. Je propose à H. de se dépêcher, de tenter de l’avoir (sinon, à quoi bon s’être levés si tôt?) mais il refuse: «j’ai déjà couru deux fois, à chaque fois je l’ai raté. Allons plutôt prendre un café». Nous sommes encore tout renfrognés de sommeil et de l’éclat dans le parking. Nous remontons vers la buvette, j’accélère spontanément le pas car le train est toujours stationné, je propose encore de tenter de l’avoir, nouveau refus.

    Buvette, café. Le barman est très gentil. Pas sympa, gentil: serviable, accueillant, de voix égale, enjoué sans être intrusif. H. prétend qu’il n’a jamais bu de meilleur café (retenez: la buvette de la gare à Moret). De la fenêtre nous contemplons le train toujours stationné. Cela devient bizarre, il devrait être reparti. Des clients arrivent, comme nous avons le temps (le suivant est à 6h53) nous sommes servis dans des tasses en porcelaine. En ces temps de post-Covid, j’apprécie ces détails, une vie presque normale.

    Nous finissons notre café; le train n’est toujours pas parti. Je propose d’aller le prendre (être assis, être au chaud), commence à descendre l’escalier quand je vois arriver un couple du quai d’en face:
    — Vous venez du train? Il ne part plus? (Un seul couple, c’est étrange; un train qui ne part plus, ce sont tous les voyageurs sur le quai.)
    — Le conducteur est descendu pisser et la porte est coincée.

    Germaine

    Ma chef, c'est Germaine de Monsters & Cie. Le style, le rythme.

    Elle a une spécialité : terminer une réunion en disant «Ne partez pas, nous avons encore des choses à voir» puis distribuer les tâches comme un prof de sup: trop pour tout de suite.

    Rêve

    Une table avec des gens que je ne connais pas, j'aperçois de loin un homme que je reconnais, un croisé Marc Boss Paul Ricœur (donc quelqu'un qui n'exite pas dans la réalité). Je lui demande s'il refera des cours de grec: «Non».
    A-t-il des nouvelles d'Anne-Catherine Baudoin? Il hésite. Covid long? Il ne répond pas vraiment. Reprendra-t-elle les cours de grec? «Non».
    Mais là, j'ai l'impression que c'est elle qui a répondu. Je ne me souviens déjà plus de mon rêve.
    Je serais la seule à lui avoir écrit mais cela me paraît incroyable.
    Il faut que je contacte les autres élèves.

    Automne

    Des jours comme ça où on ne sait pas trop que raconter. Je vais à vélo à la gare, il fait plus froid, j'ai remis une couverture sur le lit, j'ai réécrit la procédure de réclamations pour la mettre en ligne, vendredi prochain j'ai prévu d'aller offrir l'apéro à ceux qui m'ont offert un olivier pour mon départ en février dernier: jusqu'à peu ils étaient encore en télétravail.

    La logique anglaise (chronique du Brexit)

    Les transporteurs et les routiers manquent et on redoute des pénuries à Noël.

    Tandis qu'un syndicat de routiers, qui se souvient sans doute de la façon dont les transporteurs ont été traités à Noël dernier, annonce qu'il n'a pas l'intention d'aider la Grande-Bretagne, le gouvernement anglais avertit qu'il expulsera dès le lendemain de Noël ceux qui seront ou seraient venus aider car il n'est pas question qu'ils «abusent du privilège de travailler» en GB.
    Ça donne envie de rendre service.



    Je le conserve ici au dossier de la grande absurdité du monde.

    *****
    J’ai pris un coiffeur à Vincennes à cinquante mètres de mon bureau. Contrairement à l’autre, il est provax à fond. Il a fait vacciner tout son personnel, mais aussi toute la famille de son personnel.
    — La famille? Comment vous avez réussi ça? (Je songe à toutes les fois où je me tais pour ne pas être accusée d’ingérence dans la vie privée de mes salariés.)
    — Il suffit de bien expliquer.

    J’ai mes doutes. Il me raconte comment il s’est disputé avec une amie qui ne pouvait pas rentrer dans un café parce qu’elle n’avait pas de pass sanitaire: «comment ça, c’est risqué? Tu fumes un paquet par jour et tu prends la pilule depuis vingt ans et tu me dis qu’on n’a pas assez de recul? Mais l’ARN messager existe depuis longtemps.»
    Je fais remarquer que certes, mais justement, il était interdit (c’est l’argument de A.).
    — Oui, en France. En Suisse, il est utilisé depuis 2015 ou 2016 pour la rougeole.

    Première fois que j’entends ça. A vérifier.

    Désillusion

    Ce matin huit brinquebalant, par un temps gris et doux.

    A la pause café qui suit, j'essaie de comprendre la composition des huit à Angers (la Coupe des dames mi-octobre). De l'enthousiasme post-Creusot il ne reste rien. Au départ on avait parlé de deux mixtes de pointe le dimanche, ce qui logiquement donnait un huit de femmes le samedi. Mais le pass sanitaire est passé par là, certaines ne se sont pas réinscrites au club.

    Je ne comprenais pas pourquoi il n'y avait pas d'entraînement en huit d'organisé, je découvre qu'il y a un huit furtif dont on ne parle pas, qui a piqué les quatre filles les meilleures (pincement au cœur de ne pas en être). L'autre huit est le regroupement des rameurs qui restent. Nous ne sommes plus que deux filles dedans, ce qui fait que le bateau sera classé en "hommes" et non en mixte.
    Ce bateau ne s'est encore jamais entraîné ensemble. Quand on sait qu'à notre niveau et notre âge, 90% de la réussite dépend de notre capacité à être parfaitement synchrone…

    Je suis très déçue, mais surtout je ne comprends pas ce qui s'est passé. Comment est-on passé d'une situation où on a fait le forcing pour que j'aille au Creusot à une situation où il n'y a pas de huit femmes pour la Coupe des dames et où je ne suis pas dans le "bon" huit? Est-ce parce que j'ai été absente deux semaines, parce que j'agace Micheline (du moins je crois que je l'agace. Je suis peut-être paranoïaque, mais en général j'ai un bon feeling de ce genre de chose), ou tout simplement parce que je n’ai pas le niveau? (les explications les plus simples sont souvent les meilleures).

    Je termine Mes funérailles qui a l'inconvénient d'être en islandais et donc d'obliger à lire les sous-titres plutôt que d'écouter d'une oreille.
    Tard le soir je me mets à Wordpress, télécharge une fois de plus Divi et me met à paramétrer et à traduire une extension de gestion de cookies pour le site de mon ancien boulot.
    Je me couche bien trop tard.

    Anniversaire crémaillère

    Panne de réveil. Dans un interstice de l'espace-temps, j'ai effacé la programmation de mon téléphone pour l'entraînement du week-end: 7h10, heure qui me permet de ne pas me presser. (Dormir plus ou ne pas me presser: le plus souvent je choisis le second.)
    Je pars un peu à la bourre, après un petit déjeuner devant Le grand blond avec une chaussure noire commencé la veille (pourquoi? aucune idée. Un besoin de film non tragique, avec une pointe de subversion).

    Belle sortie en quatre. Bassin magnifique (pas de vent, pas de vague, pas de péniche), soleil, fraîcheur.



    En face du ponton vers 9h30.


    L'après-midi passe vite. Nous avons rendez-vous à 18h chez O. pour son anniversaire et sa crémaillère. Nous devons apporter de la vaisselle car il n'en a pas assez pour les neuf que nous allons être et nous utilisons la Dacia de A. car le soir elle rentrera à Moret avec nous; or notre voiture n'a que deux places (nous appelerons celle-ci Georges: Georges est frais, Georges est doux, mais il n'est pas très pratique).

    Pas de place pour le carton de vaisselle dans le coffre de la Dacia. Une seule place possible, sur le siège derrière le conducteur; à côté, un des cartons que nous avons laissés à A. à Noël, sur son assurance qu'elle le donnerait à la Croix-rouge ou à son association de théâtre ou que sais-je, est encore sur le siège arrière. Syllogomanie. Quand H. veut reculer le siège conducteur, celui-ci est bloqué, nous découvrons un sac de livres à l'arrière, lui aussi donné à Noël.
    Je récupère les livres, des moules à madeleine, une boîte de chevaux en plastique. Je les donnerai moi-même.

    O. habite Corbeil le long de l'Essonne, à dix minutes à vélo de son boulot. Il nous avait dit «un immeuble», nous arrivons devant un bâtiment si inattendu, sorte d'immense chalet en pierres de simili meulière, que nous faisons demi-tour. Deux tours de pâté de maison plus tard (dans un sens puis l'autre, pas de numéro sur les portes) j'appelle O., il me dit que de sa fenêtre il nous a vus repartir: nous étions au bon endroit.
    Plus tard il nous dira que c'est sans doute un pensionnat du début du XXe siècle. Il avait visité l'appartement il y a longtemps, mais il y avait un problème: «l'ancien locataire est parti à l'hôpital en octobre, et en fait il est mort, et les héritiers ne venaient pas vider l'appart et donc le propriétaire ne pouvait pas le relouer».

    O. a également invité son parrain et nous revoyons toute la famille pour la première fois depuis le covid (de quand date la dernière fois? aucune idée).

    Très bonne soirée, beaucoup de plaisir à se retrouver et appart très agréable, avec vue sur l'Essonne. L'ambiance nous ramène à nos années étudiantes, avec la table basse constituée d'un gros carton et les objets récupérés à Yerres qui donnent à l'ensemble un look familier et chaleureux.

    J'ai découvert la version militaire de PIPE: «pas de couille pas d'embrouille». Ça a davantage de gueule (si je puis dire).

    Boulette

    Désolée, j'ai beaucoup de spams en ce moment, et en les supprimant, j'ai supprimé tous les commentaires depuis le 5 août.

    Sorry sorry, sentez-vous libre d'aller les réécrire si ça vous chante.

    Brrr

    Quand H. fait du "présentiel" (quel mot correct devrait-on utiliser? A situation nouvelle mot nouveau, je n'ai jamais su traduire IRL (in real live) autrement que par "en chair et en os", à la fois désuet et légèrement emphatique: «Viens, on se verra enfin en chair et en os» sonne malgré tout étrange) — quand H. fait du présentiel, donc, nous partons ensemble.

    Le choix est le suivant : soit je m'adapte à son horaire et pars une heure plus tard, et donc arrive une heure plus tard; soit il s'adapte à mon horaire et arrive beaucoup trop tôt (son bureau ouvre à une heure décente, c'est-à-dire neuf heures), temps qu'il passe à petit-déjeuner au Terminus en face de la gare de Lyon, un bistrot ouvert dès cinq heures avec cuisine opérationnelle (le nombre de fois où à sept heures et demie il est impossible d'avoir une omelette) qui sert des toasts au saumon à six heures du matin.

    Ce matin nous avons choisi le pire des deux mondes: il est parti avec moi et j'ai petit déjeuné avec lui — hagards de sommeil, n'échangeant pas un mot — nous aurions mieux fait de dormir une heure de plus.

    Journée toujours aussi speed et décousue, je suis frustrée de ne rien réussir de propre, de ne jamais réellement traiter un sujet à fond. Je suppose que ça viendra — dans un, deux, ou trois ans. Comme s'est exclamé l'un des jeunes de l'équipe: «la patience est une vertu». (Non, ce n'était pas à moi qu'il s'adressait.)

    Présentation des futurs locaux à l'équipe. Au printemps nous passerons de Vincennes actuellement à rue Picpus. J'ai cru comprendre que j'allais y perdre un quart d'heure… il sera temps de faire deux jours de télétravail.

    Je papote avec Dominique, la responsable compta finance. Son père est mort d'Alzheimer («On ne meurt pas d'Alzheimer mais des conséquences d'Alzheimer. — Qu'est-ce que tu veux dire? — Lui faisait beaucoup de fausses routes, d'où des pneumonies à répétition. Il est mort de cela.»), sa mère a une maladie neuro-dégénérative qui n'est pas Alzheimer («nous, on ne voit pas la différence»), elle suit les infos sur le sujet, me parle des deux hippocampes, de la mémoire, de la musique qui passe outre l'hippocampe (et donc échappe en partie à la perte de mémoire).
    Je lui raconte mes troubles de langage depuis que j'ai été très fatiguée lors de ma première grossesse (et les dix ans qui ont suivi), ma façon de dire «tu sortiras la boîte aux lettres» quand je veux parler de la poubelle (par exemple) ou d'avoir des blancs de plusieurs secondes quand soudain un mot m'échappe, non que je l'ai sur le bout de la langue, mais que mon cerveau se transforme en lande brumeuse dans lequel je ne vois plus rien. Je suis aphasique quelques instants.
    — Tu as peut-être fait un micro-AVC. La seule façon de le savoir c'est de passer un scanner.
    — A vingt-quatre ans?

    Moi qui me disais que ça me faisait un point commun avec Mallarmé, qui aurait vécu après la mort de son fils une période d'aphasie ou équivalent. (Il me semble que ça correspond à une période d'absence d'écriture.) Un micro-AVC, c'est moins glamour.
    Ce que ne sait pas Dominique, ce qu'elle ne peut pas savoir, c'est qu'elle me ramène à la mort de Jacqueline, ma coéquipière d'aviron à quatorze ans, morte d'un AVC à trente-sept ans.
    Ne nous affolons pas (en fait cela me fait sourire mi-figue mi-raisin). N'empêche que le soir j'ai mesuré ma tension, qui forcément avec la frustration de la journée n'est pas mirobolante.
    La doctoresse l'autre jour a regardé mes diverses mesures et a été rassurée: ma tension fait des pics, mais redescend en vacances ou le week-end après l'aviron. Apparemment c'est ce qui compte. Une vraie tension haute ne cède pas (si j'ai bien compris).

    Le soir A. nous ramène le chat. Dîner d'une flameküche. Elle a l'air en forme. Elle raconte qu'elle se fait mal voir de ses collègues car elle a accepté de faire deux tournées: sa hiérarchie directe la remercie (parce que le travail est fait, je suppose), sa hiérarchie N+1 n'est pas enchantée car cela fausse leurs arguments à l'appui d'un recrutement pour remplacer un facteur qui vient de partir à la retraite.
    Je ne sais qu'en penser. Les deux positions ont leurs avantages et leurs inconvénients.
    — Tu veux dire que le jour où tu pars ils perdent deux postes?
    — Pas vraiment, parce que lorsque je fais deux tournées, je ne fais que l'urgent, les paquets, les lettres urgentes. Pas la publicité, pas les lettres vertes.
    — Mais c'est distribué quand alors ? Tu connais le cas du facteur qui repostait tout le courrier? (Histoire vraie. Elle rit.)
    — Le titulaire le fait le lendemain.

    Le soir je termine Alexandre le bienheureux, commencé hier et que je n'avais jamais vu.

    Skiff

    J’arrive en retard (c’est à dire à l’heure mais ici les rameurs sont toujours en avance (ça me rappelle le capitaine Binger, le grand-père de Barthes qui avançait les horloges parce qu’il s’ennuyait: eh bien pareil: toujours en avance)) et tous les bateaux sont constitués.

    Je sors en skiff, ce qui n’est pas pour me déplaire. Le bassin est un miroir, ciel bleu eau bleue.
    A vingt heures le soleil se couche et il fait presque froid.



    Des nouvelles de la Lituanie

    Maman : Finalement on jette l’éponge, ce matin à 6h vérification de nos papiers par la police, des camions militaires pas la peine de chercher les ennuis. On arrive à Varsovie.On compte visiter. Bises
    Moi : Vous n’allez pas essayer de remonter vers la Lituanie ?
    Il faut un visa ?
    Maman : Regarde la carte la Lituanie est pile à côté de la Biélorussie et le passage est tout petit entre la Biélorussie et la Russie. De plus la Russie est en train de faire des grandes manœuvres militaires à sa frontière….
    Moi : J’ai regardé avant d’envoyer le sms. C’est petit, mais si c’est autorisé…
    Maman : Papa ne comprenait pas tout mais on a vu des images surprenantes à la télé qui faisaient peur
    La Russie, des grandes manœuvres militaires à la frontière de la Pologne, «des images qui faisaient peur.» C'est bizarre que rien ne filtre en France. Je l'écris ici à toutes fins utiles, comme témoignage.

    Des nouvelles de la Pologne

    Mes parents sont partis en Pologne il y a une dizaine de jours. Aujourd'hui je reçois ces sms :
    Très déçu on ne peut pas aller à Bialowieza c’est dans le périmètre de 3km avec la frontière de Biélorussie
    […]
    C'est la dernière forêt primaire d’Europe. Les derniers bisons d’Europe. Le village en lui-même est minuscule
    […]
    Militaires bottés partout! Nous somme dans.hôtel sympa à Narewka. Heureusement papa se débrouille bien en polonais et a pu avoir des renseignements. En plus on a vu des images à la télé
    […]
    Narewka est à 10km de la frontière au nord de la forêt on a pu faire une belle marche. On va essayer de recommencer demain. En fait le gros des troupes est à la frontière on les voit juste y aller. On est prudents! Bises
    Donc il y a des mouvements de troupe entre la Pologne et la Biélorussie.
    Ce n'est pas rassurant.

    Incompréhension

    Hier je suis revenue ramer pour la première fois depuis trois semaines. Je pensais qu’on allait reprendre les entraînements en huit comme en août puisque la coupe des Dames approche, mais aucun huit n’est sorti.

    Hier on m’a demandé d’encadrer une yolette, aujourd’hui de sortir avec un soi-disant aviron d’argent — jamais Vincent n’aurait donné un aviron d’argent à quelqu’un de ce niveau. Je ramais derrière lui en demi-coulisse et nous n’avons pas dépassé Thomery.

    Je ne comprends pas ce qui se passe. Où sont les huit? Certes nous avons été prévenus qu’il n’y aurait pas de huit de filles le samedi, mais il y a quand même deux huit mixtes: quelle en est la composition, pourquoi ne s’entraînent-ils pas?
    Je ne sais pas à qui poser la question.

    Vocation inattendue

    Nous avons invité des amis voir le loft. Nous nous sommes vus pour la dernière fois le 27 mars 2017 — qui était aussi une première fois amicale, les précédentes étant des rencontres professionnelle. H. avait revu monsieur dans le cadre du boulot, mais nous n'avions jamais redîner ensemble

    Ils ont adoré le loft et Moret — surtout elle, lui étant plus citadin, drogué à Manhattan où il passe la moitié de son temps.

    Le long du Loing, elle me raconte ses difficultés: licenciée avant le Covid, elle a suivi une formation de décoratrice d'intérieur (« Pôle emploi m'a dit qu'à mon âge je ne pouvais rien me faire financer d'autre puisque c'était ma formation initiale»). Ils ont quitté Saint-Rémy-les-Chevreuses pour le 16e afin de se rapprocher du fils de OA («son fils ne veut pas venir en banlieue, il veut rester avec ses copains. — Il a quel âge? — A l'époque quatorze ou quinze ans. — Les enfants ne se rendent pas compte»), ils ont passé le confinement dans un trois pièces. «Dès que le confinement a été terminé, j'ai expédié OA à New York et je suis revenue à Gif-sur-Yvette. On n'en pouvait plus.»

    — Ça n'a pas l'air de t'enchanter. Qu'est-ce que tu voudrais faire?
    — De la théologie.


    J'ai été prise par surprise.
    Comme elle est protestante, elle a au moins la ressource de devenir pasteur.
    A suivre.

    Fonctionnaires

    Je n'en finis pas de m'étonner du monde fonctionnaire. Comment dire cela? Je les admire et ils m'agacent; j'admire leur dévouement sans borne et leur conscience professionnelle; leur vision décalée du monde (resté dans les années 50: ils constatent désolés la disparition de leurs valeurs mais ne prennent pas ce constat en compte) me surprend et m'agace. Je ne suis pas mi-admirative, mi-agacée, mais 100% admirative et 100% agacée.

    Je parle ici de classe A ayant entre cinquante et soixante-dix ans. Je découvre (sur un très petit échantillon dont je ne sais absolument pas s'il est représentatif) leur façon indienne de considérer le monde, en castes et sous-castes: d'égal à égal avec un autre classe A, saluant les non-fonctionnaires parce qu'il faut bien qu'il y en ait, effaçant du regard les classes B et C. Lorsque je m'en étonne, Nadine (classe B, quarante ans de fonctionnariat) les excuse ainsi: «ce n'est pas de leur faute, je pense qu'on leur a appris dans les bureaux qu'il n'était pas nécessaire de saluer tout le monde.»

    Je songe à mes amis de Sciences-Po qui préparaient les grands concours de la fonction publique; je songe aux ministères qui préparent les lois et leurs applications et cela me fait frémir.

    Une charlotte à la kriek

    Télétravail. H. est à Paris, ce qui me permet de travailler efficacement (!)
    Je déconnecte tôt en prenant le prétexte de ma fièvre légère. Doliprane.

    Je sors faire les courses et prépare une charlotte à la kriek, dessert que je n'ai pas réalisé depuis 1996 (j'ai un point de repère).

    Des nouvelles de ma doctoresse

    — Quatre semaines de vacances, ça fait du bien! Je ne prendrai plus que quatre semaines. Et puis quel bonheur de revenir au travail, de retrouver ses patients… Il n'y a plus beaucoup de Covid hospitalisés, la situation est quasi normale.

    — L'ivermectine… je ne sais pas ce qui s'est passé, mais à l'origine, on l'utilisait. Dans les cas de Covid aigu, on donnait beaucoup de cortisone, et la cortisone baisse les défenses immunitaires. Or on a tous des parasites dormants qui pourraient en profiter. Alors avant de donner de la cortisone, on vermifugeait les patients. Je ne sais pas comment c'est parti, mais je suppose que ça vient de là.

    — Nous, ce qui nous intéresse, ce ne sont pas les cas de covid sur personnes vaccinées, ce sont les cas de Covid graves sur personnes vaccinées. Sur ceux-là on collecte un maximum de données. En général ce sont des personnes affaiblies, soit très âgées, soit traitées par chimio, immuno-déprimées, etc. Les vaccins ARN ont prouvé leur supériorité.

    — Janssen France n'a plus de nouvelles de Janssen monde. Plus rien. Ils nous ont dit que ceux qui recevraient un autre vaccin que Janssen seraient sortis de l'étude. Mais nous, nous ne voulons pas attendre.

    — On nous dit «mais alors, tout ça n'a servi à rien». Mais tout les pays n'ont pas les moyens d'avoir des frigos à -80°. Les gens ne se rendent pas compte. Ça fait toujours ça.
    Et ainsi s'évanouit le complotisme anti-pauvre à qui on refilerait les "mauvais" vaccins: il s'agit hélas "simplement" de contraintes d'infrastructure.

    — Eh bien au revoir. Il est probable que nous ne nous reverrons pas.
    — Je le regrette. Je vous aurais volontiers choisie en médecin traitant.

    *****

    A partir d'aujourd'hui les soignants (médecins, infirmières, mais aussi personnes qui s'occupent des personnes âgées) doivent être vaccinés. Si vous voulez dans un premier temps sourire, dans un second temps réfléchir, je vous conseille de lire ce thread d'un médecin neurologue en hôpital.

    Deux sinon rien

    J'ai reçu un coup de fil de Saint-Antoine: les autorités sanitaires conseillent d'injecter une dose de vaccin ARNm à ceux qui ont reçu du Janssen. Rendez-vous mercredi.

    Un arbre sur la voie

    Partie tôt du boulot, vu Titane aux Halles (je ne sais qu'en dire. Ce n'est pas un film d'horreur. C'est un film corporel: du corps nu non enjolivé… et du bizarre violent), attrapé le train de 18h07.

    Arrêt à Cesson sous une pluie battante. Il y a un arbre sur la voie à Bois-le-Roi, tous les trains s’arrêtent à Melun, bouchon devant nous, attente, puis nous sommes invités à descendre du train pour prendre celui sur le quai d’en face qui va nous emmener à Melun.

    Photo de la Seine sous la pluie juste avant la gare de Melun. La photo indique 19h07. Nous avons déjà perdu une demi-heure.



    Melun. Attente sur le quai. Pluie fine. Toutes les cinq minutes les hauts-parleurs nous invitent à nous écarter car «des trains à grande vitesse circulent sur les voies». Je finis par demander à @ligneR (compte Twitter) si c’est vraiment indispensable. Je me demande d’ailleurs à quoi servent ces comptes Twitter: à nous permettre de nous défouler? A canaliser l’agressivité en lui donnant un échappatoire? Il me semble vaguement que les messages s’espacent, mais c’est peut-être purement psychologique, comme ces faux thermostats dans les bureaux pour régler la température.
    Toujours est-il que lorsqu’enfin un train grande ligne passe, ce n’est pas le message enregistré qui passe, mais bien quelqu’un de la gare qui parle: le problème des enregistrements, c’est que plus personne ne les croit.

    L’enfer de Dante traduit par Antoine Bréa en «parlure vulgaire». H. ne peut pas venir me chercher car la voiture est dans le parking et sa carte navigo n’est toujours pas activée pour permettre d’en sortir.

    Je rentre à la maison avec deux heures de retard. Relativisons, c’est la première fois que cela arrive en six mois. Crêperie.

    Belmondo

    100 000 dollars au soleil
    Week-end à Zuidcoote
    Le Voleur

    Déçue et étonnée qu'on évoque surtout Le Magnifique, qui certes était très drôle, mais avant tout une bonne blague. Je l'aimais plus grave, réfléchi. Je trouvais qu'il avait un physique à être grave et non clown. Comme Ventura, en somme.

    Dans A bout de souffle, une beauté candide, à peine sortie de l'enfance, quelque chose d'inoffensif dans sa force.

    Belmondo dans à Bout de souffle


    Dimanche

    Réveillée avec le soleil. Pour je ne sais trop quelle raison je regarde mon téléphone (c'est rare que je le fasse au réveil) et me perds dans un blog qui m’apprend du vocabulaire: un brocialiste, une fémonationaliste, une TERF. J’ai beaucoup de mal avec ce genre de blog car je me demande toujours s’ils sont à prendre au premier degré ou s’ils sont parodiques. En l’occurrence, celui-ci me paraît réellement défendre les femmes, les personnes non blanches (non caucasiennes, racisées), les transgenres.
    Le moins que l’on puisse dire est que je ne m’y prendrais pas de la même façon. Mais bon, pourquoi pas. Si chacun agit à sa manière pour défendre une même cause, on peut supposer qu’à terme, la cause avance. (L’archétype ici est le débat gay/drag queen: les drag queen nuisent-elles (ont-elles nui, à la grande époque où tout était à défendre, tout était à construire) à la cause gay? Aujourd’hui il est possible de répondre: non. Elles leur donnent de la visibilité.)

    Rendormie, réveillée à 10h30, juste à temps pour manger mes croissants, lancer le lave-vaisselle (pas lancé la veille au soir car dans un volume sans mur, tout s’entend), laver à la main les verres fragiles, faire un brin de causette, enfiler une paire de boucle d’oreilles et nous voilà partis pour le bon restaurant de Moret (par opposition aux restaurants à la bonne franquette).
    Repas agréable en terrasse terni par… la chaleur (! qui l'eut cru cet été?) qui devient lentement insupportable.

    Retour. Nous n'irons pas marcher le long du Loing, hier l'orage, aujourd'hui le soleil, nous en auront empêchés.

    Départ des Bostoniens. Ils reviendront sans doute avant que nous allions les voir; dans ma programmation en grande masse nous retournerons aux Etats-Unis dans deux ans (mais bon, rien ne se passe jamais comme prévu).

    Coup de téléphone à ma fille, la seule non vaccinée de la famille (j'ai honte): elle ne veut pas de l'ARN messager. Nous l'informons qu'il reste à sa disposition deux vaccins plus traditionnels: Janssen et Astrazeneca.

    Je m'abonne à Véligo, l'abri vélo protégé, même si je trouve fort de café que l'abonnement au parking pour ma voiture soit gratuit mais celui pour mon vélo payant.

    Le soir, un mail automatique de réponse m'apprend que ma prof de grec est toujours en arrêt maladie. Elle est arrêtée depuis janvier, c'est inquiétant.

    Journée peu glorieuse

    Abominablement traîné sur Twitter toute la journée, tout ça parce que je ne sais pas trop comment présenter des résultats pour une réunion lundi matin.

    Bref, je vais devoir travailler ce week-end. Quelle malédiction me pousse ainsi à ne pas travailler au bureau pour travailler sur mon temps libre? (Si au. moins j’avais blogué… mais même pas.)


    J’écris cela dans le train du retour, sur l’ancien iPod pro de H., que H. m’a équipé d’un clavier. Il me prédit que cela va remplacer mon MacbookAir dans mon cœur mais j’ai du mal à y croire, d’une par parce que j’aime les ordinateurs (et pas les tablettes), d’autre part parce que l’ensemble tablette+clavier est lourd.

    On pourra épiloguer sur la nécessité d’avoir les deux: aucune et j’ai vaguement honte de cette débauche de moyens. H. s’est acheté le nouvel iPad Pro (il l’attendait avec impatience) et m’a donné son ancien, tout en recyclant mon ancien (qui déjà était un ancien à lui) auprès de mon père. La famille applique à ses Mac la stratégie des dominos.
    Il est impossible de dire non puisque ça part d'un bon mouvement, que H. est heureux de me donner le meilleur matériel — même si je n'en ai pas besoin.

    Vingt jours d'absence

    Vingt jours de différence, désormais il fait nuit. J'imagine la terre tourner autour du soleil tourner dans la Voie lactée tourner dans… Je n'ai pas envie de l'hiver.

    Photo le 9 août à 6h09 (un jour où le train avait du retard, un jour où le ciel était clair, ce qui n'est pas arrivé si souvent — d'où la photo ce jour là d'ailleurs) et photo de ce matin à 5h52 (train à l'heure).

    gare Moret/Loing le 6 août à 6h09 gare Moret/Loing le 31 août à 6h09

    Reprise

    Journée à Vincennes, que je découvre pour la première fois dans une configuration quasi normale : jusqu'ici, c'était soit confinement, soit couvre-feu, soit vacances d'été.


    Le soir, de nouveau, guinguette.


    19h33


    La mystérieuse affaire des toasts

    Ce matin, après mon essai convaincant au petit déjeuner hier, je reprends des petites barquettes de pâté de foie (comme des marquettes de confiture) et m'apprête à me faire griller des toasts dans le grille-pain laissé à notre disposition.

    Las, deux toasts sont déjà en train de griller.
    J'attends, debout devant le grille-pain, dans un angle de la salle du petit déjeuner, pas exposée puisque dans un angle mais cependant visible puisque debout.
    J'attends, c'est un peu embarrassant.
    Les toasts sautent. Personne ne vient les chercher.
    J'attends.
    J'attends.

    Que faire? Les mettre de côté sur une petite assiette et m'en mettre à griller?
    Mais ils vont refroidir.
    Les prendre et les remplacer par d'autres dans le grille-pain?
    J'attends.
    Personne ne vient les chercher.

    Je les prends et en mets d'autres à griller. Je vais me rassoir et commence à ouvrir mon pâté de foie.
    Un client de l'hôtel, un jeune Asiatique, s'approche du grille-pain, constate que ses toasts sont encore en train de griller et, perplexe, retourne s'assoir.
    H. revient: «Je vais te dire quelque chose, j'ai un peu honte, ne te moque pas». Je raconte.
    — Quoi, tu lui as volé son pain ?
    — Mais non, je l'ai remplacé !
    — Mais pourquoi tu n'as pas mis les toasts sur le côté ?
    — Mais ils auraient été froids, je lui ai rendu service !

    Il me regarde entre désespoir et fou rire. Entretemps le deuxième jeu de toasts saute du grille-pain.
    — Qu'est-ce que je fais maintenant? Je les lui apporte?
    — Mange tes toasts et arrête tes bêtises.
    Je mange. Le client ne vient pas. Il est plus loin, en train d'éventrer un croissant pour le beurrer. Il me faut d'autres toasts, j'ai fini les deux premiers. Les mêmes questions se reposent, prendre les grillés pour les manger ou les mettre sur le côté? — à cela près que je sais désormais qui attend les toasts.

    Il me faut des toasts. Je ne vais pas attendre que le client vienne chercher ceux-là et libère le grille-pain pour que je puisse en mettre d'autres à griller. Tant pis, je mets les deux toasts chauds sur une assiette et les apporte à l'Asiatique.
    Il relève la tête, surpris, fait signe que non, ce n'est pas pour lui, il n'en veut pas.
    Il se remet à son croissant.
    Je regagne ma place en me demandant ce qui vient de se passer.

    Je prends H. à témoin: «tu l'as bien vu tout à l'heure venir vérifier si les toasts étaient sortis du grille-pain?
    — Oui, et surtout, quand je suis arrivé avant toi, je l'ai vu mettre les premiers toasts dans le grille-pain.

    Que s'est-il passé? A-t-il oublié, l'ai-je intimidé?

    J'ai mangé le deuxième jeu de toasts.

    Pré-départ

    Rangement, draps propres, repassage, valises — ou plutôt sacs, dans l’espoir de ne pas les mettre dans la soute.

    J’emmène mon petit mac, celui qui m’a servi fidèlement de 2012 à 2020. Il faut que j’en retrouve le chargeur, que je vérifie qu’il charge encore (sa batterie peine), que je transfère quelques photos récentes au cas où je veuille m'en servir: toujours cet espoir d’avoir le temps de bloguer, espoir souvent déçu, pas le temps, pas l’envie, trop sommeil, trop de FB…

    J’emmène un guide touristique de Vienne acheté en avril 2006 (c'est noté sur la première page. Ce doit être l’époque où nous avons fait un voyage en voiture sans dépasser Salzbourg: je devais avoir l’intention d’atteindre Vienne, je suppose). Parce que je le feuillette et vois une allusion à la dame blanche des Habsbourg, j'emporte aussi le livre du même titre1 dans mes bagages (vœu pieux, acte vain: jamais je n’ai le temps de lire en vacances).

    Repassage devant le troisième épisode de The Good Fight saison 4. Valises. Nous laissons la voiture au parking de Veneux. Ligne R, RER A, RER B, de nouveau Citizen M, mais celui de Roissy cette fois.

    Très bon dîner sur place.
    Nous sommes officiellement en vacances.

    Note
    1 : La dame blanche des Habsbourg de Paul Morand

    Dernière sortie

    Dernier matin, ramassage des affaires éparpillées dans la chambre, tri, j'ai perdu une chaussette, plus qu'à espérer qu'une des trois filles la retrouve dans ses affaires dans la semaine.
    Vaisselle, balayage, «de toute façon nous allons tout désinfecter» nous dit gentiment la propriétaire (quel travail). Nous avions fourni un test ou un certificat de vaccination avant de venir, trois jours sans penser au Covid, inespéré.

    Dernière sortie en huit avec plusieurs départs lancés.



    C'est équilibré, plus de roulis, bonheur. J'aurais bien fait un troisième tour mais il faut rentrer, le traiteur va arriver avec les plateaux.
    Démontage des bateaux, nettoyage, chargement de la remorque, douche, dernier plateaux repas, dernière vaisselle, départ avant trois heures.

    Arrivée, déchargement, remontage des bateaux, rangement des pelles, de la remorque.

    H. passe me chercher vers huit heures, nous allons dîner au K. — sans doute pour la dernière fois car H. est déçu par son plat.

    Dans la boîte à livres de Samois, quelqu’un s’est débarrassé de livres à connotation théologique. Je récupère La Bible dévoilée (que j’ai lu pendant mes années d’études), La Route antique des hommes pervers et La Pharisienne de Mauriac.

    En rentrant je lance et étends une machine: dommage qu’il ne fasse pas plus chaud, je voudrais récupérer une robe légère pour demain, il faut qu'elle sèche dans la nuit.

    Troisième jour

    Afin de tenter de ramer à la fraîche, nous avons avancé l'heure de départ… d'un quart d'heure. Cependant, comme par ailleurs le soleil est voilé, il fait un ou deux degrés de moins.

    Chaque jour avant de quitter le gîte JP nous donne «la compo», c'est-à-dire dans quel bateau nous allons ramer et avec qui. Certains sont déçus et le cachent plus ou moins bien. Je m'attendais à ramer dans le quatre de couple après mon petit tour en skiff hier, mais je suis à nouveau en huit, les trois hommes au centre, Fleur et Clarisse déchargées des fonctions de nage.
    L'ehpad est de sortie!
    L'anecdote est en passe de devenir proverbiale.

    Retour au gîte, plateau-déjeuner, tour de table sur nos impressions, Pascal nous confie sa surprise devant nos progrès: «je ne pensais pas voir autant de différences en trois jours».
    Avouons qu'il ne nous tient pas en très haute estime: il a entraîné le bataillon de Joinville, nous sommes âgés (relativement!) et amateurs, je me demande pourquoi il a accepté de venir: pour le défi? parce qu'il s'ennuyait? Il était prévu de nous filmer, de commenter les vidéos, les défauts: sans explication, cela n'est pas le cas. Pascal trouve-t-il humiliant de souligner les défauts d’un rameur devant tous, a-t-il eu de mauvaises expériences (comme l'a laissée entendre une remarque hier)? Sur l'eau, il ne donne que des indications générales, des principes, rarement il reprend un rameur en particulier.

    Au café, à ma surprise et mon certain embarras, il se lance dans le récit de la décadence du club de Marly: second club français dans les années 80, les relations amoureuses entre un entraîneur et une cadette (c'est-à-dire une mineure) ont fait exploser le club, les membres du comité directeur prenant parti pour ou contre cet entraîneur jusqu'à tous démissionner.
    Le club a alors basculé davantage vers le loisir que la compétition et n'a jamais retrouvé son éclat, car, Pascal en est persuadé, un club d'aviron vit autour de la compétition.
    Un membre du comité directeur de l'ANFA prend alors la parole: le comité directeur de notre club va sans doute être profondément renouvelé dans l'année qui vient, il s'agit pour nous de savoir ce que nous voulons faire du club, continuer dans la compétition (avec tout ce que cela implique d'investissement en matériel et spécialisation de certains bateaux) ou devenir davantage un club destiné aux loisirs (sachant qu'il y a deux sortes de rameurs loisirs, les loisirs engagés comme nous, et les loisirs touristes qui viennent consommer deux ou trois heures de grand air par semaine (ce qui est tout à fait concevable tant qu'ils prennent soin du matériel)).

    C'est donc cela qui est en jeu, tout s'éclaire. Il s'agit de nous exposer les décisions que nous allons devoir prendre bientôt.
    Je comprends mieux une conversation que j'ai eue mercredi dernier.
    Elle portait sur l'idée que les jeunes, les mineurs, puissent ramer en section loisir. Ce n'est pas que ce soit impossible aujourd'hui (rien ne l'interdit), mais ce n'est pas prévu: un adolescent qui se présente à un club d'aviron sera toujours inscrit en compétition, avec le volume d'heures d'entraînement qui correspond — sauf à refuser et à basculer en loisir — donc avec personne de son âge — et à abandonner. Cela a pour conséquence à Fontainebleau qu'il y a très peu de jeunes, les parents favorisant généralement les études.

    Mercredi soir la rameuse en face de moi m'avait raconté qu'elle avait découragé son fils de continuer la compétition: «il avait des résultats en cadet, mais après? On ne peut pas en faire une profession».
    Je l’avais regardé sans comprendre, presque choquée: j’ai été élevée dans l’idée qu’avoir la capacité d’obtenir des résultats sportifs1 était un don du ciel qu’il était un devoir de cultiver; jamais il ne me serait venu à l’idée de décourager un enfant qui aurait eu de tels dons (j’aurais tellement aimé en avoir moi-même).
    — Mais à quoi bon? Qu’est-ce qu’il va en faire? Je ne voulais pas qu’il rate ses études à cause de ça.
    Là aussi je suis à des années-lumière d’un tel raisonnement: pour moi il est toujours allé de soi que rajouter des contraintes (comme de nombreuses heures d’entraînement) favorisait plutôt la réussite scolaire ou universitaire, en obligeant à la concentration, en évitant l’éparpillement ou la dispersion.
    Je suppose que c’est la réflexion de quelqu’un qui n’a jamais eu de problèmes en classe. Je ne me rends pas compte.
    Toujours est-il que si les parents pensent cela, la France n’est pas près d’aligner les records sportifs. D’un autre côté, ce n’est pas nouveau, j’ai toujours (ie, depuis les années 80, lors des médailles de Thierry Vigneron à la perche) entendu dire que la France n’avait pas organisé de filière pour les sportifs.

    Sieste, retour sur l’eau, toujours en huit, suivis par JP.
    Je me fais gourmander par Micheline qui trouve que je parle trop: «il y a un barreur, une nage, tu n’as rien à dire».
    Comme c’était aussi le reproche que me faisaient les filles du CNF, il faut croire que c’est vrai. Il faut que je fasse attention.

    Retour au gîte sur le mont Saint-Vincent (photo à 21h05).

    le creusot vue du Mont Saint Vincent-21h05

    Lancement du barbecue, braises. Ce soir c’est côte de boeuf, quatre côtes pour vingt-deux. Délicieux. Puis chansons à boire, danses, agitation. Quand la vaisselle et le rangement sont finis (nous participons comme ça vient, tout est fait dans la bonne humeur, sans organisation préétablie mais avec efficacité), minuit approche. Je monte dans ma chambre dans l’espoir de bloguer mais je tombe de sommeil sur mon ordi.

    Bien plus tard j’entendrai les trois autres se coucher.

    Note
    1 : ou des résultats scolaires, intellectuels, ou une aptitude musicale, etc

    Sous les étoiles

    Arrivés sur le bassin vers neuf heures, mais le temps de s'échauffer et sortir les bateaux il est déjà dix heures et il commence à faire très chaud.

    A nouveau en quatre sans, mais avec des rameurs différents : Michel babord, moi tribord, Micheline babord et Philippe qui accepte de prendre la barre au pied. La sortie est cahotique; malgré les exercices nous n'arrivons pas à nous caler, ce qui gêne beaucoup Micheline. Nous attendons en vain un entraîneur dont nous espérons les conseils (nous apprendrons plus tard qu'il y avait des problèmes de réglage avec le quatre de couple) et en désespoir de cause nous rentrons au ponton pour changer la composition du bateau. Je prends la nage, Micheline, puis Philippe puis Michel, c'est-à-dire que nous changeons tous de bord (en pointe, je rappelle que nous n'avons qu'une rame: nous changeons tous de côté).
    Nous repartons avec précaution, et c'est sans doute cette précaution qui nous permet de trouver un meilleur équilibre.

    Plateau repas amené par un traiteur (solution astucieuse qui évite une grande part de courses/cuisine/vaisselle, même s'il en reste toujours un peu). La chaleur est torride, il faut attendre la fin de l'après-midi pour repartir sur l'eau. Séance de technique vidéo dans la salle des ergos, je pose une ou deux questions sur les réglages. Il y a trois mouvements possible pour une coque, le roulis (d'un bord sur l'autre), le tangage (avant arrière) et le lacet (lié à la trajectoire, oscillation entre la gauche et la droite par rapport à une trajectoire idéale)1.


    Sieste sur les tapis de sol. Nous ressortons à cinq heures dans un huit composé des deux quatre du matin (avec Nathalie à la place de Philippe). J'ai changé mes réglages. Cela bouge toujours beaucoup. Il fait vraiment très chaud. A chaque arrêt Sybille fait passer un vaporisateur de coiffeur, j'ai l'impression d'être un bonsaï qu'on asperge. Nous rentrons à six et demie et je fais un tour en skiff, juste une boucle, pour m'assurer que je sais encore ramer (tout cela est très pertubant).

    Barbecue "à la plancha" dans le soir qui tombe. Sybille est une fan de Dalida, danse sur Bambino et chante et mime Gigi l'amoroso. C'est une fantasque, fataisiste et fantastique animatrice.
    Nous attendons la nuit pour faire une sortie dans le noir (l'un des entraîneurs est plutôt contre: les risques de collision sont élevés) afin de travailler les sensations.


    Mince croissant de lune, beaucoup d'étoiles. C'est magnifique. Je prends conscience que la hauteur de mains requise est plus basse qu'en couple et que c'est plaisant. Un premier aller-retour, le bateau tient mieux que cette après-midi, Jean remplace Micheline au cinq, une troisième longueur, JP, l'entraîneur que je connaissais muet au club, chante du bel canto sur le canot moteur silencieux. Je vois trois ou quatre étoiles filantes, c'est la saison, il faut faire un vœu, prière spontanée.

    Déjà l'heure de rentrer.


    Note
    1 : en réalité il y en a six, voir figure I.19 p.32.

    La question à ne pas poser

    Sylvain, 58 ans, à Clarisse, 17 ans:

    — Et ça ne t'ennuie pas d'être la seule jeune parmi des gens de notre âge?
    — Oh non, j'ai fait mon stage de troisième en ehpad, alors j'ai l'habitude.




    Tête de Sylvain. Nous avons beaucoup ri, un peu jaune.

    Cuite

    Lever à six heures, une heure et demie sur les fichiers Excel pour envoyer du boulot à mon équipe qui va être désespérée de s'apercevoir que je pense encore à elle.

    En retard, en retard. H. va chercher les croissants, commence à ranger la farine, la balance, le batteur à œufs… j'ai honte, j'ai tout laissé en plan hier.
    Quand je descends je fais la vaisselle du gâteau de la veille, il fait bon sur la terrasse, on annonce enfin des températures estivales (zut, juste pour le stage, moi qui espérais un petit 21°) mais la table est trempée de rosée, impossible de petit déjeuner dehors. Café, croissants, je suis prête.

    Axelle passe me chercher, direction Le Creusot. Nous repérons un restaurant à Ecuisses le long du canal — fermé, nous déjeunons dans un restaurant de viande quelconque. Arrivées à deux heures pour le café, nous avons fait bande à part, le reste des rameurs a préféré un "repas tiré du sac".

    pique-nique sur la terrasse du club d'aviron du Creusot


    Le bassin est une déception: un lac de deux kilomètres de long. Pourquoi ne pas avoir fait cela à Fontainebleau, avec nos vingt kilomètres? C'est uniquement une affaire de team building, la nécessité psychologique de sortir les individus de leurs habitudes pour les obliger à se concentrer sur l'instant présent.

    Nous remontons les bateaux sous un soleil brûlant et nous sortons aussitôt car nous devons être au gîte à sept heures et il y a trois quart d'heures de route (un gîte pour vingt-deux, ce n'est pas si simple à trouver).

    Quatre de pointe (dit «quatre sans») de filles (Clarisse, Sybille, Nathalie, moi). Onze kilomètres, ça tangue, ce n'est pas trop inconfortable mais pas du tout au point. Bref, beaucoup de travail en perspective.

    Papillons au noir sur le ponton au retour, à plusieurs reprises j'ai peur de tomber, j'ai pris un coup de chaud. Dans le fond, ce qui me fait peur, ce serait de me donner en spectacle et que le groupe dût s'occuper de moi. Je vais m'allonger sur les tapis de la salle de sport.
    Cinq ou six se baignent dans le lac, nous voyons partir en combinaison trois triathlètes, le ciel se couvre, nous rentrons tous les bateaux dans les hangars: il paraît qu'il ne faut rien laisser dehors la nuit.

    Le gîte est au Mont-St-Vincent, belle campagne française, vaches et vallons, nuages noirs, éclairs à l'horizon et soleil à travail des voiles de pluie.

    Chambre de quatre (deux lits superposés), installation, qui ronfle, qui a besoin de la fenêtre, dîner, c'est sympa mais c'est long, je ne tiens pas assise. Bonne nouvelle, il y a du wifi.

    Dernier jour

    Comme toujours le dernier jour avant les vacances est un véritable marathon. J'essaie de vider mes mails, en découvre que j'aurais dû traiter depuis longtemps…

    Reine de Saba (gâteau au chocolat), pas le temps de faire la vaisselle, je pars en catastrophe, rendez-vous à six heures pour démonter les bateaux et charger la remorque, mais en fait comme je l'avais prévu, à quatorze nous sommes trop nombreux.

    Les premiers rameurs sortis sur l'eau rentrent, lavent leur bateau. J'obtiens l'autorisation de laver ma voiture ce qui est bien pratique.

    Repas traditionnel, ça se dispute à propos du sens de navigation sur la Seine: normalement on devrait circuler comme en voiture, monter vers l'aval du côté droit et redescendre… du côté droit aussi, mais sur la rive opposée, puisqu'on a changé de sens. Au club, on a pris l'habitude (depuis cinquante ans) de monter sur la gauche jusqu'à Thomery puis de changer pour être du "bon" côté et en descendant de traverser à Thomery à nouveau. Certains argumentent que c'est à cause d'un virage à angle droit, que c'est pour éviter de se faire embarquer au centre du fleuve dans le sens du courant et de se retrouver en face d'une péniche; d'autres que c'est pour bénéficier d'un courant plus faible dans le virage quand on est contre le courant.
    Tout cela ne me paraît pas si grave (et surtout ce sont des hypothèses), sauf que je vois le moment où les rameurs vont vraiment se disputer. On change de sujet en bitchant sur le bureau directeur.
    Mon gâteau au chocolat est trop cuit, pas assez moelleux.

    Quand je rentre je prépare mon sac pour demain: la housse de couette Roi Lion pour servir de sac à viande, mon petit ordinateur que je n'utilise plus depuis trois ans. H. a gentiment passé sa soirée à retraiter un fichier Excel pro qui plantait.

    Nouveau départ

    «Leur Jésus est un autre.» J'adore.

    Ça me rappelle ce passage de Proust:
    Il fallut pourtant une circonstance exceptionnelle pour qu'un jour [le directeur] découpât lui-même les dindonneaux. J'étais sorti mais j'ai su qu'il l'avait fait avec une majesté sacerdotale, entouré, à distance respectueuse du dressoir, d'un cercle de garçons qui cherchaient par là moins à apprendre qu'à se faire bien voir, et avaient un air béat d'admiration. Vus d'ailleurs par le directeur (plongeant d'un geste lent dans le flanc des victimes et n'en détachant pas plus ses yeux pénétrés de sa haute fonction que s'il avait dû y lire quelque augure), ils ne le furent nullement. Le sacrificateur ne s'aperçut même pas de mon absence. Quand il l'apprit, elle le désola. «Comment, vous ne m'avez pas vu découper moi-même les dindonneaux?» Je lui répondis que n'ayant pu voir jusqu'ici Rome, Venise, Sienne, le Prado, le musée de Dresde, les Indes, Sarah dans Phèdre, je connaissais la résignation et que j'ajouterais son découpage des dindonneaux à ma liste. La comparaison avec l'art dramatique (Sarah dans Phèdre) fut la seule qu'il parut comprendre, car il savait par moi que, les jours de grandes représentations, Coquelin aîné avait accepté des rôles de débutant, celui même d'un personnage qui ne dit qu'un mot ou ne dit rien. «C'est égal, je suis désolé pour vous. Quand est-ce que je découperai de nouveau? Il faudrait un événement, il faudrait une guerre.» (Il fallut en effet l'armistice.) Depuis ce jour-là le calendrier fut changé, on compta ainsi: «C'est le lendemain du jour où j'ai découpé moi-même les dindonneaux.» «C'est juste huit jours après que le directeur a découpé lui-même les dindonneaux.» Ainsi cette prosectomie donna-t-elle, comme la naissance du Christ ou l'Hégire, le point de départ d'un calendrier différent des autres, mais qui ne prit pas leur extension et n'égala pas leur durée.

    Proust, Sodome et Gomorrhe
    Ceci me permet d'un même élan de donner à Matoo ce lien vers La Recherche en ligne.

    Maison vide

    Comme je m'y attendais, je n'ai pas repassé vendredi; comme je ne m'y attendais pas, H. m'a proposé d'emmener la chatte à Chartres (moitié du chemin entre Moret et Mortagne-au-Perche) où A. la récupérait.

    Personne donc à la maison quand je suis rentrée, ni mari ni chat.
    Le mari, ça arrive, mais le chat, jamais.
    Il manque les miaulements entre accueil et engueulade («enfin! j'ai faim!»), le bruit infime des griffes sur le carrelage (elles ne sont plus totalement rétractiles et il faut que je les lui recoupe) et à chaque vêtement posé j'hésite et me souviens: «ah oui, je peux le mettre sur le lit, le chat n'est pas là» (habituellement c'est toujours sur le dos d'une chaise).

    Je repasse, donc, en regardant Pour quelques dinars de plus sur Arte, un film amical, souriant, dont le potentiel de rebondissement des dernières images m'évoquent Un homme sérieux des frères Coen .
    Le panier à linge est posé à mes pieds, ce qui en temps normal est impossible.

    Je vais enfin savoir si je dors mal à cause du chat qui me piétine toute la nuit ou si je dors mal parce que je dors mal.

    Des liens

    Une merveille commencée en janvier (ouvrir le thread): un opéra par jour ou par semaine, opéra à la fois œuvre et bâtiment.

    Le retour des trains de nuit transeuropéens.

    Je n'y ai pas cru tout de suite: la sécurité informatique mise en pratique par un homme du GRU .

    Le 6 janvier, durant les événements du Capitole, les émeutiers se sont dangereusement rapprochés de la valise nucléaire.

    Le site de l'Insee qui recense les décès. Seule difficulté: il faut connaître le nom de jeune fille des femmes mariées.
    (Autre difficulté: il faut connaître l'orthographe de l'état-civil. C'est ainsi que je découvre que j'orthographie mal le prénom de mon grand-père et le nom de jeune fille de ma grand-mère.)

    Datant du 15 avril 2021, une anacoluthe de style flamboyant (il s'agissait de l'anniversaire de l'incendie de Notre-Dame).

    ********

    Des liens mutualistes:

    Crésus, une fédération d'associations qui sont au surendettement ce que les Alcooliques Anonymes sont à l'alcoolisme: à contacter si vous voulez maîtriser vos finances et devenir autonomes. Totalement anonyme et gratuit.

    Avant d'en arriver là, et peut-être pour les jeunes gens en début de vie active: gérer un budget, consommer responsable, pourquoi s'assurer etc.

    Pour les jeunes qui cherchent à se loger avec une fibre sociable et les retraités avec un appartement trop grand, une solution intergénérationnelle.

    Les entreprises qui emploient des salariés en horaires atypiques peuvent s'inscrire auprès de mamhique, une association spécialisée dans ce mode de garde.

    Une URGENCE: le don du sang. Beaucoup d'opérations ont été repoussées pendant un an, aujourd'hui il faut du sang pour pouvoir opérer en toute tranquillité. Avoir été vacciné ne constitue pas un obstacle au don de sang.

    ********

    Autour du virus

    Les problèmes respiratoires de Darth Vador :



    Un limericks vaccinal (et plein d'autres en commentaires).
    Première dose d'astra zeneca
    Aussitôt 24 heures au lit recta
    Est-il nécessaire de préciser
    Que toujours cela je préfèrerai
    A mourir ou à survivre en réa?

    Un twittos qui n'aime pas Raoult. Le fil commence le 22 mai.

    L'explication mathématique par un exemple du pourcentage élévé de vaccinés parmi les malades (dans cet exemple, 40%), avec une hypothèse de 13% de non-vaccinés et de 87% de vaccinés (soit 13+87=100).



    En réalité, en France, ce n'est pas 40%, mais 28% de vaccinés parmi les malades (73/(73+184)), même en mélangeant vaccinés une et deux doses (c'est-à-dire en calculant de façon défavorable aux vaccinés).

    Vers Blois

    Chaque fois que nous allons à Blois nous empruntons de nouveaux chemins. Je regrette de ne pas les avoir notés car il y a des lieux que j'aimerais retrouver.
    Ce matin la radio annonce sept cent kilomètres de bouchon, nous choisissons un "autre" itinéraire (Waze en propose désormais trois).

    Route ronde dans la forêt de Fontainebleau, château de Bellegarde (à trois quart d'heure de la maison, il faudra revenir. «Il a beaucoup changé, dit H. Quand j'étais petit il était à l'abandon, envahi d'herbes folles»), Beauce, il fait gris, c'est la bonne température pour être décapoté. Forêt d'Orléans, vingt kilomètres de quatre voies (nous évitons, nous ne prenons que des départementales), St Denis-de-l'Hôtel, il faudra un jour aller à Sully, la Loire et ces couleurs verte bleue beige un peu passées matérialisation de la lumière, arrêt traditionnel à Jargeau pour un café et une pause-pipi.

    Nous nous garons un peu loin, rue de l'écho, en face de l'académie de billard. Dans cette rue un vieux monsieur est en train de travailler à la carcasse d'un break des années 70. A côté, une traction avant rutilante, au fond du garage la même à l'état d'épave, sur le pont, une volvo à la carosserie décapée. Deux ans pour refaire une voiture à neuf, nous dit-il. C'est la version française des amoureux de voitures américaines mythiques. Je regrette qu'il soit seul et pas en train de transmettre à un jeune. Je ne trouve pas trace de son activité sur internet: serait-ce purement amateur et non une activité professionnelle?

    Sologne, routes droites, quelques gouttes de pluie. Chaque fois que nous traversons cette partie de la Sologne il pleut. «C'est parce que c'est la Sologne du nord». Je n'arrive pas à déterminer s'il est sérieux. La Ferté-St-Aubin. Un autre château à visiter. Nous n'entrons pas dans le domaine de Chambord mais passons par la levée de la Loire. Il y a beaucoup de vent, la Loire frise, il y a de l'écume sur les vagues, c'est autre chose que la Seine. Ce qui me frappe le plus, c'est la différence de couleur, ici tout est accordé, la terre et le ciel semble en camaïeu et non en rupture.



    Pendant ce temps (ce temps gris et froid et pluvieux), terribles images de la Grèce où les incendies font rage.

    Régime alimentaire

    A la Table du loup j'ai commandé des accras, des frites de patate douce et des pommes de terre à l'ail. Et un gin anisé et du pain perdu.

    — Y en a qui mangent du pain avec leurs pâtes, toi tu manges des frites avec tes patates.

    Ce matin je suis en indigestion et j'ai une haleine de chacal.





    PS: Au même moment, à 21h, QuandMarcelTweete, le bot (robot) qui recherche les phrases courtes dans La Recherche, a tweeté «Je n'ai plus faim».

    Anticiper

    Je planifie par grosses masses :
    - aujourd'hui, H. travaille à Paris, donc nous dînerons à Paris — pas chez Roberta car la ligne 14 est fermée et qu'il ne paraît pas concevoir d'y aller à pied — sans doute à la Table du loup; donc nous allons rentrer tard;
    - ce week-end nous sommes chez mes parents;
    - mercredi soir je démonte les bateaux;
    - du jeudi au dimanche je suis au Creusot;
    - lundi 16 lave-linge et valises;
    - mardi matin nous partons à Vienne, probablement en couchant à Roissy lundi soir.

    Donc je peux repasser vendredi (à cinq heures ce matin j'ai programmé le lave-linge pour tourner à neuf heures ce soir de façon à étendre le linge en rentrant) et si je confie le chat à A., il faut que je l'emmène lundi ou mardi prochain. Si c'est Séverine qui vient faire du cat-sitting il faut qu'elle arrive le 16 après-midi.

    Il faut que j'appelle Séverine.

    Un cake au roquefort

    Si je suis passée faire des courses lundi, c'était pour acheter du roquefort afin de confectionner un cake au roquefort pour le dîner hebdomadaire des rameurs. (Je n'allais tout de même pas faire faire à H. les courses pour mon aviron).

    Oyez oyez bonnes gens, après près de vingt ans, je me remets à la cuisine! Il aura bien fallu ça. (Autre preuve de mon intégration: pour la première fois de ma vie, j'achète un numéro de PQR (presse quotidienne régionale), il me semble que c'est Le Républicain.)

    Huit cahotique, en partie sous la pluie, course contre une péniche et dîner à l'intérieur du club: il fait froid et la pluie menace. L'Europe brûle et nous sommes sous une «goute froide» (la France entière connaît désormais l'expression).


    carte météo de la France en juillet 2021 sous la goutte froide


    Maltraitances contemporaines

    Plus de timbres dans les postes; plus d'argent dans les banques; plus d'horloge dans les gares; plus de mouchoirs, plus de baisers, plus d'adieux sur les quais.

    Ce matin mon train est arrivé avec dix minutes de retard gare de Lyon, ce qui fait que les passagers du train d'en face (un ouigo: est-ce un corail? (team dépassée par la modernité)) étaient en train de monter en voiture tandis que nous banlieusards remontions vers la sortie de la gare.

    Je ne sais pas à quelle heure partait ce train, mais sans doute peu après car les gens se hâtaient le long du train interminable (deux, peut-être trois, rames accolées).

    Je peste in petto contre les nouvelles pratiques de la SNCF (je dis nouvelles… elles peuvent dater de plusieurs années, mais je ne les constate que depuis juin, à sortir en gare de surface pour acheter mon déjeuner) qui font ressembler le train à l'avion: obligation d'arriver en avance, attente dans le hall de gare avec accès fermé aux quais, filtrage aux portillons, interdiction aux familles et amis d'accompagner les voyageurs sur le quai pour les aider à porter leurs bagages et embrasser les enfants, disparitions des étreintes désespérées au moment la séparation…

    C'est un départ en vacances: des familles, des demi-familles, un seul parent avec enfants, des colonies. Je repère une jeune femme avec une valise à roulettes, un sac à provision ficelé en équilibre instable sur cette valise, une petite fille de quatre ans qui en fait rouler une autre plus grosse qu'elle, un petit garçon de trois ans en électron libre car il ne reste pas de main maternelle pour le tenir. La jeune femme marche le plus vite possible, ce qui n'est pas très rapide — il ne faut pas faire tomber le sac, il ne faut pas perdre les enfants dans le grouillement pressé. Je prends la valise de la petite fille et remonte le train avec eux, car bien sûr leur voiture est l'avant-dernière (recherche angoissante puisque bien entendu les rames sont numérotées dans le désordre et que nous ne sommes pas très sûres de ne pas avoir raté la leur).

    Je les laisse, repars vers la sortie. Le quai s'est vidé. J'engueule au passage deux ou trois grandes asperges de la SNCF qui ont passé leur temps à dire mollement aux voyageurs pressés des trucs du genre «attention au quai», sans jamais tendre le bras pour aider qui que ce soit (— Vous êtes fiers de vous? — Bonne journée à vous aussi, Madame; la réponse-bateau de ce genre d'andouilles.)

    Un couple arrive en courant par les escaliers du hall 3.
    Comme les rames se raccordent au niveau de ces escaliers, il y a une quinzaine de mètres sans porte.
    «Courrez, entrez n'importe où!»
    Je continue à marcher vers la sortie, me retourne.
    Le temps qu'ils remontent les quinze mètres, les portes du train se sont fermées. Je vois leurs silhouettes tenter de les ouvrir, en vain. Les grandes asperges arrivent, ça parlemente. Ils tentent encore d'ouvrir.
    Immobilité et silence. Suspension.
    Puis le train s'ébranle.
    Ils restent sur le quai, leurs valises au pied.

    De plus en plus tôt

    Je quitte le bureau vers 16h40, un record jamais égalé (je veux dire pour une journée considérée comme finie, et non une journée interrompue par une contrainte extérieure). Ils ont du bon ces fonctionnaires (je rappelle que je commence à sept heures du matin, pour rien, juste pour ne pas avoir droit à des sourires supérieurs).

    Si je sors si tôt, c'est d'une part parce que je ne peux plus travailler (le serveur saute régulièrement depuis dix jours), d'autre part parce que je veux être à Moret à temps pour faire les courses: comme il est à la maison de façon continue, H. se plaint parfois de faire toutes les corvées, courses, repas et la moitié des vaisselles que nous avons la flemme de faire le soir. Devant lui je ris et réponds qu'il n'a pas le transport, mais sur le fond, il n'a pas tort.

    Donc ce soir je rentre plus tôt. Je passe à Intermarché acheter des yaourts irresponsables.

    Je finis Laissez tirer les tireurs sur Arte (diffusion jusqu'au 4 août). L'ancêtre de James Bond ou Bruce Willis version San Antonio, en noir et blanc, sans aucun effet spécial, à base de 404 et de pistolets qui tirent coup par coup. C'est fun.
    Notons au passage que je n'y comprends pas grand chose, pour moi les personnages ne sont pas assez caractérisés physiquement, ils se ressemblent tous. Je déduis qui appartient à quel groupe (les bons, les méchants, les tiers) en fonction des dialogues et des actions.

    Nous nous couchons à la disparition du jour, vers dix heures. Ça alors.

    A la nage

    Le huit d'hier était vraiment décourageant, avec toutes les composantes que j'ai fuies au CNF, à commencer par une certaine agressivité (laisser ses problèmes à la maison ne va pas de soi; certains viennent au contraire dans l'espoir de s'en débarrasser en ramant. Ce n'est pas toujours un bon calcul).

    Discussion au café d'après sortie (avec des rameurs hors du huit), mais pourquoi vouloir sortir en huit (réponse: parce que c'est exigeant, le prochain sommet après le skiff), pourquoi pas en quatre (réponse beaucoup moins avouable: c'est qu'ici (dans ce club), quand on est une fille, c'est prendre le risque de ramer avec X et je n'en ai pas envie. Elle a un gros défaut à tribord et refuse de travailler ce point. Ça ne m'intéresse pas, un bateau dans ces conditions).
    Bref, petit moral.

    Ce qui fait que ce matin, quand la question s'est posé du barreur, je me suis proposée: curieuse de voir le bateau de ce poste d'observation, peu pressée de renouveler l'expérience de la veille.
    Sauf que les rameurs n'étaient pas tout à fait les mêmes, avec SE et JP à la place de deux autres.
    Sauf que la nage s'est sentie mal, et que je me suis trouvée à la remplacer au bout d'un kilomètre (c'est le plus simple: nous interchangeons nos places sans rentrer au ponton).

    C'est ainsi que je me suis retrouvée à la nage du huit de pointe (je ne pensais pas que cela m'arriverait un jour).
    Magnifique sortie, le bonheur.
    — Alors, c'était bien, la nage?
    — Il faut demander ça aux autres. Pour moi, l'équipage était très bien.

    Mais bien sûr, personne ne dira rien. Je n'ai jamais dit à Flore ou Anne-Sophie qu'elles étaient de bonnes nages. On leur demande si elles ne sont pas trop fatiguées (c'est-à-dire si soi-même a été bien, pas trop lourdaud dans le bateau), on ne leur dit pas qu'elles étaient bien.

    Je vais donc le dire moi-même: pour une première sortie à la nage en pointe, ce n'était pas si mal, sauf notre tentative de départ (on s'entraîne au départ de course, à lancer le bateau).

    Pour le reste, plus aucune condition physique. Si cela devait se renouveler, il faudra que je reprenne l'ergo (l'ergomètre = le rameur)

    Traductions

    — Ça veut dire quoi, AD ? BC, before Christ, mais AD? After what ?
    (H google vite fait): — Anno Dominum. Ou plus exactement Anno Domini Nostri Jesu Christi, en l'année de notre Seigneur Jésus-Christ.
    — Damned! Et AM? je pense toujours Post Midnight, mais ça n'a pas de sens, Post Noon, mais c'est un N.
    (Googlage): — Ante Meridiem, Post Meridiem.
    — Du latin?!! Les Américains sont au courant?

    *****

    — Non mais ça suffit! Digital, ça ne vient pas de doigt, ça vient de digit, nombre. Digital, c'est numérique, en français.

    Et je pense à the phony war, la fausse guerre, la guerre pour de faux, devenue the funny war aux oreilles françaises, la drôle de guerre, ce qui étrangement n'était pas si loin du sens, de même que digital/doigt a un sens, même si c'est un coup de chance.

    *****

    Au petit déjeuner à l'hôtel à Paris hier matin, H. traduit gentiment pour le barman (barista, un mot étranger pour un autre) perdu devant ma commande d'un café au lait:
    — Un latte, please.


    Et j'aime ce mélange, cet espagnol, cet italien et cet anglais dans notre ville française, cette bonne volonté de chercher à se comprendre. Souvent je songe à la question de David Bellos (dans Le poisson et le bananier): «Quelle langue parlait Christophe Collomb avec les indiens?»

    En retard, en retard

    En rentrant (tôt, j’ai coiffeur) du boulot, je découvre un tweet de souris qui fait de la pub à mon billet du 7 avril.

    Et je me dis que je devrais me remettre à écrire régulièrement, ou plus régulièrement.

    Mon problème est un problème d’horaire: le train serait idéal mais je n’ai pas de connexion internet (pas de 4G avec free dans la forêt puis les champs), le midi j’aurais une demi-heure et c’est trop court (j’écris lentement d’une part; d’autre part j'ai souvent quelque chose à écrire "avant": si j'écris un billet qui fait référence à un événement survenu auparavant et que le billet correspondant à cet événement n'existe pas, il faut en bonne logique écrire celui-ci d'abord. Je me retrouve avec trois ou quatre billets à écrire au lieu d'un, et c'est ainsi que très sûrement le retard engendre le retard. Il y faudrait une discipline de fer que je suis loin de posséder.)

    Certains d'entre vous ont d'ailleurs peut-être remarqué que je tague mes billets du jours de leur écriture, ce qui permet de s'apercevoir que plusieurs billets éloignés dans le temps sont écrits le même jour, enchaînés. Leur écriture laisse une trace dans le temps (et dans l'espace: positionner les billets le jours de l'événement et non le jour de leur écriture est pour moi un positionnement spatial plus que temporel, spatial dans le calendrier de la marge du blog, dans la longue chaîne des archives du blog), mais évidemment, un billet écrit plusieurs jours, semaines ou mois après ne raconte pas la même chose, entre ce qu'il a oublié, les conséquences désormais connues de l'événement relaté et l'érosion des affects.

    Il faut que j'essaie d'écrire hors ligne pour poster lorsque le train atteint les zones urbaines.
    Le genre de résolution qui dure trois jours.

    Citizen M

    Comme prévu il y a deux jours, nous nous retrouvons au Citizen M de gare de Lyon, dans cette chaîne d'hôtels découverte à Amsterdam il y a quatre ans. La chambre est large de la longueur du lit, elle me donne l'impression d'une cabine de bateau, mais avec un tel parti pris de design que l'on en oublie la taille de la pièce. De vrais livres (Catherine Cusset), une tablette Apple pour commander la télé et la couleur de la lumière de la douche… En un mot c'est amusant.

    Nous ressortons chercher un restaurant et errons avant de nous attabler — toujours en terrasse — à La table du Loup rue traversière, taverne spécialisée dans le rhum.
    Derrière nous une tablée d'avocats a des conversations d'avocats avec cependant une certaine vulgarité qui nous fait hésiter un moment à accepter l'idée que ce sont des avocats.

    Adresse recommandée. Gin anisé et frites de patates douces, pain perdu.

    Une poutre, des mesures et une sortie encadrée

    Télétravail. Paradoxalement je commence plus tard ces jours-là, le temps d'acheter les croissants et de prendre le petit déjeuner avec H.

    J'accueille les jardiniers qui viennent remplacer la poutre. Il pleut. Découpe du bois sous le parasol pour protéger l'établi et la scie sauteuse. Maçons et menuisiers, ce sont des jardiniers au sens très large.

    Café, bière, reprise des cotes pour établir le plan de la cabane (abri à outils, abri à vélo) à construire, deux mètres sur deux, un toit en tuiles (obligatoire dans cette commune historique) impose une pente de toit plus forte, nous avons la contrainte de la porte de l'armoire électrique dont le vantail doit s'ouvrir dans la cabane.
    *******


    Le soir, sortie en huit encadrée par Pascal, ex-entraîneur du bataillon de Joinville, aujourd'hui à la retraite. Il ne viendrait pas souvent ramer au club car il y aurait du tirage avec le comité directeur (avec qui tout le monde a l'air de s'engueuler: mais dans ce cas, comment est-il élu? Je ne comprends pas), mais Sybille l'a convaincu de venir nous encadrer au Creusot.

    Il commence par faire un debriefing autour du bateau et rappelle les bases, genre: il faut être assis sur ses deux fesses, bien équilibré. Tous ses conseils seront de ce niveau, très généraux; mais avec le recul, je sais désormais que ces généralités1 sont réellement la clé de toute activité. Elles paraissent plates, inutiles, on voudrait une remarque in-ouïe, quelque chose de rare — mais il n'y a rien que du très connu, à prendre très au sérieux et que l'on néglige.

    Cette fois je passe à babord (la rame unique à droite par rapport à moi, à gauche (selon la règle) par rapport au barreur). Il faut que je trouve mon côté et que je me spécialise (chez moi ce n'est pas très marqué, chez d'autres c'est immédiat, un peu comme le revers à deux mains au tennis: certaines personnes sont intrinsèquement babord ou tribord).

    Ciel dégagé, soleil. Grégoire dans le canot moteur passe toute la sortie à nous filmer. A la fin de la sortie, revenu sur terre, debriefing mi-figue mi-raisin de Pascal qui ne désigne personne: «certains auraient intérêt à faire d'autres bateaux, du quatre par exemple, pour être mieux informés de ce qui se passe. Il faut beaucoup ramer ensemble».

    Bref, si je décrypte bien, nous ne sommes pas au niveau.
    D'un autre côté, nous ne sommes que des loisirs, what did he expect?



    Note
    1 : comme Eric en aïkido «au début on te dit que tout est affaire de transfert d'énergie, et toi tu veux juste connaître les gestes, puis plus le temps passe plus tu te rends compte que c'est vrai» ou Hervé à propos d'informatique: «en informatique tu passes ton temps à échanger du temps contre de l'espace, de l'espace contre du temps» ou dans mes activités «il faut et il suffit de lire» (combien de fois je me suis dit «si seulement j'avais lu ça plus tôt»).

    Un arc-en-ciel

    Comme souvent quand nous avons la flemme, nous sortons déjeuner ou dîner "en ville", à deux pas de chez nous.

    Ce soir, crêperie, dehors, car H. refuse toutes les fois que c'est possible (c'est à dire toujours) de s'enfermer entre quatre murs avec des étrangers. Je n'y pense plus, mais lui pense encore au virus.

    Et donc malgré le vent, nous nous installons en terrasse entre deux averses, ce qui nous permet de contempler un arc-en-ciel digne d'une pub pour Moret.

    Arc-en-ceil au dessus de la porte de Samois à Moret sur Loing



    H. est ennuyé: sa mère vient passer une visite de contrôle à Garches vendredi et son père lui demande de lui rendre visite, sans se rendre compte que c'est cent soixante kilomètres aller-retour dans la circulation parisienne, ou trois heures de transport en commun.

    — Tu es à Bois-Colombes la veille? Reste sur place, dors à l'hôtel.
    Et c'est ainsi que nous décidons de rester jeudi soir tous les deux à Paris, dans un hôtel gare de Lyon.

    Matriochkas répertoires

    Ce n'est pas le titre d'une pièce de musique russe.

    J'ai entrepris de mettre de l'ordre dans le répertoire partagé de l'équipe.

    En réalité il est bien peu partagé: chacun s'est créé un dossier à son nom dans lequel il copie ce dont il se sert le plus souvent. C'est un peu comme si chaque cuisinier venait piocher ses recettes dans le répertoire commun pour le mettre dans son dossier. Cela a trois inconvénients immédiats: d'une part chaque recette est copiée plusieurs fois ce qui fait gonfler la taille du répertoire partagé, d'autre part chaque recette diverge peu à peu au fur à mesure du temps puisque chacun la modifie insensiblement (il ne s'agit pas de recettes, n'est-ce pas, mais de modèles de lettres et de procédures); enfin, et c'est sans doute ce qui m'ennuie le plus, les meilleures modifications ne sont pas partagées (les meilleures tournures, l'adaptation aux cas nouvellement rencontrés).

    J'ai donc entrepris de passer avec chacun pour faire disparaître leur nom ou prénom du répertoire partagé et redistribuer leurs fichiers soit dans des répertoires thématiques (du genre soupes, gibier, entrées, etc), soit de récupérer les documents personnels chez eux (car ils sont si candides qu'ils laissent tout traîner, des copies de livrets de famille, de dossiers de retraite, etc).

    Aujourd'hui j'ai travaillé avec Denis. Denis a créé sur le répertoire partagé le dossier DENIS, dans lequel il a créé le dossier «sauvegarde Denis» dans lequel il a créé un dossier DENIS dans lequel il a créé un dossier DENIS.
    Et dans chacun de ces quatre dossiers imbriqués on retrouve les mêmes dossiers et les mêmes fichiers: je suppose que comme il maîtrise mal l'arborescence des répertoires, il ne retrouvait pas ce qu'il venait de copier/coller et il le recollait sous un DENIS au petit bonheur la chance. (NB: je ne lui en veux pas, ces salariés ont sans doute hérité d'ordinateurs sans jamais avoir une formation.)

    Le pompon, c'est tout de même ces documents intouchés depuis… 1998.
    — Ils sont vraiment utiles ? Ils n'existent pas ailleurs?
    Il ouvre le fichier, le lit, réfléchit, donne son verdict. Si nous le gardons, je le fais sauvegarder en version .docx ou xlsx.
    Nous avons considérablement allégé l'ensemble.

    *****

    Bon, avouons qu'aujourd'hui j'ai proclamé «j'arrive plus à me connecter sur outlook» alors que j'avais tout bonnement oublié d'allumer un de mes écrans et que la-dite fenêtre Outlook s'ouvrait justement sur cet écran (donc restait invisible).
    Quand j'ai compris l'origine du problème, je me suis contentée d'un sobre «C'est bon, ça remarche».

    Petits problèmes qui occupent

    - Panne informatique : une mise à jour a été lancée hier après-midi alors qu'elle devait tourner ce week-end quand tous les postes seraient inutilisés. Elle s'est donc lancée pendant que les gens travaillaient et tout a planté. Nous n'avons pu commencé à travailler qu'à onze heures.

    - En voulant mettre une cale sous une armoire à dossiers, nous avons fait tomber l'armoire qui y était adossée et tous les dossiers qu'elle contenait. Heureusement que personne ne passait devant à ce moment-là.

    - J'ai craqué et dit sèchement au «manager de transition» d'arrêter d'insulter les gens au téléphone. Cela fait des semaines que je l'entends être odieux avec des personnes de divers organismes administratifs (— Je ne suis pas insultant, je n'utilise pas d'insultes. — La prochaine fois je t'enregistre. Et arrête de reprocher aux gens de ne pas savoir chercher dans leurs mails alors que tu ne sais pas le faire toi-même).
    La nouvelle responsable comptable et l'informaticien bouche bée m'ont regardée sortir de son bureau (j'avais parlé très bas, hurlé très bas).

    - Train de 17h20. C'est la première fois que je prends un train si tôt. J'ai essayé une robe orange qui m'allait horriblement mal.

    Sodome et Gomorrhe

    Ligne 1, 7 heures.
    Je ne connaissais pas cette couverture, subtilement en rappel de la robe de la lectrice.

    femme lisant Proust sur la ligne 1


    Un huit ça casse

    «Un huit ne se retourne pas, ça casse»: c'est ce que nous avait dit un jour une compétitrice à Melun, alors que nous préparions à quitter le ponton.

    Belle sortie ce soir, dans le soleil déclinant entre six et huit heures. Il fait chaud de façon supportable.


    Le bateau n'est pas plat, à chaque coup il nous berce de babord à tribord, de tribord à babord. Cela traduit de multiples fautes de main, de changement dans les hauteurs de main sur le retour (durant la passée dans l'air, le moment le plus délicat).
    La difficulté pour se corriger, c'est que chacun dépend des autres. Comme en plus de nos défauts nous compensons chacun plus ou moins consciemment les défauts des autres, si un rameur essaie de se corriger tandis que les autres ne sont pas prévenus, les compensations devenues inutiles aggravent le déséquilibre. C'est pour cela que pour corriger un défaut il faut de la patience les uns envers les autres et l'acceptation que toute correction commencera par rendre les choses pires.

    Retour. Exercices. Nous croisons deux péniches montantes qui paraissent très pressées: veulent-elles arriver à l'écluse avant la fermeture? Les vagues sont énormes mais nous leur sommes parfaitement parallèles et nous n'embarquons aucune eau: fluctuat nec mergitur.

    Sauf que nous, à l'arrière (je suis au six), nous entendons un dialogue confus qui parle de bateau fissuré. Un huit se découpe en deux parties pour être transportable en remorque (un tiers deux tiers ou moitié moitié); suite à la force des vagues le nôtre prend l'eau au niveau de la jointure. Nous entendons les ordres de JP: «Desserrez vos chaussures. Préparez vous psychologiquement à passer à l'eau.»

    Nous rentrons lentement en demi coulisse.
    Nous croisons deux autres péniches.
    Nous n'avons pas coulé.

    Reconversion fonctionnaire

    Conversation dans l'openspace durant la pause déjeuner (il faut savoir que la moitié de mon équipe sont des fonctionnaires détachés de plus de soixante ans):

    Françoise: — De toute façon on va disparaître, on va fusionner.
    Hugues: — Mais c'est pas graaave. On ouvrira une maison close.
    Danielle: — Moi je veux bien être la patrone.
    Alice: — Ah oui, je t'imagine très bien derrière la caisse.
    Françoise: — Mais moi j'vous préviens, j'veux pas faire les pipes. Je ferai pas les pipes.

    Godot

    6h52, gare de Lyon

    homme allongé gare deLyon en train de lire

    Les antivax: crétins ou négationistes? ou les deux?

    Je découvre avec stupéfaction que les antivax comparent leur sort à celui des juifs sous le nazisme.
    Je n'ai pas de mots.

    Portail d'Auschwitz avec «le travail vous rendra libre
    source: Sarah Benichou.


    *****


    Avant d'exposer leur abjection, ils exposaient leur crétinisme.

    Je reprends le dessin et le commentaire d'Hervérifie, parce que comme lui, j'aime bien le hamster doré (et je déteste Dupont-Aignan):

    comparaison entre les tests sur le vaccin et les tests sur l'ivermectine, l'ivermectine étant préféré au vaccin par Nicolas Dupont-Aignan

    🌴 Aloha 🥥
    🧠 Je citerai ici Thomas C Durand, de la fabuleuse La Tronche en Biais, qui par sa prose mythique m’a inspiré cette infographie : 💬 « (…) Les mêmes personnes qui veulent se fier à un papier sur 18 hamsters sorti avant hier sont promptes à juger que les milliards d'injections et la stricte pharmacovigilance des 7 derniers mois sont insuffisantes pour recommander la vaccination. Leur manque de logique est visible depuis l'espace (…) »

    🐹 Et puis ça m’a surtout vachement donné envie de dessiner un hamster, à défaut d’un mouton 🤗
    _________________________________________

    🧠 Ici, je ne parle même pas des multiples études « en vie réelle » (sur des centaines de milliers de personnes, dans de nombreux pays, vs contrôles) qui ont sans aucune ambiguïté démontré la redoutable efficacité et le rapport bénéfice/risque écrasant de ces vaccins, et notamment des deux vaccins à ARNm, contre :
    ✔︎ Les symptômes (comme l’étude de Pasteur)
    ✔︎ Les hospitalisations
    ✔︎ Les formes graves
    ✔︎ Les admissions en réa
    ✔︎ Les décès
    ____________________________________

    🧠 Pourquoi ne pas avoir parlé de cela?
    ❶ Parce que la première citation de M. Dupont-Aignan remonte au mois de décembre et concernait le vaccin Pfizer, alors qu’il n’avait à disposition « que » l’essai de phase 3 dont je parle ici.
    ❷ Parce que nos pauvres petits rongeurs sont à peine visibles ici, imaginez si j’avais dû les comparer à plusieurs centaines de milliers d’humains…
    ❸ Parce que mon logiciel de dessin vectoriel, chose incroyable, plante lamentablement et systématiquement quand je dépasse les 40 000 petits bonhommes verts… Alors en coller des centaines de millier, ou même des milliards… Bref, j’ai dû exporter un PNG aplati pour finaliser l’image.

    ⚠️ Le « raisonnement » de M. Dupont-Aignan (et Philippot, et Asselineau, et toute cette clique de charlots) fait donc planter un iPad 12.9’’ 😳
    ➜ C’est dire la magnitude de WTF qui anime ces gougnafiers.

    Quatre de filles

    Bernadette, S., N., moi. Je ne sais pas comment nous nous sommes retrouvées avec le quatre de pointe: les deux quatre de couple ont été squattés avant que nous ayons le temps de réagir et nous nous sommes retrouvées avec ce bateau présenté comme un cadeau, mais en réalité un cadeau empoisonné.

    Nous avons échoué.
    Il y a une grande amitié et beaucoup de respect entre nous. Nous venons de faire l'expérience que cela ne suffit pas et peut même être contre-productif, dans la mesure où cela nous a empêché d'oser, empêché d'insister quand nous nous sommes aperçu qu'il n'y avait pas d'équilibre.

    Nous avons fait une première erreur qui a été de mettre Bernadette à la nage alors qu'elle n'en avait pas envie, qu'elle ne se sentait pas à l'aise (mais cela paraissait naturel: «la plus âgée dans le grade le plus élevé», celle qui a fait le plus de compétition). Nous sommes revenues au ponton et N. a pris sa place. Nous avons laissé S. au quatre car elle tenait la barre de façon très fluide.

    Mais cela ne fonctionnait pas davantage. Plus tard j'ai regretté de ne pas avoir pris la nage. Certes je n'ai pas fait beaucoup de pointe, mais j'ai l'expérience de la nage et surtout, je m'en fiche que ce ne soit pas parfait, je sais qu'il faut des kilomètres et des kilomètres pour que ce soit parfait. Il faut ramer, se taire, progresser.

    Nous avions un désir trop grand d'un bateau trop parfait, un désir trop grand d'une osmose immédiate.
    Le miracle n'a pas eu lieu.

    Repassage

    Il a fais beau trois jours fin mars et quelques jours mi-juin. A part ces deux épisodes, il fait gris, il pleut, parfois il ferait presque froid.
    Je ne le dis pas trop fort mais ça m'arrange parce que j'ai la hantise de la chaleur sur l'eau. Je préfère un temps frais sans vent. La bruine ne me gêne pas.

    Cependant nous avons dépassé mi-juillet et il devient de plus en plus probable qu'il fasse chaud à un moment donné. J'ai l'obsession de finir mon repassage avant la chaleur car le dernier étage est totalement inutilisable dès qu'il fait 25 dehors: l'atmosphère passe à 32 et ne redescend plus.

    Je passe donc mon samedi après-midi à repasser devant Clan sur Arte. Je n'ai pas repassé depuis le 2 juin au moins; en témoigne la chemisette rose achetée au retour de l'enterrement de René dans la corbeille de repassage. (La bande de boutonnage était salie, la vendeuse nous a fait un prix, la chemisette n'a encore jamais été portée.)

    Clan est un peu lent, chaque épisode fait avancer l'intrigue sur un plan, c'est très bien fait, irréaliste et amusant. Le beau-frère odieux s'appelle Jean-Claude, ce qui permet un jeu de mot en flamand pour l'appeler «La couille».
    Comme toujours je souris en voyant les téléphones à clapet: 2008, un autre monde.

    Cosmos 99

    Mon coiffeur m'a ratée.

    J'ai fait couper mes cheveux plus court (j'attends encore qu'il fasse chaud, même si rien ne corrobore cet espoir et cette crainte), il a choucrouté le tout et ça ne me va pas du tout. Ou ça ne me plaît pas, ce qui revient au même.

    H. est ambigu. Dans un sens il me contemple avec réprobation, dans l'autre il me dit que je ressemble à Barbara Bain, ce qui n'est pas si mal.

    Désormais il chantonne la musique de Cosmos 99 chaque fois qu'il me voit.

    Déluge

    Comme souvent, H. regarde les news sur son téléphone avant de dormir.

    — Inondations en Allemagne. Quarante-cinq morts.
    — Comment ça, quarante-cinq morts?
    — Ben je ne sais pas.
    — Qu'est-ce qui se passe? Une inondation, c'est un ou deux morts, pas quarante-cinq. Qu'est-ce qui s'est passé ?

    Une vraie catastrophe en Allemagne et en Belgique. Glissements de terrain et inondations.

    Variant delta

    Le "variant delta" (variant indien qu'il ne faut plus appeler indien) fait rage (très contagieux), même s'il fait moins de morts du fait de la vaccination.

    Hier, pendant notre virée à Dordives, Macron a annoncé de nouvelles mesures. Au bureau, fatalistes, ils se voient tous reconfinés à l'automne.

    Je copie-colle les mesures annoncées car j'ai perdu les dates des étapes précédentes, le déconfinement progressif, les terrasses puis le couvre-feu en deux temps puis l'intérieur des restaurants, les cinémas, puis le masque en extérieur...

    La vaccination sera ainsi rendue obligatoire pour les personnels soignants et non-soignants des hôpitaux, des cliniques, des maisons de retraite, des établissements pour personnes en situation de handicap, pour tous les professionnels ou bénévoles qui travaillent au contact des personnes âgées ou fragiles, y compris à domicile.

    À partir du 15 septembre, des contrôles seront opérés, et des sanctions seront prises.

    En complément de la vaccination, de nouvelles mesures vont être mises en place pour freiner le virus :

    ➜ Depuis le 12 juillet, les contrôles aux frontières sont renforcés.

    ➜ Dès le 21 juillet, le pass sanitaire sera étendu aux lieux de loisirs et de culture.

    ➜ À partir du mois d'août, le pass sanitaire s'appliquera dans les cafés, les restaurants, les centres commerciaux, ainsi que dans les hôpitaux, les maisons de retraites, les établissements médico-sociaux et dans les transports de longue distance.

    ➜ À l'automne, les tests PCR seront rendus payants, sauf prescription médicale et ceci afin d'encourager la vaccination plutôt que la multiplication des tests.
    Le pass sanitaire était déjà en place à la philharmonie. Je serai considérée immunisée le 21 juillet.

    Je perds complètement la notion du temps. J'ai trouvé ce récapitulatif du confinement et couvre-feu département par département.
    Seine et Marne (en Essonne jusqu'à Noël, mais c'est identique)
    Au 20 juin 2021, dans le département de Seine-et-Marne, vous avez passé 4 mois et 25 jours sous confinement. Il y a d’abord eu un premier confinement très strict au printemps 2020, puis un deuxième plus allégé à l’automne et enfin un troisième confinement avec davantage de dérogations au printemps 2021. Ce n’est pas tout : vous avez aussi dû respecter, hors période de confinement, un couvre-feu pendant 5 mois et 7 jours. Durant cette période, l’horaire du couvre-feu a changé à de nombreuses reprises. Il est passé à 21 heures à partir du 19 mai, puis à 23 heures le 9 juin, pour être complètement supprimé au 20 juin.

    Un kebab à Dordives

    Pour une fois j'arrive à partir avant six heures. Train de 18h07, je sors mon portable, classe mes photos, trie mes mails, consulte le calendrier. Le train ralentit en vue de Moret; je me lève, pose mon téléphone sur le siège, mon livre sur le téléphone; je range mon ordinateur, j'enfile ma petite laine, ramasse mes affaires, endosse mon sac à dos et sors sur le quai.

    Je marche quelques mètres, m'apprête à reprendre mon téléphone pour terminer ma partie de Candycrush en marchant.
    Pas de téléphone.
    A la main mon livre, je revis la sensation du moment où j'ai ramassé mes affaires sur le siège: il faut se rendre à l'évidence, j'y ai laissé mon téléphone. Mon cœur se dérobe, et mer**, après me l'être fait voler en octobre, voilà que je l'oublie en juillet, ça fait beaucoup de téléphones.
    «Zut, il faut que j'appelle H.» est ma première pensée.
    «Ah mais non, je n'ai pas de téléphone», ma deuxième.

    Je rentre, H. déclenche le mode perdu sur mon portabe et indique son propre numéro en contact: si par hasard quelqu'un d'honnête le ramasse, il pourra nous appeler. L'appli Apple nous permet de visualiser mon téléphone qui s'éloigne vers Nemours, il est toujours dans le train.

    — Tu ne devais pas dégager l'étagère pour donner accès à la chaudière? (Demain passent un spécialiste de la marque après le dépannage en urgence par un plombier lundi dernier).
    — Ah oui, c'est vrai.

    Il faut trouver de la place, au sec, pour des pioche, pelle, balai, karcher, barre à mine, hache. Une partie va derrière la machine à laver, les trousses à outils très lourdes sont empilées dans le dressing, la rallonge électrique montée au dernier étage.

    Le portable de H. sonne. Mon portable a été retrouvé. L'homme providentiel propose de le rapporter à Moret demain. Je trouve étrange que ce soit lui qui le rapporte et non moi qui me dérange, mais H. dit d'accord.
    Il raccroche. Nous continuons à déménager: les bâches, les pompes à vélo, les sécateurs, mais pourquoi avons-nous tout ça, nous ne nous en servirons jamais. Le téléphone sonne. L'homme a changé d'avis, il propose un rendez-vous à Montereau demain vers 11 heures. H. accepte.
    — Mais à quelle heure passe le fumiste?
    Ah zut, H. n'y avait pas pensé. Il rappelle à son tour, propose que nous venions tout de suite: l'adresse est à Dordives. Nous attrapons une bouteille de champagne (ça vaut bien ça, je suis soulagée mais n'ose pas encore y croire tout à fait) et traversons la forêt, Waze nous fait passer par de magnifiques routes de campagne, c'est long, l'homme nous rappelle, «nous sommes à trois kilomètres, nous arrivons tout de suite». C'est moi qui ai décroché, il a une voix faible, épuisée, j'imagine un travailleur pressé de se coucher.

    Nous arrivons à Dordives, l'adresse est le long de la Nationale (ex-Nationale), une silhouette attend devant un portail.
    L'homme est en fait un adolescent, quatorze ans peut-être, intimidé, muet. La tête de sa mère, jeune elle aussi, apparaît au portail, souriante. Je comprends mieux les coups de fil successifs, sa mère a dû lui dire «ce n'est pas à toi de te déplacer», puis «ça va durer longtemps? Il faut que tu ailles au lit». Nous échangeons quelques mots, je récupère mon téléphone, je tends la bouteille de champagne. Il la prend sans rien dire.
    Le portail se referme et tandis que nous montons dans la voiture, nous entendons un cri de joie: le champagne était une bonne idée.

    Neuf heures vingt. C'était bien la peine de quitter tôt le bureau. Nous dînons d'un mauvais kebab à Dordives.

    Taire ses doutes

    Aujourd'hui nous avons fait le quatre auquel je n'ose croire.

    Sybille: — On fait un quatre avec Alice?
    JP: — Flore ne vient pas d'arriver?
    Sybille, un peu moins fort: — J'ai envie d'essayer avec Alice.

    C'est donc mon examen ou mon concours d'entrée. Je sais que je suis la moins costaud, la moins aguerrie — pas forcément la moins technique, au moins en connaissances théoriques.
    Quatre. J'imagine qu'être musicien et se trouver soudain en quatuor présente la même expérience: chacun sait ce qu'il a à faire, chacun connaît les règles, mais est-ce que l'ensemble va fonctionner? L'ensemble va-t-il être ensemble?

    Sortie merveilleuse. Retour maîtrisé (recovery en anglais, récupération), concentration, un minimum de mots échangé. Nous montons jusqu'à Champagne (sept kilomètres). JP grommelle, le bateau vrille, la poussée n'est pas équivalente des deux côtés (je suis loin d'avoir des sensations aussi fines. J'ai juste remarqué avec surprise qu'il plumait).

    Et là, toujours la question: est-ce que c'est de ma faute?
    Mais je ne la formule pas. Autrefois je l'aurais formulée. Aujourd'hui je m'interdis de le faire. J'ai enfin compris que la réassurance que l'on recherche n'est jamais donnée. Bien pire, à ce genre de question l'interlocuteur répond oui in petto. Une seconde avant il n'en avait aucune idée — et peut-être se posait-il la même question à propos de lui-même — une seconde après il connaît enfin le responsable.

    Nous redescendons. Exercices variés, coordination parfaite, grande attention. En sortant du bateau je suis heureuse, mais je ne sais pas ce que les autres en ont pensé. SE a l'air aussi satisfaite que moi.
    Personne ne me dit rien. Evidemment, moi je l'ai vu comme un examen, mais pas eux.
    Ne pas poser la question Est-ce que c'était bien?, sous-entendu Est-ce que j'étais bien?: ne pas prendre le risque de faire réfléchir, évaluer, ne pas montrer mon sentiment d'infériorité.
    Ne rien dire. Attendre.
    On verra bien s'ils me le reproposent.

    Le monde d'après

    J'apprends ce soir que Matoo quitte Paris.

    Désormais je croirai les journaux et les études sociologiques qui proclament que la pandémie et le confinement ont transformé les gens: ça alors! Car comme le dit Garfield en commentaire, jamais je n'y aurais cru.

    (Et pourtant, à bien y réfléchir, c'est la suite logique de tous ces billets sur la Bretagne.)

    Bien dégagé autour des oreilles

    Ce matin je suis partie ramer en sachant que le petit jardinier (c'est son nom) passait tailler la glycine.

    C'est le jardinier de Yerres. A notre grand bonheur il a accepté de venir bien que ce soit loin de chez lui — à notre grand bonheur, parce qu'il a une imagination débordante et fait bien plus que planter et couper — or nous savons ce que nous voulons dans le jardin (moi des fleurs, H. une cabane pour ses outils et des herbes aromatiques) mais nous ne savons pas du tout comment nous y prendre.

    En arrivant à midi, j'ai eu le souffle coupé: pour tailler, il a taillé! Côté rue, les glycines sont taillées à l'aplomb du mur et ne débordent plus (elles empiétaient de cinquante à soixante centimètres en une grosse masse joyeuse), la poutre au-dessus du portail a été dégagée alors que les glycines se rejoignaient dans un emmêlement de branches qui coinçait les vantaux et nous arrosait lorsque nous forçions l'entrée après une averse. Côté jardin, les troncs ont été dégagés et les feuilles constituent deux formes ovoïdes bien sages.

    Il paraît que la poutre est si pourrie qu'il voulait l'enlever aussitôt: «elle tient par l'opération du Saint-Esprit». Il va la remplacer.

    En toute modestie, j'avais laissé comme consigne une carte postale du jardin de Monet (devant sa maison) et l'instruction «je veux un jardin de curé».
    H. et le petit jardinier ont étudié les possibilités — rosier rouge, chèvrefeuille, laurier sauce, érable du Japon. «La difficulté, ce sont les accès, entrer et sortir les poubelles, les vélos, tailler les fleurs…»

    Nous allons nous débarrasser de l'abri à moto et de la balancelle hérités de l'ancien propriétaire.

    Voici l'état de départ, avec son aspect crapouilleux de terrain vague, et l'objectif.
    Commentaire d'H: «Ça va être difficile, la perspective.»

    jardin avec glycines taillées Giverny-carte de la Réunion des Musées nationaux


    Vous aurez droit aux photos des évolutions.

    Fléchissement

    Mail à Sybille, organisatrice du stage au Creusot: «C'est OK, je viens. Si tu veux un virement, envoie un RIB. Sinon chèque.»

    Aussitôt les questions en avalanche: «Es-tu babord ou tribord? Es-tu vaccinée? Je viens de t'envoyer le compte rendu de notre dernière réunion.»

    J'ai été rajoutée au groupe WhatsApp, preuve ultime de mon intégration au projet.

    Toujours plus fort

    J'avais parlé du magnifique vocabulaire, et très naturel, de ma directrice.

    Le président a fait mieux, non sans y mettre quelque cabotinage: dans une réunion avec des délégants, il a placé: «dans ma vision téléologique de la situation…»

    (Je ne sais pas si les autres ont compris. Pour ma part, je connais ce mot grâce à la théologie.)

    Pour la peine, j'ai placé «holistique» quelques instants plus tard, même si ce mot est beaucoup plus courant grâce à la mouvance New Age.

    Aviron de bronze

    Les rameurs qui partent en stage au Creusot ont fait un huit, je me suis rabattue sur un skiff.

    Comment décrire le bonheur de cette sortie, après une journée entre quatre murs? C'est indicible de liberté.

    Seine verte, ciel bleu, tache blanche du château de la Rivière en remontant vers Thomery


    Pendant toute ma sortie j'ai attendu que le huit me rattrape, mais cela n'a jamais été le cas: que s'est-il passé? Ont-il fait beaucoup d'exercices? Oui, un peu, mais surtout, ils avaient pris pour barreur un enfant de douze ans non rameur — qui a passé son temps à papoter, à donner des coups de barre et faire des réflexions inquiétantes («comment je fais pour éviter la péniche?»). Bref, les huit rameurs étaient passablement exaspérés en rentrant.

    Cela ne m'a pas empêchée de jouer ma Calimero auprès d'H., venu pour la deuxième fois participer au dîner du mercredi:
    — Tu n'as pas ramé en huit?
    — Non, il se passe ce que je craignais, ils constituent les huits entre rameurs qui partent au Creusot.
    H. commence à fléchir:
    — Bon, tu peux y aller, je ne veux pas être un obstacle à ta carrière de rameuse.

    Nous sommes encore très nombreux. Sylvain ouvre le champagne pour fêter son aviron de bronze (niveau débutant qui se débrouille): c'est de l'amertume teintée d'ironie, il attendait un aviron d'or et une autorisation de sortie en absence de sécu (bateau moteur aui assure la surveillance du bassin), mais il y a du tirage avec la direction du club et visiblement le président lui a fait une mauvaise blague. Sous les dehors très amicaux que j'ai vus jusqu'à présent semble ce cacher une lutte acharnée pour le pouvoir et l'équilibre entre loisirs et compétion.

    Après ce dîner, H. me confie: «je ne sais pas si je reviendrai. Ça parle beaucoup d'aviron, quand même.»

    Concours de bites

    J'avais été prévenue en février que les agents (les salariés) arrivaient très tôt, dès sept heures du matin.
    Au début j'ai fait un effort: j'attrapais le train de 6h53, ce qui me permettait d'arriver un peu après huit heures, une heure après les premiers, mais raisonnablement parmi les matinaux.

    Au bout d'un mois ou un mois et demi, il m'a semblé que j'avais suffisamment prouvé que je pouvais me lever si nécessaire (puisque visiblement c'est une vertu en soi1). J'ai pris le train de 7h23, puis le train de 7h32 quand j'ai découvert le bus de 7h10 à vingt mètres de chez moi (à six heures et demie il ne passait pas).

    Il y avait des exceptions, notamment les jours de formation, où les salariés négocient avec le formateur de commencer tôt: le premier jour commence à huit heures et demie, mais le deuxième à huit. Les formateurs qui viennent de province et dorment à l'hôtel ne se font pas prier.

    Deux fois deux jours de formation, le 29 et le 30 juin la semaine dernière, aujourd'hui et demain cette semaine. Dans ces cas-là il faut arriver avant, aérer la salle, préparer le café, récupérer le badge du formateur, mettre en place le rétroprojecteur. D'après ce que je comprends, auparavant c'était fait par l'assistante de direction, mais celle-ci est en longue maladie depuis un an (coïncidence avec le covid) donc nous nous débrouillons. La semaine dernière j'ai zappé qu'il y avait formation le mardi et c'est Géraldine2 qui s'en est occupé; le mercredi je suis arrivée plus tôt mais je n'avais pas été prévenue (la négociation, voire paragraphe précédent) que la formation avait été décalée: je suis arrivée plus tôt, mais pas assez tôt.

    Quand j'ai remercié Géraldine, elle m'a répondu en riant: «ce n'est pas grave, j'arrive tôt, moi».
    C'était la deuxième ou troisième fois qu'elle me le disait de cette façon; cela ressemblait de plus en plus à une pique. Je sais qu'elle a eu un mois de juin compliqué, entre l'organisation de l'AG à distance (avec une partie des motions votées à distance et l'autre en séance) et le bureau et le conseil d'administration avancés d'une semaine. Mais je suis susceptible et je me suis vexée.

    Nouvelle politique, nouveaux horaires. Réveil 5h15, train 5h55, arrivée au bureau 7h10.
    Il en sera ainsi jusqu'au départ en retraite de la vieille garde. La nouvelle a naturellement tendance à se lever plus tard ou à emmener ses enfants à l'école. Je réadapterai mes horaires dans deux ans.

    Deux matins que je suis là avant Géraldine. C'est un concours de bites facile à gagner.



    Note
    1 : Selon eux c'est une vertu, pour moi c'est de l'égoïsme: ils viennent tôt parce qu'ils viennent en voiture, ils ne prennent pas les transports en commun. Ils argumentent que c'est dû au Covid, mais quand on les écoute, on s'aperçoit qu'ils sont toujours venus en voiture, ils ont toujours eu un parking. C'est d'ailleurs ce qui les ennuie dans le fait de déménager vers Nation en mars prochain: plus de parking. Beaucoup projettent leur départ en retraite en fonction de cet élément.

    2 : Géraldine, c'est la personne qui a quarante ans de maison et a assuré l'intérim sur mon poste pendant un an — poste qu'elle a refusé parce qu'elle part à la retraite dans deux ans et qu'elle a envie de décélérer. Elle connaît tout mais transmet très mal, toujours en courant. Nous nous entendons bien, elle est drôle et a beaucoup d'énergie, mais je crois que je l'ai agacée à contester certaines aberrations informatiques (hélas, comment éviter qu'elle se sente mise en cause? mais ce n'est pas elle que je conteste, c'est simplement qu'avec mon regard extérieur je repère ce qui est non-RGPD, c'est-à-dire à peu près tout), et à la longue elle me fatigue à rire en me disant «mais je te l'ai déjà dit» en parlant de trucs qu'elle a dit entre deux portes, sans aucune hiérarchie entre l'important et le futile.

    Reprise d'une tradition interrompue

    Hier, message WattApps dans le groupe aviron :
    Bonsoir,
    Y a-t-il des candidats pour manger demain soir? Je mets au point mon planning apprentissage culinaire…
    Suivent des réponses, «Moi. Je viendrai avec un guacamole», «désolé, j'ai de la famille, je viendrai la semaine prochaine».
    Comme je ne suis pas sûre de bien comprendre (c'est «mon planning apprentissage culinaire» que je ne sais pas s'il faut prendre au premier ou au second degré — même si cela n'a pas beaucoup de sens au premier degré — mais justement, c'est pour cela que je ne suis pas sûre de bien comprendre), j'interroge:
    — C'est une tradition?
    — Oui, hors contraintes sanitaires, bien sûr…
    — Et donc on vient au club vers 20h en amenant quelque chose? (La fille qui insiste pour être sûre d'avoir bien compris).
    — Oui, un petit plat ou une boisson. Si tu peux viens ramer de 18 à 20h.
    — C'est prévu à partir de juillet, juin c'était compliqué.
    Je quitte le bureau vers six heures, je descends à Fontainebleau, je fais quelques courses à proximité (des tomates, des cerises), je marche jusqu'au club.
    — Mais tu es en civil !
    C'est toujours une surprise de voir les gens habillés normalement quand on les a toujours vu en combi ou en short. C'était l'un des points qui m'a sans doute desservie à Neuilly: ceux de la semaine connaissaient mes tenues de boulot, ceux du week-end ne connaissaient que mes nippes — or c'étaient sans doute eux les plus sensibles à l'apparence.

    Nous sommes facilement une quinzaine. Les tables sont installées dehors devant les vestiaires, pas loin de la cuisine. H. a accepté de nous rejoindre et ammène du vin.
    C'est un festin. Il n'y a pas de concertation, c'est à chaque fois la surprise. «Une fois il n'y avait que des desserts», nous raconte-t-on à plusieurs reprises. La situation a marqué les esprits, mais sans changer l'[e manque d]organisation. C'est vraiment bon enfant, sans complication.
    — A l'origine, vers 2003, on buvait un coup. Il s'agissait de motiver les gens qui venaient aider à réparer les bateaux.
    — Puis on a mangé…
    — Puis on a arrêté de réparer les bateaux.

    Eclat de rire général.

    Il faut dire que je n'ai jamais vu des bateaux destinés aux loisirs aussi bien entrentenus. Et je viens de Neuilly où c'était déjà très bien, c'est dire.

    A l'IMEC

    Matinée sur la Méthode d'Edgar Morin. A lire le titre, je n'avais pas fait le lien avec Descartes, pourtant évident.

    Toujours ce paradoxe que la méthode rationnelle soit issue d'un rêve. Plus tard on me conseillera un livre: Ce que Descartes n'a pas dit, sur les phrases et idées attribuées à tort à Descartes. Il paraît que ce livre est remarquable.

    J'ai la surprise d'entendre parler de Bergery que je pensais totalement inconnu et insignifiant. Ainsi cet homme n'existe pas que pour les lecteurs de Claude Mauriac, mais également pour les morinistes.

    Gödel cité une première fois, Escher, Gödel, Escher, Bach plus tard. Au buffet du soir à l'IMEC, j'en profiterai pour dire mon désir de voir un colloque se tenir avec la participation d'Hofstadter. Si la graine a été plantée dans le bon cerveau, j'ai mes chances. Il faut que j'en parle à Elisabeth et GEF, aussi.

    Pluie, crachin, il fait douze degrés. J'ai amené un imperméable mais pas de pull. Heureusement que j'ai avec moi le pantalon acheté hier.
    Comme toujours, le bonheur de Cerisy, ce sont les rencontres. «Non, parce qu'il faut dire la vérité, on vient à Cerisy pour la confiture courge-orange (un délice), on va à l'IMEC pour la cuisine. Les chambres sont monacales, mais le cuisinier hors de pair.»

    J'achète des cartes postales, je découvre que l'accueil vend des timbres, des timbres personnalisés avec le château. Enthousiaste, j'en prends une planche… et me fait enguirlander par Edith Heurgon quand elle s'en aperçoit: «mais c'est fait pour dépanner, pas du tout pour ça!»
    C'était bien la peine d'imaginer que j'allais soutenir et promouvoir l'image du château. (Sacrée Edith. Plus tard Francis Danvers racontera qu'un jour qu'il était arrivé presque en retard après s'être lui aussi perdu dans Cerisy-la-Forêt, Edith Heurgon l'avait accueilli d'un «Monsieur Danvers, à quoi bon être un spécialiste de l'orientation si vous n'êtes pas capable d'arriver jusqu'ici?»

    L'IMEC est magnifique. Cela donne des idées sur la façon d'aménager les églises que l'on voit en vente ça et là… (mais je préfèrerais un bâtiment industriel, genre papeteries ou usines de textile en brique rouge le long des cours d'eau).

    l'intérieur de la salle de travail de l'IMEC

    Ce soir j'ai peut-être de la fièvre — mais rien pour le vérifier.

    De St Antoine à Cerisy par Garches

    * Enfin vaccinée (Johnson), par la doctoresse qui m'avait tant plu.

    La thrombose serait peut-être une allergie à l'héparine, l'un des composants du vaccin. Cette allergie est imprévisible, il n'y a pas de profil déterminé.
    «Si vous avez de la fièvre plus de quarante-huit heure, ou si la fièvre réapparaît plus tard, prévenez-nous. Ne vous dites pas "c'est bon, c'était pour moi": maintenant nous avons du recul, nous savons réagir.» (Elle me fait rire.)

    J'ai de la tension. La dernière fois 15.8, cette fois-ci 14. Je mets cela sur le compte de mon nouveau boulot.
    — Prenez votre tension quand vous y pensez, trois fois de suite parce que les résultats varient sur trois fois. Vous voyez souvent votre médecin traitant? (Non) Envoyez-moi les résultats. Parce que les artères ducissent, ça fatigue le cœur. Une pilule par jour pendant un an ou deux, il est possible d'arrêter si ça se régule, vous n'entrez pas au couvent.

    Je vais le faire. Je ne voudrais pas fatiguer mon cœur maintenant que j'ai la perspective de faire un quatre master!


    * J'ai un peu de temps, je passe chez Max Mara et trouve deux combinaisons, pièce de vêtement à la mode cette année mais souvent difficile à trouver. Celle que je porte à vingt-cinq ans (avec un changement de fermeture éclair). L'une des deux que je viens de trouver ressemble énormément à une que j'ai portée jusqu'à la transparence circa 1992. Je suis enchantée. Et un pantalon (je n'en ai qu'un pour l'été, or j'ai abandonné les robes légères en entreprise, image oblige) et un haut pour assortir.
    Voilà. Normalement je n'achète plus de vêtement jusqu'à ce que les actuels craquent, coutures ou usure du tissu. Cinq à dix ans, je pense.


    * Direction Garches pour voir la mère d'H. hospitalisée depuis une semaine et qui repart demain chez elle en province. C'est la première fois que je la revois depuis février 2020.
    — En fait, ça fait un an que vous n'avez pas vu autant de monde.
    — C'est tout à fait ça.

    Je récupère la voiture. H. rentrera à Moret par le train, un jour de grève (eh oui, à peine déconfinés que la SNCF fait grève: on se demande quelle passion les habite de vouloir ainsi à toutes forces planter la France, pour ensuite se plaindre (et accuser) que la France soit plantée).


    * Voyage vers Cerisy. Il faut arriver avant 19h30. Je n'ai pas eu le temps de déjeuner, je mange une quiche au poulet sur la route, à Ste Colombe-la-Commanderie. La boulangerie s'est intelligemment installée au niveau du seul feu rouge. Un routier me regarde hilare déguster ma quiche le long d'un muret. Je me demande s'il a fait le lien avec la décapotable garée de l'autre côté de la route. (Plus tard je lui ferai de grands signes en le dépassant. Là encore, a-t-il compris que j'étais celle avec qui il avait partagé un rire quelques kilomètres plus tôt?)

    Je roule contre ma fatigue, contre ma peur d'avoir de la fièvre (doliprane préventif au lever, doliprane à midi), pour arriver à l'heure. Pour ne pas prendre l'autoroute, je suis Michelin et non Waze, mais Michelin se trompe et m'emmène en forêt de Cerisy. Encore trente kilomètres à rouler soit trente minutes, je vais arriver avec seulement dix minutes d'avance. Station essence en catastrophe et par chance (petit réservoir, quand le voyant s'allume il faut réagir vite).

    J'arrive à l'heure. Repas en face de Francis Danvers. Soirée autour d'un inédit d'Edgar Morin, un roman retrouvé dans les archives de l'IMEC. Très proustien.
    Je ne peux m'empêcher de ressentir un certain cabotinage morinien (jugement à l'emporte-pièce de quelqu'un qui ne le connaît pas).

    Chambre du marquis. Très joli. C'est la première fois que je dors au château (j'ai déjà eu une chambre aux escures, à la laiterie, à l'orangerie). Il fait froid.

    Elections

    Journée comme assesseur aux départementales et déléguée aux régionales. Organiser le cheminement, la circulation dans les bureaux en temps de covid a été un casse-tête.

    Je suis assesseur au bureau 2 de Moret. La commune (est-ce une ville, mais qu'est-ce donc?) Moret-Loing-et-Orvanne (MLO) regroupe Moret, Veneux, Ecuelles, Montarlot et Episy, soit des lieux séparés de plusieurs dizaines de kilomètres.

    Le rapprochement ne s'est pas fait sans heurt et la ville a changé trois fois de nom depuis 2015, avec démission dramatisée d'une partie des conseillers municipaux puis revirement, etc.

    La présidente de mon bureau est l'actuelle maire de Moret (maire déléguée, si je comprends bien, maire "uniquement" de Moret-sur-Loing). L'autre assesseur est un ancien instituteur. Il connaît tout le monde, salue tout le monde, tout le monde est plus ou moins son voisin: «Ah, X, je me souviens, je vous ai eu en CM2 la première année où j'étais en poste ici (dans les années 90)».

    J'en profite pour me renseigner, récolter des anecdotes. La nouvelle équipe a été élue à neuf voix près:
    — Nous avions soixante-dix voix d'avance, il ne restait qu'un bureau à dépouiller à Veneux, nous avons fini avec neux voix d'avance. Il y avait une tension terrible, Septiers ne voulait pas annoncer le résultat, à cause du covid les gens étaient censés rester dehors mais ils se massaient à l'intérieur. Il y avait les pour et les contre, j'ai vu le moment où ils allaient se battre, j'ai demandé à Septiers de proclamer les résultats, il a fallu un ordre de la préfecture.
    — Et pour quelle raison deux voix ont-elles été invalidées?
    — Nous avons noté au PV que Septiers et un autre n'étaient pas passés dans l'isoloir et avaient affiché leur vote. En fait cela aurait dû faire onze voix d'avance et non sept. Enfin, ce n'est pas grave.

    Je suis assesseur titulaire, un suppléant me remplace entre 11h et 15h. Un sadique a désigné l’ancien maire Didier Limoges assesseur suppléant au bureau de la maire qui l'a remplacé.
    — Il a dit, on m'a rapporté, que c'était particulièrement dur pour lui d'être remplacé par une femme.

    Un ami m'a dit qu'ils avaient passé quatre heures côte à côte sans se parler.

    Pendant ma pause je fais le tour des bureau puisque je suis déléguée.


    J'étais soulagée d'apprendre que les bureaux fermaient à 18h, mais le dépouillement a pris beaucoup de temps: d'abord les départementales, puis les régionales, et un refus du secrétariat de laisser les scrutateurs des régionales dépouiller tant que les PV des départementales ne sont pas terminés.
    Il paraît que je suis stressante.
    Je dirais que je suis vive.


    Ce soir je pense à "mon" commentateur Fredi: les résultats vont le ravir.

    Proposition

    Sybille n'ayant pas de voiture, je l'emmène au club. Elle n'assume pas tout à fait la décapotable rouge. Nous avons le projet de faire un quatre, mais Sylvain n'arrive pas. Jean-Paul et Sybille partent en deux de couple, je sors en skiff. Je peine mais je suis plutôt contente de ne pas me faire rattrapper par le huit de couple (que j'ai remonté pendant qu'il était à l'arrêt). Relativisons, c'est un huit qui aurait dû former deux yolettes, c'est une très mauvaise idée de faire du huit sans le niveau technique requis, c'est un bateau difficile.

    Il y a peu de «rameurs d'hiver», beaucoup de nouvelles têtes en ce premier jour sans masque depuis que je suis arrivée au club en août. Les habitués me manquent.

    Nous rentrons. Je passe à Fontainebleau pour récupérer le traditionnel repas japonais.
    Fatalitas, un homme est passé prendre ma commande! Incompréhensible.
    Le restaurant me propose d'en préparer une autre, je ramène Serena à Moret pour ne pas la faire attendre et reviens.

    En voiture Sybille me propose soudain: «Nous avons pensé à un 4 Master avec Jean-Paul, Sylvain et moi. Tu serais partante?»
    Je réponds oui, avec naturel.
    Intérieurement c'est comme un matin de Noël à quatre ans, je n'ose y croire.
    — Pourquoi pas Fleur ? (jeune femme récemment arrivée au club, ancienne compétitrice.)
    — Elle a 27 ans, elle nous tire vers le bas.
    — J'ai 54 ans.
    — Jean-Paul 62, Sylvain 58 (incroyable) et moi 46.

    Bon, si ça se concrétise, ce sera un vrai coup de bonheur. Je n'y crois pas totalement, ce qui est un tort, car ne pas croire empêche d'advenir.

    Journée pleine

    Matinée de réflexion sur l'évolution des garanties.

    Fin de journée (16h30-18h30 un vendredi, qu'on ne me dise plus que les fonctionnaires partent en week-end le midi) en grand O avec le service achat du ministère ***.

    Puis RER C jusqu'à Bouray (interminable et plein), D. m'attend à la gare en MX5 décapotable: nous l'avons convaincue.
    Elle qui ne va pas très bien me confie: «cette voiture est un véritable antidépresseur».

    Soirée agréable durant laquelle je m'ennuie vaguement. Nous rentrons dans la nuit. Ce doit être la première fois que nous violons réellement le couvre-feu, en partant après l'heure sans réelle justification. C'est ballot si l'on songe qu'il se termine dimanche.

    Cuisine virtuelle

    J'ai parfois parlé de nos conversations dans la cuisine, sans espoir dans donner une idée exacte ou même approchante.

    Voici, roulements de tambour, une transcription d'une discussion WhatApps entre les deux frères et la sœur qui donne une approximation du nawak familial.

    ************


    [16:36, 6/18/2021] C: [A: Mais Jesus aurait-il eu autant d'impact sur l'histoire s'il n'avait pas été trahi et mis sur la croix ?]
    Non, c'est pour ça qu'il a demandé à Judas de le trahir.

    [16:37, 6/18/2021] C: Malin le Jésus

    [16:37, 6/18/2021] A: Quelqu'un a vu DaVinci Code ici ?

    [16:37, 6/18/2021] C: Je l'ai lu et je l'ai promptement effacé de ma mémoire. Je me souviens juste que j'ai vraiment pas aimé.

    [16:38, 6/18/2021] A: [C: Non, c'est pour ça qu'il a demandé à Judas de le trahir.]
    Autrement dit si on est treize à table, ça veut juste dire que l'un d'entre nous est le personnage qui fera avancé le protagoniste.
    Donc….
    Qui est qui ?

    [16:38, 6/18/2021] A: Le film est fun.

    [16:45, 6/18/2021] Cam: [A:Autrement dit si on est treize à table, ça veut juste dire que l'un d'entre nous est le personnage qui fera avancé le protagoniste. Donc…. Qui est qui ?]
    Je suis Philippe. Ca veut dire j'aime le cheval.

    [16:45, 6/18/2021] C: L'apôtre Phillipe est une nouveauté pour moi 🤔

    [16:46, 6/18/2021] Cam: Je crois en Wikipédia.

    [16:48, 6/18/2021] C: Moi aussi, je ne connais pas les noms des apôtres par coeur.

    [16:50, 6/18/2021] A: J'ai des trucs plus intéressant à apprendre 🤣

    [16:52, 6/18/2021] C: Je dis pas que c'est pas vrai, je dis juste que t'es sans doute la personne que j'appellerais si j'avais besoin de quelqu'un pour réciter les 751 pokémons dans l'ordre...

    [16:53, 6/18/2021] A: Pour la g1 [première génération] sans doute. Après tu m'en demande trop pour l'ordre. Ça et je n'ai toujours pas eu l'occasion de jouer à un nouveau jeu pokemon depuis XY...

    [16:55, 6/18/2021] A: Je les ai mais je n'y ai pas encore joué. J'ai rubis omega mais pas saphir Alpha. Et je n'ai rien après ça. De toute façon il me faut la switch pour jouer au dernier donc ça attendra. Enfin bref, tout ca pour dire que je connais un peu les nouvelles génération grâce au cartes mais je suis à la traine...

    [16:59, 6/18/2021] O: [C: Je dis pas que c'est pas vrai, je dis juste que t'es sans doute la personne que j'appellerais si j'avais besoin de quelqu'un pour réciter les 751 pokémons dans l'ordre…]
    Français ou anglais ?

    [17:00, 6/18/2021] A: J'ai une certaine connaissance des deux mais rien d'extraordinaire.

    [17:00, 6/18/2021] O: Je commence à être bon aux noms anglais à force de regarder des vidéos anglaise.

    [17:00, 6/18/2021] O: Mais bon rien de Folichon.

    [17:01, 6/18/2021] C: Same.

    [17:01, 6/18/2021] C: Je pense que je connais les deux premières génération. Après c'est même pas la peine.

    [17:01, 6/18/2021] A: Tu regardes des vidéos pkmn en anglais ?

    [17:01, 6/18/2021] O: Vi.

    [17:01, 6/18/2021] A: Pas moi 🤣

    [17:01, 6/18/2021] O: Je regarde des challenges débiles et des speedruns.

    [17:02, 6/18/2021] C: Pareil, ça me sert de fond quand je travaille à préparer mes jeux de rôles.

    [17:02, 6/18/2021] A: Je fais à peu près tout en anglais mais les animés sont dans leur langue d'origine. J'ai eu un peu de mal à m'habituer au chinois

    [17:03, 6/18/2021] O: [C: Pareil, ça me sert de fond quand je travaille à préparer mes jeux de rôles.]
    Je t'ai vu t'abonner une fois sur le stream de Keizaron ça m'a fait rigoler (c'était y'a très très longtemps).

    [17:03, 6/18/2021] O: [A: Je fais à peu près tout en anglais mais les animés sont dans leur langue d'origine. J'ai eu un peu de mal à m'habituer au chinois]
    Les animés pokémons sur chinois ?

    [17:03, 6/18/2021] A: Lol

    [17:03, 6/18/2021] O: sont*

    [17:03, 6/18/2021] C: J'aime bien Keiz. Je le regarde encore de temps en temps. Les cinqo bingo race sont vraiment cools.

    [17:03, 6/18/2021] A: Non. Mis à part les films je ne regarde quasiment pas de pokemon

    [17:04, 6/18/2021] A: Je suis plus dans les jeux et les cartes

    [17:04, 6/18/2021] O: [C: J'aime bien Keiz. Je le regarde encore de temps en temps. Les cinqo bingo race sont vraiment cools.]
    Yep.

    [17:04, 6/18/2021] O: Y'a des animés de carte pokémons ?

    [17:05, 6/18/2021] A: ?

    [17:05, 6/18/2021] O: Bah c'est ce que je comprends de ce que tu me dis. 😅

    [17:06, 6/18/2021]
    affiche pokemon shojo


    C: Tu savais qu'il y avait un manga shojo pokémon, qui a genre une quinzaine d'année ? Fuel à cauchemars.

    [17:06, 6/18/2021] A: Je vois pas où ça bug. Je ne regarde pas pokemon mis à part les films. Je suis plus dans les cartes et les jeux. Autrement dis pas les animés.

    [17:06, 6/18/2021] O: Je ne savais pas. Je sais pas si je suis content de le savoir.

    [17:06, 6/18/2021] O: Bah qu'est-ce que tu regardes en chinois tout simple.

    [17:06, 6/18/2021] O: simplement*

    [17:07, 6/18/2021] A: Et aujourd'hui, quoi que je regarde je privilégie la langue d'origine. Donc quand les animé sont d'origine chinoise, c'est en chinois

    [17:07, 6/18/2021] A: Genre Quanzhi Fashi

    [17:07, 6/18/2021] O: [A: Je fais à peu près tout en anglais mais les animés sont dans leur langue d'origine. J'ai eu un peu de mal à m'habituer au chinois]
    Animés sont en langues d'origine, j'ai du mal avec le chinois.

    [17:07, 6/18/2021] C: [A: Genre Quanzhi Fashi]
    Ah bah oui, tout à fait, je sais exactement ce que c'est, bien sûr, tout à fait.

    [17:07, 6/18/2021] O: D'accord. Je croyais que tu parlais de pokémont.

    [17:07, 6/18/2021] O: -t

    [17:07, 6/18/2021] A: Versatile mage

    [17:07, 6/18/2021] C: Ah !

    [17:07, 6/18/2021] O: Ah ça.

    [17:08, 6/18/2021] O: J'ai essayé 50 chapitres j'ai décroché.

    [17:08, 6/18/2021] C: /me retourne travailler.

    [17:08, 6/18/2021] O: Bon travail 🙋‍♂️

    [17:08, 6/18/2021] A: Le manga est dur à lire car dispersé. Mais je suis les light novels. Et l'anime est sympa.

    Précision

    18-20h : formation assesseurs. Je n'aurais pas dû y aller, il faisait trop chaud, masque obligatoire, je suis au point, j'ai ensuite calculé que j'avais dû être assesseur au moins une dizaine de fois depuis 2007, mais c'est ainsi: nouvelle dans une ville, je m'applique, et puis on ne sait jamais, si quelque chose m'avait échappé.

    20-23h : boitage dans Veneux. Magnifique et épuisant. Je ne sais pas si son nom est en relation, mais Veneux est sillonné de venelles étroites et herbues qui courent entre les murs qui soutenaient autrefois des vignes. Rosiers et chévrefeuilles. Des maisons longues et basses s'élèvent perpendiculairement aux rues, des maisons menues dans d'immenses jardins.

    Sociologie des boîtes aux lettres: ici elles sont presque toutes cubiques, aux normes, dans les murs près des portails ou sur des poteaux; à Moret, ville médiévale, ce sont souvent des fentes larges comme une carte postale donnant directement sur le carrelage de l'autre côté de la porte d'entrée.
    Volet qui se pousse, qui se soulève, sur la façade ou sur le toit, noms multiples accompagnés d'une ribambelle de prénoms ou silence blanc sans même un numéro, pannonceau ou autocollant plus ou moins coloré annonçant «stop pub» parfois nuancé d'un «sauf informations locales».

    Quand soudain cette importante précision:

    boite aux lettres avec étiquette stop pub et précision sauf foire aux vins

    Pas de pub sauf foire aux vins

    Vocabulaire

    J'ai déjà dit que j'avais l'impression d'avoir changé de dimension.

    Exemples du vocabulaire utilisé naturellement par ma boss (je les ai notés puis révisés toute la journée, car si ces exemples me réjouissent, je les oublie bien trop vite pour les raconter ici):

    — Il ne peut pas exciper de sa fonction pour […]

    — Je sais que mes confrères n'en peuvent mais.

    Ou encore ce matin, en visioconférence à vingt-cinq, tandis que nous cherchions à identifier l'interlocuteur que nous entendions, quelqu'un s'est exclamé: «c'est qui qui parle?»
    Impertubable et sans temps d'arrêt, ma boss a repris la question: «Excusez-moi, qui s'exprime, s'il vous plaît?»

    C'est si reposant. J'en ai le souffle coupé à chaque fois.

    Du matin au soir

    Boitage dans les rues de Moret à partir de 5 h du matin. Le jour se lève. Merles, hirondelles. Trois kilomètres le long du centre historique. C’est vraiment petit Moret. Je fais mal la différence entre les maisons historiques et le néo-médiéval.

    Je lis les plaques. Le donjon, reste d’une demeure de Louis VI puis Louis VII, qui aima beaucoup Moret. Une maîtresse d’Henri IV en prit soin, Marie Lezinska y passa la nuit la veille de son mariage à Fontainebleau. Un particulier (il faudrait connaître son nom) le restaura au début du XXe siècle. Il ajouta sur la façade une rosace récupérée dans une église.

    J’ai pris mon ordinateur pour bloguer dans le train. En effet, je n’y arrive ni le matin ni le soir. Ce n'est pas concluant car sur la plupart de mon trajet il n'y a pas de réseau (plaine de Brie et forêt de Fontainebleau).

    Le soir nous mangeons sur la terrasse, je vérifie l’humidité de mes cinq pots, verveine, ciboulette, azalée, menthe douce, basilic grand vert, je me demande comment faire croire à mon azalée qu’elle vit sur une pente tibétaine. Je déplace les pots pour que la glycine leur fasse de l’ombre la nuit malgré le réverbère. Je plains en mon cœur les plantes qui ne peuvent se mettre à l’abri de cette lumière perpétuelle. Je me mets au lit et je m’endors (puis me réveille trois heures plus tard. Insomnie. C’est une autre histoire).

    Cette fois-ci peut-être

    Bonjour madame

    L’amendement tant attendu est passé donc nous pouvons reprendre les vaccinations. A moins que vous ayez été vaccinée depuis la dernière visite, nous pouvons programmer ce vaccin dès la semaine prochaine. Pouvez-vous me dire ce qui serait pratique pour vous?
    Nous pouvons nous appeler demain pour en parler plus précisément. Il y aura à nouveau des signatures et des prélèvements…
    Vous vous rappelez j'espère qu'il était possible de se faire vacciner Janssen… mais pas dans le cadre de l'étude de l'étude.

    Rendez-vous le 21 juin. Croisons les doigts.

    Organisation des vacances

    Très tôt le matin je réserve un hôtel pour Vienne et deux billets d'avion.

    Je découvre avec ahurissement le choix des menus possibles:

    choix des menus proposés par austrian air line


    Je fais une recherche Google: le «Jain menu» est un menu pour la communauté Jaïn, strictement végétalien (vegan, rien d'origine animale), sans oignon ni ail ni aucune racine végétale.
    Surprenant que ces gens-là prennent l'avion, mais pourquoi pas.

    ******

    Je reçois un mail de Sybille, le genre de rameuse dont je n'imaginais pas qu'elle connaissait mon existence (fierté). Elle organise un stage de perfectionnement au Creusot du 12 au 15 août, soit deux jours avant mes billets d'avion.
    C'est chaud.

    Je pose la question à H.
    Refus catégorique.

    Mon enterrement est plus pourri que le tien

    «C'est pas pire que ce qui est arrivé à une copine de ma fille. Cette copine avait organisé les obsèques de son oncle à Villeneuve-St-Georges, tout le monde arrive pour quatorze heures et là, y'avait eu un problème dans leur agenda, i'z avaient pas noté l'oncle et la fille du crématorium lui dit: "ça va être possible, faut revenir demain". Exactement comme si elle annulait un rendez-vous chez le dentiste.»

    Journée bizarre

    Il fait beau. Il paraît que le printemps va enfin s'installer.

    Au téléphone je m'engueule avec H. pour des problèmes de carte Navigo et parking Effia (bref, pour rien).

    Plus tard il m'envoie des textos: à quelle heure rentré-je, que voulais-je comme glace, il y aura un spritz qui m'attend.
    Bizarre. J'ai honte. Je me dis que nous nous sommes trop engueulés pour rien.

    A cinq heures je pense rentrer (je suis la dernière: vendredi chez les fonctionnaires) mais je fais l'erreur d'ouvrir mes mails. A sept heures j'y suis encore.

    RER A, train. Voisin bruyant, je déménage (je ne m'habitue pas à la foule depuis la fin du couvre-feu. J'avais oublié).

    A la gare, mon vélo (celui de A.) a disparu. Volé. Je l'aurai utilisé deux fois: mon père l'a gonflé dimanche, je l'ai utilisé une fois mardi et une fois ce matin.

    Je rentre à pied.

    Il y a bien du spritz. Verre en terrasse (sur notre terrasse).
    H. m'apprend que René est mort.
    Il le sait depuis ce matin. Maman lui a envoyé un sms dans la matinée.

    J'écris à Christine. Elle pensait que j'étais au courant. Mort depuis le 22 mai. Enterré le 2 juin.

    Rosalie

    Mardi dernier (25 mai), A. nous a appris que Rosalie était morte dimanche.

    A. nous avait envoyé un mot deux semaines avant (le 12 mai): «Rosalie sort de chez le véto. Problème cardiaque génétique qui a provoqué un épanchement pleural. Il serait probablement pertinent de faire vérifier Charlotte1».

    Comme A. est du genre à ne jamais aller chez le médecin mais à emmener ses animaux chez le véto, je ne m'étais pas inquiétée (ce qui est un tort, car A. n'est pas riche: si elle paie le véto, c'est qu'il y a une raison).

    J'ai eu A. au téléphone. Les poumons de Rosalie avaient été vidés, mais l'infection a été la plus forte. Rosalie a brutalement maigri et en deux jours elle était morte.
    Seize ans.
    Nous l'avions depuis juillet 2005.

    chat de trois mois sur robe rouge



    Rosalie en 2019 dans la pelouse, avant qu'A. ne l'emmène à Mortagne: j'étais consciente du temps qui passait; A. avait une relation privilégiée avec Rosalie; je voulais que toutes deux passent du temps ensemble alors que Rosalie se faisait vieille (mais je n'imaginais pas que le temps qui restait serait si court).

    chat étendu de tout son long dans l'herbe verte






    Note
    1: sa sœur que nous avons à la maison

    Triplette

    Le club d'aviron ouvre pour la première fois ce soir, ce qui sera tout de même plus facile pour moi que le mardi matin.
    Désormais je serai donc en télétravail le mercredi.
    Bouchon en arrivant à Avon. C'est interminable sous une pluie fine; je mets vingt minutes à faire un kilomètre et demi et songe à abandonner la voiture… Mais c'est toujours la même histoire, on hésite car on ne sait pas combien de temps cela va durer.
    Il faudra que je parte plus tôt la prochaine fois.

    Peu de monde quand j'arrive. Il faut dire qu'il pleut de façon obstinée et que le club a été ouvert samedi, dimanche, lundi, mardi et maintenant mercredi.

    Nous sortons dans un bateau qui n'existe pas: une triplette. Sans doute parce que les premiers bateaux étaient armés en pointe (une rame par rameur), les places en bateaux sont paires: deux, quatre, huit. Un bateau à trois places, ça n'existe pas. Le club a récupéré une double barré (l'un des bateaux les plus lents: un barreur pour deux rameurs) et l'a transformé en ajoutant une coulisse: une triplette.

    Photo devant le château de la Rivière à Thomery, avec une péniche en arrière plan et le ciel gris caractéristique du mois de mai 2021.

    coque d'aviron à trois coulisses


    En sortant le bateau de l'eau, l'un d'entre nous glisse et laisse échapper la coque que je rattrape comme je peux. Je me suis foulé l'annulaire, j'ai la main gauche engourdie quand je tente de fermer le poing. Zut. Je déteste ces petits incidents petits bobos qui sont très handicapants et nous rappellent comme un rien peut affecter notre vie quotidienne.

    Découverte

    Après la belle sortie d'hier, je suis passée au salon thaï à midi: j'espérais faire masser mes courbatures.
    Mais le salon était fermé, comme mercredi dernier.

    C'est alors que j'ai remarqué une phrase en bas de l'immense affiche qui obscurcit la vitrine: «Le massage thaï est inscrit au patrimoine immatériel de l'Unesco».

    Lundi de Pentecôte

    J'apprécie vraiment d'avoir un week-end de trois jours.

    Je suis arrivée en retard à l'aviron, juste à temps pour que Sylvain me demande de compléter leur quatre avec Nathan, Jean-Paul et lui. Flattée car ce sont de très bons rameurs.
    Belle sortie, technique et puissante, sous une pluie fine qui s'est vite arrêtée. C'est un grand plaisir de refaire du bateau long dans ces conditions, le temps passe vite, les kilomètres aussi. (20 km).
    J'aurai donc repris les bateaux longs (autorisés depuis samedi) avec un équipage sérieux et concentré. (J'avoue que je redoutais les discussions et les bavardages de certains quatre ou huits).

    Après-midi à faire le point sur un tricot abandonné depuis décembre 2019 (avant les travaux de peinture dans la maison). Je compte les mailles, évalue les diminutions, réussis à comprendre où j'en suis, tout en regardant New Girl qui me fait beaucoup rire par sa fantaisie débridée.
    Le problème c'est que je ne vois plus très bien et que j'ai besoin de beaucoup de lumière.

    En fin d'après-midi je vais acheter un pot pour l'olivier que m'ont offert mes collègues fin février. Pluie et rafales de vent. Le pot très lourd tient tout juste sur le siège passager. Je conduis sur des œufs en me disant qu'au moindre coup de frein brutal ce sera la cata.

    pot vernis vert de grande contenance


    J'achète également des graines de persil et un petit pot de basilic. J'ai de l'ambition.

    Eau salée

    J'avais rendez-vous à St Antoine pour la levée d'aveugle, et comme je le pensais, j'ai reçu une dose de placebo.

    J'ai maintenant le choix entre me faire vacciner de mon côté ou attendre fin juin pour recevoir une dose de Janssen.

    — Fin juin? Mais je croyais que la vaccination avec le Janssen était à nouveau autorisée?
    — Pour le grand public, oui. Vous pouvez aller vous faire vacciner avec du Janssen. Mais pas dans le cadre de cette étude: il faut d'abord mettre à jour l'avenant qui décrit les risques pour y ajouter la thrombose. Ça ne nous arrange pas, mais c'est comme ça. L'avenant sera sans doute prêt en juin, il faut qu'il soit voté. On pourra vous vacciner fin juin début juillet. Vous savez si vous voulez rester dans l'étude?
    — Par flemme et par curiosité je préfèrerais, oui. Mais comme je vais sans doute être assesseur pour les régionales, mon mari va sans doute faire pression pour que je me fasse vacciner avant.

    (Je vais essayer de résister aux pressions.)

    *********

    Midi: rascasse et vin rouge en terrasse à côté de l'hôpital. (Note pour l'avenir : nous sommes déconfinés depuis mercredi, couvre-feu jusqu'à neuf heures, mais je n'ai pas encore eu l'occasion d'en profiter.)
    Soir: salade et vin rouge en terrasse à Moret. Nous apprenons qu'il y a deux fêtes dans la ville, qui ouvrent et ferment la saison touristique: une fin mai dite «fête du printemps» devenue «fête de la nature» et une fin septembre, la fête 1900.

    Nous ne nous en sommes pas encore aperçus, mais nous vivons dans une ville touristique. J'espère que ce ne se sera pas insupportable. Je l'apréhende un peu.

    A la façon de Swann

    «J'étais jeune fonctionnaire, c'était mon premier poste. Je suis entré dans le bureau d'Elisabeth Guigou. Elle était… C'était un Boticelli incarné.»

    Pas de quoi se vanter

    En boîtant dimanche à Veneux-les-Sablons, j'ai repéré place de l'église (et de la mairie réunies) une plaque célébrant Jacques Madeleine.

    monument Jacques Madeleine place de l'Eglise à Veneux


    Personne ne savait qui il était.
    Renseignement pris, Jacques Madeleine est le lecteur de Grasset Fasquelle qui a refusé le manuscrit du Côté de chez Swann.

    Visite

    En me réveillant le ciel me fait penser que nous sommes en décembre et la douceur vient comme une surprise quand je franchis la porte. Cette année encore je n'ai pas vu le temps passer. Comme dirait une Bretonne: «On voit que c'est l'été, la pluie est moins froide».

    Skiff S12. Champagne, 13,5km. Temps pluvieux, mais nous passons entre les gouttes. Beaucoup de péniches. Bernadette, mal voyante («je vois comme à travers une paille», c'est-à-dire au loin: elle se cogne sur tout ce qui est proche), a fait une sortie en skiff, accompagnée du canot moteur de la sécurité pour la diriger. Ça m'épate.

    Je suis allée au club en train car H. prenait la voiture pour Yerres : nous avions une visite pour la maison, un visiteur trouvé directement par nous (le torchon brûle avec notre agente immobilière. Sept visites en sept mois. Nous venons de lui envoyer une lettre recommandée pour mettre fin à son mandat. Cette possibilité était prévue au contrat, mais nous nous sommes aperçus qu'il n'y avait pas d'adresse où l'envoyer: il a fallu faire une recherche à partir du siret de l'entreprise. Cela respire la mauvaise foi. Nous sommes ennuyés car c'est l'amie d'une amie proche).

    La maison lui plaît (le bois, le plancher, les fenêtres, la forêt, le jardin, le calme). Il doit revenir samedi.

    ********

    mise à jour le lendemain 19 mai: le monsieur a sans doute été trop enthousiaste, sa femme a dit non. Il a annulé la visite de samedi.
    Il faut dire que ça raccourcissait les trajets pour lui mais les allongeaient beaucoup pour elle. Mais si c'est un argument, pourquoi chercher autour de Montgeron-Crosne?

    La pondération par l'abstention

    Les règles du scrutin des régionales sont hallucinantes de complexité.

    Premier point : aux régionales, on vote pour son département, pour la représentation de son département au sein de l'assemblée régionale.
    (De même, aux départementales, on vote pour son canton. Les conseillers départementaux sont les anciens conseillers généraux.)

    Scrutin de liste, proportionnelle à la plus forte moyenne avec une prime majoritaire de 25%.
    Durée du mandat: 6 ans.
    En 2015, 15 000 candidats aux Régionales pour 1922 élus.

    Seuil de 10% (des participants?) pour se maintenir au second tour et 5% pour fusionner. Si une liste a la majorité absolue (50% des suffrages exprimés) dès le premier tour elle l'emporte.

    Elections régionales : 1757 conseillers dans 14 régions (dont Réunion & Guadeloupe).
    Elections territoriales : 165 conseillers territoriaux à élire dans trois collectivités (Corse: 63; Guyane: 51; Martinique:51).
    Le mode de scrutin dans ces trois collectivités est toujours un scrutin proportionnel à deux tours avec prime majoritaire de onze sièges.
    Total : 1757 + 165 = 1922 élus

    Majorité absolue de 33% au deuxième tour nécessaire. Si la liste gagnante a moins de 33%, elle risque d'avoir un majorité ingouvernable et le futur président de région pourra être mis en minorité lors de l'élection. (Mais si cette majorité de 33% n'est pas atteinte, que fait-on? Je ne sais pas.)

    «Le niveau différencié d'abstention induit une différence substantielle de la représentation régionale de chaque département» (Sylvain Brouard, chercheur du CEVIPOF).
    Donc plus l'abstention est forte dans un département moins il aura de sièges à l'assemblée régionale.
    Exemple : en 2015, avec 63% d'abstention au 2e tour la Seine-St-Denis a eu dix-sept sièges au lieu de vingt-sept; les Yvelines avec 44% d'abstention «seulement» ont gagné six sièges.
    Les trois départements IdF qui ont perdu des sièges: Seine-St-Denis (-10), Val d'Oise (-2) et Val de Marne (-1).
    Les cinq départements d'IdF qui en ont gagné: Yvelines (+6), Hauts-de-Seine (+4), Essonne (+1), Seine-et-Marne (+1) et Paris (+1).

    Donc ceux qui votent le moins sont le moins représentés. Dans un sens ce n'est que justice, dans l'autre sens cela les conforte dans l'idée que la politique n'est pas pour eux et qu'ils n'ont rien à y gagner.



    Ma conclusion? Votez et faites voter.

    J'ai perdu une boucle d'oreille

    Matin : skiff S1 13,5km. Sortie écourtée pour être au ponton à 10h30 car suite à l'éclat de la semaine dernière, il y a désormais deux créneaux le dimanche matin.
    En réalité c'est inutile car il n'y a que trois skiffs qui constituent un problème. Mais bon.
    Après-midi : boîtage à Veneux 7,62 km.

    J'ai perdu une boucle d'oreille dans la Seine. Un saphir avec des petits diamants offert par mes parents pour mes trente ans. A l'époque j'avais trouvé que cela faisait dadame, mais aujourd'hui c'était juste bien. Ça me fait vraiment de la peine, je n'arrive pas à conserver de bijoux. Je les perds ou je les abîme.

    Giboulées de mars

    Skiff S1. 14,7km (deux tours de l'île de Samois) sous une pluie fine.
    J'ai vu une éphémère, eu le temps de penser: «Oh, une petite libellule» et une hirondelle l'a gobée à soixante-dix centimètres de mes yeux. Si soudain.

    Repassage en regardant Le Tunnel, un film norvégien, inhabituel dans sa façon de ne pas être un blockbuster, puis Ce week-end là, nul quand les adultes sont en scène mais merveilleux quand ce sont les enfants, puis Le dernier refuge, sans grand intérêt: pourquoi glandé-je ainsi devant des navets plutôt qu'écrire ou me mettre un podcast et ranger?

    Il a plu des trombes par intermitences.

    Morphée

    Vendredi de l'Ascension. Au boulot, pour ne pas laisser seules les deux personnes qui se sont portées volontaires pour être là.

    Drôle de journée: à partir de midi, envahie d'une torpeur irrépressible. Je me suis endormie à plusieurs reprises.
    Je ne comprends pas d'où ça vient, je ne suis pas spécialement fatiguée.

    *******

    Dans le train, je poursuis lentement Le Ton beau de Marot.

    *******

    Le soir, visio de Laurent Saint-Martin sur le thème de son idée de police régionale.
    Je suis navrée : tout sur la sécurité, rien sur la prévention. Comme les cathos de gauche, les centristes de gauche semblent avoir disparu.
    Au moins j'ai trouvé mon cheval de bataille : le retour de l'ilotage.

    Je boîte, sys-té-ma-ti-que-ment

    Je boîte, systématiquement,
    Pour oublier, Marine et Mélenchon,
    Je boîte, systématiquement,
    Pour oublier les dépressifs et les ronchons.

    Boîtage le matin. Mail des trompettes de la renommée, square des copains d'abord, allée de la canne de Jeanne, impasse de la brave Margot, place du petit cheval.
    H. fait une recherche "Brassens, Moret". Rien.
    — Quelqu'un s'est juste fait un trip.

    Quand je serai élue maire de Moret, je ferai corriger «canne» en «cane».

    Messe de l'Ascension à Moret.

    Boitage l'après-midi dans Thomery. Ici ce sont des gîtes et non des Airbnb. Les rues sont nommées d'après les hommes de la troisième République, dont Greffulhe. Je me demande comment le prononcent les Thomeryons.

    Je découvre le port de Thomery que je connais de bateau. Il a eu beaucoup d'importance jusqu'à l'arrivée du train, transportant pommes et chasselas.

    port de Thomery


    Huit kilomètres à ajouter aux quatre du matin. Très mal aux pieds ce soir, aux muscles des pieds.

    Dans la série «il faut que je termine le classement/le déménagement», je déplace mon bureau pour ne plus être gênée par le soleil et concatène quelques cartons à chaussures de cartes postales.
    J'ai pour projet de les relire et les classer — mais pas maintenant.

    Soudain Cerisy

    Fin du bureau (émanation restreinte du conseil d'administration qui prépare les conseils d'administration).

    Le président : — Il faut qu'on prévoit les prochains rendez-vous car je ne vais pas être là dans les prochaines semaines… Du 26 mai au 4 juin je suis à Cerisy et puis à nouveau le 22…
    Moi, n'en croyant pas mes oreilles: — Ah, vous intervenez en colloque?
    Le président: — Je fais partie du conseil d'administration de Cerisy. Et puis je dois intervenir dans le colloque sur Edgar Morin.



    Il n'y a pas à dire, ça me change de l'entourage intellectuel de mon précédent job.
    (Ce soir j'ai la banane. J'ai l'impression d'avoir gagné au loto.)

    Télétravail

    J'ai posé une journée de télétravail pour pouvoir… ramer. Donc en fait une demi-journée de congé.

    Je commence par du boitage pour Laurent Saint-Martin dans le quartier de Grosbois de Moret. Je remarque avec amusement une "allée des sabots d'Hélène" et avec émotion un vieil homme qui lit derrière sa fenêtre, un gros palmier sur la terrasse voisin de deux citronniers. Les jardins sont très soignés dans ce quartier.

    Skiff S12. Magnifique sortie jusqu'à Champagne comme je n'en avais pas faite depuis longtemps. Ma nouvelle appli Routie m'apprend que j'ai ramé 13,4 km. J'avais pris mon téléphone avec moi pour la première fois depuis que je rame à Fontainebleau.

    Seine et arbres en skiff


    Courses, pizza, après-midi de boulot.
    Puis de nouveau boitage, et soudain je comprends que l'allée de ce matin faisait partie d'une thématique :

    plaques de rues à la mémoire des chansons de Brassens


    PS : j'ai désinstallé Candycrush que j'avais remis en cours le week-end dernier.

    Bricolage

    J'essaie de ne plus parler de mon boulot, et comme c'est l'essentiel de mon temps, ce blog devient une sorte d'Instagram : des photos, la photo du jour.

    J'ai remarqué aujourd'hui (cela fait-il longtemps que c'est ainsi?) les fils au-dessus du toit devant ma fenêtre. Ils se croisent à l'air libre, comme abandonnés, et des plots en porcelaine (électricité ou téléphone?) sont directement branchés sur un fil qui court. (Pour mieux voir, faire un clic droit et ouvrir l'image dans un nouvel onglet).

    Ça fait tout à fait bricolage, plutôt inhabituel en France (sauf pour la fibre où les fils sont parfois à l'air libre dans la rue).

    fils téléphone ou électriques à Vincennes



    Le soir, formation à l'utilisation politique de FB et Twitter.
    Justine Henry : très bien.
    Elle répond à quelques questions et dit des choses à la fois évidentes et incontournables: «la politique, c'est des liens»; «si vous voulez être sur Twitter, il faut beaucoup lire. Ce n'est pas du fond mais de la répartie, il faut bien connaître ses sources»; «chacun son style. Certains ne supportent pas la violence de Twitter, d'autres comme Marlène Schiappa s'en fichent et disent ce qu'ils ont à dire».

    Orageux

    Courte sortie ce matin: un orage a éclaté, ou plusieurs, et nous avons dû rentrer. Être sur l'eau par tant d'orage, c'est servir de paratonnerre.

    L'ambiance était tendue au club: dispute à propos de l'attribution des skiffs. Le dimanche, les "compèts" (jeunes compétiteurs) visent les mêmes skiffs que nous, mais pas tous les dimanches, et sans prévenir. Comme nous, loisirs, étions arrivés tôt, nous étions sur l'eau quand les jeunes ont voulu prendre les bateaux. Apparemment l'entraîneur a rabroué le bénévole retraité qui prend sur lui d'organiser les choses en temps de covid (mise à jour des réservations et calendriers, suivi dans les bateaux de sécurité).

    Bref, les visages étaient fermés et lorsque nous avons voulu boire notre habituel café, agrémenté des mousses au citron concoctées par Gilles, nous avons dû nous installer sur le trottoir, hors de l'enceinte du club, Covid oblige (alors que la veille, pas de problème pour l'anniversaire d'Alix).
    Cerise sur le gâteau, le mécontentement de Bruno parce qu'on avait posé un plateau en carton sur le capot de sa C3. Inévitablement j'ai pensé à C'est terrible ce qui vous est arrivé mais sagement je me suis tue (je vieillis).


    L'après-midi, mon oncle et sa femme sont passés à la maison. C'est amusant que ce soit eux les premiers de la famille à venir nous voir: en temps normal je vois mon oncle une fois tous les trois ou quatre ans; mais avec le confinement il fait du baby-sitting à quelques kilomètres de Moret. Il faut dire qu'avec six enfants à eux deux, mon oncle et ma tante ont de quoi pouponner à la génération suivante.
    Nous avons mangé des crêpes et échangé des nouvelles à propos de toutes les fratries. C'était bien.

    Samedi actif

    Skiff S11 en direction de Thomery. Perdue dans mes pensées je ne vois plus de rameurs et je les crois à Champagne, donc je monte jusqu'à Champage. (Il n'y avait personne).
    En revenant je me prends un poteau (à l'aviron on recule, il faut se retourner souvent). Sans gravité mais ça fait un choc.

    Anniversaire d'Alix. Gâteaux.

    Boitage dans Moret. Onze kilomètres, je prends un beau coup de soleil. Je découvre qu'un tiers à la moitié des logements vers le Loing, en dessous de l'église, sont des appartements airbnb.
    — C'est bizarre, non? Moret c'est quand même paumé.
    — Il y a Fontainebleau à côté. Et la Scanibérique.

    Dans une impasse, La société du spectacle sur le tableau de bord des Alpinistes associés.

    La société du spectacle


    À cinq heures j'invite les co-boiteurs marcheurs à boire une bière à la maison, sur la terrasse. La Fontbleau ambrée est tout à fait mon genre.
    Une impression que la vie reprend, d'une campagne à l'autre. Très agréable, presque émouvant.

    Aérer

    La promenade inattendue le long de la Seine a été l'occasion de lire longuement Twitter. J'ai trouvé au passage cette explication du Pr Logos sur l'aération et la concentration en CO2 que je vais recopier pour la conserver (toujours cette peur de la destruction des sources).
    Il est entendu comme d'habitude que je supprimerai ce billet s'il en fait la demande.

    1/ Peut-on établir une mesure des risques de contamination de sorte à libérer toutes les activités qui ne causent pas de risque significatif et à éliminer celles qui causent le gros des contaminations?

    2/ Commençons simple par la base. La probabilité d'être infecté dépend de la dose virale que l'on reçoit, c'est-à-dire du nombre de particules virales que l'on inhale, de manière cumulée. Plus l'air est concentré en virus, plus la dose est forte. Plus on en inhale longtemps aussi

    3/ La dose moyenne à laquelle on atteint une probabilité significative d'être contaminé (63% par convention) s'appelle un quantum d'infection. Il dépend pour chaque individu de son système immunitaire (qualité de la réponse interféron) et donc de l'âge, des comorbidités, etc.

    4/ L'idée la plus simple sur laquelle appuyer un calcul de risque suppose que la probabilité d'être infecté est proportionnelle à la dose à faible dose. Ce n'est pas forcément évident, ni totalement vrai, mais cela permet de tirer d'avancer vers des conclusions importantes.

    5/ Première conclusion sur les masques.

    Si vous faites une activité avec un masque en coton, vous divisez la concentration inhalée par 3 mais l'émetteur en exhale aussi 3 fois moins.

    Cela fait donc 9 fois moins de risque.

    6/ Vous mettez correctement le masque chirurgical, sans qu'il baille et voilà que c'est 10 fois moins, donc 100 fois moins de risque. Au besoin, vous le plaquez sur le nez et les joues avec un joli masque en coton.

    100 fois moins de risque que sans masque.

    7/ Vous mettez un FFP2 bien ajusté à votre tête et c'est 50 fois moins de dose inhalée. L'un a un FFP2 et l'autre un masque chirurgical, le risque est divisé par 500.

    Deux FFP2 non-médicaux, le risque est divisé par 2500…

    8/ Ces facteurs sont non seulement déterminés scientifiquement par les facteurs de filtration, mais aussi validés par les études de ce type, sur les contaminations en milieu hospitalier, stoppées par les FFP2 mais pas les masques chirurgicaux.
    L'étude.

    9/ Deuxième facteur qui détermine les doses de particules virales inhalées: le niveau de ventilation par personne présente autour de vous, c'est-à-dire le remplacement de l'air vicié par de l'air frais. La ventilation conditionne la dilution des particules virales.

    10/ Coup de chance, nous disposons d'un moyen de mesure du niveau de ventilation, donc du risque: le taux de CO2. En effet, les particules virales et le CO2 se diluent au même rythme. En Allemagne, les enseignes de bricolage, les supermarchés en vendent et en font la pub…

    Nous?

    11/ Le niveau de ventilation, de remplacement de l'air vicié par de l'air frais, détermine le risque de transmission aéroportée à longue distance. On peut déterminer ce risque, en moyenne sur la population, qui est est proportionnel au taux de CO2 relatif à l'extérieur.

    12/ Pourquoi faut-il que les commerces, les transports, les écoles, et vous chez vous, vous ayez un capteur de CO2 de qualité, et appreniez à vous en servir? Parce que c'est une mesure du risque.
    Vous pouvez faire plein de choses en risque contrôlé, en aérant, en purifiant l'air.

    13/ Troisième point. Les doses émises dépendent de l'activité. Parler émet plus de particules virales que respirer au repos. Courir aussi. Le pire du pire, c'est chanter.

    D'où, je peux vous dire comment faire un beau cluster à vous.

    14/ Pour l'anniversaire d'un super bon copain, vous faites une teuf dans un salon de 13 m^2, avec les fenêtres fermées à cause de la maréchaussée, et surtout, vous braillez en cœur avec une voix avinée, par dessus les paroles de la bonne vibe qui passe — une tuerie.

    Topissime.

    15/ Je vous connais, vous voulez des nombres. Du quantitatif.

    Prenez un type comme Trump, ou sa compagne. Ils émettent typiquement du 40 quanta par heure. 40 fois de quoi contaminer une personne moyenne en une heure.

    L'article.

    16/ Vous prenez l'apéro avec Trump (ou n'importe quelle personne moyenne comme lui) et sa femme, tous deux contaminés, sans masque, pendant une heure, dans votre salon à 1500 ppm de CO2 parce qu'il fait froid dehors.

    La probabilité que vous le choppiez: 67%.

    17/ Vous voyez Trump et sa femme, tous deux contaminés, mais vous aérez deux fois trois minutes pendant la demi-heure où ils sont chez-vous et vous discutez tous avec des masques chirurgicaux bien mis. Résultat 650 ppm.

    La probabilité que vous le choppiez: 0,2%.

    18/ Pour aujourd'hui, je ne vais pas développer le calcul de risque ni ses incertitudes, mais juste pointer qu'il existe, et qu'on connait le cumul des facteurs de risque, avec précision.

    19/ Ce qu'on vient de voir (filtration par les masques, type d'activité, degré de ventilation) détermine la dose de particules virales inhalée à longue distance. A courte distance du visage d'une personne infectée, il y a un sur-risque que l'on peut éviter simplement.
    20/ La dilution liée au mélange turbulent dans le sillage d'un émetteur de virus a été traité par Taylor en 1921. C'est dire si c'est une science bien connue…

    21/ Un article récent, que j'aime bien (au premier degré) vous explique comment optimiser par la recherche olfactive, le fait de vous mettre dans le sillage de particules virales de quelqu'un.

    Vous, il faut faire le contraire, hein…

    22/ Et puisqu'on y est, un autre article décrivant la loi de mélange dans le sillage de la bouche d'un contaminé, mais à une distance plus petite que sa distance au dessus du sol (1m50-1m80 en gros).

    Mais revenons aux conseils pratiques.

    23/ Quand vous promenez côte à côte avec quelqu'un, en plein air, le risque est négligeable. Si vous suivez quelqu'un avec qui vous vous promenez, laissez lui 2m50 d'avance ou dégagez vous du sillage. En vélo sur piste cyclable, laissez un peu plus encore.

    24/ Evitez autant que possible d'être dans le sillage de quelqu'un pendant longtemps: ré-apprenez à sentir d'où vient le vent. Typiquement, un pic-nic au canal Saint-Martin, à 20 cm de votre voisin, dans le vent, c'est une mauvaise idée.

    La dose croit avec le temps de résidence.

    25/ Les files statiques sont des mauvaises idées. En mettre devant les magasins pour respecter la jauge dedans aussi. On a pourtant inventé les tickets de boucherie, pour ça, ou leur version moderne avec une réservation de créneau horaire en QR code…

    Starteupe naillechoune.

    26/ Si vous vous baladez dans une foule un peu dense, en plein air, (les quais de la Seine ou une manifs) gardez le masque et ne vous mettez pas longtemps dans le sillage de la même personne: doublez un peu, ralentissez un peu, pour éviter de sniffer le super-spreader du coin.

    27/ Vous allez dire: mais c'est délirant, oppressif, la méthode analytique conditionnant ce qu'on fait à un degré de risque.

    Je ne crois pas parce qu'on gagne beaucoup à mettre en œuvre la mesure (CO2)/le calcul de risque. On peut reprendre les activités.

    28/ Ouvrir les universités? On peut. Ca demande de l'argent, pour ventiler, mettre les capteurs CO2, distribuer des FFP2, mettre des décontaminateurs de FFP2 dans les halls, mais on peut. Pas beaucoup d'argent, en plus.

    29/ Ouvrir les musées, les cinoches, on peut. Le théâtre, la musique, le chant, c'est un peu plus chaud, car on doit penser des aspirateurs à Covid silencieux pour les scènes. Mais je suis sûr qu'on peut. On a la techno pour le faire.

    30/ Sécuriser les cantines, les lieux de restauration collective, c'est chaud chaud chaud. Mais on peut. Là c'est un peu plus d'argent. Mais on a la techno là aussi. Il faut lâcher de l'argent public pour sécuriser, mais on revit et surtout, on maîtrise à nouveau nos vies.

    31/ Danser en plein air, pendant une durée permettant un risque mesuré, on peut. Sécuriser des parquets par un soufflage vertical d'air pur aussi. Ce n'est pas difficile: il faut du temps d'ingéniéerie et de l'argent pour fabriquer.



    Du même Twittos, Comment sécurisez les écoles et par ailleurs Des guides et des fiches d'une association dédiée à l'aération.

    Glycine

    Je me suis octroyé d'autorité trois jours de télétravail.

    Parmi les bonheurs inattendus de ce loft il y a les deux glycines, une blanche, une violette, au-dessus du portail.
    Depuis le temps que je voulais une glycine.
    J'attends qu'elles fleurissent.

    Aujourd'hui première fleur, à peine ouverte.

    fleur de glycine violette à moitié ouverte


    Ma première fleur de glycine, hiiiiihii !!

    Après les beaux derniers jours, temps changeant, pluie en fin d'après-midi.

    Lever

    Bientôt deux mois que j'ai changé d'entreprise pour travailler à Vincennes — et aller sur site tous les jours (je veux dire: pas de télétravail).

    Au début je visais le train de 6h53 pour arriver à 8h12, à peu près. La question qui se pose est celle de l'heure du lever: une heure à une heure et demie avant, pour prendre son temps, ou trois quart d'heure, en se dépêchant (très difficile de se dépêcher le matin).

    Préparer ses vêtements la veille pour gagner quelques secondes. Emmener son thé dans une thermos — car il est trop chaud, pas le temps d'attendre qu'il refroidisse. J'ai fini par me lever à 5h45 pour avoir le temps de me maquiller.

    Quitter la maison à 6h30 (calé sur les infos de RTL) pour le train de 6h53 (je vais à la gare à pied), à 6h45 après Cyprien Cini pour le train (toujours en avance de deux minutes) de 7h04. Quitter la maison à 6 heures pour le train de 6h25 afin d'arriver à temps pour la formation qui commence à 8 heures.
    Au bout d'un mois et demi, quitter la maison sept heures et demie en me disant que je n'ai rien à prouver (plus rien à prouver maintenant que j'ai prouvé mon engagement) et que je peux bien arriver à neuf heures et des broutilles.

    Ne pas me sentir à l'aise à arriver à neuf heures passées alors que l'équipe est arrivée une heure et demie plus tôt et va partir à quatre heures. Je me sens seule (ça alors, ça ne m'était jamais arrivé auparavant), j'ai envie de rentrer chez moi. En fait, avec la pandémie, les heures de pointe que j'évitais dans les transports sont devenues tout à fait supportables.

    Levée ce matin à 5h45, pris mon temps, quitté la maison à 7h10 pour le train de 7h34. Ça me fait arriver à 8h40, après une heure de lecture compacte (en ce moment Catch 22, hilarant et fabuleux) et me permet de partir honnêtement à six heures pour voir le soleil se coucher dans le jardin.
    Je vais essayer cela. L'enjeu est de trouver un horaire qui me permette de faire du sport vingt minutes, corde à sauter ou Tabata.

    La force des choses II

    Ligne R - Assise en quinconce face à moi, virus oblige.
    8h16, belle lumière matinale. Elle a remonté ses lunettes qui s'embuaient.



    jeune fille lisant Beauvoir


    Un parfum d'Italie

    Désormais nous mangeons sur la terrasse. Il fait beau, il fait bon sous le parasol et frais dès que le soleil passe derrière les murs. J'attends que les glycines fleurissent, une blanche l'autre violette. Elles n'ont pas le même type de fleurs, une grappe très serrée, presqu'un plumeau, pour les futures fleurs blanches, l'autre beaucoup plus aérée, plus proche de la vigne, pour la violette.

    C'est la première fois que nous vivons dans une maison de ville. Jusqu'ici nous étions soit en appartement, soit en zone pavillonnaire. Nous découvrons une certaine promiscuité, le bruissement des dialogues de nos voisins derrière les hauts murs qui entourent nos minuscules jardins.

    Ça me rappelle Venise et la maison que nous y avions louée il y a bien longtemps. J'aime bien. Ma seule inquiétude concerne ce que nous racontons: je ne sais pas si nous parlons fort, je ne sais pas si nos voix portent, je ne sais pas si nous dérangeons nos voisins.

    Des explications tardives

    Certains ici se rappellent peut-être du patron de H. devenu fou en décembre 2016, folie qui a obligé H. d'abord à abandonner un projet de filiale aux US (si tout s'était passé comme prévu, aujourd'hui nous vivrions dans le Delawaere), ensuite à quitter la société de B.

    Nous savions que B. était en litige depuis des années (depuis 2005) avec une autre entreprise (Te***og devenue T***net) à qui il avait promis de conclure un pacte d'actionnaires. Ce pacte n'avait pas été réalisé, B. argant que Te***og n'avait pas les moyens de payer les 100k€ d'entrée au capital. Les procès, appels, cassation, se succèdent depuis lors1.

    En juillet 2016, B. était débouté. Il allait falloir indemniser T***log. Restait à savoir de quelle somme.
    « Il résulte donc du dispositif de l’arrêt du 21 juillet 2016, tel qu’éclairé par ses motifs, que […] la cour […] reste saisie […] de l’indemnisation des préjudices subis par la société T***net et des demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile. Il en résulte également qu’il a été définitivement jugé que la société T***net n’avait pas commis de faute dans l’exécution du protocole de sorte que la cour n’a pas à apprécier la demande de M. X tendant à voir déclarer la société T***net responsable de l’inexécution du protocole et à la débouter de ses demandes sur ce fondement. »
    Un expert devait rendre son rapport fin 2016.
    (Est-ce une des raisons de pétage de plomb de B.?)
    L'expert a rendu son rapport en 2019. Evidemment, entre 2005 et 2019, la société a pris de la valeur, notamment du fait du travail de H.

    B. est condamné à verser huit millions d'euros.
    Finalement ce n'est pas plus mal de ne pas avoir monté de filiale aux US et d'avoir quitté le navire: H. était mandataire social et Dieu sait ce qui aurait pu lui être reproché ou demandé.



    Note
    1 : Je n'ai réussi à ouvrir ce lien qu'une fois, après il faut s'inscrire. Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 15 décembre 2020

    Courte nuit

    Levée au cœur de la nuit (minuit quatre heures du matin) pour préparer une réunion dans la matinée.

    Cela aurait pu être fait dans les trois semaines précédentes, mais ç'aurait été trop simple. Je n'étais pas sûre de ce qu'on attendait de moi, je n'avais pas envie de le faire.

    Tout c'est bien passé. Je n'ai plus qu'à étendre ce que j'ai présenté au reste du projet.

    J'ai cru que c'était oui, et puis non

    Lundi je téléphone à St Antoine: le rendez-vous de jeudi (pour la seconde injection) est-il maintenu?
    L'infirmière ne sait pas, ça change tous les jours, elle me promet de m'appeler au plus tard mercredi si le rendez-vous est annulé.

    Je n'ai pas été appelée; c'est donc en toute confiance que je m'y présente ce matin: chic, je vais recevoir ma deuxième injection (d'eau salée, vraisemblablement: je n'ai eu aucun symptôme après la première injection, même pas une rougeur au point de la piqûre. Mais enfin, sait-on jamais).

    Je me présente bâtiment A. Un feuille A4 indique sur la porte: «toutes les vaccinations Covid se font à l'UPR». Je rentre, demande à l'accueil où est l'UPR, y vais, demande où a lieu l'étude Ensemble2, personne n'est au courant, j'essaie d'appeler, personne ne répond, l'infirmière de l'accueil va se renseigner: il faut aller au bâtiment A.
    Un peu agacée, je retourne au bâtiment A et sans rien demander à personne retrouve le couloir de la fois précédente. L'infirmière que je croise ne sait pas, m'emmène, téléphone, me conduit devant un bureau.
    Je crois que j'ai repéré le mot qu'il faut prononcer pour être comprise plus vite la fois prochaine. C'est «protocole» (et pas test ou étude ou Ensemble2 ou Janssen ou Johnson).

    Patatras, j'apprends que je ne serai pas vaccinée aujourd'hui.
    — Vous auriez pu me le dire, j'ai posé une journée de congé.
    La doctoresse a des papiers à me faire signer. Changement de protocole, vérifier que je suis toujours d'accord, me proposer la levée d'aveugle le jour où je recevrai la deuxième dose.
    — Vous savez, je ne suis pas inquiète, je peux attendre un peu. Et puis (je ris) je suis persuadée d'avoir eu le placebo.
    — Pourquoi dites-vous ça? On a des surprises lors des levées d'aveugle. L'autre jour je me suis fait insulter par une femme qui pensait avoir eu un placebo et qui était furieuse d'avoir eu le vaccin parce qu'elle ne voulait pas celui-là.
    — Mais… c'est le but de l'étude, non?
    — Tout le monde ne comprend pas la même chose.

    Elle est très conciliante, très zen, absolument pas dans le jugement (je devrais en prendre de la graine). Nous parlons protocoles, effets secondaires. Je retranscris dans le désordre.

    — Regardez l'armoire derrière vous. Elle est pleine de vaccins, rage, fièvre jaune, encéphalite japonaise… Il y a toujours des effets secondaires. Deux jours de fièvre… Mais on s'en moque! Nous, ce qui nous intéresse, c'est la durée de l'immunité. Puisque le vaccin est autorisé, on vaccinera d'une dose ceux qui ont reçu le placebo et on comparera les vaccinés deux doses aux vaccinés une dose : est-ce qu'il y a beaucoup de différences, est-ce que ça vaut la peine de mettre en place toute la logistique si une dose suffit?

    — Ça fait vingt-cinq ans que je suis des patients du VIH. Au début, la plupart des médicaments qu'on utilisait n'étaient pas autorisés, en attente d'autorisation. […] Ce qui est particulier cette fois-ci, c'est que tout va très vite.

    Je pose une question sur les thromboses: comment fait-on la différence entre les thromboses qui seraient arrivées quoi qu'il arrive et celles réellement dues au vaccin? Par statistique?
    — Elles n'ont pas la même forme. Elles sont différentes. Les plaquettes deviennes déficitaires et s'agrègent (alors qu'habituellement les thromboses sont plutôt dues à un excès de plaquettes).

    Nous parlons vaccins, malades, ressenti de la population. Je lui fais remarquer que pour la plupart d'entre nous cela reste impalpable, fantômatique, pour ceux qui ne sont pas malades, qui n'ont pas de malades autour d'eux. Alors qu'évidemment pour elle…
    — Oui, nous avons une aile Covid ici.
    Je lui parle de mon recruteur, le moment où j'ai été au plus proche d'une certaine réalité.
    — Au premier confinement on avait une infirmière pour six lits. Aujourd'hui on en a une pour huit.
    — ??
    — Elles partent. Elles font autres choses. A la fin du premier confinement je me suis dit que je ne pourrais plus voir un malade. Plus personne ne dort comme un bébé. On fait des insomnies. On fait tous des cauchemars.

    Nous aurions sans doute continué toute la matinée. Quelqu'un l'a appelée pour lui dire qu'elle prenait du retard et nous nous sommes quittées un peu vite.

    *****


    L'après-midi aviron. Très beau bassin à Thomery, beaucoup de vent au retour.
    Photo après la sortie dans le respect des gestes barrières.



    Le long de la Seine

    Ce matin j'ai quitté paresseusement la maison — pas envie de me presser.
    Bien m'en a pris puisque la circulation était bloquée par un train de marchandises à Lieusaint. Nous avons fait un long détour en passant par Corbeil. Les voies suivent la Seine, c'était très joli dans le printemps.

    Photo prise à travers la vitre dans le train roulant à petite vitesse.

    Seine entre Melun et Corbeil - vue du train


    J'avais emmené mon ordinateur portable pour travailler dans le train mais il a été impossible de me connecter. Soit il n'y a pas assez de réseau, soit nous étions trop nombreux à vouloir faire de même. Je suis arrivée à dix heures passées au bureau.

    Le soir, de nouveau un train de marchandises à Lieusaint a perturbé le trafic. Heureusement l'incident était résolu quand je suis passée.

    Il y a 19 ans

    Entendu ce matin sur RTL.

    Il y a dix-neuf ans, à la veille du premier tour de l'élection présidentielle, un journaliste a demandé à Lionel Jospin:

    — Imaginez une minute, Monsieur le premier ministre, que vous ne soyez pas au second tour: vous votez pour qui?
    Eclat de rire de Jospin.
    — Non… j'ai une imagination normale, mais tempérée par la raison. Cela me paraît assez peu vraisemblable. Nous pouvons passer à la question suivante, peut-être.

    En marche

    Matinée à faire du boitage à Fontainebleau. Enfin, petite matinée, une heure à une heure et demie.
    Je découvre une huitaine de militants, masqués comme il se doit. Tous les âges, toutes les couleurs, c'est rassurant (rendez-vous à Fontainebleau: j'avoue que j'avais un peu peur du CSP moyen...)

    Je suis à cheval entre deux comités et deux départements. Avec l'obligation de se présenter par binôme H/F, le parti manque souvent de femmes volontaires pour se présenter. C'est ainsi que je suis animatrice à Yerres. Lorsque nous avons déménagé, je n'ai pas eu le courage d'abandonner F., car en l'absence de binôme féminin il aurait vu disparaître le comité local, absorbé par le plus proche géographiquement. Or F. fait un très beau travail de veille, et maintenir la LREM présente face à la clique Dupont-Aignan me paraît important.

    Cependant je me suis inscrite dans le comité local de Moret dès novembre (réabsorbé par Champagne) et me voilà contactée pour boîter et coller des affiches.

    J'ai hésité à en parler ici. Comme la théologie, ce n'est pas bien vu. Il vaut mieux être socialiste laïcard, c'est plus porteur. Ce n'est pas que je cherche à me faire bien voir (de ce point de vue, spontanément, c'est généralement raté), mais je n'ai pas envie de me disputer ou de perdre l'estime de gens que j'estime. Mais l'heure est grave, du point de vue religieux comme politique, il est nécessaire d'exprimer ses convictions1.

    Pourquoi LREM? Parce que ni bleu marine ni rouge. Je regrette le temps où nous savions que nous avions à choisir sur un éventail de gauche à droite. Les extrêmes étaient exclues, étaient impensables. A cette époque, je savais que quel que soit le candidat élu, je n'aurais pas d'inquiétude démocratique2. De l'agacement, de l'incompréhension, du désaccord, mais pas d'inquiétude.

    Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Avec les gilets jaunes, le concept d'ultradroite et la disparition des socialistes, l'ensemble des partis s'est déplacé vers la droite. Que reste-t-il aujourd'hui à gauche3? Mélenchon, dont le mépris pour les Français4 s'affiche dans son voyage en Amérique latine en pleine pandémie; les verts (les verts sont-ils de gauche? je n'en sais rien) dont les propositions paraissent parfois totalement déconnectées de la réalité. (Je pense que l'écologie ne doit pas être réservée à un parti mais intégrée dans toutes les décisions. Ce doit être une préoccupation de tous, ce ne peut pas être récupéré par un parti qui refuse de faire des ponts pour lutter contre la voiture5 ou veut mettre tout le monde à vélo6.)

    Il faut s'y faire, le plus à gauche des partis «normaux» (ie qui ne pose pas d'inquiétude démocratique) reste la LREM. Oui Macron m'a déçue dans sa politique timorée face aux migrants, oui je suis révoltée par rapport à ce qui se passe à Calais, oui je ne comprends pas qu'on n'ait pas annoncé franchement en mars dernier que nous n'avions pas de masque, pas de test; je ne comprends pas qu'on n'ait pas testé à grande échelle et imposé des quarantaines ponctuelles aux cas contacts, oui j'aurais préféré une vaccination par profession plutôt que par âge afin de faire des coupes dans la population et créer des mélanges dans les rues et lieux publiques.
    Je suis plus réservée sur les violences policières: il y en a, mais du côté de ceux qui les relèvent, qui admet que les policiers subissent eux aussi des violences? Que les zadistes de Notre-Dame-des-Landes étaient armés de grenades et d'armes de guerre (au moins les plus extrêmes)? Qu'il est devenu dangereux d'être enfant de policier? Est-ce une situation acceptable?
    Alors oui, bien sûr, je ne comprends pas les violences contre les manifs de femmes le 8 mars 2020. Mais tandis que moi je reconnais cela, combien d'anti-macronistes pour reconnaître que Macron a pris des mesures positives?
    Aucun, je crois. Aucun que je connaisse, en tout cas.
    Le temps de la discussion nuancée est si loin qu'on se retrouve tous comme des c** à soutenir l'in-soutenable (qui ne peut pas être soutenu, non l'insupportable).

    Bref, je vais faire ma militante de base, non pas ni droite ni gauche mais droite et gauche (des objectifs de gauche (donner à tous une chance de s'en sortir, un toit pour tous, la fin des working poors) avec des méthodes de droite (de l'autorité, des règles, des structures)). Et je vais militer pour la LREM en tant que parti représentant le mieux la raison contre les complotistes de tous poils, mais aussi, j'en suis convaincue, c'est ce que je vois sur le terrain, parce qu'il y a là une vraie attention portée aux gens, à l'encontre de Fillon #rendlargent ou Hollande #lessansdents.







    Note
    1 : Je l'ai déjà dit : j'ai suffisamment regretté de ne pas avoir davantage affirmé mes convictions au moment du référendum sur la «constitution» (qui n'en était pas une) européenne en 2006.

    2 : l'inquiétude démocratique, c'est ne pas être sûr que le leader en place acceptera de laisser le pouvoir s'il est battu aux prochaines élections. Cf Trump.

    3 : les leaders des partis "de gauche" se réunissaient aujourd'hui pour se mettre d'accord, au moins sur leurs désaccords. En entendant leurs noms, j'ai découvert (ou redécouvert, j'ai dû le savoir) qu'Anne Hidalgo était socialiste! Si Anne Hidalgo est socialiste, alors je suis d'extrême-gauche. Je ne vois personne incarner si bien le mépris des classes moyennes, l'arrogance de la parvenue. Quand s'est-elle promenée à Paris la dernière fois? Aime-t-elle seulement Paris? («Tout cela manque d'amour», la critique de mon ancien chef bien-aimé, reste ma référence absolue: prendre soin, qu'attendons-nous d'autre d'un dirigeant? Prendre soin, donner une direction).

    4: son seul intérêt, c'est lui-même, faire parler de lui. Quand travaille-t-il, que fait-il au sein de ses mandats? Qu'est-il en train de faire à et pour Marseille et le département dont il est député?

    5: refus d'un pont sur la Seine en amont de Villeneuve-Saint-Georges alors que le nombre de ponts par habitants est le plus faible d'Ile de France. En réalité cela ne fait qu'augmenter les bouchons, pas diminuer les voitures! Surtout, les prochains ponts n'auront rien à voir, ils pourront être à géométrie variable, changer de nombre de voies dans un sens puis dans l'autre selon le matin ou le soir, sans compter les voitures autonomes, les voitures électriques… Refuser un pont au nom des normes actuelles n'a pas de sens.

    6 : Ont-ils des enfants, ces gens-là? Les emmènent-ils à l'école? Savent-ils qu'on transpire à vélo? Ont-ils une idée du prix des logements dans les grandes villes, de l'obligation d'habiter loin, de la longueur des trajets? Ont-ils jamais pris autant les transports en commun que moi avant de me faire la leçon? Qu'ont-ils tiré comme leçon des gilets jaunes et de la taxe carbone? (ça, ça me fait rire: jamais un anti-macroniste ne reconnaîtra que le mouvement des gilets jaunes est la conséquence d'une mesure écologique).

    Woke

    Magnifique sortie sur la Seine sous un soleil printannier. Au lieu de tourner entre le pont de Valvins et l'île de Samois (toujours ces circuits courts qui permettent aux bateaux moteur de nous surveiller: sortir en skiff l'hiver est dangereux, normalement cette saison est réservée aux bateaux longs. Mais covid oblige), nous sommes montés vers Thomery. Cela fait du bien de changer de décor. La forêt est pixellisée, duvet vert et bois gris.


    Au retour j'écoute France inter et tombe par hasard sur la définition des "Woke". J'avais vu passer le terme cette semaine sur Twitter, mais j'avais eu la flemme de chercher.
    Cela signifie "éveillé" (awake, je pense à JCVD et son aware). Il s'agit de prendre conscience d'être blanc et d'expier sa culpabilité face aux autres couleurs de peau. J'ai peur d'exagérer en retranscrivant ce que j'ai entendu donc je vous invite à écouter l'émission ici. L'invité est Mathieu Bock-Côté, québecois, auteur de La Révolution racialiste et autres virus idéologiques. C'est peu ou prou ce que j'avais recopié ici. Cela aura mis trois ans à quitter Twitter.

    Bock-Côté salue la résistance de la France à cette idéologie, souligne la «tentation totalitaire» des démocraties (et se fait reprendre par le journaliste qui identifie totalitaire au nazisme ou au stalinisme, c'est-à-dire à ses illustrations historiques, et non à son sens, c'est-à-dire à l'exigence de représenter la seule façon admise de penser et d'expliquer le monde), donne l'exemple de Kamala Harris souspçonnée de trahison de la cause parce qu'elle a épousé un blanc «juif de surcroît».
    Il explique que le mouvement venu des USA encourage les descendants d'émigrés en Europe à s'identifier au sort des descendants d'esclaves aux US.

    En résumé, les races n'existent pas, vous êtes identifiés à et par votre couleur de peau, les blancs sont méchants.

    Caramba encore raté

    J'ai reçu ça aujourd'hui :
    Suite à la survenue de 6 cas de thromboses veineuses cérébrales chez des femmes de moins de 60 ans dans un délai de 14 jours après la vaccination, le laboratoire américain Johnson and Johnson a suspendu la distribution de son vaccin contre le covid-19 en Europe et aux Etats Unis. Ces cas sont survenus aux Etats Unis où 6,9 millions de doses de ce vaccin ont été administrées. Les conclusions des autorités sanitaires (américaines et européennes) devraient être rendues dans les jours qui viennent.

    Dans ce contexte, les vaccinations des participants aux essais Janssen (filiale de Johnson and Johnson) sont suspendues et les participants à l’essai vont bénéficier d’un suivi renforcé.

    Les centres d’investigation participant à l'étude restent mobilisés et vous informeront des nouvelles dispositions dans les plus brefs délais. N’hésitez pas à les contacter si vous avez d’autres interrogations.

    Bien cordialement,

    Les investigateurs principaux et l’équipe de Covireivac
    Zut alors. Je devais recevoir ma deuxième injection le 22 avril. Je suis persuadée d'avoir reçu un placebo (je n'ai rien ressenti, même pas une rougeur à l'endroit de la piqûre), mais quand même.

    Si j'avais reçu le vaccin, j'étais vaccinée, si je ne l'avais pas reçu, il était prévu avec l'autorisation de mise sur le marché que le secret soit levé et que ceux qui avaient reçu le placebo soient vaccinés en mai : il y aurait eu alors une comparaison «deux injections» versus une.

    Je pense souvent à Chondre en ce moment. Quelles responsabilités.

    Word

    Formation sur Word. Magnifique, j'en rêvais depuis des années. Dans mon grand groupe précédent, si nous en réclamions une, on nous proposait du e-learning. Ici, nous avons eu droit à un vrai formateur… et une formation IRL — en plein confinement, mais enfin, ne chipotons pas.

    Ma plus grande surprise a été d'apprendre qu'une bonne pratique est de ne jamais sauter de ligne dans un document. Tout se règle par les espacements en début et fin de paragraphe (un paragraphe étant un retour à la ligne symbolisé par ¶), ces espacements que pour ma part je remettais systématiquement à zéro parce qu'ils me gênaient pour… sauter des lignes.
    L'idée est qu'en cas de besoin, il soit facile en réglant finement ces espacements de réduire ou augmenter la place que prend le texte sur plusieurs pages. Cela crée un effet accordéon étonnant, inspiration expiration, quand on joue sur ces espacements.
    Ça ne va pas être une habitude facile à prendre.

    J'interroge H. sur le sujet en rentrant (il aime la typographie, fait beaucoup de mises en page et de présentations et a par ailleurs un œil de programmeur sur les traitements de texte). Il me confirme la chose. Il précise: «définir les styles, c'est la première chose que je fais quand j'écris un doc. Dans ma boîte précédente, c'est un designer qui nous avait décrit la charte, tous les documents, tous les courriers, utilisaient la même charte.»


    Norme pour tomber juste dans les enveloppes à fenêtre: l'adresse doit se trouver à 5,5 cm du haut de la feuille et entre 8,5 et 9 cm du bord gauche.
    Pour connaître la position du curseur par rapport au haut du document, il suffit de la faire afficher: clic droit sur la barre bleue en bas de la fenêtre Word.


    PS : dommage que je n'ai pas suivi cette formation avant d'écrire mon mémoire, cela m'aurait bien aidé.
    PPS : le nom de la boîte de formation, si ça vous rend service : I&E Efficiency

    "Mon" site

    Journée à mettre à jour le site de mon ancienne boîte. Travail officiel puisque la contrepartie d'avoir écourté mon préavis était de pouvoir intervenir quelques journées sur mon précédent poste.

    C'est un site que j'ai construit de toutes pièces et en cachette en août 2018, d'une part par curiosité et parce que ça m'amusait, d'autre part parce que répéter et expliquer sans arrêt la même chose devenait peu à peu au dessus de mes forces.
    Il a ensuite fallu que je le fasse accepter par les administrateurs. Le trésorier a fait un déni («Mais qu'est-ce qui t'a pris de faire ça?» puis il a fait comme si le site n'existait pas), le président a apprécié, notre vie en a été transformée: à la longue nous avons très nettement diminué les appels téléphoniques.

    Evidemment, le problème qui se pose maintenant est la survie de ce site puisque je suis partie et que personne ne sait le maintenir. J'avais prévu de former J. en 2020, mais le confinement m'en a empêché.
    Donc lorsque j'ai démissionné j'ai pris l'engagement de le maintenir.

    C'est un site très austère, sans photo. C'est un site à la fonction de mode d'emploi, rempli de procédures. Il n'a aucune vocation commerciale puisque la condition pour adhérer à la mutuelle est d'être salarié du groupe.

    Depuis ma formation Wordpress je l'ai mis aux normes SEO en hiérarchisant les pages, en ajoutant des titres et des sous-titres, ce que je n'aime pas car cela surcharge les pages de gros caractères gras.

    Bref, autant j'en étais fière au début (mon premier site construit toute seule), autant je ne le supporte plus vraiment, tout en aimant toujours autant le bidouiller. C'est sans doute pour cela (pour que vous me disiez «mais non, il est très bien ton site» (mais je sais bien qu'il est tristoune)) mais surtout parce que j'ai quitté le groupe, que je vous en donne le lien.

    Pluvieux

    S13 - Pluie fine pendant toute la sortie mais je suis contente : désormais mon skiff est stable. La correction de mon défaut de main apporte tant de confort que ce n'est pas difficile de s'y tenir.
    Frigorifiée dès que je suis hors du bateau.

    Japonais (dimanche au lieu de samedi, notez l'imprévu).

    Je fais un masque mauve multi-régénérant (—Est-ce que j'ai le visage détendu? —Oui, très), déballe un demi-carton (au sens propre: comme j'ai peur de ne pas avoir de place pour ranger mes tricots en cours depuis vingt ans et mes feuilles volantes en tous genres, je n'ose pas défaire les quelques cartons qui restent), suspends à une poutre de la charpente un mobile hérissons qui date d'Aubervilliers (acheté jamais sorti de sa boîte: 1994?) et mets à jour le site de ma mutuelle précédente (ça fait un mois que j'aurais dû le faire).
    Je n'ai pas pas terminé ce soir.

    Le prince Philipp est mort vendredi. Conversation inattendue et quelque peu navrante au dîner: H. veut abolir la monarchie, toutes les monarchies. Ça ne sert à rien et ça coûte cher. Pour ma part je pense que cela sert à incarner la nation (il faut que je lise Kantorowicz).

    Rocky que je n'avais jamais vu (si si), Dallas Buyers Club (toujours le même déchirement).

    Boutons

    S5 - Sortie tranquille. Il fait gris. Apparemment une boucle fait entre quatre et cinq kilomètres, je rame donc entre douze et quinze kilomètres à chaque sortie. Il faut que j'embarque mon téléphone pour vérifier tout ça.

    Coiffeur à Moret. Cette coiffeuse n'est peut être pas raoultiste (je n'ai pas demandé), mais elle a décidé de ne plus mettre de masque. Vu le nombre de personnes qu'elle croise, si elle tombe malade ça va être l'hécatombe. Par ailleurs elle aussi m'a parlé de deuil non accompli. Mais qu'ont donc les coiffeurs? C'est une secte?

    Afin de prendre en compte les remarques de la veille, je m'attelle aux tâches ménagères (pas sans noblesse, etc) et recouds trois ou quatre boutons. J'avais oublié que le bouton du poignet de mon imperméable tenait par une épingle à nourrice. Depuis combien de temps? Aucune idée.
    Boutons de la veste de velours noir qui va avec la robe prune (pour ceux qui connaissent). L'ensemble doit avoir vingt-cinq ans (au moins vingt-trois, je le portais au mariage de ma sœur). La doublure est en lambeaux, mais l'extérieur fait encore illusion. Le problème est que j'aime mes robes, je n'ai pas envie de les donner même dans cet état. Et raccommodage de la doublure, justement, de la veste grise, au niveau de l'aisselle (dix ans, elle. Je me souviens du jour où je l'ai achetée, un jour de grand raout quand je travaillais à l'audit).

    Fini le lait de la tendresse humaine. Film tout en douceur. Je regarde Toutes ces belles promesses (Bof. Curieux dans sa façon de reprendre le phrasé des films Nouvelle Vague) et Mariées mais pas trop qui me réjouit.

    Procrastination

    La procrastination n'est pas une affaire de gestion du temps, mais de gestion des émotions.

    Intuitivement je le sais depuis toujours, mais de le voir écrit est libérateur. Fuir par peur, par ennui, par défiance.

    Conseil des spécialistes : commencer. Commencer par une petite tâche, le reste suit.

    Les hirondelles sont revenues

    Sans doute parce qu'il y a des écuries dans les parages (donc des poutres pour construire les nids et des insectes attirés par les chevaux), elles survolaient la Seine ce matin. Je suis si heureuse de les voir.

    S11 (c'est le nom du skiff. Je le note pour me souvenir de ne pas le reprendre.) D'abord du soleil, puis un ciel noir comme pour un grain, du vent (supportable). Sortie en demi-teinte, je plume à tribord ce qui est nouveau. Le bateau ne me convient pas.

    Glandé à deux cet aprèm, en regardant ces hauts faits de la cinématographie que son Pitch Perfect 2 et 3 (non, n'essayez pas, j'ai honte). Je pensais en profiter pour bloguer, mais même pas.

    Matin, midi, soir

    Matin : cartographie, tout ce que je déteste. La norme ISO 31000 est en accès libre en ce moment, à cause du Covid.

    J'ai découvert cette chose admirable, une norme pour écrire les normes. 95 pages. J'ai une certaine admiration pour les personnes capables d'écrire cela. Nous sommes au cœur des boulots à la con.

    Midi et après-midi : conseil d'administration.

    Soir : reconfinés. Nous n'en sortirons pas. Beaucoup trop laxistes dans le suivi des cas contacts.
    La fille obsessionnelle : «est-ce que je peux continuer à ramer?»

    De Men in Black à Pride

    Il y a une dizaine d'années, on parlait de LAB-LAT: lutte-antiblanchiment, lutte antiterrorisme.

    Aujourd'hui c'est devenu LBCFT.

    Fascinant

    Ce tweet date d'un an.

    (Pour le coup, Matoo, ça ça me fait rire un max. Enfin ça me fait rire aujourd'hui, ça ne m'aurait pas fait rire il y a un an).

    S'il n'y a pas de solution, la masturbation !

    C'est ce que chantaient les rameurs du quatre blésois dans les années quatre-vingt.

    Souvenir remonté en entendant ce matin sur RTL (qui fournit jour après jour un admirable travail pédagogique pro-vaccination): «il n'y a qu'une solution, la vaccination».

    (Non, je ne soigne pas mes stats avec ce genre de titre: je n'ai plus de stats depuis plusieurs années, j'ai dû casser un module à un moment donné).

    Un coup de téléphone

    Je sors de réunion, je regarde mon téléphone, je n'en crois pas mes yeux: René a appelé et m'a laissé un message audio. Je le rappelle. En janvier, quand je l'avais eu au téléphone, il m'avait dit qu'il tombait, qu'il perdait l'équilibre. Il devait faire des examens.
    Verdict: tumeur au cerveau. Il est resté un mois à l'hôpital et il sort dans quelques jours.

    Il est toujours aussi extraordinaire: «Je vois la mort, toute la perspective est transformée. C'est merveilleux, je comprends des choses que je n'avais jamais comprises.»
    Avec sa voix, enjouée, énergique.

    Chaque dimanche soir

    Chaque dimanche soir, je me dis qu'il me faudrait une journée de plus pour faire tout ce que je n'ai pas fait le week-end — c'est-à-dire tout puisque je n'ai rien fait.

    Routine

    Ramer le samedi matin, commander du japonais en descendant de bateau (trouvé par hasard un jour que j'étais chargée de rapporter le déjeuner et que j'étais en retard. Un peu cher mais excellent). Je passe prendre la commande en rentrant à la maison. Puis bulle tout l'après-midi (en me disant que je devrais repasser).

    Le dimanche, H. marche de Moret à Saint-Mammès où je le rejoins. Un dimanche sur deux, galettes de blé noir au bord de la Seine.

    ——————————

    Le bassin prend beaucoup le vent, et quand il souffle du nord, ramer est vraiment difficile. Mais ça va mieux, je retrouve mes repères.

    Chic

    Le club d'aviron est pile-poil à dix kilomètres de la maison et les dirigeants ont décidé de ne pas fermer en attendant les recommandations de la fédération.

    carte Waze montrant 10km


    Pour les lecteurs du futur : depuis hier soir, seize départements sont reconfinés. Cette fois-ci, sortie sans limitation de durée, à dix kilomètres de chez soi.

    Shakespeare en chaussettes

    J'ai pris la photo à l'arrache, au moment de descendre, donc elle n'est pas cadrée.

    Richard III, Roméo et Juliette, Hamlet

    un voyageur a enlevé ses chaussures et mis ses pieds sur la banquette à côté d'un livre de Shakespeare. La couverture orange est assorti au siège

    Massage thaï

    Comme il n'y a pas d'espace de rangement dans le loft, comme nous avons beaucoup donné pour nous alléger, comme je suis effrayée par ma quantité de vêtements, nous n'achetons plus rien d'autre que de la nourriture.

    Ça me met mal à l'aise, j'ai l'impression de ne pas soutenir l'économie. (Je plaisante, mais pas tant que ça, en fait.) C'est pourquoi j'ai peu hésité avant de prendre rendez-vous dans un salon de massage thaï à trente secondes de mon bureau, surtout qu'il a de très bons commentaires sur Google.

    Massage des pieds, mais aussi des mollets avec excursion jusqu'aux cuisses. Je suis allongée sur un matelas au sol. La masseuse a des mains puissantes, ça doit être épuisant de masser ainsi au ras du plancher. Je ne sais pas si c'est la séance Tabata d'hier ou l'aviron de ce week-end ou une tension générale, mais certains endroits étaient bigrement douloureux.
    J'ai réservé une séance pour la semaine prochaine.

    ------------

    Un an de Covid. Nous n'en voyons pas la fin.

    Parmentier le retour

    A 7h sur RTL nous apprenons que les livraisons AstraZeneca ont du retard; douze heures plus tard nous apprenons que le vaccin est suspendu.

    Parfait parfait: alors que plus personne ne voulait de ce vaccin, les Français vont se mettre à le réclamer tout en laissant le temps de reconstituer les stocks. Ça me rappelle décembre.


    Voilà que je tourne complotiste.


    NB: j'ai bien noté que l'affaire Parmentier serait une légende, mais puisque tout le monde la connaît, je l'utilise.

    Billet technique (qui n'intéressera que ceux que ça intéresse)

    Je me replonge dans la conformité (qui consiste à mettre en place des garde-fous pour ne pas être celui sur qui on tapera quand quelque chose tournera mal1) et je découvre les versions ultérieures des textes que j'ai connus dans leur enfance circa 2010.

    Découvrez la liste nominative des personnes dont les avoirs sont gelés (lire cela c'est comme lire un roman d'espionnage) et plus mystérieux, la non-liste des PPE, les personnes politiquement exposées. Les banques et les assurances et les notaires et les agents immobiliers (etc) sont obligées de les surveiller, mais sans liste officielle: entre lutte contre le blanchiment et invasion de la vie privée.
    On notera au passage cette fantastique reconnaissance implicite: que les personnes politiques sont davantage susceptibles de céder à la tentation du blanchiment et de la corruption. Nous sommes loin de «Noblesse oblige».

    Par ailleurs vous trouverez ici une réflexion sur les complémentaires santé et leur possible avenir avec un tableau comparatif des situations selon votre contrat de travail (ou chômage ou retraite) p.27.



    Note
    1: en langage juridique : organiser la chaîne des délégations de responsabilité et mettre en place les contrôles légaux obligatoires.

    Une dangereuse activité

    Je suis arrivée trop tard pour avoir un skiff, j'ai donc fait du simulateur de pointe avec Jean-Marie et Bernadette.

    B: — Et comment va ton dos?
    JM: — Ça va. (Il m'explique.) J'ai une lombaire qui se balade. Jeudi dernier je n'ai pas eu de problème en skiff, mais j'ai peut-être fait un faux mouvement en sortant de bateau. En tout cas, l'après-midi j'étais sur mon canapé quand… crack!!
    B: — Mais aussi, quelle idée de faire du canapé!

    A la recherche de Dany

    Je recherchais un titre dont je ne me souvenais plus, d'un auteur dont je ne me souvenais plus. Mais je savais qu'il avait écrit Comment faire l'amour avec un nègre.
    J'ai donc googlé.

    réponses à la requête Google


    Et là, je me suis dit que certaines personnes avaient un problème.
    (J'ai commandé à la librairie de Moret L'énigme du retour.)


    ——————————

    Vent et pluie ce matin, au point que j'ai failli ne pas aller ramer. J'aurais eu tort: la pluie s'est arrêtée, le bassin était un miroir, nous n'étions que quatre et ce fut une belle sortie.

    Emotion

    Une semaine, cinq jours d'affilée, sans problème de transport (ligne R, RER A), ni à l'aller ni au retour.

    Je ne sais pas depuis combien d'années cela ne m'était pas arrivé. 2015, avant? (Je prends pour point de repère l'année 2017, quand j'ai tenté de noter mes déplacements tous les jours: cette décision était le signe d'une exaspération en passe de devenir incontrôlable.)

    Formation accélérée

    J'ai pu écourter ma période de préavis sous réserve de revenir une ou deux journées pour fiabiliser la clôture des comptes.

    J'ai donc passé la journée à Nanterre pour former J. sur certains tableaux et revoir les traitements fiscaux.

    J'ai des remords de ne pas lui avoir montré tout cela il y a des siècles.
    Il faut que je me souvienne que cela ne fait que cinq semaines que nous (H. et moi) avons décidé de pousser sa candidature pour qu'elle me succède. (Oui, c'est un complot mené de notre salle à manger. J'ai poussé des pions avant de partir, je continue maintenant).

    Le trésorier est passé devant le bureau pendant que J. et moi travaillions ensemble (hasard incroyable quand on considère qu'il n'est venu dans ce bureau qu'une fois en quinze mois). Ce qui m'a étonnée c'est qu'il ne m'a posé aucune question sur mon nouveau poste. Avait-il oublié que je ne travaillais plus là? Ou avait-il peur de ce que je pouvais répondre? Ou s'en fiche-t-il totalement? (pourtant il est d'un naturel curieux).

    J'en discute avec H.:
    — Tu crois qu'il est timide? Mais même timide, il aurait pu me demander si tout se passait bien. Ou c'est moi qui m'étonne pour rien?
    — Tu es quand même tombé sur des drôles de zozos.

    A la fin de la journée j'étais pleine de courbatures tant je m'étais concentrée et crispée devant les tableaux Excel en accumulant les détails et les recommandations, de plus en plus effondrée intérieurement de tout ce que j'aurais dû transmettre plus tôt.

    Je m'en fais trop. J. est solide et va très bien s'en sortir.

    L'artiste des boîtes aux lettres

    Deux boîtes aux lettres de Vincennes (il y en a peut-être d'autres: Rosa Parks est sur l'esplanade du RER, Mercredi Addams devant un tabac avenue de Paris).

    portrait de Mercredi Addams portrait de Rosa Parks


    Je vois disparaître une certaine France

    La semaine dernière, deux personnes de mon équipe étaient en vacances et en télétravail hier. Je les ai donc rencontrées aujourd'hui. Ils sont mari et femme, fonctionnaires tous les deux, «agents», comme on dit ici.

    — Ça fait trente-et-un an que je suis ici. Je vais partir en retraite en décembre. Avant, j'ai commencé à l'Imprimerie nationale, pendant dix ans. J'y suis rentrée par mon oncle. C'était plus facile que maintenant. Y avait mon frère et mon père, aussi. On m'a fait passer un petit test et puis voilà, j'étais embauchée. C'était souvent comme ça, une tante qui travaillait, y avait pas tous ces concours, on était en famille.

    Je la regarde, à la fois éberluée et envieuse: ainsi, il en reste quelques-uns en activité, de ces gens qui ont connu le plein-emploi des Trente Glorieuses, où il suffisait de frapper pour être embauché. On me l'avait déjà raconté, mais les narrateurs avaient vingt ans de plus. Je suis devant les derniers témoins, nés en 1955 environ, qui ont commencé à travailler avant le premier choc pétrolier et ne sont pas partis en retraite malgré une carrière longue.
    Je vois disparaître la France de San-Antonio.

    Bio

    Depuis que nous sommes à Moret nous mangeons bio.
    Ce n'est pas vraiment volontaire (je veux dire: une volonté), c'est plutôt une opportunité ou une coïncidence, kairos, le magasin de fruits & légumes le plus proche est bio, il n'est pas cher (pas plus cher que du pas bio), les produits sont bons et parfois surprenants (les chips frites à l'huile de coco ou les brosses à dents à tête jetable).

    Il y a quelques semaines une affichette proposait de réserver de la sève de bouleau.
    What? Qu'est-ce que c'est?
    Toujours curieuse, j'ai réservé une poche de trois litres. (Il faut dire aussi que le bouleau est l'arbre emblématique de mon enfance, l'arbre de la Sologne.)
    Jeudi on m'a appelé pour me dire que je pouvais passer la chercher.
    Depuis, j'en bois cent cinquante millilitres chaque matin. C'est censé durer trois semaines, il est très important de ne pas le garder plus d'un mois (pourquoi? mystère).
    C'est très étonnant, transparent, insipide. On dirait une eau à peine parfumée.

    Beau temps

    Autant le bassin était démonté hier, autant il était magnifique ce matin.

    J'ai suivi les conseils qu'Alain m'a prodigués hier.
    J'ai pris conscience d'un défaut que je connaissais, mais sans jamais l'avoir nommé: j'ai soudain compris que je ne baissais pas «simplement» ma main gauche à l'attaque, la réalité c'est que ma main gauche passe sous le niveau de ma main droite, ce qui est une hérésie absolue (je n'en reviens pas d'avoir fait cela toutes ces années).
    Maintenant que c'est nommé, je vais pouvoir me corriger.

    la Seine vue du ponton de l'ANFA


    J'ai ensuite rejoint H. à St-Mammès pour notre crêpe en bord de la Seine (le marchand de crêpe vient une semaine sur deux).

    Fantôme

    Les baies vitrées du dernier étage ne s'ouvrent pas, et comme elles sont situées à sept ou huit mètres de hauteur, elles ne sont pas lavées souvent.

    Cet après-midi contre la lumière j'ai vu apparaître sur la vitre la trace d'un ancien drame. (Cela ne se voit que si l'on regarde vers les tuiles en face, contre le ciel on ne voit rien.)

    trace d'un pigeon écrasé sur la vitre


    Turning point

    Le 18 février a été publiée au Journal officiel une ordonnance qui réforme la protection sociale complémentaire (PSC) des fonctionnaires (des trois fonctions publiques: Etat, collectivités territoriales, hôpital). Elle prévoit une participation des employeurs à hauteur de 50% de leur cotisation de complémentaire santé.

    L'idée est de copier ce qui existe dans le privé. Cela pose de nombreuses questions, à commencer par la définition d'"employeur" (est-ce qu'un ministère est un employeur, par exemple?).
    Une chose est sûre: s'il s'agit de contrat collectif obligatoire (ce qui est flou dans la lettre du texte, mais me semble dans son esprit), il est possible que je sois entrée dans une petite structure condamnée à être absorbée par une plus grosse d'ici un à deux ans.
    Fatalité?


    Je pense beaucoup à Conrad en ce moment. J'ai l'impression d'avoir abandonné un paquebot paresseux qui amortissait la houle et où l'on s'ennuyait à mourir pour un petit navire à voile au moment de la conversion vers la vapeur.

    Bonne pour le service

    Médecine du travail, infirmière et non médecin, pas d'auscultation ni de bandelette dans un gobelet d'urine mais du dialogue. Elle m'a demandé de parler, l'inconsciente. Elle a eu droit à un mini-cours sur le mutualisme, sur le rêve utopique né à Dachau entre les résistants qui deviendraient ministres, «plus jamais ça» mais surtout «nous allons construire une société meilleure». Bref.

    Au mur, une affiche pour la vaccination a fait court-circuit avec les ratiocinations de mon coiffeur, «tout ça pour une maladie qu'on sait soigner» (sous-entendu la chloroquine).
    Il n'est peut-être pas assez clair, pas dit assez clairement, qu'il y a un nombre impressionnant de maladies que la médecine ne soigne pas. La coqueluche, la grippe, la rougeole, toutes les maladies à virus. La médecine soulage quelques symptômes, fièvre, mal à la tête, toux; mais c'est le malade qui combat, c'est lui qui guérit — ou pas, c'est-à-dire qui détruit le virus — ou pas.

    Les vaccins ne soignent pas, ils permettent de ne pas tomber malades.
    Mais si on tombe malade, il faut lutter seul. En l'état actuel des connaissances, la médecine est impuissante.

    Visio-conférences

    Le terrible avec les visio-conférences, c'est que je vois mon cou en gros plan et il faut admettre que j'ai pris un sacré coup (haha) de vieux.

    Et mon visage est blafard, il faudrait me maquiller, mais se maquiller, c'est laisser des traces degusting dans les masques. Donc donc donc… la vie est dure en ce moment.

    C'est la rentrée

    La même impression que les jours de rentrée au collège. Tout est à découvrir, les autres élèves, les profs, l'emploi du temps. Après, ce sera la routine.

    J'ai créé la surprise en souhaitant rencontrer individuellement chaque personne de mon équipe. Cela me paraissait pourtant aller de soi.

    Ils sont détendus, ils rient beaucoup. Il a fallu leur imposer le télétravail deux jours par semaine: ils souhaitent venir, ils n'en peuvent plus de ne voir personne. Les six fonctionnaires (détachés de la fonction publique) sont à quelques années de la retraite, mais ils ne sont pas pressés d'arrêter, visant soixante-cinq et même soixante-sept ans, avec la pêche et le sourire. Quelle différence avec le lieu d'où je viens, où tous sont amorphes dès cinquante-huit ans, espérant une mise en invalidité pour quitter les murs mortifères.

    Je ne m'étais pas rendu compte à quel point c'était minuscule. C'est étonnant. Il y a quelques années cela m'aurait effrayée. Aujourd'hui cela attise ma curiosité: est-ce que cette structure va pouvoir survivre, être suffisamment vive et inventive pour survivre?
    Sinon elle sera absorbée par un concurrent. Cela va se décider dans les cinq à dix années à venir. C'est étrange d'avoir l'impression que je peux faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre.

    Indigestion

    Je n'ai rien fait de ce que j'avais prévu, c'est-à-dire quelques actions pour mon ancien boulot, et surtout lire de la doc pour le futur (les statuts, le site, les plaquettes commerciales).
    A la place, j'ai fait une crise de boulimie en mangeant des rice krispies devant Crazy Ex-Girlfriend, et comme je l'ai caché à H. j'ai dû manger normalement le soir (galette et crèpes). Je suis en pleine indigestion.

    Récap

    - Sortie en skiff. Vent du nord qui ébouriffe les cygnes. Jamais vu autant de péniches. Seine en tôle ondulée. J'ai l'impression d'avoir beaucoup perdu en technique.

    - Parce que je suis censée ramener le repas, je m'arrête à Fontainebleau pour prendre un plat japonais à emporter. En attendant la préparation de ma commande j'ai appelé Monique. Je ne sais pas depuis quand on ne s'était pas parlé. Parce que je ne la contactais pas, elle pensait que j'étais froissée. Il ne lui est pas venu à l'idée de m'appeler, elle. Je lui ai appris la règle KISS (Keep it simple, stupid).

    - Maintenant, devant une recommandation de Matoo, je zone devant The crazy ex-girlfriend. J'aime bien. «Je me méfie des choux-fleurs, on dirait des brocolis albinos.»
    Le cœur a ses raisons me met mal à l'aise et The office m'ennuie. Comme je n'ai pas suivi les analyses Twitter, je ne sais pas ce que cela signifie.

    Mon coiffeur est raoultiste

    C'est un coiffeur qui coiffe très bien (très très bien : le sens du cheveux rue du Mont Thabor) et qui coûte un pogon de dingue (vraiment: je n'y vais qu'une fois par an car j'ai honte de dépenser autant pour une coupe — mais une très belle coupe, qui donne une structure à l'ensemble de la chevelure pour un an.)

    Cela a également un coût psychologique. Il fait de la coiffure «énergisante» en suivant la médecine chinoise et il faut supporter de s'entendre dire par exemple que vos cheveux tombent parce que vous n'avez pas accompli un deuil («un deuil, c'est la perte, pas forcément d'une personne»).
    «Evidemment, raconté-je à H., c'est peut-être vrai. C'est juste invérifiable.»

    Et tandis qu'il a quasi fini de me coiffer, que donc je vais le quitter (après le couvre-feu) et remettre mon masque, que nous évoquons la période actuelle, mon coiffeur m'annonce:
    — Tout ça pour une maladie que nous savons guérir.
    — … ???!!?
    — Mais oui, le professeur Raoult, ils l'ont fait taire, ils guérissaient les gens, j'ai des amis à Marseille [je ne sais plus comment j'ai interrompu cette phrase].

    La conversation a continué dans cette veine.
    Le coiffeur : — Tout ça pour engraisser les labos.
    Moi : — Les labos, ce sont aussi ceux qui font de la recherche. Moralité, avec ce genre d'état d'esprit en France, la recherche, elle se fait ailleurs.

    C'est un combo : anti-vaxx, anti-agriculteurs, etc.
    Il énonce comme une évidence: — Ce n'est pas avec des vaccins qu'on est parvenu à sept milliards de personnes sur terre.
    Je m'étrangle : — Bien sûr que si! Et que nous soyons parvenu à les nourrir est une merveille de la révolution agricole! Vous vous rendez compte? On a doublé la population en cinquante ans et nourri tout le monde! Vous vous rappelez les famines au Sahel, au Bangladesh? Les vingt millions de Chinois morts de faim au moment du grand Bond en avant?
    — Nous ne voyons vraiment pas le monde de la même façon.

    Tout cela très calme, très feutré.
    Ce qui m'effondre intérieurement, c'est la capacité d'inversion dans les raisonnements logiques. Une fois que j'ai entendu «Ce n'est pas avec des vaccins qu'on est parvenu à sept milliards de personnes sur terre» (j'était si estomaquée que je n'ai pas pris le temps d'écouter quelle était donc la cause de cet accroissement. Je le regrette.) je me dis qu'il faut tout reprendre depuis l'âge du CP à peu près, et que c'est trop loin, trop difficile, trop humiliant à exposer, aussi. C'est irréparable, en tout cas par moi. Je n'ai pas le courage.


    Coïncidence, tard le soir H. regarde le documentaire d'Arte sur le scandale du tabac. Je découvre qu'il s'agit pour une fois d'un vrai complot, monté par l'industrie du tabac, pour cacher et falsifier des résultats scientifiques. Et ce vrai complot est le père de toutes les théories complotistes. Le reportage s'appelle La fabrique de l'ignorance.
    Ce titre me met en rogne. En réalité, c'est de la tromperie organisée, pas de l'ignorance.

    Baby krack

    — Tu as entendu? Il y a 13 % de naissances en moins, pas du tout le babyboom annoncé. Remarque, je n'ai jamais compris pourquoi les gens pensaient que rester ensemble dans un appartement favorisait les naissances: la contraception reste la même. Les couples ne conçoivent pas sans le faire exprès, ils ont plutôt du mal à concevoir quand ils le souhaitent.
    — C'est le contraire.
    — Comment, ça le contraire ?
    — Ce qui manque, ce sont les naissances conçues dans les hôtels, dans les colloques, lors de rencontres de hasard.

    Je reste un moment sans comprendre :
    — Tu veux dire que le taux actuel est le taux normal hors les naissances nées d'une aventure d'un soir?

    Les adieux

    Dernier jour dans le groupe dans lequel je suis entrée en août 1996 pour un CDD d'un an dans la même entreprise que je quitte aujourd'hui. Un an plus tard j'ai été embauchée dans une filiale du groupe, filiale dont j'ai évoqué la fin ici. Au cours des années j'ai travaillé successivement dans deux autres entreprises du groupe avant de revenir dans la première.

    Ce matin, au réveil, je me suis rendue compte que je venais de rêver de tous les collègues de 1997-2001, Norbert, Philippe, Anne, Sandrine, Sakina, Léon, Nathalie, Jean-Marie, comme s'ils étaient venus me saluer une dernière fois.

    *****

    J'ai passé la journée à envoyer les derniers mails et à appeler les gens que j'apprécie pour leur dire en personne que je partais (parce que c'est terrible de s'apercevoir un matin que quelqu'un a disparu, s'est purement évanoui). Conversations chaleureuses et encourageantes, sans compter F. qui m'a dit: «tu me fais envie. Je vais essayer de bouger aussi» (pour Bordeaux).

    Apéro en ligne durant tout le temps de mon retour en train avec les administrateurs de l'association sportive de la boîte. Ils m'on offert un olivier. Il a été livré au loft.

    St Antoine

    Rendez-vous pour la première injection. Prise de sang, de température (36°4), de tension (12/8), de saturation sanguine (98, pouls 70). Je suis "randomisée" (l'ordinateur tire au sort si je reçois un placebo ou le vaccin). L'application que j'ai téléchargée il y a des jours est enfin active, je dois remplir un journal, les consignes sont nombreuses, je ne sais plus si je remplis le questionnaire tous les jours ou deux fois par semaine (ça dépend ça dépasse : tous les jours au moment de l'injection et si je me sens malade, sinon deux fois par semaine). Enfin, il n'y aura qu'à se connecter, mon téléphone me dira ce qu'il attend.

    On me fait cadeau d'un thermomètre, d'un oxymètre, de trois pochettes pour des prélèvements simples (pas pharyngés) si je devais avoir des symptômes.

    Je suis dans le bâtiment Mayer (entrée 2) de l'hôpital St Antoine, au rez-de-chaussée. C'est un bâtiment destiné à la vie sexuelle, l'information, la lutte contre les violences, contre les MST, contre le VIH. Une étude ou un sondage est en cours sur le chemsex. J'ai pensé aux popers, mais après recherche Google cela paraît plus grave (la docteresse gênée quand j'ai demandé "qu'est-ce que c'est?" en lisant l'affichette de loin. Elle a balbutié «drogues». Je n'avais pas compris que "chem" voulait dire chemical).

    En sortant, un cycle d'ateliers annoncé dans le hall me donne envie de pleurer: sur le blanchiment de la peau, sur l'excision, sur la géophagie (mais qu'est-ce que c'est), sur la toilette (je ne sais plus quel mot était utilisé, vu le contexte j'ai pensé aux ablutions pré-sexuelles réglementaires de la religion juive).

    Le gel hydroalcoolique est fourni par LVMH.

    bouteille de gel hydroalcoolique offerte par LVMH

    Tendue

    Journée à se battre contre l'informatique : les habilitations sont OK, mais comment accéder aux applications, aux progiciels? Il manque des raccourcis, on ne connaît pas le contenu des dossiers système et il y en a trop.
    Perdu beaucoup de temps. Espérons que ce soit pour en gagner.

    En quittant la gare, je me suis perdue dans Moret. Mais si, c'est possible. J'ai décidé de prendre la "sortie côté Seine" le long des voies, j'ai descendu un sentier de terre sur une cinquantaine de mètres (interminable en talons), j'ai suivi la route, les rues, le viaduc du chemin de fer, je ne savais plus du tout où j'étais, une atmosphère de Gommes (Robbe-Grillet). Je suis passée devant un portail blanc, une immense cour goudronnée devant au loin un hangar, une sorte de salle des fêtes. Une pancarte annonçait «Royaume des Témoins de Jéhovah». Ça ne faisait pas envie. Plus loin, un peu seul, un bâtiment rond, une tour médiévale des années 70 montée en briques de verre : la sécurité sociale. Une sécurité sociale, ici, derrière le viaduc, en lisière de pâturage? Un panneau fléché indiquait "chantier naval", ce qui me ravissait sans me convaincre. (Et non, je n'ai pas pris mon téléphone. J'aime me perdre.) Il faisait doux, de plus en plus sombre. Des oiseaux ivres chantaient. Rossignol? Il faudrait vérifier sur Youtube.
    J'ai fini par prendre une rue à droite.

    Un apéro m'attendait quand je suis arrivée à la maison.

    Il fait si doux

    Journée plus satisfaisante, sans doute parce que j'ai davantage dormi la nuit précédente.

    L'assistante sociale, la commissaire aux comptes, le trésorier, ont appelé. Ça me rassure, ça me permet de passer des consignes, laisser des alertes, savoir que la mutuelle ne laisse pas tout le monde indifférent.

    Un train de marchandise en panne à Moret à sept heures du matin. Une demi-heure d'attente. Je n'ai plus envie de parler de ça. Deux heures de lecture dans le train, j'ai fini Celui qui va vers elle ne revient pas, offert par ma sœur à Noël.

    J'ai ramené mes dernières affaires et les quatre livres d'hier:
    - Ivan Cloulas, Les Borgia
    - Melville, Mardi
    - Elie Faure, Méditations catastrophiques
    - Marguerite Yourcenar, Les yeux ouverts

    J'écris avec Gold en fond sonore. Plutôt un navet, mais McConaughey est surprenant dans sa volonté de s'enlaidir. Et je songe à Conrad devant les images des Blancs fous perdus en Indonésie.

    Frustrant

    Journée à former une intérimaire. Expliquer, surveiller, détailler, contrôler.
    Frustrant, parce que je n'ai pas le temps de travailler à ce qui me tient à cœur. Je veux terminer certains travaux de façon à booster J. auprès des administrateurs après mon départ. Ça va être compliqué.

    J'ai trouvé le temps de présenter à l'intérimaire les livres désherbés de la bibliothèque du CE. Inévitablement j'en ai récupérés, une histoire des Borgias, des commentaires d'Elie Faure, des entretiens de Yourcenar. Je les ramènerai demain ou mercredi.

    Partie trop tard pour respecter le couvre-feu. Il faudra s'appliquer davantage demain.

    Soleil

    Il fait beau et doux.

    Première sortie sur l'eau depuis mi-janvier — en canoë français, pas en skiff — 526 mètres cube par seconde. J'ai trop chaud. Il va être temps de prévoir des manches courtes.
    H. me dépose à l'aviron, va faire des courses, revient me chercher, décapoté.
    Nous prenons le chemin des écoliers pour rentrer et nous nous arrêtons à l'irrésistible marché de Saint-Mammès, au creux du confluent du Loing et de la Seine.
    Marchand de crêpes ambulant. Nous mangeons des galettes au soleil en regardant la Seine.

    Le bord de l'eau est agrémenté de plaques émaillées choisies par les bateliers, explique un panneau. Je photographie la plus étonnante, l'écluse ronde d'Apremont.



    Chou-fleur et vin des sorcières

    Ce fut le repas de midi, et comme j'ai trop bu, j'ai somnolé tout l'après-midi en regardant vaguement Coup sur coup (Les favoris de Midas), attrayant au début, mais trop décousu pour moi.

    Chou-fleur d'Un peu gay dans les coings: très simple et très bon. Et donc vin des sorcières. Le caviste de Moret commence à comprendre nos goûts.

    Sonnées

    Dernière journée avec J.. Procéder à un envoi Sendinblue pour valider sa compréhension des mécanismes, lire ensemble les procédures de bilan qu'elle va devoir prendre en charge. Nous avions le cœur serré sans l'avouer. Selfie avant de nous quitter:
    — Ça fait presque neuf ans… si le suivant reste aussi longtemps que moi, tu seras presque à la retraite.
    — J'aurai soixante ans, s'esclaffe-t-elle, incrédule.

    Je pense que je devrai revenir deux fois pour lui donner un coup de main, mais je ne sais pas si cela se fera réellement.
    Et puis toujours la promesse d'un resto «après le déconfinement». Cela ressemble à l'horizon, recule au fur à mesure que nous avançons. J'ai fini Le grand incendie de Londres. Ces grandes catastrophes, rupture du temps, qui effacent tous les projets, à la fois ceux qui étaient en cours avant la catastrophe et la possibilité même de faire des projets.
    Et sinon, très beau livre, même si sa structure me reste hermétique.

    Taratantara

    El sol innocente, telle s'incarne l'honorable mesure de tout Arte Mayor. Car la voix monte et insiste noblement sur sol et sur cen, qui sont les deuxième et cinquième 'syllabes' respectivement de ce demi-vers. Répétée sans cesse, cette mesure donne à toute composition en ce mètre son allure si caractéristique de montagne russe dans un manège de foire. […]
    Or, on reconnaît aussitôt une des deux formes possibles du taratantara tel que, avec une insuffisante révérence, le baptisa autrefois Bonaventure Des Périers.

    Jacques Roubaud, Le grand incendie de Londres, p.60
    Cette découverte que le vers français se scandait m'a sidérée. Cela allait à l'encontre à tout ce qu'on m'avait dit au lycée quand on m'avait expliqué Virgile ou Shakespeare: que la rime française compensait le fait que la langue française était plate et ne se scandait pas.

    Mais il y avait autre chose. Cela donnait soudain un sens à une conversation entendue un jeudi d'Oulipo, un échange entre Elisabeth et Alain ou Gilles ou Nicolas ou d'autres encore, parlant de taratantara: j'avais noté que c'était une référence inconnue de moi, mais peut-être une facétie, comme le fait d'apprendre les alexandrins sur l'air de La Marseillaise.

    Je n'avais pas posé de question, mais lorsque j'ai retrouvé ce mot dans Roubaud, j'ai fait une recherche Google le soir-même, trouvé un livre d'Alain Chevrier que j'ai aussitôt inscrit à ma liste Amazon de livres souhaités.

    Il est arrivé ce matin, offert par mon beau-père qui fidèlement pioche dans ma liste année après année, m'offrant des livres comme Bottom's Dream ou Meine Zeit mit Karl Barth ou l'autobiographie de Claudia Cardinale — ce qui a dû lui paraître plus léger — même s'il ne pose pas de question.

    Et donc Taratantara est arrivé. C'est alors que j'ai découvert son titre principal que j'avais, je ne sais comment, occulté: Le Décasyllabe à césure médiane.
    C'est tout de même très chic.

    Désormais nous savons quel est le fromage

    A la fromagerie, H. a trouvé ça. C'était irrésistible. Je vous dirai si c'est bon quand on l'ouvrira.

    boîte de gâteaux apéro Alice au pays des maroilles


    Dix pour cent

    Je continue d'avancer le bilan pour laisser une situation aussi propre que possible. Pour désamorcer le stress je regarde des films ou des séries en travaillant, de préférence pas trop compliqué, plutôt en français. C'est comme ça que j'ai vu 4L, mignon mais mauvais, mauvais mais mignon (plein de bons sentiments, ce qui est mieux que plein de mauvais) et Je t'aime, imbécile, film équilibré si l'on considère à quel point son sujet est rebattu.

    Terminé les quatre saisons de Dix pour cent. Epoustouflée par le nombre d'acteurs qu'ils ont réussi à convaincre. Je suppose que cela est devenu de plus en plus simple au fur à mesure que des acteurs connus avaient accepté de jouer dans les précédentes saisons. Je me demande si cela a coûté très cher.

    C'est un peu mélo (dans le sens où chaque péripétie se termine plus souvent mal que bien) mais j'ai beaucoup aimé, à cause de l'humour et du courage de certains acteurs qui ont accepté de jouer des rôles qui doivent rejoindre leurs inquiétudes (Guy Marchand et son AVC, Gérard Lanvin et son appréhension devant un jeune doué). Mention spéciale pour Juliette Binoche et sa façon de désamorcer les avances d'un producteur très lourd (les avances très lourdes d'un producteur).

    Wikipedia me fait conclure que les Français manquent toujours autant de professionalisme: il faut voir le nombre de photos manquantes concernant la fiche de personnes dont le métier est d'être acteur: Grégory Montel, qui est l'un des acteurs principaux de la série, Fanny Sidney, qui à trente ans devrait soigner ce genre de détail, ou Liliane Rovère, qui à quatre-vingt-huit ans ne compte sans doute pas là-dessus pour ses prochains films, mais malgré tout… cela ferait plaisir, une jolie photo. Etc.


    Quelques recherches plus tard, je retire ce que j'ai dit sur les Français: les actrices de Trinkets ne font pas mieux.

    Hôpital

    Rendez-vous à 13h30 à St Antoine pour la campagne de test pour le vaccin Janssen. Je n'ai rien dit à H. («Je ne comprends pas pourquoi tu dois aller à Paris aujourd'hui». J'ai marmonné quelque chose sur le fait de voir J. avant ses vacances).

    Une heure et demie à deux heures d'entretien, on me réexplique tout, on vérifie trois fois mon consentement éclairé (pleine lumière).
    Pouls (67, je suis contente. Est-ce que c'est l'aviron qui l'a fait descendre ainsi?), poids, tension, température.
    Je recevrai une dose en double aveugle (l'équipe non plus ne sait pas ce que je reçois), placebo ou vaccin. Un pincement au cœur en signant l'autorisation d'exploiter mes données aux US.

    Je retiens que je dois éviter la cortisone et les vaccins divers si je dois voyager (fièvre jaune, etc). Ça ne devrait pas être trop difficile.

    Je pensais que je me faisais vacciner aujourd'hui. Mais non. Rendez-vous pris pour le 25 février.

    De l'utilité du saucisson. Ou de la poutre.

    Le problème du dernier étage, c'est qu'il est facile de se cogner la tête dans la poutre en métal qui barre l'espace en diagonale.
    Nous avons envisagé de mettre le ficus en dessous pour être obligé de la contourner et donc de passer à l'endroit où la poutre est la plus haute.
    Mais nous venons de découvrir que le charcutier fait un saucisson qu'il faut faire sécher environ deux semaines.

    Dernier conseil d'administration

    J'ai dû en faire une quarantaine en huit ans et demie.

    L'étrangeté de l'époque m'apparaît brutalement comme si je la découvrais seulement. J'avais des gens à inviter, des pots à offrir, des collègues à qui dire au revoir… Plus tard, peut-être, plus tard. Mais aurai-je le temps, l'occasion, l'envie, de revenir à Nanterre plus tard?

    L'ambiance ici s'allège, H. a été appelé pour un nouveau projet, il est à nouveau orienté vers le futur, il oublie le passé. Il était temps.

    Vingt minutes de corde à sauter. C'est fun.

    Fini Le Mépris. J'aime Godard. Quand il n'est pas ironique jusqu'à l'absurde, il est incisif.

    Corde

    J'ai repris ma corde à sauter. Ce qu'il y a de bien dans mon trois pièces, c'est que je peux pratiquer dans le salon.
    Un peu par hasard j'ai glissé d'une vidéo à l'autre: une pour débutant, une pour moins débutant (le premier commentaire dit «j'ai regardé la vidéo en entier, je me suis senti fatigué, j'ai pris une douche puis j'ai fait la sieste) et puis elle.

    Elle, elle est marrante, intrigante, voire vaguement angoissante: 1000 sauts durant 7 jours, 100 squats pendant 30 jours, une semaine comme les influenceuses, etc.; elle essaie tout sans se tenir à rien — sauf les défis qu'elle se lance à elle-même.
    Cela ressemble à Celeste Barber, mais en beaucoup plus méritoire.

    Cookies

    Ce blog va reprendre pour un soir son rôle premier: celui de carte postale destinée à mes amis, et donc ce soir à un ami: paquet bien reçu, j'adore la confiture de tomates vertes, et les cookies…

    Les cookies sont incroyables. Imaginez un fondant au chocolat qu'on aurait réussi à solidifier en une fermeté craquante. Ils sont si bons qu'il est bien possible qu'ils aient décidé H. à rencontrer l'expéditeur — alors que chaque été je ne parvenais pas à le convaincre de faire le voyage.

    Lettre suivra, mais pour l'instant j'annonce : paquet bien reçu.

    C'est si étrange. Ai-je bien compris?

    Dans les mentions légales du site Tartempion je trouve la phrase «L’utilisateur ne peut mettre en place un lien vers le site www.tartempion.fr sans l’autorisation expresse et préalable de Tartempion».

    J'éclate de rire: cela faisait partie des mentions qu'on tournait en ridicule circa 2003, pour illustrer les webmestres qui n'avaient pas compris que le buzz, la publicité naturelle, les liens vers leur site étaient une bénédiction, la manne que nul n'osait espérer, et qu'interdire les liens vers leur site était absurde et contreproductif.

    Par curiosité, je fais une recherche google avec les mots «L’utilisateur ne peut mettre en place un lien vers le site xxx sans l’autorisation expresse et préalable de».

    A ma grande surprise remonte un nombre respectable de sites, dont des sites gouvernementaux ou culturels. Parfois, plus raffiné, c'est l'interdiction d'un lien vers une autre page que la page d'accueil, (exemple d'un restaurant), le lien devant alors s'ouvrir dans une autre fenêtre.

    Il y a encore des progrès à faire sur la compréhension du référencement naturel. Ou la crainte de l'utilisation malveillante des liens est-elle si forte qu'elle en est venue à justifier ce genre de phrase qui ne paraît(rait) plus ridicule?

    Crêpes

    A Yerres de nouveau. H. fait essayer la voiture bleue (la berline, la voiture «raisonnable») au beau-frère d'une amie: vendue. Mi-mars la voiture partira en Pologne.

    J'ai eu le temps de tailler les hortensias pendant l'essai. C'est plus facile de tailler à quelques semaines du printemps: les bourgeons sont là, il suffit de couper au ras.

    O. et Y. toujours aussi charmants. Ils nous avaient préparé des crêpes, à charge pour nous d'apporter les confitures. Y. aime les fleurs et le rhum. Elle paraît même avoir une sacrée descente.

    — Je reprends l'école le premier mars, le jour de mon anniversaire. Je vais le dire aux enfants: «c'est mon anniversaire».
    — Tu le dis aux enfants?
    — Bien sûr, pourquoi pas? Eux ils le font, ils arrivent à l'école en disant «c'est mon anniversaire». Et ils apportent un gâteau… Il faut que j'apporte un gâteau.

    O. commence à travailler demain.

    Couscous

    A Yerres, d'une part pour déposer des objets à la ressourcerie de Montgeron (nous avons une recyclerie plus proche de nous, mais elle nous paraît plus élitiste), d'autre part pour récupérer du bois: des années que nous stockons des bûches au fur à mesure des arbres coupés; cette fois-ci nous allons vider l'appentis.

    Nous avons ramené un couscous de la Table marocaine pour déjeuner avec O. et Y.

    Y. avait pour projet d'aller acheter une télé l'après-midi: nous l'avons prévenue qu'en ce dernier jour d'ouverture des très grandes surfaces (covid oblige), il y aurait beaucoup de monde. Le matin, en passant dans l'autre sens, nous avions contemplé incrédules la file de voitures s'engageant pour Carré Sénart déborder sur l'autoroute.

    Une règle jusqu'ici jamais démentie

    Les films québecquois qui parviennent jusqu'en France sont bons.
    Ou me plaisent, ce qui n'est pas la même chose mais est appréciable cependant.

    Je suis en train de regarder Les invasions barbares.
    «On n'arrive pas à comprendre le passé, comment tu veux prévoir l'avenir?»
    «Vous savez, ici, tout le monde était catholique, comme en Irlande ou en Espagne. Et puis, à un moment très précis, en 1966, en quelques mois les églises se sont vidées. Personne n'a jamais pu expliquer ce qui s'était passé.»
    «Je ne veux pas d'un être sensible à la queue molle. Moi je veux qu'on me saute fermement.»

    Le spectacle de l'hôpital québecquois en 2003, c'est quelque chose. Il faut passer la frontière américaine pour avoir un scanner. Les couloirs de l'hôpital ressemblent à ceux de la Russie ou de la Chine pendant le Covid. Il faut payer des pots-de-vin aux syndicats pour faire repeindre une pièce dans un couloir de chambres vides.
    Je me demande ce qu'il en est aujourd'hui.

    Le malade est entouré de ses amis. Ils reviennent sur leurs engagements politiques:
    — On a tout été, c'est invraissemblable. Séparatistes, indépendantistes, souverainistes, souverainistes-associationistes…
    — Au début on avait commencé par être existentialistes.
    — On avait lu Sartre, Camus.
    — Après ça on a lu Frantz Fanon et on est devenu anti-colonialistes.
    — Après ça on a lu Marcuse et on est devenu marxistes…
    — marxistes-léninistes...
    — troskistes...
    — maoïstes...
    — Après ça ben on a lu Soljenitsyne et on a changé d'idée on est devenu structuralistes...
    — situationistes...
    — féministes...
    — déconstructionistes.
    Et pour terminer Godard et Sollers sont cités.

    Notons sans surprise, mais ici c'est étalé avec tant d'évidence que l'on essaie de l'oublier, qu'avoir de l'argent permet de trouver des solutions à tout (sauf à la mort, mais bon).

    Test

    Le 8 octobre dernier, j'avais vu passer une invitation à faire partie des testeurs des vaccins.
    Je m'étais inscrite.

    A ma grande surprise j'ai été contactée cet après-midi. Une infirmière m'a posé dix minutes de questions.

    Le test dure deux ans (ce qui m'a surprise: mais euh, c'est pour cette pandémie ou la suivante?), je ne saurai pas si j'ai reçu un vaccin ou un placebo, deux injections, des questionnaires à remplir deux fois par semaine, une dizaine de visites à l'hôpital Saint-Antoine.
    On m'a donné le nom du vaccin (du labo?) mais je ne l'ai pas retenu. De toute façon je suppose que c'est confidentiel.

    Des nouvelles du Covid

    Nous avons fait quatre allers-retours à la déchetterie, trois pour jeter les cartons de déménagement, un pour donner les trois meubles minces destinés aux CD. C'était une erreur de les acheter, c'est un remords de les donner quasi neufs.

    Le rez-de-chaussée paraît immense maintenant.

    Pas d'aviron ce week-end : trop de courant. J'ai eu raison d'y aller jeudi.
    Les culs gelés, Bruges, un an maintenant. Les dernières sorties libres.

    Le variant anglais (sud africain, brésilien — mais l'anglais est le plus proche, évidemment) du virus suscite beaucoup d'inquiétude car il est très contagieux. On évoque un reconfinement en février, c'est une question de jours (nous somme déjà en couvre-feu à 18 heures depuis une semaine, ce qui complique singulièrement la vie quotidienne) — d'où les voyages immédiats à la déchetterie, pendant que c'est possible, d'où notre réponse à des amis qui voulaient voir le loft: «venez dimanche, pendant que c'est possible». Plus d'écart entre la décision et le passage à l'acte, car qui sait ce qui demain sera possible.

    Une amie rapporte les paroles de son député rencontré lors d'une réunion de parti : pas de réouverture des cafés et restaurants avant juin — avant une vaccination à 60%, en fait. Je ne sais pas si c'est vrai, mais ça m'a fichu un coup au moral. Les restaurants me manquent, les cafés, la liberté de s'assoir pour perdre quarante minutes à ne rien faire d'utile, la liberté de ne rien planifier, de ne pas prévoir ses déplacements au chronomètre.
    Et la peur, aussi, la peur pour tous les lieux qu'on aimait qu'on n'est pas bien sûr de revoir.



    Humour du Gamm vert d'Ecuelles: le panier Covid



    Soulagement

    Initiée ma collaboratrice à Sendinblue. Je suis contente de cet outil d'envoi de mails en masse, il est assez intuitif. (Difficile d'envoyer de nombreux mails sans passer par un outil de ce genre: les serveurs vous blacklistent comme spammeur).

    Ramé sur une Seine très haute. Nous étions cinq. Péniches, remous et pluie ont eu raison de notre détermination. Je suis rentrée trempée.

    Puisque mon supérieur hiérarchique se lave les mains de la suite, j'ai sollicité une entrevue avec le président de la mutuelle. N. est toujours aussi élégant et accessible, moralement et professionnellement. Il m'a appris ce qui était prévu pour me remplacer (incrédule en apprenant que je ne savais rien «Z. ne t'a rien dit?»), je lui ai fait part des gros dossiers et lui ai donné des pistes pour assurer la transition s'ils ne trouvaient pas de remplaçant à temps (quinze jours que l'offre de poste devrait être parue, il lui a échappé un «dès que X. se décidera à se remuer…» Mais quelle bande de feignasses.) L'une des difficultés est que mon adresse mail sert d'accès à beaucoup de sites officiels (comme les impôts, par exemple) et qu'il faut décider de laquelle je mets en remplacement.
    Ce soir je me sens plus tranquille: il va être possible d'organiser une transition propre.

    A Nanterre

    A Nanterre pour l'avant, ou l'avant-avant, ou l'avant-avant-avant dernière fois.
    J'y vais pour poster des lettres : impression, timbres, c'est plus simple ainsi.
    J'ai posté mon futur contrat de travail.

    Partis ensemble, H. et moi. Il testait pour la première fois le trajet jusqu'à Bois-Colombes, où il a un client en passe de devenir son employeur. On pouvait difficilement rêver plus compliqué d'accès à partir de Moret (je pense à cet ami toujours surpris par nos choix insensés. Il n'y a pas d'explication rationnelle à ce phénomène).

    H. est revenu en passant par Yerres récupérer sa voiture (laissée à O. quelques temps). J'en ai profité pour ramener de mon côté les livres en attente au bureau.

    Et donc, en grande partie pour Dominique qui un jour a voulu savoir ce que je transportais:
    - Julien Green, Dixie, réservé par Patrick,
    - Wole Soyinka, Cet homme est mort, car je garde à jamais le souvenir de ma honte quand un client de la librairie Mollat m'a dit incrédule «Vous ne connaissez pas Soyinka?» (celui-ci venait d'avoir le prix Nobel de littérature)
    - Peter Handke, Le Chinois de la douleur
    - Thomas Wolfe, L'ange banni
    - Théophile Gautier, Le Capitaine Fracasse, en Classiques Garnier (les "jaunes") relié. Va remplacer mon poche
    - Jorge Luis Borges, Le livre de sable, là aussi pour remplacer un poche
    - Donald Westlake, 361
    - Donald Westlake, Les sentiers du désastre
    - Donald Westlake, Le paquet (j'ai un faible pour Westlake: enfin un polar américain qui ne se prend pas au sérieux)
    - Charles Bukowski, Nouveaux contes de la folie ordinaire (pour savoir enfin ce qu'il raconte, au delà de ses contempteurs)
    - Charles Bukowski, Contes de la folie ordinaire (les deux aux éditions Sagitaire: pas sûre qu'elles existent encore)
    - Dino Buzatti, Le rêve de l'escalier
    - Dino Buzatti, Les nuits difficiles
    - Dino Buzatti, Le régiment part à l'aube (Buzatti, c'est l'hommage au père d'une amie italienne quand j'étais en seconde)
    - Dino Buzatti, Le désert des Tartares (je vais donner mon poche)
    - Toni Morrison, La chanson de Salomon (parce que Morrison, sa puissance)
    - Göran Tunström, Le buveur de lune (parce que j'aime Le voleur de Bible)
    - M Malinski, mon ami Karol Wojtyla (un livre rescapé: je voulais le donner, au dernier moment j'ai décidé de le lire d'abord, pour juger)
    - Benoît XVI, La charité dans la vérité (idem. Un livre est toujours plus facile à lire que sa version en ligne)

    Tout cela était lourd. Je continue Le grand incendie de Londres. Emotion du voyage à Londres. Dans le train, deux jeunes gens discutent. L'un raconte notre situation: «j'en ai marre de faire le tampon entre X [son frère] et mes parents.»

    Soulagement: investiture de Joe Biden sans incident.

    Chez le coiffeur

    — Vos cheveux tombent en ce moment ?
    — Oui, mais pas en ce moment: depuis treize ans.
    — Treize ans? Ça va, il en reste.
    — Oui, ils poussent vite. Huit milimètres en trois semaines, ça se voit bien avec les cheveux blancs.

    C'est à ce moment-là que je me suis dit que mes cheveux aimaient vivre vite.


    *****


    Panoramique du dernier étage assise à mon bureau dans l'après-midi finissant.

    Mauricette

    Cela faisait plusieurs fois que je croisais ce prénom sur la toile et j'avais cru à une appellation générique désignant du vintage ou de l'obsolète (les deux faces d'une même réalité), comme Simone, la voix de la SNCF, qui aurait pu aussi s'appeler Jessica ou Cessyle, au gré des marketteux (mais qui s'appelle peut-être réellement Simone, c'est le plus beau).

    Eh bien non, Mauricette existe, et plus important, elle est vivante, je l'ai appris ce matin en écoutant la radio: Mauricette, c'est la première Française vaccinée, le 27 décembre dernier. Des rumeurs ont couru sur sa mort dès le lendemain. Tout les matins vers 8h20 RTL consacre quelques minutes à démonter une fake news ou des chiffres bidonnés.
    Ce qui m'a intéressée ce matin, c'est que le journaliste a précisé que de nombreuses personalités sont intervenues, dont le maire de Sevran, pour démentir cette rumeur.

    Trump aura au moins servi à cela: après les événements du Capitole, plus personne ne croit que les fake news sont inoffensives (ce qui était vaguement mon cas: laissons dire, quelle importance, les stupides seront toujours stupides, etc.).
    Elles ont des conséquences, et si la vérité finit toujours par triompher (phrase qui n'est qu'un acte de foi, car comment savoir qu'elle n'a pas triomphé si l'on ne connaît que la version mensongère sans savoir qu'elle est mensongère?), il vaut mieux la faire triompher tout de suite plutôt que laisser se développer tout un ensemble de catastrophes qui auraient été évitables (cf. le film des frères Coen Burn after reading et son dernier dialogue: «— Qu'avons-nous appris? — Rien»; un film désopilant ou désolant par sa bêtise constante (une spécialité des frères Coen)).

    Rangement

    Aviron le matin après avoir hésité (la forêt sera-t-elle praticable?)
    Mais tout a fondu et il fait doux, bien moins froid que la semaine dernière.
    Très contente de moi car j'ai fait trois tours (neuf kilomètres). Sans doute le fait de découvrir la semaine dernière en étudiant le plan du plan d'eau dans le hall que deux tours ne faisaient que six kilomètres a-t-il joué. A titre de comparaison, le week-end à Melun j'en faisais quinze et le midi à Neuilly huit (pas le même temps disponible).
    Après le premier confinement j'étais lourde et m'essouflais, après le deuxième, je suis légère et démusclée. Il faut que je suive sérieusement le programme Tabata, que cela devienne une habitude avant de prendre mon nouveau poste en mars.

    Seine vue du ponton du club d'aviron ANFA


    Cartons l'après-midi. J'en ai moins fait que je n'espérais, butant au huitième (sur les neuf que je visais) sur un carton plein de photos, de l'époque argentique, photos souvent sans date qu'il faut remettre dans l'ordre et identifier — et en jeter un bon nombre, les laides, les doublons, les inutiles, les inconnues.
    Je ne vais pas me lancer là-dedans maintenant, cela attendra mes soixante-dix ans. Il faut que je leur trouve une place. Ce sera pour le week-end prochain.

    Je fais la vaisselle les écouteurs sur les oreilles en écoutant Jakobson sur les anagrammes de Saussure (l'un des charmes du loft étant que tout ce qu'écoute l'un est entendu par l'autre. C'est vraiment une vie en commun).
    La scansion du vers saturnien. Je n'avais pas le souvenir que c'était l'enjeu des Anagrammes dans le livre de Starobinski. La poétique du langage. Ceci lié à la lecture de Roubaud (tarantatara ou taratantara) me fait découvrir ce que jamais un prof de littérature française n'a évoqué en cours devant moi.

    Parce qu'il devait neiger

    Parce qu'il devait neiger, j'ai abandonné l'idée d'aller ramer.

    Je n'ai pas été difficile à convaince car j'avais une montagne de linge à repasser (rien repassé depuis le déménagement) et que l'objectif du week-end serait de terminer de déballer les cartons.
    Combien en reste-t-il? Une trentaine sans doute. Ils me font peur. J'ai peur de ne pas avoir de place, je sais intimement que beaucoup de bricoles, en toute objectivité et en toute logique, devraient être jetées. Qu'est-ce que c'est que l'affectif, lié à la mémoire, quand chaque objet a une histoire qu'on est seul à connaître — objet donc condamné à ma disparition, lorsqu'il n'y aura plus personne qui connaîtra cette histoire.

    Repassé en regardant Vivement dimanche. Je fais partie des admirateurs de Fanny Ardant, j'aime beaucoup sa voix. Influence d'Hitchcock, histoire à la Léo Malet, film un peu lent (est-ce le fait de ne pas être concentrée puisque je repasse, ou que soixante ans plus tard j'ai pris l'habitude de rythme beaucoup plus enlevé?) Quelques secondes amusantes sur les blondes: démarquage d'Hitchcock, justement?

    Vidé les cartons de livres de théologie. Je suis soulagée, tout tient dans une seule étagère (les étagères en pin qui nous suivent depuis Talence, il y a trente ans. Il nous en reste deux, les autres sont réparties entre les enfants). Ce n'était pas évident, ce n'est pas le même meuble qui les contenait à Yerres (celui-ci est près d'H., rempli de policiers et de SF) et je disposais en plus d'une petite étagère, peu large (maintenant remplie de pâtes et de miel dans l'arrière-cuisine), qui contenait les poches et la Bible de Jérusalem en fascicule — et toutes mes versions de la Bible, écrits apocryphes de la Pléiade, traduction liturgique, volume en hébreu donné par Jean (apprendrai-je des rudiments d'hébreu un jour? C'est désormais très peu probable).
    J'ai trié et donné l'équivalent d'une étagère (une planche d'étagère), j'ai déporté dans la table de nuit qui vient de ma grand-mère les livres sur la prière (il n'y en a pas beaucoup, mais vingt centmètres de rayonnage gagnés sont précieux) et ça tient.
    Je suis très contente et soulagée.

    J'ai retrouvé le livre dédicacé par Barthes et donné par Bladsurb. Je comprends mieux pourquoi je passe mon temps à en oublier le titre, c'est tellement inattendu: il s'agit de Prières de Charles Péguy.
    Etait-ce ce qu'il convenait d'offrir à une jeune fille?

    Et donc il a neigé.
    Ça m'agace, cette façon de signaler très gravement qu'il va neiger ou qu'il fait moins treize à Metz: mais réjouissez-vous, nom d'un p'tit bonhomme, que croyez-vous qu'entraîne le réchauffement climatique? Si vous ne voulez pas 14°C de moyenne sur l'année, il faut qu'il fasse froid.
    Et c'est indispensable dans la lutte des plantes contre les parasites.

    Moret sur Hudson

    L'affichette du Smictom nous avait loyalement prévenus: «La collecte ayant lieu tôt le matin, merci de sortir vos bacs la veille au soir».

    Mais tout de même, en entendant le camion-poubelle vider la "poubelle à verre" («le bac» et non la poubelle, novlangue) à quatre et demie du matin, je me suis crue à New-York, qui est moins la ville qui ne dort jamais que la ville où l'on est sans arrêt réveillé.

    J'ai décidé de lire ma bibliothèque

    J'ai décidé de lire ma bibliothèque par étagère. Cette idée m'est venue en la rangeant. Par quelle étagère commencer? Pas une de romans en poche, je n'aurai pas la patience de lire tous ces romans d'affilé, pas celle consacrée à la grammaire et la traduction, il y a des livres de linguistique trop rebutants pour une reprise, pas des policiers, ce serait tricher.
    J'ai choisi l'étagère la plus basse (spatialement) des livres d'auteurs français, auteurs classés sans ordre mais par affinité, et j'ai pris Roubaud, Le grand incendie de Londres.

    J'y ai trouvé cette description qui correspond à ce que je vis en ce moment au fur à mesure que je fais émerger ma bibliothèque des cartons dans lesquels elle avait sombré en novembre, faisant de nouveau connaissance avec chaque volume au fur à mesure que je lui attribue une place et le range.
    [cet ensemble de livres] Il m'arrivait autrefois d'en vérifier mentalement le contenu (un réflexe d'avare) et l'ordre, la disposition des volumes sur les rayons, les relations entre eux établies par la contiguïté, la familiarité des voisinages jouant un grand rôle dans la signification intime de leur présence, dans leur accessibilité […]

    Jacques Roubaud, Le grand incendie de Londres, p.28, Seuil
    Et surtout cette notation: «Les troubadours (du moins ceux que je possède dans des livres) sont placés à ma gauche, contre les radiateurs toujours fermés, le plus près possible de la tête du lit.» (Ibid)
    Qui dira l'importance des livres autour du lit? J'ai ainsi déplacé il y a deux jours les livres de philo vers les pieds du lit d'ami («Mais tu crois vraiment que quelqu'un va y faire attention? — On ne peut pas dormir avec autant de philo près de la tête») pour rapprocher la poésie de la tête du lit. Poésie, livres grecs (Meillet, Ramnoux), Corto Maltese et Calvin et Hobes, voilà ce qui convient à un sommeil paisible.

    —————————

    Agenda

    Matinée à Nanterre pour relever le courrier et faire partir les lettres mensuelles indispensable. Depuis que mon départ a été annoncé par le président de la Mutuelle il y a une semaine, aucun signe de vie de ma hiérarchie ou des administrateurs. Remarquez, cela ne me change guère, aucun signe de vie depuis le second confinement.

    J'ai commencé à vider mon bureau: trié les livres, abandonné dans l'église la plus proche ceux que je destinais à l'origine à l'ICP (avant le second confinement), abandonné dans le métro deux poches que j'ai en grand format (dont Vie et Destin), passé remettre dans l'armoire de désherbage du G** des livres que j'avais en double… et inévitablement j'en ai repris quelques-uns, des Westlake et des Buzzati mais aussi un Thomas Wolfe, L'ange banni, à cause de Didier Goux (je dis bien «à cause», car tout ajout de livre est devenu difficile, je les importe en cachette — même si la cote des livres remonte dans notre nouvel intérieur).
    J'ai laissé ces livres au bureau, je les ramènerai une autre fois.

    Passage rue Francœur chez "ma" relieur (trois Langelot, deux Dumas, une bouteille de vin blanc), puis chez mon futur employeur pour récupérer mon contrat de travail. Ma future boss était inquiète de découvrir que j'habitais désormais si loin. Comment lui faire croire, lui faire comprendre et admettre, que pendant neuf ans, je suis rentrée chez moi trois à quatre fois par semaine après onze heures ou minuit, au rythme de mes cours, des travaux sur les voies, des grèves et des caprices des trains? Et qu'entre 2006 et 2016, pendant l'année scolaire, je prenais tous les jours le RER à sept heures pour accompagner les enfants au lycée? Moi-même j'ai dû mal à me le représenter. Il faut le vivre sans trop réfléchir.

    Maintenant cela me fera deux heures de lecture par jour, deux heures climatisées et stables à priori puisque je serai dans un TER et non un RER. J'espère ne pas déchanter trop vite.
    Et donc j'ai décidé de lire ma bibliothèque.

    Des chiffres

    Peu de choses. Je retourne nos finances dans tous les sens, il faudrait vendre la maison assez rapidement, le prêt-relais nous coûte cher. Pourvu qu'un troisième confinement ne vienne pas encore interdire les visites.

    J'apprends que je suis censée mener l'entretien annuel de ma collaboratrice comme si de rien n'était, comme si je ne serai pas partie fin février et qu'elle ne risquait pas de se retrouver seule pour faire le travail (à moins qu'ils ne trouvent quelqu'un en cinq semaines); mon supérieur hiérarchique (donc son N+2) ne le fera pas à ma place:
    — Mais qu'est-ce que je lui fixe comme objectifs? Cela dépend de votre décision de lui proposer le poste ou pas.
    — Justement, ce n'est pas décidé.

    C'est cruel, pour elle, pour moi; vaguement lâche et peu professionnel (j'en viens à penser que «vaguement lâche» et «peu professionnel» sont souvent synonymes. Etre professionnel consiste souvent à faire preuve de courage — devant ce qui est désagréable ou ce qui effraie).


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    Pour suivre la vaccination.

    La méthode Parmentier

    Le gouvernement est en train de vacciner les gens si lentement, avec tant de contraintes (prendre un rendez-vous chez son médecin, se faire expliquer, signer un consentement, respecter un délai de rétractation) que tous ceux qui veulent se faire vacciner (il y en a encore quelques-uns en France, malgré tout) commencent à piétiner d'impatience.

    Je songe à Parmentier qui entoura de soldats son champ de patates pour en attiser le désir.

    Sur FB toujours, Jean-Louis Bailly a partagé cette fable qui résume bien la situation:

    poème de Jean-Louis Bailly sur le vaccin à la manière de La Fontaine



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    Tabata mardi et mercredi. J'ai des courbatures au point de gémir en descendant les escaliers. Je n'ai plus aucune condition physique, il faut que j'en récupère avant les Culs gelés prévus le 14 mars.

    Je n'aurais jamais imaginé

    Ayant fini une réunion zoom avec mes anciens co-listiers, je fais un tour sur FB et je découvre ces statuts d'Elisabeth:



    Stupéfaction. Rivés à nos écrans jusqu'à minuit passé, jusqu'à ce que la situation paraisse sous contrôle.

    Je n'aurais jamais imaginé voir cela. La chute du mur, c'était la confrontation est/ouest, les tours du World Trade Center c'était la guerre Orient/Occident, mais là… Les Etats-Unis pris à partie de l'intérieur… je pensais que seuls les Etats du sud étaient concernés, que l'extrême-droite survivant à la ségrégation et au KuKluxKlan ne concernait que le sud.

    Je songe à Ruth qui m'avait choquée et vexée en insinuant en août 2019 que les gilets jaunes étaient les dignes héritiers de la Révolution française et qu'il fallait ce type d'agitateurs pour faire naître un ordre nouveau (et moi aux mots trop maladroits pour lui expliquer que la Révolution française était une révolte des marchands qui voulaient un poids politique, comme la Révolution américaine c'était les riches négociants qui ne voulaient plus payer de tribu à la lointaine Angleterre: on est loin d'une révolte de va-nus-pieds).
    Je me demande ce que pense Ruth maintenant. Je ne vais pas avoir la cruauté de le lui demander. Les Américains sont si fiers de leur constitution, à leurs yeux modèle et mère de toutes les démocraties.

    D'ailleurs l'émotion américaine est considérable. On parle de démettre Trump qui n'a toujours pas reconnu sa défaite mais a demandé aux émeutiers de rentrer chez eux — reconnaissant implicitement qu'il les avait d'abord encouragés dans leur action.


    J'avance dans Il n'y aura pas de paradis. Fantastique description des Afrikanders et de l'apartheid ou de l'Algérie au moment de l'indépendance.

    J'attends que le chat

    J'attends que le chat se réveille pour faire le lit.

    chat en boule sur un lit


    J'attends que le chat se réveille pour ranger les différents types de draps et housses (parures) sous le lit (ou dans le lit, puisque c'est un lit-coffre).

    J'ai sorti du sac-poubelle où elle dormait depuis vingt ans la nacelle du landau que j'avais conservée au grenier toutes ces années. Je l'ai remontée, elle est en parfait état, les élastiques toujours élastiques (c'est le point faible des habits d'enfant que je retrouve).
    Qu'en faire? Je m'étais dit que cela pourrait servir de lit d'appoint pour d'éventuels bébés visiteurs, mais l'expérience prouve que personne — plus personne — ne se déplace avec son bébé et quatre couches: tous les nouveaux parents arrivent avec un breack rempli de lit, vaisselle, nourriture, habits, jouets; personne ne semble envisager de coincer un enfant qui ne marche pas entre deux coussins en guise de lit et de lui écraser une pomme passée au micro-onde en guise de goûter.
    Etions-nous les derniers d'une génération vaguement baba cool, ou déjà à l'époque totalement has been, inconscients des nouveaux mode de parenting?

    Je me suis décidée à donner cette nacelle, peut-être qu'elle servirait à une mère dans le besoin (je m'en suis servie comme lit jusqu'aux trois ou quatre mois des enfants; la sage-femme nous l'avait conseillée comme plus rassurante pour un bébé qui vient de sortir du milieu serré d'un ventre) quand à ma grande surprise H. a déclaré que puisqu'on avait de la place, il souhaitait la garder.

    Je vais la laisser montée quelques temps pour bien retendre la toile puis je la rangerai dans le lit.

    nacelle de landau


    Le plus difficile

    Le plus difficile est d'annoncer à J., ma collaboratrice, que je vais partir. Je l'appelle en fin de matinée: «je suis contente pour toi. C'est une bonne nouvelle pour toi, une mauvaise pour moi mais une bonne pour toi.»

    J'espère que nous pourrons nous faire un resto avant mon départ. Serons-nous déconfinés d'ici le premier mars? Rien n'est moins sûr.

    A sa façon de présenter ses vœux, je comprends que le trésorier est au courant. Il se passe ce phénomène que j'ai déjà constaté pour d'autres: l'espèce d'aura de prestige que prend une personne qui démissionne. Alors que j'aurais attendu une réaction du type «tu nous trahis», c'est une réaction «tu oses et tu prends le risque, whaouh».
    C'est à la fois généreux et triste.

    Je plie

    Je plie les trois grenouillères premier âge que les trois enfants ont portées à la naissance. J'ai donné au fur à mesure tous les vêtements des enfants mais conservé une dizaine d'habits: ces trois grenouillères, une salopette emblématique de l'aîné (et je pense à la salopette du prince George qui a fait le bonheur de Petit Bateau: il me semble que la mienne est une Bonpoint, ce qui est plus élitiste), deux ou trois tricots portés par le dernier car les moins abîmés. J'ai aussi le manteau de laine de mes deux ans.

    Je plie avec remords; voici ce qui reste de l'enfance des enfants; moi qui étais si heureuse d'emménager ici, je culpabilise désormais de vendre la maison où ils ont grandi, même si seul le dernier en paraît affecté — et encore pas beaucoup, sans que je sache s'il cache ses regrets devant notre joie ou s'il s'habitue à l'idée avec son fatalisme et son pragmatisme habituels.

    Je plie ce qui reste et je songe à Viktor Klemperer, je songe à Klemperer retrouvant un album de timbres dans une malle après la guerre et s'exclamant, lui qui a tout perdu: «comme nous étions riches».

    Comme nous sommes riches.

    Départ

    Appelé Agnès qui habite près de Melun. Elle m'a recommandé le château de Rosa Bonheur («acheté avec des indemnités de divorce»), m'a expliqué que la région était connue pour son raisin de Muscat qui était conservé dans des ballons en verre remplis de charbon dans lequel on plantait les tiges pour conserver le raisin… je n'ai pas bien compris.

    O. est arrivé vers trois heures. Nous avons fait une machine et étendu son linge puis nous sommes partis en laissant la chatte avec des croquettes (la laisser seule vingt-quatre heures dans un lieu qu'elle connaît mal ou lui faire faire cinq heures de voiture en deux jours: nous avons choisi). L'a-t-elle compris? Elle s'est endormie le nez contre le canapé, le dos tourné au monde.

    Chat le nez contre le canapé

    Voyage sur les routes du Gâtinais dans la nuit tombante. Arrivée chez mes parents où seule ma sœur était présente. Cadeaux, repas. Beaucoup bu de champagne. Mes parents sont des cordons bleus.

    2020

    Deuxième d'une course devant des péteuses qui nous regardaient de haut (les premières étaient de niveau national), licence de théologie mention bien, emménagé dans un loft (un vrai, 554 mètres cube avec des murs uniquement autour de la salle de bain), claqué ma dèm à des gens qui imaginaient que j'allais attendre la retraite dans l'ennui (quinze ans tout de même).

    Au chapitre des choses tristes : l'abattage du sapin et Tullius devenu fou.

    Vaccination

    — Je ne comprends pas cette manière de vacciner. Puisqu'il y a tant de gens qui ne veulent pas du vaccin, il n'y a qu'à mettre en place l'équivalent d'un vaste Doodle national et vacciner les volontaires dans l'ordre d'inscription.
    — C'est de la poudre aux yeux. La vérité c'est qu'on n'a pas de vaccin. On l'a payé 20% moins cher, moralité nous passons les derniers.

    Je ne sais pas quelles sont les sources de H. et si ces 20% sont l'une de ses habituelles exagérations pour emporter l'adhésion (il y a longtemps que cela ne fait qu'attiser ma méfiance), mais j'entendais hier sur RTL qu'Israël, qui a l'intention de vacciner un quart de sa population avant fin janvier, a acheté ses doses 40% plus cher que le prix du marché.

    J'ai l'impression qu'il serait plus exact de dire que la France attend le vaccin de Sanofi.

    On change d'étage

    Depuis que j'ai démissionné, j'essaie de boucler tout ce qui est en cours : je suis descendue de deux cents mails à vingt-deux en deux jours. Il reste toutes les procédures à revoir, les courriers de début d'année et la clôture comptable.

    Un merle vient manger le raisin de la vigne vierge. Aujourd'hui qu'il a fait à peu près sec, les moineaux étaient présents dans la glycine. Je pense qu'ils nichent dans les infractuosités du mur mitoyen, juste en face de la fenêtre.
    Aucun oiseau ne semble avoir encore repéré ni le tournesol, ni la graisse "saveur ver de terre" que j'ai accroché aux branches.

    La radio nous répète sur tous les tons qu'il fait enfin froid mais c'est très relatif. Il gèle à peine. L'année 2020 a été la plus chaude recensée depuis que l'on prend des mesures: 14°C en moyenne. C'est très agréable mais ça fait peur.

    Le lit est arrivé aujourd'hui. Pour un peu je n'avais pas de draps qui convenaient (je comptais en commander chez Linvosges, mon fournisseur officiel depuis 1991 chez qui les délais sont souvent de deux à trois semaines; le lit devait normalement arriver mi-janvier; je n'avais pas passé commande plus tôt parce que je voulais être sûre d'être là pour les colis), dans un sursaut j'ai commandé hier soir un drap-housse de 160x200 chez amazon.
    Promis pour le 31 décembre, il est arrivé avant midi; un tour dans la machine à laver, sec ce soir, et voilà.

    C'est un lit-coffre, je vais pouvoir y stocker mes draps: les 90x190 pour le seul lit une place conservé, les 120x190 (achetés pour O. à Paris, je vais les donner à A. pour son clic-clac), les 140x200 du lit précédent maintenant au deuxième étage, et bientôt, donc, les 160x200.
    Quel intérêt de raconter cela? La multiplicité du réel m'étonne, et surtout cette incroyable richesse occidentale qui permet d'avoir quatre tailles de draps dans un foyer ordinaire. Et puis malgré tout, cela a un rapport avec les 14° évoqués plus haut.

    Le nouveau lit a été monté (dans les deux sens du terme) au premier étage dans ce qui devrait constituer notre chambre. A ce niveau, les défauts majeurs du loft prennent toute leur ampleur: le bruit des radiateurs (mais pourquoi sont-ils si bruyants? Faudra-t-il les remplacer, ou un réglage par un plombier suffira-t-il?) et le lampadaire en face de la baie vitrée sans volet (certes il y a des rideaux, mais il faudra les changer pour des rideaux réellement occultants).

    J'ai défait mon carton de livres vespéral, encore des poches. Manipuler les livres est réconfortant, c'est comme revoir de vieux amis (d'autant plus que ce n'est pas moi qui les ai mis en carton: je me suis davantage consacrée au grenier où il y avait des jouets, des cours et de la documentation camusienne à trier).

    Suite

    Lave-linge rebranché. Première machine, il était temps (je ne sais pas comment le linge va sécher ici, or de la vitesse du séchage dépend la vitesse de résorption du linge sale accumulé. Puis il y aura le repassage.)
    Travaux de soudure pour installer des éclairages indirects sur les étagères.
    Coiffeur à cent mètres. J'ai fini le troisième tome des Valérian en intégrale offert par O. à Noël.
    Télétravail.
    Transfert du courrier prévu à partir du 18 janvier (O. a demandé un délai de grâce car il attend des paquets à Yerres).
    Plateau du premier étage vidé de ses cartons dans l'attente du lit demain.

    parquet et Nu bleu de Matisse

    (Dommage, je n'ai pas pris de photo du capharnaüm avant l'effort de rangement, avec les cartons, les fils et les tableaux entassés sur la bâche de peintre.)
    J'ai déballé un carton de poches moitié sérieux, moitié San-Antonio. Et des Frédéric Dard.
    Il faut que je prévienne mes co-listiers de mon déménagement. J'aurais dû le faire beaucoup plus tôt. J'ai du mal car j'ai l'impression de les abandonner, mais plus j'attends moins il devient compréhensible que je ne l'ai pas dit il y a des semaines.

    Dernière nuit

    Aujourd'hui a été plus facile. Les cartons restants allaient au rez-de-chaussée. Encore le lit très lourd à installer au second. Ouf ils ne se seront pas tués.

    Les déménageurs procèdent systématiquement, du haut vers le bas de la maison. Ils arrivent vers huit heures moins le quart et remplissent le camion. Quand le camion est plein ils partent, déchargent, remontent les meubles le cas échéant et rentrent chez eux: donc plus les pièces sont grosses, plus ils partent tôt. Hier il y avait principalement des cartons, ils ont fini à quatre heures; aujourd'hui plutôt des meubles, à deux heures et demie. Cette possibilité de partir tôt les motive pour travailler sans interruption, avec rythme. Aujourd'hui ils ne se sont pas arrêtés pour casser la croûte.

    A Yerres j'ai sorti la maisonnette à oiseaux que j'ai lasurée ces jours derniers. J'ai vidé deux poubelles de verre, enlevé la poussière sur les portants du lit démonté, les toiles d'araignée sur le mur derrière l'armoire d'O.
    A Moret j'ai lessivé l'intérieur des étagères de la cuisine, rangé les verres, les tasses. C'est fou ce que cela devient habité avec un peu de porcelaine et des photos sur une étagère.

    J'aime beaucoup les grands cartons prévus pour les verres et les tasses (ce sont les déménageurs qui mettent en carton, c'est moi qui vide):



    La fleuriste n'avait plus de sapin de Noël : «il n'y en a plus, même en commande. C'est la rupture».
    A. est donc chargée d'en ramener un le 24. A défaut, nous décorerons le ficus. (Le carton des décoration de Noël est entouré d'une ficelle pour être identifiable parmi tous les cartons.)

    Dernière nuit à Yerres. Nous dormons dans le lit de O. qui va revenir ici dans une semaine quand il aura rendu sa chambre d'étudiant à Paris. Il gardera la maison habitée et chauffée jusqu'à ce qu'il se trouve un appartement — ou que la maison soit vendue.
    Demain il faudra ramasser toutes les bricoles, le savon dans la salle de bain, le persil dans la cuisine, la mangeoire à oiseaux sur le treillage.
    Demain soir il n'y aura pas de couvre-feu, nous resterons sur place. Ça va être bien.

    Il a plu

    Il a plu toute la journée. Les déménageurs sont impressionnants d'efficacité. Il y a le grand réservé et souriant, le typé Amérique du sud que j'ai honte d'entendre les autres l'appeler Pikachu et autres surnoms au racisme qui s'ignore, le râleur spécialiste du démontage de meubles et le dernier qui m'a dit à ma grande fierté: «j'vous aime bien, vous avez de l'humour».

    Ils ont emporté cent dix cartons sur nos cent trente-trois, vidé le dernier étage, une chambre et quasi l'autre.



    Pour ceux qui se souviennent.


    J'ai eu honte de leur imposer mes kilos de livres.
    Le râleur: — Moi les livres j'les porte, alors les lire… Vous savez qu'il existe des livres modernes sur tablette?
    — Oui, je sais. Mais ce que je lis est ancien et souvent particulier, c'est rare que ce soit digitalisé.
    — Mais non, tout est sur informatique maintenant.

    Un autre ou le même a remarqué «SAS» ou «San-Antonio» sur certains cartons:
    — On en lit un ou deux ou deux et puis on les jette. Vous, je suis sûr que vous avez la collection.

    Ou encore: — Vous avez beaucoup de choses. Mais pourquoi trois écrans puisque vous zêtes que deux?

    Un peu étonnée malgré tout de leur liberté de ton et leur jugement sur et devant des gens qui sont après tout leurs clients.

    J'ai passé l'après-midi à redouter qu'ils ne se tuent dans les escaliers dont l'un n'a pas de rampe vers l'intérieur (le râleur: «c'est pas aux normes») et l'autre de simples barres au-dessus du vide où glisser et passer en dessous signifierait une chute de deux étages sur le carrelage.

    Le loft ne leur plaît pas. Incompréhension totale. Ils sont persuadés que nous aurons vite envie/besoin de pièces fermées.

    Turning point

    Nous avons signé à trois heures, nous avons bouchonné à Fontainebleau à cinq heures.

    Photos à cinq heures et demie du second étage du loft, vers l'intérieur puis l'extérieur. Dans trois six jours les jours commencent à rallonger. Nous allons déménager pendant la période suspendue de temps étale.

    loft poutrelles acier loft vers l'ouest


    Nous avons bu du champagne à six heures avec les anciens propiétaires, avec alarme du téléphone réglée à sept heures moins le quart à cause du couvre-feu.
    Le propriétaire nous a montré ce clip de Fred Blondin tourné au loft.


    Sur mon ordi m'attendait le mail d'embauche de mon futur employeur (mercredi, ce n'était que la confirmation du cabinet de recrutement).

    Champagne bis !

    Bu un peu trop de mousseux à jeun pour fêter le fait que je suis embauchée dans une petite boîte et que je vais pouvoir plaquer ma dém' dans mon grand groupe. Et dans ta face, le chef qui ne comprend pas que je ne vais pas attendre (comme lui) la retraite à me décomposer sur place d'ennui et d'exaspération (enfin bon, lui n'est pas du style à beaucoup s'exaspérer).

    Better Call Saul, S4E8, ma préférée. Il faut sauver le soldat Babineaux. Tellement de fantaisie, de folie, de travail et de préparation.

    Mon dernier Zaco

    Enfin peut-être, enfin j'espère.
    Zaco, c'est le nom des RER D qui vont en direction de Melun en s'arrêtant à Yerres.

    A Nanterre, pour relever le courrier. Bureaux vides mais très beau sapin de Noël.
    Le chagrin des sapins de Noël qui clignotent pour personne.
    Début de la revue intérimaire des CAC.
    Vaccinée contre la grippe.

    C'est à peu près tout pour aujourd'hui. J'attends un mail, un coup de téléphone.
    Rien.

    Les gens qu’on aime : #10 quelqu’un qui aime l’art

    En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qui aime l'art. J'avais commencé par me dire «je vais parler d'Aline», mais finalement, je vais parler des Cruchons.

    Au départ il s'agissait de lire L'Amour l'Automne à plusieurs dans l'espoir de mieux comprendre le texte en apportant chacun nos expériences et nos connaissances.

    Nous avons (bien sûr) commencé chez Rémi.

    première rencontre des futurs cruchons
    17 novembre 2008


    Mais très vite la contrainte a été trop forte pour lui, il devait travailler, la femme de ménage devait passer — bref, nous nous sommes rabattus dans des cafés et Rémi n'est plus venu.

    Il a fallu le temps de trouver un café qui nous convienne, qui accepte que nous restions des heures à table avec des piles de livres, des discussions, des rires. Nous avons atterri au Petit Broc, et Marie nous a surnommés les Cruchons.

    Aline est présente pour la première fois
    29 juin 2009 - première participation d'Aline


    Nous nous sommes réunis une fois par mois pendant quatre ans (jusqu'au ralliement de RC à MLP), avec des participants variés (Jérémy, Marie, Tlön, Afchine, Sophie…) et un noyau dur. Parce que nous avions trois Chartrains parmi nous, nous nous réunissions une fois par an à Chartres, avec en point d'orgue une visite de la cathédrale commentée par Philippe.

    table couverte des pages commentées de L'Amour L'automne
    table d'étude - octobre 2010


    Les lectures ont disparu après mai 2012, pour être remplacées par des voyages et des concerts. Pour des raisons financières et familiales, je ne participais que rarement. Je les suivais à travers FB, les voyageurs m'envoyaient des cartes postales et me donnaient des pistes (c'est ainsi que j'ai visité Richelieu après l'une de leur carte postale, par exemple).

    Voyager avec les Cruchons est une chance extraordinaire. Chacun est spécialisé dans deux ou trois domaines: Aline en art et architecture, Laurent en histoire, peinture et architecture, Patrick en histoire avec un sens aigü de la chronologie, des souvenirs précis des forces de gauche en France durant les années 50 à 70 et des références bibliographiques sur tous les sujets, Philippe est amoureux de musique et d'art roman.

    Quand on voyage avec eux, il n'y a qu'à se laisser porter: ils ont organisé et prévu, ils ont lu et planifié, ils montrent, ils racontent, il y a toujours une anecdote amusante sur un fond érudit, des goûts et des opinions qui s'expriment de façon tranchée et drôle, des débats montés en épingle pour finir en éclats de rire.
    Je n'en finirais pas d'énumérer les lieux découverts, d'abbayes en châteaux; les expositions, les concerts, une tétralogie, deux puis trois, les jardins de William Christie et ses concerts en plein air.

    concert dans les jardins de Thiré
    Jardin de William Christie - août 2018


    2019 a été une année sans que je voyage avec eux — avec encore des cartes postales reçues; 2020 a tout figé.

    Les gens qu’on aime : #9 quelqu’un qui n’a peur de rien

    En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qui n'a peur de rien. Je vais encore parler d'un groupe. Il aurait pu entrer aussi dans la catégorie «quelqu'un qu'on admire»: les jeunes, bénévoles ou salariés, de JRS.

    C'est une ode à la jeunesse que je voudrais écrire. J'ai admiré leur audace, leur bonne humeur, leur courage, la force inébranlable de leur simplicité. Ils étaient là pour faire ce qu'il y avait à faire — répéter du vocabulaire avec des personnes qui ne connaissaient pas un mot de français, faire le café, la cuisine, enregistrer des noms, organiser des jeux, chanter, jouer au foot, danser — sans douter, sans hésiter, sans se laisser décourager par les barrières de la langue ou des coutumes.

    Je les ai admirés et je les chéris. Ils me font du bien à l'âme quand je pense à eux. Il me donne l'espoir que tout n'est pas perdu, le futur avec un grand F, celui de la planète, celui des enfants et des petits-enfants n'est pas perdu — s'il est entre leurs mains.

    l'équipe des bénévoles de jrs en juillet 2020

    Encore des nouvelles lunettes

    J'ai craqué. Je n'en peux plus. Ce sera mon cadeau de Noël: je suis retournée chez l'opticien pour me faire fabriquer des lunettes selon mon ordonnance "N", une paire de "proximité" qui me permettra de travailler sur écran.

    Les gens qu’on aime : #7 quelqu’un qu’on voit souvent

    En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qu’on voit souvent.
    Là c'est la tuile. Evidemment à cause du confinement. Mais même sans cela: la boulangère? le pharmacien? le vendeur du Relais H?
    En fait les gens que je voyais le plus souvent avant le confinement, le premier confinement, jusqu'en mars, c'était les rameuses du huit. Une, deux, trois fois par semaine, c'est en fait l'un des buts du huit: devenir inséparables, ce que nous avions bien du mal à réaliser.

    L'étonnement c'est que nous ne savons finalement que peu de choses les unes des autres. J'ai ainsi été désarçonnée d'apprendre que Clarisse était veuve depuis deux ans: certes elle a toujours été très discrète, mais comment avions-nous pu ne nous douter de rien? Quel manque d'attention de notre part (elle a souri et m'a dit: «vous ne pouviez pas savoir»).

    Nathalie affairée, Isabel serviable, Pascale coupante, Anne perfectionniste, Clarisse rigoureuse, Marine revêche et Caroline Betty Boop: c'est la liste des rameuses de la coupe de Noël il y a un an à Tours.

    huit rameuses et leur barreur


    Chaque rencontre hors du huit est (était) importante, car c'est le moment de nous découvrir.
    C'est pourquoi j'étais heureuse que nous ayons passé une excellente soirée à quatre juste avant le couvre-feu; j'attends maintenant le déconfinement pour inviter celles qui ne pouvaient être là ce soir-là.

    Meilleure amie

    — Tu peux compter sur la gravité. Elle ne te laissera jamais tomber.

    Traces du temps - 5

    Il manque mercredi 2.
    Les feuilles sont tombées entre jeudi et vendredi. Mais il en reste.

    arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre
    arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre



    Déconfinement progressif : nous avons le droit de ramer, mais en bateau individuel (en double pour les personnes vivant sous le même toit). L'hiver il faut être sûr de soi: trois rameurs se sont retournés samedi, deux dimanche.
    Je constate à quel point mes cinq kilos de trop étaient en trop cet été quand j'ai repris après le premier confinement: quel plaisir de pouvoir à nouveau bouger avec fluidité.
    En revanche j'ai beaucoup perdu en forces. Dès que je recommencerai à manger quasi normalement, il va falloir que je suive des programmes de muscu (disons: de gymnastique au sol). Ça va être compliqué d'adapter la quantité de nourriture au sport effectué. Aujourd'hui j'ai l'impression que je peux vivre en ne mangeant presque rien. C'est impressionnant et très peu contentant.

    la Seine à Avon - ciel d'automne

    Les gens qu’on aime : #6 quelqu’un qu’on n’aimait pas au début mais ça a changé

    En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qu’on n’aimait pas au début mais ça a changé: Sophie-Charlotte.

    Je ne suis pas vraiment sûre que Sophie-Charlotte entre dans les définitions du Dr CaSo. Non seulement ce n'est pas une amie, mais c'est même une inconnue et le plus probable est qu'elle ait oublié depuis longtemps que j'existe.
    Elle est le prétexte à montrer deux de mes défauts: mes jugements abrupts et mon stalking (ma traque) sur internet.

    En août 1997 (un an avant Google, en pleine bulle internet) j'ai été embauchée dans une filiale de mon actuel grand groupe, une filiale qu'on appellerait aujourd'hui start-up, mais qui à l'époque était simplement une structure légère détachée de la mère pour travailler en mode projet. Nous étions trente, nous fonctionnions comme une famille (les platées de cèpes dans la salle de réunion hausmanienne ramenées par le président périgourdin à l'automme), je vénérais mon boss, c'était enthousiasmant.

    Sauf qu'il y avait, comme dans tout projet, des consultants, des consultants d'Accenture, juste avant la déroute d'Andersen. Il y avait deux consultants junior aussi horripilants l'un que l'autre. J'ai failli gifler le mec qui disait des conneries et n'écoutait rien (avec sa gueule de beau gosse et sa cravate… Tous ces consultants embauchés sur leur gueule…) Leur seule obsession était de respecter le planning, même au prix de la qualité du travail. Or nous étions en train de construire une architecture informatique, la gauchir dès le départ, c'était faire partir le projet de travers.

    L'autre, c'était Sophie-Charlotte. Elle devait surveiller que nous documentions1 le paramétrage d'un progiciel que nous avions acheté. J'étais chargée du paramétrage, mais c'était un faux paramétrage, un paramétrage contraint, du genre «— Ici il faut mettre A — Mais pourquoi? — Parce que.»
    Sophie-Charlotte exigeait que je remplisse un tableau avec écrit «A» comme valeur de ce paramètre.
    J'ai essayé de lui expliquer que si nous ne savions pas quelle autre valeur était possible et que nous ne savions pas à quoi servait ce A, le document que nous étions en train d'écrire était inutile et inutilisable.
    Je me heurtais à un mur. La consigne était la consigne.

    Un jour Sandrine m'a dit: «tu n'aimes pas beaucoup Sophie-Charlotte» et j'ai eu honte que cela se voit autant.

    Les consultants sont partis. Je crois que c'est encore Sandrine qui m'a appris que Sophie-Charlotte était admise à Standford; à quoi j'ai répondu «Ça fera une dinde qui a fait Standford.»
    Il est possible que j'ai été jalouse: à son âge j'étais mariée et j'avais déjà un enfant: je n'aurais jamais pu aller à Standford. Mais je pensais aussi que c'était une dinde, avec son obéissance militaire à son cabinet de consultants.

    Il y a deux ans, je crois que c'était pendant que j'étais immobilisée à cause de mon pied, j'ai fait une recherche sur facebook. Le curieux est que je me souvenais de ses nom et prénom, car en général je les oublie. Et je l'ai retrouvée. Son sourire, ses photos, les causes qu'elle défend… Elle m'a plu. Et je me suis dis que j'étais vraiment con, avec mes jugements à la con.



    Note
    1: Ecrire un document de référence.

    Présentation

    Rencontré la copine de O. (C'est la première fois qu'il nous en présente une).
    Elle est pétulante.

    Mes grands-parents paternels étaient polonais, ceux de H. yougoslaves (côté maternel), C. a une compagne dont la grand-mère polonaise vit en Pologne, les parents de l'amie de O. sont arrivés en France vers six ou sept ans, ses grands-parents ont fui la dictature portugaise.

    Cette permanence d'origines étrangères répétées à chaque génération, est-ce statistiquement dans l'ordre des choses, ou est-ce un tropisme familial?

    Les gens qu’on aime : #5 quelqu’un avec qui on a étudié ou été à l’école

    Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un avec qui on a étudié ou été à l’école : Jérôme. Je l'ai choisi parce que nous avons été neuf ans dans la même classe.

    Mes parents étaient profs. Quand nous sommes rentrés du Maroc en 1975, ils ont chacun obtenu un poste dans l'un et l'autre lycées d'une petite ville, et entre les lycées se trouvait une école primaire.
    Nous avons donc été inscrites ma sœur et moi dans cette école primaire plutôt que dans celle dont nous dépendions administrativement car il était plus simple de nous y emmener et nous en ramener.

    En école primaire, la population est stable, les mêmes enfants se retrouvent chaque année, la hiérarchie est établie dès le CP (ceux qui apprennent vite à lire et à écrire, ceux qui sont rapides ou jouent bien aux billes, etc).
    Je suis arrivée en CM1 et j'ai bousculé cette hiérarchie. En CM1 et en CM2, je suis passée en tête devant Xavier et Jérôme. Ils étaient verts.

    Quand j'ai quitté la primaire, j'ai rejoint le collège correspondant à la carte scolaire et j'y ai retrouvé Jérôme. Jérôme a été mon Poulidor jusqu'en terminale. Comme il a fait allemand première langue (le truc de l'époque pour essayer de reconstituer les classes d'excellence que la réforme Haby venaient d'éparpiller) puis latin à partir de la quatrième (idem), nous avons été ensemble toutes ces années. Toutes ces années il s'est présenté comme délégué de classe et a été élu.

    Il était fils unique et fier de l'être. En cinquième, sa mère s'est trouvée enceinte et il l'a très mal pris. Elle n'avait pas le droit de l'accompagner devant le collège; elle devait le déposer au coin de la rue.

    En quatrième nous avions une prof d'anglais provocante, genre sous-tif noir sous chemisier blanc transparent. Jérôme était au premier rang. Elle l'a interpelé: «Alors, Jérôme, vous rêvez?»
    Il est devenu cramoisi, d'un rouge comme je n'en ai jamais revu d'aussi foncé. La classe a éclaté de rire.
    J'étais très innocente, je n'ai compris que des années plus tard à quoi pouvait rêver Jérôme.

    Nous ne nous aimions pas beaucoup. A cause de cette rivalité, bien sûr, mais aussi parce que j'étais sérieuse et que je le jugeais frivole. Il s'est très bien entendu avec ma meilleure copine en première et terminale, ils parlaient mérites comparés de shampoings, genre. Il avait été tout surpris quand elle lui avait appris que les filles se rasaient les jambes: il pensait que les filles étaient imberbes.
    Il avait grandi tôt et était très grand, il se tenait toujours un peu courbé. Il avait cette morphologie des nageurs que je n'aime pas, les trapèzes surdéveloppés. Ses yeux bleus verts étaient légèrement globuleux. Il aimait Higelin et je le revois en term en train de chanter Champagne en dansant sur les tables comme un pantin dégingandé .
    Sous mon influence, il s'est inscrit à l'aviron. Christine, Isabelle, Jérôme, tous venus à l'aviron en seconde à cause de mon enthousiasme.
    Quand il a perdu son grand-père (en première ou en terminale), il a eu cette remarque qui m'a frappée parce qu'elle était inattendue de sa part et que je n'avais pas encore vécu de deuil: «On croit qu'on n'est pas très attaché, et puis ça fait super mal».

    Après le lycée j'ai eu des nouvelles par ma mère: marié, trois enfants puis un quatrième («un accident»).
    En 2017, au moment où je préparais les 50 ans de mariage de mes parents, j'ai fait des recherches sur Linkedin et j'ai tapé son nom. Je l'ai trouvé, je l'ai demandé en contact.
    Il ne m'a pas acceptée.

    Les gens qu’on aime : #4 quelqu’un qui a changé le cours de notre vie

    En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qui a changé le cours de votre vie : RC, évidemment.

    Renaud Camus à l'Ircam en juin 2009
    RC à l'Ircam - 2009


    C'est compliqué. Je me souviens de Philippe Val disant après l'emprisonnement de Patrick Font: «Si je vais le voir on me demande comment je peux soutenir un tel salaud; si je n'y vais pas on me demande si je n'ai pas honte d'abandonner un ami».

    RC n'était pas un ami, ce n'est pas un ami. Mais je me sentirai toujours l'obligation de ne pas en dire de mal. De juste me taire.

    Dans le journal 2002, Outrepas, RC a écrit qu'il aurait souhaité que Le Pen ait le maximum de voix, juste assez pour ne pas être élu. Le livre est paru en 2004. Donc en 2004, la SLRC a appris que RC ne l'avait pas détrompée quand elle avait publié en 2002 une pétition contre Le Pen, pétition dont toutes les phrases commençaient par «Avec RC, nous…»
    Je savais donc depuis 2004 que RC n'avait aucune loyauté envers son entourage, qu'il était capable de trahison — ce qui fait que 2012, le ralliement à MLP, a été une déception, la certitude que désormais le génie littéraire de RC ne serait jamais reconnu, mais pas vraiment une surprise.
    Le dégoût est venu en 2013 quand RC s'est réjoui du suicide de Dominique Venner à Notre-Dame et le rejet sans retour est survenu après les white supremacists et Christchurch.

    Quel gâchis, quelle horreur.

    Mais il reste qu'il a changé ma vie. Le lire a changé ma vie.
    C'est difficile d'expliquer à quel point, parce qu'il faudrait tenter d'expliquer tout ce que je ne connaissais pas (histoire, art, littérature, géographie, etc) quand j'ai commencé à le lire et tout ce que j'ai découvert en le lisant.
    Il m'a aussi fait découvrir de quelle façon j'étais capable de lire, de me concentrer, de faire des rapprochements, de travailler par associations… Il m'a fait me découvrir moi-même.

    L'Amour l'Automne, L'Inauguration de la salle des Vents, Vaisseaux brûlés sont de grandes expériences de lecture, elles me font accéder à des dimensions de conscience inédites, en profondeur et en extension. C'est difficile à expliquer, c'est comme une drogue, un état second du cerveau. Je pense que James Joyce produit le même effet à d'autres, et peut-être Arno Schmidt aux locuteurs germanophones.

    RC me faisait, me fait, rire. Parfois je retombe sur une citation, et aussitôt, je ris: «Castro à mon enterrement? Plutôt mourir!» ou «Georges Marchais et moi n'avons pas la même idée de la poésie : j'en avais toujours eu le vague soupçon».

    Hélas, la phrase la plus juste sur RC est sans doute celle de Jean-Yves, le pastichant après Christchurch: «On m'a mal lu».

    RC a été l'occasion de me faire des amis qui ont survécu à la tourmente. Nous avons arrêté de lire RC ensemble mais nous avons continué à voyager, à visiter, à aller au concert.
    La vie n'a plus jamais été la même après RC.

    Les clés

    L'une des tâches que je redoute dans ce déménagement est le tri des clés.

    Pour une raison que j'ignore, chez nous les clés se multiplient. Tous les sept ou huit ans, j'ouvre la boîte à clés, et nous essayons d'en jeter quelques-unes.

    clés variées


    Clés de serveurs, clés de voitures disparues, clés d'antivols inidentifiables, clés de valises — mais lesquelles, clés de portes murées, de serrures changées (barillets), clés obsolètes de mes parents, clés du voisin (un autre)…
    C'est très difficile de jeter une clé, on ne peut s'empêcher de penser qu'on risque de le regretter. Cela fait peur. Mais nous nous en allons, il n'y aura pas de regret.
    Il faut tout de même que je parvienne à identifier une ou deux clés du portail. Aujourd'hui nous le fermons avec une chaîne de moto… Pas très sérieux.

    Les gens qu’on aime : #3 quelqu’un qui nous fait rire

    Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qui me fait rire. Là, ce n'est pas une personne mais un groupe: les oulipotes, les oulipiens, la bande des jeudis de la BNF et de la pizza subséquente.

    rires entre amis de l'Oulipo, 18 juin 2015

    Sophie, Nicolas, Elisabeth, Dominique dans le miroir, Gilles et Maurice à l'autre table… Nous ne sommes jamais le même nombre, nous ne parlons jamais des mêmes sujets, parfois c'est sérieux, parfois c'est drôle, parfois ça cancanne, parfois c'est triste (le temps qui passe, la famille, la santé, tout ça). Ce sont des amis merveilleux par leur culture, leur humour, leur gentillesse.
    J'ai l'impression de les connaître peu parce que ce sont mes amis les plus récents: une douzaine d'années, mais finalement dix jeudis par an depuis plus de dix ans, et deux ou trois dimanches chez Nicolas, et autant chez Alain… Ce sont finalement les amis que je vois le plus souvent. Et nous rions beaucoup.

    Les gens qu’on aime : #2 quelqu’un avec qui on a voyagé

    En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un avec qui on a voyagé : mon fils O.

    la main gantée d'Olivier - en quittant Olsdorf
    En quittant la maison de Thomas Bernhard


    Au départ il s'agissait d'accumuler les trois mille kilomètres nécessaires à la conduite accompagnée.

    J'ai fait une fausse signature. H. était contre la conduite accompagnée. Nous avons dans notre entourage deux exemples d'accidents graves dus à la conduite accompagnée.
    O. voulait faire la conduite accompagnée. C'était le premier des trois enfants à souhaiter cela. J'ai rempli le dossier d'assurance en me mettant en conducteur accompagnant, et puis, au cas où cela nous en ayons besoin un jour en urgence, j'ai ajouté H. et j'ai imité sa signature.

    Il fallait que j'accomplisse trois mille kilomètres aux côtés d'O.
    Matin et soir, maison gare, cinq kilomètres, vingt-cinq kilomètres par semaine, cent par mois. Quelques voyages jusque chez les grands-parents. Il fallait quelque chose de plus long.
    Ça faisait longtemps que je voulais faire un tour d'Europe. H. ne voulait pas, il n'avait pas envie de passer sa journée en voiture et dormir chaque nuit à l'hôtel: «je fais cela toute l'année pour le boulot, je ne vais pas le faire en vacances».
    O. était d'accord, mais il fallait attendre ses dix-huit ans: pas de conduite accompagnée hors de France.

    Pour vérifier que nous étions capables de nous supporter, nous avons fait une escapade d'une semaine en Bretagne l'été précédent, en 2016. Ce fut un succès.

    Alors nous sommes partis en juillet 2017 pour Klagenfurt, Vienne, Prague, Berlin, Amsterdam et Bruxelles. Mon récit est plein de trous mais je ne désespère pas de le compléter un jour. Ce sont de merveilleux souvenirs. La Styrie ou les plaines de Saxe dans la Beetle décapotée en écoutant la biographie de Bob Dylan ou de Raymond Chandler ou de Jack London, les hôtels et les auberges de jeunesse et les hugos. Les châteaux, le vélo, les soirées sur l'ordi. Le légendaire sens de l'orientation d'O. sur lequel je me repose aveuglément. Sa gentillesse, O. toujours prêt à un détour pour me faire plaisir. La surprise de découvrir à quel point le malentendu est facile, même entre deux personnes déterminées à être attentives à l'autre.
    Je ne sais pas si je retrouverai un jour un tel compagnon de voyage.

    Entretien

    Un entretien positif ce matin à Vincennes.
    Les magasins sont ouverts mais il n'y a pas tant de monde que ça.
    L'après-midi j'apprends que je suis sur la short-list des deux personnes qui doivent rencontrer le président.
    Chic.

    Quant à H., il avait son audience de référé cet après-midi. Ça a duré trois heures. Il était content car ils ont eu un juge attentif.

    Y a des jours comme ça où tout se concentre.

    Les gens qu’on aime : #30 quelqu’un de très intelligent

    Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qui est très intelligent : Gilles, GEF pour les intimes.

    Je suis embarrassée de parler de lui parce qu'il n'est pas seulement très intelligent, mais aussi très modeste. Je pense que ça l'embarrasserait beaucoup d'apparaître ici et dans cette catégorie (parfois je me demande s'il sait qu'il est intelligent) et donc ça m'embarrasse de parler de lui.

    Je vais donc le faire brièvement.

    GEF fait partie des oulipiens avec qui je mange une pizza après les jeudis de l'Oulipo. Il a quelques défauts : il ne boit pas et n'aime pas la cuisine exotique, ce qui nous empêche de manger au très bon restaurant vietnamien proche de la TGB.
    A part ça…

    Je me souviens de la fois où il ne pouvait pas venir ou écrire ou je ne sais, «parce qu'il avait une urgence avec un trou noir».
    Une urgence avec un trou noir? Mais comment un trou noir peut-il être urgent? Il est à des années-lumières, évolue sur des milliards d'années…
    (Réponse : il s'agissait d'une communication à terminer pour un colloque.)

    Je me souviens de la fois où il nous a expliqué comment les frères Bogdanoff avaient écrit leurs thèses de doctorat. C'était hilarant, je n'ai pas osé le raconter ici car cela frisait la diffamation (de ma part, dans la mesure où je rendais le récit public). En un mot, les scientifiques spécialistes de certains sujets recevaient des coups de fils et la conversation s'engageait sur le mode «prêcher le faux pour savoir le vrai». Le résultat de ces conversations se retrouvaient dans les thèses.

    Je me souviens de lui parlant de son père médecin parcourant les rues d'Alger à vélo pendant la guerre: «Personne n'a jamais tiré sur lui».
    Je me souviens de son désarroi quand il a dû disperser la bibliothèque de ses parents après leur mort: «Pas de place».
    Cœur fendu.

    Le truc qui m'épate : il connaît (ils échangent des mails amicaux) Douglas Hofstadter.

    GEF et son ami Nicolas sont des oulipiens canal contraintes dures. Pour en avoir une idée, explorez ici. Qu'il soit aussi habile avec les mots qu'expert dans les étoiles tout en étant un mélomane accompli… ça fait beaucoup pour un seul homme.

    Voici la copie d'écran d'un poème que l'on peut décaler vers le bas. L'original est ici.

    poèmes de Gilles Esposito-Farèse glissant le long d'une diagonale


    (J'aurai pu parler de Nicolas. C'est encore pire d'une certaine façon (je veux dire plus impressionnant), ceux qui le connaissent savent pourquoi. Mais une pudeur me retient.)

    Mains caleuses

    A force de me laver les mains à cause de la poussière qui couvre les objets que nous déplaçons, mes mains sont si rugueuses que les Touch ID de mon téléphone ou de mon ordinateur ne lisent plus mes empreintes digitales.

    Traces du temps - 4

    Oublié lundi, mercredi, vendredi, et mardi j'étais à Nantes. Donc trois jours seulement cette semaine.

    arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre



    L'impact de la lumière est toujours aussi étonnant. Jeudi, j'ai pris une photo beaucoup plus tôt, vers 8h40, avec la lumière rasante du soleil levant.

    arbres en automne vus de la fenêtre



    Peut-être parce que Patrick a noté mardi que Jean et lui regardaient ensemble Six Feet under, j'ai relancé la série cet après-midi. C'est fou ce que je m'en souviens bien.

    Il ne reste plus beaucoup de cartons à faire. Les deux week-ends prochains devraient y suffire. Ce matin nous avons placé les meubles sur les plans. C'est la partie la plus fun. J'espère que nous n'avons rien oublié.
    Difficile de faire tenir autant d'étagères sur aussi peu de murs, surtout que le dernier étage est mansardé et que les étagères ne peuvent tenir que le long de l'arête centrale du toit.

    Les gens qu’on aime : #29 quelqu’un qui a des enfants

    Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qui a des enfants : Catherine.

    Pourquoi Catherine ? J'aurais pu prendre beaucoup d'autres personnes, presque tous mes amis ont des enfants. J'ai juste envie de parler de Catherine.
    J'aime beaucoup Catherine et David car ils ont un humour qui décoiffe et une façon courageuse de faire face à ce qui les blesse ou leur déplaît.
    Nous ne les voyons jamais, peut-être tous les cinq ans, mais elle m'écrit de vraies lettres, sur plusieurs pages, pleines d'énergie, une ou deux fois par an.

    A l'origine, c'est une amie, ou plutôt son mari est un ami, du frère de H. Elle est d'origine modeste, et parmi ses loosers de frères1, elle est la seule à avoir fait des études, des études suffisamment brillantes pour être en hypokhâgne à Paris. A un moment donné, je ne sais plus ni pourquoi ni comment, elle s'est retrouvée chez nous, à Aubervilliers. Je sais que nous l'avons aidée, car cela l'a tant touchée2 qu'elle nous le rapelle souvent, mais il est fort possible qu'au départ ce soit elle qui nous aidait en venant faire du baby-sitting.

    La première fois qu'elle a passé le concours de l'ENS, elle a été admissible et admise à redoubler dans l'une des plus prestigieuses prépas de la capitale. Elle l'a abandonnée à Noël pour rejoindre son copain (futur mari) à Tours.
    Ils tiraient le diable par la queue. Elle me racontait comment ils économisaient sur le chauffage et l'eau en attendant de toucher la bourse à laquelle elle avait droit, ne prenant plus le bus pour économiser le prix du ticket.
    Elle a eu l'agrégation de Lettres («grâce à l'allemand», disait-elle modestement) et elle et David ont eu un poste au centre de la Bretagne, se rapprochant lentement de la mer jusqu'à arriver à Lorient.

    Leur aîné est né en septembre 1998. Trois amies très chères ont eu des enfants fin 1998: Jacqueline, Christine (dont j'ai parlé plus haut, ou plus bas) et Catherine. Et moi.

    Le deuxième est né le 10 septembre 2001. Vous imaginez. Comme dirait David, en mimant: «Nous, on était tout "Youpii!!" — bras dansant en l'air — et tout le monde autour était "bouhouuh"» — épaules tombantes bras au sol.

    La troisième… la troisième est une fée. Normal, ils l'ont appelée Mélissandre. Elle ressemble à une fée, la blondeur, le sourire, la sveltesse. Elle devait avoir huit ans la dernière fois que je l'ai vue. C'était également la première fois. J'avais été soufflée de voir une enfant correspondre aussi bien à son prénom.

    photo à venir un jour



    Note
    1 : loosers : traîner au chômage en se faisant entretenir eux et leurs copines par leur mère célibataire tout en traitant Catherine d'intello.
    2 : est-ce parce que personne ne l'avait jamais aidée ? ou peut-on juger les gens sur leur capacité à être reconnaissant ?

    Champagne !

    Interruption de mon régime très strict pour boire à la santé du premier contrat de travail de O.

    Après-midi au loft pour prendre des mesures (le lave-linge est un peu trop large, nous avons trouvé où mettre les étagères de poche) et des renseignements (le gaz, l'électricité, le chauffage, le poêle, etc).
    Que ce loft est lumineux. Il est splendide.

    Le propriétaire partait ce soir pour Bayonne, il reviendra pour signer le 18. Lui et sa compagne sont totalement épuisés.


    ————————

    Tome 6 de Golden Kamui.

    J'ai quasi-terminé la mise en carton du grenier. Il doit en rester un, à peine. Je continue The Handmaid's Tale. SF glauquissime. Est-ce que cela envisage un réaction à venir contre le féminisme ou constitue une attaque en règle contre la Bible ou les deux?

    Les gens qu’on aime : #27 quelqu’un qui aime les animaux

    Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qui aime les animaux : Alice.

    Lorsque nous avons cherché une nounou pour nos deux enfants (en fait il y en avait quatre à garder, une nourrice c'était trop cher pour nous seuls, alors nous nous étions mis à deux familles), j'avais trouvé, après quelques déconvenues, un filon de recrutement: l'assistante sociale du secteur agricole de Grosbois (comment avais-je trouvé cela? je n'en ai plus aucune idée).

    Cette assistante sociale cherchait des emplois pour les jeunes filles qui après quelques années comme palfreniers voulaient changer de voie et trouver des emplois aux horaires plus normaux, à la charge physique moins importante.
    Il y a d'abord eu Diane. Quand nous lui avons annoncé une amplitude horaire de quasi douze heures, et que sa seule question incrédule a été: «je ne vais pas travailler le week-end?», nous avons eu honte.

    Après Diane (qui a trouvé une place en crèche et qui était toute gênée de nous l'annoncer, à qui nous avons dit de d'abord penser à elle), nous avons eu Alice.

    Alice, je n'ai toujours pas compris. Je n'ai toujours pas compris son énergie. Elle avait vingt ans, un bébé de six mois, François, qu'elle allaitait. On lui a dit de venir avec (je ne me vois pas faire garder mes enfants en demandant à une jeune femme de se séparer du sien). Elle gardait nos trois, six ans, trois ans, trois mois, plus le sien, elle allaitait, elle faisait les courses et les repas. Elle était contente parce qu'on lui apprenait à se servir de la cocotte-minute, elle apprenait la cuisine de base avec nous. Son compagnon était lad-jockey à Grosbois, le centre d'entraînement de Vincennes (dans les films de Gabin, c'est souvent ce champ de courses qu'on voit). Alice emmenait les enfants là-bas, c'est là-bas qu'A. a monté à cheval pour la première fois.

    Elle nous a quittés, en larmes, parce que son compagnon était muté en Seine-et-Marne. Nous lui avons rédigé sa petite annonce, l'avons boostée (lui faire comprendre quel trésor son énergie et son sourire représentaient pour une famille), lui avons donné des conseils (déposer ses annonces chez le pharmacien, le médecin).
    Elle a si bien réussi à retrouver une place qu'elle l'a abandonnée pour en prendre une avec des jumelles à garder: la place précédente n'était pas assez compliquée. (Ça m'a impressionnée et fait rire.)

    Elle adorait les animaux. En 2014, je l'ai retrouvée par une recherche internet (je me demande comment. Elle avait changé de nom et son mari n'était pas le père de François). A l'époque son couple avait un élevage de chiens. Aujourd'hui ils se sont reconvertis dans la pension pour chats et chiens, ainsi que dans les cours d'agility. L'étude de son profil FB montre en outre des chevaux, des poneys.
    Vous pouvez voir le sourire d'Alice ici. Il n'a pas changé.

    A l'occasion nous passerons la voir, même si cette idée m'intimide.

    Les déménagements, c'est comme le covid

    On met le non-essentiel en carton, on ne garde à l'extérieur que l'essentiel, le dentifrice, les slips, les assiettes, les casseroles. On regarde autour de soi, on se dit que finalement, on pourrait vivre comme ça, que tout ce qu'il y a dans les cartons est inutile, et on se sent malheureux comme les pierres devant ces étagères vides d'où a disparu tout ce qui faisait le bonheur de vivre.

    Il va falloir tenir trois semaines dans ce désert.


    Fini ce soir le dernier carton de livres. Soixante-dix, soit cinq mètres cube environ.

    Les gens qu’on aime : #22 quelqu’un qu’on a aimé mais qui ne nous aimait pas en retour

    Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qu'on a aimé mais qui ne nous aimait pas en retour.
    Là, c'est facile: Rémi. On a commencé en s'engueulant, on a terminé en s'engueulant — et au milieu on s'engueulait, mais amicalement.

    La première fois c'était lors de l'AG de la SLRC en avril 2003. Il nous a tenu un discours, un plaidoyer, il venait de se disputer avec RC et il venait s'expliquer. Je lui ai dit que pour parler autant il était soit avocat soit vendeur de voitures.
    (Il était avocat, je l'ai su plus tard. Lol.)
    J'ai demandé à ma voisine: «Mais pourquoi est-il si énervé?»; elle m'a répondu comme une évidence: «Mais il n'est pas énervé».

    On s'est beaucoup engueulé sur le forum de la SLRC. Il m'a vexée en se moquant de moi alors que je commençais juste à écrire sur la SLRC et à commenter l'œuvre en n'étant pas bien sûre de moi (après tout je n'avais jamais fait ça).
    Il m'a fait parvenir un exemplaire de La campagne de France non expurgé après que j'eus exprimé sur le forum le regret de ne pas posséder ce volume. A ma grande surprise il m'a invitée à un vernissage de Marcheschi (mars 2004? en recevant l'invitation j'ai cru qu'il s'était trompé de personne). J'ai découvert qu'il était très drôle, qu'il avait une façon touchante de douter de lui-même tout en pouvant être extrêmement catégorique. J'adorais discuter avec lui, il avait l'esprit vif et ironique, j'apprenais beaucoup, on s'amusait comme des fous (tout au moins moi. Lui je ne sais pas).

    On se disputait des nuits entières sur le forum à propos de fiscalité (ça emmerdait sans doute tout le monde), il m'a beaucoup appris sur la façon d'argumenter: au début je répondais à tout, je reprenais ses arguments, je répondais à chacun, avec bonne foi, en nuançant, en pesant le pour et le contre. L'honnêteté intellectuelle, quoi.
    Puis j'ai analysé sa façon de répondre et j'ai fait comme lui: avancer à la machette dans le discours de l'autre en ne répondant qu'à ce qui me convenait, en me moquant, en tournant en ridicule. C'était sanglant.
    Je pense que de l'extérieur personne ne pouvait comprendre qu'on s'entendait bien et que c'était un jeu intellectuel. Dans un sens ça m'a desservie dans les joutes amicales (sur FB par exemple) car je ne crois plus qu'à l'attaque enragée et personne n'a le cuir de Rémi pour encaisser cela, mais dans un autre sens ça me sert bien face à des adversaires. Je ne fais pas de quartiers et c'est plutôt amusant.

    Un jour il m'a fait plaisir en me disant à propos de RC: «Vous êtes sa seule lectrice».

    Tout cela s'est mal terminé. Il n'a jamais tenu qu'à RC. Il s'est servi de moi pour se réconcilier avec lui (je le savais, mais quand même…). Il a approuvé le soutien de RC à Marine Le Pen en mai 2012 en le justifiant par la fusillade de Mohamed Merah et la montée de l'antisémitisme. Je ne comprenais pas (je ne comprends toujours pas) comment quelqu'un d'aussi intelligent pouvait avoir aussi peu d'instinct moral (ce n'est pas rare, pourtant, mais en général, je ne croise pas ce genre de personnes, donc ça m'étonne toujours).
    Comme je tenais à lui, j'ai décidé de faire avec. On parlait d'autre chose.
    Puis, en bon avocat obsédé par la procédure, il a voulu que je censure quelque chose que j'avais écrit sur la SLRC, au prétexte que cela pouvait nuire à RC dans une procédure judiciaire en cours. J'ai refusé.

    Alors il a attendu la prochaine AG de la SLRC à laquelle je n'assistais pas (quatre mois plus tard, en janvier 2013). Il en a profité pour faire censurer le commentaire qui ne lui convenait pas. Il n'a pas eu l'élégance de me prévenir de cette soi-disant décision de l'AG (j'ai été prévenue par un mail automatique), il m'a menti en disant qu'il y avait eu vote à l'unanimité alors qu'il n'y avait pas eu de vote (je pense d'ailleurs que lors de l'AG personne ne savait de quoi il parlait, mais entre ceux qui l'aiment et ceux à qui il fait peur, personne ne s'oppose à lui).
    L'impolitesse et la brutalité du procédé m'ont fait sortir de mes gonds. Je l'ai pourri et on ne s'est plus parlé. Fin de l'histoire.

    Traces du temps - 3

    Du 16 au 22 novembre entre neuf et dix heures du matin, hors jeudi 19.

    arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre
    arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre


    Dernier train pour Busan. Une histoire de zombie pendant que je blogue. La Corée du sud ne porte pas les traders dans leur cœur. Sacrifice pour les autres ou chacun pour soi: les périodes de crise dévoilent les pulsions habituellement dissimulées — même s'il y a des indices même en périodes calmes.

    Le Marginal. Ce que je préfère, ce sont les voitures et les rues de Paris.
    L'héritier (Netflix enchaîne). Rien compris. Mais je fais autre chose en même temps.
    Peur sur la ville.

    Jean

    Jean est mort la nuit dernière.

    C'était un homme pieux, spécialiste de Claude Mauriac et grand diariste, à la fois lecteur et auteur de journal. Il lisait mon blog et ces deux dernières années, j'ai eu parfois des remords quand je n'écrivais pas parce que je savais qu'il attendait de mes nouvelles.
    Je luis avais promis de lire Le Temps immobile. Je n'ai pas tenu ma promesse, je n'en suis qu'à la moitié.

    En apprenant sa mort, j'ai repensé aux derniers mots de la femme d'Antoine: «Tout va bien se passer».

    Nous étions allés à Plieux en septembre 2010. J'aime beaucoup cette photo sur fond de champ moissonné. Je le protégeais du soleil pour qu'il puisse prendre des photos.

    Les gens qu’on aime : #18 quelqu’un qu’on a connu quand on était jeune

    Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr Caso: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qu'on a connu quand on était jeune.
    Ça c'est difficile. Il ne reste plus grand monde. De la primaire et le collège personne, sauf trois ou quatre personnes que j'ai retrouvées au lycée, allemand première langue oblige. J'ai conservé un moment des liens avec des amis du lycée. Nous avions même réussi à organiser les dix ans de notre bac, comme dans la chanson de Bruel, vingt-et-un élèves présents sur vingt-quatre.
    Mais c'était toujours moi qui prenais des nouvelles et envoyais des lettres la première, et quand sont arrivés les blogs et la SLRC, j'ai laissé tomber: s'ils voulaient conserver des liens, qu'ils écrivent, moi j'avais désormais à lire, des gens passionnants à suivre en toute gratuité.

    Plus tard, il y a cinq ou six ans, j'ai retrouvé Christine sur Facebook. Ça m'a fait bigrement plaisir car c'est quelqu'un d'adorable, le cœur sur la main.
    Elle détonne un peu parmi mes amis avec ses bougies et ses chatons mais ce n'est pas grave. On ne se parle pas vraiment, on se met des "j'aime" et des "cœurs", elle me tague sur des photos de cheval et d'aviron. Elle est du genre a faire circuler deux ou trois fois à un an d'intervalle la chaîne du "sang A négatif pour l'hôpital de Nantes". Dans ces cas-là je lui écris pour lui signaler que c'est un hoax.

    Je l'ai connue en seconde. Nous étions dans la même classe. Je ne sais plus très bien comment nous avons fait connaissance, je n'ai jamais été très liante IRL. L'équitation, peut-être, ou l'Afrique où elle aussi avait passé son enfance.
    Elle voulait être sage-femme. Elle a raté son bac mais réussi l'examen d'entrée à l'école des sages-femmes. A mon grand bonheur, elle a mis cette très belle photo sur Facebook.

    Christine en train de s'occuper d'un nouveau-né


    Aujourd'hui elle s'est reconvertie et tient un gîte dans les Pyrénées. L'un de mes souhaits très chers est d'aller la voir. J'ai cru y parvenir cet été, mais il aurait fallu des vacances plus longues. Ce sera plus facile après le covid.

    Mes nouvelles lunettes

    Mes lunettes dataient de décembre 2019.
    Elles ont été volées fin septembre, avec mon sac. Elles avaient moins de deux ans, donc je ne pouvais légalement me faire rembourser une nouvelle paire.
    Sauf si ma correction avait changé.
    Les opticiens sont si soucieux que votre paire vous soit remboursée qu'ils m'ont contrôlé la vue, trouvé un changement de correction et m'ont fabriqué des lunettes non selon l'ordonnance que je leur avais amenée mais selon la nouvelle correction.

    J'ai récupéré mes nouvelles lunettes aujourd'hui. Pour la première fois depuis des années, j'ai de parfaites lunettes pour lire. Il y a longtemps que les lignes d'un livre ne m'avait pas paru aussi nettes.

    Cependant ma paire précédente était une paire de "proximité", réglée pour que je puisse lire à l'écran.
    Ce n'est plus vrai avec la nouvelle.
    J'ai donc été obligée de reprendre ma vieille paire (la paire N-2 puisque la N a été volée et la N-1 perdue) pour travailler sur l'ordi.

    Soupir.

    Les gens qu’on aime : #17 quelqu’un qu’on n’a fréquenté que peu de temps

    Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr Caso: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un qu'on a fréquenté que peu de temps. J'ai cherché, car il y en a beaucoup, mais il faut prendre quelqu'un qu'on n'a pas oublié. J'ai choisi Rodolphe, parce qu'il est associé à de très bons souvenirs et que nous n'avons jamais réussi à vraiment l'apprivoiser, il est toujours resté distant.
    Nous l'avons fréquenté trois ou quatre mois, le temps qu'a duré le cours. Puis il a disparu de nos vies.

    J'aimais bien ses bouclettes et son côté mystérieux, très discret.

    Je ne suis pas exactement sûre de ce que je vais raconter. Il suivait les cours de Daniel Ferrer sur James Joyce avec nous. Il venait du Massif Central, et c'est par lui que j'ai appris que James Joyce y avait séjourné. Rodolphe venait-il de St-Gérand-le-Puy? Je ne me souviens plus. Je crois qu'il nous avait parlé de Lucia Joyce; à l'époque une recherche google avait donné un résultat, mais aujourd'hui beaucoup de blogs de 2010 ont disparu et le nom de Lucia Joyce mène désormais à une pièce de théâtre.
    Ou peut-être Rodolphe n'a-t-il pas parlé de Lucia mais de Stephen, le petit-fils qui aujourd'hui donne tant de fil à retrordre aux spécialistes (car il les empêche de travailler).


    Tlön, Rodolphe et moi- pause après un cours de Daniel Ferrer sur Joyce
    Rodolphe, mars 2010, entre Tlön et moi. Patrick photographe est présent par sa béquille.


    Les gens qu’on aime : #16 quelqu’un qui a les cheveux noirs

    Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

    Aujourd'hui, quelqu'un aux cheveux noirs. S'imposent aussitôt à mon esprit ma belle-sœur (épouse du frère de H.) et ma nièce, sa fille, Claire.
    Toutes les deux ont de magnifiques cheveux noirs, assortis à leurs yeux. Claire combine l'élégance, la gentillesse et l'intelligence.

    ma nièce aux cheveux noirs


    La photo date de 2012 : nous ne nous voyons pas souvent. Sans doute à cause de toutes ces qualités, ses parents ne tiennent pas à ce que les cousins se fréquentent, au grand regret d'O. qui aime beaucoup sa cousine qui a une semaine de moins que lui.

    Peut-être à tort, peut-être est-ce entièrement parano, mais j'ai l'impression que nous sommes méprisés parce que nos trois enfants ont planté leurs études alors que Claire a depuis toujours un parcours exceptionnel.

    En réalité je sais que cela n'a rien à voir, c'est beaucoup plus général. Le frère de H. a coupé les ponts avec toute sa famille; par exemple il ne vient jamais aux réunions de famille annuelles. Son père — mon beau-père — me fait de la peine. Chaque année son fils lui promet de venir, chaque année mon beau-père le croit, chaque année son fils décommande au dernier moment avec une excuse plus ou moins crédible, et mon beau-père l'excuse auprès du reste de la famille qui, elle, ne se fait pas d'illusion.

    Traces du temps - 2

    Du 9 au 15 novembre entre neuf et dix heures du matin, hors samedi 14. Les variations de couleurs en fonction de la lumière sont impressionnantes.
    Entre le 9 et le 10 il y a eu beaucoup de vent et le grand arbre de l'arrière-plan a perdu toutes ses feuilles en une nuit.
    Le 11 novembre il faisait un temps de 11 novembre.

    arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre
    arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre


    Passé la journée sur mon devoir wordpress. Je ne suis pas arrivée au bout, j'ai abandonné vers minuit. Demain je demanderai un délai jusqu'à mercredi.

    Les gens qu’on aime : #15 quelqu’un qui nous a donné quelque chose de précieux

    Puisque je lis Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…» (voir les commentaires du blog de CaSo : ses lecteurs y racontent directement leurs souvenirs sur le thème du jour).

    Aujourd'hui, quelqu'un qui nous a donné quelque chose de précieux: Bladsurb.

    Bladsurb m'a donné un livre de Péguy dédicacé par Barthes à sa grand-mère.

    livre Prières de Charles Péguy, collection catholique de Gallimard collection catholique de Gallimard


    Voilà comment Laurent m'a présenté ce précieux cadeau en DM sur Twitter:
    "Chez moi, il prend la poussière, et il n'intéresse personne dans la famille. C'est chez vous que j'ai vu le nom de Lacape, qui est le nom de jeune fille de ma grand-mère (et de sa soeur Andrée, chez qui Barthes jouait au piano dans les années 40) et je pense du coup que vous êtes plus à même que n'importe qui dans la famille de profiter des significations multiples de cette dédicace."

    Ma grand-tante Andrée Lacape était professeur de piano à Bayonne. Je ne sais plus (mais l'ai-je su ?) comment Barthes et elle ont fait connaissance, mais pendant une époque (quand il travaillait à Biarritz, ville voisine ...), il venait régulièrement chez elle jouer du piano et discuter. Alors même que Andrée était bossue et n'avait pas un physique facile, sa "liaison" avec un jeune professeur sans le sou ni avenir (et maladif qui plus est !) n'était pas vraiment bien vue par le reste de la famille. On ne sait pas quel était le deuxième livre (s'il était dans le même état et sans dédicace, il n'a sans doute pas survécu au passage des années et aux filtres multiples des déménagements et vidages de maison).


    Bonus: les suggestions musicales de Bladsurb pour Inkoktober.

    Les gens qu’on aime : #14 quelqu’un qui est un·e voisin·e

    Je ne connais pas Dr CaSo, mais quelques instants m'ont permis de comprendre que son pseudo est construit autour des noms de deux chats très aimés et disparus et d'apprendre qu'elle habite au Canada, où il fait encore plus nuit que chez nous.
    Pour lutter contre la morosité, elle a lancé un défi, un défi qui d'après le titre de son billet devrait porter sur les gens qu'on aime mais qui en fait se décline en «quelqu'un qui...»
    J'avais spontanément traduit «les gens qu'on aime» en «ami», mais finalement les gens qu'on aime ne sont pas toujours des amis, ou du moins on n'en sait rien, si ami implique une certaine réciprocité et une certaine loyauté.

    Dr Caso a établit une liste de trente personnes présentant trente caractéristiques. Il faut faire un billet chaque jour en fonction de la caractéristique du jour. Je pourrais commencer à 1 «quelqu’un qui habite loin», mais comme nous sommes le 14, je commence par «quelqu’un qui est un.e voisin.e», ce qui ne manque pas de sel pour ceux qui suivent mes dernières péripéties.

    Je ne vais pas avoir beaucoup de choix. Personne pendant mes années de collège et de lycée (je n'aimais pas spécialement la voisine — en fait il est bien possible que nous nous soyons détestées), personne en cité U où je faisais des études trop loin pour connaître qui que ce soit avec mes horaires décalées et dans la maison où je vis depuis vingt ans ça vient de tourner à la cata.

    Je vais jeter mon dévolu sur Gilbert.
    Lorsque nous sommes arrivés à Paris, nous avons trouvé un deux pièces au troisième étage à Aubervilliers, métro quatre chemins. Notre propriétaire était médecin à la retraite, il venait de céder son cabinet du premier étage à un jeune médecin juif, Gilbert A.

    C'était un juif comme je n'en connaissais pas, du genre à avoir une mezouzah à l'entrée (je ne savais pas ce que c'était), deux vaisselles, une pour le lait et une pour la viande (ceux que j'avais fréquentés au Maroc était beaucoup plus laxistes) et six enfants avant trente ans. Il était attentif, disponible, fatigué. Il recevait sans rendez-vous jusqu'à des heures impossibles, il nous téléphonait après le dernier patient pour que nous n'attendions pas dans la salle d'attente et nous descendions en pyjama les deux étages jusqu'à son cabinet.
    Il a beaucoup soigné C. que la pollution rendait malade — cela a joué sur notre exil en banlieue en dehors de la cuvette parisienne. Quand il n'était pas disponible j'avais sa femme au téléphone; avec ses six enfants elle avait toujours un conseil de bon sens à prodiguer à la primipare que j'étais.

    Gilbert est monté tous les soirs me faire une piqûre lors d'une terrible angine où il fallait changer les draps chaque nuit tant j'avais de fièvre.
    Chaque fois que l'hiver il fait très beau et très froid je pense à lui: il n'aimait pas ces jours-là, des jours à accidents graves de moto, m'avait-il dit. Il m'avait dit aussi, un jour que ses enfants étaient malades les uns après les autres: «c'est terrible d'être médecin dans ces cas-là. Ils vous regardent et ils ne comprennent pas que je ne puisse rien pour les guérir magiquement.»

    Il savait qu'il avait perdu de la clientèle parce qu'il était juif. Il m'avait fait rire en déclarant: «ce n'est pas grave, de toute façon je ne soigne pas les antisémites».

    Je viens de vérifier, il exerce toujours au même endroit. Je devrais lui faire signe, lui donner des nouvelles de C, prendre des nouvelles de sa famille.

    Cartons

    Nous avons reçu presque deux mètres cubes de cartons : deux fois cent, des petits et des grands. Ou plutôt des grands et des très grands. Six cartons par jour pendant trente jours, à partir du 15 novembre.

    Impatients, nous en avons fait trois ce soir et vidé les étagères des WC.

    étagère WC rouge vidée d'un carton

    Les cartons destinés aux livres nous laissent dubitatifs, ils nous paraissent trop grands et donc trop lourds.


    les trois premiers cartons du déménagement

    Enfin bon, laissons faire les professionnels.

    Complotiste

    J'appelle AC pour les quatorze ans de son dernier.
    Elle habite St-Brieux et est divorcée depuis deux ou trois ans. Elle me raconte que son ex — que nous connaissons bien — vire totalement complotiste. Il y avait des prémices, une tendance anti-vaccin. Maintenant qu'il ne travaille plus (dépression), il passe son temps à envoyer des liens sur le complot du Covid à l'ensemble de sa famille — et comme il n'y a pas de hasard, également des liens sur la fraude dont Trump est victime.
    En un mot, il s'est brouillé avec tout son entourage.

    — Je vais dîner chez lui ce soir pour fêter l'anniversaire avec les garçons. Il faut que je reste calme.
    — Il faudrait trouver un autre sujet de conversation. (Me souvenant qu'il est amateur de fruits de mer) Tiens, vous pourriez parler de la pêche aux coquilles Saint-Jacques, il paraît qu'elles sont très grosses cette année.
    — Est-ce que ce ne serait pas de la faute de Bill Gates ?

    H. tolstoïen

    Mark Hamill a twitté le visage des trois présidents Obama, Trump, Biden en reprenant les titres des trois StarWars originaux


    Mark Hamill (mauvais acteur mais twittos parfait) a twitté le visage des trois présidents Obama, Trump, Biden, en reprenant les titres des trois StarWars originaux.
    Cela enchante H. quand je le lui montre. Je l'interroge :
    — Et après, qu'est-ce qui se passe?
    — Comment ça, après?
    — Il n'y a pas de films qui se passent après, qui racontent la suite?
    — Ah oui… Ça se passe mal.
    Et comme je fais la moue:
    — Qu'est-ce que tu veux, sinon il n'y a pas de film.

    ***********************

    J'ai oublié de noter (c'est sans doute important pour la suite, donc je le note) que mardi Apple a présenté un microprocesseur révolutionnaire (H., ravi et estomaqué: «ils sont revenus aux sources de l'informatique!») qui embarque sa propre mémoire et sa propre carte graphique (si j'ai bien compris). C'est beaucoup plus puissant en consommant trois fois moins.
    Il est possible que les expérimentations aient été menés depuis des années à l'intérieur des iPhones dont les puces sont quasi inconnues. En fait, j'en suis à me demander pourquoi on ne se sert pas de nos téléphones comme ordinateurs : on plugguerait un clavier, un écran, une souris, et roule Mimile.

    ***********************

    J'ai craqué : je suis allée me commander de nouvelles lunettes. Suite au vol du 1er octobre, j'utilisais celles d'il y a trois ans mais je fatigue beaucoup trop.
    Une semaine d'attente.

    Manga

    Faire un régime strict en temps de confinement est plutôt déprimant. Pratique (on ne voit personne donc c'est plus facile), efficace, mais déprimant.

    Des graphiques sérieux et des analyses sur le covid et quelques sujets proches.
    Exemple:

    graphique de corrélation entre Covid et mesures gouvernementales- source qualitiso.com

    J'ai lu les deux premiers tomes de Death Note, un manga qu'O. m'avait recommandé. J'aime bien, le style est nerveux. Soit un carnet abandonné sur terre par un démon de la mort qui s'ennuie. Il suffit d'y écrire le nom de quelqu'un pour qu'il meurt. Il est trouvé par un lycéen qui décide d'éliminer le mal sur terre.

    Chacun cherche son chat

    Martin Hirsh, directeur de l'APHP, sur RTL :
    — …les gestes barrière… aérer… et son chat chez soi.
    — Pardon ?
    Silence
    — Son sha : solution hydroalcoolique. Pas son chat.



    —----------
    Il faut que je le note : première annonce d'un vaccin bientôt disponible.

    Les Français me fatiguent.
    Sondage en octobre par Ipsos.

    graphique présentant par pays les intentions de se faire vacciner


    Les jours se suivent

    Traduction d'une affichette trouvée sur FB:
    Jusqu'à nouvel ordre, les jours s'appelleront désormais ce jour-ci, ce jour-là, l'autre jour, un jour, hier, aujourd'hui et le jour d'après.

    Il a fait très beau, presque trop doux. Les blocs de graisse et la mangeoire sont arrivés aujourd'hui. Mais le rouge-gorge n'a pas semblé intéressé. (Tout cela est pour lui: une mangeoire stable, de la nourriture à base d'insectes.) Demain peut-être.



    —————
    Un annuaire des cabinets de recrutement.

    Traces du temps

    Du premier au sept novembre. J'ai oublié mercredi. La première est plus terne parce qu'il n'y avait pas de soleil.

    arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre
    arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre


    J'espère ne pas oublier les semaines à venir. Dernières photos.

    Mis à jour la version de PHP sur OVH toute seule comme une grande. (Il faut dire que d'habitude je me repose sur H.)

    Si vous voulez vous amuser, vous pouvez passer ce test, plus large qu'un test de personnalité. Attention, soyez au calme, la dernière partie porte sur de la logique. Le tout doit faire entre vingt et trente minutes.

    Des nouvelles du monde

    Joe Biden a gagné, c'est officiel et définitif. Nous avons eu en visio un Nathan ravi et épuisé, incapable de plus rien ressentir. Trois mois qu'il fait du porte-à-porte en Géorgie pour convaincre la population d'aller voter.
    Kalama Haaris est également un beau symbole.

    Nathan nous a parlé de ses amis au Danemark, cloîtrés, dans la crainte d'une mutation du virus qui remettrait en cause les vaccins en cours d'expérimentation. La lumière tremblotante au bout du tunnel est en train de sérieusement vaciller.

    Trump tweete: j'ai gagné de beaucoup (a lot)

    Trump tweete qu'il a gagné puis finit par aller jouer au golf.
    Twitter contredit le président en faisant remarquer que le décompte des voix n'est pas terminé au moment où ce tweet est publié. Peu de temps avant, des télé américaines ont interrompu la retransmission de discours trumpistes tant ils étaient violents. Tout le monde redoute un déchaînement de violence (les commerçants se barricadent comme devant les gilets jaunes) et les personnes raisonnables tentent d'apaiser les esprits.

    Misère sexuelle

    Les deux mensonges de la première saison de Glee me font interroger la quantité de «suspension d'incrédulité» attendue du téléspectateur:
    — une femme ment à son mari en prétendant être enceinte alors qu'elle ne l'est pas,
    — une ado fait croire à un garçon qu'elle est enceinte de lui parce qu'ils ont pris un bain ensemble dans une piscine chaude (un jacuzzi? ou what?)

    Dans quel monde cela est-il possible? Le premier ne touche jamais sa femme parce qu'elle est enceinte et donc il ne se rend pas compte que son ventre est faux; le deuxième, capitaine de l'équipe de foot américain, a des idées floues sur la conception, mais surtout, il continue à ne pas toucher sa copine (enfin, celle qui l'a élu père) après l'aveu.

    Nous sommes sérieusement censés croire ça? En 2009? Même dans une histoire pour ados, ça paraît difficile. A moins que l'Amérique adolescente obéisse aux mêmes tabous que l'Angleterre victorienne?

    Je repense à la femme qui a congelé ses bébés sans que personne ne se soit aperçu qu'elle était enceinte.
    Après tout, le scénario de la série est peut-être concevable.

    Le dernier automne

    Première gelée.

    Je tiens le compte des derniers jours passés dans cette maison.

    Nous attendons les résultats de l'élection américaine.

    Le début de la fin et le début du début

    Fini les camionnettes de location et l'appel aux copains: nous déménageons avec des déménageurs (à quoi l'on reconnaîtra que nous avons la flemme, des sous et que nous sommes des vieux kroums).

    Afin de demander un devis, j'avais fait une estimation grâce au simulateur en ligne: 80 mètres cubes. Le technico-commercial est passé: 83 mètres cubes. Je suis douée!
    Bref, l'entreprise livre des cartons le 12 ou le 13 et je commence à vider les étagères.


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    Je regarde Glee. Onze ans de retard.
    Jamais vu une histoire avec autant de menteurs (menteuses en l'occurence).

    La première fois que je me fais accuser de harcèlement

    Il y a quelques jours, samedi ou dimanche peut-être, certains ont voulu mettre en trending topic sur Twitter #grevegenerale. Ça m'a paru tellement débile (imaginons si les agriculteurs prenaient cela au mot) que j'ai twitté «j'espère que vous crèverez tous de faim #totalementinconscients».

    A mon sens c'était purement descriptif: si tout le monde arrête de travailler, c'est la famine assurée, de la même façon que si nous arrêtons toutes nos centrales nucléaires, nous allons avoir froid.


    Cependant, on peut être anarchiste et aimer l'ordre: j'ai été signalée pour harcèlement. Twitter m'a donné un choix digne des meilleurs instituteurs: je retire mon tweet ou je suis bloquée.
    Bloquez-moi, ce n'est pas tout à fait comme si Twitter comptait beaucoup dans ma vie. Et puis à l'époque des islamistes, c'est sûr que je suis la personne à surveiller.



               


    Le covid vu par un recruteur du secteur médico-social

    — Je suis étonnée, il y a toujours des postes à pourvoir. Je ne pensais pas que ça tournait, j'aurais pensé qu'une fois qu'on était en poste, on y restait.
    — Vous savez, c'est mécanique. Il y a six mille établissements en France, il y a toujours des postes, il y en a plus qu'il n'y a de candidats… Et puis en ce moment, il y en a qui quittent. [Petit sourire de celui qui s'excuse de dire des choses tristes] Il y a des administratifs qui se sentent en danger, il y a même des médecins et des infirmières qui s'en vont. Ils sont malades, ils ont peur d'être malades. Là j'ai un poste… ça faisait cinq mois qu'elle l'avait pris… elle est décédée. Dans un EHPAD il y a eu cinquante morts. On a beau avoir l'habitude...

    Démoralisant

    J'ai trouvé ça sur FB :

    on sera resté enfermé plus longtemps que Balkany

    Planning

    - Marcher une heure par jour. Nous ne l'avions pas fait en mars-avril, pas avant le mois de mai. Cette fois-ci nous sommes beaucoup plus à cran, avec la perspective du déménagement, les problèmes de voisinage (terme pudique) et mon ras-le-bol du boulot. Nous avons intérêt à défouler notre agressivité.

    - Perdre les kilos pris pendant le premier confinement. Je ne supporte plus mon visage de petit cochon. J'ai commandé de quoi suivre un régime hyper-protéiné. Je l'avais déjà fait à l'automne 2001. Ça marche — mais cela coupe du monde, c'est donc le bon moment. C'est pour H. que ça ne va pas être drôle.

    - Continuer à trier, quinze jours, jusqu'à recevoir nos cartons, le 13 ou 14 novembre. L'entreprise de déménagement va nous les livrer après passage du technico-commercial le 5 novembre pour évaluer le volume à déménager. J'ai maintenant mes classeurs et des papiers à trier, ce qui est plus douloureux que des objets. Et puis il y a "le placard secret" sous la soupente, rempli de documents.

    - Puis faire des cartons !

    - Suivre des MOOC. Sans doute suivre le cours de Gaël Giraud.

    - Peut-être bricoler les blogs, rattrapper des jours dans celui-ci et penser à de nouvelles formes pour l'autre.

    - Lire un livre par week-end, vieille utopie (évidemment, cela dépend beaucoup du livre)


    Point positif : nous avons moins à prendre garde de conserver une maison en ordre parfait puisque personne ne viendra visiter; point négatif, personne ne viendra la visiter.

    Le cinquième lit

    Je suis déprimée. C'est bizarre, ce second confinement est pourtant plus simple car je sais ce qu'il faut éviter (trop manger, ne pas travailler régulièrement mais par à-coups), mais il m'affecte. J'avais l'impression que nous nous étions tant appliqués, entre la distance conservée avec tous, enfants, parents, le masque, et la discipline de consommer local et français, pour aider les commerçants et les hôteliers. Tout bien du mieux de nos possibilités.

    «Ce n'est pas parce que vous êtes végétarien que le taureau ne vous chargera pas.»
    Rapporté par l'évêque d'Oran qui fut décapité.

    Hier nous avons acheté un lit — notre cinquième lit 1: le premier (d'un mètre vingt) en 1989, le deuxième en 1996 pour une largeur d'un mètre quarante, le troisième en 2017.
    Trois lits depuis 2017, c'est incroyable. Je ne me suis jamais habituée à celui à mémoire de forme; le suivant, l'actuel, est très bien — nous lui devons sans doute notre excellent confinement du printemps; le troisième, eh bien nous verrons, nous l'avons commandé hier: H. a décidé après cet été et quelques nuits à l'hôtel qu'il nous fallait un lit d'un mètre soixante de large. (Il y a longtemps que tous les lits de la maison mesurent deux mètres de long).

    Avec optimisme nous avons demandé une livraison en janvier à Moret (cela arrangeait la vendeuse que nous ne soyons pas pressés: il paraît qu'ils croûlent sous les commandes et les délais sont longs. Heureusement, si le magasin est fermé au public à partir de vendredi, cette fois-ci les livraisons restent autorisées durant le confinement).
    Ce pari sur l'avenir m'inquiète un peu: en mars dernier, cela ne nous a pas réussi d'essayer d'organiser notre anniversaire de mariage.
    Bast, nous verrons bien.
    Ce qui m'impressionne le plus, c'est notre opulence qui nous permet de commander deux lits la même année.



    Note
    1 : Soyons exact : le troisième et le quatrième n'étaient que des matelas. Pour le deuxième et le cinquième nous avons changé de sommier, évidemment.

    Courbes de mortalité sur cinquante ans

    Un twittos a tenté de comparer les chiffres de mortalité en tenant compte, par exemple, de la hausse de la population. Il explique sa méthode ici (déroulez le thread).



    Bleu pétrole le covid, violet la canicule de 2003, rouge la grippe de Hong-Kong de 1969.


    En regardant ces courbes, je me dis que ce serait une bonne façon d'introduire la notion d'intégrale en mathématique.


    Quant au podcast sur la grippe de Hong-Kong, il me rappelle la blague:
    — Comment va ta mère ?
    — Elle est morte.
    — Oh je suis désolé. Et de quoi?
    — De la grippe.
    — La grippe? Oh mais c'est pas grave!

    Le vent du boulet

    Vendredi, très négligemment, j'envoie un WhatsApp à Jérémy:
    — On pourrait prendre un pot avant ton départ si tu es dispo.
    — Essayons mercredi, pourquoi pas.

    J'ai appris ce soir qu'il partait demain. Quand je lui avais demandé de se voir avant son départ, c'était une demande générale, de principe, parce qu'il m'avait dit en juin qu'à la rentrée il retournerait à la Réunion pour un an. Je n'avais aucune idée de tomber si juste.

    ***

    Reconfinement pour un mois annoncé ce soir à vingt heures. Quatre semaines. Les fuites ont été si habilement orchestrées que tout le monde a agi aujourd'hui comme s'il vivait un dernier jour: queue pour acheter du café, queue devant le Loir dans la théière, queue au magasin Adidas.

    Reconfinement à partir de demain soir. Demain, distribuer le Canard d'Yerres, poster le cadeau d'anniversaire de A, renvoyer le bracelet montre pour l'échanger contre un plus petit, acheter des poudres protéinées pour cette fois-ci maigrir et non grossir, nous procurer des cartons pour préparer le déménagement (deux cartons chaque soir?).
    Des pièces remplies de cartons ça va être très moche. La perspective de vendre la maison s'éloigne. Je ne pensais pas si bien dire quand je disais que quoi qu'il arrive on la vendrait en avril, quand les roses fleuriraient.

    Que vais-je faire pendant quatre semaines? La dernière fois j'avais un mémoire de licence à écrire.
    Apprendre mon CV par cœur, finir la formation à Wordpress, migrer les trois mille billets de VS un par un?

    Une araignée au plafond

    Elle y est restée toute la journée, sur le pli entre le mur et le plafond (l'arête inversée: comment cela s'appelle-t-il?)
    Elle n'a pas bougé. Elle n'a pas fui la lumière, le bruit.


    Elle doit être affamée, il n'y a rien à manger dans cette maison une fois que les fenêtres sont fermées.



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    Hier tandis que nous allions à la Philharmonie, je musais qu'il y avait sans doute un certain ridicule à continuer à vivre comme si de rien n'était, mais aussi une certaine dignité.
    Je me souviens d'une anecdote lue au hasard dans un livre peut-être sur Londres, peut-être sur le Blitz, peut-être sur l'humour anglais: un journaliste prend un taxi pour traverser Londres durant un bombardement. Les bombes tombent autour de la voiture, poussière, sirènes, explosions. Arrivé à destination, le journaliste se tourne vers le chauffeur:
    — Nous avons eu de la chance.
    — Tout à fait, Sir. Tous les feux au vert, c'est rare.

    Je pense souvent à cette histoire et à ceux qui pensent frivole de ne pas avoir l'air catastrophé et sérieux quand le monde se délite autour de nous.



    Peut-être cette référence au Blitz paraît-elle étrange : c'est que le couvre-feu m'évoque Londres, sans doute à cause de lectures enfantines, Le Lion et la sorcière blanche et L'apprentie sorcière en bibliothèque rose, qui sont deux livres qui commencent avec des enfants évacués à la campagne pendant la guerre.

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    J'ai répondu à une annonce qui demandait de joindre au CV une vidéo de motivation d'une minute. Je me suis entraînée une semaine (une dizaine de vidéos), j'ai dû télécharger Chrome (ni Safari ni Firefox ne prenait en charge la vidéo) et finalement je me suis filmée, directement sur le site du recruteur comme requis.
    J'ai eu la satisfaction inattendue de recevoir un mail le soir-même.

    Les arts florissants

    Premier concert de la saison : jusqu'ici, soit ceux que nous avions prévus ont été annulés, soit ce sont nos places qui ont été annulées de façon à respecter l'écart entre les spectateurs.

    Concert à 18h30, nous dînons d'un sandwich debout devant la salle: pas l'heure de dîner avant, pas le temps de dîner après (il nous faut une heure pour rentrer).

    Cela valait les quarante kilomètres de déplacement et le masque permanent.
    Joseph Haydn, Symphonie n° 84 conduite par William Christie,
    Wolfgang Amadeus Mozart, Concerto pour piano n° 18 conduit du piano forte par un enchanteur Kristian Bezuidenhout (musicien que je découvrais ce soir).


    Kristian Bezuidenhout durant le rappel.

    La France qui se lève tôt

    Levés à cinq heures et quart, départ à jeun à six heures, arrivée à Antony à sept heures moins le quart. Dormi vingt minutes dans la voiture, rendez-vous chez le cardiologue à sept heures et demie, le tout organisé par l'assurance du Crédit Mutuel qui nous propose de réaliser ainsi gratuitement l'ensemble des examens qu'elle exige pour notre prêt immobilier, analyses de sang comprises.

    Nous sortons à huit et demie pour un petit déjeuner bien gagné.
    Café Les Sports à Antony. Jolie façade en briques vernissées. Est-il ouvert? Ce n'est pas clair. Le patron est en train de s'agiter parmi les chaises. Il nous voit:
    — C'est fermé, j'ouvre à neuf heures.
    Nous le regardons: — Hein?
    — Ne vous plaigniez pas, avant c'était dix heures.
    Nous rions: — On ne se plaint pas, on s'en va.


    Mine de rien, nous n'avons rien trouvé d'ouvert à Antony. Nous avons bu un café et mangé un croissant dans une boulangerie.

    Divi

    Je rattrappe mon retard dans la formation Wordpress. Journée sur Divi. Pas étonnant que tous les sites se ressemblent si nous adaptons tous les mêmes démos.
    Je ne comprends pas cette manie de mettre d'énormes photos en tête de page (genre FB, finalement). Cela obstrue la vue, ne permet pas d'avoir les idées claires sur ce qu'on lit. Pourquoi cette mise en page adoptée universellement ?

    Souci de bobo

    Quitté le bureau tôt (mais plus tard que prévu) avec deux objectifs: acheté du thé et prendre un café viennois chez Ladurée.

    Le premier objectif a été atteint sans problème.
    Je suis arrivée devant Ladurée (de la Madeleine) à six heures et quart. Une jeune serveuse m'a empêchée d'entrer : «Avec le couvre-feu, nous fermons à six heures.»
    — Le couvre-feu? Mais il est à neuf heures. Vous comptez large!
    — Désolée.

    J'espère que l'établissement ne bénéficie pas du chômage partiel, parce que franchement, ils n'ont juste pas envie de travailler.

    J'ai continué sous les arcades de Rivoli. Angelina, pour la première fois. Ouvert jusqu'à sept heures et quart. Le café viennois est moins bon (plus fort), mais au moins, j'ai pu en avoir un.


    —------------

    J'en reviens à davantage de gravité (j'aimerais l'éviter, j'aimerais par pudeur laisser cela dans les cales du blog, mais il me semble qu'il y a une obligation morale à publier ses convictions en ce moment).

    Belle interview ce matin de Fatiha Agag-Boudjahlat ce matin: « Beaucoup on écrit pour dire à quel point Samuel Paty était un prof formidable. Ben j'vais vous dire, même si c'était le pire des profs, il ne méritait pas ce sort.»

    Ouf, merci. Je ne supporte plus ça, je ne supporte plus que les victimes soient sur la défensive et doivent se justifier (Mila, Paty), je ne supporte plus les discours sur la liberté d'expression. On s'en fout. L'interdiction de meurtre est absolue, de violence physique aussi.

    Futur

    Déjeuné avec Domitille qui pourrait m'embaucher si ses projets se concrétisent.

    — Finalement, je vais avoir le même boulot que Mme Fillon. (Impossible de me souvenir de son nom tant je l'ai appelé Pénélope).
    — Non puisque toi tu vas travailler.

    A suivre.
    En attendant il faut que je me mette à jour.

    La prière du Notre-Père, aperçus psychologiques et psychanalystes

    Freud. Le père comme législateur (paternel) et protecteur (maternel).

    — Les indigènes racontent aux jésuites avoir vu la Vierge, mais uniquement après que les jésuites leur en aient parlé. Avant, ils ne voyaient pas la Vierge. Je ne crois pas à une religion "naturelle".

    Evidemment, vu comme ça, ça jette comme un doute (lol). La vidéo est ici.

    Les tisanes ne sont pas ce que vous croyez

    Je suis fan des tisanes Les 2 Marmottes, le fenouil, le thym et leurs noms délirants, 7e Ciel ou Peace Mémé.


    Mais tout de même, avoir pour slogan d'un coffret de tisanes «Eveillez votre instinct aventurier !»… Tu pousses le bouchon un peu trop loin, Maurice.

    Blanc

    Au moment de se coucher, H. a pris la mauvaise habitude de consulter les news sur son téléphone. (Et idem au réveil). Ça m'agace un peu, mais bon, c'est pas si grave.
    Et là, pendant que je me brosse les dents, il lit à voix haute : «un professeur d'histoire décapité devant son collège».

    J'ai eu un blanc.
    Ce n'est pas possible, j'ai mal compris. Devant les élèves? Avant les vacances? Ce n'est pas vrai.

    — Qu'est-ce que tu dis ?
    — Un professeur d'histoire décapité devant son collège.
    — … Mais… comment c'est possible ?

    Mais comment, concrètement? La hache, le sabre? C'est très difficile à faire. Comment c'est possible? Ce n'est pas vrai.

    Et je lui en ai voulu d'avoir lu ça avant de nous coucher. Je lui en ai voulu de l'avoir appris, si nous ne l'avions pas su, cela n'aurait pas été vrai.

    Pensée en vrille

    Je partage si bien l'opinion de Scholem : «Je m’efforce de profiter des vacances jusqu’au dernier moment pour terminer mon travail» que je me suis surprise aujourd'hui à penser qu’il fallait que je prenne des vacances pour avoir du temps pour rattraper mon retard au boulot.

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    Annonce d'un couvre-feu : plus personne dans les rues à partir de 21 heures en Ile-de-France et huit grandes villes.
    Et zut.

    Cocktail entre amies

    Ayant désormais abandonné l'idée de fêter un jour nos noces de perle, il ne nous reste plus qu'à boire les arrhes que nous avions versées. Nous avons donc prévu d'inviter nos amis par petits groupes.
    Le premier était les rameuses du huit mais toutes n'ont pas pu se libérer. Nous étions donc quatre ce soir pour un cours de cocktail, dont j'ai retenu qu'il faut deux doses d'alcool pour une dose de sucre et une d'acidité. Un mojito n'est jamais qu'un daïkiri allongé d'eau gazeuse. (Je goûterais bien un daïkiri).

    Concours de préparation de cocktails, gagné haut la main par Clarisse et Caroline.



    Nous avons ri et papoté. La fille de Caroline a eu le covid récemment et Caroline m'a donné une adresse pour O. qui n'arrive pas à se faire tester. Anne qui a une grande famille bretonne nous a raconté des mariages hallucinants: «mais la belle-famille n'avait pas assez d'argent et nous étions trois cents. Or la tente ne contenait que cent cinquante places, nous avons donc joué aux chaises musicales entre chaque plat…»

    Chose appréciable et curieuse, ces cocktails ne donnent pas mal à la tête. Sans doute une question d'équilibre.

    Nanterre

    Hier j'ai vu Patrick à Nanterre hier. Le quartier des assurances est construit sur l'ancien plus grand bidonville d'Europe.

    Max et les ferailleurs… Il faut reconnaître que Chaban-Delmas… quand ils ont commencé à construire la préfecture, ils se sont rendus compte que ça faisait désordre et ils ont relogés tout le monde. Pas déplacés, relogés.

    — Il faudrait retracer la chronologie, je ne sais plus très bien… La déstalinisation, avec les communistes français…
    — Ah oui, «ne pas désespérer Billancourt».
    — Ils ont débaptisé l'avenue Staline et ils l'ont renommée… Lénine! (Il rit.) Ils ont renommé la rue principale (rue de la gare? rue des berges? quelque chose du genre) rue Maurice Thorez. Et un jour… quand ça, vers 1973, 74? — enfin une nuit — toutes les plaques de rue ont été recourvertes par des affiches sur fond bleu bordées de vert, comme des plaques de rue, au nom de Soljetnitsyne! (Il rit.) Il fallait voir le lendemain les employés de rue en train de gratter…

    Nous marchons rue des Trois Fontanots.
    — Ici, je ne sais plus où, vers le parc, il y a un arbre, à la mémoire du bidonville.

    Je l'emmène voir les trois armoires de désherbage de la bibliothèque de mon entreprise. Elles ont été reremplies. Je trouve Le capitaine Fracasse en Classique Garnier relié, deux Tolkien des années 70 en grand format, un Toni Morrisson. Je lui conserve Dixie et il emporte… je ne sais plus exactement quoi.

    Couleurs

    Dans la formation Wordpress on nous fait jouer avec Coolors (appuyez sur la barre d'espace pour changer de palette).

    Ça me fascine. Si j'ai bien compris (source: H.), il y a 256x256x256 couleurs (système hexadécimal). Et le plus fascinant, c'est que chacune a un nom.
    C'est magnifique. 256 au cube noms de couleur.

    Ubu

    Je ne sais pas comment expliquer les événements.
    Depuis le 7 septembre, H. a reçu de la part de Tullius, associé à 1% dans la boîte de H. et à 11% dans une autre1, trois lettres recommandées et trois injonctions via huissier.

    Pour rappel, Tullius est président de cette autre société. L'investisseur principal a convoqué pour demain une AG extraordinaire pour le destituer. A la demande des avocats de cet associé, un huissier nommé par le tribunal de commerce y assistera afin d'éviter toute contestation ultérieure (car avec la destitution du président vient l'accès aux comptes bancaires: personne ne sait dans quel état ils sont depuis juillet).

    Tout était donc balisé. Jusqu'à huit heures du soir.
    A huit heures, alors que nous étions en train de regarder Mrs Maisel, un ami-associé téléphone: «Tu as vu les derniers mails de Tullius?»
    Tullius a envoyé cinq ou six mails, pour déclarer irrégulière l'AG de demain, réclamer huit cent mille euros à l'investisseur principal, annoncer qu'il démissionnerait le 14 octobre, nommerait un administrateur judiciaire (pour empêcher la nomination d'un autre président) et qu'il convoquait une AG ordinaire le 19 octobre (nous devrions recevoir la convocation par lettre recommandée).

    Coup de chaud, mails, appels, sms. Décision de ne pas céder à l'intimidation et de maintenir l'AG extraordinaire pour destituer Tullius.
    L'amusant — et c'est à ça que je voulais en venir — c'est que l'AG du 19 devra se tenir malgré tout — car elle aura été convoquée par un président en exercice même si le 19 il ne le sera plus — du moins nous l'espérons.



    Note
    1: Rappel : sept parts à 11,43% (dont H. et Tullius) et la huitième à 20% (l'investisseur principal)

    Disparate

    Moins j'écris moins j'écris. Forme de flemme, mais aussi mauvaise habitude d'écrire en regardant ou écoutant des vidéos ou des séries. Je me suis entichée de La fabuleuse Mrs Maisel que je regarde en boucle (Amazon prime) depuis trois semaines, pour les toilettes (mais que c'est joli, que c'est charmant), la musique, la folie douce, l'anglais très rapide, le féminisme et la politique américaine et internationale entre 1958 et 1960.
    Enfin, en boucle; même pas : je lance un épisode, je regarde au hasard.

    A Nanterre pour récupérer un téléphone pro tout neuf (tout est bloqué sur ce nouveau téléphone, je n'ai même pas accès à WhatsApp, ce qui pose quelques problèmes pour les groupes pro) et ramener à la maison l'ordinateur pro tout pourri qu'on m'a prêté en attendant une nouvelle bécane.

    Ce soir, deuxième session sur le Notre Père, avec une intéressante réflexion sur la prière récitée (est-ce la disparition de la présence humaine au cœur du machinal ou la foi en quelque chose qui travaille?)
    La première session est ici : le Notre Père, une prière chrétienne ? ).

    Et puis, je ne résiste pas au plaisir de l'évoquer pour permettre à mon plus fidèle ennemi de m'insulter in petto avec force et sincérité, j'ai assisté par zoom à ma première assemblée territoriale EM!
    Ce qui me frappe, c'est la représentativité en âges, en couleurs, en origines politiques et très souvent l'engagement de longue date dans des associations locale.

    O. est retourné à Paris : sans doute un rhume, mais ni le médecin ni lui n'ont voulu prendre de risques : il faut protéger H.
    Je soupçonne que ça arrangeait bien O.

    Vol

    H. me récupère vers 19h30 à Nanterre et nous décidons de dîner sur place: je l'emmène aux Gentlemen qui est mon restaurant de prédilection dans ce quartier.

    Bonne cuisine, fatigue, soucis. Masques. Les gens sont souriants et attentifs, j'ai toujours cette impression de «profitons pendant que c'est de nouveau possible, pendant que c'est encore possible».

    Quand nous arrivons à la voiture, je remarque du verre sur le trottoir. La petite vitre au niveau du rétroviseur a été cassé côté passager, le voleur a ouvert le coffre et emmené mon sac à dos que j'avais mis là, par flemme de porter le poids de mon ordinateur de bureau.

    J'ai dû être observée au moment où je l'ai fait. H. ne dit rien mais je sais qu'il pense: «combien de fois je t'ai dit de ne pas laisser ton sac dans la voiture». (Il faut dire que cela lui est déjà arrivé il y a des années, en Belgique, et qu'il avait fait tout le voyage du retour avec la lunette arrière fracassée.)

    Comme je ne suis pas une obsédée du téléphone, je viens de réussir à me faire voler mes deux téléphones, le pro et le perso, car je n'en avais pris aucun (pas de poche sur mes vêtements). Une clé de la maison, une carte bleue. Pas de papier d'identité, je me déplace très souvent sans, mais une carte navigo.

    Debout sur le trottoir je fais opposition à ma carte bleue. Nous fourrons des plastiques et torchons dans le trou de la vitre et nous rentrons.

    En arrivant H. remet le précédent barrillet sur la porte, celui qui ne permet pas d'ouvrir si une clé est restée dans la serrure de l'autre côté (c'est pour cela qu'on l'avait changé).

    Déception

    Mail reçu de la Philharmonie:
    Vous avez réservé une ou plusieurs place(s) pour le concert du Gewandhausorchester Leipzig dirigé par Andris Nelsons avec la participation d'Anne-Sophie Mutter programmé le vendredi 20 novembre 2020 à 20h30 en Grande salle Pierre Boulez – Philharmonie.

    Nous avons le regret de vous informer qu'en raison des difficultés que les orchestres connaissent actuellement pour circuler en Europe du fait de la crise sanitaire, nous sommes contraints de l’annuler.
    Je suis très déçue, je m'en faisais une telle joie.

    Vous pouvez écouter Anne-Sophie Mutter dans le concerto de Beethoven jusqu'au 13 décembre sur Arte.

    Caramba encore raté

    Une série de limitations annoncées ce soir : les bars fermés à partir de dix heures, pas de groupes de plus de dix personnes, plus de réunions publiques (qu'est-ce que c'est?), les clubs de sport fermés dans la petite couronne, les employeurs invités à favoriser le télétravail au maximum…

    Qu'est-ce qui va s'appliquer et comment ? le grec de demain soir, ça sera OK puisque les mesures prennent effet à partir de samedi ou dimanche, mais ensuite? les championnats de France d'aviron vétéran qui ont lieu ce week-end (pas pour moi!) auront-ils lieu? Et la coupe des dames à Angers le 18 octobre? Et ma salle de sport en Essonne, concernée ou pas? (normalement non). Et le témoignage sur la rédaction de mémoire que je devais apporter samedi devant une vingtaine d'élèves de huitième année pour dédramatiser, maintenu ou pas?

    Il est trop tôt pour avoir des réponses, mais cela va venir vite.

    Nous étions en train de réfléchir à la façon d'organiser nos trente ans de mariage éternellement remis. Nous aurions dû le faire en septembre, nous avons trop attendu.

    Ce soir c'était la rentrée de JRS France. Je n'y suis pas allée. Je n'ai plus envie d'avoir des contraintes. Je me sens égoïste. Et il faut vraiment que je me concentre sur le fait de changer de boulot.

    De plus en plus fort

    J'avais aimé le printemps 2017 pour la touche de folie de l'affaire Fillon; la certitude en se levant le matin et en ouvrant la radio qu'il y aurait quelque chose de neuf, d'inattendu, d'inimaginable (ah tiens, sa montre, ah oui, sa femme, et ses vestes, et des emplois fictifs pour son fils et sa fille, mais en payant moins sa fille, faut pas déconner avec le patriarcat, etc.) J'avais adoré qu'il gruge même son propre parti, le hashtag #rendslargent avait fait ma joie. Chaque jour une envie de rire d'incrédulité.

    Désormais j'ai l'impression de vivre quelque chose de cet ordre dans ma vraie vie à moi.
    Aujourd'hui, Tullius le voisin fourbe nous a envoyé un huissier pour présenter seize questions à H. Les questions, rédigées par un avocat (paraît-il, ce point ne me paraît pas clair), sont du genre «Êtes-vous actionnaire de la société X?», sachant que H. et le voisin en sont les seuls associés.
    — Dis donc, ça doit lui coûter une blinde.
    — Mais non, il fait payer la société Y. (dont H. et Tullius sont associés avec six autres personnes.)
    — Tu veux dire qu'il utilise l'argent de la société Y pour en attaquer l'un des associés? (sachant que l'associé principal et investisseur de Y est en train de mener la procédure nécessaire pour démettre le voisin de son poste de président de Y.).
    Finalement c'est autant Pettigrew (pour ceux qui connaissent Harry Potter) que Tullius Detritus (pour ceux qui connaissent La zizanie).

    Les deux frères qui voulaient vendre leurs parts de la société Y ont envoyé ce soir un mail aux six autres associés pour les prévenir qu'ils avaient adressé vendredi dernier au voisin président une lettre recommandée en ce sens.
    Il ne s'agissait donc pas d'une manœuvre de leur part — ils souhaitaient réellement vendre — et Tullius ne pourra pas faire comme si la lettre n'existait pas (ce qui était ma crainte s'il en était le seul destinataire).

    ***


    Visite de l'agente immobilière qui nous remercie (?!) d'avoir suivi ses conseils.
    Euh, si on fait appel à un pro plutôt que passer par De particuliers à particuliers, c'est bien pour suivre ses conseils, non?
    Elle est accompagnée par une consœur qui prend des photos et paraît elle-même intéressée pour acheter la maison. A suivre.

    ***


    Toute la journée sur la formation Wordpess financée par mon compte de formation. Ils ont une vision extrêmement rigoureuse des catégories et des tags. Il ne faudrait pas qu'ils voient le foutoir de mes blogs.
    Je me rends compte que sur mon site pro en Wordpress, j'ai mélangé le html, l'éditeur Gutemberg et le thème Divi. Sacrée salade qui ne va pas faciliter la formation de ma collaboratrice.

    Aide à la rédaction

    En 2017, H. a monté sa propre entreprise en prenant le voisin comme associé à hauteur de 1% (pour des raisons de statut personnel il ne voulait pas être seul associé).

    Par ailleurs, il fait partie des huit associés1 d'une entreprise plus ancienne (cinq ou six ans, j'en retrouverai la trace sur ce blog, je ne sais plus ce que j'avais écrit) qui associait H., le voisin et deux frères.
    Par bonté d'âme, démocratie, souci que chacun ait un rôle, à l'été 2019 le voisin a été nommé président de cette société afin de lui permettre d'avoir un rôle puiqu'il n'était ni investisseur, ni développeur, ni technico-commercial.
    Depuis que le voisin Tullius sème la zizanie, deux groupes se sont formés: d'une part H., deux amis de longue date et l'investisseur (qui paie les salaires des deux salariés et est associé majoritaire); d'autre part Tullius, un jeune développeur (l'un des deux salariés) et les deux frères.

    Il y a quelques jours, prenant acte de la folie dévastatrice du voisin, les frères ont téléphoné à H. pour dire qu'ils voulaient vendre leurs parts (11,43% chacun) selon ce que prévoyaient les statuts, c'est-à-dire qu'elles soient offertes à tous au prorata de leur détention actuelle. Ils demandaient à H. son aide pour rédiger la lettre nécessaire.

    C'est trop beau pour être vrai et nous nous demandons si c'est une manœuvre. Malgré tout, H. a dicté la lettre nécessaire — entièrement au téléphone, pas d'écrit. Nous sommes prêts à nier toute implication en cas d'accusation d'intimidation ou de manipulation ou de je ne sais quoi.
    Mais non nous ne sommes pas parano.



    Note
    1 : sept parts à 11,43% et la huitième à 20%

    La maison de poupée

    Résultat de quinze jours d'efforts. Je veux des applaudissements, des "oh" et des "ah".





    Avril / septembre.

    Il reste un tas à gauche dont je m'occupe dès que possible.

    Par un clic droit les photos s'ouvrent dans un nouvel onglet.

    Souvenirs argentés

    Pour vider le fond à droite (voir dimanche 30) il faut trouver une place pour mes boîtes à chapeaux. J'ai donc vidé le dessus du placard du couloir. Il s'y trouvait des objets oubliés, destinés à des cadeaux: des DVD (même Les Tontons flingueurs!), Ma Dalton, des puzzles, un harmonica et une méthode (qu'H. a voulu garder). Dans un carton se trouvaient des coupes et des verres qui dataient d'août 2000 (baptême d'O.) Bizarre, je pensais que c'était des brocs et des cendriers.

    Et il y avait des radios. Des radiographies. Je pensais m'en être débarrassée depuis longtemps. Des radios d'épaules, des radios de cortex, de dents, de mains. Avec des dates, ce qui me permet de mettre des dates précises sur des événements que j'étais incapable de resituer. J'en ferai des billets à l'occasion.

    Je les ai mises dans une enveloppe pour les donner à la recyclerie — s'ils les prennent. C'est très lourd.

    PS : encore une lettre recommandée — hélas la même qu'hier, sans doute un bug de la poste. Nous étions presque déçus.

    Journée variée

    - Explosé deux pneus sur un angle de trottoir en voulant éviter un type qui roulait au milieu de la route.

    - H. a reçu une lettre recommandée envoyée par le voisin fourbe. Il faut savoir qu'il y a deux ou trois ans H. a monté une boîte en lui demandant comme un service de prendre 1% des parts. Et donc aujourd'hui, H. a reçu une lettre recommandée qui lui réclamait les comptes 2018. J'aime tellement les dernières phrases que je les copie ici (fautes incluses) pour les conserver:
    L'ensemble de ces informations ayant dû m'être adressé par écrit, avant la tenue de chaque Assemblées Générales, ne perdez pas de temps à me répondre qu'ils sont consultables au siège de la société.
    A défaut de me transmettre ces éléments sous 15 jours, j'entamerais les suites judiciaires qui s'imposent.
    Le voisin (Tullius pour les intimes) paraît avoir oublié qu'il était présent lors de l'AG 2018 organisé dans les bureaux de l'expert-comptable. Bref, crise de rire dans l'après-mid avec le-dit expert-comptable.

    J'adore la tournure : «Ne perdez pas de temps à me répondre qu'ils sont consultables...»
    «Ne perdez pas de temps à me répondre...» comme «Ne perdez pas de temps pour acheter ces superbes chaussettes...»
    Quant au siège de la société... c'est la maison. J'aimerais tant lui répondre de venir — parce que je pense qu'il n'en aurait pas le courage et que l'exposition de la lâcheté a toujours quelque chose d'instructif (mais H. n'est pas joueur).

    - Comme j'ai reçu des mails pour la reprise des entraînements en huit, j'ai appelé Anne pour officialiser mon départ du club de Neuilly. Nous avons discuté pendant deux heures, uniquement d'aviron.

    Foyer

    Apparemment des animateurs de centre aéré ont été testés positif deux jours avant la rentrée (ne pouvait-on penser à les tester plus tôt?), ce qui fait qu'une école sera ou ne sera pas fermée.

    Sur ordre de la mairie, quatre-vingt-onze enfants devaient être testés lundi, mais la mairie n'avait pas prévenu le labo… qui n'avait pas assez de tests.

    ******


    PS : le crépi est en train de sécher, il blanchit. Il paraît qu'il foncera à chaque pluie pendant quelques mois car le produit est hydrofuge.

    Du jaune au gris

    En mars 1998 quand nous avons signé la promesse d'achat pour notre maison celle-ci était blanche. Le propriétaire s'est mis en tête de la repeindre avant son départ et — parce qu'il partait en Provence? — l'a repeinte en jaune.

    J'ai détesté cette couleur dès le premier instant mais nous n'avions pas d'argent pour repeindre la façade. La maison est donc restée jaune, ceux qui la connaissent le savent, ceux qui ne la connaissent pas mais ont mon adresse peuvent aller la contempler sur google Street view.

    Le ravalement a commencé. Je l'ai photographiée ce matin avant de partir: l'adieu à la maison jaune (le jaune est plus foncé que celui des vingt ans précédents : les ouvriers ont passé une sous-couche également jaune (!) pour faire tenir le crépi, d'où l'aspect inégal de la couleur. On voit également les restes couleur ciment d'une porte murée le premier été (2000) et jamais peints).

    Fatalitas ! Ce soir elle n'est pas blanche, mais grise. C'est laid, ça fait chantier.
    Bon, je devrais m'en fiche puisque je m'en vais.
    Mais ça me fait de la peine malgré tout. (Et puis d'un point de vue marketing, est-ce vendeur ?)

    Il paraît que ça devrait s'éclaircir en séchant.



    En écrivant ce post, je me rends compte que je suis vraiment inquiète: ça ne me plaît pas du tout.

    Les transports du futur

    Affiche à Nanterre préfecture.



    En fait les deux sont vrais: la voiture sans conducteur et le conducteur sans voiture.

    Ce qui est perturbant, c'est que lorsque je discute avec des jeunes et leur parle d'un monde où quasi plus personne n'aura de voiture personnelle, où les trains de courte distance auront disparu au profit de bus-navettes qui viendront vous chercher à domicile ou de ponts dont la signalisation changera entre le matin et le soir (le nombre de voies dans un sens et dans l'autre variera) en fonction des flux attendus, ils me regardent comme si j'étais folle et se détournent poliment. Cela m'est encore arrivé en juillet à jrs.
    Pourtant, ce sont eux les jeunes, ce sont eux l'avenir.

    Ils ont le même comportement que les vieux (comprendre: ceux de mon âge) quand je leur dis que la plupart de mes connaissances sont (ou furent) des blogueurs. Ils me donnent alors l'impression d'être une dangereuse anarchiste qui préfère la compagnie de gens qui n'existent pas à leur compagnie. (Je crois que ça les vexe).

    Adieux

    Je suis passée au CNF pour dire au revoir à Vincent et Claire et leur laisser une bouteille.
    C'était émouvant — mais je me rends compte au soulagement que j'en éprouve que c'était devenu trop lourd, entre la difficulté de venir de Nanterre le midi (un RER, un métro) et celle de retourner à La Défense le week-end (ce qui était stupide, j'en avais conscience, mais comment abandonner les rameuses du huit?)

    Finalement le virus aura eu raison de tout cela: plus personne ne parle du huit (personne ne s'est connecté sur l'application qui nous permettait de nous organiser, ne serait-ce que pour tenter de faire un quatre) et il est difficile de ramer le midi sans vestiaire donc sans douche.

    J'ai oublié de remercier Vincent pour tout ce qu'il m'a apporté depuis deux ans: j'ai beaucoup progressé, j'ai découvert des pans entiers de technique que j'ignorais. Il faudra que je lui envoie un sms.

    Bon, et maintenant, changer de boulot.

    Dimanche sans histoire

    Un quatre le matin. Je suis au quatre, qu'au CNF on appelle le un et qu'à Fontainebleau ils appellent la vigie.
    C'est joli.
    Toujours pas d'accès aux vestiaires. La fédération en autorise la réouverture, mais avec de telles contraintes d'espace (les célèbres quatre mètres carré) et de nettoyage que le club y a renoncé.

    J'ai trié un mètre carré (à vue de nez) de grenier: les posters, quelques planches, le sac destroy qu'on voit le long du radiateur, la radio-lecteur de DVD qui nous a accompagné dans la cuisine de longues années et qui va partir à la recyclerie. Le but est d'atteindre le fond à droite dans l'ombre de la photo, mais il faut se pencher dans les toiles d'araignée et je n'en ai pas envie.

    Les cartons blancs de ramettes de papier contiennent les décorations de Noël, le coffre en plastique vert des petites voitures en bon état. C'est fou tout ce bazar qui met le cerveau en échec. Qu'en faire? Donner, garder, jeter. Certaines choses paraissent si dérisoires qu'on n'ose même pas les jeter.
    Et puis avouons-le: je songe à Toy story 3 et au feu qui attend les ordures.
    Il y a longtemps que je sais qu'avoir de l'imagination est une malédiction.


    Photo panoramique prise à partir du seuil.

    Toujours pas grand chose

    Télétravail. Rapprochement de bases pour le boulot en re-regardant (donc d'un œil) Better Call Saul. C'est vraiment un personnage attachant, par sa gentillesse, son astuce et sa folie.

    Ce matin au lit avant de me lever je repensais à la question «Ce n'est pas trop dur de laisser la maison où les enfants ont grandi?» et je me disais «Non. Non au contraire. Parce qu'ils ne sont plus là.»

    Durant toutes ces années je savais en me levant en me couchant où était chacun dans la maison. J'entendais mentalement leur respiration, je les sentais vivre.
    La maison a beaucoup bougé ces dix dernières années. H. à Mulhouse ou Tours en semaine, C. en Suisse puis de retour avec Isa, A. puis O. en Allemagne, Deborah et Felix à la maison,… Chaque jour ou presque la maison respirait différemment.

    Il y a deux à trois ans, les grands sont partis, H. est revenu. En décembre O. est parti à son tour. En février l'arbre a été coupé. En mars le confinement a commencé.

    Le matin, le soir, la journée, je sentais les pièces vides, une impression de désert sous le vent. C'était quasi palpable. Personne ne respirait. Toute cette place pour nous… C'était à la fois trop grand et trop petit.

    Pas grand chose

    Lorsque les ouvriers ont attaqué le tour des fenêtres au karscher (décapage avant peinture), l'eau a dégouliné à l'intérieur du salon sur le mur repeint par eux-mêmes il y a un an.
    Plus de peur que de mal (il a fallu éponger un moment, le temps que les joints rendent toute l'eau), mais les ouvriers manquent de finesse, parfois. (Le vrai terme est: «quels bourrins!»)

    Pas grand chose. Journée au bureau à Nanterre. Roman africain, la blessure des deux guerres mondiales. Un aller au box (six cartons de poches, deux chaises). Resto "La Ferme", par flemme. C'est plein. Ça fait plaisir.

    Harcèlement

    Afin de pouvoir monter les échafaudages pour le ravalement, nous avons fait enlever deux tonnes et demie de pierres et gravats divers le long de la maison. (En volume c'est moins impressionnant, une vingtaine de brouettes.)

    H. a donné un coup de main aux ouvriers qui sont les mêmes que ceux qui ont travaillé dans la maison au printemps 2019. Je sais qu'ils nous aiment bien parce qu'on ne les regarde pas de haut. En conséquence ils bavardent beaucoup.
    J'en fais la remarque à H.
    — Si tu savais… Bernard m'a dit… «vous vous n'rendez pas compte m'sieur Duchmoll. Entre les hommes qui nous méprisent parce qu'on est des ouvriers et les bonnes femmes qui attendent juste que leur mec soit parti pour se faire sauter…»

    J'en suis restée comme deux ronds de flan.

    Deuxième tour

    Quatre de couple à Fontainebleau. Je ne peux pas dire que je commence à connaître du monde, d'une part à cause de la rotation des vacances qui fait que ce ne sont pas tous les mêmes qui sont là à chaque fois, d'autre part à cause des masques.
    Cette fois-ci nous sommes montés jusqu'à l'écluse de Champagne. J'apprends les règles de circulation sur le bassin.

    La peinture de la mezzanine a craquelé au-dessus des étagères à DVD. Sans doute une fuite cet hiver. Les ouvriers vont repeindre dans la semaine. Nous avons mis les DVD en carton et emmené les étagères dans le box. J'en aurai profité à peine six mois.

    Donné deux sacs de fringues à une voisine qui part deux semaines en Pologne dans sa famille. J'ai donné la robe que je portais pour le baptême de O. en août 2000, il y a vingt ans.

    Commencé à trier des petites voitures, des billes (que veulent conserver les enfants?). Jeté le contenu de trois classeurs de cours, de première, deuxième et troisième années de licence de théologie. Ils étaient bien rangés, j'ai dû passer du temps à les classer à un moment de ses six dernières années. J'ai eu le plaisir de retrouver ma dissertation de théologie fondamentale de fin de première année (juin 2012). J'en ai perdu le fichier informatique et je pensais ne jamais la revoir. J'avais totalement oublié en avoir un exemplaire papier. Je vais la scanner.
    Les classeurs vides iront à la ressourcerie. Comme dirait H., tout ce qui sera donné ou jeté ne sera pas à transporter.

    Box

    L'agente immobilière nous a demandé d'enlever quelques meubles du salon pour le faire paraître plus grand.
    Dans l'après-midi H. a loué un box de quatre mètres carré qui va servir de tampon entre la mise en vente de la maison et l'emménagement dans le loft.
    Nous avons fait un premier tour ce soir pour mettre de côté un fauteuil à bascule et le coffre à bois.

    Devenir Liz Taylor ou Simone Signoret

    Cela fait des années que je me bats avec mon poids.
    Je me demande si je ne vais pas laisser tomber.



    Allons, je vais recommencer l'entraînement d'ergo, ce sera toujours ça.
    La coupe des Dames est prévue pour le 18 octobre. Nous allons voir comment cela se passe à Fontainebleau. Aurai-je une place dans le bateau?

    Retour de vacances

    Marché. Trois ou quatre commerçants, au plus.
    Curage des canalisations évacuant l'eau de la cuisine. (Il y a eu un dégât des eaux pendant notre absence, le lave-vaisselle a refoulé, le plancher est légèrement gondolé. Zut.)
    Trois lessives, dont deux de draps.
    O. est revenu. Il était à St Tropez (ma chère), il nous raconte le festival du château de la Moutte où il travaillait à la comm et à la logistique. Il repart ce week-end pour Valloire. J'espère qu'il ne pleuvra pas demain, il faut laver du linge.

    Il fait chaud et lourd.

    This is Bryan

    Une heure de visite guidée du marais poitevin. Très impressionnant, très beau, très vert, très calme.



    Plus de huit mille kilomètres de canaux paraît-il. Il y a eu beaucoup d'anguilles ici, mais elles ont été surpêchées. L'hiver l'eau inonde les parcelles qui sont comme autant d'îles (autrefois à la belle saison on y déposait les vaches par barque). Au IIe avant JC, tout ce territoire était inondé (et c'est celui qu'a inondé la tempête Xinthya en 2010); il a été gagné sur la mer par le travail des moines de Maillezais et d'ailleurs. Conserver les canaux est un travail incessant: ils s'élargissent et s'embourbent, plusieurs associations et organismes de la région les curent et replantent des frênes pour maintenir les berges.
    Des portes destinées à évacuer l'eau donnent sur l'océan. Les vantaux forment une pointe qui avance vers la mer: quand la mer monte, elle bloque les portes, quand elle descend, l'eau du marais pousse les portes et se déverse dans la mer.
    La simplicité du dispositif m'enchante. J'aimerais voir ces portes.

    Repas près de l'eau sous la tonnelle. Nous contemplons l'adresse des jeunes gens dans les barques, pantalon gris et chemise blanche, qui orientent leur barque en tournant leur rame de quelques degrés. Nous piquons vingt minutes de roupillon à l'ombre d'un pommier avant d'être chassés: «Vous ne pouvez pas rester là, c'est la zone de décontamination des gilets» (qui pendent à l'air libre sous un hangar. On se croirait en pleine guerre nucléaire.)

    Visite guidée de l'abbaye, avec un guide plein d'allant dont l'anticléricalisme est digne de celui d'un instituteur de la 3e République.
    Lorsqu'il nous abandonne, nous nous installons sous le noyer derrière la nef. On est bien. Nous commençons nos recherches: il nous faut une chambre pour la nuit. Toujours la même erreur: l'été il ne faut pas s'y prendre au dernier moment le week-end, tout est réservé pour des mariages. L'hôtel le plus proche au sud est à Cognac.

    Allons il faut repartir. Une dame vient nous interroger à la recherche d'un doudou. J'espère qu'elle le retrouvera. Nous sortons. Achat de cartes postales. La boutique a beaucoup changé en deux ans, beaucoup plus de livres sur la vie monastique et pratiquement rien sur Rabelais.
    — Comment va ton genou?
    À ce moment-là je pense «il faudrait passer acheter de la glace» ce qui me mène à «M***! on a encore oublié le médicament dans le frigo de l'hôtel!» (Je jure que ce n'est pas un running gag destiné à vous faire rire ou soupirer.)
    Et donc demi-tour, retour à Fontenay-le-Comte. Il est presque six heures, il fait chaud, on commence à s'engueuler. Pause urgente: retour à Maillezais, diabolo-menthe sous la tonnelle, achat d'un couteau de poche pour découper notre pain d'épices.

    Nous repartons pour Cognac par les petites routes. Décapotable le long des canaux puis dans la forêt. Nous sommes seuls, la chaleur s'apaise dans le soir.
    Où dîner? Nous sommes au milieu de rien.
    Aulnay. Place Aristide Briand. Le café ferme. Le bistro à vin ne sert pas de casse-croûte: «mais à la sortie de la ville, vers la gauche, il y a des Anglais qui servent des plats».

    Relais d'Aulnay. Ils acceptent de nous servir si nous ne sommes pas pressés. Mais non, nous sommes prêts à tout pour avoir un dîner.
    Notre table est une bobine en bois pour enrouler des câbles posée sur le flanc.
    Chicken Pie. Onion rings. Mayonnaise. La nuit tombe, des leds s'allument.
    J'entends un chuitement genre Dark Vador. Je tourne la tête.
    — Oh, regarde !
    Je montre à Hervé une petite chouette perchée sur une chaise proche. Elle bouge la tête, s'agite mais ne s'envole pas. Un autre couple la remarque. La serveuse revient. Je chuchote:
    — Look, there is a bird.
    Elle se redresse et s'exclame: — Oh, this is Bryan!

    La petite chouette est venue un soir, la propriétaire lui a donné du saumon. Depuis, elle revient tous les soirs pour avoir son saumon.
    La serveuse lui en donne quelques bribes puis la petite chouette s'envole.



    Nous arrivons à Cognac tard dans la nuit.

    Un saut de puce

    De la même façon que j'ai emmené H. voir la maison de Clemenceau, je voulais lui faire découvrir l'abbaye de Maillezais.
    Lui avait flashé sur les marais. Il fallait s'inscrire. Au début il visait aujourd'hui midi, puis il a voulu réserver aujourd'hui fin de journée: coup de fil, c'est plein («la jauge»), ce sera demain onze heure.

    Comme je vais devoir changer de boulot («devoir»: envie paresseuse stimulée par l'achat du loft, à la fois parce que Moret est loin et parce que c'est un tel coup de cœur que je me dis que je dois profiter du boost au moral qu'il produit), je surfe un peu et apprends… la mort d'un ami perdu de vue depuis trente ans. Mort fin juillet 2016 d'un accident de montagne. Je googlais son nom de temps en temps, sans oser le contacter. Pas le même monde.

    Pendant qu'H. discute boulot (c'est très difficile ici: pas de wifi, pas d'ADSL, pratiquement pas de 3G ou 4G, sauf le matin quelques heures avant midi), j'organise le coffre.
    Riez, mais c'est un art. Notre hôte a deux cartons de vin pour nous (Morgon cuvée Assemblée nationale, on est snob ou pas). Nous lui avions dit que nous ne pourrions pas les prendre tant le coffre est petit, mais depuis que j'ai vu la taille de la maison, je me dis qu'on ne peut pas lui laisser les deux cartons: ça l'encombre. Donc je vide le coffre, installe un carton au fond, ouvre le deuxième et répartis les bouteilles dans le linge sale (pour ne pas qu'elles s'entrechoquent). Je remets les sacs de voyage par dessus, tasse le sac poubelle qu'H. utilise pour le linge sale. Ça m'agace car c'est encombrant, plus encombrant à mon sens que s'il mettait le sac poubelle dans son sac (est-ce logique (linge en boule) ou purement subjectif?)
    Je m'applique. Je termine par son oreiller (!) et son sac à dos. Le mien tiendra derrière mon siège puisque mes courtes jambes m'obligent à me rapprocher des pédales.
    Tout tient. Mission accomplie.

    Nous partons plus tard que prévu, traversons la forêt d'Olonne (sans les détours cela paraît court), déjeunons longuement dans un excellent restaurant aux Sables («Je voudrais manger du poisson». Il faut dire qu'en trois jours nous avons surtout consommé des pizzas à emporter).

    Au moment de remonter dans la voiture:
    — J'ai oublié mon médicament dans le frigo ce matin!
    Coup de fil, retour à Brétignolles. Récupération du médicament (de la trousse réfrigérée), re-traversée de la forêt, direction Maillezais.

    Nous arrivons à Fontenay-le-Comte en fin d'après-midi. Il a plu.



    Je pensais que nous ressortirions car j'avais de bons souvenirs de la ville. Las, H. est fatigué et souhaite dîner sur place.
    Il n'y a rien à reprocher au personnel très aimable du restaurant mais ne prenez pas de poulpe au chorizo : j'ai conseillé au serveur d'enlever ce plat de la carte.

    Bref, nous venons de perdre une journée de vacances. Dommage.

    Maison de Clemenceau

    Il a plu cette nuit, toujours pas de vent propice pour une débutante en voile (et puis il faut que cela coïncide avec la marée. Cette fois-ci le papotage se fait sérieux, discussion de boulot entre H. et notre hôte, à laquelle j'apporte mon grain de sel.
    Notre hôte a un point de vue intéressant, pour lui l'origine de la plupart des problèmes rencontrés est l'incompétence (et non la cupidité ou l'amour-propre, comme j'ai tendance à le penser).

    L'après-midi, visite de la maison Clemenceau que je voulais montrer à H. après ma visite il y a deux ans. Elle me plaît toujours dans sa simplicité.
    Nous ne sommes pas très nombreux, mais toutes les visites sont fastidieuses à cause de «la jauge» (j'aime la découverte du choix de vocabulaire: jamais à cours de barbarisme ou néologisme, mon entreprise dit «le capacitaire»), H. propose «le quota» — de la jauge, donc, de personnes admises à l'intérieur de la maison. (Masque obligatoire, bien sûr.)
    J'aime toujours autant cette maison et sa simplicité, le contraste entre la notoriété de l'homme et la modestie de sa demeure. Certains devraient en prendre de la graine.

    J'ai craqué et j'ai sorti la carte Michelin afin de contrecarrer la volonté wazienne de nous maintenir sur les routes sans feu. Cela nous a amené à beaucoup de détours puisque les routes de bord de mer se terminent souvent en impasse. Nous avons finalement réussi à traverser la forêt d'Olonne, bienvenue dans la chaleur.

    Le soir, récit des aventures du club de voile de Brétignolles. Notre hôte a l'art de se faire des ennemis. J'ai du mal à faire la différence entre l'école de voile et le club. L'un est municipal, l'autre une association. Y a-t-il besoin de deux structures?

    Des coques au chorizo

    L'idée était de travailler le matin (on a tous les trois du travail en retard — pour moi il s'agissait de "travail" qui n'a rien à voir avec le "boulot") et que j'apprenne des rudiments de voile l'après-midi.

    En réalité le matin nous avons beaucoup papoté (notre ami nous raconte le syndic de copro Foncia qui n'avait toujours pas ouvert la piscine au 15 juillet et distribue les procurations à ses amis lors des assemblées générales. Pouvoir de quelques barons locaux. C'est un montage compliqué, des syndics pour une centaine de maisonnettes puis un syndic de syndics. Je ne vais pas en dire plus, mais c'est politique, financier, spécial).

    L'après-midi il n'y avait pas assez de vent pour faire de la voile et nous nous sommes baignés (elle est froaaade).

    Le soir nous avons sortis la table derrière la maison; deux voisins en ont fait autant et nous avons partagé le repas. Nous avons beaucoup ri entre des Montargois (pas si loin de Moret) et des Anglais qui viennent ici depuis trente ans.

    Nous parlons de notre prochain déménagement. La Montargoise, mère de deux adolescents, questionne:
    — Ce n'est pas trop dur de laisser la maison où les enfants ont grandi?
    Je balbutie je ne sais quoi. Comment expliquer que ce qui paraissait impossible il y a deux mois est maintenant une évidence?

    Les Anglais avaient une lampe de camping géniale (je le note ici comme pense-bête) hélas en rupture de stock pour le moment.
    Au loin (très loin puisqu'on n'entendait pas le tonnerre) se dessinaient des éclairs roses et oranges.
    Je suis rentrée me coucher la première: j'avais un peu froid et j'étais ivre de fatigue (la baignade?)

    De Chinon à Brétignolles

    Deuxième petit déjeuner au Novotel de Blois.
    Je me demande comment ils font en absence de covid: la circulation des clients est-elle fluide? En temps de virus c'est la cata: l'espace buffet (avec frigo, plaques réfrigérantes ou chauffantes, machines à café, etc) est dans une petite pièce à l'entrée resserrée, nous sommes censés n'entrer qu'un par un en respectant le sens de circulation (ce qui n'arrive jamais, car nous avons toujours oublié quelque chose), ça bouchonne, les deux serveuses n'arrivent pas à apporter assez vite de nouvelles assiettes/tasses/œufs brouillés/crêpes, la queue déborde sur la salle à manger comble (et peu spacieuse), les clients qui attendent leur tour stagnent donc devant ceux attablés au petit déjeuner.
    Bref, le bordel, malgré (ou à cause de) la bonne volonté.

    Tout le monde paraît être descendu encore plus tôt qu'hier. Huit heures un dimanche de vacances. Sans doute à la recherche de fraîcheur. Je reste fascinée par tous les couples avec enfants entre quatre et onze ans qui paraissent «faire la Loire à vélo». Mais c'est surtout une insolation qu'ils vont faire!

    Passage par la maison pour récupérer une trousse de médicaments conservée au frigo et en route, direction Chinon.
    Visite (avec masque) du château de Chinon que je n'ai jamais vu. J'avais oublié que c'était ici que Jeanne d'Arc avait reconnu Louis VII dissimulé parmi les courtisans. Appli(cation) sur tablette vidéo qui permet de voir le château reconstitué (il faut bien avouer qu'il n'en reste pas grand chose). H. regarde de près, fait quelques tests et juge qu'elle est très bien faite («financée par le conseil régional: ça a dû coûter un bras»). Vue sur la Vienne. Impossible de me souvenir si j'ai ramé ici (en compétition le week-end). Derrière les arbres, dans l'enceinte du château, un peu à l'écart, il y a un café-buvette. Nous y déjeunons très agréablement loin de l'affluence.

    Parking. Nous décapotons. Un petit garçon de quatre ou cinq ans est en admiration: «Regarde maman!» Je lui propose de monter derrière le volant. Il n'ose pas. Nous partons.

    Il fait vraiment très chaud. Campagne française. Jardin de Maulévrier.



    Trace de l'exposition coloniale de 1900. Toujours la visite d'un jardin évoque l'urgence d'y revenir en une autre saison. Il faudra que nous le fassions, un jour. Prévoir, anticiper. Tout ce que nous ne faisons pas concernant nos vacances.
    Salon de thé sur les hauteurs (le récit des vacances comme une tournée des points de restauration). Nous admirons la diligence des serveurs dans la canicule. Thé et diabolo menthe. Quelques cartes postales.

    Cholet laid (zone industrielle). J'ai passé ici une semaine de stage d'aviron en 1981 (peut-être 1981).
    Nous nous arrêtons pour nous dégoudir les jambes le long d'un cours d'eau. Quelques pas le long du chemin, et nous arrivons au bord d'un étrange bâtiment, un cube noir de béton posé sur l'eau, accessible par une passerelle. Je traverse, pousse les portes lourdes.
    Ce n'est pas religieux, mais presque. C'est un mémorial, le mémorial du massacre des Lucs-sur-Boulogne (dont je n'ai jamais entendu parler, mais vu la date, février 1794, pas difficile de comprendre de quoi il s'agit). Je traverse les quatre salles sombres, dépouillées. Sur le seuil de l'entrée principale, une plaque de l'inauguration porte les noms de Villiers et … Soljenitsyne.

    Brétignoles. Nous sommes invités quelques jours par un ami d'H. dans sa maisonnette près de la mer, dans un lotissement de neuf cents maisons construits dans les années 70. C'est joli tout plein.



    Deux pièces, une devant, le salon, une derrière, la chambre. Au milieu le coin cuisine, salle de bain. Une mezzanine pour liliputiens, un mètre vingt au plus haut.
    Pizza dans le patio.
    Pas de moustique.
    J'évoque le mémorial vu cet après-midi. A ma grande surprise, notre hôte se révèle un fervent Vendéen, défenseur de l'œuvre de Villiers («pas de ses idées, mais il a fait des choses fantastiques pour la Vendée. Il n'est pas Vendéen, c'est sa femme. Par exemple, il voulait que le TGV aille aux Sables, pendant des années il a fait atteler une loco au frais du Conseil général, jusqu'à ce que la SNCF amène le TGV aux Sables. Et le Puy-du-Fou, il râfle tous les prix internationaux, même aux Etats-Unis. J'y vais tous les ans,…» (etc, etc)).
    Je ne m'attendais pas à un tel chauvinisme.
    Je trouve cela sympathique, mille fois plus que ma copine briochine qui passe son temps à médire de sa ville.

    Nuit. Nous devons dormir sur la mezzanine, juste sous les tuiles chauffées à 38° toute la journée. H. craque et va dormir à la belle étoile sur une chaise longue du patio.

    Anniversaire

    Nous fêtons l'anniversaire de mon père mais nous ne faisons plus de photos (nous le regretterons. Je ne sais pas pourquoi ils refusent (ou oublient) désormais de faire des photos).
    Ma tante D. et ma fille A. arrivent dans la matinée. L'ambiance devient plus électrique car elles sont très bavardes, avec comme conséquence que ma sœur se ferme. (Dommage. Nous nous parlons si peu que je suis avide des détails sur sa vie.)

    Toujours ce moment de gêne au moment où nous nous souvenons qu'il ne faut pas nous toucher alors que nous ne nous sommes pas vus depuis des mois. C'est étrange.

    Matinée à bloguer sur la terrasse. H. aide ma tante à résoudre un problème de connexion: comme elle utilisait la touche capslock au lieu de la touche majuscule, elle avait transformé sans le savoir un chiffre en caractère spécial; donc quand elle indiquait son mot de passe au technicien informatique censé l'aider, celui-ci n'arrivait pas à se connecter.
    Problème solved, mais je me demande comment elle aurait pu s'en rendre compte sans qu'on la voit, physiquement, taper son mot de passe.

    On écoute A. bavarder avec quelque chose de l'ordre du désespoir devant ses longs tunnels de conversation: impossible de le lui dire, impossible de lui expliquer qu'il faut laisser de la place aux autres, elle a toujours l'impression d'être brimée, qu'on lui coupe la parole, qu'on l'empêche de parler.
    Il faudrait enregistrer la conversation. Se rendrait-elle compte?

    A part, je lui pose quelques questions. Son lapin le plus âgé (lapine) est mort. Elle s'en veut. Elle a vu les symptômes mais n'a pas voulu déranger le véto le week-end.
    Je sais qu'on ne peut rien contre le remords, que lui dire que la lapine était âgée et arrivait en fin de vie ne sert à rien. Je suis désolée.

    Il fait chaud

    Nous sommes partis vers 15 heures. Journée noire de départ en vacances, c'est idiot, comment nous sommes-nous débrouillés? Recherche des routes en forêt, Milly, Malesherbes, vallée de l'Essonne, 38°, rien à faire il faut traverser la Beauce. Arrêt à Jargeau, ville très agréable, commerçante à l'ancienne, c'est-à-dire avec tout en centre ville.

    Ma sœur et ma filleule. Ma filleule me montre les basketts que je lui ai offertes pour ses vingt ans (ô le temps de la montre ou du stylo-plume), ma sœur m'a apporté mon cadeau de Noël: un parapluie samouraï. Il est magnifique. J'espère faire flipper les agents de sécurité du RER et des grands magasins.

    Apéro. Apparemment le virus a simplifié l'année de prise de fonction de ma sœur en tant que proviseur adjoint: elle n'a pas eu d'examens à organiser (une dizaine car elle est en lycée pro).
    Moi : — Et le bac en contrôle continu… Jamais je l'aurais eu comme ça.
    Ma sœur : — Il y en a plein. Il y en a plein qui ne fichent rien et comptent sur les épreuves finales.
    Ma mère : — Le contrôle continu, ça permet de descendre les élèves qu'on n'aime pas.
    Ma sœur, d'un ton égal : — Ça n'est pas professionnel.

    Nous dormons à l'hôtel, afin de faciliter la gestion des chambres et ne pas avoir trop chaud (éviter le Charybde et Scylla du «Il fait trop chaud. Ouvre la fenêtre. Y a des moustiques.»)

    Les impôts

    — Ah tiens, j'en ai profité pour aller payer les 55 euros d'impôts qu'ils me réclamaient. Tu sais, le truc que je ne peux pas régler moi-même par virement sans faire sauter tous les abonnements qui permettent à mon comptable de payer à ma place? Il y avait noté « Paiement par virement ou par carte bleue ». Et tu sais quoi?
    — ??
    — Ils n'ont pas de lecteur de carte bleue !
    — Lool ! Fais un chèque, on le postera en partant.
    — Surtout pas ! J'ai posé la question, le mec m'a dit qu'il ne fallait surtout pas faire ça. La perception est autant destinée aux particuliers qu'aux entreprises, les chèques sont tous encaissés sur le compte "particuliers", ceux qu'ils ne savent pas affecter — donc ceux des entreprises — sont mis en compte d'attente et toi, tu continues à recevoir des relances.

    Impressions

    Au sens propre : j'ai passé la journée au bureau à Nanterre à imprimer des documents, pour les assurés, l'ACPR, le commissaire aux comptes.
    Canicule.
    J'ai lancé sur mon téléphone la saison 2 d'Hindafing. Les situations sont à la limite de trop exagérer pour ne pas lasser, mais c'est parfois si stupide que ça fait rire, et le héros est attachant. Comme c'est en français (Arte oblige), je suis tout cela d'un œil, ce n'est pas le genre de séries qui demande beaucoup de concentration.

    Journée bien remplie

    Un saut à Moret dans l'après-midi pour faire signer un avenant à la promesse de vente. Dans notre grand optimisme nous avions prévu de passer devant le notaire le 4 août pour verser 7% du prix: je ne serai tranquille qu'une fois que nous aurons donné de l'argent pour officialiser nos engagements réciproques. Las, il faut que les diagnostics (thermique, inondation, Carrez,… il y en a dix) soient à jour or ceux du vendeur datent de 2008: la signature est donc repoussée à septembre et nous, procéduriers peut-être mais surtout échaudés, nous venons faire signer un avenant officialisant le déplacement de la date. «Courant septembre» est la formulation souple retenue.

    Je revois le loft avec plaisir, tout est une question d’équilibre entre se projeter et ne pas faire preuve d’ubris… La dernière fois, il me plaisait tant que j’avais fait attention à ne pas trop regarder, ne pas trop m’attacher, car je ne savais pas ce qu’en pensait H, aujourd’hui je regarde les détails en essayant d’imaginer nos meubles. Jamais toutes nos affaires ne tiendront, c’est une évidence. Trier, donner, jeter. Je songe au vieux monsieur de Là-haut («Monsieur Fredericksen»): c'est la condition pour un nouveau départ.
    Le dernier étage qui sera mon fief est magnifique, lumineux, c’est une merveille.

    Le propriétaire nous a également proposé de nous vendre des meubles. Nous faisons la liste de ce qui nous plaît, il va faire une évaluation — mais il parle de meubles signés, je suis persuadée que cela sera trop cher pour nous.

    Retour. Forêt de Fontainebleau, écurie. Pour la première fois je me dis que j'ai envie de remonter à cheval.
    Supermarché : c’est la première fois que H. y remet les pieds depuis le confinement et retour à la maison. Il fait très chaud.

    Tard dans la nuit je boucle le dossier ACPR qui aurait dû être rendu le 30 juin. Je n’avais pas connaissance de cette date dérogatoire (normalement c’est le 30 avril), mais depuis que mon boss est parti en vacances l’année dernière pendant mon opération du pied sans respecter aucune des échéances (je lui avais tout préparé, il n’avait plus qu’à envoyer — sa prédécesseur serait morte sur place plutôt qu’agir ainsi), je n’ai plus de scrupule. A quoi bon être plus consciencieux que sa hiérarchie?

    Je découvre ahurie des photos de l'explosion au Liban.

    La constellation des livres

    Une amie a posté cet article sur FB: L’intérêt de posséder plus de livres que vous ne pouvez en lire.

    L'article a l'air de supposer que tous les livres contiennent de la connaissance. C'est tout à fait faux. Il y en a quand même beaucoup qui sont des non-livres qui ne devraient même pas exister.

    Sinon, posséder plus de livres que je ne peux en lire ne me fait pas culpabiliser : la présence de livres m'apaise. Je les vois, je vais mieux.

    Qui ici se souvient des étoiles quand on les voyait encore? Le jeu consistait à regarder entre deux étoiles jusqu'à l'oeil en discerne une nouvelle et de recommencer, et toujours une nouvelle étoile apparaissait et la nuit se creusait et plus on trouvait d'étoiles plus le noir s'approfondissait, c'était vertigineux et c'était bien.

    Les bibliothèques me font le même effet. Que je passe devant, je sens la présence d'un monde sous chaque couverture, monde de la diégèse mais aussi monde de l'auteur qui s'est assis à sa table pour écrire, et sur l'étagère une multitude de mondes repose, et d'étagère en étagère ils se multiplient.
    Je contemple des galaxies.

    A vendre

    Choc en arrivant à JRS ce matin : pas de petit déjeuner, tout le monde porte un masque qu'il faudra garder même pendant les cours. C'est la conséquence du discours présidentiel, c'est cela ou l'école d'été s'interrompt.

    Aujourd'hui j'ai davantage d'élèves, un journaliste syrien, un Afghan qui aime la cuisine et est passé par la Russie, des Iraniens. Je fais cours avec Paul, un baby-jéz (jésuite en cours de formation) qui vient de Côte d'Ivoire.
    Celui qui est passé par la Russie (et donc parle russe) posera une question qui me laissera interdite: comment faire pour rencontrer des filles en France?
    — En Russie c'était facile, on allait dans les bars. Mais ici, tout le monde reste en groupe.1
    — Je ne suis pas la bonne personne à qui poser cette question. Je n'ai jamais fait ça, je me suis mariée à dix-neuf ans (ce qui est faux au sens strict, mais vrai sur le fond: j'ai simplifié). A mon avis il vaut mieux choisir un hobby, la musique ou le sport… mais ça coûte de l'argent, il faut s'inscrire en club. Attention, si vous choisissez la religion et que vous êtes musulman, renseignez-vous. Faites attention à l'imam que vous choisissez. Jamais vous n'aurez vos papiers si vous fréquentez une mosquée fondamentaliste. Si vous ne savez pas, demandez ici, ils vous renseigneront.

    Le sujet du jour ne m'inspire pas beaucoup, il s'agit de l'actualité. J'ai découvert avec étonnement les ressources proposées: TV5 et RFI.
    Nous visualisons un journal télévisé de trois minutes, nous voyons le vocabulaire. C'est compliqué avec le masque.

    Je repère un reportage de trois minutes sur Louis de Funès. Je n'aime pas beaucoup les mimiques de cet acteur, ses exagérations me gênent, et j'ai été très surprise de son succès pendant le confinement qui a mené à la rediffusion de beaucoup de ses films.
    Je lance la vidéo. Parmi les extraits se trouve un extrait de Rabbi Jacob que je prends le parti de commenter, car je sais que le sujet juif est sensible pour beaucoup d'entre eux. Il me semble important de les sensibiliser à la façon occidentale d'envisager les choses.
    — Comment, Salomon, vous êtes juif? Ça ne fait rien, je vous garde quand même.
    Je leur demande ce qu'ils en pensent. Seule Ndeye, qui est en France depuis longtemps, dit que c'est raciste.
    — Oui. Je ne pense pas qu'on le dirait aujourd'hui. En fait il y a plusieurs niveaux dans ces phrases. «Salomon» est un prénom très juif, personne en France dans les années 70 n'appellerait son fils Salomon sans être juif. Donc le patron n'a pas fait l'association, ce qui peut s'interpréter de deux façons: soit il ne fait absolument pas attention à son chauffeur, soit le fait d'être juif a si peu dimportance pour lui qu'il n'y pense jamais. La deuxième partie de la phrase est plus proche de l'antisémitisme: «je vous garde quand même», comme si le fait d'être juif avait pu être une raison valable de licencier son chauffeur. A l'époque, en 1970, ça faisait rire parce que tout le monde savait que c'était de l'humour, qu'être juif n'était pas une raison pour être licencié. Aujourd'hui c'est devenu compliqué, certains sont capables de ne pas voir l'humour, car le fait que ce ne soit pas une raison de licenciement n'est plus évident pour tout le monde.

    Je reprends mon souffle. Je les regarde, juste les yeux au-dessus des masques. Je parle trop mais ça me paraît si important s'ils regardent la télé et tombent sur les manifs pro-Traoré.
    — C'est devenu compliqué en France, il faut faire attention. Quand vous voyez des manifs pour un noir mort pendant une arrestation, vous pensez quoi?
    — Que c'est une manif contre le racisme?
    — Oui. Mais dans la même manif, il peut y avoir des pancartes contre les juifs. Donc c'est de l'antiracisme sélectif, pas universel. Donc il faut faire très attention quand on veut soutenir une cause en France. Il faut bien regarder qui soutient qui.

    *****

    Repas avec ma collaboratrice. Nous ne nous sommes pas vues depuis mars. Je lui ai donné rendez-vous au restaurant pour papoter également de sujets perso, famille, vacances, etc. Team time. Je ne lui dis pas que je vais déménager. Je n'y crois pas encore complètement.

    *****

    La pipelette de ce soir-là est agente immobilière. Elle est passée faire une estimation de la maison. L'intérieur lui a beaucoup plu, sauf le salon qu'elle trouve étriqué.
    Il va falloir repeindre la façade. Moi qui ai toujours détesté la couleur jaune de ma maison, je vais la quitter quand elle sera blanche.
    Nous mettrons en vente dès qu'elle sera repeinte. L'agente pense pouvoir vendre rapidement. Il paraît que depuis le confinement les Parisiens fuient Paris.

    *****

    Le soir je prends le train pour Moret. C'est un test. C'est un peu plus long mais c'est CLIMATISÉ. Et propre. Et vide. Sacrées différences par rapport au RER D. Reste à savoir si les rames sont à l'heure. Le pari, c'est aussi la poursuite du télé-travail, et surtout le changement de boulot. Adieu Nanterre Préfecture.

    Je rejoins H. et les deux enfants venus prendre les mesures de l'appartement pour commencer à imaginer où placer nos meubles (et savoir de quoi il nous faut nous débarrasser). H. a également apporté une promesse d'achat. L'idée de laisser un chèque d'engagement nous a fait traiter de fous par l'agente immobilière: «vous lui avez demandé sa carte d'identité? Vous êtes sûrs qu'il est propriétaire? L'argent doit toujours passer par un notaire!»
    Bon, bon. (J'ai repensé au type qui avait vendu la Tour Eiffel).

    Le "propriétaire" (noté SB par la suite) nous a recommandé le restaurant des Lys à Moret. (Nous lui avions demandé des adresses, que ce soit pour une cantine de tous les jours ou un événement à fêter.) C'est délicieux. Nous en profitons pour fêter l'anniversaire de H. qui est tombé en avril.



    Note
    1 : La société russe serait-elle plus ouverte que la société française? J'ai posé la question à H. qui met cela sur le compte de la disparition des classes populaires: «Les gens de la classe moyenne restent chez eux ou restent entre eux, ils ne vont pas papoter au café.»

    Retenir son souffle

    Hier, le propriétaire du loft nous avait proposé une visite à dix heures et demie ce matin. Nous avions donc l'adresse et nous y étions passés: points positifs, nettement hors de la zone inondable et une immense glycine au-dessus du portail; points négatifs (observés à travers la fente de la boîte aux lettres car les murs et le portail forment une barrière infranchissable) des coulures sur le crépis, des rideaux comme des haillons pour protéger les immenses vitres du soleil et un jardin minuscule.

    C'est donc sans un espoir démesuré et avec un certain fatalisme que nous allions visiter.
    Masques, gel, j'ai oublié de préciser hier que tout cela est de mise.
    Le propriétaire a le look hipster du Marais, des tatouages tahitiens sur les mollets (le hipster porte-t-il un pantacourt? je m'y perds) et une voix douce très agréable genre Matoo (pour ceux qui connaissent). Il est aussi aimable et positif qu'au téléphone.

    Le jardin est effectivement très petit. Il m'avait prévenu qu'il y avait installé une terrasse en bois et un salon de jardin qui mangeaient la moitié de la surface. En fait c'est parfait: le plaisir d'être dehors protégé par de hauts murs, une glycine, une vigne vierge sur le pignon mitoyen qui monte très haut sans l'obligation d'entretenir une pelouse (ouf!).

    La déco du rez-de-chaussée est à couper le souffle dans son homogénéité, sur le thème de New York et Philadelphie, des meubles en métal foncé qui répondent aux poutres en acier (c'est un ancien magasin de meubles). Billard à la feutrine bleue, carrelage sombre, éclairage type industriel. Beaucoup de disques, rock grande époque. Toute la difficulté est de vider mentalement la pièce pour y visualiser notre bazar, ce qui en changera(it) fatalement le style et le charme1. Les murs sont-ils suffisamment longs pour accueillir les bibliothèques? (de façon générale, au-delà des grandes du salon, y aura-t-il assez de murs dans l'ensemble du bâtiment pour mettre les bibliothèques variées?).
    Le propriétaire explique qu'il n'utilise pas les radiateurs (ce qui permet de mettre des meubles devant) mais qu'il se chauffe avec le poêle (une stère de bois par an).
    Pourrions-nous réellement vivre ici, cela paraît petit (d'ailleurs H. remet en cause la surface, ce qui conduit à des mesures); pourrions-nous réellement vivre ici, ne risquons-nous pas d'en dénaturer l'esprit? C'est si beau qu'on voudrait tout conserver en l'état.

    Premier étage. Escalier sans rambarde, simples planches le long d'une poutrelle inclinée. Grand dressing, immense salle de bain (l'équivalent d'un studio à Paris, quinze à ving mètres carré) dans les vert émeraude, le reste en chambre bureau salon. Vus de l'intérieur, les rideaux que j'ai qualifiés de haillons sont ordinaires, normaux.
    Plancher. Plancher épais, d'origine, des planches, chaud, brillant.
    Je sens le bois sous mes pieds (pieds nus pour ne pas salir). Je regarde les poutres.
    Le plancher emporte ma décision. Je veux vivre ici.
    Mais H. a-t-il le même sentiment? Il est ailleurs en train de discuter d'autre chose (vraiment pas la même ambiance que dans "l'imprimerie". Pourtant il y aurait bien plus à voler ici). Je ne peux pas croiser son regard, et si je le croise, comment transmettre mon souhait, mon désir, mon emballement, sans trahir mon engouement devant le propriétaire?
    Je n'ose plus rien regarder. Je ne veux pas m'attacher. Au cas où cet endroit m'échappe, où H. soit tiède, je ne veux pas que le regret soit trop profond.
    Dernier étage, ce qui sera(it) "mon" étage (l'endroit le plus chaud et le plus bas de plafond (je suis la plus petite), mais aussi le plus lumineux. Le plancher est le même. Je regarde sans regarder. Ce serait ici, ce serait parfait. Pour moi, «une chambre à soi». Regarder vite, comme à travers mes doigts, ne pas trop regarder, ne pas s'attacher.

    Rez-de-chaussée, terrasse, café. H. me regarde, murmure «on le prend?». Je secoue la tête affirmativement, imperceptiblement. Soulagement trop fort pour ne pas ne pas avoir peur de l'exprimer.
    H. se tourne vers le propriétaire: «c'est bon, on le prend.»
    Discussion pratique. Nous voulons laisser un dépôt de garantie; pour moi seul l'argent garantit que le propriétaire ne vende à un plus offrant (Crainte injustifiée: j'apprendrai plus tard que lorsqu'un vendeur annonce un prix, il ne peut pas accepter une offre supérieure à ce prix si une offre faite au prix affiché a déjà été faite.) Le propriétaire nous rassure, nous dit qu'il croit à notre parole. J'aurais tendance à lui faire confiance, mais je fais si facilement confiance que c'est de moi que je me méfie.

    Plus tard, nous apprendrons qu'il a eu plus de cinq cents contacts via PAP (de Particulier à Particulier)2. Il a eu des propositions, mais toujours en dessous du prix de mise en vente. Nous sommes les premiers à ne pas avoir marchandé. (Ouf!)


    Itteville chez nos amis. Ils sont l'une des raisons pour lesquelles nous avons choisi le sud: H. risque de travailler de plus en plus souvent avec lui.
    J'ai bien peur que nous ayons monopolisé la conversation avec notre enthousiasme.
    Ils nous ont donné les coordonnées de leur copine agent immobilier à Yerres. Nous comptons sur elle pour l'évaluation et la vente.




    Notes
    1 : Notre bazar a-t-il du charme? Question que je n'ose poser à voix haute tant je redoute la réponse.
    2 : Comment rester aussi aimable après cinq cents contacts?

    Des visites

    Hier je dissertais sur l'aviron:
    — Je serais bien retourner à Melun, ils sont vraiment sympa, je me sens bien dans ce club. Mais ils ont si peu de matériel pour les loisirs que ç'en est décourageant. A Neuilly le matos est formidable mais je ne me sens pas à ma place, on n'a pas grand chose en commun.
    — Tu sais, il n'y a pas de miracle. Soit le club est sympa et il n'y a pas d'argent, soit il y a du matériel et les rameurs ne nous correspondent pas exactement.
    Ah. Oui, c'est logique. Je n'avais jamais envisagé cela sous cet angle.

    Premier contact avec le club quai des plâtreries à Samois. Je suis intégrée d'autorité à un huit de pointe. Je suis surprise de la discipline dans le bateau: ça ne discute pas, les exercices sont de bon niveau, au carré à quatre, six puis huit rameurs; ça "passe" alors que nous n'y arrivons pas avec notre huit de couple1. Le bassin est magnifique. Nous passons au ras du château de la Rivière dont nous avions cru une aile en vente.
    Retour. Laver le bateau, le rentrer. Repérer les coutumes de ce club, la façon de ranger les pelles, de porter la coque. Nous avons tous un masque, c'est compliqué pour un premier contact.

    Pour faire suite à la discussion d'hier et bitcher un peu, je dirai que la différence entre ici et Neuilly, c'est qu'à Neuilly ils vont en vacances en Corse; ici, d'après les conversations surprises, c'est plutôt l'île de Ré ou Noirmoutier.

    *****

    H. vient me chercher et m'emmène dans le centre de Samois qui l'a séduit. Il a visité une maison — trop sombre — et pris contact avec deux agents (agentes) immobiliers. Il a sympathisé avec l'une des deux et ils ont eu une conversation sur les inondations. Il en ressort que la Seine possède plusieurs lits historiques qu'elle reprend en cas de crue… sans qu'on puisse prévoir lequel.
    — En 2016 les autorités ont été prises par surprise, mais la prochaine fois on sauvera Paris en inondant l'amont.

    Brrr, pas très rassurant.

    Restaurant sans intérêt à Moret. Je me change dans les toilettes2, très vastes puisqu'elles sont aux normes handicapées. Puis nous partons pour la première visite.

    *****

    Comme nous sommes en avance nous faisons le tour de "l'imprimerie": vu de l'arrière les verrières de l'entrepôt font grise mine et les tuiles gondolent. Il y aura des frais à engager.
    Le propriétaire est aussi grincheux qu'au téléphone. A-t-il eu beaucoup de mauvaises expériences, est-il épuisé par les visites? Je suis du genre à traîner, à rester en arrière pour regarder par une fenêtre ou évaluer la taille d'un mur (les bibliothèques vont-elles tenir? C'est un enjeu, elles ont été faites sur mesure pour notre maison actuelle). Par deux fois (ou trois) il s'arrête, revient en arrière pour me chercher: «non, mais si vous ne suivez pas, c'est comme si je faisais deux visites». Il a l'air si exaspéré que j'en viens à me demander s'il redoute les vols s'il me laisse seule.

    Les pièces sont harmonieuses, bien agencées, moins grandes que celles dont nous disposons actuellement. Nous montons les étages, les descendons. Nous attendons la visite de l'entrepôt qui nous a fait rêver sur Google street view — un peu moins depuis qu'on en a fait le tour extérieur. Il est vaste mais décevant. Il faut refaire les verrières — celles déjà refaites l'ont été en plexi et non en verre, ce qui enlève du cachet à l'ensemble. Du "potentiel", comme on dit, mais nous voulons habiter là, pas en faire une salle à louer: une fois que nous aurons acheté la maison, nous n'aurons plus un kopeck avant des années pour nous occuper de cet entrepôt.

    La cave est intéressante géologiquement parlant: non bétonnée, elle sert de tampon en cas de crue; elle se remplit puis se vide naturellement, c'est ce qui s'est passé en 2016. Mais après les informations récoltées par H. ce matin, nous nous demandons si cela sera suffisant la prochaine fois.
    Nous passons au jardin. Et soudain nous apprenons que l'étendue de pelouse n'est pas en vente. Seuls dix à vingt mètres carrés sont vendus: au-delà, le propriétaire réserve le terrain… pour éventuellement se construire une maison de plein pied. Bref, non seulement il n'y a pas de terrain, mais en plus cela consisterait à vivre avec l'ex-propriétaire dans le jardin. La messe est dite.

    *****

    Un tour à Héricy pour voir une petite maison vendue peu chère qui de l'avis de l'agent immobilier pourrait présenter de beaux espaces après travaux. Nous ne pourrons pas la visiter avant mercredi, mais H. voulait me montrer le joli jardin et le portail aux iris.

    Puis Boissise pour une visite très triste: une très petite dame âgée dans une très grande maison, qui essaie de la vendre depuis un an. La maison a une belle vue, une belle terrasse, un sous-sol spacieux, un immense étage lambrissé. Mais elle n'est pas réellement habitable: l'escalier qui mène à l'étage a été entouré de murs qui empêchent qu'on puisse monter quoi que ce soit d'un peu volumineux. Tous les lits (si nombreux que je finis par me dire que c'était une colonie de vacances: non, c'était pour les neveux et nièces qui venaient pour les fêtes célébrées en famille) sont des lits une place qu'on dirait pliants, je suppose que c'était la condition pour les monter à l'étage. Et le jardin est grand, rien qu'à le voir je suis découragée du souci qu'il va me causer (qu'il me causerait).
    Non, ça ne sera pas possible.
    Nous remercions la dame frêle et l'oncle venu «représenter ses intérêts» (il s'est présenté ainsi) et nous partons le cœur lourd de tant de solitude au milieu des traces de tant d'animation enfuie.

    Nous téléphonerons le lendemain pour dire que nous ne sommes pas intéressés.



    Notes
    1: en pointe chacun a une rame (deux en double). L'équilibre du bateau dépend donc de l'harmonie entre les rameurs babord et tribord. C'est plus difficile, chacun ne possède que la moitié de la solution.

    2: Je m'asperge vaguement d'eau fraîche, m'essuie avec mon tee-shirt. L'une des contraintes du covid, c'est que les vestiaires ne sont plus accessibles. On arrive et on repart en tenue, les douches ne sont plus accessibles — ce qui rend quasi impossible de ramer le midi.

    Librairie polonaise

    Dans les activités de l'après-midi, il est prévu vendredi en huit un café-débat. Le thème du jour était donc de s'entraîner à l'exercice du débat.
    Je découvre le sujet de cet entrainement en ouvrant la chemise qui m'est remise chaque matin: l'amitié.
    La feuille comporte du vocabulaire et des questions: comment définiriez-vous l'amitié? l'amitié peut-elle prendre fin? l'amitié entre un homme et une femme est-elle possible? Quelle est la différence entre un ami et un copain?

    Copain, pote, camarade, ami, compagnon: les nuances, les sens identiques dans des niveaux de langage différents, etc.
    J'exprime une conviction: leur but est de trouver du travail et obtenir des papiers, ils ont donc intérêt à toujours utiliser du français soutenu. Je leur conseille de ne jamais utiliser "pote", ce qui leur évitera de se tromper de contexte.

    J'essaie d'expliquer que l'union libre n'était pas prévue par la langue française traditionnelle et qu'il nous manque des mots (je ne sais pas si c'est vrai mais c'est ainsi que j'ai vécu cette évolution) alors on utilise des mots non prévus pour à l'origine. Le français utilise copain et copine ou "petit copain" et "petite copine" pour traduire boyfriend et girlfriend, mais dans les faits cela ne s'applique qu'aux adolescents et aux jeunes adultes. Ensuite… eh bien compagnon ou compagne, par exemple, ou partenaire.
    Les nuances entre un ami, mon ami…
    — Même un Français ne sait pas exactement ce que vous voulez dire si vous arrivez aux JRS en disant: «je suis venu avec mon ami». Est-ce que vous n'avez qu'un seul ami et vous êtes venu avec ou est-ce que c'est votre petit copain? Il faut un contexte pour décider entre les deux, et parfois on se trompe.
    — Mais alors qu'est-ce qu'il faut dire?
    — Si vous voulez que les gens ne se posent pas de question, il faut dire «un»: je vous présente «un ami».

    Nous avons comme consigne de retrouver l'autre groupe de niveau avancé à onze heures et demie; mais nous sommes si bien plongés dans les nuances (les conditions du débat: ne pas être catégorique: «Ne dites pas "vous vous trompez" ou "c'est faux"; dites "c'est possible, cependant j'apporterais une nuance"») que je n'ai pas lu la feuille jusqu'au bout: nous devions résumer nos réponses et choisir quelqu'un pour les présenter à l'autre groupe. Bon tant pis, on va se débrouiller.

    Déjeuner avec Patrick chez Georgette. Deux ans sans se voir, me dit-il, depuis les derniers concerts à Thiré. Bavardage et papotage puis librairie polonaise. Nous y restons longtemps, comme un après-midi à prendre le thé chez des vieux amis. C'est une belle librairie, tant par les boiseries que par les livres présentés. Patrick et la libraire discutent longuement d'auteurs et d'éditeurs, de noms dont je n'ai jamais entendus parler, de souvenirs de la guerre froide. Les éditions de l'Âge d'homme ont déposé le bilan, et comme à chaque fois je me sens coupable: nous n'avons pas acheté assez de livres (mais maintenant je me souviens des mots jésuites: «vous ne sauverez personne»). Les éditions Noir et Blanc, qui appartiennent en partie à la librairie polonaise (mais comment Patrick sait-il tout ça) ont créé "la collection Dimitri" (en hommage à Vladimir Dimitrijević) et réédite les titres du fond au rythme d'un ou deux par an.
    Il faut que je trouve les livres d'Arnold Zweig au plus vite.


    Bibliophore :
    - Hanna Krall, Le Roi de cœur
    - Adam Mickiewicz, Les Slaves
    - Andrzej Stasiuk, Sur la route de Babadag
    - Wojciech Chmielarz, La colombienne

    Des soldes et des rendez-vous

    Petit déjeuner avec H. boulevard Raspail. Il va chez un client pour la journée, il m'a déposée près d'Assas. C'est devenu compliqué de circuler dans Paris, même l'été. Ça va être l'enfer à la rentrée.

    Aujourd'hui le thème était l'écologie (le but étant toujours, je le rappelle, de fournir du vocabulaire). J'ai parlé ressources naturelles, pillage des ressources naturelles, famine, démographie, nourrir la planète, nucléaire, dépendance énergétique face à la Russie ou l'Arabie Saoudite. Sans doute pas assez parlé éoliennes ou panneaux solaires.
    J'ai cruellement conscience de faire passer mes convictions (as opposed to une information objective). Mais je sais désormais que des écologistes pur sucre n'auraient pas ces scrupules.
    Je pense trop.

    Soldes à midi. Beaucoup plus acheté que d'habitude, sans doute l'indice que ces matinées me rendent heureuse (faire des essayages et constater qu'on est un gros tas devant le miroir (me) demande beaucoup d'énergie. Ce n'est pas une partie de plaisir mais un effort. Difficile de faire cela quand je n'ai pas le moral). Une robe et un tailleur rouges, deux chemisiers blancs, un pantalon noir, que des habits pour le boulot. La note était étonnamment peu salée, la moitié de ce que j'attendais: effet déstockage Covid?

    L'après-midi, appel successif des deux propriétaires de Moret, que j'appellerai l'imprimerie (le grand entrepôt collé à la maison est le local d'une ancienne imprimerie) et le loft. Dans des styles très différents, le premier grincheux et le second enjoué, ils vérifient la même chose: que nous ne sommes pas des «visiteurs de maison», une engeance qui passe ses week-ends à faire perdre leur temps (et leur moral) aux propriétaires en visitant et en critiquant sans avoir l'intention d'acheter.
    Je pose deux questions : avez-vous la fibre (non, pas à Moret) et comment la maison est-elle chauffée?

    L'imprimerie est un homme plutôt négatif, qui m'explique que sa maison est en zone inondable. On dirait qu'il fait tout pour décourager la visite, «parce que ça donne du travail». Le loft prend la vie du bon côté et m'explique tout le bonheur de vivre à Moret, les commerçants présents en centre-ville, la forêt à deux pas (mais pourquoi s'en va-t-il?)
    — Si vous voulez mettre des cloisons…
    Je l'interromps: — Je n'achète pas un loft pour mettre des cloisons!
    — Je suis bien d'accord avec vous.
    J'ai l'impression qu'il a dû en voir de toutes les couleurs.

    Visite prévue samedi pour l'imprimerie (je préviens que je serai transpirante du fait de l'aviron) et dimanche pour le loft.
    La maison de Vitry est vendue (pour ceux qui veulent rêver et pour les riches, l'agence était Terrasses & jardins), Etiolles n'a pas fait signe, Saintry a envoyé un mail (propriétaire en Bretagne).

    Le soir encadrement des débutants à Neuilly. Ça faisait longtemps: avec jrs le matin, j'ai totalement laissé tomber les entraînements d'ergo. J'ai oublié de dire que j'ai écrit le 13 juillet à l'organisateur de la coupe des dames à Angers pour qu'il m'indique quel club vers Fontainebleau participe régulièrement à la course: l'ANFA, le club organisateur de Ram' jazz. Je vais m'inscrire là-bas; ce sont mes dernières sorties à Neuilly, même si je ne le leur ai pas encore dit. J'ai fait trop d'efforts pour ce huit (revenir à la Défense le week-end, contrôler mon poids en permanence) pour trop peu de plaisir. Adieu.

    H. m'attend depuis un moment. Nous dînons dans un excellent restaurant, servie par une serveuse très menue et très souriante. La rue entière est bloquée, transformée en immense terrasse, un orchestre de jazz joue au loin.

    Il est strict ?

    — Tu n'étais pas à la randonnée lundi ?
    — Non, avec le 14 juillet, ça faisait quatre jours de congé, alors je suis restée avec mon mari.
    — Ah, il est strict ?
    — Non, mais dans la semaine on travaille, on ne se voit pas beaucoup, alors quand il y a quatre jours on en profite pour être ensemble.
    — C'est logique.
    Je souris intérieurement. Ça me fait plaisir qu'il découvre qu'un couple puisse être ensemble volontairement et non par obligation. Les relations hommes-femmes sont l'un des donnés occidental le plus difficile à intégrer pour eux.


    Aujourd'hui, le thème était les fêtes nationales1. A part avoir expliqué le système des "ponts", je dois avouer que je n'ai pas traité le sujet. Tout au moins pas directement.
    Décomplexée par ce que j'avais lu sur le site FLE, j'ai osé remonter à La Fayette. J'ai fait un cours de deux heures sur trois cents ans d'histoire de géopolitique occidentale. Je ne sais pas ce qui est compréhensible par des Afghans ou des Syriens de trente ans, qu'apprennent-ils à l'école, qu'ont-ils lu? Je n'ai pas l'impression qu'ils sachent grand chose sur la seconde guerre mondiale, ils ne réagissent pas au nom d'Union soviétique (sachant que quoi qu'ils apprennent, c'est forcément d'un point de vue différent du nôtre2). Voilà deux fois en dix jours que je parle de l'extermination des juifs. Je ne sais plus exactement pourquoi, une fois pour expliquer la création de l'Etat d'Israël à un Egyptien (la culpabilité européenne, mais en repartant de la première guerre mondiale et des Anglais. Parler de colonisation devant des descendants de colonisés subissant aujourd'hui les conséquences du bordel que nous avons fichu… Que pensent-ils? Sans doute bien autre chose que ce que j'imagine. Je n'ose pas poser de questions. Mais est-ce que l'Afghanistan a été colonisé? Je n'en sais rien, en fait), une autre fois pour parler des déplacements de population après 45 et des lois qui protègent les réfugiés: «vous en bénéficiez aujourd'hui».

    Une fois encore je ne les ai pas beaucoup laissés parler. J'espère que je ne les saoûle pas trop.


    Je suis retournée au restaurant qui propose des flameküches. Le serveur est toujours le même, c'est une plaisante stabilité dans un monde qui change.



    Note
    1 : Je suis émerveillée par ces ressources FLE.
    2 : je ne sais plus si ce que je sais de l'Afghanistan vient de Homeland ou de Mes voyages avec Hérodote. Ou des deux. L'Afghanistan, «tombeau des empires», ce doit être Homeland.

    Tu es bien assis ?

    — Tu es bien assis ?
    — Oui, pourquoi ?
    — Ce matin, je revoyais mon profil sur "Gens de confiance" (toujours cette hésitation entre nom de jeune fille et nom marital) et je suis tombée sur la question: « Comment souhaitez-vous être appelée?» Et tu sais ce qu'il y avait comme choix?
    — Non.
    — Votre prénom, Chère Madame, ou… Votre Altesse.

    H. s'étouffe dans son café. Il réfléchit un peu.
    — Mais c'est génial, comme idée.
    — Je ne sais pas. Mais je t'en parle pour tes logiciels. Parque ce que c'est si énervant d'être appelé par son prénom et tutoyé.
    — Mais si. Imagine: tu es concierge ou taxi, mais tu descends d'une famille noble russe et tu gardes ça au fond de ton cœur. Soudain on te propose de t'appeler Votre Altesse: mais tu es prêt à tout donner, à vendre ce que tu avais toujours refusé de vendre… C'est génial.
    Moi, ça me rappelle juste un épisode d'Amicalement vôtre.



    — Tu es bien assis ?
    — Je suis debout, mais ça va aller. Qu'est-ce qu'il y a ?
    — J'ai fait quelques recherches ce matin sur des sites immobiliers. Et pendant que j'y étais, j'ai regardé autour de Blois. Il y a un site qui fait l'agrégation de plusieurs sites. Et regarde ce que j'ai trouvé :



    Tu n'aurais pas trente-et-un millions d'euros et demi ?
    H. regarde un instant:
    — Mais c'est Ménars !
    — Tu crois ? Je contemple un instant. Ah oui, tu dois avoir raison.
    — J'en suis sûr, il n'y a pas beaucoup de châteaux qui donnent sur la Loire.

    Comment n'ai-je pas reconnu "mon" château1? Les photos intérieures sont superbes. Clic gauche pour les voir de plus près:



    J'ai trouvé une meulière rénovée avec terrasse en bois vers Vitry, une maison à Etioles, une qui domine la Seine à Boissise, une autre à Saintry. J'envoie des mails. Nous annulons la visite de la maison de retraite et une autre visite, trop loin de Fontainebleau.
    H. se concentre sur Moret, trouve une maison avec un grand entrepôt. A un moment donné, il s'exclame: «ça, ça va te plaire!»
    Et effectivement, ça me plaît: un loft sur trois étages, un escalier dans un puits de lumière qui me fait penser au musée de Haarlem ou à la maison de Jules Verne.

    Il n'y a plus qu'à attendre.

    PS : au fait, Moret-sur-Loing s'appelle maintenant Moret-Loing-et-Orvanne. La fureur de tout enlaidir n'épargne rien.



    Note
    1: photo de Patrick.

    Au sud de Fontainebleau

    Je me reconnecte sur "Gens de confiance" (je ne sais plus quelle copine m'a cooptée sur ce site), trouve trois maisons dans nos prix et surface à Melun, Salins et Fontainebleau et envoie trois mails.
    Nous avons sélectionné aussi quelques maisons sur le Bon coin, sans savoir où elles se trouvaient exactement, dont une avec piscine intérieure… (lol). Quand l'offre paraît trop belle pour le prix, je me demande ce que cela cache.

    Nous partons après avoir déjeuné sur le pouce. L'idée est de suivre les bords de Seine pour trouver une ville qui nous plaise. Nous repartons de Coudray-Montceaux, traversons la Seine, visitons Seine-Port, un village étonnant, entouré de fortifications (Saint-Port devenvu Seine-Port), traversons Boissise-la-Bertrand à flanc de côteau. Il semble que d'anciennes propriétés seigneuriales (restes de manoirs et de vieux murs) ont été loties pour construire des pavillons: selon que l'on regarde à droite ou à gauche, ce n'est ni la même esthétique ni la même richesse ni le même siècle.
    Nous tentons de suivre le chemin de halage mais il y a trop de travaux.
    Melun, forêt, Bois-le-Roi («non, je ne veux pas habiter à Bois-le-Roi, tout m'y paraît faux»). H. n'est pas habitué à la décapotable et n'a pas pris garde, je lui avais dit que c'était la mauvaise heure, qu'il fallait capoter, que le soleil tapait trop: nous sommes cuits. Diabolo-menthe. Sur les trois maisons de "Gens de confiance" deux sont vendues, nous prenons rendez-vous pour visiter la troisième demain (quels bosseurs, ces agents immobiliers: demain est férié).

    Fontainebleau, nous entrons dans une agence immobilière ouverte, nous laissons nos critères à un homme sympathique mais qui ne nous aidera pas: il est spécialisé dans Fontainebleau. Or la ville est trop cossue à notre goût et trop chère. Cependant j'aurais aimé qu'il nous dise si nous avions une chance de trouver ce que nous cherchions (quelque chose de joli, dans l'ancien, quelque chose d'imposant comme une maison de maître: sommes-nous totalement irréalistes avec notre budget?) ou s'il fallait tout de suite réajuster nos critères de sélection.

    Entretemps l'un des propriétaires du Bon coin a rappelé. Huit cent mètres carré rénovés dans une aile de château, le corps de logis étant détenu par une société — nous avions imaginé qu'il s'agissait du château de la Rivière à Thomery, mais pas du tout: il s'agit d'un château beaucoup plus au sud, à Vaux-sur-Lunain, à la limite de la Seine-et-Marne. Nous avons rendez-vous demain en fin d'après-midi. H. a récupéré l'adresse, nous observons notre carte Michelin en nous demandant s'il est bien raisonnable de nous exiler si loin.

    Alors, parce que nous avons décidé d'être courtois avec les propriétaires des maisons que nous visiterons, de ne pas décrier leur bien, nous décidons d'aller voir le château puisque nous en avons l'adresse: si cela ne nous plaît pas, nous annulerons tout de suite la visite en prétextant que c'est trop loin, sans dire que nous sommes allés voir les extérieurs.
    Est-ce le Gâtinais au sud de Fontainebleau? Je conduis, des panneaux indiquent des marais, le soleil est descendu, les champs sont blonds, c'est loin. J'ai le cœur serré: c'est loin, et si ce château nous plaisait, aurions-nous le courage de refuser? C'est si loin, pas de transport, comment travailler? J'imagine un château Louis XIII de briques rouges ou un château du XVIIIe siècle, j'imagine quelque chose de sombre à la lisière d'une forêt, de vastes pièces, trop peu de lumière. Irrésistible. Et si loin.

    Départementale dans les blés, petite route à gauche, nous tournons, un tracteur se met sur le bas-côté pour nous laisser passer. Au loin la tache verte d'un bouquet d'arbres, reste de forêt.
    Nous arrivons devant de hauts murs, un portail monumental. Une demi-douzaine de voitures sont garées en arc-de-cercle.
    Notre cœur se décroche.
    C'est une maison de retraite et c'est sinistre.
    L'aile du chateau à vendre fait partie d'une maison de retraite. Il s'agit d'habiter dans l'enceinte d'une maison de retraite.

    Une petite vieille très courbée fait le tour des voitures. Je crois qu'elle va nous aborder mais elle nous ignore en marmonnant. J'insiste pour que nous suivions les murs de la propriété. Je veux comprendre ce que nous voyons, faire le lien avec les photos de l'annonce. Visiblement la maison de retraite est installée dans le corps de logis. Quelle est l'aile à vendre? Impossible de le savoir, de l'extérieur nous ne voyons rien, les corps de logis sont trop imposants. Les photos prouvaient un gros travail d'aménagement intérieur, H. dit que la femme au téléphone était jeune, nous imaginons qu'elle a hérité d'un bien invendable.
    — Elle se trompe, dit H. Elle devrait faire des chambres à louer pour les visiteurs qui viennent de loin voir leurs parents.

    Nous repartons le cœur assombri par cette ambiance déprimante et par le fardeau qui pèse sur la propriétaire. H. examine la carte, prend des routes «pitto» (pittoresques, bordées de vert sur les cartes Michelin). Nous nous perdons (enfin, c'est relatif puisque nous ne savons pas où nous voulons aller. Retourner vers Fontainebleau), vallons, canal du Loing, c'est joli.
    — Ah tiens, il y a un endroit dont je garde un bon souvenir, c'est Moret-sur-Loing. C'était pendant la rando Ram'Jazz en 2011, nous avons pique-niqué sur une plage en laissant les yolettes sur l'eau.

    H. est tombé amoureux de Moret-sur-Loing. Coup de foudre, love at first sight.

    Las, covid oblige, peu de restaurants, tous pleins. Nous dînons à Fontainebleau avant de rentrer.

    Début des recherches

    Journée creuse : pas osé continuer à bricoler de peur de faire du bruit un dimanche (visseuse éléctrique). H. regarde les maisons sur le Bon coin pour se faire une idée des prix.
    Par nature je suis toujours défaitiste: ça va être trop cher, ce qui nous plaîra ne sera pas dans nos prix et on finira de guerre lasse par prendre quelque chose qui ne correspondra pas à nos envies, etc.

    C'est terrible d'être comme ça. Heureusement que le sachant, il est possible de se regarder faire et de ne pas s'écouter, mais la petite voix du doute est là, toujours. L'optimisme marseillais de H. ne la contrebalance pas, au contraire: son estimation de notre maison actuelle (avec son terrain de 980 mètres carré (c'est précis)) ne me rassure pas mais me paraît mirobolante.
    Il faut dire que la vente de notre appartement en 1999 pour acheter la maison actuelle me reste comme un cauchemar. Je pense que nous l'avions mis à un mauvais prix, trop bas; nous n'avions pas les bons visiteurs qui essayaient de faire baisser le prix alors que c'était un prix définitif; les visites avaient d'abord eu lieu dans un appartement trop plein (trois enfants en bas âge dans un appartement avec deux chambres), puis dans un appartement vide: deux erreurs.

    Cela n'ébranle l'évidence de notre conviction: il faut partir.

    Une décision soudaine et irrévocable

    Une amie d'AC devait venir la chercher vers onze heures. En attendant nous avons longuement papoté sur la terrasse, essentiellement API (Application Programming Interface : H. a fait une sorte de formation-imprégnation en une demi-heure), management et conduite de projet.

    Tard dans l'après-midi (pour éviter la chaleur) nous avons commencé à monter la tonnelle pour supporter le rosier.



    Je ne sais plus exactement ce qui s'est passé. Est-ce pendant le repas que nous avons décidé de déménager? le coup de poignard dans le dos du voisin, après la réelection de Clodong (aussi méchant que NDA mais dans le genre insidieux), le RER D insupportable, le futur Leclerc de la gare qui va tuer définitivement la ville, la meulière éventrée en face de chez nous dont les travaux ne reprennent pas qui laisse présager une revente en catastrophe à un promoteur immobilier, les enfants devenus invisibles, la nécessité de changer de club d'aviron parce que l'actuel ne mènera à rien, le déménagement de P., potentiel futur associé de H., dans le sud de l'Essonne…
    Je crois que c'est H. qui a posé la question. J'ai répondu oui comme une évidence. Cette certitude immédiate, sans hésitation, qu'il fallait partir est la preuve que nous avons atteint les limites de l'exaspération. C'est comme un dégoût; il faut fuir, recommencer ailleurs, même si nous sommes trop âgés pour ne pas savoir que nous partons avec nous-mêmes — dont nous ne savons pas si nous sommes le problème ou la solution.

    Alors après le repas, sur un coup de tête, nous sommes partis à Coudray-Montceaux: H. voulait voir les bords de Seine qui m'avaient tant plu lors des Culs gelés.

    A vrai dire Coudray-Montceaux est très laid, à l'image de ces villages "relais de postes" dans Alexandre Dumas, maisons anciennes alignées le long de la route vers Paris, lotissements construits au fur à mesure qu'à l'inverse Paris déborde. Il n'y a que les bords de Seine qui soient beaux — mais très beaux.
    Je lui montre dans la nuit la maison aux volets verts qui me poursuit dans mes rêves.

    Hébergement

    Ce matin il y a beaucoup moins d'élèves en niveau avancé et nous nous retrouvons à deux pour quatre élèves, trois Iraniens et un Turc «d'origine kurde» précise-t-il toujours à l'enregistrement du matin — et c'est aussitôt déchirant de l'enregistrer comme turc.
    L'autre animateur a prévu un petit jeu écrit — ce que je trouve étrange et scolaire puisque nous devons faire de la conversation française. Cela nous prend beaucoup de temps et il nous reste une heure pour traiter le thème du jour: la géographie.

    Sans doute est-ce parce que j'ai consenti à son idée que l'autre animateur consent à la mienne: demander aux participants de nous expliquer la géographie de leur pays plutôt que nous celle de la France. Le Turc est en minorité devant l'enthousiasme des Iraniens pour leur pays: il faut absolument visiter l'Iran, c'est très beau, très varié (point culture: les plages sont non mixtes ce qui permet aux femmes de se baigner).
    Plus tard lors du débrief inévitablement je me demanderai si je n'ai pas eu tort, s'il ne leur aurait pas été plus utile qu'on leur présente la France et ses régions.

    Aujourd'hui j'ai appris que le prénom "Sader" voulait dire honnête et que la plupart des prénoms arabes ont une signification.

    Le soir nous hébergeons AC, ma copine de St Brieuc. Elle fait une escale en route vers les Vosges.
    Nous dînons au restaurant réunionnais en parlant principalement des malheurs (professionnels) d'Hervé.

    En vélib

    Il y avait moins de participants aujourd'hui, je me suis donc désistée et j'ai tenté d'aller à Nanterre préfecture en vélib. Je n'ai pas trouvé l'entrée du tunnel accessible aux vélos sous la Défenseet j'ai donc fait le tour, je me suis perdue dans Courbevoie et me suis retrouvée le long du cimetière (un sacré détour m'avisé-je maintenant en regardant la carte).

    Je suis passée devant les Groues, l'occupation d'une friche à Nanterre. Camping, réparation de vélos, il paraît y avoir pas mal de choses à voir dans cet espace.





    Photo un peu sombre car la luminosité était intense (ô paradoxe de la photographie).

    Au bureau c'est la dèche: pas de machine à café, pas d'eau chaude pour le thé, le coin cafeteria est fermé. Je mange au self pour la première fois depuis le déconfinement.

    Le soir, rencontre apéro avec une député LREM de l'Essonne au golf d'Etiolles. J'ai laissé tomber le Modem car je suis fatiguée de leurs querelles internes — treize ans que ça dure et je ne comprends rien à leurs dissensions. Je me suis emballée à propos de l'éducation, exprimant ma conviction qu'il faut un socle commun de lectures de référence. Je propose quelques fables de La Fontaine et Les trois mousquetaires, rien de révolutionnaire, mais quelque chose que vraiment nous ayons tous en commun — car il nous reste si peu de choses. Quand je l'interroge O. me dit qu'à deux ou trois ans près les jeunes n'ont pas les mêmes références, ne regardent pas les mêmes youtubeurs. Tout est devenu si éparpillé, si difficile à rassembler.

    Est-ce ce soir-là que H. m'a demandé dans la voiture où je déménagerais si nous déménagions?
    — Soit le long de la Seine vers le sud ce qui te rapprocherait de Pascal, Coudray-Montceaux m'a beaucoup plu, par exemple; soit vers St Germain-en-Laye pour un accès plus direct à la Défense.

    Technologies

    Le cours d'aujourd'hui portait sur les technologies. Je n'avais pas repéré que nous avions reçu les fiches de vocabulaire via un lien googledoc et je me demandais de quoi il fallait parler. En fait il s'agissait des technologies numériques, tout le vocabulaire des claviers, applications, internet…
    J'ai trois élèves, aucun de ceux d'hier n'est revenu (c'est un peu inquiétant). J'apprends que les Iraniens et les Afghans se comprennent, que les Afghans parlent dari et pachtou et que le dari et le farsi sont très proches — mais qu'il existe une multitudes de langues en Afghanistan. (Je n'avais jamais entendu ce mot de "dari").

    J'écris tout au tableau, Anne-Lise la prof de FLE reste un moment dans la salle pour voir comment ça se passe. Je joue un peu avec le franglais, «Google it!»
    A la fin du cours, B** me demande: «est-ce que tu pourrais me donner un exemple de phrase avec le mot "numérique"? J'ai l'impression de connaître plein de mots que personne n'utilise.»
    Je reste sèche.

    Débrief. Un animateur en cours avancé a organisé un débat pour ou contre numérique pour les enfants, un autre a simulé l'achat d'un portable à la Fnac. Mince, je n'ai pas du tout pensé à cela, quand j'ai voulu préparer le cours hier j'ai focalisé sur «technologies» parce que je me demandais ce que cela recouvrait, et j'ai oublié l'aspect «conversation». J'exprime ma gêne durant le cours à utiliser certains mots technologiques en sachant le prix de ces objets, on me regarde avec incompréhension. J'exprime ma crainte de trop parler. Plus tard Anne-Lise croisée dans la cour me dira avec son grand sourire doux: «tu es dure avec toi-même».

    Belle sortie en quatre, soleil et douceur.
    Jean-François, moi, Bertrand et X. Le quatre des deux Eric n'a pas réussi à nous distancer, et comme ils sont imbus de leur force, ils font la tête (mais ils sont lourds, nous étions plus légers et plus techniques: l'aviron est un sport de glisse). Le soir dans la cuisine, j'aperçois des visiteurs à travers la vitre. Joie et bonheur, cela faisait plusieurs années que le dernier avait disparu.



    (A noter, la bassine pour les déchets destinés aux poules. Et les limaces, délice des hérissons.)

    Premier jour

    Première journée à l'école d'été des JRS. Il y a beaucoup de monde dans la cour quand j'arrive, toute une foule joyeuse (en fait environ soixante: le maximum que l'on peut accueillir dans les salles dans le respect des règles sanitaires) qui est filtrée par deux professeurs de FLE qui évaluent leur niveau (débutant, intermédiaire, avancé) avant que chacun ne s'enregistre (ce qui permet de les compter et de prendre leur téléphone pour leur envoyer des sms d'invitation et de rappel) et descendent dans la grande salle prendre un café (ou plutôt du thé: une population, masculine à 90%, qui prend du thé) et manger une tartine (à la confiture de rhubarbe? Ils aiment la rhubarbe? Ne font-ils pas la grimace en en découvrant le goût?)

    J'anime un groupe avancé sur le thème des métiers et des professions. Je suis seule avec eux; les animateurs des groupes débutants et intermédiaires sont en binôme. Ils sont trois jeunes hommes, un qui travaille, un qui attend des papiers (ou attend d'être refoulé, si on est pessimiste) et un étudiant, deux Afghans et un Syrien.

    Celui qui était salarié travaillait à Auchan au rayon PGC (produits de grande consommation). Par chance j'ai travaillé dans cette enseigne il y a trèèès longtemps (mon premier emploi) ce qui me permet de connaître certains des sigles utilisés. J'ai sans doute trop parlé, je tente de leur donner du vocabulaire pour le quotidien, pour leur permettre de comprendre ce qu'ils entendent autour d'eux ou à la télévision.

    Rayons, rayonnage, rayonner de joie: comment dit-on le contraire de rayonner de joie? «Je suis triste, je devais aller en Iran en mars, ma mère avait un visa entre l'Iran et l'Afghanistan, on devait se revoir, puis le covid est arrivé, et maintenant son visa n'est plus bon.»
    Il parle de la vie difficile de smicard en région parisienne. Son idée est de faire venir sa famille, mais c'est dur avec un tel salaire. J'explique «coût de la vie»: «tu pourrais aller en province: le salaire serait le même, mais le loyer moins cher.» Mais il m'explique qu'il a besoin de Paris, pour jrs, ses cours de français, pour toutes les structures associatives et administratives. J'explique les départements, les préfectures, les antennes JRS comme Angers, Dijon… (il y en a sept mais je ne les connais pas toutes).

    Moslem a expliqué en se présentant qu'il songeait à changer de nom: les Français ne comprennent pas son prénom et imaginent qu'il est en train de dire qu'il est musulman. Il est en attente de papiers et il exprime sa frustration: «je perds mon temps. Un an que je suis là et je ne fais rien, je vieillis, ma vie s'en va». (Je rappelle qu'en attendant la reconnaissance de son statut de réfugiée, une personne ne peut pas travailler, d'où beaucoup de solitude et d'ennui — d'où l'idée des jrs jeunes.)

    Séance de débrief ensuite avec tous les animateurs. J'arrive très en retard, (je ne savais pas où c'était) et je n'entends pas ce que disent les autres, dommage. Un animateur de groupe avancé a imaginé un jeu de rôle sous forme d'entretien d'embauche: mais oui, quelle bonne idée, voilà comment les faire parler, plutôt que ce que j'ai fait.
    Et je sais qu'il faut que je fasse taire cette voix, que c'était bien, que ça s'est bien passé, que nous avons passé un bon moment ensemble, que tout va bien, et que je dois arrêter de douter.

    Le plus dur finalement est de ne parler de rien à la maison. Je ne suis pas sûre que H. apprécie que je rencontre trois réfugiés dans un espace confiné car le virus est toujours une grande source d'inquiétude.

    J'ai fini Tchernobyl. Le dernier épisode pourrait être un commentaire de l'époque actuelle: la science n'est pas une idéologie, elle résiste à la propagande. Annoncer 3,5 röntgens de radiation quand la réalité est à 400 ou 4000 ne fera pas descendre le niveau à 3,5. Le mensonge ne peut pas tout cacher.
    Soutenir que les vaccins sont nocifs ou que le covid n'existe pas — a ou aura des conséquences réelles sur la vie — et la mort — des gens.

    Trois amis (ou plutôt deux)

    Le premier a fait un infarctus il y a trois semaines (nous l'apprenons en lui téléphonant pour tout autre chose), le second fêtait ses soixante ans aujourd'hui et était à la maison pour travailler (sa femme nous a prévenu ce matin, je suis sortie acheter du champagne, nous sommes en rupture de stock depuis le confinement), le troisième préfère faire confiance à un homme rencontré deux fois qu'à H. qu'il connaît depuis six ans: la fin de la possibilité de travailler ensemble. H. a le moral dans les chaussettes — et moi aussi.

    Il est suffisamment découragé pour accepter vers six heures d'aller voir une annonce immoblilière que j'ai repérée le matin en allant chercher le champagne (en temps normal il aurait eu la flemme).
    Malheureusement je n'avais pas vu la mention "vendue" sur les photos de la belle maison de Brunoy.

    Ensommeillée

    Debout une heure au petit matin, ce qui me permet d'écouter les oiseaux au lever du soleil (en réalité, une demi-heure avant que le soleil n'apparaisse). Je continue la lecture du livre du voisin de Thomas Bernhard (en allemand).
    Je me recouche, et, fait exceptionnel, H. se lève avant moi plein d'allant (c'est ce qui est exceptionnel), me réveille, me propose de partir au marché pour prendre le petit déjeuner sur place.
    What ?
    Je suis passablement embrumée. J'apprendrai plus tard qu'il a du travail et qu'il ne voulait pas me laisser faire le marché seule.
    C'est gentil.

    Entraînement d'ergo (le moral boosté par la sortie sur l'eau hier matin) puis messe (la première depuis longtemps). L'église peut accueillir cinquante-et-une personnes, annonce une feuille sur la porte. Une affiche par banc indique "place autorisée". Il n'y a pas de quête mais un panier à l'entrée (c'était ainsi dans mon enfance, le curé avait l'habitude de faire la quête à la sortie. C'était plus facile de ne rien donner quand on n'avait pas d'argent (il m'arrivait régulièrement d'avoir oublié ma pièce)); les fidèles ne se déplacent pas pour la communion, c'est le prêtre qui remonte l'allée.

    Ayant pris soudain conscience que j'avais bel et bien fini mes années de théologie, j'ai réinstallé CandyCrush. Niveau 1650.

    J'avais pour projet de ranger et commencer le ménage ce week-end. Ambition déçue.

    Premier épidode de la série Tchernobyl.
    Je ne peux que conseiller que La supplication de Svetlana Alexievitch. Déchirant. Mais je n'en finirai pas de conseiller Svetlana Alexievitch.

    Samedi

    Les sorties de huit heures ont été supprimées : premier créneau à neuf heures. Dommage, pour moi aucune sortie n'est jamais trop tôt, j'aime la fraîcheur, la lumière, sur l'eau.
    Vincent m'a donné un nouveau skiff, à priori plus difficile mais sur lequel je me suis sentie beaucoup mieux, beaucoup plus légère. J'ai retrouvé des sensations aériennes que je n'avais plus depuis le déconfinement. Cela m'a remonté le moral car j'en bave depuis la reprise.
    J'ai croisé Anne qui envisage des entraînements en huit plus light. Par ailleurs, aucune fille ne s'est inscrite pour ramer en double ou en quatre depuis que c'est possible. La motivation, le désir, est minimum. Je vais aller voir ce que propose Nogent. Si le télétravail se maintient, cela n'a pas de sens de ramer à la Défense, surtout le week-end. Je ne restais que pour le huit — si ce projet est abandonné je n'ai pas de raison de rester à Neuilly.

    Pendant que j'étais sur l'eau H. est allé essayer et commander un vélo d'appartement boulevard de Clichy. Il est revenu enchanté. C'était sa première vraie sortie depuis le déconfinement (autre que la pharmacie, le marché ou le boulanger). Je commençais à m'inquiéter (en silence) de ce non-désir de sortir de la maison.

    Max et les ferrailleurs au cinéma de la ville. Quel sujet étrange, un flic qui fait arrêter une bande pendant un crime qui n'aurait pas été commis sans son intervention. C'est rythmé mais très lent, et à cause de l'aviron je ne tiens pas en place, je gigote sur mon siège, je ne sais plus quelle position adopter pour soulager les muscles. Heureusement nous sommes huit dans la salle (deux la première fois, cinq la deuxième, huit ce soir: ça progresse).

    Il fait froid.

    Journée dense

    Je suis fatiguée, et quand je rentre, H. est en train de s'énerver au téléphone: un projet sur lequel il travaille depuis des mois, une avancée technologique à laquelle il croit, est menacé par l'un des associés ("le voisin") qui pense pouvoir faire de l'argent facilement sans se plier au lent déploiement nécessaire.
    Dans la boîte aux lettres une enveloppe: j'ai ma licence de théologie (baccalauréat canonique) avec mention Bien. (P*** neuf ans).

    Journée dense.
    Le matin, des profs de FLE (Français comme Langue Etrangère) nous expliquent la méthode (parler lentement, clairement, répéter beaucoup, insister sur la prononciation, féliciter, etc.) et nous présentent des outils (thèmes, fiches de vocabulaire,...).

    L'après-midi, répartition des sept rôles de chaque matinée (café, accueil, administratif) et des goûters pour l'ensemble du mois.
    Petits jeux, amusants, tournés vers la libération de l'énergie (tandis qu'hier c'était plutôt la mémorisation des prénoms). Leur simplicité m'enchante, comme se mettre sur deux files (soit deux groupes de dix) et se classer sans parler par ordre alphabétique des prénoms ou de mois de naissance. C'est tout simple et très amusant.

    Jeux de rôles, "que faire si" : si un participant drague, s'il accapare la parole, s'il avoue être à la rue et appelle au secours, si une dispute se déclenche, si un groupe de même langue se renferme sur lui-même et ne participe pas…
    En gros, il faut garder son calme et en référer aux organisatrices.
    A propos d'un participant qui coucherait à la rue : — Ne culpabilisez pas. Vous constatez les situations, vous n'en êtes pas responsable. Ne prenez pas sur vos épaules un fardeau trop lourd.
    A propos de se sentir inutile, de ne pas être sûr d'être utile : — Il faut l'accepter. Vous ne saurez jamais si ce que vous faites est utile, si les gens en face en retirent quelque chose. Il faut l'accepter.

    Ce que j'aime et me paraît difficile (difficile de ne pas prendre une posture professorale), c'est le principe de réciprocité au cœur de la démarche: nous venons proposer de la conversation en français, mais les "élèves" peuvent proposer de la musique, du sport, de la danse, de la cuisine, du théâtre, n'importe quoi dans lequel ils sont compétents et qu'ils ont envie de partager: les ateliers de l'après-midi servent à cela.
    J'essaierai d'y assister la dernière semaine de juillet (le reste du mois je ne participerai qu'aux conversations du matin).


    Vélib matin et soir. Géniaux, les domaines cyclables. De gare d'Austerlitz à rue de Seine dans des couloirs réservés. Il y a clairement une aristocratie des cyclistes en fonction des vélos — je suis tout en bas sur mon Vélib.
    Acheté une nappe orange pour le salon et des sandales en remplacement de celles cassées à Tarascon il y a quatre ans.

    Amicothérapie

    Choc : je suis la seule de mon âge dans un groupe de vingt. Il est possible que deux ou trois aient trente ans, mais c'est un maximum. La plus jeune passe en terminale l'année prochaine. Je ne pensais pas être une telle exception. Cela m'intimide.
    Une majorité de filles, dix-sept sur vingt.

    Constatation (connue (de moi) mais renouvelée): l'efficacité du réseau jésuite. Tous viennent d'écoles tenues par des jésuites ou d'universités dont les aumôniers sont jésuites. J'ai l'impression de me revoir moi-même à Sciences-Po… sauf qu'à âge équivalent ils ont voyagé bien plus que moi (ô ce regret d'avoir fait mes études avant la chute du mur). Et puis je faisais partie des "pauvres" à Sciences-Po, et eux non.

    Explication du statut des réfugiés (définition juridique. Photo d'un powerpoint projeté au mur) :



    «En France on appelle étrangers des gens qui ne le sont pas: ils sont nés ici, ils n'ont pas d'ailleurs. Ça génère beaucoup de frustrations.»

    La proposition jrs se décline en sept programmes.

    J'aime bien les grains de sagesse jésuite (jèz pour les intimes) que sème le père Antoine (il me semble que c'était Antoine):
    — Qui ici a vécu la position d'être étranger? (Quelques mains se lèvent.) C'est fondateur. Le jour où vous descendez d'avion et que vous êtes le seul Blanc et qu'on va bien voir que vous n'êtes pas d'ici, vous comprenez quelque chose. Et ne rien comprendre, une autre langue, un autre alphabet… (Et soudain je me demande, comme dans une psychothérapie inattendue, quelle part joue dans le fait d'être là le fait d'avoir grandi au Maroc.)
    «Les gens passent, ils ne vous appartiennent pas. A un moment ils ont besoin de partir, il faut l'accepter»; «un atelier d'amicothérapie»; «si vous vous sentez plus proches des migrants qui passent que de l'équipe dans laquelle vous travaillez ou que de votre famille, quelque chose ne va pas, ce n'est pas sain»; «les migrants sont placés six semaines en famille d'accueil. Pas plus de six semaines, parce qu'ils doivent construire leur vie, pas s'incruster dans la vôtre»; «vous ne pouvez sauvez personne. Vous saurez ce qu'ils vous apportent, vous ne saurez jamais ce que vous leur apportez. Il faut l'accepter»; «chaque fois que vous créez un groupe, vous créez un dedans et un dehors. Certeau l'a théorisé. C'est difficile, il faut en être conscient»; «une langue, c'est une manière d'apprendre à se connaître. On dit dans une langue des choses qu'on ne dirait pas dans une autre».

    Déjeuner, végétarien par défaut, avec quelques tranches de jambon à part.

    Après-midi sur le droit d'asile : les procédures juridiques françaises — et européennes quand les deux se croisent. C'est épouvantablement compliqué, je ne comprends pas comment un migrant ne parlant pas français a une chance de sortir du labyrinthe.
    Je retiens que les audiences du CNDA (cour nationale du droit d'asile) à Montreuil sont publiques, qu'il est conseillé d'y aller une ou deux fois pour avoir une idée des dossiers traités là.

    Pierre raconte toutes les embûches, le trafic des tickets de queue dans les préfecture, le jour où la préfecture de Nanterre a ouvert la porte du fond et non la porte principale, rendant caduque l'attente de ceux arrivés à trois heures du matin, ceux qui achètent des «récits de vie infaillibles» (pour obtenir le droit d'asile) à des compatriotes peu scrupuleux et se font débouter parce que leur récit ressemble à des dizaines d'autres (il me semble que Kaurismäki en parlait dans De l'autre côté de l'espoir).

    Pierre sourit tout le temps, la bouche fermée, les yeux rieurs, comme s'il s'excusait de raconter des trucs révoltants, injustes, sur un fil, qui mettent en jeu la vie des gens.

    En fin de journée nous abordons le planning. Je dois venir tous les matins de juillet du mardi au vendredi. Peut-être poserai-je une journée de congé le lundi 27 pour participer à la dernière randonnée du mois.

    Préparation de la saison prochaine

    Les certificats de sport se demandent désormais tous les deux ou trois ans. Je devais renouveler le mien, j'ai pris rendez-vous pour une téléconsultation.
    «Une téléconsultation pour un certificat de sport? On arrive aux limites de l'exercice» a commenté mon médecin.

    Entraînement calamiteux en salle: une minute à cadence de référence, une minute à cadence de récupération, huit fois, huit minutes de récupération et de nouveau une série de seize minutes : la deuxième fois je n'ai pas du tout tenu les temps.

    Mardi

    J'ai dépassé le stade du soulagement (cf le billet d'hier) pour atteindre celui de l'embarras. Il faut que j'arrête.

    Passé du Modem à la LREM. L'ambiance des dernières municipales y était propice. Tout cela est une affaire de personnes: quelques connaissances qu'on est proche d'appeler amies. Des plus jeunes que moi, avec enfants à l'école, préoccupés de l'avenir. Ça me va.

    Sortie en skiff. Beaucoup de vent. Ces sorties me fatiguent énormément, je ne tiens pas du tout le choc.
    Et en rentrant, un spritz et des cacahuètes, ce qui est tout à fait stupide — mais plaisant.

    Je ne sais plus si j'ai dit que je nous ai discrètement (dans le sens où il n'y a moi qui le sache) abonnés à Mubi. Tesis est effrayant; les acteurs très beaux dans leur jeunesse.

    Agacée

    Je me suis énervée contre les procédures de la nouvelle banque de la mutuelle. J'en fais trop, je trolle, je dois avoir l'air complètement folle. Je le sais, je le sens, je ne peux pas m'en empêcher, ou plutôt je n'en ai pas envie: je suis le client, je les paie, ils m'imposent des procédures délirantes en ne me fournissant que la moitié du matériel (boîtier à code, lecteur de carte) nécessaire à respecter lesdites procédures.
    Alors je spamme.
    Moi qui habituellement ne mets quasi personne en copie, j'arrose, j'écris, je réponds, je récrimine, je me moque, me répands en parenthèses et points d'interrogation sur un fond de vengeance personnelle (après tout, les acteurs du projet nous ont négligés pour ensuite me demander de faire en deux mois ce qui leur en a pris quinze).
    C'est tout à fait inutile (quoique), pas si injuste que ça, et ça soulage indubitablement. (Citation détournée des Tontons flingueurs.)

    Vu La communion de Jan Komasa en salle. Film polonais étonnant. Journal d'un curé de campagne façon XXIe siècle.

    Hier plusieurs grandes villes sont devenues vertes (écolo). Lyon, Bordeaux, Strasbourg, peut-être Marseille. J'accueille cette nouvelle sans trop d'illusion mais avec curiosité. Ce qui me fait surtout plaisir, c'est que certains élus soient peu connus et que de vieux routiers soient battus. De l'air! Du neuf! Ce ne sera pas pire mais différent. Et si c'est pire, on aura au moins une idée de ce qu'il ne faut pas faire.

    Les dimanches passent si vite

    Marché le matin, sortie en quatre l'après-midi, et maintenant Panic sur Florida Beach, sur fond de crise cubaine.

    L'ado au réalisateur de films d'horreur (après que celui-ci a démoli une salle de cinéma):
    — Vous ne ressemblez pas à un adulte.
    — Parce que tu crois qu'ils savent ce qu'ils font? Ils y vont à tâtons, comme toi. Souviens-toi de ce que je viens de te dire.

    Un jour, alors que je l'interrogeais sur ses souvenirs de la guerre froide, mon beau-père m'a dit que durant la crise cubaine, ils s'attendaient à la fin du monde d'un moment à l'autre.

    Une visite

    Nous avons battu notre record : quatre heures pour deux cents kilomètres, en passant par le Gâtinais. J'aime tant sillonner le paysage en décapotable, c'est une telle liberté de trouver les routes les moins fréquentées et d'être seuls — ou presque.

    Mes parents vont bien mais l'ambiance est triste : tous leurs voisins sont soit malades (cancers, etc.) soit angoissés par le virus, sans désir de croiser du monde. Mes parents sont donc relativement seuls.
    Ils ont pour projets certains voyages animaliers, à des moments précis de la vie animale: ils ont raté le printemps polonais cette année (pour observer des oiseaux, je crois) et se demandent s'ils pourront faire le voyage l'année prochaine (cela dépend de l'état du monde, mais aussi de leur état à eux, et ils en sont tout à fait conscients).

    J'ai appris que les écureuils si charmants avaient des comportements de rats: ils dévoraient les œufs des oiseaux, et peut-être les oisillons (mon père et ma mère n'étaient pas d'accord concernant ce dernier point).

    Retour au cinéma, retour en salle de sport

    Encore le réunionais, comme si c'était la cantine.

    Le cinéma de la ville a rouvert. Les choses de la vie. Je n'avais jamais vu ce film. Je n'en connaissais que la parodie de Gotlib.
    J'aime les robes de Courrèges.
    Voilà. Ce sera toute ma critique. Les images sont très belles, le montage intéressant, le suspens bien tenu.

    Retour en salle de sport. J'avais été prudente, j'avais prévu de reprendre à partir du programme d'entraînement de septembre dernier.
    C'était encore trop ambitieux. Il faut reprendre le programme de juin dernier, après l'opération du pied. Je ne pensais pas avoir perdu à ce point là.
    Le responsable/entraîneur présent a été adorable, il a échangé l'ergo (machine à ramer) quand je lui ai expliqué que celui qui avait été choisi (le seul sur les quatre opérationnels hors covid) ne me convenait pas.
    Sinon plus de douche, moins d'appareils de fitness, un appareil sur deux accessible. Et l'inscription obligatoire pour les cours collectifs.

    C'est l'endroit où j'ai le plus de risque d'attrapper la maladie, je pense. Cette impunité dont on croit bénéficier quand on fait du sport et qu'on est en forme.

    Il fait toujours très chaud. Le treillage pour les rosiers est arrivé. Yapuka le monter.

    Retour dans le RER

    J'ai abandonné la voiture pour aller à Nanterre : trop loin, trop fatiguant, pas écolo.

    Quel bonheur ce déconfinement progressif : silence, distance, prise en compte de la présence corporelle des autres.
    Les gens sont calmes, disciplinés, même le soir à 34o degrés.

    RER A, dix heures du matin, huit personnes prévues sur la plate-forme (une sorte de rêve éveillé). Et il n'y en avait aucune.





    En entreprise, on déconfine lentement : ascenseur le 11 juin, ascenseur aujourd'hui (une personne par croix devant se tourner le dos).






    J'ai mangé au self pour la première fois (il y eut un blog qui s'appelait «la première fois» ou «le blog des premières fois». J'aimais bien.) Peu de monde, peu de choix, les fontaines à eau sont fermées, nous avons droit à une petite bouteille d'eau chacun. Les places sont condamnées en quinconce.

    Projet

    Je suis totalement désorientée. Je ne sais absolument plus quel mois on est. J'ai l'impression d'être en plein juillet.
    Je ne réalise pas totalement que j'ai fini. J'ai fini, plus de devoirs à rendre, d'horaires à respecter, de courses avec le RER, de pari sur le fait qu'il y en aura un pour rentrer, de semaines où quatre jours sur cinq je rentre à onze et demie ou minuit.
    J'ai fini.
    Et maintenant, que vais-je faire, de tout ce temps, que sera ma vie?

    J'ai un projet : lire ma bibliothèque. Ça devrait tenir d'ici ma mort, le problème, ce sont les livres que l'on relit. J'aime relire.
    Sinon bien sûr je me suis réinscrite en grec.
    Et puis il y a l'aviron: passer mon permis bateau? Le permis remorque?
    Il faudrait lire St Augustin. C'est la conclusion à laquelle je suis parvenue en écrivant mon mémoire. En contextualisant ses textes, en comprenant qui étaient ses interlocuteurs et avec qui il ferraillait. Parce que De bono conjugalis, c'est tout de même beaucoup plus soft que ce qu'il a écrit en combattant les Pélagiens. Et c'est peut-être le texte à retenir, car que valent les autres qui étaient des répliques de circonstance à des adversaires qui n'existent plus?

    Conversation en français

    Cet après-midi j'avais rendez-vous à jrsfrance. Je me suis engagée tous les matins de juillet, de neuf à midi, pour converser en français avec des réfugiés.

    Quelques questions plus tard il ressort que : ils viennent là le plus souvent par bouche à oreilles, ils ne parlent jamais de leur passé ni de la façon dont ils sont arrivés en France et que les échanges sont très vivants. Il ne faut pas avoir peur de dessiner, même mal. (C'est le ridicule que j'assume: mal dessiner).

    Je songeais à venir ici depuis mon retour de Grèce en 2013, j'ai attendu la fin de mon cursus à l'ICP.

    Dernier samedi de printemps

    Skiff à huit heures. Arnaud m'a corrigé un défaut tellement évident que je me souviens maintenant que j'avais acquis le mouvement peu avant le confinement (plus de "en" dans une phrase tu meurs). Il fait très beau et déjà chaud.

    Puis Itteville. Belle maison. J'ai mangé la moitié de la côte de bœuf à moi toute seule, paraît-il.
    (La tombe du père du maire de la ville a été graffitée à quelques jours du second tour des élections municipales. Dupont-Aignan et Tron, hommes politiques de l'Essonne, ont refusé de signer une déclaration condamnant cette action, Dupont-Aignan parce qu'il ne veut pas signer avec les quarante-deux autres signataires, Tron parce que la rédactrice de la déclaration a témoigné contre lui dans son procès pour harcèlement sexuel.)

    Ayant besoin de repos mental, j'écris devant Hunger Game 4 (après avoir regardé les deux premiers hier tard dans la nuit). Souvent les gens n'aiment pas la fin, et pourtant, elle est bien vue. Le film aurait pu s'arrêter avant, mais c'est mieux ainsi.

    Conversation téléphonique

    Deux heures au téléphone avec A. J'ai parcouru quatre kilomètres en arpentant la terrasse.

    Réouverture

    Le restaurant réunionnais à moins d'un kilomètre de chez nous rouvrait aujourd'hui.
    Il faut que j'apprenne à ne pas commander de ti-punch.
    Connaissant leurs portions gargantuesques, j'avais emmené un tupperware, au grand embarras de H. qui est très gêné à l'idée de ramener ses restes. Moi ce qui me gêne, c'est de manger à m'en rendre malade ou de (faire) jeter.

    I'm hot

    — C'est fini, tu ne vas plus ramer à 18 heures! Tu étais brûlante et tu as fait l'étoile de mer toute la nuit, j'ai été obligé d'aller dormir dans le salon.



    C'est l'un des enseignements du confinement: si je dormais si mal depuis deux ans, ce n'est pas uniquement à cause du matelas ou de bouffées de chaleur ménopausesques mais aussi parce qu'après le sport mes muscles brûlent pendant des heures. Si je m'étale bien je ventile mieux. *sourire*.

    Première sortie en bateau long

    Troisième passage au bureau. Il y a davantage de monde, nous sommes peut-être six à l'étage.

    A six heures, sortie en quatre sans barreur, je prends la nage. C'est tout de même plus facile que le huit ou le skiff.
    Deux gars dans le bateau, syndrôme «à bicyclette»: «pour ne pas mettre pied à terre — devant Paulette». Je veux dire que l'un d'entre eux a avoué au ponton qu'il aurait bien soufflé un peu durant la sortie mais qu'il n'a pas osé le dire — et nous non plus. Fierté quand tu nous tiens.

    J'ai pris une première photo depuis le déconfinement (je n'ose pas emmener mon téléphone en skiff: peur de me retourner et qu'il coule).
    Vous noterez qu'il n'y a que trois rameurs dans la yolette, de façon à laisser un siège vide entre le barreur et le premier rameur.




    J'ai ramené tous les livres stockés dans mon armoire:
    Les Possédés de Dostoïevski en folio, préface de Marthe Robert
    Les Nuits blanche. Le Sous-sol du même, en folio, préface de Robert André
    Bill le héros intergalactique de Harry Harrison. Je suis si heureuse — et si surprise — de l'avoir trouvé en français. Il n'a jamais été emprunté.
    La dame aux camélias, d'Alexandre Dumas fils
    Le Talon de fer de Jack London. Son roman socialiste.
    Le Retournement et Le Montage de Vladimir Volkoff. Je les avais déjà, mais j'ai prêté l'un des deux et je ne sais pas à qui. Donc j'ai maintenant un double et à nouveau les deux. Jamais lu, mais il paraît que c'est un must de la manipulation.
    Odile de Raymond Queneau
    Le mur de la peste d'André Brink
    Mon dernier soupir de Luis Bunuel
    Galindez de Manuel Vasquez Montalban. En grand format. Je vais donner le poche.
    Fromont jeune et Risler aîné d'Alphonse Daudet
    A Berlin sous les nazis de Ruth Andreas-Friedrich
    Les œuvres complètes de Sally Mara de Raymond Queneau

    Je les ai laissés dans le coffre pour ne pas avoir de remarques.

    Tranquille

    J'écris en regardant Rien ne va plus (Chabrol, Arte). J'ai bu un peu de rouge, de cet excellent Morgon, dernière bouteille du carton. Un autre monde, avec des francs, où l'on fume dans les bars des hôtels, où l'on demande l'autorisation de tutoyer, où les plaques des voitures portent le numéro des départements. J'aime bien la coiffure courte d'Elisabeth Huppert, son côté garçonne rousse. Un monde enfui. Quel bonheur.

    Début de l'Auberge des blogueurs. Je l'avais totalement raté il y a dix ou quinze ans. Je me demande qui joue parmi les blogueurs que je connais.

    J'ai remis les pieds sur FB. Je n'aurais peut-être pas dû. Il en ressort que des chants antisémites ont égayé la dernière manif contre les violences policières — pour Adama Traoré (noir mort pendant son arrestation en 2016 — manifestation inspirée des manifestations suite à la mort de George Floyd aux US). J'ai failli m'étrangler en découvrant la photo ci-dessous.
    Je veux croire que c'est un montage, mais je sais que ça n'est pas le cas.
    Le monde me paraît en gésine; je me demande de quoi il va accoucher.





    J'ai vérifié: Nacira Guénif existe.
    Quelqu'un pour lui demander au nom de quoi il est possible de détester profondément une personne que l'on ne connaît pas, et quel nom elle donne à une haine qui atteint un groupe, une haine collective, et non une haine singulière qui touche une personne avec laquelle on a des relations individuelles?

    Régression

    — La librairie a rouvert. Je voudrais y passer.
    — Ah non, pas encore des livres.
    — Non, non, j'ai repéré autre chose depuis longtemps.



    — Quoi? T'as acheté ÇA ?

    Soutenance

    — Vous écrivez bien, c'est agréable à lire… mais parfois le portrait à charge tourne à la caricature.
    — Oui, je le reconnais. J'ai essayé de décrire ce que pensent ou voient certaines personnes de mon entourage.


    L'un des professeurs m'a fait de la peine: tandis que j'expliquais l'ambiance dans les cercles athés ou anticléricaux, il a fait remarquer que lui rencontrait plutôt les conservateurs catho et que ce n'était pas toujours simple.
    C'est un parfait dialogue de sourds : comme les plus pratiquants sont les plus conservateurs, leur adresser un message progressiste c'est aussitôt provoquer leur résistance passive.
    Cathos de gauche unissez-vous, bougez-vous, et allez à la messe !

    Avant la soutenance

    Préparation le soir alors que j'aurais pu le faire depuis une semaine. C'est agaçant cette procratination. Je m'agace moi-même.

    Conversation de comptoir dans la cuisine.
    Moi: — La vie est trop confortable, les gens n'ont plus besoin de Dieu.
    H. : — Surtout on a la science.
    O. : — Ou plutôt les gens n'ont plus peur: qu'est-ce que je vais devenir s'il pleut, si je n'ai pas à manger…

    L'argument de la science m'a prise par surprise. Je ne pense jamais que la religion remplaçait la science, tant je suis habituée à penser physique/métaphysique.

    ———————

    Au bureau, un circuit permet d'entrer par un ascenseur et de sortir par un autre.
    Dans l'ascenseur principal, nous devons entrer à deux et nous tenir dos à dos.
    (Inutile, il n'y a toujours personne.)




    Tirée au sort

    J'ai reçu un courrier de la mairie m'informant que j'avais été présélectionnée pour être jurée d'assises. Il y aura un deuxième tirage. Comme demandé, j'ai téléphoné à la mairie pour préciser ma profession. Si j'avais une raison légitime de ne pas pouvoir être juré (pour les indépendants c'est souvent compliqué), je devais le signaler avant le 9 juin. J'ai fait remarquer que c'était difficile de signaler quelque chose avant le 9 juin quand on recevait la lettre le 10.

    — La poste ne va pas vite en ce moment.
    — Oui, enfin bon, la lettre est datée du 29 mai, c'est posté de Draveil, on se demande pourquoi, et le cachet de la poste date du 6 juin.
    — C'est qu'il faut le temps que le maire signe, il n'a pas que ça à faire.
    — N'empêche que vous m'avez privée d'un droit constitutionnel.


    C'est faux, ce n'est pas un droit constitutionnel. Mais je n'aime pas cette mairie d'extrême-droite, même si la personne au bout du fil, je le reconnais, n'y est pour rien.

    Récolte

    Cueilli (coupé) du tilleul dans la forêt. Dans une pure tradition grand-mère, je l'ai mis à sécher sur des journaux dans le grenier. (Cinq ou six feuilles comme celle-ci.)



    Hier soir, enfin vu The Good Fight S0401.

    A la mémoire de George Floyd et tant d'autres

    Ce qui plonge dans la stupéfaction en ce moment au point d'en faire oublier le virus en décroissance (sauf en Suède où ils paient un non-confinement), ce sont les émeutes aux Etats-Unis après la mort de George Floyd, noir mort étouffé par le genou d'un policier blanc devant ses collègues qui ne sont pas intervenus.
    Cela a duré huit minutes. Le passé du policier en cause est impressionnant. Il a fallu une semaine d'émeutes pour que qu'il soit accusé de meurtre et les trois autres de complicité.

    Sans proportion mais préoccupant, on vient de découvrir en France un groupe privé sur FB qui rassemble des policiers qui échangent des propos racistes, homophobes, sexistes. Cela rappelle par analogie la ligue du Lol qui harcelaient les femmes journalistes dans les années 2010.


    Arte rediffuse Je ne suis pas votre nègre que j'avais raté la fois précédente. Il paraît qu'il est absolument à voir.

    La malédiction du printemps 2020

    Tant que nous ne pouvions pas sortir il faisait chaud et ensoleillé. Maintenant que c'est possible il fait venteux, pluvieux et froid. Ce matin, trois rameurs peu expérimenté se sont retournés à cause du vent (le skiff, c'est difficile).
    Surtout, plus grave, les cafetiers et restaurateurs sont désespérés: avoir fait tant d'efforts pour installer des terrasses covid-proof...

    J'ai rendu mes livres à la bibliothèque de l'ICP.
    J'ai récupéré O. qui a arrêté la fac depuis janvier sans nous le dire. Il a craqué ce matin quand je lui ai dit que s'il mentait, il valait mieux qu'on le sache tout de suite. Trois enfants sur trois. Karma? Nous sommes sans doute de très mauvais parents.

    Double déconfinement

    Retour sur l'eau. Pas plus de huit bateaux sur l'eau à la fois, pas de vestiaire, pas de WC (c'est le plus dur), une tente d'accueil avec gel et masques pour laisser nos sacs. Nous devons réserver notre créneau en ligne.

    Orage hier soir (cela a lavé les roses pleines de sciure). Ce matin il a plu tout le long du chemin pour le club mais cela s'est arrêté à onze heures, juste à temps.
    Deux boucles: j'ai cru que je terminerai pas la première (le souffle), j'ai ralenti, je me suis concentrée sur mon mouvement, je n'ai pas vu passer la deuxième. L'équilibre vient tout de suite dès que je prépare plus tôt.

    Au bureau. Seule. Seule sur tout l'étage, peut-être six personnes dans tout le bâtiment si j'en crois les voitures au parking. Je commence par manger ma boîte de sardines à l'huile et mes galettes de riz. Spartiate. Je n'ai pas le choix, je me suis aperçue que je n'avais ni monnaie ni carte bleue, impossible de m'arrêter quelque part en terrasse. J'ai dégoté trente-cinq centimes dans une coupelle sur mon bureau, juste de quoi prendre un café au distributeur (le moins cher. Le plus cher est à soixante centimes) mais ma pièce de deux centimes et mes trois de un n'étaient pas acceptées. J'erre pieds nus (mes chaussures sont trempées) sur le plateau (nom donné à la totalité de l'étage puisque c'est un open espace sans cloison. Il est lumineux car creusé d'une grande cour intérieur). Personne depuis mi-mars, des comptes rendus de réunion abandonnés sur les bureau rappellent cette date, c'est Pompéi saisi en pleine activité — moins la cendre.
    Je trouve une machine à café avec des capsules de café, je m'en sers un; je cherche une bouilloire pour me faire un thé car la fontaine d'eau bouillante de la salle de repos est condamnée. J'ai l'impression d'être Robinson à la recherche d'outils dans les débris du naufrage.

    Je dépouille dix ou onze semaines de courrier. J'ai mis la messe de Bernstein un peu fort. Quel morceau étonnant. Je trie par genre de demandes ou de réponses, je partage entre ma collaboratrice et moi-même. Je prépare un sac, ramette de papier, enveloppes, tampons, boîtier pour les virements bancaire, bordereaux de remise de chèques, chemise comptable.
    Je passe chez elle lui amener tout ça, ça lui évitera de venir au bureau un bon moment encore. De chez elle à chez moi, 64 km (42 km à vol d'oiseau, mais c'est trente minutes plus long). Il fait gris, presque froid. Je commence à être fatiguée.


    J'ai profité de la voiture pour ramener un peu plus de livres que d'habitude:
    - Arthur Rubinstein, Les jours de ma jeunesse
    - Robertson Davies, La lyre d'Orphée: lu en 1996. M'a marquée bien que ce ne soit pas un "grand" auteur. Foisonnant.
    - William Faulkner, Le Domaine (jamais entendu parler de ce titre)
    - E.M. Forster La route des Indes, référence camusienne
    - Alphonse Daudet, Numa Roumestan

    J'ai fini

    Enfin pas vraiment, il reste la soutenance. Mais j'ai fini les cinquante-huit pages (3 x 17 pages + intro + conclusion) ce matin vers dix heures après m'être levée à trois heures.
    188 347 signes, page de garde inclue.

    Je suis ivre de fatigue (cela fait deux ou trois jours que je travaille la nuit et fait des siestes éclair la journée). Je rame demain. Je m'étais d'abord inscrite pour hier (il faut réserver un créneau) mais je me suis dit que je n'aurais pas terminé à temps. J'avais raison.

    J'aime beaucoup mon titre: Pour une pastorale de la pudeur. J'admets que cela ne veut pas dire grand chose. Ce que je veux dire, c'est: que l'Eglise arrête de s'occuper de Q!

    J'ai découvert un beau texte des évêques de France paru avant les fous de la manif pour tous (lisez au moins la note de bas de page p.3). Ça ne donne pas raison au mariage pour tous, mais au moins ça reconnaît leur demande.


    Si vous avez envie de participer anonyment à un jeu de rôle sur blog, c'est ici.

    Ni pute ni soumise

    Nec domina, nec ancilla, sed socia.
    Isidore de Séville (VIIe siècle)
    Ni maîtresse, ni servante, mais compagne.
    Isidore de Séville, dernier Père de l'Église





    132504 caractères au moment où j'écris cela.

    Les fils de David

    Extrait :
    Classiquement, le pouvoir est l'enjeu de luttes fratricides. Les épouses, concubines, jeunes filles, sont des pions; les mères peuvent jouer un rôle actif. Les nombreux fils de David s'entretuent à deux reprises: Absalom apprend le viol de sa sœur Tamar par son demi-frère Amnon, l'aîné des fils de David. Il en paraît peu affecté mais le prend pour prétexte pour tuer Amnon deux ans plus tard.
    Cinq ans plus tard Absalom se proclame roi contre son père David et en déshonore les concubines dans une politique de terre brûlée.
    Salomon devenu roi fait tuer son demi-frère aîné Adonias à qui le trône aurait dû revenir si David n'avait pas promis à Bethsabée de couronner son plus jeune fils. Adonias demande pour seule compensation la jeune fille qui a veillé sur les derniers jours de leur père David. Salomon se met en colère et le fait mettre à mort, par crainte qu'accéder à cette requête ne légitime Adonias s'il venait à réclamer le pouvoir.

    Généalogie matthéenne

    J'avance terriblement lentement.

    Le soir a la douceur d'une soirée de juillet. Je ne suis pas sûre que ce soit bon signe.

    Miscellanées

    Comme je l'avais anticipé, je n'ai pas entendu parler de ce qui était si urgent vendredi. Il faudra que j'envoie un sms demain matin.

    Je suis allée chez le dentiste. J'aurai une couronne vendredi. Je me suis fait engueuler par la secrétaire parce que je n'avais pas de masque (avant j'oubliais mon attestation, maintenant j'oublie mon masque). Cette secrétaire est si désagréable qu'elle est une star des commentaires google. Comment un dentiste aussi affable peut-il avoir une secrétaire aussi revêche?

    Je regarde la saison 1 d'Amicalement vôtre. Je ne me souviens de rien. J'aime beaucoup les tenues, le design et les dialogues traduits avec panache.
    De la même façon qu'il existe un mot pour désigner le futur vu à partir du XIXe siècle (le steampunkt), il devrait y avoir un mot pour le futur vu à partir des années 70. (Cette réflexion n'a rien à voir avec Amicalement vôtre mais plutôt avec Cosmos 1999 ou Star Streck (l'original)).

    Les pivoines sont magnifiques. Elles ont fleuri quinze jours plus tôt que l'année dernière.

    J'ai fini la première partie de ma dissertation/mémoire (je ne sais quel est le mot. En Allemagne on dit dissertation): 70486 caractères dont 122 notes de bas de page. Ça va être difficile d'avoir fini dimanche; j'écris très lentement parce que je lis beaucoup entre mes phrases. Je vérifie tout, trop sans doute.

    Le jour d'après, c'est aujourd'hui

    Il faut avouer que je ne crois pas à un "jour d'après": je crois que cela va continuer comme cela longtemps, puis que nous aurons une autre maladie, puis une autre. Je crois qu'il faut prendre des repères et commencer à nous habituer à vivre avec cette menace.
    Suis-je très pessimiste ?

    Voici la dernière vidéo du jeune homme qui nous avait raconté la pandémie chez WoW. Au passage nous apprenons qu'il a failli être thésard en biologie.

    Vidéo : les futures pandémies, avec des morceaux d'élevage, d'animaux sauvages et de déforestation dedans.
    PS : le village d'Eyam est une de mes histoires d'héroïsme préférées.

    Le livre du biologiste Serge Morand interviewé dans la vidéo: La prochaine peste, publié en 2016.


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    Premier apéro, apéro chez les voisins, dans le jardin, à distance.
    Et de quoi avons-nous parlé, à votre avis?

    J'ai repris Amicalement vôtre. Troisième épisode.

    Je suis sortie !!!

    Pour de vrai. Coiffeur, achat de thé (trois ou quatre semaines avec du tout venant : la déprime (j'ai un peu honte d'être devenue aussi élitiste)), achat de livres à la librairie polonaise (j'ai vu passer son annonce de réouverture sur FB, je me suis dit que j'allais soutenir le petit commerce).

    Il y a des choses auxquelles je n'avais pas pensé: une cliente âgée du coiffeur explique qu'elle ne peut pas se promener, parce que sans café ouvert, elle n'a pas d'endroit pour se reposer, s'asseoir, boire, passer aux toilettes…
    Queues devant les quelques marchands de glace, façon Venise. Il fait beau, il y a du monde mais c'est encore raisonnable pour un samedi. Vivement que les terrasses rouvrent.

    Ce qui est amusant, c'est la végétation au bord des routes, au pied des arbres. Soudain on se rend compte du travail accompli habituellement. Je ne sais qu'en penser : faut-il faucher ou laisser comme cela? Ça ne fait pas très net, mais quelle importance? Est-ce que cela augmenterait les risques allergiques?



    bibliophore:
    Alexandre Kluge, Chronique des sentiments, I et II, Le raid aérien sur Habelstadt le 8 avril 1945
    Eli Luxembourg, La dixième Famine. Traduit du russe. Acheté sans le feuilleter, non à cause du virus, mais parce qu'il est sous cellophane. J'ai aimé son nom de famille.
    W.G. Sebald, Amère patrie. Parce que depuis l'été 2017, j'ai l'impression que toute l'Europe s'explique à partir de l'Autriche.

    Pas de livre d'Arnold Zweig. Dommage. Il faut que j'en commande. Un livre de Jiri Weil sur les tables, réédité chez un éditeur inconnu.

    Divers

    La partie contrat est OK. On verra le paramétrage lundi ou mardi. La jeune prestataire assistante à la MOA est soulagée (j'avoue que je m'applique particulièrement quand ce sont des jeunes femmes qui sont impliquées: je ne veux pas nuire à leur carrière).

    J'ai commencé Fargo. La saison 1 est très réussie, avec son méchant quasi sympathique à force de fantaisie et de détermination (sympathique n'est pas le mot: qu'on a envie de voir échapper à tout, parce qu'en tant que spectateur, on est curieux de suivre ses aventures).

    Je n'ai pas la discipline de travailler aux textes du magistère (surtout qu'il s'agit d'Humanae Vitae puis des textes de Jean-Paul II). Je manque du désir de m'absorber dans une tâche, dans un sujet. J'ai le désir inverse, celui de diffracter mon attention, d'où la multitude des séries. Quelle impression intense d'une vie inutile.

    Premières courses depuis le déconfinement. Des gens plus heureux, plus détendus, mais pas plus nombreux. Très bonnes fraises.

    Journée compliquée

    Conf call assez mouvementée pour un projet dont on a exclu la Mutuelle en mars (parce qu'on l'avait oubliée un an auparavant quand on avait défini le périmètre et que les responsables du projet n'ont pas voulu le reconnaître) pour s'apercevoir aujourd'hui que sa non-présence bloque la mise en prod du projet début juin. Comme disait Coluche: «je me marre ! ».
    Bref, on me demande de rattraper le coup, ce qui à vrai dire n'est pas difficile parce que la structure juridique est légère donc réactive, mais en temps de confinement tout ce qui est contrat et signature est compliqué. Signer un contrat, c'est tout de même plus facile autour d'une table.

    J'ai appris que le club de Melun reprenait les sorties sur l'eau (dans une organisation alambiquée). Je devrais me réinscrire là-bas, je ne suis pas prête de retourner à Neuilly, et de toute façon il n'y aura pas de sortie en huit avant longtemps.

    Regardé La scoumoune, disponible sur Youtube. J'attendais de connaître la fin de ce film depuis trente-cinq ans. (Il n'y a pas grand chose dans ce film, finalement. Une histoire d'amitié. De la nostalgie.)

    Vu Le pianiste. Le ghetto en couleur, c'est toujours une surprise. Polanski n'a pas mis en scène les Polonais qui venaient au spectacle lors du soulèvement du ghetto. Peut-être n'était-il pas au courant. Cela m'a donné envie de relire Rudnicki. Les «sous-marins», ces juifs qui se sont cachés dans la population. Ce n'était pas si facile, il ne fallait pas être typé.
    Je m'aperçois au passage que le type qui a écrit l'article Rudnicki dans Wikipedia en août 2008 a copié/collé l'extrait à partir de vehesse.

    Jardin

    Hier la pelouse a été tondue. Plus de pissenlits plus de graminées plus de fantaisie. Cela plaît beaucoup aux étourneaux et à un joli rouge-queue à front blanc. Je reconnais maintenant le chant de la sitelle (très monocorde).

    Depuis que le réverbère est tombé, nous cherchons un support pour le rosier grimpant. En allemand, "rosenbögen site:.de", en anglais "wooden arbour site:.uk". C'est amusant. Les plus beaux sont en Angleterre, mais entre le Brexit et la pandémie, ce n'est pas le moment le plus favorable pour se faire livrer.

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    J'ajoute quelques jours plus tard (j'allais oublier, mais il faut que je laisse ce souvenir à la bonne date):
    Réunion sur zoom avec un fournisseur. Pour une fois, par exception et par erreur, j'ai lancé la caméra, le fournisseur en a fait autant.
    Horreur et damnation : derrière lui un bordel sans nom, recouvert d'une couverture zébrée léopard. T'avais l'impression que le mec habitait dans un mobile home texan.
    Faut pas avoir d'ego pour garder cela en arrière-plan d'une conf professionnelle. Grillé pour toujours.

    Rêve

    Rêvé d'un opéra, un opéra aux costumes chatoyants et aux chants inconnus.
    L'étonnement est de savoir que cela se cache quelque part dans mon cerveau.

    Questionnaire du confinement

    J'avais repéré ce questionnaire à travers Gilda.
    J'y réponds maintenant que le confinement est officiellement terminé (officiellement, parce qu'en pratique je ne sais pas quand cela sera vrai).

    Qu’est-ce qui te manque le plus dans ce confinement (la première chose qui vient à l’esprit, spontanément) ?
    L'insouciance.
    Pouvoir agir sans planifier, sur un coup de tête.
    Je trouve ridicule l'épouvantable gravité donc certains se sentent obligés de se parer.

    Quelque chose de positif dans cette période ?
    Voir mon jardin changer tous les jours.

    La boisson du confinement ?
    Ginger beer + gin.



    Alors c’est comment le télétravail ?
    Normal. Par dérogation, j'avais beaucoup travaillé ainsi l'année dernière.
    Pour moi ça n'a pas changé grand chose; en revanche le niveau informatique de la boîte a beaucoup augmenté: plus fluide, plus stable.

    La chanson du confinement ?
    Messe en si et concerto de Bach.

    La série du confinement ?
    Better Call Saul

    Et ta coupe de cheveux ?
    Ça va. Déçue de ne pas avoir reçu à temps ma teinture irresponsable.

    Le livre du confinement ?
    Euh… De bono conjugali d'Augustin… (bon je plaisante, mais d'un autre côté c'est le seul que j'ai fini).
    Jared Diamond toujours en cours.

    Des stocks de bouffe ?
    Non.
    Découvert un marchand de légumes frais vraiment top.

    Des symptômes du Coronavirus ?
    Non.

    Sur-informé ou sous-informé sur l’épidémie ?
    Je n'écoute plus rien. Les gens sont dingues. J'attends d'apprendre qu'il existe un vaccin.
    Je regrette un certain manque d'élégance, l'élégance qui consisterait à parler d'autre chose.

    Optimiste ou pessimiste ?
    Fataliste et agacée.

    Une citation pour illustrer la pandémie ?
    Non. «L'éternité c'est long, surtout vers la fin.»

    Ozark

    Trois saisons d'Ozark.
    Ce n'est ni franchement bon ni mauvais, agaçant avec son sempiternel «je protège notre famille».
    Etonnant par la place des personnages féminins aux caractères très forts, maléfiques — sauf un, angélique.

    J'ai beau savoir qu'aux Etats-Unis tout s'achète — la transaction est au cœur-même de leur système judiciaire, The good wife, The good Fight, Better Call Saul, les séries le démontrent à longueur de temps — j'ai été scotchée par ce qu'ils songent à acheter: verser un dessous de table au conseiller conjugal pour que ses conseils soient en votre faveur, je n'y aurais jamais pensé. (C'est un spoil, mais un petit spoil, sans grande importance.)

    Une solution simplissime pour se débarrasser des cadavres est enfin utilisée: acheter une maison mortuaire et un crématorium. C'est si évident que je ne comprends pas que cela ne fasse pas partie de toutes les séries autour de la drogue, au même titre que les meurtres, le blanchiment, la torture. (Au départ l'achat était destiné à blanchir de l'argent mais cela se révèle très vite très pratique.)


    Un livre : Thomas Wolfe, : Look Homeward, Angel. Plusieurs traductions. La dernière.
    Et une explication des Chroniques martiennes: le regret de la Terre, même par ceux qui ne l'ont pas connue, et les problèmes que l'on emmène avec soi, même lorqu'on part pour tout oublier.
    (Je pars toujours du principe que ce genre de références sont des pistes laissées à dessein pour donner des clés d'interprétation à qui veut chercher.)

    J'ajoute deux jours plus tard (esprit de l'escalier): j'ai également appris par cette série qu'un type, Eugène Schieffelin, en bon obsessionnel, avait eu l'idée d'importer en Amérique tous les oiseaux dont parle Shakespeare: aujourd'hui les étourneaux (starlings) sont une menace pour la biodiversité américaine.

    L'Ordre Basilien Choueirite.

    J'ai rêvé de Charbel Maalouf.

    (Il y a quelques jours j'étais tombée sur cet article alors que je travaillais sur Grégoire de Nysse. Il a été mon professeur de patristique.)

    Ahurie

    Certains textes du Magistère sont lunaires. Extrait de Casti Conubii (1930):
    Pour ce qui concerne les motifs allégués pour justifier le mauvais usage du mariage1, il n'est pas rare — pour taire ceux qui sont honteux — que ces motifs soient feints ou exagérés. Néanmoins, l'Eglise, cette pieuse Mère, comprend, en y compatissant, ce que l'on dit de la santé de la mère et du danger qui menace sa vie. Et qui ne pourrait y réfléchir sans s'émouvoir de pitié? qui ne concevrait la plus haute admiration pour la mère qui s'offre elle-même, avec un courage héroïque, à une mort presque certaine pour conserver la vie à l'enfant une fois conçu?
    De la maternité comme martyre. D'une certaine façon ça ne me surprend pas, il me semblait bien que c'était la tendance Jean-Paul II. Mais je ne pensais pas que c'était écrit aussi franchement.
    J'ai de plus en plus l'impression que l'Eglise catholique mène une guerre contre les femmes. (A ceux qui me diront que c'est évident depuis toujours, je répondrai que j'ai accumulé des lectures qui sont autre chose qu'une impression informée par l'anticléricalisme.) C'est sans doute pour cela qu'avec finesse mon directeur de mémoire m'a proposé en second lecteur une jeune religieuse.
    De façon générale, le problème est le même que d'habitude: ceux qui ont le pouvoir veulent le garder, ceux qui sont loin du terrain ne comprennent pas grand chose à la réalité.

    Au téléphone lors de notre dernier atelier je disais à un camarade de cours que si les femmes avaient deux sous de bon sens, elles déserteraient l'Eglise catholique pour devenir protestantes (je sais que cette phrase paraît incompréhensible aux personnes qui n'ont pas la foi: pourquoi ne pas jeter tout cela aux orties, tout simplement? Parce que).
    Ça l'a beaucoup choqué: — Il ne faut pas dire ça.

    Le même, soixante-dix ans, ayant toujours travaillé comme juriste des ressources humaines pour la direction de grands groupes, a choisi comme sujet de mémoire «les écarts de rémunération». Il m'a beaucoup fait rire en me déclarant: «Vous savez, Jésus n'a pas eu le temps de tout dire, il n'est pas resté assez longtemps. Il y a beaucoup de sujets qu'il n'a pas abordés».
    Ce n'est pas la phrase en elle-même qui m'a fait rire mais le contexte: il était très vexé d'être mis dans le même sac que… les homosexuels.
    En effet, la plus jeune d'entre nous fait son mémoire sur le genre. Elle a regroupé les catégories rejetées ou condamnées par l'Eglise, soit entre autres les divorcés et les homosexuels.
    Or notre homme est divorcé.
    Il était tout à fait indigné: — Mais tout de même, ce n'est pas pareil, on ne peut pas nous mettre ensemble.
    C'était jouissif. Ainsi donc, quand c'est lui qui n'entre pas dans les cases, c'est carrément Jésus qu'il remet en cause. Prêt à trouver des justifications à toutes les injustices, mais si ça le concerne, il faudrait rajouter quelques lignes aux Evangiles.
    Well well.



    Note
    1: je traduis car toutes ces périphrases ne sont pas évidentes : avoir des relations sexuelles sans intention de concevoir un enfant.

    Silence

    Troisième sortie au supermarché : la première à l'heure du déjeuner, la deuxième à l'heure de la fermeture, celle-ci en plein après-midi: file d'attente sur le parking, silencieuse, disciplinée. Vingt minutes sous un ciel plombé. Je médite sur les pays de l'Est. Au moins il ne fait pas froid.

    Atmosphère lunaire. C'est dû au silence, je crois. Pas d'enfant, pas de couple, des personnes seules masquées marchant lentement entre les rayons, sans se toucher. Beaucoup d'hommes seuls, plutôt jeunes. Est-ce dû au ramadan? Aucune agressivité. Pas de de conversation, pas de musique d'ambiance.

    Ce serait très agréable s'il en était toujours ainsi.

    Promesse tenue

    La promesse de fleurs est tenue.



    Le jardinier est passé ce matin. Si on le laisse faire, il démolit et reconstruit l'ensemble du jardin : «vous savez que votre Nandina domestica est magnifique. Il faut le déplacer, mais vu sa taille, il faudra une pelleteuse. Vous tenez beaucoup à votre portique? Bon, je vais l'enlever. Hum, ces buissons ont bien repris, mais euh… ne le prenez pas mal, mais il n'y a rien de droit dans ce jardin, ça ne me plaît pas, ils sont trop alignés. Bon je vais voir ce que je peux faire.»

    Mardi

    Vu successivement Nuit et brouillard puis La jetée (via mubi.com).
    Etrange similitude de forme, noir et blanc, photos, voix off, cauchemar.


    Journée sur Vatican I, les papes. La page wikipédia sur Pie XII (Pie XII et les juifs) ressemble à un roman d'espionnage.
    Ecoute en boucle de la Messe en si.

    Better Call Saul

    Cela faisait longtemps que je voyais ce titre sur Netflix. Je l'évitais: à quoi bon regarder quelque chose inspiré de Breaking Bad, forcément moins bon que Breaking Bad?

    Un ami m'avait dit que c'était quasi meilleur que Breaking Bad (conversation en allant à Bruges, mars 2019). Je ne l'avais pas cru mais j'avais conservé la remarque en tête.

    Je viens de m'avaler les cinq saisons disponibles.
    En réalité cela n'a pas grand chose à voir avec Breaking Bad. Le personnage hésite entre le cocker triste et le clown endiablé, sans que l'on sache s'il s'agit de caractéristiques intrinsèques au personnage ou d'une évolution des scénaristes au fur à mesure de l'écriture et de la réception par le public (cinq saisons, c'est quatre périodes de retours des téléspectacteurs à chaque interruption).

    C'est inattendu, très animé, jouissif, avec quelque chose du génie américain tel que je l'imagine, la gouaille et la débrouillardise de Tom Sawyer ou Huckleberry Finn (qu'il faudra que je relise car mes souvenirs remontent à quarante ans).

    Le mot qui convient : Shenanigans !



    Photo d'une vitrine de Portland, Maine, jour de Noël 2015: «l'amitié s'enracine solidement dans l'alcool, les sarcasmes, le scabreux et les magouilles», description exacte des relations entre Jimmy et Kim.

    Il fait froid

    Grégoire de Nysse.
    Repassage devant Better call Saul saison 4.

    Passé la fin de la soirée à mettre des vidéos sur FB. Il y a un an je me suis inscrite en autoentrepreneur et je gère la comm d'une association (en free-lance, pas en tant que bénévole de l'assoc: je n'en fais pas partie. C'est bizarre, la gestion des vidéos sur les pages pro de FB. On devine en creux la concurrence avec Youtube).

    Je me souviens de la tête de Nathan quand j'avais dit que je voulais voyager en bus à l'intérieur des Etats-Unis. Il avait eu l'air profondément choqué: «Je ne connais personne qui voyage en bus!»
    J'avais insisté: «Mais si, ça arrive tout le temps dans les films. Je voudrais avoir un aperçu de la vraie vie des vrais gens».
    Il avait eu l'air dégoûté. «Les gens que je connais voyagent en avion ou en voiture».
    J'avais eu l'impression que c'était une affaire de classe sociale, qu'il ne fallait pas déroger.

    Depuis je compte les films où je vois des personnages se déplacer en bus à l'intérieur des Etats-Unis: Promised Land, la série Flesh and bones, et maintenant Better Call Saul.

    Cadavre

    Ce matin, en ouvrant les volets de la cuisine, une masse dans l'herbe.
    Un très gros hérisson, mort. Pas de blessure apparente. Mort de vieillesse?
    Il va falloir le mettre à la poubelle.

    Jour férié confiné

    L'une des règles de la procrastination est de trouver à s'occuper avec des tâches utiles mais non urgentes. C'est ainsi que j'ai redescendu mon ordinateur et remonté d'un étage l'ordinateur pro, rangé la chambre de A. et trié quatre cartons d'archives municipales, ajouté des cousins à mon compte FB ce qui m'a permis de voir les bébés de l'année (puisque la fête de famille n'aura pas lieu).

    Je n'avais pas suivi de près, je viens de découvrir, trois ou quatre jours après tout le monde, le résumé des règles du déconfinement.
    De toute façon, tant que je pourrais retourner ni en salle de sport ni à l'aviron, cela ne changera pas grand chose à ma situation. Mon employeur est du genre très prudent (il lui faut être exemplaire pour des questions d'image (mais reconnaissons qu'il va au-delà et se montre fair play voire élégant avec les salariés qui ont des enfants jeunes)), je suis partie pour n'aller au bureau qu'un jour toutes les deux semaines jusqu'en septembre.
    Je ne vais pas m'en plaindre.



    Suite (ou le début de la fin?)

    Et maintenant repassage en regardant Better call Saul S2.

    Pas le moral. Ça n'était pas arrivé jusque là. Le déconfinement ? La perspective de retourner à la vie normale?

    Reçu hier un mail de mon coiffeur: nous pouvons commencer à prendre rendez-vous. Zut alors, la teinture rose abricot genre manga (dans mon idée cela devrait ne donner que des reflets) que j'ai commandée va arriver trop tard, je n'aurai pas le temps de l'utiliser avant le 11 mai, ou alors il faudra que je me reteigne dans la semaine. Too bad.

    Il pleut et il fait froid.

    Cuisine et dépendances

    Gilda a émis la thèse intéressante que quarante jours étaient une durée biologique ou anthropologique. Une chose est sûre, c'est que quelque chose est en train de changer: je fais la cuisine!
    Aujourd'hui, pintade au raisin, recette trouvée dans un superbe livre, La cuisine des châteaux.

    Cela a donné lieu à un échange avec ma fille:



    Sinon, spécialement pour Matoo, ce lien d'où est tirée cette photo (merci à Philippe pour la recommandation de ce cours que j'écoute en faisant la cuisine):

    La messe du pape

    KTO diffuse en direct la messe que le pape célèbre à sept heures.
    Les lectures et l'homélie sont traduites en direct, par dessus l'italien du pape. Le reste de la célébration n'est pas traduite, comme du temps où les gens assistaient à la messe en latin.
    C'est calme, serein, tranquille. En suivant les rayons du soleil on imagine Rome au dehors.

    Quelques repères si par hasard certains d'entre vous tentaient l'expérience, par curiosité (les dix minutes du début, lectures + homélie, peuvent intéresser n'importe qui).

    La Bible se compose de l'Ancien Testament (avant JC) et du Nouveau Testament (à partir de l'Annonciation (conception de Jésus) ou de la conception de Jean-Baptiste).
    Le Nouveau Testament se compose de quatre Evangiles qui racontent la vie et la mort de Jésus (quatre fois chacun à leur manière), des actes des apôtres (décisions et organisation après la mort du Christ, voyages de Paul), d'épîtres (des lettres aux communautés de nouveaux convertis) et de l'Apocalypse (un rêve).

    Le principe d'une messe est de nourir le corps et l'esprit: des lectures commentées et un repas, la communion.
    Le dimanche il y a deux lectures, une prise dans l'Ancien Testament et une dans le Nouveau hors des Evangiles, soit les Actes des Apôtres, les épîtres ou l'Apocalypse.
    En semaine, il n'y a qu'une seule lecture. C'est plus court.
    Ces lectures sont lues par une personne de l'assemblée.

    Ensuite le prêtre lit un passage des Evangiles.
    Puis vient l'homélie : un commentaire que le prêtre conduit comme il le souhaite. Il peut commenter les trois textes, les relations entre les trois, un seul, ou prendre des chemins de traverse.

    Ce matin, c'était la lapidation d'Etienne, premier martyr. Le pape François a construit son homélie autour de la médisance et des fausses accusations.

    Quelque chose de bleu, quelque chose de neuf, quelque chose d’ancien

    Mon plus grand problème c'est la procrastination. Je crois que cela a commencé en sixième avec les rédactions à la maison: trop de perfectionnisme, la peur de ne pas être à la hauteur. Bien plus tard j'ai trouvé une remarque: «la première qualité d'un travail, c'est d'être terminé» (ça m'avait plu: la phrase d'un père à son fils qui peaufinait sa thèse).

    Bref, mon plus grand problème en confinement (comme en vacances, comme à chaque fois que le temps s'étend devant moi) c'est de m'y mettre.

    Quelque chose pour la maison/le jardin, quelque chose pour le boulot, quelque chose pour l'ICP.
    Et puis les blogs, le sport, l'arrosage.
    Lire un peu, regarder un film (en entier).
    Peut-être que ça fait trop. Peut-être que ça ne peut entrer dans aucune journée. Peut-être que je suis trop ambitieuse, trop affamée.

    Quelque chose pour la maison/le jardin: taillé l'herbe de la pampa,
    quelque chose pour le boulot: réécrit le PCA (plan de continuité d'activité),
    quelque chose pour l'ICP: le début de Clément d'Alexandrie (§4/27).

    Ma journée a ressemblé à une journée d'école primaire, avec des pauses récré dans le jardin. Il fait beau. Comme chaque fois que je travaille dans le jardin, je m'émerveille que les plantes transforment le soleil, la terre et l'eau en matière. Sans elles nous ne sommes rien.

    J'ai oublié de tailler l'herbe de la pampa en mars. J'espère de ne pas la faire crever en la taillant maintenant. J'ai pensé à maman qui disait qu'en avril il n'était pas trop tard pour tailler les rosiers.
    Mais l'herbe de la pampa, ce n'est pas des rosiers.
    A priori cependant, ça devrait être plus résistant.
    J'espère que ça ira.




    Deux blogs grâce à Gilda : entre café et journal et au fond du galetas.
    Un film étrange sur Mubi : Répertoire des villes disparues. Je commence Aux frontières de l'aube.

    Trente chansons

    Dans la série procrastination, j'ai trouvé cela sur Twitter.
    Ma sélection : de la variété française et des hits internationaux. Je me suis mis une seule contrainte, jamais le même interprète deux fois.
    Pour quelque chose de plus élaborée, voir ici.





    1. Une couleur : Son bleu
    2. Un nombre : La valse à mille temps
    3. L'été : La madrague
    4. Un mauvais souvenir : Hijo de la luna
    5. A écouter très fort : I am a Murlock
    6. Pour danser : Rock Around The Clock
    7. En conduisant : Hit the road Jack
    8. Drogue ou alcool : Je suis amoureux d'une cigarette
    9. Pour rire : On n'est pas là pour se faire engueuler
    10. Pour pleurer : La complainte du phoque en Alaska
    11. A écouter en boucle : The Wall
    12. Avant vos dix ans : Et mon père
    13. Les années 70 : YMCA
    14. A mon mariage : Halleluia
    15. Interprète croisé : The sound of silence
    16. Un classique : Bohemian Rapsody
    17. Pour un karaoké à deux : Macao
    18. L'année de ma naissance : Happy Together
    19. Qui me fait réfléchir à la vie : Mon vieux
    20. Qui a beaucoup d'importance pour moi : Talkin' Bout a Revolution
    21. Un prénom : Gabrielle
    22. Qui me fait avancer : Quand t'es dans le désert
    23. Que tout le monde devrait écouter : Avec le temps
    24. Un groupe séparé : Brothers in Arms
    25. Un artiste disparu : Le coq et la pendule
    26. Qui donne envie d'être amoureux : Still loving you
    27. Une chanson qui brise le cœur : Le petit cheval blanc
    28. Une voix aimée : Hello Dolly
    29. Une chanson de l'enfance : Cuisse de Mouche (je n'y comprenais pas grand chose, ce qui augmentait le plaisir)
    30. Qui me ressemble : I will survive

    Si vous êtes curieux, j'en ai fait une playlist.

    Un échange autour de l'agriculture biologique

    J'ai partagé ce tweet sur FB (à dérouler) à propos du traitement des betteraves :
    Comme tous betteraviers français, devoir faire demain un insecticide sur des betteraves à 2 feuilles, c'est à dire de la taille d'une pièce de 2€, me rend fou.
    A 80000 pieds levés, ça fait 0.4% de couverture
    Alors qu'il y a encore 2 ans, on avait des traitements de semences.
    S'en est suivie une discussion courtoise entre les pour ou contre les néonicotinoïdes. Un ami a fait remarquer qu'avec plus de bandes herbeuses, de haies, etc., certains problèmes posés par la mono-culture agro-industrielle n'existeraient pas. Mais travailler sur de telles parcelles est moins facile, on ne peut pas passer avec les mêmes tracteurs, etc.

    Réponse d'une amie fille et sœur d'agriculteurs: «il me semble que ça impliquerait un coût énorme en terme de main d'oeuvre que personne n'a envie de supporter».

    Ma réponse : C'est ce qui me fait de la peine quand j'entends mes potes de Neuilly discuter. Elles sont toutes CSP++ et incapables de parler de nourriture sans rajouter "bio" au bout: «J'ai fait un cake au citron bio avec de la farine de coco». J'ai l'impression de vivre IRL une parodie d'internet.
    Evidemment, ça part de bonnes intentions. Mais elles n'ont pas l'air de se rendre compte que les gens qui touchent un Smic et demi économisent sur la nourriture toute l'année pour partir en vacances en famille (quand ils partent. Mais elles ne peuvent imaginer qu'on ne parte pas en vacances. Une année où nous étions restés l'été à la maison, une rameuse m'a dit très gentiment, pour me consoler: «mais tu es quand même allée dans ta maison de campagne?» (What?? Quelle maison de campagne?)
    Et puis je pense à ma famille. Il y a encore pas mal d'agriculteurs dans la famille élargie. Eux t'expliquent qu'ils perdent de l'argent sur le quintal de pommes, je me souviens de ma grand-mère qui ne voulaient pas que ses fils soient paysans parce que «c'est bien trop dur», je vois le kilo de carottes à un euro en grande surface, et je n'ai qu'une trouille: que les agriculteurs abandonnent et que nous, l'une des terres les plus fertiles d'Europe, on se retrouve à tout importer.

    Le frère de l'amie cité plus haut (frère aux tendances communistes plutôt old fashion pour un si jeune homme): «Je vois mal les gens de Neuilly avec leur cake au citron bio s'enthousiasmer sur le fait que Jean-Eudes ou Christophine passe leur vie à arracher des chénopodes.»
    Il est resté très modéré, j'avais eu peur que ça dérape.

    Ma réponse : C'est ce qui m'a intéressée dans l'appel au peuple pour aller cueillir les fraises : combien de bobos allaient-ils se rendre compte que la terre était basse?
    Mais j'ai eu honte de cette pensée parce qu'elle faisait vraiment Chine rééduquant les intellectuels…
    Sinon, dans l'Est, du côté de Chaumont/Langres, j'ai un cousin qui raconte que les exploitants sont très contents de l'arrivée des réfugiés syriens: ceux-ci sont heureux de travailler une terre fertile, contre un salaire et un toit (alors que les mêmes exploitants n'arrivaient pas à recruter de façon stable des autochtones (mais ça il ne faut pas le dire, tu te fais traiter de vendue à la solde du grand capital).
    De la même façon, quand je cherchais des petits boulots pour ma fille, j'avais découvert que les agriculteurs de la Manche cherchent des ouvriers de façon permanente: mais bon, pour récolter la salade, la terre est basse (et je sais qu'elle est basse, je sais que c'est fatiguant, je ne me juge pas ceux qui préfèrent toucher le chômage. C'est juste que parfois, il faudrait avoir la décence de se taire, la décence de ne pas accuser l'Etat et tous ceux qui travaillent et donc financent toutes ces aides, d'être des profiteurs)).

    Quelle sorte de confiné êtes-vous ?

    Comité d'audit. Cette manie de s'occuper davantage de cocher des cases que s'assurer que les cases correspondent à un travail effectivement accompli.
    Lavé ma voiture (cela aurait dû être fait depuis un mois. Elle était couverte de pollen jaune).

    Une jolie galerie de portraits et une question: quelle sorte de confiné êtes-vous?


    Le sens des priorités

    Note : c'était durant le premier confinement, quand tout le monde ne parlait QUE covid.

    D., tu as embelli ma journée :

    Mail : «Le pire c’est la sortie du Tome III en Pléiade de Nabokov qui est reportée du 16 avril au 9 juillet, c’est vraiment jouer avec les nerfs des lecteurs après 11 ans d'attente.»

    Des liens

    Se souvenir des temps incroyables que nous vivons : le pétrole distribué gratuitement parce qu'il n'est plus vendu, que les stocks débordent, qu'on ne peut pas arrêter l'extraction facilement.

    Des classiques à lire en ligne. Les éditions papier sont très jolies, dépouillées.

    Les cours de Foucault au collège de France.

    Si vous avez du temps et l'envie, vous pouvez écrire, un peu à l'aveugle certes, à une personne en ehpad.

    Un site à explorer, celui de l'univers du livre, éditions et libraires.

    Une visite d'appartement en temps de grand claquemurage1, sur l'air de "T'as voulu voir Vesoul".

    Visitez le tombeau de Ramsès VI ou les les chutes d’Iguazú.

    Les masques protègent dans 8% des cas : voir ici à 18 minutes 53 (l'ensemble de la vidéo porte sur l'adoption et la diffusion des nouvelles inventions dans une population).



    Note
    1 : ©Didier Goux

    Décompte malsain

    Liste des gens touchés que je connais personnellement

    23 mars : Bénédicte (en cours) et Marin. Marin à l'hôpital et sorti d'affaire.
    24 mars : les parents d'Anne F. malades le 6 mars. Sa mère un simple rhume, son père en réanimation à Dijon depuis le 12 mars.
    Marin pas sorti d'affaire. En réanimation.
    26 mars : RC en réa depuis hier.
    27 mars : RC sorti. Ce n'était pas cela.
    ?? avril : France l'a eu. Elle est retournée travailler.
    14 avril : de maman "Albert notre ami alsacien a été bien malade. La fille des A. a été à la limite de l’intubation et on lui dit qu’elle n’est peut-être pas immunisée".
    14 au 15 avril: mort de Laurent Chamontin.
    21 avril : Marin sorti de réanimation.
    22 avril. Michèle D. sortie de réanimation.

    Trente ans

    — Put***, trente ans ! Tu te rends compte ?
    — Non, pas vraiment.
    Rires.
    — A vrai dire, moi non plus.




    Quand j'avais évoqué en janvier l'idée de réunir quelques potes pour fêter l'occasion, H. avait grommelé:
    — Mais pourquoi tu veux fêter ça? Juste pour qu'on constate que nous sommes tous devenus des vieux kroums?
    — Parce que ça fait un prétexte pour se voir, parce qu'il faut fêter ce qui est accompli et que nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve : il faut saisir le présent et se réjouir maintenant, sans attendre.
    (Ça sonne un peu pompeux mais de temps en temps je suis obligée de dire ce que je pense vraiment: j'ai remarqué que c'était le meilleur moyen de le convaincre.)

    Mazette. C'était prémonitoire, j'aurais dû insister pour le fêter en janvier!

    Adieu au système impérial

    C'était un cadeau de mes amis américains en 1984, un petit verre mesureur en plastique, gradué en ounces, tasses et millilitres.
    Cela n'a l'air de rien, mais c'était difficile à trouver en France à l'époque.

    L'anse était cassée, le fond était étoilé mais retenait encore les liquides.

    Je l'ai achevé ce soir en y mettant des amandes grillées dans l'huile: sous l'effet de la chaleur, le plastique du fond s'est retourné suivant les lignes de fêlure. Le verre est passé à la poubelle.


    Simulation pandémique

    Ma fille me signale une vidéo de DirtyBiology du 3 août 2014. C'est génial, regardez-la jusqu'au bout (même si l'aspect over-pédagogique peut vous agacer un instant).

    Teaser : Word of Warcraft avait développé pour les niveaux de jeu les plus avancés une nouvelle difficulté: une maladie. Ce que les concepteurs n'avaient pas prévu, c'est qu'il y aurait un bug dans le programme qui a permis à la maladie de s'échapper vers les autres niveaux de jeu. Et comme (spoiler alert) les joueurs sont des humains, ils ont joué en appliquant tous leurs travers humains de bêtise et de curiosité. (Evidemment, si les résultats sont aussi intéressants, c'est que les joueurs sont très nombreux et répartis sur toute la planète: donc ils représentent tous les modes de pensées, à la fois individuels et culturels.)

    Et si on relançait le jeu en simulant une fin de confinement, afin d'observer les comportements humains?


    Remarque : les youtubeurs ont joué un rôle important auprès des jeunes pour les convaincre de rester confinés. Ce sont des relayeurs sérieux de la pensée rationnelle. Je regarde de temps en temps une de leurs vidéos conseillée par les enfants: cela me rassure de savoir qu'il y a des anti-complotistes pour informer la jeune génération.

    Sortie de coma

    X. sort de coma artificiel au bout de trois semaines. Premières paroles à sa femme: qu'elle prévienne son travail qu'il était hospitalisé depuis hier et qu'il serait absent.

    J'ai fait les courses

    Aux USA j'aurais pensé qu'ils profitaient d'une opportunité, d'un marché. En France, je me demande s'ils ne se moquent pas, discrètement.

    Vingt-cinq kilos de farine. Costaud, la ménagère de plus de cinquante ans.
    Et le PQ… je ne comprends pas le PQ: tant qu'on a de l'eau courante, quelle importance d'avoir ou non du PQ? Surtout en restant chez soi.


    Rééducation

    Je ne peux plus — ou plutôt je ne pourrais plus, si j'avais le dessin au sol — jouer à la marelle. Car je ne peux plus sauter à cloche-pied.

    Le pouvais-je il y a un mois? Je ne sais pas.
    Mais il y a un mois, lorsque j'ai commencé à sauter à la corde, je pouvais sauter une minute sur un pied puis une sur l'autre.
    Aujourd'hui je le peux à peine, tant ça fait mal. Un seul pied ne peut supporter mon poids si je saute. Ma cheville et la voûte plantaire cèdent. Ça fait horriblement mal.
    La bonne nouvelle, c'est que les deux pieds sont aussi faibles. Cela fait exactement un an que j'ai été opérée et c'est une satisfaction que les deux pieds soient identiques — même si j'aurais préféré que ce soit dans la force.

    Alors je m'obstine. J'essaie de muscler ce qui ne l'était pas mais n'était jamais sollicité. Je me demande ce que cela changera à ma démarche, à ma posture. Cela changera-t-il quelque chose à la possibilité de porter des talons très hauts? (car je n'en porte plus depuis deux ou trois ans mais je recommencerais volontiers).


    ------------------------

    Astuce confinement : le Concertgebouw diffuse un concert chaque soir ou presque, à huit heures ou huit heures et quart.

    Déconfinement déconfit

    De ce que je comprends en lisant à droite à gauche, il y a les gens accablés à l'idée que cela va durer encore un mois (mais comment ont-ils pu croire un seul instant que cela durerait moins de huit semaines? 76 jours pour les Chinois — il n'y avait aucune raison que nous fassions moins ou mieux) et ceux qui ne veulent pas retourner travailler (salauds de patrons capitalistes qui veulent nous rendre malades; comme si l'école était plus importante que nos vies; etc, etc).


    En résumé, il faudrait sortir du confinement mais ne pas retourner travailler.

    J'ai l'air d'en rire mais en réalité cela me pertube.
    Je pense au grand Bond en avant, quand l'Etat chinois a dit «Mangez, l'Etat vous nourrira», et que les paysans, mon dieu, les paysans, ceux qui savaient bien que la nourriture n'était pas magique, qu'elle poussait et se récoltait à force d'attention et de peine, l'avaient cru, mon dieu, l'avaient cru. Et ils ont mangé leurs réserves, c'était la fête, l'Etat veillait à tout, et ils sont morts de faim l'année suivante.
    What do you expect? ai-je envie de crier, vous pensez vraiment que c'est magique, que l'argent sort des murs, des poches des milliardaires-qui-ne-paient-pas-pas-leurs-impôts (syntagme figé, entrée flaubertienne du dictionnaire — millionnaire: ne paie pas ses impôts), que la finance suffirait à nous nourrir tous? Mais la finance, c'est du vent; vous le savez, vous qui demandez le retour de l'économie réelle contre la finance: l'économie réelle, c'est votre travail.
    Ô cette façon d'avoir oublié le lien entre son salaire et le travail accompli.
    Il faut être à son compte en ce moment pour le mesurer.

    ————————

    Pour les netfliqueux : si vous aimez les polars (un peu gore) vous pouvez tester Headhunters.
    Vu American psycho (pas mon genre) et Wajda sur Arte (magnifique jeune actrice. A regarder en VO).
    Commencé The Intruder (Arte toujours).

    Chronologie des manques

    Un twittos anti-macroniste a reconstitué une chronologie à charge de la gestion de la crise qui présente l'intérêt d'être également une chronologie de l'épidémie. (Apparemment, François Bonnet l'a plagiée dans Médiapart).

    Les twitts sont appuyés sur des sources extérieures. Le gros bémol que j'apporterais, c'est l'ambiance de février, la bite à Griveaux, le 49-3, etc: je ne crois pas une seule seconde que les anti-macronistes auraient cru Macron avant le 16 mars, et ce pour une raison simple: quoi que dise Macron, ils sont contre. La preuve par l'absurde en a été apportée fin mars par la CGT qui a voulu… appeler à la grève. (Une amie a commenté: «c'est de la haute trahison».)

    Cela posé, j'avoue mon exaspération devant l'absence de tests de dépistage en amont (pour connaître les asymptômatiques et non vérifier que les malades sont malades, nom d'un petit bonhomme) et le discours "les masques sont inutiles" (plutôt qu'encourager les gens à faire ce qu'ils pouvaient — heureusement ils l'ont fait) et surtout devant l'absence de discours clair.
    Si l'on manquait de tests et de masques, il fallait dire: «nous manquons de tests et de masques. En attendant d'en obtenir, nous vous conseillons de…»
    Ce n'est pourtant pas difficile.
    Ça m'agace parce que j'ai les mêmes problèmes au boulot, cette incapacité à obtenir la vérité, l'obligation de la déduire lentement soi-même des faits parce que la hiérarchie, les prestataires, n'ont pas le courage de l'exprimer.
    Et pourtant connaître la vérité, l'état de la situation, c'est la meilleure façon d'y faire face. Même s'il n'y a rien à faire, s'il n'y a qu'à attendre, cela permet d'observer les modifications de la situation en comprenant ce qui se passe, parce que cela correspond à notre information. Cela permet de réagir vite dès qu'on peut intervenir.

    Cependant, je préfère avoir eu Macron au gouvernement pour gérer cette crise que MLP, Fillon ou Mélenchon. J'ai davantage confiance dans sa capacité de raisonnement et sa volonté d'agir pour la France (même si je comprends tout à fait qu'on puisse ne pas être d'accord avec la forme qu'il souhaite donner à la France).
    Ses adversaires l'appellent "le président des riches", mais justement, lui ne pique pas dans la caisse parce qu'il a tout ce qu'il lui faut — MLP pique dans la caisse en continu, Fillon rends-l-argent est devenu proverbial; je ne sais quel pot-de-vin ou montage foireux ces deux-là auraient accepté en ces temps de pénurie médicale.

    Quant à Mélenchon c'est un autre problème: la grosse tête, une tendance très yakafokon-X-est-un-incapable-moi-je. Se retrousse-t-il les manches parfois? A part prononcer des discours, a-t-il fait avancer des dossiers dans ses différentes fonctions au cours des trente ou quarante dernières années? Je ne sais pas s'il se serait occupé des gens. Être capable d'encenser le Vénézuela pétroliféraire dont les habitants affamés ont fini par manger les flamants roses ou les animaux des zoos m'en fait douter.
    Par exemple, j'aimerais bien savoir ce qu'il a fait concrètement, à part accuser la mairie et l'Etat, pour les immeubles de Marseille. Après tout il est député des Bouches-du-Rhône, il s'agit d'une situation de crise: comment se comporte-t-il en situation de crise?

    Un dessin pouvant (res)servir souvent :


    Décision

    Une décision c'est un choix parmi plusieurs possibilités d'action.

    Après coup, une décision paraîtra toujours mauvaise, au moins partiellement: parce qu'elle sera passée de la théorie à la pratique, elle aura mis en branle le réel, déployant autour d'elle ses effets secondaires inattendus ou pervers. Apparaîtra dans la réalité toutes ses conséquences auxquelles nous n'avions pas pensé.
    A l'usage, il semble parfois que plus une décision est radicale et plus ses effets pervers le seront (pervers signifiant ici: allant à l'encontre de la décision prise1).

    Donc prudence et mesure.

    Par ailleurs, avec le recul, toutes les autres possibilités restées à l'état abstrait paraîtront attrayantes: en effet, non mises à l'épreuve de la réalité, elles n'exposent pas leurs désavantages encore inconnus.

    Hier soir Macron a annoncé la sortie progressive du déconfinement à partir du 11 mai, avec reprise des écoles et collèges mais pas des universités.
    Les cafés et restaurants vont rester fermés. J'ai du mal à imaginer des villes mortes.
    On verra bien.



    Note
    1 : Mon exemple préféré d'effet collatéral opposé à la décision prise: VGE fermant les frontières à l'immigration, Simone Veil plaidant pour les familles que cela séparerait, loi de rapprochement familial, arrivée en France de familles nombreuses, parfois polygames, qui ne repartiront plus par peur de ne pas pouvoir revenir puisque les frontières sont fermées.
    Bref, si VGE n'avait pas fermé les frontières, les pères auraient continué à venir travailler seuls pour rentrer au pays pendant les vacances…

    Indécence

    H. continue de relancer ses anciens serveurs, trier ses disques durs (j'annonce fièrement que j'ai une copie du Mac de RC de 2007 et l'intégralité du site la SLRC en date d'octobre 2006). Il m'annonce qu'il a L'enfer de Dante en epub (je le traite de snob) et éclate de rire quelques minutes plus tard: «Ah, et puis dans le dossier films de Q, j'ai L'indécente aux enfers


    Pendant que j'y suis je vous mets une photo pêchée chez Matoo : restez à l'intérieur.

    Assurance

    Je vois passer l'idée d'une assurance épidémie.

    Sans commenter la viabilité du dispositif (je suppose que le DG d'Axa est un plus grand professionnel que moi (litote)) je vais en profiter pour faire quelques rappels de bon sens (sachant qu'il est possible ensuite d'organiser des dispositifs qui permettent d'échapper à ce que je vais exposer: mais y échapper consiste à le prendre en compte):

    L'assurance est née à Venise: deux ou trois armateurs décidaient de mutualiser les risques: si leurs trois bateaux arrivaient à bon port, chacun profiterait de son bateau, si un ou deux manquaient à l'appel, les armateurs partageraient les gains en trois.
    De cet exemple simple, on comprend immédiatement qu'il ne faut pas que tous perdent tout: sinon il n'y a rien à partager.
    Même si l'assurance ne fonctionne plus exactement ainsi, le principe reste valable. C'est pour cela que les épidémies, les guerres, les catastrophes nucléaires, etc., tous les événements qui touchent tout le monde, sont exclus des contrats (français).

    Je vois certains être sur le point de proposer que les assurances remboursent leur manque à gagner aux PME. Ces personnes se rendent-elles compte que cela revient à supposer que les sociétés d'assurances disposeraient de l'ensemble du chiffre d'affaires des PME?
    Par quel miracle?
    Cela supposerait que la prime d'assurance versée par chaque PME soit égale à l'intégralité de leur chiffre d'affaire.

    ————

    Rappel: l'assurance et la solidarité sont deux notions différentes mais complémentaires: en assurance vous cotisez selon votre risque (la prime est différente selon que vous roulez en twingo ou en ferrrari); selon le principe de solidarité, vous cotisez en fonction de vos capacités (la sécurité sociale, par exemple).

    Les contrats d'assurance français destinés aux particuliers organisent invisiblement la solidarité dans un grand nombre de domaines. Par exemple, depuis 1985 ils prévoient tous une contribution attentat. Sur votre contrat automobile, vous cotisez à un fond destiné aux victimes d'accidents dont le responsable conduisait sans assurance. Votre contrat habitation comprend une contribution à un fond catastrophe naturelle et une garantie tempête obligatoire.
    En santé, les contrats de complémentaire santé qui veulent bénéficier d'une fiscalité avantageuse n'ont pas le droit de vous faire remplir un questionnaire de santé. C'est une façon d'organiser la solidarité; dans le cas contraire, les personnes présentant la moins bonne santé devraient payer une cotisation très élevée (sachant qu'ici le calcul est faussé par la sécurité sociale: quelqu'un souffrant d'une affection chronique (diabète, cancer, sclérose en plaque) sera pris à cent pour cent par la sécurité sociale et ne coûtera pas très cher à sa complémentaire santé).

    Bref, nous sommes solidaires sans le savoir, nous sommes beaucoup plus solidaires que nous le croyons. C'est dommage d'ailleurs, peut-être devrions-nous en avoir davantage conscience.

    Cuisine

    Aujourd'hui j'ai eu le droit de cuisiner. (Allusion à cette citation que j'adore: «Jour de Dieu! que je voie des femmes faire la cuisine chez moi!»).

    J'ai donc mis le poulet à mariner et préparé un bourguignon de champignons en regardant la vie de Marie-Thérèse d'Autriche sur Arte (déçue qu'on ne parle pas davantage de ses enfants, mais cela m'a permis de nouer des liens entre les châteaux de Schönbrunn, Charlottenburg et Nancy).

    La purée de céleri accompagnée des champignons était très réussie.

    J'ai inversé les ordinateurs: installé le professionnel dans la chambre qui donne sur le jardin et le personnel sous les toits, à la lumière. J'aime être plus près du ciel. Avouons-le, je procrastine par peur de me remettre à mon mémoire. J'ai trouvé cela que je trouve très bien vu:




    Névrosyne et autophlagèle.

    Allergie

    Ce n'est pas le pollen, c'est la poussière. #rangementdugrenier

    J'éternue beaucoup; dans le jardin ça résonne dans tout le quartier (dans la cuisine j'entre en résonnance résonance avec le radiateur).
    Je vais être malade, c'est sûr : un médecin m'avait expliqué que l'irritation causée par l'allergie rendait les muqueuses plus réceptives au moindre virus, bactérie, microbe, qui passait.

    Pendant ce temps les pivoines

    A gauche le 25 mars, à droite le 7 avril.




    Nous avons sorti la table de jardin et le parasol.

    12 avril. J'ajoute ce commentaire copié sur la page FB de Fabrice, spécialiste de Gide et de botanique:
    Connaître les plantes, c'est bien, les comprendre, c'est mieux…

    Ainsi savez-vous pourquoi certaines jeunes pousses du printemps se colorent de rouge, comme celles des rosiers par exemple, ou encore les premières feuilles des érables, des chênes…?
    Tout comme en automne, les feuilles se chargent de tannins, substances astringentes et colorées, dont on commence tout juste à comprendre le rôle et à percer les secrets. L'astringence repousse ainsi la dent des chevreuils, des lapins, mais aussi les attaques de pucerons attirés par ces tendres pousses. La couleur permet aussi de diminuer les effets du soleil sur ces végétaux encore fragiles. On observe le même phénomène sur certaines plantes de murailles qui se parent de rouge pour survivre aux coups de soleil dans un environnement très chaud et sec.

    A l'automne, le phénomène provient de la disparition des pigments verts de la chlorophylle qui met en évidence les tannins jaunes ou rouges jusque là camouflés derrière le vert. Les plantes stockent dans des cellules spécifiques ces tannins qu'elles vont évacuer en larguant leurs feuilles. Une fois au sol, les champignons vont commencer à dégrader ces chaînes moléculaires denses (les tannins sont difficiles à digérer) et c'est au printemps seulement que la matière organique sera à nouveau disponible dans le sol. Pile à l'heure pour le réveil de l'arbre. C'est-y pas malin ?

    Pour en savoir plus, le dernier livre de Marc-André Selosse consacré aux tannins est une mine d'érudition et de découvertes.

    Des liens

    Jobs utiles et jobs à la con : le pays tourne grâce aux smicards, mais d'une certaine façon nous le savons depuis toujours; cela a été théorisé en 2013.

    Un ami m'envoie une explication de la pénurie de masques. Ça ne me fait pas franchement rire parce que j'ai connu ça.

    Pour ceux qui veulent un exemple réel, voici ce que j'ai obtenu en janvier quand j'ai voulu faire une réclamation sur le site de la SNCF: "moins d'un an" n'avait pas été programmé comme "moins de treize mois" mais comme "l'année doit être identique à celle du jour de la réclamation".
    Et sinon un projet en tchèque, la Bible adaptée au XXIe siècle (je vous mets le lien pour que vous puissiez vous vanter plus tard d'être dans ses premiers fans français). Rémi a traduit deux péricopes, les noces de Canaa et la résurrection de Lazare.

    J’adore lire la #Parabible d'Alexandr Sasha Flek qui est une réécriture du Nouveau Testament avec notre langue de tous les jours.
    En ce week-end pascal, je me suis inspiré du chapitre LÁĎO POJĎ SEM! lui-même tiré de Jean 11.
    Marthe, la sœur de Marie, envoie un texto à Jésus: « ton copain Lazare est au plus mal. Viens! »
    Il lui répond: « avec le confinement, c’est balèse. Thoughts & Prayers! »
    Mais deux jours plus tard, il dit à sa team: « allez! on lève le camp. Faut y aller!
    — T’es pas sérieux?!?!… en pleine quarantaine? On va se faire lyncher! »
    Jésus leur répond: « si tu voyages de nuit, en douce, tu éveilles les soupçons de la police et tu te fais arrêter. De jour, la conscience claire et la tête haute, tu passes tous les barrages.
    — et les risques d’attraper le virus? tu y’a pensé?
    — Lazare s’est endormi. Allons le réveiller! »
    Arrivés sur place, Marthe le tance vertement: « il est mort du Coronavirus! Tu lui as manqué dans ses derniers instants. Dans son dernier souffle, il demandait où t’étais!
    - Ne t’inquiète pas, il va se relever… »
    Elle l’accompagne à la morgue, pour que Jésus puisse se recueillir devant la dépouille de son ami. Mais là, à la surprise de tous ceux présents, il toque sur le cercueil et crie: « Lazare, sort de là! »
    Lazare repousse alors le couvercle du cercueil. Il est tout ankylosé mais à part ça, vif comme en l’an 40.
    Le problème, c’est que le fait s’ébruite.
    Un membre de la team qui a filmé la scène, le poste sur Facebook.
    Les médias s’en saisissent.
    Gros titres: « on peut ressusciter du Coronavirus! »
    Ça colle pas du tout avec la politique du premier ministre, Ponce Pilate, qui veux tirer à lui la couverture médiatique de la gestion de la pandémie.
    Pâques approche, un plan est établi pour se débarrasser de ce fauteur de trouble dans une émission de télé-réalité bien sanglante.


    LES NOCES À SCY-CHAZELLES
    Comme Marie faisait la plonge gratis, on avait invité Jésus mais sans penser qui viendrait avec tous ses potes…
    Et qu’ils picoleraient autant!…
    Marie, en cuisine, s’inquiète de voir les cubis disparaître si schnell. Elle fait venir son fils & lui explique: “mir habn a problem” (*en bons Juifs du coin, ils parlent yiddish).
    - Kein problem, Muti.
    Il ordonne qu’on verse les cubis restants dans une grande cuve. Versez-y la salade de fruit (on a le gâteau de mariage, ça suffit comme dessert), diluez à ras-bord avec de l’eau. Vous le servirez en appelant ça "sang du Christ" ou plutôt "sangria", c’est plus « vendeur », et vous ferez cela en mémoire de moi à chaque fête.
    Discrétôs, il y verse le reste de MDMA qu’il avait pas réussi à vendre à la rave de la veille.
    Ça a été un mariage du feu de Dieu!
    Le père de la mariée a félicité son gendre de faire servir des cocktails 🍹 aussi réussis.
    C’est de là que date la réputation de Jésus comme Sauveur de situation.

    Zut

    Je me suis cassé une dent, une prémolaire.

    Ça faisait longtemps que quelque chose me gênait à gauche, une douleur sourde quand je mâchais ou serrais les mâchoires, comme une infection à l'intérieur de la gencive — mais rien, ni fièvre ni abcès. J'étais allée chez le dentiste en novembre qui n'avait rien vu.
    La dent a cédé aujourd'hui, la moitié ou un bon tiers. Ça ne fait plus mal, le nerf doit être encore encapsulé dans un reste d'ivoire je suppose.
    Ça ne fait plus mal mais ça fait peur : crainte d'infection. Impossible d'avoir un dentiste en ce moment.
    Bains de bouche au synthol.

    Journée de reprise en main

    Après une semaine de boîtes de conserve et de ramen je suis allée en fin de matinée à vélo chercher des salades et autres pamplemousses.
    Surprise au retour: les voisins de la rue (c'est presque une impasse, une boucle à partir de la rue principale: ma rue ramène à son point de départ) sont tous sortis sur le trottoir, le cul sur une chaise, le verre sur un tabouret, et ils papotent à dix ou quinze mètres de distance dans le soleil printanier.

    J'ai insisté pour que nous sortions la table de jardin et mangions au soleil — H. s'est si bien cloîtré depuis trois semaines qu'hier il a peiné à terminer sa première promenade d'une heure hors les murs. Retour au soleil, à l'air, au vent, aux oiseaux.

    J'ai planté mes deux clous, la carte d'Australie est suspendue; j'ai scié la vigne, attaché le rosier grimpant. J'ai commencé à trier des papiers dans le grenier, jeté l'ensemble des documents de cours reçus en 2015-2016 (christologie, liturgie). Ces documents me paraissent lunaires, je ne comprends plus du tout pourquoi je me suis lancée là-dedans. Mais bon, je ne savais pas ce que c'était, maintenant je sais.

    H. proteste qu'il y a trop de livres dans la maison, je rétorque qu'il y a beaucoup de fils un peu partout.
    Photos prises à travers la maison dimanche dernier.





    Depuis il trie et regroupe. Il ouvre des ordinateurs, change des cartes (aquand c'est possible car il n'a jamais la bonne sous la main), fait des sauvegardes. Ça m'amuse de le voir faire, j'ai l'impression de rajeunir.

    Mon voisin travaille dans le BTP

    Il s'ennuie. Chaque fois que je sors pour bricoler, jardiner, il vient papoter (de loin).

    — Ils nous ont dit qu'on pouvait continuer à travailler… mais comment? Plus rien n'arrive, plus de ciment, plus de sable, plus de parpaings…
    — Et puis c'est pas facile… Y'a les noirs y se sentent pas concernés, y disent que c'est une maladie de blancs. Au réfectoire, les Pakistanais mangent tous dans le même plat en trempant une espèce de galette qui sert de cuillère… et les Tunisiens ils partagent toujours la gamelle… C'est pas facile… J'ai râlé, j'ai protesté, ça s'est un peu arrangé, mais être chez soi, c'est plus sûr.


    «Y'a les noirs y se sentent pas concernés, y disent que c'est une maladie de blancs…»
    Ça me paraît tout à fait possible comme phrase. Est-ce vrai uniquement sur les chantiers, ou le chantier de mon voisin, ou est-ce une opinion plus largement partagée?
    Parce que si c'est le cas, cela risque d'avoir des conséquences graves.



    Sinon, maintenant qu'il y a davantage de masques, il va devenir obligatoire d'en porter un. Bande de crétins.

    Nawak

    Après une nuit blanche entre mercredi et jeudi (sans vraiment le faire exprès, rédigeant le rapport de gestion en avançant dans la saison 7 de The Walking Dead), grasse mat jusq'à onze heures, brunch, comité financier en conf call et A couteaux tirés en mangeant des sardines à l'huile (enfin moi. Saucisson pour H.)

    Ça commence à me manquer de ne pas sortir.

    De belles photos.

    Après le grec, l'allemand.

    «C'est pas cool, Gaby, mais faut avancer. Faut s'en remettre ou se faire mettre.»
    The Walking Dead, S8E5
    (contexte : deux types enfermés dans une caravane en train de se disloquer sous la pression des zombies).

    Ce n'est pas le sujet dont je voulais parler, mais cette phrase saisie au vol m'a fait rire. Pas mal cette traduction. J'apprécie qu'ils se donnent du mal pour le doublage.

    Quoique. Le sujet global de ce billet pourrait être la traduction. L'IPT (institut protestant de théologie) nous envoie des devoirs en allemand. C'est amusant la décontraction protestante alors qu'ils sont austères, contre la rigidité catholique alors qu'ils sont davantage bons vivants.
    Pour la validation du cours d’allemand, nous vous proposons de changer radicalement de corpus, un peu parce que les textes de Bultmann sont restés dans nos bureaux à l’IPT (confinés eux aussi, pour ainsi dire!), mais aussi et peut-être surtout parce qu’en ces temps troublés nous avons quelque raison de préférer la chanson, l’humour et le cinéma aux savantes mais austères considérations de l’ami Rudolf!

    La chanson est signée Stephan Eicher et Martin Suter. Nous vous invitons à l’écouter pour commencer, puis à la lire. Il s’agit d’un duo interprété par l’hambourgeoise bohémienne de coeur Annette Louisan et le Yénische cosmopolite des Alpes helvétiques Stephan Eicher. Le duo alterne des passages en allemand et en suisse allemand. Votre tâche consiste à traduire les passages en allemand, mais nous vous encourageons à essayer – à titre facultatif, bien sûr – de deviner ce qui est dit dans les passages en suisse allemand.

    L’humour est celui de Loriot, qui est un peu à l’Allemagne ce que Jacques Tati est à la France. Si son nom ne vous dit rien, vous lirez avec profit la brève biographie que voici (dépêche AFP à l’occasion du décès de Loriot en 2011):
    «Le pape allemand de l'humour, le dessinateur, auteur et acteur Vicco von Bülow, plus connu sous le nom de "Loriot", est mort à l'âge de 87 ans, a annoncé sa maison d'édition."Je déplore la mort de ce grand artiste et de cet homme formidable qu'était Vicco von Bülow que nous aimions sous le nom de Loriot", a déclaré la chancelière allemande, Angela Merkel, dans un communiqué. "Observateur plein de finesse des choses de la vie et humoriste profond, Loriot était depuis longtemps devenu un classique", a-t-elle dit, ajoutant: "son oeuvre fera rire encore longtemps les jeunes et les moins jeunes, tout en permettant de mieux cerner ce qu'est l'âme, l'essence des Allemands". "Le miroir plein d'amour qu'il nous tendait va nous manquer", conclut la chancelière.
    A mi-chemin entre le Monsieur Hulot de Jacques Tati et Charlie Chaplin, Loriot s'attaquait, à travers ses sketches aux répliques caustiques aux clichés quotidiens de la vie moderne de l'Allemagne d'après-guerre, seul en gentleman dans un monde devenu fou. La vie de couple, les femmes, les hommes, les animaux faisaient partie des thèmes de prédilection du comédien comme dans "l'oeuf à la coque", où un couple se dispute au petit-déjeuner sur la durée de cuisson de l’oeuf. Né en 1923 à Brandebourg (est) d'un père officier dans l'armée prussienne, Loriot, s'était choisi comme pseudonyme le nom français de l'oiseau figurant sur l'armoirie de sa famille. Il était également dessinateur, ses recueils de proses et de dessins humoristiques aux personnages à gros nez se vendant à plusieurs millions d’exemplaires. Au cinéma, en tant qu'acteur et réalisateur, il avait tourné "Oedipussi" ou l'histoire d'un homme animé d'un attachement malsain à sa mère, et "Pappa ante Portas".»

    Pour ce deuxième exercice, le mode de validation est plus léger. Nous vous invitons à visionner les quatre saynètes ci-dessous:
    pneumatische Plastologie
    Der Hasenbrüter
    "Szenen einer Ehe"
    Fernseher kaputt

    La tâche consiste à choisir la saynète que vous préférez, expliquer votre préférence et sélectionner deux mots nouveaux pour vous, dont vous chercherez la signification.

    Le cinéma est aussi de la partie avec un chef d’oeuvre du muet:
    Menschen am Sonntag (1930),

    Oubliez la validation pour ce troisième exercice.
    La tâche, si toutefois c’en est une, consiste à regarder le film avec ses (rares) cartons en allemand, et à se laisser porter par cette histoire, si toutefois c’en est une. Menschen am Sontag n’est pas aussi célèbre que les autres grandes oeuvres du cinéma muet allemand (Faust, Das Cabinet des Dr Caligari, Der blaue Engel, Metropolis, etc.), mais il n’a rien à leur envier ni sur la forme ni sur le fond. Considéré comme l’ancêtre à la fois du néoréalisme italien et de la Nouvelle Vague française, Menschen am Sontag semble d’un autre temps que le sien (un peu comme ces meubles du Bauhaus qu’on croirait sortis tout droit des années 1960). Au générique, on trouve, entre autres, Robert Siodmak à la mise en scène et Billy Wilder au scénario (avant leur exil aux États-Unis).

    Cartographie

    Géoconfluences dévoile les nouvelles règles de la cartographie qui seront mises en place progressivement. Plus d'échelle, plus d'orientation. C'est sans doute l'influence du téléphone portable.
    On dirait les règles de la nouvelle traduction de la bibliothèque rose. C'est navrant mais c'est joli.


    Bingo

    Journée sur les comptes et la liasse fiscale.

    Je n'écoute plus les informations mais elles me parviennent. J'ai cru comprendre que Trump considèrerait que deux cent mille morts seraient une victoire — sa victoire (plutôt que les deux millions possible). Au Brésil, c'est la pègre qui a instauré le confinement.

    Je n'écoute plus les informations. Une rameuse pense que la sortie de confinement (le déconfinement) sera progressive; elle n'envisage pas que le club soit rouvert avant septembre.

    Le bingo suivant résume les conversations sur les réseaux sociaux. Le bingo me fait rire et les conversations me lassent. J'en suis à la cinquième saison des Walking Dead depuis vendredi.



    Hier j'ai testé «l'échec d'une préparation culinaire»: un steak vegan aux lentilles et poivrons.
    Une imitation de Brassens.
    Une imitation de Queen.

    The Walking Dead II

    J'ai commencé à regarder la série en revenant du supermarché : tout ce silence, ces personnes qui se déplacent lentement dans cette ambiance fantômatique… j'ai eu envie de regarder cette série.
    Je l'ai écrit en forme de boutade sur FB. Christine a commenté: «Gab adorait cette série».

    Christine, c'est ma plus vieille connaissance sur FB. Je la connais depuis le lycée, nous avons ramé en quatre ensemble sur la Loire et elle montait à cheval. Nous nous sommes revues pour la dernière fois en 1996 je crois.
    Elle a eu trois enfants qui ont l'âge des miens à quelques mois près.
    Son aîné, Gabriel, s'est suicidé en mars 2016. Chagrin d'amour.

    Je regarde la série et j'essaie d'imaginer Gabriel que je n'ai pas connu.

    The Walking Dead

    Suis-je la seule à avoir remarqué que la fille du personnage principal reçoit le prénom de Judith, la coupeuse de tête?

    Par ailleurs, Carole recommande à Andrea de séduire "le gouverneur" et au matin de lui couper la tête, ce qui est exactement le récit biblique.





    C'était dans la saison 3. Nom d'un petit bonhomme, la saison 4 commence par un virus et une quarantaine.

    Rangement

    Après deux jours de recherche dans the room of requirement (bien plus encombrée que sur cette photo), nous avons remis la main sur la connectique de l'écran et de l'appleTV.

    Pendant que H. en profitait pour jeter des kilos de papiers (et retrouver quelques souvenirs, comme le livre des logiciels Macintosh Apple de 1983), je reclassais les DVD. Comme nous avons hérité d'une partie de ceux de nos amis partis aux US, il y en a beaucoup dont je ne savais pas que nous les avions. Nous pouvons tenir quarante quarantaines.

    Une douzaine de DVD ont été mis de côté, je les abandonnerai dès que possible dans le RER ou dans l'entreprise. Il paraît que Shaolin contre Wu Tong est le nanar absolu.


    Thucydide

    Extrait d'un mail de la prof de grec:
    Vous pouvez aussi lire la description de la peste d’Athènes par Thucydide au livre 2 de la Guerre du Péloponnèse (47-54) (attention, ça ne remonte pas vraiment le moral) ; tant que vous y êtes, lisez aussi son oraison funèbre pour les premiers morts de la guerre, epitaphios logos, 2 35-46, c’est un éloge d’Athènes, c’est plus encourageant.

    Ravitaillement

    J'ai fait les courses.
    J'ai acheté du limoncello.
    Je me suis lâchée sur les boîtes de conserve. H. estime qu'on peut tenir huit semaines (! je ne l'ai pas fait exprès, c'était amusant. Nous achetons tout au marché, je n'ai pas l'habitude).
    L'aventure a beau m'intéresser comme une gigantesque expérience sociologique et psychologique, huit semaines, ce sera long. Surtout sans prétexte désormais pour franchir le portail.
    J'en suis à trois personnes connues (sans être proches) en réanimation. Une partie de la famille d'H. travaille en ehpad.

    J'ai fait quarante-cinq minutes de corde à sauter en suivant cette vidéo (deux minutes de saut/une minute de pause, soit quinze minutes chaque exercice). Les vidéos sur la corde à sauter sont flippantes, toutes conseillent de ne pas se décourager, ce qui n'est pas rassurant.
    Après l'entraînement je suis restée une heure dans un fauteuil à surfer sur internet.

    J'ai cru que je n'arriverais pas à me relever. Impressionnant. Tout l'arrière des mollets au niveau du genou est raide et douloureux, j'arrive à peine à tendre les jambes, je marche en crabe. Je suis pliée de rire. Incroyable. Trente minutes de quelque chose que je pensais compenser le footing me mettre dans cet état…

    Je perds le compte

    Dixième jour en partant du 16. Six jours que le portail est fermé.

    Je commence à perdre la notion du temps. Heureusement que nous sommes deux, ça permet de/oblige à respecter les horaires des repas.
    Je n'ai plus jamais envie d'aller me coucher, peut-être parce que je bois trop de thé pour éviter de manger.
    Pour éviter de manger le plus simple est de ne rien acheter (je veux dire en terme de cacahuètes ou Palmito).
    Aujourd'hui j'ai cousu deux boutons.

    De mauvais poil ce soir parce que je culpabilise, je culpabilise parce que je n'ai pas fait de sport, pas ouvert l'application pro, pas encore passé mon heure et demie sur mon mémoire (il est 20h02. J'attaque).

    Uderzo est mort, la France continue de se disputer

    Ce qui est fatiguant, c'est que tout le monde a son avis, se dispute et les informations les plus contradictoires circulent. Les médias (papier, télé, réseaux sociaux) parlent en continu, au conditionnel, avec des peut-être et des sans doute. Le vacarme est assourdissant sans aucune information utile.
    D'un autre côté, cela n'a pas grande importance: comme je le disais hier ou avant-hier, un quidam lambda ne peut qu'attendre donc cela n'a pas grande importance. Mais c'est fatiguant.

    Les deux grands sujets du moment: la chloroquine et les masques.

    La chloroquine est un médicament qui traite le paludisme et le lupus. On songe (la Chine avait déjà songé) qu'il pourrait peut-être être efficace contre la maladie. Rien n'est sûr, des tests sont en cours. Cependant, un professeur de Marseille, lui, est convaincu. Trump aussi.

    Un Twittos résume ainsi la situation:
    Les vaccins : testés pendant de décennies. Des maladies éradiquées.
    Les Français : c'est dangereux il ya de l'amiante dedans selon mon cousin.
    La chloroquine pour le covid : pas sûr que ça fonctionne. En attente d'autres essais.
    Les Français : se l'injectent par voie rectale

    L'autre sujet ce sont les masques. Le masque efficace est le FFP2 (une certitude dans cette cacophonie). Mais il n'y en a pas. Ou pas assez. Ou ils sont volés. Ou il y a un trafic au marché noir, ou… ou… ou… (j'essaie de comprendre, je ne comprends pas: comment un pays comme la France peut ne pas avoir de masques? Pas de masques du tout? Je veux dire: depuis le début de la crise, disons mi-février, il y avait le temps d'en commander, d'en fabriquer, au moins quelques-uns, non?)
    Alors certains se sont mis à en fabriquer. Le CHU de Grenoble a lancé un appel. Ils les fabriquent avec du molleton, des sacs d'aspirateur, des filtres à café… C'est triste, c'est courageux, c'est solidaire. Est-ce utile? Je peux comprendre qu'on dise que ça ne sert à rien. Je ne comprends pas qu'on dise que ce soit pire que pas de masque! Hier je suis tombé sur ça (signé Laurent Lefeuvre):


    Moui… une capote dans une chaussette, puisque le sperme colle, s'il n'y a pas pénétration, s'il n'y a pas de plaie, si… si… si…, ça peut peut-être être utile. Comment savoir? Et si cela a protégé une seule personne, une fois, cela n'a pas été inutile. Si vous n'avez pas de bunker et que la bombe vous tombe dessus, la cabane en bois ne sert à rien. Mais si la bombe tombe à dix mètres, ça vous protègera peut-être des projectiles lancés par l'impact. Comment savoir? Ce ne sont pas des masques pour les chirurgiens, pour les plus exposés. Mais pour les femmes de ménage, pour les caissiers, pour les… (faux sentiment de sécurité? Quel sentiment de sécurité?)
    Et puis ça occupe. Non ce n'est pas à négliger. Shackleton le savait, il faut occuper les hommes. Sinon ils gambergent.

    Dans la série des bizarreries, soulignons que les comparaisons internationales n'ont pas beaucoup de sens et ajoutent à la confusion car les mêmes mots ne recouvrent pas les mêmes réalités. Il y a les pays qui testent intensivement tout le monde (Corée du Sud, Islande) et dont les chiffres montrent un nombre de porteurs impressionnants, dont un tiers à la moitié ne sont pas malades (pour l'instant du moins) mais contagieux, ceux qui ne testent les malades qu'une fois qu'ils sont en réanimation (plus ou moins la France) et donc tous ceux qui ont guéri spontanément chez eux (après deux ou trois jours d'intense fatigue) n'entrent pas dans les statistiques, ceux qui ne testent pas les morts et ne savent pas s'ils sont morts du virus (l'Allemagne). Chaque fois qu'on voit passer une comparaison internationale, on peut être sûr que ce ne sont pas les mêmes définitions derrière les mots, que ce ne sont pas les mêmes numérateurs et dénominateurs.
    Point rassurant: le nombre de malades et de porteurs étant minimisé, la létalité (morts/malades) est plus basse qu'il n'y paraît. Aujourd'hui, ce qui est donné le plus souvent, c'est le nombre de morts sur le nombre de personnes hospitalisées, ce qui est forcément élevé puisque ce sont les cas les plus graves qui sont à l'hôpital.
    Tous les pays utilisent-ils les mêmes tests, où sont fabriqués ces tests, sont-ils longs à produire, pourquoi semblent-ils si rares en France? Encore un truc que je ne comprends pas.

    Bien sûr il y aura une enquête dans six mois. Il y en a eu une en 2003. Après.


    Quelle étrange période à vivre. Pendant ce temps-là les récoltes d'asperges pourrissent sur place par manque de saisonniers trans-frontaliers, les maraîchers font appel aux volontaires, les anti-macronistes crient au capitalisme (si on ne récolte plus rien que diront-ils? que fait le gouvernement?, je suppose), les confinés ne comprennent pas la logique, les instituteurs font remarquer que le travail à distance creuse les inégalités (qui a une chambre, un ordinateur, une connexion internet, etc, etc), les infirmières et les caissières sont sur le devant de la scène, les femmes de ménage et les aides-soignantes se plaignent de ne pas l'être, un prêtre se sacrifie en Italie, des salariés d'une epad font savoir qu'ils vont rester avec les vieillards contaminés pour ne pas risquer de répandre la maladie dehors; les epad, justement, pleurent leurs morts par dizaines. Vous attendez des nouvelles d'un proche hospitalisé que vous n'avez pas le droit d'aller voir et personne ne vous en donne. Pas le temps.


    Je songe à l'introduction de Todorov dans Face à l'extrême: les situations extrêmes présentent les mêmes choix que les situations quotidiennes (donner, garder pour soi, partager, stocker, nourrir le SDF, accompagner un malade), ce qui diffère, c'est la conséquence de ces choix.

    -------------------

    J'attends. Nettoyé les framboisiers, remonté la chaîne hifi. Testé la corde à sauter, je suis nulle mais c'était prévu (pas de coordination). Cinquante jours pour progresser. J'ai la faiblesse de croire que si je progresse en coordination, une partie de mon cerveau évoluera dans le même temps.

    Inavouable

    Puisque j'ai très froid je profite d'être recluse pour porter ces collants que personne n'aime à la maison — et que je ne peux pas porter au boulot.




    Avertissement :
    Possibilité de s'abonner gratuitement aux retransmissions du Berliner Philharmoniker avant le 31 mars
    Un blog qui essaie de ne pas parler de confinement, et en l'occurence de géographie criminelle.

    Au fait, j'oubliais : L'Argus de l'assurance a repoussé la remise de ses trophées au 23 juin. Il est donc possible de considérer qu'à cette date la France sera à peu près tirée d'affaire — si une seconde vague de contamination ne déferle pas — j'ai eu l'impression qu'on en parlait en Chine.

    Château-fort

    J'ai de plus en plus l'impression non pas d'être enfermée mais d'être retranchée. Dehors la bataille et moi j'attends. J'ai lu quelque part quelque chose comme «la patience n'est pas d'attendre mais de savoir attendre». Attendons.

    Après une journée de lézard (vodka-ginger beer, le plus grand risque que je cours est de vider toutes les bouteilles), je me suis mise vers le soir à transférer mon ordinateur de boulot du rez-de-chaussé au dernier étage. Un coup d'aspiro, un quart de tour au tapis, et le dernier étage est redevenu habitable. Il ne me reste qu'à remettre la bibliothèque camusienne dans les rayons et à trouver les cartons qui contiennent les DVD de A à O. Et les StarWars. Et les Sergio Leone. Ça ne devrait pas être difficile.

    J'avais planqué sous le tapis depuis six mois la carte d'Australie ramenée d'une excursion à Chartes (laquelle? Je ne retrouve pas de trace, il me semblait pourtant avoir une photo du retour en train). Pour avoir été posée sans précaution sur des cartons et des valises, elle s'était gondolée.
    J'ai la satisfaction de la retrouver bien plate. Elle fait heureusement écho à ma lecture de Jared Diamond.



    Deux clous et au mur, ce sera l'un des objectifs de la semaine.

    Premier samedi à l'isolement

    Matinée de lecture et d'écriture. J'aime bien. Ça me fait du bien.
    J'en viens à fuir l'agitation, la surexcitation des réseaux sociaux. En temps normal c'est pénible mais amusant; en ce moment c'est fatiguant. J'aspire à une certaine sérénité, une retraite dans la retraite, un repos dans le repos forcé.

    Je recommence à lire, timidement (je veux dire lire en dehors des lectures obligatoires). J'ai commencé hier De l'inégalité parmi les sociétés, une lecture longtemps remise.

    Nous avons remonté mon bureau du dernier étage (démonté en décembre… 2018 pour les travaux).
    Je me dis que je dois saisir ma chance: plus rien ne va entrer dans la maison pendant sept semaines1, si je secoue ma flemme je devrais pouvoir vider des cartons, des armoires, trier, redispatcher, donner…
    Il manquera les passages à la déchetterie.


    Nouvelles du front : j'ai commandé une corde à sauter, lui paraît bien.

    J'ai un rhume (un simple rhume, le nez qui coule, pas de fièvre). Sans doute un peu d'allergie aussi. Aujourd'hui il a fait gris et froid. S'il avait fait ce temps depuis une semaine, les gens seraient moins sortis.
    Je mets ça là au cas où ce soit utile :






    Note
    1: en me fondant sur la Chine et l'Italie, j'ai fixé arbitrairement la durée du confinement à huit semaines. Ce sera peut-être plus, sûrement pas moins. Le pic en France est attendu dans dix jours, avec, si j'ai bien compris, une deuxième onde de choc dix jours plus tard.

    Emploi du temps

    En une semaine les choses se décantent. J'en arrive donc à la conclusion qu'il vaut mieux que je travaille professionnellement de 7h30 à 13h30 plutôt qu'en suivant des horaires de bureau. Si je me mets à travailler plus tard, je n'y arrive pas du tout (à m'y mettre).
    Certains s'étonneront de cette faible amplitude horaire: en réalité je n'ai pas de quoi m'occuper plus, même en temps normal. Comment croyez-vous que je parvienne à faire six entraînements par semaine pour l'aviron?

    Il faut ensuite consacrer une heure et demie au mémoire, écrire un ou deux billets de blog et si possible faire une heure de "renforcement physique généralisé", basiquement des abdos et du gainage, pour ne pas tout perdre. S'occuper du jardin, et s'il pleut (cela devrait arriver en deux mois) de la maison.

    Je me remets à lire. Je n'ai pas le cœur à tester des séries, je ne sais pas choisir un film comme je sais choisir un livre, et les films pas trop bien choisis, un peu nunuches, ont souvent pour but de déclencher une réaction émotionnelle. En ce moment, ça me lasse par avance (non pas l'émotionnel, mais que ce soit leur but).

    L'un des entraîneur d'aviron est malade.

    Fleurs

    Parmi le désordre de la table se trouvait une boîte de graines pour pelouse fleurie achetée à Giverny en… août 2017 (le 19 août, encore un billet à rattraper), comme quoi mon désir d'une friche fleurie était ancré.
    J'ai décidé de les planter.
    Afin d'aider les graines qui devaient être dans un drôle d'état depuis tout ce temps, je les ai mises à tremper samedi.

    — Mais qu'est-ce que c'est que ça ?! (cri dégoûté).




    Hier j'ai bêché trois mètres carrés de jardin où le semis d'octobre ne donnait pas de pousses et mis les graines à égoutter dans un chinois.
    En fin d'après-midi je les ai semées, puis piétinées (tasser avec le dos de la bêche, indiquait la boîte), puis arrosées à travers une passoire (parce que je n'ai pas retrouvé la pomme de l'arrosoir). Je me demande si les fleurs seront très différentes de celles du jardiner — à condition qu'elles poussent, car ce n'est sans doute pas la même qualité de graine.


    ———————
    Nouvelles du front:
    Ça va mal, les hôpitaux commencent à s'engorger. Deux tiers de lits occupés en Ile-de-France. Plus de morts en Italie qu'en Chine. L'armée aide à évacuer les cercueils.
    Des idiots sont allés crapahuter loin de chez eux en vélo et ont eu des accidents, il a fallu mobiliser des secours pour les récupérer: interdiction désormais de faire du vélo, interdiction de s'éloigner de chez soi.
    D'autres se sont crus en vacances et ont envahi les plages: désormais les plages sont fermées.
    Je suis allée au marché mais je lis ce soir qu'il vaut mieux faire des grosses courses de temps en temps que tous les deux jours. J'avais prévu jeudi et dimanche, est-ce trop?
    Nos quatre élus avaient prévu de boycotter le conseil municipal qui devait se tenir à huis clos. Finalement l'élection des maires est officiellement reportée.

    Fini Le Cavalier suédois. Repris mon mémoire.

    Agacement

    J'ai acheté de (très) belles baskets à ma filleule pour son anniversaire. Je les ai achetées en ligne, en espérant qu'elles arriveraient un jour, même dans les conditions actuelles. (Je n'ai aucune idée des réglementations pour les livreurs ou la poste.)

    baskets louboutin à la semelle rouge

    Aujourd'hui à eu lieu l'échange suivant:
    — Coucou Alice, je viens de recevoir un message pour les baskets, le problème c’est que je n’habite plus à cette adresse à Lyon… et que je suis à P** le temps du confinement… j’ai essayé de changer l’adresse mais c’est impossible…
    — Mais quand tu changes d’adresse il faut le dire! Sinon comment veux-tu que mes cartes arrivent?
    Fais-moi suivre le message que tu as reçu.

    Ici un mail de DHL.
    — Mince mais je pensais pourtant te l’avoir dit au début d’année !
    — Ben donne la nouvelle maintenant.
    — Je la demande à maman car je ne la connais pas par cœur, je suis plus souvent à Bourg qu’à Lyon vu que je n’ai pas beaucoup de choses à rattraper. Dans tous les cas pour le colis il est préférable de la mettre à Bourg.
    — Tu ne sais pas où tu habites ? (smiley visage fou)


    Ça n'a pas dû lui plaire car elle n'a plus répondu pendant un petit moment.

    Fréquence cardiaque

    Comme les salles de sport sont fermées et que je ne vais pas acheter un rameur (c'est cher, c'est laid, ça prend de la place, c'est pour deux mois. Et c'est comme le cinéma: j'aime aller en salle de sport, j'aime partager l'effort ou l'émotion avec des gens que je ne connais pas), je me replie sur la course ou le vélo. Plutôt le vélo, ma paire de running a dix-huit ans (le plastique-caoutchouc a durci).

    Une compétitrice a partagé le programme que leur a donné leur entraîneur: «Pour calculer la fréquence max théorique: 220 - ton âge. Moi ça fait 170 par exemple donc 80% de ça ça donne 150 donc l'entraînement de mardi je vais me mettre à 150 sur de la CAP.»

    Je ne lui ai pas dit que je ne savais pas ce que voulait dire CAP.

    Certains entraînements se font à 40% de cette fréquence max. Mon problème, c'est que 40% de ma fréquence max, c'est moins que ma fréquence au repos.


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    Hier H. va chercher son médicament contre le diabète (les ordonnances pour maladie chronique sont automatiquement renouvelées par les pharmaciens jusqu'au 31 mai).
    — Les gens sortaient avec des sacs Cora pleins, du savon, des boîtes de Doliprane… Ils sont fous.
    Entendu aux infos ce matin : désormais achat limité à une boîte par personne.

    Quarantaine

    Hier soir à 22h57 j'ai reçu le sms suivant de gouv.fr :
    («—Ah bon, ils savent faire ça ? —Ils ont peut-être récupéré mon numéro quand j'ai refait mon passeport»1):
    Alerte COVID-19
    Le Président de la République a annoncé des règles strictes que vous devez impérativement respecter pour lutter contre la propagation du virus et sauver des vies. Les sorties sont autorisées avec attestation et uniquement pour votre travail, si vous ne pouvez pas télétravailler, votre santé ou vos courses essentielles.
    Toutes les informations sur https://www.gouvernement.fr.


    Le lien envoie vers ceci:




    Donc quarantaine de quinze jours (smiley). Mais personne ne croit à cette durée, nous tablons tous sur trente à soixante jours.
    Ce n'est pas différent de ce que j'ai vécu l'année dernière pendant six semaines avec mon pied opéré, au télétravail près. Encore faudrait-il que j'arrive à me connecter. Ce sera le combat du jour. Je n'ai pas essayé hier en espérant que le problème serait résolu dans la journée et qu'après les passages des batchs cette nuit tout irait mieux.
    Concernant l'informatique d'entreprise, je crois beaucoup à la nuit réparatrice.

    Ma filleule a vingt ans aujourd'hui.



    Note
    1 : En fait ça ne fonctionne pas comme ça. L'Etat contacte les opérateurs et ce sont les opérateurs qui envoient le sms à leurs clients. Ils envoient les sms par vague, c'est pour cela que nous ne l'avons pas tous reçu au même moment.

    Hier soir

    Hier soir, à partir de neuf heures, une dizaine de colistiers s'est retrouvée à la maison après le résultat des municipales. FG était très déçue, normal, c'était sa première campagne, moi ma troisième. C'est dur d'y croire à fond, de tout mettre en jeu, et de se retrouver avec rien ou pas grand chose.

    J'ai essayé de la convaincre (moi je suis convaincue) que c'était une victoire: l'opposition avait un siège de plus (quatre au lieu de trois), Clodong avait cinq points de moins que Dupont-Aignan en 2014 (17,7%). A chaque municipale nous grignotons.
    C'est difficile parce que les anti-fachos et ceux qui ne supportent pas la pression fiscale déménagent, et les pro-fachos emménagent. Donc structurellement ça devient de plus en plus difficile.

    Très bonne soirée, nous avons un peu bu et beaucoup ri.
    Je culpabilise : peut-être n'aurions-nous pas dû. Pourvu que personne ne soit malade. Un bol par personne, pour mettre les chips et les cacahuètes et ne pas mettre les mains dans le même plat. Du gel hydro-alcoolique (qui pue. — Mais pourquoi pue-t-il autant? Ça sentait bon d'habitude. — Peut-être pour donner l'impression d'être plus efficace?) dont une ou deux personnes ont dû se servir. Bières, ginger beer, vodka (pour moi: je me suis fait deux Moscow Mule) et deux bouteilles de la cuvée Assemblée Nationale. Ce fut une bonne soirée.

    Comme promis, une photo de la table avant (la table effrayante) et la table après.




    Pourvu que cela n'ait pas été une bêtise. C'était la dernière soirée avant six ou huit semaines.
    J'ai le moral dans les chaussettes aujourd'hui. Gv me fait peur: «Vous allez morfler». Lui est loin d'ici. Il doit penser impuissant à sa famille.
    J'ai peur de ne pas revoir tout le monde à la fin de cette période. Hier, quand les enfants sont partis sans être embrassés, avec les plaisanteries habituelles pour conjurer l'émotion de se quitter (ne jamais oublier que même en temps ordinaire je suis tracqueuse. Je pense que c'est dû à l'imagination — trop d'imagination: accident de la route, accident de toute sorte, tout ce qui peut faire que ce soit la dernière fois qu'on se voit. Déjà en temps normal. J'y pensais même le matin en les quittant à l'école), oui, hier j'avais le cœur gros.

    J'envoie un mot aux infirmières de la famille. Il y en a cinq ou six, entre les cousines et les tantes.
    Nous avons décalé l'invitation du 9 mai au 13 juin.

    Accélération

    Et ce soir une amie (une rameuse — vous vous souvenez, tout mon réseau passe par les vestiaires) nous envoie ça. C'est un message d'une amie à elle qui lui fait suivre le sms reçu par un professeur de Necker.1
    Voici Les dernières infos du chef de clinique à Necker en médecine interne.
    Paris sera en confinement absolu demain soir.
    Les trains vont être progressivement réduits.

    Voici un mail qu’il a reçu en interne de l’hôpital (sms suivant)

    Bonjour à tous,

    Comme vous le savez l’évolution de l’épidémie de COVID est particulièrement inquiétante.
    Les nouvelles données de modélisation sont très robustes et les projections sont parfaitement cohérentes et bien pires encore que nos scénarios pessimistes.
    Il est devenu déraisonnable de prendre les transports publics et nos déplacements doivent être réduits au strict minimum. Le télétravail et l'annulation de toute réunion est obligatoire. Le confinement est donc la règle sauf pour ceux dont la présence physique au travail est indispensable (ce qui est exceptionnel au sein du CRESS).

    L'hypothèse actuelle est qu’en l’absence de confinement, 30 millions de personnes seront atteintes en France avec un pic dans 50 jours. Seule une mobilisation citoyenne massive (avec au moins 50 % de l’ensemble de la population française en confinement strict à trés court terme) permettra de réduire le pic de l’épidémie. Les chinois ont réussi ce confinement drastique mais leurs décisions ont été plus précoces et plus autoritaires.

    Il est de notre responsabilité d’acteurs de santé Publique de :
    1) respecter ce confinement,
    2) de faire prendre conscience à nos proches de cette impérieuse nécessité,
    3) de porter ce message au quotidien (distance de sécurité , etc) car nos compatriotes n’ont pas encore compris la gravité de la situation.

    Le système de santé sera bien sur extrêmement sollicité et ne peut qu'être très largement débordé ce qui est déjà le cas dans le grand Est. Les messages selon lesquels seules les personnes agées et ou ayant des comorbidités sévères ont des syndromes de détresse respiratoire sont faux. Nous partons sur une durée de crise en mois et d'une gravité sans précédent. Vous devez bien sur rester en contact avec vos responsables d’équipes et avec xx ou moi-même si nécéssaire.

    signature xxxx
    Centre de Recherche Épidémiologie et Statistique Sorbonne Paris Cité (CRESS-UMR1153)
    Inserm / Université Paris Descartes
    Centre d'épidémiologie clinique

    Par ailleurs, je songe à cet échange avec Gv lundi très tôt. Gv habite Hong-Kong:
    Ça va être une cata en Europe.
    Les gouvernements sont trop faibles plus pas de masques plus pas de discipline.
    Les services de santé vont s'écrouler.




    Note
    1: certains me disent que c'est un hoax. Tant pis. Je ne peux pas le vérifier et ce ne sera sans doute jamais vérifié. Le message est le bon.

    ————————————

    Il fait magnifiquement beau. En venant voter, O. m'a apporté un cadeau d'anniversaire de la part de C.: des Calvin et Hobbes. J'ai passé ma journée à me promener entre trois bureaux de vote. Nous avons perdu, pas de second tour, mais grignoté encore : 72% contre 77% la dernière fois.
    Si le deuxième tour est reporté comme il est quasi certain, tout le monde devrait revoter, et non pas seulement les villes où il y a un second tour.
    Allons, il y a, il y aura, encore du travail.

    Mon horloger est sceptique

    La comtoise va mal, elle ne conserve plus l'inertie donnée au balancier et s'arrête, au bout de cinq minutes ou une heure. Je l'ai donc emmenée chez l'horloger. Verdict: elle est très sale, poussière et toiles d'araignée. (Je ne vois pas comment empêcher cela car le mécanisme est hors d'atteinte en temps normal).

    Il va la nettoyer mais ça va prendre un moment: il a beaucoup de travail. Derrière lui, un calendrier Johnny Hallyday, devant lui un cendrier Johnny Hallyday, sur le côté une affiche pour un grand prix de F1. La conversation s'engage.

    — Non mais, vous croyez pas qu'y zegzagèrent? Ma fille a une copine infirmière à Villeneuve-St-Georges [hôpital], elle dit qu'il n'y a personne.
    — Mais c'est normal. Une doctoresse italienne a expliqué comment ça s'est passé en Italie: on a vidé les hôpitaux, reporté les opérations non urgentes. C'est pour ça que les hôpitaux sont vides. Les malades vont arriver comme une vague.
    Il me regarde d'un air sceptique.
    — Mais en Angleterre ils ont décidé de ne rien faire, de laisser les défenses immunitaires se renforcer.
    — Mouis. C'est ce qu'on faisait au XVIIIe siècle contre la peste et le choléra.
    Il me regarde sans rien dire. Je suis calme, très factuelle. Quelque chose me paraît vaciller dans ses yeux.
    — Mais quand même… la grippe c'est huit mille morts. Personne ne fait rien pour ça.
    — Oui, mais des gens qu'on a soignés. Ici on va tomber dans la médecine de catastrophe: quand il n'y aura plus assez de lits à l'hôpital, il faudra choisir qui on sauve. Evidemment, si ça tombe sur le voisin, on est triste mais ça va. Mais si c'est votre mère ou votre fils?

    Il m'a regardée… C'est marrant, je suis persuadée que discuter ne sert à rien, que les gens ont leurs opinions à eux, bien arrêtées, et qu'on a simplement le devoir d'exprimer ce qu'on pense, de ne pas se taire si on pense que ce qui est dit ou fait ne devrait pas l'être, ou pas comme ça. Un devoir éthique, une obligation, mais sans espoir, inutile.
    Là, j'ai eu la satisfaction d'avoir l'impression de l'avoir fait douter. Peut-être même l'ai-je convaincu.


    ———————

    Ma fille arrive du Perche. Elle vient voter pour sa mère. Je pensais que nous aurions droit à un long sermon sur ce qu'il ne faut pas faire (elle est volontaire à la Croix-Rouge). A ma grande surprise elle prend cela à la légère et accepte avec dépit de ne pas nous embrasser.
    Est-ce qu'elle vit dans une tour? Est-ce que la Croix Rouge n'est pas mobilisée?

    Elle nous fait rire en déclarant que ce qui avait manqué, ce n'était pas le gel hydo-alcoolique, mais les flacons, fabriqués en Chine. (Comme quoi elle est quand même au courant… je ne comprends pas bien la cohérence de tout cela).

    Non boîtage

    Ce soir je devais "boîter" à nouveau, avec la consigne stricte d'arrêter à onze heures (la limite légale est minuit mais les têtes de liste voulaient conserver une marge).

    Je me gare, sors de la voiture, mets mes écouteurs (pour écouter les aventures de l'Agneau mystique) et m'oriente sous les lampadaires pour commencer ma tournée.

    A ce moment-là je reçois un appel: on arrête le boîtage immédiatement. Il paraît que la distribution d'un tract doit laisser le temps à l'adversaire de répondre. En tractant le vendredi soir, alors que la campagne s'arrête à minuit, nous enfreignons cette règle. Clodong a fait un mini-esclandre en apercevant les boîteurs ou tracteurs dans l'après-midi, les filmant et menaçant de mettre la vidéo en ligne. (Et alors? ai-je envie de dire)

    OK, pourquoi pas. Sauf que le tract répondait à une calomnie donc nous avions une justification. Et mon expérience de la justice est qu'elle est lente. Et en ce moment, entre les grèves pour les retraites et la désorganisation due à l'épidémie, ça doit être encore pire.
    Bref, j'aurais couru ma chance, ne serait-ce que pour prouver que lorsqu'on ne respecte pas les règles en me calomniant, je ne respecte pas les règles non plus. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une mairie d'extrême-droite: ne pas respecter les règles tout en jouant la victime flouée est l'un de leur tour de passe-passe favori.
    C'est à ce genre de réaction que je me rends compte que me disputer avec RP et me battre contre JA m'a rendue combative.

    Fun fact: NDA soutient un gilet jaune à Vigneux. Ce type n'a-t-il aucune dignité intellectuelle envers lui-même?

    Grec

    Les élèves sont en majorité âgés, les deux tiers à la retraite. Je me disais que quelques-uns prudents resteraient chez eux, surtout que la salle qui nous est attribuée est petite (le cours était en danger cette année, l'ICP a failli l'annuler. Par conséquent, devant faire front, nous avons battu le record d'inscrits, donc nous sommes serrés).
    Mais tout le monde était là, enjoués et heureux comme chaque fois que nous nous retrouvons pour ce cours hors du temps.

    Découverte de la soirée: si vous allez à Orlando, n'allez pas chez Mickey, c'est si mainstream. Tentez l'expérience de la Terre Sainte. Garantie évangéliste et littérale.


    Un pot avec Laura et je rentre. Macron a annoncé la fermeture des écoles, de la maternelle aux universités. C'était inévitable, souhaitable, mais quelle galère. Je suis bien contente de ne pas avoir d'enfants en bas âge. Il reste à chaque étudiant désœuvré à s'occuper des enfants de ses voisins.
    Ah tiens. Ça veut dire que je vais pouvoir garder les livres de la bibliothèque un temps indéterminé. Chic.

    Le Gars

    J'avais assisté à une représentation en 1997, dans la salle du bas (petite, voûtée, merveilleuse) de la Maison de la poésie. J'en conserve un souvenir ébloui.

    Alors, quand j'ai vu que Le Gars (re)passait ce soir, je n'ai pas voulu manquer ça. Malgré la maladie qui rôde (cette terreur et cette tristesse à l'idée d'être porteur sain, à l'idée d'être un danger pour les autres), j'ai pris la voiture et j'y suis allée (note: cela signifie que je ne me suis pas arrêtée sur mon chemin du retour boulot-maison, mais que je suis allée expressément à Paris pour cela, ce qui prouve ma motivation.)

    J'ai été extrêmement déçue. D'abord une femme (Francesca Isidori m'apprend Internet) a parlé longuement. J'ai recueilli des informations, j'ai compris en particulier pourquoi ce texte m'avait tant plu, par son rythme, sa cadence, sa diction: il a été écrit (traduit adapté) directement en français par Tsétaïeva qui pratiquait l'averbisme (je n'avais jamais entendu le terme). Elle enlevait les verbes, mais aussi les articles, les pronoms, etc. Elle n'a jamais réussi à faire publier son texte: «trop nouveau».

    Ce discours m'impatientait. Mais j'ai alors appris que nous n'allions pas entendre toute la pièce mais seulement une partie: pour connaître la fin il faudrait… acheter le livre (aux éditions Des Femmes)!

    Enfin Anna Mouglalis a lu son texte, alors qu'Edith Scob le jouait, le scandait, le mimait.

    Bref, déception. J'aurais dû m'en douter. A l'époque où nous fréquentions beaucoup la maison de la poésie, nous avions adopté une règle: uniquement les spectacles dans la petite salle.

    Municipales et coronavirus

    Quand vous irez voter, prenez un stylo avec vous (pour la signature du registre).

    Faites passer la consigne.

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    Sinon, la gestion de l'épidémie est vraiment étrange. Hier un ancien blogueur qui travaille pour l'éducation nationale racontait que le mari de sa secrétaire était confiné, mais pas sa secrétaire; aujourd'hui j'apprends que le même cas existe dans mon entreprise: une salariée dont le mari également salarié est malade n'a pas été autorisée à rester chez elle au prétexte qu'elle ne travaille pas dans le même immeuble que lui! (WTF? Le groupe souhaite-t-il contaminer davantage d'immeubles? Ou l'histoire est-elle fausse?)

    Je mets en ligne une capture d'écran de Twitter car le compte est protégé.


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    Bibliophore (livres en provenance des bibliothèques du groupe, je le rappelle):
    Duras, Les petits chevaux de Tarquinia collection blanche NRF
    Perec, «53 jours» en grand format P.O.L
    Henry James, Ce que savait Maisie en grand format Robert Laffont
    Je suis heureuse de récupérer des livres qui ne sont pas des poches: je peine moins.

    Boîtage

    Action consistant à déposer des tracts ou de la pub dans les boîtes à lettres. En l'occurrence, il s'agissait dans notre perpétuelle lutte contre Dupont-Aignan et ses marionnettes de déposer notre programme pour les municipales.

    Boîtage en fin de matinée en écoutant Bénédicte Savoy sur une recommandation de Philippe. C'est le récit de l'histoire des objets, les déplacements, les achats, les pillages. A qui appartient un objet, selon quels critères? C'est une recherche transverse, entre histoire internationale, relations juridiques, lecture des journaux, visionnage de films contemporains. C'est aussi ou peut-être surtout une histoire des mentalités.

    Je boîte, sys-té-ma-ti-que-ment, en suivant une méthode mathématique: boîter le périmètre (attention, le trottoir d'en face n'est ni dans la même ville ni dans le même département) puis prendre un trottoir vers le centre et toujours rester sur ce trottoir aux intersections, ne traverser la rue et changer de trottoir qu'en arrivant au périmètre déjà boîté (cela ne fonctionne que si les rues sont à peu près à angle droit. Si non, des îlots triangulaires restent isolés sans contact avec les autres trottoirs).

    Il fait gris, il pleuviote. Un haut-parleur déverse les résultats d'une compétition lointaine. Des bandes d'étourneaux sont perchées sur les fils. Je regarde les maisons, les façades, les volets clos, les lumières qui percent, les chantiers. Plutôt des pavillons des années 70, quelques architectures plus tourmentées, deux ou trois friches. J'aime bien.

    Calvin et Hobbes.
    Concernant la to-do-list, il reste le courrier et la table du salon (mais la table du salon, c'est une tâche effrayante).
    Invitation envoyée pour les noces de perle.

    To do list

    Nous ferons le point demain.
    Pas de sortie sur l'eau jusqu'à nouvel ordre, la Seine est en alerte crue.
    Pour ceux qui rêvent devant le plus petit indice, je recommande l'application RiverApp. Tapez Donau, par exemple.


    Symptômes

    — Mais concrètement, qu'est-ce qu'il faut faire? J'ai un peu mal à la gorge: normalement j'achète un truc en pharmacie, mais là, je fais quoi?
    — Tu as mal aux poumons?
    — Non, pas du tout. J'ai juste pris froid ce week-end.
    — Parce que c'est quand même une maladie pulmonaire.
    — Tu sais, pour moi, une maladie pulmonaire, c'est avant tout un signe littéraire. Les maladies sont des catégories littéraires: si on te dit que le personnage a une pneumonie, une pleureusie ou une phtisie, l'auteur veut te dire que c'est grave; si c'est l'épilepsie, c'est que le personnage est fou et imprévisible. Je n'ai aucune idée de ce que ça veut dire en réalité.

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    Bibliophore :
    - Charles Rosen, Schœnberg
    - Eric Chevillard, Du hérisson
    - Eric Chevillard, Le caoutchouc décidément

    Grande Messe vénitienne par les Arts florissants

    Nous avons commencé par nous tromper de salle : la salle de concert de la Cité de la Musique n'est pas la Philharmonie. (Salle petite, chaleureuse, tendance bois plutôt que ciment. Une autre époque).

    Paul Agnew a fait son habituel discours (dédicace Laurent), plutôt amusant, avec un accent pittoresque et des fautes de français étonnantes pour quelqu'un qui vit en France depuis si longtemps (Jane Birkin vs Thomas Römer). Il nous a résumé avec humour quelques lignes du livret en nous demandant un effort d'imagination: en effet, «la grand Messe vénitienne n'existe pas».
    Je vous copie le livret:
    Tout juste ordonné prêtre, Don Antonio Vivaldi devient en 1703 le maestro di violin delle figliole [maître de violon des jeunes filles] de l’Ospedale della Pietà de Venise. Cette institution caritative accueillait les orphelines et les filles illégitimes de l’aristocratie vénitienne, et leur offrait une éducation musicale poussée. Ces jeunes filles formaient un coro de chanteuses virtuoses ainsi qu’un concerto d’instrumentistes, réunissant généralement trente à quarante musiciennes, voire soixante-dix pour les grandes occasions. Pendant plus de trente années, Vivaldi produisit pour cette institution une quantité impressionnante de compositions, tant instrumentales que vocales, et assura leur exécution. Si divers fragments de messes, des psaumes et les motets nous sont parvenus, aucune liturgie complète, aucune missa ni aucun vespro intégral ne vient témoigner de cette intense activité liturgique. Il est pourtant attesté qu’une messe entière avait été commandée à Vivaldi en 1715 par les administrateurs de la Pietà. La messe vénitienne proposée ce soir relève en fait d’un travail de reconstitution musicologique qui emprunte sa substance à divers éléments de la production religieuse de Vivaldi. Le Kyrie, le Gloria et le Credo sont des compositions originellement distinctes et isolées. Le Sanctus et l’Agnus Dei sont des contrafacta: leur musique a été tirée de diverses compositions préexistantes et parée de nouveaux textes liturgiques, suivant l’usage ancien de la parodie.
    En conséquence l'orchestre n'était composée que de musiciennes, «sans que cela n'ait de rapport avec MeToo», nous a assuré Paul Agnew.

    Ce fut une très belle soirée.
    William Christie était présent en nœud papillon.

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    Bibliophore : (Qu'est-ce qu'il y a dans votre sac? me demande le vigile de la salle. Des livres! ris-je.)
    - Henry Bauchau, Antigone
    - Raymond Queneau, Saint-Glinglin
    - Eric Chevillard, Démolir Nisard

    Je continue Le Chiendent commencé mardi. Un ancêtre tout à la fois du Nouveau Roman et de San-Antonio.

    Coronavirus

    Tentative de se souvenir de la première fois que le sujet a été abordé en France: vers le 20 janvier?

    C'est en train de devenir LE sujet de toutes les conversation. Cela attise ma curiosité et provoque un sourire sardonique. Je n'y crois pas vraiment — et quoi qu'il en soit on ne peut pas y faire grand chose. Les rayons de pâtes sont dévalisés. Des réactions étranges et choquantes sont rapportées (sur twitter), comme cette prof appelée à faire un test, mais sans que les parents des élèves ne soient prévenus (pour éviter la panique?) H. constate: «Maintenant tout le monde se lave les mains aux WC. Ça change.»

    Ce week-end à Bruges se trouvait un équipage de Milanaises. Réaction exaspérée d'Anne: «Je ne comprends pas qu'on les ait laissé venir.» (Elle n'a pas tort.) Anne travaille dans l'industrie automobile: «Nous allons bientôt être en rupture de batteries [pour les voitures électriques], les chaînes vont s'arrêter.»
    H. confirme: «Apple a annoncé une baisse de 20% dans le nombre de commandes qu'ils pourront satisfaire.»
    C'est vraiment très intéressant. A quel point dépendons-nous de la Chine, pour les décorations de Noël ou... les masques de protection? Anne toujours (je ne sais pas si c'est vrai): «Maintenant qu'on sait que les masques sont fabriqués à Wuhan…» Quelles conclusions (et décisions) les autorités chinoises tireront-elles du fait que durant ces quelques semaines l'air est devenu respirable en Chine? Quelle bonne nouvelle, nous pouvons effectivement agir, et une action de fond produit des effets rapides.

    Chez Engie, il faut déclarer au médecin du travail tout voyage hors des frontières. Dans ma boîte, nous avons appris hier qu'il y a un cas positif (porteur sain habitant l'Oise) au cinquième étage de l'immeuble d'en face. Ça se rapproche. (J'ai l'air de prendre cela à la légère, mais en fait il ne faudrait pas que H. l'attrappe. Il a les poumons délicats, encore fragilisés par le séjour en montagne à Noël.)

    Je me souviens de quelqu'un (qui? un anticlérical ou un moine?) mimant la propagation des épidémies de peste ou de choléra (c'était avant le coronavirus, une simple discussion sur Dieu nous sauve): «Alors on allait à l'église prier pour que l'épidémie s'arrête. On était bien serré sur les bancs, on toussait dans le visage de son voisin…» (Ça m'avait fait un choc: P***, mais il avait raison!)

    Je me souviens que lorsque nous avions vu Contagion (mauvais film), H. avait commenté: «il suffit que tout le monde reste chez lui quinze jours et ça s'arrête.» Quand je lui ai rappelé cela, il a répondu: «Vu le temps d'incubation, plutôt trois semaines.»

    En bonus, quelques dessins de Boulet à propos du ciel qui nous tombe sur la tête. J'aime beaucoup la dernière photo.

    Chemin des écoliers

    Je dors mal. C'est peut-être le sport: je n'ai pas de courbatures mais les muscles chauds, surtout les bras, et comme nous travaillons beaucoup l'endurance, j'en reste comme encore essouflée, comme s'il me fallait des heures pour reprendre un rythme normal.
    Bref, je me réveille souvent la nuit. Je peux donc dire qu'il a plu dès quatre heures du matin.

    Nous partons vers le nord car je veux revoir Damme, le canal de Damme et ses arbres, ce tunnel qui me fait entrer directement dans les voyages de Bilbo.

    Nous évitons les autoroutes, rejoignons la côte et nous suivons la mer, les dunes, le tram, les immeubles du front de mer. Il pleut, je fredonne «… avec ce ciel si bas qu'un canal s'est pendu…», nous avons tant mangé hier soir et petit déjeuner si tard que nous sommes en indigestion. Arrêt à Ostende vers midi pour un café, nous n'avançons pas vite.
    Vers deux heures, alors que nous avançons à un feu, je vois un restaurant juste en face. Il faut déjeuner. Nous sommes à Oostduinkerke, le restaurant s'appelle Caricole et la serveuse accepte de nous servir à cette heure tardive. Bouillabaisse à la belge, avec un demi-homard et de la rouille, absolument génial. Il faudra revenir.
    Il s'est arrêté de pleuvoir et quand nous passons en France, des rayons de soleil percent (je le jure!).

    Dunkerque, nous suivons des canaux, beaucoup de feux. Gravelines. Beaucoup de Minicoopers, c'est bizarre, c'est amusant.
    Calais le choc: nous arrivons le long d'une zone industrielle, d'un côté des pavillons de banlieue, coquets, de l'autre une palissade en plastique armée, c'est-à-dire transparente et laissant voir des fils d'acier à l'intérieur. Elle entoure quelques arbres, une forêt clairsemée par l'hiver. Une forte odeur de brûlé s'infiltre dans la voiture mais son origine est invisible. Quelques tentes Décatlon sont posées sur la terre détrempée sous les arbres. Une file ininterrompue d'Africains, par groupe de deux ou trois, suivent la palissade. Ils rentrent au camp dont l'entrée est gardée. Ils sont bien couverts, ils n'ont pas l'air affamé. Mais il fait froid, il a plu, il y en a beaucoup, il y en a sans fin, je suis bouleversée. Qui sont-ils, que font-ils là, pourquoi sont-ils installés ainsi (comment sont-ils réellement installés), ne pourrait-on pas utiliser des bâtiments désaffectés comme des casernes? Je pense à Ceux qui passent, je raconte à H. que tout dépend des préfets, il y a les salauds (les tentes trempées à la lance, les chaussures volées) et les humains… J'ai envie de pleurer, j'ai honte: nous regardons, nous passons. Nous ne faisons rien, nous ne ferons rien.

    Nous traversons la ville, longeons la citadelle, nous rejoignons la route de la côte. Sangate. Il fait beau. Vent et soleil. Je découvre fascinée la côte de l'Angleterre, les falaises de Douvres. Je suis émue. Je n'avais pas conscience qu'elles étaient si proches, je pense aux Trois Mousquetaires et à Vingt ans après et bien sûr à Conrad et Stephen Crane. La côte est magnifique, verdoyante, ondulée. Je ne connaissais pas du tout cette côte d'Opale, la bien-nommée entre la mer verte et le gazon des dunes.

    Café au "Bureau" devant l'église Saint Nicolas (belle déco anglaise) de Boulogne-sur-Mer; il fait nuit. Nous rejoignons l'autoroute et rentrons par une autoroute déserte dans la nuit noire.

    Bruges

    Personne ne croyait que nous courions ce matin, personne ne pensait que le temps s'améliorerait. Mais nous nous sommes donnés malgré tout rendez-vous à huit heures et demie. J'ai avalé un petit déjeuner seule (huit heures: l'heure de l'ouverture de la salle à manger. Quel touriste se lèverait plus tôt?) et je suis partie, avec au cœur quelque chose entre colère et détermination (pourquoi? je ne sais pas). Le soleil pointait mais il y avait encore beaucoup de vent.

    Je suis arrivée au club, j'ai dit aux filles: «J'ai réfléchi: quinze minutes à 24 [cadence 24], puis 26, et quand on passe le pont on y va à fond.»
    Nous avons regardé les skiffs, les doubles, les quatre partir avant nous. Je ne me souviens plus de rien, je ne sais plus quand nous avons emmené nos pelles au ponton, comment nous avons porté le bateau. Je ne me rappelle pas vraiment de la montée vers le départ (cinq kilomètres), Pascale me répétant que j'enfonçais trop ma pelle babord, moi prenant des repères: ici ça doit faire la moitié, là c'est la maison rouge des quatre cents mètres. Avoir été là l'année dernière était un avantage.
    Nous avons beaucoup peiné pour faire demi-tour sur le canal étroit, nous sommes parties seules (pas de départ bord à bord), cadence 26 (et non 24). Et tout est allé très vite, je ne m'en souviens plus. Nous avons rattrapé un huit, nous avons été rattrapées par des quatre masculins.
    A l'arrivée les filles étaient contentes (et non déçues comme à Tours où elles trouvaient que nous n'avions pas assez appuyé) et trempées (le vent provoquait de fortes vagues). Dans l'après-midi nous avons eu notre temps, 25'17''57, soit trois minutes de plus que l'année dernière. Les trois meilleures rameuses ne sont plus là (elles sont en compétition nationale), d'un autre côté nous sommes beaucoup plus entraînées qu'il y a un an, enfin il y a les conditions météo: quelle est la part de ces différents éléments?

    J'ai aidé à démonter les bateaux jusqu'à une heure, j'ai avalé un petit pain rond et une tranche de jambon puis je suis partie. Douche pour me réchauffer, changement de tenue, il me manque des sous-vêtements chauds il y a tant de vent, j'empile mes deux pulls mode bibendum. La guide nous attend à la réception.

    Visite guidée en français de deux heures sur le modèle de celle que j'avais faite en juillet 2017 avec O. L'église Sainte Marie la plus haute église en briques, l'hôpital Saint Jean devenu musée, grèle et averse (je pense aux Masters (rameurs vétérans) qui doivent être sur l'eau), béguinage, maison Dieu, maison du collecteur d'impôts (la taxe sur le levain de la bière), la guide raconte. Les canaux sont davantage des douves que des voies de circulation, pour dire "canalisé" ou "enterré" elle dit "voûté", quarant mille personnes ici au Moyen-Âge, puis l'ensablement et la mésentente avec Maximilien qui a poussé les commerçants à quitter Bruges (pour Gand? je ne sais plus).
    Comme nous ne sommes que deux, elle nous fait entrer dans l'hôtel Crowne Plaza place du Bourg et demande l'autorisation de descendre au sous-sol: en voulant creuser un parking, les fondations de l'église carolingienne Saint-Donatien et des fresques de couleurs très fraîches ont été découvertes. L'hôtel a aménagé des salles autour et les loue.
    Dans les anecdotes contemporaines, elle nous raconte que les prix des brasseries sur la place du marché sont si scandaleux qu'ils ont fait l'objet d'un rappel à l'ordre officiel (c'est passé à la télé), et comme je parle de l'immense parking sous Bruges, elle nous dit que son creusement a déstabilisé la tour de l'église Notre-Dame et que les travaux ont pris beaucoup plus de temps que prévu.

    Gauffre, lait russe, hôtel pour se réchauffer.
    Le soir dîner au Passage où nous pensons mourir d'indigestion en tentant de finir nos travers de porc: la portion fait trois fois la portion française. Une fois encore je pense à Astérix: «Et qu'est-ce qu'on met sur les tartines? Les bœufs!»
    Je peux enfin boire une bière, il y a enfin des gueuze lambic (je déteste la bière jaune pisse d'âne amère).

    L'attente

    Que de boue…
    Les remorques stationnent dans un champ détrempé, creusé par les tracteurs qui les y amènent. Note pour l'année prochaine: venir en bottes.

    Nous avons rendez-vous à dix heures et demie pour remonter les bateaux.




    Clé de 10, clé de 13, descendre les coques de la remorque (nous les filles sommes bien trop petites, quatre étages de bateaux), les mettre sur tréteaux, resolidariser les huits qui ont été coupés pour le transport (deux tiers un tiers, un quart trois quart, j'ai appris la semaine dernière que tous les huits n'étaient pas coupés à l'identique), remonter les portants, régler les hauteurs et les barres de pied.
    Nous tranportons nos seize pelles au ponton, il n'y a plus qu'à attendre: nous courons dans la deuxième manche, à trois heures et demie.

    Nous rentrons au chaud dans le club house. Sandwich, pâtes, tarte. Je contemple par la fenêtre les huits qui montent au départ. Comme le canal est étroit, tous les bateaux montent d'abord, les derniers à courir en premier pour être le plus au fond. Quand tous les concurrents sont arrivés, ils prennent le départ deux à deux en ordre inverse, les derniers arrivés les premiers à partir (méthode lifo en comptabilité: last in, first out).
    C'est une méthode qui assure la sécurité (tous les bateaux vont dans le même sens, pas de croisement) mais qui fait que les derniers à courir ont froid très longtemps puisqu'ils sont les premiers à atteindre le départ et les derniers à le prendre.

    Je contemple au chaud de la fenêtre les huits sous la pluie, dans le vent. Il y a énormément de vent qui creuse des vagues sur le canal, il pleut à verse. C'est long. Nous discutons, papotons, entre filles, avec l'équipage des garçons. Il faut tromper le stress, l'attente, il faut donner des consignes au barreur, ne pas se déconcentrer, ne pas s'engourdir ni se ramollir parce que dans quelques minutes, une heure, ce sera notre tour de sortir dans le vent et la pluie pour ramer cinq kilomètre, vingt-deux, vingt-cinq minutes. Je suis à la nage, la responsabilité est la mienne.

    Je contemple le canal, j'ai peur de louper l'appel, j'appréhende de porter le bateau du champ jusque sur le ponton. Je vois des huits apponter, je ne comprends pas, la course a-t-elle eu lieu, des bateaux sont-ils passés? je n'ai rien vu, pas entendu de cris d'encouragement, ai-je perdu la notion du temps à ce point?

    Une rumeur court: un huit de jeunes s'est retourné, la première manche est annulée, les bateaux reviennent.
    Attente. Une décision doit être prise pour la seconde manche, la nôtre. C'est une lourde décision, des équipages sont venus de Milan, du Canada. Attente, il ne faut pas se déconcentrer malgré le peu d'envie de sortir dans le froid le vent la pluie.
    Brouhaha. Annonce en flamand. What? Silence, concentration sur le filet de voix. Annonce en français. C'est annulé pour aujourd'hui.

    Confusion. Monter ou démonter les huits, qui est disponible pour courir demain, la course va-t-elle être reportée, fera-t-il meilleur demain? Les organisateurs prendront leur décision à quatre heures.
    En attendant, retour dans le champ pour monter les bateaux des Masters qui courent demain: deux doubles et un quatre. Problème de barres de force. Comme s'il avait obtenu satisfaction, le soleil apparaît par moments; le vent s'est calmé à quelques bourrasques près.

    Il fait froid, tout est mouillé. Note pour l'année prochaine: prévoir beaucoup plus de chaussettes et de sous-pull et sous-vêtements chauds dits "techniques". Quelqu'un me donne le nom d'une marque, Ogarun: «c'est cher mais naturel, et puis fabriqué en France. On peut transpirer, ça ne sent pas mauvais. Ça fait un beau cadeau pour un jeune.»

    Quatre heures, la décision tombe: les huits volontaires courront demain, à dix heures trente. Nous devons donner notre réponse, confirmer notre présence. Qui sera là, y a-t-il des rameurs qui repartent avant? Des équipages déclarent forfait car leur remorque repart dès ce soir. Les garçons s'organisent, je déplace la visite guidée de Bruges programmée à neuf heures demain. Je rentre à l'hôtel me réchauffer.

    Le soir, nous dînons dans la même brasserie que l'année dernière. Débat sur un pipeline destiné à amener la bière: 5000 litres/heure annonce fièrement la carte. H. ne veut pas y croire: «C'est une blague, il n'y a pas assez de clients pour ce débit.»
    Nous aurons l'explication le lendemain: ce n'est pas pour amener, mais emmener la bière qu'a été construit le pipeline. Il s'agit d'une brasserie au sens propre, d'un lieu de production, et le tuyau évite d'utiliser des camions dans le centre historique.

    L'un des rameurs est corse et me remplit d'étonnement tant il correspond aux clichés d'Astérix en Corse: «Maintenant que j'ai fini cette demi-dalle, je vais balayer la demi-dalle suivante».
    Caroline résume d'un lapidaire: «Ah oui, ça ne te dérange pas de parler pendant que les autres travaillent».

    Vers Bruges

    Un peu hésité : prendre la décapotable ou pas? le temps s'annonce mauvais, mais le but de cette voiture est bien de se promener. C'est parti pour un voyage hors autoroute jusqu'à la nuit.

    Beauvais : nous découvrons le rouge beauvaisien, la statue de Jeanne Hachette, de multiples rappels de la guerre de 14-18. Il fait froid dans la cathédrale (nous sommes là pour elle, je voulais la visiter), elle paraît courte, quasi dépourvue de nef qui se fond dans les transepts. C'est la cathédrale gothique la plus haute du monde; elle en paie le prix: deux piliers sont étayés par une énorme armature en bois, plus loin c'est un gigantesque contrefort, une béquille, qui a été installé. Je m'interroge sur les calculs de force qui ont amené à ces travaux.
    — Ce qui est sûr, c'est qu'ils n'ont pas été fait par des Français: les écoles françaises d'architecture sont les seules au monde à ne pas comporter de cours d'ingénierie. C'est comme ça qu'on se retrouve avec des projets qui prévoient du verre polarisé aux fenêtres de la TGB. «Vous avez calculé la surface nécessaire? — Euh non. — Bon ben on va faire autrement, alors.»

    Puis Amiens. Maison Jules Verne qui est plutôt un musée. Beaucoup de collégiens, ce doit être une visite obligatoire dans la région. Des affiches Art déco, des reliures, un bel escalier en spirale. Très belle demeure. Malheureusement aucun "goodies", pas de carte géographie ou de reproduction d'affiche, simplement quelques livres de poche. Tant pis.
    Il pleut (pluie picarde, nous a dit le garçon de café). Trou de mémoire, c'est bien d'Amiens que parle Proust et Ruskin? Drapeaux australien et néo-zélandais, la guerre est omniprésente. Cette cathédrale me rappelle Chartres et Notre-Dame de Paris. Nous déambulons rapidement et allons prendre un chocolat («chez Brigitte», me murmure H.) Il faudra que je revienne (sans H. qui est désormais allergique aux édifices religieux) un jour où il fera chaud et clair.

    Pluie battante et vent dans la nuit noire sur l'autoroute.

    Comme l'année dernière, nous avons rendez-vous au club de Bruges pour le dîner (nourriture de cantine). Puis hôtel Monsieur Ernest, le même que celui réservé avec O. en juillet 2017.

    Entraînement - Réservation - Oulipo

    Entraînement spécial Bruges, puisque nous ne pouvons toujours pas ramer. Sur les conseils d'un rameur j'ai téléchargé l'application RiverApp qui m'enchante. Je regarde le cours du Danube (Donau) en rêvant.

    Je passe à Shake & Smash pour payer un acompte. Nous n'avons pas décidé grand chose (privatiser ou pas, quel menu, etc) mais nous voulons réserver la date.
    Je m'installe au bar et commande ma nouvelle marotte depuis Val Thorens: un Moscow Mule. Je contemple fascinée la barmaid préparer trois ou quatre cocktails en parallèle. Il y faut beaucoup de concentration.

    Puis Oulipo. Enfin, je veux dire pizzeria puisque j'arrive tard. Nous ne sommes que huit.
    Quelques livres: Sans nouvelles de Gurb d'Eduardo Mendoza et Le système poétique des éléments auquel ont participé Nicolas Graner et Françoise Guichard.

    Mardi Gras

    Mardi Gras le soir au club. C'est la troisième fois que je participe à ces soirées destinées à financer le rêve des seniors de participer aux régates d'Henley.

    J'ai bu trop de Pimm's. Trois Pimm's, c'est un de trop.

    Non navigable

    La Seine est toujours très haute. Entraînement en yolette à une semaine de Bruges.

    Je n'ai jamais connu des conditions aussi exécrables. A un moment de la remontée dans le petit bras, nous avons été arrêtées net par une bourrasque de vent.

    C'est embarrassant à avouer, mais G. (barreuse) est mal accueillie par le groupe. Il y a comme une fronde silencieuse contre elle, une façon de remettre en cause ses instructions qui ne favorise pas une façon de ramer sereine.
    Au moment du café, un consensus venu de nulle part a décidé que nous allions essayer d'avoir Louis-Pierre comme barreur et que G. barrerait les garçons. Ce n'est pas une mauvaise solution si cela permet d'avoir des filles plus concentrées.

    Marmotte

    Dormi tard. Commencé la série Hunters dont je ne sais que penser: complaisante ou pas? Je n'aime pas les histoires de vengeance personnelle. Je suis légaliste en terme de justice. Même si celle-ci est lente et décevante.

    Je n'ai réussi à secouer ma flemme que vers le soir pour aller m'entraîner à l'ergo — Bruges oblige, je ne peux pas laisser tomber mon équipage.

    Mal parti

    H. est à Nantes jusqu'à vendredi. Sans le lui dire, j'ai posé autant de journées de congé dans l'espoir de ranger la maison.
    Je ne lui ai pas dit parce qu'il dit que ce n'est pas la bonne méthode, que cela ne sert à rien.
    Pourtant je me souviens de l'avoir fait avec succès, ce doit être quelque part dans ce blog, avant 2010 peut-être.

    Mais il faut reconnaître que c'est mal parti. J'ai ouvert L'Exil éternel d'Angela Rohr. J'ai fini l'introduction du mémoire. Je n'ai pas rangé grand chose.

    Les Pétroleuses

    Agnès Buzyn, jusque-là ministre de la santé, se présente à la mairie de Paris. Elle remplace Benjamin Griveaux, qui a eu l'idée étrange de se branler devant son téléphone à destination d'une dame qui n'était pas son épouse. La vidéo a été diffusée par un artiste (avec ou sans guillemets), Griveaux a retiré sa candidature.

    Evidemment, désigner une femme, c'est éloigner le risque de Dick Pic. Les candidatures féminines vont-elles se multiplier pour cette seule raison?

    Candidats à la mairie de Paris: Anne Hidalgo, Rachida Dati, Agnès Buzyn.

    Les mains libres




    Je suis passée chez Listel Or récupérer des Langelot et en déposer d'autres. Ma relieuse devrait se faire opérer du bras en mai.
    Je discute un peu trop longtemps pour être à l'heure chez Clarisse. Dans un moment d'ubris, j'ai pris un vélib devant la porte au lieu de prendre la ligne 2 qui m'aurait amenée rapidement à destination. Mal m'en a pris: il s'est mis à pleuvoir à seaux et j'ai été trempée comme une soupe, dans la plus pure tradition de mon adolescence.

    Clarisse avait invité notre yolette à boire la bouteille que nous avions gagnée. Son appartement est un étonnement. Nous savions qu'elle cousait elle-même ses vêtements qui contribuent à sa grande élégance («—Comme ça te va bien. Où as-tu acheté ça? —Je l'ai fait moi-même.») Nous ne savions pas qu'elle en faisait autant pour son appartement: tout est de sa main, parquets, peintures, moulures, soudure à l'arc. Elle a déplacé une porte (cassé le mur, remonté un mur, déplacé le chambranle). Elle a construit la structure de son canapé, puis l'a tapissé. Elle possède trois machines à coudre, «une pour les grosses pièces de cuir». Il y a une sculpture au mur, un scooter embouti: «je suis allée à une exposition sur César, je me suis dit que je pouvais essayer. J'avais ce scooter, je l'ai emmené chez un garagiste pour le faire emboutir, puis je l'ai fixé sur cette planche et je l'ai peint. Et voilà.»

    Visiblement elle aime davantage le métal que le bois. Tout est brun ou bronze et renvoie la lumière. Son appartement luit, sa douceur est celle du reflet.

    Elles ont parlé famille, maisons de campagne, souvenirs. Je me sentais socialement décalée. Je n'ai pas osé leur parler de mes trente ans de mariage auquel je compte les inviter. Foutue timidité.

    Mensonges

    Nous sortons ensemble des vestiaires :
    — Je viens de mentir en disant que j'étais coincée dans le RER et que j'allais être en retard.
    — A ta famille? Pour ne pas dire que tu étais au club?
    — Oui.
    — Ah… c'est comme quand je paie en liquide pour ne pas qu'on voit que j'ai acheté de nouvelles chaussures.





    Bibliophore :
    Sans l'orang-outang d'Éric Chevillard (j'ai récupéré de nombreux Chevillard même si je ne suis pas sûre que son écriture systématique ne m'ennuie pas un peu.

    Un homme remarquable de Robertson Davies. J'ai lu ce livre en 1996 — et sans doute ce livre précisément, cet objet physique-là. Écriture romanesque agréable pour personnes qui aiment les romans. C'est de moins en moins mon cas, mais il y a dans ce livre deux ou trois phrases qui m'ont marquées ainsi qu'un épisode d'expertise de faux tableau qui me fascine.

    Les Choses - Une histoire des années soixante. de Georges Perec. Un exemplaire de 1965, relié, avec le commentaire de la bibliothécaire tapé à la machine et collé sur la première page: «Prix Renaudot 1965. Sylvie et son mari, psycho-sociologues à Paris ne sont pas pauvres mais rêvent de large aisance dans la lassitude d'une vie qui repose sur le désir des choses. Une expérience à Sfax les déçoit et ils espèrent trouver fortune à Bordeaux. Sans véritable intrigue; témoignage sociologique bien observé, confrontant un couple avec son époque, d'une ironie triste, lucide et intelligente, écrit en un style pur et classique, un peu fastidieux. Large public. F.M. 1965»

    (Et je vois dans ces notes des bibliothécaires la trace d'une époque où l'on espérait éduquer l'ouvrier ou l'employé de bureau. Mais peut-être que je fantasme.)

    Je me souviens que ce livre est une réponse aux Mots de Sartre (1964), suivi de la synthèse Les mots et les choses de Foucault (1966). On savait s'amuser à l'époque.

    Chatterton de Vigny

    Ligne 1, 17h55. Elle était si bien accordée à sa lecture.





    Je me suis cassée le nez au CNF (j'avais oublié qu'il était fermé aujourd'hui), je suis passée à l'ICP chercher des livres.
    Remarque pratique : mon sac à dos est fait pour contenir des affaires de sport, pas des livres.

    Bibliophore :
    pour ma dissertation:
    Rome et la contraception de Robert McClory
    Le Climat familial de Jean-Philippe Pierron
    désherbage de la bibliothèque de l'entreprise:
    Belle Mère de Claude Pujade-Renaud (je ne l'ai jamais lue)
    Berlioz de Claude Ballif (je remplace une édition plus récente par une plus ancienne, pur snobisme)
    Anthologie de la poésie chinoise classique Poésie Gallimard


    Transport : encore un périple, RER D jusqu'à Villeneuve puis bus B puis un kilomètre de marche. J'ai calculé que cela irait plus vite que d'attendre le prochain D pour Yerres une demi-heure plus tard puis prendre mon bus habituel. J'avais raison puisque ce bus ne m'a pas doublée.


    Avancée du rangement après travaux (oui, ceux d'il y a un an):
    A. qui est restée une journée de plus pour soigner un chien dans les environs a lavé les étagères du dernier étage et reclassé les DVD. Il ne reste plus qu'à rebrancher l'écran, l'Apple TV et le lecteur de DVD (je n'en peux plus de regarder films et séries sur tablette. J'aime les grands écrans).


    Le soir, projection de Three Bilboards sur le mur du salon. J'avais beaucoup aimé ce film à sa sortie, sa violence et sa consolation.

    Un samedi de couleuvre

    En yolette le matin. Le courant est rapide et l'eau brunâtre. Demain les sorties sont annulées à cause de la tempête. Je préviens aussitôt Hervé car je sais qu'il a réservé un restaurant près de Neuilly, ce qui devient inutile.

    Des films l'après-midi. Je finis Collatéral (bof), par hasard je regarde L'invité d'une grande violence sociale et pourtant comique, je re-regarde La nouvelle vie de Paul Sneijder que j'avais beaucoup aimé à sa sortie (c'est parce que faisais des recherches sur Thierry Lhermitte que je suis tombée sur L'invité).

    J'ai tant aimé cet arbre

    Notre if était malade depuis longemps. Nous avons coupé les branches du bas en espérant le renforcer, contre l'avis de l'élagueur («Vous l'auriez coupé il y a trois ans, vous auriez un nouvel arbre depuis trois ans»). Il a été coupé ce matin.

    La plus vieille photo : 2004. (Nous sommes arrivés dans la maison en 1999.) Le sapin a augmenté d'un mètre de rayon en douze ans. Aujourd'hui le sapin est coupé et le réverbère, installé en hommage à Narnia, est tombé cet hiver.


    Photo en 2014, une belle journée d'avril, puis en mai 2016, après avoir été coupé. On voit, ou je sais, que les branches sont moins fournis.



    6 février, le jardin est vide.


    ————————

    Contes du lundi d'Alphonse Daudet. En grand format, pour remplacer mon poche. (J'aime beaucoup ce livre).
    Brahms de José Bruyr
    Le Boulevard périphérique d'Henry Bauchau

    Affaire Mila

    Un matin tu te réveilles (14 février 1989, presque un anniversaire) au son du radio-réveil, tu apprends qu'un auteur dont tu n'as jamais entendu parler est condamné à mort par une fatwa, mot dont tu ignores le sens et l'existence, lancé par un imam iranien.
    Fuite, protection policière, vie en éclats.

    Un midi chez le coiffeur tu apprends que Cabu et Wolinski se sont fait assassiner parce qu'ils avaient dessiné le Dieu des musulmans.

    Un soir en lisant Twitter tu comprends vaguement qu'une ado se fait insulter et menacer parce qu'elle a dit qu'elle détestait la religion, en particulier l'islam. Tu ne fais pas trop attention parce que ce n'est pas la première fois que Twitter s'enflamme, Zineb el Rhazoui en a déjà fait les frais, tu te dis que ça va passer, qu'est-ce qu'ils ont inventé encore?
    Et puis ça devient n'importe quoi, tellement n'importe quoi que j'ai envie de hurler. La France entière est tombée sur la tête, c'était bien la peine d'avoir Voltaire, c'est le chevalier de la Barre all over again.

    Je tente une chronologie:
    Le 19 janvier, Mila poste une vidéo où elle dit :«[…] Je déteste la religion […], le Coran, il n'y a que de la haine là-dedans, l'islam, c'est de la merde […]». Elle reçoit des menaces de mort, quelqu'un poste son adresse en ligne, son domicile est protégé par la police, elle ne va plus au lycée.
    Le 23 janvier, une enquête est ouverte pour retrouver les auteurs des menaces, mais une autre contre Mila, pour vérifier s'il y a eu «incitation à la haine raciale».
    Depuis quand une religion est-elle une race? A ce compte-là, pourquoi ne pas avoir poursuivi Rushdie et Wolinski?
    (Heureusement, le parquet a conclu qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre…)
    Le 29 janvier, la ministre de la justice Nicole Belloubet prononce une phrase bizarre: «l'insulte à la religion est évidemment une atteinte à la liberté de conscience» (si les Manif pour tous se souviennent de cela à leur prochain rassemblement!!)
    Le 31 janvier quelques personnes appellent à la raison: voici une tribune juridique rappelant la loi sur le blasphème et la réaction de Mme Badinter dénonçant la lâcheté ambiante. (Je pense à Houellebecq et son Soumission : il était en dessous de la vérité).
    Le 3 février Ségolène Royal prend Mila à partie plutôt que de la défendre (mais depuis quand prend-on parti pour les menaçeurs et non pour les menacés? Qu'est-ce qui tourne pas rond? La gauche devrait se trouver un autre nom, Jaurès ne la reconnaîtrait pas.)
    Pendant ce temps, la jeune fille confirme ce qu'elle pense de la religion en général, tout en présentant des excuses si elle a blessé des croyants en particulier. (Chapeau bas : je l'imaginais effondrée, avec ses parents catastrophés à l'idée de devoir déménager, etc. Elle a du cran et paraît moins tête de linote que je ne l'aurais imaginé.)
    Cerise sur le gâteau, c'est Le Pen qui finit par dire quelque chose de sensé: «Dans notre pays de libertés, ce n’est pas à #Mila de s’excuser: c’est à ceux qui la menacent de mort, la harcèlent, l’insultent, de rendre des comptes devant la justice. » (Me voilà bien: en train de citer Le Pen!)
    Résumé le 4 février de Jean Quatremer: «Piégés par le discours sur "l’islamophobie" des islamistes, une partie de LREM et surtout de la gauche a permis à l’extrême-droite de récupérer le combat pour la laïcité, la liberté d’expression, le droit à l’athéisme, le féminisme, etc. A ce niveau de bêtise, chapeau bas 👏».


    La règle est pourtant simple, claire: une victime n'est pas coupable. Elle est victime. Elle peut être désagréable, vulgaire, idiote, naïve, méchante, on peut ne pas souhaiter prendre le thé avec elle et garder ses distances. Mais elle n'est pas coupable. Le coupable, c'est celui qui émet des menaces, et bien sûr, celui qui les met à exécution.


    Et pour ajouter à la confusion — ou pour la conforter, pour mieux démontrer que plus aucune norme de base n'est respectée ou même connue — des policiers de confession musulmane sont mis à pied sans réelle raison. Depuis quand être musulman est-il un délit? On voudrait ghettoïser et susciter le ressentiment qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Nous avons besoin de policiers musulmans, nous avons besoin que le recrutement dans la police représente le profil de la société française.
    Noam Anouar est la victime en creux de la même hystérie que Mila.

    Etre musulman n'est pas un délit.
    Détester les religions, trouver la religion musulmane complètement con n'est pas un délit.
    Menacer de mort est un délit.

    Embarras

    Comme j'ai atelier de dissertation à huit heures, je passe au CNF à cinq pour faire de l'ergo. Le club fourmille. Les jeunes (cadets, juniors) et les seniors sont là, je suis embarrassée de m'entraîner en même temps qu'eux. J'espère qu'ils ne regarderont pas mes réglages et mes temps…

    Atelier de dissertation. Nous sommes censés d'une part envoyer nos travaux quelques jours auparavant pour que les autres aient le temps de les lire, puis ensuite les présenter en séance. Cela m'embarrasse beaucoup: qu'on me lise mais qu'on ne m'oblige pas à en parler.
    Le principe est de recevoir des remarques (constructives) et parfois des indications bibliographiques.
    Quoi qu'il en soit mon plan est validé, ce qui une avancée considérable par rapport à l'année dernière.

    Palindrome day

    Matinée absurde. Nous étions remontées à bloc après la séance vidéo d'hier, je suis arrivée la septième au club, Vincent attendait en tenue (ciré et vêtements chauds) pour nous suivre en canot moteur.
    Il manquait deux rameuses. Vincent a entendu encore cinq minutes puis il est est retourné dans son bureau: «c'est une question de principe».
    Il était neuf heures. Les rameuses manquantes sont arrivées à neuf heures et quart. J'étais en train de faire du tank à ramer pour tenter de saisir «le synchronisme avant». Entretemps les six autres avaient remonté les pelles et décidé de ne pas sortir.
    Je suis rentrée à la maison. Une heure et demie de voiture pour rien.

    Dans l'après-midi, je postule à une annonce de volontariat en ligne et une (sans vraiment le faire exprès: j'ai cliqué sur un bouton) de Planète urgence. On verra bien.


    ———

    Et sinon, Twitter ne bruit que de ça: nous sommes le 02-02-2020, 33e jour de l'année. Il en reste 333.
    Le prochain palindrome sera le 12-02-2021 (en Europe le 12 février, aux Etats-Unis le 2 décembre).

    Synchronisme avant

    De nouveau à la nage du huit. Moins tranquille. Puis séance de débrief à partir des vidéos prises dimanche dernier. C'est compliqué le geste d'aviron. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point. 50% jambes, 35% corps, 15% bras. Toute la difficulté est de planter les pelles dans la vitesse du bateau et de relayer jambes dos au bon moment.

    J'ai fini le plan de mon mémoire. Trois parties, trois sous-parties, trois sous-sous-parties: vingt-sept points. «Idéalement, il faudrait avoir une idée par paragraphe.»

    Selfie au cinéma avec H. à Yerres. Amusant, un Black Miror soft, plus drôle une fois dépassé la sensation de caricature.

    Méticulosité bancaire

    Le questionnaire de «relations avec des pays étrangers» est retoqué par la banque parce que «la date n'est pas sous format mm-dd-yyyy». Ça m'agace et ça me fait rire; je décide d'attendre lundi pour appeler (et dire que dans la mesure où il n'y a pas d'ambiguité possible (pas de mois "23"), il n'y aura pas de correction: cela ou rien. Après tout nous sommes les clients).

    Ergo du vendredi au club. C'est l'entraînement le plus dur.
    Resto réunionnais. A l'étage il y a de quoi inviter une cinquantaine de personnes. (Toujours à la recherche d'un lieu pour boire un verre pour fêter nos trente ans de mariage.)

    —————

    Bibliophore. Dans les livres de poche, le bibliothécaire a écrit sa synthèse au stylo-bille.
    Faulkner Le Bruit et la fureur (poche 1966 «Un livre fascinant en partie rapportée par un être à peu près idiot»)
    David Lodge, Hors de l'abri (grand format)
    Bernanos, Sous le soleil de Satan (poche 1966 «Roman qui conte la double histoire d'une jeune fille et d'un vicaire de campagne aux prises avec le démon»)

    Choses vues en 2020

    J'ai déjà perdu le compte.

    - 10 janvier. Transparent, deux épisodes. Je m'ennuie.
    - 10 janvier. Flesh and bones, captivant et pourtant décevant.
    - 12 janvier. A couteaux tirés au cinéma. Agréable.
    - 18 janvier. We're no angels sur le mur du salon. Aussi pour tromper mon stress du lendemain. Je recommande ce film.
    - 22 janvier. Sur Arte, 1944: il faut bombarder Auschwitz, Les expérimentations médicales à Auschwitz, La Brigade des papiers. Arte toujours frustrant, on voudrait en savoir plus, ou on en sait déjà plus.

    - 1er février. En salle Selfie. Amusant.
    - 2 février. Capitaine America, le premier.
    - 2 février, A Time to kill, parce que j'aime Matthew McConaughey.
    - 3 février, Le prix à payer, assez désagréable.
    - 3 février, 96 heures, pas mal.
    - 8 février, Collatéral avec Tom Cruise (bof). - 8 février, L'invité d'une grande violence sociale et pourtant comique. Ça me fait penser à certaines rencontres avec certains camusiens.
    - 8 février, La nouvelle vie de Paul Sneijder que j'avais beaucoup aimé à sa sortie.
    - 9 février, A star is born sur le mur du salon, avec Lady Gaga.
    - 10 février, Three Bilboards sur le mur du salon. A. est là. Film dur et compatissant.
    - 14 février, 3 épisodes sur le Goulag sur Arte. Je découvre l'existence de Kravchenko.
    - 15 février, This Is Where I Leave You, un nanar familial qui aborde quelques problèmes de fond.
    - 20 février, Les gentlemen. L'exercice de la narration doublé par l'image a trouvé sa limite. Il va falloir passer à autre chose.
    - 20 février, Les Traducteurs. Très bon. A voir.
    - du 21 au 23, série The Hunters. Je ne sais qu'en penser.

    - 6 mars, deux documentaires sur le coronavirus sur Arte : Pékin: journal d'une quarantaine, impressionnant dans sa simplicité et Le nouveau coronavirus est-il si dangereux?
    - 7 mars, au cinéma de Yerres: Huit et demi de Fellini. Beauté éclatante du noir et blanc, film auto-explicatif, entre comique, parodie et ennui («Vous aussi vous aimez les films où ils ne se passent rien?») — dernier cinéma avant le confinement, mais bien sûr, je ne le savais pas.
    - 8 mars sur Arte : Eoin Moore, Le temps des copains. Mal doublé. Le looser de la bande agaçant à force d'être looser. Mais sinon pourquoi pas?
    - 8 mars sur Arte : Esther Gronenborn, Je ne me tairai pas. Le doublage est siiii désastreux. Tout sonne faux.

    Confinement :
    vu The walking Dead saisons 1 à 8 (puis j'en ai eu marre), revu les trois saisons de The Goog Fight en attendant la saison 4 (déception, elle n'est pas disponible en France) et Breaking Bad pour passer le temps, en fond sonore. C'est la fois de trop, c'est trop larmoyant et méchant (pauvre Jessie).

    - 3 avril : A couteaux tirés avec hervé au dernier étage. Victoire, plus d'un an après, l'écran est rebranché.
    - 11 avril : 4 épisodes sur Marie-Thérèse d'Autriche. Arte.
    - 27 avril : Denis Côté, Répertoire des villes disparues
    - 27 avril : Kathryn Bigelow, Aux frontières de l'aube, (Near Dark) étrange

    - 4 mai : Gus Van Sand, Paranoid Park. Beaucoup aimé.
    - 4 mai : John Carpenter, Christine, à la télé (première fois que je regarde la télé à partir d'une application)
    - 5 mai : Ophüls, Nuit et brouillard
    - 5 mai : Chris Marker, La Jetée
    - Better Call Saul, 5 saisons
    - Ozark, 3 saisons
    - 11 mai : L'agent immobilier sur Arte. Pour le fond sonore.
    - 14 mai : José Giovanni, La Scoumoune
    - 14 mai : Roman Polanski, Le Pianiste
    - 14 mai : je commence la série Fargo. Très bon.
    - ?? : Philippe Le Guay, Floride
    - 25 mai, Hubert Cornfield, Les grands moyens. Je suis si contente de l'avoir retrouvé.
    - ?? : László Nemes, Le fils de Saül.

    - juin, Asghar Farhadi, Le passé
    - 6 juin : The Good Fight, S401
    - 7 juin : The Good Fight, S402
    - 8 juin, The Good Fight, S403 et 4
    - 8 juin, Rohmer, Le genou de Claire, par erreur (c'était la deuxième fois. je l'ai lancé par erreur sur Arte, je l'ai laissé pour vérifier mon premier visionnage). Jamais vu un film aussi creux, inutile. A la limite ça pourrait faire une pièce radiophonique.
    - 9 juin : The Good Fight, S405 à 7
    - 9 juin : Raoul Peck, Je ne suis pas votre nègre, en entier (j'en avais déjà vu un morceau)
    - 10 juin : Ma nuit chez Maud de Rohmer. Lui me plaît bien.
    - 11 juin : La collectionneuse de Rohmer. 1967. Mes parents avaient vingt-deux ans. Ce monde était de la science-fiction pour eux, un monde oisif, riche, sans but. L'écart me paraît vertigineux. Ce cinéma me donne vaguement envie de vomir dans sa peinture de la bourgeoisie inconsciente de ses privilèges.
    - 15 juin : Claude Chabrol, Rien ne va plus. Bof. Des éclats de mémoire.
    - 26 juin : Rivette, 36 Vues du pic St Loup. Sans intérêt.
    - 26 juin : Claude Sautet, Les choses de la vie, hommage à Piccoli. Cinéma de Yerres, première sortie après confinement.
    - 28 juin : Joe Dante, Panic sur Florida Beach.
    - 29 juin : Jan Komasa, La Communion, cinéma de Yerres. Ça m'a plu.
    - 30 juin : Alejandro Amenábar, Tesis, très beau (Mubi). Dur.




    - septembre : The Fabulous Mrs Maisel trois saisons. Me donne la pêche.



    - quatre ou cinq jours : dix-sept épisodes de Glee.
    - 7 nov : Cronenberg, Dead zone, Arte
    - 8 nov : Géographie de la mort, 1 et 2 - Arte
    - 9 nov : Géographie de la mort, 3 et 4

    Liste 2020

    - 21 janvier, Valery Zalotoukha, Le Musulman. Honnête mais dispensable.

    - 3 février, Michel Francesconi, Morceaux choisis du singe. Nouvelles rêveuses, sardoniques et futuristes.
    - 17 février, Iakovos Kambanellis, Mauthausen. Une temporalité nouvelle.
    - 21 février Angela Rohr, Un exil éternel.
    - 26 février, Hugo Pratt, Corto Maltese. C'est mauvais, heureusement que Pratt a préféré la BD.

    - 8 mars, Bill Watterson, The Revenge of the baby-sat. (BD) J'y trouve un je ne sais quoi de mélancolique dans sa lucidité.
    -13 mars, Raymond Queneau, Le Chiendent.
    -19 mars, Leo Perutz, Le cavalier suédois.

    - 4 mai, Augustin, De bono conjugali.
    - 8 mai, Eric Fuchs, Le désir et la tendresse.

    Ergo

    Je n’ai pas repris l’entraînement d’ergo (ergonomètre : machine à ramer) depuis les vacances au ski. Comme l’épaule était douloureuse et que je craignais de ne pas pouvoir faire les Culs gelés, je n’ai fait qu’une séance d’ergo par semaine, celle du lundi, la plus facile.

    Cette semaine je reprends les trois entraînements par semaine dans la perspective de Bruges.

    Entraînement à midi. J’en ressors le corps en état de stupeur, incrédule. L’entraînement est le même pour tous les rameurs, mais il est relatif, c’est-à-dire qu’il se calcule à partir de notre temps aux deux mille mètres. Chacun calcule son entraînement en fonction de son temps de référence. C’est donc proportionnellement aussi dur pour chacun.

    Ce n'est pas la fatigue qui prime. C'est la stupeur face à la difficulté. J'en ressors le corps en état de stupéfaction. J'en demeure surprise le reste de la journée.

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    Bibliophore
    - Françoise Rosay, La traversée d'une vie
    - Emmanuel Carrère, Le détroit de Behring
    - Romain Rolland, La vie de Beethoven, relié

    Contagion et quarantaine

    Un virus très contagieux (Coronavirus) est apparu en Chine (enfin, "apparu": ou en est à sa x-ième mutation, qui lui permet désormais de se transmettre d'homme à homme). La ville de Wuhan a été mise en quarantaine, ce qui est le moyen le plus sage d'endiguer la propagation du virus.

    Cependant, différents pays dont la France ont annoncé qu'ils allaient rapatrier leurs ressortissants (il y a de nombreux étrangers à Wuhan car c'est le Détroit chinois: la ville des usines de voitures). Ils voudraient propager le virus sur le reste de la planète qu'ils ne s'y prendraient pas autrement.



    Remarque pour plus tard (quand nous aurons oublié): à priori c'est très contagieux, mais pas plus (ou autant) dangereux que la grippe. En meurent les personnes les plus faibles (ma surprise en apprenant que ce dont mourraient les malades de la grippe, c'était d'épuisement).

    Périple

    J'ai loué une camionnette à huit heures, suis allée à Coudray-Montceaux en passant par Nandy (pour éviter la Francilienne bouchée). Campagne gelée sous un soleil lumineux. J'ai récupéré la paire de pelles et suis remontée à La Défense. J'ai déposé les pelles à onze heures moins le quart devant le club fermé et j'ai rendu le camion avant midi. 138 km.

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    Agenda
    Rien fichu par ailleurs. Cacahuètes et Candy crush que j'ai désinstallé après avoir joué une heure (je l'avais rechargé le 13 janvier, je crois).
    Puis je suis tombée sur les films d'Arte autour de la destructions des juifs et j'en ai regardé trois. Bombarder ou pas Auschwitz, Les expérimentations médicales à Auschwitz, sauver la bibliothèque de Vilnius.
    (Les documentaires Arte sont toujours légèrement décevants: un manque de profondeur (comment se demander s'il faut bombarder Auschwitz sans parler de la conférence des Bermudes, par exemple?), une construction en patchwork qui ne permet pas à l'esprit de comprendre et d'être convaincu. Ils donnent de premières bases pour chercher plus loin.)

    Hiérarchie

    Nous croisons l'assistante sociale qui avait son bureau près du nôtre il y a trois ans. Nous échangeons des nouvelles, ses filles ont grandi, quatorze et dix-sept ans. L'aînée a abandonné les paillettes et le rose pour un look plus lesbienne butch.

    — J'ai eu un choc avant Noël. Les filles de mon frère ont un an de moins que les miennes; il m'a annoncé que celle de seize ans était enceinte! Ça m'a fait un choc!… Et puis elle l'avait caché, il était trop tard pour faire quoi que ce soit.
    — Au moins ça prouve qu'elle voulait le garder.
    — Oh oui. Elle poste des photos sur Instagram, elle parle petits pots… Alors quand ma grande a voulu un piercing, j'ai dit oui tout de suite! Quelques mois plus tôt j'aurais sans doute refusé, mais entre un piercing et une grossesse… vas-y ma fille, fais-toi plaisir, c'est pas grave.



    Drame pour plus tard : la bibliothèque a mis à disposition de nouveaux livres dont elle se débarrasse, j'en ai rempli trois sacs que je stocke au bureau. Il va falloir que je soit discrète pour ne pas traumatiser Hervé comme la dernière fois. J'en donnerai les titres au fur à mesure que je les ramènerai.

    Compliqué

    Matin : partie tard. Pas de problème.
    Je constate que les voitures se sont modernisées: sièges bleus et neufs, et surtout, surtout, des prises USB.
    Je songe à la tristesse de ceux qui ont travaillé à une campagne de comm sur le thème «la SNCF se modernise et prend soin de vous» et qui ont dû mettre à la poubelle six mois de boulot à cause de la grève.

    Sept heures : galette au club d'aviron pour financer les rameurs qui vont à Henley. Je pars à huit heures vingt, prend le métro, remonte à la Défense, prend le RER A, arrive gare de Lyon.
    Sur le quai du RER A, l'affichage indique un RER D pour Melun dans un quart d'heure quai 3. Je monte quai 3. L'affichage quai 3 indique qu'il y en a un à l'instant quai 4… c'est-à-dire qu'il faut redescendre sur le quai du RER A, le traverser et remonter sur les quais de l'autre côté.
    Le temps que je fasse cela, le RER est parti.
    Je suis furieuse.
    Je retourne quai 3, attends un quart d'heure, monte dans la rame… qui s'arrête à Maisons-Alfort. Nous attendons. Un train est en panne à Villeneuve-St-Georges, devant nous. Notre train va être détourné et donc nous ne nous arrêterons pas à Pompadour. Des passagers descendent précipitamment de la rame qui s'apprête à repartir après l'annonce.
    J'arrive à Yerres à dix heures passées.
    Il y a du givre sur la voiture.

    Boulette

    Remontage de deux yolettes entre midi et deux. Resto avec l'équipage.

    Zut, nous avons oublié une paire de pelles au Coudray-Montceaux et c'est de ma faute (je l'ai posée n'importe où en me précipitant pour faire autre chose et je n'ai pas pensé à la reprendre). Il va falloir que je m'en occupe mercredi.

    Atelier dissertation. Il faut que je fasse un plan. Un exposé logique, des articulations. J'ai plutôt des pierres au milieu de la rivière, avec l'obligation de sauter de l'une à l'autre pour arriver de l'autre côté.

    Pas de RER D pour rentrer. Je prends le A, H. vient me chercher.

    David, Goliath, etc

    Je savais que nous pouvions créer la surprise en faisant bien glisser notre yolette, mais je n'imaginais pas que nous la créerions à ce point-là: comme dans un synopsis hollywoodien, nous les petits Poucets que tout le monde oubliait avons battu les rameuses du club plus puissantes, mais aussi les autres équipages féminins présents. Nous sommes arrivées deuxièmes derrière les wonderwomen de niveau national (qui sont arrivées dix-sept minutes avant nous en deux heures trois, établissant le nouveau record de la course).

    Joie, bonheur, fierté. Longtemps je me souviendrai de l’exclamation de Clarisse à l’appel de nos noms: «mais c’est nous!»
    Stupéfaction et émerveillement.
    Soulagement aussi, une sorte de soulagement, celui de voir la vertu récompensée (le travail modeste et constant, l'esprit collectif), ce qui n'arrive pas si souvent.


    Anne-So, du bateau des wonderwomen, en rajoute:
    — Les filles, au dix kilomètres, vous aviez un meilleur chrono que nous. Vous avez dû forcer comme des malades.
    — Euh non, pas spécialement, nous avons ramé régulièrement.
    Eric, champion de France de skiff, commente:
    — C'est que vous avez bien ramé.
    J'en suis presque embarrassée.

    La différence avec les premières, c'est qu'au onzième kilomètre elles ont allumé le turbo pour les quatorze suivants alors que nous avons continué à la même allure en espérant tenir jusqu'au bout.

    Départ au soleil levant :


    Pour changer de nuit, changez de literie

    Entraînement à onze heures (chic, presque une grasse mat!), démontage de la yolette, chargement de la remorque. Notre entraîneur va la déposer à Coudray-Monceaux, ça lui fait un drôle de samedi. Il faudrait que nous passions le permis remorque pour lui éviter cela.

    Il reste dans la maison trois lits : un lit une place chez A. (la moitié de lits superposables. Je songe à remonter l'autre moitié un jour au besoin — à condition que nous en retrouvions tous les morceaux), un grand lit chez O. et le nôtre.
    Le matelas du nôtre est récent mais je n'ai jamais pu m'y habituer: mousse à mémoire de forme, je lutte pour me tourner, je me lève fatiguée et courbaturée. Je dors mal. Je ne sais pas si c'est dû à l'âge (un moindre besoin de sommeil), à la chatte (qui prend toute la place et m'oblige à me contorsionner (— Mais vire-la! (je ne peux m'y résoudre))) ou à des séquelles de mon hernie discale.
    Le matelas d'O. est creusé en son centre, ce qui fait qu'il est difficile d'y dormir à deux, comme nous nous en sommes rendus compte l'année dernière. Or c'est le lit que nous prêtons aux couples (nos amis qui vivent à Boston, C. et Cam, etc), ce qui devient embarrassant.
    Bref, nous avons décidé de transférer notre matelas chez O. et nous en avons choisi un nouveau cet après-midi (il arrivera en mars car notre lit n'a pas une taille standard). Nous avons acheté deux oreillers, le mien en forme de trèfle «la découpe sert à caser l'épaule quand on dort sur le côté» (mais quel raffinement, quel marketing! Comment avoir vécu jusque là sans oreiller en forme de trèfle?) Nous nous renseignons sur les Togo car le nôtre est en piteux état.
    Las, impossible de faire retapisser un Togo de plus de sept ans, il faut l'échanger. Nous verrons cela dans un ou deux ans.

    Le soir, projection sur le mur du salon d'un film nunuche et attachant avec Sean Penn et Robert de Niro: We're no angels, Nous ne sommes pas des anges en dînant de petits sandwichs ronds (la décadence plateau télé). Sean Penn ressemble à Laurel (de Laurel et Hardy).

    Revue

    Blogs sortis du silence:
    Planes (lecteur de Sebald et joueur de foot (voilà un blogueur rapidement catalogué :D)
    Mississippi en conserve, qui désormais raconte des voyages dans le sud de la France. Il n'y a pas d'archives, est-ce bien le même que celui qui mettait en ligne de si belles photos d'isolement dans le sud des Etats-Unis?


    Liens collectés :
    Des galaxies se synchronisent.

    Beltégeuse va mal et ça me navre.1

    Un restaurant romain, Renato e Luisa, via dei Barbieri, 25 Roma; le glacier Giolitti près du Panthéon.

    Comme dirait Dirty Denys, «Une contribution originale au débat sur les retraites»: La bataille de Narayama, sur Arte.

    Un classique: la recette de la galette des rois selon Kozlika.

    Un twittos avocat a fait un énorme boulot concernant la réforme de la procédure civile. A vrai dire je ne sais pas ce que c'est, mais cela peut être utile à certains d'entre vous, ou a des amis ou connaissances: faites circuler et n'hésiter pas à le remercier, vu les réactions de ses confrères, cela a l'air énorme (comme travail, comme cadeau).

    Pour les musicos nostalgiques de 1977: a 50-year-old Rhythm Machine with Midi.

    La fille en rose est championne du monde de fléchettes.

    Les mots croisés résolus en moins de douze minutes par Alan Türing et ses comparses pour intégrer le projet Enigma.

    Une vache rebelle s'est enfui pour rejoindre les bisons.


    Note
    1: commentaire de H.: comme elle est à des milliards de kilomètres, elle a (ou est?) peut-être explosé depuis sept cents ans.

    Projet de réforme des retraites

    Assisté ce matin à la toujours excellente présentation de l'actualité sociale par le Cercle des pyramides.

    Parce que leurs explications sont claires, parce que je trouve utile de juger sur pièce, je mets en ligne leurs dernières pages. L'ensemble de la présentation sera bientôt téléchargeable ici.

    Par parenthèse, notons que Maître Serizay était très remonté, non contre le fond de la réforme sur lequel il ne s'est pas prononcé, mais sur la méthode — le projet imposé à la chambre, envoyé aux caisses de retraites — qu'il jugeait tout à fait inconstitutionnelle (faudrait-il en déduire que les syndicats n'ont pas choisi le bon moyen de lutter?)

    La page 58 me paraît particulièrement importante: 85% du SMIC pour une carrière complète, c'est un tel soulagement de savoir que cela va être mis en place — du moins je l'espère; des droits nouveaux en emploi-retraite (car il m'arrive de voir des retraités revenir travailler, par obligation financière ou parce que l'entreprise fait appel à eux pour un CDD: compétents, déjà formés,…)

    Attention : il s'agit du projet en date du 10 janvier, susceptible de modifications ultérieures.







    RER D, la reprise

    Matin : RER D pour la première fois depuis novembre.
    Les sièges sont neufs, du bleu du nouveau passNavigo. Si la SNCF voulait nous faire une surprise pour 2020, c'est un peu raté…

    J'arrive gare de Lyon. Je suis assise depuis carrefour Pompadour, des voyageurs m'ayant laissé m'asseoir quand certains sont descendus à cet arrêt (cela me touche toujours profondément, car laisser quelqu'un s'asseoir, c'est accepter le risque de rester debout de longues minutes en cas d'incident sur la voie. C'est une vraie générosité.)

    Gare de Lyon, donc. Quai du RER A. J'entends un bonk comme une valise qui tombe sur le carrelage, des cris, une annonce: «Une équipe de police est demandée…»
    Je n'attends pas et vais prendre la ligne 1.

    Soir. Je fais un détour par Madeleine. Ladurée, puis ligne 14 jusque gare de Lyon.
    Gare de Lyon, mon RER est annoncé deux minutes plus tard.
    Les deux quais sont occupés par des Corbeil-Essonne (donc mon train pour Melun ne peut pas entrer en gare).
    Annonce: pour cause d'incident voyageur à Maisons-Alfort, les trains seront sans arrêt jusque Villeneuve-Triage. Les rames restent à quai.
    Le trafic reprend dix à quinze minutes plus tard.

    Divers

    Recherche sur les débaptisations. Ça augmente à partir de 2009, partout en Occident (Espagne, Italie, Argentine, Belgique, France, Pays-Bas, Angleterre,…)

    Davantage de RER.
    Le parking de Boissy, que je n'avais pas utilisé depuis quatre ou cinq ans, est défoncé comme j'ai rarement vu un parking défoncé: de vraies baignoires. Une carcasse de voiture calcinée, deux ou trois places au bitume fondu: mais que se passe-t-il ici?

    Rédigé à l'intention des commissaires aux comptes dans le but d'un audit une typologie des anomalies rencontrées l'année dernière avec notre prestataire. Exercice fun.

    Une somme importante (l'équivalent d'un salaire) est en cours de virement sur le compte joint. Qu'est-ce que c'est? Les impôts? Si oui, nous aurons beaucoup gagné au prélèvement à la source. On verra demain. (Quoi qu'il en soit, ça tombe à pic: ça rembourse les billets de train inutilisés en décembre.)

    J'écris d'une oreille en assistant à une réunion de préparation aux municipales. (Hier, j'ai reçu une invitation aux vœux de «notre» député (NDA pour ceux qui l'ignorent) timbrée par l'Assemblée nationale… façon de soutenir le maire sortant sans débourser un centime — et de rappeler que voter pour un autre maire, c'est perdre le soutien de ce député.)

    Infiniment

    Encore (deuxième jour de suite!) une heure et demie de rédaction de mémoire avant de quitter la maison.

    J'ai garé la voiture à Villecresnes pour prendre le bus (j'essaie de varier les solutions). RER à Boissy. C'est très long le matin (N19 bloquée), très rapide le soir. L'intérêt est que je suis en tête de ligne, donc assise.

    J'ai réussi à écrire deux cartes de vœux. C'est plus que l'année dernière. C'est infiniment plus, car il me semble que je n'en avais pas envoyé.

    Home office

    Seule à la maison. Retour au sérieux après ce week-end en roue libre.

    La DRH est virée. Champagne.

    Sardines à l'huile et lentilles. Une heure et demie sur la dissertation de théologie. Je me lance à écrire ce que je pense. Globalement mon sujet, c'est ça (plus politiquement correct, je dis traiter de l'Église et la famille, mais quand l'Église parle de famille, elle parle en fait de sexe):


    Je retourne faire de l'ergo (du rameur). Je ménage mon épaule. Je ne peux toujours pas dormir du côté droit.

    L'enfance du Christ

    Concerts gais ce soir. C'est surtout l'occasion de revoir Zvezdo. Notre dernière rencontre date d'environ deux ans (c'était avant l'été il me semble. Pas 2019. 2018?) Nous discuterons après le concert de charges de travail, remboursement de santé, retraite, vacances…

    Très beau concert, livret émouvant à la fin apaisée. Dommage de ne pas l'avoir programmé avant Noël. Au milieu du concert j'ai eu une révélation (épiphanie): Jésus a passé sa petite enfance à l'étranger, en milieu non juif. Cela rend d'autant plus étonnant qu'il prêche en synagogue à douze ans (Lc 2, 41-52) mais rend compte d'un point de vue humain de sa sensibilité au monde non juif.

    Une plaquette nous est distribuée à l'entrée, elle nous raconte l'histoire de la pièce (Berlioz l'a signé d'un pseudonyme, Pierre Ducré, si bien que certaines personnes ont trouvé que «Voilà de la musique! […] Ce n'est pas votre M.Berlioz, en tout cas, qui fera jamais rien de pareil!»).
    L'auteur de la plaquette nous donne également un résumé du livret, et commente, à propos de l'arrivée à Saïs:
    Après un périple éprouvant, nos réfugiés [la sainte Famille] atteignent enfin Saïs, où les attend un accueil des plus modernes: «Arrière, vils Hébreux! Les gens d'Egypte n'ont que faire de vagabonds et de lépreux!»


    —————
    Agenda
    Barré notre yolette le matin après avoir fait ramassage scolaire.
    Je ramène Caro dans le 11e et vais à Bercy.

    À couteaux tirés. Film agréable que j'ai pensé un instant se dérouler dans la campagne anglaise jusqu'à ce que je reconnaisse des lacs proches de Mystic River, Massachussets. Film à la Agatha Christie, avec une allusion à Hercule Poirot (le détective s'appelle Benoît Blanc, prononcé Blanque), à Watson et une pointe d'angélisme-fiction (la jeune fille qui vomit quand elle ment). Le suspense est construit de façon intéressante: beaucoup d'informations sont données au spectateur qui doit faire la gymnastique de se souvenir de ce que sait chaque personnage.
    Daniel Craig s'est un peu empâté. Que cela doit être soulageant de ne plus se priver pour jouer James Bond (régime et musculation).

    Entraînement

    Prochaine course : les Culs gelés.

    C'est une course en yolette, soit des équipages de cinq. Il y a trois yolettes de filles: une Formule 1 (quatre Anglaises et Anne-So), une poids lourd (des filles puissantes mais plus lourdes) et une poids léger, l'outsider (la mienne. Les rameuses les moins aguerries, les plus débutantes, mais légères et sympas).
    Je suis heureuse de cet équipage. Le problème c'est qu'il doute de lui-même et qu'il faut le rassurer. Si nous arrivons à ramer léger, sans enfoncer les pelles dans l'eau, nous avons une chance de bien glisser.

    Je ramène Caro, je passe chez Mavrommatis dans le 5e (attente infinie mais ou et erreur de prix en ma faveur. Mais ou et: car la caisse ne fonctionnait pas ou mal). O. est à la maison car il joue lors des vœux du maire de la commune voisine. Il repart aussitôt après, chargé comme un baudet car nous avons fait les courses.

    Je le note car c'est désormais exceptionnel. Aller en supermarché avec H. est pour moi une source d'émerveillement1 devant la futilité de ce monde (toujours je pense au journal de Viktor Klemperer, après la guerre, rouvrant une malle sauvée de la destruction: «Que nous étions riches» dit-il en parlant d'un album de timbres).

    Quelques photos : Durex crazy cherry, produit pour se teindre la barbe, chips Darth Vador.




    Note
    1: avec H., car il serpente dans tous les rayons tandis que je suis beaucoup plus directe.

    Glande

    J'ai regardé toute la journée des séries sur Amazon Prime: d'abord Transparent, qui m'a vite ennuyée, puis tous les épisodes de Flesh and Bone, du sexe et de la danse, un scénario ultra mince, pas réellement bon mais prenant.

    Linky

    Je voulais que nous l'installions pendant les travaux l'année dernière; H. avait résisté.

    Il a finalement pris rendez-vous pour aujourd'hui. Au petit déjeuner il m'avoue qu'il est très inquiet, que notre installation électrique est trop vieille, que cela ne fonctionnerait pas, que nous avons des fuites, que cela disjoncterait tout le temps…

    Moi qui suis une convaincue de Linky depuis la lecture de cet article tente de le rassurer: nous ne sommes pas les premiers, si c'était si catastrophique ça se saurait, il y a des maisons pires que la nôtre, EDF a de l'expérience…
    — Mais non, je t'assure, il y a des problèmes. Si tu voyais ce que j'ai lu sur internet…
    — C'est pour ça que tu as refusé qu'on l'installe l'année dernière pendant les travaux? Moi qui pensais que c'était parce que tu voulais faire installer une borne pour voiture électrique.
    — Oui, ça aussi.
    Et il finit par m'avouer qu'il avait espéré que l'installation des compteurs Linky dans toute la France prendrait vingt ans et que nous aurions quitté cette maison avant.


    H. m'appelle dans l'après-midi, enchanté. Tout va bien, un prestataire est passé («quand c'était les types d'EDF, ça marchait pas»), «qu'il avait du super matos», «il a tout mesuré, tout noté, avant après, très pro». Le technicien a tout installé très vite, il a réglé le disjoncteur («je savais qu'il fallait régler la sensibilité, j'aurais dû y penser plus tôt»), il a fait des tests sur le four, la machine à laver.
    «Le prestataire a une prime dégressive en fonction du nombre de réclamations des clients auprès d'EDF, il a donc intérêt à ce que tout soit correct du premier coup. Pas con.»


    Bref, on a un compteur Linky.

    Quelques liens

    La bonne nouvelle de l'année bissextile : promesse de 366 billets, avec probablement pas mal de références de jazz.

    Un projet de cartographie de la France qui disparaît .

    Je voulais faire un photo-montage du beauf de Cabu et de Martinez: un autre l'a fait avant moi. Le billet date de 2017, mais ce qu'il évoque des luttes intestines syndicales est toujours vrai: aujourd'hui, c'est la rivalité Brun-Martinez dont les usagers font les frais.

    Incompréhension

    — Quoi ? Mais comment pouvez-vous vivre sans passoire ?

    Conte de fée

    RER à l'heure…
    Comment imaginer cela ?




    Source: application Citymapper

    Journée au poil

    Bien dormi: le champagne?

    Ma sœur est arrivée à midi passé avec sa fille aînée et nous avons passé une journée assez cool, à découvrir sa vie à Château-Chinon et à donner à ma mère quelques astuces sur son nouveau téléphone.

    Pour l'occasion j'avais mis un débardeur en agora doré. Le problème est que je suis allergique au poil. Atchoum.

    Ambiance

    Départ à trois heures pour Blois. Traversée du Gâtinais, Milly-la-Forêt, Sermaises.

    Choc à Acquebouille: un habitant a installé un grand panneau dans son jardin avec l'inscription: «il reste encore des enfants à tuer».

    Adieu à 2019 sans regret

    Quelle année infernale.

    Passé au bureau pour gérer les urgences (tout va bien finalement). Coiffeur, achat d'un sac de voyage pour la chatte (je le note car pour la première fois depuis ses deux ou trois mois (elle a quatorze ans) nous allons l'emmener avec nous: à son âge, je n'ose pas la laisser seule sans sa sœur).

    Le rendez-vous avec la RH a été annulé. Jumandji 3. C'est poussif, en fait sans intérêt (bon, le deuxième peut-être aussi, mais j'avais bien aimé l'imitation du jeu vidéo, les personnages de jeu avec un nombre limité de répliques, etc. Le troisième film est réellement très pauvre). En revanche j'admire les sous-titres, non littéraux mais qui rendent très bien l'esprit des répliques.

    Ladurée. Macarons et café viennois. J'écris des cartes de Noël. H. me rejoint. Nous allons au théâtre à neuf heures, nous n'avons rien prévu et entrons dans une brasserie parce que son nom nous plaît: "le non coupable".
    Grave erreur, les serveurs sont totalement à l'ouest. Un jeune couple entre, s'installe à côté de nous. Le jeune homme se voit apporter un hamburger, il demande du sel et attend le plat de sa compagne; un serveur revient, lui prend son assiette en disant ce n'était pas pour lui (et va la donner à une autre table, sans se préoccuper de savoir si l'assiette a été touchée ou pas). Le jeune homme en reste bouche bée. Plus tard quand le couple est servi, le jeune homme redemande le sel qu'il n'a toujours pas eu; le serveur se penche vers une table voisine, sans un mot saisit la ménagère, la met sur la tabe vide entre les deux et s'en va.
    Le jeune homme éberlué se tourne vers nous: «Vous voulez des frites? On peut partager, c'est le style ici». Nous sommes hilares: «moi il me reste des glaçons, si vous voulez.»

    La Machine de Türing. Je connais l'histoire par cœur, l'intérêt est la mise en scène, la façon de raconter l'histoire avec deux personnages. L'accent est entièrement sur l'homophobie et l'injustice et très peu sur le décryptage du code.
    Je note que comme pour le déchiffrement de l'accadien, ce sont les suscriptions qui ont permis de comprendre le langage inconnu.

    Un pot au café de la Madeleine, avec des serveurs infiniment plus enjoués que les précédents.

    Reprise

    Ce soir il reste une quinzaine de mails dans ma boîte pro. Je suis contente de moi (cent soixante six le 20 décembre).
    J'ai effectué les deux formations obligatoires en ligne qui devaient être suivies «avant le 30 décembre» (loi Sapin 2 et cyber-sécurité): ce n'est pas que ce soit inintéressant mais c'est si lent, si long, que je retarde toujours le moment de m'y mettre.
    J'ai un rendez-vous avec la RH groupe demain.
    Deux virements effectués le 20 décembre destinés à des achats en bourse ne sont pas passés: il faudra voir ça demain, je n'ai pas ici les mots de passe nécessaire à la connexion. Ça va être difficile de faire le nécessaire avant le 31 au soir (clôture comptable).

    C'est à peu près tout.
    Sans doute parce qu'O. est absent pendant ses vacances, je commence à comprendre que la vie va être celle-ci désormais, à deux. C'est bizarre, une aussi grande maison, autant de place, pour deux. Je suis déstabilisée, peut-être à cause du contraste brutal six en appartement/deux en maison.

    Des meubles, un chat, des pompiers

    J'ai réussi à relancer la comtoise, mais pour combien de temps? Depuis que je l'ai déplacée fin novembre (avant le départ de O.), elle s'arrête au bout de quelques minutes ou quelques heures. Il faut mettre des cales avec art de façon à la pencher légèrement vers la droite et en arrière afin que la pesanteur soutienne exactement le mouvement du balancier.

    Marché. Trois bouquets de tulipes.

    Avant que je le dépose à la gare pour qu'il rentre «chez lui» (je ressens un pang inattendu chaque fois qu'il dit «chez moi» en parlant de son studio à Paris: comment, ce n'est plus ici, chez lui?), O. m'a aidé à replacer sur la mezzanine deux étagères et le meuble télé relégués dans le grenier (the room of requirement) depuis le premier week-end de décembre 2018… (oui, les travaux sont finis depuis mars 2019). Objectif: les laver, les remplir de DVD, avoir de nouveau de quoi regarder des films sur un grand écran et non sur un ipad.
    Mais apparemment cela ne va pas être si simple, une histoire de switch avec la box.

    En remontant l'allée pour chercher la chatte chez les voisins, nous croisons le fils des voisins qui nous dit d'un seul souffle: «on a un problème avec Enzo mais c'est pas grave, vous pouvez entrer, on a appellé les pompiers.»
    Pas grave, les pompiers? Je me retourne et effectivement, un camion rouge «18» s'est arrêté en silence au bout de l'allée.
    Nous franchissons la porte et la voisine, beaucoup plus logiquement, nous met dehors: «ce n'est pas le moment». En repartant, nous recroisons le fils, un grand gaillard, au bord des larmes, accompagné des pompiers (Enzo est son fils d'un an).

    Plus tard la voisine nous rappelle. Les pompiers ont emmené le petit-fils qui convulsait aux urgences. Nous prenons le thé en tenant notre première discussion sur les grèves depuis le début des vacances. Cela fait une semaine que nous avons très naturellement oublié le sujet. Nous récupérons notre chatte qui a passé la semaine sous les meubles du salon quand ils étaient dans le salon, sous les meubles de la chambre quand ils étaient dans la chambre.


    Le lendemain, l'enfant est toujours en observation à l'hôpital. Fièvre et bronches encombrées. Pas de diagnostic précis.

    Bilan

    1. Les gens de Val Thorens sont charmants. Tous les commerçants, employés aux télésièges, conducteurs de bus, serveurs, moniteurs de ski, tous, sont charmants et attentionnés.

    2. La préparation des pistes est impressionnante. Chaque soir nous avons vu les lumières clignotantes des dameuses sur les pistes et il m'a semblé que les pistes étaient beaucoup plus prévisibles que dans mon souvenir (trente ans plus tôt) où à tout moment on risquait de rencontrer une bosse ou un creux inattendu.
    Une dameuse a eu un accident le jour de Noël et j'en profite pour saluer tous ces travailleurs dont il est vaguement gênant de se dire qu'ils travaillent pour que nous nous amusions (j'ai beau savoir que c'est la loi des loisirs en général et des vacances en particulier, c'est plus embarrassant quand il s'agit de travail l'hiver dans le froid et la nuit — et de plus dangereux).

    3. Les grévistes nous ont rendu service en nous obligeant à louer un minibus: nous avons pu écouter des playlists, moduler nos horaires (ne pas craindre de rater le train) et emmener les cadeaux (en train nous avions prévu de ne prendre que des photos, poids et encombrement obligent).

    4. La répartition des tâches s'est faite naturellement, même si certains ont donné plus que d'autres. Ma plus grande crainte était que H. se retrouve à tout faire parce qu'il ne skiait pas (et comme il n'avait pas envie de venir, il l'aurait fort mal pris, c'est compréhensible). Cela n'a pas été le cas, ouf.

    5. Ce matin nous avons acheté six assiettes plates à Val Thorens puis six couteaux à Moûtiers.

    6. Beaucoup de Hollandais.

    7. Cam sait mettre des chaînes à un camion. Heureusement car descendre de la montagne n'a pas été simple.

    8. J'ai très mal à l'épaule droite. C'est le plus gênant.

    9. Je suis triste que tout le monde ait l'air si pressé de rentrer chez soi. Comment appelle-t-on le contraire du heimweh, le fait de ne jamais avoir envie de rentrer?

    10. Violente attaque de chagrin, encore, que je dissimule comme je peux mais plutôt mal — parce que ce n'est pas contrôlable, c'en est la définition (le pire, c'est quand on me demande «Ça va?» — je sens tout l'intérieur de moi s'effondrer et se mettre à pleurer. Je ne peux plus parler tant la concentration est grande pour conserver figure humaine).

    11. Rentrés vers 22h30. Cam et C. sont repartis aussitôt. A. partira demain, elle est attendue pour soigner un chevreau nouveau-né qui refuse de téter (? Mais que peut-elle y faire?)

    Dernier jour

    Même temps que le 22. On ne voit rien, mais tandis qu'au début de la semaine nous ne savions pas ce que nous rations, il y a le regret du beau temps, et la fatigue sans doute aussi. Cam se décourage, C. continue à avoir mal, non à cause de ses chaussures mais parce que la jambe a été trop meurtrie. O. présente toujours la même énergie et moi je sais si peu quand j'aurais l'occasion de skier de nouveau, avec une aussi bonne neige, des aussi bonnes chaussures, autant de kilomètres de pistes, que je n'ai pas envie d'arrêter mais de continuer le plus possible.

    Restes de croziflette, quelques parties de Mind en spectatrice puis en actrice (jeu étrange, intéressant) et O. et moi repartons. Je regretterai ces parties de Mind en m'apercevant qu'il est trois heures: nous avons gaspillé une heure, irréversible. O. a l'ambition de descendre l'une des deux pistes noires. Je ne me sens pas au niveau mais je vais essayer.

    Les montées vers le sommet s'effectuent par paliers: un télésiège puis un autre pour accéder à la piste souhaitée (que je serais bien incapable de trouver seule tant je me repose sur O. dont le sens de l'orientation est légendaire dans la famille). La première montée s'effectue dans une purée de poix (blanche...), les flocons givrés cinglent les visages, nous sommes quasi seuls sur le télésiège, la seconde montée entre à l'intérieur même du nuage, nous ne voyons plus rien. Le masque d'O. est couvert de givre et il l'enlève. Nous descendons une rouge pour nous échauffer, remontons dans le même brouillard et prenons cette fois la noire.
    Je tombe trois fois, sans déchausser, en faisant toujours la même erreur: je ralentis tant que je remonte la pente et tombe quasi en reculant, debout vers l'amont.

    La beauté de cet après-midi, la consolation, la joie, est que le soleil perce derrière les nuages, ou plutôt que le nuage descend dans la vallée et que nous restons au dessus. C'est magnifique et tellement reposant après le mauvais temps du matin.
    Vue en arrivant en haut du télésiège, en face de nous. La photo écrase la profondeur et ne rend pas justice à l'intense sensation de présence des montagnes face à nous. A un centimètre du bas de la photo, la ligne blanche représente le bord du précipice.


    Nous refaisons la noire plusieurs fois; je ne tombe qu'une fois, encore de la même manière. Je me répète comme un mantra «les épaules vers la pente, la vitesse est ton amie». Cela n'a pas grand sens de prendre cette piste à mon niveau, mais peut-être qu'avec deux ou trois jours de plus je pourrais la descendre proprement. O. est heureux comme un chien fou et cela chauffe le cœur.

    Dernière remontée («vite, il reste une minute» nous dit l'employé du télésiège), dernière descente, je suis triste.

    Les quatre autres nous attendent devant le magasin de location de skis, ils nous ont descendu nos chaussures (bénédiction!). Nous rendons tout, c'est fini.

    Vin chaud au même endroit qu'hier. C. et A. se sont disputés et font la gueule. A. se déride quand je lui demande d'observer mon coude gauche (j'ai découvert une vive douleur quand je tends le bras et je ne sais pas d'où elle vient: pas d'une chute, pas d'un choc…) A. me masse le poignet en expliquant que je me suis probablement trop crispée sur mes bâtons et que ça va passer. C. se concentre sur son téléphone.
    Vin chaud et crêpe.

    Nous rentrons. Une bière, une douche, nous repartons pour le même restaurant que le 24, dans l'anticipation de nos plats puisque nous connaissons la carte. Je finis pas pousser une gueulante car tout le monde trouve très drôle de me harceler sur le thème «dépêche-toi, tu vas être en retard». Non ce n'est pas drôle quand on insiste, oui je me sens bullied, surtout si tout le monde s'y met, et je suis en vacances, et j'ai tout organisé, et pendant vingt ans j'ai emmené des enfants à l'école et préparé les affaires de colo et attrapé leurs bus ou leurs trains sans en manquer un, ce n'est pas pour qu'on me casse les pieds parce que je mets cinq minutes à trouver mon jean ou me sécher les cheveux EN VACANCES, alors fichez-moi la paix, apprenez à hiérarchiser les priorités, le restaurant s'en tape d'un quart d'heure de retard: nous sommes les clients.
    Mais bon, je suppose qu'à un autre moment je les aurais laissé faire (c'est sans doute un tort, ils ne se rendent plus compte qu'ils font cela tout le temps et que ce n'est plus drôle depuis longtemps) mais ce soir, je suis triste de devoir rentrer et je voudrais un peu de considération (c'est bizarre de l'écrire ici, de devoir l'écrire ici ("devoir" non comme une obligation, mais comme seul lieu d'expression: la véritable raison d'être du blog)).

    Fondue aux cèpes.

    Ça se gâte

    Il fait encore très beau. Je me suis réveillée avec une grosse douleur au genou gauche, soit l’inverse d’hier. Je n’y comprends rien, je sais seulement qu’il faut que je skie bien parallèle et qu’il faut absolument éviter de retomber en tirant sur les ligaments des genoux. Nous descendons sur l'autre versant de la montagne, ensoleillé dès le matin. Il n'y a plus vraiment besoin de m'attendre, je suis un poil plus lente mais rien de flagrant.

    Nous avons fait une erreur de débutant: en quittant l’appartement C. se plaignait de ses chaussures mais nous a assuré que «ça irait» et nous n’avons pas insisté; nous sommes partis skier. Au fur à mesure de la matinée il a eu de plus en plus mal au point de ne plus vouloir skier l’après-midi. Il est de très mauvaise humeur. Je regrette vraiment de ne pas avoir insisté ce matin pour qu'il les change.

    Nous sommes ressortis à trois (O., Cam et moi) pour skier avec A. sur des pistes vertes. Le temps a viré au gris. O. et Cam font les andouilles en jouant à chat avec de grands gestes (ils ont laissé leurs bâtons à l’appartement) et de grands cris (je vois certains skieurs les examiner en se demandant s’ils doivent intervenir). Je soigne mes virages (plier/alléger) et je me retiens de partir tout schuss. Nous sommes contents que A. ait eu envie de skier avec nous; elle était très réticente, elle craint toute perte de contrôle et prise de vitesse, elle examine le fonctionnement des télésièges en supputant les risques d’accident: nous devons une fière chandelle à son moniteur (le chic!) qui a su ne pas la brusquer et ne pas la laisser se braquer.

    À la fermeture des pistes nous rejoignons H. et C. devant Goitschel: C. change de chaussures et reprend espoir. Nous prenons un selfie à six (ne riez pas: je le note parce que c'est le premier de ma vie) et nous allons prendre un vin chaud en brasserie. Cam et O. continuent à faire les andouilles en jouant au foot sur la table en soufflant sur une boulette de papier serviette.

    La grenouille à grande bouche ne peut pas faire de selfie car elle dépasse du cadre. On lui conseille de dire «confiture».
    Elle essaie de le dire «confit..., confit...»
    «Marmelade!»

    Le soir pendant que C. prépare la croziflette, O. et Cam testent un autre jeu amené par C.: the Mind. Je les regarde jouer sans bien comprendre, comateuse après un deuxième vin chaud pris à l'appartement.

    Croziflette. Le reblochon est décevant: il ne pue pas des pieds.

    Noël

    Aujourd'hui il fait beau. De notre balcon, à la même heure qu'il y a trois jours:


    Nous repartons tous les quatre. Cette fois-ci c'est C. qui reste derrière moi. Je prends de l'assurance et cela se passe ma foi plutôt bien. Je gagne en vitesse. Le moniteur du premier jour avait l'appellation "bleu foncé" pour certaines pistes et il est vrai que la différence entre pistes rouges et bleues n'est pas toujours très claire: plus pentues?

    Je tombe à nouveau, bêtement, en descendant d'un télésiège. Je tombe à plat dos, les skis à angle droit au niveau des talons. Cela tire horriblement sur les genoux, pourvu que je ne me sois rien déchiré. Je suis intérieurement furieuse et frustrée, c'est stupide, une chute d'inattention, elle aurait été si facile à éviter. Un surveillant des télésièges m'aide car je suis incapable de remettre mes skis parallèles pour me relever. J'ai très mal au genou droit.

    En fin de matinée je trouve un iPhone rose sur les pistes et les garçons passent le déjeuner à identifier la jeune fille pour tenter de le lui rendre (ce sera chose faite vers trois heures). Nous mangeons au sommet des pistes, à 2800 mètres, au soleil. Nous découvrons les montagnes invisibles depuis notre arrivée. La vue est magnifique.

    Phrase du jour: «Le roller derby, c'est un sport ultra doux.»

    Je skie de mieux en mieux, mais vers le soir avec la fatigue je perds le sens de la piste. Quand nous rentrons à la nuit, ni A. ni H. ne sont là: l'une est partie skier sur les pistes vertes pour tester ses nouvelles compétences (elle parle beaucoup de son moniteur. Je l'avais prévenue: la définition du chic1, c'est le moniteur de ski), l'autre est descendu boire un thé au soleil sur la place.

    Un chocolat chaud m'achève: je dors une heure de tout mon long sur l'un des deux canapés de la pièce commune et l'on commentera plus tard: «c'était impressionnant, quel que soit le bruit de la discussion, ta respiration ne se modifiait pas d'un poil».


    Note
    1: cf Les Dingodossiers

    Fragile

    J'ai skié avec les grands aujourd'hui (C., O. et Cam). Il neige toujours, la visibilité est quasi nulle ce qui est presque un avantage pour moi: cela m'évite de me poser trop de questions sur la façon de négocier les bosses.

    Nous avons commencé par changer mes chaussures qui m'irritaient. (Pause pub: sur les conseils d'Agnès Barthélémy1, nous avons pris nos skis chez Goitschel qui scanne les pieds en volume et s'engage à changer les chaussures aussi souvent que nécessaire durant la location.) J'étais sceptique quant à la possibilité de trouver des chaussures qui ne me feraient pas mal (je me souviens des chaussures de mon enfance), mais le miracle a eu lieu.

    Je suis tombée durement le matin, à la deuxième ou troisième descente. Impossible de dire ce qui s'est passé, je n'ai eu le temps de me rendre compte de rien. Je suis tombée de tout mon poids sur l'épaule droite et la tête a porté (bougeant avec précaution après le choc en me disant «Finalement j'aurais peut-être dû prendre un casque» et «zut, pourvu que je n'ai pas de commotion cérébrale»). J'ai mis un temps infini à rechausser. La neige s'était agglomérée en paquets sous ma chaussure et je n'arrivais plus à rechausser. C. a fini par remonter la pente pour voir ce qui m'était arrivé.

    Les enfants sont attentifs et me baby-sittent. Ils s'arrêtent régulièrement pour m'attendre et Cam reste souvent derrière moi afin de me ramasser si je tombe. Je suis embarrassée de les ralentir; j'éprouve une pointe de regret quand ils m'appellent "maman", j'aimerais tant, juste sur les pistes, avoir leur âge. Je pense à Alec Guinness et je souris jaune.

    La journée se termine à la tombée de la nuit; les télésièges s'arrêtent à 16h30. Nous rentrons, goûtons, jouons. Mon épaule droite est très douloureuse, tous les mouvements qui éloignent le coude du corps me sont interdits, je ne peux plus enlever un pull ou porter un broc. Heureusement ça ne me gêne pas pour skier, sauf au moment de prendre les télésièges où il faut que je me souvienne de ne pas utiliser mon bras droit pour amortir l'arrivée sur les portillons. Surtout ne pas retomber sur cette épaule…

    Quand nous descendrons en ville pour le réveillon nous assisterons au feu d'artifice de la station. A la demande d'H. nous prendrons une photo de famille devant le grand sapin de la place principale: chaque fois qu'il va aux USA ses interlocuteurs lui réclament une telle photo et il n'a rien à montrer.
    Agnès nous a trouvé un restaurant pour le réveillon (alors que le même restaurant nous avait dit être plein) et nous passons une soirée animée, à base de fondue de légumes et de rôti de cerf.

    Cadeaux de Noël: Valérian et Calvin & Hobbes.



    Note
    1 : un service de conciergerie était compris dans la location de l'appartement, ce dont je n'avais pas pris conscience au moment de louer.

    Ski

    C'est bon, le ski ne s'oublie pas. Même les défauts sont là, fidèles (le poids trop en arrière). Ce qui me surprend le plus, c'est que j'oublie totalement que je peux tomber. La neige est fraîche et produit un crissement merveilleux, le bruit de mon souvenir.

    Matinée en cours de ski: ne pas avoir peur de prendre de la vitesse en se mettant face à la pente pour tourner, rester bien en avant le tibia en appui contre la chaussure, se redresser pour tourner (alléger). Courses, repas, sieste. Dormi comme un bébé, comme je n'avais pas dormi depuis longtemps (un ou deux ans je pense: ma qualité de sommeil s'est beaucoup détériorée, je me réveille très souvent). Quand je me lève il neige tant qu'on ne voit rien par les fenêtres, les enfants ont abandonné l'idée de skier cet après-midi.

    1000 bornes avec un jeu très ancien, datant sans doute de la création du jeu; à nouveau la Fiesta de los muertos, à six, avec des contraintes cette fois (quel mot de rime en i associeriez-vous à Newton? Quel mot de la nature à Bruce Lee?); vin chaud.

    Tais-toi projeté sur le mur du salon (il fait partie des films que nous citons beaucoup («il faudrait construire des asiles de cons, mais vous imaginez la taille des bâtiments», «— J'ai du mal à rassembler mes idées — C'est pas grave, laisse-les en désordre») et nous souhaitons donner des points de repère à Cam): que Depardieu joue bien et que Reno joue mal!

    Fin prêts

    L'appartement est au cinquième étage, trois chambres agencées autour d'une pièce commune. C'est mignon, un peu kitsch. La cuisine est fonctionnelle, torchons fournis (je le signale car je ne sais plus combien de torchons nous avons achetésdans de telles locations).

    La vue sera sans doute splendide, mais pour l'instant il est difficile d'en juger (vue du balcon à huit heures et demie):


    Comme il pense ne pas reskier de si tôt, C. n'a pas acheté d'équipement mais l'a loué chez ski chic, qui le lui a laissé en dépôt dans un magasin de Val Thorens.
    Journée à louer des skis et acheter des forfaits de remonte-pente. Les grands ont skié l'après-midi. Les filles ont réservé des cours, A. pour la semaine, moi demain matin pour me remettre en jambes. (J'espère ensuite pouvoir suivre les grands sans être un boulet. A voir.) L'oxygène manque à H.
    Il a neigé toute la journée. Beaucoup de neige fraîch, le pied.

    A cinq heures il fait nuit (soltice, les jours rallongent). Thé et jeu de société, la Fiesta de los muertos. Cam a gagné avec Mathurin Lecter King.
    Pâtes. Nous n'avons rien à manger, même pas du beaufort; nous partageons un reste de brioche d'hier matin. En revanche nous avons trois sortes de thé que nous faisons infuser dans des filtres à café. A chacun ses priorités.

    Voyage

    Chat laissé aux voisins. Départ dans un minibus loué (pour six adultes volumineux). Une impression de Mahuzier en Afrique.

    Playlist à l'ancienne, Une maison bleue, Le Sud, Le Forestier, Delpech… C'était déjà vieux quand j'étais jeune.

    Conversations variées:
    — On entre en résonnance avec le monde?
    — Non. Si on entrait en résonnance avec le monde on aurait un problème, maman.
    — Surtout que le chant de la terre est de quelques hertz, on le sentirait passer.

    — Les vendeurs professionnels t'expliquent qu'il ne faut pas mettre de lampe clignotante à l'avant d'un vélo. Ça désoriente les conducteurs qui ne peuvent pas estimer la distance quand ils te voient dans leur rétroviseur. Et si tu en mets à l'arrière, il faut aussi mettre une lumière fixe, toujours pour permettre d'évaluer la distance. Ils te disent aussi de ne pas mettre de lampe clignotante le vendredi soir: parce que les ivrognes sont attirés par ce qui clignote.

    — Maman arrête. Sinon quand tu seras en maison de retraite, on dira aux infirmières que tu n'aimes que le thé Lipton Yellow en sachet.

    Comme il n'est pas possible d'écouter des podcasts à six (le mot podcast leur fait peur, surtout si c'est moi qui le prononce («Mais qu'est-ce qu'elle va nous faire écouter encore?»)), j'écris en voiture. Nous avons dépassé le lac du Bourget. Ça se densifie devant nous. Arrivée prévue à six heures et demie.

    Sur les chapeaux de roues

    Restée à la maison (home office, ça me fait rire, cet anglicisme utilisé le plus sérieusement du monde), pas envie de braver les départs en vacances dans l'ambiance des grèves.
    Traité un maximum de mails inquiets ou angoissés, dans l'idée de permettre à leurs auteurs de passer un bon Noël (ou tout au moins s'il est mauvais, que ce ne soit pas à cause de leur mutuelle).
    Acheté quelques cartes de Noël, feuilleté le livre de souvenirs de Simone Veil, L'aube à Birkenau, fait quelques courses pour le dîner en en oubliant une partie je ne sais où (ce qui fait que nous avons mangé une omelette).
    Ergo.

    Débarassé le lit de A. pour qu'elle puisse dormir ce soir. Passé en revue les papiers qui s'accumulent pour traiter les plus urgent. Zut de zut, impossible de remettre la main sur un PV de 135 euros pour stationnement gênant de janvier dernier (je l'avais contesté, la réponse m'est parvenue il y a une ou deux semaines: contestation rejetée. Mais qu'est-ce que j'ai pu en faire? J'ai peur que ce ne soit passé à la poubelle.) Tant pis, je n'y peux rien maintenant, on verra plus tard.

    Je suis défaite, je n'arrive plus à me concentrer, à tenir deux idées ensemble. Envelopper les cadeaux. Préparer ma valise. Prendre une douche. La séance d'ergo a été très dure. Est-ce le ROR1 qui me met dans cet état? Nous attendons O. qui avait un concert, A. est arrivée de Mortagne, nous dînons tard, C&C arrivent ensuite: tout est prêt pour le départ demain matin après les croissants.





    Note
    1 : je me suis fait vaccinée contre la rougeole lundi, après Tours. Le médecin m'a dit que si je devais avoir de la fièvre (il semblait en douter), ce serait quatre ou cinq jours plus tard.

    Contemporain

    Dans le RER A, deux trento-quadragénaires, habillés en nuance de gris, de physionomie agréable, discutent de conduite de projet :

    — J'ai pas envie de me jéopardiser avec une burne.

    A Nanterre

    Les commissaires aux comptes sont là trois jours. Je raconte les péripéties de l'année. L'un des CAC souhaiterait que j'établisse une typologie des dysfonctionnements. Mais volontiers, très volontiers. Je publierai un jour, dans dix ou quinze ans, certaines des situations rencontrées.

    De nouveau je me suis garée au parc floral de Vincennes. Ergo à midi au club. Aucune sortie sur l'eau, la Seine est beaucoup montée en quelques jours et le courant est fort, les eaux brunâtres. Le soir rentrer de Vincennes me paraît interminable (sans bouchon particulier car il est vingt heures passées — mais c'est fatiguant, je me suis levée à 5h40 pour une arrivée au bureau à 8h30).

    Décision

    En fin d'après-midi, ne comprenant pas si notre TGV circulait ou pas (est-ce que le fait que son trajet et ses étapes apparaissent en ligne voulait dire qu'il circulait ou n'était-ce que le simple récapitulatif de son itinéraire théorique, sans garantie de sa circulation effective?), nous avons demandé le remboursement de nos six billets de train et loué un minibus (surprise: c'est moins cher).
    Avantage : nous allons emmener les cadeaux de Noël, alors qu'en train nous avions décidé de n'emmener que des enveloppes avec des photos.

    ***

    Déplacé quelques meubles de façon à installer au rez-de-chaussée un bureau pour les jours de travail pro. Nous avons rebranché un écran ancien, si usé qu'il a pris des teintes roses.

    Priorités

    — Oui, la remise des diplômes [de théologie] était prévue le 18, mais ils ont annulé à cause des grèves.
    — …
    — D'toute façon j'y s'rais pas allé, ce jour-là c'est la sortie du dernier Star Wars.

    Concours ! Votez !

    Un ami participe au concours du roman ariégois. Il s'appelle Michel Francesconi et il faut voter là avant le 10 janvier.

    Si vous êtes puriste et que vous voulez lire le livre avant de voter, vous pouvez le commander ici.
    (L'éditeur est une association, il faut envoyer un mail pour passer commande.)

    Si vous voulez lire tous les livres en compétion, en voici la liste:
    Hervé Bellut, Quaerite
    Thierry Benoît, Lerouge et Lenoir
    Denise Déjean, Bleu Pyrène
    Maria Djalla Longa : La Vallée oubliée
    Philippe Ferkatadaji : Je t'aime, ne t'en fais pas
    Michel Francesconi : Morceaux choisis du singe
    Marie-Chantal Garreta : Au temps de la belette
    Georges-Patrick Gleize : Le Crépuscule des justes
    Marie Guillon : La Messagère d'Appamée
    Béatrice Ortéga : Le domaine des Hautes Combes
    Béatrice Ortéga : Le Prince du désert
    Cathou Quivy : Trois destins
    Claude Souquet : Tlemcen
    Claude Tournier : Les Américaines
    Martine Trouillet : Les filles du moulin

    N'hésitez pas à partager, faire tourner, envoyer à la famille en même temps que les voeux !

    Coupe de Noël

    Troisième.
    J'aurais pu — j'aurais dû — adopter un rythme plus rapide mais je ne voulais pas cramer mes coéquipières. J'ai manqué de confiance en elles et en moi. Ce sera pour la prochaine fois.

    En descendant du bateau, j'ai pris Anne à part pour lui dire que si elle voulait la nage, il fallait qu'elle le dise à Vincent. Réponse: «C'est moi qui ai dit à Vincent de te donner la nage. Il me l'avait donnée, j'ai passé la nuit sans dormir et je lui ai demandé de te la donner».
    Mystery solved.

    A mon grand bonheur, René et mes parents sont venus.

    J'ai dormi durant tout le chemin du retour.

    À Tours

    Boulangerie, brioche aux pralines puis je passe chercher Nathalie et Caroline et gare la voiture chez Pascale à Suresne puisque c'est sa voiture que nous prenons pour descendre à Tours (précisions minutieuses de temps de grève).

    Histoires.
    — Et comment es-tu devenue juriste?
    — Je voulais être moniteur de ski mais je me suis fait une fracture rotative en terminale. C'était la quatrième fracture…
    — Quatre? Mais tu as passé ton adolescence dans le plâtre?!
    — Euh… oui. Maintenant que j'y pense, oui.
    — Et alors, le rapport avec le droit?
    — Je ne pouvais plus être moniteur de ski alors j'ai choisi la fac la plus proche de la montagne pour pouvoir skier au maximun.

    — Je me suis dit que j'était en train de faire un reportage, pas un documentaire.
    — Quelle est la différence entre un reportage et un documentaire?
    — J'allais poser la question.
    — Un documentaire a un point de vue, il raconte une histoire en fonction d'un point de vue.

    Nous sommes parties très tôt parce que nous voulions ramer l'après-midi pour tester le bassin. Nous faisons un tour vers trois heures, nous rentrons pour passer le bateau aux garçons quand M. proteste: on lui a dit qu'on pouvait ramer une heure, elle veut faire un second tour.
    — Mais il va faire nuit pour eux.
    — Ça m'est égal.
    Et nous avons fait un deuxième tour. Et les garçons sont rentrés à la nuit.

    Dîner au centre de Tours entre nous seize. Pizzéria. Joyeuse ambiance et délires jusqu'au moment de l'addition. M. a refusé de partager (ce qui pouvait être légitime car elle avait moins mangé que nous) puis le restaurant a refusé qu'elle paie à part et que nous partagions le reste. Nous nous sommes retrouvés les seize à faire la queue en encombrant la caisse jusque dans l'escalier, avec des clients pressés et furieux derrière nous.

    À la nage

    Vincent a envoyé la composition du bateau. Je suis à la nage. Je pensais que ce serait Anne. Je ne comprends pas, mais ça me fait plaisir. J'espère juste qu'Anne ne m'en voudra pas trop. Si elle pouvait ne pas maugréer pendant toute la course…


    Le soir réunion pour préparer les élections municipales. Unis contre NDA, c'est l'idée, sauf pour les insoumis: eux ne font pas de différence entre adversaires et ennemis. Il n'y a que des ennemis, sans hiérarchie.
    Ce n'est pas plus mal, j'aurais eu du mal à travailler avec eux sans me moquer de temps en temps.

    3e de Mahler

    Ce soir concert à la Philharmonie. J'ai donc commencé la journée en garant la voiture porte de Pantin, après avoir suivi le parcours sinueux de Waze qui m'a fait traversé la Seine deux fois pour éviter la A4. Puis deux croissants et un crème, tramway, ligne 1 et RER A.

    A midi, sept des huit rameuses de dimanche prochain était là. Belle sortie avec Anne à la nage (est-elle allée se plaindre après la sortie du week-end dernier?).

    Le concert (la 3e de Mahler) commençait à 20H30. J'avais donné rendez-vous à Jérémy — que je n'avais pas revu depuis deux ans ou plus — à 19h30 au café des Concerts. CityMapper me proposait plusieurs trajets, j'ai choisi de varier un peu: RER A puis ligne 9 jusqu'à mairie de Montreuil.
    Dix minutes annoncées entre chaque rame. Nous attendons sous une pluie glacée, sous l'abri de la station. Un Algérien beurré comme un petit Lu est surveillé par des congénères, la conversation s'engage, c'est jour d'élections en Algérie. Nous attendons. Un tramway passe en face, deux stations le sépare de nous. Nous attendons. Je twitte, je lis Twitter. Nous attendons. Des gens commencent à s'impatienter, certains partent. Nous attendons. Une rame arrive, vide, ralentit, nous nous approchons, elle ne s'arrête pas et repart, vide. Cela fait plus d'une heure que nous sommes là, j'aurais dû surveiller l'heure, la triste réalité est qu'il n'y a plus de tramway.
    Je préviens Jérémy de dîner de son côté et commence à marcher sous la pluie, porte de Montreuil-porte de Pantin combien de kilomètres combien de temps?
    Pour une raison que j'ignore une dame a commencé à engager la conversation avec moi et m'accompagne, elle voudrait prendre un taxi en commun, elle va aussi à la Philharmonie. Pas de taxi, nous marchons, nous voyons passer d'autres rames vides qui ne s'arrêtent pas. Si ma voiture n'avait pas été à Pantin, je serais rentrée chez moi. Je toque à la vitre des voitures arrêtées aux feux rouges, mais à ma grande surprise les conducteurs ne sont prêts à faire aucun effort. Un homme finit par accepter de nous avancer de quelques portes, nous bavardons, il est d'Europe de l'est, éberlué par le bordel actuel.
    — Ça va s'arrêter quand ?
    — Oh, ça va continuer la semaine prochaine, ça ne va pas s'arrêter avant les vacances. Après les profs seront en vacances, ce ne sera plus pareil.
    Il est effaré : — Ah, c'est bien d'être prévenu, répond-il, paraissant réellement soulagé.

    Nous marchons, trouvons un taxi, j'arrive quelques minutes avant le concert. Je suis déçue de ne pas avoir pu discuter avec Jérémy. 3e de Mahler dirigée par Esa-Pekka Salonen devant une salle clairsemée. Quand les chanteurs entrent sur scène lors du quatrième mouvement, je me souviens de Gv expliquant les choix différents selon les chefs d'orchestre (chanteurs présents durant tout le concert ou entrants sur scène, assis ou debouts).

    Je ramène Jérémy chez lui. A onze heures passées il y a encore énormément de voitures dans les rues. Nous parlons traductions (les logiciels de traduction automatique utilisés dans des cadres professionnels malgré leurs failles), GPA (les femmes indiennes qui paient ainsi les dettes de leur mari, les Américaines qui s'offrent un tracteur), adoption… Je suis contente de l'avoir revu.

    Yerres-Nanterre en absence de transport

    Lever à 5h40, départ de la maison à 6h15, je ne sais pas aller vite. Puis voiture garée au parc floral de Vincennes, à 7h30 métro en bout de ligne pour être assise. Il y a beaucoup moins de monde que je ne l'appréhendais. La Défense, RER A sur une station. Arrivée 8h30.
    Cafétéria, un crème + un croissant.

    Je suis davantage à l'heure en temps de grève.

    A quel âge partirai-je à la retraite?

    D'une certaine façon, cette grève est une grève de privilégiés: la grève de ceux qui ont quelque chose à perdre (des privilèges) mais ne risquent pas de perdre leur emploi (emploi à vie).

    Evidemment, comme je suis consciente d'être moi-même une privilégiée, je m'abstiens de le dire trop fort, dans des lieux trop fréquentés, par décence, parce que je ne vais pas aller dire ça à des gens au SMIC — même s'ils ont par ailleurs d'autres avantages qu'ils oublient ou dont ils n'ont même pas conscience (CE surpuissant et transports gratuits pour les cheminots, pas de problème de garde d'enfants pour les profs, etc).

    Par ailleurs, j'ai l'impression que beaucoup de Français ont une conviction inverse de la mienne: ils sont persuadés que tout le monde autour d'eux est mieux lotis qu'eux, ils sont envieux, remplis de ressentiment.

    C'est pourquoi je mets en ligne un extrait de ce document reçu cet été :

    Je dois avouer que cela m'a fait un choc. Je n'avais pas conscience qu'il était sérieusement envisagé que j'allais travailler jusqu'à 67 ans. Ce n'est pas que cela me dérange sur le fond (vivre, c'est toujours vivre, il faut bien passer le temps), c'est surtout que j'ai l'impression que les entreprises n'ont pas du tout envie de me conserver tout ce temps-là.

    Sortie désespérante

    Entraînement à une semaine de Tours. Vincent avait donné des ordres précis pour que je monte le rythme. Je pensais faire la même chose que mercredi dernier où la sortie en quatre avait été très efficace mais les rameuses en absence de cox ne suivaient pas. Je n'ai pas réussi à augmenter la cadence. Anne derrière moi a passé son temps à maugréer «on avance pas, on joue les essuie-glace», Johanna derrière elle n'était pas plus positive. Pendant ce temps je donnais des indications à Marine qui barrait pour la première fois (et Anne de donner des ordres contradictoires… j'ai fini par lui dire de se taire).

    Bref, ce fut très pénible.


    Le matin j'étais passé chercher Caroline, Nathalie et Anne-So, le midi je ramène Caroline, Nathalie et Anne. Paris est bouché, Caroline raconte des histoires de dessinateurs de BD (le dessinateur qui a remplacé Goscinny, je ne sais plus si c'est pour Lucky Luke ou Astérix).

    Allers et venues

    Comme il y a grève, je passe chercher Caroline à huit heures pour être au club à neuf. Dans la nuit illuminée par les décorations de Noël les conducteurs sont très prudents. Sortie en huit puis AG du club.

    Je passe chez O. lui apporter une lampe et des cintres puis je l'emmène à Villejuif où il doit tester le vélo de C. qui a proposé de le lui donner.
    Voyage dans Paris en grève, à circuler dans les petites rues.

    Je m'écroule chez C. et dors dix minutes. Thé. O. est enchanté par le vélo. Comme il parle d'acheter des chaises pliantes, C. lui propose les siennes. Problème: comment les transporter dans la Mazda?
    O. trouve la solution en les coinçant derrière le siège conducteur. Nous repartons dans la nuit et les bouchons.



    Retour chez O. près de Denfert, puis dîner à deux pas chez une rameuse: soirée post-Bellecin. Les invitées venues du quartier de l'Opéra mettent une heure et demie à traverser Paris, samedi de grève et gilets jaunes oblige. Nous commençons sans elles. Eclats de rire, bouteilles de vin et foie gras.

    La grève, une spécialité française célébrée même dans les blockbusters américains

    — Que faites-vous à Paris ?
    — On vient chaque automne, pour les grèves et la météo.

    Je cite souvent cette phrase, je vais donc la mettre ici, pour la retrouver facilement. C'est tout de même une phrase qui apparaît dans RED 2, en 2013.
    Contexte : une militaire russe veut savoir ce que font deux barbouzes américains retraités à Paris.




    (En fait j'ai honte.)

    Même les Vélib ne circuleront pas

    Enfin certains. Mail reçu, recopié ici dans le respect des caractères graissés ou soulignés :
    Cher.e.s abonné.e.s,

    En prévision des manifestations de demain et sur demande de la Préfecture de Police, nous allons procéder ce soir à la fermeture d'une soixantaine de stations, essentiellement dans les 7ème, 8ème, 10ème et 11ème arrondissements de Paris : les Vélib' en seront tous retirés et les bornettes seront bloquées par des dispositifs rouges. En savoir plus

    Le nombre de stations fermées est susceptible d'augmenter en fonction des demandes de la Préfecture de Police.

    Les stations fermées seront progressivement rouvertes dès que possible.

    Pour préparer vos trajets et trouver un Vélib’ en station puis une bornette libre à l’arrivée, consultez le billet blog dédié et la carte interactive, tous deux régulièrement mis à jour.

    Nous vous remercions de bien restituer votre Vélib' dans une bornette disponible en station. En effet, tout dépôt d'un Vélib' en dehors d'une bornette pourra entraîner une facturation hors forfait et l'application de pénalités. Retrouvez plus d'informations ici.
    On notera comme il se doit et non sans une certaine exaspération goguenarde, la mise en garde finale. Il n'y aura pas de pitié. Tout cela relève de la brimade ordinaire de l'usager.

    Transport, grève, retraite

    Je ne vais pas beaucoup en parler. Tout cela me fatigue tellement (moralement, éthiquement: l'absence de solidarité, chacun qui tire la couverture à soi) que je n'ai plus envie d'en parler.

    D'abord les transports du jour : comme O. n'est plus à la maison pour me motiver à me lever et à partir, j'ai raté le bus, pris la voiture. En arrivant à 9h06 le long des voies, je vois un RER glisser vers le quai : zut, le temps de me garer je ne l'aurai pas, mais le suivant est annoncé à 9h13 (ce qui est bizarre : deux RER aussi proches à cette heure-là).
    Je gare la voiture, je monte sur le quai : le RER que j'ai vu n'a pas dû s'arrêter car il y a du monde.
    RER D à l'heure, je suis assise. Nous roulons lentement. Nous nous arrêtons. Nous mettrons une heure à atteindre gare de Lyon. En cause : un train de marchandise devant nous et des problèmes de signalisation.
    Rebelote dans le RER A : une allure d'escargot. Je n'irai pas en cours d'allemand cet après-midi. Comme l'année dernière je vais abandonner, c'est trop compliqué en partant d'ici.

    Le soir je rejoins H. au Temps des cerises. Il paraît qu'il n'y a plus de RER D (pour une raison que j'ignore, H. s'est abonné aux notifications du RER D). Problèmes de signalisation : les mêmes que ce matin?
    Pas grave puisque nous rentrons en voiture. Comme hier à 22 heures, mais cette fois-ci à 21 heures, les axes est-ouest de la capitale sont bouchés, des routes sont fermées (travaux?). Nous partons plein sud vers Orly. Les conducteurs déboussolés roulent vite et sont imprévisibles.

    ***

    Grève totale, générale, le 5 décembre, avec toujours cette joie mauvaise de nuire et de foutre le bordel de certains pendant que d'autres craignent pour leur job.

    ***

    Ma vision irénique (profession de foi bisounours) de la sécu et des retraites: tout le monde met au pot en fonction de ses moyens, puis on partage. Évidemment ceux qui ont mis le plus reçoivent moins. Mais ce sont aussi ceux qui peuvent s’acheter un appart, une maison, avoir de l’épargne...

    Pessimisme ecclésial

    Il paraît que je suis pessimiste.
    C'est la conclusion de mes camarades d'atelier de rédaction de mémoire de théologie (cinq «de» : record battu). (Principe: nous lisons nos travaux réciproques et apportons nos commentaires, conseils, incompréhension…)

    Je le confesse. Entre les catholiques très respectueux des normes qui ne supportent pas qu'on touche à quoi que ce soit (le pompon revient aux évèques américains qui traitent le pape François d'hérétique — mais la plupart d'entre vous auront en tête la Manif pour tous); les catholiques qui pensent qu'il faudrait s'attacher plus à l'esprit qu'à la lettre, c'est-à-dire davantage aux pauvres et aux étrangers qu'aux pratiques sexuelles de chacun dans et hors mariage (les scandales sexuels de l'Eglise se présentant dans ce contexte comme une hypocrisie insupportable); et les autres, croyants, athées, bouffeurs de curés, qui regardent l'Eglise avec ahurissement (au mieux) ou haine (hélas), j'ai l'impression que l'Eglise est dans le même état de tension et de crise qu'en 1960, avant Vatican II.

    J'ai présenté une ébauche de plan, trop détaillée et pas assez articulée pour être vraiment un plan. Ce qui m'a frappée, c'est que le diacre qui anime l'atelier m'a dit quelque chose comme «Pas la peine de parler de ce qui va mal, inutile d'insister», mais à mi-voix, en passant, et je ne sais pas s'il voulait parler des scandales sexuels. (J'ai été si surprise (car par ailleurs l'ICP organise des soirées et débats sur le sujet) que le temps que je réagisse et pense à demander des précisions, nous étions passés à autre chose.)
    Je ne vois pas de quoi d'autre il pouvait s'agir. Mais pourquoi ne faudrait-il pas en parler? Pourquoi avoir peur de ce qui est vrai, avéré? N'est-ce pas à la condition d'avoir un discours vrai sur ce sujet qu'il sera possible de restaurer une certaine crédibilité de l'Eglise? Ou en creux, refuser d'avoir un discours vrai sur ce sujet, n'est-ce pas se condamner à perdre toute crédibilité sur tous les autres sujets?


    J'ai repéré ce livre pour mettre un peu d'optimisme dans ma conclusion.

    Le nid vide

    Nous n'étions que quatre ce matin (donc trois tours d'île de la Jatte dans l'Hydre de L'Herne (peut-être Lerne. Mais bien sûr je pense aux cahiers)). Vincent a eu la gentillesse de me remonter le moral (je savais bien que mon coup de blues après le test d'hier allait lui être rapporté).

    Rendez-vous près de Denfert où H. et O. ont fait deux allers-retours pour amener les cartons de vaisselle et de linge, quelques meubles et surtout l'écran et les ordinateurs. Tout le quartier est bouclé autour de la rue Daguerre: zone piétonne le week-end. Je découvre la chambre d'O. avec curiosité: dix-neuf mètres carrés en rez de chaussée, très haute de plafond comme il l'avait décrite. Le propriétaire exagère, il ne doit jamais faire de travaux, elle est dans son jus des années 70 : moquette moutarde très tachée, hautes fenêtres en simple vitrage laissant passer le froid. Ce sera sans doute très agréable l'été, avec les plantes de la cour. En hiver, c'est sombre, en toute logique pour un rez de chaussée, même orienté au sud.

    Nous déjeunons rue Daguerre dans un restaurant qui sert des oreilles de cochon et du parmentier de lièvre (le patron me fait rire car il s'assure que je sais ce que sont les oreilles quand j'en commande. Je suppose que certains renvoient le plat en cuisine.)
    Dans la rue, la vitrine du Léopard masqué est éclairée.

    Dans la grande tradition des sous-doués des clés, H. a égaré le trousseau de secours confié par le propriétaire. Il les a testées, puis les a mises quelque part. Mais où?

    Ce soir nous sommes sans enfant. Vingt-sept ans plus tard. Orphelins, célibataires, veufs d'enfants?

    O. s'en va

    Courses pour l'emménagement d'O. demain : un tiers pour le ménage, un tiers pour les repas, un tiers pour le plaisir.



    ----------------------
    Agenda

    Test ergo ce matin. 2000 mètres, mon premier. Extrêmement déçue par mon résultat, au bord des larmes. C'est si difficile à retenir.

    Aspasie (philologie)

    « La copine de Périclès s'appelait Bisou. »

    Crise de chagrin

    Entraînement d'ergo. Je n'arrive à rien. Samedi nous avons un test. Attaque de chagrin, sanglots incontrôlables, incapacité à parler et H. qui m'en veut parce que je n'ai pas la force de répondre à ses questions (il faudrait reprendre souffle pour répondre. Et que répondre? )

    Mais qu'est-ce que c'est que ce truc? Les hormones? La ménopause? Déprime profonde.

    Puis je découvre un tweet de Trump.


    Stupeur profonde.

    Education concentrée

    Bon anniversaire Tlön.


    Il m'a dit un jour: «Tout ce que nous avons à apprendre à nos enfants, c'est le Décalogue. Le reste…» (Suivait un geste qui signifiait à peu près qu'avec ce bagage minimum mais indispensable, il serait toujours possible ou nécessaire de s'adapter aux circonstances).


    Voici donc le Décalogue, commenté pour l'adapter à nos temps païens. Les trois premiers commandements ne parlent plus qu'à une poignée de nos contemporains. Les autres sont intemporels.

    Voici le texte de l'Exode selon la traduction de Louis Segond (Ex 20,2-17) :
    20.2 Je suis l'Éternel, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude.
    20.3 Tu n'auras pas d'autres dieux face à moi.
    C'est sans doute ce qui a le plus évolué en six mille ans, et surtout depuis deux cents ans, surtout depuis soixante ans. Disons: si tu crois en un Dieu, loue-le, prie-le, mais n'oblige personne à en faire autant. Défends ton droit à continuer à croire au Dieu qui est le tien. Si tu n'y crois pas, accepte de ne pas comprendre ceux qui croient et respectent leur foi tant qu'elle n'est imposée à personne.

    20.4 Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre.
    20.5 Tu ne te prosterneras pas devant d'autres dieux que moi, et tu ne les serviras point ; car moi, l'Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent
    20.6 et qui fais miséricorde jusqu'en mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements.
    Là encore ça ne concerne que les croyants : sache discerner entre Dieu (ton Dieu) et les idôles (les dieux que tu te fabriques toi-même. En Europe aujourd'hui, cela pourrait constituer une mise en garde contre le matérialisme et le consumérisme.)

    20.7 Tu n'invoqueras point le nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain ; car l'Éternel ne laissera point impuni celui qui invoque son nom en vain.
    Pas de petit jeu du genre «si Tu fais ceci, alors je croirai en Toi; si Tu ne fais pas cela, je ne croirai plus. Dieu ne se marchande pas (mais cela n'a de sens que pour ceux qui ont la foi ou la notion de ce qu'est la foi.)

    20.8 Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier.
    20.9 Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage.
    20.10 Mais le septième jour est le jour du repos de l'Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes.
    20.11 Car en six jours l'Éternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s'est reposé le septième jour : C'est pourquoi l'Éternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié.
    Prends l'habitude de ne pas penser à ton travail ou tes préoccupations un jour par semaine. Aie conscience du temps qui passe; un jour par semaine prends le temps de regarder le ciel, de parler à ta famille, à tes amis, à des inconnus. (Ne consulte pas ton téléphone si une personne est dans la pièce.) Cela t'empêchera de te prendre trop au sérieux. Décentre-toi. Une fois par semaine au moins.

    20.12 Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que l'Éternel, ton Dieu, te donne.
    Pas sûr de ce que ça veut dire. Je me souviens de Bernard, jésuite, nous disant: «Tu honoreras, ce n'est pas tu aimeras.» Ça m'avait soufflée. Tu ne laisseras pas tes parents mourir dans la misère et l'indifférence?

    20.13 Tu ne tueras point.

    20.14 Tu ne commettras point d'adultère.
    Au sens large : tu ne sèmeras pas la zizanie dans un couple constitué.

    20.15 Tu ne déroberas point.

    20.16 Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain.
    Au sens large : ne pas médire en fait partie. Tu ne nuiras pas en paroles en persiflant ou déblatérant (sachant que c'est à toi que tu nuis en te faisant une réputation de langue de vipère).

    20.17 Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain.
    Pour être heureux, chasse l'envie de ton cœur: «la seule raison de regarder dans l'assiette de ton voisin, c'est de t'assurer qu'il a suffisamment à manger.»
    Personnellement, en bonne républicaine, j'ajouterais à cela l'étude des fables de La Fontaine.

    Satisfactions

    Belle sortie en huit. Voilà quatre fois que Vincent me met à la nage. Si cela continue, je vais être à la nage pour la coupe de Noël (course sur 9 km le 15 décembre à Tours, mais je ne trouve pas de lien sur google).
    Cela m'effraie moins que cela ne m'aurait effrayée il y a un an (litote : cela ne m'effraie pas). Les heures passées à l'ergo paient (trois heures par semaine depuis juin, soit 30 à 40 km/semaine si on ajoute les sorties sur l'eau), mais aussi une conférence de Jérémie Azou sur la façon de surmonter les contraintes et une interview de sportif aux JO qui disait que le jour de la course n'était pas différent des autres jours d'aviron tant tout était devenu automatique: le but est donc de tout automatiser, les séances d'entraînement et les gestes.

    Lorsque j'ai compris qu'il était possible que je sois à la nage (ce n'est pas sûr, Vincent peut changer d'avis, c'est une composition provisoire), j'ai commandé un compte-coups (stroke rate) pour la cadence. Il était arrivé ce soir, il est tout beau. Reste à apprendre à s'en servir.

    L'ambiance a bien changé au sein du collectif au cours des six dernière semaines : plus retenue, plus concentrée, moins dans l'électricité survoltée (ce qui me paraissait factice — mais c'est peut-être simplement que cela ne correspond pas à mon tempérament). Les rameuses régulières sur le huit sont principalement des filles "du midi", c'est-à-dire qui travaillent à la Défense. Les filles du "week-end", celles qui habitent aux alentours, ont une vision davantage loisirs, elles viennent pour rencontrer leurs amis davantage que pour s'entraîner toujours ensemble en essayant d'améliorer leur technique.
    Maintenant que chacune a affiché ses priorités (si cela a mis longtemps, c'est qu'aucune ne voulait les verbaliser, il a fallu attendre que cela se dégage de leurs actes), il est plus facile de s'entraîner sérieusement, même si cela fragilise le projet car nous sommes moins nombreuses: dès que l'une d'entre nous a un empêchement, c'est l'effervescence pour lui trouver une remplaçante disponible, motivée, ayant le niveau.

    Autre sujet de satisfaction aujourd'hui: O. a enfin trouvé une chambre, à quelques pas de Denfert. Cela me soulage car je ne me fais aucune illusion sur ce qui nous attend en décembre: un blocage total des transports. Au moins lui pourra aller à la fac tout en dormant suffisamment.

    Tolkien

    Ayant un peu par hasard deux heures de libres avant l'allemand, je suis allée visiter l'exposition Tolkien à la BNF. Je supposais que c'était une exposition de geeks genre comic-con; c'est plutôt une exposition de philologues et d'artistes.
    Même sans rien connaître à Tolkien, même sans en avoir rien lu, je la recommanderais, pour la beauté des dessins, des gouaches, des cartes, pour les gigantesques tapisseries, récentes (des années 2010), tirées des aquarelles de l'auteur, pour les livres des XIVe et XVe manifiquement enluminés : je me suis rendue compte que je n'avais jamais vu que des livres religieux, Bibles ou psautiers, de ces années-là. J'ai découvert des Lancelot du Lac ou Morte d'Arthur aux couleurs éclatantes.


    Une série de conférences est prévues, de 18h30 à 20h au petit auditorium:
    * 21 novembre : Tolkien père et fils
    * 28 novembre : L'invention des langues
    * 6 décembre : J.R.R. Tolkien, poète de la «route perdue»
    * 12 décembre : illustrer Tolkien
    * 19 décembre : Tolkien géographe
    * mercredi 8 janvier : Traduire Tolkien hors du Seigneur des Anneaux



    Notre-Dame-des-Fleurs



    RER D, 7h58.
    L'étrange, c'est qu'il n'a tourné quasi aucune page en une demi-heure.

    Le poste à galène

    Lorsque nous allions chez la grand-mère d'Hervé, elle nous laissait sa chambre (ce qui était bien embarrassant). Sur sa table de nuit trônait le poste à galène.
    Ce poste représentait un champ de patates: sa grand-mère avait planté et récolté un champ de patates et avec son salaire avait acheté ce poste. Je suis heureuse de l'avoir récupéré.

    Vintage

    H. a ramené des objets dont ses parents se débarassaient, des casseroles émaillées par le grand-père, le poste à galène de sa grand-mère (réparé, il fonctionne), un volume de L'Illustration (gigantesque), des 33 tours. Je regarde:
    — Oh, un Thriller de l'époque!
    — J'avais fais la queue pour l'avoir.
    Il a collé de chaque côté de la photo de la pochette des photos plus petites, sans doute découpées dans Télépoche vu la qualité du papier. Je ne le savais pas un tel fan.

    Par ailleurs, nous avons comme point commun sociologique d'avoir chacun un grand-père bouilleur de cru. Ceci est de l'eau-de-vie de prune.




    Journée si régressive que j'ose à peine l'écrire ici: Monaco (les biscuits apéritifs) et TBBT au lit toute la journée. La version bière/canapé en pire.

    Se perdre en Beauce

    Pendant qu'H. allait chez ses parents, je suis partie chez les miens.
    Comme j'étais seule j'en ai profité pour voyager à ma manière, un peu au pif. Avec seulement Waze et pas de carte, je n'ai pas tardé à me perdre (parce que Waze voulait me faire passer par des endroits où je ne voulais pas passer, par des routes que je ne voulais pas emprunter). J'ai donc continué en orientant Waze au nord (et non selon la direction où allait la voiture, comme le font la plupart des GPS) et je me suis dirigée à la boussole (si, si: Méréville, puis sud légèrement ouest).
    Bref, sous une pluie battante j'ai assisté à la récolte des betteraves dans des camions plateformes au bord de champs boueux jusqu'à l'horizon.
    (En regardant google maps après coup, il s'avère que mon trajet a été plutôt rectiligne. Je me suis bien débrouillée.)

    J'ai repris le podcast de Gilles Bœuf («le rôle d'un scientifique est de raconter des histoires»). J'aime particulièrement l'épisode 3 qui raconte la rencontre de l'homme et du chien: «Vous montrez un chien à un enfant, un caniche ou un dogue, il sait que c'est un chien. Ils ont beau être beaucoup plus différents l'un de l'autre que d'un chacal ou un loup, il sait que c'est un chien. C'est extraordinaire.»
    Il explique certaines différences entre le singe et le chien: le chien comprend où l'homme regarde ou ce qu'il pointe du doigt. Le singe ne le comprend pas. Ça me donne envie d'avoir un chien. (Lorsque j'étais enfant, je n'aurais jamais imaginé vivre sans chien.)

    Après-midi chez mes parents. Arte. Costa-Rica. C'est étonnant d'avoir des parents qui reconnaissent les endroits qu'ils ont visité (à la petite boutique près) et les commentent.

    Divers

    Quatre à midi (difficile d'être neuf une veille de long week-end pendant des vacances scolaires) dans une typique atmosphère automnale: l'occasion de mesurer les progrès accomplis en un an. Le bateau n'a plus rien à voir. Nous sommes sur l'eau et non plus dans l'eau.

    Une discussion dans les vestiaires (c'est cela de ramer à la Défense), j'apprends que le Portugal est en pointe en ce qui concerne les énergies renouvables. Il est quasi autonome et revend même de l'élécricité.

    J'ai repris TBBT depuis le début dans le but d'arriver jusqu'au mariage de Leonard et Penny. J'ai terminé la saison 3 aujourd'hui, saison dans laquelle apparaissent Bernadette et Amy. Le dernier épisode contient la phrase «God, what have we done?» que nous citons souvent à la maison. (Je le note ici afin de la retrouver : car je n'aime pas citer sans source exacte).

    Promesse de fleurs

    Après deux ans d'obstination, j'ai réussi à trouver une jardinier pour planter une jachère fleurie. Il n'y a plus qu'à attendre avril ou mai.

    Ainsi soit-il

    Quai de la 14 gare de Lyon. Je vais prendre le RER A.

    Foule et cohue. En bas des escaliers, un homme âgé et barbu, croisement entre un nain de jardin habillé en ciré beige et un clochard propre, des sacs très pleins à la main et une sorte de parapluie coloré, jaune, avec un manche fait d'une tige de parasol. Il ne bouge pas, tourne sur lui-même, regarde en l'air comme s'il cherchait un panneau pour s'orienter.

    J'hésite mais je ne suis pas pressée:
    — Je peux vous aider? Vous cherchez quelque chose?
    Il me répond avec un grand sourire :
    — Je cherche le bonheur des autres.

    Traduction automatique

    — Les séries m'ont appris une chose, l'importance des baskets pour les Américains. Ils sont prêts à dépenser des fortunes pour ça.
    — Comment ça des fortunes ?
    — Six cent dollars pour une paire dans Lucifer. Et récemment, trois mille pour une paire de baskets avec de l'eau du Jourdain dans les semelles.
    — What ?
    — J'ai eu un problème dans The good Fight. Un type était accusé d'avoir volé six cents baskets, et je le regardais en VO, automatiquement j'ai traduit par panier. Et je n'arrivais pas à comprendre pourquoi six cents paniers et six cents paniers de quoi. Il m'a fallu du temps pour comprendre que "baskets" était "baskets".

    Les deux sont morts de rire:
    — Et donc au basket, c'est un basket's basket?

    Journée inutile

    Journée inefficace au possible. Trié et nommé des photos en regardant deux Bourne (2 et 3), La firme (bien naze) et commencé Knight & Day (que j'aime bien).

    Une belle journée d'automne

    Il fait très doux. Les arbres qui vireront au jaune sont encore verts (les roux et rouges sont déjà roux et rouges). Il est difficile de croire que dans un mois toutes les feuilles seront tombées.
    Huit presque de filles (à deux garçons près).

    Sieste de trois heures les muscles brûlants (l'entraînement de ce matin ajouté à l'ergo d'hier) et cent page de Galindez. J'ai passé une seconde couche de pâte à bois dans l'armoire de mon grand-père, cette fois-ci à l'intérieur.

    Ce soir nous changeons d'heure — peut-être pour la dernière fois. Il y a eu un sondage sur le sujet, mais je n'ai pas compris si une décision avait été prise. Il ne me semble pas.

    Des listes

    Repris sur FB et Twitter les listes de livres établies par les uns et les autres en début d'année (j'avais déjà fait cela une fois mais perdu les données je ne sais comment).

    J'essaie de reconstituer Alice en examinant mes photos et mes échanges de sms.

    Crocodiles

    Je me demande si les grands-parents et parents des hippies des années 70 étaient aussi surpris que ces mêmes hippies devant le monde de leurs petits-enfants.

    Voici un thread de Desespeuphorie qui est un extraordinaire résumé de ce je lis et vois tous les jours sur internet.
    Comme d'habitude, je le stocke ici : dans dix ou vingt ans, plus personne ne voudra nous croire; il faut garder des preuves.



    Haribo fait maintenant des Croco "Parent-enfant" : une révolution sociétale, un thread
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    Notons tout d'abord que bébé Croco n'a toujours qu'un seul parent.

    La manif pour tous défile en scandant "un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants"
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    Ils sont disponibles dans toutes les couleurs de l'arc en ciel.

    Ludivine de la Rochère crie à l'infiltration du lobby LGBT au sein du conseil d'administration de Haribo et appelle au boycot.
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    Marine Le Pen souligne sur BFM TV que le petit n'est jamais de la couleur de la mère. C'est pour elle le symbole du grand remplacement par le métissage.

    +13 points dans les sondages
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    Eric Zemmour quant à lui se félicite que les bonbons contiennent de la gélatine de porc.

    "C'est toujours ça que les arabes n'auront pas"

    357 plaintes au CSA. Aucune suite.
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    Les vegans se mobilisent également sur Twitter, sur le débat suivant :
    "Faut-il dévorer d'abord l'enfant sous les yeux de son.a p.mère, ou bien avaler le.a parent.e sous le regard horrifié du bébé ? Stop souffrance animale !"

    Appel au boycot relayé par 2 personnes
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    Les genderfluid se félicitent du fait qu'on ne connait pas le genre du parent.

    "C'est une grande avancée pour la reconnaissance des gens non binaires dans l'industrie du bonbon. Bravo Haribo !"
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    Les twitto.a.s qui sont à la fois vegan et non binaires sont en PLS, et lancent des threads avec plein de trigger warnings pour savoir si c'est bien ou pas de manger ces bonbons.
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    Après 3 jours de threads régulièrement attaqués par le 12-25, le consensus est qu'il faut acheter les boites mais rendre aux croco leur liberté en les rejetant dans une rivière.
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    Les khey du 12-25 décident de mettre leur grain de sel en se filmant en train de se mettre des crocos dans le cul.

    Cyril Hanouna, fan de l'idée, met des Croco dans le cul de Matthieu Delormeau
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    Une twitta demande l'interdiction de l'emoji Crocodile, arguant le fait que "ça peut trigger les crocophobes comme moi".

    Elle reçoit 2433 DM avec des emojis Croco.

    Elle menace de porter plainte pour cyberharcellement
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    Sujet de bac philo 2020 : "est-ce que c'est beau la vie, pour les grands et les petits?"

    Pétition en ligne des bacheliers qui trouvent le sujet trop dur.

    "Tout le monde ne connait pas la différence entre crocodile et aligator, il faut annuler l'épreuve" : 150000 signatures
    ---------
    Haribo propose un contrat de sponsoring à @Krokodeallll

    Décalage trop grand entre les amateurs de bonbons et l'image de l'influenceuse : Christine Boutin demande l'interdiction de la publicité.

    400 plaintes au CSA (qui est plus prompt à agir que dans le cas Zemmour, notez)
    ---------
    Rupture de stock dans les magasins.

    Macron lance un Grenelle du Croco.
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    Les gilets jaunes manifestent pour la suppression de la TVA sur les bonbons.

    Bilan : 4 yeux crevés.
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    Boiron lance des granules "Croco 9CH". Ils achètent un paquet de bonbon et produisent 10 millions de tubes de granules.
    ---------
    Boiron en profite pour demander le remboursement par la Secu. Le gouvernement hésite, les députés attendent les offres des lobbyistes.

    Big Pharma est rebaptisé "Big Bonbon"
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    Le twitto @desespeuphorie demande si quelqu'un a le @ du CM de Haribo, histoire de voir si il peut gratter un paquet ou deux gratos.

    Bilan : 4 unfollow
    ---------
    Gad Elmaleh prépare un nouveau spectacle sur les Croco.

    N'allez pas le voir, tout est pompé sur ce thread
    ---------
    TFou commande une nouvelle saison de "Schnapi, das kleine krokrodil".

    En animation 3d ultra moche.

    +20% de LV2 allemand au collège à la rentrée suivante.
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    Le directeur du Leclerc Beynost pris en photo en safari chasse en Afrique posant fièrement près de la carcasse d'un crocodile fraîchement tué.

    Boycot. Licenciement. #JeSuisCrocodile en tendance Twitter
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    La team premier degré indique que c'est pas un crocodile mais un caïman.

    Tout le monde s'en fout.
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    Christophe Maé sort un album de reprises "Ah les croco ah les croco ah les crocodiles"

    Double disque d'or en une semaine

    En interview, il dira "c'est clairement ma meilleure chanson". Tout le monde acquiesce


    Et pour parachever la démonstration, lorsque nous rentrons vers minuit, O. est en train de regarder "Questions pour un champion". Une fois que nous avons fini de nous moquer et de nous étonner, il nous explique qu'il le regarde au même moment que (environ) deux mille autres internautes en suivant le youtubeur Etoile et que c'est fun.

    Le lendemain O., ayant lu les crocodiles ci-dessus, remarque : «C'est méchant pour Cyprien».
    Comme je m'étonne que ce soit quelqu'un qu'il connaisse (et non un prénom random comme je le croyais), il me donne les noms des youtubeurs «qu'il pourrait être utile que je connaisse parce qu'ils sont connus»: Cyprien, Squeezie et Zerator.

    La virginité perpétuelle de Marie

    Cette année, nous étudierons la controverse entre Helvidius et Saint Jérôme. Helvidius maintenait qu'après la naissance de Jésus, Marie a mené une vie maritale ordinaire auprès de Joseph, ce qui paraît la pire des hérésies aux yeux de Jérôme qui soutient la virginité perpétuelle de Marie (les précision devenue dogme du genre «l'enfantement l'a laissée intacte» me laisse perplexe: il s'agirait donc de savoir si l'hymen de Marie est intact, bien plus que de savoir si elle a eu des relations sexuelles. Mais pourquoi ces questions, pourquoi cette obsession sexuelle? Quelle étrange question à se poser, qui ne me serait jamais venue à l'esprit (car quel rapport cela peut-il avoir en la foi en un Jésus Christ sauveur?))

    Jérôme, nous dit la prof, «est à l'origine de ce lieu commun, qui est faux, que «frères» égale «cousins» dans l'Orient antique. A vrai dire, reprend celle-ci, j'en viens à penser que les arguments de Jérôme sont si faibles que cela explique que l'on n'ait pas traduit ce texte en français.»

    Problème: Jérôme écrit en latin. Solution: ce n'est pas Jérôme que nous traduirons, mais les citations des Écritures sur lesquelles il s'appuie.
    Voilà qui fait tout à fait mon affaire: nous allons donc voir comment des mêmes passages ont été lus différemment quatre siècles après JC. C'est exactement la question que je me pose concernant les catholiques, protestants et orthodoxes.


    Sans rapport direct, deux livres recommandés par la prof, de Christian-Bernard Amphoux:
    - le premier, austère : Manuel de critique textuelle du Nouveau Testatment
    - le deuxième, «le livre que j'aurais aimé écrire» : Philologie et Nouveau Testament : Principes de traduction et d'interprétation critique



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    Transport : le soir, quand j'arrive gare de Lyon à 21h40 (ce qui est tôt : le cours de grec termine à neuf heures), il n'y a plus aucun train d'affiché pour Melun (Yerres est sur la branche Melun).


    Aucun renseignement affiché. J'interroge un agent qui me répond sans hésiter : le prochain train pour Melun est à 23h07. WTF? Comment peut-il savoir cela sans annonce, sans brief? C'était prévu, c'est prévu? Aucun train pendant une heure et demie?
    Je vais dîner dans une brasserie en face (sardines à l'huile baba au rhum).

    Dire que plutôt je m'étais réjouie de découvrir les portes sur le quai de la ligne 4 à Saint Sulpice (dans la série «immortalisons les changements pour se souvenir du moment où cela a changé»).

    Les attestants

    J'arrive un peu en avance en cours d'allemand. Nous attendons dans le couloir. Cela fait trois ou quatre ans que nous suivons les mêmes cours, nous nous connaissons mal (jamais le temps de discuter) mais nous avons échangé de nombreux sourires (nous avons tant de bonne volonté à échanger pour nous excuser de nous être étripés il y a cinq cents ans). Je ne sais pas très bien ce qu'ils font, ce sont sans doute des retraités, l'un d'entre eux recommence l'hébreu.

    J'en profite pour essayer d'étoffer ma bibliographie œcuménique :
    — J'essaie de comprendre comment les protestants et les catholiques arrivent à des conclusions aussi différentes sur la famille à partir des mêmes textes. Vous auriez des livres à me conseiller sur le sujet?
    — Tu veux dire sur la PMA1?
    — Pas seulement : sur le mariage, le divorce, la contraception…
    Ils se regardent, étonnés:
    — La contraception… ça n'a jamais été un sujet… On est bien content que l'esclavage ait disparu… (Larges sourires.)
    — Et le mariage homosexuel?
    Ils se regardent:
    — La bénédiction a été autorisée par le synode de Sète… mais certaines paroisses refusent la bénédiction des couples homosexuels… On les appelle les attestants. La paroisse du Marais est attestante.
    (Je suis partagée entre surprise et envie de rire: pas de bol.)


    Un lien pour ceux qui voudraient des références théologiques (attention, la bibliographie de fin de page mélange catholiques et protestants).



    Note
    1: Note pour les lecteurs dans cinq ou dix ans (y compris moi-même) : c'est le sujet brûlant du jour.

    Junk food

    K. a un problème très particulier : sa bru (future bru, pseudo-bru) n'accepte de manger que de la junk food, de la vraie, la moins diététique possible. Il ne sait pas où les inviter, elle et son fils, pour un dîner. (Je rappelle qu'il habite Boston et ne voit pas souvent ses enfants.)

    — Tout de même, à Paris, dans n'importe quel restaurant ou presque, tu as des hamburgers à la carte. Au Carpe Diem, par exemple. Et toi tu pourras en profiter pour manger autre chose.
    — Malheureuse! Ce n'est pas assez trash, ça rique d'être trop bon. Elle s'est déjà mise à pleurer à Boston dans un fast-food inconnu.
    — Mais c'est quoi son problème? Elle a peur de quoi?
    — Je ne sais pas. De ne pas savoir ce qu'il y a dedans, de manger sans le savoir quelque chose qu'elle n'aime pas…

    J'ai intérieurement froncé les sourcils d'incompréhension: si en le mangeant, elle ne trouve pas que c'est mauvais, c'est qu'elle trouve ça bon (elle ne trouve pas ça pas bon), donc où est le problème?
    Aurait-elle peur de se mettre à aimer des aliments qu'elle a décrété de ne pas aimer à priori, sans les avoir goûtés?

    Interrogations transatlantiques

    K., installé à Boston depuis quatre ans, passe le week-end à la maison avant de regagner lundi un hôtel à la Défense pour une semaine de travail.

    Je l'interroge sur Trump, parce qu'à ne fréquenter que des gens anti-Trump, je manque de la vision de ses partisans: à son avis, Trump sera-t-il réélu? (Peut-être plus maintenant avec la menace d'une procédure d'impeachment en cours. Mais il y a une semaine ou deux, oui, c'était probable.) Mais pourquoi? Les Américains sont-ils satisfaits de son bilan? Ses collègues de travail ne sont-ils pas inquiets quand ils envoient leurs enfants à l'école? (Bah tu penses toujours que ça tombera sur quelqu'un d'autre. C'est comme des supporters d'une équipe de foot: tu choisis la tienne puis tu la défends mordicus, même si elle marque avec la main. Il n'y a aucune dimension éthique dans cela.)

    Cela me satisfait peu. Lui m'interrogne sur les paysans: «Je ne comprends pas: à suivre les infos de loin, j'entends parler d'agriculture bashing. C'est vrai?» (Oui, c'est vrai. Entre les végétariens et les anti-glyphosates, tu as toute une frange de la population qui veut imposer ses vues sans avoir d'idées très précises sur les contraintes que cela suppose de nourrir soixante-dix millions de personnes. Tel que c'est parti, la France va se retrouver sans paysan, à importer des produits agricoles alors qu'elle a une des terres les plus riches d'Europe.)

    Il me regarde, incrédule. Demain au marché j'achèterai pour lui des fraises et des haricots verts à Philippe, le maraîcher qui part bientôt à la retraite et qui ne trouve pas de repreneur.
    — Il y a des marchés dans le Massachussets?
    — Pas vraiment. Ils n'ont pas de vitrines réfrigérées. Le boucher se promène avec des glacières et une ardoises. Quand tu demandes quelque chose, il te sort le morceau de viande emballé sous vide. Moi, je n'arrive pas à acheter si je ne vois pas. Et les légumes… Les bénéfices du circuit court, ils ne connaissent pas. Tout est dix fois plus cher qu'en grand magasin, sans être franchement meilleur.

    Dragons

    Lundi, mardi, mercredi, O. va à la fac pour huit heures et demie et je l'accompagne, soit pour le boulot, soit pour la salle de sport. Le jeudi je suis la seule à avoir une obligation, donc je traîne. Ce matin, j'ai eu le temps de trouver ce combo sur FB:



    Ce qui me plaît ici, ce sont les sous-entendus : ce que l'observateur est censé connaître pour apprécier le gag.

    (A vrai dire je n'ai reconnu que Game of Throne et bien sûr l'âne de Shreck. O. m'a donné les sources des deux autres images: la première, c'est un jeu d'arcades où l'on tue des dragons, le deuxième est un film (Dragons en français, mais How to trained a Dragon? en anglais) «dont j'aime beaucoup la musique», me dit O.

    Tu sais que tu as des origines paysannes

    …quand tu demandes à tes parents de te ramener «un peu de graines de tournesol pour les oiseaux» et que tu reçois un sac de 50kg (les chaussures sont là pour l'échelle) venu directement de l'exploitation agricole des voisins de ta tante.





    Par ailleurs la fillette présente à la maison s'est exclamé lorsque j'ai ouvert la porte du grenier, si plein qu'on ne peut franchir le seuil (ce que je voulais lui montrer): «Oh, la chance!»

    Ça m'a remonté le moral concernant cette pièce.

    Arago

    A l'angle de la rue du Faubourg Saint-Jacques et du boulevard Arago, devant l'institut protestant, se dresse un socle vide. Ou plutôt, se dressait, car maintenant il y a ça :




    J'ai cru à une blague de potache (plutôt musclé le potache, car même si c'est en plastique (ce qui n'est pas certain) il a fallu monter la statue et la fixer) lassé d'attendre que revienne la statue partie en réfection.
    Mes camarades de l'ICP me détrompent: «Le piédestal était vide, il n'y a jamais eu de statue. Enfin si, mais elle a été fondue pendant la guerre. Nous ne savons pas qui a mis cette statue rouge, elle est apparue un jour».

    Une recherche Google plus tard j'ai trouvé: il s'agit d'une œuvre de James Colomina pour sensibliser à l'urgence climatique.

    Quand ça veut pas, ça veut pas

    Quatre ce matin sous la pluie : trempés comme des soupes. Mais le meilleur bateau depuis longtemps.

    L'après-midi en glandant (surfant) sur FB, je tombe sur l'info : la Coupe des Dames est annulée. La Maine est trop basse et une bactérie a amené le préfet à interdire la navigation.

    Je suis dépitée. Je me suis tout de même entraînée tout l'été pour améliorer mes performances et faire partie de l'équipage.
    H. tente de me remonter le moral:
    — Vous ne pouvez pas faire une autre course?
    — Il y avait bien Rouen une semaine avant… On avait laissé tomber, c'était trop compliqué d'emmener les bateaux d'un endroit à l'autre à une semaine d'intervalle.
    — Alors c'est peut-être l'occasion ?
    — Tu sais maintenant, Rouen… ce n'est pas vraiment le moment.
    Il me regarde un moment sans comprendre, puis nous nous mettons à rire.









    Note pour les temps futurs: à Rouen, incendie dans une usine chimique classée Sévéso dans la nuit du 25 au 26 septembre.

    Catéchisme

    Cette année, je n'ai pas été recontactée par la responsable de l'année dernière. Il faut dire que le courant passait mal entre nous. N'empêche, je suis un peu vexée, un peu déçue, un peu inquiète: est-ce que j'ai mal enseigné? Est-ce que les enfants étaient mécontents? Ou les parents? Ou n'est-ce que la responsable qui ne voulait plus de moi dans son équipe?

    Dans le fond ça m'arrange, les enfants me font peur et je ne savais pas comment j'étais censée m'y prendre. Mais malgré tout, mi-vexée, mi-inquiète.

    En juin, la responsable du bulletin de la paroisse avait demandé aux catéchistes leur témoignage. Voici ce que je lui avais donné (en sachant qu'elle couperait largement: je voulais lui laisser le choix des thèmes abordés, qu'elle puisse caviarder à l'aise en fonction de ce qu'auraient écrit les autres).
    Pourquoi avoir accepté de « faire » du catéchisme? La réponse ressemble à une boutade: parce qu’on me l’a demandé. Cependant, n’est-ce pas tout ce que demande l’Évangile, à plusieurs reprises et sous des formes variées : répondre «oui» à un appel, même si l’on ne se sent ni très à la hauteur, ni très armé? (Mais comment je vais faire? Est-ce que je vais savoir faire?)
    Par ailleurs, je suis convaincue de l’importance du catéchisme. Tout commence au catéchisme. C’est le premier lieu de la transmission. C’est le lieu qu’il faut tenir. C’est une question que je pose aux enfants quand je les vois me regarder lors de notre première rencontre, déconfits de s’être levés un dimanche pour une heure de quelque chose qui ressemble beaucoup à de l’école:
    — A votre avis, pourquoi êtes-vous là? Pourquoi vos parents vous ont-ils inscrit au catéchisme?
    — Pour qu’on connaisse Dieu et qu’on apprenne à l’aimer?
    — Oui, bien sûr. Pour connaître et aimer Dieu. Mais pourquoi il est important que vous soyez ici, pourquoi vous, vous êtes importants? (Ils se regardent d’un air sceptique: eux sont importants?)
    — Parce que vous êtes les suivants. Vous avez déjà fait de la course de relais ? Vous vous rappelez le nom du bâton, ça s’appelle un témoin. Vous êtes là pour qu’on vous passe le témoin. Les chrétiens ont besoin de vous, l’Église a besoin de vous pour qu’on continue à raconter l’histoire de Jésus et à croire en sa promesse. Vous êtes les suivants. Sans vous ça s’arrête.
    (Entre nous, je ne sais pas si je les ai vraiment convaincus. Mais un ou deux deviennent attentifs. Et moi j’en suis convaincue : sans eux ça s’arrête. «Vous êtes la lumière du monde»: ils sont la lumière du monde et ils ne le savent pas. Nous devons tout faire pour faire naître et entretenir cette lumière.)

    Qu’est-ce que cela m’apporte? Là encore je vais répondre par une boutade : beaucoup de panique. J’ai le bagage théorique nécessaire, mais je n’en ai aucun en pédagogie et je panique la veille, le matin: qu’est-ce que je vais raconter aux enfants? Et comment? Je n’ai pas d’aptitude en coloriage ou en découpage ou en chansons. Alors je révise les textes, j’essaie de trouver un axe intéressant, quelque chose à leur montrer, une carte de Méditerranée, une bible en hébreu... J’explique le contexte, la géographie, le vocabulaire («qu’est-ce que c’est, un scribe? Vous avez déjà vu du lin?») J’essaie de montrer combien les émotions et réactions des hommes et des foules d’hier et d’aujourd’hui se ressemblent, les peureux, les courageux, les enthousiastes, les indécis. J’attache beaucoup d’importance à ce qu’ils aient bien compris les textes. Ce que je préfère, c’est le dialogue avec les enfants, leurs questions et leurs réponses. Ils sont terriblement sérieux (je leur ai posé la question: à la place du père, eux n’auraient jamais donné l’héritage à l’enfant prodigue), mais aussi provocateurs: «la résurrection, c’est comme Mario Kart, on a plusieurs vies. — Sauf que dans Mario tu n’as que trois vies, alors qu’avec Jésus, c’est pour toujours»).

    Cette année, j’ai eu le souffle coupé par la question d’un futur communiant, alors que je venais de raconter Jésus visitant les apôtres barricadés dans une maison après la crucifixion: «mais Madame, est-ce que tout ça c’est vrai?» Souffle coupé qu’il ait attendu si longtemps pour la poser, mais aussi qu’il ose la poser. Je m’applique toujours à répondre avec le plus d’exactitude possible. Pour moi il est fondamental que ma réponse corresponde à ce que les enfants voient et vivent au quotidien, qu’il n’y ait pas de divergence entre le discours de l’Église et leur expérience du quotidien: «Pour moi c’est vrai. Pour toutes les personnes que tu vois à l’Église, c’est vrai. Les évangélistes ont raconté la vie de Jésus, puis Paul et les premiers Chrétiens, et c’est venu jusqu’à nous. Nous attendons le retour de Jésus et nous croyons à la vie éternelle. Mais tout le monde n’y croit pas. Il y a des gens qui ne le croient pas.»
    C’est ce que j’aime avec les enfants : d’une certaine manière c’est avec eux qu’il est plus facile de parler sur le fond, de parler de ce qui compte vraiment. Car à quel moment dans nos vies parlons-nous de notre foi, et avec qui ?
    J'ai écrit cela, une partie a été publiée dans le bulletin paroissial en juillet, et en septembre je suis débarquée: pas de doute, je suis vexée, même si soulagée!

    Fièvre

    Aller en RER (bus, RER D, RER A).

    Beau huit à midi, intéressant. Deux nouvelles rameuses, deux Marie, brune et blonde. La blonde râle et conteste. Nous avons des problèmes de cox (le micro qui permet de parler dans le bateau en étant entendu de toutes). Ça coûte une fortune à remplacer.
    Beaucoup de vent.

    J'ai innové à midi: avant de partir ramer, je suis passée au self pour prendre des lentilles et deux œufs durs. J'ai englouti les lentilles et enveloppé les œufs au fond de mon sac.
    Je les ai mangés de retour au bureau.
    Je ne sais pas s'ils sont responsables, mais la faiblesse m'a gagnée. Le soir 38°3. Intoxication?

    Rentrée en voiture. Une dizaine de chefs scouts à la maison. Je suis allée dormir à part, au cas où cela soit contagieux (ça ressemble à une grippe intestinale, mais je n'y crois pas).

    Le piège à singe

    — Mais qu'est-ce que tu t'es fait ?
    — Je suis tombée, et comme j'avais les mains prises, je ne me suis pas protégée et le menton a porté.
    — Tu sais que c'est comme ça qu'on attrappe les singes ? On attache une noix de coco à un arbre, on fait un trou juste de la taille d'une main de chimpanzé, on place une friandise au fond: le singe la saisit et quand on se rapproche de lui, le singe n'a pas le réflexe d'ouvrir la main pour s'échapper, il reste prisonnier de son réflexe de serrer le poing sur sa prise.

    Gnon

    Je suis tombée ce matin. Je suis tombée en descendant d'une chaise: j'ai mis le pied sur un oreiller (non le lit n'était pas fait), la plume a glissé sous mon poids et je suis tombée de tout mon long. J'avais les bras chargés, je ne me suis pas protégée, le menton, à gauche, a porté avec un bruit sec contre le plancher. (Rien aux cervicales, ouf, pensée pour Jean.)

    Un bleu très noir dépare la pointe gauche de mon menton. Femme battue, trace de charbon (dit le scout), trace de cambouis (dit la rameuse).

    J'étais à la recherche de mon carnet de santé: rendez-vous chez le médecin pour me faire vacciner contre la rougeole, après une remarque de ma mère: «mais au fait, tu n'as jamais eu la rougeole. Tu es vaccinée?»
    Or nous allons à Val Thorens à Noël, il y a eu une épidémie de rougeole là-bas l'année dernière.

    Le médecin a ri : « Votre mère ? J'adore ! »
    Il a feuilleté le carnet: «Mais si, vous avez été vaccinée en 1973, par le Ronvax. Une seule injection, on va en refaire une par précaution.»
    Il a déchiffré le cachet du médecin vaccinateur : docteur Ponnou-Delaffon Louis de la faculté de Montpellier, Inezgane - Prévention rurale.

    RC

    J'avais reçu la semaine dernière un mail de l'avocat de RC. Il cherchait à me contacter. Je l'ai eu ce matin au téléphone. RC veut porter plainte contre Lesquen qui l'a accusé de pédophilie («souiller les petits garçons») et l'avocat me demandait si, en tant que lectrice et connaisseuse de l'œuvre, j'acceptais de témoigner en faveur de RC.
    Tout en imaginant la posture de RC souhaitant laver son honneur façon XVIIIe siècle, j'ai fait remarquer que le mieux était de laisser courir.
    Cependant, si c'était utile, j'acceptais bien sûr de témoigner.

    La loi de Brandolini

    J'ai désactivé mon compte FB perso parce que FB a désactivé d'autorité un second compte que j'avais créé dans un but plus formel. Il paraît que je dois prouver mon identité... Cela fait au moins vingt ou trente mails que j'envoie avec les justificatifs demandés, rien ne bouge.
    Ce sera donc tout ou rien (comme je fais partie des utilisateurs bienveillants vis-à-vis de la pub, il est possible que cela les ennuie un peu. Au pire ça me fera des vacances. Si cela se prolonge, je risque de prendre l'habitude de m'en passer et de détruire le compte. On verra bien.)

    J'ai donc soudain beaucoup de temps (le problème de FB, c'est qu'on flâne. C'est un art de la flânerie poussé à l'extrême. On clique, on reclique, paresseusement, on rit, on prend des coups de sang, on fait des associations d'idées, on va chercher des choses dans les coins…). Et donc en ouvrant Twitter, je tombe, via Tristan Kamin, sur la loi de Brandolini (article de Laurent Vercueil):
    "La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter du baratin est beaucoup plus importante que celle qui a permis de le créer";

    avec la précision suivante :
    la somme énergétique (E) nécessaire au dégonflage est fonction du caractère alarmiste de la prétendue information (A), du crédit attribué à celui qui la diffuse (C), et, not the least, du caractère "occulté", "secret", que le dévoilement courageux a permis de rendre visible (S). La quantité d'énergie nécessaire à la production de cette information (e) est généralement suffisamment nulle pour pouvoir être négligée (e tend vers 0). E sera d'autant plus important (E tend vers KOLOSSAL), que A, C et S sont significatifs.
    Baratin pour pipeau ou pipo, pour fake news ou bullshit.
    Cela me rappelle le jour où j'ai entendu Happy Potter («Mais qu'est-ce que tu veux dire?») à la place d'«un pipoteur»… (Nous étions à New York, d'où l'oreille déformée vers l'anglais).

    Article de décembre 2016, après l'élection de Trump.

    Quand la planification coïncide avec l'urgence

    L'année dernière nous n'avons pas curé notre canalisation. J'avais donc mis l'opération à l'ordre du jour de ce week-end, parce que des gargouillis dans la baignoire lors d'un orage récent m'avait inquiétée, parce qu'il vaut mieux le faire pendant qu'il fait encore chaud et pendant qu'O. est encore là.

    Je n'ai pas eu à utiliser ma persuasion.
    Comme j'avais fait le marché et la cuisine (une fois n'est pas coutume), la vaisselle revenait aux garçons. H. lave à grande eau, c'est agaçant pour O. et moi qui sommes économes, mais il est inutile de protester. Soudain O. fait remarquer: «Tu as renversé de l'eau partout».

    En fait non. C'était l'évacuation de l'évier qui refoulait dans l'évacuation du lave-vaisselle et débordait sur le plancher de la cuisine. J'avais été justement alertée par l'orage l'autre jour, la canalisation principale était belle et bien bouchée (ou quasi). Les plombs ont sauté, il a fallu explorer la chaufferie, découvrir des fils électriques noyés dans des plinthes en bois trempées du fait d'un tuyau en piteux état (mais lui attendra, si la canalisation est débouchée il devrait tenir encore un peu, d'après ce que j'ai compris).
    Et donc après-midi à déplacer les planches mouillées (provenant d'étagères démontées depuis les travaux) de la chaufferie à la terrasse, à acheter un adapteur pour le kärcher (car le nôtre est trop vieux, il a fallu se rabattre sur une marque concurrente (je note tout cela pour la patience de noter et pour la méticulosité que demande chaque action non routinière: rien n'est jamais simple, il y a toujours une anomalie (d'où l'extraordinaire du récit de Mathieu Lindon dans Ce qu'aimer veut dire quand il part chercher un bouchon pour le lave-linge: tout se passe bien du premier coup))) puis à monter la buse, à curer les canalisations, puis à reranger les planches en les isolant du sol.

    Pendant ce temps j'ai fait une tarte aux figues.

    Aviron et syndic de copro

    Huit ce matin, le premier de la saison. Il est cahotant mais cela fait plaisir: nous avons réussi à le sortir sans les trois rameuses qui font désormais partie des "Masters"1, sans les deux qui sont jeune maman ou future maman. Nous avons réussi à nous mobiliser, c'est tout ce qui compte. Ensuite reviendront la concentration et le travail technique.

    Test d'ergo à venir samedi 14. Je confie dans le vestiaire mon désarroi de ne pas faire de progrès malgré mes entraînements à l'ergo tout l'été:
    — Rien à faire, pas de muscle, que du gras.
    — Tu veux dire que tu es persillée !

    Réunion de tous les rameurs de compétition de loisirs (joliment nommé "collectif régate"). Idéalement deux ou trois d'entre nous devraient passer le permis remorque. Je me laisserais bien tenter. On verra.

    En début d'après-midi, H. me fait suivre un mail. Je m'aperçois que nous n'avons pas réglé les charges de copropriété de Tours depuis un an. Nous n'avons rien compris, rien suivi, confondu les obligations de notre locataire avec les nôtres de propriétaire. Je passe l'après-midi à télécharger des documents sur le site du syndic (très bien fait) et à reconstituer les sommes de part et d'autres (l'enjeu, c'est de pouvoir remplir rapidement en mai prochain une déclaration fiscale exacte et de bonne foi).




    Note
    1 : niveau championnat de France et donc suivant un entraînement spécifique.

    Réaliser un rêve

    Depuis longtemps, O. a un rêve : partir au ski en famille. Tant que les enfants étaient petits, nous n'en avions pas les moyens et je n'en avais pas envie: j'ai un souvenir des séjours en ski (la dernière fois que j'ai skié, c'est l'année de mon bac) comme enthousiasmant (l'air de la montagne?) et épuisant (six heures sur des skis). Je n'avais pas envie de m'occuper de jeunes enfants le soir, mais de profiter de ma fatigue.

    Cette année, après le trip en Europe (2017) et les 50 ans de mariage de mes parents (2018), c'était donc l'année du voyage au ski en famille (un projet par an, c'est tout ce que je supporte en charge mentale: comme il n'y a que moi que cela intéresse, je gère seule).

    La première condition était que tous soient en vacances et disponibles aux mêmes dates: cela a requis six à neuf mois de préavis, tout en attendant septembre pour connaître les dates de vacances de la fac, potentiellement différentes de celles des vacances scolaires.
    Et donc voilà, le moment est venu, je viens de réserver à Val Thorens. J'ai choisi la station la plus haute de France, pour être sûre d'avoir de la neige. J'ai pris un bel appartement selon la règle de H.: «pas question que les vacances soient moins confortables que la vie à la maison».

    Le huit part en sucette

    Les entraînements ne reprennent pas. Depuis que trois rameuses se sont détachées du lot en avril dernier (pendant mon arrêt maladie) pour préparer les championnat de France en double et en quatre, les entraînements n'ont jamais repris sérieusement. Entre celles qui rament en couple pour ménager leur conjoint et celles qui rament en couple pour se trouver un conjoint, il ne reste plus personne pour sortir en huit.

    Ce soir ça m'a vraiment déprimée. J'ai renoncé à sortir en skiff, je me suis mise sur un ergo, j'ai arrêté au bout de dix minutes avec une envie de pleurer. (Mais qu'est-ce qui m'arrive? c'est quoi, ces déprimes express?)

    Si ça ne décolle pas, je changerai de club. Je veux faire du huit, un huit de filles, courir la coupe des dames.

    Statistiques

    — Bravo, c'est ton premier prix !
    Moi, immodeste — C'est aussi la première fois que je participais à un concours.
    — Ça te fait cent pour cent de réussite. Et si tu participes deux fois et que tu gagnes deux fois, ça te fera deux cents pour cent!

    Le prix

    J'apprends par un mail (j'avais oublié que les résultats étaient publiés aujourd'hui à l'heure de l'apéro) que j'ai gagné le prix Jacques Theillaud.

    J'en suis très émue. J'aimais beaucoup Jacques. Ma motivation essentielle pour participer à ce prix était d'aller prendre un pot avec ses potes, car j'avais été désarçonnée et attristée de ne pas avoir vu passer l'annonce du dîner entre amis qui avait eu lieu au moment de sa mort. (Quelle date? Le lundi suivant je crois; il me semble que je n'aurais pas été libre quoi qu'il en soit; mais n'empêche, j'avais été triste d'avoir loupé ça par ignorance, sans avoir eu la possibilité de choisir ou pas d'y aller).
    Donc je serai (je devrais être) lundi 16 au café Odette et Aimé, 46, rue de Maubeuge.





    NB: j'ai écrit mon texte en ayant en tête les Soucis du ciel de Claude Roy.

    Avis écologique contre intuitif

    — Il faut arrêter de prendre l'avion. D'un point de vue pollution, il vaudrait mieux aller à New York en fusée : l'hydrogène, ça brûle en rejetant de l'eau.







    (Conversation suite à ce tweet).

    Jaune

    Ce matin, pour une raison incompréhensible, il y avait cette fleur dans la pelouse. Plantsnap l'a identifié comme une fleur de topinambour.



    Je n'aurais pas imaginé une fleur aussi jolie pour un légume aussi laid.

    Bbq

    Ruth and Chip, Kara et Bryan, C. et Cam étaient là ce soir. Barbecue jusque tard dans la nuit. Une super soirée.

    Une rencontre difficile

    Dans le but de leur faire découvrir un bistro typique, nous avions donné rendez-vous à nos amis américains au Temps des cerises à sept heures et demie.

    Nous n'avions pas anticipé deux éléments: qu'il y avait deux restaurants nommés le Temps des cerises (le second dans le Marais) et que mes amis de plus de 72 ans n'utilisaient pas d'application de type Citymapper. Ils sont donc partis dans la mauvaise direction.
    Lorsque j'ai essayé de leur donner des indications au téléphone, (RER A pour gare de Lyon puis ligne 6), ils se sont retrouvés à l'Etoile.

    Je leur ai alors demandé de revenir gare de Lyon et nous sommes allés les chercher en voiture.
    Nous avions perdu une à deux heures et nous commencions à être tous bien fatigués (eux le jet-lag). Conversation à bâtons rompus, mix du plaisir de se revoir (Chip renouant avec le confit de canard malgré la chaleur) et de la lassitude de ne pas s'entendre/se comprendre dans le bruit ambiant.
    Nous avons organisé les journées suivantes puis nous les avons ramenés à l'hôtel.

    Cruauté

    J'ai fini Le nazi et le barbier. Je ne sais pas trop qu'en penser. Il faudrait que je trouve le temps et le courage d'écrire quelques mots sur VS.

    Scié le tronc du rosier grimpant (quatre centimètres de diamètre) mort depuis deux ans (c'est un tel crève-cœur) puis continué à ôter le bois mort des autres rosiers en écoutant la suite de Céleste Albaret. Cela ne sert à rien concernant la lecture de Proust, mais c'est plaisant, curieux. Elle est drôle dans sa défense de Proust et dans sa description du tyran. Il a vraiment eu de la chance de trouver ainsi quelqu'un qui a pu sans difficulté apparente s'adapter à une vie nocture et inverser le cycle circadien. On dirait presque qu'elle devient un membre de Proust, une main ou deux jambes supplémentaires.

    *****

    Dans la série souvenirs de famille:
    Je téléphone à ma tante, lui parle des Américains qui viennent, du ménage à faire. Nous plaisantons, elle me raconte un collègue à elle qui était allé chercher un chiffon et du lave-vitre et l'avait tendu à un invité qui se moquait de ses vitres: «tiens, vas-y, ne te gêne pas.».

    Evoquant les personnes maniaques à l'intérieur impeccablement tenu, elle continue:
    «Mais ça vaut pas la tante Germaine. Jamais sa belle-fille n'a dormi chez elle, parce qu'ils avaient un chien et que Germaine avait peur des poils. Je me souviens, elle se plaignait toujours qu'on n'allait pas la voir. Alors un jour la maman nous a emmenées toutes les trois. C'était toute une affaire, j'avais peut-être huit ans, Maryse sept et ta mère trois ans. Et puis ensuite, à l'arrêt du bus, il fallait encore marcher, et c'était loin, avec ta mère et ses petites jambes. Eh bien, quand on est arrivé, Germaine était en train de faire le ménage: jamais elle nous a laissé entrer. Il a fallu qu'on fasse demi-tour! Après, il paraît que ta mère, elle a dormi trois jours!» (Elle rit.)

    Borgen

    Jeudi férié, vendredi RTT obligatoire (il y en a deux par an, des ponts choisis par la direction), samedi, dimanche: je regarde les trois saisons de Borgen1 sur Arte, une série danoise qui montre une femme accéder au pouvoir au Danemark. Alliances improbables, compromis chers payés, coups bas et problèmes personnels, le mélange est plutôt équilibré et intéressant dans le genre réaliste (on est à mille lieues de la politique fiction à la Designated Survivor où une catastrophe succède à un attentat sans reprendre soufle).

    Dans le même temps je classe les photos sur mon ordinateur. Le but est d'éliminer les doublons et de nommer les photos avec des mots intuitifs puisque je les recherche toujours à partir de leur nom.
    Les années "Cruchons" ont été des années heureuses.



    Note
    1: si j'ai bien compris, borgen veut dire château, le lieu où travaille le premier ministre (pas de président, le Danemark est une royauté constitutionnelle (on ne voit jamais la reine dans la série)).

    Google régresse

    Il y a bien longtemps j'ai été formée à la recherche google et j'utilise la syntaxe de recherche avancée: un + devant un mot pour que ce mot soit obligatoirement dans les réponses ramenées par google, un - pour exclure un mot, des guillemets autour des expressions, site:tartempion.fr pour forcer la recherche dans le site tartempion.fr et filetype:pdf pour rechercher des pdf (par exemple: ou docx, xlsx, pptx, etc).

    Je suis en train de classer des photos et de les nommer selon la règle suivante: date puis mots clé (les mots que j'utiliserai le jour où je chercherai la photo). Parfois je ne connais pas la date (j'ai la date où la photo m'a été transmise et non celle où elle a été créée) et je fais des recherches dans ce blog pour dater la photo.

    C'est ainsi que j'ai découvert à mon grand effarement que la recherche avancée google ne fonctionnait plus : elle ne fonctionne que sur la première page; dès qu'on passe en seconde page, les réponses ne tiennent plus compte de la syntaxe de la question, mieux même, la syntaxe est effacée.

    Exemple de recherche avancée (dans la barre de recherche Google): +facebook +france +organigramme filetype:pdf (tentative de trouver l'organigramme de FB en France (on peut rêver. Il arrive que cela fonctionne, quand le document a été déposé par une personne inexpérimentée sur un intranet mal protégé.))
    La première page de réponses Google conserve les termes de cette recherche. On remarque cependant que puisque rien ne répond à la question, Google remonte des réponses approchantes que je qualifierais de fausses, dans la mesure où les + devant les mots signifient qu'ils devraient se trouver dans la réponse. Avant (il y a longtemps, six mois, un an? davantage?) Google ne présentait rien quand il n'avait rien. Maintenant il propose au petit bonheur la chance.
    La deuxième page transforme la recherche en [facebook france organigramme filetype pdf]. Ce n'est plus du tout la même recherche. Les réponses n'ont plus grand chose à voir avec la demande de l'utilisateur.

    En résumé, lors de recherches un peu tricky sur Google, il n'y a plus qu'une seule page de réponses respectant les termes de la recherche .

    Commentaire de H. : Normal, comment tu veux qu'il te vende de la pub en rapport avec leur contenu si tu restreins trop la recherche.

    Libérées délivrées

    C'est la semaine (notez le progrès par rapport aux trois années précédentes où c'était un mois entier) où le RER A est fermé. Cette année, c'est entre Vincennes et Auber.

    Je travaille chez moi, je ne vais que rarement au bureau, une à deux fois par semaine. Chemin classique hier, ligne 1 gare de Lyon puis RER A à la Défense; aujourd'hui départ d'Olympiade (après décapotable et croissant paresseux au café), sortie à Madeleine et marche jusqu'à Auber (ce qui m'a permis de découvrir une boutique Ekyog, la marque qui avait fermé sous notre nez à St Brieuc et que nous pensions cantonnée à la Bretagne).

    Si aujourd'hui j'y vais, c'est que doit avoir lieu la bascule de la compta hébergée sur nos postes à une compta totalement déportée, hébergée chez le fournisseur du logiciel: je ne dépendrai plus des techniciens informatiques indifférents à la mutuelle, refusant de consacrer les deux heures annuelles nécessaires à la mise à jour des versions du logiciel.
    J'étais inquiète le matin, craignant un os du type "il nous faut absolument un mot de passe administrateur", mais tout c'est bien passé: hourra, nous sommes libres et indépendantes, nous ne dépendons plus de ce bunch of dummies!!

    (Maintenant il me reste à payer la facture 2018 de refacturation interne en en déduisant le coût des informaticiens qui n'ont jamais fait leur travail. Incroyable que nous n'ayons jamais été relancées pour cette facture qui dépasse les deux cent mille euros (elle porte sur bien d'autres choses que les deux heures d'intervention informatique: je veux juste ne pas payer le montant exact afin de gêner le lettrage automatique et gripper le système).

    Sur Arte, La Fiancée du pirate puis le début de Rubber (mais qui m'en avait parlé?)

    Dîner chez Roberta. Pizza aux truffes. Il fait frais.

    Mystère postal

    Aujourd'hui je suis allée travailler au bureau, en partie pour relever le courrier et y répondre. Une grosse pile de NPAI (n'habite pas à l'adresse indiquée) m'attendait. Lenteur: lettres postées le 3 janvier, revenues à l'expéditeur le 12 août.

    Etrange : une lettre postée le 3 janvier à l'intention d'une adhérente décédée le 11 février nous revient le 12 août. Où était cette lettre entre le 3 janvier et le 11 février? Il faut bien admettre qu'elle n'a éte distribuée qu'après la mort de la vieille dame, au moins une semaine, quinze jours après, le temps que les héritiers relouent l'appartement ou la maison, fassent disparaître son nom de la boîte à lettres.
    Et ensuite? Où était-elle entre le 20 février et le 12 août? Quand les lettres ont-elles été réellement distribuées?

    Immonde

    Après la fusillade d'El Paso, Donald et Melanie Trump ont posé avec un bébé dont les parents venaient d'être assassinés par le white supremacist.



    Résumé d'Ana Navarro-Cárdenas: «Vous me dites que c'est le bébé dont le père et la mère ont été tués par un white supremacist aiguillonné par Trump, qui les a traqués parce qu'ils étaient hispaniques? Et maintenant Dorade Trump trouve adéquat de poser les pouces levés. Imbécile.»



    J'ai juste envie de vomir. Je hais cet homme, pour l'exemple de méchanceté et de bêtise impunies qu'il donne au monde entier.

    Violence, armes et jeux vidéos

    Il y a quelques jours, O. était heureux de nous apprendre qu'on parlait «enfin positivement» de l'e-sport, comprendre: des jeux vidéos. Leurs résultats sont désormais régulièrement repris par L'Equipe qui rapporte également le passage d'un commentateur phare d'une plateforme bien connue à une autre confidentielle (pour combien de dollars ?)

    Hier soir O. était tout dépité: «sur Twitter, la moitié de ma TL [time line: fil d'actualité] parle du nouveau Fortnight, l'autre de la fusillade d'El Paso et de la violence des jeux vidéos. Comme si c'était les jeux et pas les armes qui étaient responsables.»



    *****

    A conserver : un article qui rappelle (qui m'apprend) que la NRA était pour le contrôle des armes quand c'était les Black Panthers qui s'armaient.
    Fun fact : depuis que Trump est au pouvoir, les ventes d'armes ont baissé de 20% : comme la population ne craint pas de se voir priver d'acheter des armes, elle ne se précipite pas dans les armureries.

    Projets de jardin

    Six heures du matin. Il fait frais. Je n'ai pas écrit ici depuis deux mois, depuis la fin de mon arrêt maladie (et pas beaucoup la dernière semaine de celui-ci, si je me souviens bien). Je vais tenter de combler les vides.
    Il fait frais, il fait gris comme toute aube. Je devrais sortir pour arroser. Il y a beaucoup de travail au jardin: les roses à couper, les arbustes morts à évacuer. Même les framboisiers et le romarin ont des branches sèches.

    Notre if malade sera coupé à l'automne. Je ne pense pas le remplacer (à moins d’un sorbier des oiseaux?) mais plutôt tenter une pergola sur la terrasse, ce qui ne sera possible qu'après avoir repeint la façade. Glycine ou bignone? Pas de jasmin ou de chèvrefeuille hélas, trop de risque d’allergie au parfum.
    Comme il faut le temps que les plantes poussent, il faudra absolument s’occuper de la façade au printemps, pour ne pas perdre un an.

    Je voudrais aussi planter des plantes pour insectes et oiseaux. Je mets le lien ici, pour mémoire.
    Dix plantes recommandées: tournesol (helianthus sp.), digitale (digitalis sp.), thym (thymus sp.), lavande (lavendula sp.), chèvrefeuille (lonicera sp.), sorbier des oiseleurs (sorbus aucuparia), sédum remarquable (sedum spectabile), buisson ardent (pyracantha sp.), vinette (berberis sp.), salicaire commune (lythrum salicaria).

    Il faudrait aussi que j’écrive les dernières cartes «de Bretagne» (après tout, cela ne fait guère qu’une semaine que nous sommes rentrés...) Il faut, il faut, il faut. Je n’aime pas ce verbe.

    Conversations diverses

    — Ce qui m'a un peu déçue, c'est qu'AC ne m'a pas demandé l'adresse de "mon" site quand je lui ai dit que j'en avais monté un de A à Z.
    — C'est qu'elle s'en fiche.
    — Je sais. C'est bizarre. Moi ça m'aurait intéressée si elle m'avait dit ça.
    — Les gens s'en fichent en général.
    — Je sais. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi elle a beaucoup d'amis alors qu'elle s'en fiche, et que moi je n'en ai pas alors que je ne m'en fiche pas.
    — C'est qu'elle est charmante.
    — Et pas moi?
    — Non.

    Les gens préfèrent les gens charmants aux gens attentifs. Cela me déçoit toujours un peu, un peu pour moi, davantage pour eux: cela ne donne pas une bonne image d'eux, de préférer le paraître à l'être (ce qui me les rend indifférents, à vrai dire: comme le monde est bien fait).


    Coup de fil: «Allô, M. X? — Non, je suis sa fille. — Ah oui, je vois que votre numéro est celui de la personne à prévenir en cas d'urgence. Votre père a perdu son portefeuille dans la galerie marchande de xxx.»
    Gens charmants et attentifs.
    Cela m'a permis d'apprendre que j'étais la personne à contacter en cas d'urgence.


    — Et toi, tu veux donner tes organes ? Tu veux être débranché ?
    — Après un an sans signe d'activité cérébrale, on peut me débrancher. Mais sinon, il y a des gens qui se réveillent au bout de trente ans…
    — Certes. Mais si tu te réveilles dans trente ans, tu en auras plus de quatre-vingts…
    — C'est sûr que vu comme ça…

    (Rééducation musculaire à quatre-vingts ans après trente ans d'immobilité… je me demande si c'est même possible.)

    *****


    Fini Dark, série allemande sur Netflix. Une série nietzschéenne sur l'éternel retour (les retours perpétuels, en boucle) et l'impossibilité d'y échapper à cause de nos désirs (souhaits, rêves, aspirations) les plus profonds.
    Si noir que cela finit par en être agaçant.

    Journée en famille

    Il s'agissait de fêter avec quelques jours d'avance l'anniversaire de mon père (mais comme en janvier pour celui de ma mère, nous n'avons pas pris de photos de groupe : dommage. Il faut que j'y pense la prochaine fois).
    Ma soeur est arrivée vers midi avec sa benjamine, il ne manquait que A. et mon autre nièce. C. était présent avec "son pacs" (ma bru! les mots féminins en u prennent un e sauf bru, glu, tribu, vertu. Quel mot mystérieux appris grâce à M. Bled en CM1 ou CM2. Enfin je peux m'en servir).

    Conversation générale et bruyante (le salon fait écho, il faudrait un tapis plus épais), c'était fun. "Ma bru" a des origines polonaises, du côté des lacs de Mazurie, justement. Sa famille parle bien le français car elle a vécu… au Cameroun. C'est inattendu et me fait penser à un article de La mer dans une goutte d'eau.

    Incompréhension

    Au cours d'une conversation, j’apprends que si je n’ai pas eu de nouvelles pendant cinq jours fin avril, ce n’est pas qu’il y avait des problèmes de connexion internet, mais que comme j’ai répondu «n’envoie plus de photos» à un mail qui disait «j’ai eu beaucoup de mal à envoyer cette photo» (sous-entendu de ma part: ce n’est pas grave, facilite-toi la vie, raconte-moi sans photo), maman (vexée ou à court d’idées ou à court de temps?) n’a plus envoyé de mail.
    Cette courte anecdote est l’allégorie parfaite de cinquante ans de relations. (Je ne sais pas bien si j’ai envie de rire ou pleurer. Envie de secouer la tête, désabusée: irrattrapable).


    Suite trois jours plus tard : H. et O. me disent que ma réponse («n'envoie plus de photos») hors contexte était agressive. Cela m'a fait de la peine, mais également paniquée, car je sais que j'agresse les gens sans le vouloir.
    Je suis donc retournée voir les mails reçus et envoyés.

    Celui que ma mère m'a envoyé et qu'elle a résumé par «j'ai eu beaucoup de mal à envoyer cette photo»:
    Que t’envoyer tu tu connais déjà tout! (accompagné de quatre photos de Berlin)
    Ma réponse qu'elle a traduite par «tu m'as dit de ne plus envoyer de photos»:
    Tu n’es pas obligée d’envoyer des photos, donne des impressions de voyage : est-ce que papa a mal au dos, est-ce que vous êtes fatigués, de bonne humeur, bougons?

    Que pensez-vous de la cuisine (Olivier: « ce n’est pas que ce soit mauvais, mais ce n’est pas varié » ), du petit déjeuner, des boissons ?

    Le poisson est souvent une bonne option. J’aime bien les Currywürst, mais c’est personnel ! Il font de bonnes choses avec les lentilles.

    Bises

    Retour de Pologne

    Visite chez ou à mes parents. J’avais comme résolution d’y aller tous les mois ou tous les deux mois; j’ai mis du temps à comprendre qu’avec les entraînements d’aviron ce n’était pas possible et qu’il fallait que je pose des jours pour ce faire (d’où la tentative avortée ici).
    Bref, je n’y suis pas allée depuis leur voyage en Pologne au printemps.

    Maman me raconte les visites à la famille, je me perds un peu mais je comprends que la cousine venue en France est fâchée avec une partie des tantes et cousines et que mes parents se sont trouvés dans la situation délicate et non préméditée de l’entraîner chez des gens auxquels elle n’avait pas parlé depuis des années; brouilles à base de «il est venu chez moi et pas chez toi; il t’a salué et pas moi», tous ces milliers de signes qui interprétés défavorablement (et parfois à juste titre — mais pas toujours) font les brouilles les plus cimentées.

    Elle me montre des objets et me raconte l’origine de leur acquisition et je pense au début de Cent ans de solitude: «tu devrais écrire ces histoires et les mettre en étiquette aux objets pour que tout cela ne soit pas oublié» — mais je ne suis pas sûre qu’elle m’ait prise au sérieux alors que je l’étais.

    Elle me montre une impressionnante photo d’eux deux devant un chêne: le tronc est si large qu’il déborde de chaque côté (un mètre vingt de diamètre?), on dirait un séquoia. Elle me donne une autre version de «les Polonais coupent la forêt primaire» que j’ai rencontrée sur internet: les conifères (certains conifères) sont malades, araignées rouges, les Polonais souhaitent les couper pour stopper l'infestation mais on le leur interdit, ce qui fait que la maladie gagne. Où est la vérité? Sans doute un peu des deux, je suppose.

    Papa est remonté à bloc et prépare déjà un prochain voyage: Gdansk, les lacs de Maurice, la Lituanie, Saint-Pétesbourg («mais c’est loin». Oui certes, pour ma part je n’envisage pas ça en partant de la maison, mais de Varsovie en louant une voiture), il déborde d’idées. Dommage que nous n’ayons pas la même façon d’envisager la vie et qu’il nous soit donc impossible de voyager ensemble, car ce programme m’enchante.

    L'avenir est plein de promesses

    Trois meufs à la cafétéria de la boîte, une enceinte de six mois. Je chope la conversation au vol:
    — mais tu dois bien te rendre compte qd tu vieillis que tu diminues
    — déjà quand tu peux plus te lever de ton lit
    — moi je pense que dans quelques années on aura un kit d’euthanasie à la maison.

    Double paradoxe

    Inscription sur un tee-shirt :
    Brexiting : telling everyone that you are leaving the party, but you don't know what to do and continue to stay here.
    Theresa yelled that she was leaving, but actually she was just brexiting in the hall1.
    — Quel paradoxe, brexiting, c'est finalement le contraire de filer à l'anglaise.
    — De toute façon, les Anglais ne sont jamais entrés dans l'Europe.
    [Silence pour soupeser les implications de cette phrase]:
    — Tu veux dire qu'ils n'arrivent pas à en sortir parce qu'ils n'y sont pas entrés ?




    Note
    1 : Brexiting : dire à tout le monde que vous quittez la soirée, mais vous êtes désemparé et vous restez là.
    Teresa hurla qu'elle partait, mais en réalité elle ne fit que brexiter dans le hall.

    Urgences

    Lorsque je rentre du marché, H. est en train de m’attendre: «je crois que j’ai une nouvelle crise. Je reconnais bien la douleur».
    Colliques néphrétiques.

    Difficile d’évaluer la douleur quand c’est un autre qui la ressent, donc difficile d’évaluer la gravité de la situation.
    Est-ce que j’annule la visite à mes parents, est-ce qu’il vient avec moi? Les trépidations de la voiture pourrait aider à faire descendre le caillou, mais je ne me vois pas conduire avec H. hurlant de douleur à mes côtés (la douleur des autres me fait paniquer. L’impuissance me fait paniquer.) Je ne tiens pas non plus à partir seule et à le laisser à la maison dans cet état.
    Urgences ou pas urgences? Ce qui plaide contre, c’est qu’ils ne feront pas grand chose un dimanche — à part donner des anti-douleurs — ce qui plaide pour, c’est le risque d’infection, surtout par une telle chaleur (déshydratation par peur de boire par peur d’avoir mal).

    En fin d’après-midi H. craque: j’appelle mes parents pour décommander ma venue et nous partons aux urgences.

    Dimanche soir. Pas trop de monde. La clim est si froide que les gens s’en éloignent au maximum. Nous rentrons avec une ordonnance pour un scanner le lendemain.

    Encore une AG

    La huitième, et j'espère, l'avant-dernière. Elle fut bâclée de chez bâclée puisque personne, ni salariés (qui doivent débadger pour venir) ni retraités (qui ne viennent plus depuis que nous sommes à Nanterre), n'étaient présents.
    Je suis revenue à mon bureau avec une envie de pleurer. (Allons, secouons ce blues, il faut oublier tout cela, passons à des choses plus enthousiasmantes.)

    Vu Parasite à la Défense. Un croisement entre les Gilets Jaunes et Les Félins. Le bruit et l'odeur — sans le bruit. Des personnages attachants et une absence d'issue.
    Comme à chaque fois que je commence à me désinvestir d'un boulot, je retourne au cinéma.

    Passé chez Mariage rue des Grands Augustins (Mon but initial était Ladurée à la Madeleine mais la ligne 1 a été fermée sous mon nez: les agents étaient en train de poser un ruban de plastique sur les portillons quand je suis arrivée pour les franchir. Donc RER A puis B et Mariage.)

    A vélo jusqu'à la Butte-aux-cailles. Rues désertes, il fait réellement très chaud. Sandwich dans les locaux d'H., rentrés par Athis-Mons le long de la Seine dans le soir qui tombe. Ces deux heures décapotées, matin et soir, donnent un air de vacances à toutes mes journées.

    Mémoires d'Outre-Tombe tome 1

    Pour la première fois depuis que j'ai repris le travail, nous prenons la voiture à sept heures pour petit déjeuner à huit près de Tolbiac. Croissant et chocolat, The Dark Side of the Moon en musique d'ambiance, ce qui fait que j'écris cela en écoutant Youtube.

    RER A 8h30 environ.
    La dernière fois que j'avais vu lire ce livre, c'était un pompier surveillant les toits du Mont-Saint-Michel (septembre 2015 ?)

    Un esprit non soupçonneux

    Je fais partie du bureau de l'association sportive des entreprises du groupe. Nous avions organisé un déjeuner pour Laurent, le salarié de l'association, qui part à la retraite après quarante-huit ans dans le groupe (et la même entreprise) (comme il a un an de vacances à prendre qui génèrera trente jours de congé supplémentaires et des RTT, il partira avec quarante-neuf ans de carrière).
    Cela aurait dû être surprise — nous tous l'attendant au restaurant où l'entraînerait sa collègue sous un faux prétexte — mais il y a eu incompréhension et maladresse et plusieurs se sont retrouvés à midi à papoter dans les locaux de l'association.

    Le plus extraordinaire, c'est que Laurent n'a rien trouvé étrange: il voit arriver cinq administrateurs à peu près au même moment, dont deux de Bordeaux, et sa seule réaction est «je suis désolé, il faut que nous partions, Clara a gagné deux places au restaurant et nous allons être en retard. […] Bon allez, à bientôt, enfin peut-être pas, parce que je pars en congé à la fin du mois et je ne reviens pas…»

    Et il s'apprêtait à partir car il déteste être en retard.


    Restaurant sur le lac au bois de Boulogne. Beaucoup ri et sans doute un peu trop bu pour mon entraînement à l'ergo du soir. Fourbue.

    Barbecue

    Le premier de l'année — avec les voisins.

    Une bouteille de Côte-rôtie, ce qui est peut-être un peu riche pour boire avec des andouillettes.

    Repas de famille

    Repas sous un ciel de plomb, ce qui a un peu nui.
    Deux bébés à venir.

    L'oncle d'Hervé nous fait beaucoup rire en racontant des histoires d'enfance, des souvenirs de gniole et de bouilleurs de cru, d'ivrognes qui tenaient la bouteille au-delà de l'humain.

    La jolie cousine de 23 ans a eu la même opération du pied que moi mais s'en est remise beaucoup mieux; ou tout au moins beaucoup plus vite.

    Une cousine de H. nous a raconté ses problèmes d'oreille interne. Impressionnant. Elle vomissait sans arrêt sans qu'on sache pourquoi, elle est restée une semaine au lit, chaque fois qu'elle se levait elle vomissait. Elle se plaignait sans arrêt de son œil, elle ne voyait plus d'un œil, mais les médecins ne l'écoutaient pas. Elle a fini par avoir gain de cause, mais très tard, l'oreille interne était touchée. Il aurait fallu la faire marcher dès le départ, le seau à la main. Trop tard. Elle a dû réapprendre à marcher, son cerveau troublé par l'oreille interne avait désappris. Elle trébuche encore, il faut qu'elle regarde devant ses pieds.

    Son mari ne va pas fort non plus. Lui qui était une force de la nature souffre de diabète et a des médicaments sans doute trop fortement dosé. Cela le déprime.

    Une photo de quelques cousins (ils sont une quarantaine, les plus jeunes ont deux ou trois ans).

    cousins et conjoints


    Concert

    Dîner dans le soir qui tombe au café des Concerts à deux pas de la Philarmonie.

    — A quoi ça sert de dîner en terrasse s'il n'y a même pas de jolies demoiselles à regarder?
    — Ce n'est sans doute pas le bon concert.
    — Je vais changer de concert.




    Messe en si de Bach. Raphaël Pichon et le chœur et orchestre Pygmalion.
    Mention spéciale à Anneke Scott au cor et Julien Léonard à la viole de gambe.
    Je vais regarder la vidéo avec soin car le choeur a changé de disposition au cours du concert et je ne l'ai pas vu faire. C'est très pertubant quand on s'en rend compte.

    Vincent Lambert

    Faut-il ou non cesser d'apporter des soins à un homme dans le coma depuis dix ans?
    Son épouse dit oui, ses parents disent non; la justice consultée dit oui, puis non, etc, selon les instances consultées.
    (Que dit l'I.A. ? Il paraît que les machines font des pronostics sur les chances de réveil à partir de la concaténation des cas déjà survenus. J'aurais tendance à avoir confiance dans ce genre d'analyse.)

    Deux souvenirs.
    Je pense avoir déjà parlé du premier. Quand j'ai commencé à travailler à la GMF en 1990, j'avais un collègue qui venait d'avoir un bébé mal formé. Cela n'avait pas été détecté à l'échographie, cela n'avait pas été détecté à la naissance. Mais le bébé ne grossissait pas on avait fini par diagnostiquer qu'il n'avait pas d'œsophage ainsi qu'un cerveau atrophié.
    Comme on ne s'en était pas aperçu tout de suite et puisque le bébé ne grossissait pas, à la première hospitalisation il a été nourri par une sonde, ce qui compensait le problème de l'œsophage — dont on ne savait pas encore qu'il manquait ou était insuffisant.

    Souvenir de lecture : mon grand-père était abonné au Reader's digest. A l'américaine, cette revue aime beaucoup les récits de persévérance et réussite dans l'adversité. Je me souviens du récit de trois naufragés dans le Pacifique. La surface du radeau ne permettait d'accueillir que deux hommes, donc l'un des trois restait dans l'eau et ils se relayaient régulièrement.
    Cela a duré des jours. Je ne sais plus combien de temps mais c'était impressionnant, bien plus qu'il ne paraissait possible. Et lorsqu'on leur avait demandé comment ils avaient tenu, ils avaient répondu: «Une fois que nous avions commencé, nous ne pouvions plus abandonner. Nous ne pouvions pas laisser mourir celui qui était dans l'eau.»

    C'est toujours à cela que je pense lors de ces dilemmes. J'avais posé la question à Pascal quand il m'avait dit que le bébé était condamné: «Mais vous ne voulez pas le débrancher?» (il était possible d'en discuter car il était dévasté mais rationnel, il en parlait). Il m'avait répondu: «Comment veux-tu faire? Ce serait le laisser mourir de faim, on ne peut pas faire ça.»
    Et non, on ne pouvait pas. La famille vivait le drame, l'équipe hospitalière avait interdit à la mère de voir son bébé car cela la bouleversait et elle devait conserver des forces pour s'occuper de ses deux autres jeunes fils. Le bébé a mis huit mois à mourir.

    Je pense aux naufragés : une fois qu'on a commencé, comment arrêter? Débrancher quelqu'un qui respire artificiellement et donc cesse de respirer quasi instantanément, oui, mais condamner quelqu'un à mourir de faim ou de soif?

    Journée avachie

    Je commence à avoir passé trop de jours chez moi, il est temps que cela se termine. Limoncello et chips à la truffe.

    Lu WWII - Histoires de guerre d'Hugo Pratt, la réimpression de douze comics édités en Angleterre après la deuxième guerre. J'avais acheté ce livre à la Pinacothèque en 2011 lors de l'exposition Hugo Pratt. Cette lecture fait donc partie du projet "lire sa bibliothèque avant de mourir".

    Reçu des ballerines très souples : le pied droit entre difficilement mais j'ai ainsi une allure humaine. Je pourrai reprendre le travail sans moon boot (soulagement, fierté sauvée).

    Dans la soirée, vidé quatre ou cinq cartons de poches et réorganisé les étagères. Quelle chance réelle y a-t-il que je les lise tous? Beaucoup ne m'intéressent pas, je n'ai pas vraiment envie de les lire, je les garde par amitié, nous avons développé des liens réciproques depuis le temps que je les regarde (oui, je passe du temps à regarder mes livres comme d'autres regardent leurs fleurs, ça me détend). Et puis ils peuvent intéresser d'autres lecteurs.

    Je découvre que j'en ai en double, le tome I de L'Homme qui rit en Garnier Flammarion, Rimbaud en Folio. D'où viennent-ils?
    Quelqu'un veut-il un Malices de Plick et Plock? (en double aussi)

    Non, je me suis trompée : je donne un Idée fixe du savant Cosinus.

    Options

    Etabli un récapitulatif de différentes options : passer à 80% ou prendre un congé sans solde pour travailler en indépendant, changer d'entreprise (mais je ne crois plus beaucoup à cette option, ni à celle de trouver un autre poste dans la même boîte).

    Le problème est de s'être habituée à une certaine aisance financière.

    Pop

    Bonnie Tyler à l'Olympia. Emouvant.

    Langelot et le Présidentissime (1978)

    C'était le dernier qu'il me restait à lire.

    — C’est tout de même tout le temps la même chose, les Langelot.
    — Oui, comme Agatha Christie ou San-Antonio : trois ou quatre trames. Et tu lisais ça à dix ans, tu en as cinquante.

    Si l’on considère que Ralph König est accusé de transphobie et racisme (des grosses lèvres? Reiser et Wolinski ont disparu à temps), il faut en conclure que certains Langelot seraient impubliables aujourd’hui. Ils seraient considérés comme colonialistes ou paternalistes. D’ailleurs ils le sont sans doute (la défense des intérêts de la France en Afrique et en Outre-Mer), mais cela a-t-il davantage de sens que de juger Shakespeare ou Mozart avec des critères féministes?

    Test terminé

    Problèmes de php résolu (version de php d'ovh non compatible) et retour au rose car je n'en pouvais plus du jaune.
    Toutes les photos depuis l'origine sont rétablies (elles n'étaient plus disponibles depuis un ou deux ans et j'en mettais à jour de temps en temps.)

    Vous pouvez tester le rss.



    Test d'image :

    Déception

    Fini la saison 4 de Lucifer. Elle n’est pas du tout raccord avec les précédentes. Pas le glamour, pas la finesse, des trois premières : ont-ils perdu un scénariste? Le côté crise identitaire et acceptation de soi-même sur fond d’Amicalement vôtre a disparu, il ne reste que des grosses ficelles holywoodiennes de démon malheureux.
    Dommage.

    (Donc ne regardez pas la 4).

    Les anges

    Je viens de comprendre que si Lucifer se passe à Los Angeles, c’est que Los Angeles signifie « les anges ». Cela m’aura pris quatre jours.
    La série est juste magique. Lucifer et Caïn. C’est grand. Suis-je le gardien de mon frère? (conférence de Hans Jonas. Il est sûr que je projette beaucoup de choses dans cette série).
    Plus la série avance plus je pense au Maître et Marguerite. Le principe de la culpabilité again and again, comme le mouchoir toutes les nuits, et la compassion. Une série entièrement sur la compassion — ou la définition de l’humain: qu’est-ce qui nous définit comme humain?
    Je suis vraiment impressionnée (à cela près que Caïn est une erreur de casting: vraiment trop beefy.).

    Asile de fous. Un homme se prend pour Dieu. (Rappel: Lucifer est une série policière.)
    L’inspecteur : — On vient de trouver l’assassin de dieu.
    Lucifer, surpris : — Nietzsche ?

    Reçu les trois derniers Langelot avec les bonnes couvertures : la collection est complète !

    Dernier cours de grec

    La professeur annonce une nouvelle qui me navre et me met en colère : il est fort possible qu'il n'y ait plus de cours l'année prochaine car celui-ci est trop dérogatoire par rapport aux règles académiques: il n'est pas calé sur un semestre, il est ouvert à tous et ne fait partie d'aucun cursus, il ne donne pas lieu à une évaluation.
    Pourtant la prof a fait des efforts cette année qu'elle travaille à Genève: elle se fait simplement rembourser ses billets de train et ne réclame aucun salaire (si j'ai bien compris, cela ne vaut pas la peine avec l'imposition suisse). Est-ce que l'ICP va réellement laisser partir, ou pire inciter à partir, cette perle rare, érudite et vivante, qui organise des colloques au Collège de France avec Carlo Ossola?

    Est-ce mon dernier cours de grec? Je vais tout oublier si vite. Je ne me vois pas travailler avec quelqu'un d'autre. Déjà que je travaille si peu. Personne n'arrivera à me donner l'envie.

    Remarque : parmi les raisons inavouables de l'arrêt de ces cours par l'institution il y aurait celle-ci (dixit la prof): que les laïcs et même les sœurs n'intéressent pas vraiment la catho: ce qui l'intéresse, ce sont les frères ou les prêtres qui vont faire des thèses et être connus et reconnus ce faisant.
    J'ai pensé à Jean-Marc et à sa colère.

    Neil Gaiman

    J’ai réfléchi pendant la nuit : cette série n’est pas chrétienne, on ne parle qu’Ancien Testament (avec cependant des églises parce que c'est sans doute plus mainstream qu'une synagogue). Donc les scénaristes doivent être juifs.

    Vérification : effectivement, et le scénariste est Neil Gaiman, plutôt athée (suppose que les chances qu'il y ait un Dieu sont de 50/50), élevé dans une ambiance scientologue et juive (!!??) Je connais Gaiman à travers la bibliographie de Pratchett.
    Apparemment lui-même est un grand admirateur d’Alan Moore, qui est pour moi une référence (alors que je n’apprécie pas spécialement Pratchett (peut-être qu’il faudrait que je réessaie)). Donc il faudrait que je lise The Sandman.

    Lucifer

    Que le diable puisse éprouver de la culpabilité. Qu’il consulte un psychologue (une thérapeute : ce mot est bien meilleur, il permet de ne pas choisi entre psychiatre et psychanalyste): «vous avez un pb d’identité. Qui pensez-vous que vous êtes?» Mais comment vont-ils tenir quatre saisons avec des équilibres si fragiles entre humour, références bibliques et clin d'œil (exemple: une étiquette Prada entrevue une seconde)?
    Ce que j’aime, ce sont les dialogues, le vocabulaire, la grammaire. Jamais entendu autant de may I, shouldn’t we. Et des mots comme scintillating. C’est si plaisant.

    Reconnaissons cependant que les enquêtes policières sont simplistes et ne sont là qu'en prétexte.

    La série essaie de sauver Lucifer, tout en reprenant l’obsession cinématographique américaine: le père, l’image du père, l’ombre du père. De Star Wars au Roi lion en passant par Top Gun ou Le parrain, le cinéma américain ne parle que de ça, du père, celui auquel on veut ressembler ou celui auquel on veut échapper. Et maintenant, Lucifer.

    Vite fait

    Alice est en train de devenir alicedufromage.eu, mais ça prend un peu de temps (apparemment le https n'est pas si simple).

    Donc juste un petit mot, en particulier pour Didier qui paraît fan de Netflix :
    - Designated Survivor, qui me fait penser à Coluche parlant de Roger Gicquel : tout le malheur du monde sur ses basketts. Mais la flic est bien. Je suis frappée du nombre de séries qui impliquent que la menace n'est plus extérieure (russe ou islamique) mais domestique (l'extrême-droite).
    Sutherland est passé de «il faut protéger ma famille» à «je crois en mes compatriotes américains, unis nous allons y arriver». Au moins une fois par épisode.

    - Lucifer commencé à l'instant. Plutôt amusant, surtout dans un contexte où je lis Adolf Gesché sur le mal.

    Sur arte : Il revient quand Bertrand?. Court, français et plutôt amusant à partir d'une idée très mince.

    Quel pied !

    Vu le chirurgien. Tout va bien. Cependant il m'a fait peur : «Oui, le pied reste gonflé trois à six mois après l'opération, c'est normal.»

    Normal? Mais il ne m'avait pas prévenue! Comment vais-je aller travailler? Je ne peux enfiler aucune chaussure, d'une part parce que je ne plie pas l'avant-pied (au niveau orteils-plante de pied), d'autre part parce que le pied est trop gonflé.

    Devinette

    — Comment appelle-t-on quelqu'un qui croit que la terre est plate ?

    Un lilas centenaire

    Radio de contrôle (tout va bien).

    Lorsque nous regagnons notre voiture (la mazda, la rouge), nous sommes interpelés par un vieux monsieur qui était en train de l'admirer en refermant son portail. Toute la conversation (ou monologue) se déroulera dans le ronronnement de son Opel mi-sur le trottoir mi-sur la chaussée.

    Je l'interroge sur son lilas que j'avais remarqué en arrivant: un tronc de dix à douze centimètres de diamètre, je n'ai jamais vu ça. Il commence à en remonter la généalogie: la maison appartenait aux grands-parents de sa femme, qui avaient planté le lilas à la naissance de sa mère.
    Et il enchaîne :
    — Votre voiture me fait penser… J'avais un cousin, c'était le fils de l'homme de la publicité Banania. Il avait dans son garage une Oldsmobile et un coupé Mercedès. Son fils avait gagné un solex à la loterie, et comme il était avoué à la Croix-des-petits-Champs, il préférait le solex, c'était plus facile pour le garer. Je me rappelle, on le regardait partir par la fenêtre à Neuilly, très british avec son chapeau et son parapluie, il courait le long du solex, et hop, il montait dessus.

    Pendant ce temps le moteur de l'Opel tournait.
    Il a fini par nous laisser partir, mais un moment, je me suis demandée combien de temps nous allions rester là, depuis combien de temps il n'avait eu personne à qui raconter ses souvenirs.

    A chacun son dirty secret

    Série Netflix, Dogs of Berlin. VO en allemand (j'ai essayé le sous-titrage allemand, mais je ne tiens pas longtemps). Très violent et très noir, avec une dilection pour les gros plans sur les blessures gore (mais l'image ne dure qu'une à deux secondes).
    L'équivalent du quai des Orfèvres est très inattendu, un côté soucoupe volante graffittée.

    Entretien d'embauche :
    — Dites-moi un secret qu'on ne dit pas normalement en entretien d'embauche.
    — Je suis hôtesse pour téléphone rose. Ça me permet de travailler à domicile.

    Et je me dis que mon secret serait «j'étudie la théologie» ou «je suis (ou j'ai été) spécialiste du RC littéraire».

    L'autre blog

    Je relis Le Concept de Dieu après Auschwitz.
    Page de garde : "acheté à Levallois le 17 août 1994". Je ne sais pas quand je l'ai lu la première fois. Je me demande ce que j'y avais compris (non que ce soit difficile, mais les concepts qui me sont aujourd'hui familiers m'étaient inconnus). Je me souviens vaguement que l'essai de Catherine Chalier m'avait paru plus intéressant. Aujourd'hui j'ai l'impression d'une redite du texte de Jonas.

    ***

    Avoir cassé Alice a occasionné quelques opérations informatiques qui m'ont ouvert des horizons (une simplification dans l'indexation de Véhesse que je n'ai jamais menée à terme depuis 2010: pas le temps, trop volumineux). J'ai tourné un peu dans ce blog, mis à jour quelques billets (la catégorie "Livres" doit disparaître, "Citations RC" aussi), réouvert Vaisseaux brûlés. Toujours le même charme d'écriture, mais habité désormais par l'omniprésence du mensonge. La bathmologie était un mensonge à soi-même destinée à couvrir un dogmatisme en ciment.
    En août, cela fera dix ans que sa mère est morte.
    ***


    L'infirmier m'a dit de passer mon pied sous la douche dans deux jours pour faire partir les derniers fils.

    ***

    Ce matin nous étions en train de discuter Gilets Jaunes, du fait que la France était divisée en quatre (cf. les élections de 2017) et donc ingouvernable, mais:
    — L'a-t-elle jamais été? Quand on voit dessinait les scénarios de Goscinny dans Astérix…
    Débat : Goscinny, les années 50 ou 60? Après 68?
    — Avant 68: il a commencé dans Pilote.

    Un tour dans wikipédia, premier album en 1961, trois ou quatre ans plus tard des tirages à un million d'exemplaires, le premier satellite français nommé Astérix.

    Et soudain je me souviens.
    ***

    14215(note : un an plus tard : c'était le nombre de signes de ma dissert, finalement abandonnée).

    Séries

    L'addiction a frappé : Braquage à la suédoise et The wrong mans hier (Arte), Dead to me (Netflix) aujourd'hui.

    La première suédoise amusante, la deuxième anglaise trépidante, la troisième américaine plus réflexive, sur la culpabilité, la colère et l'amitié. Une variation continuelle autour de «chacun a ses raisons» (Renoir).
    Les scénaristes américains m'épatent continuellement: choisir une situation intenable et la faire tenir dix heures.

    Mystère

    Reçu un PV pour un excès de vitesse le 19 avril à 18h58 sur la A11 en direction du Mans à la hauteur du village de Saint Bomer.

    Il va falloir contester et demander une photo.

    Entourée




    Cette impression de voir double, toujours (et de devenir fou: «Mais… elle est dehors? Je viens de la faire rentrer! —Mais non, c'est pas la même.)

    Trois points :
    1/ Hommage aux infirmiers, infirmières, accompagnants de vie qui travaillent même aujourd'hui.
    2/ En conséquence de ma bêtise d'hier, H. a regardé mon blog de près. Il reste des traces de tout: de la séparation du blog initial en deux (parthénogenèse en 2009), de ma bêtise avec l'UTF-8 intervenue en avril 2012 (comme le temps passe), de ma transformation progressive des billets wiki en html…
    45000 logs : je me suis loguée 45000 fois ici (ou j'ai appuyé 45000 fois sur "enregistrer", je suppose). Il y a la date et l'heure de chaque fois, je pourrais mettre ces données en ligne (mais je vais plutôt les détruire).
    3/ J'ai demandé à revenir à l'ancien look, le look rose, en attendant que H. est le temps de faire mieux (je suis lassée de ce fond vert et jaune). Il n'a rien promis mais j'ai bon espoir.

    Blanc

    Version définitive (le bleu, c'était pour vous faire peur)


    2019-0430-cuisine-terminee.jpg


    Jaune blanc rouge : drapeau de l'Océtie du sud, non reconnu par l'ONU.

    Les livres et les BD reprennent leur place progressivement.


    2019-0429-bibliotheque-salon-en-cours.jpg


    Plus de peur de mal : j'ai cassé Alice, pendant deux heures je n'ai pas été sûre de pouvoir le récupérer (problème de mot de passe et de base).

    Deux gîtes de deux anciennes sages-femmes: l'une est une amie de lycée, l'autre fut ma sage-femme (idéal pour visiter Giverny).

    Sous le signe de la Suède

    H. et O. travaillent à terminer le meuble de la cuisine, qui est en réalité un meuble de salon ou bureau acheté chez Ikea (les meubles de cuisine sont trop profonds pour la place dont nous disposons).

    Donc nous avons pour l'instant un meuble bleu sur le fond circus de notre cuisine.


    2019-0427-cuisine-bleue-207e62.jpg 2019-0427-cuisine-bleue-15316c.jpg


    H. est allé chercher une étagère (planche) de plus et nous a ramené les célèbres boulettes de viandes Ikea. Vingt-cinq ans que je n'en avais pas mangées, ça n'a absolument aucun goût (plus de six cents calories la barquette de 380 grammes: que mettent-ils dedans?) Heureusement que j'avais exigé de la confiture d'airelles.

    Le soir, un épisode de Braquage à la suédoise repéré hier tandis que je cherchais le reportage sur le Brexit. Plaisant
    Et dans la foulée, un documentaire sur Stallone (le moment où je découvre d'où vient "Adrienne", qui est en fait "Adrian".)


    Sans rapport, mais curiosité : en revoyant Pour elle il y a quelques jours, j'ai découvert que l'un des thèmes musicaux est repris par Mad Max 4.

    Brexit - The clock is ticking

    Je regarde un documentaire sur Arte disponible jusqu'au 30 mai.

    Des citations à peu près, pour mémoire :
    Michel Barnier : «On ne résilie pas son abonnement téléphonique ou on ne rend pas sa carte de gym. Quitter l'Union européenne, c'est détricoter des centaines d'accords.»
    J'ai toujours pensé que cette Europe est plus forte si on est ensemble. A 21 ans, j'ai fait campagne pour l'adhésion du Royaume-Uni à l'Union européenne. Il vaut mieux être ensemble que chacun pour soi. C'est encore plus vrai aujourd'hui qu'en 72.

    Philippe Lamberts : l'idée de l'union européenne, c'est ensemble on est plus fort. Et c'est vrai qu'au sein des 27, cette conscience-là recule.

    Yánis Varoufákis : Il y a une chose à comprendre à propos des négociations avec Bruxelles, c'est qu'il n'y a pas de négociation. Pendant cinq à six mois j'ai négocié avec Bruxelles le droit de négocier. Je n'y suis pas parvenu.

    Le R-U commerce davantage avec l'Allemagne qu'avec tous les pays du Commonwealth réunis, davantage avec les Pays-Bas qu'avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Inde réunies.
    Cameron a joué à l'apprenti-sorcier. Mais il n'y a pas de maître pour rattrapper ses bêtises.

    Récit d'un Irlandais qui a vu son ami abattu par un militaire anglais. Comment les gens ne sont-ils pas prêts à tout pour éviter que cela recommence, comment peuvent-ils menacer de recommencer? A quoi bon, quel intérêt?
    Ceux qui refusent tout compromis, comme d'habitude, c'est l'extrême-droite nord-irlandaise. Ils refusent tout amènagement qui ferait de l'Irlande du Nord une terre de droit légèrement différente du reste du Royaume-Uni. Or pour des raisons commerciales, sanitaires, il n'est pas possible de laisser circuler librement les produits entre les deux Irlande: ce serait la porte ouverte à tous les produits que nous ne voulons pas (poulets chlorés américains, etc). Donc soit on crée une frontière physique (donc la guerre), soit on met en place des règles légèrement différentes sur l'île irlandaise (ce que refuse l'extrême-droite). Quadrature du cercle.

    Résumé: sans accord entre le Royaume-Uni et l'Union européenne ("Brexit no deal"), la sortie de l'UE signifie mettre en place une frontière physique entre les deux Irlande, ce qui entraîne la guerre.
    C'est d'ailleurs la seule chose qui fait reculer Barnier: il accepte des compromis pour sauver la tête de May car «si le gouvernement tombe, il n'y aura plus personne pour négocier». Et il veut à tout prix éviter la guerre en Irlande, c'est ce qui ressort non de ses paroles, mais de ses actes, des compromis qu'il accepte.

    Un accord ou la guerre.
    Lassitude à l'idée que cela reprenne. Nous avons grandi avec ça à la radio, à la télé.

    Journée

    8400. Rien fichu de la journée.

    Hier comme aujourd'hui, j'ai dormi comme une masse dans l'après-midi. Peut-être le contre-coup de l'anesthésie.

    "Mon" infirmier est en vacances, retour à l'infirmière. Son style me fait rire: petite, brune, jupe en cuir. Elle me fait penser à Maria de Medeiros dans Pulp Fiction.


    Bandé, le pied reste très présentable.

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    Principal enjeu

    8400.

    Toute la difficulté va être de ne pas prendre trois kilos en six semaines, à rester assise ou couchée toute la journée.

    Rien de passionnant

    A propos de qui RC disait-il qu'il était facile de tenir un journal quant on rencontrait tout Paris?
    En tout cas, il est certain que c'est plus compliqué quand on reste assis toute la journée dans une chambre.

    Ecrit cinq mille signes en six heures (sur cent mille à fournir) en écoutant les Nocturnes de Chopin. Cinq pour cent. C'est un début. (C'est peu, certes, mais avec toutes les notes de bas de page, le respect des normes typographiques, etc.)
    Trié la pile des t-shirts et des pyjamas. Rempli un sac de vêtements à donner en y ajoutant quelques robes.
    Passé sur l'ordinateur pro pour vérifier s'il n'y avait pas d'urgence depuis dix jours (il y en avait une que j'ai traitée tôt ce matin). Je me suis reconnectée à 18 heures pour mettre à jour la base de données de ce que je pouvais: comme elle ferme à 19 heures, j'était sûre de ne pas me laisser entraîner (mesure d'auto-contrôle).
    Lu deux Langelots que je venais de recevoir. Les trois derniers (ici Langelot et le commando perdu) ont l'air de faire référence au GIGN et à l'agitation en Nouvelle-Calédonie. Ils sont nettement plus militaire et moins espionnage. Ce soir j'en ai commandé quatre: s'ils sont conformes aux photos des annonces (il existe plusieurs couvertures pour certains et je recherche les plus anciennes illustrations), j'aurai bouclé ma collection.

    La plaie saigne dans le pansement imperméable (un grand pansement ovale de dix centimètres sur dix-sept environ, avec des bords découpés en fleur, sans doute pour coller sur des formes arrondies (Mepilex Border Flex)). Un point de suture a sauté dès le premier jour et malgré les strips, la plaie saigne. Est-ce que je me fais ça le jour ou la nuit? En marchant ou dans le lit quand le pied n'est pas tenu? Est-ce que j'ai le droit d'appuyer le pied à plat contre le matelas quand je suis allongée, est-ce que le poids du tibia est déjà trop pour la plaie qu'il écrase et rouvre? Je n'ai personne à qui poser la question. Flemme de googler, de devoir séparer le bon grain de l'ivraie parmi les réponses.

    Frankenstein

    Teasing : je vais mettre en ligne ici une photo de mon pied couturé, mais comme c'est gore, je vais attendre trois ou quatre jours, que ce billet soit un peu plus bas et que vous puissiez y échapper si ce genre de photo vous révulse.


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    (On voit bien l'endroit où un point de suture a sauté (l'infirmier a posé des strips). La plaie saigne à cet endroit, d'où mes interrogations sur la façon d'appuyer sur mon pied quand je dors.)

    Une mère has been

    O. était parti vendredi après-midi pour Poitiers avec des copains:
    — Baptiste m'a dit de prendre mon clavier, mon sac est tout rigide! (trémolo dans la voix genre je suis très malheureux)
    — Ah bon, vous allez faire de la musique?
    Regard d'incompréhension interloqué.
    — Ah non, ce clavier, excuse-moi! (clavier d'ordinateur, pour jouer aux jeux vidéo.)

    Il est rentré hier après-midi.
    — Alors c'était bien? T'as bronzé?
    — Euh non. Pourquoi bronzer?
    — T'étais pas dehors? Vous n'êtes pas allés au Futuroscope?
    — Mais non. On est allé à la LAN, un concours de Gamers, Baptiste était concurrent.
    — LAN? C'est un acronyme?
    — Euh non. Euh je ne sais pas.
    — Il s'est bien classé?
    — Ils sont arrivés en huitième de finale (de LoL, League of Legends).

    Clavier = musique, Poitiers = Futuroscope. J'ai des réflexes old fashion. Heureusement que la jeune génération me sert de mise à jour.



    -----------------------
    Nuançons : je suis quand même un peu moderne : je suis en train de lui envoyer des sms pour le faire sortir de son lit à… 12h34. (Je ne vais pas ouvrir sa porte car j'ai la flemme de mettre ma chaussure Barouk à trois velcros pour faire cinq mètres).

    Vocabulaire : pécho

    Suite du LFV (Langue française du XXIe siècle).

    Question: à votre avis, pécho, c'est le verlan de choper ou une déformation de pêcher ou de pécher?


    (Définition: drague couronnée de succès)

    Journée vide

    A ne pas pouvoir bouger, ou pas longtemps (je peux marcher sur le talon, c'est difficile de rester debout), à ne pas devoir m'assoir à un bureau (le pied doit rester en hauteur pour ne pas gonfler), les journées deviennent vite moroses.

    Réveillée et levée tôt (6h30), comme d'habitude, rendormie de 8h30 à 11h : je déconseille, ça déboussole. Passage de l'infirmer pour la piqûre quotidienne d'anticoagulant (j'avais envisagé de la faire moi-même mais j'ai reculé), repas, déclaration d'impôts (première déclaration de l'appartement acheté en loi Pinel: je suis impressionnée, l'impôt est divisé par deux). Quelques lectures mais pas grand chose (cette impression que l'Eglise catholique est davantage préoccupée d'elle-même que du message chrétien: comment écrire un mémoire dans le cadre ecclésial dans ces conditions? Je n'y arrive pas. Mais il y a aussi la peur de ne pas y arriver, et je ne sais plus ce qui sert d'excuse à l'autre).

    Divers: commandé Langelot et le commando perdu (jamais lu) et ce que j'espère être la première édition de Langelot et le plan Rubis (les couvertures changent dans les éditions suivantes).
    Tard le soir, premier épisode de la saison 7 de Homeland (S0701), en espérant que cela n'entraînera pas de dérive.
    Plus tard encore, flash: vingt-neuf ans de mariage aujourd'hui (nous ne sommes pas très doués pour ce genre de choses. Je m'interroge sur la possibilité et le désir d'organiser quelque chose l'année prochaine).

    Un monde qui m'échappe

    Interloquée par un tweet de l'UNEF: «En tant que femme transgenre racisée je suis intersectionnelle. Mais ma racisation fait de moi une personne plus privilégiée qu'une afro descente et c'est à cause du colorisme qui crée un privilège entre les personnes racisées.» Clémence Zamora-Cruz


    2019-0420-UNEF-racisee.png


    tandis que ce genre de dessin circule (dessinateur inconnu pour le moment)


    2019-0420-racise-dominant.jpg


    alimentant les insultes d'une gauche qui ne sait plus prendre de recul.


    (En fait ce ne sont pas les revendications que je rejette, c'est le vocabulaire1. Les mêmes idées exprimées de façon compréhensible remporteraient peut-être mon adhésion, ou au moins ma sympathie. Dans le cas d'espèce, il y a trop de mots dont je ne comprends pas le sens exact. Le lecteur (ou auditeur) est arrêté par le langage qui fait barrage aux faits. (Il essaie de démêler le sens des mots plutôt qu'accéder directement à la revendication.))

    La fin doit vouloir dire : «il y a une hiérarchie2 dans le racisme subi en fonction de la couleur de peau. J'ai conscience d'avoir davantage de chances qu'une Africaine à peau très noire.» ("descente": est-ce une faute de frappe pour descendante ou pour décente? (mais dans le second cas, qu'est-ce que ça veut dire?))
    Et le début : «je suis une femme latinos trangenre: je fais donc miennes les revendications des femmes, des personnes de couleur et des LGBT» (est-ce cela que veut dire «intersectionnelle3»? je n'en suis pas sûre car je ne sais pas exactement ce que désigne "sections" (pour moi une section était quelque chose de l'ordre d'une cellule du parti communiste).

    Que ceci soit considéré comme une première contribution à un LTI contemporain (LFV, Langue française du XXIe siècle ?)



    Notes :
    1 : Ce doit être une preuve de mépris de classe blanc élitiste.
    2 : On remarquera le choix de "privilège" plutôt que "hiérarchie": une tendance à s'excuser par avance, ce qui est certes sympathique, mais sans doute inutile pour un état de fait que l'on subit et dont on n'est pas responsable.
    Hiérarchie des couleurs de peau (ce que veut dire colorisme?): c'est un fait connu; par exemple la société du Brésil est connue pour hiérarchiser subtilement le métissage. En France la hiérarchie me paraît moins subtile (euphémisme) et tenir davantage à la beauté (oui, personne ne le dit, mais oui) et aux vêtements qu'à la simple couleur de peau. Evidemment, ce genre d'intuition serait à mesurer.
    3 : Je me suis renseignée: à l'intersection du racisme et de la mysoginie.

    Premier jour de convalescence

    Terminé L'Europe est-elle chrétienne? d'Olivier Roy (spoil : elle ne l'est plus).

    A la recherche de précisions sur la loi naturelle, j'ai lu les articles «Loi» dans le Dictionnaire critique de Théologie (sous-entendu : catholique) sous la direction de JY Lacoste et l'Encyclopédie du protestantisme sous la direction de Pierre Gisel et Lucie Kaennel (qui fut ma première professeur d'allemand à l'IPT). Les deux approches (les deux façons d'aborder le sujet) sont vraiment différentes, historico-exégétique pour le catholique, philosophique pour le protestant. Est-ce une erreur de compréhension d'avoir l'impression à la lecture du Lacoste qu'Augustin aurait fait un bon luthérien?

    J'ai trois semaines pour rédiger cinquante pages. Je n'ai aucune idée de la façon de m'y prendre: mon problème est le ton à adopter, le "style" (pour reprendre un mot cher à Christoph Theobald).

    Il fait magnifiquement beau. C'est un peu pénible pour les genoux et les lombaires de rester les jambes allongées.

    Retour

    Voir le chirurgien, passer à la radio, s'exercer à descendre les escaliers avec la kiné («Pliez le genou, il faut que le pied gauche dépasse le pied droit»), récupérer tous les papiers (ordonnances, bulletin de sortie, bilans sanguins) auprès des infirmières : «vous pensez que je pourrai sortir à quelle heure? — Oh, en début d'après-midi. — Mon repas est prévu? — Mais oui.»

    J'appelle H. pour lui dire de ne pas se presser, ça tombe bien il est en pleine livraison (le prototype du projet sur lequel il travaille depuis un an).

    Je range mes affaires en clopinant, je déjeune, le téléphone sonne: «je suis en panne à Belle Epine». Exaspération de la voix, trois heures de sommeil, une voiture révisée il y a quinze jours. Exploration rapide des possibilités: il s'occupe de la voiture, du dépanneur, de son propre rapatriement; je me débrouille pour rentrer de mon côté.

    Clopin-clopant jusqu'à l'ascenseur avec le gros (mais pas lourd) sac de sport, attente au secrétariat (le pied en l'air qu'ils disaient) qui m'appelle un taxi pour aller à la gare de RER (je sais que H. va m'engueuler, mais même si ce n'est pas le plus confortable, c'est tout de même le plus rationnel, le plus rapide, pour traverser diamétralement la région parisienne).

    Descente des escaliers marche à marche (je n'ose pas prendre les escalators, je ne suis pas assez rapide, peur de tomber), tourniquet, quai, voiture pour Marne-la-Vallée. Changement à Nanterre Préfecture, RER pour Boissy-St-Léger, je monte. De l'autre côté du couloir, un jeune homme dort à poings fermés allongé sur trois banquettes, genre migrant à la rue, le jean fendu le long de la raie des fesses. Il est sans slip. Il sent mauvais du côté du supportable.
    Plus tard, vers St-Maur, il se mettra à tousser à fendre l'âme. Nous passagers nous nous regarderons, sans savoir ce que pense chacun. Pitié, gêne, dégoût, indignation comme les deux dames qui sont descendues plus tôt «ah, c'est bien le RER»?
    Je pense à R. qui expliquait que soigner les immigrés illégaux (il n'y avait pas encore de "migrants" à l'époque) était une mesure de santé publique.
    Nous nous regardons, ne disons rien, ne ferons rien. Qu'a-t-il traversé, qu'a-t-il vu, quel espoir représentions-nous, qu'avons-nous déçu? Il faudrait le réveiller, le doucher, le nourrir, l'habiller.
    Nous partirons. Les passagers descendent un à un de station en station, je reste la dernière. Il dort.
    Je descends au terminus. La rame repart, il dort toujours.

    O. arrive avec retard. Quelques minutes plus tard je suis chez moi.


    ———————
    Les ruches de Notre-Dame sont saines et sauves. Je ne comprends pas comment c'est possible.
    Inquiétude pour les faucons crécerelles: où vont-ils nicher?

    Cacophonie

    Je n'avais jamais pris conscience à quel point la description des Français par Goscinny était exacte.


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    Cacophonie incroyable toute la journée, tout le monde commente, une partie proteste, l'autre proteste contre les protestations: reconstruire à l'identique, pas à l'identique, en bois, en acier, en béton, en verre, Macron a eu tort de dire qu'on la referait plus belle, Macron a eu tort qu'on la ferait en cinq ans, (de façon générale Macron a tort), laissez parler les experts, c'est fou comme tout le monde est expert, salauds de riches qui donnent, salauds de riches qui défiscalisent, ah mais non ils ne défiscalisent pas, salauds de riches quand même, s'ils payaient leurs impôts on n'en serait pas là, pour des pierres il y a un milliard, mais les pauvres (les migrants, la planète), y peuvent crever, etc, etc.


    La belle communion nationale aura duré moins de six heures.


    Emotion mondiale, émouvante.
    Un dessin venu d'Australie, de David Pope, inspiré d'une photo.


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    Billard

    Douche à la bétadine (je déteste cette odeur), le joint du pommeau n'est plus jointif et arrose toute la salle de bain, blouse et slip bleu marine, charlotte, chaussons, un bas de contention sur la jambe non opérée, deux tranquillisants (puisque l'anesthésiste n'a pas cru que ma tension était due à mon boulot et non à l'opération), brancard, impression de voler dans les couloirs allongée sur le dos, ascenseur, puis je ne sais plus très bien, réveil en pleine forme entre deux dames qui gémissent, «Vous avez mal? Combien sur une échelle de 1 à 10? —5 à 6 —Je vais vous faire une piqûre», puis dans ma chambre, devant un plateau composé de desserts: yaourt compote madeleine galette St Michel jus de pomme.

    Ce n'est que bien plus tard que je me rendrai compte que je n'ai aucun souvenir de la remontée dans ma chambre, ni de la façon dont je me retrouvée en tee-shirt. Ces absences me terrifient: vie volée.
    Je somnole, je ne sens pas mon pied, mes orteils, prise de tension et de température toutes les deux heures. Tout va bien.

    Les nouvelles de Notre-Dame sont étonnamment bonnes: les trois rosaces sont sauvées, et l'orgue principal, et même le coq de la flèche qui contenait les reliques (je suis étonnée que tant de non-croyants accordent une quelconque importance à ces reliques).
    Les dons affluent pour reconstruire. Le discours que Macron devait prononcer à l'issue du "grand débat" ne l'a pas été mais est malgré tout commenté. Twitter bruit.

    H. passe. J'en profite pour me lever grâce à ma chaussure Barouk. Impossible de marcher car je ne sens pas ma jambe.
    Dans la nuit je découvre l'usage du déambulateur: je suis fan de ce truc, quelle stabilité, quelle sécurité!


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    Notre-Dame

    Journée marathon à envoyer les rapports à relire, à imprimer le dossier réglementaire, à écrire les courriers indispensables. Je quitte le bureau en retard par rapport à mon planning, j'ai peur d'arriver trop tard pour les admissions, la branche du RER A pour Cergy est arrêtée pour deux heures: ouf, je prends celle de St-Germain-en-Laye.

    Admission, chambre, tout est prêt, bracelet étiqueté à mon nom (que je donne plusieurs fois, mesure d'identification sécurisée), prise de tension, il faut prendre une douche à la bétadine ce soir et une demain matin à six heures, je suis la première à passer (à huit heures), H. arrive de son côté avec mes affaires dans un sac de sport. Il ressort m'acheter une brosse à dents et revient avec un Paris-Brest, dernière gourmandise avant un moment.

    Il part. Je regarde négligemment mon téléphone, un ami a posté une photo avec de la fumée au-dessus des toits: «Notre-Dame vue de chez moi», commente-t-il, je me dis comme c'est bizarre, comme St-Sulpice il y a quelques semaines.

    Ce n'est que peu après que je me rends compte de ce qui se passe. Je ne sens rien, anesthésiée. Je regarde mon téléphone. Ça parle d'orgues, de vitraux, de rosaces, détruits. Ruth et Lucy m'écrivent des mots désespérés. La flèche tombe. C'est beau, ce rougeoiment des braises à travers la toiture transparente. Irréel. Glaçant.

    J'ai éteint mon téléphone. Je n'y croyais plus. Je pensais aux cloches qui avaient sonné pour Charlie, qui allaient tomber, plusieurs centaines de tonnes: comment imaginer cela? Je pensais à une mauvaise nouvelle de Balzac, Les Proscrits. Je me suis couchée en état de sidération, sans rien ressentir. Je ne sais plus quand j'ai appris que l'incendie était maîtrisé.

    L'impensable, ou plutôt l'impensé, ce à quoi on ne pense pas, ce qu'on n'imagine pas, était arrivé. Ce qui allait de soi, l'existence de Notre-Dame-de-Paris, n'allait pas de soi. Ce que l'on pensait éternel, ou plutôt ce que l'on ne pensait pas puisque cela était, était périssable. Retour de la condition humaine.


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    photo AFP

    Mavrommatis

    Anniversaire fêté à six dans un restaurant une étoile : heureusement que la salle était plutôt vide (réservation à 13 heures) car nous n'avons pas été discrets. Il faut dire qu'il ne fallait pas se laisser impressionner par les cinq serveurs (sommelier, etc) s'alignant parfois, sur ordre de quel rite intérieur, pour nous contempler et sans doute réagir à notre moindre désir.
    Las, nous étions trop occupés à jacasser (depuis combien de temps n'avions-nous pas été réunis? pas à Noël… depuis fin juillet?) pour avoir besoin d'eux. Notre enthousiasme a été communicatif (n'en avons-nous pas rajouté imperceptiblement dans la tentative de leur faire quitter leur rôle, comme des touristes devant les gardes de la reine?), ils ont fini par si bien communier à notre gaieté qu'une bougie plantée dans un chou nous a été spontanément apportée en fin de repas.
    (Attention : le café turc est grec!)

    Cuisine excellente, saveurs originales et cuisson très juste des viandes.
    Un joli mousseux rosé : Akakies, domaine Kir-Yianni
    Un vin rouge puissant et tanique : Ramnista 2005 du même domaine.

    Promesse

    Journée dans les rapports financiers et de conformité, encore.

    Soirée entre amis, dans un restaurant résolument carnivore (Le Trassoudaine dans le 13e).

    Thème immobilier : les amis parisiens avec jeunes enfants ont acheté au bord de la mer, en dessous de Nantes; les amis bostoniens cherchent à acheter aux US. Nous apprenons la profession de "realtor", un agent immobilier, mais un agent immobilier qui cherche pour vous, en fonction de ce que vous avez décrit, les propriétés qui pourraient vous convenir. Le marché est très tendu autour de Boston et il faut réagir très vite.
    — Il faut être attentif: il y a bien une liste des contrôles sur lequel le propriétaire doit s'engager, mais elle est déclarative avec une case "ne sait pas": on se retrouve avec une liste "Y a-t-il de l'amiante? Je ne sais pas", "Y a-t-il du plomb? Je ne sais pas", "Y a-t-il des termites? Je ne sais pas". Donc il faut se débrouiller, ne pas prendre de maison sans historique de factures, toitures refaites, etc.
    Je suis surprise. On m'explique que beaucoup de maisons sont en bois et que les murs sont à entretenir très régulièrement — ou alors en plastique imitation bois, beaucoup plus résistant mais beaucoup plus cher.

    Plus tard, alors que nous évoquons nos enfants déjà grands, nous voyons soudain K. se raidir: apparemment, avec ses deux fils en couple depuis plus de deux ans et l'un travaillant depuis quatre ou cinq ans, il n'avait jamais pensé qu'il serait grand-père dans un horizon de deux à trois ans. Et lui qui nous expliquait comment acheter une maison dans le Massachussets est soudain en train de l'abandonner pour sauter en catastrophe dans un avion: l'urgence se lit dans ses yeux (I. a l'air beaucoup moins pressée!)

    Nous le rassurons:
    — Mais non, tu verras, ils seront trop fiers d'avoir un papy américain.
    — Oui, tu seras Captain America !
    — D'ailleurs le jour où tu es grand-père je t'offre le bouclier.
    — Et moi le costume
    — Avec le collant, bien sûr.



    Je l'écris ici pour m'en souvenir le moment venu.

    Procla

    Le nom de la femme de Pilate apparaît dans L'Evangile de Nicodème appelé aussi Actes de Pilate. (Procla est son nom dans les plus anciens manuscrits grecs. En latin cela a souvent été transformé en Procula.)

    Nous traduisons un passage où la femme de Pilate fait prévenir son mari que l'homme en face d'elle est un juste et qu'il doit éviter de s'en mêler.

    «Dans sa version latine, cet évangile a eu beaucoup d'importance au Moyen-âge. On y a ajouté une descente de Jésus aux enfers, et quand il ressuscite, il apparaît à Joseph d'Arimathie. (On ne sait pas très bien où se trouve Arimathie.) Les pères de l'Eglise se sont posé la question: pourquoi avoir envoyé ce rêve à la femme de Pilate plutôt qu'à Pilate lui-même? Et ils y ont répondu [je crois que c'est Jean Chrysostome qui y a répondu mais je ne suis plus sûre]: parce que Pilate étant un homme, il aurait tout oublié à son réveil. [Rires dans la classe.] Une autre question était de savoir qui avait envoyé le rêve.»
    Nous séchons. Dieu?
    — Mais non: comme le but était d'éviter la crucifixion…
    — C'était Satan ?!
    — Eh oui !

    Je digère l'information. Mais alors…
    — Mais alors, quand Caillois écrit sa nouvelle?
    — Oh, il y a aussi xxx, dans les années trente, qui a écrit sur ce thème.
    Hélas je n'ai pas compris le nom de l'auteur. Années 20 ou 30.


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    La liste des livres canoniques (constituant la Bible) a été établie par le concile de Trente. Les listes précédentes que nous connaissons étaient descriptives, non normatives. Il n'a jamais été question d'y faire entrer l'Evangile de Nicodème.

    Le calendrier grec avait pour point de départ les premières Olympiades, en -776.

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    Agenda
    Rencontré l'anesthésiste. 16/10 de tension, ce qui est énorme pour moi qui suis plutôt à 11/7 habituellement. Le dawa au boulot m'a affectée davantage que je ne le pensais (car en réalité, j'en ressens une certaine ironie, une certaine colère, qui me tiennent chaud et que j'apprécie). Les anesthésistes de cette clinique ont tous signé l'OPTAM (ce qui permet d'être mieux remboursé), ce qui est rare en région parisienne. Et ils prennent cent euros de dépassement, ce qui est remarquable (les montants habituels vont du triple au sextuple). Bref, je donne le nom de la clinique: clinique St-Germain.


    Dans l'église à la sortie du RER A est enterré Jacques II, roi d'Angleterre (et VII roi d'Ecosse). Je vais voir la chapelle, dans l'église même où il y a quelques années j'assistais à l'enterrement d'Hubert. Je n'avais pas remarqué ce détail à l'époque.

    A la sortie je suis frappé par cette image:

    2019-0411-dr-Jeckill.jpg


    Elle lisait Dr Jeckill et Mr Hyde.

    Enfin

    Fin des travaux.

    Il reste à poser des baguettes dans l'encadrement de la porte de la cuisine, remplacer le lavabo dans les toilettes du bas, cacher les vis de l'escalier de l'étage et mettre un seuil de porte à la petite salle de bain.

    Et puis bien sûr le meuble de la cuisine, mais ça, nous le ferons nous-mêmes.

    Incarnation

    A l'ICP :
    — Parfois, j'ai l'impression qu'ici on vit hors de la réalité, comme si tout le monde était croyant alors qu'en réalité presque plus personne ne croit. Par exemple si j'interroge sur le sens de passion avec un P majuscule, on me dit «mais si, je sais», et quand je demande des précisions: «c'est religieux, non?»
    — Oh lala, si tu savais! Des ados m'ont dit il n'y a pas longtemps: «Jésus, il a pris cher!»


    Et tout bien réfléchi, ce n'est pas une mauvaise définition, ni de la Passion, ni de la vie de Jéus: d'il a pris chair à il a pris cher.

    René

    Surprise à midi: mes parents ont invité René, l'entraîneur d'aviron de mon adolescence. Il a 87 ans et est en pleine forme.

    René Boulais, entraineur d'aviron, ébéniste


    Evocation de souvenirs. Je découvre des photos de mon père rameur que je n'avais jamais vues. (Si je fais de l'aviron, c'est parce qu'il en faisait à la fac et qu'enfant, une photo de son huit me plaisait). J'apprends que le directeur du club de Tours François Freslon est celui qui avait poussé mon père à faire de l'aviron à La Source.
    En voilà une motivation pour faire partie de l'équipage de la course de Noël ! (course qui se court à Tours en décembre.)

    René nous quitte après avoir raconté sa dernière visite à l'un de ses anciens compagnons: «Il m'a filé une arbalète à restaurer, le salaud. Comme s'il ne pouvait pas le faire lui-même! Elle est incrustée de nacre et d'ivoire. Il faut que je trouve un os de girafe pour la restauration.»

    Un os de girafe ?

    Chez mes parents

    Nous arrivons chez mes parents dans l'après-midi. Je voulais passer chez eux avant qu'ils ne partent en road-trip pour la Pologne.
    Nous n'avons pas du tout la même conception du voyage qu'eux: tandis que plus nous roulons plus le but recule car je trouve toujours de nouveaux centres d'intérêt et détours, leur voyage est chronométré à la demie-heure près. Je suppose que cela rassure ma mère; pour ma part ça m'oppresse.

    Je regarde la Pologne en forme de patate. Ils vont quasi en faire le tour pour aller visiter la dernière forêt primaire (avec l'espoir de voir des bisons) puis descendre dans le sud voir la famille de papa. J'en profite pour repérer Treblinka, le site que moi j'irais voir en priorité en Pologne (mais ça, je ne le dis pas, je n'en parle jamais. Je pense que j'aurais beaucoup choquée ma grand-mère): 80 km de Varsovie, je n'aurais jamais imaginé que ce soit si près.

    Une plante dans le salon :
    — Qu'est-ce que c'est?
    — Un caféier. J'ai planté un grain de café ramené du Costa-Rica.


    2019-0406-cafeier.jpg


    Nous discutons jardin et oiseaux. Je pensais que nous n'avions plus de vers de terre dans le jardin car je ne voyais plus de merles: non, c'est que les merles ont été malades et ont quasi-disparus.

    En route

    A l'origine nous devions aller à Tours pour l'assemblée de copropriété de notre appartement, mais la contraire horaire s'est révélée trop forte et nous nous sommes contentés d'un coup de fil.

    Nous avons pris la route par le chemin des écoliers (viaMichelin et non Waze). Saint-Sulpice-de-Favières, Souzy-la-Briche, Garancières-en-Beauce (étrange clocher comme une tour seule restée d'un château), j'ai l'impression d'être entourée des noms de Balzac (mais Vaugrigneuse, c'est Alain-Fournier et non Balzac).
    Le long de la D17 les noms se terminent par -ville, est-ce une conséquence de la Révolution, nous glissons dans la Beauce, blé en herbe (est-ce du blé?) vert et soyeux et fragile et vigoureux, hangars et dépôts et usines, Beauce quasi industrielle le long de cet axe, il fait beau, nous roulons décapotés, le froid gagne peu à peu.

    Bonneval, un chocolat chaud dans un café où les gens sont charmants et la déco épouvantable (RFM sur grand écran, Angie, À nos actes manqués), nous recapotons, je prends le volant, l'ambiance devient morose — H. vient de réaliser que cela a pris beaucoup de temps et que nous sommes encore loin (il a du travail en retard, des documents à rendre, des imports de base à tester) — Chateaudun, Cloyes, je raconte La Terre et la maison de La Terre, nous suivons les côteaux du Loir inondés de soleil, personne, le printemps, l'eau pleine (plus tard je verrai une retenue d'eau qui explique ce niveau si élevé), St-Claude, St-Hilaire-la-Gravelle, nous rejoignons la N10, fin de la flânerie. (80km/h au régulateur de vitesse, les camionettes qui n'en croient pas leurs yeux devant cette petite voiture rouge si sage.)

    Remords

    Rêvé de ma prof de grec.
    Alors j'ai fait une heure de grec ce matin.


    Chat devant l'écran de grec :


    2019-0404-grec.jpg



    ———————
    Front des travaux : radiateurs remontés dans la cuisine et la chambre (ouf).
    Tout est quasi terminé : il reste des toilettes à remonter (prévu vendredi), une plinthe à placer et des caches-vis en bois à monter (plus compliqué : il va peut-être falloir les tourner nous-mêmes).

    Rungis

    — Mais pourquoi une place de Rungis dans le XIIIe ?
    — Parce que c'est le chemin vers Rungis ?
    — Mais Rungis, ce n'était rien avant le MIN. Et il n'y a pas qu'un chemin pour aller au MIN.
    Une recherche plus tard :
    — C'est le chemin de l'eau. Rungis «possédait une source abondante, dont les eaux étaient conduites à Paris par les aqueducs d'Arcueil et de Cachan». (Wikipedia)

    Pourquoi est-ce au passé ? Il n'y a plus d'eau, ou ce sont d'autres cours d'eau qui alimentent Montsouris? (Est-ce encore Montsouris qui est utilisé? Souvenir de Léo Malet, souvenir littéraire de l'ordre du fantasme.)
    Aux avions près, cela semble une commune tout à fait intéressante.


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    Agenda :
    J'ai enfin eu la secrétaire du chirurgien : RV avec l'anesthésiste le 11, opération le 16. (Opération du pied. Dans mon idée cela aurait dû avoir lieu en janvier, pour être d'aplomb en mars pour la clôture des comptes. Mais je n'ai pas osé/voulu laisser J toute seule face au prestataire lamentable et aux affiliés affolés. La situation est désormais stabilisée (retour à la normale dans six mois mais "on gère"), et l'opération devient urgente, pas tant pour des raisons médicales que parce que je veux me débarrasser de ça avant de me mettre à vraiment chercher un autre poste — ce qui sera le cas dès que j'aurai fini mon mémoire. (Tout cela paraît très opportuniste: oui, je l'avoue.))

    Des blagues quasi à l'infini

    Une CPE a fait un concours de blagues avec des élèves de 5e. Elle a appelé Twitter à la rescousse.

    En prime, de la poésie de bureau.

    Jamais vu autant de blagues que ce 1er avril. Est-ce à cause des fake news? La meilleure est sans doute celle de la police, la plus triste (pour moi) celle de l'équipe de futurism.


    2019-0401-lapin-poisson-d-avril.png



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    Agenda :
    Levée à trois heures du matin car je pensais avoir cours ce soir et je voulais envoyer une ébauche… Erreur, c'est la semaine prochaine.

    Aspirine 15 ans d'âge

    caté : distribution du NT et discussion tous azimuths.

    Moi — Ça veut dire quoi ressuscité ?
    Un gosse — On a une autre vie comme dans Mario.
    Moi — Mais dans Mario à la fin on meurt quand on n'a plus de vie (in petto je songe à Jumandji 2) alors que là Jésus nous promet la vie éternelle.

    Ils me regardent effarés. Est-on en train de louper à ce point leur "éducation chrétienne" qu'ils en manquent le point essentiel?
    — Il nous promet la vie éternelle à condition qu'on dise oui.
    Un certain nombre qui suivent braillent : Ouuiii !

    Pensée pour la prochaine fois : leur faire un résumé de l'évangile (des évangiles). C'est dramatique d'avoir raté le message à ce point là.


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    Déplacé (replacé) des livres et pas du tout travaillé. Je commence à paniquer à me dire que si je ne peux plus marcher six semaines, je cours le risque que les livres soient rangés par d'autres que moi (Noooonnnn!!)


    La pose du nouveau plancher a obligé à enlever les plinthes devant les meubles de la cuisine. C'est l'occasion de passer le balai sous les-dits meubles et de ramener des objets inattendus, dont un tube d'aspirine date de péremption 2004:


    2019-0331-aspirine-14ans-d-age.jpg



    Une recherche plus tard, nous apprenons que l'aspirine perd ses propriétés au cours des années et se transforme en je ne sais plus quelle molécule.

    10000 mètres

    J'ai empiré mon temps (le contraire d'améliorer? pas bien sûre de cette syntaxe).
    Il faut dire que j'ai mis à peu près toutes les chances contre moi, en arrivant une demi-heure en retard et en commençant alors que les autres en étaient déjà à mi-parcours.
    Je fais souvent cela: me mettre en situation d'échec au lieu de réussite, comme si je cherchais inconsciemment (ou finalement pas si inconsciemment) à avoir d'avance une excuse pour mes déconfitures.
    Je me vois en train de faire cela pour le mémoire à rendre fin mai (d'abord Candycrush puis Langelot).

    Foutu orgueil.

    Comité d'audit et réunion politique

    Comité d'audit en fin de journée. On parle risques et moins-values latentes (pour la première fois en six ans le résultat fiscal est inférieur au résultat comptable. La bourse a sérieusement dévissée en fin d'année. Il paraît que c'est dû au Brexit mais je n'en suis pas si sûre.)

    Soirée Modem "éthique et politique" (éthique en politique?) à Brétigny. Le maire vient en voisin (j'ai cru comprendre que c'était un ancien Modem et qu'il est actuellement LREM). Quelques présents sont élus municipaux à travers le département. Il ressort des témoignages et convictions de chacun que les tentations sont nombreuses (parfois insidieuses, à peine visible) et qu'il faut être intransigeant même sur les petites choses. Une charte existe à la mairie de Grigny.

    Personnellement je suis moins intransigeante qu'eux (je trouve dommage de se priver de l'expertise de quelqu'un parce que c'est un ami ou un parent : c'est si difficile de trouver des personnes dont les compétences nous conviennent) mais je mettrais en place davantage de contrôles imprévisibles et croisés: croiser les équipes entre mairies, entre départements, pendant quelques jours, les faire se présenter les unes aux autres leur façon de travailler, créer de l'inattendu pour rendre la fraudre et la corruption plus difficiles à cacher.

    Pour le reste… toujours je reviens à la même stupeur: dans le fond les gens s'en moquent, ils réélisent les fraudeurs, les sportifs qui dénoncent les tricheries sont insultés, les lanceurs d'alerte ne peuvent plus exercer leur métier. (C'est aussi le chaînon qui me manque pour comprendre les gilets jaunes: davantage de justice fiscale, certes: mais alors, pourquoi passez-vous votre temps à voter pour des fripouilles dont on sait qu'ils sont des fripouilles? 19,94% des voix pour Fillon en 2017 (certes, son électorat n'est sans doute pas d'abord les GJ), 21,30% pour Le Pen au premier tour.)

    Sourya

    Je ne viens plus au bureau que les jours où j'ai d'autres engagements à Paris ou en région parisienne: le jeudi pour le huit, par exemple.
    Comme j'ai du matériel de meilleure qualité à la maison, je profite du "home office" (non mais cet anglais de pacotille!) pour faire de la mise en page et du relookage de documents réglementaires. Cela devient de plus en plus joli, cela fait de plus en plus pro — et cela coûte de plus en plus cher à imprimer, c'est de moins en moins écolo, ce bel orange carmin à la place du noir et blanc habituel (en théorie il est inutile d'imprimer, tout est en ligne: mais allez donc dire ça à mes mille cint cent adhérents de plus de soixante-dix ans. Ils veulent du papier. (Et un bon nombre de plus jeunes aussi: «je ne peux pas lire à l'écran» disent les mêmes qui passent des heures sur leur smartphone.))

    Huit de filles : Anne-So à la barre. Moi au deux. Je m'applique, c'est difficile, je n'ai pas ramé pendant un mois avec la préparation de Bruges et je ne vais pas ramer pendant six semaines… Je vais être définitivement larguée (mais non, il faut que je tienne bon. J'ai trop souvent abandonné trop tôt par le passé.)

    Le soir, dîner (amical, papotage de tout et de rien) avec le président du Modem Essonne qui travaille à deux pas du bureau d'H. (oui, coming out (ne l'ai-je pas déjà écrit?), je suis adhérente au Modem depuis 2007, depuis Sarkozy-Royal: à l'époque je ne voulais pas choisir entre ces deux guignols. Par ailleurs s'engager en politique dans la ville de Dupont-Aignan, c'est presque une obligation morale.)

    La crise à venir

    Pour parachever la présentation géopolitique d'hier, un fil avec des graphiques sur la prochaine crise.

    (Je le copierai en clair quand j'aurai trois secondes de façon à le conserver pour les années à venir. (Toujours ce doute sur la pérennité du web.))


    Bonus : une heure et demie d'entretien avec Gaël Giraud.


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    Agenda :
    Vu le chirurgien ce matin (Yerres-Montigny-le-Bretonneux en transport en commun: absurde! (pourquoi si loin? parce que ce chirurgien m'a été recommandé par une rameuse. Les vestiaires, mon réseau perso.)). OK pour opérer dès que possible.

    Après avoir refusé ce week-end que je vide la bibliothèque du bureau de O. («les ouvriers ont dit qu'ils se débrouilleraient» — ce qui me paraissait tout à fait impossible sans qu'ils se prennent trois cent kilos de livres sur la tête), H. l'a fait tout seul cet après-midi en la transportant dans le salon.
    Ce soir il est épuisé et la bibliothèque ressemble à ça :


    2019-0327-bibliotheque-tranches.jpg

    L'affolement du monde

    Présentation du livre de et par Thomas Gomart au "Bureau", cours Albert 1er. Il était invité par open-diplomacy.

    Le plafond du Bureau:

    2019-0326-plafond-tuyau-bureau.jpg


    Plaisir du discours de cet homme qui mêle sans solution de continuité philosophie et histoire (Machiavel, Braudel, Carl Schmitt) à son analyse du monde contemporain.

    Trois remarques :
    - (à propos des élections européennes): si l'on en croit l'élection présidentielle la France est divisée en quatre parts à peu près égales (LREM, FN, LR, FI);
    - en 2050, l'Europe représentera 4% de la population mondiale;
    - dans les relations internationales, elle risque d'être davantage un objet qu'un sujet.


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    Agenda :
    Matin : radio du pied en prévision de la rencontre avec le chirurgien demain.
    Après-midi : rendez-vous avec mon tuteur à l'ICP. Nous avons arrêté un plan et une démarche. Il reste un mince espoir de rendre le mémoire à temps (Focus!).
    Le trafic était intense, toutes les rues barrées : visite d'Angela Merkel, Xi Jiping et Jean-Claude Junker à Paris.

    Retour progressif vers la normale

    Huit avec le collectif garçons. Conversation de vestiaire : je suis heureuse d'apprendre que je ne suis pas la seule à me dire au milieu d'un 10000 mètres que tout cela est ridicule, je vais arrêter et aller faire autre chose.
    Pascale : — J'ai passé les tests sans savoir ce que c'était. J'ai demandé des conseils à Gaëtan pour le 2000 mètres. Il m'a répondu: «ça consiste à cracher ses tripes».
    Euh… Sachant qu'Anne-So m'a dit qu'elle avait senti son cœur s'envoler… ça fait pas envie.
    — En fait il faut y aller à fond sur les huit cents premiers mètres avant l'acide lactique puis conserver le rythme et donner tout ce qu'on peut sur les cent derniers mètres. Et il faut savoir que même quand on pense qu'on ne peut plus rien donner on peut encore.
    Je me suis inscrite pour les 10000 samedi prochain. Si je suis opérée du pied je ne pourrai pas faire de bateau pendant deux mois, mais je veux que mon engagement dans le collectif ne fasse aucun doute.

    Cablage du dernier étage à travers le cagibi que j'appelle in petto "the priest hole" depuis que j'ai lu The Stranger House (Reginal Hill). Déménagement de l'ordinateur et écran du bureau d'O car c'est le prochain plafond à être repeint.

    The Happiness Therapy puis The Proposition en projection sur le mur. C'est fun (pas les films, mais le fait d'avoir de nouveau un canapé pour se zoner dans un endroit chauffé après trois mois à ne pouvoir se réfugier nulle part).

    Circonstances inattendues

    Huit. Acacia planté au milieu du petit bras, comme tombé du ciel.
    Caroline est devenue nauséeuse à la barre durant le dernier tour (migraine ophtalmique). Je propose de la ramener chez elle.
    C'est ainsi que vers midi un cabriolet rouge décapoté s'est arrêté devant les militaires anti gilets-jaunes au centre de la place de l'Etoile. Un militaire s'est approché pour savoir ce que nous voulions: «elle est malade», ai-je expliqué tandis que Caroline ouvrait la portière pour vomir. Le militaire s'est retiré.

    Nettoyage du canapé réinstallé sur la mezzanine et projection de Triple Frontière sur le mur.

    Kapuściński (que je suis en train de lire) décrit exactement ce film (spoiler alert ?):
    Mais l'avidité du tyran [Cyrus] va provoquer sa déroute, de même que l'insatiabilité causa naguère la déchéance de Crésus. De plus, le châtiment frappe toujours l'homme au moment où il croit être sur le point de réaliser son rêve, rendant son malheur encore plus cruel et destructeur. Désillusion, immense rancœur contre le sort vengeur, sentiment accablant de soumission et d'impuissance s'ajoutent alors à la lourdeur de la peine.

    Ryszard Kapuściński, Mes voyages avec Hérodote, Pocket p.117


    Fin de Daesh. Moins de cinq ans. Mais ce n'est pas fini. Que va devenir la Syrie? Et les hommes entraînés et dispersés?

    Chez Virginie

    Pauvre Gaston : «ils vous ont prise pour une illuminée». (Evidemment, je leur ai dit que je concevais une entreprise comme un tout organique qu'il s'agissait d'accompagner dans sa croissance et qu'il fallait être attentif à tout, à la stratégie comme aux signaux faibles. J'aurais mieux fait de leur parler de besoin de fonds de roulement. Il faut que j'identifie les mots qui sont attendus et que je les place, c'est aussi simple que ça.)

    Pauvre Gaston, car j'ai été une bien piètre candidate alors qu'il m'avait fait confiance.

    Le soir, dîner-buffet chez Virginie suivant le principe expérimenté chez Bénédicte.
    Deux différences: il y a des hommes (un rameur du huit, leur barreur de Tours, l'entraîneur d'un autre club et Patrick) et surtout, pour une raison inconnue, personne ne s'assiera, ce qui a été épuisant au bout de quelques heures (talons haut et trois kilomètres de marche à partir de Nanterre).
    Virginie possède quelques livres de chez Verdier. Ils me surprennent car ils sont délibérément présentés comme une collection à part entière. Est-ce qu'elle connaîtrait l'éditeur? Il faudra que je l'interroge.

    Patrick (qui évoque plusieurs fois notre conversation du retour de Bruges: il trouve incroyable de s'être retrouvé dans une voiture avec trois autres catholiques) me dépose à l'Etoile, ce qui me permet de rentrer assez vite (important car j'ai très mal au pied: j'appréhendais le voyage train puis marche de St Lazare à Auber (ligne 14 en travaux) puis RER A puis RER D).


    Dans la cuisine, les couches de peinture sont suffisantes pour donner une idée finale (les ouvriers désapprouvent ces couleurs circus).


    2019-0322-peinture-cuisine.jpg

    Guyancourt

    Nous sommes partis tôt à Paris, pris notre petit déjeuner ensemble dans le 13e comme souvent, puis j'ai conservé la voiture pour aller à Nanterre (je le note car c'est une première. Quelques problèmes pour accéder au parking…)

    Huit, séance de réflexologie plantaire, puis en route pour Guyancourt pour l'entretien d'embauche.
    J'ai été reçu par trois personnes, le directeur, un responsable de la RH et un opérationnel. Cela s'est très mal passé, je n'étais absolument pas préparée, pas du tout pro.
    Sur le fond j'ai été nulle. Sur la forme, ils m'ont paru à peine polis, ne respectant aucune règle élémentaire de courtoisie. Cela faisait mal dégrossi et m'a rappelé Cedi Sécurité.

    Bref, je m'étais demandé ce que je ferai (ce que nous ferions) en terme de déménagement si le poste me plaisait; la question ne va pas se poser à double titre: je ne vais pas être retenue et je ne veux pas y aller.

    Gaston

    J'ai été contactée par un cabinet de recrutement (Gaston est un prénom fictif mais proche du recruteur) et j'ai passé un entretien — fort agréable — cet après-midi: «Bon, je vais vous présenter. Soyez plus assertive. Plusieurs fois j'ai été obligé d'aller vous chercher.»

    Ce qu'il veut dire, c'est que je ne sais pas décrire ce que je sais faire. Je ne sais pas me vendre. Cela vient sans doute que j'ai toujours été embauchée pour faire des choses que je n'avais jamais faites — et que je les ai faites. Donc je n'imagine jamais que ce que je vais avoir à faire va ressembler à ce que j'ai fait — et pourtant c'est ce que recherchent les recruteurs: quelqu'un qui a déjà fait pour qu'il refasse.
    Comme je le lui ai dit en riant, pour m'excuser d'être aussi mauvaise à faire ma propre promotion: «Donnez-moi le boulot, je vais vous le faire».
    J'oublie toujours l'évidence : les gens ne me connaissent pas et il faut les rassurer.

    J'ai deux handicaps : je n'ai pas dirigé de grosses équipes et — je ne suis pas payée assez cher actuellement. Je paie les erreurs que j'ai faites en 2003 en acceptant de passer à la doc en descendant de classe et en 2009 en ne demandant pas d'augmentation substentielle de salaire en passant à l'audit. Tout cela m'était tellement étranger, j'avais si peu conscience du snobisme ambiant.
    (Vous n'êtes pas jugé sur votre valeur humaine, sur vos compétences, mais sur votre diplôme (même s'il a trente ans) et le salaire qu'on vous verse.)

    Comment puis-je exprimer que je trouve absurde d'être payée plus puisque je n'ai pas besoin de plus? (Mais je sais qu'il ne faut pas l'exprimer. Quand je vois les salaires de certains dans ma boîte pour des emplois de fantôches… Oui, absurde.)

    Par ailleurs j'ai eu aussitôt un rendez-vous pour demain soir — ce qui m'a paru étrange. Sont-ils désespérés à ce point?
    L'autre point bizarre c'est que le recruteur a pris la peine de me prévenir des tentatives d'intimidation du patron que j'allais rencontrer demain. Celui-ci trouve-t-il intelligent de se conduire comme un gougnafier pour déstabiliser les candidats? Etonnant.

    Front des travaux : l'escalier remonté il y a deux jours est utilisable. (Il a fallu attendre que le vernis sèche).

    Free sans illusion

    Pour une fois j'ai demandé un accusé de réception lors de l'envoi d'un mail. Free m'a envoyé le message suivant lorsque mon message a été ouvert :
    Le mail envoyé le xxx 2019 10:03:05 GMT+01:00 au destinatairexxx@free.fr avec l’objet "xxx" a été affiché. Cela ne signifie aucunement que ce mail ait été lu (ou compris). Reporting-UA: 88.178.2xx.xxx

    Jusqu'à quand accepter l'inacceptable ?

    Les gilets jaunes et black blocks ont incendié le Fouquet's. L'argument classique est «ce ne sont pas les "vrais" gilets jaunes».

    Mais qui sont les vrais? Car si la revendication des plus pauvres est fiscale, ça n'a pas de sens puisque ceux-là ne paient pas d'impôt. Quant aux autres… pas un jour sans découvrir que l'un ou l'autre des leaders les plus en vue est fonctionnaire en disponibilité ou héritier d'un grand garage nantais ou autre anomalie.
    Qu'ils éliminent l'impôt, je serai riche, mais qui s'occupera des plus fragiles? Il y a tant d'incohérence dans tout cela, tant de perte de vue des articulations, de la pensée du monde comme un ensemble. Chacun dans son coin enviant tous les autres et non chacun supportant tous les autres dans une vision organique de la société.

    «Ce que je voulais dire c'est que» il faut savoir choisir son camp: quelle que soit la sympathie qu'on peut éprouver pour le mouvement, il faut décider si l'on trouve opportun de soutenir une action dont les leaders ne sont plus qualifiés d'extrême-droite mais "d'ultra-droite" — ramenant du même coup, ô douleur, l'extrême-droite dans l'acceptable.
    Je découvre que la haine de Macron peut amener un homo à soutenir l'homophobie, une gauchiste à trouver les fachos pas si graves.



    Précision : ce n'est pas l'incendie du Fouquet's que je trouve inacceptable. Concernant cet événement, je suis surtout soulagée qu'il n'y ait pas eu de mort. Ce que je trouve inacceptable, c'est le premier mort, le deuxième, chaque mort, les gens quittant leur domicile pour une course ou une visite chez le médecin et ne rentrant jamais. Ils n'avaient rien demandé. Et non, je ne mets pas les blessés des manifestations au même niveau: eux ont fait un choix, le choix de manifester. Certes ils soutiennent être victimes de violence. Mais curieusement les marches pour le climat ou contre la violence n'entraînent aucun débordement. Pourquoi?

    RC

    Je m'apprêtais à envoyer une carte de félicitation à RC pour sa victoire contre Yann Moix (RC avait porté plainte contre Yann Moix qui l'avait traité d'antisémite. Je ne donnais pas cher de sa peau car je ne voyais pas un tribunal donner raison à RC dans le contexte actuel, avec la montée inquiétante de l'antisémitisme. Et pourtant, RC n'est pas antisémite. Il est anti-musulman).

    Aujourd'hui un attentat a été commis contre des musulmans en Nouvelle-Zélande. L'un des inspirateurs du meurtrier est RC et sa théorie du grand remplacement.

    Je n'ai pas envoyé ma carte de félicitation. J'ai pensé «ouf, heureusement que je n'avais pas de carte convenable sous la main et que j'ai pris du retard dans mon projet».
    Je me demande ce qu'en pense Rémi.

    Colloque œcuménique

    Ce colloque célèbre la signature en 1999 de la Déclaration commune sur la justification entre les catholiques et les Luthériens, déclaration adoptée peu à peu par d'autres Eglises protestantes
    Pour mes lecteurs non concernés, il s'agit en quelque sorte de la fin officielle des guerres de religion catholiques contre protestants: il s'agit de la reconnaissance par écrit que les objets de discorde n'en sont plus, parce qu'on ne pense plus exactement comme à l'époque, parce qu'on a pris le temps de s'écouter, parce que, surtout, on accepte de ne pas être d'accord sur tout tant que l'essentiel est préservé. C'est un processus fascinant
    .

    De l'importance de la narrativité.

    « On ne peut pas changer l'histoire. Mais on peut changer la façon dont on en parle. »
    «L'unité n'est pas quelque chose que nous produisons, mais quelque chose que nous recevons. Deux fois déjà j'ai dû bouleverser mon calendrier….»
    Olivier Brès, ancien secrétaire général de la Fédération de l'Entraide Protestante

    Parler ce ce qui rapproche plutôt que de ce qui sépare.

    Maintenant la cuisine

    Huit ce matin avec six filles et trois garçons (Martin, Franck, Simon). Isabel à la barre. Au un. Le vent souffle tant que nous rentrons après une boucle barrage-île.

    Après-midi à transborder le contenu les placards de la cuisine dans la bibliothèque du salon (elle même mise en cartons) pendant que O. et H. reconstruisent la penderie et remontent le placard de l'entrée.

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    Ensuite, démontage des dits placards.

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    Le soir nous sommes défaits et épuisés, à peine heureux du travail accompli. Cela fait quasi trois mois que ça dure (17 décembre, il me semble).

    Samedi studieux

    Journée sur le bilan pendant que H. continue le câblage électrique.
    Je ne me souviens de rien, je suis pas à pas la procédure que j'ai écrite en 2015 et mise à jour chaque année depuis. La méticulosité récompensée.
    Ce soir j'ai quasi fini la partie fiscale et l'annexe du bilan. Il me restera le rapport de gestion.

    Un pantalon en lin

    Anne avait du chic. Elle avait un style, elle portait des pantalons en lin. Nous étions en première, et certes elle était redoublante, mais tout de même, c'était impressionnant qu'elle vécût en couple.

    J'admirais son style, sa gentillesse, son aisance.
    Pour l'imiter, j'ai essayé dans mon adolescence rondouillette un pantalon en lin. C'était atroce.

    Il est normal que je pense à elle ce soir puisque je viens d'acheter un ensemble en lin.
    (Toute une vie comme une revanche sur l'enfance, ou comme un accomplissement de l'enfance. Deux façons si différentes de le dire pour renvoyer aux mêmes actes.)

    Un coup de fil

    Aviron à midi : RER A, La Défense, métro ligne 1.

    Sur le quai, coup de fil. C'est la commissaire aux comptes: «Allô, j'appelle pour nous régler les détails de notre venue lundi».
    Je balbutie : — Vous venez lundi ?

    J'ai complètement oublié. J'avais revu mon agenda en début de semaine, relu des mails: je n'avais rien vu sur les CAC. Je n'avais pris aucune note sur leur venue.
    Eh bien voilà.
    Elle me propose de décaler sa venue (avec une junior). Je sais combien son emploi du temps doit être serré en ce moment, elle est responsable de mission pour la première fois, c'est une jeune femme, je ne peux pas lui faire ça: «Non non, venez, je vais me débrouiller».

    Ma voix n'est toujours pas revenue. Je rame dans le huit pour la première fois depuis un mois.

    Un quatre

    Toujours pas de voix. Ça m'arrange : pas de téléphone.

    A midi, dans le désir de ne pas me couper du club, je vais ramer hors du huit.
    Sortie avec William, Benoît et Marc.

    Le soir, Barry Seal projeté sur le mur (si blanc) de la chambre. H. ne l'avait jamais vu.

    La mule

    Pas désagréable mais un peu bof. J'ai préféré de loin Barry Seal.



    Rentré avec O. (qui a renversé son thé dans son sac de sport mais c'est une autre histoire) dans un RER dont le conducteur aimait le foot (il nous a expliqué que certes le train était en retard mais que nous serions à l'heure pour le match (quel match?). Il a diffusé de la musique dont j'ai supposé que c'était l'hymne d'un club).

    Récupération

    Journée à la maison. Toujours aphone. Salle de sport (cours d'abdos), sieste. Un peu de rangement.

    Pas fait grand chose.
    Demain doit arriver l'escalier pour le dernier étage. Il est d'un seul bloc, il va falloir le passer par la fenêtre du premier étage. Je ne vois pas comment c'est possible.

    Bruges la ville

    Ce matin je n'ai plus de voix. Du tout.

    Tour paresseux en ville : à une dizaine rien n'est rapide. Pluie fine. Cathédrale, église, c'est dimanche, il y a des messes, on ne peut visiter. Béguinage, je me souviens de quelques explications de l'été 2017, mais bien peu.
    Salon de thé. Impossible de monter au beffroi (ce qui était mon ambition) car trop de queue. Barquette de frites sur la place.

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    Echanges de sms : mon chauffeur décide de partir à 13h30. Il passe nous prendre à l'auberge de jeunesse.

    Retour : les mêmes qu'à l'aller, plus Anne-So. A un moment la conversation dérive sur le mariage pour tous et je découvre l'homophobie ordinaire. Le chauffeur a participé à la manif pour tous "parce qu'il faut voir ce que se prenaient les cathos". C'est bien pratique de pouvoir déclarer alors que je fais des études de théologie (c'est bien la première fois que j'en parle IRL, à part dans ce blog, je ne le dis jamais), cela donne un poids non-anticlérical à mon rappel des paroles de Monseigneur Vingt-Trois assimilant le mariage gay à la zoophilie.

    Plus surprenant et plus douloureux est de découvrir la rigidité d'Anne-Sophie (que je n'imagine pas très engagée) qui déclare être gênée par les actuelles pubs dans le métro mettant en scène des couples d'hommes: «comment j'explique cela à mes enfants?»
    En fait la question me paraît si absurde que je ne réponds pas car le développement serait trop long, et visiblement nous n'avons pas la même façon d'élever nos enfants. Tout d'abord le plus probable est que les enfants ne le voient pas: grâce à Dieu (si je puis dire) ils ne sont pas obsédés, eux, ils ne pensent pas qu'au cul, ils ne le voient pas, ne le comprennent pas et n'en ont pas vraiment conscience. Une fois qu'ils ont atteint l'âge où ils se sentent concernés, il n'y a plus grand chose à expliquer, mais le cas échéant, il faut aller à la vérité simple: «c'est une pub pour les préservatifs, ça évite d'attraper des maladies quand on fait l'amour.» Ça n'est pas si compliqué à dire.
    Tout cela me traverse l'esprit, je ne réponds pas, par lassitude, parce que je ne vais pas la convaincre, que la seule façon de la convaincre serait de la faire rencontrer des amis homos, car je suis persuadée qu'elle ne doit pas en connaître — enfin, pas en connaître de déclarer, car statistiquement, il est probable qu'elle en côtoie.
    (Il me semble d'ailleurs que c'est ainsi que la conversation avait commencé: j'avais remarqué que certaines expressions ou remarques pouvaient blesser des homos dont on ne savait pas qu'ils l'étaient; j'étais en train de plaider pour une certaine délicatesse de vocabulaire. J'avais eu droit à «on ne peut plus rien dire». Ben euh… d'un point de vue féministe je milite contre «on s'est fait baiser»: si c'est pour ainsi dévaluer la chose, cela ne donne pas envie de pratiquer. «On s'est fait avoir» est une option envisageable, ce n'est tout de même pas si difficile. Bref.)


    Arrêt à une station-essence sur l'autoroute. Je m'aperçois que j'ai oublié mon blouson sur le dos d'une chaise à l’auberge de jeunesse avec pass Navigo, lunettes et clé de la maison. Nous faisons appel aux rameurs encore à Bruges qui passent récupérer mon blouson. Il me reste à les attendre à La Défense. J'ai deux heures devant moi. Je prends un billet pour Dragons 3 à La Défense (le seul dont l'heure de début soit adéquate) puis m'introduis en douce au milieu d'une séance de Greenbook. J'en regarde les cinquante-et-une minutes de la fin (soyons précis). Cela m'a rappelé un épisode de ma pire expérience en entreprise.

    Je rentre. H. partait à Nantes à l'heure où j'arrivais à Paris. J'aide O. à passer deux cables internet à travers le mur de la chaufferie au salon.

    Bruges les courses

    — Mais alors, tu vas passer quatre heures dans le bateau! me dit Patrick B.
    Damned, je n'y avais pas pensé ainsi: mais effectivement, barrer successivement les garçons puis les filles va me faire monter dans le bateau vers midi et en descendre à quatre heures.

    L'organisation est la suivante : les bateaux montent vers la ligne de départ dans l'ordre inverse des numéros de concurrents (les plus grands numéros en premier: c'est notre cas puisque le bateau des garçons est le 44) puis partent deux par deux bord à bord dans l'ordre de leurs numéros — ce qui fait que les derniers arrivés sont les premiers à courir et les premiers arrivés au départ attendent le plus longtemps.

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    Nous montons les cinq kilomètres. J'ai des problèmes avec la coxbox (appareil qui sert à mesurer la cadence (coups/mn) et à alimenter le micro qui permet de communiquer avec les rameurs (le dernier rameur est à dix mètres du barreur). Bien qu'elle est été en charge toute la nuit, elle paraît faiblir. Nous faisons quelques exercices.
    Nous avions été prévenus qu'il fallait passer sous un pont en se penchant sous peine d'être décapités: de loin c'est impressionnant, il paraît impossible de passer sous un pont si bas (mais si).

    Demi-tour. Attente (le temps pour l'un des rameurs de faire pipi debout dans le bateau: j'ai refusé d'aborder par peur d'abîmer la coque. Comme me dirait la nage (le rameur devant moi): «Je n'aimerais pas être le rameur derrière lui»). La coxbox rend l'âme. Nous repassons sous le pont bas. Bord à bord au pré-start: il s'agit de s'aligner, partir, mais le chronomètre n'ait déclenché que cinquante mètres après. J'entends "go", "mes" rameurs partent, nous venons de voler le départ à nos adversaires (ce qui n'a pas d'importance pour le chronomètre, mais beaucoup pour le moral).

    En quelques minutes, nous remontons trois bateaux: nous avons démaré trop vite, cela ne faisait pas une minute que les précédents étaient partis. La cadence est 26, je hurle en scandant, je scande en hurlant, plus de coxbox, la nage voudrait que je ralentisse à 22 mais je ne le lui permets pas: vingt-six, c'est normal pour une course. Je ne vois rien, je ne sais pas où nous en sommes, combien de temps avant l'arrivée?
    Ils feront le meilleur temps des "loisirs" (recreaten) masculins.

    Arrivée, remontée du bateau sur tréteaux pour changer les réglages pour les filles. J'avale une soupe. Il fait gris, il bruine à peine mais il ne fait pas froid. Je remonte dans le bateau. Nous repartons. Cette fois-ci je regarde les rives pour prendre des repères; j'ai vécu le premier parcours comme un rêve. Les filles résistent mieux que je le craignais à l'absence de coxbox (j'appréhendais une déconcentration découragée).

    Bateau 92. Cette fois-ci c'est nous qui nous faisons voler le départ. Deux coups de rame de retard, je le verrai plus tard sur les vidéos. Les filles s'accrochent, remontent. Je scande le rythme, je sais que si Anne-Sophie tient, elles tiendrons (et je sais qu'Anne-Sophie tiendra). Soudain l'autre huit se décourage et décroche. Nous partons à la poursuite du précédent, loin devant, à une minute d'écart.

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    Plus tard Anne-Sophie me dira: «quand tu as commencé à hurler j'ai cru que tu te tairais au bout de dix coups mais tu as continué». Nous rattraperons pratiquement le bateau précédent qui nous fera une queue de poisson à cinq cent mètres de l'arrivée. (La nage s'excusera quelques heures plus tard : la barreuse de ce bateau est connue pour sa maladresse).
    Troisième huit loisirs de filles. Elles sont devant un bateau mixte.

    Démontage des bateaux. Remontée sur la remorque. Pelles, portants, tréteaux. Attente des résultats.
    Nous sommes en retard pour la réception à l'hôtel de ville pour les cent cinquante ans de la course. Tant mieux, penserai-je une demi-heure après mon arrivée : impossible de rester assise aussi longtemps après une journée de sport.

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    Tous les clubs sont appelés tour à tour. Pour la première fois un club turc est venu, chaleureusement applaudi. Et des Italiens, des Allemands, des Anglais, des Hollandais, des Hongrois.
    J'espère en l'Europe même si j'ai peur pour elle.

    Restaurant. Parmi tous nos bullshit jobs, un rameur a un métier passionnant: luthier, spécialisé dans les archers, et plus particulièrement dans les archers de contrebasse.

    Aller à Bruges

    RV au pont de Sèvres à quatre heures.

    Voyage dans la voiture d'un couple de rameurs (ils se sont mariés depuis l'époque du lac de Vouglans). Le quatrième est Patrick, un ami de Virginie. Discussion à bâtons rompus. Par chance nous avons vu à peu près les mêmes films, ce qui permet d'avoir des références communes.

    Nous discutons entre autres Gilets jaunes et de la France divisée. Patrick est persuadé que tout cela remonte à la défaite de 40 dont nous n'avons pas tiré tous les enseignements. «Lis L'étrange défaite de Marc Bloch, tu verras.»

    Le soir, dîner au club. Puis auberge de jeunesse (oui, c'est bien la jeunesse de ces corps enchevêtrés sur les canapés en train de boire, regarder la télé ou écouter de la musique qui nous frappe quand nous entrons dans l'auberge). Je dors avec Anne-So, les autres sont dans une chambrée de six. Je m'endors très vite.

    L'art de la joie de Goliarda Sapienza

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    RER 19h47.

    Ça ne se voit pas, mais elle avait un très joli visage. (J'ai pris la photo trop tard.)

    Derniers témoins

    J'ai terminé Derniers témoins. Par instants la lecture devient si douloureuse qu'on ne comprend pas que la terre ne s'arrête pas de tourner (ne se soit pas arrêtée de tourner), qu'elle ne refuse pas de porter plus longtemps autant de douleur, de chagrin, de cruauté.

    Dîner chez les voisins

    Nous sommes quatre couples et nous jacassons joyeusement. Curieusement, et un peu par hasard, nous sommes trois à travailler dans les assurances, mais les deux autres n'ont pas la même couverture santé. Je raconte mes malheurs.
    — Cegedim ? Ils sont connu pour faire les choses à leur manière et ne rien écouter.
    C'est encourageant… (mais bon, je m'en étais déjà rendu compte).

    Pendant le dîner, en face de moi, une quarantenaire mère de cinq enfants, pétillante de vie et de malice. Son dernier doit avoir cinq ou six ans. Nous apprenons qu'elle a eu récemment une ablation du sein, cancer. Cela n'a pas l'air de l'inquiéter, j'en suis estomaquée (avec quatre enfants mineurs….)
    Quoi qu'il en soit le repas est très gai.

    Harry Potter en grec

    — Non mais, "echo", c'est avoir, dans le sens de posséder, tenir dans les mains. C'est pour ça que le début d'Harry Potter en grec, «les Dursleys avaient des voisins», traduit par "echo",… ça fait pas sérieux.




    (Note pour moi-même : me procurer Harry Potter en grec pour relever la phrase exacte que la prof connaissait par cœur.)

    La question de fond : à quoi sert l'Europe ?

    Julien Munoz, journaliste, feuillette les cahiers de doléance.
    Il est tombé sur une question de fond et l'a publiée sur Twitter.

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    Je vais copier l'intégralité de cette lettre car un tel témoignage se conserve.
    Cahier de doléances, mairie de la Hague. Cotentin - Manche.

    objet : éthique et dignité

    Sur le téléphone de mon mari apparaît régulièrement une annonce : Rencontre avec des femmes matures et des photos par dizaines de fesses et vagin de femmes nues exposés comme du gibier en vitrine, avec une phrase attactive et une adresse en dessous. Il m'assure qu'il n'a rien demandé, que cela apparaît d'autorité sur Gmail parce qu'il est un homme et que ce type de message est classé dans "publicité", ce qui autorise tout.

    C'est extrêmement choquant et perturbant. Comment se fait-il que malgré la quantité d'institutions, de règles et lois existantes et le nombre de femmes partout présentes et d'hommes clamant la dignité et l'honneur, des individus sans scrupules s'introduisent dans la vie privée des hommes au mépris de la vie conjugale et du respect dû à tous? C'est le degré 0 de l'humanité. C'est inacceptable. A quoi sert l'Europe? A quoi sert la politique si des délinquants de cette sorte sous le couvert de "publicité" font de la débauche et de l'abominable pornographie un produit de consommation banal?
    Il est grand temps de faire obstacle à ce laisser aller et de rétablir la dignité humaine.

    Une citoyenne française
    Si vous êtes curieux, lisez les commentaires.

    Et ça continue encore et encore

    Salon.
    Objectif : repeindre murs et plafond. Et refaire toute l'électricité et faire passer internet (sinon à quoi bon avoir la fibre).


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    Samedi

    Temps magnifique et sortie ratée (à cause du temps magnifique?) Un équipage non concentré, deux et demie d'exercice (c'était trop, j'aurais dû arrêter avant), la peur de trop râler en tant que barreuse et une difficulté à me positionner.

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    Mavromatis rue Paul Doumer (c'est le deal : je vais ramer, je ramène le repas), retour décapoté (il fait 18° et plus).

    C. à la maison pour aider à la mise en carton du rez-de-chaussée.
    Je lis Langelot aux arrêts de rigueur. C'est curieux d'analyser le message derrière les aventures de Langelot, une certaine vision du monde — aujourd'hui influencée par le fait de savoir que Lieutenant X est Vladimir Volkoff.

    Vendredi compliqué

    Autant il est facile de travailler quand H. travaille (silence de mort, concentration maximale, heures qui s'allongent, repas oubliés), autant cela devient très compliqué quand il n'est pas en train de programmer ou en réunion téléphonique: il bouge, s'agite, passe, interroge, coupe l'électricité (il remonte des prises),…
    Quand vous êtes en train de faire quelque chose que vous n'avez pas envie de faire, cela fait beaucoup de raisons d'arrêter.

    Cependant, grâce à cette agitation, ce soir j'ai à nouveau un endroit "à moi" (une chambre à soi) pour poser mon ordinateur connecté à "mon" écran (cadeau d'anniversaire), un écran si beau que mon ordi pro ne peut pas le piloter (problème de thunderbolt 3, paraît-il. Je ne lui dis pas que pour moi, cela évoque avant tout un cheval).

    Jeudi ordinaire

    Voiture (bleue) le matin. Partis tard, flemme.

    Temps splendide. Barré le huit (entraînement Bruges). Agathe très appliquée à la nage. Rencontré Laura dans les vestiaires (quelle émotion).

    Conf call avec les zozos. Silence de mort quand je décris les bizarreries du paramétrage, quand je prédis le bordel jusqu'en septembre s'ils ne font pas appel à nous (nous tous entreprises connaissant nos adhérents), jusqu'en mai sinon.
    Eux nous promettent le 15 mars. (Dans leurs rêves. En plus il va y avoir les vacances, moins de monde plus de jambes cassées.)

    Dîner au "Temps des cerises".

    En rentrant, vidé une étagère encore.

    Photo de l'arrière-cuisine : le tuyau noir passe par l'un des trous percés par Darek dimanche. Dans le tuyau, trois fils internet en fibre optique (je ne connais pas le vocabulaire) montent à l'étage. Le boîtier blanc permet d'installer des prises RJ45.

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    Retour karmique

    Il y a quelques années existaient les clauses de désignation :
    Ce mécanisme est le suivant : les entreprises doivent obligatoirement s’assurer auprès d’un ou plusieurs organismes assureurs choisi(s) par les organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés au sein d’une branche professionnelle. En contrepartie de cette exclusivité, l’organisme est tenu de couvrir tous les salariés du secteur concerné, sur la base d’un tarif unique. Les risques sont ainsi « mutualisés » au sein de la branche, comme si elle constituait une seule et même entreprise, alors que selon les défenseurs de ce système, sans celui-ci, les entreprises se verraient proposer des tarifs très différents, en fonction notamment de leur taille et de l’état de santé actuel ou futur de leurs salariés.
    Si la mutualisation sur un grand nombres de têtes permettait de faire baisser les tarifs, en revanche ces clauses rétrécissaient le terrain des assureurs exclus de fait des branches qui ne les avaient pas choisis: chaque assureur avait ainsi sa chasse gardée et ne pouvait empiéter sur celle des autres.
    Désireux de gagner des parts de marché, les assureurs ont plaidé pour la fin des clauses de désignation et la possibilité pour chaque entreprise de choisir librement sa couverture prévoyance et santé. Ce fut chose faite en 20131.

    C'est alors que les assureurs découvrirent qu'ils avaient eux-mêmes, au niveau de la branche assurance, un système qui s'apparentait à de la désignation, avec l'affiliation obligatoire au RPP (régime de branche) géré par le BCAC (GIE piloté par dix co-assureurs).

    Marche arrière toute, recours devant le conseil d'Etat, le conseil constitutionnel,… Rien n'y fait, la fin de la clause de désignation est confirmée, les assureurs sont désormais libres de choisir la complémentaire santé de leurs salariés, ils ne sont plus liés au RPP.
    Le BCAC, inquiet que ses affiliés ne le quittent, décide alors de changer de prestataire de service (pour rembourser les soins et verser les rentes d'invalidité): puisque B2V ne donne plus satisfaction (informatique vieillissante), il choisit en décembre 2017 de le remplacer par Cegedim, à la grande colère des organisations syndicales qui s'estiment mises devant le fait accompli.

    2018 se passe sans que nous, opérationnels, ne soyons jamais questionnés sur notre métier et les particularités de nos populations: tout juste une question de transco (transcodification) en décembre qui me paraît étrange, mais personne ne creuse (quoi qu'il en soit en décembre pour janvier c'est déjà trop tard).
    Le 4 janvier (retour au bureau), les premiers salariés appellent pour se plaindre.
    Cela ne s'est pas amélioré depuis lors. Cegedim le preux qui devait faire oublier B2V le minable fait preuve d'une redoutable incompétence. La grogne grandit.

    Vouloir empêcher le départ de ses affiliés en remplaçant un prestataire à bout de souffle par un prestataire qui accumule tant de boulettes2 qu'on se demande s'il le fait exprès… epic fail !





    Note
    1 : Deux ans plus tard offrir une complémentaire santé à ses salariés devenait obligatoire pour toutes les entreprises (obligation effective à partir de 2016), ce qui donnait tout son sens au libre jeu de la concurrence.

    2 : aujourd'hui j'ai reçu le fichier des prestations d'une autre entreprise que la mienne (avec noms des salariés et leurs coordonnées, pas très RGPD)… et un mail adressé à toutes les entreprises adhérentes sans mettre les destinataires en copie cachée… C'est le stress qui leur fait accumuler les erreurs, où ils s'en fichent de façon abyssale?

    Allégorie

    Le fétu de paille s'imagine que c'est contre lui que la mer s'agite.

    A la maison

    Travail à distance très efficace (bon matériel, bon environnement, tranquillité), si ce n'est les deux heures de pause pour lire Langelot suspect.

    Nous avons la semaine pour débarrasser le salon. J'ai prévu de vider une étagère par soir.
    Première étagère, sept cartons, il y a sept étagères… «Beaucoup trop de livres», disait ma grand-mère.


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    La question est où entasser les cartons puisque nous ne pouvons les laisser au rez-de-chaussée. Une certaine flemme à l'idée de les monter d'un étage. Mais même à l'étage : ça fait beaucoup, quarante neuf cartons.
    En vidant un rayonnage, redécouvert Pouchkine de Troyat que j'ai ramené l'année dernière, au moment du désherbage de la bibliothèque de l'entreprise.
    Ai-je dit que la bibliothécaire n'a jamais emménagé à Nanterre? Elle est arrêtée pour dépression. Les livres de la bibliothèque n'ont jamais été déballés. Que vont-ils devenir?

    Bricolage

    Fait le marché sous une pluie battante. Il y a de moins en moins de commerçants.
    Lu deux Langelot (Langelot et les crocodiles, Langelot chez les Pa-Pous).
    Darek a percé le mur porteur de la cuisine en deux endroits près du compteur électrique. Poids de la perceuse: près de 50 kg.
    H. a passé la fibre jusqu'à l'étage, a installé des prises internet propres (tout cela éloigne le moment de quitter cette maison).
    Monté paresseusement une armoire (c'est-à-dire qu'elle n'est pas fini de monter).

    Le sapin est démonté.

    Encore un an

    Championnat d'ergo indoor ce soir, donc peu de rameuses à Neuilly ce matin. J'en ai profité pour aller à Melun. Guenaëlle n'était pas disponible, j'ai donc fait un skiff.
    Les consignes de sécurité entre Melun et Neuilly n'ont vraiment rien à voir: à Neuilly nous ne sortons plus qu'en yolette, ici j'ai pu faire du skiff sans même qu'un canot moteur soit à l'eau… Mais Melun est en amont de la Marne et le bassin de Neuilly est coupé en deux par des îles, d'où un débit beaucoup plus important.
    Il fait doux mais il y a énormément de vent.

    Il y a un an je nettoyais le club à Neuilly après le reflux des eaux suite à la crue, il y a deux ans je ramais en quatre aller-retour dans le petit bras.

    Langelot et les espions (récupéré jeudi). Restaurant le soir.

    Déménagement et réemménagement

    Je quitte le bureau à 16 heures : des ouvriers viennent déménager nos meubles du quatrième au premier étage. J'emmène mon ordinateur, j'ai obtenu de travailler le plus possible à domicile jusqu'à ce qu'on nous ait trouvé un meilleur emplacement que ce sombre réduit au premier étage qui ne peut être autre chose qu'un lieu de transition.

    A. est à la maison pour le week-end ; H. est rentré de Nantes.

    Jeu de lits musicaux: nous réintégrons notre chambre abandonnée depuis le 14 janvier, O. reprend son lit et rend le sien à A. Ça fait du bien d'être moins à l'étroit. O. est en train de devenir agressif, le capharnaüm de la maison commence à lui peser. Les ouvriers nous laissent une semaine pour vider le salon (de ses livres) avant de continuer les travaux.

    O. a récupéré les cinq Langelot recommandés en début de semaine après avoir perdu une précédente commande pendant les vacances de Noël. Ainsi j'aurai les éditions les plus anciennes à faire relier.
    Pour mémoire: Langelot et le gratte-ciel, Langelot chez les Pa-Pous, Langelot et les crocodiles, Langelot et la voyante, Langelot suspect.

    Sac de dame bis ou ter

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    J'ai posé mon après-midi pour remonter le bateau (d'où les clés de dix et la clé de treize). Je suis ensuite passée enfin m'acheter deux paires de chaussures (je n'en ai plus qu'une qui ne me fait pas mal aux pieds — depuis que je ne porte plus qu'elle, la perspective d'une opération du pied s'éloigne, mais les chaussures souffrent à être portées tous les jours), cela devenait urgent. Puis je suis allée récupérer mes livres auprès de "ma" relieuse: deux Langelot et les trois derniers tomes du Vicomte de Bragelonne. Les Langelot dans mon sac sont ceux que j'ai laissés pour être reliés.

    Oulipo enfin. (thème : rebelles). Nous étions peu nombreux ce soir, huit seulement à la pizzeria. Conversations à bâtons rompus:
    - les lotophages mangeaient les fruits du jujubier : ziziphus lotus;
    - jusque dans les années 60 ou 70, il y avait des souffleurs de verre au CNRS pour réaliser les ampoules et verres sur mesure nécessaires aux expériences;
    - (comme je parle du musée scientifique à Florence et ses magnifiques instruments de mesure) Galilée a triché: il a manipulé les résultats de ses expériences pour démontrer ce qu'il souhaitait. Sa conclusion était juste à partir de résultats truqués (quand une bille tombe elle tourne sur elle-même ce qui fausse sa vitesse par rapport au résultat attendu par le calcul).

    La bouteille de rosé que l'on aperçoit sur le côté de mon sac est destiné au responsable de la logistique qui nous déménage dans une semaine: il a pris soin de nous et nous a protégées contre toute tentative de déménagement précipité. Ça vaut bien un remerciement.

    Trois scènes

    Dans le RER B, après l'allemand, col blanc/col bleu, et l'air infiniment digne, lointain ou méprisant du col blanc pour le col bleu bruyant au téléphone.


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    Danr le RER D, trois potes hilares en train de discuter du Titanic (je ne sais pas comment cela a commencé, je suis arrivée au milieu). J'ai cru comprendre qu'ils se demandaient à quelle profondeur avait coulé le Titanic:
    « Mais frère, ça pouvait pas faire 67 m, c’est une piscine ! »
    Et de s'écrouler de rire.
    J’ai eu l’impression de certaines discussions ds ma cuisine.
    (Ils ont cherché sur Google.)


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    En face de moi un homme isolé de la gaieté communicative lisait un livre d'épidiémologie. Je l'ai retrouvé car j'ai aperçu du rose sur la couverture:


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    Longueur de temps plus que force ni que rage

    Maintenant que tous ceux qui râlaient pour rien ont été satisfaits (puisqu'il était prévu qu'ils le soient même s'ils n'avaient pas râlé) il reste les vrais cas problématiques. Face à une organisation persuadée que tout peut se traiter de la même manière, traiter les cas particuliers est épuisant.

    Je vais laisser tomber l'allemand. Pas vraiment le temps, pas vraiment envie : cette année nous faisons davantage de traduction et moins de théologie.

    Le sapin de Noël n'est toujours pas démonté.

    Le parquet est quasi fini. Je ne comprends pas comment les artisans sont parvenus à bouger à deux les meubles très lourds. La couleur du plancher rappelle celle des poutres. C'est chaleureux. (Ce parquet n'était pas prévu au départ: nous avons des artisans "force de proposition".)

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    Journée en sourdine

    Levée à 3h (réveil spontané) pour terminer l'introduction à la dissert de théologie que j'aurais dû écrire mercredi.
    J'ai continué à y travailler à partir de cinq heures ce soir. Je suis arrivée en retard en cours. Tout cela n'avait pas d'importance puisqu'on n'a pas regardé ce que j'avais fait.
    Il appert des remarques faites aux autres que je n'ai ni thèse ni problématique (difficile d'avoir une problématique quand on n'a pas de thèse).

    Accident de personne gare de Lyon ligne A en rentrant. Lignes 14 et 4 arrêtées pour travaux à partir de 22h15 environ. Je dors debout. Je rentre.

    H. est à Nantes.

    Les ouvriers ont commencé à poser le parquet.

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    Lueurs de raison dans un monde qui perd la tête

    Aux USA, les enfants cherchent à se faire vacciner en cachette de leurs parents (ce qui est illégal dans la plupart des Etats). Pour cela ils posent des questions sur des forums, dont Reddit.


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    Destination Bruges

    Les filles du huit vont courir à Bruges le 2 et 3 mars.
    Je les regardais avec envie, en me disant que ce n'était pas raisonnable de les accompagner simplement comme supporter, que cela me ferait un week-end de libre, peut-être pour aller voir mes parents ou ma tante…

    Et puis ce matin à l'arrêt de bus (je prends le bus quand O. reste à la maison: pas de voiture pour une seule personne) je vois arriver une requête dans WhatsApp: l'équipage n'a pas de barreur.
    J'ai sauté sur l'occasion.

    Chic, je vais aller ramer à Bruges pour les 150 ans de la course.

    Dans les bureaux déserts

    Nous sommes les deux seules salariées de A hébergées dans les locaux de l'entreprise B. Par conséquent les bureaux sont déserts puisque que tout B assiste aux vœux de la direction je ne sais trop où.

    Et sur le plateau désert je peux crier « CONNARD ! » tout mon soûl.
    Ça fait du bien.

    C'qui prouve qu'En protestant quand il est encore temps On peut finir par obtenir des ménagements

    Hier trois réunions : une pour préparer la conf call avec le prestataire, la conf call, puis une avec les commissaires aux comptes.
    Par ailleurs, appris que nous allions déménager. Cela fait longtemps que le projet suivait son cours et nous étions demandeuses: demandeuses d'un endroit plus calme et plus confidentiel.

    L'endroit qu'on m'a présenté à midi est une plaisanterie. J'étais si choquée que je l'ai contemplé sans rien dire, sans protester… un recoin sombre devant le couloir menant aux toilettes… Nous proposer cela au moment où nous tenons la mutuelle à bout de bras, faisant face sur tous les fronts… Ça c'est du management intelligent.

    Pas beaucoup dormi cette nuit. Ce matin j'ai fait appel au président de la mutuelle. Il nous a réglé ça en deux coups de cuillère à pot (ie, en une heure). Le hic, c'est qu'il est trop tard ou trop tôt pour aller dans le bureau qui nous est maintenant promis pour mai (et là, l'un des plus beaux de l'immeuble: y'a pas d'milieu) et donc nous allons passer deux ou trois mois dans ce trou à rat.

    Je me sens si humiliée que j'ai hésité à le raconter ici. Courage !

    Gestion de crise

    Agacée et goguenarde.
    Il y a des choses que je ne comprends pas, que je ne m'explique pas : comment peut-on se dire un grand professionnel de la santé (des contrats de santé) et ne pas connaître la loi Evin?

    Ai-je déjà dit que nous avions changé de prestataire au 1er janvier et que la bascule informatique (transfert des portefeuilles) s'était très mal passée? Six mille appels téléphoniques par jour pour le prestataire, son standard a explosé.
    Je m'en veux de ne pas avoir demandé en septembre comment il était possible que je ne sois pas contactée pour la MOA et les règles de gestion.

    Quelle panade. Demain je teste un outil d'envoi de mails en masse pour essayer de rassurer "mes" adhérents. Heureusement que je suis là pour apporter un peu de modernité à tout ce bouzin.

    Ergo III

    Il manquait deux rameuses, je me suis donc portée volontaire pour la course de la Lifa le 3 février.

    Me voilà donc en train de suivre le programme de notre entraîneur: 25 minutes à 85% de notre temps de référence au 500 mètres (je vous passe les discussions pour savoir s'il s'agit de temps ou vitesse), cinq minutes de pause, puis vingt-cinq minutes en alternant cinq minutes cadence 15 résistance 130 (réglage de l'ergomètre) et cinq minutes cadence 18 résistance 110.

    J'espère que vous n'avez rien compris : c'est un peu notre cas. Ce n'est plus les muscles qui ne suivent pas mais le cerveau.

    Rentrée beaucoup trop tard. Mais bonne nouvelle : avec une chaussette de foot pliée en deux dans le short, je ne me suis pas ouvert la peau du coccyx.

    Mauvaise nouvelle sur le front des travaux : le faîte du toit à refaire et un bord en zinc à ajouter : en avril 2016 le couvreur n'a pas terminé son travail et selon le sens de la pluie, il y a des infitrations.

    Pas de titre

    On a transfusé à ma coiffeuse florentine si menue neuf litres de sang.

    Profs en voyage

    Conversation il y a quelques jours :

    A — Il paraît qu'on est des profs atypiques.
    B — Pourquoi ?
    A — Parce qu'on ne dit rien, on ne se fait pas remarquer.
    B — Pourtant, vous devez commencer à savoir des choses dans votre domaine.
    C — Vu le genre de voyages1 qu'on fait, on est souvent ceux qui en savent le moins.
    A — L'autre fois il y avait une spécialiste en pierres… elle en a ramassé tout le voyage. Fallait voir la tête des douaniers.
    A — Un jour dans un voyage quelqu'un a dit qu'il était prof. Au dîner on a fait un tour de table, (ça faisait déjà plusieurs jours qu'on voyageait ensemble), on s'est aperçu qu'on l'était presque tous, mais que personne n'avait rien dit, tout le monde avait été discret.
    B — Mais pourquoi ?
    A — Parce que les profs ont mauvaise réputation. Même Françoise [la voisine dentiste] dit qu'ils sont terribles, qu'ils savent toujours tous, contestent toujours tout.




    Note
    1 : des voyages botaniques et zoologiques

    Rameuses

    On a une peste dans le bateau.

    — Mais arrête de te moquer de moi !
    — Elle ne peut pas, c'est son côté flaubertien.

    C'est la même qui hystérise les échanges sur Whatsapp. Elle a avoué à midi, après l'entraînement alors que nous prenions un café à trois : «j'ai tellement peur que cela s'arrête».
    Il faudra que je lui explique que son hystérie-même (surjouée ou pas?) risque de faire peur à celles qui ne la connaissent pas — et donc de tuer le vivier de rameuses nécessaire à la poursuite du projet.




    ***
    Agenda
    Cinq épisodes d'Altered Carbon dans la chambre d'A., en projetant Netflix sur le nouveau papier peint. Ça donne un aspect scintillant à l'image.
    — Tu veux regarder encore un épisode ?
    — Oh tu sais, moi c'est comme le chocolat: on finit la tablette et on en parle plus.
    Beaucoup de références dans cette série. Deux fils pour l'instant: un frère et une sœur dans un conte pour enfants, une réflexion sur l'intérêt de vivre éternellement (la façon dont occuper son temps).

    Reprise des entraînements

    Bien que ne faisant pas partie des huit meilleurs temps parmi les rameuses et donc n'étant pas "titulaire" (sélectionnée pour les compétitions), je vais sans doute avoir souvent l'occasion de ramer dans le huit à l'entraînement: le fait d'être adulte avec une vie familiale et une vie professionnelle fait qu'il y a souvent des absentes parmi les titulaires — sans compter celles qui ont envie de faire un bateau court ou ramer avec des amis.

    Donc j'ai de nouveau pris le trajet de la Défense. Quand je vois à quel point je suis fourbue après l'entraînement, ça vaut la peine.


    Une photo prise du pont de Neuilly, mon point de vue préféré sur la Seine, un peu avant neuf heures.

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    Point d'actualité :
    Le porte-parole du gouvernement et secrétaire d'État Benjamin Griveaux a été évacué après une intrusion de "gilets jaunes" samedi dans son ministère.

    Un tweet que je n'ai pas lu a été supprimé. On imagine ce qu'il disait (imaginant sans doute une catastrophe pour que tout cela s'arrête) en lisant les commentaires d'un ami:
    «C’est un peu mon sentiment aussi
    Ou un accident vraiment grave de type incendie faisant plusieurs morts, ou détruisant un bâtiment particulièrement emblématique.

    Avec ce sentiment un peu déroutant qu’il n’y a pas grand chose d’autre à faire, que d’attendre que ça arrive, tout en espérant que ça n’arrive pas.»

    Nous sachons

    J'aime beaucoup une page nommée "Complots faciles pour briller en société". («Nous sachons» en est le slogan.)
    L'un des derniers complots dénoncés m'enchante :

    ATTENTION, méfiez-vous :
    avec le prélèvement à la source, votre employeur va connaître le montant de votre salaire.

    Le petit oiseau va sortir

    Conversation pendant le réveillon :

    — Mon grand-père en Vendée fabriquait des pièges à chardonnerets… C'était très fin, très délicat. Il y avait une tige, un lacet, et quand l'oiseau se posait sur la tige, hop!
    — Mais pourquoi ? Il n'y a rien à manger sur un chardonneret.
    — Pour le chant. Pour les croiser avec des serins. Le mulet du serin-chardonneret a un chant magnifique.
    […]
    — Je me souviens… il y avait le marché aux oiseaux une fois par mois quai aux fleurs. Y'avait des types avec un grand manteau; quand ils les ouvraient, c'était plein de petites cages avec des oiseaux interdits.
    — Tu veux dire que ça vient de là, «Regarde mon oiseau?»

    Sécurité sociale : tous libérés délivrés


    Billet technique plutôt à l'usage des vieilles générations : depuis le 1er janvier 20191, plus aucune personne majeure n'est "rattachée" à son conjoint (ou conjointe, mais c'est plus rare).
    A priori les enfants majeurs ne doivent plus non plus être rattachés à leurs parents.

    — Allô, ma femme a reçu une lettre qui lui dit qu'elle ne m'est plus rattachée… est-ce qu'elle est toujours couverte par ma mutuelle2?

    Réponse : oui.

    A faire : se créer son propre compte sur Ameli. Vérifier sous l'onglet "mes informations" que le nom de votre complémentaire apparaît dans la case "complémentaire". Cliquer et vérifier que la télétransmission est à "oui".
    Si non à l'une de ces vérifications, envoyez (en pdf) une attestation sécu à votre complémentaire en demandant la mise en place de la télétransmission.
    Et voilà.

    J'en profite pour dire du bien des pharmaciens: heureusement qu'ils sont là, ils servent de relais administratif, de pédagogue, de psychologue, de trésorier/banquier (en acceptant d'attendre des règlements)… Ils aident aux déploiements technologiques comme la carte vitale (mise à jour dans les bornes, explications, etc) ou le dossier médical partagé; et tout ça sans se plaindre. Parfois ils téléphonent aux complémentaires pour aider les plus âgés. Il ne manque plus qu'ils vendent du pain et des timbres…
    Une pharmacie par village de plus de mille habitants serait-il une bonne idée? Serait-ce viable? (Quelle taille critique pour qu'une pharmacie soit viable?)


    Bref, une journée au téléphone, sans compter le message qui essaie de me mettre la pression: «vous comprenez, c'est TRÈS GRAVE, je n'ai plus de carte TP3». Si elle savait qu'elle me fait juste penser «C'est terrible ce qui vous arrive». (Je suis méchante mais ils m'agacent.)
    Ou encore «il me faut ma carte TP car je suis en ALD»: ben non mon coco, ça veut dire que tu es remboursé à 100% donc c'est plutôt un contre-argument (oui, pas pour tout. C'est juste pour dire que cela ne m'impressionne pas.)



    Notes
    1: après trois ans de période transitoire : loi votée le 31 décembre 2015, donc sous Hollande. Non, c'est pas la faute à Macron (jdcjdr).
    2: plus probablement une complémentaire santé, c'est-à-dire un contrat. Une mutuelle est une forme juridique; il y en a de moins en moins par défaut de taille suffisante pour respecter les contraintes légales extrêmement lourdes.
    3: Tiers payant

    Quelques liens à ne pas perdre

    Avec toujours le risque (voire la certitude) qu'ils vont se briser :

    Des photos d'arbres en noir et blanc: Pierre Pellegrini

    Une chanson de Noël finlandaise: l'engraissement du cochon et sa mort. Chanson enfantine, succès populaire. (ôÔ)

    Une recette de sablés au gingembre et chocolat (origine: la sécurité sociale (le service diabétique de je ne sais plus quel hôpital).

    Le récit d'un prof schizophrène. Très impressionnant. Vivre un film d'horreur exactement comme un film d'horreur: en sachant que tout est faux mais en ayant peur quand même.

    L'atlas de Sciences-Po en ligne.

    Un Gorafi / the Onion nihiliste.

    Premier

    Couchés à trois heures, dormi jusqu'à neuf : rien à faire je me réveille.
    Tournesol pour les oiseaux, Candycrush, brioche.
    Deux épisodes d'Altered Carbon. C'est compliqué, c'est envoûtant. Comme toujours, le spectateur épouse instinctivement la cause du personnage principal.

    O. avait invité trois amis pendant qu'H. et moi allions ailleurs (menu de réveillon: pâtes, pas d'alcool, ils ont acheté une bouteille de Coca). Ils ont passé la nuit à la maison, ils sont déja partis quand nous nous levons pour savoir comment les nourrir (que nous reste-t-il comme victuailles?)

    Nous rangeons un peu la maison (préparation de mon sac d'aviron pour jeudi, les entraînements reprennent) et nous partons pour Blois.


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    Boules tricotées main.

    Choses vues en 2019

    1 au 6 janvier : Altered Carbon (série Netflix zonés dans la chambre de A)

    3 mars : Greenbook dernière partie à UGC La Défense en attendant que Franck me ramène mon blouson de Bruges.
    5 mars : La Mule à UGC La Défense
    6 mars : Barry Seal projeté sur le mur à la place actuelle de l'escalier
    23 mars : Triple frontières (film Netflix) (réinstallation du canapé au dernier étage)
    24 mars : The Happiness Therapy puis The Proposition

    14 avril : fin de Jumanji II sur mon ordinateur
    21 avril : Homeland saison 7 épisode 1
    22 avril et nuit blanche : Le reste de la saison.
    27 avril : Un bonheur n'arrive jamais seul puis Pour elle.
    28 avril : Brexit : the clock is ticking
    29 avril : Braquage à la suédoise 1/6 et Stallone, profession héros sur Arte.

    2 mai : Braquage à la suédoise. cinq épisodes. C'était bien.
    2 mai : Wrong Mans. six épisodes. Les deux sur Arte.J'aime bien aussi.
    4 mai : Dead to me. Dix épisodes. Netflix.
    5 mai : trois épisodes des Minichronique de Goscinny. INA.

    Lucifer, 4 saisons (Netflix)
    Designated survivor saison 1, une partie de la 2 avant d'abandonner
    Dark, 2 saisons (Netflix)
    Umbrella Academy
    13 août : Nelly Kaplan, La fiancée du pirate (regardé au bureau sur Arte)
    14 août : Mr Oizo, Rubber (regardé au bureau sur Arte)
    18 août : Borgen, 3 saisons

    Les dents de la mer
    octobre : The Big Bang Theory saison 1 (j'ai tout recommencé pour être dans l'esprit lors du mariage de Leonard)
    27 et 28 octobre : les trois Jason Bourne et Night & Day
    29 et 30 octobre : The Big Bang Theory saison 2 et 3
    31 octobre : The Big Bang Theory fin de la saison 3. Début de la 4

    Livres lus en 2019

    9 février : Langelot et les espions
    10 février : Langelot et les crocodiles, Langelot chez les Pa-Pous
    16 février : Langelot aux arrêts de rigueur (jamais lu. Un côté Gilets jaunes inattendu).
    23 février : Derniers témoins, Svetlana Alexievitch

    Langelot et le fils du roi (une vision des années 70 de la diplomatie française envers les pays du Moyen-Orient)
    Langelot sur la Côte d'Azur (jamais lu: la menace atomique. Ça rejoint les James Bond de l'époque. Midget bleue pour la première fois.)
    Langelot garde du corps
    Langelot et la marée noire

    18 avril : L'Europe est-elle chrétienne?, Olivier Roy
    25 avril : Langelot et le commando perdu, Langelot et le plan Rubis

    2 mai : Arnol Bennet, How To Live On 24 Hours A Day
    5 mai : Hans Jonas, Le concept de Dieu après Auschwitz
    24 mai : Adolphe Gesché, Le Mal

    septembre : André Paul, La famille «chrétienne» n'existe pas

    15 octobre : W.G. Sebald, Les Émigrants
    23 octobre : W.G. Sebald, De la destruction

    16 novembre, Philippe Lefebvre, Ce que dit la Bible sur la famille

    3 décembre, Walter Kasper, Evangile de la famille

    2018, l'année de la déliquescence

    2017 avait été l'année de la folie (au sens psychiatrique du terme).
    Cette année est celle de l'effritement.

    Déménagement de la Défense à Nanterre préfecture, (fin de l'aviron facile), instalation en open-space, GC a perdu pied jusqu'à nouvel ordre, dissertation non rendue en juin, diplôme raté de A. et inscription obligatoire à la CNOV, grève officielle du RER D d'avril à juin mais en réalité ça n'a plus jamais fonctionné normalement (normalement: être à l'heure au moins trois fois sur quatre), des amis qui défendent les zadistes (??!!), pas de RER A cet été, Vincent qui me claque dans les doigts à propos de la course des dames, les émeutes de fin d'année.

    Le seul point de lumière aura été les 50 ans de mariage de mes parents : un temps magnifique et des gens heureux d'être là. Je me félicite de l'avoir organisé, heureusement que je l'ai organisé.

    Je ne suis pas optimiste pour 2019.




    Notons par ailleurs, pour mémoire et sans aucun rapport, pour ne pas perdre cette précieuse référence, ce diagramme destiné à permettre de dater une carte (après une discussion sur le thème "mon diplôme n'existe plus (DEA, DESS), mon école a changé de nom, je viens d'une ville qui n'existe plus dans un pays qui n'existe plus").




    ajout le 16 janvier 2019
    Count your blessings : 2018 est l'année où j'aurais compris qui je suis (je veux dire : ni un clône de mon père taciturne, ni de ma mère angoissée). Ça m'a libérée au niveau ambition professionnelle. J'espère juste que cela n'arrive pas trop tard.

    Jour tranquille

    O absent.
    Journée dans le salon (à cause des travaux à venir) à faire des tests informatiques (enfin pas moi…). Le test du nouveau serveur a pris 18 heures. Il ronronne sur le tapis. J'aime bien ce bruit.

    Les nouveaux écrans sont sortis des cartons, entourés d'emballages anti électricité statique. H. est heureux, tout est conforme à ses attentes voire les excède.

    Je suis installée au dos des écrans :


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    Tandis qu'H. transvase les données de l'ancien serveur sur le nouveau, il retombe sur des archives données par son père: deux mariages filmés en 1980 ou 81 dans sa famille en Croatie. Chose curieuse et intéressante, son père a également filmé trente ans plus tard (2011) la partie française de la famille en train de regarder le film initial (les plus petits n'ayant pas de souvenirs, les plus grands ayant oublié), ce qui permet d'avoir du son, et donc le nom des personnes et l'explication des situations.
    Mon beau-père a inventé les notes de bas de page cinématographiques.


    Le tweet du jour.


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    Twitter, entre rire et abjection

    Encore une journée perdue dans Candy Crush.

    Une fantastique histoire de crickets qui m'a permis de rire dans la matinée. Commentaire : «Nous vivons une époque formidable où l'une des dix plaies d'Egypte peut nous être livrée à domicile».
    Je la traduirai peut-être.

    Utilisation des données personnelles : observation. H. a acheté du papier peint chez Bricorama vendredi. Il n'a pas de compte FB. Samedi après-midi j'ai vu apparaître une pub pour papier peint dans ma TL FB. Il avait utilisé la carte bancaire du compte joint. Nos adresses mail sont sur un serveur perso commun. Pour FB j'utilise un compte mail qui n'utilise pas notre nom de famille.
    Coïncidence ?

    Je ne sais plus comment dire mon dégoût. Une du Monde, en toute innocence, sur le mode «on ne pensait pas, on ne l'a pas fait exprès».
    (Je cite cette twitteuse parce qu'elle connaît bien l'Allemagne et a souvent des analyses intéressantes.)


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    source : Nain Portekoi

    Dernier vendredi de l'année

    Pris deux heures entre midi et deux pour travailler à la dissert. J'ai trouvé un endroit que j'aime bien au dernier étage du bâtiment, sous le ciel dans un silence profond.

    Commencé Au pays de la théologie de Neusch et Bruno Chenu. Pas mal voire bien.

    Les échéanciers ont enfin été envoyés : d'abord retardés parce que nous n'avions pas le PASS 2019 (plafond annuel de la sécurité sociale), puis à cause d'un bug incompréhensible: il s'est avéré que quelqu'un avait trouvé malin de faire une mise à jour du progiciel début décembre sans prévevir personne… Résultat, les 71000 courriers ont réussi à partir cette nuit.

    Un dîner à Paris annulé. Nous rentrons. Cinq jours devant moi.

    Futur habillage

    Cela fait un moment que je voudrais changer l'aspect de ce site (dix ans déjà: je suis fatiguée de son look sapin de Noël) mais H. n'a pas le temps.

    Il y a quelques jours il m'a dit: «Trouve un site full responsive html5 et css3 et je te l'installerai».

    J'ai fait des recherches. Difficile d'éviter les sites Wordpress. La différence entre sites et blogs n'existent plus vraiment, tout à l'air destiné au bizness, blog de coiffeur, de photographe, template pour CV… Je me creuse la tête pour trouver des mots-clés, personal, writer (et je trouve des templates pour mettre des livres en ligne), text only
    Tout cela est très éloigné de ce que j'ai aujourd'hui et là plupart prévoit des photos, beaucoup de photos: règle marketing, attirer les lecteurs par des photos, des dessins. Le texte fait peur (définition d'un intellectuel quand j'avais vingt ans: quelqu'un qui lit des gros livres sans image).

    Donc un jour ou l'autre (ça peut prendre six mois), ce blog va disparaître plusieurs jours et renaîtra comme ça, ça ou ça (lisible sur tablette et téléphone).


    Comme il faudra sans doute mettre des images par défaut avant que j'aille patiemment mettre des photos pertinentes sur dix années de billets, j'ai fait des recherches: Alice, des oiseaux, le calendrier révolutionnaire.

    Et donc je vais essayer dorénavant de mettre davantage de photos dans mes billets (même si elles sont toujours un peu floues car dégradées pour s'afficher rapidement).

    Jina Djemba

    Miss Nina Simone au théâtre de l'Œuvre.
    Pas emballée par le texte de la pièce, trop narratif et statique à mon goût. Le récit est triste, mais c'est sans doute que la vie de Nina Simone est triste. Je pense qu'en une heure nous avons tous les éléments, son enfance, son caractère difficile, son amertume de femme noire engagée dans la lutte pour les droits civique, sa solitude à Marseille.

    La surprise, ce qui donne toute sa valeur à la pièce, c'est que contrairement à ce que j'imaginais, il n'y a pas de play-back: Jina Djemba chante en scène, accompagnée par un musicien percusionniste-flûtiste-pianiste. Et c'est bon, très bon, même.
    J'espère la revoir dans beaucoup d'autres pièces et films.

    Soulagement

    Soulagement d'être à la maison pour quatre jours. Impression de très longues vacances.

    Des présences rares

    Oulipo le soir. Comme souvent j'arrive trop tard pour assister à la séance, je rejoins le groupe à la sortie de la BNF.

    Jacques Ponzio (de Marseille) est là. Je l'interroge sur le jazz car je sais qu'il a sorti un livre l'année dernière: Thelonious Monk: abécédaire. Il m'apprend qu'il en a écrit un autre, Blue Monk, il y a vingt-cinq ans (renseignement pris, c'est une référence), et surtout qu'il doit en sortir un autre: «cette fois-ci ce sera mon Monk, me dit-il, et je ne suis pas toujours tendre.»
    Jacques, c'est aussi un groupe de jazz, "Africa Express", avec bientôt un nouvel album dont il semble très content.

    H. est là, cela fait plusieurs fois qu'il me rejoint le jeudi. Ça me fait plaisir.

    Olivier Salon arrive plus tard et nous ravit de sa fantaisie en nous parlant de Satie et nous racontant des anecdotes loufoques — mais vraies (google dixit).

    Début des travaux

    Nous avons embauché les ouvriers qui ont refait notre escalier l'année dernière pour repeindre tous les murs (sur trois étages), changer le plancher du rez de chaussée, remplacer l'escalier qui mène au dernier étage, poncer la mezzanine.
    Cela fera vingt ans en juin que nous sommes dans cette maison, avec trois enfants et deux chats.

    Beaucoup de poussière et ponçage en perspective.

    Dernier atelier de l'année sur le mémoire de licence (je n'ai toujours pas décollé).

    Deuxième course

    Les filles en huit ont été deuxièmes ce matin à Tours.
    Une photo du bassin qu'elles nous ont envoyée (Whatsapp est quasi noyé sous les messages):

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    Tours (le Cher). Presque chez moi. Mon regret de ne pas y participer, c'est que René aurait pu être là.

    Kairos

    Je suis allée chercher le sapin samedi : un petit (à cause des travaux) acheté auprès des compagnons scouts (ça leur permet de financer leur projet).
    O. l'a décoré dans la semaine, ce qui fait que pour la première fois depuis très longtemps (première fois tout court?) le sapin est monté avant le 23 ou 24 au soir.


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    A 15 heures, réunion à l'église de Montgeron avec tous les élèves de catéchisme du secteur autour du texte Luc 3, 10-18: «que devons-nous faire?»

    Les réponses m'ont toujours frappée par leur bon sens: faire votre travail honnêtement, partager quand vous avez quelque chose en surplus. Il me semble que la comtesse de Ségur relaie le message, peut-être dans Les Vacances.
    Les Actes aussi auront ce genre de réaction: mettre en place des équipes pour s'occuper des veuves, envoyer certains prêcher, donner des conseils de bon sens et de moralité… Les évangiles sont encadrés par de la norme humaine, des réponses que nous pourrions trouver seuls. Il n'y a que Jésus qui fait éclater le message et fait ou dit toujours autre chose que ce qu'on attend.

    Idée cadeau

    Des gilets orange (pour le footing, le vélo…)

    (Et toujours je pense à la règle du Bled, «les noms de couleur provenant d'une chose (jonquille, émeraude, etc) sont invariables sauf rose». (Ils sont également invariables si composés: rose bonbon.))

    PA de la semaine

    - lundi 10 : une entreprise de joaillerie. Un cabinet de recrutement entièrement féminin.

    - mardi 11 : Christian Tacquart fait envie (et les biscuits Traou Mad : le mariage de Matoo).

    - vendredi 14 : Neuilly sur Seine, plus raisonnable. Une PME avec de l'international. (cabinet Badeloch & Clarck).

    Le problème, c'est cette carrière entièrement dans l'assurance : comment donner envie à quelqu'un de me faire confiance pour faire autre chose ? Je me rends compte que pendant que je me consacrais à RC, ma vie professionnelle est passée à côté de moi. Vais-je pouvoir la rattrapper ?

    Timidité

    — Il fait froid, je me suis mis près d'une rôtisserie.
    — Pourquoi tu ne rentres pas ?
    — Je ne vais pas rentrer tout seul dans une librairie !



    Autre timidité : librairie cahiers de Colette pour une lecture à l'occasion du dernier livre de Marcheschi, L'Alphabet des astres. Pas osé le saluer.
    Puis coquillettes-jambon aux Marroniers.
    Pour parfaire cette glissade régressive, un Langelot jamais lu attendait dans la boîte à lettres : Langelot et la clé de la guerre.

    Coupe-gorge

    Dîner avec Dan et Christophe (& Co) au Coupe-gorge (sans grand intérêt).

    Dan a toujours des histoires extraordinaires qu'il racontre tranquillement avec un sourire désarmant. Cette fois-ci, c'est un AirB&B fou sur la côte Ouest : «Il avait précisé "maison sans parfum", scent free home: pas de déodorant, pas de parfum, pas de lessive… mais ce n'était que le début. C'était un fou des post-its, il y en avait partout, il en rajoutait pendant mon absence… il partait en week-end avant mon départ, je me suis dit chic je vais être tranquille, mais pas du tout: il avait fait appel à un voisin qui venait vérifier que je ne manquais de rien et il me téléphonait plusieurs fois par jour…»



    Je découvre le concept d'hypersensibilité environnementale. C'est très proustien.
    J'aime beaucoup le nom de cette page : Think before you stink, Pensez avant de puer. Tout un programme.

    Bref, dépêchons-nous de nous parfumer avant que cette folie supplémentaire n'arrive en France.

    CNOV

    A. à la maison.

    Une bonne nouvelle : son dossier est accepté, elle va pouvoir passer l'examen pour être inscrite sur la liste de l'ordre des vétérinaires, inscription sans laquelle elle ne pourra pas exercer son métier.
    Les épreuves se tiendront à Nantes en avril.

    Conférence

    Conférence obligatoire sur la loi bioéthique. Beaucoup de redites par rapport à mes cours de deux ans, ce n'était pas vraiment nécessaire.

    Il y a deux ou trois ans, il n'y avait pas de cours ou TG pour les (élèves en) dernières années. Les droits d'inscription ont augmenté et en conséquence l'école s'est senti obligée d'ajouter des cours aux ateliers tous les quinze jours. C'est un programme beaucoup trop lourd, nous sommes tous à la limite d'abandonner.

    Langelot

    Il y a eu plusieurs étapes. Il y a quelques semaines, j'ai trouvé un Langelot contre Monsieur T dans une boîte à livres à la bibliothèque de Nanterre université. Il était très abîmé, les pages gonflées d'avoir été un jour mouillé. Qu'importe, je l'ai ramené, impossible de le laisser; je l'ai laissé traîner, H. l'a lu (relu, rerelu, pour la x-ième fois depuis la première fois).

    Sans doute a-t-il voulu en lire un autre. Et il s'est enfin rendu compte que j'avais fait, que je faisais, relier les Langelot. Cela ne fait jamais que trois ans que j'ai commencé.



    2018-0918-10-Langelot.jpg




    Sur ma lancée, après le travail sur Pratchett et celui sur World of Warcraft, j'ai listé cette après-midi les quarante Langelot existants pour pointer ceux qui me manquent et l'édition de ceux que j'ai.
    En fait il y a quatre ou cinq titres, parmi les derniers, que je n'ai jamais lus. Ô joie infinie, il reste des livres à lire! Etrange impression que de découvrir que beaucoup de Langelot que je pensais anciens venaient tout juste de sortir quand je les achetais (tout mon argent de poche). Ils étaient mes exacts contemporains.

    Quelques recherches internautiques plus tard, j'ai commandé onze Langelot, cinq que je n'ai pas et six pour acheter des couvertures conformes à l'édition dans laquelle je les ai lus dans mon enfance (édition dite "avec logo" le plus souvent: cliquez, le site est admirable de précision et de simplicité).

    La pensée réac du jour

    — Ce que je ne comprends pas, c'est qu'on dirait que certains s'attendaient à gagner plus à la retraite que lorsqu'ils travaillaient, ou tout au moins autant. Ils devaient tout de même se douter que ça allait faire moins.
    — Mais non : ils n'en foutaient pas une rame quand ils travaillaient et ils étaient payés, ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient gagner moins à la retraite.



    J'avoue, j'ai ri de bon cœur. Un peu scandalisée, mais pas tant que ça, parce que bien entendu, je songe à des exemples (qui ne peuvent constituer une généralité).

    Ambiance

    Mail pro reçu à 11 heures :
    Bonjour,

    Compte tenu des événements liés à la mobilisation des gilets jaunes prévue le week-end des 8 et 9 décembre prochains, nous vous invitons à prendre votre ordinateur portable à domicile vendredi soir afin de protéger éventuellement le matériel en cas d'intrusion des locaux professionnels et de pallier aux éventuelles difficultés d'accessibilité des immeubles Immeuble1 et Immeuble2, lundi 10 décembre prochain.

    Cette mesure n'est prise que par précaution et nous espérons naturellement que chacun pourra regagner son lieu de travail normalement ce lundi.

    Bien évidemment, nous vous invitons à éviter l'abord des ImmeublesXX ce week-end.

    Enfin, un numéro vert sera mis en place pour vous donner des informations sur l'évolution de la situation au cours du week-end : 08xxxxx

    Ce numéro serait disponible à compter du dimanche 9 décembre 14h.

    Bien à vous.
    Ce n'est plus à 1934 que je pense, mais à 1788.
    Sauf que ceux de 1788 n'avaient sans doute pas grand chose à perdre, alors que ceux d'aujourd'hui vont tout perdre s'ils incendient les lieux de travail des bonnes poires qui continuent à payer pour eux: ils ne se paraissent pas se rendre compte que leur maigre retraite et la prise en charge à 100% des ALD (affection de longue durée) dépendent entièrement du fait que le reste de la population aille travailler tous les matins.


    Je pleurerais bien sur le fait qu'en absence de réforme mes enfants n'auront pas de retraite, mais le plus probable est en fait qu'ils meurent du manque d'oxygène (diesel forever).
    Beaucoup de pays réfléchissent aux moyens d'équilibrer les régimes de retraite à l'horizon 2030-2040. A cette date, le vieillissement aura atteint les Etats-Unis et la Chine; au Japon et en Europe, la population de plus de 60 ans sera pratiquement égale à celle de 20 à 60 ans.

    Mais les calculs faits précédemment montrent que, même avec des hypothèses favorables, en 2040 la consommation d'énergie et les émission de CO2 auront l'un et l'autre été multipliées par 3 rendant probablement la planète invivable. Quelle est alors l'utilité du rééquilibrage des régimes de retraite ?

    Patrick Artus, Flash CDC Ixix n° 185, 16 juin 2004

    Prévisions à moyen terme

    Je suis mes comptes dans un tableau Excel avec un onglet par mois et des onglets pour des graphiques, pour les prêts et pour les impôts. Chaque année je le duplique pour l'année suivante puis le vide des dépenses non structurelles ce qui me permet d’établir une sorte de budget prévisionnel.
    C'est donc un tableau sérieux.

    Aujourd’hui je lui ai ajouté deux onglets: un onglet World of Warcraft et un onglet Pratchett. Ainsi vais-je pouvoir suivre sur plusieurs années les commandes de cadeaux de Noël qui m’ont été faites. Je vais devenir spécialiste de livres que je ne lirai jamais (j’adore. En fait, ça me plais beaucoup. C’est comme un rêve dans lequel vous décidez de ne pas entrer mais qui reste disponible, à portée de main.)

    J’ai établi mes listes, rêvé sur les noms, choisi une stratégie (dans quel ordre acheter? Et combien à la fois?), passé mes commandes et pensé qu’Amazon, c’était tout de même pratique.



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    Agenda : sortie en huit (bof), grec Jn 11.

    Romains 7

    En allemand, coup de théâtre: Romains 7 (comprendre L'épître aux Romains), «je fais le mal que je ne veux pas et je ne fais pas le bien que je veux» serait une prosopopée dans le style des dialogues platoniciens. Cela expliquerait pourquoi la thèse soutenue est différente de ce que dit habituellement Paul (puisque Romains 7 est une défense de la Loi tandis que Paul est généralement pour un dépassement de la Loi.)

    Quelques recherches plus tard, je trouve ces pages d'Alain Gignac.


    Puis un coup de Vélib (ouaaaiiiihhh, y en a!!!) jusque chez Olivier, un whisky, une petite fille impertinente et un petit garçon têtu, une côte de bœuf maturée cent jours (je ne savais même pas que ça existait) à deux (1,8 kg) au Trassoudaine (chaudement recommandé).


    Je rate le dernier RER et rentre en car.

    Le jeu

    "Après-midi piscine" ou "rien", pour la déclaration de guerre de 14 (Kafka) ou le 14 juillet 1789 (Louis XVI). C'est souvent cité pour illustrer un manque de clairvoyance devant les événements historiques.
    Mais je découvre une autre explication possible: une telle navrance que l'on préfère parler d'autre chose.

    Parlons d'autre chose.

    Tellement pas le moral que j'ai séché l'atelier de ce soir pour aller au cinéma.
    Vu Le Jeu, dîner entre quatre amis et leurs conjoints qui décident de lire à haute voix toutes les notifications qui arrivent sur leurs téléphones pendant le repas.
    La bande-annonce m'avait plu mais je craignais la catastrophe franchouillarde. En réalité le film est de bonne tenue et montre bien la fragilité psychologique, les désirs toujours inassouvis et inavouables, les tensions familiales et — surprise pour moi pour qui ce n'est plus un sujet — l'homophobie larvée ou pas du Français moyen (d'un type de Français moyen). Il y a quelque chose de shakespearien dans ce film, pas le Shakespeare des tragédies mais celui des comédies amères où la fin nous explique que même si ce n'est pas facile, il faut continuer à vivre de notre mieux.

    Rangement, départ

    Les travaux prévus dans la maison devraient commencer lundi (enfin, ils ont déjà été reculés d'une semaine et ils le seront peut-être encore. Ça ennuie H. qui aurait voulu faire passer les factures sur 2018 (optimisation fiscale)).

    Comme je ne suis pas là du week-end, j'ai donc posé ma journée pour dégager le dernier étage. Difficile de dire que j'ai rangé, disons plutôt que j'ai entassé ailleurs. L'élan qui me poussait à classer et vider quand j'espérais que nous partirions aux Etats-Unis est bien mort — ou profondément endormi.

    TGV à 17h19, direction Nice pour ramer deux jours. Je profite du voyage pour avancer les billets d'Alice et classer mes photos (Europe 2017 : nostalgie). J'aurais peut-être mieux fait de travailler sur le TG que je dois rendre par écrit puisque je ne vais pas y assister demain (galère!).

    Arrivée à l'hôtel Saint Paul. C'est un ancien couvent et en première impression sous la pluie dans la lumière des réverbères, il est magnifique.
    Pour moi, il présente surtout l'intérêt d'être à deux pas du club où nous avons rendez-vous à 8h30 demain.

    Tautologie

    Dans la cuisine, éclat de rire et jugement sans appel :

    — C'est débile tellement c'est con !

    Sortie en huit

    Comme il y a une semaine ou comme il y a quinze jours ? Le temps passe si vite.
    J'ai failli ne pas y aller, nous étions dix ce matin dans l'appli (le site) yaentrainement, mais plus que huit à onze heures (il faut être neuf pour faire un huit : il y a un barreur).
    Evidemment problème de RER, c'est frustrant d'être désormais à Nanterre préfecture (une station de RER, changement à la Défense, une station de métro. C'est long). J'ai quasiment pris la décision de ne plus ramer en semaine en attendant le retour de l'heure d'été (pour ramer le soir puis rentrer — et non retourner au bureau).
    Sauf s'il faut compléter un huit.

    Belle sortie, j'adore ça : il faut être concentrées, l'épuisement cérébral — et non physique — se sent au fur à mesure de la sortie, les cerveaux manquent de sucre: d'abord replacer le tronc, tirer les talons vers soi et non les fesses vers les talons (c'est bizarre mais ça change totalement la stabilité du bateau), préparer les pelles, pousser, dégager les coudes bien écartés… à chaque coup. Impression de ne rien savoir, de tout réapprendre. Plus du tout le temps de regarder les canards ou les feuilles.

    Finalement c'est cumuler tous les avantages : le plaisir de sortir dans ce bateau de temps en temps sans l'obligation de s'entraîner cinq fois par semaine.

    Salut, c'est pour un sondage

    (Phrase d'accroche du Colaroshow, me semble-t-il (ça ne nous rajeunit pas. Cette émission a totalement disparu des mémoires)).

    La banque Trucmuche nous a envoyé un lien pour un sondage de satisfaction.
    Il y avait une seule question: «Etes-vous satisfait de la banque Trucmuche ?»



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    Transport : depuis quinze jours, les problèmes se multiplient matin et soir. Ce matin, tous les RER D terminus gare de Lyon étaient supprimés, puis problème mécanique sur le RER A. Ce soir problèmes mécaniques sur le RER A et D.

    13 pouces

    Nouvel ordinateur, MacBookAir 13 pouces, gris foncé. Magnifique écran rétina, douceur des touches neuves sous les doigts. Triste de quitter le 11 pouces, d’une part pour des raisons écologiques (H. a beau m’assurer que tout est recyclé, j’ai toujours un doute. Mais bon, nous allons le conserver comme ordinateur de voyage); d’autre part parce qu’il m’a accompagné partout depuis l’été aux Etats-Unis et notamment durant mes années d’études (avouons que c’est sans doute à cause du fait que mon ordinateur devienne portable que j’ai cessé d’écrire régulièrement sur mes blogs: le fait d’avoir le portable partout avec soi incite davantage à traîner sur FB qu’à écrire… Il me faut un cadre formel pour travailler).

    Le 11 pouces est bien fatigué, la batterie est à bout de souffle et il ne supporte plus les dernières évolutions du système d’exploitation: risques de failles de sécurité, me dit H. (ce qui ne m’effraie guère, mais enfin).

    Actualités

    Poser une balise pour le futur.

    Naissance de deux jumelles "OGM" en Chine. Elles résistent au virus du sida. Mais résisteront-elles à la rougeole? (Ce n'est pas une boutade: je veux dire que si nous nous ressemblons tous génétiquement, la moindre maladie non prévue nous décimera, comme cela fut déjà pour les récoltes de céréales aux Etats-Unis.
    Enfin, ce serait peut-être à espérer. (Je ne dois pas dire ça. En tant que chrétienne, je représente l'espérance, je n'ai pas le droit de dire ça.)

    Par ailleurs, un fonctionnaire du Sénat a été arrêté, soupçonné d'espionnage pour la Corée du Nord. (WTF? Je pouvais comprendre qu'on idéalise l'URSS, mais la Corée du Nord? «Pour de l'argent», me dit raisonnablement H.)
    S'appeler Quennedey : non mais lol !!

    Boycott

    Alexis Corbière invité sur France Inter explique sans complexe ni honte (sans vergogne, dirait RC) qu'il a navigué d'un groupe à l'autre en mettant ou enlevant son gilet au gré de la situation.

    Je ne comprends pas la complaisance de France Inter pour le mouvement des gilets jaunes, anti-impôt et anti-taxe: après tout, cette radio est financée avec nos impôts.
    C'est bon, leur anti-macronisme me fatiguait, cette fois-ci la coupe est pleine. Je vais voter avec les pieds, c'est à dire désinstaller l'application sur mes appareils (dans l'espoir que la désinstallation se voit dans leurs statistiques).
    Je vais tester Europe 1 recommandé par Elisabeth.


    2018_1126-vin-chaud.jpg

    Premier vin chaud au Cassette.

    La fratrie Boulet

    C. m'apprend que la sœur de Boulet, Jacquotte, est théologienne.

    Du coup j'ai exploré sa blogroll: il y a aussi son grand frère qui parle de cinéma, son petit frère qui dessine et son autre sœur qui est libraire.

    Retour à Melun

    Comme le huit était complet, je suis allée ramer à Melun avec Guenaële pour la première fois depuis septembre. Ça m'a fait un bien fou au moral. Bien que n'ayant pas ramé de la semaine j'ai ramé les quinze kilomètres sans difficulté : les entraînements en huit ont été efficaces.


    A. est à la maison pour fêter son anniversaire, mais mes parents et mes beaux-parents ne viendront pas demain: les «gilets jaunes» font comme une rumeur de guerre civile à la radio et sur Twitter.
    Pour 10% de personnes en réelles difficultés financières, 90% sont des personnes qui ne veulent pas payer d'impôts, pas payer de taxes, en un mot surtout ne pas soutenir les 10% dont cela devait être le combat.
    Manif de beaufs dans tous ce qu'elle a de méprisable et désolant: extrême-droite et extrême gauche, Mélenchon et Le Pen et Dupont-Aignan. (L'un des meneurs du mouvement, Franck Bulher, a rejoint NDA après avoir été exclu du FN pour racisme. Ça laisse rêveur.)


    Le soir H et moi allons revoir Bohemian Rhapsody à Bercy avec les enfants. Coïncidence, je le découvre au générique de fin, c'est l'anniversaire de la mort de Freddie Mercury.
    A. nous raconte les tribulations de Benjamin qui squatte chez elle quand il ne peut pas squatter chez Quentin, parce que par décision du juge, Quentin ne peut pas rester chez lui quand ses frères et sa sœur rendent visite à leur mère.
    Cette histoire est louche. Je suis soulagée que ce soit Benjamin et non Quentin qui soit coloc chez A.

    Je suis Amy

    Ce soir, l'une des rameuses nous a invitées à prendre l'apéro chez elle «pour mieux se connaître» (puisque nous sommes deux ou trois groupes à devoir se fondre: celles du midi, celles du week-end et un groupe à part car bonnes rameuses mais un peu pestes). Retour dans les petites rues de Courbevoie. Nous étions une douzaine entre vingt-cinq et cinquante ans.
    L'une d'entre elles me dit comme une grande découverte: «ce qu'il y a de bien à l'aviron, c'est qu'on ne se présente pas, on ne sait pas ce qu'on fait dans la vie, on le découvre beaucoup plus tard, c'est reposant». J'ai alors réalisé que je vivais ainsi depuis des années, avec les blogs, avec les inconnus acceptés en amis sur FB: des années parfois à découvrir la situation professionnelle ou familiale de certains.
    Je n'ai pas commenté.

    Je raconte la soirée à H:
    — Je crois que c'est la première fois que je participais à une soirée entre filles. J'ai eu l'impression d'être Amy tout excitée par ses soirées avec Bernadette et Penny.
    — Bref, vous avez bitché.
    — Oh, pas tant que ça.

    E-santé, théologie, grec

    1/ Colloque sur l’e-santé à la Mutualité française.
    Pas de journée réussie sans commencer par des problèmes de transport: j’ai eu beau m’appliquer, prévoir un RER plus tôt, je me retrouve coincée à la Madeleine (RER D puis ligne 14 puis ligne 12) par une panne de signalisation. J’essaie la 8 qui ne va pas mieux. Je prends un Mobike, six kilomètres, heureusement qu’il ne pleut pas.

    Intervention très intéressante d’un anthropologue, Sylvain Flender. A la demande de la Mutualité, il a enquêté sur ce qu’était la santé pour nos contemporains (donc nous-mêmes).
    Il commence par une remarque de base: personne ne sait définir la santé. La santé se définit par ce qu’elle n’est pas: ni maladie ni douleur (comme je suis déformée je pense aussitôt théologie négative).

    Il a travaillé par des questionnaires approfondis proposés à soixante personnes choisies selon des méthodes statistiques. Les réponses ainsi que des recherches en fonction des pistes ainsi ouvertes (j’ai demandé comment il était possible de proposer une analyse aussi large à partir de soixante personnes seulement) l’ont amené à définir quatre imaginaires de la santé:
    1/ la santé sensation. Etre bien dans son corps, ralentir pour résister au stress contemporain. Vocabulaire de l’élimination, de la transpiration: éliminer les toxines de la vie contemporaine.
    2/ la santé compétence (à résonnance esthétique: avoir la forme et être en forme). Bouger, faire et surtout être capable de faire. Potentiel.
    3/ la santé capital. Prendre soin de soi pour préparer l’avenir, avec quatre sous-types: le déni (inutile de faire des efforts; tout est dans les gènes; regardez Churchill); le fatalisme (il faudrait que j’arrête telle ou telle addiction mais je n’y arrive pas, tant pis); le funambule (compense les excès d’un soir sur la semaine); l’orthodoxe (une forme d’ascétisme).
    4/ la santé émotion. A la recherche du bon, du bien. Centripète (vers l’extérieur) plutôt que centrifuge (égocentré). Trois sous-types: le rédempté (a souvent vécu un burn-out); le carpe diem (attentifs aux petits bonheurs); le méditatif (conscience aaugmentée, vision holistique, en accord avec l’univers).

    Je n’aurais jamais imaginé de mettre cette dernière catégorie dans la santé. Pour moi c’étaient des spirituels, voire des mystiques pour les plus allumés d’entre eux.
    Donc Nerdfitness est dans la santé compétence, Zen habits dans la santé émotion.


    2/ Théologie
    En sortant je passe chez une camarade d’atelier qui m’a proposé de me prêter des livres. Neusch et les Mélanges offerts à Mgr Doré. Ce dernier est un très gros et beau livre. Je le commence (dans le désordre puisqu’il est composé d’articles. J’ai rencontré deux des auteurs à Cerisy) en mangeant un œuf mayonnaise dans une sympathique brasserie, La Marquise. Mes voisines se plaignent des fautes de français sur France Culture (émoticône yeux qui pleurent bouche qui rit).


    3/ Grec
    Je salue la prof de la part de la camarade que je viens de quitter: à ma surprise vite transformée en évidence, celle-ci connaissait Anne-Catherine B. Je suppose qu’elle doit sortir de l’ENS, spécialité allemand ou langues classiques. Après tout, elle fait son mémoire sur les noms du fils dans une homélie (non traduite à ce jour) de Grégoire de Nysse.

    Jean 11. Résurrection de Lazare. L’héroïne est davantage Marthe que Marie.
    — Mélo, se préoccuper, se faire du souci. Voyez-vous un prénom qui vient de cette racine?
    Nous séchons.
    — Amélie, celle qui est sans souci.

    Management d'équipe

    A la rentrée O. était fier d’avoir été choisi comme xxx (je ne sais plus le nom: celui qui organise les combats. A l’écouter jouer le soir, j’avais l’impression qu’il était aiguilleur du ciel) dans une guilde de WoW.
    Une guilde se compose de vingt personnes. Cela permet de combattre des monstres plus gros, de mener des quêtes plus intéressantes. Ils avaient rendez-vous tous les vingt chaque dimanche et chaque mercredi («car le mercredi est le jour où les serveurs sont mis à jour et où de nouvelles quêtes sont proposées»). Je m’appliquais donc à ce qu’il soit à l’heure ces jours-là, c’est-à-dire que nous ayons fini repas et vaisselle.

    Depuis quelques temps les réunions s’espacent. Comme j’avais l’impression que cela lui tenait à cœur, je m’inquiète, je m’informe. Il est plutôt déçu.

    — Nous n’étions plus vingt, alors on s’est allié à une autre guilde. Mais mon chef de guilde n’aime pas comment je parle à cette deuxième guilde. Tu comprends, je peux être indulgent avec ceux de ma guilde, mais avec celle-là… c’est pas ma guilde. Mon chef trouve que je suis désagréable, mais ils sont tellement lents… et ils discutent tout, ils ne veulent rien essayer…

    Bref, ils ne vont pas assez vite, ils ne comprennent pas la logique de O, ils ne lui font pas confiance. C’est l’histoire des loups-garous all over again.

    La disparition des cadres

    Matinée au cercle des Pyramides, un cabinet d’experts dans la législation sociale qui organise régulièrement des petits déjeuners de formation et d’information.

    Très intéressant comme toujours. J’avais entendu parler de la fusion Agirc-Arrco, mais je n’en avais pas compris la conséquence: la disparition du statut de cadre, «un statut qui n’existe pratiquement qu’en France», «devenu inadéquat à une époque où l’expertise compte davantage que les capacités d’encadrement».

    Beaucoup de contrats de prévoyance qui faisaient référence au statut de cadres (créé en 1947) vont devoir être réécrits. Les cotisations sont harmonisées, certains vont y perdre, d'autres y gagner.

    L’avocat fait également allusion au projet de Macron de fondre les quarante-deux régimes de retraite en un seul… et évoque le problème des réserves : certains régimes ont de quoi couvrir dix ans de pension, alors que les réserves de tous les régimes représentent 160 milliards d’euros, soit six mois de pension pour tous les régimes confondus.
    Je ne suis pas sûre qu’avec les émeutes actuelles ce soit vraiment le moment d’évoquer cela.

    Autre sujet ambivalent : afin d’inciter les personnes à partir plus tard à la retraite, ceux qui auront acquis le droit à une retraite à taux plein en 2019 se verront appliquer une décote de 10% pendant trois ans sur leur retraite complémentaire s’ils partent aussitôt. S’ils partent huit trimestres plus tard, ils auront une surprime de 10%, et ainsi de dix en dix pour douze et seize trimestres.
    Evidemment, ce n’est incitatif que si l’on en parle, et le moment ne me paraît pas extrêmement favorable. Donc cela va se faire en catimini, les gens vont partir et se retrouver avec la décote de 10% sans avoir été prévenus, ce qui va générer du mécontentement, etc, etc.


    Je passe aux Galeries Lafayettes m’acheter une veste car je suis partie si vite ce matin que j’ai oublié d’en prendre une. Dans l'après-midi, entretien en interne pour un poste de chargée de mission auprès d’un directeur. Je crains d’avoir paru trop indépendante.


    Puis allemand. J’ai failli ne pas y aller en me disant que j’étais trop en retard, mais le prof l’était plus que moi: bloqué dans le RER B, grand foutoir tout l’après-midi car un train s’est retrouvé, d’une façon que je m’explique mal, sur les lignes du RER, et il n’était pas évident de le dégager. (L’inventivité en termes d’incidents techniques serait une source d’admiration si elle n’était une source d’agacement).

    Barreuse

    Emmitouflée jusqu’aux yeux (un look d’éboueuse), j’ai barré le huit.

    (Donc je n’ai pas ramé et je ne suis pas retournée à Melun. Mais ça faisait longtemps que j’avais envie d’essayer. Empathie pour les filles en train de souffrir, quand on sait exactement ce qu’elles sont en train de vivre).

    Désormais un ennemi

    Le président ayant été autrement réceptif que le trésorier, je faisais ce matin une présentation de « mon » site aux quatre administrateurs de la mutuelle représentant les entreprises: au président favorable, au trésorier défavorable (mais le président ne sait pas que le trésorier a déjà vu et refusé le site), au secrétaire adjoint qui était le seul à ne l’avoir jamais vu. Le quatrième était absent.

    Le président ayant maintenu son enthousiasme devant un trésorier ayant senti le vent tourner, j’ai obtenu le droit d’utiliser le site (c’est-à-dire de le diffuser). Me voilà donc en guerre larvée déclarée avec le trésorier dont j’ai soigneusement évité de croiser le regard pendant la présentation. De même, je n’ai pas répondu à ses «félicitations», faisant celle qui n’entendait rien (je n’étais pas bien sûre de ne pas le fusiller de mon mépris).
    Encore un qui ne va pas me pardonner d’être plus moderne, plus rapide, plus vivante que lui.



    Le soir, Bouillon Racine avec Pascal et Daphné.

    Sortie en huit

    Le jeudi toutes les titulaires ne sont pas là et je complète le huit de compétition loisirs. Désormais Vincent nous suit: retour aux entraînements que j’ai connus à douze ou treize ans, avec un entraîneur sans arrêt en train de parler. Amélioration par rapport à cette époque-là: le canot moteur est beaucoup moins bruyant.

    Sortie très technique, épuisante, bras seuls, bras corps, préparation des pelles, pelles au carré, dégagé énergique dans l’eau.
    Découragement de certaines dans les vestiaires ensuite. Elles viennent de découvrir ce que c’est qu’une sortie où on se sent nulle de bout en bout.

    La tache

    Une heure et demie de voiture ce matin: la A86 extérieure par un beau soleil. But: un garage de Courbevoie, élu le garage le plus pratique pour la révision de la voiture rouge.
    A pied du garage à Nanterre préfecture: Courbevoie est encore un village. En profiter avant l'arrivée d'Eole (RER E) en 2022 au niveau du stade Aréna.



    Découvert avec surprise une grosse tache rouge dans mon œil gauche. Moi qui attribuais la douleur à la fatigue… Aucune idée de comment je me suis fait ça. (Ce n'est pas grave, c'est le principe d'un bleu, vaisseaux éclatés, ça passe en quelques jours.)


    2018-1114-oeil-tache-rouge.jpg

    Le portrait de Dorian Gray

    RER A, 18h45


    2018-1113-Dorian-Gray.jpg

    Vaccinée

    contre la grippe.

    Dans le même temps, j'apprends que la vaccination contre la rougeole est à son plus bas en Indonésie, suite à une rumeur de porc dans le vaccin. (Est-ce plus ou moins con que redouter l'alluminium?)


    J'en profite pour saluer la cascadeuse Kitty O'Neil, morte le 2 novembre et sourde à cause d'une ou des maladies enfantiles.

    Elle doublait Wonder Woman, ce qui m'amène à saluer également Stan Lee, mort aujourd'hui (davantage connu de H. que de moi (en fait je le connais surtout à travers The Big Bang Theory)).

    PS: sur une suggestion d'Aymeric j'ajoute ce billet. J'aime beaucoup le nom du blog.

    Stupeur et désolation

    Trump a refusé de prendre part aux cérémonies du 11 novembre parce qu'il pleuvait.





    Nous savons tous qu'il manque d'empathie, que l'empathie lui manque, comme il lui manquerait un sens. Nous l'avons vu après les cyclones, après les fusillades dans les écoles, aujourd'hui pendant les terribles incendies de Californie. Son indifférence et son ennui sont, essentiellement.
    Il est impossible de s'y habituer, et chaque fois il parvient à nous surprendre.
    Comment les Républicains ont-ils pu présenter un type pareil à l'investiture? Cela demeurera pour moi à jamais un mystère.

    Black Mirror, SOS Bonheur and so on

    L'une des clientes de H. lui propose un investissement dans "Villages nature", une sorte de Center Park, mais à côté (toujours à côté) d'un Disney World: il devrait y en avoir à Shangaï et à Orlando. C'est un montage juridique auquel nous n'aurions jamais pensé de nous-mêmes, à base de bail commercial et loueur de bien meublé non professionnel.

    Nous étions donc invités cet après-midi à visiter le site. Nous avons été accueillis par «j'espère que vous n'avez pas oublié vos maillots de bain!». Euh, non, nous pensions nous trouver autour d'une table à commenter des tableaux d'amortissements.
    En fait il y a un bassin extérieur chauffé à 30° par géothermie, et en cette saison il y a peu de monde, de quoi en profiter vraiment. Le parc est magnifique (combien de jardiniers?) et l'architecture des bungalows très pensée et intégrée.

    Tout cela est si beau, si parfait, que j'ai l'impression d'être dans l'un de ces films où l'on appâte le client avant de le ferrer et qu'il découvre l'envers du décor. Je me sens très mal à l'aise, avec une envie de fuir dès que possible.
    J'ai regardé trop de science-fiction.

    La communauté d'agglomération Val d'Yerres Val de Seine

    Dans la perspective des municipales de 2020, j'étudie la communauté d'agglo. Ce n'est guère brillant. Huit communes : par ordre de taille de population, Vigneux-sur-Seine, Draveil, Yerres, Brunoy, Montgeron, Épinay-sous-Sénart, Quincy-sous-Sénart, Crosne, Boussy-Saint-Antoine.

    Le maire de Draveil, Georges Tron, est actuellement jugé suite à des accusations de harcèlement et de viol, celui de Vigneux, Serge Poinsot, a fait de la prison préventive avant de passer en jugement pour blanchiment et favoritisme dans l'attribution des marchés publics (il a démissionné en octobre).
    A Epinay, des adjointes ont fait une grève de la faim pour protester contre le maire (elles avaient sans doute accordé leur confiance politique un peu vite avant de découvrir que leur chef de liste ne leur convenait pas).
    A Yerres, Nicolas Dupont-Aignan (qui depuis a laissé sa place pour être député) s'est rapproché de Marine le Pen en avril 2017.

    Heureusement que Boussy remonte le niveau, avec Romain Colas devenu directeur de cabinet du premier secrétaire du parti socialiste, Olivier Faure.



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    En fin d'après-midi, Bohemian Rhapsody aux Halles. Que je connaisse toutes les chansons prouve à quel point Queen était universel, car j'ai plus ou moins grandi dans une cave. J'ai de plus en plus souvent la nostalgie de mon enfance, non parce qu'elle aurait été idyllique, mais parce qu'il me semble que je comprends enfin dans quel monde, dans quel contexte je vivais, et que je saurais aujourd'hui en profiter.
    (Je ne comprends pas comment quelqu'un qui a édité Dark side on the moon a pu hésiter devant Bohemian Rhapsody. Tout cela est une affaire de capacité à transmettre de l'énergie.)

    La règle Mbappé

    En grec, le n devient m devant m, b, p (cette règle phonétique est passée directement en français).

    «Ah oui, dit la prof, dans les collèges cela s'appelle désormais la règle Mbappé.»


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    Premier cours de l'année (puisque j'étais absente en septembre). Une bonne surprise en ouvrant la porte : nous sommes nombreux, au moins une dizaine. En allemand comme en grec, l'excellence des profs finit par payer et remplir le cours (dix, ça ne paraît peut-être pas beaucoup, mais c'est un cours entièrement "gratuit": pas de contrôle des connaissances, pas d'acquisition d'ECT (unité de valeur) à faire valoir pour l'obtention d'un diplôme… On vient par pur désir.)

    Ergo : le test

    Ou encore : fin de partie.
    Le test se passait à midi, et sans surprise je suis largement dans les choux: pas de compétition pour moi, je servirai de bouche-trou à l'entraînement quand l'équipage sera incomplet.

    Mes sentiments sont ambigus, je souffre d'un "ils étaient trop verts". Je sais que je n'ai pas fait mon maximum, mais je ne sais pas si mon maximum aurait été suffisant: dès lors, n'est-ce pas une façon de pouvoir penser au fond de moi «si j'avais voulu…»? (sauf que les autres sont si loin devant que je n'ai pas ce niveau, cette puissance. Enfin, niveau… le niveau technique, sur le bateau, peut-être, mais à l'ergo, non, pas la puissance, rien à faire).

    Est-ce que ça m'ennuie vraiment?

    D'abord j'aurais bien aimé courir à Tours, faire venir René. Cela m'aurait fait plaisir.

    Ensuite ça me vexe, je suis vexée. Et puis il y a toujours ce regret de ne pas «être douée», de n'être douée (ie exceptionnelle) pour rien. J'ai beau faire, je sais que je regretterai toute ma vie de ne pas avoir été naturellement douée dans quelque chose (ma sœur avait des aptitudes en sport. Elle avait été remarquée. Elle m'enviait, je me suis toujours demandée pourquoi: elle avait quelque chose de précieux, pas moi).

    Il y a aussi quelque chose qui proteste en moi: ce test ergo, je le vis comme une brimade. Vincent a décidé de le faire pour «éviter qu'on s'engueule». Mais nous ne nous serions pas forcément engueulées. J'ai beau me dire qu'il a fait son boulot d'entraîneur, que cela lui permet d'avoir une hiérarchie, de proposer un programme, de mesurer les progressions, quelque chose en moi proteste. «Ne cours pas» ai-je envie de crier quand je regarde L'armée des ombres.
    Mauvaise tête.
    Mais est-ce vrai ou ne suis-je qu'en train de me justifier parce que je suis mauvaise?

    Et je me dis que je vais être libérée de ces entraînements du week-end à Neuilly (je préfère Melun), que je vais pouvoir m'entraîner deux fois et pas trois (c'est compliqué depuis Nanterre préfecture), que je ne me blesserai pas à l'ergo, que je n'aurai plus cette sensation d'épuisement et que j'aurai davantage de temps pour la dissertation canonique.

    Oui, je souffre d'un "ils sont trop verts".

    Il y a vingt-trois ans, au lieu de faire la couillonne sur un ergo, je venais de donner naissance à ma fille. Je me demande où je serai dans vingt-trois ans.

    Gründlichkeit

    — Gründlichkeit… en ce qui concerne les Allemands, c'est un cliché. Le Français est frivole, l'Allemand est gründlich, minutieux, sérieux, voire pataud.
    — Frivole? en allemand Frivolität ?
    — Oui, tout à fait.
    — Ça alors, je commence à comprendre… J'ai un ami philosophe qui utilise frivole quasi comme un reproche… Je commence à comprendre d'où lui vient ce pli.
    — C'est toujours un ami ?



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    Pendant ce temps dans le monde
    élections de mid-term aux US.

    En retard

    Je devais rendre un plan pour la dissert. J'ai écrit quelque chose rendu au dernier moment (alors que j'aurais dû le rendre jeudi), mais que c'est puéril. J'ai un style plus pastoral que théologique: toujours la même réticence en moi à écrire dans un style académique (que je ressens pompeux). La simplicité me paraît une politesse, mais je sais qu'elle paraît niaise. Ne pas trop y réfléchir pour ne pas déprimer. (Il va falloir me plier à l'académisme, ce sera mon effort pour cet exercice.)

    L'atmosphère de l'"atelier" (groupe de travail) est étrange: un moine, un prêtre, une sœur et trois laïcs. Nous ne sommes que trois de l'année dernière, les autres viennent de circuits parallèles. Il y a des débats que je ne comprends même pas, sur l'héroïcité des vertus (mais de quoi parlent-ils? je n'ose pas dire que je ne comprends rien. J'ai l'impression que le débat porte sur les raisons pour lesquelles "faire le bien": pour soi-même (avoir une bonne image de soi-même, obéir aux injonctions extérieures, "gagner son paradis") ou pour les autres. C'est le genre de débat que je trouve stupide: la personne aidée est aidée, quelles que soient les raisons qui animent l'aidant, raisons indémêlables la plupart du temps. Surtout, je trouverais dommageable d'arrêter d'aider sous prétexte qu'on le fait pour de mauvaises raisons!
    Mais ce n'est peut-être pas ça. Je ne comprends pas).

    Les morts

    Ce matin pendant la messe a été énoncé le nom de tous les morts de l'année (à condition d'avoir eu des funérailles catholiques). C'est la première fois que j'assistais à cette cérémonie. Je ne sais pas si c'est un rituel annuel, j'avoue ne pas être très assidue.

    Cardio l'après-midi. Je ne fais pas d'ergo pour préserver mon dos. Test mercredi. J'écoute un podcast sur Shakespeare. Je n'apprends rien si ce n'est qu'il existe aujourd'hui des descendants vivants de Shakespeare (via sa fille, qui avait un frère jumeau dont le nom ressemblait furieusement à Hamlet).

    H. a jeté nos réserves de pois cassés, céréales, riz, infestés de charançons depuis cet été. Les paquets neufs ont été versés dans des bocaux. C'est joli.

    Hors du monde

    * Entraînement le matin en quatre. Décevant.
    O. a bien analysé mon problème : trouver des personnes de mon niveau aussi motivées que moi pour s'entraîner sérieusement. Or celles qui ont mon niveau ont l'esprit de compétition (entre elles) plutôt que l'esprit d'équipe.
    En un mot, je suis en train de m'ennuyer. Je ne sais pas quelle décision prendre. Ne plus faire que du skiff à Melun? Mais seule je ne progresserai pas. J'aimerais progresser encore (un peu).

    La Seine une semaine plus tard, une heure plus tard du fait du changement d'heure.

    2018-0311-Seine-la-defense.jpg


    Après la sortie Isabel et moi revissons toutes les planches de pieds.


    * Courses en supermarché l'après-midi.
    Je le note car cela n'arrive plus souvent, une fois tous les deux mois peut-être, pour les boîtes pour les chats, la lessive, les bières ou les biscuits apéro (le fond, quoi: tout ce qui nourrit pas).
    A chaque fois c'est la même surprise, la même impression que le monde m'échappe: que de nouveautés inutiles! que de raffinement dans les motifs, les couleurs! Que de bouteilles, de bocaux, de cuillères, de yaourts à la tarte tatin…

    A la caisse, mon étonnement atteint son comble quand je découvre un agenda Hildegarde de Bingen. Hildegarde de Bingen! Et pourquoi pas Maître Eckhart?
    J'ai ouvert, curieuse de découvrir psaumes et musique sacrée. C'était purin d'ortie et cataplasme de seigle.


    2018-1103-agenda-holdegarde-de-bingen.jpg 2018-0311-agenda-hildegarde.jpg


    Zut, je ne sais plus où j'ai rangé mon chocolat.


    * O. regarde une émission sur Warcraft III "reforged"encore du travail? Travail terminé» «Oui mon Seigneur!»: bande son de l'enfance des enfants). Tandis que je regarde des soldats passer des quidams au lance-flammes, il m'explique que ceux-ci se transforment en morts-vivants à cause d'un virus et que le chef militaire (le prince?) a décidé de les tuer avant la transformation.
    Je frémis devant la constante de ce thème à travers les âges. Je me souviens d'Edmond Michelet racontant les baraques de quarantaine à Dachau, le choix des catholiques d'accompagner les mourants, le choix des communistes de se préserver pour la société à venir et à construire… Toujours le même choix, de mythes en guerres en jeux. (Je me contente de dire à O. que cela soit un jeu me met très mal à l'aise).

    La GABO*

    Journée de pont.
    Peu de monde. Je télécharge une appli pour mesurer les décibels de l'open space: de quarante à cinquante, "maison calme", "rue calme".

    Je commande aussi des bouchons d'oreilles. Je découvre l'univers des bouchons pour motards ou musiciens ou fêtards, je reste pensive devant le casque anti-bruit à trois cents euros. Le plus triste est sans doute ce descriptif de casque pour enfants: plutôt qu'obtenir le silence en classe pendant les devoirs surveillés, mettre un casque anti-bruit
    (Le silence studieux durant les interrogations ou les dictées faisaient partie du charme de l'école. Comment expliquer cela à ceux qui ne l'ont jamais connu?)


    * GABO : gêne acoustique dans les bureaux ouverts

    Redbubble

    Passé l'après-midi à choisir des tee-shirts manches longues sur Redbubble pour l'anniversaire de A.
    Normalement j'aurais dû faire un plan (un premier plan) pour la dissertation canonique et dresser l'état des lieux des forces politiques en présence dans les municipalités du Val d'Yerres Val de Seine et même remplir ce blog en souffrance dans lequel j'écris par à-coups (même si je garde dans les limbes des traces rapides pour "quand j'aurais le temps".
    Je ne l'ai pas fait.
    Dès que je n'ai pas travaillé le matin, je n'arrive pas à travailler l'après-midi. Il faut que je mette au point une stratégie avec (ou contre) moi-même.

    Première gelée

    Givre sur la voiture à sept heures. L'automne est là.

    Photos en sortant du métro Pont de Neuilly: soleil tapant dans les tours de la Défense plein ouest, aube sur la Seine vers le sud. Ce qui me fascine, c'est que cela se trouve au même endroit.


    2018-1027-la-defense.jpg 2018-1027-Seine-la-defense.jpg



    Sortie un peu paresseuse, un peu agaçante. CR n'aurait pas dû prendre la nage.
    J'ai le même problème qu'Anne-Sophie il y a une semaine: ma chaussure s'est dévissée et ne tient plus à la planche de pieds.
    Le micro n'avait plus de batterie: bcp de bavardages (retransmission des ordres, donc commentaires) dans le bateau, ce qui rend la sortie incohérente. Nous en avons tous souffert.


    Passé à la pharmacie pour acheter du magnésium car j'ai l'impression de perdre la tête. Donné le reste de mon paquet à deux jeunes qui demandaient une cigarette: tant pis pour eux et tant mieux pour moi.

    Bilan de la journée

    - Déprimé un expert-comptable en lui apprenant qu'un Français sur quatre n'atteignait pas 65 ans. C'est une stat à laquelle on ne s'attend jamais.

    - Ecrit en lettres capitales à une dame d'ARRÊTER de téléphoner à tout le monde tous les jours. Elle est hyper-angoissée au sens médical du terme et ses interlocuteurs lui racontent n'importe quoi pour s'en débarrasser (ce soir ils lui ont donné le nom de quelqu'un parti depuis six ans). Je lui ai interdit de téléphoner avant le 11 novembre (m'écoutera-t-elle? Il le faudrait. Elle va vraiment mal. Sentiment d'impuissance devant tant de détresse.)

    - Rencontré les artisans qui devraient rénover la maison pendant un mois. Beau chantier (pour ne pas dire bordel) en perspective.

    - Fun fact : il y a plusieurs kilomètres de câbles dans les voitures actuelles (Elon Musk a ramené ce chiffre à cent mètres dans sa dernière voiture).

    Presque comme hier

    Matin en décapotable avec H. Un croissant et des tartines au café "Les Affranchis". Métro Olympiades.

    Réunion avec le repreneur de notre gestionnaire de prestations. Ils travaillent à la reprise des bases depuis janvier (2018), la bascule en production aura lieu fin décembre: «Tout est prêt. Notre seule inconnue concernant le 2 janvier, c'est le nombre de gestionnaires présents. Nous avons découvert que certains étaient de santé fragile.»

    A midi huit pas tout à fait de filles (deux rameurs pour compléter) (je plaisante, ce n'est pas si important, je ne suis pas si sectaire… mais je suis impressionnée de contaster à quel point les badauds repèrent que nous sommes un bateau de rameuses, sans rameur. Je ne pensais pas que cela avait tant d'importance, que cela se voyait, se verrait, autant).

    — Tu rames en huit à midi?
    — Oui pourquoi?
    — Tu es toujours fatiguée quand tu fais du huit.

    Et c'est vrai que c'est fatigant.

    Il m'est arrivé quelque chose de bizarre, j'ai perdu mes clés. Qu'ai-je bien pu faire hier après l'ergo, n'ai-je pas refermé mon casier? Aujourd'hui il était ouvert, le cadenas avait disparu. Je n'avais pas mes clés dans mon sac. Où sont-elles? Les ai-je laissées dans le vestiaire hier? Mais pourquoi quelqu'un les aurait-il emmenées sans rien voler? Et si c'est pour me les rendre plus tard, pour ne pas les laisser dans le vestiaire, pourquoi ne pas avoir fermé le casier avec le cadenas?
    Je suis ennuyée, il y a la clé de la maison avec. Le trousseau se range à l'intérieur d'une bourse et je crois qu'il y a une carte de visite professionnelle dedans (pour qu'on puisse m'appeler en cas de perte), donc mon nom. Donc la maison est trouvable.
    Qu'ai-je fait hier, où sont mes clés?

    A. cherche un stage et devrait faire un service civique (en attendant de repasser une fois de plus son examen en juin prochain).


    Le soir je prends une inscription à la bibliothèque de la Cité universitaire. Puis bureau de H. où nous discutons avec LM d'Emmanuelle Wargon pour qui elle a travaillé. Je n'ai vu E. Wargon qu'une fois, elle m'a impressionnée.

    Rentrés en décapotable le long de la Seine puis par la nationale 6 sur laquelle Waze nous ramène dans sa volonté de nous faire prendre les grands axes (pour une fois, par curiosité, nous le suivons).

    Retour à Cité universitaire

    Matin en décapotable avec H. Deux croissants au café "Les Affranchis" (j'aime beaucoup la déco et la patronne). Métro Olympiades.

    A midi ergo. Bande son de Mad Max IV. Temps entre les deux, 52'40. Je m'ennuie désespérément, j'ai envie de me lever au bout de deux kilomètres, trois, six… C'est long. Je crois qu'il vaut mieux que je ne prenne pas de musique. Je devrais essayer de fermer les yeux. Il faudrait que je m'auto-hypnotise.

    Le soir je dois rejoindre H. Aller en bibliothèque à Nanterre n'est pas sur mon trajet. C'est alors que je pense à Cité universitaire. Idéal: RER A puis B, ouverte jusqu'à 22 heures, un quart d'heure à pied du bureau de H.
    Deux heures en bibliothèque (pour trois euros : étudiante extérieure) puis dîner en terrasse au Temps des cerises: il fait encore bon.
    Rentrés en décapotable le long de la Seine. Le carrefour Pompadour est fermé et nous voyons sur l'écran de Waze le bouchon qui grossit.

    Allemand II

    Deuxième cours d'allemand (pour moi : cinquième au total, peut-être), sans Marc Boss. Nous allons beaucoup plus vite car il nous manque les commentaires théologiques. Ce sera pour la prochaine fois.

    Rentrée tôt (enfin, 19 h). Je tâche de mettre un peu d'ordre, de noter quelques remarques sur le livre que je viens de finir afin de me réentraîner à écrire. J'écris tellement moins qu'à l'époque de la SLRC ou de VS. C'est vertigineux. (J'ai fini un livre! J'ai dû en lire cinq —de couverture à couverture— cette année, c'est la cata.) Je mets quelques temps à me repérer dans mon blog Wordpress, tout a changé; on dirait l'intérieur d'un site.

    Ergo II

    Ergo à Yerres cette fois-ci, en écoutant un podcast sur Théodore Monod. Je me suis collée une bande d'élastoplast de dix centimètres sur quarante pour maintenir un mouchoir plié en neuf au niveau du coccyx. Le but était de réduire les frottements. Je me blesse encore mais c'est mieux.
    Temps encore plus mauvais. L'inutilité de se fatiguer apparaît encore plus nettement. 54mn 18. Le podcast n'est pas la solution.

    Retour à Nanterre

    Je ne sais plus vraiment comment je me suis retrouvée à Nanterre Université. Je crois que j'ai tapé "bibliothèque" dans CityMapper et que j'ai vu apparaître la BU de la fac de Nanterre à huit cent mètres. Alors j'y suis allée, d'abord le midi en reconnaissance, puis le soir pour y travailler deux heures (enfin, une heure et demie).

    Ça a beaucoup changé. En trente ans des bâtiments ont poussé partout, la sortie du RER est devenue une esplanade, le silo central de la BU est toujours là mais entouré de plateaux devenus salle de lecture. Je n'aurais jamais imaginé qu'il y aurait autant d'ouvrages de fond en théologie et patristique. Très intéressant.

    (Je n'y viens pas pour les livres. Je cherche un endroit où travailler deux heures par jour, à peu près sur mon chemin, loin de la maison où je ne peux m'empêcher de jouer ou regarder des films ou surfer sur les réseaux sociaux. Par ailleurs j'ai trouvé une fonctionnalité de mon téléphone qui me donne mon temps d'écran. J'ai réglé le temps "réseaux sociaux + jeux" à une heure par jour. Je perds beaucoup trop de temps. Entre l'aviron, la dissertation de baccalauréat canonique, les éléctions européennes et la recherche (pour l'instant très nonchalante) d'un boulot, il faut que je perde moins de temps.)

    Allemand I - Ergo I

    Comme Vincent nous impose 10000 m d'ergo(mètre, c'est-à-dire du rameur de salle de gym) pour pouvoir faire partie du huit1, je suis venue discrètement faire un test à midi. C'est très TRÈS long, on s'ennuie, je m'ennuie, j'ai envie d'arrêter. Il faudra que j'essaie avec un casque sur les oreilles.

    Comme prévu, je fais un temps suffisamment mauvais pour me disqualifier : avec ce temps-là, je ne pourrais pas faire partie du huit car les rameuses sont toutes en dessous de 50 minutes (je suis à 51'59).
    Pour mémoire, c'est en descendant en dessous des 2'30 au 500 mètres sur 4000 mètres en préparant le biathlon de Landy que je m'étais abîmé le dos. (Sur 4000 m on s'ennuie beaucoup moins).


    Retour en allemand. J'ai raté les premiers cours de l'année à cause de l'entraînement en huit (en fait dans l'absolu j'aurais donné la préférence à l'allemand, mais généralement je m'engageais d'abord pour le huit, puis ensuite seulement jeme souvenais de l'allemand. Tant pis.)
    Nous sommes nombreux, une douzaine, une quinzaine. Cette année nous étudions la querelle Brünner-Barth.





    Note
    1: Au début, il nous avait dit que si nous étions trop nombreuses à nous inscrire, il nous ferait passer un test d'ergo pour déterminer qui ferait partie du bateau pour les compétitions. Mais pour Angers, il n'y avait pas assez de rameuses (il y en a une qui est venue d'un autre club) et il a pourtant fait passer un test d'ergo. Donc c'est pour une autre raison, sans doute pour tester notre motivation car je crois qu'il redoute de s'investir plus que nous.

    Coming out

    Je continue mes lectures, ma recherche de bibliographie. L'idée est de trouver des livres qui permettent "d'entrer en dialogue" (formule consacrée). Le problème, c'est qu'on découvre des textes qui ont si bien traité les questions qu'on voulait aborder qu'il n'y a plus grand chose à dire (déjà que…)

    J'en profite pour partager ce passage qui m'a fait sourire.
    L'investissement personnel, nécessire à la formation théologique universitaire que propose le Cycle C est d'une telle ampleur qu'il implique des décisions assez radicales en termes de priorité et d'organisation aussi bien sur le plan du travail personnel que sur le plan de la vie familiale. Pour autant, l'étudiant reste souvent très discret sur son engagement dans ces études. On perçoit une réelle réticence à dire et partager les études entreprises; plusieurs étudiants évitent de faire ce que l'on pourrait appeler leur «coming out» […]

    […] L'idée même de retourner «en classe», de suivre des cours après une journée professionnelle souvent chargée, de lire des livres, de passer des examens et de rendre des devoirs, sucite étonnement, voire admiration. A l'intérieur d'une vie déjà prise par une famille et un métier, choisir de consacrer du temps — et d'engager des frais — pour continuer des études paraît déjà considérable. Mais quand le contenu des études est révélé, l'étonnement croît encore, et vire parfois à l'inquiétude: «Mais, à quoi ça sert?»

    "Les engagement ecclésiaux des laïcs formés en théologie", par Christelle Javary et Luc Forestier, dans Des laïcs en théologie: pourquoi? pour qui?, direction Brigitte Cholvy, Bayard 2010, p.122-123
    Je me souviens il y a sept ans avoir hésité à avouer mes études ici, puis avoir décidé de vous faire confiance, ô vous lecteurs habituels ou de passage.
    Pourquoi ce mot de confiance? parce que théologie appelle religion, et religion évoque obscurantisme (et pire désormais avec les scandales pédophiles).

    Comment rendre compte des trésors d'intelligence, de réflexion et d'équilibre rencontrés en théologie, quel sens peuvent-ils avoir en dehors de la foi?
    Et s'ils n'en n'ont pas, quel gaspillage de force, quel dommage, et à quoi bon?

    Dernier huit

    Dernière sortie en huit. La course a lieu samedi, le bateau est démonté jeudi pour le transport.
    C'était bien. Merveilleuse lumière d'automne derrière la Défense.
    Agathe à la nage et moi au un.

    La nomination de Brett Kavanaugh

    Ce n'est pas pour des raisons féministes que je suis atterrée par la nomination de Brett Kavanaugh samedi dernier, mais pour des raisons pédagogiques: comment enseigner aux enfants qu'il faut se conduire honnêtement et dignement quand des fripouilles comme Trump et Kavanaugh, uniquement mûs par leurs intérêts particuliers, semblent l'emporter dans tous les domaines?

    Un peu peste

    Il y a deux ans j'avais commencé le catéchisme avec ce niveau, les CM1. Je m'occupais d'une douzaine d'enfants. Cette fois-ci ils sont au moins trente1 dans une salle trop petite et je les trouve terriblement petits et terriblement mignons. Ils me font rire. Est-ce que je deviendrais gâteuse avec l'âge? Est-ce que je suis déjà gâteuse ?

    Les parents sont moins drôles. J'agace une mère qui geint parce que sa fille a du sport le dimanche et que «ça ne va pas être possible» en lui répondant que c'est une question de hiérarchie: il faudra choisir ce qui compte le plus (in petto je sais que le sport a gagné d'avance mais je ne le montre pas). Elle s'indigne: «mais non, il n'y a pas à choisir, les deux sont indispensables à son équilibre. — Je veux bien, n'empêche que vous ne pourrez pas être à deux endroits en même temps.»
    A une autre qui veut savoir si sa fille pourra faire sa communion «même si elle est absente dix fois», je réponds que ce n'est pas de mon ressort, qu'il faut voir avec le prêtre, mais que «il n'y a pas d'obligation à faire sa communion cette année, ça peut attendre un an de plus. On peut faire sa communion à tout âge.»

    Le nœud de l'affaire, c'est que l'année dernière il y avait deux groupes, un le samedi après-midi et un le dimanche matin. Les parents tenaient pour acquis qu'il en serait de même cette année mais les bénévoles se sont raréfiés. Les parents ne se sentent pas concernés, ils sont dans une pure logique de consommation. Je prends un malin plaisir à leur proposer, l'air très naïf, de monter eux-mêmes un groupe le samedi, en me déclarant prête (ce qui est vrai) à venir donner quelques explications sur les textes ou autres le vendredi soir s'ils ont besoin de support.

    Bref, contrairement aux parents des deux années précédentes, pas sûr que ceux-ci vont beaucoup m'apprécier.




    Note
    1: tous les enfants de la ville de cet âge-là, tous les enfants allant à l'école publique. Trente enfants de neuf ans pour trente mille habitants. Dormez tranquilles, vous qui souhaitez l'athéisme et la déchristianisation.
    (C'est alors que je me souviens d'Elvis Elangabeka: «vous êtes le sel de la terre: mais il ne faut pas beaucoup de sel.» Je n'ai jamais compris ce qu'il voulait dire exactement.)

    Vingt ans deux fois

    Cette fois-ci nous fêtons l'anniversaire en famille, avec les quatre grands-parents et mes trois enfants (hiiiiii — non, je plaisante. Mais c'est vrai que ça devient rare.)
    Il fait un temps magnifique, nous déjeunons dehors et j'exhume une collection de chapeaux de paille (j'en ai deux que je n'ai jamais utilisés, que j'avais achetés dans la perspective du mariage de Matoo (finalement j'avais retenu quelque chose de plus discret!)) C. fait tout à fait drag queen.

    Vingt ans une fois

    Rendez-vous au Temps des cerises pour fêter les vingt ans de O., et au passage les cinquante-et-un ans de son parrain.

    Cette semaine je n'aurai pas été un seul soir chez moi.

    Trois et huit

    J'ai fait une erreur en sachant que c'était une erreur.

    Comme d'habitude j'ai fait partie des dernières à partir (le pauvre serveur ne savait plus comment se débarrasser de nous). J'ai pris un vélib (une station ouverte en bas de la rue de l'Alsacien \o/), rejoint gare de Lyon (je sais où rendre un vélib là-bas) et je suis descendue sur les quais.
    Deux trains pour Corbeil. Plus de train pour Melun.
    C'est alors que j'ai fait une erreur.
    Je ne suis pas remontée en suface prendre un bus de nuit. J'ai pris un RER pour Corbeil en me disant que je descendrais à Villeneuve et que je prendrai un (bus) B — s'il y en avait encore un.
    J'ai fait une erreur, je savais qu'il n'y en aurait pas, mais cette p** d'appli de Transdev-IDF ne se lançait pas, peut-être qu'il y en aurait après tout, et je n'avais pas envie de remonter les escaliers et de sortir de la gare.

    Je suis arrivée à Villeneuve-St-Georges, il n'y avait pas de bus. J'ai marché l'équivalent de deux stations de RER, j'ai rejoint la voiture, je suis rentrée.

    J'ai dormi trois heures.
    Le lendemain, je me suis demandé pourquoi je n'avais pas appelé O. A une heure du matin, il devait être encore sur WoW, je ne l'aurais même pas réveillé.
    Prise dans mes souvenirs, la nostalgie, les pintes de bières aussi, je n'y ai pas pensé.


    Le soir, à nouveau un entraînement en huit. Je me rends compte que je n'ai rien expliqué mardi dernier: finalement le club va présenter un bateau à la Coupe des dames, mais les circonstances font que je ne ramerai pas dedans.
    Ce huit s'est constitué à la rentrée, en septembre, avec les filles qui ne s'étaient inscrites ni à Annecy, ni en stage. Il a donc disposé de cinq semaines pour s'entraîner. Un groupe Whats'app a été constitué, et nous avons reçu via ce groupe un appel à compléter l'équipage les soirs où des rameuses "titulaires" n'étaient pas disponibles. J'ai décidé de ne pas bouder mon plaisir et j'ai répondu à l'appel. Anne-Sophie en a fait autant, et nous voilà à ramer en entraînement pour une course que nous ne ferons pas.
    Ce soir, c'était très agréable. Beau temps, bateau plus cohérent que mardi, mieux équilibré. Plaisir de rentrer dans la nuit qui s'avance, reflets des réverbères sur la Seine.

    Métro, RER. Je rentre. Je suis cuite.
    A. est là. je n'avais pas compris qu'elle arrivait ce soir.

    On s'était dit rendez-vous dans dix ans

    On ne se l'était pas dit mais on l'a fait, enfin pas vraiment puisque pour ma part c'était la première fois et non un anniversaire.

    Bref, ce soir mythique Paris-Carnet, à vingt ou trente (il paraît qu'à la grande époque ils étaient quatre-vingt ou cent, que ça grouillait, entrait et sortait (les normes de la cigarette n'étaient peut-être pas encore si strictes. Hier nous n'avions même pas le droit de sortir avec notre verre à la main (problème de patente, de droits à payer à la municipalité). Comme nous sommes devenus sages…)

    Je suis arrivée tard, j'ai raté la fille aux gants (quand je dis "raté", je veux dire voir, mettre un corps sur un blog. Je ne la connais pas, je n'ai rien à lui dire. Juste la voir, au nom des nuits passées à se perdre dans les blogs pour consoler une tristesse et une solitude), je n'ai pas identifié M le Maudit et il venait de partir quand j'ai demandé s'il était là; Chondre et Matoo n'étaient pas là, Zvezdo non plus (trop loin); Aymeric discutait avec Dirty Denis; j'ai vu Gilda (zut, oublié de la faire parler de Cerisy (j'aime tant qu'on me parle de Cerisy)), Kozlika (évidemment), Franck (pas en kilt); Bladsurb, Padawan (je le croyais en Nouvelle-Calédonie), Veuve Tarquine (comme les enfants ont grandi); la Souris qui un jour m'a fait un joli compliment (genre «pourquoi je lis cette fille qui n'est pas mon genre») avec Palpatine qui a oublié ou fait semblant d'oublier que nous avons failli nous engueuler sur Twitter à propos de démographie; j'ai défailli en m'apercevant que Babils connaissait Véhesse et pas Alice (enfin un); j'ai récupéré un autocollant ou deux de Qwant.

    J'ai entendu parler de Pasfolle (personne ne sait ce qu'elle est devenue) et de Mon avis sur tout. Ça m'a fait plaisir. Impossible de retrouver le nom de cette fille très rock et un peu dépressive dont le blog n'était pas super connu… Peut-être dans la blogroll de Berlinette. Qu'est-ce que j'ai aimé Berlinette. Manu attendait Matoo et un fervent admirateur aimerait rencontrer Gv. Moi j'espérais rencontrer Garfield (avant qu'il ne parte en retraite à Marseille) mais il avait eu un empêchement de dernière minute.
    A la grande époque il y avait un autre groupe, la République des blogs, je crois (une idée des participants). Des gens sérieux qui voulaient refaire le monde. Tlön, c'était plutôt cette mouvance. Aymeric était entre les deux. Comme tout cela est loin. On a un peu bitché sur LLM mais à peine, en fait tout bien réfléchi, non. Juste évoqué.

    J'aurais peut-être dû prévenir Jean ou Elisabeth, je regrette de n'avoir pas insisté auprès de Philippe[s] ou Mes bouquins refermés. Je me suis dit qu'ils étaient au courant, je n'ai pas osé.

    Je définis la saudade comme la nostalgie de ce qui n'a pas été et de ce qui ne sera pas. Matoo a remis en ligne sa blogroll. Les liens sont plus ou moins actifs, mais les noms sont au moins des souvenirs pour ceux qui lisaient les blogs à la grande époque. Voir chez Tlön pour une autre sphère. Il y a plusieur blogrolls à récupérer d'urgence dans les blogs que je viens de citer.

    Huit

    Un entretien au siège à 8 heures du matin.

    Je rate le deuxième cours d'allemand à 16h30 car je me suis engagée à compléter l'équipe du huit qui court à Angers le 14: il lui manque des rameuses pour deux entraînements.

    Le bateau est encombrant et va vite, il demande beaucoup de concentration. Nous ne sommes pas réellement ensemble, il manque des heures et des heures d'entraînement en équipe. C'est un bateau qui doit permettre d'atteindre l'osmose. C'est exigeant (c'est pour cela que j'en rêvais. Il y a une course à Tours le 9 décembre, mais mes réflexions et calculs en Grèce m'ont fait aboutir à la conclusion que je ne vais pas y m'inscrire. Inutile de m'épuiser à mettre trop de choses dans le calendrier. Cela devient suffisamment compliqué comme ça).

    Nous terminons l'entraînement à la nuit tombée. Il faut rentrer, je fais des mauvais choix entre la ligne 1 et le RER A (je rejoins le RER A à Charles de Gaulle pour aller plus vite mais il arrive puis reste en gare de longues minutes car survient un incident à Auber juste devant nous) puis attend dans la confusion gare de Lyon (vingt minutes de retard avec des trains qui changent de quai). Difficile de rester immobile avec les muscles brûlants.

    Toujours pas

    Reprise.
    Entretien au siège à 17 heures.
    Un pot à 18h45. JM est en train de faire le choix définitif de la théologie : il a démissionné d'un poste haut placé à la BNP pour son année de maîtrise. Il me cite la torah: «quand un homme a élevé ses enfants et a un toit, il a le droit de se consacrer à l'étude». (citation exacte à retrouver, me dit-il).
    Concernant la dissertation de baccalauréat canonique (que lui a soutenue l'année dernière), je lui avoue que j'oscille entre des sujets qui me donnent l'impression d'être réglés en deux coups de cuillère à pot et des sujets qui exigeraient de lire tout Saussure, tout Benveniste, tout… (Nous parlons de Gunkel. Il ne connaît pas les formalistes russes. Je suis surprise.)
    Il rit: «A priori c'est l'état normal des personnes normalement névrosées. Quand il te restera quatre mois, tu abonneras l'idée de faire le travail du siècle, tu prendras n'importe quoi et tu t'y mettras.»
    Certes, réponds-je, mais paniquer doit faire partie du processus. Je crains que sans cela le mûrissement n'ait pas lieu.

    Atelier. Je n'ai toujours pas de sujet. Je me sens très bête. A ma question ressassée "pourquoi faire de la théologie", une participante répond qu'elle ne comprend pas mon problème : c'est forcément pour parler de foi à des personnes croyantes.
    Mais quel est l'intérêt de parler entre nous en étant tous d'accord ?

    Volos

    Pas travaillé ce matin car je devais lire un article que j'ai téléchargé sur Cairn : donc comme j'étais sur mon ordinateur, j'ai surfé. Damné wifi.

    Un peu d'hésitation, que faire ? Finalement ce sera Volos (avec un bêta prononcé vé), porte d'accès au Pélion, région montagneuse dans laquelle se cacha Jason. Le guide bleu nous promet un circuit d'une beauté extraordinaire, deux cent trente kilomètres sans dépasser le trente à l'heure… Nous savons aussitôt que nous n'irons pas bien loin, il est midi passé quand nous atteignons Volos.

    Nous cherchons la rue "du bazar". Même si trente ans après l'écriture du guide elle a disparu, son emplacement se reconnaît à une animation certaine. Comme toujours, tous les Grecs sont en train de prendre du café (un frappe) en terrasse à l'heure de l'apéro. Ils ont sorti les pulls et les doudounes, il fait froid (18°). J'achète des collants pour éviter d'acheter un pull (si, c'est logique: en couvrant les jambes j'arrête la sensation de froid).

    Nous mangeons trop, encore, dans un restaurant choisi d'après sa clientèle (des groupes de Grecs en tous genre, jeunes et vieux. Est-ce qu'ils ne travaillent jamais?) et son nom : Ouzo therapy.
    Je pense avoir compris ce qu'il faut faire ici : les plats sont conçus pour que tous y pioche, il faut en commander un ou deux qui intéressent tout le monde, puis en recommander au fur à mesure, et non commander comme en France, entrée, plat, dessert. Sinon on se retrouve avec des quantités bien trop importantes que l'on n'ose pas laisser, pour ne pas gaspiller, pour ne pas vexer, et parce que c'est bon. Et lorsqu'on nous avons réussi au bord de l'épuisement à achever les plats commandés, le restaurateur grec vous achève : à l'orientale, il vous apporte, en cadeau, gratuitement, un dessert… qu'il faut manger puisque c'est un cadeau (du moins nous ne pouvons imaginer qu'il en soit autrement).
    Nous commandons un café, nous le choisissons grec, bien sûr, et nous voyons notre hôte, qui a acquiescé à notre bon goût, sortir chercher deux tasses au bar à côté.

    Nous grimpons quelques kilomètres du Pélion. La végétation change selon le versant des collines, verdoyante ou râpée. Nous surplombons la mer. La route est très étroite et très raide, bordée de maisons de place en place (mais pourquoi habiter là? C'est joli mais pas pratique, en hiver ce doit être terriblement dangereux quand il gèle). Le Grec reste grec et se gare en double file absolument n'importe où, à l'entrée ou à la sortie des virages, il traverse de même, et il arrive qu'il double (ce qui est plus étrange car la conduite ici est nonchalante, ce n'est pas l'Italie pressée) dans des endroits impossibles.
    Je crois qu'une petite voiture jaune qui montait a dû avoir la peur de sa vie quand à l'entrée d'un virage elle s'est trouvée nez à nez avec un car ukrainien qui descendait la montagne, debout sur le frein (H. le suivait, en seconde).

    Nous rentrons. Arrêt à Larissa que nous aimons beaucoup, retour dans "notre" restaurant, The Alley. Mes magasins sont fermés. Après étude, il apparaît que les magasins privés ouvrent à peu près de 9 à 14 heures. Les lundi, mercredi et vendredi, ils rouvrent entre 18 et 21 heures (c'est ce qui donne des rues si animées). Les édifices publiques ne rouvrent pas. Quelques musées ouvrent jusqu'à 17 heures mais c'est plutôt rare. Cela ressemble à Venise, la culture exige de se lever tôt. Voilà qui rend les musées quasi inaccessibles à des gens comme nous, surtout s'il y a d'abord une ou deux heures de route.
    Séance de cartes postales au restaurant, en buvant un Coca pour digérer (difficile de trouver des cartes, des timbres. A Volos, j'ai photographié la queue à la poste : il y a des chaises et des tickets pour les ordres de passage).

    Le soir bagages en regardant d'un œil Le surfer d'argent. C'est insupportable de nullité, même sous-titré en grec.

    Thessalonique

    Deux heures de F Dosse sur la terrasse, enveloppée dans une couverture. Les vagues font tant de bruit que j'ai conservé une boule Quiès.
    Certeau, une star en Amérique latine.

    Thessalonique. Treize kilomètres d'allers-et-venues, nous disent nos téléphones. Nous nous garons (par hasard) non loin de l'église Saint Dimitri (Hagios Demetrios). Visite. Très beau sous-sol au plafond de briques (anciens thermes romains). Ici les cierges à acheter ne font pas trente centimètres mais un mètre trente. Devant le reliquaire de saint Dimitri se trouve un chaudron rempli d'huile (dit-on saint chrême en orthodoxie?). Des cotons tiges sont à disposition, pour se signer (s'oindre) supposè-je.

    Nous descendons vers la mer. Agora (les Grecs avaient prévu une place et des bâtiments publics, au premier coup de pioche ils sont tombés sur des ruines. Ce doit être épouvantable de construire quoi que ce soit ici), hammam (trop tard pour le visiter). La ville présente une grande unité d'immeubles que je qualifie in petto "d'immeubles des années 70" (en réalité je n'en sais rien). Elle est vivante et gaie, le ciel est dégagé et même si ce n'est plus la confortable chaleur d'il y a une semaine, il fait doux. Les chiens grecs sont omniprésents version flaques, allongés n'importe où mais à l'ombre, bien décidés à ne pas bouger. (Le chien est à la Grèce ce que le chat est à Venise).
    Coca-Cola semble très friendly ici, il y a une édition spéciale pour la ville.
    Promenade le long de la mer (le mont Olympe en face est dans les nuages), vin blanc, tour blanche (pas le courage de monter), statue d'Alexandre, rue piétonne, monument aux Arméniens ou des Arméniens (pour remercier les Grecs? pure supposition), petites rues, très bon et très agréable minuscule restaurant crétois en face d'une église rue (odos) Manousogiannaki, librairie (Wilde, Nietzsche, Kafka, Kavafis — en grec, rien acheté), la rotonde (très bien, belle lumière sur les briques, belles proportions), musée d'art byzantin (quelques cartes postales, maigre butin), meringue avec fraises et crème infusée au basilic (excellent, restaurant (du musée) chaudement recommandé).

    Il fait nuit, nous rentrons le long de la mer qui friselise (rien de commun avec les rouleaux de Platamonas). Nous sommes épuisés, je pousse à rentrer directement sans s'arrêter à nouveau pour dîner.

    Autoroute, chambre. La télé passe Sully sous-titré en grec (le comble du snobisme). Nous nous installons devant avec un thé avec notre wrap et ne tardons pas à nous regarder avec incrédulité: tout le milieu du film a disparu. Nous voyons le début jusqu'au moment où Sully a sa femme au téléphone qui vient de comprendre que son mari a risqué sa vie, puis pub, puis retour au film au moment de l'audition générale et de la première simulation de vol. Tant de désinvolture avec l'œuvre de l'auteur me sidère.

    Il paraît qu'une tempête se prépare en Méditerranée.

    Epiphanies astronomiques

    En regardant le soleil se lever, je me dis soudain: «ce n'est pas parce que la terre tourne autour de soleil que le jour se lève, c'est parce qu'elle tourne sur elle-même».
    (Dans ma tête j'entends X. exaspérée: «Mais Alice, JE SAIS que la terre tourne sur elle-même».
    Oui. Je sais (que tu sais). C'est juste que soudain je me suis dit qu'on utilisait souvent la mauvaise explication.
    Mon excuse est que j'étais en train de penser à ce dialogue entre Wittgenstein et un élève:
    W : Pourquoi croyons-nous que le soleil tourne autour de la terre ?
    L'élève: parce que c'est ce que nous voyons.
    W: Et que verrions-nous si la terre tournait autour du soleil?
    )

    En deux ou trois minutes le soleil sort de la mer et en autant de temps disparaît dans les nuages bas sur l'horizon — ce qui fait que devant la mer ensanglantée quelqu'un qui n'a pas assisté au phénomène ne peut pas savoir si le soleil est derrière la mer ou derrière les nuages.
    Et devant la vitesse de cette apparition-disparition, deuxième réflexion bête: «c'est vraiment très rapide. Pour qu'il faille douze heures pour faire un demi-tour (de l’aube au crépuscule), il faut que les distances soient énormes».

    (C'est tout pour les illuminations du jour.)

    Convenir

    — Je vais attendre d'avoir changé de boulot puis j'ajouterai ma licence de théologie sur Linkedin.
    — Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
    — Pourquoi? Ça plaira à qui ça plaît.
    — Je ne suis pas sûr que tu es envie de plaire à qui ça plaît.


    Sur le coup ça m'a fait rire et paru plutôt vrai.
    Mais finalement non: ce qui savent ce qu'est la théologie ne sont pas à redouter.

    Equinoxe

    Le vent est tombé assez vite mais la mer s'est creusée en vagues de deux mètres: c'est sans doute peu pour l'Atlantique mais pour la mer Egée s'est énorme, elle qui clapotait au pied de l'hôtel. Désormais les vagues se couronnent d'écume y compris en pleine mer.

    Mon problème est le froid: j'ai préparé ma valise trop vite (en faisant trop de choses à la fois) et j'ai oublié de prendre un pull. Je n'ai que des robes sans manches et des sandales. J'enfile l'un sur l'autre deux tee-shirts sur une robe… Il y a une table dans la chambre mais pas de chaise, nous descendons travailler dans le hall de l'hôtel. Il n'y a personne, nous sommes en train de faire le contraire de tous les autres: rester quand il fait froid et partir quand il fait beau et que nous pourrions profiter de la mer.

    Je passe deux heures à faire une fiche de lecture sur l'article de Lemieux lu en début de séjour. Me reviennent en mémoire les recommandations de Thibault Joubert en 2014: «faire de la théologie, c'est écrire». Or j'ai bien moins écrit depuis le début de ce cursus qu'avant.

    Après-midi paresseuse. Nous allons à Platamonas à pied. Deux coups de fils professionnels: un rendez-vous plein d'espoir pour moi, une déception pour H.

    Dion et le mont Olympe

    F.Dosse deux heures. Fin de la première partie. Remarque de Dosse à propos de l'accident de voiture qui a tué la mère de Michel de Certeau en 1967: il est possible que cette mort, source d'une profonde culpabilité (le père conduisait trop vite car Michel avait mis la famille en retard), ait par ailleurs libéré la parole, la pensée, la plume de Michel de Certeau qui n'aurait peut-être pas écrit de la même façon du vivant de sa mère.
    J'ai pensé à Proust.

    Matinée en chambre un peu patraque, ce qui nous a amenés à choisir une excursion proche: le site archéologique de Dion, totalement inconnu de nous.
    Les panneaux indiquent "parc" archéologique et c'est vraiment cela: plusieurs hectares de fouilles dans un endroit serein dont la douceur m'a rappelé Olympie. Il s'agit d'un lieu riche en sources au pied du mont Olympe qui a connu successivement un culte à Demeter puis Zeus puis une ville romaine et les débuts du christianisme: mille ans d'histoire (-600 à 400 après JC) sont exposés là (à vrai dire on ne sait pas toujours ce qu'on regarde) parmi les joncs sous le soleil à l'ombre des platanes.
    Fin septembre, nous sommes quasi seuls. Les fondations des bâtiments et les voies romaines ont été dégagées, quelques colonnes et statues ont été redressées; le tout est intime, proche, émouvant parce qu'il est compréhensible: on voit les murs, les routes, les bains, il est possible de se représenter la vie ici, vie détruite comme souvent dans la région par des tremblements de terre — aubaine des archéologues puisque tout est conservé par strates.

    Une grande mosaïque a été déplacée dans un bâtiment tout neuf derrière l'église, à côté du musée archéologique qui lui contient les statues et poteries trouvées là ainsi que le contenu de tombeaux de Katerini (c'est l'autoroute qui est à l'origine de ces découvertes relativement récentes). Je découvre un ancêtre de l'orgue fonctionnant grâce à la force hydraulique.
    Les Grecs ne sont pas des gens intéressés: au lieu d'essayer de nous vendre quelques "souvenirs", ils ferment le gift shop l'après-midi… Ce n'est pas comme ça qu'ils vont devenir riches! (De même, hier, pas de boucliers en carton et de pilum en plastique à côté des Termopiles… bande d'orthodoxes, vous n'avez rien compris au capitalisme et au tourisme.)

    Dion est à quelques kilomètres de Lichotoron, et sans même nous en apercevoir, nous nous engageons sur une route de montagne qui serpente vers le mont Olympe (en fait c'est un massif plutôt qu'un mont, ou plutôt une montagne à deux sommets). Nous montons assez vite à mille mètres et prenons un thé (thé de l'Olympe, une tisane qui ressemble à du tilleul) dans un café-refuge, le "Stavros". Toute la plaine est devant nous à vingt kilomètres à la ronde, avec la mer pour horizon.
    Pas de carte postale (denrée rare) mais du miel.

    Nous rentrons. Je ne sais pas pourquoi je suis si fatiguée le soir. Le vent, le soleil, l'iode?

    Le vent se lève pendant le dîner. A l'heure actuelle il souffle suffisamment fort pour que le bruit des vagues ne s'en distingue plus. Demain la température devrait perdre dix degrés.

    Les deux champs de bataille

    F. Dosse deux heures. J'aime la lumière avant qu'apparaisse le soleil. Il n'y a pas d'oiseau. La même nageuse qu'hier apparaît aussi tôt et aussi longuement (je la reconnais à son bonnet de bain bleu marine).

    Départ à 9h30 pour Pharsale (le petit déjeuner est servi à partir de 8h30). Nous quittons assez vite l'autoroute et nous nous retrouvons sur une petite route qui serpente au milieu des champs moissonnés. C'est une plaine haute, à peine vallonnée. Apparaissent des champs de plantes qui ressemblent à des pieds de pomme de terres (quarante centimètres, cinquante, peut-être). C'est du coton. Il y a des boules pelucheuses blanches le long des routes, dans les mailles des grillages des remorques vides tirées par les tracteurs. H. s'arrête pour que j'en ramasse une. Du coton! Comme dans Autant en emporte le vent!

    Pharsale est dans la plaine, étendue au pied de collines hautes. J'ai dans l'oreille le leitmotiv de Claude Simon, le grand-père ou le père regardant l'enfant qui sèche sur sa version, et plus tard la recherche du champ de bataille — mais par qui, par RC ou par Simon? Je ne sais plus — la recherche les traces de la bataille, allant jusqu'à interroger les clients d’un café (Cela m'avait paru le comble de l'extravagance: interroger un autochtone à propos d'une bataille ayant eu lieu deux mille ans auparavant…)
    — Et qu'est-ce qu'on va voir là-bas?
    — A priori rien, à moins que ça n'ait changé depuis les années 70.

    Nous arrivons vers onze heures et demie. Il fait déjà très chaud. Nous garons la voiture dès que possible et marchons. Nous sommes dimanche. Les terrasses sont pleines. Avant-hier à Larissa, hier à Katarini, aujourd'hui à Pharsale, la population de tous âges, élégamment vêtue, envahit les terrasses pour boire du café ou de la bière. C'est joyeux et bon enfant.
    Sur la place se dresse une statue d'Achille. Elle date d'août 2013. Dimanche prochain aura lieu la sixième édition du semi-marathon de la ville. J'aimerais trouver une carte postale mais je ne me fais guère d'illusion.
    Nous nous arrêtons nous aussi prendre un verre en terrasse puis nous rejoignons la voiture par un autre chemin: beaucoup de bâtiments abandonnés de cet abandon particulier des choses écrasées de soleil et des boutiques neuves et pimpantes. Ici, on est meccano ou serveur — ou peut-être cueilleur de coton.

    Nous repartons. Les gens conduisent à la grecque, c'est-à-dire en se serrant le long du bas-côté pour vous laisser passer, en s'arrêtant n'importe où sans prévenir, en doublant sur les lignes blanches. Le stop est un céder le passage, les chiens sont suicidaires.
    Direction Thermopiles. Nous grimpons, franchissons un col, changeons de plaine. Il y a des camions, des radars, la route est quasi déserte. La montagne est plus haute, nous franchissons un col, dans la plaine le paysage est plus vert, des arbres fruitiers et des oliviers apparaissent.
    Nous voyons trop tard le monument à Léonidas, de l'autre côté de la route. Il est deux heures, l'heure de déjeuner. Tant pis, nous continuons jusqu’à la prochaine ville au bord de la mer.

    Kamena Vourla. Place à l’ombre au bord de la plage, mer bleu, vent léger, carafe de vin blanc. Paysage de carte postale. Nous sommes merveilleusement bien. J’ai choisi le restaurant sur la chemise blanche d’un client. A ce même client je vais demander quel plat il a choisi car celui-ci me plaît.
    Indigestion de friture de poissons variés. Ne plus jamais prendre « mégalé », petit suffira.
    Chemise blanche viendra nous dire avant de quitter la gargotte qu’il nous a offert le vin. « Malicieux et fraternels » dit le guide bleu Michelin à propos des Grecs.

    Pour (tenter de) digérer, nous longeons la rue qui suit la côte. Soleil, chaleur, et miracle, quelques cartes postales.
    Plus tard, vers cinq heures, nous retournons à Thermopiles, descendons, explorons le lieu. La mer a beaucoup reculé en deux mille ans. Devant le monument en haut de la colline nous rencontrons un Québecois. Nous prenons un chemin plus loin, grimpons, trouvons un peu par hasard les ruines d’une fortification.
    Malgré les explications je ne comprends pas bien ce qui s’est passé ici, je ne visualise pas les moments de troupe.

    Nous rentrons par l’autoroute. Deux cents kilomètres vers Athènes, autant vers Platomonos.
    Soleil ou indigestion, je suis épuisée.

    L'impossible foi

    Deux heures de théologie au lever du soleil, entre sept et neuf heures. Je finis l'article de Lemieux et je reprends Dosse.
    Comment faire de la théologie, pourquoi faire de la théologie, je tourne ces questions comme un sujet possible de mémoire de licence. En 1966 Roustang se fait virer de Christus parce qu'il prévoit l'indifférence des générations futures.
    Si l'on n'y prend garde et si l'on se refuse à voir l'évidence, le détachement à l'égard de l'Eglise, qui est largement commencé, ira en s'accentuant. Il ne revêtira pas alors, comme dans le passé, la forme d'une opposition ou celle d'un abandon, mais d'un désintérêt tranquille à l'égard, disent-ils, de cette montagne d'efforts qui accouche inlassablement d'une souris.

    François Roustang, «Le troisième homme», Christus, n°52, octobre 1966, p.567, cité par F. Dosse, Michel de Certeau, le marcheur blessé, p.87
    Je repense à H. en 2012, son effarement, son incompréhension devant mon cursus de théologie: «Mais enfin, ta religion, elle est morte!»
    J'ai raconté cette anecdote plusieurs fois, choquant certains. Comme l'a souligné un élève, «bref, tu n'es pas soutenue à la maison». Ce qui est difficile à expliquer, c'est que dans un certain sens je préfère cela. Je préfère cela à ceux qui paraissent vivre dans un monde que je ne connais pas et qui m'effraie (de l'extérieur), un monde où tout le monde est chrétien, croyant, pratiquant, où la foi, les rituels, la connaissance des Ecritures vont de soi. Qu'est-ce que ce monde, où se trouve un monde pareil, s'agit-il d'un "vrai" monde, en prise avec la réalité, avec les Pokémons et Instagram?
    Dans mon monde à moi croire ne va pas de soi, c'est plutôt une anomalie, pour ne pas dire un signe de bêtise, de léger attardement mental. Dans mon entourage, certains pensent que tout le mal vient des religions (comme si les hommes ne trouveraient pas autre chose pour se faire la guerre!) et Jacques, que j'aimais tant, semblait bien convaincu que tous les curés étaient pédophiles.
    Je préfère vivre dans ce monde-là qui ne comprend pas comment il est possible de croire (titre d'un groupe Facebook: «Je n'ai pas d'ami imaginaire») parce qu'à vrai dire, je ne suis pas sûre de comprendre non plus.
    Mais je crois, c'est ainsi.
    Pourquoi? (non, pas de psychologie à deux balles, please).


    Petit déjeuner, une heure de nage dans la mer, sieste, déjeuner, bataille avec l'informatique (le peu de photos que je prends est devenu inutilisable, je n'arrive pas à les transférer de mon téléphone), blogage, dîner à Katerini où nous sommes les seuls touristes. La place principale est joyeuse, tout le monde est dehors, les gens élégants, les enfants jouent pendant que les parents dînent, on est bien.

    Objectif Météores

    J'ai vu l'aube rouge sur la mer, je me suis recouchée.
    J'ai lu une heure (théologie) dans le bruit des vagues sur la terrasse au soleil déjà presque haut. La musique a repris à huit heures du matin.
    Petit déjeuner à base de feta et concombre. Deux fois j'ai appuyé sur l'appareil pour avoir de l'eau chaude dans ma tasse (car je n'aime pas les faux-cols). Deux fois c'était trop, j'en ai mis partout. La serveuse m'a gentiment montré comment arrêter (bouton stop sur la machine d'à côté) l'eau la deuxième fois. Je me suis souvenue la façon dont je m'étais fait engueulée à l'auberge de jeunesse de Berlin pour exactement la même raison.
    Je n'aime pas les faux-cols.

    Dix heures, direction les Météores, étape Larissa.
    — Gare-toi là !
    Docile, il s'exécute puis demande : — Pourquoi on s'arrête ?
    — Ben je ne sais pas, c'est toi qui a programmé une étape Larissa sur Waze.
    — Mais c'était une étape dans la définition du trajet, pas pour s'arrêter !

    Nous sommes malgré tout descendus de voiture. Ville aux rues en travaux, ville vivante, amusante, aux rues ombragées. Nous avons acheté un short, du thé, des filtres à thé, des lunettes de soleil (Gucci !), un fil pour tenir les lunettes quand on fait du sport (avec flotteurs pour ne pas les perdre dans l'eau), du Canderel. Nous avons pris une Guinness en terrasse et mangé un risotto et une salade agrémentée d'une sauce purée de framboise/vinaigre. Le café s'appelle Bukowski et parmi les "strong drinks" classe l'eau gazeuse (mais propose aussi des "stronger drinks", et même des "strongest", heureusement).

    Deux heures. Plein ouest. Il fait trente dans la voiture (la température ne descendra que dans la nuit, à vingt-sept, vingt-cinq). Route droite, paysage pelé. Quatre voies séparées par un terre-plein: voie de gauche à 90, voie de droite à 70, voie qui quitte la route à droite à 50. Oublions ces râleurs de Français. Les Grecs sont toujours les mêmes au volant, bienveillants et négligents, s'arrêtant n'importe où pour faire n'importe quoi — mais ne klaxonnant jamais quand vous en faites autant.

    Puis la ville sous les rochers, à flanc de rocher, les rochers nus, abrupts, immenses, noirs-bruns, arrondis par la pluie. La route continue. Premier monastère, Sainte Barbara, tenu par des religieuses. Nous montons, nous visitons. Beaucoup de slaves, des Russes. Une nonne orthodoxe strictement voilée à l'entrée. Un panneau recommande (en grec, anglais et russe) d'être vêtu "modestement". Des peintures dans l'église, nouveau testament, peintures des martyres des saints. Nous déchiffrons les caractères grecs, reconnaissons quelques martyrs aux instruments de torture (les flèches, le gril, etc).
    Le jardin en contrebas est très beau.
    J'achète du miel, forcément, toujours du miel dans les monastères, et quelques cartes postales.

    Nous escaladons la montagne (cyclamen sauvages rose pâle), redescendons, allons au monastère suivant, puis le suivant. Ils sont fermés depuis une heure, nous montons, descendons, une passerelle, une atmosphère de photos chinoises, de monastères bouddhistes… Les chiens dorment au soleil et se déplacent à peine quand la voiture arrive. Les animaux sont faméliques et confiants. Impression de silence et de solitude au milieu de la poignée d'égarés qui comme nous montent les marches en sachant la porte close.

    Retour à Larissa, les rues sont animées, dans le parc un concert apparemment dédié à réclamer l'accueil des réfugiés. Des caricatures font froid dans le dos qui dénoncent la collusion de l'Eglise orthodoxe et de l'extrême-droite. Que se passe-t-il réellement ici?
    Il est huit heures, il fait nuit. Les terrrasses sont pleines de gens qui boivent un verre, nous nous installons, un ouzo, une planche… En attendant les plats je colle un timbre sur les cartes postales, timbres que H. a trouvés dans une gargotte où il est descendu acheter de l'eau:
    — Vu où je les ai achetés, tu ne devrais pas lécher ces timbres pour les coller.
    Je ris: — T'inquiète; regarde, je bois un peu d'ouzo pour désinfecter…
    Il est franchement dégoûté: — Mais non, je t'assure, la vieille a soufflé dessus avant de me les donner.
    Je ris et continue.

    Larissa est vraiment étonnante, est-ce toujours ainsi, ou seulement le vendredi? Tout le monde est dans la rue, avec les enfants de un ou deux ans si nécessaire.
    Une pharmacie affiche "Sophie la girafe" sur son panneau lumineux: mais pourquoi? (et je songe à Nancy, février 2017).
    Nous rentrons, autoroute à 120.
    Je suis fatiguée, trop de soleil, trop de vent.

    Platamonas

    Aujourd'hui O. a vingt ans. La semaine dernière, sur le quai du RER, j'avais commencé à lui demander s'il voulait organiser quelque chose, inviter des copains au restau. Devant son manque d'enthousiasme, j'avais réfléchi trois secondes: «Ah mais non, c'est un mercredi, tu préfères être devant ton écran, c'est une soirée avec ta guilde!» Soulagement visible de O., j'avais compris sans qu'il ait eu à m'expliquer, à s'expliquer. «Tu sais, ça irait plus vite si tu me le disais, ce serait plus simple. Ce n'est pas comme si j'allais te faire la morale ou te reprocher quelque chose.» Il avait hésité puis s'était lancé: «C'est juste que… ça me paraît une telle perte de temps…»
    Sous-entendu: fêter ses vingt ans. J'ai les enfants les plus pragmatiques du monde.

    Vers treize heures, départ pour Orly. Nous prenons l'avions entre quatre et cinq heures. Arrivée après sept heures, une heure de décalage avec Paris. Pas de jolie voiture cette fois-ci, il n'y en a plus, mais une Skoda Octavia bleu roi.
    Nous roulons dans la nuit noire sur des autoroutes sans défaut. Plusieurs péages, quelques pièces à chaque fois; cela ressemble à l'autoroute de l'Est (vers Reims) autrefois.

    Platamonas, remparts sur la colline, descente raide, hôtel au ras des vagues, chambre itou (bruit pénétrant, impossible de dormir la fenêtre ouverte), restaurant très fréquenté. Nous dînons.

    Je suis, nous sommes, en vacances.

    Vacances

    Dernier jour avant deux semaines de vacances.
    J. me demande : — Alors, vous faites quoi ?
    — Pour l'instant rien. Mais ce n'est pas grave, j'ai de quoi m'occuper à la maison.

    (Cette année je n'ai pas organisé de vacances donc rien n'est prévu. C'est aussi une expérience: si je ne fais rien, que se passera-t-il, rien, ou quelque chose? Ma façon à moi de refuser absolument toute charge mentale depuis que les enfants sont grands (ils ont beaucoup soulagé cette charge pendant leur adolescence).)

    Un comité financier dans l'après-midi, une réunion de caté le soir, cette fois-ci en présence des prêtres (toujours pas de dates. Ça va devenir compliqué avec les sorties prévues à l'aviron.) Le soir quand je rentre, H. a pris des billets d'avion pour Thessalonique. Il a choisi un hôtel le long de la plage à Platamonas. Il reste à le réserver, ainsi qu'une voiture, ce que nous faisons ensemble.
    J'enverrai un sms à J. demain, pour la faire sourire.

    Pour en finir avec cette mauvaise série

    British Airways fête l'anniversaire de Freddie Mercury.

    La holding du groupe est redevenue société mutualiste en juin dernier (après être passée SA en 2003 dans le but d'une introduction en bourse, projet qui a volé en éclats d'abord avec la crise des subprimes de 2008, puis avec une mauvaise notation en 2012).
    Une offre de poste vient de passer en interne pour travailler dans ce domaine (le mutualisme). Ce matin j'ai peaufiné mon CV avec H. au téléphone et cet après-midi j'ai postulé en m'appliquant, c'est-à-dire en appliquant les conseils reçus en atelier de l'APEC en juillet dernier.

    C'est mal parti, suite

    Ou plutôt "fin de partie", comme je dis parfois.

    Présentation du site à OR, trésorier de la mutuelle.

    Bon. Ça n'a pas l'air sérieux mais c'est sérieux : à l'aide, les geeks; j'aurais besoin de deux articles simples et convainquants qui expliquent
    1/ ce qu'est qu'un hébergeur (non ça ne va pas transmettre de virus à vos autres sites hébergés ailleurs)
    2/ qu'OVH est un très bon choix.
    (pour convaincre des gens qui n'y connaissent rien, n'y comprennent rien, genre me demandent si un tweet retweeté "est libre de droit").

    En fait je crois que j'ai déstabilisé OR: «Mais pourquoi tu n'as pas pris un prestataire?»
    Lui n'a aucune idée de ce qu'est un site, de comment le faire ou l'installer. Et ça l'ennuie, ce savoir-faire chez moi.


    Théologie, caté, boulot, cette semaine est affligeante.

    C'est mal parti

    Réunion préparatoire de catéchisme pour cette année. C'est la deuxième réunion après celle de juillet et je n'en sors pas plus avancée: nous n'avons toujours aucune date de rencontres avec les enfants.

    «Il y a des parents qui n'étaient pas contents, mais moi je dis, Jésus n'était pas pressé. Il faut que chacun s'exprime, et c'est vous qui devez dire les horaires qui vous conviennent.»
    J'essaie de faire intervenir un principe de réalité: «Certes, mais une fois qu'on a pris en compte le calendrier scolaire (les dates de vacances) et le calendrier liturgique (les grandes fêtes, Pâques, l'Ascencion, la Pentecôte) et les différents rituels (mariage, baptême, première communion, profession de foi), le calendrier se déduit de lui-même.»
    Mais elle reste sur son idée.

    Deux réunions, trois heures, et je n'ai toujours pas de dates — sauf celle d'une autre réunion, avec les prêtres cette fois. J'espère qu'ils auront davantage de sens pratique.

    Je repars déprimée: tandis qu'une maman catéchiste émettait l'idée qu'«il fallait se mettre à la hauteur des enfants», j'ai fait l'erreur de répondre que je ne voyais pas les choses comme ça, que j'essayais à l'inverse d'élever les enfants, que j'expliquais beaucoup, que les enfants s'ennuyaient à la messe parce qu'ils ne comprenaient pas, qu'il leur manquait beaucoup de vocabulaire et que par exemple ils n'apprenaient plus le passé simple.
    Qu'avais-je osé dire ? Je me suis vu rétorquer quasi avec fureur qu'on pouvait très bien comprendre en étant sénégalais ou italien (What? Quel rapport?), que les enfants ne s'ennuyaient pas et que nous n'étions pas des instituteurs. (Je me suis abstenue de répondre que j'essayais de donner plus qu'instituteur: j'essaie de faire des liens, de donner des pistes pour décrypter ce monde incompréhensible, mais aussi d'apporter de la culture gé, parce qu'être chrétien, ce n'est pas vivre dans un monde à part, mais vivre au milieu du monde.)

    J'ai abandonné. Dans quel monde vivent-elles, quel est ce monde où les enfants ne s'ennuient pas à la messe? Certes, je ne m'ennuyais pas à la messe, mais moi, j'écoutais, et ça ne fait pas si longtemps (trois ans?) que je ne m'ennuie plus durant la prière eucharistique: depuis que j'en ai compris l'origine et la transmission, depuis que je suis fascinée par son enracinement dans une longue tradition et que j'ai l'impression d'être absorbée, de me réabsorber, dans une longue lignée de croyants avant et après moi, depuis que j'ai l'impression d'être un maillon insignifiant et indispensable dans un grand tout.

    Je suis rentrée à la maison entre déprime et colère. (Pas très chrétien tout ça.)

    Assommée

    Premier "atelier" ce soir. Cette année il s'agit d'atelier destiné à nous soutenir dans notre rédaction de mémoire de "baccalauréat canonique" (BC) qui est l'autre nom de la licence théologique (il me semble).

    Il fallait venir avec son sujet, ses lectures de l'été, avoir plus ou moins articulé sa problématique. Je m'en suis rendu compte vendredi soir en mettant à jour Google agenda.
    Catastrophe, je n'ai rien fichu cet été et certainement pas fait des "lectures d'été" puisque je ne savais pas qu'il fallait en faire (à vrai dire, l'aurais-je que cela n'aurait sans doute pas changé grand chose: je n'ai pas passé mon week-end à lire les Confessions comme j'aurais pu le faire.)

    Je n'ai pas franchement d'idée de sujet. En juin j'avais évoqué le repos, mais je me rends compte que je ne pourrai jamais problématiser un tel sujet, il me faudrait prendre à bras-le-corps trop d'apories, faire face à trop de colères (prendre à mon compte, exposer, la colère de H., par exemple, qui cite souvent Pennac: «si Dieu existe, j'espère qu'Il a une excuse». Est-ce que cela a un sens de vouloir se faire la voix de ceux qui ne croient pas, ou plutôt, qui sont en colère?)
    Bref, un travail bien trop important pour mon courage, dans les deux sens de courage; courage face au travail (courage contraire de paresse) et courage face aux questions et aux réponses (courage contraire de lâcheté). Je n'ai pas ces courages.

    Qu'est-ce que je vais faire? Dans le groupe, deux veulent étudier Laudato Si (l'un dans sa réception à Madagascar, l'autre dans ses conséquences pratiques dans une paroisse française), un les procédures de canonisation (y a-t-il trop de saints, des saints trop locaux? (il paraît répondre oui)), une étudiante se propose de traduire des inédits de Basile ou Grégoire (je ne sais plus) pour réfléchir à ce qu'il effectue quand il nomme Dieu (!!? Mazette!).
    Nous nous rencontrerons tous les quinze jours et sommes censés le jeudi précédent mettre en ligne un résumé de nos avancées en problématique et lecture et bibliographie.

    Que vais-je faire, comment vais-je m'en sortir?

    Dimanche de rentrée

    Belle sortie en quatre à Neuilly pour préparer la traversée de Paris. La Seine comme un lac. Une sortie comme cela me redonne espoir.
    Sieste, vacherin, lessives (profiter des derniers week-ends de beau temps pour faire sécher les draps en lin dehors (pas des draps domestiqués du commerce, des draps septuagénaires épais et lourds, brodés à la main)).

    J'apprends la mort de Jacques Theillaud . Comme ils n'ont aucune idée de la réalité, ceux qui vous affirment péremptoires: «ce que je n'aime pas sur Facebook, c'est le mot "ami". Comment peut-on être amis sur FB?» Eh bien, ce serait trop long de vous expliquer, surtout si vous partez avec cette conviction (à quoi bon tenter de vous convaincre?). Mais ce soir j'ai envie de pleurer.

    Nous dînons très tôt. Je m'installe devant le Mission impossible disponible sur Netflix — donc gratuit (le 3, très mauvais) et je trie, classe et jette les deux cents mails de ma boîte de réception. Je mets à jour mon emploi du temps dans Google agenda: il n'y a que trois ou quatre TG (travaux en groupe) cette année, dont deux sur des week-ends où je me suis engagée dans des randonnées d'aviron.

    Puis quatre épisodes de la saison 2 des Mistfits. Qu'est-ce qui rend cette série si attractive? La beauté des jeunes gens, la véracité des dialogues, la logique déjantée de la fiction?

    Samedi enfui

    Levée avec de grandes ambitions de travail, farnienté, couchée vers deux heures du matin (en sachant que je dois me lever pour m'entraîner à Neuilly demain matin) après avoir la saison 1 de The Mistfits et le début de la saison 2.
    Cela me rappelle Pushing Daisies par le côté déjanté, sans doute aussi à cause de la contrainte intenable dans le temps de créer un personnage qui doit éviter tout contact physique.

    Baptiste

    Le matin je survole mes mails perso avant de partir au bureau: fatalitas, la rentrée à l'ICP est le 3 septembre (j'ai le programme quelque part dans le fatras), je suis censée avoir lu les Confessions de St Augustin et avoir préparé mes questions (par écrit) suite à "mes lectures de l'été".
    Je n'ai rien lu.

    A midi, encadrement de débutants. Le hasard fait que je me retrouve avec Nathalie, qui habituellement ne me parle pas (ni à grand monde: nothing personnal, ou si peu). Nous voilà donc à partager l'encadrement de trois débutants. Sa parole a été très contrôlée, voire affectée (mais l'affectation que je ressens est peut-être sa façon naturelle d'être, d'où notre difficulté à communiquer).

    Dans l'après-midi je reçois un sms (ce qui vaut en soi la peine d'être noté tant le réseau est mauvais au bureau): «Baptiste était à l'aéroport en train de partir au Canada quand il a appris qu'il était viré de son université. (J'ai pas plus d'info). Du coup je lui ai proposé de passer à la maison (voire de dormir). Il m'a dit qu'il venait dans l'après-midi, je ne sais pas s'il restera».

    (Parenthèse: j'avais donc l'intention de ne pas rentrer tard, mais d'une part je me suis laissée entraîner en fin de journée (cela m'arrive souvent), d'autre part il y a eu un accident de personne gare du Nord et j'ai du prendre le RER A).

    J'interroge Baptiste, j'essaie de comprendre ce qui s'est passé. Il a reçu un mail le 18 juillet, il était chez sa grand-mère à Avignon, il ne l'a pas lu, il devait répondre, il n'a pas répondu.
    Ces gosses !!

    Morale en acte

    Quatre sans avec Jérôme, le grand fan de pointe. Je ne pensais pas que Vincent nous laisserait sortir ce bateau un jour.

    C. dîne avec nous au Temps des cerises. Il se pose un dilemme moral: il n'écrit pas à sa grand-mère, il ne répond pas à ses sms, il n'en a pas envie, ils sont en froid. Mais il sait qu'il le devrait, à lui cela ne demanderait pas un gros effort, à elle cela ferait plaisir. Mais il ne veut pas être hypocrite. Il est choqué par sa cousine, qui elle répond, écrit, visite, parce que, lui a-t-elle avoué sans remords, cinquante euros valait bien quelques concessions.

    — Elle écrit juste parce que ça lui fait de l'argent, mais mamie est heureuse. Est-ce que ça vaut mieux? Qu'est-ce qui vaut mieux?

    Uniforme

    Renouvellement de ma garde-robe sur un mode que je n'avais pas appliqué depuis mes vingt-deux ans: j'avais alors passé un entretien, puis j'étais allée m'acheter les mêmes vêtements que la personne que je venais de rencontrer (j'ai été embauchée).
    Là je fais dans l'anticipation, mais j'ai bien étudié les tenues de Homeland et The good Wife… *smiley* (J'ai acheté mes premiers pantalons depuis vingt ans (à l'exception de deux jeans, en 2001 et 2014).)


    Dîner à la grande crèmerie. Bon mais cher, cher mais bon.

    Détour par St-Vincent-sur-Jard

    Départ plus tôt pour prendre le temps de visiter la maison de Georges Clemenceau à St-Vincent-sur-Jard (visite en grande partie à mon bénéfice puisque mes compagnons l'ont vue l'année dernière). La maison est magnifiquement située face à la mer, au milieu d'un jardin soigneusement entretenu pour paraître naturel (ce qui me vaudra une troisième altercation). J'aime beaucoup le principe de cette maison, le principe de sa simplicité par opposition à l'importance du personnage qui l'habitait. Elle me rappelle, toutes proportions gardées (car il s'agit alors de la maison du maître d'une plantation), la maison de Washington face au Potomac, par le choix de faire du panorama le trésor de ces propriétés (le lit de Clemenceau surélevé pour profiter de l'horizon par la fenêtre1…).

    La mer est basse. Les Ph's et moi mettons les pieds dans les flaques (moi dans la vase très glissante). Au-dessus du sable caramel, dans l'eau, flottent des moutons gris, des pelotes de poussière qui teintent les pieds en gris bleu. Béton ou ciment? Quoi qu'il en soit, cela devient croûte dure en séchant et j'ai bien du mal à m'en débarrasser plus tard.

    Retour, retour. Première séparation à St-Vincent même, deuxième à la gare de La Roche, troisième dans le TGV de Nantes. Séparation en épis. J'interroge Ph. sur quelques nouveautés de la SNCF (le nom des rames, la durée des billets qui n'est plus de deux mois, etc). Il m'apprend que les conditions d'achat, d'utilisation, d'échange ainsi que les tarifs sont régionaux: ce n'est donc pas tant que "cela change" et que je ne me tiens pas au courant dans la durée (parfois j'ai l'impression d'être une très vieille dame à la traîne de la modernité—et je me sens trop paresseuse pour y changer quoi que ce soit) que "c'est différent d'une région à l'autre" et qu'il est donc logique que je ne perçoive pas de continuité. C'est rassurant.

    Dans le TGV, je commence les livres récupérés à Mouilleron: Le jeu des sept familles d'Anne Fine, moins cruel que beaucoup (des siens), à offrir à un enfant subissant le divorce et le remariage de ses parents. Une fois rentrée, je finis Comment écrire comme un cochon. Le style du narrateur me rappelle les statuts FB de Rodolphe. Et tant qu'à lire du facile, je reprends un Reginald Hill, Killing the lawyers. Détente sur la terrasse.

    Comme souvent, H. a rangé (ou plutôt déménagé pour ce qui est de cette fois) pendant mon absence. Il a enrôlé O. et vidé une partie du placard caché derrière les étagères (vidées) des cassettes vidéos. C'est courageux: je suis la plus petite, c'est moi qui aurait dû me glisser dans cette soupente.
    Il y a un mètre cube de boîtes d'archives et de classeurs dans le couloir de l'entrée à emmener à la déchetterie.




    Note
    1 : orientée au sud et non vers l'ouest. (Cette précision suite à une semi-plaisanterie : la femme américaine de Clemenceau contemplait-elle sa patrie quand elle regardait droit devant elle? Réponse: non. Cette semi-plaisanterie est un écho à la découverte faite en mars que Marseille fait face à l'ouest…)
    (Notons au passage ma surprise d'apprendre que Clemenceau avait épousé une Américaine. Il ne faudrait ici que des notes et des parenthèses en gigogne.)

    Vendée romane

    Pas de musique aujourd'hui, les connexions internautiques difficiles n'ont pas permis de prendre de billet.
    Qu'à cela ne tienne, armé de Vendée romane, nous partons à la recherche des quelques édifices non encore visités par mes compagnons. (Je n'en ai visité aucun. J'oscille entre l'amusement devant un tel souci d'exhaustivité et la gratitude de m'entraîner dans des lieux que je ne verrai jamais sans eux (futur et non conditionnel: il m'est de plus en plus difficile de visiter des lieux religieux y compris désaffectés avec H. qui ne veut plus en entendre parler.)

    Nous sommes dans la deuxième voiture, nous suivons aveuglément.
    Château de la Citardière, annoncé par maints panneaux : mais on ne rentre pas, propriété interdite (château magnifique se mirant dans une douve large comme un étang). Nous tournons autour de Chantonnay, j'apprends des nouvelles d'une célébrité FB qui réside ici.

    Eglise de Foussais-Payré pour P. qui voulait en revoir le portail. Etonnante façade avec danseurs, acrobate et joueur de flûte et un mélange d'ornements païens et bibliques, comme si l'on avait donné quelques indications au tailleur de pierre qui les aurait suivies tant bien que mal en fonction des trois récits qu'il connaissait avant de se rabattre sur des sujets qui lui étaient plus familiers. Le plafond de l'église a été recouvert de bois. Le tout est très clair. Exposition sur les chrétiens d'Orient. Je suis très surprise de la démographie : vingt-six millions de chrétiens dans vingt-et-un pays. Je ne pensais pas qu'il y en avait tant.

    La commune est célèbre pour ses concours de sculptures à la tronçonneuse (pauvres arbres) et des œuvres encombrent les abords. Question-surprise d'A: que s'est-il passé au concile de Chalcédoine? Euh… (panique à bord, je songe à Jean-Paul qui donnerait de si belles et si précises réponses): «c'était un concile christologique, comme les précédents, qui débattait des deux natures du Christ… c'est un peu la différence entre la vinaigrette et le café au lait : de quelle façon ces natures s'unissent-elles, cohabitent-elles?» Je songe à ce TG lointain, un samedi, aux échauffements autour de la traduction "d'hypostase". Je me rabats sur quelque chose de plus tangible, la géopolitique: «C'est aussi le moment où sont définis les grandes Eglises de l'orthodoxie (le mot "patriarcat" m'échappe). Le problème aujourd'hui pour les orthodoxes, c'est que l'argent est en Amérique, et comme l'Amérique n'existait pas au moment de Chalcédoine, ce sont des barbares… Comment accepter leur argent sans reconnaître leur Eglise? Il faut des observateurs extérieurs quand les orthodoxes se réunissent, pour leur éviter de se disputer trop violemment.»

    St-Hilaire-des-Loges, deux monuments aux morts, le premier, soldat accroupi, hommage à la guerre de 1870. De l'église, je me souviens surtout des immenses photos détaillant les sculptures d'autres églises… et un Vendée romane en "lecture sur place", belle preuve de confiance envers les visiteurs.

    Nieul-sur-l'Autise (l'Autise, quel joli nom. Bizarrerie d'avoir conservé l'article). Ici serait née Aliénor d'Aquitaine, ce qui n'est pas si loin de son tombeau, Fontevraud. L'église présente un curieux motif de dallage sur la façade. A l'intérieur, les piliers penchent (mais pas de fissure). BD sur la vie de Charles de Foucauld. A l'accueil de l'abbaye, je fais une razzia de confitures et de tisanes. Le caissier est très gentil. Ici (dans toute la région) se ressent profondément à quel point le tourisme fait vivre la France: comment attirer les gens, comment les retenir, comment intéresser les enfants, comment avoir un bon bouche-à-oreilles… billet donnant droit à une réduction à Maillezais. J'ai toujours le cœur serré à constater cette escalade dans la séduction (dans le marketing), dans la tentative de séduction qui nous correspond si peu, nous qui ne souhaitons que des lieux déserts dans lesquels rêver et reconstituer à loisir… Mais pour les gens du cru, l'affluence est une question vitale.
    L'étage sous les toits a été curieusement agencé, le plancher est coloré et représente des tableaux ou tapisseries médiévaux (du moins il me semble). Il est possible de cliquer sur différents écrans et les explications sont intéressantes, St Augustin, St Norbert (j'ai oublié les deux autres). Reconstitution également de pièces dont les arcades ont été supprimées.
    Après ces déambulations dans la lumière artificielle, le cloître au soleil vient comme un choc. Il est de parfaite proportion pataude avec ses gros piliers et son jardin central. A lui seul il mérite la visite.
    Dernier lieu, une maison dite "maison natale d'Aliénor" (Est-ce cela? Ai-je mal compris? Car il est bien évident qu'en aucun cas, vu sa construction récente, Aliénor n'a pu naître là: «— C'est utile, cette visite? — Aah, au moins pour se moquer». Bon.) Tour rapide. Je n'ai jamais vu d'aussi beaux canapés en cuir dans un musée (pour regarder une vidéo).

    Cartes postales. Café (qui allait fermer). Bières et diabolo menthe. Discussion sur le régulateur de vitesse. «— Evidemment, il faut lire le manuel. — Mais personne ne fait ça! — Si, mes enfants. Je ne sais plus ce que je voulais faire, ils m'ont dit: "RTFM", Read the fucking manuel
    Et c'est ainsi que je me suis retrouvée au volant, d'une part parce que j'avais pris un diabolo menthe, d'autre part pour que Patrick lise le fucking manuel. Le régulateur de vitesse a livré tous ses secrets (car l'autre sujet de conversation, c'est aussi le 80km/h: bien plus facile avec un régulateur réglé sur 83 ou 84).

    Eglise de Benet, que les moulages de Nieul et les photos de St Hilaire ont rendu incontournables.
    Puis Maillezais. C'est plus connu, c'est plus touristique. C'est à la fois plus spectaculaire, un peu trop léché (comment rendre sûres des ruines autrement qu'en collant les pierres à la colle forte ? (je me comprends)) et très émouvant. Là encore, tout dépend de la capacité à rêver. Il faut amener ses propres food for thoughts. Assise sur un banc avec Patrick, je l'écoute raconter Agrippa d'Aubigné, Rabelais, reconstituer la liste des sept poètes de la Pléiade… (j'ai déjà oublié: Rabelais fut le secrétaire de l'abbé, est-ce cela, pendant dix ou quinze ans? J'ai déjà oublié. Agrippa, protestant, touchant les revenus d'une abbaye (chocking, enfin, chocking pour moi, cela n'a pas l'air de surprendre mes compagnons (Laurent s'est ajouté un instant)), père d'un fils qui renie le protestantisme, tue sa femme (pas de rapport de cause à conséquence), en épouse une autre qui donnera naissance à Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon… Je suppose que tout le monde sait cela, mais pas moi. J'aime qu'on me raconte. J'oublie, je confonds, je réordonne; je croyais, à cause d'une intervention de Lestringant chez Compagnon, qu'Agrippa était mort enterré vif… mais non, c'est le sort d'une héroïne des Tragiques. Je devrais avoir honte, mais tant pis, tant pis, pas le temps, il faudrait tant de temps.)
    Nous reprenons la promenade. Les piliers, le chœur, la nef, sont matérialisés au sol. Dépouillement formidable. Un mur, des ouvertures. Un autre banc, de l'autre côté. Histoire du châtelain qui possédait un château où Celan résida deux ans. Un jour un Japonais vint pour voir le château; le frère du châtelain, qui ignorait l'anecdote, l'éconduisit. (Tristesse). Cette journée se vit aussi au rythme du journal de Matthieu Galey. Anecdotes sur Beckett, Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute.

    L'heure avance, il faut partir, le train de Laurent (s'il est à l'heure), n'attendra pas. (C'est toute l'injustice des trains, nous faire attendre mais ne jamais nous attendre.)

    Dîner joyeux au Clem.
    Ombre d'une dispute, les yaka à propos des enfants… mon rejet de ces certitudes n'est-il que la conscience de nos "échecs"? Je mets "échecs" entre guillemets parce que cela n'en est que par rapport à ce que nous avions imaginé ou ce que la société valorise, pas par rapport à ce qu'ils sont, ou sont devenus. Je n'échangerais pour rien au monde nos fous rire, notre capacité à nous entraider, à faire face ensemble; ni leur attention aux autres. Mais ce ne sont pas des "réussites" valorisées socialement… et cela ne résoud pas le problème de calmer un enfant insupportable dans un train (la question était: n'est-ce toujours qu'une question d'éducation, est-ce toujours évitable; en d'autres termes, est-ce toujours la faute des parents? J'ai un peu de mal à me voir accuser (sachant que c'est totalement théorique, personne ne m'accuse, ce n'est que ma pensée qui tourne…) Nous avions résolu le problème en emmenant les enfants nulle part… Aurait-il fallu faire autrement? Mais il n'y aura jamais de réponses, et c'est sans doute cela qui est insupportable: nous ne saurons pas, il n'y a pas de réponse.)

    En rentrant à l'hôtel, j'allume la télé; chic il y a U.N.C.L.E, juste à mon moment préféré, le bateau dans le port fermé et le panier-repas dans le camion (j'aime le bateau en flammes dans le rétroviseur). Je me fais une tisane avec du miel, j'ai tout ce qu'il faut depuis notre passage à Nieul.

    Thiré premier jour

    TGV à Montparnasse. Je n'ai pas pris de livre, pensant lire Poe sur mon téléphone, mais finalement j'ai dormi, l'esprit transpercé par la voix claire d'un blondinet de quatre ans qui a posé des questions tout le long du chemin (dilemme: abrutir les enfants en leur donnant une tablette ou subir les questions des plus éveillés d'entre eux. Résister à la tentation de la facilité).

    Repas. Conversations à bâtons rompus, nous ne nous sommes pas vus depuis mars, depuis Marseille. Anecdotes et questions existentielles. Aline me déconcerte en me demandant pourquoi je n'envisage pas de faire ma prochaine virée en voiture avec C. ou A. (puisque j'ai fait la précédente avec O.) Je n'y avais jamais pensé. Je me suis tant engueulée avec les deux grands et la vie est si facile avec O… Oui, de l'extérieur cela doit paraître injuste (et peut-être est-ce injuste en soi). Cela mérite réflexion.
    Je me fais prendre à partie parce que je ne juge pas utile de réagir aux impolitesses d'un voisin d'immeuble: «Oh mais avec toi, il faut jamais froisser personne, il faut toujours être gentil…»
    Ça alors. C'est bien la première fois qu'on me dit ce genre de chose. Trop gentille? J'en suis quasi satisfaite (à cela près qu'on me le crache comme un reproche), aurais-je fait des progrès dans le détachement, dans la retenue? Depuis le temps (quatre, cinq ans? depuis que je suis fatiguée de me disputer avec Jean-Yves) que ma résolution du nouvel an est de moins m'emporter… («éruptive», disait R.)
    Mais enfin, cela revient au même si c'est pour me le voir reprocher avec colère — à cela près que le besoin d'expliquer mes raisons m'est passé. (Enfin je crois; nous n'avons sur nous-mêmes que peu de victoires définitives, ne nous réjouissons pas trop vite.)
    Tout cela est curieux. Les relations humaines sont curieuses.
    Nos compagnons sont parfaits : nous passons à autre chose. Dans ce genre de situation, le plus important est que personne ne prenne partie pour personne et de passer à autre chose.

    Retour dans les jardins de William Christie. Ils me paraissent encore plus irréels que l'année dernière. A-t-il fait sec ici? Tout est vert, tout est beau, dans ce mélange de jardin anglais, jardin à la française, si parfaitement combinés. Il fait gris et lourd en début d'après-midi et très doux dès que le ciel se découvre. C'est enchanteur.

    Programme entendu (il y a divers lieux, des morceaux y sont joués tous les quarts d'heure ou vingt minutes. Chacun fait son choix et se déplace.): dans la pinède, Haendel et Vivaldi puis Purcell; dans le théâtre de verdure, John Downland puis dans le cloître la première suite de Bach sur viole de gambe (et non violoncelle).
    La dernière rencontre de l'après-midi réunit tous les auditeurs devant la maison pour des extraits d'Orfeo. Les colombes (pigeons paons blancs) sont moins assidues que l'année dernière, ou ils préfèrent Vivaldi et Purcell à Monteverdi.

    Dîner chez Jerem', croque-monsieurs (pluriel à vérifier) et entrecôtes. Il fait doux, les menaces de pluie se sont éloignées. Nous revenons prendre place devant le miroir d'eau. Ph, notre mentor, a eu beaucoup de peine à obtenir des places (problèmes de connexion. Les places s'arrachent dans la demi-heure de leur mise en ligne en juin) et nous ne sommes pas côte à côte. Gentiment il donne les places les plus en avant à A. et moi.
    La représentation est un enchantement, les voix sonnant très claires et très pures entre les arbres au-dessus de l'eau. Une jeune fille confie à son père: «à chaque fois que j'écoute Orpheo, j'espère qu'il ne va pas se retourner». Le violoncelliste se couvre les jambes à l'entracte. Il fait froid depuis que la nuit est tombée, il ne faut pas bouger. L'enfer luit rouge loin contre les haies noires.
    C'est une très belle représentation.

    Puis bizarrement, seconde altercation sur un sujet impensable, le ventre de Paul Agnew (?? WTF? comment peut-on exploser à propos d'un tel sujet?)

    Nous rentrons par un chemin plus long, en faisant un détour.



    -----------------------------------------
    Pour mémoire, détails des compositeurs, musiciens et chanteurs.
    Pastorale italienne : Haendel, Fra pensieri quel pensiero HWV 115; Vivaldi, Care selve, amici prati RV 671 - Carlo Vistoli, contre-ténor; Alix Verzier, violoncelle; Florian Carré, clavecin.
    Pastorale anglaise (Henry Purcell) : Passacaille If love's a sweet passion (The Fairy Queen); What pow'r art thou (Cold Genius - King Arthur); Thrice happy lovers (The Fairy Queen, Prélude à l'acte V); Song-tune: your hay it is mowed (King Arthur) - Nicolas Scott, ténor; Cyril Costanzo, basse; Annie Gard, violon; Sarah Kenner, violon; Stephen Goist, alto; Matt Zucker, violoncelle; William Christie, clavecin.
    O sweet woods : John Dowland: Awake sweet love (First book of Songs or Ayres 1597); O sweet woods (Second Book, 1600); If my complaints could passions move (First Book); A Shepherd in a shade (Second Book); When Phoebus first did Daphne love (Third Book,1603) - Natasha Schnur, soprano; Arash Noori, luth.
    Suite de Bach : Suite n°1 BWV 1007 (Prélude, Allemande, Courante, Sarabande, Menuets, Gigue) - Myriam Rignol, viole de gambe.

    Ditribution d'Orpheo: Cyril Auvity (Orfeo), Hannah Morrison (Euridice, La Musica), Paul Agnew (Apollo, Eco), Miriam Allan (Proserpina, Ninfa), Lea Desandre* (Messaggiera, Speranza), Carlo Vistoli* (Spirito infernale, Pastore), Sean Clayton* (Pastore), James Way* (Pastore), Antonio Abete (Plutone, Spirito infernale, Pastore), Cyril Costanzo* (Caronte, Spirito infernale)
    Violons : Tami Troman Emmanuel Resche
    Altos : Simon Heyerick Myriam Bulloz
    Violoncelle : Alix Verzier
    Violone : Thomas de Pierrefeu
    Flûte à bec et cornet à bouquin : Eva Godard; Maud Caille-Armengaud
    Trombones : Cyril Bernhard, Romain Davazoglou, Nicolas Vazquez, Aurélien Honoré
    Harpe : Nanja Breedijk
    Théorbe, luth : Thomas Dunford, Massimo Moscardo
    Clavecin, orgue, régale : Marie Van Rhijn, Florian Carré

    Twitter : la fin de l'expérience

    Les relations sur Twitter sont beaucoup plus lâches que sur FB: on peut "s'abonner" et "se désabonner" sans conséquence (alors que sur FB, ne plus "suivre" quelqu'un est vécu comme un camouflet à la limite du supportable, à tel point que j'évite certaines personnes uniquement parce que je sais que si ensuite je souhaite partir, cela risque de causer un drame.)

    Durant ce très étrange printemps, je me suis abonnée à des gens très différents, des pro-bloqueurs de facs, des anti-parcoursup, des grévistes, etc. Je voulais évaluer leur bonne foi par rapport à leurs convictions, essayer de comprendre leur opposition systématique à tout, la façon dont ils rationalisaient cette systématie.

    Ce qui m'impressionne le plus au bout de ce temps, c'est à quel point je suis perdue dans une certaine gamme de vocabulaire: raciste (ça, ça va), racialisé (j'ai interrogé autour de moi. Apparemment cela veut dire "minorité de couleur non blanche dont les membres décident de se réunir exclusivement entre eux". (Moi, j'appelle cela de la ghettoïsation volontaire)), indigéniste (les mêmes, mais extrémistes), sexisé (?? contre le fait d'être désigné par leur sexe? ou revendiquant au contraire leur particularité, féminine, transgenre, gay, etc?)

    L'important est de ne pas être dans un groupe majoritaire, généralement préfixé par "cis-". Si vous êtes un homme blanc occidental hétérosexuel, désolée pour vous messieurs, vous n'êtes pas du tout tendance.

    Par exemple, pour la marche des fierté, cela a donné ce genre d'appel, controversé parmi les homo eux-mêmes:
    A l'occasion de la Gay Pride, un collectif "Stop au pinkwashing" a lancé un appel pour défiler en tête de cortège. Il s'oppose au cortège LGBT officiel qu'il dénonce comme "homonationaliste et raciste, dont le discours officiel de la Marche des fiertés se fait le relai". Le collectif dénonce la domination des" hommes gays blancs, bourgeois et issus des classes aisées" , complices du gouvernement, des violences policières faites aux immigrés", etc.
    […]
    Ce collectif «politique, radical, féministe, queer, antiraciste et anticapitaliste» ouvrira la Marche et demande que "les personnes blanches respectent cette non-mixité en se plaçant derrière elles/eux".
    source
    Je note tout cela ici pour garder une trace du moment où le vocabulaire est devenu fou.

    Tout cela est très fatigant (je ne plaisante pas quand je dis que je ne comprends pas le sens des mots: je ne suis jamais sûre de ne pas comprendre l'inverse de ce que voulait dire l'auteur d'une phrase), je mets donc fin à l'expérience. Je me désabonne de tous les convaincus, les dogmatiques, les doctrinaires, je garde les vieux de la vieille, ceux qui apportent de l'info et ceux qui ont de l'humour. Fini les toxiques (autre mot à la mode ces derniers mois).

    Aujourd'hui j'ai découvert Bernoid qui dessine des insectes et photographie des champignons. C'est magnifique.
    Il y a une collection de jeunes twittos en histoire ou lettres classiques qui me réconfortent, par exemple Regina sur l'Egypte ptolémaïque ou Dorymedon, dans le genre littérature "on ne lâche rien" (sa préparation de cours sur les mémoires pour les troisièmes… Whouaouh).

    Rentrée en RER

    Le problème de la voiture rouge, c'est qu'elle n'a que deux places : Vincent a dû rentrer ce soir avec H. alors que nous ne l'avions pas prévu le matin; moralité je suis rentrée en métro et RER D après l'aviron (à 20 heures). C'est long et fatigant: mon sac pèse une tonne et le mal au pied est revenu. Visiblement le sport active la fatigue des muscles de la voûte plantaire. C'est étrange puisqu'on est assis pour ramer.

    J'ai terminé Homeland. (Cette série provoque chez moi des cauchemars élaborés et une certaine tristesse.)
    Quelle série regarder maintenant ?

    Droit devant soi

    En sortant du bureau je rencontre un homme que j'ai souvent croisé à la maternelle quand j'emmenais les enfants à l'école. Sa fillette était jolie (sa femme aussi), avec des taches de rousseur et des nattes. Il est prestataire dans une entreprise du groupe. Nous rentrons ensemble: à pied jusqu'à la Défense, ligne L pour St Lazare, ligne 14, RER D. Je me souviens de la grossesse pour sa dernière, sa femme avait été immobilisée dès le sixième mois et je me demandais comment il s'en sortait avec les deux grands. Ce bébé a aujourd'hui quatorze ans… (apprends-je durant le trajet du retour).

    Il me fait rire car il sait où s'ouvrent les portes des trains sur le quai et se positionne en conséquence; il connaît les voitures et leurs particularités: «celle-là a le toit rond donc les portes sont décalées d'un mètre cinquante» dit-il en s'avançant sur le quai pour optimiser sa position (le genre de détails que je refuse d'apprendre). Il me déprime en m'apprenant qu'à partir de décembre (le neuf), notre train sera omnibus jusqu'à Paris. Depuis que j'habite Yerres nous aurons perdu régulièrement des minutes, d'un train s'arrêtant deux fois à un train s'arrêtant quatre et bientôt… combien?

    A Nanterre préfecture il m'avait dit: «Parfois je rentre en courant».
    Un instant je m'étais demandé s'il plaisantait. Non: «C'est tout droit. Je descends les Champs, c'est joli, puis je suis la Seine jusqu'à Villeneuve-St-Georges puis je passe par les coteaux.»
    Oui oui. Trente-cinq kilomètres malgré tout, le soir après le boulot, dans la chaleur de cet été.
    — Ça ne fait jamais que le double du temps qu'on met en train.
    Evidemment, vu comme ça…

    Quelques nouvelles

    J. est rentrée de vacances sur la côte ouest des Etats-Unis. Elle me montre des photos de canyons prises d'avion (coucou pour touristes, je veux dire petit avion volant à basse altitude):
    — Les photos sont un peu floues car il y avait de la fumée. Il y avait quarante incendies. On n'a pas vu de flammes, mais il y avait beaucoup de fumée.


    Le club a rouvert. Aviron le soir pour la première fois depuis des jours. Il fait gris et étouffant.
    Je ris en découvrant un jeune blond torse nu, barbu, beau comme un dieu grec, le téléphone à l'oreille en train de faire des grâces au soleil sur le pont de sa péniche.
    Je ris parce que je pense à Anne qui nous disait avant de partir en vacances: «Vous avez remarqué le gros type sur sa péniche, toujours au téléphone et toujours torse nu? Pourtant il est moche!» (À quoi je lui avais répondu qu'elle n'était pas très concentrée sur son bateau.)
    Ce soir je me dis juste qu'elle n'a pas de chance.

    Nous avons inversé les déplacements: au lieu que je rejoigne H. à la fin de mon entraînement, c'est lui qui me rejoint à Neuilly, ce qui nous permet de dîner une heure plus tôt.
    Il fait nuit vers neuf heures et demie, ça me déprime. Je ne veux plus qu'il fasse nuit.

    Du walkman

    Encore une heure de cardio en salle, toujours en écoutant Un été avec Bernstein. Je réécoute l'anecdote du concert de Beersheba en 1948, quand un rassemblement dans le désert (pour écouter Bernstein) a poussé l'Egypte à déplacer ses troupes, libérant ainsi Jérusalem... Incroyable.
    Peu puriste ni orthodoxe d'entendre en surimpression de l'émission la techno qui accompagne la diffusion de championnats de crossfit.

    Le jogging (et autre activité ennuyeuse comme ce que je fais en salle) se serait-il développé sans le walkman?


    J'ai commencé hier la saison 6 de Homeland. Visiblement ils devaient attendre la victoire d'Hillary Clinton… Diffusion du premier épisode le 15 janvier 2017, cinq jour avant l'investiture de Trump. La saison 7 a été diffusée entre février et avril 2018. Comment ont-ils adapté leur uchronie à la folie de Trump? Ou peut-être ne l'ont-ils pas adaptée?
    Saison 6, écrite et tournée avant janvier 2017, donc: Corée du Nord et faux comptes sur les réseaux sociaux. Comme quoi, très tôt, beaucoup de signes étaient discernables pour qui s'intéresse vraiment à l'histoire contemporaine.

    Le voisin Loki

    — Tiens, on s'amuse à Asgard.

    Homeland saison 5

    Une demi-heure de cardio (le sport, c'est ce qui me permet de manger, et surtout de boire, car l'alcool, c'est bien pire que le coca en terme de sucre!): je bois, je fume, je ne dors pas et je monte des escaliers sur des machines artificielles. Tout va bien.

    O. est rentré joyeux et en pleine forme de son camp scout (c'est la différence avec les chefs de camp louveteaux: eux rentrent épuisés. O. s'occuppe des 11-14 ans).
    J'apprendrai demain qu'il a (que les chefs ont) tout de même maîtrisé un départ de feu entre trois et cinq heures du matin (la table de cuisson a pris feu): «Pauline me dit "j'entends des crépitements". Grumpf, j'avais pas envie de me lever mais elle a insisté alors j'y suis allé par acquis de conscience. J'ouvre la tente et…»

    Passé l'après-midi à regarder Homeland saison 5 qui se passe à Berlin dans le contexte des attaques terroristes en Europe — et l'implication de la Russie qui met toute l'huile possible sur le feu.
    Homeland, c'est un peu comme SAS, une façon de vous expliquer l'état du monde par une uchronie dans laquelle on reconnaît des éléments de réalité. La saison 4 (diffusée entre octobre et décembre 2014 aux Etats-Unis) nous explique ainsi le désengagement des Etats-Unis au Pakistan et Afghanistan. L'Afghanistan, «the grave of empires», et «Menahem Begin a tué 91 Britanniques1, cela ne l'a pas empêché de devenir premier ministre».
    Bienvenue dans le monde des coups tordus et de la real politik.

    Tout en regardant, je récapitule dans un tableau Excel par année de naissance la descendance des grands-parents de H. et des miens: seize enfants, trente petits-enfants, quarante-et-un arrières-petits-enfants. Il me manque quelques années de naissance dans les enfants nés après 2010.




    Note
    1 : C'est une approximation quant à la nationalité des victimes.

    Assurer l'essentiel

    Puisque le "petit" (1,93m) revient demain ou après-demain (nous ne savons plus exactement #parentsIndignes) nous sommes allés faire le plein de bières en fin de journée.

    Il manquait également des boîtes pour les chats.

    Vacances

    Petit déjeuner en terrasse, teinte des cheveux (pas pris le temps hier. Je déteste les racines blanches, je ne supporte pas), trajet en voiture jusqu'à gare de Lyon, ligne 1, RER A.
    Aujourd'hui, mails.
    Le soir au Bambou (nous alternons les cantines: Bambou / Temps des cerises). Soupe phô.
    Retour le long de la Seine. Cigarettes sur la terrase, dans les chaises-longues, dans le vent. Je pense à Conrad, à Melville. Bruit de la mer dans les arbres.
    Nuit. Homeland saison 4. Que dit Wikipedia, déjà? «Homeland n'est pas raciste, il est mal informé.»
    Ce qui me fait sourire, ce sont ces voitures si toujours impeccablement propres.

    Assomption

    Un aller à la boulangerie, un aller à la gare, un épisode de Homeland (oui je ne fais plus que ça).
    C'est étrange de trouver cinq militaires en treillis armés de mitraillettes autour de l'église quand on sort d'un épisode d'Homeland.
    Mais pourquoi? Un instant je me suis demandé si notre cher député était là, mais même pas. Qui a bien pu décider soudain un tel étalage de forces, et pourquoi?


    Addendum:
    Et le soir tard, en sortant du cinéma, scène silencieuse sur la place devant encore une église (pas la même). Deux voitures noires arrêtées, cinq ou six hommes en demi-cercle, silencieux, se ressemblant, la trentaine, cheveux et barbe sombres. J'ai repéré un pistolet dans un holster. Moitié policiers, moitié malfrats potentiels, les uns examinant les autres? Mais pourquoi si peu de mouvements, de paroles? Qui étaient qui, comment, pourquoi?

    Le Temps des cerises

    Tard le soir je rejoins H. et Vincent sur la Butte-aux-Cailles. Ils faisaient passer un entretien d'embauche à partir de vingt heures et cela s'est prolongé.
    Débriefing au restaurant: «il est honnête. Ce n'est pas une qualité en entreprise.»

    Je découvre le rosé au pamplemousse (rosé / jus de pamplemousse).

    Construction d'un site

    Journée (à la maison, télétravail) sur "mon" site. Bien progressé. J'espère que cela permettra de moins répéter toujours la même chose: il suffira de donner un lien (je n'en peux plus de répéter tout le temps la même chose).

    C'est aussi à destination des RH qui ont beaucoup perdu en expertise en quelques années (la législation évolue et elles ne se mettent pas à jour). Leur incompétence condescendante m'agace.

    Mon ordinateur perso (mon MacBook air 11 pouces de février 2012) est inutilisable car le chargeur a rendu l'âme (sans doute une rupture dans le câble).

    Regardé les premiers épisodes de la saison 3 de Homeland tard dans la nuit. Un début sous le signe de la folie.
    Je pensais cet après-midi à "la Cinq" lors de sa création dans les années 80, avant qu'elle ne devienne Arte. Elle ne diffusait que des séries, souvent américaines et souvent en boucle, et je m'étais dit à l'époque qu'il était heureux que je n'ai pas la télé, que j'aurais passé tout mon temps devant en tricotant.
    On y est, sauf que je ne tricote pas car je ne sais pas où est mon catalogue dans tout ce bazar.

    Une saison

    Commencé la journée devant Homeland saison 2 (vers sept ou huit heures, son très bas), puis marché avec H. (les commerçants toujours heureux de nous voir ensemble — un rosé sur les chaises colorées installées sur le parking), puis repas, puis retour devant la télé.

    J'ai regardé toute la saison, soit douze heures, je pense. Un peu abrutie.
    Spoiler alert: on remarquera le retournement, d'une Carrie seule à penser Brody terroriste dans la saison 1 à une Carrie seule à le croire innocent à la fin de la saison 2.

    J'en ai profité pour vider les boîtes de cassettes vidéo de leurs cassettes et de leurs couvertures papier: les boîtes et les couvertures vont dans la poubelle emballage, les cassettes dans la poubelle générale. Cela représente un tel volume qu'il va falloir plusieurs semaines pour écouler tout ça. J'ai fait des tas.

    A/R à Mortagne

    J'ai prévu d'aller voir régulièrement A. pour tenter de lui donner un cadre, pour l'empêcher de dériver. J'ai peur de sa tendance dépressive dans une ville où elle ne connaît personne. Et de fait, elle m'avoue dormir plus de dix heures par jour et rester des journées entières chez elle.

    J'arrive à midi. Pastis chez Diogène aux sons de jazz, au coin de la place Charles de Gaulle. A côté, une photographe expose dans un style hollandais des natures mortes à couper le souffle. J'aime vraiment beaucoup, mais il faudrait refaire la décoration de toute la maison… et c'est à peine si nous aurions assez de murs (car que rejeter de ce que nous avons aujourd'hui?)

    J'aime beaucoup cette ville, je m'y sens bien.

    Repas en crêperie, puis après-midi studieux: quelques règles de vie (tout le problème est que tout ce que je dis sera retenu contre moi: A. a le chic pour pousser toute recommandation à son extrême pour la transformer en pire conseil) et une revue de son site. Elle a mis en ligne quelque chose d'assez tristoune sans photo, je lui montre le mien (sans photo non plus, mais j'ai pour objectif qu'il soit tristoune: ce n'est pas un site pour attirer mais pour repousser, pour qu'on me/nous laisse tranquilles!)
    J'achète à vie un abonnement à elegant themes: celui-là sera personnel. Les thèmes WordPress gratuits c'est plein de bonne volonté, mais je prélère payer et avoir une programmation professionnelle. Sans doute un pli pris à vivre avec un informaticien. A. semble reprendre courage. Maintenant il faut prendre en main Divi!

    Nous sommes ressorties un peu avant cinq heures: passage à la médiathèque où elle n'a pas encore mis les pieds (c'est à ce genre de détails que je me dis qu'elle se laisse dépérir); à la librairie à deux pas où la libraire accueillante a peut-être un chien à soigner et un stand à une fête à la ferme; à l'office du tourisme où une charmante dame se chargera de mettre une affiche sous le marché couvert.
    Je repère des randonnées, des fêtes, des sorties: il faut que A. rencontre du monde, pour se constituer une clientèle certes, mais avant tout pour sa sauvegarde mentale.

    Nous rentrons et nous nous remettons à nos sites. C'est assez fastidieux car la liaison internet se fait par l'intermédiaire du téléphone qui sert de clé 3 ou 4G.

    La casquette enfoncée bas sur les oreilles, je rentre tard dans la nuit en poursuivant l'écoute des podcasts sur Bernstein commencée ce matin.

    Piments

    Télétravail. Indien à midi (pakistanais, nous dira demain le charcutier qui a son laboratoire en face et nous a vus entrer).

    H. et le serveur parlent épices. Explication surprenante du serveur: «Je suis ici depuis 2003, je ne peux plus manger des piments comme chez moi, ça me rend malade. Ici, il ne fait pas assez chaud, on ne transpire pas assez.»

    Je retiens qu'il ne peut pas manger aussi épicé sous nos latitudes mais je me demande si son explication est la bonne.



    Nous rachetons des cigarettes. Assis sur un banc, H. regarde mon début de site sur son téléphone: «Mais il n'est pas full responsive!» s'exclame-t-il.
    Dans l'après-midi je télécharge Divi d'Elegantthemes et je transforme l'ensemble. (Ce n'est pas difficile, c'est tout de même magique cette dissociation de la forme et du fond.)

    Un départ à la retraite

    En tant que trésorière de l'association sportive de l'entreprise, je suis invitée au départ en retraite de la comptable. C'est la première fois que je vois quelqu'un fêter son départ le jour de son départ: ce soir elle ne sera plus là.
    Nous ne lui manquerons pas, elle part sans se retourner, avec une sorte de soulagement.

    Au mur du restaurant très orienté rugby, ce carrelage que je photographie pour mes rameuses préférées:

    2018-0809-transpirer-ensemble.jpg

    Nanterre Préfecture

    Je recherche des photos pour illustrer mon site. Je vais voir chez Patrick (la plupart sont fantastiques. Je ne vois pas toujours de quel lieu elles ont été prises) puis choisis celle-ci. Si ce choix est validé par les administrateurs, je demanderai quels sont les droits d'utilisation.


    (Demain H. me dira que cette photo n'a aucun rapport avec notre activité et que c'est un choix non professionnel. J'ai donc finalement retenu tout autre chose.)


    Mission Impossible 6, Fallout, avec H. à Bercy (17h30) : intéressant cette façon d'insister sur le fait que le fait de sauver un groupe ne justifie pas de tuer (ou laisser mourir) une seule personne. «Toute vie compte», on se croirait dans un vieux conte monachique.
    Intéressant ou inquiétant également qu'il s'agisse de faire disparaître un tiers de l'humanité. Dans le dernier Avengers, il s'agissait d'une personne sur deux: serait-on en train de rappeler à tous (puisque ce sont des blockbusters destinés à un large public) qu'il ne faut pas céder à la tentation de détruire des vies sous prétexte de sauver la planète, ou de rendre meilleure la vie de ceux qui restent? En prenant le risque d'habituer les spectateurs à l'idée qu'un tiers ou la moitié de la population en moins ne serait finalement que le prix à payer pour une planète assainie (la vieille logique des sacrifices. Cela me rappelle la guerre de Trente ans: elle n'a rien changé mais a résolu le problème de surpopulation.)

    Puis dîner chez Roberta, un restaurant très italien de Bercy.

    Fail

    Il a failli pleuvoir.

    Perdus

    RER A vers 18h à Nanterre préfecture. Normalement il devrait être climatisé, mais est-ce dû au fait qu'il s'arrête à La Défense (RER A coupé entre La Défense et Nation pour travaux), la clim ne fonctionne pas et la rame est une fournaise. A La Défense, message: «la ligne 1 est surchargée, veuillez emprunter la ligne L pour Paris-St-Lazare puis la ligne 14».
    Impavide je remonte le long du terminus de la ligne 1 en provenance de Paris et m'installe dans les voitures surchauffées qui se vident de leurs passagers. La rame repart avant que les petits hommes verts de la RATP n'aient réagi. Elle accélère dans le tunnel, s'arrête il me semble bien plus tôt que d'habitude, et repart dans l'autre sens charger la foule amassée sur le quai en direction de Paris.
    Correspondance ligne 6. Je m'endors. Il fait toujours aussi chaud.
    Métro aérien, la Seine, la tour Eiffel, Pasteur, Montparnasse, je me rendors.
    Brutale sonnerie à Raspail, trois stations avant mon but: «Malheureusement j'ai une mauvaise nouvelle, tout le monde descend ici, je dois évacuer la rame».
    — What happens ? demande un jeune Anglais.
    — I don't know. Just wait here and take the next one.

    Je sors dans l'espoir de prendre un Mobike. Rien. Je marche en direction de Denfert: H. a proposé que j'attende immobile qu'il arrive en voiture mais je suis si énervée que je préfère user mon agacement en marchant.
    Je repère un homme qui ressemble à Poutine en plus jeune et plus musclé, avec ce développement des épaules qui donne l'air aux nageurs de ne pas avoir de cou (je déteste ça) et une fillette de dix ou douze ans sortie tout droit d'un calendrier des PTT. Il a un sac en papier à la main, léger, elle tient un smartphone. Je continue à remonter le boulevard.

    A quelle occasion m'ont-ils abordée? Me suis-je arrêtée pour remettre mon livre dans mon cartable? Je ne sais plus. Quoi qu'il en soit, ils m'ont demandé leur chemin: le Campanile avenue du Maine, sans que je sache s'ils parlaient anglais ou français. Un coup d'œil sur le téléphone de la fillette (qui ressemblait à l'affiche de Soleil trompeur) m'a fait comprendre son air suppliant et l'exaspération du père: 4 ou 5% de batterie, le nom des rues en cyrillique, et visiblement c'était elle qui avait insisté pour rentrer à pied par les rues de Paris… Ils étaient perdus, fatigués et bientôt sans carte.

    J'ai sorti mon téléphone (pour économiser sa batterie), commencé à rechercher sur Citymap, un peu ennuyée de si mal maîtriser le fonctionement des cartes sur téléphone (je suis désorientée entre les applis qui conservent le nord en haut de la page et celles qui s'obstinent à vous présenter un chemin droit devant vous, tournant la carte quand vous tournez le téléphone dans la tentative désespérée de remettre le nord en haut de l'écran).
    Ce n'était pas très loin, j'ai tenté de montrer le chemin avec les mains, l'homme a soudain vu son salut dans une station de taxis — mais pas de voiture (le taxi aurait-il accepté une course aussi courte?), j'ai commencé à me dérouter pour les guider, pensant que H. n'arriverait pas tout de suite et que j'aurais le temps de remonter ensuite à Denfert — mais non, il a appelé, rendez-vous au Campanile avenue du Maine «— mais qu'est-ce que tu fais là? — Je t'expliquerai, je raccroche» — nous avons continué le long des trottoirs à l'ombre, c'était plus loin que prévu. L'amusant a été de voir passer deux fois H. dans sa voiture-jouet au ras de la route, une fois devant nous, concentré sur la route il ne m'a pas vue, une autre fois à une intersection lointaine — toutes les rues en sens unique vers l'est tandis que nous allions vers l'ouest.
    Soudain les Russes ont reconnu leur hôtel au loin, soulagement et reconnaissance, traversée imprudente du boulevard, je suis montée dans le cabriolet rouge garé devant la porte en me disant que tout cela était fort cinématographique.

    Complainte des transports en commun pendant le retour:
    — Ça marche de plus en plus mal. Si je n'avais pas peur du ridicule, je penserai à des sabotages. (Je pense aussi aux coupures du 27 juillet.)
    — Peut-être.
    — Ou alors il manque d'électricité? Ils ont arrêté des tranches de centrales? (Je voulais dire: dans une volonté écologique, mais H. répond:)
    — Oui. Il fait trop chaud, ils n'arrivent plus à les refroidir.

    (Bon. Cela n'explique rien. L'électricité de la capitale ne dépend pas des centrales sur le Rhône et l'Isère, plutôt de celles de la Loire.)

    Anti-moustiques

    Comme d'habitude je suis la première levée. H. a innové : au lieu de dormir au rez-de-chaussée, il s'est enfermé dans la chambre d'O. pour échapper aux moustiques (mais pas à la chaleur puisqu'il faut alors fermer toutes les fenêtres toute la nuit).
    Je commence à ranger l'étagère que nous avons descendue dans la chambre (l'ancienne chambre) d'A. L'idée est d'y mettre tout ce qui concerne la théologie, le grec et mes classeurs de cours. Au fur à mesure que j'avance, que je ramène également les livres relégués au grenier (dans la dernière pièce, "the room of requirement", je me rends compte que cette étagère ne suffira sans doute pas, à moins que je ne range les livres sur deux épaisseurs. Je suis submergée par l'idée de tous ces livres, il va vraiment falloir que je les lise un jour.

    J'entame ensuite le deuxième chantier des vacances: se débarrasser des cassettes vidéo. Je n'ai pas trouvé de lieu qui les recycle. Idéalement il faudrait les démonter, enlever la piste magnétique pour la jeter d'un côté, jeter le plastique d'un autre et les vis en métal à part. Je vais me contenter de jeter les boîtes à part en enlevant la couverture de titre en papier glacé (des limites de l'engagement écologique).
    Je descends l'ensemble des cassettes (combien? à vue de nez dix tas de douze à quinze cassettes). J'isole quelques-unes que je veux conserver à tout prix (Bernie, Divine mais dangereuse, C'est arrivé entre midi et trois heures, Bound, Train de vie), H. en fait autant de son côté, puis vérifie pour la vingtaine de cassettes ainsi sélectionnées si les films sont disponibles en ligne ou en DVD. Il en reste finalement huit ou neuf, dont un coffret des Mystères de l'Ouest, Le vieux Fusil et La Bataille du rail qui ne sont pas disponibles pour des questions de droits. (Oui nous avons encore de quoi les regarder : simplement la résolution des cassettes n'est plus du tout adaptée à la résolution des écrans. Par ailleurs nous avons perdu l'habitude des VF imposées par les cassettes.)

    Les étagères vides sont noires de poussière. Derrière se trouve une porte et des cartons que je voudrais inventorier, dans l'espoir d'en jeter quelques-uns et les remplacer par d'autres. Je ne sais pas quand j'aurai le temps de faire cela. Après avoir jeté tant d'archives au bureau cette année, j'ai envie d'en faire autant à la maison pour passer à autre chose.
    Il me reste une dissertation et un mémoire à écrire avant de passer vraiment à autre chose.

    Après-midi sur FB à rechercher les souvenirs d'un noir qui les a racontés en avril au moment de l'anniversaire des émeutes de Kansas City.

    Nous avons installé une moustiquaire : crochet au plafond, voile de mousseline, … Nous allons pouvoir laisser les fenêtres ouvertes malgré la chaleur.
    Inconvénient : la peur de s'emmêler dans la mousseline en bougeant la nuit et les chats à maintenir à distance: s'ils sautent sur le lit ils vont tout déchirer.

    Matin

    6h46. Debout depuis une heure, chassée par les moustiques. J'arrose. Vol de perruches vers le sud; le soir elles passent dans l'autre sens: où vont-elles? Bloguer, ranger, trier… Dans deux heures aller transpirer en salle puis au sauna (non, l'été caniculaire ne me suffit pas!), les clubs d'aviron sont fermés.

    Le long de la Marne

    Restaurant Château des îles avec Pascal et Daphné. Je me demandais qu'elle pouvait être la raison de cette invitation: il n'y en avait pas (le moment où je me dis que j'ai le cœur perverti et ne crois plus à la gratuité des gestes).

    Comme Daphné et Pascal sont architectes et urbanistes, je leur demande leur opinion sur la loi Elan qui prévoit que 10% des logements neufs seront équipés pour les handicapés (et non 100%):
    — Un empâtement au sol de quatorze mètre cinquante au sol et non douze, ça fait des gros pâtés… Ce n'est pas du tout la même chose.
    — Tout le monde n'a pas besoin d'une salle de bal dans ces WC (et c'est vrai que nous avons fait une drôle de tête en découvrant nos WC à Tours).
    — Ce que je ne comprends pas, c'est s'il s'agit du handicap au sens propre ou si le législateur a autre chose en tête, du genre le maintien à domicile des personnes en grande dépendance.

    (Bref, cela ne les choque pas dans la mesure où il y a aujourd'hui beaucoup, beaucoup, beaucoup de personnes non handicapées à loger).

    Excellente soirée. Dans un moment d'enthousiasme les hommes de l'assemblée ont pris l'engagement de renouveler cette soirée tous les deux mois. Mon pessimisme dit que si nous y arrivons tous les six ce ne sera déjà pas si mal (pas de mauvaise volonté de ma part, au contraire. Mais le temps passe si vite dévoré par tant d'obligations.)

    L'endroit est très beau, très bien situé. Malgré la présence de l'eau l'air a à peine fraîchi. Comme il fait chaud cette année, mais cela fait si longtemps que nous nous contentons de deux semaines de beau temps l'été que je n'arrive pas à m'en plaindre.

    J+5 Fin

    J'envoie les liens vers les quatre albums de photos dans la matinée accompagné d'un petit mot :
    «Bonjour à tous,
    Merci à tous, vous avez été formidables.
    Toute l’année j’ai stressé dès que je voyais votre nom sur mon téléphone ou mon mail (« ça y est, ils vont m’annoncer une catastrophe!») mais c’était toujours pour m’encourager ou me rassurer («tes parents viennent de partir, tout va bien, ils ne se doutent de rien!»)
    J’ai eu peur d’absolument tout, jusqu’à imaginer que tous les voisins sortent en même temps une enveloppe bleue de la boîte aux lettres en présence de maman… qui n’en aurait pas eu (mais non je ne suis pas angoissée).
    […]»

    Je considère que j'ai fini ma "mission". Je suis satisfaite du ou des résultats obtenus, les gens ont l'air si heureux sur les photos, contents d'être là, fiers du coup monté auxquels ils ont participé sans se couper une seule fois. Je suis satisfaite des liens que j'ai contribué à renouer entre eux, et pas seulement entre eux et mes parents. C'était aussi l'un des enjeux de cette rencontre: les liens transversaux.

    Je passe en salle de sport puisque les clubs d'aviron sont fermés pour deux semaines puis au marché.

    Télétravail l'après-midi (jusqu'à neuf heures de soir : horaires décalés). Je règle l'urgent et le courant. Sur ovh, j'achète un nom de domaine et une installation wordpress. J'ai l'intention de passer les deux semaines à venir à construire un site pour la mutuelle, un site non référencé par Google mais qui de proche en proche devrait considérablement — dans mes rêves les plus fous — diminuer les coups de téléphone des retraités. Après tout, en six ans, j'ai si bien augmenté la productivité qu'il ne sera peut-être pas nécessaire de me remplacer. Si j'arrive à mettre au point ce site….
    (On pourrait se demander en quoi est-ce un progrès de ne pas me remplacer : d'une part, moins les frais de fonctionnement sont importants, plus les cotisations de la mutuelle restent stables, d'autre part ce sont les tâches les plus répétitives et les plus ennuyantes qui sont supprimées: il reste les plus intéressantes. Faire disparaître les quatre-vingt pour cent d'ennuyantes au profit des vingt pour cent intéressantes est le but.

    Les Pensées de Pascal

    RER A La Défense 14h20. Attente du départ (puisque les rames partent de la Défense : plus de RER A entre Nation et La Défense du 28 juillet au 24 août).


    2018-0801-Pensees-de-Pascal.jpg



    Vu Dogman. Très froid dans la salle. Publicité de Cartier : les gens qui vont au cinéma Gaumont Opéra achètent-ils des bijoux chez Cartier?

    Je continue l'identification des photos devant Homeland. J'aime le générique qui voit grandir le personnage principal en parallèle des attentats des trente dernières années, depuis Lockerbie en 1988. Cela n'a jamais arrêté. De Carlos et les Brigades rouges jusqu'aujourd'hui, mes souvenirs sont remplis de ses reportages.

    J+3 Fendu

    Retour au bureau. En tentant de nettoyer une fine ligne sur mon téléphone, je me rends compte que l'écran est fendu de haut en bas: que s'est-il passé, quand cela est-il arrivé? Ce téléphone a cinq ans, il est vieux selon les critères actuels (iPhone 5S) mais ça me fait de la peine.

    Cinéma : The Guilty. Pas mal. Pas indispensable mais intéressant. Un huis clos plus que clos, un gros plan sur un visage pendant quasi un film entier. Belle contrainte.

    Le soir je classe et j'identifie les photos en regardant les premiers épisodes de 13 Reasons Why. Sans doute pas mal en tant que campagne de sensibilisation des ados contre le harcèlement, les phrases et les gestes qui blessent au-delà de ce qu'on imagine (parce qu'en réalité on n'imagine rien, on aime juste se moquer et rire).
    Cela ne me concerne pas réellement et ne m'intéresse pas beaucoup.

    J+2 Récupération

    Je peine à récupérer. Je suis sonnée par la quantité d'affects reçus samedi soir. Le photographe m'a envoyé environ sept cents photos via "We transfer" (un photographe qui fait aussi des reportages de foot: pas de pose, les gens pris dans le feu de l'action. Le plus incroyable est qu'il n'a oublié personne) que je découvre, trie et commence à légender.

    Dans l'après-midi je retourne voir Woman at war avec H. Il supporte bien une deuxième vision. (Fatalitas, la salle de St-Maur-des-Fossés n'est pas climatisée.)

    Soirée chez les voisins rentrés de vacances.

    J+1 Que les vegans apportent leur tupperware

    Mes parents avaient prévu à l'origine de fêter leurs noces d'or avec leurs enfants (donc ma sœur et moi) et leurs petits-enfants. Nous sommes donc allés au restaurant et j'ai fait l'erreur de m'assoir en face de l'aînée de mes nièces.

    J'avais déjà été agacée par ma sœur hier soir quand elle avait déclaré qu'elle était végétarienne comme sa benjamine et que l'aînée était vegan: elles n'ont donc pas mangé grand-chose. Il ne lui est jamais venu à l'idée en un an de me prévenir? J'aurais dû lui faire payer les trois repas!

    Au restaurant, ça a été un festival. En résumé, elle mange vegan (donc ni lait ni beurre ni œuf ni miel, que du végétal), mais elle ne mange pas non plus cru et n'aime pas les tomates. Et elle est intolérante au gluten.
    D'autre part elle est impolie, murmurant entre ses dents au serveur qui propose de lui apporter de la tarte Tatin : — comme vous voulez mais je n'y toucherai pas. (Ça lui aurait écorché la gueule (je deviens vulgaire) de sourire et dire merci et de partager autour d'elle?)

    Apothéose le soir quand ma mère lui fait un plat aimé, des courgettes au riz (mais sans fromage):
    — Qu'est-ce que t'as changé dans la recette mamie?
    — Rien. Mais j'ai mis un bouillon cube entier alors que les proportions étaient plus petites. C'est peut-être ça… ce n'est pas bon?
    — Ça va… mais il ne faudra pas recommencer.

    Cerise sur le gâteau, sa sœur n'aime pas le riz. Mais quelles emmerdeuses. Ma sœur m'a ennuyée toute mon enfance avec ses lubies alimentaires, les femmes de la famille se mettaient en quatre pour répondre à ses caprices, elle a réussi à transmettre ça puissance mille à la génération suivante!

    H. était scandalisé. Pour ma part, j'ai compris que lorsque ma sœur divorcée disait d'un air pénétré à propos de sa fille: «elle ne veut plus aller chez son père», c'est peut-être que lui traite ces caprices par le mépris et le rire.


    Une chose est sûre : si elle vient chez moi, c'est elle qui fait les courses et la cuisine. Moi, je mangerai ce qu'elle aura préparé. Et je veux bien faire la vaisselle.

    J. 50 ans de mariage

    Mise en ligne progressive de billets écrits depuis un an, mais restés hors ligne par peur des fuites. Voici donc un récit débuté il y a un an qui commence par la fin: le jour de la fête surprise pour les noces d'or de mes parents, fête que j'ai voulu organisée comme un mariage.

    Journée sous le signe de la trilogie pagnolesque, en commençant par Le Temps des secrets.

    Dernier désistement le matin-même: un cousin malade (je ris car c'est sa femme qui appelle: nous avons vraiment un problème avec le téléphone dans la famille.)

    Petit déjeuner à Tours, beaucoup d'enfants dans cet hôtel rempli d'hommes d'affaires pendant le reste de l'année. Les serveurs ne sont pas habitués. Pour la première fois depuis des jours, il fait presque trop froid pour rester dehors (quelle chance: parmi mes peurs, celle qu'il fasse trop chaud et que les invités fassent des malaises (après tout, la plupart ont plus de soixante-dix ans)). (Et de penser in petto : «Une chance pour le temps.»)

    Nous récupérons A. devant l'église de Candé où elle laisse sa voiture et nous partons chez mes parents où nous arrivons bien plus tôt qu'ils ne le pensaient (évidemment: nous ne venons pas de Paris…)
    Un repas et un après-midi sans se couper, à parler de tout et de rien, à rester calmes, très calmes. Nous avons dit à mes parents que nous les invitions le soir dans un "restaurant éphémère", tenu par un ami d'H. (ainsi mes parents ne peuvent pas vérifier la réservation, ou la décommander, ou…) Le petit voisin de cinq ans fête son anniversaire ce jour-là, dommage je ne le savais pas (j'aurais prévu une bougie), il est invité le soir, ma mère lui parle à travers le grillage, H. m'avouera plus tard que c'est le moment où il a eu le plus peur d'une fuite. (Ce que nous craignons, c'est que si mes parents se doutent de quelque chose, ils refusent de venir.)

    Se préparer à partir, sans précipitation, s'habiller un peu, mais pas trop. H. coupe court: on prend notre voiture, oui, une seule voiture. A. est chargée d'envoyer des sms à ses frères de minute en minute, nous ne savons pas si les sms arrivent à destination, la réception est mauvaise au château. Nous décidons du lieu où tous les invités doivent se réunir pour attendre les héros de la fête (dans le château, sur la pelouse? Finalement ce sera en bas sur la terrasse. A. communique la décision.)
    De quoi avons-nous parlé dans la voiture? Du Niagara, de la chute "le voile de la mariée" découverte en Amérique du sud, peut-être du Panama (où était-ce l'après-midi?), d'oiseaux ou d'araignées, rester calme, très calme. Les invités doivent descendre de la pelouse à la terrasse, soixante personnes, ça prend du temps, pourvu qu'ils soient prêts.

    H. franchit la grille du château, traverse la cour, contourne le mur, arrive devant la terrasse noire de monde. Je suis impressionnée par la foule, je ne m'y attendais pas. «Oh, regardez, il y a déjà un mariage», s'est exclamé ma mère.
    Puis elle a reconnu une personne, puis une autre.
    Mes parents sont sortis de la voiture, souffle coupé.

    Le reste comme dans un rêve, La gloire de mon père et Le château de ma mère, ou l'inverse.

    J-1 Vouvray-Candé-Tours

    Nous partons en voiture bleue (ie pas en roadster deux places mais en voiture familiale: nous avons prévu que A. nous rejoigne demain à Candé (pour justifier qu'étant trois nous ne soyons pas en voiture rouge) ce qui permettra le soir de ne prendre qu'une seule voiture pour notre fausse invitation au restaurant (pour éviter les hésitations, les doutes et la fuite) puisque nous ne serons que cinq (les garçons et ma sœur ont prévenu qu'ils n'arrivaient que dimanche, au désespoir de ma mère))1.

    Arrêt à L'oiseau gourmandeur, le caviste préféré de H. qui cite Rabelais par cœur, achat de château Moncontour et de quelques bouteilles supplémentaires de Coudray-Montpensier (la légendaire crainte de manquer).

    Pique-nique au bord de la route, arrivée au château, rangement des bouteilles au frigo, mise en place des tables (grands cercles en pastique, c'est amusant) et des chaises (plus fastidieux). La traiteur arrive pour mettre les nappes, pendant ce temps passage à l'intermarché de Chailles qui nous a préparé l'eau et les jus (je fais de la pub car ils sont très serviables: le magasin propose de reprendre ce qui n'est pas bu si on le ramène le lundi suivant), retour au château, mise au frigo, répartition des petits paquets de fruits secs sur les assiettes en suivant le plan de table. J'envoie mes ultimes recommandations par sms aux garçons (les pauvres! Heureusement qu'ils sont indulgents, ils ont conscience de mon stress) qui seront seuls ici demain à accueillir les invités pendant que nous jouerons la comédie auprès de mes parents.

    Départ pour Tours où nous avons rendez-vous avec la responsable du syndic de propriété à 18 heures. Nous nous demanderons pourquoi elle voulait nous voir. Sans doute pour nous voir.
    L'Indochine dit "Le petit Mao" (buffet au forfait où l'on paie en supplément ce qu'on laisse dans son assiette).
    Hôtel. Nuit au frais, ce qui est appréciable en ce moment.




    Note
    1 : en donnant toutes ces explications sans doute incompréhensibles je me sens vraiment control freak. L'important est dans les détails.

    Alphonse Allais

    2018-0726-Alphonse-Allais.jpg



    Vu Woman at war1 . Formidable. Dire que j'ai failli le rater.

    Le soir, profité de la présence d'O. pour descendre une étagère du dernier étage (car H. et moi quittons la maison demain matin et je ne sais pas quand je croiserai O. de nouveau avant son départ en camp scout).




    Note
    1 : à 15h aux Halles car j'avais posé une journée de congé pour préparer samedi, journée finalement inutilisée.

    J-3 Invitation lancée

    H. vient d'appeler mes parents pour les invités au restaurant, à cinq (eux, ma fille et nous deux), samedi soir.
    Alea jacta est
    ou le rubicon est franchi.

    (J'en perds mon latin — mais il n'y a pas grand chose à perdre).



    Par ailleurs, appris ce matin que trois enfants de mes cousins ne venaient pas (ce que je comprends mais c'est dommage : nous nous voyons si peu).

    Inquiétant

    Journée de rattrapage de blog. Il faut bien avouer que le visionnage de séries entières ne favorise pas le blogage. Encadrement à l'aviron le soir avec Camille. Bataille d'eau avec Grégoire.

    Pizzeria. H. quasi aveuglé de l'œil droit suite à un passage chez l'ophtalmo. Sa vue a beaucoup baissé de ce côté-là, sans explication.



    Aller et retour en voiture — je conduis au retour (habituellement je laisse toujours O et H conduire quand nous sommes ensemble car la place passager est plus étroite). Le retour le long de la Seine rive droite est pure merveille par ce temps. J'aime passer à Ivry, Vitry, Villeneuve. J'aime les quartiers populaires.

    J-4 Bonne nuit

    Hier à 23 heures je découvre un message de ma sœur : maman ne comprend pas pourquoi elle (ma sœur) ne vient que dimanche. Elle l'attendait le samedi.
    Je ne comprends pas: j'ai pourtant prévenu ma mère que les garçons n'arrivaient que le dimanche, j'espère qu'elle n'a rien prévu samedi soir…

    La nouvelle a dû m'assommer car j'ai très bien dormi malgré la chaleur. (Mon téléphone prévoit qu'il pleut à Blois vendredi et samedi prochain…)

    J'avais laissé un message à ma sœur pour lui dire qu'elle pouvait me rappeler très tôt (car mon portable est inutilisable au bureau : pas de réseau). Nous nous sommes mises d'accord («pas de problème, je vais dire que ça ne m'arrange pas d'être là samedi»). Au passage elle m'a appris qu'elle avait eu ma tante au téléphone, que celle-ci paraissait toute ravie et émoustillée par le projet.
    Ça alors!







    Quelques explications : la difficulté est d'amener mes parents à venir au château samedi soir. Nous avons imaginé d'être trois (H, A et moi) et de les emmener au restaurant en prétextant une réservation dans le nouveau restaurant d'un ami vers Chaumont («Mais il faut y être à sept heures car ensuite la table est réservée donc il ne faut pas qu'on s'attarde). L'idée est de ne prendre qu'une voiture pour ne laisser aucune chance de s'échapper (car je redoute une réaction de rejet).
    Evidemment, ce serait plus compliqué avec ma sœur et ses filles (mais pas impossible: simplement moins naturel).

    J-5 Derniers préparatifs

    Fini les derniers paquets de fruits secs en regardant How I met your mother. Série amusante mais je crois que je vais arrêter là. Pas très intéressant, juste pour le fun.

    Les paquets sont classés dans deux cartons selon le plan de table.
    Je suis fière de mon évaluation de poids de fruits secs: il ne m'en reste qu'un, qui est celui que m'a offert le commerçant.

    En ligne

    Journée à m'enregistrer sur des sites de comptabilité en ligne pour les tester.
    Je n'ai besoin que de quelque chose de très simple (pas de TVA, pas d'émission de facture, très peu d'encours clients): le problème est que les solutions les plus simples (donc les moins chères) partent logiquement du principe que les utilisateurs de ce genre de logiciels ne sont pas comptables (mais chefs de TPE). Tout est donc très guidé et rigide. Or j'ai besoin d'adapter le plan comptable général au plan des assurances.
    Il va sans doute falloir que je choisisse quelque chose de plus cher.

    Il fait très chaud. La climatisation est très bruyante (bruit d'un sèche-cheveux, à peu près).

    RER D bloqué le soir par un accident de voyageurs (apparemment situation insupportable dans les voitures arrêtées sur les voies. Il faut savoir que l'été, la température atteint facilement 35 à 40 degrés dans les voitures qui stationnent au soleil avant d'être utilisées. Je n'ose imaginer la température dans des wagons remplis de voyageurs immobiles). Je suis restée dans le RER A, H. est venu me chercher à Boissy.

    Retour d'Avignon

    A neuf heures, sur l'eau avec Gwenaële. Qu'il fait beau, que c'est beau. La Seine est un lac.

    A trois heures je vais récupérer O. à la gare de Marne-la-Vallée. Le plan de circulation est étrange: la route fait un U devant la gare (donc une impasse prévue pour qu'on en sorte), et l'entrée de ce U est défendue par une barrière qui oblige à prendre un ticket: c'est en fait un arrêt-minute obligatoire (je dis obligatoire car il n'y a pas de sorties latérales qui permettraient de ne pas entrer dans le U).

    Bouchon pour arriver jusqu'à la gare (la route est en cours d'élargissement. Des platanes de quinze ou vingt ans ont été plantés (solidement arrimés à des cadres en bois): déplacés et replantés lors de l'élargissement?), bouchon pour en partir. Je règle l'application Michelin sur "le plus court" (j'ai abandonné Waze qui ne connaît plus que les quatre voies) et nous rentrons par les petites routes (château de Ferrières, moissons, quelques kilomètres de forêt). O. raconte Avignon, les spectacles auxquels il a assisté. «Rien de classique», précise-t-il. Il a aimé Le Maître et Marguerite, Convulsions, Signé Dumas. Il a rarement autant parlé, raconté. Je suis heureuse.


    Je finis la saison 4 de Prison Break.

    J-6 Dans les détails

    Mise en page des menus (rédaction approximative car j'ai laissé mon dossier au bureau: nous ne savons plus exactement ce qui est prévu. Par ailleurs j'ai à nouveau oublié le nom du vin rouge laissé au château en septembre. Impossible de remettre la main sur le papier où je l'avais noté).
    Impression du nom des tables.
    Je continue à peser mes petits paquets en regardant la saison 4 de Prison Break.

    Temps radieux

    Je ne me souviens pas qu'il ait fait aussi beau durant une période aussi longue depuis longtemps.

    Je me lève tôt, comme d'habitude (j'ai réussi à gratter une heure: réveillée six heures, recouchée, rendormie, réveillée sept heures, levée).

    Pendant que je coupe les roses fanées du côté de la rue, un voisin inconnu (je le décris à Hervé: «Celui qui lave tout le temps sa voiture? —Oui, sans doute. —Il a dû reprérer que tu lavais la tienne! (Rires) —Je crois plutôt que j'étais la seule dans la rue) me propose une douzaine d'œufs de ses poules: «vous partez en vacances? —Non, j'ai trop d'œufs.»

    Chez le photographe pour une photo d'identité qui ait l'air pro (voir mon visage est un choc: rouge, brillant, large. Je ne m'y habitue pas). Pour une photo dynamique, la photographe me fait me pencher vers l'avant. Soudain je comprends pourquoi les gens ont l'air de sortir du cadre: ils sont penchés.

    The Last Movie, "film expérimental" dit Allôciné. Oui, on peut dire ça comme ça. Déçue de ne pas voir davantage de paysages. Puis au Reflet qui a retrouvé son aspect d'autrefois, c'est-à-dire que la cuisine est de nouveau dans l'arrière-cuisine, et non exposée aux yeux de tous.

    Traduction

    Matinée à terminer la traduction d'un fil de Twitter sur la signification des broches de la reine d'Angleterre. Que de finesse et d'intelligence.
    J'ai mis trop de temps à terminer cette traduction: une semaine après elle n'est plus d'actualité; l'affaire Benalla occupe toute la place dans les médias. L'avenir du pays dépend pourtant davantage des relations internationales que de ce genre de dérapage.
    Le plaisir de la coupe du monde aura été de courte durée (ou peut-être pas: les gens sont en vacances, loins de BFM TV).

    Skiff le soir. Bien. Je prépare plus tôt, je penche moins à babord. Il faut que je mette mes mains davantage au fond du bateau (que mes pelles soient plus hautes au-dessus de l'eau).

    Chou blanc

    Encadrement des débutants. Cool: deux débutantes, trois confirmés. Les débutants sont doués cette année, très bon équilibre, yolette stable.

    Passé dans deux magasins le soir dans l'espoir vague de faire les soldes. J'ai décidé de me faire une garde-robe pro, ie bleu marine, blanche, beige (les trois B. Je plaisante mais pas tout à fait. Je n'irai pas jusqu'à adopter le tailleur, je n'aime que les robes).
    Rien trouvé. Ce sera pour une autre fois.

    Pris un Mobike pour rejoindre H. Comme nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord sur un restaurant dans le quartier, nous avons repris la voiture et échoué au Bambou (rue Baudricourt), le plus vietnamien des Vietnamiens. Salade de papaye et crêpe de porc accompagnée de mystérieuses feuilles (lotus d'eau? mûriers?): beaucoup trop mangé.

    J-9 Vérification du photographe

    En attendant un RER A qui n'arrivait pas (tout fonctionne très mal cet été), j'ai appelé le photographe pour m'assurer qu'il ne nous avait pas oubliés car il enchaîne un mariage puis notre "événement".
    Il m'a rassurée, il ne nous avait pas oubliée.

    Tag stress.

    LinkedIn

    Matinée à étudier LinkedIn dans un groupe dont deux RH (intéressant: la vision du recruteur). Ce lien permet d'avoir la vision des recruteurs (voir tout en bas de page).

    Je suis en train de réaliser que je n'ai jamais pris la (ma) vie professionnelle au sérieux: c'était une sorte de hobby destiné à me nourrir, en aucun cas quelque chose de noble dans lequel s'investir. Ce n'était pas digne d'intérêt.
    Aujourd'hui que je ne crois plus à l'intérêt général de la culture (art et littérature)1 j'ai envie de voir ce que donnerait l'investissement dans la vie professionnelle: est-ce là qu'il est possible d'être utile, de servir à quelque chose? (J'aimerais bien être utile). J'espère qu'il n'est pas trop tard.


    Le soir vu Ocean 8. J'aime beaucoup Rihanna. Pour le reste ce film est totalement creux.


    Note :
    1 : cela n'a d'intérêt que pour soi-même, donc cela ne regarde que soi-même. L'injonction d'être cultivé vient des personnes cultivés en manque d'interlocuteurs pour discuter. Mais à part ça…

    Marcelle et Job

    Matin en quatre de couple à 9 heures à Neuilly (Anne-Sophie, Isabel, Anne). Tour de l'île la Jatte pour profiter de la fraîcheur relative des arbres. Nous étions encore sur l'eau quand nous avons vu passer les avions pour le défilé. Je ne les avais jamais vus aussi bien — je ne les avais jamais vus IRL le jour J.
    J'ai donc vu passer l'avion qui s'est trompé de fumigène (j'aime bien ce genre d'erreur, ça me permet de moins angoisser sur mes projets : rien n'est si grave).
    Et aussitôt, bien entendu, c'est le côté sympathique des Français (si si), tous de rire et de s'emballer.

    Plus tard j'ai pris le chemin des écoliers pour rentrer en utilisant l'application Michelin réglée sur "le plus court" (Waze ne fonctionne plus du tout. Sa seule obsession est de vous ramener sur les routes sans feu rouge pour aller le plus vite possible. Moi je cherche des rouges ombreuses pour me promener). J'ai donc vu passer les hélicoptères qui doivent venir du sud. Je suis passée devant la mairie de Thiais et dans des quartiers neufs sortis de terre. Travaux du tramway ligne 9. le Grand paris est en train de bouleverser la banlieue; je me demande s'il y a eu autant de chantiers autour de Paris depuis la construction des villes nouvelles dans les années 60.


    La nouvelle chargée de catéchisme m'avait contactée début juillet, je lui avais dit ne pas pouvoir la rencontrer avant août (mais pourquoi la rencontrer? Je n'ai rien à lui dire), elle m'a rappelée il y a deux jours, de guerre lasse j'ai cédé, j'ai accepté de la voir aujourd'hui à quatre heures.
    Sieste, voiture dans la chaleur écrasante, rencontre à l'oratoire de M***, frais. Il ne sort rien de cette rencontre bien entendu. Pourquoi ai-je une telle horreur des bons sentiments? Je n'aime pas les bons sentiments, je les redoute. Je ne veux que des actes, de l'organisation, de l'efficacité.
    Une défense, sans doute.
    Je ne supporte pas l'image du catho niaiseux.


    C. arrive en fin d'après midi avec CS, que j'ai déjà rencontrée au concert Theo & the Hearts et qui entre-temps a acquis le statut de petite amie. Elle nous fait rire en prétendant appeler leurs futurs enfants Marcelle et Job, ce qui horrifie C. Je m'abstiens de faire remarquer que le seul Job que je connaisse est Job Getcha, archevêque des églises orthodoxes russes en Europe occidentale et me contente de commenter que ce sera plus facile à écrire en maternelle que Pierre-Emmanuel.

    Nous passons une agréable soirée sur la terrasse, plus agréable que quinze jours avant où il avait vraiment fait trop chaud (j'avais eu peur que cela ne décourageât C. de revenir).
    Je propose plutôt Marcellin et Félicien.
    — Mes enfants ne porteront pas un nom de fromage!
    — Fun fact : le St Félicien est produit à St Marcellin.
    (ou le contraire, je ne suis plus très sûre).

    CS possède un humour digne de celui de mon beau-père (les blagues pourries!)

    J-19. Que boirons-nous ?

    J'ai oublié quel vin nous avons laissé au château en septembre. J'ai appelé, M. Lépissier est gentiment descendu dans sa cave pour me donner l'information.

    Dans le même temps il m'a donné les coordonnées de la personne à contacter à l'Intermarché à proximité: si l'on fait ses commandes de boisson dans ce magasin, celui-ci propose de reprendre les bouteilles non bues (et intactes) le lundi suivant.

    Coup de geule (déception)

    Il y a deux jours, nous (les filles) avons reçu ce message de notre entraîneur :
    Bonjour à toutes et à tous,

    La coupe des Dames à Angers est programmée cette année les 13 & 14 octobre. C'est une compétition en huit ouverte aux Loisirs et compétition en Open). La longueur du parcours est de 15 km.
    La compétition Dames a lieu le samedi à 15h et la compétition Homme le dimanche à 10h.
    Nous disposons d'une place pour un huit dans la remorque de Port Marly et nous ambitionnons de présenter un équipage Dame et un équipage Homme.

    Cette manifestation est une course réservée aux rameuses et rameurs motivés et de bon niveau (aviron d'or et d'argent et capable de se mobiliser à l'entraînement avec régularité. En fonction des profils, des candidatures des brevets de bronze peuvent aussi être retenues). Si vous êtes intéressés faîtes le savoir par mail à Vincent avant le 22 juillet en mettant JP en copie.

    La sélection pour constituer les équipes sera ensuite faîte par les entraîneurs, éventuellement après un test de performances sur ergomètre.

    Les détails pratiques d'organisation vous seront communiqués en septembre.
    Déception profonde : comment, après m'avoir dit non, c'est oui, alors que je ne peux plus participer puisque je me suis engagée pour la randonnée sur le lac d'Annecy auprès d'Anne-Sophie?
    Ainsi à la liste des hommes ayant trahi s'ajoute maintenant Vincent. J'ai voulu que les choses soient claires.
    Cher Vincent,

    Je dois avouer que je me sens trahie sur ce coup-là.

    En décembre quand je t'en ai parlé (et que nous aurions eu toute une saison pour s'entraîner) tu m'as répondu que "ça te pétait les couilles un bateau de filles" et "vous serez bien contentes de trouver des mecs pour compléter votre bateau".

    Devant tant d'enthousiasme et d'élégance, j'ai laissé tomber.
    Je ne me suis pas inscrite au stage organisé par Dominique et Jean-Pierre le 14 octobre pour conserver malgré tout la date libre au cas où.
    Puis quand Anne-Sophie qui organise la randonnée d'Annecy a dit qu'il lui manquait du monde toujours ce même week-end, j'ai dit oui, parce que cela permettait de poursuivre notre équipage des impressionnistes.

    Et maintenant on nous sort la coupe des dames d'un chapeau... Et d'autres iront faire cette course que j'avais tant désiré préparer sérieusement (soit sur neuf mois et pas trois).

    Bof. Alice
    Le plus surprenant c'est que Vincent ne s'est pas excusé ou n'a pas botté en touche (un simple «Désolé, les circonstances ont changé. Je suis navré que tu sois aussi déçue»), non, il a attaqué avec agressivité, sans reconnaître sa vulgarité de novembre (en m'accusant quasi de mentir alors que la conversation a eu lieu devant témoins), sur un ton victimaire qui m'a rappelé celui de GC.

    En y réfléchissant, je me dis que le point commun entre ces deux hommes doit être qu'ils manquent énormément de reconnaissance dans leur boulot.

    Vincent a terminé son mail en proposant "d'échanger". Je n'ai rien à ajouter. On ne va pas pleurer sur le lait versé, surtout que je suis désormais décidé à quitter MaGrandeEntreprise et fuir Nanterre préfecture et La Défense. Je veux seulement continuer à ramer au club aussi longtemps que possible.
    Nul besoin d’échanger : tu as dit ce que tu pensais, j’en ai fait autant. Sujet clos pour 2018 pour ma part. Je poursuis les engagements pris avec Anne-Sophie.

    Je suis dispo pour encadrer ce soir.

    Bonne chance aux filles.

    Bise
    Alice

    Chaleur

    Journée plutôt ratée, il faut le reconnaître, et je le regrette.

    Mes beaux-parents voulaient passer pour fêter l'anniversaire de C. qui est venu avec deux amies, Charlotte et Myriam. Nous avons fait l'erreur de déjeuner sur la terrasse et nous n'avons pas tardé à avoir beaucoup trop chaud, sans avoir le courage de rentrer (réinstaller les couverts, etc.)
    La conversation est restée languissante tout l'après-midi, Charlotte saignait du nez (j'aurais dû imposer l'eau oxygénée mais je n'ai pas osé), fallait-il jouer aux cartes? pas osé proposer non plus. Tout le monde avait plus ou moins mal à la tête, accablés de chaleur.


    Point positif malgré tout : j'ai retrouvé au pressing ma robe grise japonaise que je me désespérais d'avoir perdue depuis avril.

    Double effet Kisscool

    Ce soir, A. nous envoie une photo d'elle en toge, sourire jusqu'aux oreilles.

    Qu'est-ce que c'est que ça? Elle a pourtant échoué aux épreuves et doit repasser en septembre?

    J'appelle. Elle a eu mention bien à son mémoire soutenu le matin-même. Le directeur l'a croisée et l'a autorisée à se mettre en toge avec les autres — même non diplômée.

    Je suis furieuse de frustration. Donc d'une part notre fille n'a pas son diplôme, d'autre part elle a eu droit à la remise de diplôme en notre absence. Quelle est la fonction d'une remise de diplôme si ce n'est de permettre à l'ensemble de la famille et des amis de se réjouir?
    Donc elle n'a pas eu son diplôme et elle a eu le cérémonial de diplôme, mais en notre absence. Quelle sorte de directeur et de direction est-ce donc?
    (Avouons que je me demande si ma requête mardi de rencontrer le directeur n'est pas à l'origine de cette soudaine mansuétude. Un moment j'avais pensé que cela lui ferait suffisamment peur pour qu'il accorde son diplôme à A.: eh non. Pas tout à fait mais presque).)


    Et elle, en toute innocence, de nous envoyer la photo.
    J'ai appelé pour comprendre. Et j'ai pêté un cable. Quand devant ma frustration elle a dit qu'elle n'y était pour rien, j'ai fait la liste de ce que nous avions à lui reprocher: quatre ans à ne rien faire, l'année dernière au mois de mai un mail pour nous dire qu'elle allait peut-être redoubler, depuis l'été un marquage à la culotte pour qu'elle effectue ses stages (avec un arrêt de ses efforts chaque fois que nous arrêtions la surveillance), le lapin adopté sans nous en avertir alors que nous lui avions repris son chat justement pour qu'elle puisse se consacrer à son travail et son intérieur, l'appartement dans un tel état qu'un de ses frères et son père ne veulent plus lui parler…

    Hervé envisage qu'à partir de la rentrée, l'argent ne soit plus donné, mais prêté: «Il n'y a que ça qui compte, ça va peut-être la motiver».
    Ça me paraît brutal, mais c'est peut-être juste.

    Mon bon coeur

    Test cardiaque ce matin à l'aube (8 heures, ce n'est pas si tôt, mais à Nanterre Préfecture un jour de grève, cela demande de l'organisation).
    Tout va bien (je m'en doutais). C'est beaucoup moins dur que ce que je redoutais (je suis la génération traumatisée par Goscinny), bien moins dur que n'importe quelle séance en salle de sport.

    Tout cela n'est pas gratuit : il y a un projet en vue. J'en reparlerai le moment venu.

    J'ai ensuite testé les douches des nouveaux immeubles : mazette, ils n'ont pas lésiné. C'est mieux que ma salle de sport. Carrelage peut-être un peu glissant.

    A midi j'ai découvert un accès au toit (j'explore). Cette porte ne devrait pas être ouverte, ne devrait pas rester ouverte.

    Privatisation

    J'ai réservé une salle de réunion pour moi toute seule, pour être tranquille. J'y ai passé l'après-midi. #mesvoisinssontbruyants
    Je sens que je vais le refaire souvent.


    Les Allemands ont perdu et tout le monde est bien plus ému que lors de la victoire des Français.

    J-31 Ma tante

    J. m'envoie un sms pour me demander à quelle date il nous faut une réponse. Donc elle envisage de ne pas venir...



    J'ai répondu: le 10 juillet. Je ne ferai rien pour la convaincre, je n'insisterai pas, je ne donnerai pas le nom des autres invités. Elle m'avait déjà suffisamment choquée à ne pas venir au mariage de ma sœur parce que le marié ne lui plaisait pas (CSP insuffisant: mais pour qui se prend-elle?) Raison officielle: «Je m'ennuie dans les mariages». Mais tout le monde s'ennuie! En général on ne connaît que les mariés, l'art des plans de table vous sépare de votre famille. On ne vient pas pour se faire plaisir mais pour participer à la joie de ceux qui se marient, pour leur porter bonheur en quelque sorte: «tous nos vœux de bonheur».
    Ma sœur et moi sommes sa seule famille. Elle devrait réfléchir avant de se couper de nous.

    Jullien

    Sortie en skiff, première sortie depuis Bréhat. Je n'ai pas le courage de venir ramer le midi, j'ai toujours l'espoir de rédiger cette dissert qui n'en finit pas le soir… Donc je ne rame plus.
    Du vent mais il fait très beau, très doré.
    Marin me regarde trois minutes et me dit de me détendre… #malediction


    Jullien est le nom du skiff.


    Le soir, planches et côtes du Rhône au pied de la Butte-aux-Cailles. Encore des habitués. J'ai faim.

    Mes tantes

    Ce soir j'ai appelé mon autre tante que je n'ai pas vue hier (c'est bête, je n'ai pas pensé que j'aurais pu la prendre en passant à Orléans. Cela lui aurait fait une promenade en décapotable). Elle a beaucoup parlé, principalement pour se plaindre de sa sœur aînée.

    Que de malentendus entre les êtres. C'est impressionnant de les raconter chacune l'autre : je ne reconnais absolument rien dans ce que dit l'autre. L'une se plaint que l'autre ne sait pas prendre son temps, flâner dans les magasins, qu'il faut toujours rentrer le plus vite possible; l'autre se plaint que l'une est perfectionniste, toujours en train de trouver de nouvelles tâches, "lui met la pression" (dirait-elle si elle connaissait l'expression).

    Retour du Berry

    Rentrée en passant par Cosne/Loire. Crépuscule interminable sur les coteaux du Sancerre. Nous sommes encore dans les jours les plus longs.

    Rentrée en écoutant Victor Hugo sur Napoléon III, avec quelques extraits de Marx.
    Trois heures de Victor Hugo. Magnifique.

    J-34 Deux invitations

    J'ai fait l'aller et retour chez ma tante dans la journée pour l'inviter aux cinquante ans de mariage de mes parents. Je ne la préviens que maintenant car c'est sans doute le maillon faible de la liste des invités : elle et mon autre tante sont bavardes.

    Nous étions en train de papoter. Je lui annonce mon projet. Elle n'a pas répondu, a regardé ailleurs, a poursuivi la conversation sur le sujet précédent.
    Plus tard je lui ai dit qu'elle était en quelque sorte à l'origine de cette idée car c'était elle qui m'avait expliqué pourquoi je n'étais pas sur les photos de mariage de mes parents. (Douleur d'enfance, mystère, envie devant l'arrière-petite-cousine de deux ans en robe blanche qui me "remplace" sur ces photos: pourquoi pas moi?)
    Réponse: «j'aurais mieux fait de me taire».
    Je crois qu'elle est terrifiée.

    Nous montons à la ferme des parents de l'arrière-petite-cousine (ils ont plus de quatre-vingts ans aujourd'hui) pour les inviter également. Ils sont surpris, mais aussitôt en train de s'organiser. Je les préviens que leur fille et leur fils (lourdement handicapé) viennent aussi: qu'ils s'adressent à I., elle a tout planifié, prévu de prendre le camion (pour le fauteuil roulant) et réservé l'hôtel.

    SF ou SR (science-réalité) ?

    «Quand nous aurons rendu im-monde notre monde (car je rappelle que mundus veut dire propre), laisserons-nous notre monde derrière nous, comme un citron pressé ?»

    Goût amer

    A. a raté son rattrapage mardi. Elle n'a pas son diplôme.

    Suite à son échec du 15 (elle a avoué plus tard qu'elle avait raté les trois épreuves et pas une seule) je lui avais recommandé de demander les commentaires de ses profs : réponse du secrétariat : pas disponible.

    Elle a un rattrapage en septembre. Depuis l'année dernière à la même époque, il n'y a que rattrapage sur rattrapage. Est-elle si mauvaise? et si non, que se passe-t-il ?

    Menace

    — Si tu m'embêtes, je vais regarder le foot.

    Martine roule en Mobike

    Repris un Mobike ce matin : vendredi mon compte avait été bloqué parce que l'application avait ouvert l'antivol tandis que celui-ci ne restait coincé (donc le compteur a commencé à tourner sans que je prenne le vélo: photo, déclaration d'incident dans l'appli — et compte bloqué); mardi matin le compte était débloqué et annonçait joyeuxement un solde négatif de 241 euros pour 4819 minutes de trajet (ne perdant pas courage j'ai envoyé un mail pour demander l'annulation de cette dette); mardi soir je recevais un sms m'annonçant que la dette était annulée.

    Pas de Mobike mardi soir : je n'ai jamais réussi à trouver le vélo indiqué par l'appli, sans doute quelqu'un l'avait-il garé dans une cour.

    J'y ai pris goût

    La grand-mère de ma coiffeuse était florentine (je m'en doutais, je me doutais de quelque chose!)

    J'ai lu un peu de Sophie Calle. Ce que dit Angot n'est pas faux: ce n'est pas sain et dangereux et manipulateur d'ainsi mettre en scène une lettre de rupture. Cela m'avait fait instinctivement fait fuir la première fois que j'en avais entendu parler: l'humiliation de l'homme. (Depuis j'ai lu la lettre et je la trouve si mauvaise que ma répulsion est passée à l'arrière-plan.) Pas eu le temps de terminer le conte de Marie Desplechin. Ce sera pour la prochaine fois.

    Casque

    J'ai essayé de travailler en écoutant de la musique (pour ne pas entendre mes voisins parler cuisine et vacances).
    Youtube, Richter, Gould, Bach, Chopin.
    Je n'y arrive pas, ça m'abrutit.

    Laïcité

    Dernière séance de catéchisme. Les enfants sont peu nombreux, peut-être parce que nous avons changé la date de la séance en mai à cause de Bréhat.
    Je ne sais plus bien comment, je me suis retrouvée à leur faire un cours sur la différende entre les laïcs dans l'Eglise, par opposition à la vie consacrée; et la République laïque qui dessine deux sphères privée et publique et qui est censée protéger ces deux sphères (dont le droit à vivre sa foi dans la paix). J'ai expliqué, très utopiste, qu'un synonyme de laïcité de la République serait, devrait être, neutralité, un arbitre qui surveille qu'on respecte son voisin et qu'on ne dérange personne.
    J'ai pointé au passage la difficulté de rester ainsi discret et de "proclamer le message du Christ" comme nous y engage l'Eglise ou le pape François: «je vous conseille de ne rien dire. Ayez une petite image, une croix, sur vous. Si quelqu'un est curieux et vous pose des questions, répondez, mais ne vous mettez pas à parler comme les apôtres à la Pentecôte!»

    — C'est encore vous l'année prochaine ?
    — Ah non, moi je redouble, vous vous passez en aumônerie.
    (Décidément je n'aimerais pas être prof. C'est triste de quitter les enfants.)


    Apéro chez les voisins (les voisins) qui dégénère en dîner, comme très souvent. Tous leurs animaux ont été tués par une fouine. Je leur en veux un peu de ne pas être plus rigoureux et de ne pas les avoir enfermés chaque soir. Mais cela n'aurait sans doute rien changé.


    Parmi mon surf de l'après-midi, la vocation du dernier des Hasbourg.

    Bloomsday

    En retard chez Nicolas. Jeux oulipiques (qui m'impressionnent toujours, je ne suis pas très douée) puis buffet à partir de ce que chacun à amener.
    Nous célébrons aussi le Bloomsday.
    Le domaine est si paisible, cette famille si accueillante avec tant de naturel.


    Robert Rapilly a inventé le Chaïpku: soit deux groupes, chaque groupe écrit un haïku en fonction de ce qui l'entoure puis le danse (ou le mime) à l'autre groupe qui doit deviner ce qui est représenté et (tenter de) retrouver le texte du haïku dansé.

    Voici le nôtre :
    La jeune glycine
    Le silence du chenil
    Maronniers vigies.

    Très amusant de danser le silence du chenil.


    Haïku de l'autre groupe:
    Le volet ouvert
    Deux pavés l'herbe frémit
    Les oiseaux pépient.

    13e arrondissement

    En voiture jusqu'au 13e arrondissement. Petit déjeuner. J'essaie de reprendre un Mobike mais le verrou ne s'ouvre pas tandis que mon compte commence à décompter les secondes. Oups… Je prends une photo comme indiqué. Mon compte est bloqué. Pas de chance.

    Corvisart (à pied) puis ligne 6 puis RER A.

    Le soir Chris Marker. Deux courts-métrages sur Berlin en 1990. Décevant: tant de gros plans qu'on ne voit rien, pas de recul, pas de vue d'ensemble. Cet homme qui dit qu'il a toujours été du côté des perdants et qu'il s'y ait habitué…

    Dîner en terrasse. Pastis, planche de charcuterie et brouilly. Papotage avec des voisins de table. Ce quartier est vraiment agréable.

    A. a raté l'un des examens de fin d'année.

    Dernier Oulipo

    Dernier Oulipo, dessinateurs, drôles et impressionnants.

    Pâtes flambées dans une meule de parmesan. Glace au limoncello. (Très bon).

    Lire Jules Romains, Le dictionnaire du diable et l'hexagonal tel qu'on le parle qui si j'ai bien compris se moquait en 1970 de tournures devenues entretemps courantes.

    Quoi qu'il en soit, le dico hors sol de la parlure Hidalgo paraît irréel.

    Les papiers nickelés sont à la recherche d'un metteur en pages (sans avoir beaucoup de moyens: donc abonnez-vous, rabonnez-vous!)

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    Transport en temps de grève
    Lever cinq heures et demie, départ sept heures, une heure de voiture, une demi-heure de petit déjeuner, dix minutes de Mobike (quelle est jolie, la Cité des fleurs au pied de la Butte-aux-Cailles), trois quart d'heure de ligne 6 puis RER A.

    Vers six heures, RER A puis ligne 14 gare de Lyon pour la TGB. (Tandis que j'attends sur le quai de la 14, je songe au RER C : trois mois de crue, trois mois de grève…)

    Retour en voiture.

    Sept sites et un film

    J'ai enfin vu la Révolution silencieuse, tirée d'une histoire vraie. Une histoire d'amitié et de trahison, une ambiance Signe de piste, pour ceux qui connaissent.
    Au niveau personnel, cela pourrait être une réflexion sur la répercussion de nos actes. L'intermède du début, la noisette lancée sur les soldats soviétiques, ajuste (rend juste) la façon de voir ce film. (On s'en rend compte après coup, vous le dire vous permettra de le faire de façon consciente).
    A un niveau politique, historique, philosophique, cela ouvre un abîme de réflexions: qu'est-ce que c'était qu'avoir dix-huit ans en Allemagne de l'Est en 1956? Etre né en 1938, avoir grandi sous les bombes puis dans les ruines puis sous occupation étrangère… Que vous racontaient vos parents, quels silences, quelles vérités? «Tout le monde a ses raisons» prend une fois de plus tout son sens. Finalement la seule vérité reste celle qui nous unit à notre entourage direct: mentir (pour protéger: bonne ou mauvaise idée?), trahir, rester fidèle, accepter ou pas ce que subissent les gens qu'on aime — ou qu'on aime moins.


    Assisté à la remise des prix "créateurs de confiance" :
    - Pour vendre ses céréales au meilleur prix.
    (Je n'ai pas bien compris à qui cela servait: qui achète directement des céréales? J'ai posé la question à un céréalier de Champagne:
    — C'est réservé à de très gros acheteurs. Le prix n'est pas un prix brut, mais un prix qui intègre le transport, «le prix rendu Rouen», par exemple. Cela permet de connaître l'état du marché.
    — Ah. Merci. Et pendant que je vous ai sous la main, que pensez-vous du glyphosate? C'est une question sans piège, je voudrais connaître l'avis de quelqu'un du métier.
    — C'est un faux problème en France. Le glyphosate tue tout ce qui est organique. Aux Etats-Unis, ils utilisent des OGM résistants au glyphosate. Donc ils balancent du glyphosate, deux fois, trois fois, sur les cultures. En France les OGM sont interdits. Si je fais ça, je tue ma récolte, je n'ai plus rien. Donc j'en utilise très peu, un petit coup sur les sols en inter-culture entre l'ensemençage en avoine puis en colza, par exemple. On peut tester mes céréales : on ne trouvera pas trace de glyphosate dedans.
    (NB : je n'oublie pas les abeilles, les vers de terre, le ruissellement, le labour trop ou pas assez profond, etc. Mais je trouve intéressant le point de vue d'un agriculteur qui cultive. Remarque d'H. à qui je rapporte cette réponse: «je m'étais toujours demandé comment ils utilisaient le glyphosate puisque ça tue tout.))

    - Partager ses dépenses effectuées en carte bleue (Sharepay): à l'origine conçu pour les potes qui partent en vacances ensemble, à l'usage beaucoup utilisé par les couples (sans compte joint, je suppose).

    - Echange de maisons entre particuliers: l'idée est non seulement d'échanger les maisons pour les vacances, mais d'introduire de la souplesse dans cet échange: parce que vous n'avez pas forcément envie d'aller chez celui qui a envie de venir chez vous. Donc si un Napolitain veut venir à Paris mais que vous voulez aller à Montevideo, cela vous permet de le faire par un système de points.
    La beauté de la chose est que c'est non monétaire, plutôt de l'ordre du troc.

    - Faciliter la location de locaux professionnels en mettant en rapport des entreprises ayant des locaux inoccupées et des entrepreneurs ayant de petits besoins.

    - Un feu de freinage pour les motard qui fait aussi balise de détresse. Commercialisé dans les semaines à venir. Va exister pour les cyclistes, les skieurs. Réflexions pour le BTP (les ouvriers sur les échafaudages, etc).

    - Récupérer et partager les médicaments entre hôpitaux: c'est l'idée qui m'a le plus enthousiasmée (le genre de chose qu'on ne pensait pas qu'elle ne pouvait pas ne pas exister). Il s'agit de ne pas laisser perdre des médicaments qui pourraient être utiles à d'autres, ailleurs. 50 millions d'euros de médicaments périmés perdus en France par an.
    L'autre application (hospiville) est destinée à permettre à tous les professionnels de santé interagissant avec un malade d'être au courant de l'ensemble de son traitement. (Et pour avoir vu les conséquences d'un diabète en hospitalisation (quels médicaments prendre si on est à jeun? Faut-il les prendre?) je vois bien l'intérêt de cette appli. Comme dirait Jaddo: «si vous voulez sauver votre grand-mère, mettez dans son porte-monnaie la liste des médicaments qu'elle prend tous les jours.»)

    - Une appli pour les aphasiques (plus de cordes vocales suite à un cancer, plus de voix suite à un AVC, certains autismes, etc). Ma surprise aura été que cela soit nécessaire, j'aurais pensé que "l'accessibilité" des ordinateurs permettait cela depuis longtemps.
    Apparemment on peut se créer son propre clavier en fonction de ses besoins et habitudes, pour retourner acheter le pain, aller chez le coiffeur, etc (et soudain je me demande si cela pourrait être utilisé dans un contexte de pays dont on ne parle pas la langue).


    Au cours de la soirée j'apprends que demain Groupama SA (re)devient Groupama Mutuelle. Cela me fait profondément plaisir. J'aime l'utopie mutualiste, l'idée qu'il est possible de s'entraider plutôt que s'entretuer.

    Transhumanisme

    — Je n'ai pas compris le rapport avec la théologie.
    — Que devient ta foi si nous ne mourrons plus ?
    — Bah, déjà que je trouve bizarre de ressusciter...

    Je donne juste quelques noms entendus ce soir. "L'homme augmenté" a été employé pour la première fois par le comité olympique en réponse à Oscar Pistorius. "Transhumanisme" est une création de Julian Huxley (le frère de) dans un article de 1957.

    FM-2030, Fereidoun Esfandiary
    L'Extropy Institute
    Max O'Connor se fait appeler Max More en référence directe à l'utopie.
    Ray Kurzweil étudie l'immortalisme. Embauché par Google qui lui fournit des fonds et un laboratoire. Il semble avoir tenté avec la mémoire de son père quelque chose qui ressemble furieusement à L'Invention de Morel.
    En Europe, Nick Böstron.

    Au passage je trouve cette sympathique horloge décomptant les minutes nous séparant de la fin du monde (en 1995 nous avons pu respirer).

    L'année prochaine

    Rendez-vous à l'ICP pour préparer le mémoire à rendre l'année prochaine. Les trois professeurs présents sont surpris de nous voir si nombreux — alors que nous sommes surpris de voir qui manque.

    L'idée est que nous donnions notre sujet, notre ébauche de sujet, pour que les professeurs puissent orienter nos lectures de l'été (je rêve du moment où je pourrais me remettre enfin à lire des romans).
    Les sujets sont variés, parfois surprenants: le Christ priant (dans les Evangiles), qu'elle était véritablement la maladie appelée lèpre dans l'Ancien Testament, l'utilisation d'Amos dans les doctrines politique et sociale aujourd'hui, Sylvie Germain au prisme de la Bible,…
    J'évoque l'idée de travailler autour du concept du repos à partir de la règle des diaconnesses de Reuilly: «le contraire de la contemplation n'est pas l'action, mais le souci».
    J'écope de Saint Augustin : «mon cœur repose en toi» (citation très à peu près, je m'en rends compte an faisant cette recherche de lien Google).


    Avant de partir, on nous propose des affiches pour le cycle C à déposer dans des endroits choisis. Je murmure à ma voisine:
    — Franchement, à qui pourrait-on conseiller de faire quelque chose d'aussi difficile, d'aussi long, d'aussi pénible?
    — Mais arrête, tu n'as jamais été aussi heureuse qu'ici! Tu as assisté à plein de cours, tu as lu des livres, tu as rencontré du monde… C'est juste que la dissert t'emm**, c'est difficile d'être au pied du mur.
    Je l'aurais volontiers embrassée. «Jamais aussi heureuse» est peut-être exagéré, mais pour le reste, elle n'a pas tort. C'était bien. C'est bien. J'ai compris beaucoup de choses dans ma relation au monde, aux autres. J'en bave, j'en ai bavé, mais je me suis bien amusée. Peut-être qu'il n'est pas possible d'avoir l'un sans l'autre, dans ma structure d'esprit tout au moins.


    Repas rapide en brasserie avec H. qui est passé me chercher. Il est si préoccupé par sa prochaine livraison (mise à jour de progiciel) qu'il dessert à peine les dents. Nous aurions fait aussi bien de rentrer manger des pâtes à la maison.

    La lose

    Départ avec H. le matin à 7 heures en voiture (je dois arriver au bureau à 9 heures). Il me dépose place d'Italie. Ligne 6 jusqu'à Charles de Gaulle. Je ne suis pas concernée, mais j'entends que la ligne 1 ne fonctionne pas entre Vincennes et gare de Lyon. Des navettes sont mises en place entre l'extrémité de la ligne 1 et la station Vincennes du RER A.
    RER A à Charles de Gaulle. Un passager a eu un malaise aux Halles, le trafic est ralenti.

    Je quitte le bureau à 16h30 avec l'intention d'aller voir La Révolution silencieuse. Au moment de descendre dans la station de Nanterre Préfecture je me rends compte que comme ce week-end, j'ai oublié mon portefeuille dans mon tiroir. Demi-tour, retour au bureau. Trop tard pour être à l'heure pour la séance: donc je travaille jusqu'à 18 heures.

    Puis de nouveau (pas tout à fait "de nouveau" puisque tout à l'heure cela n'a pas eu lieu) RER A à Nanterre préfecture. Deux rames sont à quai (normal, il y a très souvent une ou deux rames à quai), mais le comportement des passagers montrent qu'ils attendent depuis un moment : ils sont sur le quai, tendus, prêts à sauter dans une rame ou l'autre au moindre signal, mais en même temps une certaine nonchalance des corps montrent qu'ils ne croient plus à un départ imminent.
    Je monte dans la rame de gauche (dans mon expérience elle part souvent la première). Annonce : un passager a eu un malaise à Auber (deux malaises dans le RER A la même journée (je ne veux pas dire dans l'absolu mais au moment où je suis dans le RER)), les pompiers sont attendus.
    Le RER s'ébranle lentement, et lentement atteint la prochaine station: La Défense. La rame s'arrête et ne repart pas. Nous attendons. Au bout de cinq à dix minutes le conducteur nous annonce plein d'espoir: «Les pompiers viennent d'arriver à Auber, nous allons sans doute repartir dans pas longtemps». (Ah? mais où étaient-ils tout ce temps? Nous attendons depuis des heures!)
    Nous attendons encore. Cinq minutes, dix minutes? Puis le conducteur, déconfit: «Les pompiers disent que le passager ne peut pas être déplacé [Ouaatt? que peut-il avoir? La colonne serait-elle touchée?]; il va falloir évacuer le train.»
    Et l'annonce inexorable arrive: «Mesdames, Messieurs, ce train ne prend plus de voyageurs. Nous vous conseillons de prendre la ligne 1.»
    Evacuation.
    Je vais prendre la ligne U (je crois que c'est son nom) pour rejoindre la gare St Lazare. Nous ne sommes jamais que quelques centaines à avoir la même idée. Le train entre en gare. Nous entrons dans le train. Nous nous serrons. Il fait très chaud (violents orages sur la France chaque soir depuis samedi, j'en profite pour le noter). Le train se traîne péniblement (mais pourquoi?) de gare en gare jusqu'à St Lazare.
    Je vais prendre la ligne 12 pour passer à l'ICP déposer le travail que je dois rendre puisque j'étais absente samedi.
    Kilomètres de couloirs. J'ai mal aux pieds.
    Ligne 12. Et devinez quoi? Incident porte de Versailles qui ralentit l'ensemble de la ligne.
    Je dépose mon devoir à l'accueil de l'ICP.

    Après tout ce temps sous terre, je décide de prendre un vélo. L'application m'indique plusieurs Mobike à proximité, je ne me décide pas et marche trop (mes pieds!) pour en trouver un.
    Puis cela devient du grand n'importe quoi. J'essaie de suivre CityMapper pour vélos et ça marche très mal. Je me perds, m'arrête aux feux, fait demi-tour. Comme je vais derrière la Butte-aux-Cailles je suis obsédée par l'idée de devoir grimper une côte et m'obstine à choisir le sens qui monte plutôt que celui qui descend (avenue Coty, terre-plein central, une grande caisse en bois annonce «le terreau Coty-dien») ce qui fait qu'au bout de la rue de la Glacière je monte vers place d'Italie plutôt que descendre vers Corvisart.
    Bref je tourne si bien en rond que je ne peux même pas raconter ce que j'ai fait puisque j'ai planté l'application cartographique de Mobike: elle n'a noté que mon temps et pas mon trajet, 47 minutes d'errance.
    Pendant ce temps H. s'inquiète et m'envoie des sms auxquels je ne prends pas la peine de répondre (car que dire?)
    J'arrive à 9 heures.

    Nous dînons Chez Papa puis nous rentrons en voiture rouge (oui c'est important: c'est le plaisir de la journée, toujours le même émerveillement: oohhh, elle est à moi.)

    La forme des librairies change plus vite que notre cœur

    Passé devant la maison du whisky rue d'Anjou. Ses locaux ont absorbé les éditions Diane de Selliers qui avaient repris les locaux utilisés en devanture par la librairie Madeleine.

    Plus tard je vais à WH Smith dans l'espoir d'y trouver un tee-shirt du mariage royal. Las, rien si ce n'est une ou deux tasses très peu visibles.
    Depuis combien de temps ne suis-je pas venue ici? A l'étage la grande pièce consacrée à l'histoire est devenue salon de thé. Dans la salle précédente on trouve des goodies (idiome familial) StarWars (décapsuleur, trousse, etc (et toujours cette surprenante popularité des stormtroopers)), des casquettes et des cravates claniques. Au rez de chaussée les livres d'histoire tiennent sur un seul mur, les policiers ne présentent plus de Reginald Hill.



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    Dominique m'a demandé comment se passaient mes pendulations. Je reprends quelques notations.

    Matin : lever 6h30, départ 7h avec O sans déjeuner, RER A 7h30, arrivée à Nanterre Préfecture à 8h30. Je monte vérifier que mon ordinateur est là et je redescends pour prendre le petit déjeuner avec C. (RV de travail).
    Soir : départ 16h50 de Nanterre Préfecture pour Auber. RV au siège à 17h30. Ladurée, WH Smith puis ligne 1 Concorde jusqu'aux Halles. RER A. Arrivée à Boissy à 20h. Une demi-heure pour rentrer en voiture (décapotée malgré la menace d'orage).

    Oubli

    Au moment de prendre mes notes de cours, je me rends compte que je n'ai pas mon ordinateur.
    Je le revoie sur mon bureau, sous une chemise. J'ai oublié mon ordinateur (my precious) sur mon bureau dans un openspace.

    Sera-t-il là demain ?
    Et je pense aux données que je n'ai nulle part ailleurs et qui ne sont pas sauvegardées.

    Préparatifs

    Quand je rentre le soir, le camion est garé devant le jardin.
    C. arrive dans la soirée, il couche à la maison pour être paré à charger dès l'aube les cartons que A. a préparés le week-end dernier.

    Torchon

    Fin janvier j'avais transmis à notre gestionnaire de fonds les documents concernant la loi FATCA, le questionnaire Wolfsberg et le questionnaire sur notre niveau de compétence financière garantissant que nos décisions sont éclairées. J'avais eu quelques difficultés à obtenir les renseignements juridiques dont j'avais besoin (répondre «nous n'avons pas d'affiliés américains» m'aurait paru suffisant) et je me revoie devant le scan, agacée, en train de constater que j'avais mis les feuilles à l'envers et que le recto verso produisait des feuilles blanches…
    «Ça ira bien comme ça», avais-je pensé, sachant que je n'envoyais les documents en pdf par mail que par acquis de conscience puisque tout était mis sous enveloppe.

    Première bizarrerie, EM, le destinataire, m'avait téléphoné début avril pour savoir si j'avais envoyé les documents: oui, dans les premiers jours de février.
    L'enveloppe n'était pas arrivée, ce qui m'avait fait douter de l'adresse que j'avais utilisée.
    J'avais mis notre double des documents à la poste, puis EM nous l'avait renvoyé: entretemps la première enveloppe était arrivée à destination, aux alentours du 20 avril…

    En mai, EM m'avait demandé de modifier quelques réponses sur notre "questionnaire à la clientèle". Le mail commençait par: «Nous traitons les documents réglementaires que vous nous avez fournis et en découvrons quelques particularités relatives à leur format!»
    Je n'y avais pas trop fait attention, imaginant que j'avais rempli certaines cases de façon non orthodoxe, décrivant l'état de ce qui est sans utiliser de jargon professionnel.

    J'ai rouvert mon pdf aujourd'hui. J'ai eu honte. Un vrai torchon, des pages en format paysage et portrait à tourner en tout sens car scannées n'importe comment, des formulaires manuscrits et non tapés (à l'époque je n'avais pas la fonctionnalité pour écrire sur un pdf), etc.

    J'aime beaucoup EM, j'ai eu vraiment honte.
    J'ai tout refait.

    Lire Apocalypse 11-12

    «Terminator, c'est l'Apocalypse. Une femme poursuivie par un monstre enfante d'un père venu d'ailleurs (du futur) un sauveur pour l'humanité.»

    André Paul a écrit un petit livre1 sur la Bible. Il établit un rapport entre Léto et Apocalypse 11. Léto enceinte d'un dieu est poursuivie par le serpent Python. Elle va enfanter Apollon et Artemis. La mer va la cacher et plus tard Apollon va tuer le serpent Python.

    Bref, «L'Apocalypse a une puissante portée mythique.»




    Note
    1 : en réalité il en a écrit plusieurs, donc je ne sais duquel il s'agit. Peut-être Autrement la Bible?
    En faisant cette recherche, je découvre qu'André Paul paraît rendre accessible au grand public les manuscrits de la Mer morte. Plus intéressant peut-être pour "mes" lecteurs, il semble mettre les pieds dans le plat concernant l'image de la famille que se fait l'Eglise.

    Procréation articficielle

    — Je suis contre la PMA [procréation médicalement assistée] parce qu'elle consiste à stimuler hormonalement le corps de la femme pour provoquer le mûrissement de plusieurs ovules en même temps. Ça fiche en l'air tout le mécanisme biologique. Et puis imagine: tu arrives, tu veux un bébé, on t'a fait de la stimulation hormonale, et au moment de ponctionner les ovules, on te demande si tu ne veux pas faire un don d'ovules, pour des femmes stériles… toi t'es pas préparée, tu as peur que si tu dis non on s'occupe mal de toi, tu veux ton bébé… tu dis oui. Est-ce que c'est un consentement mûrement réfléchi? Pire, il y a les embryons: on ne les réimplante pas tous, on les congèle… A qui appartiennent-ils, quel est leur statut juridique si les parents se séparent? Et puis c'est une chose d'avorter, qu'il n'y est plus rien, c'est autre chose de savoir que ton embryon va servir à des expériences… Brrr, rien que d'y penser…
    — Ça ne se passe pas comme ça pour les chevaux. On ne congèle pas, on réimplante. On synchronise les cycles de deux juments et on implante l'embryon de l'une dans l'autre.
    — Mais quel est l'intérêt?
    — Si c'est une jument qui a une belle carrière en compétition, ça évite de l'interrompre ou de la fatiguer. Comme ça, on peut avoir cinq ou six poulains la même année pour une seule jument. Certains sont contre car ils trouvent que ça fait baisser les prix; d'autres trouvent que c'est un bon moyen d'élargir le patrimoine génétique.
    — Le contraire, plutôt, non? Tous frères, tous la même mère.
    — Je veux dire qu'il n'est plus nécessaire que les géniteurs soient locaux, on peut faire traverser la moitié de la planète aux embryons sans déplacer les parents.




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    Le soir je regarde Arte, les trois défenestrations de Prague qui ont été à l'origine de la Guerre de Trente ans.

    Trois mariages

    Ici et là certains se sont plaints de ne pouvoir échapper au mariage royal anglais, d'autres ont écrit qu'ils allaient "tenter d'y échapper".
    Pour mes enfants, aucun problème.

    Moi : Tu as vu le mariage d'Harry et Meghan ?
    Ma fille : Harry? Quel Harry ?

    Deuxième tentative, auprès de mon fils qui rentre des championnats de LoL au Zénith:
    Moi : Harry et Meghan se sont mariés.
    Mon fils : Harry ? Harry Potter ?

    Bon bon. Je suis incomprise. (Mais oui c'est important. La belle-mère est noire. C'est fantastique. Cela aurait-il été possible avant Obama?) Les plus belles photos ici.



    Mais le plus important, vraiment important, c'est que Sheldon et Amy se sont mariés. Le 10 mai, ma TL n'est vraiment pas à la hauteur, personne ne m'a prévenue.
    — Et devine qui les a mariés ?
    — …
    — Luke Skywalker !!
    (La fille de Mark Hamill fait partie des invités).



    (On peut ajouter le mariage de Jean Dujardin. Le jour du mariage royal pour avoir la paix. Génie.)

    ostéopathie

    — Elle t'a tiré l'orteil 1 ?




    Note
    1 : référence subtile à «You are pulling my leg» dans Langelot et les saboteurs.

    Mardi

    Je me réveille avec un sentiment de soulagement: A. va remettre aujourd'hui son mémoire et son dernier rapport de stage. Nous revenons de loin mais we did it ! Je suis fière de nous.

    Il fait très lourd, un temps que je déteste.
    Quatre, presque le même que la dernière fois, mais moi à la nage et Marc au un. Toujours aussi cahotique, impression de se battre contre le bateau. Pas de glisse.
    Dans les vestaires je parle avec Agathe qui était en yolette. Elle non plus n'a pas fait une très bonne sortie: «à l'intérieur mon cœur pleurait», et c'est aussi mon sentiment, bien que je l'aurais exprimé de façon plus optimiste: «si nous avions été quatre de nous cinq, qu'est-ce que cela aurait donné?»
    Deuil de notre équipage de cinq.
    J'envoie un mot à mes quatre complices pour organiser un pot ensemble un de ces jours. Je voudrais en profiter pour leur proposer de rajouter trois ou quatre rameuses à notre groupe pour monter un huit (soyons obstinée).

    Un pot avec Jean-Marc. Il fait une overdose de Vatican II. «Non mais il y a un pape qui dit blanc, et le suivant dit noir en citant le précédant pour assurer la continuité et tout le monde applaudit. Je n'en peux plus de cette hypocrisie.» (Il me fait peur car il prédit après François un pape très réactionnaire. Or quand on voit l'après-Obama…)
    Jean-Marc songe à se convertir au protestantisme. Je lui promets de lui offrir ce jour-là les œuvres de Newman.
    «Tu veux te convertir pour beaucoup de raisons "contre", tu devrais en trouver quelques-unes "pour".»
    Nous disons beaucoup de bêtises et c'est très satisfaisant. (Un de nos prêtres professeur qui serait un "cuir" façon Foucault… Ça me le rend plutôt sympathique (mais il m'était déjà sympathique).)
    Très bon cocktail «St Germain». Presque un Hugo.


    Cours, sans doute le dernier, de liturgie. C'est pratiquement une discussion, un partage d'expériences, structurée par l'histoire et la géographie.

    Pendant des siècles l'accompagnement liturgique [catholique] de la mort allait de la chambre du mourant au lieu de l'ensevelissement (pas forcément en passant par l'église : car on ne faisait pas entrer un mort dans une église (restes des commandements juifs: un cadavre rend impur). Même si à d'autres moments on enterrait les morts dans les églises. Les deux sont vrais).

    Le prof (moine): «Moi je pense que ne pas réfléchir à la mort, c'est un grand danger pour l'équilibre dans la vie. C'est de la vieille sagesse païenne, c'est les Grecs.»

    «P. Gy : recension de quinze pages sur le livre de Philippe Ariès, L’Homme devant la mort (alors que P.Gy écrivait généralement dix lignes).»

    Le cimetière des capucins de Palerme.
    Le corps dont on se débarrasse.
    Les urnes dans les maisons qui rendent fous.
    Les familles qui se ruinent pour des funérailles (en Afrique, selon le témoignage de séminaristes (laissant les veuves misérables)).

    Comment célébrer les mariages et les enterrements ?

    — Mais, désolé, si on se marie moins, on meurt toujours autant. Un peu plus tard, peut-être, mais toujours autant.

    Dîner avec Jean-Marc

    — Non mais, si tous ceux rejetés par l'Eglise, les femmes, les homos, etc, quittent l'Eglise, cela va finir par se voir que c'est un club de mecs qui aiment s'habiller bizarrement.

    Samedi

    Double avec Gwenaëlle. Belle sortie, 14 km. Il fait beau, presque lourd.

    Courses à Carré Sénart (pour des besoins de disque de sauvegarde). Comment avons-nous réussi à faire nos courses le samedi en ayant toute la semaine pour ce faire?
    Mais ça va, pas trop de monde.
    Nous remplissons un de ces caddies qui me fait rire, plein de bières et de boîtes chat. L'insouciance de la jeunesse retrouvée (c'est l'insouciance qui est retrouvée, pas la jeunesse!)

    Je ne sais pas trop où est passé mon temps. J'ai repris quelques billets sur ce blog, il faut mettre à jour le lien des photos disparues depuis mars. Je continue Bonhoeffer, De la vie communautaire.

    Retour en salle

    Comme rarement mais régulièrement (ou l'inverse), je suis retournée en salle de sport, pour calmer ma culpabilité de ne pas aller ramer aujourd'hui (pas eu envie de traverser tout Paris uniquement pour ramer (peut-être que je devrais expliquer que je suis à la maison depuis dix jours pour écrire la dissertation de septième année — dernière année avant le mémoire, dernière dissertation — que bien évidemment je n'ai pas écrite tout en ayant cependant bien avancé, j'ai bon espoir (c'est l'équivalent d'un petit article, trente mille signes)).

    Puisque je reste à la maison je n'irai pas non plus au théâtre voir Beaucoup de bruit pour rien. Après avoir manqué La tempête la semaine dernière pour cause de voyage dans le Perche, ce sera donc une année sans.

    Puis sauna. J'apprends que s'il n'y a plus de louche pour verser de l'eau sur les pierres — ni de seau pour contenir l'eau, ni d'arceau en bois pour protéger l'ampoule — c'est qu'elle a été volée (il y a longtemps déjà. Moi, j'avais pensé que c'était pour éviter les excès, les gens qui versaient trop d'eau sur les pierres).

    Sieste, j'ai trop forcé ce matin. Je mets l'après-midi à récupérer.

    Les prénoms de la jeune génération

    Enola et Timeo
    Maurine et Lilou
    Ethan et Louca (garçon)
    Enzo
    Matt
    Gabin et Camille (garçon)

    Sinon, Barbie a trouvé Ken.
    — A ton avis, c'est quoi son prénom? Kevin?
    — Je trouve qu'il a une tête de Jordan.

    C'était Bryan.

    Aviron et ballet

    H. me dépose en passant gare de Lyon — pas de métro entre l'Etoile et la Défense, je prends le RER jusqu'à la grande Arche pour redescendre le parvis à pied et aller ramer.
    Nous savions que nous serions là toutes les cinq mais sans nous être assez concertées : quel bateau voulions-nous faire étant entendu que nous ne faisions pas de yolette? (deux doubles un skiff, deux skiffs un canoë un double canoë, etc)
    Nous n'avons donc pas pu indiquer un choix clair à l'entraîneur alors que nous n'étions pas toutes arrivées à la même heure (à quelques minutes près — mais le midi c'est important) et nous nous sommes retrouvées dispatchées entre différents bateaux, moi dans un quatre dont je connaissais bien les rameurs mais qui a été particulièrement cahotique, sans hauteur de mains. Sortie décevante, donc.

    Déjeuner au café Beaubourg (plus de coquillettes aux truffes, plat d'hiver, mais une énorme profiterolle) puis palais Garnier pour Anne Teresa de Keersmaeker.

    Regarder de la danse est sans doute ma façon préférée d'écouter de la musique. Ce soir:
    - Quatuor n°4 de Bartok, dansé par quatre jeune filles dans une chorégraphie bondissante et ludique, où les claquements de talons ont leur rôle;
    - La grande Fugue de Beethoven dansé par sept hommes et une femme en chemise blanche et veste noire (la femme ne s'identifie que tardivement). L'art de la chute.
    - La Nuit transfigurée de Schönberg dans un croisement de couples qui courent et tombent et reconstituent le temps en décalant leurs mouvements.

    A ma grande surprise, un couple et une famille quittent la salle durant la Fugue: qu'est-ce qui peut leur déplaire à ce point-là? A quoi s'attendaient-ils, qu'attendaient-ils?

    Quand danseurs et danseuses viennent saluer, je suis étonnée de leur jeunesse.

    Lecture et géopolitique

    Je lis Rahner au soleil, Qui est ton frère?, article de colloque de 1982 qui rappelle combien le style de Jean-Paul II avait déstabilisé la Curie et les théologiens.
    Parmi les intellectuels allemands appartenant à l'Eglise, il y en a beaucoup — disons-le en toute honnêteté — qui estiment que l'actuel pape est bien trop polonais. Mais pourquoi n'aurait-il pas le droit d'être polonais? […] Les «supporters» du Pape (que l'on me pardonne ce terme) devraient ne pas se formaliser de voir un chrétien moins enthousiaste qui, sans pour autant nier la fonction pontificale, fait honnêtement état de ses divergences d'opinion. Cette tolérance réciproque est aussi un aspect de la nécessaire fraternité qui doit régner actuellement à l'intérieur de l'Eglise.

    Karl Rahner, Qui est ton frère ? ed. Salvator, Mulhouse 1982
    Aujourd'hui nous savons que le pape suivant sera (a été) allemand.


    Pour mémoire, Trump a dénoncé aujourd'hui l'accord nucléaire iranien peu après que la Corée du Nord a annoncé la fin de ses essais nucléaires. Tout se passe comme si maintenant que la menace nucléaire s'est éloignée des cotes américaines (l'Alaska), Trump la redirigeait vers Israël et l'Europe.
    Der Spiegel fait une analyse proche, même si plus économique.

    En bibliothèque

    Découvert François Jullien. C'est bien.

    Cours le soir. Gérard Billon, directeur de la revue Cahiers Evangile, pour professeur.
    Quand il cite, j'imagine sa langue de référence: hébreu ou grec? Torah ou Septante?: «Qui est enlevé au ciel dans l'Ancien Testament? Enoch en Gn 5 et Elie en 2Rois 2,11».
    Et je sais qu'il ne s'agit pas tant d'être enlevé, l'action, que de l'usage du même mot, très précisément.

    Les cercles de la fraternité

    Je commente rapidement l'évangile du jour aux enfants (ils sont nombreux, moi qui comptais sur un petit nombre un week-end de pont…):

    «Aimez-vous les uns les autres… Vous entendez souvent cela, mais on ne vous dit pas souvent comment vous y prendre. Evidemment, cela ne concerne pas vos amis et les gens que vous aimez bien, parce que ça, c'est facile. Après, il y a ceux qui vous sont indifférents, dont vous ne pensez rien et auxquels vous ne pensez jamais. Puis il y a ceux que vous n'aimez pas ou que vous détestez, avec ou sans raison. Il y a une dernière catégorie dont on ne parle pas souvent: ceux qui ne vous aiment pas, sans que vous sachiez pourquoi. Ceux-là, c'est bizarre. Je vous conseille de commencer par ceux auxquels vous ne pensez pas, ou pas souvent. Il faut commencer par faire attention: tenir une porte, porter un sac, sourire… Vous avez toute votre vie pour penser aux autres catégories, ce n'est pas si facile, il faut s'entraîner.»

    Et je n'ajoute pas que concernant la catégorie de ceux qui ne vous aiment pas, l'urgent est de ne rien faire, surtout ne rien faire. Attendre et laisser venir.

    Une boucle de cinquante kilomètres

    Réveillée vers minuit vingt. Inquiète. Demain j'ai caté, dans huit jours je dois rendre cette fichue dissert et je n'ai pas lu grand chose. Je me lève.

    Je descends dans la cuisine, me prépare une grande camomille, sors les affaires de catéchisme. Saint Paul. La conversion de St Paul.
    Dans le matériel pédagogique mis à disposition, on m'indique la possibilité de regarder les deux premiers chapitres d'un dessin animé sur Youtube. Je décide de m'en servir, pour une fois. J'ai la flemme pourrais-je dire, ce qui est vrai, mais d'autre part il est possible qu'un dessin animé soit plus efficace que mes récits.
    L'important est de transmettre, tant pis si j'ai l'impression de tricher, de ne pas faire ma part.

    Une heure moins dix (du matin). Le téléphone sonne. Une sonnerie à peine, je décroche. C'est O. J'entends sa voix paniquée. Donc il est vivant (mon cerveau analyse au fur à mesure). A-t-il cassé la voiture? Non, il s'est trompé de branche de RER, il est à Noisiel.
    — Pas grave, j'arrive. Mais il y en a bien pour une demi-heure.
    N19, Francilienne, A4, N19. Je dépose O. à Boissy pour qu'il récupère la voiture, je rentre, me couche et m'endors immédiatement.

    Ce sera Mortagne

    Au matin :




    Il faut reconnaître que A. a choisi une magnifique région pour s'établir.

    Visite le matin d'une chambre à Rémalard. Ça ne nous plaît pas, trop sombre.

    Mortagne-au-Perche. Une ou deux agences, nous donnons notre budget, nous visitons trois lieux. L'un d'entre eux, un vaste grenier de 32 mètres carré au sol nous enchante. A. hésite un peu, c'est à l'étage, l'autre appart est une petite maison avec un étage et un petit jardin.
    Mais ici c'est plus grand. Adjugé.

    J'ai un vrai coup de coeur pour cette ville.

    Rémalard

    A. et C. ont repéré quelques logements à visiter ce week-end autour de Rémalard.
    Nous faisons le déplacement ce week-end en espérant trouver : H. est plutôt pessimiste, persuadé que nous n'arriverons pas à déménager A. dans les temps (à trouver avant la fin de son préavis). Je ne comprends pas ce qui l'angoisse autant, nous avons vécu des périodes bien plus compliquées.
    Départ ce soir pour dormir en chambre d'hôte au bistrot des écuries et visiter dès demain.

    La chambre est bien, mais surtout la cuisine est excellente!

    La chambre donne à l'ouest :



    Grec

    Faire une course un an après l'hernie discale était un peu inquiétant malgré tout (mal au dos par intermittence, peut-être entièrement psychologique). Ostéopathe : tout est OK.

    Départ avec H. pour Paris. J'ai passé le reste de la matinée dans ses locaux pour préparer le grec.
    Cours d'allemand puis de grec (Clément d'Alexandrie, ça change : pas saint, pas père de l'Eglise, mais qui a eu beaucoup d'importance dans la transmission des idées stoïciennes dans le christianime.)

    Dîner au Cassette.

    La course des impressionnistes

    Quitté l'hôtel à six heures et demie en oubliant mes clés dans la chambre… Je m'en suis rendue compte en arrivant au parking, obligée de retourner à la réception, de refaire programmer une carte-clé. J'ai pris du retard. Quand je pense que j'avais pris cette chambre pour être moins fatiguée, pour que ce soit plus cool.

    Vingt-cinq kilomètres sous un ciel magnifique. Nous sommes arrivées deuxièmes, nous aurions pu être premières si je n'avais pas fait une erreur de logique dont j'ai pris conscience après la course et que je ne m'explique pas. Le parcours part dans le sens du courant, puis remonte vers l'amont et termine dans le sens du courant, soit deux virages. Je voulais qu'Anne-Sophie prenne la nage dans la dernière partie, mais ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi j'ai proposé qu'elle commence la course à la nage, qu'on change au premier virage pour qu'Agathe la remplace, pour remettre Anne-Sophie à la nage après le dernier virage.
    Mais pourquoi diable ai-je proposé un truc pareil plutôt qu'un seul changement à mi-course? Mon cerveau a-t-il été séduit par la beauté de la symétrie, d'Anne-Sophie dans le courant et Agathe à contre-courant?
    Nous avons perdu pour une minute, la minute du changement de trop.

    Anne-Sophie est une manager incroyable, toujours prête à dire un mot gentil quel que soit le problème. Entre la crampe de l'une et la pause pour boire comme si nous étions en promenade… j'aurais explosé, mais pas elle: «l'important, c'est que vous ne vous blessiez pas».
    Sur le fond elle a raison, bien sûr, mais c'était une course, bord**.



    Pizza avec l'équipe du quatre masculin puis retour à la maison.

    Le soir H. et les enfants ont voulu aller voir le dernier Avengers: Infinity War. J'aurais imaginé qu'ils auraient pitié de moi mais je suppose qu'ils ne se sont pas rendus compte que je venais de faire une course de vingt-cinq kilomètres en m'étant levé à l'aube.
    A l'inverse, comme je me sentais coupable d'avoir été absente, je n'ai pas protesté et j'y suis allée. Finalement j'avais moins de courbatures que je n'aurais pensé.

    Pluie

    J'ai eu froid toute la journée en bibliothèque. Quel changement par rapport à la semaine dernière. S'il fait ce temps demain, ça ne va pas être amusant.

    Comme demain nous avons rendez-vous à Port Marly, j'en ai profité pour faire ce don j'avais envie depuis un moment : essayer le Citizen M de la Défense.
    Ce n'est pas tout à fait la même déco qu'à Amsterdam.
    Ce n'était pas une bonne idée, j'étais trop stressée à l'idée de demain, j'ai très mal dormie et je n'en ai pas profité.

    Bis

    Et de nouveau ce matin. Dix-huit kilomètres sans m'ennuyer (parce que c'est toujours le défi : est-ce que je vais m'ennuyer ? Bien concentrée avec l'ojectif d'être calée sur la nage, je n'ai pas vu le temps passer).
    Bassin très agité, beaucoup de vent. Ça ne va pas être drôle si c'est ainsi mardi. La seule consolation est que nous serons tous logés à la même enseigne.

    A la différence d'en semaine, le week-end nous avons du temps après la sortie. On prend un café et on papote. La Vogalonga, la peur de la grève d'Air France (—Tu as pris Air France? Nous, on ne prend plus de billet avec eux depuis longtemps. —Il n'y avait pas trop le choix, il y a des milliers de gens qui vont à Venise ce week-end-là), le train de nuit, la difficulté du train de nuit quand on est grand (ou grande): « En Russie, ils font dépasser leurs pieds dans le couloir. Pour aller aux WC, la nuit, c'était chaud.»
    Etc, etc…
    Un beau bateau, une bonne équipe.


    Débriefing BAFA :
    — Tu connais le film Nos jours heureux ?
    — Euh non.
    — Eh bien c'est tout ce qu'il ne faut pas faire.


    Clément est allé donner un coup de main à Claude pour visiter des maisons et appartements. Apparemment c'était une mauvaise idée de donner le préavis pour fin mai. C'est difficile de trouver un appartement.
    Hervé me dit qu'il me l'avait dit. Je ne m'en souviens pas. Je me souviens qu'il m'a demandé si j'avais envoyé le préavis, pas qu'il m'ait dit de ne pas le faire!
    En tout cas, mi-février, le problème était de mettre la pression à Claude. C'est facile maintenant de dire qu'il ne fallait pas le faire. Mais à l'époque, tout était bloqué sur les stages des chiens, et ça n'avançait plus.

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    Deux ans plus tard (2020, confinement) cela paraît sans importance : cela paraît beaucoup plus loin que deux ans. Elle n'a pas eu son diplôme en 2018, en 2019… Elle est à Mortagne, elle vivote.

    Dix-huit kilomètres

    Entraînement à neuf heures. Equipage au complet. Puis démontage du bateau pour le mettre sur la remorque. Vincent a indiqué la stratégie : changement nage-barreur à chaque demi-tour (deux), une qui tient l'équilibre, deux en charge de faire tourner le bateau. Donc Agathe va être la nage la moitié du temps car je souhaite qu'Anne-Sophie soit à la nage les derniers kilomètres: elle apaise le bateau et le cadence. Et elle a un mental d'acier, ce qui est essentiel quand nous serons épuisées.
    Or Agathe ne s'est pas beaucoup entraînée puisqu'elle avait une entorse au genou (enfin, finalement non, plus de peur que de mal. Mais elle s'est moins entraînée. D'un autre côté c'est la plus jeune d'entre nous, elle en a moins besoin à priori).

    Une heure de l'après-midi. Restaurant pour ne pas faire le trajet le ventre vide, Mavrommatis de Passy, retour à la maison.

    Vincent nous a envoyé un extrait de la liste des participants. Dossard 34. Nous ne sommes que trois yolettes de femmes, le plus lent des bateaux: des yolettes et des femmes. (Il y a des yolettes d'hommes, des quatre avec et sans barreurs et des huit, hommes, femmes, mixtes).
    Trois yolettes féminines dont une de l'X. Des jeunes donc, à l'entraînement militaire…
    Bref, je ne suis pas d'un optimisme démesuré. Mathématiquement nous devrions faire le plus mauvais temps ou l'avant-dernier. Tout dépendra du niveau technique des autres.

    Muscles brûlants. Comment dormir ?

    Trois remarques générationnelles

    1 - J'ai affilié une petite fille née en 2018 prénommée Leia.

    2 - J'ai affilié (en CDD) un homme né en 1959. C'est la première fois que je vois l'embauche de quelqu'un si près de la retraite. (J'avais vu des cumuls emplois-retraite, mais ce n'est pas la même chose.)

    3 - J'ai fait une recherche pour comprendre "snowflake" (flocon de neige). Cela fait plusieurs fois que je croise le terme (il y a quelques jours encore, sur la pancarte d'un manifestant américain: "snowflake en colère") et je pensais que c'était une remarque de Trump pour disqualifier des opposants en insinuant que leur résistance était éphémère, comme neige au soleil.
    Pas du tout : cela qualifie la générations des adultes de 2010 (chez nous la "génération Z") que leurs parents auraient élevé en insistant sur le fait qu'ils étaient uniques, une génération très susceptible et moins endurante que les générations précédentes.

    A la nage

    Entraînement le midi, nous sommes trois (Anne et Anne-Sophie). Yann et ?? pour compléter la yolette. Je pense que nous les avons fatigués.
    J'étais à la nage. Ce n'est pas ma place, je me pose trop de questions. «Tu gamberges trop» disait René du temps de ma jeunesse.

    L'art de nommer

    Les noms des groupes scolaires visibles sur le plan du quartier affiché à la sortie Nanterre Préfecture du RER A:

    - Robespierre,
    - Pablo Picasso,
    - Pablo Neruda,
    - Elsa Triolet,
    - Maxime Gorki,
    - Paul Eluard.

    Y a-t-il tant d'enfants à Nanterre Préfecture ?

    Sortie du soir, espoir

    La Seine a beaucoup baissé mais le courant est encore rapide. Les sorties vespérales (à partir de 18h) reprenaient aujourd'hui.

    Trois tours d'île de la Jatte (13 km). Agathe (qui peut ramer une fois par semaine et pas le jour de la compétition, d'après son médecin), Anne, Anne-Sophie, Amandine et moi. Beaucoup d'insectes (je pense aux oiseaux), il fait frais.

    Il se confirme que j'ai mal au dos, une barre au niveau des lombaires. Je veux croire que ce sont les muscles qui travaillent; je redoute que ce soit le même problème que l'année dernière (« une sorte d'entorse », avait dit le radiologue en regardant le scan de mes lombaires, ce qui avait fait tordre le nez au kiné).
    J'avais justement encore quelques séances de kiné sur mon ordonnance, mais ont-elles moins d'un an? Quoi qu'il en soit, je suppose que le kiné n'aura pas de place.
    Tenir jusqu'à la course. Après, tant pis.



    ----------------------
    Agenda
    H. a récupéré les clés de Tours cette après-midi et assisté à la première assemblée de copro ce soir. Le voilà élu.

    Récapitulatif

    Je ne peux saisir l'air du temps. Comment rendre la folie qui s'est de nouveau emparé de la France ? Twitter, FB, les chaînes d'information en continu donnent une impression d'urgence, de catastrophe et de fin du monde à tout moment. C'est fatiguant.

    Le pire est de voir des amis, des connaissances, devenir tout à fait agressifs. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi mes amis homos sont restés amicaux pendant la lutte du "mariage pour tous" sans me réduire à ma dimension catholique — alors qu'eux-mêmes se faisaient insulter par la hiérarchie ecclésiale (pas toute mais quand même, quelle honte quand j'y pense) — tandis qu'aujourd'hui certaines connaissances de gauche perdent toute mesure devant mes positions plutôt conservatrices alors qu'il ne s'agit jamais que de choix qui ne les (qui ne me) touchent pas profondément au quotidien : que les zadistes obtiennent ou non le droit de rester sur les terres occupées depuis des années, que les cheminots conservent ou pas leur statut et leur retraite, que les étudiants soient ou pas sélectionnés, cela ne remettra pas en cause leur vie personnelle (alors que le droit ou pas de se marier devait avoir un impact direct sur la vie des homosexuels et le regard que la société posait sur eux).

    Faut-il voir dans leur virulence la trace de leur incohérence, d'une conscience intime mais non acceptée de la bizarrerie de rejeter la sélection en étant de purs produits de la plus haute sélection (classes préparatoires, grandes écoles)? De la bizarrerie de monter en épingle sur FB ou des blogs la nullité des étudiants en première année de fac (pour faire rire leurs lecteurs, évidemment) pour ensuite réclamer que ces étudiants ne soient pas sélectionnés? De la bizarrerie d'être prêts à condamner leurs enfants ou petits-enfants à payer la retraite de personnes qui auront passé, qui passeront, plus de temps à la retraite qu'à avoir travaillé tandis que la pyramide des âges s'inverse inexorablement?

    S'agit-il de vraies protestations portant sur l'objet des protestations, ou simplement de l'occasion de frondes contre Macron qui les insupporte?


    Récapitulatif disais-je :
    - 17 janvier : abandon du projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (NDLL). Les occupants (illégaux, non propriétaires) ont jusqu'au 1er avril pour évacuer la zone. Le 9 avril, l'évacuation forcée commence. Les journalistes ne sont pas autorisés à être présents : on crie à la censure (mais je pense "Rémi Fraisse").

    Ma position : aucune raison de donner des terres sous prétexte d'un droit acquis par le squattage. Mes contradicteurs arguent de projets collectifs d'agriculture responsable : je ne vois pas en quoi respecter la loi sur la propriété empêche de faire de l'agriculture responsable en déposant des projets individuels.

    - 15 février (à peu près) : la fac de Montpellier est bloquée par des étudiants qui protestent contre la sélection à l'entrée des universités. (Un professeur et un ex-doyen font intervenir l'extrême-droit contre ces étudiants: grave erreur, car si je trouve l'occupation ridicule, je ne pourrai que défendre les étudiants s'ils se font tabasser). Plusieurs universités sont peu à peu bloquées (Toulouse, Tolbiac). Les bloqueurs paraissent minoritaires. Ces minorités découvrent que les réseaux sociaux peuvent jouer contre eux : avant, seuls ceux qui prenaient le mégaphone étaient entendus, aujourd'hui n'importe qui peut twitter : la majorité silencieuse s'exprime, il est possible de connaître son avis. Depuis mi-avril (les vacances scolaires?), les facs sont peu à peu évacuées par les CRS.

    Ma position : je ne comprends pas pourquoi ce sont les étudiants et non les lycéens, voire les parents des lycéens, qui protestent. Je crois qu'il faut de la sélection, qu'il nous faut les meilleurs chercheurs et les meilleurs ingénieurs et les meilleurs écrivains parce que c'est ce qui élève le niveau général d'une nation, en fait son prestige à l'international, c'est ce qui fait des brevets, des emplois; je trouve stupide de prétendre que tout le monde est égal devant les études alors que personne ne le dirait pour du foot, par exemple (tout le monde n'est pas Zidane ou Marie Curie, tout le monde peut jouer au foot ou apprendre la chimie: il s'agit de niveau, eh oui). Mais sans aller jusque là, au premier abord, il me paraît préférable d'admettre un étudiant dans une filière du fait de son travail et de ses aptitudes que par tirage au sort. Le tirage au sort fait perdre deux personnes: celle qui est admise dans une filière qui ne lui convient pas et celle qui n'y est pas admise alors qu'elle lui conviendrait. Admettons que j'ai tort. Il reste que je ne comprends pas que ce soient les étudiants qui protestent et non les parents de lycéens. (Je pense à ma nièce qui passe le bac cette année : quel casse-tête.) Ce point m'empêche de prendre les étudiants au sérieux.)

    - 14 mars : le gouvernement présente un projet de réforme de la SNCF. Les syndicats de cheminots annoncent une grève perlée de deux jours par semaine pendant trois mois.

    Ma position : là en revanche je comprends très bien. Défenses des droits acquis (qui entre nous soit dit ne sont pas remis en cause) et souhait d'emm*** un maximum de monde pour avoir gain de cause. C'est pour moi la définition du caprice: si on se roule par terre dans le magasin en faisant suffisamment de bruit, les parents gênés finiront par céder. Je ne crois pas une seconde à "une défense de l'intérêt général". Sur le fond, la réforme est inévitable puisque la France est tenue par ses engagements européens. Elle est préparée de longue date puisque c'est par cette prochaine mise en concurrence qu'on avait justifié les changements d'horaires de la SNCF il y a quelques années. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? Nous avons tous gagné à la mise en concurrence des opérateurs mobiles, à l'apparition d'Uber. On brandit en contre-exemples les accidents en Grande-Bretagne et en contre-contre-exemple le réseau secondaire allemand. Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, ce serait à tous les Français de protester, pas aux seuls cheminots : visiblement ce n'est pas le cas. Il s'agit bien de la défense d'intérêts personnels, et non de "l'intérêt général".)


    Ajoutons à tout cela (et sans doute est-ce le plus important, le plus préoccupant) la montée de l'antisémitisme : 23 mars, meurtre de Mireille Knoll. Avoir échappé à Drancy pour finir assassinée à 85 ans…
    Et toujours cette logique d'exclusive qu'il faut à tout prix rejeter : si vous combattez l'antisémitisme vous êtes contre l'islam, si vous êtes pour Israël vous êtes contre la Palestine.
    Non.
    Nous sommes pour la raison et pour la paix, même s'il faut se battre pour elles. (Dernière phrase qui me fait penser à un dernier fait de cette période confuse : le 14 avril bombardement franco-anglo-américain des forces de Bachar El-Assad après que des civils ont été gazés).

    Magari !

    — Tu viens avec moi voir les tulipes en Hollande ?
    — Mais enfin maman, tu sais bien que si tu pars d'ici, tu ne reviendras pas.

    Sortie à trois

    Retour à La Défense un samedi : entraînement oblige. Anne, Anne-Sophie, moi. Amandine et ?? pour compléter. Trois tours d'île de la Jatte.
    Mal au dos. Pourvu que cela ne tourne pas comme l'année dernière. Demain seules Anne et moi aurions été disponibles. Nous ne pourrons pas ramer car nous n'avons pas trouvé de rameurs pour compléter le bateau. Tant mieux, ça me laisse du temps pour récupérer.

    Retour de O. Il a fait exceptionnelllement beau cette semaine, il a eu de la chance pour son stage BAFA.

    Exercice 2017

    Conseil d'administration d'arrêté des comptes dans nos anciens locaux. Je laisse la clé de mon ancien bureau que j'avais emmenée avec moi lundi sur la porte.

    Du fait de la dernière loi sur la rotation des commissaires aux comptes, le CAC a changé. En un an, trois personnes sur les cinq avec lesquelles j'aimais travailler sont parties.

    Le syndicaliste administrateur le plus actif n'est pas là: du fait de la grève il ne pouvait réserver son billet SNCF que vingt-quatre heures à l'avance, il a donc préféré ne pas venir. (Mais pourquoi? Pourquoi réserver son billet au dernier moment était-il si problématique?)

    Sortie à cinq

    Pour la première fois nous étions cinq pour nous entraîner. Découvert Isabel. J'ai pris la nage. Je n'aime pas cela, je ne suis pas assez sûre de moi.
    Agathe a une entorse au genou. Elle ne peut plus ramer. Voilà qui répond aux interrogations concernant les changements de barreur.

    H. doit travailler avec les voisins à une solution marketing d'envoi de mails. Je décide donc d'aller voir Dans la brume. Pas mal. J'avais lu des critiques qui disaient que la fin aurait dû être creusée, il serait plus juste de dire qu'il n'y a pas de fin, un peu comme Cloverfield.

    Je m'arrête chez Prêt à manger et ramène soupe et sandwich pour H. et moi.

    Ceci n'est pas un oreiller

    C'est un coussin. Housse arrivée arrivée aujourd'hui.


    2018-0418-oreiller-aviron.jpg


    Nous ne sommes que deux cette semaine à la maison. Comme à chaque fois que cela arrive (de temps en temps maintenant) j'ai l'impression d'entrapercevoir notre avenir, ces grandes pièces vides et silencieuses, la vacance du temps et de l'espace.

    Mangé des galettes bretonnes. Plus rien dans le frigo, je me suis souvenue de cela au dernier moment (la dèche).

    Sortie à quatre

    Je crois que je n'ai pas expliqué que nous préparons une course le 1er mai. Nous nous sommes inscrites en ordre dispersé, il se trouve (coup de chance) que nous sommes cinq, de quoi faire une yolette (pas un quatre car deux rameuses sont peu expérimentées, "perdreaux de l'année"). Nous n'avons pas encore réussi à nous entraîner à cinq, les week-ends par ma faute, j'ai manqué le 7 avril à cause d'un TG, le 8 à cause du caté, le 14 parce que j'étais à Blois, et le 15 le club était fermé. En semaine c'est plus varié, cela dépend des réunions et obligations de chacune. Aujourd'hui c'est Agathe qui manquait. Catherine prise en remplacement a barré toute la sortie, Anne-Sophie à la nage, puis Anne, Isabel, moi. Sortie puissante à base de "pyramide" (exercice d'endurance).
    Mon ambition est de ne pas arriver dernières.

    J'ai l'impression d'une certaine hostilité de l'encadrement du club, j'ai l'impression que cet équipage féminin inattendu dérange (mais après tout, il ne fallait pas nous proposer de nous inscrire si un bateau n'était pas souhaité) sans que je comprenne pourquoi. Pure paranoïa de ma part?
    Marin a fait une étrange remarque sur les bateaux de filles, sous-entendant quoi exactement? que nous papotions? que nous nous disputions? Voilà qui va totalement à l'encontre de mon expérience. J'ai le souvenir d'un "collectif" (esprit d'équipe, effacement des personnalités) très fort et d'une grande concentration. Le but commun avant le vedétariat.

    J'aime le moment où le bateau ne fait plus qu'un. C'est ce que je préfère, le plus difficile. J'aimerais réussir cela en huit.

    Emménagement

    RER à Boissy. J'appuie sur toutes les touches de la télécommande, il y en a quatre. Le portail finit par s'ouvrir, puis la porte du garage, mais je ne sais pas en réponse à quel bouton. Même interrogation une fois dans le garage : il me semble qu'Antoine a dit que sa place était en face de la porte… on verra bien. Je me glisse entre un pilier et un énorme 4x4 Audi : c'est bien simple, on ne voit plus ma toute petite voiture (deux voitures de kéké dans deux styles différents).
    RER, extrémité de ligne, je suis assise et c'est plutôt vide, c'était le but. Direction Nanterre Préfecture pour l'emménagement dans les nouveaux locaux.

    Je suis seule. (J. est à l'enterrement.) Je ne participe pas au jeu de piste, j'ai déjà donné. Je passe la matinée à déballer les cartons, à mettre de l'ordre. C'est très neuf, très propre, très clair et je me sens très déprimée, perdue au milieu du grand tout. Je pense à cette analyse d'un architecte-urbaniste (impossible de retrouver la référence, c'était un Point-Seuil emprunté à la bibliothèque Malraux, un livre très intéressant sur la façon culturelle d'organiser l'espace) qui mettait en vis-à-vis l'attitude des Américains et des Allemands face à une porte de bureau : pour un Américain, une porte fermée est le signe que vous avez quelque chose à cacher, pour un Allemand une porte ouverte est le signe que vous n'êtes pas concentré, que vous ne travaillez pas.
    Je suis un mix : j'aime une porte ouverte (ou un trou béant), mais entourée de murs. Je vis cette obsession du plateau ("open space") comme une bête copie des USA, qui ne réfléchit pas au fait, par exemple, que la productivité française est bien meilleure que l'américaine. Et ce n'est pas parce qu'on baptise quelque chose "Campus" qu'on se retrouve avec le succès de Google… Ça m'agace. Je suis agacée.

    L'après-midi s'avance, je vois arriver mes voisins. Je suis si bien ancrée dans mon désespoir que je n'ai pas le réflexe d'aller me présenter — et ils ne viennent pas me voir. C'est peut-être une erreur, c'est sans doute une erreur, pour plus tard. Fatalitas, ce sont des bavards, surtout une : elle jacasse très fort pour fournir très peu d'informations. Comment vais-je pouvoir travailler ici? quelques difficultés à me concentrer sur la relecture du rapport annuel par les CAC.

    Je fuis littéralement les bureaux à quatre heures et vais voir Red Sparrow, pour Jennifer Lawrence, bien sûr. Pas mal. A la fois trop elliptique et trop classique, mais plaisant. Pas un hasard que le méchant ressemble à Poutine. J'espère que nous irons le revoir en famille.

    Je rentre. Je ne sais pas trop comment récupérer ma voiture. Je passe directement par la porte du garage. J'étudierai demain comment passer par le hall de l'immeuble. (A chaque jour sa découverte, son progrès.)


    PS : pour mémoire, c'est aussi le jour de l'emménagement du Palais de justice dans ses nouveaux locaux place de Clichy. La ligne 13 ne va jamais suffire…

    Printemps

    Flemme d'aller ramer.

    Sorti la table de jardin. Premier repas sous le sapin (premier depuis deux ans : l'année dernière la pelouse était en train de pousser : nous avons passé l'été sur la terrasse).

    A. est là. O. est parti en stage une semaine pour son "appro BAFA" (stage d'approfondissement). Il a eu un train (pour Le Creusot) malgré les grèves.

    Vieillir

    Sur FB ce matin. C'est tellement ça. Comme le temps est immobile.


    «Dans deux ans, 1990 sera passé depuis trente ans. Quand je pense "il y a trente ans", je pense à 1970.»


    2018-0414-il-y-a-trente-ans-1970.jpg



    (Pour moi, le plus bizarre a été de tomber sur la phrase : « le mur de Berlin est détruit depuis plus longtemps qu'il n'a existé ».)

    Tours

    Il fait beau. Visite du chantier, qui n'est quasiment plus un chantier, si ce n'est la terre dévastée de la future pelouse. Trois très beaux et très grands pins. Nous identifions tant bien que mal l'appartement à partir du plan sur le téléphone de H.: voilà, celui-là au sud, au milieu.
    Nous faisons le tour, je pousse la porte du hall, elle cède, couloir, porte de l'appartement, même manège, nous sommes "chez nous".

    Les murs sont très blancs (c'est étrange cette désaffection pour le papier peint, c'était drôle à choisir pourtant, un peu kitsch), je plains les futurs locataires: jamais ils ne pourront rendre un appartement dans un tel état de blancheur. Les WC sont aux normes handicapés, immenses, de quoi mettre une table à langer ou des étagères ou la machine à laver (mais sans arrivée d'eau) (il n'y a pas tant d'handicapés en France et un doute me prend: serait-on en réalité en train de préparer la grande dépendance qui va envahir la France dans vingt ans?), l'une des chambres est minuscule, le salon-cuisine est un seul grand carré, il n'y a pas de "coin" cuisine, l'évier est simplement posé là, sur un côté.
    Ce qui me surprend le plus, ce sont les prises internet directement incluses dans les murs. Un ouvrier est en train de balayer la terrasse. Nous discutons un peu. Tout cela paraît de bon augure, propre, net, sérieux.
    Je me rend compte que j'aurai du mal désormais à vivre dans si peu d'espace. Je me suis habituée à avoir beaucoup de place.

    Brasserie, notaire, signature. Statue de Galilée dans le hall de l'immeuble du notaire (mais pourquoi?)

    Emplettes, comme chaque fois que nous sommes tous les deux. H. veut remplacer sa valise cabine. Fou rire: —Mais on ne peut pas, le coffre est plein! —Pas grave, je la garderai sur les genoux et on laissera la vieille chez mes parents. (De l'inconvénient de voyager en cabriolet).
    Eau de toilette, valise cabine, lingerie (comme la dernière fois à Tours), recharge de stylo, encore une casquette pour remplacer la précédente perdue, ceinture, boutons de commode en mosaïque bleue.

    Repas au Mao, un quart d'heure pour réorganiser le coffre. Levée de la Loire au nord, décapotés dans la nuit qui tombe. Il a fait beau.

    Speed

    J. toujours si sereine est décomposée ce matin : suicide d'un neveu de vingt-cinq ans. Elle ne sait pas si elle sera là lundi.

    Mail du notaire (d'une salariée de l'étude : est-elle notaire, peut-on être salariée notaire (dans la mesure où l'on ne peut être salarié avocat : est-ce la même chose?) pour s'inquiéter de ne pas avoir les fonds : la signature qui doit avoir lieu demain ne pourra pas avoir lieu sans cela.
    Quelques coups de fil assez énervés de ma part (cette fille est injoignable depuis janvier et fait preuve d'une désinvolture exaspérante) et quelques mails plus tard, le malentendu est démêlé et le nécessaire est fait. Heureusement qu'à l'inverse notre banquier est réactif.
    Et la honte d'être si énervée pour quelque chose de si futile devant la peine de J.

    Je termine les rapports annuels à relire pour le conseil d'administration du 20 avril. Je ne comprends pas ce que j'ai fait depuis le 26 mars (comité d'audit), ils pourraient être écrit depuis longtemps. J'ai perdu mon temps, mais à faire quoi?1
    Mise en carton de mes affaires personnelles, du clavier, des câbles, de la souris. Je ne reviendrai plus ici.

    Allemand. Toujours Tillich. Au détour d'une phrase à traduire, nous apprenons que les professeurs protestants insistent pour appeler les premiers chrétiens les «sectateurs du Christ»: une façon d'insister sur l'origine juive de Jésus (ce qu'on appelle "la troisième quête du Jésus historique": celle qui essaie de le remettre en perspective dans son époque, avec la lente et confuse séparation du reste des juifs dans le contexte del'occupation romaine).

    J'apprends, ce qui m'enchante, que l'IPT héberge les orthodoxes de St Serge car l'institut orthodoxe est en travaux. Que c'est beau l'œcuménisme (car si la volonté de s'entendre est réelle, c'est un vrai travail. Dès qu'un sujet de controverse affleure, il faut voir les sourires se figer. Chacun prend sur lui pour expliquer la position de son Eglise, pour prendre la peine d'écouter son vis-à-vis. C'est une belle leçon que d'assister à cela).

    En bibliothèque pour préparer le texte grec (que j'ai retrouvé en farfouillant dans mon bazar. Il va falloir ranger un jour). Là encore, qu'ai-je fait de mon temps? J'avais une semaine supplémentaire pour le préparer. Cela devient problématique d'être à ce point désorganisée. Je me rends compte que j'ai malgré tout fait quelque progrès, je vais plus vite. J'aurais pu tenter de traduire Jean sans dictionnaire, mais c'est aussi dû au fait qu'il me soit si familier en français.

    Il pleut. H. m'attend rue d'Assas. Nous partons pour Tours. Le coffre est plein avec deux malettes cabines: je garde mon cartable sur les genoux. Sandwich et café sur l'autoroute, pluie, nuit noire. Hôtel.



    Note
    1 : je m'en suis souvenu les 25 et 26 avril. Je n'avais pas perdu mon temps, simplement mal (pas) géré mes priorités. J'avais avancé pour ne pas dire terminé la liasse fiscale et le dossier annuel pour l'ACPR parce que je n'avais pas envie de me mettre à la rédaction des rapports pour le 20. Ce qui était un désavantage le 12 s'est révélé un avantage le 25…

    Theo Lawrence & the hearts

    Deuxième entraînement. Sortie à quatre, sans Isabel (il en manque toujours une). J'ai découvert qui était Anne (que je connais bien, en fait : elle ramait le midi jusqu'à ce que son entreprise déménage. Maintenant elle vient le soir et le week-end. Je comprends mieux pourquoi Vincent ne les a pas laissées faire du quatre le week-end dernier: Anne-Sophie et moi sommes de loin les plus expérimentées des cinq. Agathe et Isabel n'ont que quelques mois derrière elles, Anne un ou deux ans). Toujours beaucoup de courant. Moins de vent, c'est beaucoup plus facile.

    Rendez-vous avec Antoine et Sarah chez Ladurée : il me donne les clés et le bip de sa place de parking dont il n'a pas l'utilité pour l'instant. Voilà de quoi survivre à la grève dans les trois mois à venir, nous pourrons nous garer au bout de la ligne A qui appartient à la RATP (comme la B) et non à la SNCF (comme les C et D).
    Je papote une petite heure. Apparemment H. se serait engagé à aller aux US cet été rendre visite aux parents d'Antoine, tant et si bien que ceux-ci sont en train d'économiser leurs jours de vacances pour nous recevoir…
    Antoine est un peu gêné d'apprendre que je ne suis pas au courant. Je tente de le rassurer en lui expliquant que cela n'a pas d'importance, que d'une part je n'ai pas besoin d'un long préavis, d'autre part ce n'est pas encore décidé (c'est pour ses parents que je suis embarrassée: s'ils sont en train de réduire les jours passés avec leur fils en prévision de notre venue, je serais gênée de ne pas y aller.)

    Après avoir écouté Rebecca Manzoni sur France Inter un matin de mars, j'avais pris quatre billets pour Theo Lawrence & the hearts aux Etoiles.
    Bien entendu, cela devient une habitude, je me suis retrouvée avec un billet sur les bras, H trop fatigué pour venir. Cette fois-ci C. a trouvé un candidat (une candidate en l'occurrence) pour venir avec nous.
    Soirée agréable. Evidemment, comme nous ne connaissons pas les paroles, toutes les chansons tendent à se ressembler dans le rythme de la batterie et du clavier. Très belles guitares. Je suis handicapée par mon arythmie, je me demande ce qu'entendent les autres.
    — Mais après tout, peut-être que je le fais exprès mais qu'en fait j'entends très bien. Je fais exprès de faire semblant de ne pas entendre le rythme pour vous faire rire.
    — A un moment je me suis posé la question, mais c'est trop incroyable ce que tu fais. Ce n'est pas possible.
    — ??
    — Mais c'est comme lire ! Une fois que tu sais lire, tu ne peux pas t'empêcher de lire ! le rythme, c'est pareil.

    Le père de Camille collectionne les clarinettes en métal.

    Nous rentrons, non sans nous être disputés sur la grève SNCF (C. défend les cheminots.)

    Premier entraînement

    Fait le choix de partir très tard (RER de 10h43) de façon à éviter la foule (car c'est la grande désorganisation). Je suis donc arrivée à peu près à l'heure pour aller m'entraîner à l'aviron… (sans cet entraînement, j'aurai travaillé à distance).

    Nous sommes trois de l'équipage prévu le 1er mai : Anne-Sophie, Agathe et moi (Florent et Gilles en complément). Soleil mais énormément de vent. Bonne sortie mais compliquée. Même barrer est difficile par un vent pareil. J'ai pris un petit coup de soleil.



    Deux cours à la même heure ce soir car celui de lundi a été déplacé : commentaire de Romains et liturgie. Je pensais aller sagement au premier — puisque le deuxième est optionnel — mais j'ai changé d'avis en choisissant le cours qui m'apportait habituellement le plus.

    Rite de la confession selon le catéchisme de Pie X (pour commenter la tradition et son évolution).
    Puis rite des funérailles. Avec mes deux enterrements en un mois, cela a des résonnances personnelles.


    Problème du rite :
    Si on personnalise, on risque de tomber dans la personnalisation, l'hommage au défunt, et non pas la célébration du mystère pascal.
    Mais si on refuse, on risque de se faire accuser d'être hors du monde, hors de la vie.


    L'importance de la ritualité : indispensable, oubliée, et pourtant elle revient toujours. Les gens passent leur temps à inventer des rites (pour se saluer, pour manger, etc)

    Foulard et féminisme

    2018-0410-Jesus-comment-j-ai-sauve-le-monde.jpg


    — Tu vas vraiment aller au catéchisme avec ce tee-shirt ?
    — Je ne sais pas. Tu crois que je ne devrais pas? [Il est chef scout, il s'occupe des 11-14 ans, je considère qu'il en sait plus que moi.]
    — Tu me demandes ça à moi? Tu as élevé des enfants, pas moi!
    — Oui, m'enfin quand je vois le résultat, je ne suis pas une référence.
    — Mais maman, JE SUIS le résultat, donc ne me demande pas conseil!

    Et in petto, je pense «Mes enfants m'ont battu, mes enfant m'ont battu.1


    Cathé. Je suis censée parler de la joie de la résurrection. Je ne sais pas trop comment faire cela. Je raconte la peur des disciples, je commente l'évangile du jour. Je parle de la Trinité. J'explique la différence entre catholiques et chrétiens, les grecs et les latins, l'éclatement de l'Empire romain.

    Une chose en entraînant une autre, je me retrouve à faire un cours de féminisme : sur un dessin représentant Pierre arranguant la foule, les enfants remarquent le foulard des femmes. Question d'une petite fille: pourquoi ce voile ? Réponse: en signe d'obéissance.
    Ils me regardent. Je souris :
    — Vous savez, se couvrir la tête, c'est quelque chose de courant. Ça existe aussi chez les chrétiens, les coptes en Egypte, par exemple. Les coptes qui sont persécutés… mais aussi dans l'est de l'Europe. Ou même vos grands-mères… quand elles étaient petites elle n'entraient pas dans une église sans quelque chose sur la tête… ou si vous voyez des photos de femmes qui rencontrent le pape: elles ont un voile sur la tête.
    — Mais pourquoi obéissance ?
    Je prends ma respiration et je demande aux filles : «Pouvez-vous me donner la date de naissance de votre mère ?»
    1974, 1975, 1983… J'écris au tableau.
    — Je ne me souviens plus de la date, mais c'est à peu près depuis la naissance de vos mères [j'entoure 1974, 1975] que les femmes en France ont le droit de travailler sans demander l'autorisation de leur mari et d'avoir leur compte en banque. Ça n'a pas d'importance tant qu'on s'entend bien, mais avoir son argent à soi, c'est pouvoir partir si on le souhaite. Donc vous voyez, ça ne fait pas si longtemps.
    Et je conclus en les regardant : c'est pour ça, les filles, que c'est un peu bizarre de vous voir en rose avec des paillettes. Battez-vous, il y a encore du travail !




    Note
    1 : Talmud de babylone : Bava Metzia 59b. […]
    Rabbi Eliezer finit par faire appel à Dieu pour soutenir sa thèse, et une voix divine affirme qu’il a raison. Les Rabbins rétorquent « Ce n’est pas au ciel, » ce qui est interprété comme disant que puisque Dieu avait donné la Torah aux humains et puisque la Torah dit que nous devons toujours suivre l’avis de la majorité (Exode 23 :2), nous ne devons pas faire attention à la voix divine si elle va à l’encontre de la majorité ! La fin de cette extraordinaire histoire est qu’à ce moment Dieu a ri de joie, disant « Mes enfants m’ont battu, mes enfants m’ont battu. » (Talmud de babylone : Bava Metzia 59b).

    Agamben et Bartok

    TG sur Saint Paul vu par Agamben. Le temps qui presse. Cela ressemble tant à Jacob Taubes. Constaté avec surprise que cela désarçonnait profondément mes compagnons de cours (au point que dans un autre TG les élèves ont refusé d'étudier le texte et ont parlé d'autre chose!) alors que cela m'est si familier. Je regrette d'avoir perdu ce début d'expertise, j'aimais lire cela.


    Le soir, Le château de Barbe-Bleue à l'opéra Garnier : depuis que je l'avais entendu il y a quelques années au théâtre des Champs-Elysées, je voulais y emmener H.
    Ce fut très différent dans la mise en scène, avec utilisation de la vidéo omniprésente jusqu'à en devenir gênante (c'est souvent le cas désormais). Beaux jeux de couleurs.
    Je dois avouer que c'est surtout la deuxième œuvre qui m'a fascinée : la Voix humaine de Poulenc, une demi-conversation téléphonique, à laquelle je ne m'attendais pas, que je n'avais pas remarquée sur le programme. Epoustouflant.

    --------------------
    Le château de Barbe-Bleue :
    le duc Barbe-Bleue : John Relyea Judith : Ekaterina Gubanova

    la Voix humaine :
    Elle : Barbara Hannigan

    direction musicale : Ingo Metzmacher
    mise en scène : Krysztof Warlikowski
    décors et costumes : Malgorzata Szczesniak
    lumières : Felice Ross
    video : Denis Guéguin
    chorégraphie : Claude Bardouil
    dramarturgie : Christian Longchamp

    Pas grand chose

    Ramé, ce qui fait donc trois jours de suite. Je suis fatiguée.

    Je ne verrai pas la fin d'Espion lève-toi car le temps de la location a expiré et je n'ai pas envie de remettre de l'argent pour cela. J'ai enchaîné avec Arnaque à la carte : c'est nul mais d'une certaine façon addictif.

    Reconnecté FB après deux semaines à peu près et viré GC, insultant depuis des mois. Page tournée.

    Lire Paul, Romains 5,12-21

    «Il faut lire 4 Esdras et 2 Baruch. Vous les avez dans la TOB1. Ce sont les deux plus classiques des apocalyptiques juives, écrites vers 70, après la chute de Jérusalem. C'est indispensable pour comprendre le Nouveau Testament qui baigne dans l'apocalyptique.»

    (L'épître aux Romains est écrit dans les années 50, mais il y avait d'autres apocalyptiques connues.)


    Je vous mets du vrac de notes de cours, sans les extraits de nombreux textes lus entretemps, parce que tout me paraît intéressant et que le temps est court.

    Homère et Hésiode : les mythes.
    Les présocaratiques, les physiocrates : contre les mythes.
    Donc comment continuer à lire les mythes ? Elaboration de l'allégorie.

    Hésitation des anciens devant la Genèse : un mythe ou de l'histoire? Adam réel ou symbole de l'humanité ?
    Adam personnage collectif : chacun est Adam pour lui-même (2 Baruch 54,15).

    Les Septantes : traduisent Adam par "anthropos" dans les premiers versets (traduction de l'hébreu), puis par "Adam" quand Dieu lui parle. Mais en hébreu, toujours "homme", avec ou sans article.
    En hébreu, "descendants" se dit "semence" : Adam contient toute sa descendance dans ses reins.»

    La vie grecque d'Adam et Eve.
    La convoitise (epithumia) est à la source de tout péché. (Nb 11)
    Sans la loi, Adam n'aurait pas péché.

    Paul tente de rétablir l'équilibre : schématiquement les Grecs sont du côté du péché et les Juifs du côté de la loi. Donc Paul introduit de la loi du côté grec et du péché du côté juif. Evidemment ça crée du flou.

    La multitude : hébraïsme pour dire tous.

    verset 19 : obéissance / désobéissance. Paul considère la vie chrétienne comme une obéissance.

    verset 20 : retour de la loi. Pour que prolifère la faute. La loi est intervenue (pareisêlthev = c'est le mot utilisé pour les espions dans ??).

    Le même propos que précédemment, mais à la dimension de l'histoire. Adamologie. La christologie de Paul est une christologie sapientielle et adamique. Attention à une johannisation de Paul. Il n'y a pas d'incarnation chez Paul. Sa christologie est adamique. Même dans Philippiens 2.

    Note
    1 : traduction œcuménique de la Bible. La branche protestante n'a retenu que les textes connus en hébreu à l'époque de Luther, la Bible catholique contient davantage de textes (les deutérocanoniques) et les orthodoxes plus encore : la dernière édition de la TOB présente tous les livres, y compris ceux retenus par les orthodoxes.

    ————————
    Agenda
    Reçu un doodle pour organiser les entraînements pour la course des Impressionnistes (1er mai). J'insiste donc pour faire une yolette avec Agathe puisque nous devons ramer un maximum entre nous. Vent et courant mais le niveau a encore baissé.

    Grève : départ à 6h20 en voiture. ligne 14 à Grande Bibliothèque. Ligne 1. Arrivée au bureau à 8h20
    RER A aux Halles à 22h36. (Pas de RER D). Boissy St Léger. Voiture. A la maison à 23h20.

    Lundi de Pâques

    Personne au club. Franz m'a autorisée à sortir en fun skiff. La Seine a descendu d'une vingtaine de centimètres en deux jours, l'accès au ponton se fait à pied sec. Pas de vent, un bassin très lisse.

    Fini Une étrange affaire. 1981. L'année Mitterrand.
    Le 7e juré. La France en 1962. Comme dans Le dossier noir, la pression de la bourgeoisie de la ville. Quelque chose de flaubertien.
    Commencé Espion lève-toi sans aller jusqu'au bout. Rappel d'une autre période de terrorisme en Europe. Comme dans Un papillon sur l'épaule, confusion et difficulté à donner un sens aux événements : les années 70, 80?

    Reçu un coup de fil d'un"rameur du week-end" (au club il y a les rameurs du midi (qui travaillent à la Défense) et les rameurs du week-end (qui habitent à Neuilly) : deux mondes) qui relance le projet de la coupe des dames. Je suis intérieurement sarcastique (ah tiens, les rameuses du week-end répondront-elles à un appel de l'un des leurs quand je n'ai pas réussi à les intéresser?) mais lui fais bon accueil : participer à cette course m'intéresse davantage qu'avoir le titre d'organisatrice.

    Vincent est à la maison pour deux ou trois jours. Il est arrivé assez tôt à cause de la grève de demain. H. et Vincent ont pris Guillaume en stage et c'est étrange de prendre en stage quelqu'un qu'on a vu naître et grandir (caprices compris). Il faut oublier tout ce qu'on sait de lui par ailleurs pour faire face à la personne désormais adulte.

    Pâques

    — Mais tu es là ! Tu n'es ni en cours, ni au caté, ni à l'aviron, ni à la messe …

    J'ai fait sauter les plombs en branchant mon ordinateur. Ça m'inquiète.

    «Ce n'est pas en nous que ça tourne pas rond. C'est autour de nous.» (Un papillon sur l'épaule)

    Vu sur Twitter (excusez-moi : habituellement je mets cela sur FB, mais je me suis déconnectée depuis une dizaine de jours pour protester contre l'affaire Cambridge Analatyca) :


    Tweets 1 et 2

    2018-0401-vert-pomme-fourrure.jpg   2018-0401-heron.jpg



    3

    2018-0401-cravache-decathlon.jpg






    Le dossier noir : extraordinaire scénario.

    Les six derniers kilomètres de Pékin à Montgeron

    Un paquet est arrivé chez nous il y a une semaine (ou dix jours, nous n'allons pas souvent relever le courrier). Il n'était pas pour nous : même numéro, même rue, mais dans la ville voisine.
    Je voulais le remettre dans une boîte aux lettres, mais selon H. il avait été amené par un transporteur (donc non timbré). J'ai décidé de le porter moi-même à la bonne adresse.
    — Mais pourquoi tu t'embêtes? On l'ouvre et on le garde ou on l'ouvre et on le jette, a dit H. après des recherches sur Google maps pour tenter en vain de trouver une photo de l'usine chinoise d'où venait le paquet à partir des indications sur l'emballage.
    — Ecoute, il a traversé la moitié de la planète, ça m'ennuie que ce soit pour rien. Echouer si près du but…

    Ce soir, peu avant minuit, un spider rouge s'est donc arrêté devant un pavillon des années 50 à la porte entourée de carreaux blancs vernissés. Assis sur le perron sous la véranda, quelqu'un fumait, une bouteille de bière à la main.
    Une femme en manteau rouge est descendue de la voiture, a tendu le paquet à travers la grille :
    — J'habite la même adresse que vous, mais à Y…, a-t-elle dit.
    La fumeuse, un peu hésitante, a tendu la main :
    — C'est original.

    Un coup de fil de Joseph

    Mon oncle a appelé pour confirmer qu'il viendrait en juillet.

    — Est-ce que tu as invité Marion ? parce qu'elle ne fait plus partie de la famille.
    — Non, je ne l'ai pas invitée. Je pense que maman n'a pas envie de la voir.


    Plus exactement, je crois qu'elles sont à couteaux tirés, mais je ne l'ai pas dit à Joseph. Mais il doit le savoir.

    J'ai alors soudain compris que j'avais évité une gaffe monumentale : cela aurait été également les cinquante ans de mariage de Joseph et Marion — sauf qu'il ont divorcé il y a plus de vingt ans.

    Triste nouvelle

    Hocq est mort mardi. Je l'ai appris presque par hasard, par un collègue.
    La mort rôde.

    Soleil et lapsang souchong

    Seine à neuf cents mètres cubes par seconde. C'est sans doute parce qu'il fait moins froid que nous avons été autorisés à sortir. Le soleil ramène les rameurs : quatre yolettes à midi.
    Moi à la nage, Jean-Charles au un ; entre les deux Jean-Claude et ??. J'ai mal ramé, je me suis laissé imposer la cadence par les nouveaux de l'année.

    Thé et repas chez Mariage ; allemand.
    Nous continuons à traduire Tillich. Huit étudiants dans la salle, huit phrases traduites en une heure et demie. Le croirez-vous, c'est plaisant, sauf pour l'Autrichienne bilingue et le Berlinois quasi bilingue qui s'ennuient.

    Novalis et Schelling, le romantisme et l'idéalisme, ont beaucoup joué sur ding / unbedingt, la chose et l'inconditionné (ou l'inconditionnel selon les contextes), in-chos-éifié, «une étymologie fantaisiste comme Heidegger en construira tant».
    «Si vous voulez en savoir plus, lisez la conclusion d'un de mes ouvrages. — Vous voulez dire votre thèse ? — Oui, Au commencement la liberté. Mais inutile de lire les cinq cents pages, la conclusion suffira.»

    Le soir je termine Jerry Maguire et je revois Indian Palace. Je songe à Kipling en regardant les images et en écoutant la voix off de Judi Dench. Quel étrange sortilège lie à jamais anciens colonisateurs et anciens colonisés, fascinés l'un par l'autre.
    La jeune indienne sera l'actrice de Sense 8.

    Finance et théologie

    Les deux notes de ma journée.

    Comité d'audit annuel puis une conférence très technique de Vincent Hozler sur la foi trinitaire. (Elle sera sans doute en ligne dans peu de temps).

    Citations patristiques (Irénée, Augustin), scolastiques (Anselme, Thomas), contemporaines (Barth, Urs von Baltasar, Rahner). Elaboration intellectuelle de haut vol autour du caractère testimonial et dialectique de la foi trinitaire.

    Je retiendrai simplement : se méfier de la voie courte de l'analogie. «Je préfère la voie longue de la dialectique, plus longue et plus périlleuse.»

    Je sais que c'est très vrai dans mon cas : il y a une paresse à se débarrasser d'un problème par une image, un parallèle, une analogie, plutôt que passer par le long détour de l'observation et du commentaire. Lire et mûrir.

    N'empêche que tout cela est très complexe. Est-il vraiment utile de se tordre ainsi les méninges sur des sujets où quoi qu'il en soit nous ne pourrons pas mener d'expériences pour valider ou invalider nos thèses?
    J'en discute avec Jean-Marc en sortant. Il en ressort deux axes : d'une part cela permet tout de même de clarifier ce qui n'est pas vrai, ce qui ne peut être soutenu. Ce n'est pas parce que ce n'est pas vérifiable en élaborant les conditions d'une expérience que ce n'est pas vérifié dans l'existence (dans l'expérience vécue, celle qui survient). Tout n'est pas vrai, certaines propositions peuvent être résolument écartées, avec certitude : lire et réfléchir permet de savoir lesquelles avec décision. D'autre part cela dépend des personnes avec qui l'on discute. Mon entourage est généralement curieux, bienveillant, il lui convient mieux de faire appel aux récits et à l'affect. Avec d'autres qui tendent à vous prendre de haut sur le thème «je ne crois pas à ces racontars de bonne femme», il est bon de prouver qu'il y a derrière tout cela une solide et très fine réflexion philosophique et anthropologique.

    Le comité d'audit s'est terminé si tard que je n'ai pas eu le temps de dîner avant la conférence. En sortant je vais prendre un mojito et manger des cacahuètes.

    Encore des doubles

    Matin
    Liturgie des Rameaux : depuis combien de temps n'avais-je pas assisté à cette messe ? Longtemps sans doute, car je découvre (comment est-il possible que je ne le découvre que maintenant? Sans doute suis-je devenue très sensible à la forme de la liturgie) qu'il se lit ce jour-là deux évangiles, le récit de l'entrée victorieuse à Jérusalem (les Rameaux) et le récit de l'arrestation, du jugement, des brimades, de la crucifiction et de la mort.
    Trente-cinq minutes suffisent à illustrer la versalité de la foule, des acclamations enthousiastes à la mise à la mort. Quel raccourci.


    Catéchisme. (Je ne peux m'empêcher de commenter les lectures, de m'assurer qu'ils ont compris ce qui s'est passé: vade mecum de la protestation minimale. Ne pas hurler avec les loups («si vous n'êtes pas d'accord, partez. Il ne faut pas forcément dire quelque chose, ça ne sert à rien de se faire tabasser. Mais si vous n'êtes pas d'accord, partez. Ne soyez pas complices.»)
    Le thème du jour est le juste (six illustrations : Blandine et les lions, Chambon-sur-Lignon, Martin Luther King, les moines de Tibririne, le père Popielusko et Albeiro Vargas que je découvre). Triste coïncidence, j'évoque Arnaud Beltrame.


    Après-midi.
    Trente ans de la Fondation Gan pour le cinéma. Il y avait des places à gagner. Pour multiplier mes chances je me suis inscrite à plusieurs séances. Je me retrouve donc avec deux fois deux places, et comme hier, je suis seule.

    L'année suivante d'Isabelle Czajka. Anti-film, sans événement, pendulation dans la banlieue sur fond de magasins entrepôts.
    Le spectateur attend. Il attend qu'il se passe quelque chose. Le professeur de français, le moniteur de tennis, l'agent immobilier : un premier amour? Et puis non. La pièce de théâtre, un succès, quelque chose? non plus. Une amie qui part pour l'été. La perte du sac avec les affaires du lycée, un déménagement. Et puis l'âge adulte, sans emphase.
    Film très impressionnant par sa maîtrise de la temporalité qui passe par les paysages, la disparition du paysage absorbé par les magasins entrepôts. Le temps vu à travers les saisons et les vêtements.

    Anaïs Desmoutier et Ariane Ascaride après la séance soulignent le parti pris délibérément anti-hystérie du film. La banlieue est le lieu où l'on devient invisible, où il ne se passe rien. Absence de centre, absence de relation. Solitude monstrueuse elle aussi avalée par l'environnement.
    Film très surprenant.

    Le deuxième film est très différent. La loi de la jungle est un film déjanté, un hommage à la Guyane, une critique des bureaucrates et des financiers qui nivellent le réel sous des chiffres et des normes. C'est une dénonciation beaucoup plus radicale qu'il n'y paraît de la société, de sa folie et de sa cupidité.
    — Je ne suis pas comme toi, moi, je ne suis pas payé au physique.
    — Tant mieux pour toi car tu ne gagnerais pas lourd.
    Antonin Peretjatko et Vincent Macaigne interviennent à la fin de la séance. Ils ont eu beaucoup de chance : tous les animaux, les chenilles, les araignées, les insectes, sont vrais, survenus au bon moment (la luciole aux yeux verts). Le film a été tourné à la limite de la saison des pluies car la forêt est plus belle, verte, luisante (et non poussiéreuse), Peretjatko a choisi de tourner chaque fois qu'il voulait tourner, sans attendre qu'il pleuve ou fasse soleil.
    Il dénonce la tendance des entreprises à remplacer des salariés par des stagiaires, paupérisant toute une génération.
    Vincent Macaire intervient à plusieurs reprises, très nature. Comme pour Anaïs Demoustier, je suis surprise par le volume de son corps, plus menu en réalité qu'à l'écran.

    Au total, de belles découvertes. J'avoue que j'avais très peur de tomber sur des films dickensiens du type Y aura-t-il de la neige à Noël? (une autre fondation Gan) qui m'ennuient (bref, pas mon genre).
    Pas du tout et tant mieux.

    Je ne suis pas de gauche

    Cela ne s'est pas vu ici, mais le billet "ça se confirme, je suis de droite" a occasionné sur FB une longue dispute, conversation où le ton a monté à la faveur d'un malentendu. (Qu'il soit écrit ici que ce texte serait à l'origine de la propagande de la NRA).


    Si je reprends le sujet aujourd'hui, c'est que Mélenchon a déclaré aujourd'hui, jour de grève des cheminots et de la fonction publique, qu'il détestait «ce statut d’autoentrepreneur : on gagnait 3000€, on avait des paies de crevards !»
    Pour mémoire, 83% des Français gagnent moins de trois mille euros mensuels.


    En 2008 à Yerres nous avons fait campagne pour le Modem aux municipales en soutenant le parti socialiste. Lors d'une réunion, les encartés socialistes ont reproché devant nous à Véronique Haché-Aguilar de s'être alliée avec la droite (les méchants de droite). Elle a répondu avec beaucoup d'embarras, comme si nous étions pestiférés, arguant de son père mineur et de sept frères et sœurs pour défendre la sincérité de son engagement à gauche.
    Mais à la fin de la réunion, quand nous avons rangé chaises et tables, elle a refusé de prendre le balai : «je ne sais pas faire, je n'ai jamais balayé».
    Ce soir-là, j'ai balayé la salle. Parce que moi, je sais balayer. J'ai balayé et je balaie encore, même si je n'ai pas sept frères et sœurs.


    Avant cela il y avait eu ce billet de Slothorp (du 5 octobre 2006 mais qui me paraît raconter une anedote de 2002) qui m'avait tant fait penser à mon beau-frère, si fier d'être de gauche mais n'osant avouer à son père combien il avait payé son appart. J'extrais juste quelques phrases (en dénaturant le propos du billet puisque son sujet était plutôt de démonter les héros de papier) :
    Il [Un ami] se disait de gauche, et je devais être à ses yeux une sorte d’anarchiste de droite qui flirtait paradoxalement avec le fascisme. […] Les journalistes parlaient alors d’une repolitisation de la jeunesse, montrant par là à quel point ils n’avaient rien compris, à quel point aussi la situation allait perdurer pour les cinq ans à venir [après mai 2002], à quel point enfin Le Pen n’était que le pendant bien pratique de tout ce système, l’épouvantail qu’on agitait pour faire peur aux enfants et les faire rentrer dans le rang. Bien sûr, après la première réunion de section du PS où il se rendit, il fit comme beaucoup de ces adhérents émotionnels : il n’y remit plus jamais les pieds. On voulait bien être de gauche, montrer sa carte pour le prouver, mais coller des affiches dans le froid, il n’en était pas question. […]
    L’autre jour, nos amis communs qui continuent à le voir m’ont raconté l’anecdote suivante : à la naissance de son enfant, ce type, énarque installé, qui doit gagner trois à quatre fois le revenu moyen d’un Français, s’est débrouillé pour avoir une place en crèche publique, simplement en faisant jouer ses relations. Ce n’est pas grand chose, l’entorse n’est pas si grave. Mais c’était une épreuve, une tentation : utiliser ou non un passe-droit inique, injuste socialement et marqué du sceau du mépris de classe. Il a cédé sans une once de mauvaise conscience, tout en poursuivant ses discours de résistant.
    Oh, ils ne sont pas mieux à droite. Mais au moins ils n'ont pas bonne conscience : ils n'ont pas de conscience du tout. Je trouve ça reposant (ou hilarant comme dans le cas de Fillon).
    Ou pour le dire autrement, (re)voir La Crise.

    Le symptôme

    Il est temps que je change de travail. Le symptôme est toujours le même: je me mets à aller au cinéma n'importe quand pour voir n'importe quoi.
    Aujourd'hui à la Défense Le labyrinthe 3: le remède mortel. Un peu choquée que le mec qui apprend que son sang peut sauver l'umanité aille s'enfermer à l'écart.
    Je suppose que ça permettra de faire un 4.
    Sinon c'est comme d'hab: pas de réhabilitation pour celui qui a trahi. Il mourra forcément à un moment donné, en se sacrifiant pour la bonne cause si son remords est réel.

    Rendre souffle

    Ce soir Antoine était de retour. Il nous a raconté la dernière semaine de sa femme : elle a dormi toute la semaine, il est resté avec elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
    Puis l'équipe médicale est venue lui dire qu'il était possible que sa femme s'abstienne de mourir parce qu'il était là : il était sans doute souhaitable qu'il la laisse pour lui donner la possibilité de lâcher prise.
    Il est allé se promener avec la sœur jumelle de sa femme et un ami.
    Quand il est revenu, sa femme était morte.

    Et je me suis souvenu du désespoir de Danièle il y a quelques années : «Tu te rends compte, je l'ai veillé jour et nuit, et il est mort pendant que j'étais à la machine à café.»

    Et d'un autre témoignage en ce sens, encore.

    Ainsi donc ce que je pensais un hasard malheureux relèverait d'un dernier acte délibéré.
    Ça renverse toute la perspective.

    Ça se confirme, je suis de droite

    Retrouvé dans ma boîte mail (Rhotull, c'est toi, le 9 décembre 2010).

    A l'époque je devais en être moins sûre, je n'avais pas fait suivre.
    Patrick, tu pourras ajouter : Quand un contact FB de droite n'est pas d'accord avec toi, il passe à autre chose, quand un contact FB de gauche n'est pas d'accord, il te défriende.

    Quand un mec de droite n'aime pas les armes, il n'en achète pas.
    Quand un mec de gauche n'aime pas les armes, il veut les faire interdire.

    ________________________________

    Quand un mec de droite est végétarien, il ne mange pas de viande.
    Quand un mec de gauche est végétarien, il veut faire campagne contre les produits à base de protéines animales.

    ________________________________

    Quand un mec de droite est homo, il vit sa vie tranquillement.
    Quand un mec de gauche est homo, il fait chier tout le monde pour qu'on le respecte.

    ________________________________

    Quand un mec de droite a loupé un job, il réfléchit au moyen de sortir de cette situation et rebondir.
    Quand un mec de gauche a loupé un job, il porte plainte pour discrimination.

    ________________________________

    Quand un mec de droite n'aime pas un débat télévisé, il éteint la télé ou zappe.
    Quand un mec de gauche n'aime pas un débat télévisé, il veut poursuivre en justice les cons qui disent des conneries. Le cas échéant, une petite plainte pour diffamation sera bienvenue.

    ________________________________

    Quand un mec de droite est non-croyant, il ne va pas à l'église, ni à la synagogue ou ni à la mosquée.
    Quand un mec de gauche est non-croyant, il veut qu'aucune allusion à Dieu ou à une religion ne soit faite dans la sphère publique, sauf pour l'Islam.

    ________________________________

    Quand un mec de droite a besoin de soins, il va voir son médecin puis s'achète les médicaments.
    Quand un mec de gauche a besoin de soins, il fait appel à la solidarité nationale.

    ________________________________

    Quand l'économie va mal, le mec de droite se dit qu'il faut se retrousser les manches et bosser plus.
    Quand l'économie va mal, le mec de gauche se dit que ces sales patrons s'en mettent plein les fouilles et ponctionnent le pays.

    ________________________________

    Test ultime :
    Quand un mec de droite a lu ce test,………… il le fait suivre.

    Et donc voilà : depuis 2010 j'ai vieilli et je suis de plus en plus réac. Evolution normale.

    La vérité, au fond

    H. était à Tours pour la journée. Un ami cherche à recruter des informaticiens et H. les rencontrent pour vérifier leurs compétences.

    Ils recherchent des candidats qui croient et aiment l'informatique tout en ayant compris que cela s'appuie sur les mathématiques. C'est volontairement que je décris cela de cette façon un peu étrange car H. se heurte toujours aux mêmes limites : des candidats qui n'ont pas le réflexe d'utiliser les mathématiques (même au niveau le plus simple, les problèmes d'ordres de grandeur, de dichotomie, de tri, de matrice), des candidats pour qui l'informatique n'est pas un mode d'être (il recherche des enthousiastes, des amoureux, des personnes qui vivent par l'informatique. Evidemment, c'est non seulement difficile à écrire dans une offre d'emploi, mais c'est également rare).
    Je le rejoins gare de Lyon. Il oscille entre découragement, ébahissement (il me raconte un entretien de la journée : « il avait envie mais il ne savait rien»), exaspération.

    Nous rentrons en voiture sous une pluie battante.

    Je lui parle de l'invitation de Nicolas, de mon souhait d'inviter mes camarades de la catho. Il soupire. Je parle tout doucement:
    — Mais pourquoi soupires-tu? Ce sont des médecins, des ingénieurs, des contrôleurs de gestion. Vous avez des sujets en commun, tu t'entendras avec certains, tu n'es pas obligé de parler religion et ils n'essaieront pas de te convertir.
    Il répond, lui aussi très bas:
    — Mais justement, pourquoi… (sous-entendu, pourquoi des gens comme ça, avec ce cursus-là, croient-ils en Dieu? Quelle bêtise, quel dommage, quelle perte du bon sens…)
    Pour une fois je dis le fond de ce qui est, de ce que je n'ose jamais dire parce que c'est personnel, aussi personnel qu'une déclaration d'amour:
    — Parce que nous avons rencontré le Christ et que nous l'aimons.
    Silence.
    Il reprend du poil de la bête:
    — Comme dirait Coluche, si tu le croises, salue-le de ma part.

    Expliquer l'utopie à un Millenial

    « J'avais des amis qui partaient à Katmandou, d'autres dans des kibboutz, mais au fond c'était la même chose. »

    La définition d'un athlète

    Yolette. C'est la première fois que je rame au CNF depuis le 14 décembre, depuis l'hospitalisation de H. Il fait doux, la Seine est grosse. Aller-retour dans le petit bras. Florian, Dominique, François, Anne-Sophie.

    Dans les vestiaire, discussion avec Dominique, prof de gym à la retraite. Elle est pleine d'entrain. Nous parlons décontraction de la langue et de la mâchoire, j'évoque mon kiné, la méthode Mézières que j'ai connue par Thérèse Bertherat, Le corps a ses raison.

    Elle raconte : « Quand nous nous entraînions pour le salto au cheval d'arçon, on nous demandait de siffler "Il était un petit navire" en faisant le mouvement. Je sifflais pendant la course, bien concentrée, je prenais mon élan sur le tremplin, et là, impossible, j'arrêtais de siffler. Eh bien il y en a certains, prise d'appel, (elle fait le geste de s'enrouler avec les mains) rotation, gainage impeccable, et réception (elle tend les mains en V vers le plafond), et le tout sans s'arrêter de siffler. Eh bien ça, tu vois, c'est ça un vrai athlète.»

    Sur la prière

    Un vieux jésuite reçevait un paroissien qui s'accusait d'avoir des distractions pendant ses prières.
    — Vous avez de la chance, moi j'ai des prières pendant mes distractions.


    (Commentaire invitant à l'indulgence : «tant qu'on ne prie pas on n'a pas de distraction pendant ses prières.»)


    « L'inverse du péché n'est pas la vertu (quand on a fait un peu de psychanalyse, on sait ce que peut cacher la vertu), c'est l'action de grâce. »

    (ce qui me rappelle Mgr Pansard : « il n'y a que trois prières : pardon, merci, s'il vous plaît. » )

    Dimanche

    Je retourne ramer — pas très tôt, j'arrive après la constitution des yolettes. Je sors en skiff. Courte sortie, une dizaine de kilomètres au lieu des quinze habituels. J'ai l'impression que les muscles de l'arrière des cuisses ont raccourcis. Cela ressemble à des courbatures-contractures : il est temps que je m'y remette.

    Il fait magnifiquement beau, je regrette d'avoir mis un collant et un polo à manche longue.


    Mes beaux-parents passent à l'improviste. J'ai toujours honte que nous les recevions avec réticence alors qu'ils nous ont tant aidé pour garder les enfants. Mais c'est difficile de comprendre cette obstination à prévenir au dernier moment alors qu'ils savent qu'ils seront à Paris depuis des semaines. Ils ne s'éternisent pas.

    Je pensais me coucher tôt mais une chose en entraînant une autre… Comme vivre n'est qu'un enchaînement de détails.

    Envoi des invitations

    Journée sur FB.
    Pointage et envoi des invitations, il me manque quelques adresses. J'ajoute un mot pour que les voisins de mes parents ne papotent pas avec ma tante — que je ne préviendrai qu'au dernier moment, de peur qu'elle ne vende la mèche. Mes tantes sont un problème : si je les préviens trop tard elles risquent de se vexer — d'être brusquées, de ne pas avoir le temps de s'habituer à l'idée — et de ne pas vouloir venir, mais si je les préviens trop tôt, je suis sûre qu'elles vont avoir la langue trop pendue. Et puis je redoute leurs réflexes d'oiseau de mauvais augure. Je ne veux plus parler qu'à des personnes optimistes et encourageantes.

    A ce propos, Françoise P*** à qui je demandais son adresse par sms m'a aussitôt appelée. C'est mon plus grand soutien depuis le début, elle trouve l'idée formidable.

    L'éducation sentimentale

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    RER A vers La Défense, matin

    Je ne suis pas inquiète, tout va bien se passer

    Je n'ai pas fini mon grec, je n'ai pas osé me lever trop tôt pour ce faire de peur de m'endormir au volant dans la journée.

    Je dépose O. à la gare, récupère Kamel à Versailles Chantier (une heure et demie pour faire trente kilomètre ; je suis passée devant les parc du château de Sceaux, il faudra le visiter un jour. Larges pans de friches aux abords de Fresne), nous partons pour P***.

    Impossible d'avoir du réseau, Waze en carafe, pas de carte routière dans la voiture (erreur) : « On va faire ça à peu près : commençons par Chartres. » Il fait gris, froid (six degrés : je surveille la température pour décapoter si possible). Quand j'ai envoyé mardi un mail à mes camarades de classe pour leur dire que j'allais à l'enterrement, j'ai proposé trois places. Le seul qui m'a répondu est Kamel, qui a abandonné les cours il y a deux ans mais que nous voyons encore (il faisait partie des buveurs du soir, au café, du temps où les cours étaient à huit heures trente. A. aussi. Aucun des autres, apparemment, n'a pu se libérer). Cela confirme ma conviction : les enterrements sont le seul événement familial où nous ne sommes pas invités — nous sommes prévenus. Ceux qui se sentent concernés viennent.

    Nous discutons de nos motivations, de nos hésitations. Nous avons eu les mêmes interrogations : n'allons-nous paraître déplacés, ostentoires à avoir fait tant de kilomètres pour quelqu'un que nous ne voyons que deux heures par semaine (depuis sept ans malgré tout, avec qui nous partageons des convictions fortes) ? La femme de Kamel était plutôt réticente, pour ma part j'avais posé la question lundi soir au professeur qui nous avait avertis : « il y aura sans doute des collègues de travail. Et le cycle C est important pour A. puisqu'il nous a prévenus. »
    A. n'a pas abandonné les cours durant la maladie de sa femme. Il a toujours répondu très librement à nos questions, les traitements suivis (des protocoles d'avant-garde), la rémission, le retour de la maladie depuis l'été, la fatigue et la pugnacité de sa femme, son regret d'avoir passé tant de temps loin de chez lui toutes ces années, de ne pas avoir été davantage présent durant les presque quarante ans de ce mariage. (Mais comment savoir le temps qui nous reste ? Et à partir de quand juger qu'il en reste suffisamment pour qu'on puisse s'autoriser à s'absenter ?) Oui, nous comptons pour lui. C'est ce qui m'a décidée à y aller, malgré la peur d'être intruse. A ma grande surprise, seul Kamel s'est libéré pour m'accompagner.

    Nous parlons Orient, Occident. Il a quitté le Liban à douze ans à cause de la guerre. Nous avons des vues proches sur de nombreux sujets. Est-ce que cette façon de nous sentir concernés vient de l'orient, la slave et le Libanais ? (Non, je pense que non.)

    Campagne de France. Chartres puis Le Mans, hors autoroute puisque j'espère décapoter. Cependant, comme je n'ai ni Waze ni carte routière, nous restons sur les grands axes, nationales tout du long, parfaites, à se demander pourquoi prendre l'autoroute. Le temps se dégage en approchant du but, il fait doux, la 3G redevient accessible, nous décapotons pour traverser des forêts encore endormies. Peu de monde, il est midi.

    Pas de café à P***. Du monde autour de l'église. Nous rebroussons chemin. Une vieille dame nous interpelle :
    — Vous cherchez un café ? Vous pouvez venir le prendre chez moi. Je suis la religieuse du village.
    — Nous voudrions déjeuner aussi. Nous venons pour l'enterrement.
    — Allez derrière l'église, il ont prévu de quoi manger.
    — Nous ne voudrions pas gêner, nous ne sommes pas de la famille.
    — Vous savez, ils attendent trois cent cinquante personnes.

    Pour déjeuner, elle nous conseille d'aller au village suivant.

    Très belle cérémonie.

    Nous rentrons par l'autoroute, je lâche Kamel à Anthony sur le RER B. Je vais en cours de grec (une heure de retard, j'ai prévenu). A la fin la professeur nous apprend qu'elle vient d'obtenir un poste à Genève dans l'université de Calvin. Formidable ! « Mais je vais continuer ce cours ; je suis persuadée que si je l'abandonne il ne sera pas remplacé. »
    C'est fort probable. Mais tout de même, faire quatre ou cinq heures de train pour une une dizaine d'élèves auditeurs libres ? Je n'en reviens pas que nous ayons autant d'importance à ses yeux (ou la présence de ce cours au sein de la catho ?)

    « Je ne suis pas inquiète, tout va bien se passer » sont les dernières paroles de la morte.

    Retour de Marseille

    Marseille, Neuf-Port

    Nous sortons du métro à la Joliette. Le premier bâtiment qui attire le regard est celui de Kengo Kuma pour le FRAC, nouvelle variation sur le motif de la résille, cette fois faite de carrés. L’étroitesse de la parcelle confine quelque peu l’édifice.

    Le quai de la Joliette passe entre une série de docks côté ville et ce qui fut le grand port industriel et commercial de Marseille côté mer. Les docks, d’un dessin tout anglais, datent du Second Empire. La longue enfilade alterne façades à pignons de six étages et façades aux toits plats de cinq, le tout en pierre et non en brique comme on pourrait s’y attendre. L’intérieur vient d’être rénové par l’architecte Eric Castaldi ; on traverse entre des boutiques sans grand intérêt (mais non sans prétention), une succession de hautes cours traitées en puits de lumière, très réussies. Une des façades d’entrée dans ce centre commercial fort calme le lundi matin affiche de nombreuses citations littéraires sur Marseille. Il semble que le vachard Suarès, si spirituel pourtant, ait été écarté de cette anthologie métallique (encore une résille). Son « Marsiho » a pourtant fait ces jours-ci les délices de notre petit groupe.

    De l’autre côté du quai, face aux anciens docks, donc, se trouve un autre centre commercial, Les Terrasses du port, beaucoup plus fréquenté, cinquante fois plus banal et attendu que son voisin, et dont le seul attrait est la terrasse, justement. On s’y trouve à peu près à mi-hauteur des grand ferries prêts à appareiller pour la Corse, la Sardaigne ou l’Algérie, on y voit fort bien le Pharo, l’archipel du Frioul, l’immanquable château d’If, l’Estaque et la côte Bleue.

    Après les docks, le quai aligne du côté de la ville de beaux immeubles haussmanniens qui viennent de retrouver leur cachet. On remarque que leurs portes de bois traditionnelles ont été remplacées par de modernes vantaux ajourés en bronze, d’un assez bel effet, et que leurs combles sont plats ; le modèle parisien a t-il ici été adapté dès le début à des contingences locales, ou bien faut-il voir dans ces attiques étranges un reflet des vicissitudes des temps successifs dans ce quartier on ne peut plus populaire naguère encore ?

    La cathédrale de Marseille, la Major, n’est pas ravalée, elle. Retrouverait-elle par la grâce d’un nettoyage extérieur un charme perdu ? J’en doute un peu. C’est pour le coup que la comparaison avec un éléphant, venue à l’esprit de Huysmans devant Fourvière, peut resservir. Et l’intérieur, cette fois, ne fait pas beaucoup pour la sauver. On a l’impression que les entrepôts au-dessus desquels elle fut construite, et qui ont disparu depuis pour faire place à des boutiques pour bobos, lui ont communiqué irrémédiablement quelque chose de leur pénombre, de leur poussière, de leur humidité, de leur trivialité. Car à la fin c’est un monument aussi bête que triste. Pour comble, ce qui reste de l’ancienne Major, la romane, la vénérable, n’est pas (ou plus accessible) et ne peut faire signe que de loin, derrière les grilles d’un chantier peut-être éternel.

    Pour retrouver le Vieux port, nous traversons une seconde fois le quartier du Panier, pour un adieu à la coupole de Puget et un salut à sa maison natale, presque en face. Le passage de Lorette nous mène à la rue de la République, anciennement rue Impériale, à travers l’impressionnante cours d’un immeuble de rapport haussmannien, très-longue, très-haute et très-étroite. Le modèle parisien d’adapte-t-il ici aux chaleurs des étés provençaux ?

    Un dernier regard au port, à la Canebière, aux grands escaliers de la gare Saint-Charles, qui célèbrent avec faste les colonies, et nous rentrons chez nous.

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    Seul dieu est sujet de bara (création). dans la Bible. Berechit barah Elohim.
    mâle et femelle (et non homme et femme)

    Dieu dit : dix fois : un décalogue

    Trois bénédictions (bénédiction : dire du bien)
    les animaux
    l'humain mâle et femelle (donc animaux)
    le septième jour (repos). le temps.

    Dieu sépare, dieu organise
    Dieu donne. pas n'importe quoi : à manger, ce qui permet de vivre.
    Pour les hommes : une nourriture distinguée : graines et fruits.

    berechit : pas seulement comme du temps, mais unique principe.
    Origène : le principe : c'est le X. unique principe : pas une allusion philosophique mais une allusion christologique.

    Col 1 12-23

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    Le soir quand je consulte mes mails, j'apprends que la femme d'Antoine est morte. Enterrement jeudi.

    Marseille jour 1

    Premier petit déjeuner : omelette excellente (je veux dire non frite) ; jus detox, trace du temps, nom donné en 2018 à un jus de citron allongé d'eau.

    Porte d'Aix (patisseries orientales prometteuses), Vieux port, hôtel-Dieu devenu hôtel (très harmonieux). J'apprends le nom de l'architecte qui a construit les immeubles du côté nord du Vieux port (Fernand Pouillon), ces immeubles dont j'avais remarqué l'unité en septembre 2016 quand je les avais vus depuis une yole de mer. Nous montons le long de l'hôtel-Dieu devenu hôtel (il faudra venir ici un jour), nous tournons dans le panier. La pierre est rose et blonde et les volets verts et gris, écaillés. Marseille monte et descend, moutonne, c'est ce qui fait les plus belles villes.

    Vieille Charité, exposition Picasso, les (ses) voyages imaginaires nourris des voyages de ses amis et de leurs cartes postales et de leurs collections. Des dizaines de cartes postales donc, de plus ou moins bon goût, Cocteau, Leiris, Dali, écrites à la plume ; parfois Picasso répond. Les adresses sont très variées, souvent des hôtels. L'exposition est chronologique et met en avant des intérêts successifs : l'Afrique, Rome et la Grèce, l'Orient de Delacroix, tout en suivant la vie sentimentale du peintre. («— C'est fini? — Non, il doit y avoir encore des salles, il reste des femmes à épouser.») Ce qui me frappe, c'est le travail, la quantité de travail. En 1905, Picasso était déjà suffisamment connu pour qu'Apollinaire écrivît à son sujet.

    Les salles ne sont pas contiguës, il faut ressortir sous les arcades, il fait beau, la lumière fait un bien fou après ces mois de gris et de pluie. A la fin de l'exposition j'accompagne Aline voir les collections d'art indien et océanique. Les arbres de vie mexicains donnés par François Reichenbach sont franchement laids malgré le commentaire qui nous appelle à y voir de l'art et non un artisanat (art ou artisanat, c'est hideux), mais les salles africaines, sud-américaines et océaniennes sont impressionnantes (collection de crânes, têtes jivaros (brrr…), masques à base de toile d'araignées,…).

    Nous terminons par le groupe de statues picassiennes dans la chapelle, tout à fait à leur place dans ce décor blond et arrondi. Quelques allusions piquantes à la peinture sur assiette de RC, nous sommes les "Cruchons", ceux qui ne comprendront jamais mais regrettent, regrettent…

    Nous tournons dans le "panier", quartier de l'ancien Marseille détruit en février 1943 par les Allemands (une plaque a été posée en 2018 ). Descente vers le Mucem, le treillage est en ciment et non en acier comme je le pensais, déjeuner sur le pouce, balade autour du fort St Jean, ambiance heureuse au soleil, flâneries, nous sommes samedi, certains sont allongés sur les terre-pleins qui interrompent le rempart et descendent vers les rochers (« — Ils ne risquent pas de tomber ? — C'est un process darwinien. »), passage dans la cour du roi René (« — Par quelles circonstances le roi René s'est-il retrouvé à Marseille? — C'était le frère de St Louis, il avait un grand nombre de terres… (suivaient des noms que j'ai oubliés) »).

    Nous attendons le ferry qui permet de passer sur l'autre quai du Vieux port sans faire le tour (un traghetto marseillais, en quelque sorte). Est-ce là que nous nous demandons si Rimbaud et Conrad se sont rencontrés à Marseille (1874? 1878?)? J'apprends au passage que Rimbaud est allé jusqu'en Indonésie, a déserté à Batavia (non je ne le savais pas. Pour moi c'était l'Erythrée et rien d'autre). Rimbaud est mort dans un hôpital de Marseille mais lequel ? Patrick chasse les plaques. J'ai Pouchkine dans la tête et Cendrars, Blaise, sommes-nous loin de New York ?

    Nous montons. Nous montons vers Saint-Victor. Nous montons, nous peinons, nous bitchons, sur Gide et Paul Valéry (si tue-l'amour avec sa cigarette et ses moustaches jaunies, mais apparemment Catherine Pozzi l'était aussi (tue-l'amour)). Saint Victor, les restes de l'abbaye. Devant, un square et justement une plaque Paul Valéry sur le portail d'une maison où il venait voir une amie («— une maîtresse ? »)

    Nous resterons longtemps dans la crypte. L'église est construite sur et dans une ancienne carrière, les époques successives ont construit sur les bâtiments antérieurs et comblé la cour, il reste les tombes jumelles de deux martyrs sans doute à l'origine de la dévotion en ce lieu. Les explications sont passablement embrouillées. Il faudrait une maquette 3D hologramme qui permette de superposer les différents sanctuaires. Lors de notre prochaine visite, peut-être.
    Nous sommes restés sous terre si longtemps que j'avais oublié qu'il faisait jour et doux.

    Boulevard, architecture marseillaise (c'est-à-dire décousue), nous rejoignons le parc du Pharo. Vent, soleil dorant. Beau palais, harmonieux, tourné vers la mer, construit pour Eugénie qui ne l'a jamais habité et a fini par le céder à la ville ou à l'Etat (je ne sais plus).
    Nous allons prendre l'apéritif au Sofitel (bar Le Dantès) réputé pour sa vue (règle : tout souhait exprimé suffisamment à l'avance avec suffisamment de précision aura de grandes chances d'être exaucé. En l'occurrence il s'agissait de boire un campari.) Garçons jolis garçons et musique d'ambiance (lounge, me dit Philippe quand je me plains du volume.) Nous racontons des bêtises. La nuit tombe.

    Nous allons dîner aux Arcenaulx. La carte des glaces est si littéraire qu'elle en est irrésistible (Le temps retrouvé, sorbet verveine liqueur verveine).



    S'en suit un échange sur Belle du Seigneur et un plaidoyer (de ma part) pour Feu pâle (La question avait été posée à déjeuner du Nabokov qu'il fallait lire, et bizarrement, j'avais oublié Feu pâle. Il ne m'en restait que l'impression d'avoir rêvé un titre, mais lequel ?)

    En résumé, « à mon avis » « ne sois pas péremptoire », « je suis drôlement sympa, finalement ».

    Départ

    Conseil d'administration à dix heures, le premier depuis octobre puisque j'étais absente en novembre. Rien de bien neuf. Dix minutes de battement au début car nous attendons un retardataire ; les syndicalistes discutent entre eux de l'opportunité de faire grève contre la réforme de la SNCF.

    Je déjeune le midi avec la personne que j'ai remplacée à son poste dans la mutuelle. Nous invitons un représentant du CE qui est seul et que j'aime bien. Il nous raconte son désenchantement à mots couverts, il est en train de négocier son départ en septembre 2019. Pour le mettre à l'aise je tente de lui montrer que je connais un certain nombre d'anecdotes scandaleuses que je raconte à mon tour. Il sourit sans rien dire, ma prédécesseur est stupéfaite.

    A cinq heures thé seule au "Train bleu" gare de Lyon (traversée d'une foule compacte en attente de trains vers le sud retardés d'une ou deux heures), puis vers sept heures et demie Prêt à manger ("Pam" pour les intimes) pour acheter des sandwiches pour le voyage, puis à huit heures TGV (à l'heure) pour Marseille avec les Philippes et Laurent. Reconstitution des cruchons.
    Deuxième "voyage d'hiver" pour moi : pendant toutes les années où H. était absent la semaine, j'évitais de m'absenter le week-end.

    Voyage (ou traversée). Comme Patrick et Aline nous narguent en parlant de leur savoureux dîner à Marseille où ils nous ont précédés, nous décidons d'acheter du vin rouge au bar TGV.
    Quelle aventure ! Le four ne fonctionne pas, deux clientes nous précèdent, du type bobo-vegan-plus-plus (je m'y perds dans ces catégories — toujours je pense à Claire Brétecher et son "sucre de gauche"), ce qui nous vaut de savoureuses questions (« Est-ce que les carottes sont de vraies carottes ? » (et moi d'imaginer du fromage teinté recomposé)) C'est long, ça dure, mais pourquoi, que fait le barman, le serveur, le tenancier ? Derrière nous un homme bougonne et se moque de plus en plus fort des deux passagères.

    Le barman est très aimable :
    — Mais ce vin est froid ! Pouvez-vous nous donner celui de la vitrine ?
    — Bien sûr, mais vous savez, il est tellement mauvais qu'il vaut mieux qu'il soit froid.
    Je ris, incrédule : — Vous êtes commerçant, vous alors !
    — Je suis un peu connaisseur : ce vin a été mélangé, brassé…

    Pub : l'hôtel Alex près de la gare St Charles, silencieux, aimable, ouvert toute la nuit.

    Management de transition

    Quasiment fini la liasse fiscale. Je vais avoir clôturé les comptes en une journée. Il faut que je quitte ce boulot, il est devenu trop facile.

    Cet après-midi, rencontré par l'intermédiaire d'A-C un consultant. Il est parti du principe que je voulais faire du consulting (ce qui est faux (non je ne veux pas parler de matrice SWOT. C'est ce que j'ai fui toute ma vie)) et m'a donné de bons conseils (c'est sympa de sa part, il a vraiment pris sur son temps par amitié pour A-C. Cela me fait plaisir de voir qu'il y a encore des gens capables de faire cela). Il propose du "management de transition" pour donner une teinte moins monolithique à mon CV (de l'assurance, rien que de l'assurance…) Pas bête. Je ne vois pas trop comment faire cela en étant en poste (le management de transition, c'est urgent par définition, pas question d'attendre trois mois de préavis que le candidat se libère), mais pas bête.

    Levallois-Perret. Vent glacial. Cela faisait longtemps que je n'étais pas venue à Levallois-Perret.

    J'ai abandonné le livre d'anthropologie chrétienne pour La jeunesse de Pouchkine. La faute à Markowicz qui a publié ceci sur FB hier ou avant-hier :
    Mémoire d’Efim Etkind.
    « Mémoire des souvenirs »
    Chronique I.

    Il aurait eu cent ans aujourd’hui. Mon maître, Efim Grigoriévitch Etkind. J’ai parlé de lui, je crois, assez souvent, depuis que je suis sur FB, je ne sais jamais si je peux répéter, si je dois recommencer à redire. Je sais que, d’une façon ou d’une autre, je lui dois tout.
    J’aurais voulu parler de ça avec Sonia Wieder Atherton, — enfin, nous n’avons pas vraiment besoin, je crois, d’en parler, parce que nous comprenons sans mettre des mots dessus, — qu’est-ce que c’est, pour un musicien, un maître ? —Pour elle, Natalia Chakhovskaïa, dont elle est partie suivre l’enseignement à Moscou, alors qu’elle aurait pu très tranquillement, j’allais dire comme tout le monde, faire une brillante carrière sans ça. Mais voilà, la musique se transmet par affinités électives, de génération en génération. Est-ce pareil pour l’écriture ? Je ne le pense pas. J’ai l’impression que chaque écrivain se forme lui-même, avec ses lectures, évidemment, avec des amitiés, bien sûr, mais pas de maître à disciple. Les traducteurs non plus, bien sûr, — du moins en France.
    Mais, je l’ai dit et je le redis, je ne suis pas un traducteur français. J’écris en français, je traduis en français mais je suis un traducteur russe, et si je suis fier de quelque chose de ma vie, c’est au moins d’une chose, d’appartenir à la tradition de la traduction russe, d’être formé par l’école russe — et, cette école russe, pour moi, c’était Efim Etkind. —

    Imaginez ce que c’est, pour un adolescent, de le voir arriver, lui, ce colosse (il était grand et très costaud), et de voir qu’il travaillait avec moi. Qu’il me prenait au sérieux. Non, — qu’il voyait en moi quelque chose que, moi, je ne voyais pas du tout, quelque chose dont je ne savais pas ce que ça pouvait exister. Quelqu’un qui me faisait travailler inlassablement, recommencer, recommencer, qui me faisait lire, — qui m’apprenait à lire. Et sans jamais parler des sentiments, des émotions. En parlant toujours de la structure.

    Tout ce que je sais de lui, je ne le sais pas seulement de ses livres, — ou, là encore, essentiellement pas de ses livres, mais de ses récits, — parce que, la plupart du temps, ses livres, je les avais écoutés, de chapitre en chapitre, en désordre, à la maison, chez mes parents, dans ma chambre à Deuil-la-Barre (Val d’Oise) — lui dans le fauteuil, moi, à côté, sur le lit, ou bien chez lui, à Suresnes. — J’ai su ainsi que, lui aussi, il avait appris tout jeune. Mais déjà, dans sa famille, son père et sa mère avaient voulu éduquer leurs enfants en trois langues (en plus du yiddish, qu’il parlait aussi) — bien sûr en russe, mais aussi, et en même temps, en français et en allemand. Il parlait ces trois langues aussi bien les unes que les autres. Nous n’avons jamais parlé qu’en français. Il ne m’a jamais dit un mot de russe — je veux dire, dans une conversation. Evidemment, jusqu’en 1974, il n’était jamais venu en France, tous les visas lui avaient été refusés. Et s’il était venu en Allemagne et en Autriche, c’était parce qu’il était un officier de l’Armée rouge. — Il avait fait la guerre (engagé volontaire, — il aurait pu ne pas la faire, parce qu’il était très myope), justement, en tant que traducteur de l’allemand, et vers l’allemand. Il me racontait comment il composait des chansons parodiques à partir des chansons de variétés de l’époque, et les répandait, par des tracts, et, surtout, la nuit, en rampant jusqu’à cent deux cents mètres des tranchées allemandes, et il parlait dans un mégaphone… toute la nuit, pour démoraliser les soldats. Plus tard, j’ai compris réellement ce que ça signifiait — et combien de gens comme lui se sont fait tuer, en première ligne, comme ça. Mais il ne parlait pas trop de ça. Il avait fait la guerre, il avait vu la mort en face, et très souvent, mais ce n’était pas un sujet de conversation. C’était juste un fait dans sa biographie. — Et puis, un jour, j’avais, par pure inattention (comme ça m’arrive toujours), fait carrément un contresens dans un poème de Pouchkine qu’il m’avait proposé de traduire. Et là, en souriant, il m’a dit que, bon, c’était très grave, mais ce n’était pas mortel. Mais que, pour lui, la traduction était quelque chose qui touchait à la vie et à la mort, et il m’a raconté que, pendant la guerre, dans sa division, un autre traducteur, un jour, avait, comme moi, commis une bévue — il était épuisé, sans doute. Ils avaient saisi des documents sur un officier allemand, et, dans ces documents, il était écrit que telle batterie de canons se trouvait disposée à tel endroit. Et lui, ce traducteur, avait traduit qu’il n’y avait pas de batterie à cet endroit. — Sur la foi de cette négation, le général de division avait lancé une attaque massive, puisqu’il n’y avait pas de canons. L’attaque s’est avérée être un massacre — qui aurait dû être évité. Le traducteur avait été fusillé.

    Il ne m’a jamais parlé de la responsabilité morale du traducteur envers l’auteur qu’il traduit. Nous n’avons jamais, jamais, parlé de choses comme celle-là. Nous ne parlions que de structures, que de mots précis, que de lectures.

    *

    Il avait défendu Brodsky (il avait été très proche de Brodsky). En 1968, il y avait eu « l’affaire de la phrase ». — Il avait publié une édition très importante en deux volumes, une anthologie de la traduction poétique en Russie et en URSS. Il avait dit l’évidence, c’est-à-dire que, sous Staline, bien des poètes qui n’étaient pas publiés, traduisaient pour gagner leur vie — ce qui expliquait aussi le niveau exceptionnel des traductions en langue russe. Cette phrase, au moment où le livre était déjà imprimé, avait provoqué un scandale tel, que tout le tirage du livre avait été détruit, et qu’on avait tout réimprimé sans cette phrase. Déjà là, il avait failli être exclu de l’Institut Herzen (où il était le plus brillant des professeurs) et de l’Union des Ecrivains. Et puis, il avait aidé Soljenitsyne (j’en ai parlé, dans « Partages II »). Et puis, il demandait aux gens intellectuels juifs de ne pas émigrer, parce que leur place était en URSS, malgré tous les malgré — et un jour, il a été radié de l’Institut Herzen et convoqué au KGB (je vous la fais courte). Il y est allé, m’a-t-il dit, en survêtement et en bottes, en me demandant si je comprenais pourquoi. Je n’ai pas compris, bien sûr : en survêtement, parce qu’il n’y a pas de ceinture à enlever si on vous arrête. En bottes, parce qu’il n’y a pas de lacets. Et là, son interlocuteur lui a demandé, très poliment, s’il préférait aller à l’est ou bien à l’ouest, mais le plus vite possible. Et là, j’ai parfaitement compris — et vous aussi, j’espère.

    Il est venu en France. Je crois que toutes les universités françaises, à titre symbolique, lui avaient offert un poste. Mais il y en avait vraiment un à Nanterre. Et il est devenu professeur chez nous.

    *

    La lecture, lui, je le disais, il avait commencé à la travailler tout jeune, à quinze, seize ans, auprès de Youri Tynianov. — Là encore, imaginez, tout ce que j’écris aujourd’hui, ce sont des bribes qui me reviennent de quarante ans. Parce que, oui, ça fait quarante ans que je travaille — j’allais dire que je travaille avec lui. Quarante ans. Quand je l’ai connu, il avait l’âge que j’ai aujourd’hui, et, Dieu, comme il me semblait vieux. J’avais son âge à lui quand il s’est présenté à Tynianov. Tynianov, entre mille choses, avait traduit Heine. Et ils lisaient ensemble, visiblement. Et moi, qui, à ma grande honte, ne lis pas l’allemand, je lis et je relis Heine depuis toute ma vie dans les traductions magistrales, magiques, de Tynianov, et celles d’Alexandre Blok. Mais il avait aussi travaillé auprès de Mikhaïl Lozinski… et vous savez qui c’est, Mikhaïl Lozinski ? C’est, entre autres chefs-d’œuvre, l’auteur d’une traduction grandiose, extraordinaire, de la « Divine Comédie ». Que je lis et que je relis.
    Parce que c’est ça, aussi, que vous, mes chers lecteurs d’ici, qui ne parlez pas russe, vous ne pouvez pas comprendre— ou plutôt, c’est quelque chose que je ne peux pas vous expliquer. La littérature mondiale, quand je ne lis pas la langue, je la lis en russe. Parce qu’il existe une tradition immense de la traduction en Russie. Une traduction, c’est-à-dire des critères de base, et une école — des écoles, bien sûr, mais, en vrai, une école. Depuis Vassili Joukovski, qui ne distingue pas ses traductions de ses poèmes (et c’est par Joukovski que tous les Russes connaissent Goethe, Schiller et Byron, et qu’ils lisent « L’Odyssée » — évidemment en hexamètres dactyliques, comme dans l’original). Et Nikolaï Gnéditch, qui consacre sa vie à traduire « L’Iliade ». Et puis, ensuite, la grande école de la première moitié du XXe siècle : Blok, justement, mais aussi Pasternak, mais aussi Zabolotski, et Arséni Tarkovski, et d’autres noms, majeurs, que vous ne connaissez pas, comme Sémione Lipkine, et Lozinski, et des dizaines et des dizaines d’autres. Et donc, quand Efim Grigoriévitch m’a ouvert sa bibliothèque (des dizaines de milliers de livres), j’ai lu et lu et lu et lu. En russe.

    Il a été l’élève des plus grands formalistes russes. De ces gens qui ont révolutionné les études littéraires, — et pas que les études littéraires, bien sûr. Chklovski, oui, Tynianov, Eikhenbaum, et d’autres, comme Viktor Jirmounski. Chercher la structure, ne jamais séparer la forme et le fond. Etudier le texte en tant que tel, mais ne pas le séparer de ses contextes, de tous les contextes possibles, — de sa mémoire : Etkind, en rigolant, m’a dit qu’il appelait ça « le structuralisme à visage humain », en parlant d’un grand ami à lui, un autre grand grand savant, Youri Lotman. Et ne jamais parler des sentiments, mais toujours, concrètement, des mots, des sons, de la construction. Traduire, ainsi, c’est rendre une structure par une structure. Et ne jamais rien séparer…

    Et puis, comment voulez-vous que je vous parle de l’émerveillement que j’éprouvais, moi, et que j’éprouve encore, quand je l’ai entendu lire ce poème de Blok, « Ravenne »… Je ne peux rien vous traduire, là, parce que rien n’est traduisible, ni le poème ni l’analyse, mais de le voir décomposer la structure par trois, — pas « la » structure — « les structures », parce que, naturellement, il y a plusieurs niveaux de lecture de la construction, du plus large au plus restreint, — parce que ce poème est écrit comme un hymne à la « nouvelle vie » de Dante. Et de voir comment, par exemple, il faisait attention aux sons, au « n »…

    VSIO chto miNOUTno, VSIO chto BRENno,
    PokharaNIla TY v véKAKH.
    TY kak mlaDEnets SPICH, RaVENNa,
    Ou SONNoï VETCHnasti v rouKHAK…

    C’est la première strophe…

    Tout ce qui [tient] de la minute, tout ce qui est mortel,
    Tu l’as enterré dans les siècles.
    Tu, comme un bambin, dors, Ravenne
    [Dans les bras] de la somnolente éternité.

    « miNOUtno, BRENNo, RaVENNA, SONnoï (somnolente). Et, me disait-il, tu comprends bien, n’est-ce pas, ce que ça signifie, de commencer à contre-temps ? — Parce que, oui, le poème est écrit en « iambes », c’est-à-dire que l’accent est sur la deuxième syllabe, il ne peut pas être sur une position paire, et là.. tout le début est sur la première syllabe… Et oui, j’entendais, oui, je comprenais. Son amour d’Alexandre Blok, je le garde en moi, j’en porte la mémoire.

    *

    Le grand thème de la poésie russe, me montrait-il, au XXe siècle, c’est la mémoire. Il était la mémoire incarnée. Il avait connu tout le monde — depuis les années trente. Il connaissait par cœur des centaines, — réellement des centaines — de poèmes, en français, en allemand, en russe. Il les gardait, il les disait, parfois, pour me faire entendre. J’ai entendu Akhmatova par lui — et tous les autres. Et puis, c’est lui, quand même, qui a publié les « Conversations d’Anna Akhmatova avec Lidia Tchoukovskaïa ». Il les a publiées en russe, bien sûr. De cette publication, je me souviens comme si c’était hier.

    J’étais chez les Etkind en été, ils venaient d’acheter une maison de campagne à Yvignac, en Bretagne. Il n’y avait pas de portable à l’époque, vous imaginez bien, et même pas de téléphone direct entre la France et l’URSS. Il fallait commander la conversation et attendre. Et, lui, en relisant les épreuves, et en particulier les poèmes d’Akhmatova cités par Lidia Tchoukovskaïa, il me disait qu’il connaissait des variantes différentes — jamais très importantes, un mot, une virgule, mais, enfin, il voulait être sûr. Parce que Viktor Jirmounski, dans l’édition qu’il avait faite des œuvres d’Akhmatova, les avait publiées d’une certaine façon, et elle, Lidia Kornéïevna (elle était la fille de Korneï Tchoukovski), elle disait autre chose. Ils sont restés au téléphone pendant trois heures, à parler de virgules et de tirets, et de l’intonation que ces virgules donnaient, ou ne donnaient pas, au texte d’Akhmatova, textes que, de toute façon, elle n’écrivait pas, puisqu’elle les donnait à apprendre par cœur, en particulier à Lidia Tchoukovskaïa. Cette conversation tranquille reste une des souvenirs les plus merveilleux de ma vie : malgré tous les KGB du monde, d’un bout de l’Europe à l’autre, eux, ils étaient là, et ils parlaient de vers… Et là, réellement, j’ai aimé l’expression française : « savoir par cœur ». Oui, ils savaient par le cœur.

    Je voudrais, pour aujourd’hui, terminer sur cela : le savez-vous que, quand vous lisez Vie et destin de Vassili Grossman, vous le lisez grâce à Efim Etkind ? — C’est lui, et son ami Simon Markish (le fils de Peretz Markish), qui ont reçu le manuscrit du grand roman qui avait été arrêté par le KGB — oui, le roman avait été arrêté, pas son auteur : arrêté, toutes les copies, tous les brouillons, même les buvards. Tout avait été emporté. Quand Grossmann avait demandé audience à Khrouchtchev, il avait été reçu par Souslov, qui lui avait dit : « Votre roman ne sera pas publié avant deux cents trois cents ans. » Grossman avait développé un cancer, il était mort deux ans plus tard — comme Pasternak avait développé un cancer foudroyant et était mort après l’affaire « Jivago ». Il se trouve qu’il avait, à tout hasard, confié un exemplaire du manuscrit à son ami Sémione Lipkine (sur lequel je reviendrai), et que Lipkine l’a fait parvenir à Sakharov, et c’est visiblement, par Sakharov et aussi Vladimir Voïnovitch (mais ne me demandez pas comment, je ne sais pas) qu’Etkind a reçu les deux microfilms du roman. Simon Markish et lui les ont déchiffrés, page à page, mot à mot, et publiés, en 1980, chez l’Age d’Homme, parce que c’est l’Age d’Homme qui publiait, au même moment, notre Pouchkine… Etkind avait trouvé le temps d’établir le texte. De ça, je me souviens. Je me souviens de son sourire quand il nous en parlait à table — du choc, aussi, qu’il avait eu en découvrant les premières pages. Je me souviens d’avoir reçu l’un des premiers exemplaires, en tout petits caractères… Je découvrais Grossman.

    Je me souviens de bien d’autres choses — mais, là, déjà, je suis beaucoup trop long. Je reprendrai plus tard.
    Brodsky, Grossman. Ça me donne envie de pleurer.

    Un sms inquiet

    Reçu un sms des voisins : Agathe a disparu depuis le début de la semaine.

    Et le cœur serré, je me dis que si je n'en avais pas parlé, elle serait peut-être encore là.

    Anglais

    Je passe l'après-midi à convertir mon CV en anglais. Je me sers de site en ligne et d'offres d'emploi pour récupérer le vocabulaire. Je suis vraiment light, pas beaucoup de réflexes. Toute ma compréhension est littéraire et écrite. Je trouve une annonce qui demande un TOEIC supérieur à 900, de fil en aiguille je trouve ces grilles d'analyse.
    Il faudrait/ il faudra que je les passe. J'ai l'impression d'avoir un niveau très décousu, à connaître du vocabulaire recherché sans être capable du plus simple.

    Cet envie de contexte international est sans doute absurde. C'est ma frustration d'être née trop tôt, avant Erasmus.

    Quel titre donner ?

    Je me rends compte à onze heures vingt que j'avais caté à onze et quart. J'arrive à la demie en n'ayant rien préparé. Session sur le Carême. La salle est mal adaptée, les enfants trop éloignés les uns des autres, je n'arrive pas à engager un dialogue.
    En lisant les textes, je leur découvre maintenant une structure invisible auparavant : ainsi Matthieu 6, 1-18 (lecture du mercredi des cendres) reprend les trois piliers de la piété juive : l'aumône, la prière, le jeûne.

    Après-midi oisif, une heure avec A. pour écrire deux procédures "recherche de stage", "recherche de clients" (ça paraît ridicule, ça l'est peut-être, ça l'est sans doute : il s'agit de la rassurer en lui donnant des mots auxquels revenir, il s'agit de nous protéger en évitant sa mauvaise foi : « mais vous ne m'aviez jamais dit ça… »)

    Le soir, repas de double anniversaire avec Christophe et Isabelle. Quand vous demandez une carte verte, le FBI fait une enquête.

    Marie

    Journée de session (nous en avons trois par an). Impossible d'ouvrir les portières des voitures prises par le gel. Je pars à pied pour la gare. J'ai une heure de retard.

    Dossier sur Marie, avec une large dimension œcuménique. Je pense à Elisabeth née dans un foyer mixte catholique/protestant, nous racontant sa mère en larmes le jour de son mariage parce qu'on l'a obligée à déposer son bouquet de mariée dans la chapelle de la Vierge, ô idolâtrie.

    Arriverai-je à synthétiser l'essentiel ?
    Ce qui ne pose pas problème, qui n'a jamais été mis en cause par les Pères et la Tradition, c'est la virginité de la mère de Dieu, Marie theotokos.

    Deux dogmes ont été proclamés, l'Assomption et l'Immaculée Conception, tardivement (XIXe et XXe), peut-être par un besoin de l'Eglise de se réconforter après la Révolution française et le début de l'athéisme. Ils posent de vrais problèmes au dialogue œcuménique.
    Je découvre au passage l'importance fondamental du péché originel pour les luthériens : impossible que la vierge soit sans péché, car alors elle ne serait pas sauvée, or Jésus est venu pour le salut de tous.

    Par ailleurs, les protestants refusent que l'on prie Marie ou les saints : on ne prie que Dieu, seul Dieu est saint. Ils craignent que les catholiques fassent de Marie une idole, une déesse. (Quant on voit les excès de la mariologie, difficile de leur donner tort).


    J'ai oublié mon écharpe Margaret Hamilton dans le RER. Ça me fait de la peine.

    Le frigo sent le métal chauffé à blanc. J'ai d'abord cru qu'H. avait fait de la soudure pour réparer le robinet extérieur qui a explosé avec le gel.
    Non, le frigo est en train de mourir. Nous l'avons acheté en juin 1999.

    Décrue

    La décrue est amorcée. A midi nous étions au club en train de laver la boue sur le matériel.

    Photo du sapin enneigé prise de la fenêtre de notre chambre. J'aime la distorsion de l'optique.


    Neige

    Il a neigé toute la journée, de façon aussi obstinée qu'il a plu ces dernières semaines, tant et si bien qu'en fin de journée la neige tenait à La Défense.
    La Seine ne descend pas. Encore soixante-dix centimètres d'eau à Neuilly dans le garage à bateaux. La semaine dernière les moteurs des bateaux-moteurs ont été volés. Quand pourrons-nous ramer s'il n'y a pas de bateau pour assurer la sécurité, sachant que le courant est souvent très important en fin de crue ?

    Pif

    Il y a deux semaines j'ai battu le rappel d'élèves qui ont abandonné la licence de théologie. Nous nous sommes retrouvés à quelques-uns (ayant abandonné ou encore en course) pour prendre un pot avant le cours. Quatre à sept ans ensemble : c'est le temps de grands changements dans nos vies à travers les enfants qui grandissent, la meilleure (je veux dire la plus sûre) mesure du temps qui passe.

    Quelques kirs et quelques bières, quelques nouvelles et quelques souvenirs :
    — Je viens de relire Chateaubriand.
    — Tu ne devrais pas, ça va donner un drôle de style à ton mémoire.

    — Je lisais Pilote, Rubrique-à-brac
    — C'était fini à mon époque. Je vous enviais tellement, je me disais que j'étais née trop tard.
    — Moi je lisais Pif. Je me souviendrai toujours du copain qui m'a dit :« Tu achètes Pif ? Tu donnes de l'argent aux Russes pour acheter des chars ? » Plus tard j'ai compris, c'était le fils de Casanova, mais je me souviens de cette phrase comme si c'était hier.

    Meet Agathe

    Le titre de ce billet fait référence à cela, le lapin dont H. est tombé amoureux quand A. nous avait laissé des recommandations pour nourrir le sien.


    2018-0204-Agathe.jpg


    Agathe est le lapin des voisins. Ces voisins traitent leurs lapins comme des chats : libres de sortir, d'aller et venir.
    La plupart du temps ils ne revoient pas leurs lapins : mangés ou évadés. Mais pas Agathe. Agathe court le long de la rue, se nourrit de notre pelouse qu'elle apprécie particulièrement (je suis flattée), mange les graines laissées au pied du portique pour le rouge-gorge et rentre chez elle le soir.
    Je la trouve totalement craquante.

    Une demi-journée avec Mgr Pansard

    Le nouvel évêque d'Evry, anciennement évêque de Chartres, rencontre les catéchèses.


    — Il n'y a que trois mots pour la prière : merci, pardon, s'il te plaît.

    — Que peut-on faire pour donner envie d'être chrétien ?
    — Etre des chrétiens qui donnent envie.

    Pentagon Papers

    La journée s'est terminée à temps, avant que je ne morde quelqu'un.
    Je feuillette les annonces de Linkedin comme un catalogue de jouets avant Noël : plus de banque, plus d'assurance, n'importe où sauf dans le 92, 93, 95. Mais bon. Pour l'instant ce n'est que du feuilletage.

    Pentagon Papers. Deux remarques non cinématographiques :

    - plaisir des rotatives et des caractères en plomb. Je soupçonne Spielberg de n'avoir fait le film que pour cela, pour le plaisir de réveiller ou reconstituer ces machines endormies (ô le tremblement des meubles dans les étages quand les rotatives se mettent en route à deux heures du matin… Cette magie avait disparu avant internet, cela faisait longtemps que les imprimeries avaient été exilées en banlieue).

    - Comme parfois, voire souvent désormais, Spielberg donne une leçon d'histoire, un cours de droits civiques. Ici cela porte sur deux sujets : le premier, évident, est celui de la liberté de la presse, le droit à l'information et à la vérité. La mise en scène de l'amitié entre les dirigeants politiques et les propriétaires de journaux m'a fait songer que c'était peut-être ce qui avait manqué à Edward Snowden : il ne faisait pas partie du même monde… Bien entendu, le film est destiné à renvoyer à l'époque actuelle, l'époque Trump, aux fake news, à l'implication de la Russie dans les dernières élections, etc. Le film se termine sur le cambriolage de l'immeuble Watergate qui aboutira à la démission de Nixon : sous couvert d'un film historique, Spielberg indique son espoir que la presse fasse son travail aujourd'hui comme en 1972 et abouttisse si possible au même résultat.
    Par ailleurs, il traite le sujet de la transparence des femmes, des femmes riches oisives s'occupant de l'aspect mondain de la vie maritale (Mrs Dalloway), des femmes non prises au sérieux, ignorées, mais faisant face, devant faire face à leur corps défendant, quand les circonstances l'exigent. J'ai souri en constatant que Spielberg n'avait pas pris le risque que les spectateurs ne comprennent pas : la femme de Ben Bradlee, le rédacteur en chef, explique ce qui est en train de se passer : « Toi, tu ne risques rien, au pire ta réputation en sortira grandie ; elle, elle est seule et elle risque tout » (et Spielberg fait expliquer cela par une femme). Empowering women. Heureuse coïncidence (pour lui) qui fait sortir ce film peu après le scandale Harvey Weinstein: à croire qu'il en est pour les prises de conscience sociales comme pour les découvertes scientifiques : un moment où les temps sont mûrs, un moment où différents événements ou artistes ou scientifiques convergent.

    Animation

    Engagement de Domino pour le 28 juillet. Version bourrue du chanteur.
    Il demandé cent euros, j'ai proposé trois cents.
    J'espère qu'il est aussi bon que nous l'a vendu Mme Neveu car ce n'est pas son style téléphonique qui le laisserait deviner.

    Classement

    Rangement, classement, boîtes d'archive et mise à la poubelle en prévision du déménagement d'avril. Le fait de commence à regarder les offres d'emploi me motive : laisser une situation propre avant de partir.

    Mes deux prédécesseurs imprimaient tous leur emails. Les dossiers en sont pleins.

    Journée productive

    Traité tous les mails accumulés depuis l'hospitalisation d'H. le 14 décembre (méthode Lifo, last in first out1 qui a l'avantage de donner l'impression à un petit nombre de gens que vous êtes très réactif tandis que ceux qui attendent depuis longtemps ont —parfois— oublié qu'ils ont fait appel à vous ou ont trouvé une autre solution entretemps), signé un contrat, corrigé un autre, etc, etc,...

    La responsable informatique qui ne répondait pas quand je l'appelais depuis mon fixe (elle voyait mon nom) a décroché quand j'ai utilisé mon portable perso. J'ai essayé de la flatter, pas sûre du résultat.


    Note
    1 : méthode comptable de valorisation des stocks.

    Eschatologie

    Des eschatas (doctrine des fins dernières, plutôt 19e siècle, qui concerne son propre salut) à l'eschatologie (qui concerne le salut plus généralement, le salut d tous. Préoccupation du 20e siècle.)

    Difficile exercice pour la professeur que de faire un cours sur la mort tandis que la femme d'un des élèves est en train de mourir d'un cancer.

    Je n'ai pas été très attentive parce que le sujet était délicat, nuancé, difficile — ce qui est un tort, car le sujet était délicat, nuancé, difficile.

    Deux livres :
    Ratzinger, Les principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux
    Jean-Baptiste Metz, Pour une théologie du monde
    Karl Rahner, Traité fondamental de la foi

    Je découvre (j'avais commencé à le découvrir à l'avant-dernier TG) que les théologiens sont extrêmement réticents à utiliser le mot âme et surtout l'idée d'une âme dans un corps (inculturation grecque), mais sans trop oser l'exprimer (le dire au grand public) car les habitudes sont profondément ancrées parmi les fidèles. Il s'avère que "elle est montée au ciel" ou "il te regarde de là-haut" que nous disons aux enfants pour tenter de les rassurer ou les consoler (mais qui cherchons-nous à rassurer ou consoler si ce n'est nous-mêmes) n'ont aucune légitimité au regard de la doctrine de la foi.

    Pour ceux que cela intéresse, voici un texte de la commission théologique internationale sur l'eschatologie.

    Extrait (après avoir dépassé les premiers paragraphes très "catholiques" (je veux dire destinés à des lecteurs ayant une sensibilité catholique — culture ou foi)) :
    Le phénomène du sécularisme s’accompagne immédiatement de la conviction largement répandue (et cela, certainement, non sans l’influence des mass media) que l’homme, comme toutes les autres choses qui existent dans l’espace et le temps, n’est rien d’autre que de la matière et qu’il disparaîtra totalement avec la mort. De plus, la culture actuelle qui se développe dans ce contexte historique s’efforce par tous les moyens de faire oublier la mort et les questions qui l’accompagnent inévitablement. Par ailleurs, l’espérance est ébranlée par un pessimisme quant à la bonté même de la nature humaine ; ce pessimisme est la source d’un accroissement des angoisses et des afflictions. Après l’immense cruauté que les hommes de notre siècle ont montrée au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’espoir diffus s’était répandu que, instruits par cette dure expérience, ils instaureraient un ordre meilleur de liberté et de justice. Malgré cela, très rapidement, une amère désillusion est survenue : « Aujourd’hui en effet, de tous côtés dans le monde nous assistons à une montée en flèche de la faim, de l’oppression, de l’injustice et de la guerre, de la torture, du terrorisme et des autres formes de violence de tout genre. » Dans les pays riches, très nombreux sont ceux qui sont attirés « par l’idolâtrie des biens matériels (ladite société de consommation) » et qui ne se soucient pas de leur prochain. Il est facile de penser que l’homme contemporain est si asservi par ses instincts et la concupiscence, et si exclusivement assoiffé de biens terrestres qu’il n’est aucunement destiné à une fin supérieure.

    Ainsi, beaucoup d’hommes sont dans le doute : la mort mène-t-elle au néant ou à une vie nouvelle ?
    Que pensons-nous de la mort, que croyons-nous vraiment, que nous ne confions à personne ?

    Dimanche

    Marché, catéchisme, flemme.

    Quizz au catéchisme, enfants de dix ans. Dernière question.
    15. Dieu accorde son pardon :
    A. A tout le monde sans exception.
    B. Aux personnes qui le lui demandent et qui regrettent sincèrement le mal qu’elles ont pu faire.
    C. Aux personnes qui ne sont pas capables de lui demander pardon.

    Je suppose que la réponse attendue est la B, mais une enfant a soutenu que les trois étaient exactes (quoiqu'il en soit, accepter C entraîne A, me semble-t-il). J'étais en train de me demander si je lui expliquais que la liberté de l'homme requérait que celui-ci demande son pardon — que Dieu ne pouvait le lui imposer — quand je me suis souvenue de « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font ».
    J'ai abandonné.

    Samuel

    Journée sur Linkedin.
    J'écris à Samuel, un homme rencontré une fois il y a bien longtemps (1989?) pour aller voir Miller's Crossing. C'était alors l'ami de Pascale, ma grande amie, presque mon mentor, du lycée.
    Elle l'a épousé puis elle a divorcé. Samuel me répond très gentiment. Il m'apprend qu'ils ont eu un fils, Baptiste.

    Tout est allé de travers avec Pascale. J'ai fait une erreur d'appréciation, j'ai pris au mot son détachement, son affirmation d'être au-delà des conventions, de s'en moquer. Je ne l'ai pas invitée à mon mariage avec H., je pensais qu'elle se serait ennuyée, que cela ne l'intéresserait pas. En réalité, elle ne me l'a jamais pardonné (il m'a fallu septembre 2014 pour commencer à comprendre combien elle avait dû se sentir rejetée, isolée. Elle avait un fond de tristesse insondable que je n'ai jamais parfaitement compris).

    Je regrette mais ce n'est pas rattrapable (j'ai essayé). J'aimerais avoir l'adresse de sa mère, j'aimerais remercié sa mère. C'était une personne au visage revêche qui m'a beaucoup aidé, qui a soutenu, non ma confiance en moi (je n'en avais pas et cela ne se construit que très lentement depuis quelques années), mais la conscience de n'être pas totalement sans valeur, d'avoir une compétence au moins dans un domaine. C'était la seule personne durant mon lycée à avoir de l'admiration pour mes capacités littéraires qui ne rencontraient que le mépris chez tous les autres (comme quelque chose d'inutile et de triviale).

    Un jour de 1991 ou 1992, ma mère m'a téléphoné toute excitée pour m'apprendre que les parents de Pascale avaient divorcé; lui était parti avec une institutrice plus jeune. Maman voulait savoir si j'avais eu des nouvelles.
    Les parents de Pascale étaient les pharmaciens du village, son père était maire. Je n'ai pas dit à maman que Pascale avait épousé un Camerounais divorcé père d'un enfant de six ans. Cela aurait trop bien nourri sa nature avide de scandales. Mais j'ai compris alors que Pascale n'avait fait cela, sans doute inconsciemment, que pour se venger de sa famille si conventionnelle que son père venait de faire exploser. J'en ai été désolée pour Samuel qui était gentil. J'ai espéré que leur mariage tiendrait malgré tout, que je me trompais.
    Il n'a pas tenu.

    Je n'ai pas demandé l'adresse de la mère de Pascale à Samuel (ou son nom: elle a repris son nom de jeune fille et je l'ai oublié). Je le ferai peut-être vers Noël.



    Dans la lignée de notre promesse de cet été de voir les film de Cannes, les films présentés ou les films primés, vu In the Shade. Avoir une fois, sans plus.

    Opération séduction

    Petit déjeuner avec le DGA (volonté de transparence, rencontre par petits groupes de dix volontaires) ; goûter festif (crêpes et gauffres et cidre et bonbons) à la place de vœux plus formels (et plus coûteux).
    Nous avons beaucoup mangé (quatre gauffres pour ma part) et beaucoup bitché.

    Angoisse

    Trop tard pour le Cochon sans rancune : il a déjà deux mariages ce jour-là. Je commence à avoir peur de ne pas trouver de traiteur.

    Pas grand chose

    Des coups de fils, des appels de cotisation, un Doodle pour trouver des dates de conseils d'administration (quatre ans : il aura fallu quatre ans pour qu'ils se décident à utiliser doodle) et l'acceptation du devis de Docapost (hourra, je viens de me débarrasser de ce que je déteste le plus, l'organisation des élections), un pot planifié avec Aline.

    Deux invités de plus

    Rendez-vous avec C. pour lui donner l'ostrich pillow : il part en Colombie vendredi. Discussion étrange sur les bisexuels.
    C* Ch* appelle pour me dire qu'ils viendront aux 50 ans de mariage de mes parents. Je suis contente, j'avais été désemparée par son hésitation.

    La liturgie après Vatican II et une histoire de la pénitence

    Je mets en ligne quelques notes. J'hésite toujours à faire cela en me disant que c'est trop orienté, mais après tout, si Otir le fait sur la religion juive, pourquoi ne pas le faire sur la religion catholique ? (Toujours cette hésitation à parler de ce qui tient à cœur).


    Concernant Vatican II, on retient essentiellement six points en ce qui concerne la façon de célébrer la messe :
    1/ on s’est mis à célébrer en français (csq sur les lectures, mais aussi sur l’homélie, qui doit commenter les écritures (avant cela, les sermons portaient plutôt sur une vertu, sur l’enfer, etc.)
    rq : le sermon a toujours été en langue vernaculaire. Distorsion entre la langue du sermon et la langue de la proclamation de la parole de Dieu.
    2/ retournement du prêtre à l’autel. Messe face au peuple.
    rq : c’est évidemment faux. On n’a jamais célébré dos au peuple. Simplement le prêtre était orienté vers l’est, comme l'assemblée (pas toujours vrai : St Pierre de Rome est occidenté.)
    A Vatican II, on avance l’autel qui auparavant était au fond, contre le mur. On met en place l’ambon pour la lecture. Une diversité de ministères (chantre, lecteur, prêtre : §29 de la constitution : autant de ministères (mais pas tous ordonnés)).
    En réalité, les fidèles sont autour de l'autel, bien plus que le prêtre n'est devant l'assemblée.
    Vatican II pense la liturgie à partir de l’assemblée (auparavant : à partir du prêtre).
    3/ la concélébration.
    Cela a apporté une dimension festive — avec le risque d’accorder plus d’importance aux grands rassemblements. On est dans un temps de grands rassemblements.
    4/ les laïcs (et même des femmes !)
    5/ la possibilité (au moins en France) de recevoir la communion dans la main.
    6/ la généralisation de la communion tous les dimanches.
    Depuis Latran IV (1215) les fidèles des deux sexes devaient se confesser et communier une fois l’an à Pâques => beaucoup d’hommes ne communiaient que là, et encore.

    Tous ces points sont des approximations. On retient les changements dans la forme. Mais on oublie la réflexion qui la soutient.
    Les deux sources : un retour à l'Eglise primitive et aux pères de l’Église.


    Plus tard le prof nous fait une histoire rapide du sacrement de réconciliation (ou pénitence ou confession). J'ai l'impression de me voir devant les enfants au catéchisme : culture gé en intraveineuse pour combler les lacunes (en réalité j'ai déjà eu ce cours l'année dernière, mais je ne suis pas suffisamment sûre de moi pour penser "savoir", juste vaguement connaître. Savoir, c'est autre chose.)

    Histoire de la Pénitence :
    1/ A l'origine, le baptême est le sacrement de la pénitence, de la conversion, de la métanoia. Sans doute jusqu’au milieu du 2e siècle.
    2/ Arrivent les persécussions => les lapsis (qui renient le Christ dans les persécutions). Débats. Mise en place de la pénitence antique (canonique) destinée aux plus gros péchés : l’apostasie, le meurtre, l’adultère (mais pas d’anachronisme : il ne s'agit pas de « fricoter » avec la femme du voisin, mais de la « piquer » (comme David avec Betsabé. La femme fait partie des biens.))
    Pas d’aveu : la faute est de notoriété publique. Pénitence publique.
    Rachat auprès de l’évêque. Un stage pénitentiel long (des années) avec renoncement à la vie mondaine. Réconciliation => réintégration du pécheur dans le corps de l’Église. Cette cérémonie avait lieu le mercredi saint pour que les réconciliés vivent la Pâques.
    Système très lourd => on préfère demander la pénitence sur son lit de mort (ça abrège considérablement le stage pénitentiel ! (Augustin a été baptisé à trente ans : il fallait que jeunesse se passe. Souvent on était baptisé quasi sur son lit de mort, ça évitait de pécher après le baptême.))
    3/ La pénitence tarifée. Sans doute les moines irlandais (7e siècle). Pour telle faute, tant de prières, de mortifications, de séjours dans l'eau glacée, etc. Aveu (reconnaissance de la faute), pénitence, absolution (dans cet ordre).
    Terrifiants à lire mais très intéressants pour l’histoire des mentalités : les pénitentiels : catalogue des fautes possibles et du tarif pour se racheter. Les pénitences étaient trop dures => système d'équivalence de peines. Par exemple, trois ans de jeûne pouvait être converti en un prix pour des messes pénitentielles ou un pèlerinage à St Jacques. Il a même été envisagé de payer qq’un pour faire la pénitence à votre place .
    Cela a été interdit à partir d’un certain moment.
    4/ La pénitence moderne a été mise en place au 12e siècle par les aumôniers de St Victor pour les étudiants de la Sorbonne.
    On va voir un prêtre : aveu, absolution, pénitence (changement d'ordre).
    Vatican II y ajoute une liturgie de la parole. Pendant des siècles on n’aurait pas pensé à se confesser avec sa Bible : de façon pratique, on avait à disposition une liste de péchés parmi lesquels on choisissait (!) (Ce qui donnait lieu à des conversations du type, nous raconte le moine professeur, « tu as mis quoi, toi ? Ah oui, c'est pas mal, je vais le prendre aussi » et à la petite fille de sept ans s'accusant d'être entée en armes dans les Etats du Vatican (anecdote authentique).
    Vatican II : redécouverte de la Parole, mais aussi du chemin de la pénitence communautaire. La réconciliation est le moment où le pécheur est réintégré dans le corps de l’Église ; le problème est qu’on a totalement privatisé ce moment.

    La vogue des célébrations collectives a diminué parce que Rome a dit non aux absolutions collectives. Mais une célébration communautaire ne veut pas dire absolution collective.


    Le problème aujourd’hui : qu'est-ce que le péché ? Pendant des siècles une infraction au code moral. Mais est-ce vraiment cela ? (Après le cours, le prof donne sa définition : une rupture d'alliance.)
    L’inverse du péché, ce n’est pas la vertu, c’est l’action de grâce.

    Pour donner raison à Catherine Deneuve

    Brigitte et Jocelyne discutent dans mon bureau de l'intérêt de travailler au CE (comité d'entreprise) : autrefois, c'était intéressant, mais désormais l'ambiance est très mauvaise, notamment à cause de LM, un petit chef méchant et vulgaire.

    Brigitte : Non mais tu t'rends compte ?! Un jour, LM a répondu à Hélène : « Et si t'es pas contente, suce ma bite! » Non mais tu t'rends compte ? T'imagines Nicolas1 dire ça ?
    Jocelyne : Tu répondrais oui tout de suite !

    Et d'être prises de fou rire (moi aussi).



    ------------------------
    Agenda :
    Matin jeu de piste à Nanterre préfecture, dans et hors des nouveaux locaux du groupe (il pleut, il fait froid).
    Midi rendez-vous à l'aviron avec Jean-Pierre et Dominique : peut-on envisager de faire la coupe des dames sans les rameuses du week-end, uniquement entre rameuses du midi ?


    Note
    1 : Nicolas est le directeur d'un département, le N+n de Jocelyne : quarantenaire beau, courtois et charmant.

    Jugement catégorique

    Caté.
    Sondage :
    quatorze enfants sur quatorze étudiant un dessin qui montre trois enfants en train de pique-niquer ensemble et un à l'écart en train de manger seul un paquet de gâteaux interprètent que l'enfant isolé s'isole volontairement pour ne pas partager.

    Les derniers invités

    En fin d'après-midi j'ai passé les derniers coups de fil : j'ai enfin réussi à avoir les filles des voisins (l'une était au collège avec moi, l'autre montait à cheval, c'est bizarre de les contacter comme si elles étaient de complètes inconnues), la cousine éloignée qui me prêtait des Pifs pendant l'été quand nous rentrions du Maroc (elle va prévenir son père mais pas sa mère, de peur que celle-ci ait la langue trop pendue avec mes tantes que je ne préviendrai elles-mêmes que début juillet pour la même raison).
    J'ai écrit en Pologne à une cousine venue deux fois à Vierzon, j'ai laissé un message à une cousine de ma mère mais je ne suis pas sûre qu'elle rappelle (c'est le deuxième message).
    Il reste des voisins avec lesquels mes parents se sont brouillés en 2003 alors qu'ils étaient venus s'installer dans le même village spécialement pour être proches. J'hésite.

    Reprise

    Le déménagement de l'ensemble de l'entreprise a lieu ce week-end : il fait de plus en plus froid dans les couloirs, il y a des cartons partout, le mobilier est abandonné dans les salles sans vie.
    Nous resterons les dernières, nous partons en avril avec une autre filiale à laquelle appartiennent le président et le trésorier de la Mutuelle.


    En sortant du boulot, Tout l'argent du monde. Poignant. Bon suspense quand on ne connaît pas la fin de l'histoire (quand on n'est pas assez âgé pour se souvenir).

    Témoignages

    Les deux derniers jours ont consisté en des témoignages de chacun des neufs groupes face à des situations de la vie quotidienne et c'était très intéressant : les temporalités différentes, les énergies différentes, les objectifs différents.


    — Elle me demande comment j'ai dormi : mais moi j'ai pas besoin qu'on me demande ça, je le sais, comment j'ai dormi !

    — Je ne m'en fais pas beaucoup, je vis dans l'instant. Par exemple, j'ai acheté trois robes de mariée pour le même mariage. (rires)

    — J'ai l'impression d'être un caméléon toujours sur la mauvaise moquette.

    — Le petit garçon avait tellement envie de ma voiture rouge que je la lui ai donnée.

    — Le recteur est complètement dépassé.

    — Faire confiance, c'est très long. Ça prend des mois.

    — On m'a dit « Toi, t'es jamais contente. » (elle pleure)

    — On a choisi à ma place ; c'est vrai, ça m'a soulagé.

    — Je voulais qu'on le change d'hôpital, alors j'ai dit que c'était l'évêque qui le demandait parce qu'on ne m'aurait pas écouté.

    Je recommande l'ennéagramme aux personnes qui ont du mal à se situer dans un groupe et qui ont besoin de savoir-faire immédiats. C'est très intéressant et très chaleureux.

    Deux invités de plus

    Appelé François S à sa demande. La femme d'Edouard viendra peut-être (Edouard est mort, c'était un cousin de ma grand-mère, la seule famille polonaise en France avec la sœur de mémé). Il me propose également d'inviter Marila, qui est venue deux fois à Vierzon quand j'avais une dizaine d'années.
    Quel rabateur et quel enthousiaste… Je ne peux lui parler de mon angoisse, que maman refuse de venir au dernier moment. C'est si lourd à porter.

    Epuisée

    Troisième jour dans un groupe de trente. C'est fatigant d'être en interactions permanentes avec autant de monde, mais c'est passionnant. C'est moins intrusif et ruminatoire que de la psy (chanalyse ou chologie), davantage tourné vers notre façon d'agir et d'interagir avec les autres, plus directement exploitable.
    A ceux qui s'intéressent au développement personnel ou la connaissance de soi, je ne peux que recommander la participation à un stage, ne serait-ce que par curiosité.

    Communauté

    Deuxième jour, enivrant, à partager des impressions, des craintes et des fous rires avec deux zazous qui sont du même type que moi (un spiritain et un oratorien : à chacun ses zazous).

    Qui suis-je, suite

    A-C ne jure que par l'ennéagramme (bien que la vraie pro soit sa sœur). Alors lorsque j'ai vu passer une annonce sur la page FB de la catho (plus précisément de l'ISPC, Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique1) pour une formation de quatre jours sur le sujet, je m'y suis inscrite : après le MBTI, je n'étais plus à ça près.

    La journée a été instructive et amusante. Nous sommes trente dont une bonne moitié de prêtes et de sœurs en "parcours Nicodème2" et le reste en "mission diocésaine" (sauf moi qui suis tout de même en cycle C, même si personne dans la salle ne sait ce que c'est). Je suis toujours admirative de la diversité géographique de la catho : Birmanie, Haïti, Italie, Togo, Congo, Bénin, Madagascar, la Réunion… et Tours, Nîmes, Limoges.

    La matinée (deux heures) est consacrée à une sorte d'échauffement en répondant à trois questions à partager ensuite en groupes de trois (groupes toujours différents de façon à connaître tout le monde3).
    Je vous livre les questions :
    - Qu'est-ce qui m'agace le plus chez les autres ?
    - Qu'est-ce que j'aime que les autres disent de moi ? (quel compliment apprécié-je le plus ?)
    - A quand remonte ma dernière colère et quel en a été le sujet ?


    Pour nous montrer que nous avons besoin du regard et des comptes rendus des autres pour nous connaître nous-mêmes (besoin du reflet dans l'œil et la parole de l'autre), l'animatrice délimite quatre zones :
    - la zone publique : ce qu'on montre aux autres en sachant qu'on le montre (ce que je sais que je montre et que les autres voient)
    - la zone cachée : ce que je sais de moi mais que les autres ne voient pas (je le cache)
    - la zone aveugle : ce que les autres voient mais que moi-même ne connais pas ou ne sais pas que je le montre (à mon sens, c'est cette zone qu'on prend le risque d'exposer quand on blogue, elle est l'enjeu du blogage.)
    - la zone inconnue : ce que je ne connais pas de moi et que les autres ne voient pas (que faire de cette zone ? espérer la réduire ? l'appeler subconscient ? la conserver précieusement ? (ce sont mes questions, pas celles de l'animatrice)).


    L'après-midi a été consacrée à la description des neuf types (je ne les donne pas, mais c'est du genre le perfectionniste, l'observateur, le secourable, le défenseur de l'orphelin, etc). « Il n'y a pas de sale type » est le credo. Le présupposé est une blessure d'enfance enfouie (pauvres parents, aucune chance de s'en sortir !) ; la recommandation est de ne jamais jouer à mettre une étiquette sur qui que ce soit en observant un comportement : il faut remonter aux motivations.

    « Imaginez que vers la fin du repas X. se lève pour aller chercher le fromage : vous ne pouvez pas savoir si c'est pour rendre service, si c'est parce qu'il s'ennuie, si c'est pour échapper à une discussion dans laquelle il ne veut pas prendre partie, si c'est parce qu'il veut être sûr que le plateau sera présenté comme il convient… »

    C'est ludique, c'est curieux, mais qu'en faire ? Je ne sais pas très bien. (L'écriture d'un roman ? Neuf personnages commettant la même action chacun pour une raison différente… C'est beaucoup, neuf.)


    Note
    1 : il faut dire que le sujet que j'envisage pour le mémoire de théologie va sans doute porter sur la catéchèse
    2 : sorte d'année sabbatique et de formation continue volontaire pour les prêtes et les sœurs. Bonne initiative, j'en ai connu au bord de l'épuisement
    3 : j'en profite pour partager "trucs et astuces pour animer un groupe" (car j'ai été surprise de constater combien c'était peu connu lors de mes dernières formations en entreprise)

    Affaires classées

    J'ai enregistré dans LibraryThing la vingtaine de livres de poche ou de petit format de l'étagère à côté de mon bureau. Tous avaient un lien avec RC, tous m'ont servi à l'étude de RC : Toulet, Barthes, Duane Michal, Saint-John Perse, les deux tomes du colloque sur Robbe-Grillet à Cerisy (quand je pense que je songeais à en organiser un autour de RC en m'appuyant sur Sjef Houppermans, un habitué des lieux), Cavafis, Levet, Ricardou, Projet d'une révolution à New York, L'invention de Morel, La route des Flandres, Bonnefoy. J'ai acheté la plupart entre 2004 et 2005 (avec des exceptions comme Toulet, acheté en 1991).
    Je les enregistés et je les ai descendus dans la bibliothèque commune. Je n'ai gardé près de mon bureau que ceux auxquels je suis personnellement attachée : Cavafis (translittération du Gallimard poésie), Levet, Saint-John Perse et Duane Michel.

    Maternage

    A. est en cinquième année d'école d'ostéopathie animale. Elle devrait obtenir son diplôme en juin et s'établir à son compte ensuite. Afin de préparer cette importante transition, elle est habilitée à soigner ("traiter") des animaux (chiens, chats, lapins, chevaux, vaches, etc) dès maintenant, gratuitement1 (puisque non diplômée), en ayant la possibilité d'appeler un professeur en cas de question sur un cas difficile.

    Nous nous heurtons à deux séries de problèmes.
    D'une part elle doit rendre trois rapports sur les chevaux et un sur les chiens correspondant à trois stages pour les chevaux (dressage, CSO et courses) et à cinq pour les chiens (handicap, agility, jeux et sport, garde ou policier, chasse). Elle avait cinq ans pour effectuer ces stages et rédiger les rapports (il me semble que j'ai déjà raconté cela, sans doute en août). Elle a fait le stage en écurie de course et écrit le rapport correspondant le premier été de ses études, puis plus rien. Chaque fois que je lui posais des questions, elle expliquait pourquoi tel ou tel stage n'était pas trouvé (les handi-chiens, difficile, les instituts ne veulent pas partager leur savoir ; les policiers, impossible depuis les attentats ; etc. etc.) Elle se fâchait quand j'essayais de savoir comment faisaient ses camarades de classe : « Mais je n'en sais rien, on ne parle pas de ça entre nous ! »
    (Mais de quoi parlent-ils en ce cas ?)
    Bref, nous ne nous sommes pas méfiés tant nous pensions que faisant les études de ses rêves, elle s'organiserait pour faire ses stages et avoir son diplôme.

    Cet été nous avons pris la mesure du désastre et nous avons commencé à exiger un planning.
    Aujourd'hui les deux rapports manquants concernant les chevaux sont rédigés mais toujours pas rendus (je voulais qu'ils soient envoyés (par mail) pendant les vacances de Noël : impossible, il fallait scanner les conventions de stage restées à Lisieux. Elle le ferait dès qu'elle serait rentrée (soit jeudi dernier). Je pose la question ce matin: alors ils ont été rendus? Non, son imprimante a refusé de scanner, elle a ramené les conventions ici pour le faire ce week-end (mais à l'heure où j'écris ce n'est toujours pas fait)). La rédaction du rapport concernant le stage handi-chien2 n'est pas terminée (j'ai demandé à l'avoir avant qu'elle reparte demain).

    Cette partie concerne l'obtention du diplôme. L'autre problème est la constitution d'une clientèle. Cet été H. a pensé l'aider en apportant des solutions techniques : il lui a créé un site, un logo, des affichettes avec coupons détachables à laisser chez les commerçants et les clubs hippiques.
    Mais cela ne traite pas le problème de fond : la timidité, la peur et la flemme (le tout s'entre-entretenant) de A. Elle a fini par déposer sa première affichette la dernière semaine de décembre parce que j'avais menacé de venir à Lisieux les déposer avec elle…

    (Nous avons posé la question : « Mais enfin, c'est bien le métier que tu voulais faire ? » et la réponse, désarmante de naïveté et d'évidence : « oui, mais je n'avais pas pensé qu'il y aurait des propriétaires. »)

    Alors nous définissons des objectifs sur le double front diplôme/installation. La semaine dernière H. a fait le tour des commerçants avec elle pour déposer des affichettes pendant que je relisais le rapport sur le dressage. Aujourd'hui nous avons imposé qu'elle téléphone à tous les clubs d'agility pour trouver le stage suivant :
    — Alors tu as appelé ?
    — Oui, à trois numéros. La troisième a dit que je pouvais venir le 19. Les deux autres n'ont pas répondu.
    — Tu veux dire que la première qui a répondu t'a dit oui ?

    Je n'en reviens pas. Elle a une chance insolente. Je me retiens de la morigéner sur le thème « tu aurais quand même pu te remuer avant, regarde comme c'est facile. » Je suis trop soulagée pour cela et surtout je souhaite que cela renforce sa confiance en elle. Tout cela est si fragile.
    Le plus difficile pour nous est de tenir dans la durée : trouver des objectifs, les lui donner, s'en souvenir, contrôler qu'elle les a atteints. Ce côté sergent-chef dans le cadre familial m'ennuie, je ne m'y tiens pas. Les enfants le savent et en ont toujours joué : attendre que je me lasse, que j'oublie. J'y reviens par à-coups, je manque de régularité, je ne donne pas l'exemple.


    Je dis en riant à H. exaspéré et désolé : «Courage! Le pire c'est que dans trois ans, quand elle aura pris confiance en elle, c'est elle qui viendra nous expliquer comment se constituer une clientèle et nous donnera des cours de marketing!»
    Il me regarde épouvanté.



    Note
    1 : vous pouvez en profiter si vous le souhaitez: zone géographique couverte, du Calvados à l'Essonne
    2 : elle a obtenu ce stage difficile à obtenir en envoyant un mail, tout simplement.

    Le chaud et le froid

    Anne, la rameuse que j'avais contacté le 29 décembre sur les conseils de JP m'envoie un SMS pour me dire qu'ils sont quelques-uns à ramer en huit le samedi, hommes et femmes mélangés, et à la réflexion elle n'a pas vraiment envie de casser cette chaleureuse ambiance.
    Je crois qu'elle manque l'objet du huit que je propose : la compétition, une compétition, quelque chose avec un enjeu, autre chose que de simples sorties pour prendre l'air et transpirer. La perspective de forger une équipe dans l'effort.
    Cela me faisait envie.

    Donc mon lumbago m'a fait abandonner, Dominique m'a redonné espoir, Vincent m'a fait abandonner, Jean-Pierre m'a redonné espoir, Anne tend à nouveau à me faire abandonner… Je ne sais plus quoi faire.
    Je vais en reparler à Jean-Pierre, suivre l'avis de Vincent en tentant de monter en huit toutes les fois où cela sera possible… et me mettre à faire mon CV : car c'est la perspective de ce huit qui me retenait de chercher un poste qui m'éloignerait de la Seine.
    Si ce projet de huit ne prend pas forme, rien ne me retient à la Défense.

    Les choses de la vie

    — Quand les gens viennent à la ferme chercher des lapins avec des jeunes enfants, on essaie de les réorienter vers les cochons d'Inde, c'est moins fragile.
    — Comment ça, moins fragile ?
    — Oui, les lapins et les cochons d'Inde, il suffit de leur tirer sur la tête pour les tuer, c'est pour ça qu'on ne les utilise pas en médiation.
    — En médiation ?
    — Les animaux d'assistance, les handi-chiens. Il y a des chèvres, des chats, des chiens, mais pas de lapins. Une séance avec un autiste, par exemple, ce n'est pas sûr que le lapin soit vivant au bout d'une heure.


    Et tout cela tranquillement, au petit déjeuner, comme allant de soi. D'une certaine façon c'est évident, mais je n'y avais pensé : ce n'est pas seulement l'intelligence de l'animal qui est prise en compte, mais aussi sa résistance.

    Journée interminable

    Marché à Yerres. Peu de commerçants, peu de clients. Une part de bûche à la crème au beurre au café (je dois être la seule personne à aimer cela).

    Tempête sur la France à partir des côtes, la deuxième (Eleanor) en deux jours (après Carmen). Nous avons convaincu A. de partir tard ce soir ou tôt demain car j'imagine mal sa voiture lutter contre des vents de cent dix kilomètres-heure.

    Un convoyeur (un chauffeur payé pour cela) est venu chercher la Lexus le 29 décembre (c'était une voiture de société, H. aurait dû la rendre le 20 mais son hospitalisation l'en a empêché), nous n'avons donc plus qu'une voiture deux places à la maison. (Je n'aurai jamais autant parlé de voitures que depuis six mois. Regret de la Lexus, la meilleure voiture que nous ayons jamais eue, la plus luxueuse, la plus puissante, la plus silencieuse, la plus douce, la plus sécurisée ou sécurisante, aussi).
    Dans l'après-midi, nous allons essayer et acheter une Citroën C4 d'occasion à Corbeil-Essonnes. C'est un achat raisonnable de personnes raisonnables, un achat qui me rassure en attendant de savoir ce que va donner l'entreprise d'H.

    Préparation d'un repas sans gluten et sans lactose pour nos amis de Franche-Comté (c'est à cela qu'on mesure l'amitié !). Curry d'agneau, taillage de bâtonnets de légume, brocciu et roquefort pour l'apéritif.
    Discussions tard dans la nuit (bien trop tard, interminable, deux heures du matin, je ne tiens plus assise, je me lève et marche de long en large, je suis la seule à travailler le lendemain) et deux bouteilles de rouge à trois, nous parlons hôpital (« ils ne communiquent pas du tout entre spécialisations ») et opérations et opération râtée et douleur (« la morphine c'est bien la première heure puis pendant trois heures tu dégustes ; ces pics deviennent intolérables ; à la fin je préférais ne pas en prendre du tout ») et consultation privée ou publique (« je lui ai demandé de m'expliquer la différence : gratuit et six mois d'attente ou cent cinquante euros dans deux semaines »). Pas de doute, nous vieillissons (« je lui ai dit "jusqu'à ce que vous m'opériez j'allais très bien", il n'a pas aimé. Mais c'était lui-même qui m'avait dit que j'étais en pleine forme »).
    Architecture et aménagement du territoire, aussi : vingt millions de mètres cube de terre déblayés lors du creusement des tunnels de RER autour du grand Paris : qu'en faire ? et comment la déplacer, par camions (de vingt mètres cube), péniches, trains ?
    Je propose de la donner (parce qu'ils sont pauvres) à la Biélorussie (Tchernobyl) s'ils viennent la chercher ou de la vendre (parce qu'ils sont riches) aux Pays-Bas contre la montée des eaux.

    2018 sur les chapeaux de roue

    Eclats de rire et consternation. Restera-t-il quelqu'un pour lire ces billets dans trois ans ?

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    Le leader de la Corée du Nord Kim Jong Un vient de déclarer que le bouton nucléaire demeure sur son bureau en permanence. Quelqu'un dans ce régime appauvri et affamé aurait-il l'amabilité de l'informer que moi aussi je possède un bouton nucléaire, mais que le mien est bien plus gros et bien plus puissant que le sien et que mon bouton fonctionne !


    Par ailleurs, Paul Otchakoski-Laurens est mort hier dans un accident de voiture.

    Deux

    Une charlotte aux airelles, la belle à la belote (nous avons perdu) et retour dans la nuit sous la pluie fine. Il y a tant de monde sur la route que nous sortons après Orléans pour remonter par la Beauce (St Lyé, Méréville (nous aimons passer à Méréville),…) puis Vert-le-petit, Lisse, etc. pour éviter la Francilienne. Il semble y avoir de nombreux accrochages.
    Nous nous arrêtons à deux reprises, dont une au McDo (!) pour laisser souffler H. et son caillou. A l'arrivée, la maison ne sent pas trop mauvais malgré les deux chats et le lapin enfermés trois jours (c'est toujours le moment désagréable du retour : les remugles quand on ouvre la porte).

    Red 2. H. et C. ont mis en place une solution de galerie de photos hébergée en site personnel qui devrait me permettre d'en faire réapparaître sur ce blog. J'entreprends de mettre à jour peu à peu les billets des dix ans passés. C'est toujours étonnant de les relire, tout paraît si proche. Le temps ne passe pas.

    Tickets en 2018

    Uniquement les films vus au cinéma.

    12 janvier, Tout l'argent du monde de Ridley Scott
    26 janvier, In the Fade, de Fatih Akin. Le voir une fois.

    2 février, Pentagon Papers de Steven Spielberg
    Pentagon Papers avec O et H à Yerres, en VF (atroce !)
    L'entretien, interview de Victor Hugo par Denielou et ??
    3 Bilboards de Martin McDonagh. Culpabilité et remord. Rédemption. Excellent.
    19 février, Jusqu'à la garde de Xavier Legrand. Les stats de la violence mises en image. Bien.
    22 février, Wonder Wheel de Woody Allen. Sans intérêt si ce n'est la lumière.

    3 mars, exposition "Les voyages imaginaires de Picasso", Vieille Charité à Marseille.
    3 mars, visite de la crypte de St Victor, Marseille
    4 mars, exposition au château Borely (Marseille)
    21 mars, Le labyrinthe 3 : le remède mortel de Wes Ball. Bof.
    23 mars, : Dopo la guerra d'Annarita Zambrano. On s'ennuie un peu mais Charlotte Cétaire est intriguante.
    24 mars, La passion selon St Matthieu de Bach au Théâtre des Champs Elysées - direction Mark Padmore avec l'orchestre et les chœurs of the Age of Enlightenment. Fantastique.
    25 mars, L'année suivante d'Isabelle Czajka et La loi de la jungle d'Antonin Peretjatko. Deux beaux films dans des genres très différents.
    27 mars, Stabat Mater de Pergolese au Théâtre des Champs Elysées - Julia Lezhneva soprano et Franco Fagioli contre-ténor. Un peu déçue.
    28 mars, Hostiles, Scott Cooper. Trop convenu dans son désir de réconciliation (genre «chacun a ses raisons»).

    7 avril, Le château de Barbe-Bleue de Béla Bartók et surtout La voix humaine de Francis Poulenc
    11 avril, Theo & the hearts aux Etoiles (rue du Château d'eau) avec les garçons et Camille.
    16 avril, 16h10 : Red Sparrow de Francis Lawrence. Plaisant.
    19 avril, Dans la brume de Daniel Roby. Idem.

    1er mai, 20h30 : Avengers Infinity War d'Anthony et Joe Russo, pour accompagner Hervé. Très décousu, à peu près inutile. Politique maltusienne, peur des années 60.

    6 juin : Lars Kraume, La révolution silencieuse. Très bien. Avant l'érection du mur de Berlin. De la difficulté d'être allemand dans les années 50.
    15 juin : Chris Marker, Berliner Ballade. Déçue. Trop de gros plans, pas de vision générale, pas le temps pour l'œil de se poser.

    12 juillet : Juan Antonio Bayona, Jurassic World 4. La responsabilité écologique du point de vue génétique. Mais bof, toujours simpliste. Je devrais abandonner ce genre de films.
    18 juillet, Gary Ross, Ocean 8. Pour passer un bon moment au frais dans une salle. Sans intérêt.
    21 juillet : The last Movie de Dennis Hopper (1971). Un peu barré mais pas trop.
    26 juillet : Woman at War de Benedikt Erlingsson (2018). Formidable.
    30 juillet : Woman at War avec H. à St Maur des Fossés. Hélas la salle n'est pas climatisée...
    31 juillet : Gustav Möller, The guilty. Moins trépidant que ne le laisser prévoir la bande-annonce mais pas mal. La rédemption par le sauvetage d'autrui.

    1er août : Matteo Garrone, Dogman. Un bon petit gars. Je me suis ennuyée.
    6 août : Ocean 8 une deuxième fois, parce que je n'ai pas osé dire à H. que je l'avais vu et que c'était mauvais.
    8 août : Christopher McQuarrie, Mission impossible 6 : Fallout avec H. Haletant et romantique.
    15 août : Mission impossible: Fallout une deuxième fois, en VF, avec les voisins.
    27 août : Prieuré de Grammont (commune de St-Prouant)
    28 août : maison de Clemenceau à St-Vincent-sur-Jard

    Une journée devant la télé

    Traditionnel concert du Nouvel An à Vienne ;
    Inside Llewin Davis avec O. : je lui en avais parlé tandis que nous écoutions les podcasts sur Bob Dylan. Toujours perturbée par la boucle temporelle de la fin. Je ne comprends pas, mais so Coen;
    Mélodie en sous-sol qu'O. n'avait jamais vu. Je suis gênée par la muflerie de ces films, auparavant je n'aurais pas osé le dire, poids de l'autorité oblige;
    concert du Nouvel An de la Fenice sur Arte.

    Puis deux mille de belote. Je suis en équipe avec mon père (je soupçonne O. de ne pas avoir voulu se remettre avec moi depuis notre défaite du 26 décembre : je ne suis pas assez chanceuse), nous perdons largement le premier mille, gagnons courtement le second. A. a une chance insolente.

    Livres lus en 2018

    Toujours la même règle : livres lus de la première à la dernière page, ce qui exclut beaucoup de livres de théologie abandonnés quand le cours s'interrompt.

    - 2 janvier 2018 : Nicolas Bokov, Opération betterave : pastiche de Bond ou SAS, syntaxe et récit parfaits, diégèse sans intérêt et culcul la praline, quelques anecdotes amusantes.

    - 1 février 2018 : John Dos Passos, The 42th Parrallel.

    - 21 avril 2018 : Tynianov, La jeunesse de Pouchkine.

    - 6 mai 2018 : René Marlé, Le Projet de théologie pratique. Livre de base qui balaie les catégories de la théologie en explicitant la place de Schleiermacher.
    - 7 mai 2018 : François Jullien, L'écart et l'entre, Galilée 2012. Chaudement recommandé
    - 8 mai 2018 : Karl Rahner, Qui est ton frère?, Salvator 1982. Texte d'une conférence qui met en évidence les tensions nées du choix de Jean-Paul II comme pape.
    - 18 mai 2018 : livre de la Sagesse dans la Bible de Jérusalem
    - 22 mai 2018 : Yves Raguin, Un message de salut pour tous, supplément à Vie Chrétienne n° 406 - 1995

    -28 août 2018 : Anne Finne : Le jeu des sept familles et Comment écrire comme un cochon

    23 octobre : la théologie, pour qui, pour quoi
    29 octobre : Roues libres, manuscrit, Jacques Beurier
    31 octobre : Des laïcs en théologie, pour qui, pourquoi


    6 décembre 2018 : Langelot fait le singe
    8 décembre 2018 : Une offensive signée Langelot
    9 décembre 2018 : Langelot en permission
    10 décembre 2018 : Langelot mauvais esprit, Langelot et les exterminateurs
    12 décembre 2018 : Langelot et le gratte-ciel

    Dernier jour

    Voyage Yerres-Blois dans l'après-midi. Très douloureux pour H., j'espère que cela aura au moins pour effet de faire descendre le caillou.

    Nathan nous appelle sur Facetime. Je suis heureuse et étonnée que nous n'ayons pas perdu son amitié à travers cette année tourmentée. Il est en voiture, autour de lui défilent les paysages enneigés de Pennsylvanie.

    Soirée en famille et beaucoup de champagne pour le petit nombre de buveurs. J'ai droit à mon portrait Snapchat avec oreilles de lapin ou de chien, je suis donc entrée définitivement dans le XXIe.

    — Vous avez vu mon côté Jennifer Aniston ?
    — Plutôt Jennifer qu' Aniston.

    J'ai reçu de quoi m'offrir un vol en avion de chasse : le billet n'a pas été acheté car il faut un certificat médical au moment du paiement. Je vais en profiter pour faire le test d'effort recommandé par mon généraliste.

    L'heure du bilan annuel : positif, le voyage de cet été (les nuages, les paysages, les rêves, l'accueil de Rémi, de JY et de Michèle à Prague) et la MX5, les nouvelles fenêtres et la rénovation de l'escalier qui rendent la maison accueillante ; négatif, la folie de B. qui a fait s'écrouler le rêve américain, l'obsession de G, le départ d'Aurélie et d'Hubert, le lumbago.

    Dernier samedi de l'année

    — Il n'y a plus d'anthropophage ?
    — Non, on vient de manger le dernier.




    Et sinon, une recette de vin chaud.
    750 ml de vin rouge (Graves 2015)
    50 ml de brandy (j'ai utilisé du cognac)
    100g de miel
    4 graines de cardamone
    3 clous de girofle
    2 bâtons de cannelle
    le zeste d'une orange.
    Amenez l'ensemble à ébullition puis filtrer. Versez sur des amandes et raisins.

    Le soir encore Red en enregistrant des livres dans LibraryThing.

    Froid

    La température au Canada et au nord des Etats-Unis atteint les -50 °, ce qui permet à Trump de confondre climat et bulletin météo.
    Gwenaëlle avec qui je rame en double en Melun est à Montréal en ce moment.

    Journée de solitude et de froid au bureau (font-ils des économies de chauffage dans notre couloir ?)

    Je passe à la Madeleine pour un café viennois chez Ladurée et prends une glace (Ispahan : framboises et pétales de rose).

    Jumandji II

    Je quitte tôt le bureau pour aller voir Jumandji 2 (je suis fan du premier dont je regarde régulièrement la cassette pixellisée sur notre écran trop grand.)

    A mon sens c'est une réussite : « Mais qui joue encore aux jeux de plateau ? » Et le jeu, réactif, de s'adapter de lui-même en jeu vidéo. L'action ne se passe donc pas dans notre monde comme dans le premier, mais dans le jeu lui-même, avec toutes les caractéristiques d'un jeu vidéo, une quête, des niveaux, des vies à utiliser (trois, ou plutôt deux, car si vous perdez la troisième, vous êtes mort). La réussite du film tient en quelque chose de fragile, difficile : une maladresse simulée, celle du joueur qui joue imparfaitement à un jeu dont il ne connaît pas les règles.

    Notons des allusions à Indiana Jones et aux Gardiens de la galaxie et un cours de séduction (« Il faut que tu te touches tout le temps tes cheveux et que tu te mordilles les lèvres »).

    Classement/Rangement

    Je range paresseusement quelques livres (référencement dans Librarything : je me demande régulièrement pourquoi je continue à le faire) avec Breaking bad en fond : il est toujours intéressant de prendre conscience des allusions au futur qui ne pouvaient être comprises à une première vision.

    Une belote de trop

    Après avoir oublié de jouer hier (discussions d'hôpital obligent), nous avons commencé un mille vers quatre heures, qui s'est transformé en deux et la belle, tant et si bien que mes beaux-parents ont dormi à la maison. (O. et moi avons perdu, mais c'était très serré.)

    Noël

    Et de nouveau dans la cuisine : un chapon farci aux pommes et poires poêlées (le secret c'est l'humidité de la poire).

    O. me confie tandis que nous essuyons les verres (car la jolie vaisselle ne passe pas au lave-vaisselle) : « j'ai l'impression d'avoir passé les vacances dans la cuisine».
    Et en effet, s'il n'y a pas plus de travaux que d'habitude, il y a nettement moins de participants. (J'aime beaucoup les scouts qui appellent « services » ce que je nomme « corvées ».)

    C. repart avec mon iPad : il me le rendra en juin, après la remise de ma dissertation d'anthropologie chrétienne (à moins que je ne choisisse un oral ? Mais la professeur m'impressionne tant que je pense choisir un écrit.)

    Dans la cuisine

    Marché. Un chapon et deux poulardes. Le fermier (un charmant jeune homme ressemblant à Di Caprio, tandis que Juliette, la vendeuse, ressemble à Emmanuelle Béart : à croire que c'est un critère d'embauche) m'a proposé de porter mes paquets à la voiture :
    — Inutile, je fais de l'aviron.

    Curry d'agneau le midi, bûche au chocolat l'après-midi (pour une fois que j'ai accès à la cuisine, je fais des expériences), poulardes le soir avec des châtaignes cuites dans du miel (celui qui fait la cuisine choisit les recettes et je suis la seule à réellement aimer les châtaignes)).

    H. va beaucoup mieux, la fièvre a cédé.

    Deux cours et un pot

    Allemand : dernier cours avec ce professeur dont le moins qu'on puisse dire est qu'il aura été désinvolte : s'arrêter à cinq heures parce qu'il a ses enfants à aller chercher à l'école, pas une femme n'aurait osé le faire (je m'en souviendrai). C'est un professeur d'histoire et de théologie très respecté, d'où sans doute l'indulgence dont il bénéficie. Et je conviens que son esprit de synthèse est remarquable et permet de comprendre les thèses d'un texte en quelques mots.

    Je prends un pot avec Jean-Marc. Ça me fait plaisir, je n'aurais pas osé le contacter. Il a commencé le cycle C en même temps que moi mais a fait deux année en une l'année dernière (anthropologie et agir chrétien). Il est donc en année de rédaction de mémoire et me raconte drôlement sa solitude : « je ne suis pas main stream » dit-il en évoquant le côté catho dans la ligne du parti de ses congénères (bien fait, il n'avait qu'à rester avec nous. Je lui en ai voulu : l'année où je n'avais enfin plus de cours de langue, ils ont arrêté de prendre une bière avant les cours en même temps que ceux-ci commençaient une demi-heure plus tôt. Les buveurs ont soit abandonné (Kamel, Daniel, Marc) soit comme Jean-Marc choisi de progresser plus vite).
    Nous échangeons des nouvelles, des trucs et astuces. Je pense souvent à lui car c'est lui aussi qui me fait sentir comme Jonas à bord du bateau.

    Cours de grec. Le logo de l'office du tourisme d'Israël est une référence à Nombres 13,23.

    2017-1221-office-tourisme-Israel-100.png


    Ça c'est de la culture gé !

    J'apprends également l'existence de la fondation Martin Bodmer : Martin Bodmer a été un grand collectionneur de manuscrits et d'autographes. Sa collection ne voyage pas (elle n'est pas prêtée, ou rarement) mais la fondation organise des exposition. Notre professeur nous recommande celle sur la traduction qui se déroule actuellement.

    Grec

    Récupéré H. à l'hôpital ce matin.

    Traduction de la Septante. Construction parallèle et échos, sans doute un effet de la syntaxe et des traditions hébraïques.
    Les Nombres, livre austère. Ce n'est qu'en le traduisant que j'en découvre la poésie.

    Un informaticien à l'hôpital

    Vers midi, H. au téléphone, enflammé : « Non mais tu te rends compte, leur système informatique… Incroyable ! »

    Et de me raconter en s'échauffant les deux systèmes informatiques qui ne communiquent pas entre les urgences et l'hôpital "ordinaire", l'obligation de tout ressaisir entre les deux services, le logiciel qui a compté trois injections d'antibiotique alors qu'il n'en a reçu qu'une (« l'infirmière a l'habitude, elle a tout revérifié avec moi »), les données de l'examen biologique dissimulé six écrans plus loin, l'ergonomie de l'application sans lien avec les besoins réels du métier (« elle m'a dit que 80% des gens qui viennent ici arrivent à cause de problèmes d'hypertension : ça devrait être la chose la plus facile à saisir, apparaissant immédiatement sur l'écran, immanquable : eh bien non, les champs à saisir sont cachés je ne sais trop où… »), etc.

    Pendant qu'il fait ainsi l'audit du système informatique et des process il pense moins à la douleur et je préfère cela, mais j'ai le cœur serré quand il prononce son jugement final : « je vois se mettre en place ce que j'ai vu dans les [lieux où il vend ses logiciels] : un circuit parallèle d'informations pour contourner l'informatique. Et le garant de ce circuit parallèle, c'est le patient lui-même, ce qui implique qu'il soit en état de répondre, qu'il ne soit ni bête, ni trop âgé, ni trop malade.»



    H. est opéré dans l'après-midi : pose d'une sonde entre la vessie et le rein pour éviter l'engorgement de celui-ci.
    Je suis dans sa chambre quand il remonte du bloc vers sept heures du soir. Un instant guilleret, il déchante vite. Le chirurgien passe, hésite à le laisser sortir : qu'en pensons-nous ? J'interviens : « Vous avez des protocoles ? Suivons-les.»
    H. reste à l'hôpital pour la nuit. Cela me rassure.

    Les SMS de la nuit

    Arrivés aux urgences vers dix heures. Attente. H. est appelé vers onze heures moins le quart. Je reste en salle d'attente. Je retranscris ses SMS avec les heures qui apparaissent sur mon téléphone.

    dimanche 23:00
    — Je suis tombé sur une pas rapide.

    Il revient : « ils m'ont pris une pinte de sang. Maintenant ils le mettent en culture, il faut attendre une heure.» Evidemment. Incompressible. Nous attendons. Un navet à la télé doublé par des voix perçantes. Escapade à Noël. Peu de monde, quatre ou cinq familles, des fillettes de huit à douze ans. Nous avons sommeil, les bancs sont durs et la lumière crue, impossible de trouver une position confortable. Je me lève et fais les cent pas.

    Il est à nouveau appelé. SMS.

    lundi 01:03
    — Médecin toujours pas là.

    — Bien installé.

    — Je vais être sous antibiotiques. L'opération va sans doute être avancée

    — On a eu raison de venir
    (C'était la grande question : étions-nous en train de sur réagir ?)

    — Antibiotics en perfusion

    — Je sors ce soir pour sans doute revenir me faire opérer demain

    — L'urgentiste appelle l'urologue demain

    — J'attends que l'on me pose ma perfusion et après y en a pour 15 mn
    (Et moi qui croyais que c'était en cours…)

    — Non. J'ai eu droit à une oscultation en règle. Demain échographie à 10h.

    — Je suis sous perf.

    Il me propose de venir mais je refuse : je tombe de sommeil, j'ai mal partout, je marche pour tromper l'attente sans pouvoir échapper au nouveau film débile (Le plus beau char de Noël). Je ne me sens pas la force de rester assise sans rien faire dans la pièce où il est perfusé.

    — Complication. Je fais une allergie à qq chose.

    — Allergie à l'antibiotique.

    — Je suis sous anti-istaminique et un produit genre ventoline en micronisation.

    — Plaques rouges partout.

    Finalement ils l'ont gardé et je suis rentrée seule à trois heures du matin.

    Zachée

    C'est l'un de mes week-ends théologiques. Combien de week-end sans ramer, deux, trois ?

    Catéchisme pour les enfants de CM2. Episode de Zachée. J'explique, j'explique, j'explique. Est-ce que je les ennuie ? Avoir tort et faire du tort, non, ce n'est pas la même chose ; non, salut ne veut pas dire (ici) bonjour ; la lèpre peut faire tomber le nez mais oui on peut respirer car on respire avec les trous ; ex-il et ex-ode ont le même préfixe ex- qui veut dire sortir (expirer, extérieur) ; exil à Babylone, puis les Perses puis les Grecs puis les Romains ; quel grand empereur grec connaissez-vous ? (je ne sais pas ce qu'ils savent, je n'ai aucune idée de ce qu'ils apprennent à l'école ou à la télé. Un ou deux ne semblaient pas connaître Noé).

    Une fillette est persuadée que si Zachée est monté dans l'arbre, c'est parce que c'était dangereux et qu'il forcerait ainsi Jésus à lui dire de descendre. On a dû lui interdire de monter aux arbres, elle illustre parfaitement le biais biographique du lecteur qui se projette sur le récit.

    « Fais appel au cerveau » m'a dit Jacques, mon camarade d'allemand protestant avec qui je comparais les méthodes pédagogiques de nos deux confessions (catastrophiques dans les deux cas).


    H. a mal et jongle avec ses anti-douleurs : il ne faudrait pas attaquer son foie qui est fragile depuis l'hépatite A de 2000. Vers le soir il a de la fièvre, 39°. Que faire, urgences ou pas ?
    Toujours nous nous référons à mon oncle vétérinaire : qui dit fièvre dit infection. Urgences.

    Irons-nous tous au paradis ?

    Titre faisant référence à ceci (pour ceux qui n'auraient pas reconnu).

    TG sur l'eschatologie (ie, l'au-delà et les fins dernières).
    Cette année, les TG présentent une ambiguïté déconcertante : comme d'habitude nous devons lire des textes et préparer nos réponses aux questions d'un dossier, mais la chargée de TG semble considérer qu'elle doit simplement s'assurer que nous avons bien compris les textes en question et que nous ne devons pas déborder sur d'autres aspects du sujet.

    Aujourd'hui il s'agissait des positions de l'Eglise concernant l'au-delà, avec un curieux avertissement : si les théologiens ont la charge de s'interroger, il s'agit pourtant de ne pas désarçonner le peuple des fidèles peu habitué à ce type de recherche (un faux air de "ne pas désespérer Billancourt").

    Les deux autres textes provenaient de Karl Rahner et Louis-Marie Chauvet. La position de fond est simple : tout homme peut être sauvé ainsi que le Christ l'a promis par sa mort et sa résurrection.

    Les choses se sont compliquées (pour ne pas dire envenimées) lorsque j'ai fait remarquer qu'il fallait que la personne considérée accepte ce salut : qu'en était-il de l'homme ayant passé sa vie au service des autres et refusant Dieu avec colère sur le thème « si Dieu existe, j'espère qu'il a une excuse1 » ? Qu'en était-il de l'homme bon refusant au jour de sa mort ou du jugement dernier le salut proposé2 ?

    Je n'ai pas réussi à faire comprendre ma question. Heureusement elle a été relayée et soutenue par d'autres élèves, mais la chargée de TD n'entendait clairement que la possibilité pour l'homme méchant de finir en enfer, ou du moins elle semblait tellement s'attendre à cet argument qu'elle n'entendait pas une question plus étrange : l'homme bon refusant le salut.
    J'ai fini par résumer : « Mais enfin, on ne peut tout de même pas être sauvé contre sa volonté ?! »
    A cela, pas de réponse. Ce cas ne paraît pas envisagé.

    Et pourtant, il existe des gens admirables en colère contre Dieu (auquel ils ne croient pas, un élève a souligné le paradoxe, mais c'est toujours plus complexe que cela : d'une certaine façon ils sont en colère contre son silence). Seront-ils "consolés" contre leur volonté ? Ou leur volonté fondra-t-elle comme neige au soleil ? (Questions très théoriques, certes (smiley), mais puisque nous sommes là pour les prendre au sérieux…)
    Et je pense à la préface de Lolita : il y a trois choses que les braves gens conformistes ne peuvent accepter : un noir vivant avec une blanche, un athée menant une vie bonne et heureuse, un adulte convoitant une enfant.


    J'ai ensuite rejoint H. au congrès du Modem. Il y était depuis le matin. Il avait présumé de ses forces et nous sommes partis avant la fin, vers quatre heures. Le retour en voiture fut pour lui un calvaire.



    Notes
    1 : citation dans les premières pages de La Fée Carabine. Plus sérieusement, pensons à Nietzsche infirmier durant la guerre de 1870.

    2 : par là je demandais quelle était la position officielle de l'Eglise puis que l'exercice consiste à connaître ces positions officielles et les (nombreux) débats en cours.

    La cosse

    Rendez-vous à neuf heures chez le médecin généraliste, d'abord pour O. qui n'est pas convaincu de la complète guérison de son eczéma, ensuite pour H. qui avait rendez-vous avant l'épisode d'hier et en profite pour prendre quelques conseils.

    Rendez-vous à dix heures avec le chirurgien urologue qui ressemble à un héros de roman-photo (toujours je pense à Rémi en train de dire drôlement à propos de X ou de Y : « il est bôôôôôôhhh »). Il nous dessine des reins au dos du scanner (des années d'entraînement) et fixe l'opération à jeudi. Si vite ? Je n'ose y croire. Bien, H. sera serein pour Noël, bonne nouvelle.

    Nous rentrons. H. s'endort, terrassé par la douleur et les anti-douleurs.

    Vers quatre heures, coup de fil de O. : la voiture qu'il a laissée à la gare ce matin ne démarre plus.
    — Je pense que c'est la batterie : la voiture s'est allumée puis tout s'est éteint.
    — Bouge pas j'arrive. En attendant regarde sur youtube comment démarrer une voiture avec des câbles.

    Je passe à la station-service acheter des câbles, demande quelques conseils. Coup de bol il y a de la place devant la Mazda, je gare la Lexus tête-bêche, descends sous la pluie fine dans la nuit quasi-tombée. Nous ouvrons les capots.
    Impossible de trouver la batterie de la Lexus. Elle se trouve sans doute sous un couvercle d'aluminium solidement vissé1.
    Bon ben…
    J'essaie de contacter un voisin, O. une amie qui n'habite pas loin, dans l'espoir de trouver une autre voiture pour nous dépanner. Personne ne répond.
    Rentrons.

    Appeler l'assistance de l'assurance ? Attendre le voisin ? H. réveillé a une idée inattendue : téléphoner au concessionnaire qui nous a vendu la voiture. A ma grandes surprise et confusion, le vendeur propose de passer après ses heures de travail (il habite la ville d'à côté). Est-ce pour son questionnaire de satisfaction client ou aime-t-il vraiment ses voitures ?

    Il nous emmène à la gare. (Du machisme contraint : H. doit-il venir, sachant que la douleur et les médicaments lui interdisent de conduire ? « Je peux y aller toute seule, tu sais. — Oui, mais s'il sait que je suis là, je vais passer pour un cake. »)

    Le vendeur n'a pas un câble mais un booster de batterie. Avant de l'utiliser, il ouvre la portière de la voiture de quelques centimètres : « quelquefois le choc électric bloque la fermeture centralisée et si vos clés sont dedans vous êtes foutu, ça m'est arrivé. Donc pour ce genre de manip prenez l'habitude d'ouvrir la portière. »
    Il soulève le capot, enlève le cache en plastique du pôle positif de la batterie et… constate que la cosse est desserrée.

    Il l'a resserrée à la main, la voiture a démarré, nous lui avons dit merci et nous sommes rentrés.



    Note
    1 : nous apprendrons plus tard que cette voiture étant une hybride, brancher nos câbles dessus aurait provoqué un gigantesque court-circuit qui aurait tout carbonisé : d'où la batterie inaccessible pour éviter une telle catastrophe.

    Urgences

    Au moment où je m'apprête à entrer en cours d'allemand, coup de fil de H. : il a terriblement mal au ventre, il voudrait aller à l'hôpital, il ne veut pas prendre un taxi.
    — J'arrive. Mais tu sais, j'en ai pour une heure à rentrer.

    Je demande à un élève de m'excuser auprès du professeur et je file. Je passe sur les péripéties du RER (en arrivant gare de Lyon, j'apprends que tous les trains entre Melun et Villeneuve-St-Georges sont supprimés. Cependant ce n'est pas clair, peut-être est-ce seulement dans le sens Melun-Paris. Les quais commencent à se remplir. Je prends un RER A pour retourner aux Halles en ayant l'intention de monter dans le premier RER D qui m'emmène jusqu'à Villeneuve-St-Georges… et c'est un Zaco qui se présente : à croire que les informations gare de Lyon sont fausses. Le train est déjà bondé mais j'arrive à me hisser à l'étage. (Tout le monde n'arrivera pas à monter gare de Lyon)). Entretemps H. téléphone : la femme de ménage a proposé de l'emmener à l'hôpital, il est aux urgences à Boussy.

    Je passe par la maison, salue la femme de ménage que je n'avais jamais vue (c'est la quatrième fois qu'elle vient et ça me change la vie : quel soulagement, une maison auto-nettoyante), prépare une "valise d'accouchée" (pyjama, robe de chambre, livre, affaires de toilettes) et part. J'ai reçu un sms, il passe un scanner.

    Urgences. Scanner : « ah non, il vient de repartir ». Gentiment la secrétaire à l'accueil téléphone et m'aiguille. Ils sont charmants ici (Claude Galien à Boussy). Je trouve H. par hasard en passant devant une porte ouverte. Il est étendu sur un lit dans un couloir, il attend le résultat de divers examens.

    Devant lui sur un autre lit dans le couloir se profilent à contre-jour les mains fantômatiques qu'un vieillard tend vers le plafond. Il râle par instants seul sur ce lit dans la lumière crue. Ses mains sont si maigres qu'elles ne sont pas plus larges que le bras, les doigts sont immenses. J'apercevrai son visage décharné bouche trouée. Soudain horreur : il regarde sa montre. Ainsi donc il est conscient, conscient du temps qui ne passe pas, de la douleur, de la solitude, de la lumière.

    Nous rentrons vers huit heures. Calcul rénal, sept millimètres. Rendez-vous pour le lendemain avec un chirurgien.

    Noël de blondes

    Deux blondes coordonnent leurs agendas pour les vacances de Noël :

    — C'est quel jour, Noël ?
    — Un vendredi.
    — Mon dieu, pourvu que ça ne soit pas un treize, ça porterait malheur.

    Liturgie de la semaine sainte

    Quelques notes (discrètes, parce que c'est un cours payant) prises pendant le cours mensuel de liturgie.

    On dit parfois qu'il n'y a pas de doctrine sacramentelle dans Vatican II. Mais il y a des présentations générales qui en tiennent lieu.

    Abréviations de trois Présentations générales qui sont chacune un traité sacramentaire.
    PGMR (présentation générale du missel romain) : un traité de l’eucharistie
    PGLR (présentation générale du lectionnaire romain)
    PGLH (présentation générale de la liturgie des heures)


    Le cœur du cours est la liturgie de la Semaine sainte, du dimanche des Rameaux à la Pentecôte, et le professeur, le frère Patrick Prétot, y voit un mémorial des événements du salut. Il en fait une lecture extrêmement fine et évidente (j'appelle évidente la surprise de découvrir comme neuf quelque chose qui était sous nos yeux depuis toujours).
    Je pense avec quelque honte à Léonardo et à son proverbe espagnol : « perdu comme un jésuite en semaine sainte ».

    Confitures bis

    Quatre pots de confiture :
    - fruits rouges / vin chaud
    - confiture de Noël
    - abricots / pain d'épice
    - clémentine / vanille rhum



    Offerts par Matoo et Alexandre. Alex a bien compris l'enjeu d'être sur la photo des 50 ans de mariage de mes parents (lol). J'en ai profité pour glaner quelques infos sur l'organisation d'un mariage.

    — Je travaille à la SNCF mais je m'occupe des gares, pas des trains. Il pourrait ne pas y avoir de trains que mon travail serait le même.

    Trompettes

    — Si vous entendez des trombones le jour du jugement dernier, c'est que Dieu est allemand.

    Le huit, nouvel espoir

    JP a eu vent de mon projet de huit (par Dominique) et m'appelle sur mon portable. Nous discutons, moi marchant de long en large dans la cafétéria de l'IPT en attendant le cours d'allemand.
    JP est responsable de la section loisirs et fait partie du bureau directeur, il trouve l'idée intéressante, il existe un groupe qui sort le week-end, je devrais le contacter… et je sais bien que pour que le projet se concrétise, il lui faudrait un appui des rameurs du week-end, ce n'est pas pour rien qu'à l'origine je voulais faire lancer le projet par les rameuses qui vont ramer entre elles à Vouglans.

    JP m'envoie une liste de filles potentiellement intéressées en m'indiquant qui contacter tout d'abord. Je vais essayer, après tout je n'ai rien à perdre.

    Mort de Johnny

    J'écoute RTL2 en rentrant. Je tombe sur une biographie rapide de Johnny Hallyday.
    J'apprends qu'« Allumer le feu » était une chanson.
    J'avais toujours cru que ce n'était qu'une expression moqueuse, comme «ah que coucou».
    (Mais peut-être que ça aussi, c'est une chanson ?)





    Pendant ce temps, Trump reconnaît Jérusalem pour capitale.
    Cette après-midi Jean-Pierre m'a appelé (dans les couloirs du métro des Halles): il a entendu parler de mon projet Coupe des dames et est intéressé. Pas le temps de discuter mais l'espoir est rené.

    Gris

    Pas grand chose. Croisé Skot, pris à peine le temps de ralentir. Je suis allée acheter une robe de plus (après un week-end de réflexion) qui est en réalité une sorte de manteau ou veste sans manche que je vais porter en robe. Cela me fait cinq robes grises. Je commence à travailler mon look de vieille dame à la Jacqueline de Romilly. (Je ne m'habillerai pas en blanc à la Emily Dickinson, trop exigeant).
    Toujours pas de verre de lunette en vue (ha ha). J'ai terriblement mal aux yeux avec la paire précédente.
    Depuis que C. m'a dit qu'il voulait des t-shirts à Noël, je perds un temps dingue sur les sites de t-shirts.
    H. a été recontacté par l'administration du Delawaere. Ça me fait plaisir. J'avais tellement cru, il y a un an exactement j'étais tellement en train de croire, que nous nous installerions à Wilmington.

    Le conseil méthodo du jour : «Mgr Joseph Doré disait : il faut apprendre des tables des matières par cœur.»
    De façon générale, tout penche dans la même direction : il faut que j'apprenne beaucoup plus (infiniment plus) par cœur. Il faut que je prenne le temps d'apprendre par cœur.

    Que font les théologiens ?

    Je ne sais plus très bien comment rédiger ces billets : ne reprendre qu'un thème, une anecdote, courtement, ou en faire davantage un journal, des pierres de Petit Poucet pour se souvenir, ce qui complique le titre à donner au billet.

    Ce matin, TG sur Gaudium et Spes. J'ai très peu travaillé, je l'ai très peu travaillé. Overdose de Vatican II, overdose d'émerveillement devant le miracle qu'a constitué ce concile. Je suis fatiguée de ce que je ressens comme de la propagande ecclésiologique alors que toute ma pente va à la christologie (en termes ordinaires : ma foi s'enracine dans les évangiles, pas dans les actes du magistère).

    Il se passe quelque chose d'étrange avec la professeur. Il est évident que mon mode de pensée, mes interventions et mes interrogations la dérangent, à tort ou à raison1 — et elle recentre le débat. Soit. Ce qui est embarrassant, c'est qu'elle culpabilise et me demande ensuite si je boude ! (non je ne boude pas. Simplement je me demande in petto si l'on peut s'interroger librement (puisque nous sommes entre nous, croyants de bonne volonté) ou s'il faut s'autocensurer.)

    Des exemples : l'une des questions porte sur l'Incarnation : sans la chute, le Christ aurait-il eu "besoin" de s'incarner, se serait-il incarné ? Dun Scott penche pour oui, Thomas d'Aquin pour non.
    Une autre question porte sur le péché : pensons-nous (chacun de nous, dans la salle) le péché comme constitutif de l'homme, ou pensons-nous la création (Création) comme essentiellement bonne, et l'homme fondamentalement bon, ensuite seulement corrompu par le péché ?
    Depuis Vatican II la deuxième position prime mais pendant longtemps l'Eglise adoptait plutôt la première. Sur les deux questions, les deux positions sont possibles, acceptées par l'Eglise, ce qui amène mon interrogation de fond : que font les théologiens ? (de quelle nature est leur réflexion ?) : s'enferment-ils dans leur chambre pour prier et ensuite écrire, dans une inspiration tels les prophètes, ou nous livrent-ils leur opinion (étayée par la prière et l'étude des textes et de la tradition, bien sûr) qui dépend en grande partie de leur personnalité plus ou moins optimiste ?
    Cette question-là n'a pas plu.
    Suis-je la seule à ressentir du malaise devant le travail des théologiens, devant cette façon de vouloir expliquer l'incompréhensible et de le réduire à dimension humaine ?
    Mais y a-t-il moyen de faire autrement si l'on veut se servir de sa raison ?

    En sortant, shopping. Ça fait quelques semaines que j'y songeais, j'ai froid et je n'ai rien qui me corresponde vraiment dans ma garde-robe pour les jours froids.
    Deux robes grises en laine chez Max Mara. La vendeuse est charmante.


    Note
    1 : autrement dit, il est fort possible que je sois hors sujet

    Finalement non

    Après avoir écrit aux rameuses j'ai mal dormi : j'aurais peut-être dû prévenir Vincent, qu'allait-il dire ? Si le projet prenait forme, il faudrait que quelqu'un conduise la remorque pour emmener le huit… (et déjà de m'imaginer passer l'été à passer le permis remorque). Je lui ai donc envoyé un sms pour le prévenir, auquel il a répondu un laconique « On en reparle ».

    J'aurais dû me douter que l'absence d'encouragement de ce message était un message décourageant. Ça ne m'était pas venu à l'idée car pour moi il présentait un triple avantage : solidariser "les midis" et "les week-ends" autour d'un projet commun, donner une visibilité aux loisirs-CNF dans une course connue et augmenter le niveau des rameuses en leur permettant de s'entraîner avec un objectif.

    Lorsque j'ai abordé le sujet, Vincent m'a accueilli d'un charmant : « L'idée d'un huit de filles me casse les bonbons ».
    Le style ne m'a pas surprise, mais le fond, oui, et la façon catégorique dont c'était exprimé.

    Les obsessionnels

    We can’t win against obsession. They care, we don’t. They win.

    Borgne

    A un quart d'heure de la fin du cours je m'aperçois qu'il me manque un verre de lunettes — le droit.
    Je vide mon cartable avec précaution, je regarde à mes pieds : rien.
    L'avais-je au début du cours ? Pas sûr. J'ai dormi dans le métro donc je n'ai pas lu donc je ne l'ai pas perdu là (mettre et enlever mes lunettes, les glisser dans une poche sans l'étui, les insérer plus ou moins en force dans mon sac trop rempli… Dure vie de lunettes). Sera-t-il au bureau demain ?

    Ça pouvait difficilement tomber plus mal, avec un pointage urgent à finir d'ici mercredi (des heures à fixer l'écran), du grec à préparer pour jeudi, deux TG pour samedi… J'ai mal aux yeux.

    La coupe des dames

    Au printemps, je voulais profiter du stage d'aviron de mars pour rencontrer des rameuses du week-end et les motiver autour d'un projet : courir la coupe des dames en octobre prochain. J'en avais parlé dans les vestiaires, certaines rameuses, des rameuses "du midi", étaient intéressées. Le problème était de toucher les autres, celles du soir et du week-end.

    Mon lumbago m'a empêchée de ramer de mars à juin, puis il y a eu les vacances. J'avais abandonné l'idée, surtout que mon déménagement professionnel en avril 2018 à Nanterre préfecture rend la perspective des entraînements plus difficile. Mais en octobre Dominique m'a demandé des nouvelles du projet et cela m'a remotivée: ainsi donc, quelqu'un était suffisamment intéressée pour me relancer ?

    J'ai épluché les mails des dernières années pour trouver les adresses mail de vingt-cinq rameuses susceptibles de participer et je leur ai envoyé un mail hier soir à 23h53. Il faudrait que nous soyons dix à treize.
    Pour le moment nous sommes cinq.

    La parenthèse se referme

    Trois heures du matin : selon la technique de la plaquette de chocolat, j'ai terminé Breaking Bad. (La technique de la plaquette de chocolat consiste à se goinfrer pour terminer cette satanée plaquette de façon à pouvoir l'oublier et passer à autre chose.)

    Après le dernier épisode j'ai revu le premier. Il y a une grande cohérence de facture entre tous les épisodes. Les cinq premières minutes avant le générique sont une merveille de désorientation. Elles peuvent dévoiler le futur (lorsque White va chercher le tube dans la maison dévastée : ainsi nous savons que la maison va être dévastée), raconter le passé (les deux frères mexicains qui se disputent enfants), mener vers une fausse piste (l'œil obsédant, plusieurs épisodes de suite, de l'ours brûlé) : impossible de savoir exactement ce que l'on est en train de regarder avant d'avoir avancé dans le récit.

    La photographie est très belle, légèrement sépia. Les cadrages sont à la recherche de points de vue particulier, la caméra est souvent placée à des endroits inattendus et je ne peux qu'imaginer que cela a participé à la célébrité de cette série. Je me souviendrai de la beauté des ciels, des nuages magnifiques, du désert et de toujours cette question : pourquoi les hommes vivent-ils dans des endroits aussi désolés ?

    Ce qui suit est davantage une critique morale (une évaluation du message moral) de la série dans la mesure où je considère que la plupart des œuvres visuelles américaines (hum, ici c'est canadien) ont des visées didactiques .

    La question de fond est peut-être celle de notre capacité à trouver des justifications à tout : seuls quelques personnages (le fils, Hank) ont une moralité sans atermoiement. Tous les autres naviguent à vue, s'adaptent, la plus emblématique étant Skyler : elle s'accommode de tout à la condition d'être occupée, active. Walter White est le plus étonnant, un looser ayant conscience de sa valeur intellectuelle1 , un homme à la violence rentrée qui s'exprime enfin au contact de circonstances qui ne se produisent pas dans une vie "normale".

    Il n'y a pas de condamnation explicite de la drogue. Gale, l'autre chimiste, affirme : « Je suis libertarien. Je crois que les hommes sont libres et ont le droit d'avoir accès à ce qu'ils veulent. »
    Walter White croise peu ou pas de drogué, si ce n'est Jesse. Il ne voit pas "les ravages de la drogue" tels qu'ils sont habituellement décrits, si ce n'est dans la scène hallucinante et très courte où il va chercher Jesse dans un squat après la mort de Jane. Pour White, ce que détruit la drogue, ce ne sont pas les corps et le psychisme d'inconnus, mais la cellule familiale. A y regarder de plus près, ce n'est pas tant la drogue que le mensonge qui détruit tous les rapports humains autour de White (et ce qui fait réagir le meurtrier à quelques minutes de la fin du dernier épisode, c'est d'être accusé de mensonge).

    Il y a une ironie larvée dans cette série : ce qu'il était l'objectif de protéger est justement ce qui va être détruit. Au début, White se lance dans la fabrication de la drogue pour éviter de charger ses héritiers de la dette liée au traitement de son cancer ; vers la fin il a rendu son entourage si misérable que celui-ci espère sa mort comme une délivrance. En d'autres termes, si sa femme n'avait pas encouragé White à se soigner et s'il était mort très vite, la situation de sa famille après sa mort n'aurait pas été pire, sans compter que White aurait été pleuré plutôt que maudit !

    L'antienne "il faut protéger ma famille" (obsédante depuis 24 heures chrono) est-il un soubassement de l'imaginaire américain2 ? Est-ce une autre façon d'exprimer "la famille est le soubassement de la société" que l'on entend en France (par exemple contre le mariage gay ou l'adoption par tous) ? Les deux expressions signifient-elles la même chose ou sont-elles opposées ? Car ce que montre (entre autres) Breaking Bad, c'est que protéger "sa" famille sans penser à la grande famille humaine (la société) est puissamment égoïste et destructeur, et pour la famille et pour la société. Distinguer les deux est une erreur, penser que l'on peut protéger la première aux dépens de la seconde est une illusion.

    (Ici il faudrait relire Arendt sur Lessing dans Vies politiques et sa disctinction entre fraternité, destiné au petit cercle, et amitié, destinées à tous, et la supériorité de l'amitié sur la fraternité.)



    Note
    1 : L'un des plaisirs de la série sont les différences de niveau de langage et de culture entre les personnages, le vocabulaire délicatement choisi de White face à la trivialité de la plupart de ses interlocuteurs ou Skyler jouant la bimbo sans cervelle face à l'agent du fisc. Walt Whitman sera d'ailleurs la pierre d'achoppement de la série (ici pourrait s'ouvrir une nouvelle digression sur le déclassement et la solitude intellectuels. Seul Gale est un pair. Là encore, ironie : Gale sera le pair, le sacrifié et l'origine de la débâcle).


    2 : il me faudrait des témoignages d'autochtones.

    Un quatre de filles

    Une fois encore un beau quatre, cette fois-ci entièrement féminin. Une fois encore nous maintenons la distance avec un quatre entièrement masculin, ce que je n'aurais pas présumé : en effet, nous sommes des cinquantenaires de petit gabarit. Mais justement, nous sommes légères, nous ne sommes pas brutales, nous ne gênons pas la glisse. Ou encore, il est possible que nous ramions "plus long", c'est-à-dire que nous restions plus longtemps dans l'eau en allant chercher l'eau plus loin à l'attaque et en dégageant plus tard. A vrai dire je n'en sais rien. Peut-être faut-il juste admettre que les loisirs, hommes ou femmes, sont de même niveau, et qu'il faut atteindre le niveau compétition pour qu'une différence se creuse entre les sexes à force de travailler la puissance musculaire.

    Il a fait un temps magnifique. Il reste encore beaucoup de feuilles aux arbres. J'ai hésité à aller ramer, je suis très en retard sur une tâche qui devrait déjà être terminée (j'ai commencé tard et c'est plus long que je ne l'avais envisagé). Mais à la fin de la journée, ce dont je me souviens, c'est le scintillement sur l'eau, la lumière des feuilles, le souffle contre la peau, la liberté. J'ai oublié tout ce qui ne mérite pas le souvenir.

    Je n'ai pas eu le courage de ramer hier, je ne pourrai pas venir demain. Ce sera ma seule sortie de la semaine.

    Slogan sur un t-shirt

    « Les statistiques, c'est cette science qui permet d'affirmer que l'être humain possède une couille en moyenne. »

    MBTI

    Cela fait plusieurs années que je vois passer des propositions de test MBTI au sein de l'association des anciens Sciences-Po. J'en suis curieuse depuis cet article et comme je suis à deux doigts de me mettre à chercher un nouveau poste, je me suis inscrite à une session individuelle, mi par curiosité, mi dans l'espoir que cela puisse être utile.

    L'opération se passait en deux temps : tout d'abord un questionnaire à remplir en ligne, test que j'ai rempli très rapidement en pestant contre l'imprécision des questions, puis un entretien d'une heure pour valider les résultats de ce test.

    L'entretien a contredit les résultats du questionnaire en ligne, entérinant le fait que j'ai passé ma vie à tenter de répondre aux attentes de mon entourage et non à suivre ma pente naturelle. En d'autres termes, je suis la version mentale et intellectuelle du gaucher contrarié, si bien contrarié que lorsque je réponds à un questionnaire en ligne je donne les réponses qui correspondent à la contrariété (être une efficace extravertie) tandis que lors d'une conversation, je reviens à ma réalité (une introvertie artiste). (Je présente tout cela très schématiquement, bien entendu).


    Cette session m'a profondément déstabilisée. J'étais venue avec la question «Que dois-je faire de ma vie?» et l'on répondait à la question Qui êtes-vous?»
    Ah bon, cela avait de l'importance ? Quelqu'un s'intéressait à qui j'étais? Cela a déclenché du désarroi et une colère venue des profondeurs: l'impression d'avoir été flouée toutes ces années, entre des parents qui ne s'intéressaient qu'à monter mon intelligence en épingle auprès de leurs amis (façon singe savant) et plus tard ma famille que je devais avant tout nourrir (d'où l'efficacité extravertie).
    Et maintenant on venait me dire que qui j'étais comptait? On n'aurait pas pu me le dire avant?

    Mais bien sûr, c'est une accusation trop facile : cela m'arrangeait bien de me laisser faire, de ne pas prendre la décision de faire ce qui me plaisait, tant je ne sais pas ce qui me plaît, tant je suis persuadée que ce qui me plaît ne nourrit pas son homme et que ce n'est pas possible. Bref, c'est de ma faute, je n'avais qu'à me remuer. Mais maintenant, que faire?


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    A l'étage, les ouvriers qui travaillent à remettre l'escalier à neuf ont coulé une dalle sur les carreaux jaunes du palier.

    Tweets retrouvés (6 octobre)

    J'avais copié le 2 novembre ces tweets datant des environs du 6 octobre. Aujourd'hui 25 novembre je prends le temps de les commenter et de les mettre en ligne.


    Le cheval blanc vu par Jean-Marc Geslot : un génial et très pratique résumé par l'exemple des courants historiographiques depuis le XIXe siècle

    Des incipits réécrits par des mathématiciens signalés par Eris Lepoil

    Une explication de la nécessité des compteurs électriques intelligents signalés sur Twiter par CPCHardware : en résumé, si vous ne voulez des voitures électriques sans nucléaire, vous avez intérêt à accepter ce compteur. Dans le cas contraire, la fourniture d'électricité sera erratique.

    Philippe signale les cours au collège de France de Bénédicte Savoy sur le patrimoine artistique européen.

    Différentes versions de Ford

    Les vêtements traditionels des femmes en Islam (de toute beauté)

    Un goéland sur une vitre

    Un texte de 1986 rappelle comment l'Italie a triomphé des Brigades rouges : la sociologie et la psychologie plutôt que la répression (à bon entendeur, salut)

    et pour Guillaume Ecclésiaste 3, 5

    Kairos

    Double avec Gwenaëlle, encore. Que cela fait du bien, les arbres et la Seine. Je regrette tant de ne pas avoir ramer en septembre. Temps volé, perdu, enfui à jamais. Je m'entraîne à ne plus jamais souhaiter qu'on soit plus tard (vivement le 2 vivement le 6, vivement Noël, vivement le printemps) : non non non, rien de ce qui précipite vers la fin.
    Et dans le même temps, grande envie que tout s'arrête, de ne plus être obligée de vivre laborieusement les secondes qui restent. Une paresse monumentale (acédie), juste envie de disparaîttre, là, sur place, tout de suite.
    Je rentre, tout le monde dort encore. On mange je ne sais quoi, sans aller faire le marché.

    Dix ans plus tard

    Les boutons sur le visages de O. prennent un aspect inquiétant. Ils gagnent du terrain et croûtent, je me retiens de lui dire que cela me fait penser au Grand Pouvoir du Schnikel (pas sûre qu'il l'est lu), on dirait une lèpre galopante.
    Que faire? Je suis inquiète car l'expérience que rien n'est bénin avec O. Nous sommes samedi 28 octobre, dans trois jours c'est la Toussaint, il n'y aura pas de médecin disponible avant jeudi.

    Nous passons à la pharmacie qui nous conseille les urgences de l'hôpital St Louis, réputé en dermatologie.
    En route.
    Après-midi à l'hôpital. Attente, mais pas si longue (une heure, deux heures?) J'ai repris Balzac dans l'ordre chronologique. L'enfant maudit. Etrange, neurasthénique et romantique. Je découvre que mon tome de Pléiade est déchiré.
    O. ressort avec une pommade et des antibiotiques. Fun fact: cet hôpital n'est pas spécialisé en dermatologie, mais comme tout le monde le croit et vient avec des cas particuliers, ils ont fini par acquérir une expertise sur le sujet (c'est l'urgentiste qui a expliqué cela à O.)

    Nous passons à la pharmacie. Coup de fil pour rassurer H. puis déjeuner dans une brasserie proche, Le Floréal, où les clients autant que les serveurs ont tous des "gueules", un charme puissant et chaque fois unique, particulier, dans leur visage, leur coiffure ou leurs vêtements.

    Puis direction le treizième arrondissement. Nous fêtons les cinquante ans de O. Cette fois-ci, bizarrement dix ans plus tard, c'est nous qui avons amené nos enfants. Ils sont seuls et détonent. Les enfants "des autres" sont adolescents, ils ne sont pas venus.
    Je regrette cette erreur, nous n'aurions pas dû les amener. Cela m'a gâché ma soirée: O. est fatigué, je le ramène à la maison avant même le gâteau.

    Zut.
    (Je suis stupide, pourquoi ne l'ai-je pas fait ramener par sa sœur? Parce qu'elle proclame qu'elle ne veut pas conduire dans Paris?)

    La maîtresse de Barth

    Le professeur d'allemand, Pierre-Olivier Léchot, (également doyen de l'institut), rit : « Ce qui m'amuse, ce sont les réactions scandalisées des Américains à la lecture d'une traduction récente de la correspondance de Barth… Pour moi c'était évident, je l'ai toujours su, je ne me souviens même pas ne pas l'avoir su. »

    Mais de quoi parle-t-il ? Je me concentre. Il est en train de raconter avec sa pointe d'accent inidentifiable que Barth avait une maîtresse, a eu une maîtresse toute sa vie ; il a vécu un ménage à trois en se cachant à peine — ou sans se cacher. Les Américains ne le savaient pas (les Français, catholiques ou protestants, le savent-ils ?) et sont choqués : « Evidemment cela jette une lumière particulière sur sa Dogmatique et ses positions sur le mariage. Charlotte von Kirschbaum était bien plus qu'une secrétaire ; d'ailleurs à partir du moment où elle a été hospitalisée, l'écriture de la Dogmatique s'est interrompue. »

    (Remarque personnelle : ne pas en conclure trop vite que c'est elle qui en est l'auteur : Saint-Simon a interrompu plusieurs mois ses Mémoires après la mort de sa femme.)


    Le soir je fais quelques recherches. A partir de ce billet, de liens en liens, on accède à une série d'articles (en anglais) sur le sujet.

    Je traduis les deux citations qui apparaissent dans ce billet :
    De cette façon, je n'ai jamais pu et ne peux toujours pas nié ni la réalité de mon mariage, ni la réalité de mon amour. Il est vrai que je suis marié, que je suis père et grand-père. Il est également vrai que j'aime. Et il est vrai que ces faits ne coïncident pas. C'est pourquoi nous avons décidé, après quelques hésitations au départ, de ne pas résoudre le problème par une séparation d'un côté ou de l'autre.

    Karl Barth, Vorwort xxii n. 3, letter of 1947 cited by Christiane Tietz, Karl Barth and Charlotte von Kirschbaum, Theology Today 2017 Vol. 74(2), 109.
    Et ceci qu'il écrivit il y a longtemps, en 1947, à un pasteur de sa connaissance :
    C'est précisément ce qui constitue la plus grande bénédiction terrestre qui m'ait été accordée durant ma vie qui constitue en même temps la plus forte accusation contre ma vie terrestre. Je me tiens ainsi sous le regard de Dieu, incapable d'y échapper d'une manière ou d'une autre […] Il se pourrait que ce soit à partir de cela que l'on puisse trouver dans ma théologie un élément de mon expérience, ou pour mieux dire, un élément de vie vécue. Il m'a été interdit de façon très concrète de devenir le rigoriste que dans d'autres circonstances j'aurais pu devenir.

    Karl Barth, BW. Kirschbaum I, Vorwort xxf. n. 1 cited by Christiane Tietz, Karl Barth and Charlotte von Kirschbaum, Theology Today 2017 Vol. 74(2), 111.
    Par ailleurs, on trouvera ici une plaisanterie sur la Trinité (le blog dans son entier est à couper le souffle pour qui s'intéresse à l'exégèse ou la théologie).

    Confusion

    Le téléphone sonne à six heures : il faut aller chercher Nathan à Orly.

    Des sms en pagaille envoyés pendant que nous dormions : inutile de se déplacer, il ne sera pas là, il a été bloqué à Toronto, son passeport, déclaré volé, lui a été confisqué, c'est tout juste s'il a pu retourner à Washington.

    A. part, elle emmène son lapin (elle a sa nouvelle voiture depuis hier). Ça fait un vide.
    Journée de désœuvrement. Vers la fin de la journée j'attaque la saison 5 de The Good Wife.

    Cohérence

    Il y a deux ou trois semaines :
    moi : — Finalement je crois que je vais retourner ramer le week-end ; je ne fais rien de plus quand je reste à la maison.
    H : — Je n'ai jamais compris pourquoi tu avais arrêté.

    Ce matin :
    H : — Tu te lèves ? Mais pourquoi ?
    moi : — Je vais ramer.
    H : — Mais non…

    Sms bis

    H. rentre de Tours. Sms reçu :

    H : — Train en retard. Une femme s'est allongée sur les voies pour se suicider. Avec un autre gars j'ai été la chercher sur les voies.
    moi : — ?? Tu portes ton slip par-dessus ton pantalon ?


    (Blague à part, H. a été secoué tout le week-end.)

    Un sms

    Reçu sur un quai de métro, out of the blue :

    C : — Je suis en train de traverser l'Espagne en bus, je me suis dit que ça te ferait plaisir.

    Je me lance

    Ecrit les six premières cartes postales pour inviter des gens hors de la famille aux cinquante ans de mariage. Un trac fou. J'en suis quasi malade.

    Un appartement à Tours

    Nous avons signé ce soir dans le cadre de la loi Pinel une promesse d'achat pour un T3 à Tours.
    (Et je pense : « Macron président des riches. » C'est tout nous. N'empêche que la perspective de se réendetter pour une dizaine d'année n'est pas agréable. Mais comme dix ans me paraît court, désormais…)

    Toujours à la recherche d'un sujet

    Un moine parle :
    « Pour venir de La Pierre-qui-Vire, je voyage par blabla car. C'est l'occasion d'une grande variété de rencontres. Cependant il y a trois points qui reviennent souvent dans les conversations :
    - nous allons mourir ;
    - dans le combat entre la vie et la mort, la mort paraît avoir le dernier mot ;
    - seul l'amour permet de dépasser la mort. »

    C'est exactement Harry Potter.
    Et je me dis que si JY Lacoste a analysé Narnia, je pourrais proposer d'analyser Harry Potter, parce que ce répètent les sept livres jusqu'à plus soif, c'est la victoire de l'amour par-delà la mort : Harry Potter et le sacrifice, comme Narnia et le sacrifice d'Aslan.
    Après tout, la citation sur la tombe des parents d'Harry : "le dernier ennemi, la mort" est une citation de St Paul.

    Ça ne tourne pas rond

    Lundi dernier, j'ai oublié le livre indispensable à mon cours de philo (le prof mène une lecture commentée, j'écris directement dans les marges).
    Vendredi, j'ai oublié mes lunettes (H. qui avait rendez-vous sur les Champs me les a amenées à midi : je ne plus travailler sans).
    Ce soir j'ai oublié mon ordinateur portable au bureau.

    Je ne vais pas très fort, un petit moral.

    La mouche

    La Mouche à la cinémathèque. Quelle lecture, quel blog, m'avaient-ils amené à penser qu'il s'agissait d'un film sur les voyages dans le temps ? Pourquoi m'attendais-je à un paradoxe temporel avec une mouche pour témoin ? S'agit-il d'un autre film ? J'aimerais retrouver cette source, il me semble me souvenir d'un mouche au milieu d'un objectif de photo ou de caméra…
    En tout cas, anti-spoil : ce n'est pas du tout ça.

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    Agenda
    J'ai annoncé à mon supérieur que je comptais entreprendre un bilan de compétences. Je ne sais que faire du temps qui me reste :
    - prendre un bullshit job très bien payé et me moquer du monde ? Ce serait dans la logique de ma carrière mais j'ai trop envie de me moquer des bullshit jobs eux-mêmes et de ceux qui les prennent au sérieux (y en a-t-il qui les prennent au sérieux ?) pour pouvoir faire cela avec le niveau de componction requis.
    Le salaire compte moins en lui-même que pour le marqueur qu'il constitue : j'ai enfin compris que dans le monde du travail, ce n'est pas la compétence en soi qui est respectée, mais le salaire, et je ne veux plus être méprisée par des gens qui m'arrivent à la cheville (cette phrase extrêmement prétentieuse est la conséquence de quinze ans passés sur internet et sept à l'aviron où je ne supporte plus les nuls qui se croient bons) : il est important d'occuper la place que l'on doit occuper, même si par paresse et lâcheté et manque de confiance en soi on aurait tendance à choisir les positions humbles. Les organisations ont horreur du vide et il ne faut pas se plaindre ensuite de voir occupées par des cons des places qu'on n'a pas eu le courage de prendre. Bref, faut se remuer1 ! (mais ici j'ai glissé : il ne s'agit plus de bullshit jobs, mais de postes à responsabilités))

    - choisir une voie intellectuelle, sans doute du côté de la traduction. Ce qui me manque pour cela, c'est la conviction : je ne trouverai jamais d'éditeur, je ne gagnerai jamais ma vie avec cela. Je suis défaitiste.

    - choisir une voie humanitaire (je me retiens pour ne pas mettre des guillemets un peu partout) en m'investissant dans jrsfrance.org, par exemple. Là, c'est pratiquement du bénévolat. Quoique… la croix-rouge embauche en ce moment, il doit y avoir d'autres postes ailleurs.
    J'ai peur d'être déçue, j'ai peur de me transformer en guimauve, je n'ai pas envie d'être compassionnelle, j'ai envie d'agir. Et j'ai peur de me retrouver endoctrinée dans des organisations aux convictions qui me feront rapidement horreur.


    En rentrant, H. passe longtemps au téléphone à mettre les choses au point avec P. sur le management des équipes : ça va mal (déjà encore de nouveau). Les neufs personnes vendues avec le logiciel absorbent le choc en mettant la pédale douce alors qu'H. les voudrait déjà à leur maximum de productivité. Il faudrait peut-être prendre en compte les cycles de tension, pression, dépression, compression de l'esprit ou âme humain ; prendre en compte aussi que si H. est au courant depuis plusieurs semaines, les neuf n'ont appris la vente et leur changement de statut il n'y a que huit jours. (Orangina sanguine : « mais pourquoi est-il si méchant ? » ; H : « mais pourquoi est-il si pressé ? » (en réalité je sais pourquoi : cela s'appelle des clients)).

    Pendant ce temps je regarde mon éternelle Good Wife : le colonel Chavez et le Vénézuela (épisode 20 de la saison 2) (et je pense à Mélenchon et aux canards sauvages : des bolivars). Hier, l'épisode 18 faisait un étrange écho à l'actuelle polémique qui entoure la promotion du dernier disque de Bertrand Cantat2.


    Note
    1 : quitte à devenir le nul et le con de quelqu'un d'autre ou de tous les autres. En tout état de cause, cela me paraît inévitable — et pas obligatoirement faux.
    2 : Rappel pour les lecteurs du futur : chanteur qui a tué Marie Trintignant en 2003, sans doute par accident, au cours de violences conjugales coutumières.

    329/365 RAS

    O. attrappe le RER de 7h28 pendant que je gare la voiture. Je prends le suivant. Assise.
    RER A puis ligne 1.

    19h : ligne 1 puis 14 aux Halles. Je descends à Bercy.

    Retour en voiture

    Rien

    Pas le courage d'aller ramer cette semaine. Un peu malade.
    Le soir, O et moi avons rangé (débarrassé) avec une remarquable efficacité (une demi-heure) le salon des outils et autres. A. est repartie à Lisieux sans vider le lave-vaisselle, sans étendre le linge. C'est agaçant, elle n'a pourtant que ça à faire. Nous aurons droit la prochaine fois à une liste d'excuses et d'accusations (car elle mêle toujours les deux) insupportable. C'est agaçant, bis.
    Soirée "information catéchisme" (oui, j'ai accepté de m'y coller encore une année). Déchristianisation à vitesse grand V, il n'y a plus que vingt enfants de CM2 inscrits dans une ville de trente mille habitants. Encore cinquante ans et il ne restera personne (il y a un verset au début des Actes des apôtres qui dit à peu près cela : « inutile de les combattre : si ce qu'ils prêchent est vrai nous ne gagnerons pas, si c'est faux, ils disparaîtront d'eux-mêmes), ou ne restera-t-il que « le petit reste », « le sel de la terre » ? Je ressens de la curiosité, pas de l'inquiétude. So be it.
    H. revient de Tours. Prestation à son compte. Deuxième jour de sa nouvelle vie.
    The Good Wife tard dans la nuit, quelque part vers la moitié de la saison 2. La gestion de la tension, l'évolution des thèmes qui font monter la tension, sont fascinantes.


    Ah tiens, je vais donner mon avis sur la Catalogne (note pour plus tard : ce week-end s'est tenu le referendum interdit sur l'indépendance de la Catalogne, accompagné d'un certain nombre de violences policières) : puisque le referendum allait se tenir quoi qu'il arrive, le gouvernement aurait dû l'organiser lui-même, avec des listes électorales sûres, des bureaux de vote connus et rendre la participation au vote obligatoire sous peine d'amende.
    Ça ne peut plus durer ces votes sécessionnistes où seuls ceux qui se sentent concernés se déplacent. Ça ne peut plus durer ces minorités agissantes qui imposent leur manière de voir.
    Je crois même que cela devrait devenir une règle en Europe : la participation aux référendums, et surtout aux référendums d'indépendance, est obligatoire.

    329/365 Train supprimé le matin

    Pratiquement le même scénario, sauf que nous sommes suffisamment en retard pour ne même pas voir passer le 7h58. En passant le long des voies nous lisons que le 8h06 est supprimé, ce qui nous laisse le temps de nous garer tranquillement. Le 8h14 ne paraît pas bondé, mais c'est que les passagers se sont déjà beaucoup répartis à l'étage. C'est à la fois un progrès (la répartition spontanée) et une déception (le train bondé)
    RER A, ligne 1 (après passage par Starbuck pour un Pumpkin latte).

    18h30 : ligne 1, RER A (je suis montée dans celui qui arrivait en quittant celui qui stationnait à la Défense : mauvaise pioche, celui qui stationnait est parti le premier. Le mien a attendu et s'est traîné lentement jusqu'à gare de Lyon.)
    RER D gare de Lyon. 18h24, un Zico est annoncé partir à 18h27 mais n'est pas à quai. C'est alors que je découvre qu'il ne part pas des quais 1-3, mais des quais 2-4.
    Course dans les escaliers (Mon pauvre cœur, moi qui dormais dans le RER A quelques instants auparavant. Que produisent ces chocs physiologiques ?)
    Je l'ai eu (largement : deux minutes d'avance).

    328/365 Train supprimé le matin

    Nous visons le 7h58, le ratons. Le 8h06 est supprimé. 8h14, bondé.
    RER A, ligne 1 (après passage par Starbuck pour un Pumpkin latte).

    19h : ligne 1, ligne 12.

    22h : ligne 4 à St placide, RER D de 22h31 aux Halles

    Devinette végétarienne

    — Comment s'appelle le cousin végétarien de Bruce Lee ?

    Se ressaisir

    Douze jours sans écrire1. Je regarde The Good Wife, interminablement une saison (cinquante-trois épisodes de quarante-cinq minutes) en une semaine, je me couche à une heure, deux heures, trois heures du matin… Je glisse.
    Ça ne peut plus durer. Je vais retourner ramer le week-end. Une fois de plus la preuve est faite que supprimer une activité ne permet pas d'en faire plus par ailleurs.


    Note
    1 : Comblé en partie aujourd'hui.

    Réaménagement

    Matin marché, midi purée de céleri, début d'après-midi lessivage des murs, fin d'après-midi déplacement des meubles.

    Mouvement inverse de celui de la semaine dernière : nous rangeons le salon en le réorganisant. En effet, nous avons (j'ai) remplacé une porte condamnée par une baie vitrée : ce format inusité — puisqu'une baie est généralement plus large que haute tandis qu'ici c'est l'inverse — produit l'effet d'un puits de lumière vers le ciel et les roses de l'autre côté de la balustrade. Cela sera sans doute davantage désolé l'hiver (mais n'est-ce pas la caractéristique de l'hiver ?) mais pour l'instant c'est fascinant comme une ouverture vers la liberté. Nous agençons l'espace en fonction de cette nouvelle ouverture.

    Fidèles à nous-mêmes, nous avons commencé ces grandes manœuvres tard dans l'après-midi et si les meubles sont en place lorsque nous nous arrêtons à la nuit tombante, il reste encore sur la table de la salle à manger tout un fatras de boîtes à outils et draps usés à ranger. Tant pis, plus tard, pour l'instant feu dans la cheminée et chat sur les genoux.

    Chez Samuel

    Où avons-nous atterri samedi soir ? Dans une chambre d'étudiant dans une cité universitaire rue Chevaleret, une chambre de quatre fois la taille de ma chambre de cité U d'autrefois (moins de dix mètres carré) parce qu'à l'origine cette chambre était prévue pour une "personne à mobilité réduite" (donc en fauteuil roulant ?) et qu'elle a été attribuée à Samuel sans qu'il sache pourquoi.

    Qui est Samuel ? Je n'en sais rien, un étudiant, un ami d'ami, un ami d'ami FB rencontré IRL chez un ami oulipote qui n'est pas sur FB. Pourquoi ai-je été invitée à cette soirée, je n'en sais rien, peut-être à cause de la brutalité de GC fin septembre : certaines personnes atterrées manifestent leur soutien à leur façon.
    Mais il faut bien reconnaître que cela ne suffit pas à établir la connivence et nous nous sommes tout de même bien ennuyés devant cet irénisme qui tournait sans but. Etrange malgré tout de constater que sur les huit personnes, sept étaient des descendants directs de l'immigration d'Europe de l'est.

    (H. avait commenté avant de partir : « Ah ? du café du commerce organisé en chambre ? »
    Ce n'est pas tout à fait vrai mais pas tout à faux, c'est vrai si l'on admet un café du commerce très bienveillant, si bienveillant qu'il nous en a paru irréel.)

    Toute la difficulté va être de refuser les prochaines invitations.

    Une soirée

    De nouveau chez Léna et Mimile, car décidément l'adresse est bonne.

    Charme particulier d'une rencontre sur deux générations : nous qui nous connaissons depuis vingt ou trente ans, et nos enfants, qui se connaissent depuis vingt ou trente ans — mais cela ne veut pas dire la même chose pour eux et pour nous.
    Anecdotes et grands éclats de rire.
    Il existe donc des avions en papier télécommandés par téléphone. Le drone du pauvre — ou du riche.
    J'ai eu un t-shirt.

    325/365 Gare de surface

    Comme je dois revenir en voiture, je pars en bus et croise le voisin. Nous papotons si bien qu'il prend un train direct pour Paris alors qu'il descend à Maisons-Alfort. Inévitablement (sûr comme la mort) le train se traîne jusque gare de Lyon et s'arrête en gare de surface (ce qui signifie, pour ceux qui ne connaissent pas, qu'il faut traverser la gare et descendre deux étages pour reprendre le RER dans l'autre sens).
    Puis ligne A et ligne 1.

    16h40 : ligne 1 jusque George V

    19h30 : ligne 1 puis ligne 7.

    Le Redoutable

    Des amis en avaient dit le plus grand bien, mais (le personnage de) Jean-Luc Godard est trop insupportable pour que je le supporte. Short fuse, je n'aurais jamais supporté tout cela si longtemps, même si le film joue de l'agressivité godardienne en en maintenant l'ambiguïté : Godard conscient ou inconscient, metteur en scène de lui-même ou se dévoilant sans le savoir? Quelle vérité de l'homme ?
    Jolis décors, jolis vêtements, jolie bande-son, jolie Stacy Martin.

    J'avais bien aimé La Chinoise, vu en 2013, que j'avais trouvé "redoutablement" moqueur. Interprétation quarante-cinq ans plus tard. S'il n'est pas moqueur mais sérieux, alors il est très bête.

    Serrement de cœur en apprenant quatre jours plus tard qu'aujourd'hui 5 octobre, Anne Wiazemski est morte.


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    Agenda
    H. a acheté une Dacia pour A. Nous achetons une voiture neuve pour échapper aux futures réformes qui vont conduire à la casse les voitures trop polluantes et trop gourmandes.
    Des ouvriers sont passés : devis pour poncer et habiller l'escalier qui m'avait déjà semblé dans un piteux état quand nous avons acheté la maison il y a dix-huit ans.

    324/365 RAS

    RER D de 7h06. RER A, ligne 1.

    12h20 : ligne 1, ligne 12, ligne 10 pour descendre à Odéon

    15h20 : RER B de Cluny à Denfert, puis ligne 6 station St Jacques

    18h : ligne 6, RER B puis ligne D aux Halles.

    La Mercedes

    Je vais finir par ne plus parler que de voitures.
    Un ami/connaissance/coentrepreneur de H. a des Mercedes d'occasion à vendre (un à-côté de son métier principal). Il nous en a prêté une quelques jours et ce soir j'ai dû l'essayer (obligation conjugale).
    J'ai été un peu déçue : cette voiture était-elle usée ou avait-elle un défaut? La suspension n'avait pas le moelleux dont je me souvenais.

    Je le note ce soir car je n'ai rien d'autre à raconter à propos de la journée, mais la véritable anecdote se situe lundi dernier : voyant la voiture de H. garée devant le jardin quand je suis rentrée de cours vers onze heures et demie, j'ai supposé avoir toute la place et j'ai reculé franchement.
    BOUM, le bruit a retenti dans le silence et la porte de la maison s'est ouverte.
    J'avais heurté la Mercedes noire garée dans l'obscurité (pare-choc contre pare-choc, plus de peur que de mal.)
    C'est étrange de découvrir quelque chose où l'on pensait qu'il n'y avait rien. Matérialisation de la matière.

    Listel d'or

    Je passe chez ma relieur récupérer trois Dumas (Le dernier tome du Comte de Monte Cristo et les deux des Trois mousquetaires) et deux Langelots (« c'est bien parce que je vous aime bien parce que c'est pénible »). Je lui laisse Vingt ans après et Le collier de la reine ainsi que trois Langelots.

    Sur le chemin du retour j'achète quatre Que sais-je : La grammaire, La linguistique, Shakespeare et le théâtre élizabéthain, Devins et oracles grecs.

    Inévitablement, le matin, j'ai commencé Vingt ans après. Je ne savais plus que c'était celui qui racontait la mort de Charles Ier. Que par compassion et emportement Dumas ait envisagé de sauver le roi me le rend très cher.

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    Agenda
    Les fenêtres sont posées. Elles sont belles, elles font paraître les murs encore plus sales. La maison conserve beaucoup mieux la chaleur.

    322/365 Train supprimé le matin

    Le 7h58 est supprimé. Le 8h06 est si plein que seul O. y monte, j'attends le suivant. Le 8h13 est "relativement" vide, même si je suis debout.
    RER A, ligne 1

    17h : ligne 1 (ralentie entre La Défense et Champs Elysées Clemenceau car arrêtée entre Concorde et gare de Lyon) puis ligne 12 métro lamarck Caulaincourt.

    18h30 : ligne 12 puis 14. RER D de 19h18.

    Tension

    Ce matin H. m'appelle angoissé : B. (le patron fou de la boîte qu'il vient de quitter) vient d'apprendre la vente du logiciel, le départ des neuf personnes qui travaillent autour de ce logiciel (commerciaux et développeurs), la transaction et le départ de H. : il est furieux.

    H me dit : « la transaction mise sous séquestre par les avocats est datée du 9 octobre. Si B. démet X (le signataire) de ses fonctions dans la semaine, elle ne vaut plus rien. Je perds tout. Je n'avais pas pensé à ça. »

    Je ne suis pas douée pour rassurer quand l'exposé des faits est implacable.
    — Ecoute, n'y pense pas. Ne pense à rien, pense à autre chose. On verra bien.

    Ce que j'en pense réellement : ce serait si étrange que pour une fois nous arrivions au bout d'une transaction, que pour une fois nous ayons de la chance (phrase très fausse : nous avons très souvent de la chance, dans le sens où les choses tournent au mieux. Mais là, cela ressemblerait à gagner au loto, ce qui n'arrive jamais.)

    321/365 Des retards le matin

    J'avais dit à O. que nous devions ne pas partir tard ce matin, sans trop préciser que c'était pour l'aviron. J'avais pour ambition de prendre le 7h45, le 7h58 était supprimé et le 8h06 bondé était terriblement lent.
    Puis ligne 1 puisque je descends station Pont de Neuilly.
    Debout tout le trajet, arrivée au club à neuf heures.

    18h30 : ligne 1 puis ligne 12. Je vais dîner au Cassette.

    Ligne 4 à St Placide. RER de 22h30 aux Halles

    Déplacement pour travaux

    Demain des ouvriers installent les fenêtres commandées en juin. Nous devons dégager un mètre d'espace autour des ouvertures.
    Branle-bas de combat en fin d'après-midi, déplacement des meubles, en particulier pour rouler les tapis (et l'aspirateur de sonner cloc cloc cloc au gré des crottes de lapin avalées). Nous décidons de ne pas toucher aux bibliothèques.

    Pour mémoire, violente engueulade au marché — pour rien, pour une remarque à propos du ramonage. C'est fou ce que nous sommes inflammables. Comment avons-nous fait pour tenir si longtemps ensemble en étant de telles soupes au lait ?

    Doléance

    Entendu en quittant la salle de l'opéra Bastille après La Veuve joyeuse :
    Voix de femme, accusatrice :

    — C'était la première fois que je voyais du French Cancan. Tu ne me sors jamais, tu ne m'as jamais emmenée au Moulin rouge.

    Le vin est commandé

    Passage près de chez Hardouin, achat de magnums de vin rouge que nous déposons au château.

    H. rencontre M. Lépissier. Ça discute Tesla et développement durable (du jardinage pour se remettre d'un burn-out?)

    J'ai peur. Je n'ai pas le nombre d'invités, je n'ai pas de traiteur, je ne sais pas qu'organiser comme "animations" (je déteste ce mot).

    Dernier jour

    Dernier jour d'H. dans son entreprise. Je lui ai proposé de descendre à Tours pour la fin de cette aventure. Il a accepté avec soulagement. Tout cela est amer et mélancolique.

    318/365 RAS

    Rien de particulier le matin.

    16h30 : ligne 1 puis 13 pour Montparnasse. La liaison est très rapide, de l'ordre de la demi-heure. Un jeune homme me laisse sa place, et c'est gentil car je tombe de sommeil entre les heures passées à regarder The Good Wife loin dans la nuit et l'aviron de midi.

    Puis TGV.

    Allemand, grec

    Reprise de l'allemand. Nous sommes beaucoup plus nombreux que les années précédentes, est-ce parce que le professeur paraît très populaire ici? Encore Schleiermacher, cette fois-ci en gothique (un texte non traduit en français). Les élèves sont d'origine et de niveau très divers : deux ou trois dans mon cas (une connaissance de la grammaire datant du lycée), une Suisse venant parfaire son français, une Autrichienne parlant parfaitement le français sans connaissance théorique de l'allemand (à l'école elle parlait anglais et français), une Brésilienne qui s'est dit que ça lui ferait une langue de plus (après le français et l'espagnol)…

    Grec (la prof est revenue!) Nous ne sommes que trois, l'information de son retour a-t-elle bien circulé ? J'ai surveillé tout l'été les programmes de l'elcoa qui n'ont été mis en ligne que tardivement. L'heure est aux restrictions budgétaires; si j'ai bien compris, les langues rares (hourrite, ougaritique) ne sont plus enseignées qu'une semaine sur deux… Si vous avez une connaissance du grec qui remonte au lycée et si vous êtes intéressé par une sorte de cours de culture générale spécialisée (ou thématique : comment appeler cela?), n'hésitez pas. Prochain cours le 19 octobre, il y en a neuf par année scolaire.
    Thématique de l'année : le vin. Corpus : les évangiles, peut-être Paul, la Septante.

    La poste, suite

    H. est à Tours pour la semaine. Il nous a laissé une recommandation angoissante : il faut absolument récupérer sa lettre de licenciement dès qu'elle arrivera. Ce sera un recommandé, il nous a laissé sa carte d'identité.
    L'avis de passage était dans la boîte aux lettres hier soir. O. est allé sur le site de la poste pour signaler qu'il passerait aujourd'hui et a imprimé la preuve de sa demande « d'un retrait dès le lendemain » dans un bureau de poste « de son choix ». J'ai signé d'une fausse signature les deux documents, celui laissé dans la boîte aux lettres et celui imprimé en ligne.

    Ce soir nous échangeons sur nos périples : ma randonnée pédestre, sa quête postale et cycliste.

    — Quand je suis arrivé à la poste, elle était fermée… pour deux mois. Donc la lettre était partie dans une poste annexe, mais laquelle ? Rien n'était indiqué sur le site web. Alors j'ai pédalé comme un fou, il était cinq heures passées, j'ai monté toute la rue Rossini le plus vite possible… Je suis arrivé juste à temps. J'avais prévu de faire un scandale si je n'avais pas ma lettre, vu que j'avais prévenu la veille.
    — C'est gentil. De mon côté j'avais prévu de passer à la poste tous les jours dès qu'on aurait eu l'avis de passage.
    — Ce matin, cela n'aurait servi à rien : la poste annexe était exceptionnellement fermée jusqu'à midi.

    J'ai ri d'incrédulité.


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    Agenda
    Passée par ailleurs à la poste de Neuilly poster deux Minaudier.

    316/365 - A pied de Montgeron à Yerres

    Je reconstitue mes voyages avec retard en regardant les échanges de sms et les photos prises.

    Rien concernant le matin.

    Le soir, le RER s'arrête à Montgeron. Longtemps. L'annonce sur les quais parle d'une « personne suicidaire en gare de Yerres ». Qu'est-ce que ça veut dire ? Quelqu'un s'est suicidé ? Dans ce cas il y en a pour plus de deux heures.
    Je descends et commence à marcher. Nous sommes beaucoup à faire ce choix.
    Je suis chargée. Je ramène des livres de la bibliothèques. Je suis des rues que je n'ai jamais empruntées. Des enfants pleurent.
    Quatre RER passeront pendant que je marcherai : en fait de personne suicidaire, il s'agit de personne sur les voies.
    Je rejoins ma voiture garée à la gare de Yerres.

    Heidegger, le quotidien, le temps (les blogs ?)

    Je rentre, je dîne, je lis les pages d'Être et Temps et le commentaire de Jean Greisch. Et soudain j'ai l'impression qu'il parle des blogs.
    La « quotidienneté du quotidien » est un « phénomène hautement complexe » (GA, 209) qu'on ne peut pas se contenter d'aborder par une approche purement narrative. Ce n'est pas en racontant dans le menu détail ma vie quotidienne, heure par heure ou jour par jour, que j'arrive à cerner la structure existentiale de la quotidienneté ! La « négligence » de ce phénomène s'explique par le fait, lui aussi déjà évoqué (SZ §5, 16) que « ce qui est ontiquement le plus proche et le mieux connu est ontologiquement le plus lointain, le non-reconnu (SZ 43, trad. mod.). Heidegger illustre cette difficulté par le beau passage des Confessions de Saint Augustin, où celui-ci décrit ce qui est le plus proche, à savoir le moi, comme étant en même temps ce qu'il y a de plus difficile à comprendre.
    La médiocrité quotidienne n'est pas une simple « alénation » qui rendrait impossible toute compréhension de soi. Elle correspond à une manière particulière du Dasein d'être concerné par lui même (SZ 44). L'analytique ne peut pas se contenter d'évocations vagues de cette structure, elle doit au contraire viser le même degré de précision que la description de l'être authentique ! Il apparaîtra alors que la quotidienneté nous met en présence d'un « concept spécifique du temps » (GA 20, 209).

    Jean Greisch, Ontologie et temporalité. Esquisse d'une interprétation de Sein und Zeit, p.115
    Avertissement : ce billet est à lire avec le niveau de sérieux que vous déciderez.

    315/365 - problèmes le soir

    Matin : RER de 8h13 après être passée à la station-service.
    Cela m'a pris dix minutes puisque O. a eu celui de 8h06.
    Debout.

    Vers 17h50, ligne 1 pour la grande Arche. Problème sur le RER A. Je reprends la ligne 1. Je dors jusque gare de Lyon. Beaucoup de monde sur le quai, je prends le premier RER qui passe. Je descends à Villeneuve-Saint-Georges à 19h05 et attends un Zaco qui passera à 19h20.

    La tête vide

    Cette année le cours d'allemand hebdomadaire et le cours de grec quasi mensuel devraient tomber le même jour, le jeudi. (J'ai posé tous mes jeudis après-midi jusqu'à Noël: et que faites-vous pendant vos vacances? Euh ben…)

    Je me suis donc installée en bibliothèque pour ouvrir une grammaire grecque. C'est terrible, je ne me souviens de rien.

    314/365 - RAS

    Matin : RER de 8h06. Nous avons eu de la chance car nous sommes partis tard de la maison.

    vers 17h45 : ligne 1 puis 12.

    Soir : RER D de 22h31 aux Halles. Il pleut un peu mais il fait très doux

    Un barbecue anniversaire

    Pas assez dormi : couchée bien trop tard zonée devant The Good Wife. Cette série met bien en scène l'intimité : ce que c'est que se connaître intimement entre époux, même après la trahison et dans la colère. L'actrice est exceptionnelle.

    Anniversaire chez the voisins (ils sont nés à une semaine d'écart, pratique).

    Cette année sera décidément sous le signe de la folie : une connaissance (qui a lui-même était hospitalisé plusieurs mois pour dépression) raconte la maladie de sa fille de quinze ans, pour laquelle il n'y a pas de nom pour l'instant : trop tôt pour l'instant. Parmi les symptômes, il y a la scarification ; l'incapacité à supporter d'être dans un espace confiné avec d'autres, donc l'incapacité à aller en classe ; la peur d'approcher ses parents, car celle qui habite dans son corps risque de les attaquer et de leur faire du mal…

    Le voisin a un esturgeon de vingt centimètres dans un bassin de seize mètres carrés dans le jardin. Caviar dans vingt ans… Ah non, zut, c'est un mâle. Je suggère qu'on pourrait manger le sperme plutôt que les ovules, cela n'a pas l'air de réjouir les messieurs présents.

    Tard le soir, nous mettons à jour mon CV pour un poste mieux payé, plus prestigieux et sans doute ennuyeux à mourir. Je ne sais pas si c'est une bonne idée. (Je suis sûre que c'est une mauvaise idée mais cela peut être un tremplin utile vers autre chose.) H. a l'idée étrange de mettre "grec" en loisir. C'est un bon test pour jauger ceux qui vont lire ce CV. Quelle quantité de déviance à la norme sont-ils prêts à accepter ?

    Zut

    J'avais téléchargé les documents pour la session de demain. J'avais été surprise que ce soit autour du mythe de Phèdre, que nous avons étudié en deuxième année. Les documents d'accompagnement étaient passionnants, notamment les articles de Clémence Ramnoux et Paul Ricœur pour l'entrée "mythe" de l'Encyclopedie Universalis. J'ai donc passé les quinze derniers jours à potasser les documents.
    Ce soir, avant de quitter le bureau, j'ai voulu télécharger les questions concernant les textes.
    Les documents sur le mythe avaient disparu. C'étaient désormais des documents sur la psychanalyse que nous devions étudier.
    Pour demain.
    J'ai tout imprimé et je suis partie ramer.

    Yolette de débutants avec Adrien à la barre le bras dans le plâtre. Keski cause !
    Je rentre dans la nuit. H. est rentré de Tours quelques minutes aupavant.

    311/365 - RAS

    Matin. RER de 9h15 (O. n'est pas avec moi).
    Soir. Ligne 1 après l'aviron. RER D de 21h01 au Halles.

    En 2017, vous êtes la reine des contrats

    H. est parti tôt pour éviter les éventuels bouchons dus aux manifestations contre les ordonnances Macron : rendez-vous à Montrouge, le contrat de cession du logiciel et sa propre négociation devaient être signés à onze heures et demie. Nous sommes convenus qu'il se débrouillera pour m'envoyer un SMS dès que ce sera signé, y compris en prétextant de l'encre sur les doigts pour quitter le bureau cinq minutes.

    Attente.

    11h44 : sms qui m'annonce la signature de la vente du logiciel.

    Attente.

    Je n'ose pas envoyer de sms, j'ai peur que son téléphone ne tinte à un moment inadéquat.

    14:13 : sms pour me dire que la signature de son départ négocié est prévue à quinze heures. En attendant, les négociations sont âpres pour faire baisser le montant transactionnel (en février, sans aucun avertissement, H. a été brutalement désavoué face à ses équipes, il y a lieu de le dédommager. Par ailleurs, l'entreprise qu'il quitte a encore besoin de lui, d'où son intérêt à se séparer en de bons termes. (Mais alors pourquoi ne le garde-t-elle pas ? Parce qu'il le refuse : on ne reste pas sous-fifre dans une entité où l'on a été DG : on n'a plus aucune autorité)).

    Attente.

    16:43 : je reçois un sms d'un autre directeur pour me dire que c'est signé. H. n'a pas pu se libérer pour écrire quelques mots.


    Voilà, c'est fait. Et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête, B. ne s'est pas réveillé au dernier moment (le nouveau DG avait prévu depuis deux jours de ne plus lui répondre au téléphone, ambiance), le méchant ex-salarié n'a pas eu vent de la transaction.
    C'est fait.


    J'envoie alors à H. et au directeur messager (qui fait partie des neufs "vendus" dans la transaction), tous les deux nés mi-avril, une photo de l'horoscope de Biba 2017 qui a donné lieu en janvier à quelques lectures désopilantes dans la cuisine. Je recopie tel quel, mais c'est à mettre au masculin, bien entendu.
    BELIER - du 21 mars au 21 avril
    Viva la liberta
    En 2017, vous voilà à la fois libre et dans le désir profond de vous engager. Après un temps d'adaptation, vous finirez par combiner ces énergies opposées de manière complémentaire et bénéfique dans la sphère intime et pro.
    […]
    Les autres surprises
    Ça, vous allez adorer…
    Prête à renouveler votre vie en signant un bon accord ? Vous allez être imbattable pour dénicher la location d'appart de vos rêves ou acheter à bon prix et à taux d'intérêt ultra-concurrentiel votre future maison. Vous avez un manuscrit qui a pris la poussière ? Un éditeur accepte de vous publier. En 2017, vous êtes la reine des contrats tous azimuts.
    Mais faites gaffe à…
    Un triangle assez agressif entre Jupiter, Uranus et Pluton peut créer de sacrées surprises dans votre job : entre mauvaise ambiance et réorganisation de poste, ayez le nez fin et n'hésitez pas à passer des entretiens d'embauche pour éviter de passer par la case chômage.
    Pour le plaisir, j'ajoute ce qui me concerne et qui nous à bien fait rire aussi dans la perspective du voyage qui s'annonçait :
    VERSEAU- du 20 janvier au 19 février
    A fond dans la life !
    En 2017, la vie va à votre rythme : mouvementée, active, pleine de rencontres et de gaieté. Votre entourage aura peut-être du mal à vous suivre, mais vous, qu'est-ce que vous êtes bien. Amour, job, amitié, quand ça va, ça va !
    […]
    Les autres surprises
    Ça, vous allez adorer…
    Vous avez la bougeotte ? Ça tombe bien, 2017 est l'année des (grands) voyages. Remplissez votre agenda de petits week-ends en France et de voyages exotiques à l'étranger. […] Foncez ! Votre cœur sera chargé de souvenirs inoubliables.
    Mais faites gaffe à…
    L'amitié est très importante pour vous, mais attention aux apparences. Vous allez ouvrir les yeux et vous apercevoir que votre entourage est parsemé de faux amis. Vous resserrerez alors les liens avec ceux qui le méritent. Un mal pour un bien.
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    Agenda
    Seven Sisters. Pas mal. Peu fouillé mais curieux par moments.
    A. revient de Lisieux en train avec deux lapereaux pour le voisin.
    Tard le soir, je finis Camille revient en jouant à Candy Crush puis je regarde je ne sais combien d'épisodes de Stranger Things dont j'ai entendu parler le matin même sur Twitter tout en rédigeant un long mail.
    (Je me couche à trois heures du matin, ce qui va faire peu d'heures de sommeil.)

    310/365 - Des retards et de la foule

    Matin : c'est un jour de grève, mais le trafic est annoncé sans perturbation.
    Cependant, un train est resté en panne dans les ateliers et un autre a pris du retard à Melun pour des problèmes de portes. Les train de 8h22 est donc supprimé et le suivant en retard. Nous arrivons gare de Lyon à 8h05 au lieu des 8h50 espérés (la différence entre avoir cinq minutes d'avance ou cinq minutes de retard en cours).

    17h : métro ligne 1 pour une station jusqu'à grande Arche pour aller au cinéma.

    RER A vers 19h30
    RER D de 19h51 gare de Lyon. Très plein : il y a sans doute eu des perturbations dans la soirée. J'ai pris le même que A., nous rentrons ensemble (avec ses lapins).

    La tension monte

    Demain H. doit signer à la fois la vente d'une activité à un futur repreneur et une transaction pour son propre compte afin de mettre fin au contrat de travail dans l'entreprise pour laquelle il travaille depuis sept ans et dont le patron est devenu fou avant de désavouer H. peu après. Je dois avouer que je reste confondue que H. soit resté dans cette entreprise huit mois après cela. Dans un monde normal, la conséquence mécanique d'un tel désaveu aurait dû être de virer H. aussitôt, en février dernier. Mais non : ce n'était pas un désaveu rationnel, c'était la décision d'un fou, et donc la personne à qui B., propriétaire de l'entreprise et fou, a confié la direction de l'entreprise (à la place de H.) s'est appuyée sur H. tout ce temps pour assurer la transition avant son départ inévitable.

    Il a également confié à H. le soin de vendre une activité de l'entreprise, activité qui gravite autour d'un logiciel écrit par H. dans les années 2000 au sein de la société d'un ami. Ce logiciel a été vendu une première fois en 2006 à une entreprise de Cholet, puis racheté — sous l'impulsion de H. — en 2010 par son entreprise actuelle.
    C'est donc pour ce même logiciel et l'activité qui gravite autour (neuf personnes) que H. a trouvé un repreneur. (C'est aussi le logiciel que H. débuggue depuis un an et demi : il corrige ce qui a été fait par les équipes choletaises entre 2006 et 2010 en s'arrachant les cheveux et pestant beaucoup à cause du code écrit avec les pieds).

    Cela fait des semaines que la tension monte. En effet, tout doit rester secret : il ne faut pas que B. découvre que le logiciel va être vendu car il est capable de s'y opposer, il ne faut pas que les salariés le sachent non plus car un ex-salarié (l'un de ceux qui a salopé le code) pourrait se venger en prêtant de l'argent aux salariés actuels qui deviendraient prioritaires dans le rachat de l'activité (se venger : se venger de H. qui s'est débarrassé de lui en lui faisant comprendre qu'il n'était pas à la hauteur. Or cet ex-salarié est d'une part riche, d'autre part persuadé d'être bon).
    Depuis trois semaines H. mène trois fronts : la rédaction des documents de vente (valoriser de l'activité sans l'aide des comptables puisque tout est secret (et donc se procurer les documents, les analyser, rédiger le protocole de vente)), la négociation de son propre départ et l'éternel débuggage du logiciel dont se plaignent les clients (et au fur à mesure qu'il débuggue, il comprend mieux ces plaintes… Il n'avait pas pris la mesure des erreurs de code. Ce week-end, découragé, il m'a dit : «J'aurais mieux fait de repartir de mon code-source (avant 2006) pour implémenter ce qu'ils ont ajouté, j'aurais été plus vite qu'à corriger leurs erreurs. Il y en a partout.»)

    Depuis trois semaines nous pensons «un mur de briques», comme dans Le Village des damnés, pour ne pas attirer l'attention des dieux… (mon fils va encore dire que je suis superstitieuse… mais c'est aussi une façon de parler d'autre chose, de rire de notre bêtise et de nos craintes). Depuis trois semaines nous attendons que le ciel nous tombe sur la tête, que B. se réveille ou qu'il y ait une fuite auprès des salariés.

    Tout doit être signé demain à onze heures et demie.


    -------------------------
    Agenda
    Yolette de débutants avec quatre garçons dont c'est la deuxième sortie. Amusant de les bizuter un peu pour assoir mon autorité.
    Le soir, fin de The dressmaker. Finalement décevant, une fin trop misérabiliste. Début de Camille revient. Une bonne surprise.

    309/365 - RAS

    Matin : RER de 8h13

    Soir : j'oublie de partir du bureau. RER D de 20h35.

    19 ans un 19

    Charmant dîner chez Léna et Mimile. La cuisine est de grande qualité (compliment rare puisque nous mangeons très bien à la maison : rare que ce soit meilleur au restaurant, ce qui fait que nous ne sortons plus souvent).

    Nous avons appris aujourd'hui la mort en mai dernier de Stanislas Petrov, l'homme qui a sauvé l'occident. Il me semble que j'en ai parlé quelque part dans ce blog, mais sans doute en mettant un lien sur un mot impossible (genre "héros soviétique") ce qui fait que je ne le retrouve pas (trop d'ellipse tue).
    Je me suis souvent demandé ce que je faisais à l'heure où nous avons failli nous prendre un missile nucléaire sur la tête. J'étais en terminale.

    308/365 Un aller sans retour

    RER de 7h58. (Assis). J'ai oublié mon téléphone. Je lis Heidegger, étonnamment lisible (Qu'appelle-t-on penser ?)

    18h45 Je quitte Barry Seal en milieu de séance à l'UGC George V (c'était prévu: j'ai déjà vu le film et je voulais juste passer le temps agréablement) pour ne pas être en retard et prends le A puis le B pour aller chez Léna et Mimile rue Tournefort. J'arrive à 19h35, la dernière.

    Retour en voiture après avoir fêté l'anniversaire d'O.

    Mon génocide préféré

    « Tu as multiplié cent fois les posts sur les chrétiens d'Orient, en comparaison. Mais bon, tu as le droit de préférer certains génocides. »

    Il y a des phrases qui laissent rêveur et qui vous prennent au piège car il n'y a aucune façon honorable d'y répondre tant elles sont abjectes.

    307/365 : la reprise

    matin : RER de 7h58. Nous sommes debouts et serrés, le RER précédent a sans doute été supprimé. Le nôtre est à l'heure de bout en bout.

    soir : je quitte le bureau en retard à cause de FB (le feu des conversations). Ligne 1 à 19h40, ligne 12. J'ai dix minutes de retard.

    retour : RER D aux Halles à 22h31 sans problème.

    L'échange privé au complet

    Mail FB

    GC : Des amis COMMUNS, Valérie. nombreux à m'écrire en mp pour me dire que c'était classique, tu partais en vrille, et tu t'enferrais dans ton tort, il valait mieux laisser tomber.
    Moi, je ne me laisse pas salir et insulter.

    Moi : Moi non plus. On comparera nos messages reçus quand tu veux. Quand tu en auras le courage.

    GC : Le seul qui a du courage, et même bien de la persévérance d'essayer de te faire entendre raison, c'est moi.

    GC : Toi, tu es veule, depuis l'affaire Rouaud. D'une veulerie pitoyable.

    Moi : Ah tiens, et j'ai droit à des excuses pour les Rohingyas, en parlant d'agression ?

    GC : Bien entendu. Je me suis complètement trompé sur les Rohingyas, tu n'as pas été silencieuse...
    Tu as multiplié cent fois les posts sur les chrétiens d'Orient, en comparaison. Mais bon, tu as le droit de préférer certains génocides. Moi, tous les meurtres m'horrifient.

    Glissade

    La seule occupation productive de la journée a été d'aller au marché. C'est l'un des arguments qui joue contre le fait d'interrompre l'aviron le week-end : j'arrête en me disant que je pourrais davantage travailler (ménage ou devoirs), en réalité je fainéante.
    Cela fait du bien. Il est fort possible que je sois fatiguée, ou que j'ai besoin de rassembler mes forces avant de repartir.

    Tenté de regardé Rocky. Je pensais que c'était le premier (je n'en ai jamais vu aucun et j'essaie de rattraper mon retard en matière de culture populaire) mais en fait c'était le dernier, Rocky Balboa, tellement ennuyeux que nous avons craqué au bout de vingt minutes.
    Nous avons enchaîné sur Netflix avec le premier épisode de Grace et Frankie (un épisode, ça suffit), puis j'ai fini The Bounty Hunter, assez difficile à comprendre dans la mesure où il s'appuie sur des mécanismes judiciaires et des professions qui n'existent pas en France (le prêteur de caution, le chasseur de prime, etc.) Ce n'est pas très bon, mais je jouais à Candy Crush en même temps (quand je glande, je glande).

    Apéro avec les voisins (les voisins, syntagme figé) qui ont sonné pour nous inviter chez eux et finalement sont restés chez nous.
    Diagnostic définitif concernant la voiture de A. : réparations inutiles vu le prix de la voiture. Il nous faut lui en trouver une autre.

    Le soir, je commence The Dressmaker qui me plaît beaucoup, entre recherche de la vérité, vengeance et histoire d'amour dans l'Australie toujours présentée comme la brousse absolue. Pas le temps de regarder la fin.

    GC m'interpelle sur les Rohingyas

    Je ne vais plus souvent sur Facebook, et c'est donc un peu par hasard que j'ai découvert cela aujourd'hui qui m'a coupé le souffle : brutalité et indécence de l'interpellation (s'agit-il d'un concours pour savoir qui pleurera le plus tôt et le plus fort?).

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    Voici donc ce qu'on lisait sur la page de GC (depuis il a masqué la discussion, je ne peux plus la voir).

    G** C** (14 septembre 9:57) Tiens, encore un exemple : les exactions épouvantables contre les chrétiens d'Orient ont fait l'objet de nombreux commentaires, pétitions, partages d'articles, et à juste titre. Je constate que mes amis chrétiens, notamment, sont bizarrement silencieux. [ici mon nom est tagué]

    S** D** (14 septembre 9:58) Oui tout à fait. Et quant aux pertes civiles considérables causés par nos avions en Syrie…

    Alice (17 septembre 14:56) Cher Guillaume, si tu avais regardé mon mur aussi souvent que j'ai consulté le tien au cours des dernières années, tu aurais constaté que j'ai signalé le massacre des Rohingyas bien avant1 que ce ne soit à la mode.
    A la manière de GC, j'aurais pu alors me plaindre de ne recevoir aucun écho. Si tu vas traîner dans les pages que je suis, tu en trouveras sans doute une trace.

    Alice (17 septembre 15:26) Par ailleurs, ce genre d'interpellation extrêmement aimable permet à chacun j'en suis sûre de comprendre pourquoi je "n'échange" pas avec toi. Nous n'avons pas la même définition de "l'échange".

    G** C** (14 septembre 15:27) Tu sais très bien ce qui s'est passé, et que tu refuses de répondre aux questions (fort gênantes pour toi, il est vrai) que j'ai adressées suite à tes mises en causes injustes.


    Note
    1 : (en novembre 2016 sur ma page FB)

    René

    Finalement nous n'avons pas fêté les 80 ans de René. Je pense à lui, souvent. Je lui envoie des cartes, rarement : deux fois à Noël en sept ans, une fois en avril dernier, parce qu'il me restait une carte postale du lac de Vouglans et que j'étais sans doute terriblement frustrée (et inquiète pour le futur) d'avoir dû annuler ma participation au stage d'aviron de mars : tiens, si j'envoyais cette carte à René ?
    La différence, c'est que cette fois-ci, il m'a répondu. Il m'a envoyé la photo noir et blanc d'une barque à moitié submergée avec la mention « il y a des circonstances où faire avancer le bateau pose des problèmes » et son numéro de portable. Je l'ai appelé jeudi. Sa voix était pleine de vie, inchangée.
    Rendez-vous pris pour cet après-midi. H a accepté de venir.

    Nous sommes arrivés plus tard que prévu dans une maison déserte. Dans le jardin, un joli bateau vernis, bas, d'environ quatre mètres, deux verres sur la table, un chat qui miaule. Il fait frais mais le ciel est dégagé. Tout est tranquille, l'herbe est tondue ras, la maison a un air propret et bien entretenu. Un cognassier finit de mûrir. Nous faisons le tour, tapons au carreau. « Appelle-le », me dit H. (je ne pense jamais aux solutions simples).

    René est chez le voisin d'en face. C'est ainsi que nous nous retrouvons à prendre une bière chez un conducteur de RER B à la retraite. (Il faut sept à dix ans d'expérience de conducteur de métro pour pouvoir postuler au poste de conducteur de RER. Avant les conducteurs changeaient à gare du Nord, un conducteur SNCF prenait le relais d'un conducteur RATP. « Ça allait très vite. Mais ils ont décidé de ne plus changer, ils ont vendu ça aux usagers comme un avantage sur la ponctualité, mais en fait, ils ont économisé douze à quatorze conducteurs. Ça fait deux réglementations à apprendre (nous découvrons que ce n'est pas la même : mais qu'est-ce qui change ? la signalétique ? ça fait peur), et même trois avec la réglementation intra-muros. Un jour il y aura un accident. Surtout avec les jeunes. Ils raccourcissent l'ancienneté, la plupart n'ont que sept ans de métro, et ils ne veulent pas travailler. Isabelle (sa femme) était formatrice, eh bien vers la fin, il y en a qui lui pourrissaient sa formation : « Vous z'allez tout de même pas vous lever à quatre heures du mat' y compris le dimanche pour mille six cents euros ! » a dit l'un, et y'en a quatre qui sont partis. Mais il faut bien commencer.»
    Je ne dis rien. Dans un sens il est délirant que je gagne le double les fesses sur une chaise pendant des horaires de bureau, d'un autre côté il a mon âge et est à la retraite dans sa jolie maison en lisière de Beauce, tranquille. Il est à la retraite avant d'être vieux, il a vingt ans d'agilité devant lui, et peut-être quarante ans de vie : plus qu'il n'en aura passé à travailler. Est-ce normal par rapport à une infirmière ou un plombier ? Il faut harmoniser la législation et laisser chacun choisir.

    Nous revenons chez lui. Je note sans ordre des bribes de conversation, des précisions que j'ai obtenues sur des souvenirs flous (René conduisait la remorque quand nous partions en régates le week-end, il racontait des anecdotes et m'a appris les contrepétries (oui, il a bien eu un oncle, un frère de sa mère, religieux au Brésil. Non, pas évêque, supérieur d'un couvent de dominicains)). Je m'accuse ici de misérabilisme : je venais rendre une visite charitable à un octogénaire veuf ayant perdu ses fils, je suis repartie ragaillardie par quelqu'un débordant de vie et de projets1.

    Au mur un immense agrandissement d'une photo noir et blanc montre au premier plan un cours d'eau (la Mayenne), deux ou trois maisons, une barque plate et claire, le coteau planté d'arbres.
    — Ça c'est mon enfance, c'est la maison où j'ai grandi. C'était un moulin à tan, on broyer des écorces de pin pour les tanneries (jamais entendu parler de ça). Tu vois la barque devant ? C'est moi qui l'ai construite, c'était pour aller boire l'apéro chez Joseph de l'autre côté de la rivière. Un jour quand j'avais quatorze ans mon père m'a demandé de construire un bateau pour aller boire l'apéro.
    — A quatorze ans ? Mais qu'est-ce que tu avais fait avant, pour qu'il te demande une chose pareille ?
    — Ah… j'ai toujours été un manuel…
    — Je me souviens que tu avais descendu la Loire avec ton frère en canoë français, c'est bien ça ?
    — Ah oui, c'était aussi un bateau que j'avais construit… (Ça, je ne le savais pas.) Je l'avais appelé J3, comme les cartes d'alimentation pour les jeunes. (Il rit.)

    Autre souvenir de guerre, les avions français mitraillant les Allemands qui fuyaient par la route en haut du coteau, invisible sur la photo : « je m'étais caché là (il montre un coin sur la photo), tu parles si j'étais bien caché. On n'a pas peur quand on est gosse ».

    — De toute façon les bateaux ça me poursuit. Je me souvient à l'école, on avait rempli le lavabo pour voir si la maquette du prof flottait… On avait passé plus d'un an à lui construire son bateau en taille réelle.
    Je lui parle du bateau qu'il construisait l'avant-dernière fois que je l'ai vu, quelque part en 1995 : il en était à lester la quille, il avait des problèmes de proue.
    — Je l'avais construit avec un orme du père Tape-dur. Tu te rappelles du père Tape-dur ? On bricolait chez lui, son arbre était mort, on l'a débité en planches.
    — Mais le bois était assez sec ?
    — Il faut un an par centimètre : trois ans pour une planche de trois centimètres, un an pour un centimètre… Bon allez, un peu plus d'un an.

    Avec ce bateau, nous apprend-il, il a traversé l'Atlantique avec son fils. Il nous parle de St Barth : « Vous êtes déjà allés à St Barth ? Y'a que des riches et des trafiquants, là-bas.» Il a revendu l'embarcation, trop grande désormais.
    — Je suis trop vieux, constate-t-il sans amertume et avec réalisme. C'est comme le bateau dehors, il est trop sportif, il faut être deux pour le manœuvrer. Je l'ai donné à un neveu, ce sera plus facile, il va s'en servir sur un lac, en eau douce.
    Dans le jardin, une carcasse de bateau d'à peu près la même longueur repose sur l'herbe. Il reste quelques planches.
    — Tu vois, celui-là aussi je devrais le rénover. Les bateaux viennent à moi… (in petto je pense aux livres me concernant. C'est étrange, cette aimantation individualisée.)
    H. s'étonne devant le peu qu'il reste de l'épave : — Euh… vous pouvez vraiment en faire quelque chose ?
    — Mais oui, c'est merveilleux ce qu'on peut faire avec de la colle. (Sauf qu'en l'occurrence il ne reste pas grand chose à coller, me dis-je in petto.)
    J'interviens : — Tu n'irais pas plus vite à partir de rien ?
    Le joli voilier dans le jardin était dans cet état-là. Il l'a rénové en un peu plus de trois ans.
    — Je me suis énervé sur le huit… (un bateau d'aviron) Depuis je fais de la tachycardie. J'ai été opéré… c'est magnifique l'hôpital, je suis comme un coq en pâte, tout le monde s'occupe de moi, H. y est infirmier. Un jour je promets du chocolat à des infirmières qui s'occupaient de moi et j'entends une voix : « c'est pas la peine, elles sont déjà assez grosses comme ça.» C'était H.2. (Il rit.)

    Le chat miaule.
    — J'étais à Nîmes, mon voisin me téléphone et me dit : « tu as oublié de donner de l'eau à ton chat». J'ai pas d'chat ! j'lui réponds. Y'a des salauds qui l'avaient laissée dans l'abri à bois. Elle s'appelle FêtNat parce que c'était le 14 juillet.

    Nous sommes rentrés, René a allumé un feu avec une brassée de copeaux et trois bûches : « J'ai fait rentrer mille euros de fioul, j'ai trois stères de bois. Ce ne sera pas assez pour l'hiver. Je chauffe juste en hors gel, je fais du feu, je reste dos à la cheminée tout l'hiver. »
    Nous aussi. Nous épluchons les pommes véreuses du jardin, il sort une pâte brisée du frigo. Il paraît avoir une grande habitude de recevoir ainsi. Il décongèle des cèpes cueillis trois semaines plus tôt (pas beaucoup de champignons cette année. Mince, nous allons lui manger sa réserve), prépare une omelette. La nuit est tombée.
    — Il ne manque qu'une comtoise, remarqué-je.
    — J'en ai une, dans l'atelier, je répare le meuble pour X. Pas le mécanisme, ça c'est pas mon rayon. J'avais une pendule Boulle, j'ai dû la vendre parce que j'avais besoin d'argent. C'est vrai que le carillon m'a manqué.

    Je passe aux toilettes. Un livre, Gertrude Bell de Christel Mouchard, se trouve là. Ça alors, je pensais être la seule3 à la connaître en France!

    Il nous raconte ses voyages en train, Mer-Tours, Tours-Lyon, Lyon-Nîmes où vit son amie ancienne sage-femme («on ne se supporte pas plus d'une semaine, mais comme ça, ça va»). Il prend moins le train, davantage la voiture, car il trouve les gens moins ouverts qu'avant, ils ne saluent plus, ne sourient plus. In petto je me demande si cela est dû à l'âge de René, si les gens, ne pouvant deviner sa vitalité, ont peur ou pas envie de s'adresser à un homme si âgé.

    Il nous raconte des anecdotes de son apprentissage dans le faubourg St Martin (il est ébéniste). Il nous raconte ses projets : un meuble en galuchat. «C'est un meuble plaqué en peau de poisson. C'est très difficile à travailler. Vous connaissez la chanson "Nini peau-de-chien" ? Eh bien c'est du chien de mer, du galuchat.» Il nous raconte ses voisins, où par hasard (ou karma ?) se retrouvent plusieurs personnes ayant vécu rue Keller, quartier de la Bastille. «Il y a de tout dans le village, des syndicalistes à l'extrême-droite. Mais ils sont tous très gentils, alors on fait avec.»

    Quand nous partons, il nous montre la lampe extérieure qui détecte les mouvements : «ce sont mes voisins qui m'ont installé ça. Vous avez vu comme ils sont gentils mes voisins ? Je vais vous montrer comme ils sont gentils. Vous voyez cette glycine ? J'avais dit que je voulais une glycine. Je suis parti en voyage, et bien, quand je suis revenu, ils avaient planté cette glycine.»

    Bref, tout le village prend soin de lui et il rend service à tout le monde. Je suis partie rassurée et reposée de cette visite hors du temps.
    Il faudra revenir.


    Note
    1 : à la réflexion, tandis que j'écris cela, je me demande si c'était vraiment une surprise. Si, tout de même : j'étais inquiète parce que, lorsque j'avais fait des recherches sur son nom sur internet en avril, les résultats avaient tous un an ou deux.
    2 : Hervé fut le premier petit ami de Jacqueline. Est-ce lui qui m'avait fait peur en me disant : «j'ai beaucoup entendu parler de toi ? » A l'enterrement du fils de René, il m'avait ému en parlant de son divorce : « On se marie pour partager de la tendresse, et puis… »
    3 : déclaration emphatique et exagérée, bien entendu.

    La poste, unique objet de mon ressentiment

    Les deux montres que je dépose machinalement dans le plat de cuivre sur le meuble de l'entrée se sont arrêtées en même temps : coïncidence, ou y a-t-il eu une interaction entre le cuivre et les piles ? (mais laquelle ?)
    J'ai trouvé aux Quatre temps l'endroit où a déménagé le point "Montre services". Tout un ensemble de boutiques a été déménagé, apparemment pour agrandir la poste.

    La poste parlons-en : faire payer le "service" de parler aux gens… (j'explique, pour les jeunes générations et les futures : "avant" (jadis, auparavant, naguère), le facteur s'arrêtait chez les gens, à la porte ou dans la cuisine, papotait, repartait. Il permettait de bavarder, de colporter les nouvelles, d'assurer un lien vers l'extérieur. Désormais, avec le nombre de facteurs en diminution et les tournées de plus en plus longues, ils n'en ont plus le temps, voire le droit (augmentation du nombre de suicides chez les facteurs). Récemment, quelqu'un a eu la bonne idée de transformer cela en service payant. Que ce marketteux rôtisse en enfer. J'espère qu'il terminera sa vie seul, sans même un facteur pour lui rendre visite.)
    Charline Vanhoecker disait ce matin (ou hier ?) sur France Inter que la visite ne devait pas durer plus de six minutes, car si elle devenait plus longue, les études montraient qu'il y avait risque d'attachement. Ce doit être une plaisanterie, son billet est censé être comique (ce doit être une plaisanterie, ce doit être une plaisanterie…)

    Question : si le courrier a diminué avec internet, la distribution des colis n'a-t-elle pas explosé avec la vente en ligne ? Et si la distribution de colis appartient à une entreprise séparée de celle qui distribue le courrier, n'est-il pas temps de les réunir, de façon à ce que les colis fassent vivre le courrier, comme les romans à gros tirage font vivre la poésie ?

    Je rappelle qu'il existe une corrélation géographique entre le vote FN et le retrait des services publics. Remettez des postes et des facteurs, des tabacs, faites circuler des bus au niveau de chaque village (à organiser au niveau des départements, responsabilité du préfet). Faites reculer le FN, permettez aux gens de se déplacer, de se rencontrer, de parler.

    302/365 : Un train supprimé le matin

    Matin : j'arrive toujours aussi tard à la gare. Le train de 9h13 est supprimé. Un café. Je prends le suivant (9h28).

    Soir : Zico de 18h57. Pluie battante.

    301/365 - Grève

    Je me suis appliquée pour ne pas rater le train de 8h58 car le suivant était annoncé supprimé : contrainte plutôt positive.

    Retour le soir après l'aviron : RER de 21h31 aux Halles. Aucun problème. (Soulagement)

    Heidegger for ever

    — Tous les grands philosophes ont été élèves de Heidegger : Jonas, Hannah Arendt, Günther Anders, le premier mari d'Hannah Arendt, qu'on a beaucoup traduit depuis dix ans, Gadamer, Marcuse sur un autre plan… En 1960 paraissent Vérité et méthode de Gadamer et Le Volontaire et l'involontaire de Ricœur : deux grand textes phénoménologiques dans des genres très différents.
    J'ai l'impression de me retrouver à Cerisy il y a deux ans1.

    Qu'est-ce qu'un homme. Lecture suivie de Expérience et Absolu (nous avons dû atteindre la page 15 du liminaire), lecture commentée, commentaires, promenade. J'aime beaucoup. Je pense à Löwith (encore un élève de Heidegger, un ami, même, puisqu'il me semble qu'il a été baby-sitter des enfants avant d'être totalement repoussé), je pense à Lucie Kaennel qui nous a résumé en deux mots l'antisémitisme du "petit Martin", comme dirait Jérôme de Gramont : un juif n'était pas un homme puisqu'il n'avait pas de Dasein.

    Quel sujet pour mon mémoire l'année prochaine ? Qu'est-ce qu'un homme ? Ecce homo, Jésus était juif.
    Faut-il théologiser par concept ? Le concept est-il la bonne façon d'approcher la foi ? Parler de Dieu, parler sur Dieu, ne concernerait pas la foi ? Jésus enseignait en paraboles et la Bible raconte des histoires. Ricœur, article "Mythe" dans l'Encyclopedie Universalis : le mythe nous dit-il quelque chose de la vérité que la science n'atteint pas ?


    Note
    1 : impression confortée par le fait que je découvre que notre professeur a soutenu sa thèse avec Jean Greisch.

    Mauvais temps

    Beaucoup de vent : Marc a rentré son skiff et nous sommes sortis en double. Heureuse des commentaires des autres après la sortie : apparemment nous étions l'image de l'aisance et de la facilité.

    Passé à la librairie Charybde pour prendre des Poésie du gérondif : un pour mon prof de philo amateur de Franquin (cité p.24) et un pour les éditions de Gruyter-Mouton. Au passage j'ai pris le dernier Le Tellier, Toutes les familles heureuses, dont mes oulipotes disent le plus grand bien (la lecture d'extraits en séance était déjà fort réjouissante, de cette réjouissance qui fait froid dans le dos).
    Il pleut, il fait froid.

    Pendant ce temps, H. a rendu la coccinelle dont le leasing arrivait à échéance. Nous avions dépasé le kilométrage prévu et la voiture avait des rayures, le pare-choc arrière était légèrement enfoncé (souvent cela se voit peu : les pare-chocs sont montés sur des morceaux de plastique qui cèdent au choc (et donc absorbent l'énergie) en se déformant, rendant le pare-choc inutile désormais puisque les morceaux de plastique ne pourront plus jouer leur rôle.)
    Nous nous attendions donc à payer un supplément en rendant la voiture. Il n'en a rien été. H. a expliqué qu'on ne conservait pas la voiture parce que les freins se bloquaient quand le régulateur de vitesse était en place : parfois — mais pas toujours, cet aléatoire aussi était angoissant —, au moment où l'on souhaitait freiner, la pédale se durcissait énormément et il fallait l'enfoncer de toutes ses forces pour la débloquer. Plus d'une fois je me suis félicitée d'avoir gardé d'importantes distances de sécurité.
    Un incident a été déclaré à Volkswagen par le garagiste qui suivait la voiture. Une pièce a été changée mais le problème n'a pas disparu. Pendant les vacances, O. n'a jamais utilisé le régulateur tant ça lui faisait peur.
    H. a donné le numéro de l'incident et le concessionnaire a commencé à interroger son ordinateur. Pendant ce temps, H. est sorti avec un mécano pour faire le tour de la voiture. Celui-ci a commencé à relever toutes les éraflures sur la carosserie ; H. voyait la facture s'alourdir à chaque nouvelle anomalie quand soudain le directeur de la concession est arrivé, a dit que la voiture était reprise sans complément et a signé les papiers dans la minute.
    Notre conclusion est que l'incident leur a fait peur. Il n'est pas certain que la voiture soit mise en vente d'occasion. Elle va peut-être passer à la casse. Ça me fait mal au cœur.

    297/365 : RAS

    RAS je suppose, puisque je n'ai rien noté, je n'ai nulle trace parmi mes photos ou sms pour me rappeler un dysfonctionnement.

    En revenant de la librairie je traverse la place Henri Fresnay et emprunte le hall 3 : heureuse surprise, des banquettes bleues ont été aménagées pour les voyageurs, tout cela a l'air agréablement confortable.

    La loi interprétée par ceux qui la pratiquent

    Quand une entreprise veut se séparer d'une activité majeure, par exemple un département de l'entreprise, un produit qui représenterait une grosse part de son chiffre d'affaires, elle doit prévenir le comité d'entreprise. Celui-ci peut faire une contre-proposition : il est le repreneur prioritaire de par la loi, il peut préempter le bien.

    Je suppose que cette loi était bienveillante : elle devait être destinée à prévenir les abus de certains patrons qui vidaient leur entreprise de sa substance, laissant les salariés sans recours.
    Cependant, peut-être parce que de nombreux comités d'entreprises ont préempté une activité que de fait ils n'étaient pas capable de gérer, la loi a été changée : elle prévoit désormais que la transaction puisse rester secrète, sans prévenir personne avant sa conclusion — au prix d'une taxe de 2% de la valeur de la transaction à verser au comité d'entreprise.

    (Cette explication narrativisée provient d'un expert-comptable qui pratique des cessions. La version officielle, exprimée tout autrement, est-elle celle-ci ? Cela ne correspond pas exactement puisque le lien concerne la vente de l'entreprise elle-même, et non une activité, et parle d'un droit de reprise des salariés, et non du comité d'entreprise… Ou alors cet article d'une remarquable clarté sur l'obligation de consulter le comité d'entreprise ? (mais je n'ai rien vu sur la préemption du bien). Si l'un de vous sait quel est le texte ainsi expliqué par l'expert-comptable, n'hésitez pas à me le signaler en commentaire.)

    296/365 : RAS

    Partie tôt avec H. qui a rendez-vous à 8h gare de Lyon. RER de 7h22.

    Rentrée tard après l'aviron. RER de 21h31 aux Halles.

    Sacrée Hélène

    La cliente qui était morte a rappelé aujourd'hui.

    Une chose en en entraînant une autre, elle me raconte : « Oui alors, j'ai soixante-dix huit ans […], je suis en train de racheter un terrain, parce, que vous comprenez, ils veulent démolir la forge et moi je veux la sauver ; y'avait un nouveau, là, au conseil de quartier, je ne sais pas d'où il venait, il commence avec des propos homophobes, alors moi je lui ai dit tout net : « Monsieur, je ne vois pas en quoi ce qui entre dans leur cul vous fait mal aux dents ». Ils m'ont tous regardée, mais moi j'en ai rien à faire. […] »

    Faute de genre

    Dans la voiture j’écoute le dernier « coup de gueule » d’une journaliste sur France Musique : tollé aux Pays-Bas parce que le Concertgebow a illustré une campagne de pub par un appareil à souffler les feuilles soulevant la jupe d’une femme, découvrant ainsi un string (jeu de mots en anglais sur un titre de Bach : air on string, mélodie sur une corde ou souffle sur une ficelle (le string)).
    Et je me dis qu’ils sont bêtes, ils ont oublié qu’il fallait maintenant décaler ce genre d’allusions : ils auraient fait cela avec un homme en kilt, tout le monde aurait ri.

    ——————

    Agenda
    Aviron. Clémentine me vouvoie et me dit «Merci Madame». Je ne lui demande pas de me tutoyer. Il sera toujours temps si elle devient une fidèle du club.

    C’est la rentrée. Encore deux ans.
    Les travaux de l’ICP sont terminés. La cour ne me plaît pas, elle est entièrement cimentée de blanc (mais non plate, ce qui permettra à la pluie de ruisseler), percée de minuscules lampes qui sont comme des étoiles venues du sol dans la nuit. J'aurais préféré des arbres, des fleurs, de la terre. Evidemment il aurait fallu des chemins, c'est sans doute moins adapté à la circulation de beaucoup de gens.
    Les salles (toutes les salles, ou seulement celles du bâtiment S) sont pimpantes et le mobilier neuf. Il était temps : le précédent semblait rassemblé de bric et de broc, avec des tables trop hautes, trop étroites, des chaises très inconfortables (celles-ci ô merveille sont rembourrées : combien de temps pour que des élèves inconscients de leur chance ne les tailladent ?)

    Cours sur Heidegger, ou plutôt la phénoménologie (mais pas celle d'Husserl, donc celle de Heidegger) à partir de Jean-Yves Lacoste. « Il ne faut pas confondre la théologie philosophique (Voltaire, théodicée de Leibniz), la philosophie de la religion (Kierkegaard, les Russes, etc) et la philosophie des religions (étude des religions existantes).»
    Je me prends à regretter que notre cours de sociologie soit si loin. J'ai l'impression que nous nous inscrivons dans la ligne directe de Durkheim and co.

    Samedi de pré-rentrée

    Rendez-vous chez le médecin pour un certificat médical. « Quel sport ? … De l’aviron ? Ah c’est bien, ça me change.»
    Plus tard :
    — Vous devriez faire un test d’effort pour être tranquille trois ou quatre ans.
    — Ah, ça va venir : il est probable que mon père m’offre un tour en Mirage, les avions supersoniques. Un test cardiaque est obligatoire.

    Nous avons emmené Clara à son appartement, ou plutôt sa chambre : une pièce avec douche individuelle dans une maison de maître à Créteil. Six colocataires à cinq cents euros mensuels chacun (hors charge), ça rapporte davantage que de louer à une famille.
    Elle revient avec nous et repart en vélo, avec le vélo de mes onze ans qui roule toujours parfaitement. Si réellement elle s'en sert (je n'en reviens pas qu'une "jeune" de vingt-sept ans accepte de rouler sur mon vieux clou taché de rouille donc j'attends de voir si son enthousiasme a hérité d'un vélo gratuit persiste) si réellement elle s'en sert je le ferais repeindre (et de repasser mentalement les couleurs possibles : blanc, mauve, rose, violet, orange ? Pas bleu ou noir, non, quelque chose qui ne donne pas envie de le voler.)

    Le soir, O. m'accompagne à la cinémathèque voir L'Atalante. Il a été restauré grâce au travail de Bernard Eisenschitz, ce qui est l'occasion de penser à Marie et Jérémy (il faut que je leur envoie un mot. Que s'est-il passé avec Marie ? Elle a été choquée que je proteste devant la vague de suicides à France Telecom, que je proclame qu'il fallait arrêter de leur faire de la publicité, qu'il y avait d'autres façons de résister. Elle a coupé les ponts. Est-ce irréversible ?)
    Restauration argentique, montage à partir de la comparaison de plusieurs versions, et notamment une version anglaise. O. est surpris et un poil narquois devant la ferveur des présentateurs et des spectateurs, qu'il comprendra d'autant moins après vision : quoi, ce film un peu crachotant, cette histoire simplissime, c'est cela qui les enthousiasme ?
    — Mais tu te rends compte, juste après le muet… tu as vu la diversité des plans, l'endroit où il a fallu réussir à mettre la caméra ? le cadrage de la caissière et le jeu des vitres, la façon dont tout est expliqué dès le cortège de la noce, la jeune fille qui quitte son village, qui n'a jamais rien vu,…
    Devant l'admiration de tous, il veut bien convenir qu'il doit y avoir quelque chose, même s'il ne saisit pas exactement quoi (mais moi non plus, moi non plus : comment saisir les difficultés d'un montage, de la durée exacte d'une scène pour que tout soit montré et rien de trop ? A quel moment devient-on poétique au-delà de réaliste, à partir de quand la réalité bascule-t-elle dans la poésie ? A moins que la réalité soit toujours poésie et que l'art consiste justement à saisir celle-ci, la rendre visible.)

    Nicolas Seydoux, de Gaumont, nous a promis une dernière restauration, celle qui saura nous rendre un son audible : en effet, il est aujourd'hui par moment si criard qu'il en devient inaudible.

    Le silence

    Le cabinet du docteur Caligari à la cinémathèque.

    Etonnante expérience : ce film muet est projeté dans le silence absolu, sans musique d'ambiance (ou musique jouée en direct, comme ce fut le cas les deux ou trois fois où j'ai assisté à la projection d'un film muet). Parfois s'élève la respiration plus forte d'un spectateur endormi.

    Les décors sont magnifiques par leurs formes, sorte de dessins animés en trois dimensions dans lesquels s'insèrent les personnages. Dommage qu'ils n'aient jamais été repris au temps de la couleur.
    En regardant les acteurs, je me souviens que peu ont réussi le passage du muet au parlant : ce sont des pantomimes.


    ---------------------------

    Agenda
    Ce matin, rendez-vous pour se faire expliquer la loi Pinel (sans doute non reconduite en 2018). Je ne suis pas sûre d'aimer l'idée d'emprunter à nouveau sur vingt ans. Les graphiques démontrent que le locataire paie de fait la moitié du bien (c'est monstrueux) : c'est une chose de le savoir, c'en est une autre de le visualiser sur un graphique (48% financé par le locataire, 12% par la réduction d'impôts, 40% par le propriétaire).
    Artichauts au dîner, d'où une conversation loufoque sur l'art d'empiler les feuilles et d'arracher le foin. Pas de doute, Clara fait partie de la famille, ce doit être génétique.
    Le soir, H. et moi avons tenté de regarder C'est arrivé près de chez vous. Nous avons abandonné au bout de vingt minutes, lassés par la verbosité et l'absence de scénario.

    288/365 : RAS

    Matin - RER de 8h29 avec H. pour être à l'heure à notre rendez-vous à la Défense.

    16h12 : ligne 1 puis ligne 14 pour la cinémathèque. (L'application Navigo a changé pendant les vacances : elle s'est embellie aux dépens de la simplicité, je déteste cela : une page d'accueil inutile, l'obligation d'aller dans le menu di l'on veut l'option "itinéraire" (celle qui permet de forcer le lieu de départ, ce qui est souvent utile pour orienter les réponses de l'appli). Suis-je une utilisatrice trop avertie ?)

    RER D gare de Lyon vers 18h20.

    La tête et les jambes

    Dans le vestiaire est posé négligemment sur le sac d'une jeune fille blonde un Gorgias écorné.


    (Remarque : ce n'est pas encore la rentrée.)

    287/365 RAS

    Matin : 8h43 soit un RER plus tôt qu'hier.

    Soir : ligne 1 Pont de Neuilly après l'aviron puis RER D à 21h05. Claire m'apprendra demain qu'en prenant le suivant (il n'y en a que toutes les demi-heures à cette heure-là), elle est restée coincée deux heures à cause d'une panne d'électricité. Elle n'est rentrée chez elle qu'à minuit.

    Pas contente

    Rentrée pas trop tard pour être là quand le gentil voisin garagiste viendrait ausculter la voiture (il n'a rien trouvé car elle refuse de "dialoguer" avec l'ordinateur. En désespoir de cause il va changer la sonde (quarante euros). Sinon, c'est une pièce de mille euros qu'il faut changer, et comme la voiture doit en coûter mille cinq cents…)
    J'ai eu droit à une scène du deux de la part de A. parce que pour ne pas rester les bras ballants, je commençais à ramasser la poignée de tickets de caisse et de prospectus en tous genres qui jonchaient le plancher de sa voiture : il paraît que j'attente à son intimité. Elle me les a arrachés avec force pour les protéger de son corps en déclamant des bêtises — devant le voisin garagiste, la honte. (Mais que fait-elle de ces détritus, que va-t-elle en faire ? j'ai la vision atroce d'un appartement empli de tickets de caisse et de papiers de bonbon. Syllogomanie.)

    J'ai sérieusement perdu patience. Je suis fatiguée que nous tenions nos engagements et pas elle, et qu'en outre elle m'accuse de méfaits imaginaires. Il me semble que lorsqu'en quatre ans on a réussi à rendre un rapport sur cinq et effectuer trois stages sur huit (et encore, le dernier grâce à moi, après mon retour, donc in extremis : elle a passé le mois de juillet à faire des puzzles et regarder des mangas) on est tenu à une certaine discrétion dans les récriminations.
    Bref. Il ne va pas suffire que sa voiture soit réparée. Pour avoir le droit de rentrer à Lisieux, il va falloir qu'elle termine l'un des deux rapports de stage en cours (rien d'impossible, il faut simplement qu'elle arrête de regarder youtube tous les trente mots).

    286/365 Retour à la normale

    Matin : RER à 8h58, qui n'existait pas la semaine dernière.
    Puis RER A, de nouveau opérationnel après quatre semaines d'interruption (on aimerait espérer que les travaux auraient des conséquences visibles, sensibles, mais non, à part le carrelage gare de Lyon).

    Le soir ligne 1 à 17h04, puis RER A puis RER D, sans encombre.

    Coup de geule hospitalier

    Je reprends comme je l'ai déjà fait plusieurs fois une suite de tweets "à dérouler", comme on dit.
    Bien sûr, entre autres causes : on commence par les abrutis qui ont déclaré que la santé devait être un secteur "rentable", rentabilité

    parfaitement artificialisée par les tarifs de l'AM (assurance maladie) complètement déconnectés des coûts réels, de la course au cost-killing à tout crin

    qui va en face de cette rentabilité illusoire. Comme dit un copain patron de clinique "si tu veux faire un truc rentable, t'ouvres un club de

    strip-tease ou une pizzeria, pas un établissement de soins"
    A quel moment c'est tolérable que des actionnaires se fassent du beurre sur la

    santé de nos concitoyens?
    On continue avec le dogme du "il y a trop de fonctionnaires" qui nous pousse à externaliser au maximum sur des

    fonctions qui seraient "pas notre coeur de métier", en exploitant encore plus les personnes qui réalisent les prestations pendant que des

    actionnaires se font encore plus de fric sur leur dos (coucou Onet Nettoyage, bande d'esclavagistes!) tout en cassant complètement la notion

    de travail en équipe. Je vous épargne tous les fournisseurs et prestataires fumistes qui se foutent complètement de la qualité des

    prestations qu'ils délivrent, et donc du service au patient qu'ils fournissent, du moment qu'ils se font encore plus de pognon sur le dos du

    contribuable, du patient et du cotisant.
    Tiens les cotisations sociales on en parle? Il est où le pognon qui finance la sécu à force de

    baisser les charges sociales parce que les "salariés coûtent trop cher" pendant que les actionnaires défiscalisent dans tous les paradis

    possibles et imaginables? Oui, la santé publique a un coût, et il n'y a pas que ceux qui tondent la laine sur le dos des autres qui ont le

    droit d'être soignés dans les meilleures conditions possibles!
    Quant à vos propos sur "l'hôpital est en situation monopolistique", vous

    n'avez pas honte de raconter des conneries pareilles? Vous aussi vous avez pris le nouveau Levothyrox? Bien sûr qu'on est sur un foutu

    secteur concurrentiel, partout : on est en concurrence avec le secteur privé, et même entre hôpitaux depuis que l'ARS surveille l'évolution

    des parts de marché entre établissements. C'est exactement pour cette raison qu'on ne fait RIEN pour limiter l'afflux dans les services

    d'urgence, parce que le but de cette course à l'échalote toxique, c'est de faire toujours plus de chiffre que le voisin. On est en

    concurrence sur nos services supports, parce qu'on doit défendre jusqu'à la légitimité de nos cuisines et blanchisseries hospitalières

    en faisant toujours moins cher que le concurrent d'à côté. Et après on s'étonne que les patients mangent mal...
    On est en concurrence sur le

    marché des professionnels de santé, d'abord sur les médecins : merci au crétin qui a décidé, en vertu de la loi du marché, qu'en limitant

    l'offre de soins on limiterait la dépense de soins, et donc qu'il fallait bloquer les numerus clausus, on est ds une belle merde maintenant

    On est aussi en concurrence sur d'autres secteur pros comme les kinés ou les orthophonistes, on est en concurrence de partout

    D'ailleurs nos décideurs le savent bien, puisque ce sont les premiers à aller se faire soigner dans le privé à l'Hôpital Américain

    Le seul truc sur lequel on a le monopole c'est justement sur tout ce qui n'est pas rentable et susceptible de rapporter du fric à court

    terme. PARCE QUE C'EST CA LE SERVICE PUBLIC

    Retour

    Pas de changement cette fois-ci: le TGV passe à La Roche-sur-Yon. Voyage tranquille mais peu sérieux, je blogue hors ligne pour tenter de rattrapper quelques billets en retard (j'ai la flemme et j'écris lentement) ; je lis Le Sacré de Rudolf Otto (j'ai la flemme et je lis lentement). J'ai une fiche de lecture à rendre le 9 septembre (septième année sur huit prévues). Je déteste les fiches de lecture car je n'ai toujours pas compris si elles étaient un outil destiné à rendre service à leur auteur (auquel cas leur formalisme devrait être adapté par chacun) ou un exercice académique du type dissertation ou résumé.

    J'ai la surprise de trouver A. encore à la maison. Elle doit partir à l'instant, me dit-elle, ce qui vu la chaleur me semble très dangereux pour le lapin. Elle consent à décaler son départ.
    Une fois de plus cela n'a aucun sens, elle aurait dû partir hier matin ou hier soir, à la fraîche. Mais tout est toujours compliqué, elle a toujours de très bonnes raisons à opposer à tout argument, et H. et A. se rejettent la faute de ce retard.

    Clara, une cousine (née le jour de notre mariage. Une cousine et non une nièce, bizarrerie des grandes familles), arrive dans l'après-midi ; nous l'hébergeons une semaine le temps que sa location soit disponible (le premier septembre). O. rentre peu après de son camp scout. Sa barbe a poussé, elle est blonde.

    Quand A. veut partir à six heures, sa voiture ne démarre pas. Les "voisins" (les seuls, les uniques) rentrés eux aussi à l'instant viennent à la rescousse, en appelle un troisième, garagiste. La voiture ne démarre toujours pas et tout cela se termine par l'apéro sur la terrasse. L'heure tourne, je m'inquiète pour Clara qui commence tôt demain sa pré-rentrée (présentation de l'académie aux professeurs stagiaires, je crois).

    Entretemps, j'ai bouleversé the room of requirement pour placer le lit près de la porte et y installer A. puisque sa chambre est occupée par Clara.

    Obstination

    Il est très tôt et je me suis levée dans l'intention de bloguer un peu. J'ai bien entendu perdu vingt minutes sur FB. Podcasts de France Musique, Martha Argerich.
    Je me demande pourquoi je continue, pourquoi je m'obstine, alors que le résultat le plus clair que j'ai obtenu, c'est que ce que j'écris ici soit utilisé contre moi par ma famille la plus proche (d'où ma difficulté à écrire depuis un an et demi). Il ne faut pas céder, il ne faut jamais baisser les bras — parce qu'on le regrette, ensuite, bien plus tard, quand les raisons conjoncturelles qui ont fait reculer à un moment précis ont disparu. «L'important, c'est de durer» dit Obaldia quelque part dans son Exobiographie.

    D'une certaine façon, tout cela n'a pas grand chose à voir avec moi. Il s'agit de saisir le temps, d'essayer de saisir ce qui change, insensiblement (la destruction des meulières de Yerres, de la banlieue parisienne, la France en construction, partout, le style 2010, les cubes bas blancs et marrons) sous nos yeux ; cette impression qu'il ne se passe rien et que pourtant, lorsqu'on se retourne, plus rien n'est pareil ; cette impression de vivre dans un rêve, irreconstituable.
    Les romanciers populaires dont l'écriture couvre de longues années, comme Agatha Christie ou San-Antonio, rendent compte de cela. Rien ne me serre le cœur, ne me donne le vertige du temps qui passe, comme de tomber parfois, de plus en plus rarement (à Chartrettes, vers le début de la rue du faubourg St Jacques) sur une façade indiquant PTT, ou mieux, P&T : que s'est-il passé, comment se fait-il que je n'ai rien vu, y a-t-il eu une transition entre PTT et "Orange", à quel moment tout a-t-il éclaté, entre "La Poste" (c'est comme si elle ne l'était plus depuis qu'elle porte ce nom), l'organisme qui distribue les colis (colissimo, est-ce un "service" ou une entreprise ?) et la "Banque Postale" (quand les "CCP" ont-ils disparu) ?
    Bien entendu, tout cela peut être reconstitué sur internet, mais comment cela se fait-il que tout cela soit si élusif, nous fuit entre les doigts, que nous ne nous rendions compte de rien ? A quel moment le ticket de métro est-il devenu blanc ? Du jaune au vert au mauve au blanc ? (avantage : il ne tache plus s'il est oublié dans une poche avant de passer à la machine à laver).

    Tenir un blog pour essayer de rendre compte du temps, du passage du temps, de l'essence de la vie, insaisissable.
    Essayer de rendre compte du temps, "perdu d'avance", c'était le nom d'un blog, un de tous ces blogs disparus, eux aussi (en l'occurrence, il en reste — mais pourquoi ? — une trace).
    Toujours revient la fin de "La chèvre de M.Seguin": «Elle se battit toute la nuit, et au matin, le loup la mangea».

    Curieux tout de même, je m'en avise en écrivant cette phrase, que mon verset favori de la Bible soit «je ne te lâcherai pas que tu ne m'aies béni» : encore un combat jusqu'à l'aube, dont Jacob sort victorieux, lui, mais boîteux, le prix à payer — un prix peu élevé si on le rapporte à la bénédiction obtenue.

    Inquiétude

    Ce matin j'ai oublié mon téléphone. Dans l'après-midi j'ai prévenu A. que j'allais à l'aviron le soir et que je rentrerais vers neuf heures.

    Elle ouvre la porte tandis que je gare la voiture devant la maison à dix heures vingt :
    — Je commençais à m'inquiéter. Je vais prévenir papa que tu es arrivée.
    — ?? Pourquoi, il a appelé ?
    — Non, mais comme tu n'arrivais pas, je lui ai envoyé un sms pour savoir à partir de quand m'inquiéter.
    — Et qu'est-ce qu'il t'a répondu ?
    — Il m'a dit de manger si j'avais faim et de me coucher comme d'habitude.

    Je constate avec satisfaction qu'il a appliqué notre vieille règle : ne pas attendre en se rongeant les sangs mais vivre, business as usual. C'est un comportement que j'ai mis au point il y a des années, au début de notre mariage, avant l'existence du portable (le portable n'a pas tant changé la situation, car dans notre famille le portable personnel (as opposed to professionnel) est le plus souvent en mode silencieux, il sert à appeler, rarement à être appelé) H. m'appelait vers huit heures pour me dire : « il me reste un document à imprimer et j'arrive » et trois heures plus tard il n'était pas là. Nous habitions Aubervilliers, il y avait toute la région parisienne à traverser. Je tournais en rond dans la cuisine en essayant d'établir les démarches les plus rationnelles : appeler ses parents ou le commissariat ? Mais quel commissariat (en utilisant le 12, les renseignements: pas d'internet; rappelez-vous, la vie avant internet)? ou les hôpitaux? Mais je ne les connaissais pas non plus.

    J'ai un souvenir précis de l'accident du mont St Odile. J'écoutais la radio dans la cuisine, un avion a disparu dans la brume, il ne répond plus, où est-il, des flashs d'information pour dire que l'on ne savait rien jusqu'à la découverte de débris, cela a pris des heures, et pendant ce temps-là, j'attendais H.
    Chez nous, «yapluka imprimer» a pris le sens de «cela va prendre une durée indéterminée, mais plus longue que tes pires cauchemars» (qui se souvient des impressions postcript sur Windows?)

    J'ai peu à peu mis au point une méthode pour lutter contre l'inquiétude, la panique, la tendance à dramatiser: ne pas attendre, dîner de mon côté, faire ce que j'avais à faire, dormir.
    Je sais que j'ai choqué ma belle-mère certains soirs où mes beaux-parents étaient à la maison: comment, je n'attendais pas son fils?
    Mais combien de soirées a-t-elle attendu angoissée?

    280/365 RAS

    Pas un seul déboire au mois d'août pour le moment — touchons du bois.

    Matin : train de 9h15. Je me suis garée en face de l'église (ce qui signifie : en terrain plat. Le long des voies les places sont dans une côte à monter le soir, c'est pénible en talons, je n'ai plus envie de ces efforts).

    Soir : RER à 21h37. Comme je suis arrivée tôt (un RER toutes les demi-heures), j'en profite pour retirer mes billets (pas d'e-billets disponibles) pour vendredi. Je découvre que je prends un TGV puis une correspondance. Dix minutes pour la correspondance, hmm.
    En sortant du RER je croise la nouvelle entraîneuse du CNF (aviron Neuilly) : elle habite Brunoy.

    Rien

    J'ai rapporté ma médaille du comité directeur, enfin gravée, au bureau, mais mon sac est si chargé de livres que je ne la ramènerai que dans deux jours (dans deux jours, j'aurai fini de rapporter tous les livres choisis dans les étagères de la bibliothèque de l'entreprise).

    Yolette de filles, à quatre : Aurélie débutante, Lian, Anne. Dernière place vide. Barage puis un demi-pont. Il fait lourd.

    J'ai été suivie ce soir par la police municipale jusque dans ma cour. J'ai l'impression qu'ils ont voulu surveiller le cabiolet rouge qui passait, vérifier s'il ne ferait pas de bêtises — puis savoir où il demeurait quand ils ont constaté qu'il quittait la route principale pour s'enfoncer entre les habitations.

    Discussion avec A. ce soir. Elle part vendredi, j'ai l'impression d'un été inutile. Sa voiture doit être réparée, cela aurait pu être fait durant ces deux mois. Il faut opérer l'autre chatte.

    Je m'endors sur Le Maître du Haut Château.

    279/365 RAS

    Matin : train de 8h45 avec H. qui part à Mulhouse. Train plein, les gens sont en train de rentrer de vacances alors que les horaires d'été (trains plus rares) sont encore en place.

    Soir : RER D de 18h10. C'en est déjà fini de l'expérience de rentrer plus tôt.

    Ligne 1 envore cette semaine.

    Mon fils ce héros

    Tandis que nous regardons Sense 8 zonés sur le canapé, je reçois un sms d'Olivier contenant une vidéo : les cheveux dorés par le soleil couchant, il gobe coup sur coup deux Flamby.

    Navrance

    RC a été interviewé dans le cadre des manifestations de Charlottesville car les néo-nazis (croix gammée et KuKluxKan) chantent : « ils ne nous remplaceront pas », « les juifs ne nous remplaceront pas » : le Grand Remplacement est le titre d’un des derniers livres de RC. C’est un terme que l’on retrouve d’ailleurs dans la presse française, ce qui prouve qu’il est davantage lu que les gens ne l’avouent.

    Je suis comme anesthésiée. Je n’imaginais pas qu’il tomberait si bas.
    Voilà qui fait curieusement écho à mes interrogations d’il y a deux jours.

    Inconcevable

    Petit déjeuner. Nous écoutons la radio. Soudain H. et moi nous nous figeons : venons-nous d’entendre quelques nouvelles déclarations fracassantes de Trump ou des suprémacistes ? (novlangue. Dire aussi « alt-rigt »)

    Non. Ce qui a suspendu nos gestes et notre souffle, c’est l’annonce que Big Ben allait se taire.
    Non ? Un pilier de notre monde, les carillons de grands-mères dans les cuisines, s’écroule.
    Mais le journaliste continue : il ne s’agit que de réparations, cela devrait durer quatre ans.
    Ouf.


    — Il n’aurait pas pu le remplacer par un enregistrement le temps des travaux ?
    — Ceci n’est pas britannique. Big Ben est irremplaçable, Big Ben ou rien.


    Le silence sera effectif après les douze coups de midi le 21 août.


    ***

    Dans la série "la forme d'une ville change plus vite, hélas", le Bugsy (rue Montalivet, celle des Verdurin) est en travaux. Moi qui en aimais tant la déco (films noirs, prohibition, années 20), j'ai très peur de le voir se transformer en quelque chose de très banal (très moderne, très in, sans personnalité). On verra.

    Quel futur pour mes blogs ?

    H. a passé ces derniers jours a cherché des solutions pour transférer mes blogs. Je suis embarrassée qu’il y consacre temps de temps, surtout pour VS : que faire de ce blog ? Le continuer, le mettre hors ligne ? Continuerai-je jamais l’analyse de l’oeuvre de RC, est-ce que cela en vaut la peine ? Ai-je perdu dix, douze, quinze ans de ma vie à lire RC ?
    Non, non, ce n’est pas perdu, la plupart de mes relations proches sont une conséquence de ma lecture de RC. Et j’ai tant appris en littérature, peinture, musique, voyages… Non, non, ce ne fut pas inutile.
    Et cependant… ai-je négligé les enfants pendant toutes ces années ? Sans doute que oui.

    J’essaie d’expliquer à H. qu’il ne faut pas la même chose pour VS et Alice : un blog pour Alice mais plutôt un site pour VS. Je farfouille, je lui montre les billets sur L’Amour l’Automne : comment les rendre plus lisible en ligne (sous réserve que j’y travaille, bien sûr). Surtout je lui montre l’affreux carphanaüm que cela est devenu, un quart peut-être des billets indexés (pas eu le temps de faire les autres), des logiques de catégories qui ont changé avec le temps sans que les transferts de logique soient totalement menés à bien (la disparition de la catégorie Citation au profit de catégories par auteur (« — Mais pourquoi ? c’est moins lisible. — Oui, mais les gens ne cliquent pas sur l’index. L’expérience prouve que très peu de gens cliquent, très peu sont curieux, surtout depuis FB »), la même transformation attendue de la catégorie Livres mais pas encore terminée, la coexistence de billets en wiki et en html : « — mais pourquoi tu le fais à la main ? L’informatique le fera beaucoup mieux que toi.» Comment lui répondre que je le fais moi-même car je ne sais pas quand il sera disponible pour travailler sur mes blogs ? D’autre part ça me permet de relire et corriger mes billets (c’est difficile car je n’aime pas mon ton, le style instituteur de certains billets)), l’existence de deux types de photos, certaines hébergées dans dotclear et d’autres dans dropbox (désormais introuvables…)

    Je suis embarrassée de le voir consacrer autant de temps à reprendre quelque chose que je ne suis pas sûre de continuer, dont je ne suis pas sûre de voir encore l'intérêt. Il me répond gentiment de ne pas m'inquiéter : c'est l'occasion pour lui de faire des recherches sur des technologies qu'il a besoin de connaître.

    *****

    Par ailleurs, date fatidique, H. a cassé l'anse de la tasse d'un demi-litre que j'ai acheté à Versailles en janvier 1986. J'ai bu des litres et des litres de thé dans cette tasse. Mon premier réflexe a été de dire : « tant pis, l'anse ce n'est pas très important » mais j'ai essayé plus tard : c'est tout de même très gênant (je ne le lui ai pas dit).

    *****

    Pendant ce temps, il y a eu un mort à Charlottesville durant des manifestations et anti-manifestations de « suprémacistes » (nazillons) américains. Trump a déclaré qu’il y avait des « gens biens » des deux côtés. Soupir.
    Est-ce pire que les années maccarthistes, est-ce pire que la chasse aux sorcières, est-ce pire que l'ambiance contre la lutte des noirs américains pour les droits civiques dans les années 50 et 60 ?
    N’en est-ce que la prolongation ou s’agit-il d’un paradigme différent, héritier des théories raciales nazies ?
    Je n’aurais jamais imaginé vivre cela.

    D’accomplissement en accomplissement

    Levés tôt : en ce matin de pont, un (quoi ? plombier, égoutier, ouvrier ?) de Sanitra passait déboucher les canalisations, ou plutôt la canalisation, celle connectée à la baignoire et à la machine à laver qui se bouche tous les trois à dix ans. L’ouvrier nous a affirmé être celui qui était venu en 2001 : mais quel âge avait-il, il paraît si jeune.
    Il doit y avoir quelques mètres de canalisation à contre-pente sous la terrasse, diagnostique-t-il, ce qui fait que l’eau stagne et des dépôts se forment et se calcifient. Il nous a conseillé d’introduire une fois par an le karcher avec une buse particulière dans le tuyau pour le curer nous-mêmes : « cela vous reviendra beaucoup moins cher ». (Je l’écris ici pour garder une trace du conseil.)

    Il ne restait déjà plus que deux jours sur le week-end de quatre. La météo annonçait du soleil aujourd’hui, de la pluie demain. J’ai donc abandonné le grenier (qui n’aura perdu que dix centimètres de papier) pour décréter que maintenant que j’avais fini de lasurer le nouvel abri pour le bois, il fallait déplacer la stère ou la stère et demie appuyée contre la maison dans le-dit abri (afin que le plombier-fumiste puisse venir faire les travaux destinés à isoler le robinet extérieur : «  C’est tout un ensemble ! » (s’exclamait mon père, etc.))

    Je ne sais plus pour quelle raison, peut-être simplement ma paresse, mon statut d’épouse et de mère alors que mon fils a dix-huit ans, je n’avais pas participé à la constitution du tas de bois initial. Aujourd’hui, Olivier est en camp scout et Hervé a des contractures suite à son passage chez l’ostéopathe vendredi, donc la corvée de bois retombe sur A. et moi, Hervé supervisant l’utilisation de la brouette.

    Brouette par brouette nous déplaçons les bûches. Le chêne coupé par les voisins malveillants, les arbres poussant comme de la mauvaise herbe contre les murs ou au dessus du fil à linge, le châtaignier qui a fini par mourir de ses blessures de 2000, je vois défiler un peu de notre histoire en rangeant les bûches dans l’abri à bois. Nous dérangeons araignées et fourmis (cela grouille : « Ne touche à rien, tu vas voir, dans vingt minutes, tout aura disparu. » Un quart d’heure plus tard, plus une fourmi, plus un oeuf, tout a été rapatrié à l’abri par les fourmis organisées jusque dans l’affolement. « Incroyable ! »), j’entasse en mettant le bois le moins sec en bas, il fait chaud. Deux heures de travail le matin, pause déjeuner, nous reprenons à deux, sans H.
    A. se plaint, elle se sent barbouillée, la chaleur ou l’ennui ? « Rentre, je vais finir seule. » Une brouette, deux, cinq, je m’obstine, il fait chaud mais je ne veux pas avoir à y revenir, je veux que cette tâche soit derrière moi. Je suis satisfaite car il se confirme que mon dos est guéri.

    En fin d’après-midi, coup de main au fils de nos amis expatriés qui a commandé un lit au Conforama d’Ormesson : comme il n’a ni permis ni voiture il lui faut un chauffeur. Nous passons deux heures sur la route de Boissy-St-Léger et Ormesson. Etonnants paysages, la forêt et la campagne rôdent aux portes de l’Ile de France.
    Antoine ne s’est pas méfié, il pensait qu’il suffisait de se présenter à Conforama pour avoir un camion. Mais non : il n’y en a que deux ou trois, il faut les réserver, ils sont sortis, il doivent être rentrés avant six heures et demie, nous n’aurons pas le temps de le ramener… (Pendant ce temps deux employés se disputent violemment dans l’entrepôt, si violemment que la réceptionniste avec laquelle nous parlementons, embarrassée, se lève pour fermer la petite fenêtre derrière elle).
    Nous nous regardons. Antoine part en vacances la semaine prochaine, H. sera à Tours (or il faut que nous soyons deux, un pour la camionnette, un pour la voiture qui nous amène à Ormesson), Antoine est venu avec un ami qui habite St Ouen, de l’autre côté de la région parisienne, ce qui représente des heures de transport… Repartir bredouilles ?
    Riant in petto, j’observe H. utiliser une stratégie que nous avons développée au cours des années : l’occupation physique du terrain. Il ne discute pas, il n’argumente pas, il reste là au comptoir flanqué des deux jeunes gens qui ne se rendent compte de rien, prononçant de temps à autre une platitude pour donner l’illusion d’une conversation (« C’est très ennuyeux », « Dommage que ce ne soit pas précisé sur le site », etc) tandis que je fais lentement les cent pas dans la salle d’attente. La réceptionniste, la soixantaine ridée, revêche et énergique, nous a vus et entendus discuter, évaluer les différentes autres possibilités (conclusion : aucune). H. reste là, elle répond au téléphone, fourrage dans ses papiers. Comme par magie quelqu’un ramène une camionnette, elle tente de nous expliquer que nous n’aurons pas le temps de ramener le véhicule; Hervé impavide, campé sur ses deux pieds, commence à sortir son permis de conduire.
    La camionnette est à nous.

    Un mail de ma soeur

    Bonjour,
    je reviens de quelques jours à Blois.
    Je te cite maman (je n'ai rien dit, on était dans la cave à chercher des flûtes à champagne) :
    «J'espère qu'il ne vous viendra pas à l'idée de faire une fête pour nos 50 ans de mariage. Je veux bien avec mes enfants et petits-enfants, mais il n'est pas question qu'il y ait xxx. Il m'a gâché le jour de mon mariage, je ne veux pas qu'il soit là».

    Du coup, quitte à faire quelque chose ne faudrait-il pas mieux de changer de date et de faire quelque chose à l'anniversaire de papa par exemple?
    Si maman part en vrille ça va gâcher la journée de tout le monde et de papa en particulier.
    Bise
    Je lui ai répondu que c'était trop tard, le château était réservé; de ne pas s'en faire, que je prenais la responsabilité de tout. Qu'elle arrête d'y penser.

    Ranger the room of requirement

    J’avais l’intention durant ce long week-end de l’Assomption (quatre jours) de ranger le grenier, une pièce mal isolée, très froide l’hiver, dans laquelle sont entreposés les habits d’hiver, les jouets et les livres d’enfants que j’ai conservés, les valises vides. Peu à peu elle est devenue la porte que l’on ouvre pour déposer rapidement tout ce qui gêne, les cartons d’ordinateur qu’il faut conserver « au cas où » (il faille les emmener chez le réparateur), la caisse qui contient les ampoules de rechange, les multiples caisses de câbles et prises en tous genres pour ordinateur, les piles de papier (cours, factures, prospectus) qu’il faudrait trier, jeter, classer, quelques livres achetés dernièrement (depuis un à trois ans) qui n’ont pas encore trouvé leur place sur une étagère, des chapeaux de paille posés à plat sur les papiers pour ne pas être déformés (c’est compliqué de ranger des chapeaux), la table à repasser, les rouleaux de papier cadeaux, la crèche, l’étagère à DVD à partir de la lettre R qui n’ont pas trouvé de place dans la pièce précédente.

    2017-0812-room-of-requirement.jpg


    Le plancher est infesté de puces, mais moins qu’on pourrait le craindre car les araignées règnent dans les angles.
    Il y a également un lit d’appoint, devenu peu à peu inaccessible au fur à mesure que les objets s’entassent autour de lui.

    Mon ambition est donc de ranger et réorganiser ce grenier — en particulier rapprocher le lit de la porte donc du radiateur — de façon à ce qu’il redevienne utilisable en cas de besoin. Il s’agit également de venir à bout de deux ans de cours éparpillés sur quatre mètres carré (le sol reste l’endroit le plus naturel pour stocker le papier…)

    J’ai commencé hier après-midi. J’ai pris dix centimètres de papier (devant moi, sur le sol en ouvrant la porte, sans choisir) que j’ai descendu d’un étage, j’ai commencé à ranger les cours dans des classeurs entre grec, ecclésiologie et « agir chrétien » (liturgie et morale, les deux domaines de l’action, par opposition à la réflexion spirituelle ou théologique) tandis qu’Hervé m’encourageait d’un « à quoi bon ? Tu ne les reliras jamais. »
    Ce n’est sans doute pas faux, mais si j’ai envie du plaisir sadique d’obliger mes enfants à trier et jeter après ma mort ?
    J’ai retrouvé des notes prises pendant la présentation du Silence de la peur. Traduire la Bible sous le communisme à l’ambassade tchèque en juin 2015. Il fallait que j’écrive le billet correspondant à cette soirée du 8 juin, mais mes notes étaient trop lacunaires : elles auraient servi d’aide-mémoire à une rédaction immédiate, mais deux ans plus tard il me manquait trop de détails.
    Alors j’ai abandonné mon rangement et entrepris de lire le livre.



    NB : Le titre est une référence au tome 5 d'Harry Potter.

    Rendez-vous

    Je dépose Olivier pour son camp scout à neuf heures et quart, heure de rendez-vous des chefs. Les jeunes doivent arriver à neuf heures et demie mais certains parents sont déjà là.
    — Oh non, soupire-t-il.
    — Ils sont pressés de se débarrasser de leurs enfants, proposé-je.
    — Le problème, c'est qu'il y a les deux types : ceux qui arrivent à quinze et ceux qui arrivent à quarante-cinq.

    Décidément le scoutisme est une école de la vie.

    Soyons fous

    Lavomatic à neuf et demi du matin — parce que les tuyaux sont bouchés, la machine à laver inutilisable et qu'O. part en camp scout deux semaines et a besoin de linge.

    Deux numéros de Elle abandonnés sur la table. En couverture de celui du 7 avril 2017, le titre suivant : " Syndrome j'ai trouvé la sérénité et maintenant je m'emmerde ". L'article cite Propos sur le bonheur :
    Quand on conseille aux hommes de rechercher une vie moyenne, tranquille et assurée, on ne leur dit pas qu'il leur faudra aussi beaucoup de sagesse pour la supporter. Le mépris des richesses et des honneurs est facile, en somme ce qui est proprement difficile, c'est, une fois qu'on les méprise bien, de ne pas trop s'ennuyer.

    Repartir de zéro

    Rapporté à la maison (en RER, c'est lourd) la vieille imprimante du bureau destinée à la casse. Tant de choses sont jetées dans ce déménagement, dans l'optique de nous faire travailler plus vite et mieux. Pour l'instant, l'entreprise se débarrasse de sa mémoire. Est-ce une bonne idée ? Dans un sens les gens sont si coincés dans leur façon de penser et d'agir, si effrayés de toute nouveauté qu'il leur faut sans doute un électrochoc ; d'un autre côté… est-ce une bonne idée de montrer aux gens à quel point leur labeur quotidien est expendable, dispensable, éphémère?
    De l'éphémère au sans valeur la frontière est si mince, de l'éphémère à l'à-quoi-bon…

    269/365 RAS

    RER à 8h44 dans un sens, à 17h51 dans l'autre sens (finalement il y a des zico, mais je n'en ai pas pris un).

    Dunkerque

    Dunkerque, ce sont les taxis de la Marne version maritime.

    Tandis que je regardais le film et les morts absurdes, je pensais au Colonel Paillole qui parle de pagaille, de pétaudière et de hiérarchie décomposée : si ce qu'il raconte est vrai (et je pense que oui, la bêtise, l'inefficacité et la paresse étant très partagées), tout cela aurait pu être évité, ou rendu beaucoup moins grave.
    (Finalement, le manque de réaction devant les informations de Hans-Thilo Schmidt fait penser au manque de réaction devant les informations concernant la future destruction des tours du WorldTrade Center. Combien d'autres informations graves inutilisées, en ce moment-même ?)

    268/365 RAS

    Train à 9h37 après avoir déposé la voiture au garage pour changer le pare-brise et O. au local scout pour son départ en pré-camp.
    Retour : pris à 17h31 le premier RER pour descendre attendre à Villeneuve en plein air. Arrivée à 18 heures et aperçu le programme du cinéma local dans la gare : Dunkerque à 18h25

    Tuyaux

    Continué le rapatriement des livres de la bibliothèque du CE entrepris hier. J'emmène le gros cartable de mon père, vide, je le ramène plein. J'en ai pour deux semaines, au moins.
    Recherché la fuite qui a provoqué l'inondation de la chaufferie dimanche dernier : débranché le lave-linge, testé les bondes, les tuyaux. Rien trouvé. La baignoire paraît totalement bouchée. Suite à notre intervention, nous n'avons pu rebrancher le lave-linge, les plombs sautaient.

    Baignoire bouchée, robinet extérieur qui explose chaque hiver, gouttière percée, WC qui goutte : il est temps de revoir les canalisations. C'est d'ailleurs pour cela que je lasure la cabane : pour que l'on puisse déplacer le tas de bois derrière celle-ci, ce qui donnera au plombier accès au regard et lui permettra d'intervenir (travail de fond : refaire les branchements, changer les tuyaux. Mais quand ?)

    267/365 RAS

    Attrapé le RER précédent : 8h30
    Retour par le RER de 17h37 (un peu en retard). On dirait qu'il n'y a pas de Zico le soir.

    Il fait toujours froid.

    Génétique ascendante

    — (Minaudant comme une vieille dame imaginaire :) « Oh mais c'est normal, ces jeunes, l'informatique ils ont ça dans le sang ! » (Prenant un ton catégorique : ) Tu es ma mère ! Si c'était dans le sang, tu l'aurais eu avant moi ! »

    266/365 RAS

    8h43 RER D puis ligne 1. Il y a plus de monde qu'hier.
    vers 17 heures : ligne 1 puis RER D. Plus de besoin de climatisation, il fait froid.

    Reprise

    Retour au bureau donc infos du matin sur France Inter. Anniversaire : la crise a dix ans (il y a dix ans BNP Paribas décidait de fermer trois de ses fonds monétaires) ; il y a cinquante ans sortait l'album Sgt Peppers des Beattle (le premier juin : j'ai dû louper l'info au moment adéquat).

    Encore une phrase énigmatique de mon kiné : « Le nombril est la première cicatrice ». Certes, mais que faut-il en conclure ? (Il faut dire qu'il avait beaucoup insisté pour savoir si j'avais des cicatrices, et pouvoir de suggestion ou pas, pendant les vacances une vieille cicatrice sur la tête, totalement oubliée, était devenue sensible au toucher).
    Toujours est-il qu'il ne considère plus utile de me revoir (après cinq séances sur les dix prévues) : me voilà officiellement guérie.

    Reprise calme, courrier d'une semaine, trois-cent-quarante-quatre messages dont la plupart ont dû être traités pendant mon absence. Rien d'affolant.

    Epluché les armoires des livres désherbés qui ont été reremplies en mon absence (elles ont même dû l'être plusieurs fois). Récupéré entre autres toute une collection de minces guides de voyage publiés aux éditions Seuil ("petite Planète", années 60 à 80 : ce sont plutôt des livres d'histoire), deux Norman Mailer sur Marylin, la biographie de Breton par Béhar, les Berl sur l'histoire européenne. Eu le plaisir contrasté de récupérer Vie et destin en grand format : mais comment peut-on se débarrasser d'un tel livre ?
    Et un livre d'Haroun Tazieff sur le volcan Érébus. Le lien relayé par Gilda me trotte dans la tête.
    Cela fait une quantité impressionnante de livres à ramener peu à peu chaque soir. A quoi bon ? J'ai été tenté d'aller les reposer, je ne les lirai sans doute jamais. Pas le temps, pas le temps (en réalité, c'est surtout que je le perds sur mon téléphone).
    Impossible cependant de les abandonner au pilon.
    Et sitôt vus, ils deviennent indispensables.

    265/365 : Travaux sur le RER, année 3

    Pour la troisième année consécutive, pas de RER A au mois d'août. Métro ligne 1 en remplacement.

    Pas de problème à signaler : départ 8h44 le matin (j'en ai loupé un le temps de comprendre comment recapoter la Mazda), retour par le Zico de 18h13. (Le rêve impossible : un RER D climatisé grâce aux JO (qu'au moins ils servent à quelque chose.))

    Aller-retour

    Aller-retour à Blois.
    En étudiant les quelques livres restés dans ma bibliothèque d'adolescente, j'ai la surprise d'y trouver Le Marxisme d'Henri Lefèbvre. Je sais d'où il vient : de la bibliothèque du curé de mon enfance qui l'avait dispersée (exposé ses livres pour que se servent ceux qui en voulaient) au moment de partir à la retraite. Il me semble avoir également récupéré Que faire ? (titre à vérifier. Quelque chose de ce genre, quoi qu'il en soit). J'ai également de lui Les Médicis dans la collection "Les grandes dynasties d'Europe" aux éditions Rencontre de Lausanne. Je me dis avec émotion que c'est ce qui m'a manqué (enfin, plutôt les Orange-Nassau et les Hohenzollern) durant notre voyage (émotion de constater qu'un livre choisi à vingt ans devient utile trente ans plus tard) et qu'il est désormais facile de trouver l'ensemble de la collection (mais il faudra la lire).

    Rentré en écoutant nos éternels podcasts : Jules Verne que A. n'avait pas encore entendu, Tim Burton et le début d'Elvis Presley (que les enfants connaissent vaguement, de nom…)

    Travail

    Matin : fait les comptes.
    Après-midi : lasuré la cabane en écoutant l'humour dans le jazz (31 décembre 1966), Sydney Bechet (10 mai 1984) (c'est la musique de la première enfance. 1984 : pas de quoi écouter la FM à la maison. La FM : ce que je retiens de positif des années Mitterrand), une biographie de Lino Ventura (3 janvier 89).
    Je me demande si c'est réécoutable "éternellement", comme l'assure le jingle des podcasts. J'ajoute les dates des premières diffusions, au cas où cela aide à retrouver les émissions quand les liens seront "cassés".
    Soir : barbecue avec les (incontournables) voisins.

    Farniente

    En 2000, en prévision du baptême du plus jeune, nous avions installé un portique avec des balançoires (dont une en forme de planche de surf que j'aime beaucoup).
    Nous avons démonté les agrès cet après-midi pour installer un hamac "mandarine" (rose et orange) sur les montants du portique.

    Retour dans la nuit

    Nous quittons Laon au soleil tombé, à dix heures (soleil disparu, ciel gris bleu, nuit le temps de descendre "la montagne couronnée"). Nous évitons la nationale 2, Etouville, Vailly-sur-Aisne, Augy, Beugneux, noms croisés, ralentir à 50 km, politique d'éclairage différente d'un village à l'autre, plusieurs sont éteints. Campagne et forêt, quelques côtes, la nuit a une odeur forte, souvent désagréable dans la plaine ; à cause des engrais ou des élevages à proximité ?

    Voiles blancs légers, diaphanes, respiration de la terre.
    — C'était du brouillard ?
    — Oui.
    — Tu m'étonnes qu'ils aient cru aux fantômes !
    — Et aux dragons : tu déterrais dans ton jardin une mâchoire de tyranosaure, tu imagines la frousse ? (Car il n'y a aucune raison que personne n'en ai découvert avant le XIXe siècle.)

    Je roule prudemment dans les forêts, je redoute un animal qui surgirait, ce serait bête d'avoir un accident le dernier soir, dans les derniers kilomètres. Nous écoutons un dernier podcast, du jazz à nouveau, Duke Ellington, avec les modes plus formelles de traduction et d'interview de 1966. Le podcast suivant refuse de se télécharger. Tout se tait.

    Par moment un sentiment sombre, puissant, nous étreint, quelque chose d'ancestral et de terrifiant, entre la terre et les étoiles dans la nuit, à foncer sans repère dans le noir et le silence.
    « Au fond, dit O., c'est ce qui aura manqué à ce voyage : nous aurions dû rouler une ou deux fois de nuit, décapotés. »

    Nous descendons droit au sud par la D1, Oulchy-le-Château, direction Château-Thierry (et La Fontaine). Je passe le volant à O. Nous obliquons vers l'ouest, Montreuil-aux-Lions, Sammeron, La Haute Maison, nous retrouvons des noms familiers, la magie est rompue, nous nous souvenons soudain qu'il est désormais possible d'écouter tout simplement la radio. Nous attrappons la fin d'une émission sur George Sand politique et la magnifique oraison funèbre de Victor Hugo, puis Andersen.

    Villeneuve-le-Comte, Pontcarré, Chevry, D19. J'éteins quand commence Visconti sur Proust. Nous approchons et plus nous approchons, plus je suis obsédée par le fait d'être prudents.

    La fin de notre périple fera curieusement (ou logiquement, d'un point de vue matériel) écho au début : à deux kilomètres de notre but, alors qu'il suffisait de tourner à gauche pour rejoindre Villecresnes, la route est barrée. Il faut tourner à droite vers Marolles, contourner le domaine de Grosbois, passer par la forêt de Sucy. Un quart d'heure, vingt minutes de détour. Nous suivons un semi-remorque qui négocie avec peine un premier rond-point dans le village, un deuxième… Trois voitures le suivent. Au troisième, le camion ne suit pas le panneau "déviation" mais continue le tour du rond-point : est-ce pour nous laisser passer, ne pas nous ralentir davantage ? « Interdit au plus de trois tonnes trois », lit O.
    Malédiction mais quelles andouilles : avoir laissé s'engager ce camion alors qu'il ne pouvait pas suivre la déviation dans son entier, c'est criminel. Est-ce un routier français, pourra-t-il descendre engueuler le chef de chantier quand il rejoindra la 19 ? (puis reprendre la Francilienne, je ne vois pas d'autre solution)
    Sucy-en-Brie, les hauts de Boissy. Au feu rouge, nous notons le numéro d'un épaviste sur un poteau, dans l'espoir toujours remis de nous débarrasser de l'Opel Corsa.
    A la maison. Tout descendre de la voiture (dont les deux tapis de sol et les deux sacs de couchage inutiles qui nous auront bien encombrés), déballer les verres à bière.
    Thé, tarte aux mirabelles.
    Nous sommes rentrés.

    En compagnie des nuages

    Trois heures du matin le 25 juillet. Est-ce avoir écouté vers le soir une tranche de bifteck et la biographie de Jules Verne ou être dans un hôtel confortable, sympatique, infiniment silencieux et avec wifi ou la perspective de bientôt rentrer qui vient de me réveiller ? Nous avons fini notre voyage vers l'ouest, il va falloir plonger vers le sud, fermer la boucle, rentrer, et je n'en ai pas du tout envie.

    Longue journée de conduite aujourd'hui.

    Nous quittons l'auberge de jeunesse sans autre péripétie, direction Bargfeld, la maison d'Arno Schmidt (c'est la raison pour laquelle nous nous sommes arrêtés à Celle : le plus gros bourg alentour de Bargfeld). A Bargfeld, quelques minutes d'hésitation : le village est petit mais il y a malgré tout deux ou trois rues ou routes bordées de maison en briques rouges foncées. Les photos sur internet n'indiquent pas vraiment d'adresse. Je ne suis pas parvenue à comprendre si la fondation Arno Schmidt était installée dans la maison de l'écrivain ou ailleurs.
    Nous trouvons facilement la fondation, au bout de l'une des rues de Bargfeld. Une plaque de cuivre précise que pour visiter il faut prendre rendez-vous et donne un numéro de téléphone, mais je ne me vois pas téléphoner en allemand pour demander à visiter une exposition sur l'Allemand le plus difficile à lire du XXe siècle alors que je n'en maîtrise pas la langue.
    Le portillon est ouvert, nous décidons d'entrer, en tongs dans la rosée du jardin net et entretenu. Nous tournons l'angle de la maison. C'est alors que j'aperçois par la porte-fenêtre un homme en train de travailler sur un ordinateur. Nous rebroussons précipitamment chemin.

    Nous logeons la clôture. La maison bleue est là, derrière, à travers les pins, le toit rongé de mousse. Elle est petite et haute. Le portail délabré est fermé par un canedas, au fond du jardin se trouve un cabanon gris presque aussi grand que la maison mais sans étage. Il n'y a rien après la propriété, un champ, des vaches (barrière électrifiée : aucune chance d'entrer par là).
    Sans doute aurait-il suffit de sonner puisqu'il y avait quelqu'un. Je n'y ai pas vraiment pensé, je n'en ai pas vraiment eu envie. Je voulais voir la maison, les champs, le village, la région, la hauteur du ciel. Schmidt a été très pauvre toute sa vie, une vie bien plus difficile que celle de ce râleur de Thomas Bernhard, et sa maison est discrète, timide, derrière celle pimpante de la fondation. Ici nous sommes très loin du monde même si le village est actif, vivant, net. Comment était-il entre 1950 et 1970 ? Peut-être différent d'allure mais sans doute dans le même esprit.

    Nous reprenons la route, Waze annonce huit heures de trajet jusqu'à Amsterdam si nous ne prenons pas l'autoroute. Il fait beau, frais, le paysage est à la fois homogène (bouleaux, champs, maisons de briques rouges) et varié. Nous écoutons la suite des aventures de Jack London. La pluie se met à tomber drue, le reste de la journée sera sous les averses. Kebab à Sulinger. Un instant je songe à pousser jusqu'à Brême mais la pluie m'en dissuade : le cœur n'y est pas.

    La journée se poursuit, fatigante à rouler sans interruption. Bruit sec, caillou dans le pare-brise, éclat. Zut. Vaut-il mieux changer le pare-brise avant de rendre la voiture ou rendre la voiture ainsi et laisser le concessionnaire le changer à moindre prix (puisqu'il est concessionnaire) mais cependant nous le facturer au prix fort ? Nous écoutons quelques «pages arrachées à Chantal Thomas » pour m'apercevoir que je déteste ce genre, le genre libertinage XVIIIe siècle, qui me paraît toujours du Gérard de Villiers pour dîners en ville (autrement dit, du cul que les intellectuels peuvent reconnaître qu'ils lisent, alors qu'ils ne reconnaîtront pas lire Gérard de Villiers). Ça m'ennuie et me dégoûte, sans compter que lorsque c'est écrit par une femme, ces histoires de dépucelage par Louis XV (Le testament d'Olympe) me font penser à la collaboration des kapos à la garde de leurs pairs. Bref, au milieu du troisième épisode, nous abandonnons (à l'origine, si j'avais sélectionné ces podcasts, c'est que je connaissais Chantal Thomas par Comment supporter sa liberté).

    Nous écoutons ensuite Thierry Frémaux expliquer la sélection du festival de Cannes 2016. C'est un peu difficile à suivre pour nous : nous ne connaissons pas tous les noms et certains titres sont donnés en anglais alors qu'un autre titre a été donné au film lors de sa sortie en France. J'explique à O. que les cinéphiles sont des extrémistes prêts à tuer. Je découvre que Frémaux vit la même expérience (par exemple les réactions de son équipe au visionnage de The Neon Demon : « ridicule » ou « magnifique ») : ainsi donc ce serait toujours ainsi, par nature ? Frémaux ne paraît pas le vivre mal. Mais pourquoi diable un film déclenche-t-il une telle volonté d'être le seul à posséder l'interprétation juste, d'être celui qui voit et comprend exactement ? Quel est ce besoin de voir ses goûts confirmés ? Ou ne s'agit-il pas de goûts mais de vision du monde ?
    Je note en passant que Frémaux considère que l'interprétation d'Isabelle Huppert dans Elle possède une force comique. Si c'est le cas, la bande-annonce a vraiment été mal construite.

    Nous sommes entrés aux Pays-Bas. Les maisons sont toujours en brique mais les toits ont changé (beaucoup de chaume), les jardins aussi, plus grands, plus nets. Il y a beaucoup de moutons et des vaches. Les bouleaux se sont fait rares. Pendant quelques kilomètres je guide O. à la carte pour tenter de suivre un canal, de passer par du « pitto » (Reeze, Ommen) puis j'abandonne, les routes font la largeur d'une voiture et demie, en cas de croisement il est prévu que l'on morde sur la piste cyclable et même sur l'accottement renforcé par des briques de ciment ajourées, il y a quelques cyclistes malgré la pluie, tout cela paraît dangereux.
    Arrêt à Raalte après avoir échoué à trouver un café ou une station essence en bord de route même. Nous sommes épuisés et faisons des erreurs de débutant : un quart d'heure d'errance dans la zone industrielle avant de trouver le centre ville. Il est près de six heures. Café, gâteaux, changement de conducteur. Nous réglons Waze sur "le plus rapide sans autoroute". Je prends le volant après avoir préparé une nouvelle liste de podcasts.

    Une tranche de bifteck de Jack London. Quarante minutes de combat de boxe.
    N344, 221, 415, 201.
    Il pleut par intermittence. Nous décapotons dès que possible. Les nuages sont magnifiques. Depuis longtemps, depuis Melk au moins, le ciel nous présente des paysages de tableaux, une véritable invitation ou initiation à la peinture. Ce soir, à la faveur des orages et du soleil qui tombe lentement devant nous, les nuages d'une consistance épaisse et ferme présentent sur la largeur de l'horizon, vaste aux Pays-Bas, toutes les lumières, du plus sombre au plus lumineux, sans oublier les traits filtés du soleil contre les dernières parcelles de bleu.
    Canaux, lacs (salés ou eau douce ?), bateaux, un pair oar, une yolette, enchantement. Nous enchaînons sur une biographie étincelante de Jules Verne en vingt minutes qui fait rire O. aux éclats (arrêt du podcast le temps de reprendre son souffle afin de ne pas perdre un mot du récit).
    Si vous ne devez écouter qu'une émission, que cela soit celle-ci.

    Arrivée à Amsterdam, hôtel au sud, à deux pas du tramway. Accueil chaleureux sur un mode logique c'est-à-dire informatisé, wifi gratuit (sans mot de passe) et efficace, la civilisation, enfin ! (J'assume de juger un pays, une ville, un hôtel, à sa capacité à utiliser l'informatique et à mettre de l'internet à disposition. C'est pour moi bien plus que de la technologie : c'est un état d'esprit, celui qui consiste à faciliter sa vie et celle de ses contemporains.)
    La chambre nous fait rire : douche et WC chacun dans une colonne de verre dépoli dont les portes coulissent en demi-cercle. Tout est blanc, desaïgné à l'excès. Nous descendons profiter de notre cocktail de bienvenue et dînons sur place, le moral remonté au beau fixe.

    Berlin dans le brouillard

    A six heures la tour de la télévision a disparu. Seule la base émerge vaguement du brouillard. A huit heures l'orage gronde au loin et la pluie bat les fenêtres. A dix heures la vue est dégagée et nous quittons l'hôtel avec l'intention d'aller prendre notre petit déjeuner (voire un brunch vu l'heure) au Sony-Center au Kaisersaal repéré la veille.
    Las, pour une raison incompréhensible (dimanche ? mais il y a écrit täglich sur la pancarte, täglich, 10 Uhr) ce café est fermé. Une recherche Yelp plus tard (nous sommes le 23, jour impair, à moi de décider ce qu'on fait lorsque nous sommes dans l'indécision) j'ai trouvé le "Panorama", café en haut d'un immeuble qui domine le Sony-Center. Peut-être est-ce lui dont j'ai cherché la trace hier ?

    Nous arrivons à onze heures affamés dans un café qui est un café berlinois : que des gâteaux, pas l'omelette dont je rêvais, pas de pain ou de beurre ou de confiture. J'étudie la carte et découvre planquées en dernière page des boulettes au curry et des boulettes berlinoises (j'ai lu je ne sais où que la Currywurst est une invention de 1949, en des temps de disette. A notre grand amusement il existe un musée de la Currywurst à quelques centaines de mètres de la PostdamerPlatz, il faudra y faire un tour un jour).
    Nous commandons au garçon narquois deux capuccinos et deux boulettes — puis une Badoit, ce qui lui paraît plus normal — puis une part de forêt noire et de streusel aux cerises (Kirsch-Streusel : une tarte aux cerises recouverte de crumble) que nous mangeons en buvant les cappucinos, ce qui le rassure tout à fait.
    Entretemps, les deux serveurs auront eu la gentillesse de laisser s'installer deux pères et trois fillettes entre deux et cinq ans venues ici manger leurs donuts achetés ailleurs (je n'aurais pas parié trois kopecks qu'ils les auraient autorisés à le faire).
    Nous finissons notre repas, montons d'un étage et faisons lentement le tour de l'esplanade en commentant l'horizon, essayant d'imaginer la bande du no man's land : le mur côté ouest est matérialisé sur les pavés de la place, mais le mur côté est, où se trouvait-il ? Tel immeuble, quel âge a-t-il ?

    Nous repartons, direction Sans souci, avec une première erreur puisque nous partons plutôt vers le sud-est avec un objectif indiqué à quatre kilomètres : est-ce un quartier ? Cette direction est bizarre. Nous précisons à Waze "château Sans souci" : c'est à trente-sept kilomètres au sud-ouest, ce qui est beaucoup plus logique. (Note pour moi-même : c'est de ce moment que date nous aurons bloqué le nord sur Waze, ce qui oblige à se projeter sur la carte en conduisant au lieu de simplement calquer la direction indiquée, mais permet de se situer dans l'espace.)
    Les conducteurs berlinois sont d'une impatience qui frise la grossièreté. Malheur à l'hésitant ou au rêveur : klaxon, dépassement par la droite ou la gauche avec moue exaspérée (je m'en fiche, je suis passager en décapotable, je leur fais de grands gestes de clown par-dessus le toit en leur tirant la langue. Non mais, on est dimanche, ils ne sont pas à quatre secondes près (et nous sommes en vacances, et pas eux, ils sont juste jaloux)). Est-ce parce que les feux rouges sont très longs et les feux verts très courts ? Evidemment, il y a au moins trois séries de feux, pour les vélos, les piétons, les voitures, qui vont tout droit ou tournent à gauche ou à droite…

    Château de Sans-Souci. Disons-le tout de suite, c'est une merveille. L'accueil est rébarbatif, il y a beaucoup de monde, j'ai été désagréablement impressionnée par la tentative à l'entrée de nous vendre une carte du parc du type de celles que l'on trouve gratuitement partout ailleurs, suffisamment agacée pour ne pas prendre de billet pour visiter l'ensemble des châteaux et bâtiments du parc.
    Nous sommes arrivés par l'arrière du château et les colonnades et à notre habitude nous nous sommes spontanément éloignés de la foule, nous enfonçant sous les arbres. Il faisait très bon, les flaques prouvaient que l'orage avait également éclaté ici plus tôt, nous étions à peu près seuls. Nous avons suivi les bâtiments de l'orangerie, attirés par des photos de l'intérieur nous avons pris deux billets. Ici tout le monde était gentil et souriant ; il fallut mettre d'énormes chaussons de feutres à l'entrée de la première pièce (j'appris à O. qu'il fallait glisser style patineur : ainsi non seulement nous n'abîmions pas le parquet, mais nous contribuions à son entretien), à notre arrivée les gardiens se levaient de leurs chaises comme pour nous accueillir et les pièces étaient magnifiques, de grands cubes meublées avec unité. La pièce centrale de l'orangerie est dite "salon Raphaël" et abrite la plus grande collection de copies de Raphaël au monde.

    Belvédère : fermé, montée des escaliers interdite. Par les fenêtres nous contemplons des photos montrant l'état désastreux du bâtiment (je pense à Castel del Monte à la fin du XIXe siècle), mais quand ? fin de la guerre, années 1980 ?

    Nous repartons vers le nouveau château. Prairies, corneilles mantelées. Château ouvert malgré les travaux mais nous n'avons pas le temps, Charlottenhof, pavillon chinois (et doré), ce parc est immense, retour devant le château, devant les fantastiques terrasses aux figuiers enfermés chacun dans leur serre personnelle.

    Pas le temps, pas le temps. Il faudra revenir, Reichstag et Sans-souci, les prochains objectifs berlinois. Postdam, recherche de glaces, achat de sandwiches, départ. L'auberge de jeunesse nous a demandé de donner notre heure d'arrivée, O. est chargé d'écrire en allemand. Pessimiste je conseille "arrivée entre neuf et dix heures", optimiste il écrit "arrivée aux alentours de neuf heures".

    Quatre heures de route puisque nous ne prenons pas l'autoroute, les nuages font leur show (j'aurai découvert durant ce voyage que le relief, la végétation et l'habitat ne sont pas les seuls à constituer le paysage, les nuages le font tout aussi bien), campagne, bouleaux, arbres parfois énormes, maisons de briques rouges encastrées entre des colombages formant des carrés d'environ un mètre d'arête. Champs, forêts, prairies, peu de présence humaine ou animale, si cen'est des éoliennes. J'essaie de deviner l'ancienne frontière est-ouest, je ne vois rien, ne sais rien voir. Tout au plus y a-t-il davantage de villages à l'aspect plus citadins, moins campagnards, au fur à mesure que nous avançons vers l'ouest. Nous écoutons la fin des podcasts sur la correspondance de Raymond Chandler (parfois très caustique) et commençons la série consacrée à Jack London. Sentiment de liberté à pleurer de joie à rouler dans le soir entre les bouleaux au son d'une balade irlandaise.

    Nous nous sommes arrêtés dix minutes pour manger nos sandwiches et changer de conducteur. Le soir tombe, nous traversons Celle, l'auberge de jeunesse est à l'écart, petite, en bois bleu.
    Nous roulons décapotés : pas de doute, c'est bien une odeur de porcherie qui vient d'envahir nos narines. Je me mets à rire, à rire devant cette absurdité qui consiste à passer ses vacances près d'une porcherie ; à rire navrée pour ces gens qui viennent ici pour échapper à leur HLM et se retrouvent à côté d'une porcherie (bien contents de retourner dans leur HLM finalement), O. m'achève en me rappelant l'un des chapitres du livre écrit par le voisin de Thomas Bernhard qui s'opposait à la construction d'une porcherie par l'auteur.
    J'aime les odeurs de la ferme, mais la porcherie et le poulailler sont les deux odeurs insupportables.

    Nous descendons nos bagages, arrivons dans le hall. Des familles jouent aux cartes ou au mikado, personne ne croise notre regard ni ne nous sourit ni ne nous dit bonsoir ("hallo").
    C'est alors que le réceptionniste derrière le comptoir, type paysan bourru entre quarante et soixante ans, commence à nous faire la leçon sur le thème "il est neuf heures vingt, vous aviez dit neuf heures, je devrais être chez moi". Le côté instituteur réprimandant un gosse de huit ans m'insupporte, après tout je suis un client et je paie un service, à la grande gêne d'Olivier la moutarde me monte au nez et je commence à expliquer dans mon sabir "wir können gehen", que s'il n'est pas content nous pouvons partir, « ich bin nicht a kind, a child », je mélange les langues, « es ist an Auto, nicht a Bahn », je ne suis pas sûre que ce soit le mot pour train. Olivier hyper gêné explique que le mail aurait dû préciser qu'il y avait une heure limite, nous l'aurions respectée (ce qui est vrai), j'explique que c'est la première fois que nous avons un problème de ce type, je lâche le nom de Dresdes, il répond que c'est dans un autre Land (intéressant : les règles seraient établies par Land ?). Il s'est radouci, il est devenu à peu près normal, sans que je sache si c'est à cause de la perspective d'avoir attendu pour rien, ou celle de perdre le prix des chambres, ou s'il fait partie de ces personnes qui ne vous respectent que si vous leur résistez.

    Il prend les draps, nous montre nos chambres. Quatre lits superposés, mais nous sommes seuls dans la chambre. Il faut faire son ménage avant de partir et c'est plus cher qu'à Dresdes. Conclusion : ne prendre que des auberges de jeunesse sur hihostels. Pas étonnant que celle-ci n'y soit pas référencée.

    Berlin sous la pluie

    Réveillée une première fois à six heures, il fait grand jour derrière les volets occultants.
    Levée à sept heures dix, il faut que je blogue, je ne m’en sortirai pas. Pas de connexion, je tape dans TextEdit la journée d'hier. O. a l’intention d’acheter du wifi ce soir.
    J’ai des courbatures dans les jambes et le haut du dos.
    Je laisse dormir O. jusqu'à huit heures et demie. Je découvre un peu tard (pas fait attention hier, pas compris) que les petits déjeuners sont à dix-neuf euros. Je sais bien que c'est une façon pour l'hôtel de compenser le prix des chambres, mais tout de même. Demain nous irons ailleurs.
    Les billets pour Pergame sont à onze heures, nous y arrivons un peu à l'avance, toujours à vélo.

    Le musée est en travaux depuis plusieurs années. L'entrée actuelle est une catastrophe : elle fait arriver directement devant la porte d'Ishtar sans la progression à travers l'allée. Cela casse toute la mise en scène grandiose. J'en suis déçue pour O. que j'entraîne au pas de course à travers les salles parallèles afin de lui faire emprunter les salles "dans le bon sens" : remonter l'allée des lions pour arriver devant la porte. J'espère qu'il aura eu le choc malgré tout devant cette splendeur.

    Porte de Milet, étage sur l'art islamique. Autant les cartouches et panneaux à l'étage inférieure semblent dater de plusieurs années, peut-être d'avant 1989 puisqu'ils sont entièrement en allemand (le musée a sans doute préféré miser sur les audio-guides qui permettent d'écouter en regardant et non lire puis regarder (ce qui par ailleurs diminue le temps passé dans chaque salle)), autant à cet étage tout a été mis à jour récemment, certaines références datant de 2015 : des cartes montrent les emplacements initiaux des objets exposés et expliquent ce qui a été détruit par Daesh ou la guerre en Syrie.
    La muséographie profite de la vidéo et de la reconstruction trois D : ce ne sont plus des maquettes que l'on expose comme pour la porte d'Ishtar ou la ville de Milet, mais des animations qui reconstruisent les bâtiments sous vos yeux. Il n'est plus nécessaire d'avoir beaucoup d'imagination, il suffit de regarder.
    Les murs offrent un gigantesque cours d'histoire concernant la succession des dynasties, Omeyyades, Abassides, Samanides, etc. Le brouillage des frontières culturelles est mis en avant, notamment dans les échanges avec l'Orient : est présenté l'exemple de la faïence blanche chinoise pauvrement imitée par la civilisation islamique, mais décorée par elle de motifs bleus, idée reprise par les Chinois qui intègre le bleu à leur décoration.
    Certains endroits n'existent plus désormais, mosquée de Damas, maisons d'Alep. Les voleurs d'antiquité ont peut-être rendus service à l'humanité (réflexion personnelle et non du musée !).

    L'exposition temporaire porte sur la tradition biblique dans le monde islamique. De magnifiques miniatures montrent la façon dont les artistes indiens ont repris des motifs chrétiens (madone, anges, etc). Au-delà de l'iconographie sont présentées les Eglises orientales et la transmission des textes en copte, arménien, syriaque… (Je fais remarquer à O. la multiplicité des caractères en plomb nécessaires qui ont fait plus tard la renommée des imprimeries de Venise.) Le musée a sorti ses plus vieux manuscrits qui sont de véritables trésors et je contemple avec émotion une Bible du IVe siècle, parmi les plus vieux textes matériellement découverts (le miracle des manuscrits de la Mer morte, ce n'est pas leur texte mais leur existence matérielle aujourd'hui).
    Là encore, l'accent est mis sur l'interpénétration continuelle des cultures. Il est possible de vivre ensemble puisque cela a eu lieu dans le passé (et a produit de telles œuvres d'art) : cela n'est pas écrit en toutes lettres mais cela doit être déduit de l'exposition.
    J'achète le catalogue de l'exposition non dans une visée culturelle ou artistique : les données présentées ici peuvent m'être utiles en exégèse.

    Je voulais déjeuner au Sony-Center. Je ne sais plus où, dans une feuille de chou gratuite en allemand destinée aux étudiants, j'avais lu qu'il y avait un café dans les étages du Sony-Center (« Des étages sur une place ? Mais qu'est-ce que tu veux dire ? ») Cela a-t-il été vrai il y a quatre ans je ne sais, mais quoi qu'il en soit nous n'avons rien trouvé de la sorte. Nous avons déjeuné d'une soupe et d'une tranche de foie sur la place elle-même ; nous nous sommes abrités de la pluie commençante dans la librairie du cinéma (achat de partitions de films, oui oui) ; nous avons profité d'une éclaircie pour reprendre nos vélos et aller chercher les chopes à Checkpoint Charlie, pédalant avec allégresse sous l'averse hésitante.
    Le temps d'attacher nos vélos et l'orage se déchaînait : refuge sous l'auvent du musée du mur (que les gardiens soient remerciés), à compter les secondes entre les éclairs et le tonnerre (deux à six cents mètres), à contempler les stratégies de chacun, une famille debout sur la table du bistrot pour protéger sandales et basketts du déluge, une jeune fille refusant de mettre sa veste en jean encore un peu sèche puisque celle-ci était nouée autour de sa taille car le tissu du jean appuie sur le tissu de la chemise trempée et que la sensation est glacée.
    Dix minutes, quinze minutes, plus ?

    Nous courrons sous la pluie jusqu'au magasin du musée, achetons nos six chopes, reprenons les vélos après avoir quémandé des serviettes de table pour en essuyer les selles (la pluie a cessé).
    Passage à la voiture, dépôt des verres, récupération de mon cirée et de mes bottes (la pluie a repris) ; passage à l'hôtel, habits secs et dix minutes de sieste, nous ressortons ; la pluie est faible ; passage dans un grand magasin pour acheter un k-way à O.

    L'idée est d'aller vers le sud, au bord du Landwehrkanal selon les conseils de Jérémy. Vélo, la pluie s'est arrêtée, monumentale Strausbergerplatz et ses quatre immeubles en sentinelle, église St Michael à la nef détruite et bétonnée (Michaelkirche. Au retour nous découvrirons qu'il y a un café en contrebas du parapet, au bord d'une pièce d'eau), quartier turc.
    Ankelklause à l'angle du Kottbusserbrück, apéro et dîner sous la véranda dans une impression d'Amsterdam. Une femme dépose un sac à dos qui me paraît très intéressant. Quatre jeunes Françaises remplacent une Allemande qui lisait Die Zeit (« Pas Emily Dickinson mais Ingeborg Bachmann »).

    Nous rentrons (contrainte du vélo à vingt heures trente, toujours. Mais pourquoi si tôt ?) J'aurais bien tenté le Reichstag, mais il faut soit ressortir la voiture, soit y aller à pied. Ce soir ce sera soirée wifi. J'ai l'espoir de rattrapper mon retard sur le blog, mais le temps de traiter mes mails, d'organiser les jours à venir (quel bonheur des musées qui savent utiliser les e-billets. Back to the modernity, l'Allemagne et l'Autriche, c'est la misère. Plus de billet pour le musée Anne Franck pour les deux semaines à venir !) et de faire quelques vérifications de référence sur internet et je m'endors.

    Berlin au soleil

    Je réveille O. à huit heures et demie. (Il m’assurera plus tard qu’il ne dormait pas.) Comme d’habitude, il nous faudra deux heures pour être prêts à quitter l’hôtel. Je prends le temps de pointer les dépenses de carte bleue, ce que je n’ai pas fait depuis le début du voyage. C’est une façon comme une autre d’avoir une trace de nos déplacements (après tout, « journal », c’est d’abord comptable), mais ce n’est pas exhaustif puisque nous payons souvent en liquide, entre les commerçants qui ne prennent pas la carte et mes problèmes de plafond.
    Petit déjeuner très fourni, beaucoup de monde (trente-cinq étages de trente-quatre chambres). Le café est pré-disposé sur les tables dans des thermos argentées, j’en bois une quasi entière. Le beurre est débité par une machine qui en fournit des rondelles. Le grille-pain est sur le modèle de Vienne, au désespoir d’O. (mais il accepte tous les types de pain — mais il est très lent).
    Durant le petit déjeuner, pendant qu’O. termine toutes ses tartines (« rappelle-moi de ne plus prendre de ce pain », en désignant un pain piqueté de graines de tournesol) je réserve une nuit en auberge de jeunesse à Celle, cette fois-ci en passant par jugendherberge.de repéré à Dresdes (Hihostels.com ne permet pas de réserver pour Celle. En d’autres termes, il y a plus d’auberges de jeunesse en Allemagne que ne le montre la carte de hihostels). Pas d’auberge à Amsterdam, ce sera l’hôtel, un peu à l’écart du centre, ce qui je l’espère permettra d’éviter le plus bruyant de la foule.

    Location de vélos à la conciergerie de l’hôtel (vieux souhait : me promener à vélo dans Berlin). Ce sont des vélos hollandais : une seule poignée de frein à gauche, tourner les pédales à contresens permet de freiner. C'est à peu près comme de passer d'une boîte manuelle à une automatique ou l'inverse : je ne m’y habituerai pas de la journée, donnant (voulant donner) un quart de coup de pédale en arrière dans les descentes avant de partir en roue libre (afin de mettre les deux pédales au même niveau) et donc freinant brusquement — et surtout n’arrivant pas à m’arrêter sans à-coup, brusquant le dos d’une secousse brutale à chaque fois.
    Le guidon très haut permet de pédaler le dos quasi droit ce qui est près confortable.

    Comme je n’ai pas réussi à comprendre si les billets pour le musée Pergame devaient s’imprimer ou pouvaient se charger sur téléphone, je n’ai rien acheté en ligne. Nous y passons, trop de monde, sans doute une heure de queue. Nous partons, nous verrons demain.
    Beaucoup de monde dans les rues. Devant l’université Humboldt, je pense à Cerisy. Quel merveilleux dîner le dimanche en revenant du mont St-Michel avec Ugo Perone, professeur à Humboldt, et sa femme, italiens, qui nous racontaient des histoires de famille et des anecdotes.

    Nous pédalons jusqu'à la porte de Bandebourg. Je présente à O. « Unter den Linden » (quelqu’un qui ne lit pas n’a pas cette satisfaction poétique qui consiste à faire coïncider la vie avec les récits), je lui explique la façon dont l’ensemble des bâtiments ont été reconstruits dans les mêmes volumes qu’avant 1940, combien cela est frappant sur les photos : pas le même style, mais le même encombrement pour l’oeil, longueur, largeur, hauteur. C’est une solution très satisfaisante pour l’intellect: reconstruire à l’identique aurait consisté à effacer les périodes de guerres chaude et froide, reconstruire différemment aussi. Le compromis trouvé est une merveille d’équilibre entre la mémoire et la volonté de se tourner vers l’avenir.
    Je lui montre la verrière du Reichstag. J’aimerais y monter un jour, mais là encore la queue est importante, ce ne sera sans doute pas pour cette fois. (En fait je l'apprendrai demain, c'est gratuit mais il faut s'inscrire en ligne ou se présenter au guichet du Service d’accueil des visiteurs du Bundestag. Je ne sais pas à quoi correspondait la queue, peut-être au temps de fouilles).

    Nous tournons un peu dans le Tiergarten. Nous sommes à la recherche du monument aux Juifs assassinés dont j’ai parlé à O. à Prague et que j’ai découvert en 2010 sans m’y attarder. Dans ma mémoire il était dans le prolongement de la porte de Brandebourg ou du Reichstag, ce qui est faux (il est au sud de la porte). De même, j’avais dit à O. que chaque bloc représentait une ville et que sa taille était proportionnelle au nombre de morts de cette ville, ce qui est une construction de mon esprit, sans doute influencé par le mémorial de Treblinka tel que je le connais à travers le film Shoah.
    Nous nous enfonçons entre les blocs, le sol ondule, certains blocs ont bougé et ne sont plus exactement verticaux. C’est un labyrinthe aux angles droits. Sentiment d’oppression et d’infinité : c’est très réussi.

    Vélo dans Tiergarten, direction Charlottenbourg. Parc (forêt) chaque fois que nous le pouvons. Nous suivons le Landwehrkanal, la température est idéale, nous sommes quasi seuls, des personnes mangent sur les bancs en regardant l’eau, c’est la pause-déjeuner.

    Achat des billets (très fort ces Berlinois: il faut payer pour prendre des photos. Faire payer le wifi et le droit de prendre des photos, ça c'est du commerce !), déjeuner rapide en face, visite du château. Les explications historiques sont mieux organisées qu’à Schönbrunn. Pas d’allusion à Voltaire. Je prends conscience de l’animosité ancestrale entre la Prusse et l'Autriche (alors que je considérais les deux pays comme un seul bloc dans l’empire germanique), ce qui donne d’autres nuances à l’Anschluss : quels étaient les réels sentiments de la population autrichienne en 1938 ? Y a-t-il eu une importante résistance intérieure, psychologique ou armée ? Ou le ressentiment de la première guerre mondiale avait-il annihilé l’ancien sentiment de rivalité ? Je suis décidément une bille en histoire.
    C’est ici que se trouve le tableau de David montrant Bonaparte au col de St Bernard, c’est ici aussi que se trouve le portrait de Frédéric II par Pesne.

    Vélo dans le parc (mais pas dans les jardins baroques, c’est interdit), Belvédère (j’achète deux étuis à lunettes en tissu à motif de paons: cela prend moins de place que l’énorme boîtier Guess pour mes lunettes de soleil), mausolée. Je suis impressionnée par l’effort de reconstruction, de préservation et de reconstruction de l’Etat depuis 1945. C’est admirable : sont-ce les alliés qui ont travaillé à cela à l'origine pour se différencier de l'est, est-ce une volonté de l'Etat fédéral dès l'origine ? En d'autres termes, si l'Allemagne n'avait pas été divisée, un tel effort aurait-il été mené ?

    Nous quittons le parc, direction l’ouest. Nous pédalons longtemps, O. comme poisson-pilote. Je lui ai confié la mission de trouvé la maison de Boenhoffer. De temps en temps O. s’arrête, consulte son téléphone, remonte sur mon vélo. La route monte insensiblement, O. a cent mètres d’avance, il fait chaud. Au ras de la station Heerstrasse, il tourne dans un dédale de petites rues appelées allee (les noms se terminent par allee. Il s’agit d’un quartier de grosses maisons bourgeoises et de petits jardins magnifiquement fleuris. C’est très calme. Les petits pavés à la pragoise ne secouent pas les vélos. La maison de Boenhoffer au 43 est la dernière de la Marienallee, contre le domaine de ce qui paraît être un ensemble d’immeubles bas posé sdans un parc boisé. Il y a une plaque sur la façade qui évoque Boenhoffer, son frère et ses beaux-frères.

    Nous repartons droit vers l’est. Trottoirs des avenues jusqu’au Tiergarten, Tiergarten, retour devant le monument de la Shoah, direction Postdamerplatz, musée Checkpoint Charlie que je veux montrer à O.
    J’y étais venue en 1997, il s’est beaucoup agrandi. Les deux étages et quatre ou cinq salles de mon souvenir se sont transformés en un dédale sur trois étages, bourrés d’information sur les évolutions diplomatiques durant la guerre froide. Le musée y perd un peu de son émotion, quand tout était focalisé sur les inventions folles et l’audace des solutions trouvées, sur les dangers encourus et le désir dévorant de passer à l’ouest.
    Aujourd’hui c’est plutôt les tensions internationales qui sont mises en scène, les incidents diplomatiques, les manifestations, les reculades (de l'ouest). Ou peut-être n’est-ce que mon ressenti à la poursuite de souvenirs qui n’existent plus.

    Magasin de souvenirs du musée. Nous avons repéré des chopes (un peu grandes à mon avis, des demi-litres alors que les bouteilles ne font qu’un tiers) que nous voulons ramener à la maison où nous manquons de verres à bière. La caissière ouvre des yeux ronds : six chopes ? Elle n’a jamais vu ça. Elle appelle ses collègues, ils n’ont pas de quoi nous les envelopper pour un transport à vélo. Il faudra repasser demain.

    Nous rentrons juste à temps pour rendre les vélos à huit heures et demie. Nous profitons de la conciergerie pour réserver nos billets pour le musée Pergame demain. Nous dînons au Schlögl’s comme hier, cette fois-ci de la spécialité de la maison (un plat pour deux: une boulette, une escalope viennoise, une currywürst par personne, choucroute, chou, pommes sautées. La serveuse trouve ce plat pour deux « romantique ». Ils sont fous ces Berlinois). O. boit trois-quart de litre de bière, je suis sûre qu’il ne surfera pas longtemps ce soir sur son ordinateur.

    Réveillée

    Cinq heures vingt. Le soleil frappe dans des carreaux des immeubles en face. Il se lève très tôt ici, il fait jour dès quatre heures et demie.
    Aller aux toilettes dans le couloir en coincant une tong dans la porte pour ne pas faire de bruit à mon retour, consulter mes mails, mes comptes, passer sur FB, écrire les trois jours qui viennent de s'écouler. O. ne vit pas au même rythme que moi, il se couche plus tard et se lève plus tard (tout au moins je le laisse dormir: d'une part il est en vacances, d'autre part il est bougon s'il n'a pas assez dormi. Or la bonne humeur est fondamentale dans ce voyage).
    Ce matin ce sera lavomatic et si possible planification des prochains jours et rétro-planification: il serait souhaitable qu'O. soit rentré le 2 au plus tard et je commence à me demander si nous aurons le temps de faire tout ce que je voudrais faire, même en tenant compte du fait que nous allons quitter la montage et pouvoir rouler un peu plus vite — ou plus régulièrement (car en cabriolet, ce n'est pas amusant de rouler vite).

    La Styrie

    D'après O., ce sera le jour où nous nous serons préparés le plus vite, où nous aurons pris moins de deux heures pour nous lever, habiller, déjeuner, faire les valises. Il faut dire que nous devons être à Vienne ce soir et que nous avons prévu de passer la matinée sur l'eau.
    Petit déjeuner au bord du lac, encore; Philippe n'est pas encore levé. Tant pis.

    Nous retrouvons le loueur de kayak, arrivons à louer un canoë pour deux (je ne pense pas que c'était un kayak) et nous partons plus ou moins droit.
    Nous avons trois problèmes à résoudre: le premier, le plus évident, est que nous ne savons pas faire de kayak; le deuxième est qu'O fait trente centimètres de plus que moi, avec une considérable envergure; le troisième est que lui croit savoir pagayer parce qu'il a fait une descente du Loing sur un radeau avec des scouts et que moi je crois avoir le sens de l'eau à cause de l'aviron.
    Bref, nous sommes loin de la parfaite harmonie qui ferait glisser notre embarcation sans effort (toujours cette illusion que nous allons ressembler du premier coup aux images enchanteresses de la télé, en oubliant la règle de base que plus cela paraît facile, plus c'est difficile) et nous oscillons entre fou-rire et agacement: le canoë n'en fait qu'à sa tête et nous donnons chacun des conseils contradictoires à l'autre pour que cela se passe mieux tout en essayant de ne pas nous disputer sur le fond.
    Il fait magnifiquement beau, ciel bleu, fraîcheur du matin, calme du lac, netteté des belles demeures sur la rive. J'ai peur de trop m'éloigner car il va falloir revenir: ne pas être trop fatigués…
    Nous rentrons, à la fois heureux et frustrés: trop court, trop imparfait, j'en suis à proposer à O. de prendre des cours à Paris l'année prochaine. Il n'a pas l'air enthousiaste.

    Nous rendons le canoë dans les temps et allons déjeuner au Maria Loretto repéré la veille. Il est tôt, nous sommes les premiers clients. O. s'installe en terrasse pendant que je vais chercher les Hugo.

    Si je devais retenir une photo du bonheur de ces vacances, ce serait celle-là, avec son faux air des Caraïbes:

    vue sur le lac de Klagenfurt à partir du restaurant Maria Loreto


    Au début le bonheur est total, nous plaisantons avec le serveur, dégustons nos plats en regardant le lac.
    Peu à peu d'autres clients arrivent, le service se fait plus lent.
    Au dessert il s'immobilise. Nous n'arrivons plus à capter l'attention du serveur, il y a trop de monde.
    Nous sommes en train de prendre du retard, nous devons être à Vienne le soir, j'ai eu tort de boire, je suis en indigestion.

    Nous finissons par nous extraire du piège, je m'en veux d'avoir gâché ce si bon moment en n'anticipant pas ce qui allait se passer, je reprends la voiture, me trompe entre marche arrière et marche avant, heurte un pare-choc. Une passante voit que nous allons partir, nous arrête comme si nous étions criminels, insiste pour faire un appel général sur le lac, nous n'avons vraiment pas le temps, elle finit par consentir à ce que nous laissions un papier avec nos coordonnées sur le pare-brise expliquant tant bien que mal en allemand que nous avons heurté la voiture — c'était si insignifiant que nous n'avons jamais été contactés, il n'y avait rien, le propriétaire a dû se demander qui étaient ces fous.

    Décapotable le long des larges routes de la Styrie, forêts profondes, air frais. Fin du Quatuor d'Alexandrie (la fin est très longue, interminable, ressemble peu au début, tout se transforme: cela paraît la loi du genre des romans-fleuves), intégrale de la vie de Billie Holyday qui émeut O. aux larmes et début de Thelonius Monk qui ne nous convient pas.
    Les routes sont très larges, montent et descendent sans faire aucun des lacets que fait habituellement une route de montagne, je m'interroge, comment font les camions ici l'hiver? — mais nous sommes seuls, c'est royal, nous sommes heureux — même si en retard et inquiets: que va dire l'auberge de jeunesse?

    A une pause-pipi entre les arbres à flanc de coteau, j'ai une révélation: une bouteille en plastique est coincée là, à la prochaine pluie elle dévalera dans le torrent plus bas et partira vers la mer. C'est donc ainsi que tous les détritus terrestres deviennent marins.
    C'est sans doute évident pour tout le monde mais je l'ai compris ce jour-là, en regardant une bouteille en plastique au-dessus d'un torrent styrien.

    Station-essence, orage, début d'une série sur Bob Dylan, arrivée à Vienne, je suis déroutée, où est le Danube, je n'ai jamais vu de ville qui évite autant son fleuve (mais je n'ai pas vu beaucoup de villes), Waze nous conduit à l'auberge de jeunesse, nous garons la coccinelle sur le boulevard, presque devant.

    Tout va bien, nous ne sommes pas si en retard, le réceptioniste nous explique qu'il est là toute la nuit. Nous montons nos affaires, chambre pour deux, lumière crue, lits superposés, nous redescendons, nous sommes fatigués, il fait nuit, où dîner?
    Le réceptioniste toujours précieux nous indique un restaurant/taverne/brasserie à l'autrichienne proche. Bière, menu. Je découvre avec ahurissement la liste des allergènes. Nous mangeons notre premier Schnitzel, pas mauvais mais un peu cartonné.

    A la fin du repas, problème : la maison n'accepte pas la carte bleue. Mais qu'est-ce que c'est que ce pays?
    Le serveur nous indique le distributeur le plus proche, nous partons dans la nuit le long des HLM. Des familles nous frôlent, femmes voilées, petits loubards, je sens O. intranquille à côté de moi, est-ce à cause de la situation ou parce que je suis là?
    Nous retirons de l'argent, revenons sans encombre.
    Retour à la chambre. Extinction des feux.

    liste allemande des allergènes


    A: gluten, B: ??, C: œuf, D: poisson, E: arachide, F: soja, G: lait, H: noix, L: ??, M: moutarde, N: sésame, O: sulfite, P: lupin, R: ??
    Je ne savais même pas qu'on pouvait être allergique à tout ça.

    Klagenfurt

    Toujours pas d’internet. Il est une heure du matin (le 12 juillet, donc), j’écris cela dans TextEdit dans la couchette du haut des lits superposés. Il fait très chaud. Je viens d’ouvrir la fenêtre que nous avions décidé de laisser fermer après l’expérience bruyante de la nuit dernière. Je manque de courage pour écrire: trop d’impressions, trop de détails, et tout cela si trivial, si banal, si humain. Ecrire pour décrire, pour saisir, pour ordonner, pour ne pas oublier. Ecrire pour s’obliger à mettre de l’ordre, comme une discipline musculaire. Ecrire contre la paresse de se laisser entraîner par le flux. Mais c’est si long.

    Le petit déjeuner est servi de 7h30 à 9h. Lorsque nous arrivons dans la salle à manger commune, celle-ci est déjà pleine de gens de tous âges, il y a autant de couples âgés (définissons âgé: cinquante ans et plus, cheveux gris ou rides) que de couples avec enfants en bas âge. La seule population peu représentée est celle des adolescents (quatorze à vingt ans). Il y a même des hommes seuls, jeunes ou moins jeunes, venus ici peut-être pour l’animation, la vie.
    La salle bourdonne mais n’est pas excessivement bruyante, cela me réconforte étrangement (je veux dire que je ne m’y attendais pas) de voir ces têtes blondinettes barbouillées de fromage blanc. Pas de cris, pas de larmes, pas de caprices. (Il est peut-être trop tôt).
    Nous nous installons sur la terrasse après avoir essuyé la table, il a plu cette nuit. Depuis plusieurs jours j’ai adopté le petit déjeuner muesli, fromage blanc et céréales, les céréales étant plus ou moins sophistiquées selon la classe de l’hôtel, ce qui signifie que plus l’hôtel est luxueux, plus les céréales sont variées et présentées peu transformées, proches de la graine nue.
    Nous petitdéjeunons en préparant notre journée et en regardant les enfants jouer à la balançoire. Philipp, un blondinet de deux ans, semble particulièrement aventureux. En toute logique il devrait se prendre une balançoire dans la mâchoire mais cela ne semble inquiéter personne. C’est si reposant, cette façon darwinienne d’élever les enfants, sans adulte hystérique pour protéger ou interdire.
    — C’est si tranquille et si heureux. Il ne manque plus qu’un meurtre.
    O. manque de s’étouffer de rire dans son café.
    — Mais si, tu sais bien, transpose il y a quatre-vingts ans dans les îles avec de vieux Anglais, c’est tout à fait Miss Marple.

    Nous partons sans repasser par la chambre. Rive sud du lac. J’ai mis ma combinaison d’aviron (une seule pièce moulante intégrant short et haut débardeur) sous un short en jean et un haut gris afin de pouvoir faire du kayak le cas échéant. Le coup de soleil pris en montagne il y a quatre jours (ou cinq? nous avons perdu la notion du temps) dérougit à peine, il est à la fois très laid (un V foncé marqué sur la poitrine en dessous du cou contrastant avec la peau blanche) et douloureux (certains tissus ne sont pas supportables).

    […] Je reprends ce récit toujours dans la couchette du haut mais à Vienne le 14 juillet, six heures du matin.

    En suivant la rive droite du lac nous passons devant un parking et une pancarte «G. Mahler» : nous n'aurons donc même pas besoin de chercher. Nous nous garons, prenons le chemin. Il est neuf heures et quart. Nous montons vers la cabane (das Haüschen de Maiernigg) à travers la forêt, un quart d'heure de marche indique la pancarte. Nous croisons un homme avec deux chiens dont le noir, vieux, raide, marche avec peine.
    Il fait bon, il fait frais, nous arrivons une demie-heure trop tôt à la cabane de Malher, elle est fermée. Elle est en dur, un peu plus grande que le chalet de Toblach. Ce qui est surprenant, c'est l'absence totale de perspective, de ligne de fuite: elle est au milieu des bois, la pente remonte en face des fenêtres. Je pense à ce que j'ai lu un jour, qu'il ne faut pas une belle vue à un créateur, cela distrait. Il faut des murs, des gravures fades. Mahler dormait-il sur place, y a-t-il un lit, nous ne le saurons pas car nous décidons de ne pas attendre, nous avons un programme chargé.

    Nous sommes arrivés dans le musée Robert Musil pour l'ouverture. C'est une seule grande pièce, avec un premier renfoncement consacré à Ingeborg Bachmann et un second à Christine Lavant dont je n'avais jamais entendu parler (renseignement pris, un contact me dit que c'est un Trakl féminin).
    Des photos, des lettres, des valises, une machine à écrire, toute une chronologie (une vie) appuyée sur des preuves. Musil est né ici mais n'y a passé qu'un an. Tout est en allemand et nous passons un temps si long dans ces pièces qu'à plusieurs reprises (quatre!) les personnes en charge de l'endroit (qui est aussi une bibliothèque-librairie-salon) viennent nous demander si tout va bien: mais que pouvons-nous faire si longtemps dans un endroit somme toute si petit?
    Nous lisons, mademoiselle, monsieur, je lis en allemand et je ne lis pas vite. Musil apprend le crawl, nouvelle nage de l'entre-deux-guerre. Il écrit un texte sur la bêtise (en 38, il me semble: on devine qui il vise). Il fait ses études à l'école militaire de Mährisch, trois ans après que Rilke l'a quittée. (C'est l'expérience qui a inspiré Törless). Il est chargé de trouver de jeunes auteurs inconnus pour la revue Die Neue Rundschau. La métamorphose de Kafka passe entre ses mains et aurait pu paraître dans la revue, mais les négociations échouent car Kafka refuse un racourcissement de sa nouvelle.

    Je passe aux textes sur Bachmann, de grands panneaux imprimés qui reprennent peu ou prou ce que j'ai lu dans Retour à Klagenfurt, le livre acheté autour de 1988-1989 qui a motivé ma venue ici. Je prends les panneaux en photos ainsi qu'un portrait de Nelly Sachs. J'en profite pour parler de Celan à O. (mais ce qui vient quand on présente un auteur, un poète, à quelqu'un qui ne le connaît pas et n'éprouve pas d'intérêt particulier, c'est toujours l'anecdote: Bachmann est morte brûlée, Celan s'est suicidé, Nelly Sachs, «connue de ceux qui la connaissent», a échangé une importante correspondance avec Celan, le tome 2 de L'homme qans qualité paraît toujours neuf dans les livres d'occasion de Gibert: comment sortir de cela?1.)

    Mais O. lit tout, avec gentillesse (envers moi) et avec application; il prend les documents (des feuilles A4 photocopiées) qui nous sont donnés, et c’est avec l’un d’eux, Literarturwandern - Auf den Spuren von Ingeborg Bachmann, que nous partons en balade dans la ville. Je me rends vite compte que Retour à Klagenfurt m’a dit l’essentiel et que je pourrais l’utiliser pour commenter les lieux : place du nouveau marché avec le dragon qui est l’emblème de la ville et que l’on retrouve jusque sur les tickets de parking, l’avenue des ursulines (petit mystère : « pour les dictionnaires, gasse serait une ruelle, une allée, mais sur le terrain, c’est belle et bien un boulevard ou une avenue. A moins que cela ne prenne ce sens que composé (Ursulinengasse, avenue des Ursulines) ? Nous passons devant le théâtre (à voir l’automne, dit Bachmann dit Uwe Johnson) (« c’est un banc — Non, ce n’est pas un banc — Si c’est un banc… ah non » (sculpture moderne)), suivons la rue Radetzky tout du long (et comme cette promenade sur les pas de Bachmann n’est qu’un prétexte à l’errance, oublions de faire un crochet devant la maison de ses parents au 26 de la Henselstraße).

    Vendredi 28 juillet, Anvers, six heures du matin. Insomnie peut-être due à un dessert de trop ou à l’absence de climatisation. On s’habitue au confort. Je repends cette narration indéfiniment remise, parce que les ciels sont trop beaux, parce qu’il n’est pas possible de taper en voiture en écoutant des podcasts. Je suis tellement en retard. Combien de jours pour tout raconter si l’on ne raconte pas au fur à mesure ?

    La Radetzkystraße est bordée de belles demeures bourgeoises. Vers sa fin les trottoirs se chargent de fleuristes dans la version jardinière, c’est-à-dire qui vendent des graines et des plants, et non des fleurs coupées (toute l’Autriche est ainsi : jamais vu autant de pépiniéristes et vendeurs de matériel de jardinage aux abords des villes qu’ici). Elle aboutit au pied d’une colline couronnée d’une église, la Kreuzbergl. Nous grimpons sous le soleil de plus en plus chaud le chemin de croix dont les stations sont des mosaïques grandeur nature (je ne reconnais pas toutes les stations, sans que je sache s’il s’agit d’une version autrichienne du chemin de croix ou d’une version locale).
    La suite de la promenade nous emmènerait au bord du lac et le descriptif nous prévient de prévoir une heure à une heure et demie. Nous rebroussons chemin.
    Faux Hugo à l’angle de la Karnerstraße et de la Radetzkystraße : ils n’ont pas de menthe donc ne peuvent nous faire un Hugo, nous expliquent-ils. Nous buvons un mélange de vin blanc et d’eau pétillante. Retour en ville, monument commémorant le référendum de 1920 qui a choisi de rattacher la Carinthie à l’Autriche et non à la Slovénie (une recherche plus tard, j’apprends que ce qui est en jeu, c’est le sort des Slovènes et de la langue slovène. La Carinthie est un bastion du conservatisme germanophone pour ne pas dire de l’extrême-droite, aujourd’hui encore. J'ignorais ce fait mais je me souviens m’être interrogée devant le nombre de panneaux bilingues. Cela permet de comprendre le dégoût de Bachmann envers sa ville alors que rien ne l’explique quand on se promène dans cette ville souriante.), ancienne place (Alter Platz).

    Nous déjeunons dans une petite rue d'un plat du jour proposé par un boucher-traiteur en contemplant l'élégance des Autrichiens (cela rend le débraillé des touristes toujours un peu honteux), puis nous entrons à St Egid pour y chercher la tombe de Julien Green. Elle se présente comme une grande dalle de marbre au sol dans une des chapelles du bas-côté de droite. Elle est parfaitement intégrée au dallage comme si elle était ici de toute éternité. Au mur une autre plaque présente un poème de Green. Mais comment a-t-il obtenu cela? Des gens prient, je n’ose déambuler d’autant que je suis en short (l’Italie m’a enseigné une retenue vestimentaire dans les églises que je n’avais pas apprise en France — et je m’y sens tenue en tant que touriste, visiteuse), mais il me semble qu’aucune autre tombe n’est ainsi présente dans l’église, y compris des tombes de prélats.

    Deux Hugo dos à St Egid, retour à la voiture, le ciel se couvre, atmosphère lourde et orageuse, direction le cimetière (Friedhof, maison de la paix, maison du repos : dernière demeure) d’Annabilch que je sais être près de l’aéroport, toujours grâce à Uwe Johnson.
    Un plan du cimetière indiquant les tombes « remarquables » se trouvent à l’extérieur de l’enceinte, à gauche des bâtiments administratifs et du crématorium (comme nous sommes entrés par la droite, nous avons erré), celle de Bachmann est tout au fond, dans la partie opposée à l’entrée. Sont enterrés avec elle son père et sa mère — son père mort la même année, 1973. Avant ou après elle ?

    J’ai vu ce que j’étais venue voir à Klagenfurt. Direction le lac pour rechercher de quoi sortir en canoë.
    Nous avons beaucoup erré : rive nord du lac, nous avons suivi en voiture l’allée le long des deux clubs d’aviron jusqu’à nous heurter à une impasse ; rive ouest, à pied cette fois, nous avons interrogé la caissière de l’entrée de la plage, en face du camping, un gigantesque complexe pour lequel existent une carte famille et une carte annuelle — elle ne savait rien, comme plus tôt les employés du cimetière ne savaient rien — je crois qu’elle était fatiguée ou indifférente, comment peut-on s’intéresser si peu à sa ville ? J’ai insisté pour poursuivre le long de la plage jusqu’aux mâts entraperçus plus loin, et là, dans un endroit tranquille et gazonné, il nous a semblé, il a semblé à O. qui posait les questions en allemand, qu’il était trop tard pour ce soir (il était cinq heures, mais quel est ce monde qui se couche avec les poules ?) mais que si nous venions demain matin à neuf heures, nous pourrions louer un canoë.

    Plus loin un château, le château de Maria Loretto et à la pointe s’avançant dans le lac un restaurant — fermé, déception.

    Rebrousser chemin le long du canal. Club de kayak en face, de « vrai » kayak, ie sportif et non touristique ; musculature du kayakeur bronzé qui remonte le canal torse nu, sort de son bateau et se penche, tel Tarzan, se saisit de l’embarcation d’une main et part vers le club d’un pas souple (vision cinématographique qui nous fait rire dans son irréalité) ; reprendre la voiture, chercher un restaurant sur Yelp (Yelp et Waze, les deux mamelles de notre voyage). Si l'auberge de jeunesse dîne à six heures, il nous faut supposer que les Autrichiens dînent tôt.

    Garer la voiture est toujours angoissant (ce doit être un pli parisien, car en réalité nous ne rencontrerons de problème nulle part) : y aura-t-il de la place proche de l'endroit où nous allons ? Aurons-nous assez de monnaie pour payer le parcmètre ? C'est pourquoi O. rentre spontanément dans le premier parking qui semble proche de notre destination. Nous découvrons ensuite qu'il s'agit du parking d'un centre commercial, il paraît fermer à neuf heures.
    C'est alors que j'ai vu O. devenir fou. Il a un grand sens de l'orientation et se repère très vite. La sortie du parking donnait dans le centre commercial. Il a cherché à sortir du centre commercial, arpentant le second étage puis le premier, de plus en plus vite, ne trouvant rien, grommelant « ce n'est pas possible, le parking ne peut pas être la seule sortie », s'arrêtant pour interroger les murs ou l'horizon du regard, de plus en plus proche d'un état qui ressemblait à de la panique, la panique de la raison confrontée à l'absurde.
    Nous avons fini par trouver une sortie pour les piétons. En longeant le bâtiment de l'extérieur, il est apparu qu'il n'y en avait que deux. Ce centre commercial est installé dans les anciens bâtiments d'une industrie du XIXe siècle : je suppose qu'on a évité de défigurer le bâtiment en y perçant des portes, mais je me demande comment les normes de sécurité en cas d'incendie. Ce centre commercial s'appelle Arcadie ; je fais remarquer à O. que dans les livres ou films de SF, ce nom est toujours mauvais signe, c'est toujours l'enfer sous un aspect souriant.

    Nous allons dîner au Bacchus. Il pleut, nous ne pouvons nous installer en terrasse. Le serveur est très aimable et séduit O. en lui disant que son allemand était tel qu'il n'avait pas compris que nous étions français. Nous prenons une spécialité de la maison prévue officiellement pour deux mais qui conviendrait à trois. Nous découvrons que "Mineralwasser" signifie ici pétillante. "Sprudelwasser" paraît inconnu en Autriche.

    Nous rentrons préparer nos valises : demain, nous avons prévu de faire du canoë avant de rejoindre Vienne.



    Note
    1 : Si alors Swann cherchait à lui apprendre en quoi consistait la beauté artistique, comment il fallait admirer les vers ou les tableaux, au bout d’un instant elle cessait d’écouter, disant : « Oui... je ne me figurais pas que c’était comme cela. » Et il sentait qu’elle éprouvait une telle déception qu’il préférait mentir en lui disant que tout cela n’était rien, que ce n’était encore que des bagatelles, qu’il n’avait pas le temps d’aborder le fond, qu’il y avait autre chose. Mais elle lui disait vivement : « Autre chose ? quoi ?... Dis-le alors », mais il ne le disait pas, sachant combien cela lui paraîtrait mince et différent de ce qu’elle espérait, moins sensationnel et moins touchant, […]. Proust, Un amour de Swann

    De Toblach à Klagenfurt

    J’ai dû dormi quatre heures cette nuit: couchée à deux heures du matin (le capuccino pris au col Stelvio?), nuit entrecoupée jusqu’à ce que je pense à enlever la couette pour ne conserver que la housse, réveillée à six heures et demie en me souvenant que je voulais profiter de la piscine qui ouvre à sept heures.
    Une heure plus tard j’étais encore en train de surfer sur internet.
    Piscine, eau si tiède qu’on y entre sans choc, sans hésitation. Deux personnes sont déjà dans l’eau, je nage un quart d’heure jusqu’à ce qu’arrivent quatre dames aux cheveux blancs, à sept cela va devenir compliqué dans la piscine de quatre mètres de large (sur quinze de long?), quand retentit un « Guten Morgen »: un homme mince en peignoir vient d’arriver, les dames se rangent sur une ligne, il est huit heures. Je comprends qu’il s’agit d’un cours d’aquagym, j’aurais dû venir plus tôt. Je sors avec mes deux compagnons du début.

    Nous prenons la route à dix heures, il faut compter deux heures entre le lever et notre départ, cela paraît incompressible sans précipitation, douche et petit déjeuner compris.
    A une question de ma part, la réceptionniste m’explique que la région (le Tyrol sud, Süd-Tyrol) était allemande jusqu’à la seconde guerre mondiale, et que les gens parlent autant italien qu’allemand. Je me demande si cela génère du ressentiment. En tout cas, toutes les enseignes se présentent dans les deux langues.

    Direction Toblach, toujours en évitant l’autoroute. Il fait idéalement doux. Nous suivons un torrent aux eaux brunes qui contraste avec les cours d’eau d’un jade pâle d’hier. Les travaux sur la route sont très nombreux. Assez soudainement le paysage change, il n’y a plus d’arbres fruitiers mais des forêts de feuillus. L’horizon s’élargit, les montagnes reculent, les églises au clocher très effilé et couleur tuile se ressemblent toutes, d’un village à l’autre. Nous entrons dans les Dolomites.

    Arrivée à Toblach à midi, Mahler-Stube inmanquable quand on arrive de l’ouest. Instruite par l’expérience d’hier j’ai fait quelques repérages et nous prenons deux billets pour le parc zoologique: la cabane de Mahler se trouve face à l’enclos des vaches écossaises. C’est réellement minuscule. Cela aidait-il Mahler à se concentrer? Trois cabanes de même type, de même taille, ont été des lieux de composition. En 1908 cela devait être très silencieux, hors du monde. Sur les murs de la cabane sont répertoriés les dates de composition ses œuvres, les dates de ses affectations aux différents orchestres. C’est très impressionnant de se dire que Mahler a fait un aller-retour Toblach-New York par an trois ans de suite, en bateau et sans doute en train.
    Nous tournons dans le parc qui nous emplit de cette tristesse vague à voir enfermés des animaux destinés à être libres — et la tristesse se fait plus poignante pour les carnivores voués normalement à la chasse et qui s’ennuient désespérement.

    Nous ne déjeunons pas sur place car la foudre a grillé l’appareil à carte bleue mais en ville; puis nous reprenons la route.
    Nous passons en Autriche sans même nous en apercevoir. Les arbres changent de nouveau, il y a de plus en plus de conifères. Nous prenons une route parallèle à la route principale (la route 100), de l’autre côté du massif bordant la 100 au sud. C’est très vert, très joli — l’itinéraire choisi par les motos. Nous en tirons une règle: s’il n’y a pas de moto sur la route que vous suivez, changez de route, trouvez celle des motos, elle sera plus jolie, plus « pitto », diraient les cartographes de Michelin (les routes bordées de vert).

    Nous abordons le lac Wörthersee par la rive sud. Nous avons le projet de trouver un hôtel au bord du lac aux abords de Klagenfurt; je tourne dans une allée parce que j’ai lu « familie » et peut-être « guesthaus ».
    C’est une auberge de jeunesse. Une demi-heure plus tard (ce fut très long, la réceptionniste pleine de bonne volonté et parlant un allemand un peu trop rapide était inefficace à force de scrupules (des lits superposés, ça nous irait? et une douche commune? nous devions avoir l’air très riches, très snobs, très posh, car elle paraissait s’attendre à ce que nous refusions alors que cela m’amusait et surtout me surprenait: j’avais dans l’idée qu’il fallait être étudiant pour avoir droit aux auberges de jeunesse) nous sommes membres de l’association et bénéficions d’une chambre à un prix défiant toute concurrence.
    Nous dînons sur place d’un menu de cantine pour six euros soixante-dix…
    Nous dînons in extremis car le service est de six à sept heures (mazette, l’Autrichien se couche avec les poules) et qu’il est sept heures et quart. La réceptionniste si aimable s’active pour aller nous chercher le plat du jour en cuisine (pollo en italien, Kühn en allemand).
    Nous dînons en terrasse au bord du lac dans le soleil déclinant.

    Installation dans la chambre, retour en terrasse. Deux Hugo (à base de sirop de fleur de sureau). Pas de wifi, peu de 3G. Nous utilisons le téléphone en clé 3G pour réserver trois jours dans l’auberge de jeunesse de Vienne au nord de la ville. Il y reste trente-cinq lits, cent dix sept euros pour trois nuits à deux.

    Je termine ce billet dans la couchette du haut. (Alice de nouveau en carafe.) Il faut garder la fenêtre ouverte pour la chaleur et la route est passante. Cela risque d’être peu reposant. Tant pis. Demain nous voudrions faire du kayak ou du canoë — en plus de quelques visites plus culturelles. Nous avons réservé la chambre pour deux nuits.

    Nous n’avons rien vu à Sils Maria

    Réveillée à trois heures du matin pour une raison incompréhensible. Alors qu’hier soir le blog Alice était enfin accessible, il n’y a pas de wifi (O. me dira demain qu’il a lu qu’il était coupé de minuit à six heures). Je reprends le récit de la journée du 7 juillet dans TextEdit, la journée de randonnée d’Ibergeregg à Oberiberg. Les cloches du village ne sont pas interrompues la nuit. Quand sonnent quatre heures, je prends (pour mon genou) un Ibuprofène 400 retrouvé par chance au fond de mon porte-monnaie et j’éteins, afin de ne pas être trop assommée demain.

    Réveil vers huit heures, mise en ligne de deux billets (il faut que je vérifie quelques noms pour le suivant), petit déjeuner en terrasse, départ. Je regretterai cet hôtel. J’ai particulièrement aimé quelque chose d’insaisissable, son odeur : une odeur de bois et de fleur, de cire peut-être, une odeur sans rien qui rappelle l’odeur humide des vieilles demeures en France.

    Parking pour charger les bagages. Nous attendons onze heures l’ouverture de l’épicerie, je veux racheter (six ans plus tard) du shampoing de Soglio. Nous prenons également du miel, des cartes postales (plus que nous ne pourrons en écrire), de l’huile de massage. Nous avons vidé nos porte-monnaie, il ne nous reste que quelques centimes suisses (pas de paiement par carte).

    Nous reprenons la route en sens inverse vers Sils Maria. Comme tous les matins, spontanément, O. prend le volant. Il fait frais, à la limite de la pluie, c’est très agréable. Nous montons les épingles à cheveux vers le plateau de Sils Maria (Segl en allemand). Il y a énormément de motos. Un Tchèque devant nous conduit agressivement dans la vallée avant de se faire peur dans la montée et de s’arrêter dans un dégagement dans la prolongation d’un des virages. Il y a trois objectifs potentiels: visiter la maison de Nietzsche (je reverrais volontiers la chambre au plafond si bas), faire le tour de la presqu’île où il se promenait et trouver la tombe de Claudio Abbado signalée le matin-même par Gv.

    Tuons tout de suite le suspens: nous ne ferons aucun des trois. La maison de Nietzsche n’ouvre qu’à trois heures et nous avons l’intention de rejoindre Toblach à cinq ou six heures de route (nous ne prenons pas l’autoroute). Le tour de la presqu’île n’enthousiasme pas O. Nous décidons de déjeuner d’abord puis de chercher la tombe d’Abbado.
    Installation en terrasse, violent orage, repli dans le restaurant. Le service est lent, mais il pleut tant que nous ne pourrions rien faire, en tongs et tee-shirt comme nous le sommes.
    Fin du repas, fin de l’orage, recherche de la tombe, pas de cimetière à Sils-Maria (en tout cas rien trouvé), une église à Sils-Baselgia, mais rien dans le petit cimetière. Nous interrogeons le restaurateur en face, il ne sait rien; j’interroge trois motards arrêtés devant le restaurant qui ont ri en voyant mon look atroce (robe blanche, bottines en caoutchouc rose et ciré rouge, l’horreur étanche sous les dernières gouttes). Sabir franco-germano-anglais, le mot « tombe » m’échappe en anglais, j’utilise « grab », ils ne savent pas qui est Abbado, je montre l’article de journal sur mon téléphone. Oh, ABBAdo (accent tonique), mais bien sûr, l’un des motards est soudain très intéressé, surpris et enchanté, mais non il ne sait rien (cherchera-t-il plus tard pour son propre compte? C’est probable, il semblait heureux.)

    Nous retournons à la voiture, nous retournons à Sils-Maria, c’est agaçant à la fin, moins je trouve et moins je veux abandonner. En désespoir de cause j’envoie un sms à Gvgvsse en même temps que je fais une recherche en allemand cette fois: « grab claudio » et aussitôt « grab claudio abbado » et « grab von claudio abbado » apparaît et l’image enneigée de l’église de Fex Crasta. Dans le même temps Gvgvsse m’envoie des indications en précisant qu’il s’agit d’une heure de marche.
    Il est trois heures, O. s’est mis dans l’idée que nous atteindrions Toblach ce soir alors que cela me paraît improbable, il n’a pas envie de marcher pour cela, l’orage menace encore, j’ai le genou qui va mieux mais qui reste sensible… Je propose à O. de dormir à Fex puisqu’il y a un hôtel mais il veut avancer, l’étape lui paraît trop courte.

    Nous repartons sans avoir rien vu à Sils Maria.

    Maintenant que j’écris je ne me souviens plus de la succession des vallées, des montées et des descentes. La route est parsemée de motos, de cyclistes et d’arrêts de bus. Le « car postal »(des bus jaunes suffisamment emblématiques pour qu’on en fasse des cartes postales) passe partout, des arrêts sont prévus pour ce qui paraît n’être que trois ou quatre maisons à flanc de montagne. Peut-être sert-il aussi de voiture-balai aux cyclistes épuisés, ou de véhicule de rapatriement vers leurs pénates (je mets ici un lien vers les les statistiques d’accidents car nous nous sommes posés la question, époustouflés par le nombre de cyclistes dans des endroits impossibles.) Quoi qu’il en soit c’est fantastique de maintenir un tel réseau de transport public à travers un pays entier.
    Longtemps nous avons davantage monté que descendu. Passo Bernina (2330 m), des neiges éternelles en face de nous, à portée de main; passage en Italie, avec aussitôt, brutalement, un changement de paysage, des arbres fruitiers et des vignes et des villes qui ressemblent à des villes, populeuses, commerçantes, mille choses oubliées durant notre traversée de la Suisse qui nous a paru si étrangement déserte (mais nos choix d’itinéraires ont été particuliers).

    Nous changeons de conducteur à cinq heures (toutes les deux heures, c’est la règle instaurée). Le volant est poisseux de sueur et de crème solaire, j’ai pour objectif de nous acheter des gants de conduite dès que possible.
    Nous avons abordé la montée au col du Stelvio sans savoir que ce serait un col. Après quelques tunnels, quatre ou cinq, les panneaux ont indiqué le nombre d’épingles à cheveux à venir, quatorze d’abord, puis ensuite dix. Rien de difficile après le vaccin d’Ibergeregg, une route où il y a de la place pour se croiser et aucun arbre, une grande visibilité à flan de montagne, quelques secondes d’ignorance au moment de l’épingle et voilà tout, un jeu d’enfant.
    Nous montons, montons, le plus étonnant est moins la vallée qui s’éloigne que les sommets qui paraissent à la même hauteur que soi. Les parois sont grises, c’est austère après la verte Suisse, mais d’une grande majesté.
    Col du Stelvio (2758 m), pause au restaurant Le Genziano, capuccino auquel je dois d’être éveillée si tard. Au mur des photos impressionnantes de cyclistes franchissant le col entre des murailles de neige. Est-ce Fausto Coppi ou Claudio Chiappucci qui a dit (en anglais dans une coupure de journal affichée sous verre): « c’est comme lutter avec un gorille : vous n’arrêtez pas lorsque vous êtes fatigué, mais lorsque le gorille est fatigué »?

    Nous remontons dans la voiture à six heures, il commence à pleuvoir. Les motards présents en quantité sont partis devant nous. Longue descente à la suite d’un mini-bus familiale rouge contenant six personnes et un bateau style rafting sur le toit. Nous continuons jusqu’à Merano où à la suite d’un malentendu entre nous (car nous voulions tous deux un hôtel modeste où nos tongs ne dépareraient pas) nous nous retrouvons dans un hôtel de luxe (le prix affiché n’est pas par chambre mais par personne. Damned. Nous nous débrouillons trop mal en anglo-germano-italien pour avoir envie de débattre ou de tourner les talons. Tant pis. Il faudra que j’essaie demain la piscine avant le petit déjeuner afin d’amortir tout cela.)

    Nous dînons dans une brasserie en ville. Toujours la même impression de désert: mais où sont les gens?
    Je fais découvrir à O. le cocktail Hugo qui me paraît à la couleur être celui que j’ai bu à Dessau. L’essayer c’est l’adopter, c’est très fin et très bon.

    Tard le soir je finis d’écrire ce jour puis la veille (le 8). Alice est à nouveau inaccessible.

    Demain Toblach puis direction Klagenfurt.


    PS : ça alors: une recherche après coup m’apprend qu’Anne Franck est venue ici. Quant au val de Fex, c’était un lieu de résidence de Thomas Mann.

    En voiture dans la montagne

    Je réveille O. à huit heures, je ne sais pas à quelle heure il s’est couché. Aujourd’hui nous devons rejoindre Soglio et je voudrais voir la charte de la Confédération suisse au musée de Schwyz. Après tout, si nous sommes ici, c’est que je voulais voir le lac des quatre cantons et la prairie du Rütli. En faisant des recherches j’ai découvert cette randonnée panoramique de Schwyz et il m’a paru plus pratique de coucher à Oberiberg. Mais le but premier était de voir le berceau de la Suisse.

    J’ai mal au genou droit, je ne plie plus la jambe, mais sinon tout va bien, pas de courbature.
    Petit déjeuner, valises, vaisselle — le reste de fondue part très bien. En faisant le tour des armoires pour vérifier que nous n’avons rien oublier, nous trouvons trois caquelons… Trop tard, trop tard. Nous avons manqué de foi.
    Nous étions bien ici, à l’écart du monde.

    Encore une fois la route pour Ibergeregg, puis la descente. O. est au volant, il descend ce que j’ai monté il y a deux jours, il y a vraiment à peine la place pour deux voitures. Nous espérons ne pas croiser de bus. Un obstiné dans une voiture genre Fiat Panda ne se gare pas et heurte notre rétroviseur gauche, la roue droite de la voiture me paraît quitter le goudron, c’est effrayant. Plus loin c’est l’inverse, un 4x4 met une roue hors du bitume pour nous laisser passer… Les huit mois de permis d’O. sont validés.

    Musée des chartes confédérales. Ce qui nous est expliqué, c’est que la Suisse s’est « inventée » au XIXe siècle, en 1848, et que pour ce faire, elle s’est inventé ou retrouvé des mythes prouvant qu’elle avait toujours été unie — ou tout au moins que son histoire était une longue histoire d’entraides et d’alliances internes et de luttes contre l’extérieur. C’est donc à cette époque qu’elle a choisi une charte inconnue datant de 1291 pour faire débuter son histoire commune, alors qu’elle aurait pu tout aussi bien choisir la bataille de Morgaten pour ce faire.
    Nous apprenons au passage que c’est la défaite subie à Marignan contre François 1er qui a contenu les désirs expansionnistes suisses: suite à cela, les cantons n’ont plus cherché à sortir de leurs frontières.
    Je fais remarquer à O. que d’une certaine façon la Suisse a toujours été hors de l’Europe: aujourd’hui l’Union Européenne réunit peu ou prou les pays qui échangeaient leurs princesses lors des mariages royaux. Il n’y avait pas de noblesse suisse, ils ont été exclu du jeu politique européen à l’époque comme ils s’en excluent aujourd’hui… tout en pouvant servir de modèle à l’Europe dans la façon de bâtir une confédération. L’Europe manque d’un mythe fondateur, c’est souvent souligné (mais il est peut-être trop tôt pour qu’elle en ait un), plus étrange est la façon dont la France s’obstine à détruire (à ne plus transmettre) les siens.

    Nous repartons en suivant le lac de Brünnen à Flüelen, nous déjeunons au bord du lac à Flüelen avant de le quitter. Direction le col du Gothard en ne prenant pas l’autoroute puisque le but est de voir du paysage, pas de prendre un tunnel.
    Je dors dix minutes, O. me dira que j’ai raté de magnifiques paysages mais qu’il n’a pas voulu me réveiller (il a eu raison, je suis très mal si on me réveille au milieu de mes dix minutes).
    Route du col protégée par un toit (toit en travaux, buldozer au-dessus de nos têtes, nous nous en apercevons après coup quand nous sommes plus haut que la galerie déjà empruntée). Les travaux de terrassement sont extrêmement nombreux, il est rare qu’il se passe dix kilomètres sans en rencontrer un.
    Motos à foison (parce que nous sommes samedi?), en cuir du cou aux orteils. Cyclistes, catégorie folle, cyclistes rencontrés à tout endroit des cols, posant la question angoissante de leur apparition: mais d’où viennent-ils, où espèrent-ils être ce soir, pourquoi tant de souffrance, et savent-ils (songeons-nous quand nous les avons dépassés depuis quelques kilomètres) ce qui les attend?

    Direction Chur (Coire), nous plongeons vers l’Engadine un peu avant de l’atteindre, longeons le lac de Sils en direction de Soglio. (Nous reviendrons demain). La descente de la vallée de l’Engadine est impressionnante, une route en lacets au flanc d’une seule montagne fait descendre la paroi en quelques minutes.
    Il fait doux, la pluie annoncée menace sans se décider, il fait frais après les jours torrides précédents.

    Montée vers Soglio, parking, palazzo Salis où descendait Rilke. Il y a six ans nous n’avions pu y dormir, cette fois-ci j’ai réservé à l’avance (c’est mon cadeau d’anniversaire).
    Apéritif dans le jardin, table en pierre sous le tilleul, nous étudions la carte d’Europe, W ou Z, Klagenfurt Vienne Ohlsdorf Prague ou Ohlsdorf Klagenfurt Vienne Prague; tour du jardin pour aller admirer les séquoias (cinq ou six mètres de diamètre).
    J’ai mal au genou, une douleur de bleu au toucher, comme si j’avais reçu un coup de marteau sur la rotule. J’évite de plier la jambe, je descends les escaliers une marche à la fois, jambe gauche la première.

    Dîner, la salle à manger est comble et bruyante. Nous parlons d’Emily Dickinson (à propos de s’habiller en blanc). Qui connaît Emily Dickinson? J’évalue les personnes autour de nous:
    — Ici? Sept sur dix. Il y a même une chance pour qu’il y en ait un spécialiste.
    O. me regarde dubitatif. Je reprends:
    — J’appelle spécialiste quelqu’un qui l’a lue, connaît sa biographie, est capable d’expliquer ses influences, etc. Sinon, « connaître », c’est avoir lu un de ses poèmes ou rencontré quelques citations… et savoir qu’elle ne s’habillait qu’en blanc.
    — Hmm. Sept c’est beaucoup.
    — Oui, mais les gens qui sont là ne sont pas là par hasard. Ceux qui ne font pas le tour des hôtels historiques suisses sont là à cause de Rilke… Je ne dirais pas la même chose d’une salle UGC aux Halles.
    — Tu dirais combien pour une salle UGC?
    — Ça dépend. Pour quel film?
    Les gardiens de la galaxie.
    — Trois… peut-être cinq…
    — Trois sur dix?
    — Non, cinq pour toute la salle.
    O. rit.

    Le service est plutôt lent. Chaque fois que je finis par sortir mes cartes postales pour les rédiger, le plat suivant arrive. Trois fois : est-ce suffisant pour se convaincre du pouvoir des cartes postales sur la rapidité du service?

    Ce soir était la dernière étape planifiée du voyage. Désormais nous n’avons pour seule contrainte qu’être rentrés pour le 5 août ou si possible un ou deux jours avant.

    A pied dans la montagne

    (Le blog est en carafe. Je rédige les billets dans TextEdit en attendant de pouvoir les publier).

    Petit déjeuner sur la terrasse encore. Nous préparons soigneusement notre sac, nourriture et jeans contre la pluie, mon ciré rouge acheté l’année dernière au Mont-St-Michel dont il est prouvé qu’il a le pouvoir d’arrêter la pluie. (Conversation un matin: — Ce chat regarde la porte comme si cela avait le pouvoir de l’ouvrir. — Dans son expérience, ça a ce pouvoir : la porte finit toujours par s’ouvrir. (Silence.) — Aaah. Tu veux dire que c’est comme la danse de la pluie, il finit toujours par pleuvoir?)

    Nous avons tellement peur de rater le bus que nous sommes une demi heure en avance à l’arrêt (il faut dire que nous pensions prendre un bus jaune à neuf heures moins le quart, c’est un bus rouge à neuf heures, nous n’avions pas regardé les bons horaires). L’allemand du chauffeur n’est guère compréhensible. Nous héritons de trois tickets : deux tickets à quatre francs quatre-vingt et un à cinq. Qu’est-ce que ce troisième ticket? Un forfait pour les non-abandonnés? «Je n’ai pas compris ce qu’il disait. Un instant j’ai pensé que c’était une assurance», me dit O. qui est le traducteur officiel du voyage.
    Nous reprenons la route d’hier vers Ibergeregg. Je suppose que les gens du coin connaissent les horaires des bus et n’empruntent pas la route à ces heures-là. A trois ou quatre reprises, une barrière en travers de la route ne laisse la place que pour un véhicule et l’oblige à passer sur des rouleaux (nous supposons que le dispositifs est destiné à contenir les vaches). Même habitué le conducteur s’engage lentement, il y a juste la largeur pour son bus.

    Nous descendons à Ibergeregg. Nous suivons le chemin des crêtes ouvrant sur plusieurs vallées, chemin panoramique de Schwyz. Balisage jaune, chemin gravillonné gris. Les vaches montent réellement très haut dans les alpages, je ne pensais pas qu’elles avaient le pied aussi aventureux. Visiblement les sapins doivent protéger des insectes car elles s’enfoncent dessous au maximum.
    — Quand on y pense, c’est tout petit le cerveau d’une vache.
    — Hmm. Je ne sais pas s’il y a des cerveaux plus gros que celui de l’homme. De quelle taille est celui d’un éléphant?
    — Celui du dauphin est à peu près de la taille de celui de l’homme, à cause du sonar qui prend beaucoup de place.
    (Dans la série: « le geek est plein de savoirs inutiles. »)

    Longtemps nous avons en vue Brunnen au bord du lac, c’est magnifique. La vue plonge vers plusieurs vallées. Le chemin relie plusieurs stations téléphériques, nous sommes en haut du domaine skiable. Chapelle de Laucheren, ne payant pas de mine à l’extérieur, bois gris battu par la neige et la pluie, très jolie et très nette à l’intérieur. Il y a des messes chaque dimanche de l’été: qui y assiste? Je pensais que nous serions sur un chemin très fréquenté; nous sommes absolument seuls, tout est désert. Déjeuner sur la terrasse déserte de la station ou du mont Wildä Maa (1850 mètres, 1850 m.u.M, meter über Meer). Je dors dix minutes sur les planches. Crème solaire. Coups de soleil. Un peu d’hésitation ensuite: redescendre, comme il serait prudent puisque nous sommes peu entraînés, ou continuer jusqu’à Sternen?

    Nous continuons. Au pied de l’arrivée du téléphérique nous commençons la descente à travers champs. Le chemin si bien balisé jusqu’ici se fait davantage invisible dans les herbes. O. interprète les piquets rouges et blancs comme du balisage, moi comme le reste des pistes de ski — mais ce n’est pas incompatible. Nous sommes assaillis de mouches et de taons que nous tuons du plat de la main ou à coup de casquette (comme nous oublions vite que la vie avec le bétail, c’est la vie avec les mouches (enfin, oublier : encore faut-il l’avoir connu, ce qui est mon cas)).
    La descente est très raide, mon genou gauche encaisse mon poids à chaque pas, par moment il s’agit presque d’un escalier irrégulier dans la terre. J’ai très peur de glisser et de me faire une entorse — non pour la douleur, mais pour l’incapacité que cela représente ensuite.
    Nous rejoignons une route goudronnée, reprenons un champ, une autre route. La crête était déserte mais déjà très domestiquée, ici nous avons rejoint la civilisation, trois ou quatre immeubles laids en bas des piste comme horizon. Le goudron est dur sous les pieds, surtout il dégage une chaleur désagréable au corps et une lumière désagréable aux yeux. La fatigue commence à se faire sentir. Un couple fauche ou tond un champ, elle armée de la soufflerie dont on se sert contre les feuilles à l’automne, lui à contre jour plus haut sur la pente torse nu aérant le foin à l’aide d’une fourche en bois.

    J’attendais Seebli, on m’avait promis un étang. L’étang est là, vide. Des buldozers en curent le fond et ramassent une épaisse terre noire que des camions emmènent pour remblayer ou aplanir d’autres parties de terrain (nous n’avons pas compris à quel usage).
    Contrairement à ce que je pensais, le téléphérique fonctionne. Apparemment il transporte les personnes à la demande. Une blonde en descend — mais d’où vient-elle?
    Nous saluons un vieux paysan pipe au bec qui râcle les graviers de la route (de la piste, de la future route). Appuyé sur sa pelle il engage une conversation joviale, bousculant tous mes préjugés sur les autochtones que je supposais hostiles (vieux réflexe français anti-touriste? ou sentiment de notre ridicule (et vague embarras) à donner le spectacle de notre oisiveté passée à peiner volontairement alors qu’eux travaillent? Il a un accent terrible, nous évoquons la pluie promise, il nous assure qu’il ne pleuvra pas. «J’ai compris un mot sur trois» avoue O. plus loin, décontenancé.

    Monter de nouveau, terrain plat autour de la montagne parmi les sapins, puis descendre, descendre. Nous apercevons notre immeuble loin dans la vallée. Nous descendons en zig-zag un dénivellé de six cent mètres à flanc de prairie, c’est presque un escalier, en moins confortable. Il nous manque un bâton de marche.
    Heureusement que nous n’avons pas entrepris cette marche dans l’autre sens, d’Oberiberg vers Ibergeregg. J’y avais pensé, mais j’avais eu peur de ne pas marcher assez vite et de rater le dernier bus passant à Ibergeregg. Je n’avais pas voulu marcher sous la contrainte d’un horaire.
    Heureusement qu'il ne pleut pas.
    Nous sommes flappis, soulagés d'arriver, chacun inquiet pour l'autre.

    Je voudrais trouver un restaurant, manger une fondue. O. propose d’en acheter une toute prête (il en a vu hier en faisant les courses) et de la faire nous-mêmes.
    — Mais tu n’as pas de caquelon: il va falloir manger debout devant la cuisinière en tournant constamment le fromage!
    L’expérience l’amuse et ça m’amuse que ça l’amuse.
    — Ok, fait ton expérience. Je m’engage à ne pas râler et à t’aider à nettoyer si ça tourne à la cata (imaginant le fromage brûlé au fond de la casserole.)

    Il a fait cuire deux demi-baguettes pré-cuites et fait fondre deux sachets de fondues pour « deux à trois personnes », indication sur la boîte (ce n’était pas clair: un sachet pour deux à trois personnes, ou deux, c’est-à-dire le contenu de toute la boîte?) Cela a fait beaucoup de fondue. Nous avons tout mangé, debout devant la cuisinière vitro-céramique, en riant.
    J’ai peiné à récurer la casserole, elle a fini sur le balcon avec une fine couche de liquide vaisselle au fond. Pose pour la nuit.

    J’ai pris un doliprane contre les coups de soleil et l’inflammation de mon genou droit. Je boîte.
    Je me suis endormie brutalement.

    Transit

    Je reprends (ou tente de reprendre, le futur dira si c’est concluant) l’écriture des billets en voiture, car j’espérais me réveiller assez tôt pour bloguer et ce ne fut pas le cas. Or j’ai prévu de rattraper mon retard pendant les vacances — je prévois toujours de rattraper mon retard en vacances, comme si soudain le temps allait prendre une qualité enveloppante, élastique, et s’adapter mollement aux contours des actes, actions, activités rêvés ou réels et non s’égrener avec son impassibilité habituelle.)

    Départ 8h 50. Sortie de Dijon. Les voitures se pressent — dans l’autre sens : tout le monde n’est pas en vacances et c’est à la fois une surprise et une satisfaction (sadique).
    Des tracteurs, une moissonneuse, des camions. Nous remontons vers le nord, vers Montbéliard. Vézelay était un détour, la ligne droite nous aurait fait passer par Bâle. Il fait déjà chaud. Je lis un peu d’histoire suisse. La conclusion serait qu’il manque à l’Europe un Nicolas de Flüe, ermite qui au XVe siècle permit de réconcilier les villes et les campagnes suisses.

    Avant d’arriver à Noidans-lès-Vesoul, nous passons sur un pont qui surplombe la caravane du tour du France Nous reprenons la N19. Quatre voies. C’est sans intérêt, mais il faut atteindre la frontière, nous verrons après à reprendre des petites routes. O. fatigue, je prends le volant.

    Récit poursuivi le lendemain tôt. Le serveur du blog est inaccessible, je ne sais quand cela sera mis en ligne.

    La journée sera sous le signe des erreurs et des changements de décisions. La N19 évite Montbéliard et Belfort, tant pis, je ne montrerai pas le lion à O. C’est « l’Européenne » 27 (E27) et elle continue en Suisse, droit devant. Nous passons la douane sur un coup de tête (contre l’avis de Waze), achetons le macaron pour l’autoroute (quarante-deux francs suisses puisés dans le pot à confiture qui contient notre fortune dans cette monnaie: soixante francs en billets, un peu plus de quarante en pièces, dont la minuscule et trompeuse pièce d’un demi franc), nous garons pour évaluer le chemin à prendre. Rien à faire, Waze est catégorique, pour aller à Oberiberg, il faut sortir de Suisse et passer par la France. Aller à Vézelay constituait un détour, le chemin le plus droit passait par Mulhouse. O. me montre la carte, Oberiberg est à peine plus bas que Dijon, comme d’habitude je voyais la Suisse plus au sud, bien plus bas, et je pensais passer par Bern. Eh bien pas du tout, le chemin consiste à aller vers l’est à hauteur de Bâle puis à plonger ver le sud.

    Nous obtempérons, retour en France, routes de campagne, camions courts locaux ou polonais. Nous passons le Rhin à St Louis, postes frontières abandonnés, Allemagne, Suisse, Allemagne, tout le monde est à vélo et traverse sur les passages cloutés comme s’ils étaient seuls au monde, dans une exquise confiance dans l’attention des automobilistes.

    J’ai vu le nom de Rheinfelden dans le parcours proposé par Waze, je me souviens des chutes du Rhin, je propose à O. de manger au bord, heure d’arrivée prévu à 13h30. Ça ira, pas trop faim?
    Il fait trop chaud, nous recapotons. 31°. Rheinfelden, nous dépassons la ville, Waze nous emmène sur un chemin de terre, impasse, O. refuse de se garer ici et de marcher jusqu’au Rhin.
    C’est bizarre, cela ne ressemble pas à mon souvenir.
    Demi-tour, nous entrons en ville, je me gare à la diable devant des pavillons, tape « chutes du Rhin » sur mon téléphone. En fait les chutes du Rhin ne sont pas ici mais beaucoup plus loin, vers Schaffhausen, nous avons perdu du temps pour rien.
    Tant pis, mangeons, cela devient urgent.
    Sandwich au bord du Rhin (malgré tout!), supérette à la gare, Appfelschorle et Volvic. Il fait beaucoup trop chaud dans la voiture pour acheter quoi que ce soit d’autre. Le moral remonte.

    Nous décidons de suivre les conseils de Waze. La Suisse du nord est plutôt laide, commerciale et industrielle (non la Suisse ce n’est pas que des banques et des vaches). O. découvre l’une des spécialités suisses : la tonte des prairies comme si c’était de la pelouse, le pays entier est tondu, rasé, ce qui donne un air extrêmement net à tout1.) Le revêtement des autoroutes est gris, des éclats de mica brillent au soleil, c’est ce revêtement magique sur lequel ne tient pas la neige. Un béton enrichi au sodium, suppose O.
    Au loin les Alpes et les neiges éternelles.

    34°, 35°, vitres ouvertes à chaque ralentissement, fermées dès que nous accélérons — relativement. La conduite suisse est reposante, peu rapide, avec des distances de sécurité respectées.

    Direction Zürich que nous évitons. Je m’endors au volant, à vingt kilomètres de Zug nous quittons la route, montons un chemin de terre. Je gare la voiture à l’ombre d’un noyer (peut-être). Drap de bain au sol, je dors dix minutes. Quand nous repartons les Alpes semblent s’être beaucoup rapprochées — elles disparaîtront brutalement peu après pour laisser la place à un piton gris et proche.

    Il fait toujours aussi chaud mais ça va mieux. Carte en main (au diable Waze et son efficacité), O. nous fait longer le Zugersee (lac de Zug) puis le Lauerzersee. Schwyz, la ville qui a donné son nom à la Suisse. C’est magnifique. J’espérais qu’il ferait moins chaud près de l’eau, mais las. Nous baissons la capote, nous sommes toujours entre 32° et 34°, de kilomètre en kilomètre. Je prends de l’essence: non seulement ma carte bleue est acceptée (je n’en était pas très sûre, elle n’est pas internationale) mais l’appareil passe aussitôt en français. Cela a vraiment fait des progrès en six ans.

    Direction l’est. Route d’Ibergeregg. Montagne et sapins. Route étroite en à pic, avec de virages en virages des saillies pour permettre à une voiture de se serrer et autoriser les croisements. Nez nez avec un tracteur, je recule une trentaine de mètres vers le précédent encorbellement en aval pour le laisser passer. O. est heureux, c’est enfin la Suisse qu’il imaginait.

    Oberiberg. J’ai réservé deux nuits via booking, dans la semaine j’ai reçu un mail nous demandant à quelle heure nous arrivions car « je n’habite pas sur place, il me faut le temps de venir », me disait le propriétaire. Cela m’avait paru bizarre: ce ne serait pas un hôtel? Aurait-il autre chose que des hôtels sur booking?
    Bast, on verra bien. Cela nous laisse le temps d’acheter des victuailles pour demain à la supérette du coin. Toast, pâté en boîte, fruits secs, eau, bananes, abricots. Nous n’osons rien acheter de frais car nous ne savons pas si nous aurons un frigo.
    Nous étudions la carte d’état-major pour demain : j’ai prévu quinze kilomètres de marche demain, sur les crêtes. O. est sceptique, il a peur que nous nous épuisions — surtout moi. Et la météo annonce de l’orage. Nous allons à l’arrêt de bus, nous étudions les horaires : l’idée est d’aller en bus à Iberberegg et de revenir à pied. L’idée m’est venue en lisant ici « le trajet en bus est impressionnant » : à l’origine, j’avais songé à une journée de bateau sur les lacs. Mais l’appel du bus suisse est le plus fort.

    Nous nous perdons une fois, deux fois, en cherchant l’adresse de la chambre. Nous nous garons sur un parking devant un ensemble immobilier plutôt laid, ce que serait à la montagne les immeubles du front de mer à La Baule. Cela devrait être là, mais le nom de la rue ne correspond pas. Au bout de dix minutes d’étude (les numéros des immeubles, les affiches du camping proche) je m’apprête à téléphoner quand une très jolie jeune fille dans le genre blonde sportif nous aborde: elle est la fille du propriétaire.

    Deuxième étage. Ouverture de la porte. Appartement immense, trois chambres, deux salles de bain. Elle nous abandonne ici, après nous avoir fait réglé par CB (elle a l’appareil nécessaire qui m’envoie un compte rendu par mail) et fait remplir mon nom et mon adresse (mais sans demander de pièce d’identité), sans dépôt de caution, en nous disant de laisser les clés dans la boîte aux lettres quand nous partirons: what ? Elle n’a pas peur que nous volions les petites cuillères ou l’écran plat ?

    Il y a des cintres en quantité, une buanderie, des skis, des chaussettes de laine… Nous vidons la voiture. Phénomène étrange, l’intérieur des valises (des sacs de sport) est brûlant et humide, comme s’il sortait d’une étuve. Nous sortons les vêtements, nous les pendons pour les faire sécher. Le moral est remonté au zénith. Nous dînons (pique-niquons) sur la terrasse sans trop savoir ce que nous mangerons au petit déjeuner demain: des toasts et des bananes, nous rachèterons de la nourriture à Iberberegg.

    Depuis qu’O. a vu une carte en 3D des sentiers de randonnée dans l’ascenseur il est enthousiaste. Depuis qu’il est entré dans l’appartement il est enthousiaste. Il fait frais, j’ai presque froid. Nous étudions longuement la douche et la baignoire: le tableau de bord semble indiquer un sauna et une radio, plus quelques boutons incompris, jets d’eau en tous genres dans la douche. Comme il n’y a pas de thé je me fais une camomille (achetée à Vézelay : non, je n’ai pas emporté de la camomille de la maison! Mais c’est si difficile à trouver (de la romaine, pas de la matricaire) que je n’ai pas hésité en en voyant à Vézelay. Maintenant je regrette de ne pas avoir pris aussi du miel (du miel dans la voiture pendant trois mille kilomètres : j’ai préféré éviter)).
    Il y a du wifi mais j’ai besoin de dormir.

    Seize kilomètres sur les crêtes demain en espérant qu’il n’y ait pas d’orage. O. n’a pas de k-way et veut emmener l’un des parapluies de l’appartement : un parapluie sous l’orage en montagne? Je croyais les scouts plus avisés !

    Note
    1 : Astérix et Lucky Luke sont constamment utilisés dans nos conversations. Ici il s’agit d’une déformation d’une parole de l’Anglaise dans Astérix chez les Belges : « j’utilise de la bouillante eau, cela donne un exquis goût à tout ». Astérix en Helvétie est bien sûr mis fortement à contribution: « C’est comment l’Helvétie? — Plat.»

    Départ

    Changer les draps, les laver, les étendre, faire les valises, nettoyer la salle de bain, passer au pressing, passer à la poste. Départ. 9h30. Route barrée à un kilomètre de la maison: mauvais présage ?

    Waze pour atteindre Vézelay. Paramétrage « chemin le plus court », « sans route pavée ni chemin de terre » (nous avons eu des surprises en Normandie il y a un an), sans route à péage (parce que le plus court, c’est parfois l’autoroute, or c’est ce que nous voulons éviter).

    Il fait très beau, très chaud. Nous sommes partis presque trop tard, le soleil est difficile à supporter au zénith (réflexion de Gv concernant les décapotables (réflexion importante puisqu’elle m’a permis de convaincre H. à l’époque: « c’est en Angleterre qu’il y a des décapotables, pas à Dubai »).

    Déjeuner à Joigny sur les bords de l’Yonne. Très grand portrait de Simone Veil sur la façade de l'hôtel de ville. Vézelay. Nous gérons aussi mal la crème solaire que nos clés : Grenade, Sienne, Vézelay, nous aurons acheté de la crème solaire dans tous nos voyages, les ramenant à la maison, les oubliant la fois suivante, les jetant cinq ans plus tard. J'achète également du Synthol, le produit qui anesthésie les piqûres d'insectes.

    33, 5° dans la coccinelle garée à l’ombre, 35° en roulant décapotée. C’est supportable à cause du vent relatif. Nous avons l’impression qu’il fait plus doux qu’à midi, peut-être parce que le soleil est plus bas, ou parce que nous avons eu très chaud en montant à l’église de Vézelay.

    Direction Dijon. Epoisses, Pouligny, odeurs de fromagerie, fortes et fades. Blé et avoine mûrs. Vaches dans les prés. Tracteurs. Semur-en-Auxois paraît magnifique.

    Nous nous garons dans une rue du centre de Dijon; il y a un hôtel dans la rue même et des chambres libres dans l’hôtel (O. était inquiet). Nous allons dîner place de la halle (qui ne doit pas s’appeler ainsi). Les Dijonnaises sont élégantes, nos voisins allemands de gauche mangent tristement une pizza (et leurs enfants des frites), nos voisins de droite paraissent une rencontre Meetic et la conversation est pitoyable. Je donnerais cher pour ne rien entendre, la jeune femme vantarde et sur la défensive, le jeune homme en chemise boutonnée jusqu’au cou ne sachant plus comment reprendre pied.

    Nous avons amené nos cartes de Suisse et faisons quelques repérages.
    Hôtel. Coups de soleil sur le nez et sur les bras, crème après solaire. Je pensais bloguer, je m’endors très vite — après avoir, comme il se doit, enlevé l’alèse doublée de plastique et la couette pour n’en conserver que la housse. Demain nous devons faire notre plus longue étape, six heures de route pour quatre cents kilomètres.

    Dernier jour

    Conseil d'administration d'après AG extrêmement rapide, si rapide que j'ai le temps d'aller chez le coiffeur à midi.

    Je clôture tout ce qui urgent, les docs officiels à rendre à droite à gauche (déclaration FATCA en retard, dossier ACPR, questionnaire clientèle (qui ne s'appelle plus ainsi)).

    La bibliothèque de l'entreprise désherbe, les livres à donner sont exposés dans des armoires avant d'être envoyés au pilon. J'en ai mis de côté une bonne vingtaine (Anaïs Nin, Miller, Raymond Aron, NDiaye, Modiano (je suppose que ce sont des doubles), des biographies de musiciens dans la collection quasi carrée du Seuil…) Je ramènerai cela plus tard, après les vacances. J'ai honte de cette boulimie prétentieuse et cache les livres derrière la photocopieuse jusqu'à ce que ma collaboratrice soit partie avant de les ramener dans mon armoire.
    Ensuite je les cacherai quand je les ramènerai à la maison. C'est toujours le vieux réflexe de cacher ce à quoi je tiens, peut-être pour avoir subi trop de moqueries — ou très peu, mais que je supporte très mal.

    Pas grand chose

    Jusqu'ici il m'avait semblé que mon absence de trois semaines en avril ne faisait quasi aucune différence dans le travail effectué au bureau. C'était étonnant et vaguement mortifiant: comment, je serais donc si inutile?
    Aujourd'hui j'ai trouvé une mine, une mine de tableaux et compte rendus qui n'ont pas été faits au fur à mesure, des documents pour 2017 qui n'ont pas été créés après la clôture de 2016. Finalement, mon absence a des conséquences, ouf! (Je ris, mais je ne pensais pas avoir autant de retard sur quelques points précis. Moi qui espérais partir en vacances avec une situation à jour, c'est désormais compromis. Enfin, ça n'a pas grande importance, ce n'était qu'un engagement et un espoir vis-à-vis de moi-même).

    Vu par hasard le grand responsable du déménagement. Je lui ai exposé nos incertitudes dues à notre statut entre trois chaises: dépendant fonctionnellement de la RH groupe (apparaissant dans son organigramme), salariées d'une deuxième entreprise du groupe, devant déménager dans l'immeuble d'une troisième dans laquelle travaillent le trésorier et le président… Où irons-nous réellement?

    Il est possible que cette rencontre fortuite nous sauve la mise car ma hiérarchie administrative (celle qui verse les salaires) ne nous aime pas à cause de notre indépendance — mais aussi parce qu'elle est plus feignante qu'une couleuvre et qu'elle sait que je le vois et en ris; et je craignais qu'elle ne respecte pas ce qui a été mis en place par Hubert avant son départ, mais si le grand responsable nous soutient, il ne sera pas contesté (il y a quelque chose de militaire dans cette boîte).

    Le soir RER à Boussy-St-Antoine, courses rapides (de la bière et des galettes soufflées), concert de O. sur le thème des bandes originales des films d'animation. A part Shreck et Là-haut, j'en connaissais très peu.

    255/365 - retards imperceptibles

    Bus. J'ai eu le RER qui hier était supprimé, celui de 8h44.
    RAS le reste du voyage. Quelques minutes d'arrêt aux Halles, mais comme je suis assise, je m'en rends à peine compte. Je m'endors profondément pour trois stations.

    Ligne 1, RER A (j'abandonne celui où j'étais montée pour celui qui arrive en face, vide), RER D à 18h42 (voie 4: j'ai failli le louper car ce n'est pas le quai normal). Je descends à Boussy-St-Antoine à 19h12 comme prévu

    Serrer les dents

    J'ai beaucoup entendu : «le mal de dos, c'est psychosomatique. J'en ai plein le dos, ça veut dire ce que ça veut dire».

    Certes. Mais cela restait obscur. Autant je comprends une baisse des défenses immunitaires en cas de fatigue, de relâchement de la tension ou de l'attention (le célèbre rhume au début de chaque période de vacances), autant je ne voyais pas en quoi les soucis ou l'inquiétude pouvaient attaquer les muscles du dos.

    Séances de kiné, nous papotons:
    — Le soir, ça va, c'est le matin que tout est grippé. J'en suis venue à me dire qu'il ne fallait plus dormir.
    — C'est le stress. Vous serrez les dents dans votre sommeil. Ça transmet la tension à toute la chaîne.
    Il reprend : — Il est où, le bout de votre langue, au repos?
    — Euh… (je réfléchis. In petto, je me souviens que j'ai eu son nom via un kiné "méthode Mézière": il n'avait plus de place et m'avait donné le nom de celui-là. Ce qu'il fait me rappelle tant les livres de Thérèse Bertherat.) Sur le haut de mes dents du bas.
    — Normalement, la langue ne doit pas toucher les dents. Le bout doit reposer sur l'espace plat du palais devant les incisives du haut. Quand vous ramez, vérifiez comment sont vos dents ou votre langue. Il n'est pas nécessaire de les serrer, ça fatigue pour rien.

    Où est ma langue quand je rame? En voilà une étrange question. Aucune idée.
    Il me donne des exercices pour détendre les muscles des joues, masser le muscle à l'arrière des oreilles. Il parle d'ATM, je ne lui demande pas ce que c'est.
    Il me rassure sur mon dos (car j'ai mal depuis jeudi, depuis que j'ai ramé. Je n'ose pas le dire, j'ai peur de me faire gronder à la maison): il n'y a rien, "la posture du bassin n'est pas touchée".

    Je ressors désarçonnée. Cela voudrait-il dire que j'ai été profondément sous tension en mars? Ou depuis le début de l'année? Mais cela n'a pas de sens, je subis bien moins de stress que lorsque les enfants étaient petits, ou lorsque j'avais un entourage professionnel mortifère. Ou alors je suis devenue moins résistante du fait justement d'une vie plus douce; les départs d'Aurélie et d'Hubert m'affectent-il bien plus profondément que je ne veux l'admettre? Ou est-ce la perspective de refaire de la compétition après tout ce temps qui m'a terrorisée? (ça, c'est bien possible (smiley)).
    Bizarre, bizarre. Mais j'ai encore fait un cauchemar cette nuit, de ceux où l'on allume et lit un peu pour oublier.

    254/365 - suppression de trains

    Ce matin, le train de 8h44 est supprimé. Je prends le 8h58.

    Ce soir, je prends la ligne 1 pour gare de Lyon, dans la flemme du changement à la grande arche. J'arrive en haut des escaliers du quai du RER D à 18h11, le départ du Zico est annoncé pour 18h12. Je descends les marches vivement — mais sur le quai, pas de train, ni d'un côté ni de l'autre, le Malesherbes vient de partir.
    Un instant fugitif, le panneau clignote "départ imminent" le long du quai désert, puis s'efface: «ce train ne prend pas de voyageur» — mais il n'y a pas de train.
    Il arrive lentement quelques minutes plus tard. Les voitures sont surchauffées. Nous nous installons sans savoir à quelle heure il part. Je fais une erreur dans mon choix de siège: pour échapper au soleil, il faut se mettre dans le sens de la marche à babord, j'ai fait l'inverse et me suis retrouvée en plein soleil, noyée de sueur.

    Une illumination

    Je suis passée voir mes parents avant de partir un mois en vacances. J'y suis passée seule, les enfants étant éparpillés et H. ayant des obligations.

    Discussion de fin de repas, mon père a gagné des billets pour un tour en montgolfière ; il me dit qu'il avait voulu offrir à ma mère un tour en Mirage mais qu'elle avait refusé («de toute façon la voisine (médecin) a dit qu'elle ne me ferait pas de certificat médical ! »)
    — Ah mais moi ça m'intéresse, m'exclamé-je.
    — Ah bon ? fait-il étonné.

    Je raconte ma visite au stand de l'armée de l'air en juillet 84 après mon bac, leur proposition de me faire conduire des avions-cargo : « Des avions-cargos ? Pas question, je voulais être pilote de chasse. Aujourd'hui je regrette, je me dit qu'une fois dans la place, de fil en aiguille… Ça a tout de même beaucoup changé en trente ans.
    — C'est vrai, intervient ma mère. Le chef de la patrouille de France est une femme1. »

    Et soudain je me dis qu'il n'est pas trop tard : je peux encore apprendre à piloter.


    Note
    1 : rectificatif un tour sur Google plus tard : a été une femme, en 2009.

    Dernier TG

    Journée sur l'autorité dont l'autorité dans la liturgie l'après-midi (cela paraît abscons, c'était passionnant).

    Aperçus:
    Vous connaissez la blague sur Karl Barth et Jean XXIII? On demande à Jean XXIII qui est le plus grand théologien du XXe siècle. «Karl Barth», répond Jean XXIII. Et Barth, l'apprenant: «Je sens que je suis de plus en plus convaincu par le dogme de l'infaillibilité pontificale».

    «En France, on pense l'unité sous le mode de l'uniformité.»

    Boutade de Michel Serres: «il y a vingt ans, quand je voulais intéresser mes étudiants, je leur parlais de politique, quand je voulais les faire rire je leur parlais de religion; aujourd'hui quand je veux les intéresser je leur parle de religion et quand je veux les faire rire je leur parle de politique.»
    Cela rejoint mon expérience: j'ai découvert à ma grande surprise qu'avouer que l'on fait des études de théologie ne provoque pas hostilité ou moqueries, mais intérêt.

    Je suis en vacances, youpi !! Sans devoir en retard !!


    Le soir, spectacle de claquettes de l'école dont notre voisine est professeur.

    Rêve

    Cette nuit j'ai rêvé de Frédérique (pas revue depuis 2001 ou 2002) et de sa mère (d'où je déduis étrangement que son père est mort).
    Qu'ont ces disparus à revenir dans mes rêves ?

    Marie-Thérèse

    Je vais ramer le soir afin d'éviter la chaleur. Je ne rame plus assez et cela me fait tourner la tête quand je descends de bateau — mais si je rame davantage je crains pour mon dos. Je manque de confiance en ma guérison.

    Double avec une jeune Allemande qui doit être un crack de la finance. Elle vient d'Hambourg et n'a pas ramé depuis plusieurs années. Elle s'appelle Marie-Thérèse et son supérieur en France refuse de l'appeler par ce prénom. Trouve-t-il cela vieillot ou est-il anti-royaliste? Bateau agréable.

    H. rentre de deux ou trois jours de salon. Il a négocié son départ pour septembre et depuis qu'il sait qu'il part il prend la liberté de dire quelques vérités à certains. Ces récits sont très drôles et nous restons tard sur la terrasse, sans allumer pour éviter les insectes. Il fait encore très chaud.

    J'ai trouvé un tumblr intéressant sur la façon dont se glissent des allusions à la Grèce antique dans la culture populaire. C'est un tumblr américain, ce qui fait que du même coup, c'est une initiation à certaines références culturelles pas toujours compréhensibles hors US.

    A la façon de Mélenchon (vu sur twitter) : «A 32° degrés près, il gèlerait». (Phrase également drôle en Farenheit).
    Par ailleurs, ce député européen s'est insurgé devant le drapeau européen dans l'hémicycle. Nous dirons désormais "une mélenchonnerie".
    (Hier ou avant-hier, Mélenchon a promis d'expliquer le contrat de travail "au matheux" [Cédric Villani]. Tout le monde s'est insurgé devant la connotation méprisante, etc. Ce qui me fait rire, moi, c'est d'imaginer le temps nécessaire à Villani pour comprendre le contrat de travail. Mélenchon ne se rend pas compte.)

    250/365 - de justesse

    Matin.
    Bus qui arrive deux minutes trop tard à la gare, le RER vient de passer. Je prend le suivant, à 9h14 (à cette heure-ci il y en a déjà moins).
    Pour le reste, RAS.

    Soir.
    Vers 20h30, ligne 1 pont de Neuilly jusque gare de Lyon. Je suis très fatiguée, j'ai fait l'erreur de ne rien prévoir à boire ou manger.
    RER D sans problème. En arrivant à Yerres à 21h29, je constate que le suivant (arrivée à 21h59) est supprimé. Heureusement que je n'ai pas raté celui que j'ai pris.

    Macron et les start-ups (ou : les start-ups de Macron)

    Je copie une discussion qui a eu lieu sur Twitter. Elle a des embranchements, on s'y perd un peu, ne soyez pas surpris en cas de répétitions : j'ai repris des tweets pour la compréhension et les embranchements.


    Daarjeeling 22 juin
    Une idolâtrie naïve de la culture startup chez #Macron
    Une détestation maladive des entreprises chez #Melenchon
    Trouvons le #JusteMilieu..

    Alice 22 juin
    Cette histoire de start-up... je me suis tjrs demandé si c'était analogie stricte ou juste une réf au dynamisme, à l'esprit d'entreprendre.

    Daarjeeling
    sans doute un peu les deux : un vrai "culte" du jeune entrepreneur high-tech ET une allégorie de la société qui doit (se) bouger..

    Daarjeeling
    je n'ai rien contre ça, en fait, juste ne pas ni l'idéaliser ni en faire le seul modèle possible ou même souhaitable.

    frederic kavita 22 juin
    startup c'est plus un etat d'esprit. Le probleme c'est que quand on parle de startup on pense uber.

    Daarjeeling
    maintenant oui, alors que c'est une grossière simplification. Tous n'est pas rose chez les startup, mais pas si noir non plus..

    frederic kavita
    il ne faut pas confondre une startup une entreprise qui a croissance rapide avec la methodologie startup deux choses differrentes

    Alice
    Donc de quoi parle Macron ? Parce qu'on voit bien que certains préfèrent retenir le pire.

    frederic kavita
    startup nation en realité signifie une nation d'entrepreneur qui innove. ce terme startup nation est utilise dans d'autres pays comme israel

    Alice
    Perso ayant confiance en Macron j'ai juste traduit: audace et liberté par opposition aux mastodontes..

    Daarjeeling
    Comme souvent avec Macron on peut être également confiant ou méfiant sur la même déclaration. J'aime l'esprit, je me méfie des dérives.

    frederic kavita
    la philosophie de base de la philosophie #startup ça reste très social après l'excès du capitalisme a creer les effets pervers

    Daarjeeling
    totalement d'accord. La recherche de fonds (et les trouver..) entraine paradoxalement souvent ces concessions insupportables et perverses

    frederic kavita
    aujourdhui c'est juste des operations financière on espere se faire racheter a prix fort comme ça on se la coule douce après

    Alice
    Ms ne se font racheter ainsi que ceux qui ont du succès (captain train etc). Ce qui veut dire qu'on a bcp travaillé ET eu de la chance.

    frederic kavita
    c'est l'obsessions des gens alors que tu peux etre une startup est gagne ta vie normalement sans chercher devenir le nouvelle licorne

    =====================

    frederic kavita
    à la base la philosophie #startup est très social mais les fonds d'investissement ont malheureusement prit le pouvoir…

    Daarjeeling
    une culture startup est utile pour démarrer /innover /créer. Pas du tout à long terme. Un "developpement durable" d'entreprise est complexe

    Daarjeeling
    les raccourcis que tu prends en mode "startup" sont géniaux : transposés sur le long terme, c'est une catastrophe sociale et humaine

    frederic kavita
    tu reduis encore : entreprises mais ça va plus loin que ça. les startup existait alors qu'elle n'appliquait pas les methodologie startup

    Daarjeeling
    je ne crois pas. J'utilise le mot dans son acceptation actuelle, et c'est un domaine que je connais un peu..

    frederic kavita
    nation startup ne veut pas dire que toutes les entreprises deviennent uber, uber dans le millieu startup n'est pas même pas apprecié

    Daarjeeling
    on est d'accord. par contre, sous-payer salariés en échange bonus futurs, enthousiasme grisant mais horaires de fous.. c'est partout

    Daarjeeling
    d'où ma remarque : ce sont des raccourcis potentiellement parfaits, à condition qu'ils ne deviennent pas un mode de vie / fonctionnement

    frederic kavita
    il faut arrete de mettre le mot startup a tout va. aujourdhui le mot startup est dans son sens dernier une entreprise a croissance rapide

    Daarjeeling
    ce qui le résume à uniquement celles qui réussissent, notamment en croissance explosive. Très loin d'être le cas majoritaire.

    =======================

    Nouvelle conversation

    Daarjeeling
    Une idolâtrie naïve de la culture startup chez #Macron
    Une détestation maladive des entreprises chez #Melenchon
    Trouvons le #JusteMilieu..

    Alice
    Cette histoire de start-up... je me suis tjrs demandé si c'était analogie stricte ou juste une réf au dynamisme, à l'esprit d'entreprendre.

    Daarjeeling
    sans doute un peu les deux : un vrai "culte" du jeune entrepreneur high-tech ET une allégorie de la société qui doit (se) bouger..

    Daarjeeling
    je n'ai rien contre ça, en fait, juste ne pas ni l'idéaliser ni en faire le seul modèle possible ou même souhaitable.

    Daarjeeling
    tout le monde n'a pas envie / n'est pas fait pour être entrepreneur..

    Alice
    Oui, ms ceux qui n'ont pas envie de ça ne veulent pas que les autres en aient envie. Ils leur reprochent autant la réussite que l'échec.

    Daarjeeling
    C'est vrai. Il faut aider / encourager les startup/entrepreneurs (tout en les encadrant), sans en faire le seul modèle d'épanouissement.

    =======================

    Nouvelle conversation

    THEO LE CROQUANT @theo_jt 22 juin
    naive? je ne pense pas!mais il est certain, l'un vit avec son temps, l'autre est resté en 1789

    Daarjeeling
    je crois qu'il faut aider/encourager les startup et les entrepreneurs, mais aussi se rappeler ce qu'ils peuvent générer d'abus, de stress..
    Daarjeeling
    et au-delà de ça, tout le monde n'a pas vocation à créer une entreprise, tout n'est pas que recherche de profit, etc.

    ==================

    Nouvelle conversation
    FrancoisRegisPastol @EtreBienNOW 22 juin
    Ah non, je suis insoumis et je ne crois qu'à l'entreprise. #DEBUNKED

    FrancoisRegisPastol
    Et vous savez quoi, j ai le droit et on ne me pends pas. Je dois être tombé sur des modérés. #DEBUNKED
    Fin de la conversation

    ======================

    frederic kavita @frederickavita 22 juin
    l'esprit startup c'est pas juste une méthodologie pour monter des startups c'est bien au-delà de ça

    J.F.Covfefe @flodjX 22 juin
    Ne dit pas de mal de notre seigneur-dieu Macron, réincarnation de gauche du général de Gaulle, en plus intelligent et plus précoce.

    Jordhan PRAO @jordhan_prao 22 juin
    J'ignore la part de symbolique que Macron accorde au terme mais le peu d'expérience qu'il en a fait que l'usage qu'il en fait me dérange.

    HugoMe @HugoMe 22 juin
    Naïf Macron ? Allons donc.
    C'est un véhicule pour promouvoir le dynamisme et la confiance en soi.

    frederic kavita @frederickavita 22 juin
    #startup c'est un état d'esprit et une méthodologie pour résoudre des problématiques complexes

    Je continue

    Il continue de faire très chaud.

    Je continue à classer mes livres. J'ai fini Le troisième homme et commencé Une visite à Klagenfurt autour d'Ingeborg Bachmann. Une impulsion soudaine pendant mes classements m'a fait chercher s'il y avait une maison Musil en Allemagne: il y a un musée Robert Musil à Klagenfurt.
    Par ailleurs, j'apprends que Leo Perutz a travaillé dans la même compagnie d'assurance que Kafka («Comme le monde est petit», Proust).

    Je ne comprends rien à la façon d'utiliser le portail onegate de l'ACPR (un peu paniquant, j'ai six à sept semaines de retard dans la remise des documents).

    249/365 - erreur d'appréciation

    Matin : bus. RER de 9h14. RAS

    Retour : 17h 45. ligne 1 pour la grande arche puis RER A (normalement il est climatisé, mais je suppose que la différence avec l'extérieur doit être constante, ce qui fait que même moins chaud, il est encore très chaud).
    Un zico est sur le point de partir quand j'arrive sur le quai. Je me mets à la porte, attends la sonnerie pour monter au dernier moment car il y a un souffle d'air (chaud) sur le quai. "Départ imminent" clignote sur le panneau de longues minutes, deux, trois, cinq; sur un autre panneau il s'affiche soudain "départ retardé".
    (La chaleur oblige à rouler lentement, des trains sont supprimés, etc.)
    Un train arrive sur l'autre quai, direction Corbeil. Je fais le pari de le prendre pour attendre un zico ou un zaco à Villeneuve, à l'air libre, dehors.
    Erreur : sitôt que je suis assise, la sonnerie du Zico retentit et celui-ci s'ébranle. Tant pis.

    Rêve

    Cette nuit j'ai rêvé de mon parrain que je n'ai pas revu depuis 1995.

    Carte postale

    « Entre Moumin et Tom of Finland, mon cœur balance. »

    248/365 - chaleur

    Matin : en bus pour laisser la voiture à O. qui a réussi l'exploit de trouver un rendez-vous chez l'ophtalmo en moins de deux jours. (Pour ceux pour qui se serait utile : nous allons chez le docteur Marc-Vidal Sadoun rue de Rivoli depuis 1991 et les rendez-vous se prennent désormais sur Doctolib. Il est en train de prendre une retraite progressive et travaille avec une remplaçante.)

    Bus, train de 8h20. Aucun problème.

    Soir: je prends la ligne 1 vers 17h15 en direction de gare de Lyon. Chaleur implacable.
    RER à quai quand j'arrive. Il y a eu une alerte au colis piégé gare de Lyon et les trains ont pris du retard mais cela est sans conséquence pour moi puisqu'une rame est là — à cela près que je voyage debout. Par la chaleur qu'il fait ce n'est pas plus mal (ça évite de coller au siège).
    Bus pour le retour. Assise.

    Suites

    Kiné. ACPR (en retard). Marie-Francine (ce que j'appelle un film Peau d'Âne, depuis que j'ai entendu une analyse psy qui expliquait qu'il était très important que le prince ait vu Peau d'Âne sous son aspect de souillon). Attentat raté sur les Champs-Elysées. J'aide des touristes à prendre un vélib, ce qui m'empêche d'avoir le temps de boire un mojito (j'étais déjà presque en retard). Cours d'éthique, suite du traitement de la fin de vie, avec une part importante faite à la lecture et l'explication de la loi et de son évolution.

    Mojito après, seule, en terrasse au café du Métro devant la station St Sulpice fermée. Les conséquences sur le chiffre d'affaires doivent être catastrophiques. Je lis Le troisième homme, ce qui est une façon d'entreprendre mes lectures de vacances. Il me reste peu de temps avant de partir.

    247/365 - Attentat raté

    RER de 8h12, comme pendant l'année (c'est bien, c'est mieux que souvent). RAS le matin.

    17h05 : ligne 1 pour aller porte Maillot. J'entends que les trains ne s'arrêtent pas à Champs-Elysées Clémenceau et Concorde sur demande de la préfecture. Je suppose qu'il y a une visite de chef d'Etat ou une délégation de députés qui bloque tout, comme souvent.

    19h05 : ligne 1 jusqu'aux Halles. En fait il y a eu un attentat à la voiture piégée mais elle n'a pas explosé, juste brûlée.
    Je prends la 4 jusqu'à Odéon, puis un Vélib jusqu'à l'ICP.

    23h: métro à St Germain-des-prés puisque St Sulpice est fermé jusqu'en septembre. Ligne 14 à Chatelet.
    Je vois indiquer Melun 23h16 ligne M (grandes lignes), je me dis "tiens il y a eu un problème" car 23h16 n'est pas un horaire habituel, je monte au hall 1 pour m'apercevoir que c'est un Melun direct et redescends sur le quai du RER D: pour la première fois depuis plusieurs semaines le RER tard le soir se prend normalement sur le quai du D.
    Train de 23h32, normal. Je dors comateuse.

    Comme souvent, ce billet est publié en forçant l'heure avant minuit, mais je suis arrivée à la maison à minuit et quart.

    Législatives, fin

    Il fait très beau le matin. Je gratte la mousse à la paille de fer sur la cabane.
    J'ai essayé de joindre GC qui n'a pas répondu. Il s'est contenté plus tard de m'envoyer un mail en forme d'ultimatum. « Ce ne sont pas de bonnes manières. »
    J'ai rangé deux piles de livres.
    J'ai mis en favori Le Seigneur des Anneaux en jeu de rôle ou plus exactement le livre du Dungeon Master, le meneur de jeu, avec l'intention de lire l'ensemble. Je ne connais les jeux de rôle que par des amis et mes enfants, je n'ai jamais vu le film sur lequel s'appuie le montage photo, mais je connais très bien Le Seigneur des Anneaux, qui a sans doute joué dans mon enfance le rôle qu'a joué Harry Potter pour les générations actuelles (ou d'il y a dix ans, plutôt) — d'où sans doute ma facilité à entrer dans Harry Potter (attention, les deux n'ont rien à voir en termes de difficulté de lecture).

    Assesseur suppléante (je suis vexée!) ce qui fait que je ne passe que l'après-midi en bureau. Le président est une présidente, et c'est la plus gaie et la plus décontractée parmi ceux que j'ai connus jusqu'ici.

    Nicolas Dupont-Aignan est réélu. Les gens ont une très faible capacité à la colère, ils ont tout de même été traités «d'idiots utiles». (NDA avait confié au Parisien qu'il comptait sur les électeurs de Mélenchon pour être élu. No comment.)
    Daphné a perdu, 41-59 je crois. Je suis navrée pour elle.

    La victoire du camp Macron est moins importante que prévu, tant mieux. Mélenchon est toujours aussi fou, il me fait penser à un taureau furieux. L'abstention est très importante, les bulletins blancs aussi.

    MX-5 : un rêve réalisé

    H. rentre vers cinq heures de je ne sais où.
    — Ça te dirait d'aller essayer une MX-5?

    Il n'aime pas le garage de Brie, il veut aller à Juvisy, il est déjà tard, mais après avoir hésité le vendeur nous dit de passer.
    Nous emmenons O. car l'enjeu est toujours le même : tiendra-t-il dans le nouveau modèle?

    Oui il tient. H. est parti faire un tour avec la voiture (inutile pour moi : je suis convaincue de base). Et nous l'avons achetée, les mensualités de prêt remplaçant celles de la coccinelle que nous devons rendre en septembre (la coccinelle était en LOA: location avec option d'achat). Nous avons quitté le garage très tard, après huit heures. J'ai vu le moment où H. ne partirait plus, j'ai dû lui rappeler que le vendeur et le patron avaient peut-être envie de rentrer chez eux (le patron en train de se plaindre que maintenant qu'il n'avait plus d'enfant à la maison, sa femme avait pris un chien; et ils avaient le chat de leur fille en garde, impossible de prendre un roadster… Et de partager (mais pourqoi? je ne sais plus) ses histoires de concession, «une entreprise, c'est une unité qui vit ensemble, une communauté. Je me souviens…»)

    Nous sommes allés manger un couscous pour fêter ça. Nous aurons la voiture le 27 juin. C'est celle qui est en exposition, cinq cents kilomètres au compteur, donc vendue avec décote.

    Je me souviens de mes débuts à la GMF à Levallois-Perrret, en 1991. Nous laissions la Mazda 323 dans les sous-sols toute la semaine, ça nous faisait un parking gratuit. Je me souviens qu'un jour en reprenant la voiture pour le week-end j'avais croisé avenue de la Grande Armée une MX-5 de l'époque, celle qui ressemblait à un galet poli et je m'étais dit que c'était ça que je voulais.

    Maintenant il faut que je m'habitue car je n'assume pas tout à fait.

    Le petit prince

    Je pars trop tard du bureau en répondant trop longtemps à GC sur FB (avant de m'apercevoir que c'est inutile et décider de ne plus répondre à rien) et je rate l'oulipo. Pizza sans Maurice et Elisabeth, retenus par la pataphysique.
    Nous parlons entre autres du Petit Prince. Je le note car je suis surprise par la défense de ce conte par GEF. Pour moi cette une histoire niaise, trop insistante dans son désir d'être exemplaire.

    Apprendre le braille : fondation Valentin Hauÿ.

    GC continue ses délires. On dirait que la France va succomber demain, que nous sommes en grand danger, qu'une météorite va nous écraser. Son angoisse est palpable, c'est très étrange. Il a tant insisté pour que je lui réponde, mais bien sûr pour lui dire qu'il a raison, cela paraît si obsessionnel, que je lui ai proposé de l'appeler, en espérant que le "contact" des voix le ramènerait à la réalité. Le soir, j'envisage même d'aller le voir samedi à Tours, afin de faire le point. H. est déconcerté et hostile à l'idée, mais accepte le principe.



    Le 25 juillet 2018 j'ajoute ici en clair ce que j'avais noté hors ligne à l'époque (donc en juin 2017) :
    GC en est à émettre des ultimatums et des menaces (envoyés à moi: «prouve-moi que tu es de bonne foi sinon je…») et à insulter les gens (traiter d'ordure quelqu'un qui lui fait remarquer qu'il agit comme un troll). Il a tant insisté qu'un ami a supprimé à sa demande certains statuts sur FB. Cela ressemble tant à du JA: fatiguer les gens jusqu'à ce qu'ils se disent que ce n'est pas si grave de supprimer un billet ou un statut pour avoir la paix. Sauf qu'ils n'obtiennent pas la paix.
    Je refuse de supprimer quoi que ce soit. Je ne laisserai pas GC devenir JA. J'ai toujours pensé que l'entourage de JA ne lui avait pas assez résisté. Pas péda.

    25 juillet 2018 : Cela ne s'est pas amélioré. Aujourd'hui je l'ai bloqué sur twitter (en avril, je crois) puis sur FB peu de semaines après.

    Riens

    J'écris dans le jardin avec mon merle préféré.

    Pas grand chose à noter. J'ai décalé la réservation à Soglio, les horaires des TGV pour la Roche-sur-Yon, réservé pour Oberiberg. J'ai un vrai problème de concentration depuis le lumbago, j'oublie ce que je fais pendant que je le fais, je ne termine rien, il faut que j'écrive ce que je suis en train de faire pour que lorsque mon oeil tombe sur les lignes je me souvienne qu'il faut que je termine ce que j'ai noté.
    Cela laisse un sentiment intense de vulnérabilité.
    Perte de la mémoire immédiate ? Mais quel rapport avec le dos ?

    Passé au club d'aviron mais pas ramé car ma combi n'était pas dans mon casier.
    L'ACPR a réclamé les documents que je n'ai pas remis le 30 avril.
    Je suis confirmée comme assesseur titulaire dimanche prochain.

    Trouvé un blog intéressant en faisant une recherche sur la tour d'Hölderlin.

    Les amis anti-Macron continuent sur leur lancée obsessionnelle. Ce n'est même plus amusant.
    Je copie ici une remarque postée sur mon mur FB:
    J.C.: Ça me fait penser que je ne "connais" que des vieux qui soutiennent Macron.
    Tout à fait. De même que je ne connais que des anti-Macron "littéraires" (vive les étiquettes!) (proposition non réversible: tous les littéraires ne sont pas anti-Macron).

    Je suis curieuse de voir ce que sera cette jeune femme dans vingt-cinq ans (elle aura alors mon âge actuel). C'est d'ailleurs pour cela que je copie cela ici. Pour confronter les réalités dans vingt-cinq ans, si je vis encore, si je blogue encore, si Macron n'est pas devenu Napoléon IV et que nous ne vivons pas sous Rodolphe Ier («à quoi ça sert, de bloguer?»)
    Parce que bien entendu, s'il est devenu Napoléon IV, lui ou sa descendance (génétique ou adoptive (après tout, hein, si Eugène avait hérité de Napoléon…)) aura annihilé toute liberté d'expression et donc je ne pourrai plus bloguer.
    Juin 2042. Ça paraît inatteignable. Qu'est-ce que le temps ?

    Quand il fera nuit j'irai continuer devant Hunger Game III. Il paraît que c'est nul. Ce n'est pas grave, c'est simplement pour avoir un bruit de fond tandis que j'essaie de terminer le récit des jours en Toscane.

    242/365 - quelques minutes de retard dans la chaleur

    Matin : RAS. RER de 8h29, c'est mieux qu'hier.
    RER A retenu à quai quelques instants, des brouilles insignifiantes.

    Soir. ligne 1 jusqu'à grand arche, RER A.
    Beaucoup de monde sur le quai du RER D, les trains sont retardés du fait de colis suspects. Le Zico attend à quai, il a l'air plein (personnes debout dans les couloirs).
    Je monte de justesse quand la sonnerie retentit (je n'aurai attendu que cinq minutes); je découvre qu'en réalité il y a beaucoup de places assises à l'étage. Je m'assieds à côté d'un géant ce qui est un mauvais choix: il déborde de son siège. Je lis le Canard par-dessus son épaule. Il fait très chaud.
    Train retenu quelques minutes à quai à Montgeron du fait d'un signal d'alarme tiré dans le train précédent en gare à Yerres.

    Rodin et Vienne

    Ayant décidé de ne plus revenir aux "dîners littéraires", j'avais dans le même mouvement voulu faire un effort pour la dernière fois et m'inscrire à l'une des sorties parfois organisées (visite du Sénat, du Conseil d'Etat, etc).
    Cette fois-ci il s'agissait d'une visite des jardins du musée Rodin. Suis-je mal tombée ou est-ce toujours ainsi, ce fut piteux. Je suis arrivée en retard, Marie-Paule était seule avec deux "nouveaux"; plus tôt un participant s'était montré agressif et s'était séparé du groupe. Nous avons déambulé sans but et sans explication dans le jardin (Marie-Paule très déçue qui attendait je ne sais quelle rénovation) jusqu'à la fermeture et nous sommes allés boire un verre au café le plus proche.

    Une participante nous a rejoints. La conversation a dévié, nous avons appris qu'elle avait vécu vingt-cinq ans à Vienne. J'ai sorti mon carnet et je lui ai demandé si elle avait des endroits à me recommander qui permettent de voir également la Vienne actuelle et les Viennois, et non uniquement l'histoire et l'art.

    J'ai couvert deux à trois pages d'indications orthographiées à l'oreille, en comptant sur google pour corriger. Vienne est entourée de forêts et de vignes, de "bains" dans des lacs issus de bras morts du Danube. Les monastères de la campagne possèdent des auberges dans Vienne. Au printemps les abricotiers parfument la région (des abricotiers en Autriche?)
    Le Lainzer Tiergarden, refuge des Lipizzans en été.
    Steinhof, l'hôpital des fous, mais aussi, je le trouve sur internet, le lieu de l'extermination d'enfants sous la domination nazie.
    La Wachau en allant vers Melk (louer une bicyclette et suivre le Danube jusqu'aux abords de la Wachau).
    L'abbaye de Klosterneuburg et son trésor au nord de Vienne.
    Heldenberg, la montagne des héros, (Radetzky y est enterré) à 53 km au nord ouest de Vienne.
    L'Eglise de Wotruba, en béton.
    La pâtisserie Sluka.
    Les toilettes sur le Graben.
    Le cimetière des inconnus où sont enterrés les corps repêchés dans le Danube. Sur wikipedia, l'article n'est traduit qu'en turc…
    L'abbaye de Heiligenkreuz possède le quartier (les cours intérieures? l'ensemble immobilier? comment traduire?) de Heiligenkreuzerhof à côté de la cathédrale St Etienne.
    La visite des égoûts sur les traces du 3e homme (le film passe à Vienne depuis sa sortie).
    Sirbu, une guinguette dans les vignobles.
    (guinguette ou bar à vin: heuriger : heuer, de l'année. L'empereur Joseph avait autorisé les vignerons à vendre leur production de l'année).
    Prendre le tram pour Stammersdorf et ses guinguettes.

    Il faudra choisir dans tout cela.

    Et puis d'autres notes sur Rome et même sur Paris.
    Puis le jardin Catherine Labouré, derrière l'hôpital Laënnec (l'ancien hôpital Laënnec) puis le restaurant, les conversations…

    241/365 - toujours compliqué le soir

    Bus le matin vers 8h10. RER normal.

    Ligne 1 à 16h20. Concorde, je prends la 12, Assemblée nationale. C'est une erreur, j'aurais dû prendre la 13. Je prends un vélib pour rejoindre le musée Rodin.

    A pied jusqu'à la rue Dupin.

    Ligne 12 à Sèvres-Babylone. J'ai raté la rame précédente de très peu à cause d'une hésitation, je ne voulais pas prendre la même direction que mon voisin de table, par flemme de la conversation, des relations sociales.
    Ligne 14 à Madeleine, RER D sur les grandes lignes gare de Lyon comme hier. J'ai raté le 23h37 de trois minutes. Je prends le minuit sept.

    En arrivant dans le jardin, je réveille involontairement le voisin en parlant trop fort. J'étais en train de raconter comment j'avais tenu tête toute la journée à une avocate, @MarieFernet, sur twitter.
    Moralité elle m'a bloquée (je lui avais souhaité de beaux rêves). Lol. J'ai connu des avocats plus résistants. (Une formation avec RP puis JA: mais qu'est-ce qu'ils imaginent, ces gens?)

    Retours

    RER bien trop tard parce que j'ai pris un agréable petit déjeuner dans le jardin.
    Je dépile paresseusement des mails toute la journée.
    Kiné. Assise sur un gros ballon, mouvement du bassin. Je suis nulle.
    — Le problème c'est plutôt mon cerveau.
    Il rit : — C'est souvent le cas.

    Dans le cadre du futur déménagement nous sommes invités à jeter tous les documents inutiles: les documents qu'ils faut conserver doivent être envoyés dans un local d'archives à T***, les autres doivent être jetés. Dans les nouveaux locaux en open-space, il nous restera chacun une "crédence", une armoire d'un mètre de hauteur sur un mètre vingt de large, de quoi conserver trois rangs de dossiers suspendus. L'opération d'allègement est appelée "happy cleaning". Une amie a découvert que cela signifiait douche vaginale dans le langage de la rue. Je n'ai pas osé le répéter, je suis déjà identifiée comme forte tête… Peu à peu je ressens un malaise devant les bennes à papier en découvrant ce qui est jeté. Il me semble voir la colère des salariés qui jettent dans un mouvement d'après-moi-le-déluge, après tout, si-c-est-ce-que-vous-voulez.
    Il aurait sans doute fallu prévoir un lieu où déposer les documents "précieux", anciens, vénérables, la mémoire de l'entreprise. Il aurait sans doute fallu prévoir une pièce pour constitué un musée, vingt mètre carrés, quelques documents à mettre sous verre ou sous vitrine.

    Arrivée un peu en retard en cours. Diagnostic prénatal (pour éviter de transmettre des maladies génétiques, avec le risque d'un tri eugénique qui rendrait la population homogène génétiquement et donc vulnérable à une épidémie); banques de cordons ombilicaux; euthanasie ou suicide assisté, soins palliatifs: vaste panorama, questions sans réponses.
    L'Art de mourir, défense et technique du suicide secondé date de 1919 (pour les gueules cassées, je suppose) suivi en 1923 par Euthanasie - das Recht des Arztes zur Tötung de Fritz Pelckmann dans une toute autre visée. Cet ouvrages va mettre un coup d'arrêt aux velléités de suicide assisté en France.

    Document pour s'inscrire en septième année. Nous aurons de nouveau de l'exégèse qui est ma matière préférée.
    En huitième année il y aura un mémoire dont le plus difficile est sans doute de trouver le sujet. Je songe à quelque chose sur l'œcuménisme.

    240/235 - Saint-Sulpice est fermé pour travaux

    Je pars tard le matin. Pas de point de repère.

    vers 18h ligne 1 puis 12 pour aller à la station Rennes. Le soir, je me heurte à une station St Sulpice fermée (jusqu'en septembre). Si je l'avais su j'aurais pris le métro à St-Placide…
    Je marche jusqu'à St-Germain-des-prés. Aux Halles, je ne vois pas de RER pour Melun affiché : je vais prendre la A jusque gare de Lyon.
    Un RER de supprimé. Le suivant part des grandes lignes.
    L'attente est moins pénible que l'hiver car il ne fait pas froid.

    Premier tour des législatives

    Daphné est en ballotage favorable, Dupont-Aignan en ballotage défavorable.
    Abstention record, surtout des votants des extrêmes, Mélenchon et Le Pen. Le "barrage" à Macron, ce ne sera pas pour cette fois-ci. (C'est une impression désagréable, cette majorité si favorable qui se dessine. (Jamais contente.))
    Blogué, gratté la cabane dans la perspective d'un lasurage. Passé du temps à retrouver une citation dans Tristes Tropiques. Je lis le début comme je lis le début de La recherche: impression de lire une histoire personnelle.

    A. a très mal géré ses quatre ans d'études et se retrouve avec cinq rapports de stage à rédiger en un an.

    Jeudi : dans la cuisine

    Au soleil qui n'a pas atteint l'angle du muret, je sais qu'il n'est pas encore sept heures. Il fait très frais et je ne tente pas de sortir, je n'ai pas emmené de pantalon.
    Cette fois-ci FB est coupé. Hier matin j'ai perdu les précieuses minutes dont je disposais à tourner sur FB ce qui fait que je n'ai rien écrit ici — et rien ou presque depuis le début du voyage, puisque je n'écris pas non plus dans la voiture (elle est trop petite — et à quoi bon venir en Toscane si ce n'est pas pour regarder le paysage?) et que le soir FB me distrait de nouveau: prendre ou donner des nouvelles, dilemme (enfin, donner… plutôt conserver la trace des jours).

    Je viens malgré tout de perdre du temps à lire l'article trouvé hier par H. comparant Fiat 124 et Mazda Mx5. Dans les défauts sont notés, le coffre minuscule, «un habitacle étroit avec pas assez de rangements sous la main et des remous d’air prononcés dès 100 km/h […] mais les râleurs n’ont qu’à aller rouler en Mégane CC d’occasion», ce qui est tout à fait ce que je pense (enfin, pas concernant la Mégane que je ne connais pas). Je ne roule pas en spider pour la performance sportive mais quasi pour l'inverse: pour prendre les routes les plus petites possible, prendre mon temps (le vrai luxe) et faire du 60 kmh de moyenne, ce qui est de toute façon le cas dès qu'on quitte les autoroutes: «on recherche ici un plaisir de conduite oublié par la modernité : faire corps avec la voiture, vivre avec le bruit et les vibrations, goûter à la joie d’une prise directe avec la route et les éléments.» Voilà, voilà: personne ne comprend moins que moi l'intérêt de rouler en 4x4 ou en Espace et la taille et la hauteur des voitures qui augmentent constamment ces dernières années me désarçonnent. (Mais pourquoi? (cette augmentation?) Quelqu'un m'a un jour répondu que cela permettait de ranger les poussettes, elles aussi de plus en plus massives, sans les plier. Euh… Porsche a inventé la Cayenne pour ranger une poussette?)

    Tout ça pour dire qu'une fois rentrés nous irons essayer la dernière Mazda (et non la première génération, celle pour laquelle j'ai craqué quand elle est sortie en 1990, mais dans laquelle O. ou H. ne tiennent pas, en hauteur ou en largeur).

    Revenons à nos moutons. J'ai une heure et quart environ pour compléter les jours précédents. C'est peu.

    Mercredi : Sienne

    Après une chasse au moustique tard dans la nuit, H. a dormi longtemps (j'ai zoné sur FB) et nous sommes partis bien trop tard ce matin. Il y a du vent et il fait frais (relativement: sans doute vingt degrés). Nous retournons à Sienne pour visiter la cathédrale et les salles de Santa Maria. J'aimerais également voir la forteresse des Médicis, un peu excentrée, ce qui est surtout un prétexte pour traverser la ville et me promener dans les quartiers où vivent les Siennois. (Qu'est-ce que vivre à Sienne? C'est plus difficile à cerner que vivre à Venise où l'on ressort fortement la contrainte de l'eau, des ponts, des rues étroites, de l'absence de voitures c'est-à-dire l'obligation de transborder à bras les charges lourdes à partir des bateaux).

    Billets pour la cathédrale (Duomo). Instruite par ma visite de Coutances, j'insiste pour que nous prenions un billet pour "la porte du ciel" (Il porto del cielo), une visite qui fait monter au niveau de la coupole. Sans doute pour des raisons de sécurité (évacuation en cas d'incendie, c'est ce que j'ai appris à Coutances), le nombre de visiteurs par visite est limité et nous avons rendez-vous à 13h30. En attendant nous commençons à visiter la cathédrale elle-même.

    C'est une claque. Je ne sais pas ce qu'il en est lorsqu'on est prévenu, mais lorsqu'on ne l'est pas, c'est une véritable claque. Je récapitule ce que je connais de l'Italie, Venise, Saint Pierre de Rome, Florence, Pise: jamais rien vu de pareil, à la fois aussi intensément chargé et aussi beau, entre pavement au sol, peintures aux murs, décoration du plafond.

    Nous avons une demi-heure devant nous, nous commençons par les pavements. Je suis très impressionnée d'y découvrir tant de sibylles et Socrate et Hermès, autant de motifs de la Grèce antique que je n'attends jamais dans une église. J'apprendrais en lisant plus tard qu'on appelle graffiti la technique qui consiste à creuser des sillons dans le marbre pour les remplir de bitume ou de stuc. Une partie des pavements, vers le chœur, est protégée par de la moquette: ils sont découverts en septembre ou octobre (admirable gestion de l'espace et des richesses, recherche de l'équilibre entre partage et protection).

    Nous montons au niveau de la coupole. Vue, vues, intérieur, extérieur. Nous passons au ras de la rosace et des arcs. «Les mots me faillent», mais je souhaite également ne pas trop en dire (même si une simple recherche internet déflore le sujet: c'est dommage, ne le faites pas).
    Visite de la cathédrale elle-même. Les yeux ne savent plus où se poser. La chaire est en travaux. Les stalles sont trop loin pour qu'on puisse en détailler la marqueterie (je détaille le négatif, c'est plus simple).
    Magnifique bibliothèque Piccolomini. Soudain il me paraît possible, entre les panneaux de Bartolo à Santa Maria della Scala et cette bibliothèque, d'atteindre ou de dépasser les chambres de Raphaël au Vatican. Nous sommes nombreux mais de façon tout à fait supportable. Ne pas se laisser impressionner par les peintures, penser à regarder les manuscrits: avec quelle fréquence les pages sont-elles tournées?
    Choix de cartes postales. Je résiste au livre intégralement consacré au pavement: non, je ne deviendrai pas une spécialiste des pavements de la cathédrale de Sienne, inutile de prendre ce livre, puis d'autres, puis d'apprendre l'italien, puis…

    Repas dans une gargote (il murello, 48 via San Pietro: dessins d'enfants (de passage) au mur, très beau Pokémon américain, un paysage toscan avec deux collines, un soleil, une tour, un cerisier) avec un très bon chianti (trop de chianti: le verre servi doit faire 250ml) qui malheureusement n'est pas vendu en bouteille (tonneau: vin de la propriété); je prends des tripes, à la fin la serveuse propose "dulce?" et affiche un large sourire quand nous répondons "cheese" (pas le réflexe de "fromaggi", je ne suis pas sûre de la prononciation des deux gg). Il est trois heures, nous sommes seuls dans le minuscule restaurant, H. qui a conduit la Fiat ce matin fait des recherches sur internet (garder ou pas la coccinelle: nous arrivons au bout des trois ans prévus par le leasing, il faut prendre une décision pour septembre). Devant le bistrot se trouve un distributeur de billet, un homme vêtu d'un gilet pare-balles entre avec deux caisses rectangulaires de 20x10x40 cm; il papote. Il a un collègue, ils viennent recharger le distributeur, peinards; H. commence à imaginer un plan, prendre les deux caisses et partir en courant. Nous tentons d'évaluer la quantité de billets. Coupures de vingt euros, c'est écrit dessus.
    — Ils ont un revolver.
    — Mais tireraient-ils?
    — Hmm, ça dépend s'il y a des touristes. S'il y en a, non.
    — Je ne pense pas qu'ils aient le droit de tirer.
    Je sors nonchalament mon verre de chianti à la main, reviens.
    — Je n'ai pas vu de camion. Il y a de quoi garer une voiture. Tu sautes dans la Fiat et tu démarres… Voiture de location.
    — Le problème, c'est d'ouvrir les caisses.
    — Acide? Eau de mer?
    — Hum. Je crois qu'il y a un délai. Et ça explose. Ça tache les billets avec de l'encre.
    Je me garde de lui dire qu'il regarde trop de films américains. Après tout, il a peut-être raison.

    Nous prenons une glace à deux pas. «La meilleure gelateria de Sienne» (la vecchia latteria, 10 rue San Pietro). Avec H., c'est toujours le meilleur pour tout. Il cherche sur yelp ou tripadvisor. Là encore, je ne lui fais pas part de mes doutes: la meilleure de celles répertoriées, sur le chemin des touristes, par les touristes. En tout cas, ma miel-noix est excellente.

    Crypte. Couleurs impressionnantes de fresques découvertes en 1999, en déblayant des gravas. Encore des trésors de Norcia (le tremblement de terre). La "vraie" crypte est sans doute sous le chœur, mais il est impossible de creuser sans déséquilibrer l'édifice. Ici, dans la crypte, les piliers ont été remplacés par de l'acier qui soutiennent un plancher composé de carrés de quarante centimètre de côté montés sur vérins qui doivent s'ajuster centimètre carré par centimètre carré au poids de la cathédrale. (Hypothèse: les piliers d'acier compensent les gravats déblayés.)

    Baptistère. Encore une fois sans voix. Il fallait une salle pour soutenir la cathédrale au-dessus, un peu sur le principe du Mont St-Michel. Un ange manquant est à Berlin. A la place de Sienne je le réclamerais. (Note par association d'idée mais sans rapport: beaucoup d'Allemands parmi les visiteurs et des guides parlant un très bon allemand même si la plupart se contente de l'italien et de l'anglais).

    Il faudrait prévoir une semaine de visite au rythme d'une à deux heures par jour (pas plus, pour garder sa fraîcheur de regard et d'analyse): une journée pour les pavements, une pour les tableaux, une pour la bibliothèque Piccolomini, une pour le baptistère et la crypte.

    Nous ressortons pour "finir" le musée Santa Maria della Scala. Nous n'aurons pas le temps de visiter le musée de la cathédrale, il aurait fallu se lever plus tôt. Tant pis, de toute façon nous ne retenons pas les noms des peintres et finissons par confondre tous les retables et prédelles.
    Musée Santa Maria, retour à Domenico de Bartolo, mon coup de cœur, puis sous-sol.
    — Premier ou second?
    — Commençons par le premier, le plus profond.

    Je ne sais plus exactement ce qui s'est passé, nous avons perdu la notion du temps, dans tous les sens du terme. Reliquaires et statues, inutile de chercher le Saint Graal le sang du Christ est ici, arcs en plein cintre en briques, rue principale qui monte loin dans les profondeurs qui à l'origine était à découvert (les bâtiments se sont construits autour et au-dessus), système de canalisation, ossements de la fosse commune médiévale, il fait froid, il fait sombre, il n'y a personne, parfois nous débouchons à la lumière du jour puisque nous sommes au creux d'une colline. Musée archéologique, VIIIe siècle avant JC (Homère, donc), jusqu'au IIe siècle avant JC, le sol monte, tourne, le chemin revient sur ses pas, il fait très froid, labyrinthe, outils, urnes funéraires, tombeaux (explosion de la place prise par les morts avec le christianisme), amphores ventrues hautes comme des hommes (c'est dans une de ces amphores que vivait Diogène), nous sortons sonnés, étourdis de froid et de surprise: vraiment, il y avait tout cela sous nos pieds?

    Nous remontons, encore la chapelle de Catherine "de la nuit", puis les salles consacrées à la fontaine de la place (fontaine Jacopo della Quercia), avec l'exposition très intéressante de la reconstitution des statues à partir de celles qui étaient en place jusqu'en 1869, parfois littéralement fondues sous l'effet du temps. La reconstitution tient parfois de l'imagination, mais c'est un beau travail.

    Il est 18h30, le musée est en train de fermer. Beaucoup de magasins ferment aussi. Nous faisons quelques courses dont une sorte de taboulé au pain, la panzanella.
    Puis un capuccino sur la place dans le soleil qui tombe en illuminant le palazzo pubblico. Nous n'irons pas à la forteresse Médicis.

    Achats du jour: un paires de bretelles, une cravate, deux ceintures, (la vendeuse a reconnu le foulard rose vendu trois jours plutôt: je me demande combien de ventes elle réalise auprès des gens de passage) deux pulls fins col en V, trois polos. («Il faut qu'on arrête d'acheter, nous n'aurons plus de place dans la valise»). Un livre L'art à Sienne («Tu sais bien que tu ne le liras jamais»), un "guidorama" Cathédrale de Sienne (C'est un dépliant sur huit pages plastifiés très pratique. Je recommande fortement).

    Lundi : atteindre la mer

    Le ciel est voilé, il y a beaucoup de papillons dans la lavande et un insecte avec une trompe qui ressemble à un colibri (après recherche: un papillon, le moro-sphinx). Les lézards contre les pins sont parfois bicolores, hésitant entre le vert de l’herbe et le brun des écorces. En contrebas du jardin en terrasse se trouvent des poules à qui je lance tous les déchets organiques.

    —————————————

    Le but était d’atteindre de la mer. Cecina semblait la ville la plus proche et un site (température de l'eau partout dans le monde: magique internet) annonçait une température de l'eau acceptable. Nous sommes donc partis avec un maillot de bain et de la crème solaire — et les serviettes du gîte.

    Nous avons réglé Waze sur "le plus court" selon une habitude bien établie chaque fois que nous avons l'intention de nous amuser en prenant notre temps et découvrir des lieux oubliés des grands axes1 et nous nous retrouvons sur de véritables routes de montagne à épingles à cheveux. Nous arrivons à Volterra, un beau palazzo à notre droite, et si nous nous arrêtions?

    C'est ainsi que nous avons failli ne jamais arriver à la mer.
    Remparts, jardin public, ruines étrusques (peu à voir quand on ne sait pas construire des demeures en 3D à partir de quelques pierres), vue spectaculaire sur la campagne et les collines. Billet tout inclus, nous entrons donc dans le musée étrusque Guarnacci, ce qui ne nous serait pas venu à l'idée sans cela. Des urnes et des urnes, des centaines d'urnes funéraires sculptées, les premières rondes, en forme d'amphores, puis des caisses rectangulaires.
    Les sculptures me laissent songeuses, quelle époque, quelle influence, certaines paraissent primitives, d'autres très grecques, les Grecs — ou les Phéniciens? — ont colonisé les côtes, à quelle époque, je suis perdue. Tant pis. Il faut se faire une raison, je ne suis pas et ne serai pas une spécialiste de l'art étrusque, il faut renoncer à comprendre, pas assez de temps.
    Mosaïques, outils, bijoux.
    C'est très impressionnant, par la finesse, par la quantité, par le travail de reconstitution des archéologues.

    Déjeuner presque en face du musée dans une cave à vin, découverte des tripes à la Toscane (appelées aussi tripes à la Florentine). Remontées dans la ville, deux spécialités, le sel de terre (mais nous n'en trouverons pas) et les truffes. J'achète du miel, du sel, de la confiture de poires aux truffes («Nos poires», nous apprend avec fierté la jeune vendeuse. Et leurs chiens, en photo sur le mur: des épagneuls noirs.) Dans le magasin, nous succédons à des Français et précédons des Français.

    Dans les rues, un ruban rouge est attaché à la plupart des portes. Mes amis FB à qui je pose la question m'apprennent qu'il s'agit d'une œuvre d'art. Je copie le résumé traduit de Robert: «En hiver, un mur datant de la période médiévale s'est écroulé, laissant un trou béant. Le ruban rouge symbolise " la blessure ", la trace de la douleur incise dans le corps de la cité, suite à l'éboulement. Un groupe d'artistes, Archivio Zeta, a réuni d'un ruban rouge de plusieurs km les lieux emblématiques de la ville pour finir par se précipiter dans la "blessure" (ferita )…»

    Visite du palais des prieurs, assez vite. Après Sienne tout paraît un peu fade. Nous montons au sommet de la tour sur un malentendu (nous ne savions pas que cet escalier menait là). Nous sommes seuls, nous étions seuls dans le palais, nous sommes heureusement seuls dans les escaliers très étroits («Ne pas toucher le mur»: de peur qu'il ne s'effrite?), il y a beaucoup de vent en haut de la tour dont il me semble avoir lu que c'était la plus haute de Toscane (172 mètres de tour en haut d'une colline de 531 mètres).

    Il est tard, nous ne verrons pas la pinacothèque, nous sommes fatigués et nous n'arrivons jamais à la mer à temps.

    Cecina plage. Nous rachetons des draps de plage (comme à la Rochelle: la prochaine fois il faudra en emmener un! (et si nous sommes en gîte, du sel, du poivre, un rouleau de sopalin, de l'huile, du vinaigre, un torchon, un paquet de pâtes pour le premier soir)) et des tongs pour H.
    Il n'y a pas beaucoup de monde qui se baigne (deux très jolies jeunes filles), H. essaie et revient presque aussitôt: «je comprends pourquoi personne ne se baigne: la plage plonge à pic, les graviers roulent et le courant entraîne au large». Nous allons prendre une glace et rentrons par un autre chemin, un peu moins accidenté dans une campagne baignée par le soleil couchant.

    Il y a des flaques d'eau dans les nids de poule en arrivant au gîte: orage il y a quelques minutes. La propriétaire nous dira que c'est la première pluie depuis trois mois.

    H. fait quelques brasses dans la piscine.
    Est-ce la mer, l'iode, la glace au lait, le soir je suis épuisée.


    Note
    1 : Lu par dessus l'épaule d'H. : «Après tout, il est permis de rêver que le progrès mécanique s'arrache à lui-même cette rançon où se loge notre espoir: l'obligeant à rendre une menue monnaie de solitude et d'oubli, en échange de l'intimité dont il nous ravit massivement la jouissance.» Tristes Tropiques p.126, 1955.

    Dimanche : Sienne

    — J'aime beaucoup cette couleur.
    — Je crois qu'on dit terre de Sienne.
    — Ah oui, suis-je bête. Regarde ce bleu. Est-ce qu'on ne dit pas aussi bleu de Sienne ?
    — Pas étonnant : tu as vu le ciel hier soir ? C'est exactement cela.
    — Et cinq cents plus tard, il n'a pas vieilli, toujours le même bleu.
    — Normal, on a changé les ampoules des étoiles.

    Errances qui nous mènent à la basilique St François (j'ai déjà oublié ce qui fait une basilique. Ce doit être un lieu de pélerinage, je crois). Ce n'est pas tant que les osties ne se décomposent pas depuis 1730 qui m'étonne que le fait qu'on en mange une de temps en temps…
    Je vérifie le soir qui est Viligiardi, son Gesù Buon Pastore me paraissant un montage photographique: non, 1893, ce ne sont que des moutons hyper réalistes sur des épaules quattrocentiennes. Peut-on parler de kitsch si l'intention était sincère?

    De tous côtés, à tous moments, une enfilade de rues permet d'apercevoir la campagne ou un clocher. La ville est pavoisée, les tambours résonnent. (Quelques recherches plus tard, je crois comprendre qu'il s'agit de la fête de la Visitation. Catherine de Sienne a fondé l'ordre de la Visitation (damned, je viens de comprendre que Catherine de Sienne vient de Sienne!)). Apparemment c'est la fête du quartier de la girafe ("Festa Titulare", j'ai l'impression qu'il y en a une par quartier tout au long de l'année).

    Parce que nous avons décalé nos horaires (prévoyant d'être dans un musée aux heures les plus chaudes), nous sommes seuls ou presque dans le Palazzo Pubblico (nous ne monterons pas dans le clocher de Quantum of Solace ), et seuls sur la terrace (la loggia) qui donne sur l'arrière du campo. Ne rien prévoir permet d'être surpris par tout, l'Italie est la plus merveilleuse place pour cela: chaque lieu paraît une apothéose indépassable jusqu'au suivant.

    Achat de bottes jaunes, de sandales rouges, d'une écharpe rose.

    Plus tard encore ce sera Santa Maria della Scalla. Je note ici Domenico di Bartolo, dont je n'avais jamais entendu parler et qui est extraordinaire.
    Des salles recueillent les œuvres d'art de Norcia et un film montrent les pompiers dégageant tableaux et statues. (Notons au passage la belle indifférence aux touristes à la fois dans la ville et sur internet: quelques traductions en anglais, non systématiques, et c'est tout. Débrouillez-vous (mais dans les livres en italiens, des traductions de Jacques Le Goff)).
    Nous sommes seuls à nouveau dans l'église. Je reconnais la scène de St Jean, la guérison à la piscine de Béthesda.

    Il est six heures, tant pis pour le Duomo, nous reviendrons. Il faut encore faire des courses, reprendre la casa dei Rosso dans laquelle nous avons repéré une supérette. Achat chez "l'arabe du coin" (qui a travaillé gare de Lyon) pour les fruits et légumes (ils sont beaucoup plus fermes que chez nous: parce qu'ils n'ont pas poussés sous serre?), retour en évitant la voie rapide du matin.

    Pieds dans la piscine qui n'est pas si froide. Cependant pas le courage de tenter la baignade. Devant nous oliviers jusqu'à l'horizon, pas une lumière dans le soir qui tombe.

    Samedi : Toscane

    Après études et concertations l'année dernière à St-Rémy, nous étions parvenus à la conclusion que le meilleur moment pour partir ensemble en vacances était juin: après l'envoi du matériel de vote aux électeurs de la mutuelle, avant l'AG, et du côté de H., ça correspondait pas tout à fait à un creux d'activité (après les ponts de mai) mais presque. C'était une période moins chaude que l'été, moins encombrée, moins chère. Septembre aurait sans doute été mieux du point de vue de la température de la mer, mais c'est un mois ou l'activité reprend à plein (considérons qu'en France nous travaillons de septembre à avril), impossible de s'absenter à ce moment-là.
    J'ai donc systématiquement refusé tout engagement pour juin (aviron, concert, invitation) et attendu que H. m'indique quand poser une semaine de vacances.
    Il a fait des réservations la semaine dernière alors que je commençais à ne plus y croire. Nous partons en Toscane, il a loué un gîte et une voiture.

    ————————————————

    Arrivée à Pise. Recherche des comptoirs de voiture de location: ils sont à cinq cents mètres, une navette tourne sans arrêt pour y emmener les touristes.
    Beaucoup de monde. Nous regardons avec effarement. «It's chaos» murmure avec fatalisme un Américain accompagné de sa femme et de jumeaux de deux ou trois ans très sages qui croise mon regard.

    Guichet Avis. H. a réservé une Giulietta mais nous tentons notre chance (en anglais plus ou moins maîtrisé: H. fait tout en anglais, je mets ma fierté de Latine à vouloir comprendre l'italien et supposer qu'ils comprendront le français):
    — Vous n'auriez pas un cabriolet ?
    L'Italienne à la peau fatiguée par le soleil (genre Valeria Bruni-Tedeschi plutôt que Claudia Cardinale) nous regarde, semble peser le pour et le contre: «Attendez une minute» et disparaît discuter dans les bureaux.
    Elle revient, demande: «Vous avez beaucoup de bagages?» Nous lui montrons notre valise rouge, le cartable d'H., mon sac à main (à l'épaule).
    — J'ai un spider. Une fiat spider 124.
    Il était réservé, mais le client n'est ni venu la prendre ni n'a décommandé, d'où son hésitation.

    Spider rouge, magnifique, taché de sable (la pluie). Neuf (4000 km).
    Nous comprenons pourquoi elle a posé la question des bagages: la valise s'encastre exactement dans le coffre, nous ne glissons les deux sacs supplémentaires qu'en tassant.

    Je prends le volant. Il faut me réhabituer à une boîte manuelle. Les Italiens conduisent plus lentement que dans mon souvenir: nord de l'Italie ou multiplication des radars (fixes et signalés légalement par Waze)? H. m'assure que l'Italie a un nombre de morts sur la route inférieur à la France, il faudra que je vérifie.

    Gîte sur le haut d'une colline à Gambassi Terme dans une ferme qui produit de l'huile et du chianti. Deux pièces emménagées sans doute dans une dépendance de la ferme, très propres, sobres, au dos des pièces habitées par la propriétaire. Des moustiquaires aux fenêtres, des poules en contrebas, beaucoup d'oiseaux, des pins.
    Wifi en panne, H. grince des dents, mais il capte la 4G: ça ira.
    Comme souvent, la piscine est davantage pensée pour le bain de soleil que la baignade.
    Comme il y a trois ou quatre ans à Venise, ce gîte est entièrement dépourvu de toute nourriture (c'est agaçant: pas même du sel ou du poivre. Est-ce une tradition italienne? En France, il y a toujours un "fond", parfois comique dans ses choix, de farine, condiments, pâtes.

    Nous allons donc au restaurant ce premier soir. Prosecco et poisson. La vue s'étend jusqu'à la plaine, magnifique. Le soir tombe, la nuit est d'un bleu profond. Parfois une clameur monte assourdie de la ville lointaine, je suppose le stade de foot local, nous apprendrons demain que c'était le match Juventus de Turin - Real Madrid. Il s'agissait les cris devant la télé…

    (Pour l'histoire : à la suite d'une mauvaise blague (fausse alerte à l'attentat), il y aura une bousculade et des blessés. C'est Madrid qui a gagné.).

    Librairie Charybde

    A l'invitation de Gilda qui fêtait son arrivée dans ce lieu auguste, je suis passée à la librairie Charybde (elle est vraiment à deux pas de gare de Lyon, une fois qu'on connaît c'est très rapide d'y passer).

    La librairie est beaucoup plus petite que je ne le pensais. Je la connaissais depuis longtemps par son blog, intéressant, peut-être un poil trop SF, policiers et romans pour moi, mais source d'idées pour des lectures exploratoires.
    La plus grande surprise, un peu vexante, pour moi, a été de découvrir à quel point j'étais dépassée. La librairie est organisée par éditeurs et collections; je connaissais les noms de la plupart, mais pas l'aspect, "la tête": des étagères entières de tranches à la physionomie inconnues. En quinze ans, les couleurs (vives ou "ethniques") et les formats (en voie de diminution) se sont totalement renouvelés.

    J'ai passé beaucoup de temps à explorer les rayons, pour repartir avec des classiques, j'en ai bien peur:
    - Derniers témoins de Svetlana Alexievitch, parce que c'est une grande, sans aucun doute;
    - La pensée du roman de Thomas Pavel, parce que les cours de Pavel au Collège de France m'ont enthousiasmée (podcast);
    - la trilogie maritime de Golding, que j'avais l'intention de lire depuis cet article d'Odile Gannier: Rites de passage, Coup de semonce et La cuirasse de feu. J'ai eu la surprise de la trouver en français en folio, je l'ai prise;
    - Ingeborg Bachmann, Toute personne qui tombe a des ailes. Edition bilingue, dans le cadre de ma préparation au voyage de cet été;
    - Le laboureur et ses enfants de Jon Elster, "deux essais sur les limites de la rationalité": l'homme qui prône le tirage au sort à la place des élections (tirage parmi un groupe choisi, je suppose : il faut que je le lise, justement).

    Quelques mots d'adieu

    Mon chef bien-aimé prend donc sa retraite (enfin, comme tous les vieux cadres de la maison, il doit d'abord éponger six mois de vacances). Voici son dernier mail (nous avons fait un pot d'adieu en tenue de plage et lui avons offert seau en plastique et canne de pêche enfantine):
    D’abord un immense merci à toutes et tous pour vos somptueux cadeaux, vos chaleureux messages… Sans oublier vos talents gastronomiques et vos tenues maritimes (et légères ?)…
    Côté plage, je serai désormais doté d’un matériel de professionnel qui va me permettre d’aborder sans crainte les concours de château de sable et faire trembler les poissons qui se hasarderont entre le Phare des baleines et le Banc des bûcherons…

    Côté cave, je vais pouvoir reprendre contact avec mon ami Bacchus (pour être honnête, je ne l’avais pas complètement perdu de vue !) et, ce sans modération…

    Désormais, il ne me sera plus possible de continuer ma provocation préférée (et si délicate), mon fameux (!!!): « je n’aime pas les gens » !!!...

    Vous connaissez ma manie des citations… Je ne pouvais donc pas partir sans vous laisser une trace de mes compilations « professionnelles »… Sous forme de florilège… pour chacun et pour tous … Je ne vous épargnerai donc rien… jusqu’au bout !

    Nadia A : « Le sport ne fait pas vivre plus vieux, mais fait vivre plus jeune » » (Stephen Leacock)

    Denis B : « Il faut s’efforcer d’être jeune comme un Beaujolais et de vieillir comme un Bourgogne » (Robert Sabatier)

    Françoise B : « On ne peut empêcher de vieillir, mais on peut s’empêcher de devenir vieux » (Matisse)

    Magali B : « Que seraient les êtres humains sans les femmes ? Ils seraient rares, extrêmement rares » (Mark Twain)

    Jean-Pierre D : « Chaque homme doit inventer son chemin » (Jean-Paul Sartre)

    Catherine D : « Le beau est partout et chaque homme non seulement le voit mais doit absolument le rendre à sa manière » (Eugène… Delacroix)

    Véronique D : « Le bonheur, c’est de continuer à désirer ce qu’on possède » (Saint Augustin)

    Fabien D : « Vous perdez 100 % des opportunités que vous ne saisissez pas » (Wayne Gretzky)

    Guillaume D : « Le changement n’est pas nécessaire à la vie, il est la vie » (Alvin Toffler)

    Françoise F : « Les chiffres sont des êtres fragiles qui, à force d’être torturés, finissent par avouer tout ce qu’on veut leur faire dire » (Alfred Sauvy)

    Sylvie F : « Il faut abandonner l’idée qu’en matière de dépenses, « plus » est synonyme de « mieux ». (Laurent Fabius)

    Jocelyne G : « Le monde déteste le changement, c’est pourtant la seule chose qui lui a permis de progresser (Charles F Kettering)

    Hugo G : « La nouvelle génération est épouvantable. J’aimerai tellement en faire partie » (Woody Allen)

    Christine G : « La joie n’est pas dans les choses, elle est en nous » (Richard Wagner)

    Pierre-Alexandre G : « il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques » (Mark Twain)

    Sylvie G : « Dans toute statistique, l’inexactitude du nombre est compensée par la précision des décimales » (Alfred Sauvy)

    Philippe H : « L’avantage d’être intelligent, c’est qu’on peut toujours faire l’imbécile, alors que l’inverse est totalement impossible » (Woody Allen)

    Christelle K : Quoiqu’elle fasse, la femme doit le faire deux fois mieux qu’un homme pour qu’on en pense autant de bien. Heureusement, ce n’est pas difficile » (Charlotte Witton)

    Délestras K : « Les performances individuelles, ce n’est pas le plus important. On gagne et on perd en équipe » (Zinedine Zidane)

    Violette L : « Les faits sont têtus, il est plus facile de s’arranger avec les statistiques (Mark Twain)

    Marie L : « On aime guère le bonheur qui vous tombe, on veut l’avoir fait » (Alain)

    Elisabeth L : « La patience est l’art d’espérer » (Vauvenargues)

    Valérie M : « Tant que je pourrai voyager autour de ma bibliothèque, je ne me sentirai jamais tout à fait désespéré » (Michel del Castillo)

    Christelle R : « Ce n’est pas la force, mais la persévérance, qui fait les grandes oeuvres » (Samuel Johnson)

    Danièle R : « Voyager c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déception et fatigues » (Céline)

    Michèle R : « J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé » (Voltaire)

    René-François R : « L’art de diriger consiste à savoir abandonner la baguette pour ne pas gêner l’orchestre » (Herbert Von Karajan)

    Céline R : « Ce qui fait le charme et l’attrait de l’Ailleurs, de ce que nous appelons exotisme, ce n’est point tant que la nature y soit plus belle, mais que tout nous y paraît neuf, nous surprend et se présente à notre œil dans une sorte de virginité » (André Gide)

    Voilà… Je vous laisse quelques citations… Mais je pars plein de belles images de personnes formidables, attachantes, bienveillantes… aimables !

    Très bonnes vacances (grandes ou petites) !

    Amicalement vôtre.
    Le jeu consiste à se représenter les personnes à partir des citations (sont-ce des citations qui les décrivent ou qui leur donnent un conseil? Par exemple, est-ce que Christelle R est obstinée ou à l'inverse velléitaire? Sylvie F, je sais: elle s'occupe des budgets et du contôle de gestion!).
    A part une ou deux personnes, je ne les connais pas plus que vous, je ne peux faire que des hypothèses. Mais à l'inverse de vous, je pourrai tenter de les vérifier.

    Kiné

    Première séance de kiné des dix prescrites le 13 avril pour ma lombalgie (j'ai tardé à téléphoner, puis le kiné était surbooké). Ce n'est pas plus mal que ce soit si longtemps après, j'appréhendais de travailler sur une zone encore sensible.
    C'est "mon" kiné, celui qui avait travaillé sur mon doigt cassé en juillet 2012 et à qui j'avais dit en riant que j'espérais ne pas le revoir.

    Je m'attendais à des abdominaux ("profonds", m'avait-on dit).
    Eh bien pas du tout. Il m'a fait pencher la tête, baisser les épaules, il a appuyé sur mes chevilles en faisant ouvrir les yeux, fermer les yeux, tirer la langue, serrer les dents, mettre la langue vers le palais. Il a toujours son toucher impressionnant, trouvant (cherchant?) les points d'acupuncture, révélant des points douloureux dont je ne savais pas qu'ils existaient avant qu'il ne les découvre.

    Prescription : marcher une demi-heure chaque jour durant les trois jours à venir «pour que le corps assimile les informations qu'il vient de recevoir». Pas de sport durant ces trois jours, peu après. Pourquoi? Je ne suis pas sûre d'avoir compris la réponse: «parce que le sport masque les informations, il en donne trop ou il en écrase».

    PTZ

    Hier j'ai passé la journée à jouer à Candycrush. Je l'ai installé au début de mon lumbago, reprenant une partie abandonnée six mois ou un an avant (j'y jouais à Grenade, c'est un point de repère, je ne sais plus si j'y ai joué de nouveau pendant l'été). Je l'ai désinstallé ce matin.

    Il fait encore très chaud. Marché. Equeutage de fraises, écossage de petits pois. Et puis quoi ? Je ne sais plus. J'écoute mon merle préféré, je ne range pas mes livres.

    Ah si : lorsque nous avons commandé nos fenêtres, je comptais faire un "éco-prêt à taux zéro". La banque semblait promettre une démarche facile, allant de soi pour tout citoyen responsable désirant investir pour réduire son impact écologique.
    En réalité, c'est d'une complexité quasi risible, et le formulaire de prêt (une fois que l'on a décidé quel formulaire vous convient) prévoit d'ailleurs une ligne "montant des frais d'études", c'est-à-dire que l'on prévoit de couvrir par le prêt des frais qui sont engendrés par la demande de prêt (et non par les travaux eux-mêmes).
    (Je comprends qu'il puisse en être ainsi pour de gros projets BTP, mais pour des particuliers, cela me paraît absolument démesuré).

    En haut de la deuxième page est demandée la "consommation conventionnelle du bâtiment avant les travaux en énergie primaire, calculée avec la méthode TH-C-E ex".
    Qu'à cela ne tienne, me dis-je avec inconscience, je vais bien trouver la formule de calcul sur Google.
    Oui, je l'ai trouvée : 191 pages destinées à développer un logiciel (page 11: on apprend que ce n'est pas une méthode à utiliser manuellement).
    Agacée j'étais : impression que tout cela était destiné à nourrir quelques cabinets de géomètres.

    J'étais prête à abandonner (dépenser deux mille euros de cabinet d'experts pour gagner quatre cent euros d'intérêts…) quand H. s'en est mêlé. Je donne ici le résultat de ses recherches qui peut servir à d'autres.
    Vous trouverez ici une feuille de calcul gratuite pour calculer son indicateur de performance énérgétique (que le cabinet ADEM BET de Valence soit remercié). Il suffit d'additionner ses factures de chauffage et entrer la surface de l'habitation.
    Ensuite le formulaire demande d'évaluer la consommation conventionnelle après travaux. Nous avons fait cela au doigt levé à partir de ces ordres de grandeur.

    Je me dis que tout cela doit être destiné à nourrir des bases de données. Je me demande si la banque va prendre nos chiffres sans commentaire ou demander des précisions. A suivre.

    Vacance (au singulier)

    Il fait beau, tout est vert, les roses sont magnifiques. Je range mes livres. Je me suis rarement sentie autant en vacances, j'ai l'impression d'être en train de guérir de vingt ans de course permanente.

    Coup de Trafalgar

    Salut maman !

    Bon, je fais ça par écrit, car je pense que je ne sais pas trop si j’arriverai à le faire à l’oral sans faire un rambling incompréhensible. Et encore, je ne garantis pas ne pas en faire ici...

    J’ai passé un total de quatre rattrapages cette année. Deux concernaient les années précédentes (myologie et angiologie) et deux cette année (cas et ostéopathie).

    Pour la myologie, l’étude des muscles, c’était le contrôle que j’avais raté durant notre voyage en Allemagne durant ma deuxième année. Je n’avais pas validé ce rattrapage l’année dernière, car j’étais tombée sur un muscle que je n’avais pas inclus dans mes révisions.

    Pour l’angiologie, ma faute : c’était du par-cœur et j’ai mal appris. Mais c’est bon, c’est validé.

    Pour l’ostéopathie, c’était à la fois de la philosophie et de «l’ostéopathie viscérale», un cours plus proche de la réflexion et du cas que nos cours d’ostéopathie propre. C’est ce deuxième contrôle que j’ai lamentablement foiré (comme la quasi-totalité de la classe : la prof a rajouté 10 points à tout le monde).

    Quant au cas, le principe est que l’on nous donne un sujet et l’on doit créer une chaine logique permettant soit de trouver l’origine du problème évoquer, soit de développer ce qui va se passer suite au problème annoncé dans le sujet. Et j’ai beau être douée pour les énigmes logiques et les puzzles, c’est une matière qui me donne du mal.

    En ayant validé 3 sur 4, j’ai eu le droit à ce qu’ils appellent «un rattrapage de dernière chance» à l’oral pour l’examen de cas. Il a eu lieu lundi dernier.
    Je l’ai raté.
    D’après ce que m’ont dit les autres, il va y avoir une commission demain matin pour déterminer si j’ai le droit de me présenter aux examens finaux. Je ne suis peut-être pas la seule dont le cas doit être examiné, mais soyons honnête, la matière que je n’ai pas validée est sans doute la plus importante pour mon métier futur puisqu’elle englobe toute la partie raisonnement à appliquer au jour le jour, donc je ne sais pas s’ils vont m’autoriser à passer. Autres choses qui me fait penser cela, depuis le problème de l’ordinateur, il m’utilise comme exemple à ne pas suivre dans les classes inférieures (ils ne donnent pas de nom bien sûr, et la seule raison pour laquelle je suis au courant c’est que je discute avec certains autres élèves de ces classes), je ne pense donc pas que l’impression globale qu’ils ont de moi va les inciter à me donner une dernière chance.
    Autre chose qui n’est pas en ma faveur et auquel je n’avais pas pensé avant de l’avoir fait : je ne suis pas allée à l’examen de pratique de fin d’année. Je sais que c’était probablement idiot, mais même si j’avais eu la note maximum partout, cela n’aurait pas rattrapé le précédent. Autrement dit, je suis en rattrapage d’office pour cette matière. J’ai donc fait le choix de passer la journée à réviser. L’autre raison, qui est sans doute plus honnête avec moi même, c’est que j’étais terrifiée. Nos deux examinateurs sont les deux professeurs avec lesquels j’ai le plus de mal. Ne te m’éprend pas, ils sont excellents dans ce qu’ils font, mais le courant passe mal. L’un des deux avait déjà été présent lors de précédents contrôles et ce sont des contrôles que j’ai foirés à chaque fois à cause du stress, alors la deuxième en plus...
    Après, je n’ai pas renoncé : je suis toujours dans mes révisions et je continuerai tant que je ne serai pas fixée. Mais je préférai te prévenir avant.

    Je n’envoie ce mail qu’à toi, car je ne sais pas comment annoncer à papa que j’ai probablement lamentablement échoué, surtout avec tous les problèmes qu’il a eus cette année. En fait, je ne sais même pas ce que je vais faire pour la fête de famille… M’enfin bref, je pense que le point important est : que se passe-t-il si je suis refusée? D’après Lise, il faut refaire la quatrième année en module. Si on en vient à ça, ne t’inquiète pas, j’irai chercher l’argent sur mon compte épargne. Vous n’aurez pas à dépenser un centime pour mes erreurs.


    Voilà. À part çà, j’ai déposé mon sujet de mémoire, mais j’attends toujours la réponse. Luc est toujours d’accord pour que je l’applique sur ses lapins. Il m’a annoncé au passage que la maison que je voulais prendre il y a deux ans allait de nouveau être disponible. Il ne s’est pas étendu sur le sujet et moi non plus : je ne vois pas l’intérêt si mon sujet de mémoire est refusé, mais je préfère te le dire, car je pense que c’est une information intéressante à avoir sous le coude. Je passe le G4 de dressage après-demain, car il ne faisait pas assez beau la semaine dernière. Le club fête ses 20 ans le 17 juin (de mémoire).
    Je ne rentrerai pas le week-end qui vient pour ne pas interrompre mes révisions, mais je serai là pour le prochain. Je ne serai pas à la maison le mois de juin (sauf les week-end, comme d’habitude), car mon élève passe le brevet donc je ne vais pas m’arrêter juste avant. De plus, je fais la dernière garde vache de l’année (sur google calendar) et la semaine suivante est celle de la soutenance des mémoires. Je ne sais pas encore ce que je vais faire après.

    Pendant que je suis sur ma lancée, je pense qu’il y a quelque chose qu’il faut que je te dise. Ce n’est pas que je ne voulais pas aller en Amérique. Ce n’est pas non plus que j’avais peur du rejet de mes demandes. C’est que j’avais peur de ne pas remplir ta condition de base. Pour cela, je voulais te dire : excuse-moi.

    Je vais m’arrêter là, de toute façon, je ne crois pas que j’ai grand-chose d’autre à dire. Désolé dans avoir mis autant d’un coup, mais je me suis dit qu’il valait mieux tout dire d’un coup, et cette fois-ci, je ne voulais pas que vous appreniez ce genre d’information par quelqu’un d’autre que moi.

    Bisous maman, passe une bonne soirée.
    Embrasse les autres bien fort.

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    Commentaire du 29 juin 2018 : elle n'avait pas seulement échoué à l'examen, elle avait également sept stages et rapports de stage de retard.

    J'ai une amie shaman

    Dîné avec Monique. Il pleuvait à verse, je suis arrivée trempée au restaurant, elle aussi — bien plus tard car elle a espéré que la pluie s'arrête.
    Parti en catastrophe pour tenter d'attrapper le dernier RER D passant aux Halles, c'est-à-dire celui de 21h30. J'ai réussi, je suis même arrivée un peu en avance, et pour m'occuper j'ai recherché "Béatrice Pouligny" sur twitter.

    En effet, le matin, en cherchant un autre livre dans ma bibliothèque (celui de la dissidente Anna Politkovskaïa pour essayer d'expliquer Poutine à mon voisin…) j'étais tombée sur son livre, Ils nous avaient promis la paix et donc le soir, pour tromper l'attente, je lance une recherche sur son nom.

    Béatrice, c'était l'année de mon entrée à Science-Po l'impressionnante élève de troisième année, connue à la fois pour ses excellents résultats (les profs distribuaient ses notes de lecture aux autres sans même les relire) et son parcours atypique (notes tapées à la machine (1986, le traitement de texte est rare) car elle était entrée à Science-Po sur dossier avec un BTS de secrétariat).
    Une fois diplômée elle a été recrutée par Amnesty international pour un poste ordinairement réservé à des hommes expérimentés. J'ai suivi son parcours de loin en loin : plus tard elle a fait un doctorat et a travaillé au CERI. Twitter me renvoie ça : «Shaman Beatrice Pouligny PhD is coming by our sanctuary this Saturday at 1pm to perform a blessing on the whole… »
    Shaman? Ça doit être un homonyme, ou cela doit vouloir dire quelque chose d'autre.

    Je continue à chercher, directement sur Google : non, c'est bien elle, et il s'agit bien du shaman spirituel et guérisseur.
    J'ai une amie shaman.

    Comment dire la joie intense que cela suscite en moi : elle a osé ! Avec ses diplômes, son expérience, ses contacts au plus haut niveau international et universitaire, elle ose s'afficher shaman, avec tout ce que cela transporte de zazou et de hippie et de charlatan aux yeux d'un Français moyen (et alors non moyen, je n'ose imaginer: pas étonnant qu'elle soit aux US et pas en France).

    J'ai été emplie d'une joie profonde : elle avait trouvé sa voie, une voie très particulière et elle avait osé l'emprunter, et elle l'affichait, et elle continuait à travailler pour la paix, sans renoncer devant l'ampleur de la tâche. J'ai eu envie de partager cette joie, mais avec qui? Pas avec P. dont je n'ai plus de nouvelles depuis vingt ans, pas avec H. qui lèverait les yeux au ciel devant cet irationalisme, pas avec les enfants que cela ferait rire, pas avec mes amis catholiques qui ne diraient rien en songeant "hérésie et superstition"…

    Personne pour comprendre cette joie, alors je l'écris ici.

    215/365 RAS

    Bus vers 8h10, RER de 8h30. RAS

    Dernier RER passant aux Halles le soir : 21h30.

    Prêt-à-manger

    Ce soir O. m'a rejoint gare de Lyon pour dîner dans mon fast-food préféré. J'aime tout chez eux, les sandwichs, les salades, les soupes, les boissons (le "shot gingembre"), et surtout leur gentillesse, leur empressement: le seul endroit où j'ai l'impression que je leur fais plaisir quand je viens. (C'est vrai pour toute la chaîne je suppose, en tout cas c'est aussi vrai à La Défense que gare de Lyon).

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    Agenda
    Gouvernement Macron.
    C'est bien la première fois que je m'intéresse aux noms des ministres, au titre des ministères. Mais il faut dire que c'est bien la première fois que j'ai l'impression d'avoir un président qui vit dans le même monde que le mien, où les gens parlent au moins une langue étrangère et sont nés la souris à la main (ce ras-le-bol devant les décisions informatiques sans queue ni tête, ce désir d'internet, de fibre, de modernisation… Ce souvenir halluciné de la "biscotte" à l'heure des start-ups des années 1990 (éclatement de la bulle internet en 2000) — les start-ups, la bête noire des anti-Macron qui me paraissent avoir vingt ans de retard: les start-ups, ça date des années 1990, ce n'est pas comme si c'était la pointe extrême de la nouveauté.)

    Ah tiens j'y pense, un ancien blogueur (Virgile pour ceux qui connaissent, j'ai oublié le nom de son blog, il me semble qu'il sonnait latin) m'a expliqué sur twitter (à ma demande) pourquoi Hulot paraissait incompatible avec ce ministère. Je copie-colle mes réponses et la sienne :
    Virgile : Macron et le PM sont pro-nucléaires, Hulot veut en sortir et il ne pourra pas. Je ne voulais rien dire de plus que ça.

    Moi : On sortira du nucléaire ms lentement. Tu es ingénieur, tu sais les pb de démantèlement + pb politiques: dépendre du gaz russe et de l'Arabie

    Moi : Les gens ne veulent pas de nucléaire, mais qu'ils aient froid une semaine un hiver et tu verras leur tête. Ce n'est pas yaka focon

    Moi : En fait c'est ce que je veux dire par "il y a du boulot".

    Moi : Je t'ai connu blogueur, je crois que tu es un peu plus jeune que moi.

    Moi : Je me souviens des chocs pétroliers comme d'un cauchemar, j'étais petite. Au lycée on apprenait nucléaire = indépendance. Ça compte aussi.

    Virgile : Je suis très d’accord avec ça, je m’étais fait pourrir sur mon blog il y a 8 ans pour l’avoir écrit…

    Virgile : Mais le temps politique est beaucoup plus court. En fait c’est peut-être pas un problème d’étiquette mais de com, de pédagogie.
    Et c'est ainsi que j'apprends que Virgile, blogueur respecté bien plus à gauche que moi, s'est fait pourrir sur ce thème quand il a essayé d'être rationnel. Je n'en peux plus des gens qui n'acceptent pas quelques vérités scientifiques, des ordres de grandeur, etc. Non non non: sortir tout de suite, mais surtout ne rien changer à nos habitudes, nos outils électroniques, nos vacances en avion, les douches chaudes de vingt minutes, les terrasses chauffées, la climatisation des voitures…

    Ça m'agace.

    214/365 RAS

    Bus vers 8h (je laisse la voiture à O. qui a un examen dans l'après-midi: il y a beaucoup moins de bus les heures creuses (bizarre syntaxe : apposition d'un complément de temps? une préposition est-elle obligatoire?)
    Voyage rapide et sans problème. Je trouve qu'il y a peu de monde dans le RER D.

    Le soir, ligne 1 à 18h pour sortir hall 1 du côté du quai A (car la ligne sort à l'opposé des quai du RER).

    RER D vers 19h30. Rentrés sans problème.

    Littérature grecque

    En regardant google agenda hier en cours, je me suis aperçue qu'il y avait ce soir un "dîner littéraire" dont le thème était Grèce et littérature. Curieusement je ne reçois plus de mails d'invitation depuis quelques mois. Il a d'ailleurs fallu que je refournisse mon mail sur le formulaire d'inscription, il a dû être écrasé.

    Je me suis donc inscrite et j'ai choisi en catastrophe ce que j'allais présenter: quelque chose de court (puisque personne n'emprunte de gros livres), quelque chose que je connaissais puisque je n'avais plus le temps de lire un ouvrage de fond tel que j'avais eu l'intention d'en amener lorsque j'avais pris connaissance du programme en début d'année (Antoine Meillet, Aperçu d'une histoire de la langue grecque, dont Antoine Compagnon avait parlé dans son séminaire sur le structuralisme, ou finir Autour de Platon, le merveilleux livre d'Auguste Diès).

    Pas Cavafy, tout le monde allait l'amener, pas Odysseas Elytis, je ne sais plus où la plaquette se trouve dans la maison, pas Lacarrière ou Romilly, trop évidents, Tristano meurt conviendrait-il à ce thème?
    J'arrête rapidement mon choix sur deux volumes minces et en outre bilingues (une page sur deux à lire…) d'épigrammes antiques dans la collection Orphée, La Couronne de Méléagre et La Couronne de Philippe. Mon inscription est terminée.

    Tous ces scrupules étaient inutiles: j'ai été la seule à ma table à repartir avec des livres présentés. Les gens viennent, commentent ou pire racontent interminablement le livre qu'ils ont amené (parfois un livre de bibliothèque (Hypérion d'Höderlin) ou pour la première fois ce soir des feuilles photocopiées) et repartent sans se préoccuper de ceux des autres.
    Je ne reviendrai pas l'année prochaine — ni jamais. Je vais juste récupérer mes deux livres encore en circulation.

    Point positif : quelqu'un a présenté une revue éditée par la librairie grecque Desmos. Il faudra que j'y passe.

    Tout cela a fait naître un irrésistible désir de Grèce.

    213/365 RAS

    7h12 : à l'heure. Trajet rapide, train vide. RER D puis A puis ligne 1.

    19h20 : ligne 1 jusqu'à Palais Royal, ligne 7 jusqu'à Censier Daubenton.

    23h10 : marche rue Poliveau («Jambier !»), vélib jusque gare de Lyon, RER D de 23h32. Le train est très plein, le précédent a peut-être été annulé. Celui-ci est à l'heure. Il fait très chaud.
    Arrivée quai 1, encore, avec quarante à cinquante centimètres entre le quai et la voiture (je n'exagère pas).

    Lundi

    Se profile la première semaine entière de travail depuis longtemps (depuis la semaine du 20 mars, je pense).
    Je continue à travailler lentement, une action après l'autre. Tout est très calme. Je n'ai aucun contact avec les administrateurs, les assurés n'appellent plus, personne ne s'inquiète des enveloppes T, du matériel de vote à envoyer. J'avance lentement, sans aucune pression.

    A-C au téléphone. Nous parlons famille, enfants et mari. Ce qui ressort finalement, c'est à quel point l'irresponsabilité du conjoint finit par être insupportable. Ne pas pouvoir compter sur l'autre pour la protection du foyer et des enfants finit par dégoûter de la vie commune: à quoi bon? Soudain l'obsessionnel jusqu'au ridicule "il faut protéger ma famille" des films américains finit par trouver un sens.

    Humanae Vitae. Dans ce qui suis je mélange réflexions personnelles et prise de notes. Je ne précise pas dans la mesure où le changement de style me paraît suffisant à marquer l'un et l'autre.
    Ce texte est une invitation à la spiritualisation du désir.
    Comment ne pas sourire ou soupirer ou avoir envie de pleurer en lisant ce texte qui imagine évident et partagé le désir de contrôle de soi et de soumission des instincts. Le problème (l'un des problèmes, mais je crois que c'est le principal) c'est que l'instinct génésique masculin est survalorisé, l'a sans doute toujours été, à la fois dans le temps et l'espace. Les maternités non désirées sont désignées comme mauvaises, non souhaitables, mais le manque d'appétit sexuel est toujours jugé une catastrophe. On lutte contre les maternités par une pilule, contre le défaut d'érection par une autre. Je n'ai jamais entendu personne insinuer que mis ensemble, ces deux "problèmes" n'en sont plus. La tendance du jour serait plutôt de toujours trouver de nouveaux moyens d'exciter et de satisfaire les instincts génésiques.

    J'ai entendu un jour (dans le jardin de St-Serge, dans une allée, en passant) un prêtre orthodoxe parler de la gloutonnerie, englobant d'un même mouvement la luxure et la gourmandise en parlant des hommes ventripotents aux multiples enfants et de leur incapacité à contrôler leurs appétits — mais autant leur surpoids ne fait que punir le glouton, autant les multiples enfants punit la mère qui subit deux fois: l'insatiabilité de son mari et les enfants (grossesses et soins du ménage et éducation…) C'est cela qui provoque ce profond sentiment féministe d'injustice dans ces obligations: ce n'est pas celui qui est avide qui en subit les conséquences (eh oui: l'enfant comme malédiction et non bénédiction, c'est que l'Eglise est incapable d'imaginer.)

    Ne pas écraser la vie spirituelle par le respect d'une loi extérieure.

    L'idéal, le réel, le possible : triade posée par certains théologiens. Benoît XVI refusait de dissocier réalité et idéal, tandis que le pape François parle de l'attention à porter aux situations "non-pleines" (ie accepter les situations non parfaites (ce qui rejoint la loi de gradualité de Jean-Paul II)), dans l'espérance qu'elles sont une étape vers un amour plus grand.

    De nombreux théologiens ont protesté (à l'époque de la parution d'Humanae Vitae, 1968), certains ont été interdits d'enseignement.

    212/365 Plus de peur que de mal

    O. passe ses examens de fin d'année. Il prend le RER de 7h06 pendant que je finis mon créneau.
    En arrivant sur le quai le train suivant est annoncé sans arrêt («Veuillez vous éloigner de la bordure du quai») et le RER suivant en retard. Finalement le train s'arrêtera, ce sera justement un RER, à l'heure — mais pour une destination différente. Il est vaguement inquiétant que cela n'est pas l'air d'être su trois minutes plus tôt.
    Ce RER est presque vide — et le trajet dans son ensemble (RER D puis A puis métro 1) sera exceptionnellement rapide.

    19h06 : ligne 1 jusqu'à Concorde, ligne 12 jusqu'à Rennes.

    22h15: ligne 4 St Sulpice-Les Halles, puis RER D à 22h31.

    L'idéologie du XXIe siècle (en Occident)

    Entre ceux qui vous expliquent qu'ils ne veulent pas être pris en otage et posent de fait que Macron = Le Pen (quelles que soient leurs explications, de fait cela revient à ça) et ceux qui ne comprennent pas votre "agressivité" quand vous ne faites que répondre à la leur (leur explication: «Ah mais moi, j'étais dans l'hyperbole» (WTF? Eux sont dans l'hyperbole et moi dans l'agressivité? "T'es sérieux, là?" (A quoi servent les hyperboles? A boire de l'hypersoupe (Excusez-moi, je m'égare (synchise))))), je fatigue.
    Se recentrer sur l'essentiel. Laisser tomber FB, revenir à la lecture, au grec, à l'allemand.

    Par ailleurs, le XXIe siècle est certes religieux, mais il me semble y découvrir une nouvelle idéologie (à condition de définir celle-ci par ses symptômes d'intolérance et de certitude d'avoir raison et non par sa théorisation, encore à écrire): celle de la "souffrance animale", qui se caractérise par une tendance (je reste nuancée) à poser que l'animal est égal à l'homme et que (surtout), eux — ceux qui défendent ce point de vue — comprennent bien mieux la souffrance animale que vous et connaissent bien mieux la situation écologique que vous, bourreau ignorant et cruel.

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    Agenda
    H. a passé la journée devant l'investiture de Macron et moi à jouer à Candycrush, j'en ai peur. Vers le soir, j'ai tout de même lavé la coccinelle, tâche remise depuis décembre d'abord à cause de l'hiver, puis à cause de mon lumbago.

    Un anniversaire assourdissant

    TG sur la bioéthique. GPA, PMA : en théorie je suis contre, pour des raisons féministes (l'utilisation du corps des femmes et les dangers de la stimulation ovarienne). Je lis sur le sujet depuis très longtemps, depuis 1990 environ: Geneviève Delaisi de Parseval ou Jacques Testart, le père de la FIVette qui a changé d'avis sur le sujet (trop tard, trop tard. Comme Einstein, trop tard, trop tard). Parmi les bizarreries soulignées dans Le magasin des enfants (collectif dirigé par J Testart), il y a celle du couple considéré comme un seul corps, alors que, fait remarquer l'intervenant, il y a une chance sur deux que le couple se sépare dans les dix ans et que les partenaires soient fertiles chacun de leur côté (songez à Napoléon et Joséphine).
    Evidemment Le magasin des enfants date de 1990, avant la reconnaissance des couples homosexuels par la société et l'émergence de leur désir d'enfant. Cela ne m'empêche pas d'être contre la PMA et GPA, mais il faut devenir très délicat dans la façon de l'exprimer: car si on les refuse au nom du bien de l'enfant à naître («ne pas créer un préjudice (l'abandon) en vue de la réparation d'un autre (la stérilité)»), au nom du bien de l'enfant né il serait pertinent que celui-ci n'entende pas la société lui dire qu'il est une anormalité et qu'il n'aurait pas dû naître.

    Je passe à la librairie polonaise pour acheter deux Poésie du gérondif que je veux offrir (et que je n'ai pas trouvés), je ressors avec quelques livres (ne jamais, jamais, entrer dans une librairie: j'achète avec bonne conscience, en me disant que je l'aide à survivre, à se maintenir):
    Malaparte : Le bonhomme Lénine
    Catherine Sayn-Wittgenstein : La fin de ma Russie
    Albert Londres : Le Juif errant est arrivé
    Robert D. Kaplan : La revanche de la géographie
    et une nouvelle pour H: A voté d'Asimov.

    J'avais prévu de participer au vernissage de l'exposition d'Hervé Lassïnce mais un anniversaire m'en a empêchée. (A la place je suis allée en salle de gym transpirer les futurs gâteaux apéro.) Terrible anniversaire: une invitée bavarde impénitente a tenu le crachoir toute la soirée en nous parlant exclusivement de ses voisins. Je n'ai pas le choix, je suis obligée d'écouter, sinon je m'endors. Dès que je me désintéresse, je m'endors (déjà que cela m'arrive quand je m'intéresse)… Mais quel ennui. Les fumeurs avaient au moins la ressource de pouvoir s'échapper sur la terrasse. Cela a confirmé mon racisme personnel: les pieds-noirs1 (et leurs descendants).



    1 : Merci de prendre ce genre d'assertion catégorique pour ce qu'elle est: une vérité toute relative dont le dogmatisme ridicule est destiné avant tout à me moquer de mes préjugés.

    La création de la demande (et son anéantissement)

    Nous n'avons plus personne au téléphone. J'ai été arrêtée trois semaines, ma collaboratrice en vacances deux pendant la même période, il y a eu des ponts et des grands week-ends, nous n'avons pas répondu au téléphone tout ce temps-là.
    Moralité, plus personne n'appelle.

    Cela me fait penser au début de Voyage au bout de la nuit, qui remarque que les Parisiens n'ont pas d'obligations puisqu'ils se promènent dès qu'il fait beau: de même les gens n'ont pas de réelles questions puisqu'ils ne téléphonent que parce que nous leur répondons. Notre sollicitude a créé la demande.
    Cela pourrait être également l'illustration d'une démarche commerciale: s'occuper de clients, c'est les habituer à faire appel à vous en cas de besoin — à cela près que nous ne sommes pas une entreprise commerciale.

    Quel calme. Je songe avec un peu de regrets que nous allons écrire aux retraités pour l'AG, et qu'ils vont donc nous rappeler (ça ne rate jamais).

    209/365 RAS

    Aller-retour en RER (ça devient rare !)
    Un peu lent le soir, mais rien à signaler, sauf un violent orage à l'arrivée.

    208/365 Demi trajet - Travaux

    En voiture jusqu'au Rond-Point des Champs-Elysées.
    Je prends la ligne 1 vers 8h30 pour la Défense. Rame immobilisée quelques minutes, à peine, juste le temps de penser «Même quand je ne prends que le métro sur quelques stations il y a des problèmes.»

    18h15: ligne 1 vers la grande Arche, puis RER A, puis ligne 14 gare de Lyon pour grande bibliothèque (je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça plutôt que prendre la 1 puis la 14 avec un changement aux Halles. Un moment d'absence).

    Ligne 14 bibliothèque, arrivée gare de Lyon. Le RER part des grandes lignes, il faut attendre sa mise à quai. Cela indique des travaux, je parie donc sur son arrivée sur le quai 1 à Yerres (et non le 2) et je m'installe dans une voiture au milieu de la rame (et non en queue). (Ces détails dans l'optique d'un "Trucs et astuces pour les usagers du RER D", ou "Description de la vie d'un banlieusard à l'usage des provinciaux").
    Départ 23h31, H. vient me chercher à la gare (dans ma jeunesse je rentrais à pied mais depuis que nous ne sommes plus que trois à la maison, je demande des services que je n'ai jamais demandés, comme de venir me chercher à la gare.)

    Emily Dickinson

    Pas de RER aujourd'hui : aller-retour en voiture avec H. qui a des rendez-vous (maintenant que Macron est élu, il y a un ou deux projets touchant les municipalités que H. a à cœur de faire aboutir malgré la folie de B., projets qu'il aurait laissé s'enferrer sans remords si MLP était passée.)

    Vu Patrick à midi qui sillonne la région parisienne et est coincé ici en attendant que sa voiture soit réparée.

    J'ai quitté le bureau tôt pour aller voir Emily Dickinson. J'espérais retrouver la maison visitée en 2012, voir mis en scène ce que nous avait raconté l'excellente guide (et vérifier ce que j'avais compris, car après tout j'ai traduit de l'anglais oral) et j'ai vu un film sur le puritanisme d'une famille fermée sur elle-même.
    Je suis sortie de la salle en me disant qu'il fallait que je lise la biographie que j'avais acheté sur place.

    J'ai posé le premier jalon des vacances en réservant une nuit au Palazzo Salis à Soglio, le village de Suisse où Rilke prenait des vacances et où nous n'avions pu rester il y a six ans.

    FATCA

    Je vois passer la "décompression" sur twitter : ceux qui protestent contre les remarques désobligeantes, pour ne pas dire les insultes, dont est l'objet Brigitte Macron; ceux qui disent qu'après tout il faut laisser sa chance à Macron, qu'un jeune ça change, sait-on jamais; un article sur les "ouin-ouin", ces gens perpétuellement dans la plainte…
    Et puis les autres. Je me demande s'il n'y a pas déjà une manif de prévu.

    Je commence la journée par trois quarts d'heure (montre en main) d'assistance psychologique au téléphone. Expliquer, expliquer, expliquer. Comprendre rassure. Les gens sont si inquiets.
    J'ai fini de traiter les mails accumulés pendant mon absence. Ce n'était sans doute pas le plus urgent mais c'était ce qui demandait le moins de réflexion (ouvrir un mail après l'autre, c'est simple) sans avoir à organiser mon action.
    J'ai eu le plaisir de devoir remplir un formulaire d'auto-déclaration FATCA, envoyée par une jeune femme de l'entité d'asset-management du groupe qui invitait à prendre contact avec elle en cas de question. J'en avais une (la mutuelle est-elle une FNE (entité non financière) active ou passive?), elle ne savait pas me répondre, elle m'a passé une personne qui ne savait pas me répondre et qui m'a conseillé de prendre contact avec un fiscaliste du groupe sans me donner de nom. Je crois que je vais remplir le document à mon idée de façon à ne pas être obligée de demander son numéro fiscal à chacun des douze administrateurs.

    Je sors à cinq heures pour aller voir Get out.

    Puis "sexualité, éthique et théologie".

    206/365 : un peu de ralentissement, sans conséquence

    J'arrive à prendre le RER de 7h42 bien que ne partant pas avec O. (fierté).
    RER D, RER A, ligne 1. RAS

    17h : ligne 1 pour la Défense, RER A (ralenti à caus d'un incident entre Les Halles et gare de Lyon), ligne 4 jusqu'à Odéon.

    19h45 : velib de carrefour de l'Odéon à rue d'Assas devant l'ICP. 22h15 : ligne 4 St Sulpice-Les Halles; affichage bizarre sur le quai du RER D, je ne prends pas le temps de comprendre et vais prendre le A pour garde de Lyon. Un zaco arrive peu après, ce qui prouve que j'aurais pu le prendre aux Halles.

    Un pot

    Salle de sport (que dieu me tortille, ce truc bobo qu'est un cours de pilates (ce n'est jamais que la musculation quasi-immobile que j'ai connue chez le kiné en 2001)), sauna. Je sors rincée (ce qui est le but).

    Les gardiens de la galaxie 2, à la fois très violent et très irénique. La famille, les amis, les amis qui deviennent la famille, la famille irremplaçable. Les Américains continuent à avoir un problème avec le père. C'est fou le nombre de films américains qui tournent autour de la paternité. Au fond de ma cervelle je pense à Taubes et au meutre du père (La Théologie politique de Paul, Schmitt, Benjamin, Nietzsche et Freud).

    Pot entre potes FB, macronistes. Je suis contente de rencontrer pour la première fois un très vieux blogueur, un blogueur historique. Chacun a vécu la même chose, la violence et la folie qui se sont emparés de leur TL (time line, mur). Finalement j'ai eu de la chance, pas d'insultes, pas de rupture, quelques engueulades entrant dans l'ordre des engueulades périodiques, cathartiques, tandis que certains ont vu des gens de leur famille ou des amis de toujours devenir irreconnaissables.

    Nous avons également l'expérience de l'illogisme, des raisonnements à l'envers, de la mauvaise interprétation des statistiques et des corrélations… (ceci de façon générale, pas uniquement dans le contexte des dernières élections).
    Nous évoquons RC, devenu totalement fou (si tant est qu'il ne l'était pas déjà). Ses derniers tweets sont effrayants.

    Depuis combien de temps n'avais-je pas bu de Guinness? Très longtemps. Puis retour au mexicain, deux jours plus tard.

    Retour sur le dernier mois

    Maintenant que le premier round est terminé — Macron a gagné — en attendant les législatives puis septembre — voici un condensé de mes décisions potentielles ce dernier mois. Les dates sont importantes.

    De façon générale, il ne m'a jamais paru possible de voter que de LR à PS: Fillon, Macron, Hamon. Evidemment, après Penelope, sans compter bien sûr la poutinophilie de Fillon, il ne restait que Macron et Hamon.
    Je n'ai pas la détestation affichée de certains pour la droite ou la gauche. Ça m'est un peu égal; au bout de toutes ces années nous savons que les gouvernements de gauche font ce que ne peut pas faire la droite (fermer les filatures et les acieries,…) et inversement les gouvernements de droite font ce que ne peut pas faire la gauche (supprimer le service militaire, etc).
    Il me semble important de conserver un socle républicain à la France, c'est là toute ma conviction.

    J'aurais voté Hamon — car le bilan de Hollande est pour moi positif — s'il n'avait pas été flagrant qu'il allait perdre (même si l'ampleur de sa chute n'était pas prévisible (en tout cas pas par moi)). J'ai voté "utile", mais sans état d'âme, Macron faisant partie des trois choix possibles.
    Les autres choix n'étaient ni de mon âge ni de ma "condition": il me semble indécent de voter à l'extrême gauche quand on a mon niveau de vie, quand à l'extrême droite… ce n'est même pas pensable.

    Avant le premier tour, quand tout était si indécis, voici ce que je pensais voter en fonction des duels potentiels:
    - Le Pen - Fillon : Fillon
    - Le Pen - Macron : Macron
    - Le Pen - Hamon : Hamon
    - Le Pen - Mélenchon : Mélenchon (et sans faire tous les salamalecs auxquels on a eu droit de la part de la gauche : non, juste parce que c'était normal)
    - Fillon - Macron : Macron
    - Fillon - Hamon : Hamon
    - Fillon - Mélenchon : Mélenchon
    - Macron - Hamon : Hamon
    - Macron - Mélenchon : Macron
    - Hamon - Mélenchon : Hamon

    H. aurait voté Fillon en cas de duel Fillon-Mélenchon, parce qu'il pensait qu'il valait mieux un voleur que la France prenne quinze ans de retard tandis que je gardais un certain romantisme révolutionnaire.
    La réaction de Mélenchon après le premier tour prouve que H. avait raison.


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    Agenda
    Assesseur de huit à vingt-deux heures. Dupont-Aignan est passé accompagné de sa fille de quinze - vingt ans. Je me demande dans quelle mesure elle n'était pas présente uniquement pour éviter qu'il se fasse prendre à parti, ce qui serait lamentable.

    La cave à bananes

    Le jour de l'expo de Françoise, Elisabeth m'avait fait une critique si enthousiaste de la performance de Martin Granger à partir du générateur de critique de danse contemporaine que lorsque j'ai appris qu'il allait le jouer ce soir, j'ai cassé les pieds à tous pour y aller.

    Très bonne soirée, avec bien plus que le spectacle de danse, mais aussi la démonstration d'une méthode qui permette en écoutant la musique plus vite (une note sur deux, une sur quatre (c'est absurde je sais: c'est le but)) nous puissions espérer écouter tout ce que nous avons stocké dans nos divers appareils. Martin est vraiment très bon, plein d'idées. J'avais déjà adoré "Conférence en forme de poire" il y a quelques années.

    Après le spectacle nous dînons dans un Mexicain avec Maurice et Elisabeth.

    Le nawak, condensé

    Dans le couloir de l'entreprise, nous discutons à trois.
    Une collègue: «mais ils sont où, les FN? Tu en connais, toi?» Non, pareil.

    Dans le RER je regarde autour de moi en me disant que c'est un sur dix, mais qui ?

    Dans l'Essonne, il n'y a pas d'assesseur FN pour le second tour.
    H me dit: — m'étonne pas, c'est des couilles molles.
    Moi, interloquée: — je ne comprends pas, quel rapport ?
    — Ils votent FN, mais ils ont peur de le montrer, ils ne sont pas prêts à s'afficher en bureau de vote toute une journée.

    Bon bon bon. Donc il faut que leur parti gagne, mais sans qu'ils se montrent, tandis que pour les abstentionnistes, il faut que le FN perde, mais sans leur vote. Je suis de plus en plus en colère. J'aurais dû faire beaucoup plus de sport ce matin.

    201/365 : perturbations par ricochet

    A 7h29 sur France Inter est annoncé un incident électrique à Denfert-Rochereau sur le RER B.
    O. me regarde au-dessus de sa tasse: — J'ai tellement pas envie…
    — Mais tu ne prends pas le B.
    — Oui, mais quand il y a ce genre de problème, je ne sais pas pourquoi, ça retentit sur toutes les lignes.

    Il avait raison. Il a réussi à monter dans le RER de 7h42, j'ai pris le 7h52 debout et compressée; il y avait des ralentissements à Nation sur le RER A, j'ai pris la ligne 1 jusqu'à Esplanade de la Défense, debout encore, me convainquant rétrospectivement que mon arrêt de travail était justifié, je n'aurais pas pu tenir debout ainsi tous les jours.

    Départ 17h32 pour le parking d'Auchan à Brétigny (! : ça c'est de l'aventure)
    ligne 1 Esplanade de la Défense - Clémenceau
    ligne 13 jusqu'aux Invalides
    quelques kilomètres de couloirs (tapis roulant etc : je ne connais pas cette station donc ça me surprend) puis RER C terminus Brétigny
    Dieu que ce RER est lent, en s'arrêtant pourtant peu. Terrains vagues, pluie, la Seine entre les immeubles.
    19h16 - bus jusqu'au centre commercial Maison neuve.


    (Réunion de formation pour la tenue des bureaux de vote dimanche prochain dans une salle derrière Auchan Brétigny. Y parvenir en transport en commun à partir de la Défense relève de l'exploit et de l'obstination.)

    La folie : suite

    Il y a eu deux manifestations le premier mai, une du Front National près de la statut de Jeanne d'Arc place des pyramides pendant laquelle Jean-Marie Le Pen a vociféré; une place de la République pour manifester contre le Front National (un rassemblement bien faible par rapport à 2002).
    Les désormais inévitables casseurs sont intervenus en fin de cortège, un CRS a été touché par un cocktail Molotov, une photo terrible de torche humaine a circulé.

    Un conn*** de CGTiste a commenté «Poulet grillé» sur twitter (je crois que depuis il a eu un blâme de la part de son syndicat). Nous avons appris par ailleurs que le photographe était syrien. Il raconte ici son incompréhension.
    Nathan au téléphone depuis Philadelphie ne comprend plus rien: que se passe-t-il en France? C'est la guerre? Et en effet, nous pouvons nous moquer de Trump autant que nous voulons, mais il n'y a jamais eu de telles images, même pour l'évacuation des manifestants de Standing Rock protestant contre le Dakota Access Pipeline.

    Je fais de très petites journées (de minuscules journées, mais je compense en n'annulant pas des demi-journées de congés que j'ai posées pendant lesquelles je viens travailler (c'est tout à fait contraire au droit du travail: s'il m'arrive un accident dans les locaux...)). A quatre heures et demie je vais voir La colère d'un homme patient. Les films espagnols sont toujours aussi glauques (mais celui-ci gère mal la tension, elle n'est pas assez soutenue).

    Le soir débat Le Pen-Macron. Je ne le suis pas mais lis mes contacts sur twitter et facebook. C'est très drôle (à lire) et très ennuyeux (à regarder): apparemment elle est vraiment mauvaise et ne connaît pas ses dossiers. Un twittos commente «Macron a démontré qu'il ferait un bon infirmier psychiatrique».
    Mais cela n'a pas empêché Trump d'être élu. Les gens ne choisissent pas la raison, la raison n'est plus ce qu'ils utilisent pour choisir. Manque d'éducation, fatigue, misère, bêtise? Ou les fruits d'années de mépris et de rancœur envers les premiers de la classe alimentées par un système scolaire qui ne valorise plus les meilleurs élèves?
    Ne voudrions-nous plus du meilleur d'entre nous pour nous représenter, mais d'un être aussi médiocre que nous? (question générale qui dépasse Macron, bien entendu: que la charge de représenter doive être portée par le meilleur, les meilleurs, c'était toute l'idée de "noblesse" (en entendant dans ce mot la dimension de vertu), ce qui s'entend aussi dans "dignité de la charge": ce n'est pas parce qu'on est une République qu'on doit abandonner l'idée de dignité, et même au contraire si j'en crois les récits fondateurs de la République romaine.

    La République n'est pas la décadence; c'est l'inverse, c'est l'avènement de la dignité et de la raison qui renverse un système généalogique à bout du souffle.
    Tout au moins est-ce dans cette idée que j'ai grandi et que j'ai été éduquée.

    200/365 : RAS

    De nouveau à onze heures au bureau, sans anicroches.

    16h20 : ligne 1 Michelet-grande Arche

    18h20 : RER A puis RER D (Zico pour être assise même si un Zaco était à quai au même moment gare de Lyon)

    Se décider

    Je retourne en cours d'allemand pour apprendre que c'est le dernier de l'année. Nous traduisons trois poèmes de Bonhoeffer.
    C'était prévu dans le descriptif du cours, mais on peut dire que ça tombe à pic.

    Explication pour ceux qui ne connaissent pas : Bonhoeffer, pasteur protestant, est l'une des grandes figures théologiennes qui s'est opposé au nazisme au sein de "l'Eglise confessante" alors que l'Eglise allemande hésitait et se ralliait en grande partie au nazisme. Il a fait partie d'un groupe qui préparait un attentat contre Hitler (qu'un chrétien s'engage sur le chemin du meurtre reste pour moi in-pensable) et a été pendu en avril 1945.

    Quel rapport avec aujourd'hui? Voici quelques lignes d'une lettre de 1934 sur l'importance de prendre une décision, de prendre le risque de prendre une décision ("œcuménique" représente les différents courants protestants). Je pense ici autant aux hésitants en général qu'à l'Eglise catholique qui n'ose pas employer de mots fermes par peur de brusquer les anti-mariages gay (heureusement quelques évêques ont été clairs et sauvent l'honneur). :
    J'aurais beaucoup aimé discuter de nouveau de la situation actuelle avec toi, puisque la lenteur de la risposte œcuménique commence à mes yeux à friser l'irresponsabilité. Il faudra bien prendre une décision à un moment, il n'est pas bon d'attendre indéfiniment un signe du ciel qui viendrait résoudre le problème sans aucun trouble. Le Mouvement Œcuménique doit lui aussi prendre position, quitte à se tromper, comme tout être humain. Mais que la peur de se tromper les pousse à tergiverser et à se dérober alors que d'autres, nos frères en Allemagne, sont obligés de prendre des décisions infiniment plus difficiles tous les jours, me semble aller à l'encontre de l'amour. Retarder une prise de décision ou ne pas en prendre est un plus grand péché que de prendre de mauvaises décisions guidées par la foi et l'amour. […] Dans le cas qui nous préoccupe, c'est maintenant ou jamais. "Trop tard" mènera à "jamais".

    Eric Metaxas, Bonhoeffer : pasteur, martyr, prophète, espion, p.280, éd. Première Partie, Paris 2014
    L'un des élèves nous apprend que passant à Weimar en juin 2014, il avait voulu aller à Buchenwald voir le mémorial de Bonhoeffer: impossible, il venait d'être vandalisé.

    Le soir, retour en cours. J'en ai raté quatre. Troisième cours sur "Sexualité, éthique et théologie". Je suis extrêmement sur la réserve.
    Pour l'instant tout va bien : Thomas (d'Aquin), faire mémoire, agapê
    Mémoire, intelligence, volonté : selon l'importance plus grande donnée à l'un ou à l'autre, on sera plutôt augustinien, bonaventurien ou scottiste…

    Piste : Eric Fuchs, théologien protestant, a écrit un livre qui a eu beaucoup de succès autant auprès des catholiques que des protestants: Le désir et la tendresse.

    Généalogie matthéenne : les transgressions des patriarches n'entravent pas le dessein de Dieu.

    199/365 : un migrant cuit

    Je suis arrivée en retard à la gare, j'ai raté le train à trente secondes, puis découvert qu'un train sur deux était supprimé: les panneaux indiquaient qu'un homme était monté sur un train gare du Nord vers cinq heures du matin, bloquant la circulation, occasionnant de nombreux retards.
    Selon les annonces, tous les trains étaient terminus gare de Lyon, mais en réalité ce n'était pas le cas.
    Je suis arrivée à onze heures au bureau (j'ai un peu honte).

    A quatre heures, départ pour l'institut de théologie protestant métro saint Jacques.
    A six heures et demie, velib de Port Royal à rue Mézières.

    J'apprends sur twiter que l'homme monté sur un train n'était pas un jeune en train de faire l'imbécile, mais un migrant tentant de rejoindre l'Angleterre. Il est mort électrocuté sur un TGV. Il est brûlé si profondément qu'il sera difficile à identifier.
    Je note cela en détail car ma lassitude est extrême, tout cela est insensé et empire.

    22 h ligne 4 saint Sulpice-les Halles.
    J'arrive sur le quai du RER D à 22h19. Le prochain RER est annoncé à 22h39. Je lis twitter et je flippe (à cause de la conn*** ambiante). Dernière nouvelle en date publiée dans Le Canard enchaîné, Le Pen aurait prévu de dissoudre l'Assemblée si elle gagnait la présidentielle et n'avait pas la majorité (ça fait beaucoup de si).
    Un train arrive, il est 22h43, il porte le nom de Zaco au-dessus du pare-brise de la locomotive, c'est-à-dire une destination pour Melun, mais les panneaux lumineux indiquent que c'est un Rovo destination Corbeil-Essonne.
    Que croire? Confusion, les passagers s'interrogent. Je décide d'aller jusqu'à Villeneuve, au pire O. viendra me chercher.
    Finalement ce sera bien un Zaco.

    Dan

    Comme à chaque fois que Kwa vient en France il sonne le rappel, ce qui fait que nous nous voyons plus souvent maintenant qu'il est à Boston que lorsqu'il était à Brétigny (mais il paraît qu'il ne faut pas le dire).

    Rendez-vous donc Chez Marianne, le célèbre restaurant juif dans le Marais. Dan et son ami sont là, nous ne les avons pas vus depuis 2001 ou 2002. A l'époque c'était la fin de la bulle internet, Dan nous avait raconté avec beaucoup d'humour comment il avait failli devenir très riche (et puis finalement non, à un cheveu: c'était tombé sur un autre) (ah les start-up, l'horreur des start-up: comment raconter les rêves et les mythes autour de ce mot pour ceux qui vivent dans ce monde, quelque chose de l'ordre de la recherche de l'Eldorado au XIXe siècle, quelque chose que l'on atteind jamais mais qui vous anime… quelle importance tant que l'on sait que c'est davantage un mythe fondateur qu'une réalité concrète (concrètement, travailler dans une start-up, c'est travailler!))

    Nous ne l'avions pas revu depuis cette époque, je ne me souvenais pas qu'il avait une aussi belle voix. Il a travaillé cinq ou six ans dans une autre start-up, à installer du réseau au Pakistan («Je suis arrivé le premier jour du ramadan, j'ai fait mon premier ramadan là-bas: ils m'offraient de manger, mais c'était gênant devant eux, alors j'ai fait comme eux. Mes parents m'ont dit "comment, tu ne fête pas Pourim avec nous, et tu fais le Ramadan!"»), Inde, Cameroun… Il a des souvenirs ancrés dans la géographie et s'ennuie un peu maintenant qu'il est rentré dans le rang (la holding de la start-up a arrêté de financer les investissements pour se contenter d'exploiter ce qui était déployé).

    Dan et Patrick se sont fait opérer de la myopie à l'âge où l'on devient presbyte. Ils nous expliquent qu'en fait on devient double borgne: un œil pour voir de loin, un œil pour voir de près, c'est au cerveau à apprendre à gérer cela. Il est possible de choisir de "régler" les deux yeux pour voir de loin, si par exemple on fait du tir à l'arc, en acceptant de porter des lunettes pour voir de près, ou l'inverse. L'opération prend quinze secondes, «dix minutes si tu comptes le temps de t'asseoir, de préparer le champ opératoire». Ils nous ont donné un nom: le professeur Gatinel, à Rothschild. H. est tenté.

    Nous parlons des vacances, Dan raconte un ouragan en Australie: «J'avais bien lu "n'allez pas au nord du tropique du Capricorne, il y a des ouragans" mais je m'étais dit que ça irait. Les palmiers étaient horizontaux, la pluie ne tombait pas, elle volait.»

    Eux partent à Ibiza dimanche prochain après avoir voté et rentrent dix jours plus tard: «si ça se passe mal, nous ne rentrerons pas», disent-ils en riant. «Mais ça se passera bien», ajoute Dan confiant, tandis que Patrick paraît beaucoup plus proche de mon inquiétude: lui est sur les réseaux sociaux, il voit l'abstention et les discours délirants.


    Par ailleurs je me suis inscrite pour être assesseur dimanche. J'ai besoin de faire quelque chose, de servir, au sens fort.
    A Marseille, le soir du premier tour, un président de bureau est rentré chez lui en oubliant de donner le procès verbal de fin de vote: fatigue et manque d'expérience. Moralité, l'ensemble de la publication des résultats a été bloqué. Il manque des assesseurs pour le second tour.

    Il se fait tard, la nuit vient

    Messe. Les pélerins d'Emmaüs (je l'ai traduit en cours, je corrige mentalement la version liturgique que j'entends (la version liturgique gomme les aspérités de l'original, elle est plus facile à entendre, à comprendre): les stades traduits en heures de marche, l'espace traduit en temps…).
    Il n'y aura strictement aucune allusion à la situation actuelle, à l'entre-deux tours, mais au moment de l'envoi, le prêtre sud-américain conclura de façon très solemnelle par «je vous invite cette semaine à méditer cette parole de l'Evangile d'aujourd'hui: "reste avec nous Seigneur, car il se fait tard, la nuit vient"».


    A trois heures je participe à la première manifestation de ma vie, devant la mairie, à Yerres. Dupont-Aignan, qui s'est allié à Marine Le Pen, a qualifié les Yerrois d'idiots utiles.



    Fontainebleau

    La tension entre ces deux tours est intense. Je crois que l'on peut parler de haine. Twitter, Facebook, tout est devenu insupportable.

    Pour ma part, je crois que ce qui définit le mieux ce que je ressens, c'est le chagrin. J'ai du chagrin, du chagrin de voir où en est la France, du chagrin de ne pas reconnaître mes amis, du chagrin de ne pas comprendre cet emballement, du chagrin à être impuissante à rassurer et à calmer. «Que se passe-t-il?» sera ma question de 2017.

    Nous sommes allés visiter le château, un peu tard : il faudra revenir, nous n'avons pas tout vu. Il faisait très beau. J'ai trouvé de la camomille, de la vraie.


    Folie : la reprise

    Je continue à prendre des notes pour le futur, quand nous ne comprendrons plus ce qui s'est passé (si tant est que nous le comprenions maintenant, mais au moins nous le vivons).

    Trump est à deux doigts de déclarer la guerre à la Corée du Nord.
    D'après "Rogue Potus", un compte twitter de "résistants" qui twitte de l'intérieur de la Maison blanche, les félicitations remportées par son bombardement en Syrie en réponse à un gazage de la population (et notamment des enfants) sont montées à la tête de Trump qui souhaiterait obtenir à nouveau le même type de louanges:
    Rogue POTUS
    Precisely. All the praise for being "Presidential" when he bombed Syria went to his head. Now he's looking for his next fix.


    En France, l'hystérie s'est emparée du pays. Nous sommes loin de la réaction spontanée et solidaire de 2002 contre le Front National. S'est-on habitué à l'idée, ou la fille fait-elle moins peur que le père?

    Mélenchon n'a pas appelé à faire barrage contre le FN, les évêques de France ne se sont pas encore prononcés, LaManifpourtous (devenue l'association Sens commun), sans (grande) surprise, se rallie à Le Pen.
    Des gauchistes déclarent qu'ils s'abstiendront, comme si Macron était pire que Chirac, comme si Macron n'avait pas été un ministre de Hollande. (Faut-il que Macron soit brillant pour déclencher autant de haine. En tout cas, moi qui n'en pensais pas grand chose, je vais finir par le croire.)
    Certains déclarent que voter Macron en 2017, c'est faire le lit du FN pour 2022 (cherchez la logique de favoriser celui-ci dès aujourd'hui).
    Bien mieux, la nouvelle tendance semble de déclarer qu'on s'abtiendra (genre "je ne mange pas de ce pain-là") mais de pousser les autres à voter contre Le Pen "parce que le FN, c'est terrible".
    Plus Tartuffe tu meurs.

    Voici un fil twitter d'une femme de gauche détestant Macron mais appelant à voter pour lui. Ce qu'elle pense ne représente pas mon opinion, mais je trouve intéressant sa récapitulation de ce qui se passe aujourd'hui dans les mairies FN: ce qui se passe au présent, pas dans le futur.
    Les tweets datent du 25 avril. Depuis, la tweeteuse L'étagère (c'est son nom) s'est déconnectée pour ne pas trop s'énerver.
    Donc voici la suite des tweets, pour les lire aujourd'hui, les conserver demain.
    Ce lundi j'ai lu plusieurs threads d'abstentionnistes de gauche expliquant pourquoi ils refusaient de voter, et avant de couper twitter 10j

    j'aimerais répondre -sans agresser les gens- que je. ne. comprends pas. Vraiment pas. J'entends le "on lutte déjà", "on luttera autrement",

    de nbrx militants associatifs de terrain, de gens dans l'opposition à l'échelle locale etc. Qui oui, s'engagent tous lrs jours, vote ou pas

    Mais puisqu'on a le *pouvoir* de bloquer le FN *pourquoi* ne pas l'utiliser pour avoir à lutter contre le moins violent des 2 ?

    Je ne comprends pas qu'on puisse prendre un risque aussi dingue. Macron c'est l'ubérisation de la France le libéralisme taré, totalement.

    Mais putain l'autre c'est le fascisme. Le genre qui arrive au pouvoir par les urnes mais n'en repart pas forcément de la même façon.

    Bordel même Fillon a appelé en 30 s à leur faire barrage. Même Alliance ! Tandis ce matin JMLP (Jean-Marie Le Pen) soulignait la dignité de Mélenchon :-(

    Je rejoins totalement l'idée que le "vote utile" et les stratégies font toujours décaler un peu plus la "gauche" vers le centre / la droite

    Que tous les 5 ans le candidat "de gauche" l'est moins que le précédent qui l'était moins que le précédent. Et d'ailleurs, convaincue depuis

    bien *2 mois* que j'allais voter Macron en me bouchant le nez j'ai changé d'avis au dernier moment. Compris les potes qui votaient blanc

    (Tout en agonisant jusqu'aux résultats et en remerciant ceux qui nous auront évité un 2d tour Fillon / Le Pen)

    Mais on est au 2d tour. Avec un FN sur une base solide d'électeurs (qui ne s'abstiendront pas, eux) & une sacrée réserve de voix potentielle

    mais surtout, surtout, avec un gouvernement actuel qui leur a mis en place tous les outils pour bien nous niquer dès leur arrivée.

    La loi renseignement, l'état d'urgence. Evidemment que ça me débecte de voter pour ces gens là et que je me sens prise au piège

    Ms est-ce qu'on peut pas juste bloquer l'autre & décider qu'on luttera de ttes nos forces contre celui qui ne tirera pas à balles réelles?

    En fait ce qui me terrifie le *plus* quand j'écoute les amis de gauche abstentionnistes, c'est de réaliser qu'ils pensent vraiment Macron

    aussi dangereux que Lepen. Ou plutôt, Lepen pas plus dangereuse que Macron. Alors sans nier une seconde le danger du candidat non-fasciste

    Je vais tenter un petit rappel de ce que font les candidats facistes. Et nan je vous insulterai pas avec une comparaison France / CdN (Corée du Nord, je suppose)

    Et préfère m'en tenir purement à ce que font les élus FN avec un mandat, ici, en France.
    Genre, ficher les élèves musulmans (Béziers)

    Ou confisquer les locaux de la Ligue des Droits de l'Homme (Mantes-La-Ville)

    Ou interdire tout enregistrement de leurs conseils municipaux (arrondissement Marseillais)

    Ou encore bannir les journalistes des dits conseils (Fréjus)

    Faire virer les adjoints qui repèrent le trucage des comptes de campagne (Hayange)

    Faire interdire des conseils de rock, ou des spectacles de danse orientale, ou un film (Revoyez-le tiens, "Chez nous".)

    Virer les subventions des clubs de foot parce que les jeunes y parlent trop en mode "banlieue"

    Se réjouir de l'assassinat d'un homme par les terroristes car "bonne diversion !"

    Annoncer l'armement de la police municipale avec une campagne délirante en mode "les armes sont nos amies"

    Recruter des ex Générations Identitaires fichés par la DCRI (quoi c'pas fiché S ?) (Cogolin)

    Repeindre ou censurer des oeuvres d'art (Hayange), retirer @libe de la bibliothèque municipale (Fréjus)

    Faire construire un mur anti-roms, pardon, "anti cambriolage" et transformer des rues en impasse (Hénin-Beaumont)

    Faire évacuer le stand du Parti de Gauche par la police sur un marché (Fréjus)

    Interdire l'accès au spectacle de Noel aux gamins ne présentant pas de papiers d'identité français (Marseille)

    Annuler la participation de la ville au Téléthon tout en cherchant à s'augmenter de + de 40 % (Pontet)

    Donc oui, j'ai 50 alarmes rouges clignotantes avec sirènes qui gueulent dès que Macron parle travail, chômage, entreprise, start-up

    Mais avec le FN plus rien ne sonne parce que ça a déjà explosé depuis longtemps. Le FN au pouvoir c'est ça : une censure de la presse, de la

    *culture*, le blocage des associations militantes, des partis d'opposition, et des affiches et initiatives qui feraient rêver la NRA

    Si vous vous abstenez parce que vous pensez que MLP ne passera pas, qu'on est large, demandez vous combien font ce calcul

    Et si vous vous abstenez parce que merde et "on fera avec" je vous conseille de passer quelques jours à Hénin-Beaumont, ou de lire ceux qui

    y vivent (je vous renvoie sur le FB ou twitter de @marinetondelier, entre autres), de voir un peu avec quoi "on fera avec" #Régime

    Suis toute pr descendre dans la rue les 5 ans qui viennent mais allez savoir pourquoi j'ai l'espoir que la lutte sera un cran moins réprimée

    Si on fait barrage au parti qui veut tuer nos assos et nos moyens de lutter, armer leurs milices & faire taire la presse qui les dénoncerait

    Bon & très égoïstement j'aurais rien contre garder le peu de droits acquis ss Hollande ni voir ma binationale de mère

    Ou ma pote reconduite à la frontière mais ça c'est encore autre chose

    Vous vous rappelez la mobilisation dantesque contre la Loi Travail? Et ses résultats? Sa répression déjà ultra agressive?

    Parce qu'a priori la répression sous le FN ça sera pas juste des matraques un peu plus longues et 10 volts de plus dans les tasers.

    Voter contre Marine (et pas "pour Macron") c'est pas se trahir, c'est juste se foutre un gilet pare-balles avant de descendre dans la rue

    C'est absolument pas incompatible, en ce qui me concerne, avec l'idée de lutter sur le terrain contre cette politique libérale de merde.

    Alors que sous le FN, pas dit que "être en capacité de lutter tout court" devienne un privilège plus restreint que jamais.

    J'en profite pour dire aux amis abstentionnistes-mais-qui-partent-vivre-au-Canada que pour le bien de notre amitié on se reparlera post 7mai

    ———————————
    Agenda
    Charlotte chez le vétérinaire. Détartrage et arrachage de dents.
    Acupunctrice. Très encourageante en regardant mon IRM. Elle a piqué des endroits très douloureux dans le pied.
    Reprise du travail. Je suis reposée.

    Macron au deuxième tour

    Lu sur twitter :
    Sebastian Marx
    Les français en 2002 : "Oh putain, c'est Le Pen en 2eme !" Les français en 2017 "Ouf, Le Pen est qu'en 2eme !"
    Macron est arrivé premier.
    Trump, le Brexit, B., la folie qui semble s'être emparée de la planète depuis neuf mois est en suspens un moment.
    Dans les contacts FB ou Twitter déçus, je lis deux types de réactions : ceux qui accusent Macron de continuer le hollandisme (sous-entendu des mesures tièdes et une absence de mouvements et de réformes) et ceux qui l'accusent d'être à la botte de la haute-finance (sous-entendu un ultra-libéralisme débridé qui va démembrer la France).
    Cela me paraît de bon augure. Par expérience, je sais qu'être sous le feu d'accusations contradictoires est le signe d'une certaine liberté de pensée, d'une pensée qui déconcertent ses contradicteurs qui eux-mêmes pensent par rapport à une norme figée.


    Il reste à ce que Macron soit élu au second tour. Ce n'est pas encore fait et une menace inattendue se précise : Le Monde et L'Obs mettent en garde contre une intervention de la Russie.
    En Russie justement, jusque tard dans la soirée, la chaîne d’information Rossia 24 et plusieurs agences russes ont placé Marine Le Pen en tête du premier tour de l’élection présidentielle française, devant Emmanuel Macron. Avec force bandeaux rouges ou incrustations d’écran, la candidate du Front national l’emportait obstinément comme si le compteur, en Russie, s’était figé sur «50% des bulletins dépouillés».
    Le Monde

    Pour Vladimir Poutine, le face-à-face Macron-Le Pen est le pire des scénarios. Trois des quatre principaux candidats étaient favorables à un rapprochement avec Moscou – voire un alignement. Il était donc très possible que la finale oppose deux partisans d’une ligne "souple" vis-à-vis de la Russie. Or c’est le quatrième compétiteur, le plus hostile à la politique russe actuelle, qui arrive en tête. La victoire probable d’Emmanuel Macron, qui entend renforcer l’Union européenne et s’opposer à l’idéologie populiste, serait une grave défaite pour Vladimir Poutine, à la fois sur le plan international et interne. Poutine va-t-il le laisser gagner sans tenter quelque chose? Probablement pas…
    D’ores et déjà, les institutions russes soutiennent ouvertement Marine Le Pen, que le chef du Kremlin a reçue juste avant le premier tour. Pour le constater, il suffit de regarder certains comptes Twitter officiels. Celui de la puissante chaîne télévision de l’armée russe, TVZvezda, par exemple. Son annonce du résultat du premier tour, contient le hashtag #JeVoteMarine…
    Le Nouvel Obs

    Promesse

    Si nous avons Fillon-Le Pen au second tour, je déclare Penelope comme personne à charge dans mes impôts.

    Emploi du temps

    Je ne suis pas allée en cours d'allemand ni en cours de théologie (trois cours manqués d'affilé).

    J'ai fait le point sur l'oral de mardi prochain. Je ne suis pas encore tout à fait sûre du sujet que je choisis.

    L'analyse de sang reçue aujourd'hui ne fait rien paraître de particulier. Dommage, j'aurais aimé un manque de potassium ou de calcium, cela aurait été si simple.
    Demain acupuncture, jeudi dentiste (on m'a dit que des dents mal jointives pouvaient jouer sur le dos), IRM (rendez-vous pris aujourd'hui!!), ostéopathe.
    Dans l'ensemble ça va mieux: sciatique qui prend vers quatre heures du matin et passe vers dix heures (mais pourquoi?), point dans le dos qui est le même que celui que j'ai connu en janvier et février.

    Vendredi je retourne au bureau; A. se charge gentiment d'emmener les chattes chez le vétérinaire. Elles vieillissent.

    Loup y es-tu ?

    Nous avons passé la journée chez mes parents pour fêter l'anniversaire de H., de ma tante et le mien.

    Le soir, nous prenons l’autoroute pour rentrer. J’ai terriblement mal, si mal que j’hésite à demander à s’arrêter. Mais à quoi bon? Il fait froid, ils ne peuvent pas me laisser dans le fossé, il faudra repartir. Comment vais-je faire? C’est insupportable.
    J’appelle les enfants à l’aide : «Il faut que vous me fassiez penser à autre chose. Racontez-moi quelque chose, sinon je ne vais pas y arriver».

    Alors ils racontent des souvenirs d’enfance. (En particulier, O raconte qu’une nuit il a fait pipi dans le placard tant il avait peur de faire du bruit et de nous déranger. Je suis traumatisée: est-ce que nous étions des parents méchants à ce point-là? — J’étais petit, maman!1) C. nous raconte un jeu de colonie de vacances: le loup-garou. Parmi les joueurs, un a tiré la carte du loup-garou, il est le loup-garou. Les autres qui sont les villageois doivent deviner qui est le loup parmi eux. Il y a plusieurs rôles, le paysan, la petite fille, la sorcière, etc, avec des attributs particuliers (certains guérisseurs, d’autres immortels, etc). Les villageois décident dans la journée qui ils tuent (celui qu’ils pensent être le loup-garou, qui participe sans se dévoiler à leurs discussions), le loup-garou tue un villageois chaque nuit. (Si vous voulez jouer, il faudra vérifier les règles, je raconte à peu près).
    En colonie, mes trois enfants ont vécu la même expérience: ils paraissaient toujours louches par leurs suggestions, ils se faisaient tuer tout de suite par les autres joueurs.

    — Une fois, raconte O., les rôles en présence étaient tels que nous aurions tous pu vivre éternellement sans jamais nous faire tuer. J’ai essayé de leur expliquer comment s'y prendre. Il fallait réfléchir, ils ont préféré me tuer.

    Cette phrase va me poursuivre le restant de mes jours, je crois. Quel résumé!

    En tout cas, mission accomplie, merci les enfants: leurs récits ont été si passionnants que j’ai réussi à atteindre la maison sans trop penser à mon dos.



    Note
    1 : ajout en septembre 2022 : j'ai obtenu des explications supplémentaires. En fait, il jouait sur sa Gameboy sous les couvertures et comme H. travaillait très tard, O. avait peur d'être vu allant aux WC et de se faire enguirlander. Me voilà rassurée: en fait c'est sa culpabilité qui l'avait poussé à cet acte étrange.

    Dédramatisons

    Le miracle fut de courte durée. Ce matin, les mollets, les os, brûlent, surtout assise.
    Je me lève de ma chaise de petit déjeuner en gémissant, en expulsant l'air (après tout, c'est à cela que servent les cris): «ah, ah, ah, ah».
    Et le plus jeune de fredonner: «stayin' alive, stayin' alive».

    Reprise

    9h acupunctrice. Il est un peu plus difficile de dormir alors qu'on vient de se lever…

    10h30 La Défense. J'ouvre le courrier, je récupère les fichiers nécessaires au dossier pour l'ACPR (pour le 30 avril), je prends quelques documents, je fais attention à n'ouvrir aucun mail qui pourrait montrer que je suis là, je ne réponds à aucun coup de fil.

    14h. Déjeuner à la brasserie en face avec H. qui me sert gentiment de chauffeur.
    — J'ai eu OA au téléphone. Il me dit que si la boîte est à Paris, nous obtiendrons directement cinquante mille euros de la mairie de Paris. Avec ces cinquante mille, on prend des gens pour trouver des subventions à Bruxelles. On devrait obtenir un million et un prêt de la BPI.
    (Je note ici pour avoir une trace de mon ahurissement. Ce projet n'aboutira peut-être jamais, mais s'il aboutit, j'aurai des dates, des lieux, sur sa progression concrèté.)

    16h30 retour chez la doctoresse. Nouvel arrêt d'une semaine (pas plus : retour au travail vendredi prochain!). IRM, kiné (pour muscler le dos (je suis un peu surprise, je ne me considérais pas dans les peu musclées, mais après tout, va savoir, Charles. C'est toujours relatif)), prise de sang, anti-inflammatoire (ibuprofène 400 trois fois par jours): mais pourquoi avoir tant focalisé sur la douleur et ne pas s'être occupé plus tôt de soigner le fond? Je m'en fiche d'avoir mal, c'est juste fatigant et difficilement "exposable" en public.

    Le soir, vers minuit, miracle : plus rien. Ni dos, ni jambes. L'ennui de devoir faire tous ces examens? L'ibuprofène? L'acupuncture?

    «L'alcool nuit à votre santé, mais surtout à votre réputation.»

    Pas d'amélioration. Limite de sciatique.
    Fondue aux morilles et vin de paille au Petit Castel à Château Chalon. Excellent (un peu surprise que leur note ne soit pas meilleure dans les avis en ligne, mais le patron est du genre "bourru" décrit il y a quelques jours).
    Sieste, à la fois digestive et pour fuir la douleur. Je commence Le Brave Soldat Chveïck. Il me fait penser au sapeur Camember (lui issu de la guerre de 1870, je viens de vérifier).

    Orage

    Ai-je trop dormi hier? Autant j'allais mieux, autant je pensais hier soir avoir passé le paroxysme et être sur la voie de la guérison, autant mon état avait empiré ce matin. J'ai mal même immobile, même dans mon sommeil, ce qui n'était pas le cas jusqu'ici. Je n'en vois plus la fin.

    Départ des "voisins" dans la matinée après une ultime discussion politique, moi m'enflammant quand "le voisin" chante les louanges de Ségala (Ségala et Jacques Attali, mes deux bêtes noires).

    Orage dans l'après-midi. Candycrush et quelques textes de théologie morale dans le salon au coin du feu. Je n'ai toujours pas choisi mon sujet pour le 25 avril. Je m'interroge: est-ce que mon lumbago est lié à ma lassitude de la mutuelle et à la peur de cet oral? Après tout, l'année dernière à la même époque c'est mon genou qui m'avait immobilisée (mais sans arrêt de travail), me permettant d'écrire ma dissertation de fin d'année plus ma dissertation en retard…
    Est-ce que je psychote trop et raconte n'importe quoi?
    C'est long.

    Dimanche

    Un temps magnifique dont je n'aurai rien vu : j'ai dormi une partie de l'après-midi dans le bruit des boules de billard qui s'entrechoquent.

    Discussions politiques au dîner. Mélenchon au second tour ? Deux poutinistes au second tour? Revivre le mitterrandisme, les expériences qui nous font prendre dix ans de retard avant de revenir aux contraintes de la réalité?

    Frontenay

    Petit déjeuner à la Cimentelle avec une fantastique confiture au citron. La table d'hôte doit être exceptionnelle mais nous ne savions pas qu'il y en avait une et il faut réserver. Nous discutons avec le propriétaire (plus détendu que sa femme elle-même plus détendue qu'hier) qui nous conseille le Soufflot à Irancy.

    Dernière partie de voyage calamiteux entre Avallon et Frontenay: je finis allongée sur le siège arrière en chien de fusil (nous avions pris des oreillers). Un moment sur le parking de l'autoroute j'ai cru ne pas sortir de la voiture, mon cerveau ne savait plus quels ordres envoyer. Je suis sortie à la force des bras, paraplégique, suspendue à H.

    Arrivée dans une immense maison de famille jurassienne appartenant à des amis qui nous ont invités quelques jours ainsi que nos voisins ("le" voisin, celui qui nous boit toutes nos bières!).
    Enorme maison, murs épais, meubles dépareillés ayant traversé les années, billard dans la pièce centrale sur laquelle s'ouvrent les chambres, papier peint d'époque, prises électriques des années cinquante, tout solide et délabré.

    Sieste, farniente, il fait magnifiquement beau, je ne peux m'allonger dans les chaises longues peur de ne jamais me relever, coucher de soleil contemplé de Château Chalon avec vu sur la Seille et les reculées du Jura, soirée au coin du feu.

    Je n'aime pas le vin jaune mais je ne le dis pas (je l'écris ici).

    Acupuncture

    Je continue l'exploration des solutions possibles : après l'ostéopathie, la rélexologie plantaire et l'allopathie, l'acupuncture. Cela a apaisé, mais pas longtemps, et surtout beaucoup détendu le reste du corps, y compris les traits du visage. Je me suis endormie dès que l'acupunctrice m'a laissée seule avec les aiguilles.
    Interdiction de porter des charges lourdes.
    Elle voulait absolument trouver une raison précise, un mouvement précis, à l'origine de ce lumbago. Mais rien, sinon le fait d'avoir continué à ramer alors que je sentais une gêne (c'est à ce moment-là que j'aurais dû aller chez l'osthéopathe), ne pas m'être suffisamment étirée, avoir porté des yolettes en serrant les dents alors que cela devenait insupportable, avoir poussé à l'ergo, avoir allongé mon coup d'aviron sur l'arrière, augmentant la bascule avant-arrière du corps1… et finalement avoir mis cinq minutes à sortir de la coccinelle. Je n'ai pas fait attention aux signes: «c'est comme ça chez les yang, ils encaissent, et quand arrive quelque chose, c'est souvent brutal».

    Je continue l'exploration de ce qu'il ne faut pas faire. Ce soir, le long trajet en voiture. Invitation d'une amie en Franche-Comté, le voyage était prévu depuis longtemps et difficilement décommandable car déjà remis une fois. Cela fait un moment que j'insinue que je préfèrerais prendre le train (pour pouvoir me lever, marcher. Assis, c'est vraiment le pire), mais notre destination est loin de tout. Nous avons décidé de faire une étape afin de faire deux fois deux heures de voiture plutôt qu'une fois quatre.
    Depuis deux jours, j'ai beaucoup plus mal que durant les trois semaines précédentes.

    Nous arrivons à huit heures dans une belle propriété près d'Avallon, "la Cimentelle". La chambre est très jolie, la propriétaire ne fait aucun effort d'amabilité. Nous rions d'imaginer des Américains accueillis par une telle personne. Ça doit leur faire un choc. Il faut que nous leur apprenions le terme "bourru" comme une caractéristique française. Le Suisse lent, l'Américain jovial, le Français bourru. Pour une anthologie des clichés destinés à l'indulgence.
    Quatre Porsches et une Picasso dans la cour, toutes suisses.


    Note
    1 en août dernier, je n'ai pas pu me servir de mon pouce gauche pendant un mois (imposible de saisir ou porter) après avoir modifié ma prise sur la pelle.

    Rechute

    Matin en forme.
    Puis j'ai fait l'erreur d'aller jeter le verre dans le container à cinq cents mètres de la maison.
    Ou l'erreur de faire des étirements.
    A midi, douloureux. Pris un rendez-vous chez un acupuncteur dans un moment de "après tout essayons", mouvement aussitôt regretté mais pas le courage d'annuler.

    Il est possible que ce soit en train d'évoluer vers une sciatique. Difficile de s'appuyer sur mon pied droit, je sens le bassin appuyer sur la tête du fémur, à droite. Quel dommage de ne pas mieux comprendre son corps, c'est intéressant, curieux: tout ce qui habituellement n'existe pas, n'envoie pas de signaux, devient sensible, mystérieux: que se passe-t-il, qu'est-ce qui a mal, pourquoi? Enflé, pincé, contracté, déplacé? Quel dommage de ne pas avoir une sensation assez fine de son propre corps pour comprendre se qui se passe.

    Découragée ce soir. Si je m'arrête, tout le travail va retomber sur J. Si je m'arrête, ce sera uniquement pour éviter les transports. Etrange raison.

    Oui, découragée. J'arrête les médicaments (je n'ai pris qu'un doliprane codéiné à midi (au lieu des trois prescrits)), ils ne soulagent rien mais me sapent le moral.

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    Podcast sur la vie de Malcom X. Début de celui sur Aimé Césaire.
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    Aujourd'hui Pascale a cinquante ans. Où est-elle ?

    Poutou ce héros

    Ah, dans mes bras, Poutou. Il a latté sa gueule à Fillon et Le Pen. Dans les choux, à terre, ratatinés. Je me passe en boucle, avec le son, cette vidéo (oui, AVEC LE SON, moi qui ne supporte jamais les musiques de m***). Ça me console, ça me ravit, ça m'enchante.

    Je me suis levée à sept heures pour envoyer les deux derniers rapports puis je me suis recouchée (je partage le lit avec le chat: elle en prend la moitié et moi l'autre, c'est très difficile de dormir avec un chat et un lumbago). A midi j'ai appelé pour un dernier point. Mercredi midi : je considère que j'ai fait ma part, qu'ils se débrouillent. Je ressens si peu de culpabilité que je suppose que je dois être en colère, en colère de voir partir ceux avec qui j'aimais travailler, en colère de ne pas être prise au sérieux lorsque je dis que le vrai risque de cette mutuelle, c'est que nous ne sommes que deux à en connaître les rouages, en colère de voir la CAC nous soûler avec des problématiques qui ne sont pas les nôtres, en colère d'avoir si peu de visibilité sur l'avenir de cette mutuelle.

    Je dors, je joue à Candycrush, je bois de la camomille.
    Ce soir ça va un peu mieux.
    Je copie-colle ici une défense pro-Macron que j'ai écrite en réponse à une remarque sur FB, parce que je vois passer dans mes contacts des attaques violentes contre lui comme je n'en vois pas contre Fillon (mais lui est au-delà des mots), Hamon ou Melenchon. Est-ce parce qu'il est crédible qu'il focalise ainsi les attaques?

    «
    Macron s'est dit attaché à l'Europe. Je n'en connais pas d'autre qui le proclame ainsi clairement.
    Il considère que l'accueil des réfugiés est un devoir, et ça correspond à ce que je pense.
    On lui reproche de vouloir supprimer 50000 postes: supprimés ou non remplacés? Parce que s'il fait ça brutalement, nous aurons tout le monde dans la rue, comme d'hab.
    En revanche, s'agissant de l'éducation, il est sans doute le seul à prendre le problème au sérieux (selon le mot de Houellebecq dans Soumission: «la droite n'avait jamais su ce que c'était, il y avait longtemps que la gauche avait abandonné ce terrain»).
    Quant à l'hôpital, je peux vous dire via un spécialiste de droit social (le genre qui m'a permis de connaître Piketty ou le revenu universel avant que ce ne soit à la mode) que les ressources humaines des hôpitaux sont très mal gérées.
    Il y a un vrai problème de partage entre le public et le privé, je vous l'accorde (il est anormal de rebasculer dans le privé ce qu'on ne sait pas gérer dans le public), mais il ne s'agit pas d'abord d'embaucher mais de réorganiser (et ensuite éventuellement d'embaucher, mais cela ne ser une solution que si l'on a d'abord réfléchi). J'espère que Martin Hirsch qui s'occupe de l'AP-HP restera en poste car c'est quelqu'un de pragmatique qui n'a pas peur de mettre les gens autour de la table (par exemple il a fait rencontrer aux directeurs de l'ex-ANPE des chômeurs: ils n'en avait jamais vus... (lors de l'élaboration du RSA)). »

    Le débat

    Trois jours seule à la maison. Je travaille lentement. J'envoie le rapport de gestion et le rapport sur la délégation de gestion. Je dors une partie de l'après-midi, assommée par les médicaments. Sont-ils destinés à me soigner (décontracter les muscles, si j'ai bien compris) ou à atténuer la douleur? Parce que si c'est la seconde réponse, je peux arrêter: ils n'atténuent rien du tout et m'endorment. Je n'ai pas si mal que ça si je ne bouge pas, c'est pa transition debout assise ou n'importe quel mouvement vers l'avant qui sont insupportables.

    Donc je dors, de façon anarchique, de dix heures à midi, de trois heures à cinq heures, de sept heures à neuf heures. C'est à ce moment-là que je m'aperçois que le CAC (commissaire aux comptes) a envoyé des corrections sur l'annexe et qu'il remet en cause le classement des titres entre revenus fixes et non fixes… C'est bien le moment, je ne peux rien vérifier loin du bureau.

    Avec toutes ces siestes je n'ai pas sommeil, je travaille jusque tard dans la nuit et termine quasi en transe les deux derniers rapports sur le contrôle interne et la solvabilité. Un reste de décence me fait ne pas les envoyer (trois heures du matin…), je me lèverai demain pour cela.

    De loin en loin je suis sur FB les réactions suscitées par le débat entre les onze candidats à la présidentielle. (Quelle drôle d'idée, onze. Quand passera-t-on le nombre de parrainages à mille au lieu de cinq cents?) Cela me paraît très long, quatre heures, cinq heures… Je ne peux pas regarder ce genre de choses: comme je ne les crois pas, aucun d'entres eux, je m'ennuie très vite. Les discours en entreprise me font le même effet: ils mentent, nous savons qu'ils mentent, ils savent que nous le savons, et nous continuons comme si de rien n'était.

    Lundi chargé

    Dans le meilleur des mondes j'aurais passé mon week-end à travailler et je pourrais pleinement profiter de ma semaine d'arrêt. Dans la réalité je n'ai rien fait et je m'y mets dès le matin : envoi de mails pour prévenir de mon absence et du fait que je vais envoyer dès que possible des premières versions de documents qui seront à relire afin d'être présentés en conseil d'administration vendredi.
    Envoi du procès-verbal du dernier conseil, de l'ordre du jour, de l'annexe des comptes corrigée selon les dernières normes de l'ANC (j'en veux au commissaire aux comptes de m'avoir prévenue de ce changement de normes… mercredi dernier! Quelle andouille, heureusement que je l'aime bien).

    Sieste puis départ pour le bistrot d'Edgar près de la grande bibiothèque.
    Nous finirons par voir Kwa plus régulièrement maintenant qu'il vit à Boston que lorsqu'il était à Brétigny… (phénomène à la fois étrange et bien connu).
    Parlé des élections, et bien sûr de Pénélope, des emplois fictifs, du manque de vergogne:
    — Mais en plus, elle travaillait ailleurs, dans une revue ou je ne sais où… (toujours surprenant de constater que quelque chose que l'on considère acquis semble à peine connu par d'autres)
    — Oh tu sais, les emplois fictifs, ça se cumule!
    Cette capacité à rire de tout, à s'offusquer quelques jours puis se mettre à rire, à tourner en ridicule… Est-ce pour cela qu'il fait bon vivre en France?

    Logan

    Je retranscris ici le fil d'une twitteuse parce que je le trouve fantastique et je ne veux pas le perdre.
    (Chaque saut de ligne correspond à un tweet (140 caractères)).
    Je vous ai dit que j'étais allée voir Logan ?
    Je suis allée voir Logan.
    J'ai trouvé ça vachement bien.
    Les deux dames à côté de moi aussi.

    Enfin c'était pas gagné. Déjà, elles sont venues avec du pop-corn bruyant et pas briefées. "Tu as lu le synopsis Aimée ?"
    "Non Gabrielle."

    "Ca va nous faire la surprise alors ! "
    Ah bah ça, tu m'étonnes ça va être la surprise, le 12è volet ciné d'une saga BD en cours depuis 1945

    On a attaqué bille en tête avec le trailer de Ghost in the Shell.
    -C'est une sorte d'agent secret Aimée ?
    -Je suppose, Gabrielle.

    -Et elle est obligée d'être toute nue pour ça ?!
    EXCELLENTE QUESTION, Gabrielle. Excellente question. Gabrielle est affûtée, ça va groover.

    Logan commence et là PAS DE BOL, Aimée est pas fan du tout (#surprise) et du coup, envoie des textos et fait gling-gling avec son sac.

    (Car Aimée vient au cinéma avec son tel réglé sur Éclairage Stade de France et un sac à grelots, bon, chacun son style)(de relou)

    Coup de bol, Gabrielle is having none of this shit et l'envoie faire pipi pour l'occuper un peu. Première baston, Gabrielle est à fond.

    Elle rigole comme une bossue et glousse des "pif ! " et "paf !" genre Gabrielle revit les Quicke et Flupke d'antant. Aimée revient et boude.

    Gabrielle essaye de l'amadouer. "Regarde moi ce jeune nazi, comme il est appétissant" (= le blond de Narcos +10 pts accuracy pour Gabrielle)

    Gabrielle ne pose QUE de bonnes questions. Ma préférée étant "mais elle ne se brosse jamais les dents cette gamine ?"

    A ce stade même Aimée est à fond dedans et aide le reste du public à ne pas perdre le fil. "Ouh celui-là il est méchant !" "Dis voir, il n'a pas

    l'air en forme, ton Logan. Ainsi que ""Ces voitures américaines sont increvables, c'est comme ma Twingo." Sur ce, Gabrielle : "comment va

    Tina ?!" Petit interlude sur Tina qui fatigue (Tina est la Twingo d'Aimée, on est tous super inquiets pour Tina". Mais ouf ça va en fait).

    On passe à des considérations sociétales "tu vois ce vieux est fatigant mais il le balade partout quand même, il a bon fond".

    Pas comme la nièce d'Aimée qui laisse sa mère en maison sans jamais venir la voir. A ce stade on a établi que Wolverine >>> la nièce à Aimée

    "Oui oui" la coupe Gabrielle, car c'est re-baston et Gabrielle aime bien quand ça fait la BAGARRE. Aimée ne dit plus rien, car #Débardeur

    Aimée glisse "discrètement" (tout le monde n'entend qu'elle) qu'un membre robotisé, ça pourrait quand même être bien pratique. Elle ne dit

    pas *quel* membre mais l'enchaînement Hugh en débardeur > membre infatigable ne dupe personne. Gabrielle rigole. Sur ce, on canarde des

    enfants, et Gabrielle et Aimée sont OUTRÉES. Et dire qu'elles auraient pu aller voir au pif un autre film et ne jamais croiser mon chemin.

    C'est la baston finale. Hugh est pas en forme. "Il se sert de son environnement pour compenser ses faiblesses", estime Gabrielle qui vient

    en gros d'attribuer des points de participation à Wolverine (je suis écroulée sur mon siège, à ce stade elles ne gâchent rien puisque c'est

    juste de la grosse bagarre, bon, et puis avec tout ça Aimée n'a pas envoyé un seul texto depuis 1H20). Bientôt la fin, l'émotion monte.

    "MAIS C'EST LUI EN PLUS JEUNE !" s'exclame Gabrielle, à qui on ne la fait pas même si bon il y a eu un temps de flottement (on est sur les

    15 dernières minutes). J'éternue de rire et j'ai de la morve plein ma manche. La meuf devant Aimée et Gabrielle part précipitamment aux WC.

    Générique.
    "Alors ?"
    (verdict du test)
    "Oh non c'est trop violent pour lui".
    Le petit-fils de Gabrielle ne verra pas Logan.
    Le pauvre.

    On sort. Dehors, 25 personnes sont en train de s'allumer des clopes en répétant "MAIS C'EST LUI EN PLUS JEUNE !" et se marrent.

    Gabrielle, Aimée et ses grelots repartent dans le soleil couchant pour d'autres aventures. Bref allez voir Logan...

    Même si votre séance sera forcément moins bien que ma séance.


    (J'ai posé la question à quelqu'un qui a vu le film: «c'est lui en plus jeune» correspond à un flash back.)

    Le futur

    Vincent (petit Padawan)1 passe le week-end à la maison à réfléchir avec Hervé aux contraintes et à la modélisation d'un futur programme. Comment ne pas penser à François ou Eric? J'apprends incidemment (ça m'agace, cet "incidemment": je ne sais jamais si c'est délibération ou négligence, et les deux sont agaçantes, vexantes pour ne pas dire humiliantes) que H. envisage de monter sa propre boîte montée avec les cadres de sa boîte actuelle et un investisseur encore à trouver ou choisir.
    — J'aurais aimé être au courant.
    — Mais je ne te l'ai pas dit? De toute façon rien n'est encore décidé.

    Et de nouveaux les mêmes chemins depuis l'adolescence, comme si nous étions condamnés à réemprunter les mêmes routes jusqu'à trouver une issue.
    Heureusement que je ne me suis pas laissée tenter par le CDD à mi-temps de secrétaire de rédaction dans la revue Istina en novembre (de la rédaction et de la traduction anglais et allemand en milieu œcuménique: fascinant). Je m'étais dit que cela rendrait fou H.
    Je ne suis pas sûre de ne pas le regretter. Après tout lui ne se gêne pas pour mettre le ménage en péril. Vivement la prochaine offre d'emploi de ce type.


    Note
    1 : Vincent a la moitié de notre âge. En entendant les discussions techniques, je prends conscience à quel point l'informatique s'est transformée en vingt-cinq ans. Oui, bien sûr que je le savais, mais le point de vue d'un utilisateur n'est pas celui des développeurs. Ils ne parlent plus des mêmes choses, de la même façon. Ce qui m'étonne chez Vincent, ce sont moins ses compétences techniques (sans elles il ne serait pas dans ma cuisine en train de prendre son petit déjeuner) que sa connaissance poussée des dernières tendances du marché, les temps de réponses chez OVH, les déplacements de backbones, les derniers providers, les bascules entre intervenants, X qui devient mauvais, Y qui monte (c'est important pour un produit, cela conditionne les temps de réponse. Pour ou contre le scrollage infini sur une page, quel temps d'affichage, etc): on dirait qu'il fait une veille sur tous ces points, c'est impressionnant

    Arrêt maladie

    J'avais posé une journée de congé aujourd'hui pour mon stage d'aviron. J'ai annulé le stage mais pas la journée et j'en ai profité pour aller chez le médecin demander un arrêt de travail. Je suis épuisée. Ce n'est pas tant la douleur mais l'attention qu'elle nécessite: c'est très gênant de laisser échapper un cri de douleur en public lors d'un mouvement incontrôlé parce qu'on a oublié qu'on avait mal, en réunion ou dans le RER. Imposible de se pencher en avant pour attrapper une feuille un peu loin, impossible de se pencher par dessus une épaule pour expliquer un chiffre dans un tableau, difficile de se lever de sa chaise…
    C'est humiliant de devoir demander un arrêt de travail: après tout, si le médecin ne le propose pas, est-ce que ça ne veut pas dire que cela n'en vaut pas la peine et que je me plains pour rien? (pourtant je suis résistante à la douleur, elle ne me fait pas peur, je rappelle que j'ai accouché à la maison. Je n'en tiens pas compte, peut-être pas assez, d'ailleurs).

    Bref, je suis arrêtée une semaine et je me sens infiniment soulagée, même en sachant que le conseil d'administration d'approbation des comptes se tient dans une semaine. Etre aussi soulagée alors que je sais cela prouve sans doute que j'ai vraiment besoin de m'arrêter. (Cette auto-justification traduit mon besoin de me rassurer. Je ne préviens pas J. de cet arrêt. Qu'elle parte en congé tranquille. La Mutuelle va être fermée dix jours; dans deux semaines, ce sera le dawa, les reproches des adhérents: «on n'arrive jamais à vous joindre» (sachant que nous décrochons si bien (selon l'expression consacrée "taux de décroché") que le standard nous transmet n'importe quel appel juste parce qu'il sait que nous répondons; sachant aussi que dans ces cas-là les gens trouvent une solution, appellent ailleurs. C'est rarement aussi urgent qu'ils veulent se le faire croire)).

    ——————————
    Levée tôt pour emmener O. à la gare: il part en stage BAFA une semaine.
    Cela signifie que nous sommes sans enfant une semaine \o/

    Ironie du sort

    Je m'étais inscrite au stage d'aviron en sachant que cela tombait un jour de grec (neuf cours dans l'année, je le rappelle: chaque cours est précieux). Je m'étais dit qu'avec de la chance ce cours serait déplacé, la prof aurait un colloque, etc. En novembre en apprenant son accident et qu'elle ne reviendrait pas avant février, je m'étais dit zut, non seulement trois cours sautent mais en plus je vais en manquer un. (Cependant j'espérais encore qu'elle rattraperait des cours en fin d'année, en mai et juin.)
    Finalement tous ses cours ont été annulés: je ne manquais plus rien en allant en stage d'aviron.
    Mardi j'ai annulé ma participation au stage.
    J'aurais pu aller en cours de grec.
    Mais il n'y avait plus de cours de grec.
    (Quand je dis que tout se délite cette année).

    —————————
    Comité financier. Difficile de rester si longtemps assise après la tardive réunion d'hier.
    Nous discutons politique sans déclarer nos opinions, abstraitement (ce n'est pas gratuit: conséquences sur l'économie, sur les cours de la bourse).
    Enjeu des législatives: à moins que Fillon ne soit élu, dans tous les autres cas nous aurons sans doute une cohabitation.
    — Mais vous croyez que Fillon peut encore être élu?
    — Lui et Marine Le Pen ont le socle le plus solide: selon les sondages, ceux qui envisagent encore de voter Fillon ne changeront pas d'avis, et ils sont 17% (Marine Le Pen 18). Macron est à 20%, mais avec une volatilité de 50.
    — En d'autres termes, il peut aussi bien faire 20 que 10.
    — Oui. Beaucoup songent à Bayrou avec ses 17% au premier tour en 2012: puis après, plus rien, disparu.
    Alors que nous remontons à la crise de 2008 et aux réactions des marchés après l'élection de Trump, le trésorier, que je soupçonne de voter Fillon1, parle des banquiers Golman Sachs au gouvernement qu'il paraît considérer comme une bonne chose (puisque Trump s'était présenté comme un anti-système et faisait peur aux milieux financiers) et voyant ma tête commente: «ce n'est pas moral mais c'est comme ça». Je réponds que c'est surtout dangereux, que les mêmes effets produisant les mêmes causes nous aurons une autre crise, en pire, «la seule chose qui va manquer c'est Madoff».
    Ma prédiction tombe dans le vide et j'espère avoir tort.

    Après le comité je rejoins Hervé chez Ladurée. Puisqu'il n'y a plus de coupe Soho (glace au gingembre) je prends une coupe Ispahan (glace à la rose). Mon téléphone m'envoie une notification: mon billet de train a été annulé par Trainline mais pas dans Wallet. Je devrais être en train de prendre le TGV pour Dijon.


    Note
    1 : en tout cas il est de droite, c'est sûr, c'en est même une caricature dans les préjugés (pas pire que les miens, je vous l'accorde volontiers). Il m'est très utile pour apprendre à rester zen avec ces gens; en fait il est gentil, il a juste des réflexes instinctifs à l'inverse des miens, ce qui est toujours ce qu'il y a de plus étrange au monde: on tend à considérer qu'un réflexe instinctif est le même chez tous les hommes.

    Réflexologie et réunion interminable

    A midi, une place c'est libéré de façon impromptue pour de la réflexologie plantaire (activité proposée dans le cadre de l'association culturelle et sportive). C'est une salariée qui pratique cela, ce qui me paraît très étrange (masser les pieds de ses collègues…) Elle pose des demi-journées de congé pour cela. Je n'ose lui demander si c'est rentable par rapport à son salaire horaire.
    Je tente un ton dégagé: — Faites ce que vous voulez du moment que ça soulage!
    Elle me regarde dans les yeux: — Je vais plutôt vous achever. Il est possible que ça empire dans les deux jours qui viennent.
    Je suis très impressionnée par la façon dont elle identifie les points douloureux sur le pied une fois que je lui ai dit que j'avais un lumbago. La douleur est nette, précise, reportée exactement sur le pied. Si j'avais eu un doute (en fait je n'avais ni doute ni certitude, juste "pourquoi pas, on ne sait jamais") sur la véracité de l'affirmation "tout le corps se reflète dans le pied", il aurait été levé.

    —————————
    Le soir, réunion du comité d'audit à 17h45. Une telle heure prouve que tout le monde l'avait oublié, il a été casé où c'était possible, en catastrophe. Le président est nouveau, la réunion dure, interminable, prend fin après neuf heures et l'exposé par la commissaire aux comptes de la réforme de l'audit. Ne nous concerne que le fait que nous devrons changer de CAC tous les dix ans. Malgré cela, elle nous expose consciensement l'ensemble de la réforme. Il fait très chaud, j'ai envie de me lever, j'ai besoin de bouger.

    Forfait

    Tôt le matin, encore la nuit, je me suis levée pour aller aux toilettes. Le panier à linge en osier était sur le tapis. J'ai mimé au-dessus des deux bords le geste de monter en bateau, les deux pelles dans une main, le plat bord dans l'autre.
    Impossible.
    Sur le quai du RER, quelques heures plus tard, la mort dans l'âme, j'ai prévenu l'organisatrice que je déclarais forfait. J'ai annulé mon billet de train et la location de voiture.

    ————————
    Agenda
    Dîner au café beaubourg avec l'intermédiaire qui avait trouvé les fonds auprès de la BPI pour le projet américain — et sa femme. Nous entrons dans les détails, il prend conscience que «B. est fou» n'est pas une expression mais une réalité médicale.
    C'est un Français qui a pris la nationalité américaine et vit à New York. Il découvre que je suis passionnée par l'idée aux Etats-Unis; visiblement ça change quelque chose pour lui dans sa façon d'envisager les futurs projets d'Hervé: «Je n'avais pas compris que c'était un projet de vie. On va faire quelque chose.»
    Nous parlons de la Grèce, d'ostéopathie animale, de croissance de PME, etc.

    K.

    Je me souviens du père d'Eric proclamant que son cinéaste préféré commençait par un K.
    — Kaurismaki ? Kieslowski ? Kurosawa ?
    Il n'en revenait de tous ces noms; pour lui il n'y avait qu'un K: Kubrick.

    J'ai vu le dernier Kaurismaki. Il est dans la lignée du Havre, plaidoyer pour les réfugiés, dénonciation de l'absurdité d'un système capable de déclarer Alep dans une situation non critique tout en montrant les bombardements à outrance, refus du manichéisme: un seul peut tout sauver, un seul peut tout perdre, tout se joue sur une décision spontanée, irréfléchie. Des couleurs et de la musique, une histoire sans fin. Kaurismäki.


    ----------------
    Agenda
    Vu A. pour la dernière fois. Elle part à l'île Maurice le 9 avril. Intense sentiment de solitude au milieu de cette équipe déboussolée par la perte imminente de son chef (qui est aussi le mien, mais personne ne paraît s'en rendre compte) et l'absence d'informations sur le futur. Certains (certaines) vivent cela comme une trahison et en deviennent agressifs.

    B., le patron fou de H., a téléphoné à l'un de ses plus gros clients pour lui dire qu'il était inutile de continuer à travailler avec sa société, que le projet xx ne serait jamais prêt à temps. En une heure tous les autres clients étaient au courant, et les partenaires. Les salariés en pleurs ont appelé H.: «que va-t-on devenir?»

    Lumière

    Chaque fois que la nuit j'aperçois le prunier par la petite fenêtre du couloir, les fleurs m'éblouissent. Chaque fois je les ai oubliées, chaque fois je suis surprise.

    169/365 RAS

    Nous nous sommes appliqués et O. a attrapé le 7h42. J'ai eu le suivant à 52.
    RER A puis ligne 1.

    Rentrée relativement tôt: ligne 1 vers 17h10, RER A, RER D qui arrive à quai quand j'arrive gare de Lyon. Pas trop de monde (c'est mercredi). Nous restons immobiles quelques minutes (pourquoi?) et nous partons. C'est l'une de ces voitures décorées avec les motifs ou des photos tirés de films, c'est tout de suite chaleureux.

    Abandon

    Je suis allée travailler, par flemme d'aller chez le médecin et par conscience professionnelle: la période de clôture du bilan n'est pas le meilleur moment pour s'arrêter.
    La difficulté, c'est surtout les transports en commun. La position assise et toutes les transitions, debout assis, assis debout, sont douloureuses. Il ne faut pas que je sois bousculée, je ne suis pas sûre de ne pas tomber.

    Dès le lever, j'ai su que c'était fichu, j'avais encore trop mal: dans l'après-midi, j'ai envoyé un sms à Gwenaële pour dire que je ne pourrai pas faire la course samedi. La famille pousse un ouf de soulagement, ils n'ont pas compris je pense que je vise le week-end d'aviron du 1er avril… (pourvu que je puisse y aller). Je m'économise dans l'espoir d'avoir récupéré d'ici là. Dix jours. Cela sera-t-il suffisant?

    ——————

    J. : accident de voiture.

    168/365 RAS

    Partie à l'heure (toujours une gageure sans O.) en me "calant" sur H. qui part à Tours. Train de 7h42, RER A, ligne 1. Je me meus avec précaution.

    15h10, ligne 1, puis ligne 6 à l'Etoile. métro St Jacques.
    18h40, ligne 6, RER B. Sur le quai du RER D, je prends le premier train et descends à gare de Lyon. RER D zico de 19h12, assise à l'aise (le zaco passe un peu avant, mais il est plus rempli, or je tiens à ne pas être bousculée).

    Décoincée

    L'ostéopathe est minuscule. Elle me pose beaucoup, beaucoup, de questions, et avant la lecture du livre de Jaddo, cela m'aurait prodigieusement agacée. Maintenant je sais que les réponses négatives sont aussi importantes que les réponses positives, en particulier le fait que je n'ai pas mal à la tête et que je n'ai pas perdu de sensibilité dans les jambes: points favorables.

    Elle remet en place des cervicales (j'ai la tête toute légère) et rend sa mobilité au sacrum. Elle me conseille d'aller voir mon médecin pour passer une radio et vérifier l'état des lombaires (allons bon, il ne manquait plus que ça. Est-ce l'ergo qui m'a ainsi abîmée?)
    Je sors, un peu déçue d'avoir encore mal (je suis puérile, je sais): toute la zone est endolorie, il est difficile de faire la part de ce qui est de la douleur et du souvenir de la douleur.

    --------------

    Ce matin, lorsque j'ai envoyé un sms à J. pour la prévenir de mon absence, elle m'a répondu "je ne serai pas là mardi ou jeudi: enterrement d'un beau-frère". Voilà qui relative un grand coup mes malheurs. Je ne sais s'il s'agit d'une maladie (elle n'en a jamais parlé) ou d'un accident.

    Coincée

    En double avec Gwenaële. Nous n'aurons pas beaucoup préparé notre yolette.

    J'ai de plus en plus mal au dos. De retour de Melun, je mets quelques minutes à sortir de la voiture, me hissant avec les bras, assurant mon équilibre sur mes pieds qui ne sentent plus mon poids.
    Dans l'après-midi, la douleur se confirme. Je ne peux plus me plier, pas m'essuyer les jambes en sortant de la douche, pas enfiler de chaussettes. Toutes les transitions entre debout et assise me font mal, sont insupportables.
    La famille se ligue contre moi pour me convaincre d'abandonner l'idée d'une compétition dans une semaine. Mais comment oser annoncer à mon équipage que je déclare forfait et bousiller le bateau?

    Gentiment, A. me décoince les cervicales et confirme que j'ai le sacrum bloqué.
    Sur doctolib nous réservons une séance d'ostéopathie pour le lendemain (je ne pensais pas en trouver dans un délai si court).

    Je somnole toute l'après-midi. Impossible de toute façon de faire du ménage, et pas le courage de bloguer.

    Laudato si

    Nous reprenons ce matin l'encyclique "écologique" que nous avions déjà préparée en janvier. La chargée de TD (ou équivalent) est une sœur auxiliatrice qui travaille dans un service néonatal de grands prématurés et nourrissons handicapés: une confrontation vraie à de vrais dilemmes. Son sujet de thèse est passionnant: tragédie classique et morale (peut-on utiliser les tragédies classiques pour résoudre des dilemmes moraux?)

    J'avais peur que ce soit ennuyant, mais finalement (comme à chaque fois) non. Le peu que nous restons au bout de toutes ces années est trop passionné pour qu'une discussion quelle qu'elle soit soit ennuyante.

    Au passage, la remarque d'un étudiant contre l'importance que prennent parfois les animaux au détriment des hommes: «les animaux des pays riches qui comptent davantage que les hommes des pays pauvres» et «la SPA 1845, l'abolition de l'esclavage 1848». (A quoi je murmure à mon voisin: «adhésion de la Suisse à la FIFA 1904, adhésion de la Suisse à l'ONU 2002». Il me répond drôlement: «Oui, mais ça, c'est normal.»)

    Tout à la fin (mais pourquoi n'y ai-je pas pensé avant?), je jette un pavé dans la mare: est-il réellement cohérent de parler d'écologie, de sauvegarde de la "maison commune", sans parler de démographie, de surpopulation, et donc de contraception? n'y a-t-il pas là un angle mort de l'Eglise, un point aveugle?
    Gros brouhaha. Jacques, que j'estime beaucoup, me surprend en évoquant la dépopulation européenne, à quoi je réponds que nous sommes sur une seule planète, et qu'il suffit de rééquilibrer la répartition de la population. Mais notre culture? me répond-il. Mais si nous attendons la Parousie, quelle importance, la population qui peuple l'Europe? Quel est notre espoir, qu'est-ce qui compte?
    Nous nous séparons dans un certain désordre.

    Départs

    Mon chef (appellation affectueuse: traduire "supérieur hiérarchique") partira le 31 mai, soit six à huit mois plus tôt que je ne l'escomptais. Qui soutiendra la mutuelle dans les projets informatiques à venir?

    A midi je vais ramer. Vincent démoralisé nous apprend le départ de trois entraîneurs: deux retournent en province, le dernier part en retraite. Lui qui pensait pouvoir enfin prendre des vacances normales…

    Cette année 2017 est vraiment étrange. Tout paraît se déliter au fur à mesure. Je rêve d'escaliers qui s'élèvent au milieu de murs qui se resserrent jusqu'à devenir des étaux.

    163/365 RAS

    Nous n'avons pas été à l'heure pour prendre le RER (est-ce ce colloque qui m'amène à noter nos propres manquements? ou simplement le désir de s'améliorer et donc de noter ce qui est, pour noter les progrès (que j'espère)).

    7h52. RER D en famille (Généralement, chaque fois que H est présent, il y a des problèmes. Donc aujourd'hui contre-exemple).
    Terminus gare de Lyon, donc RER A puis ligne 4.

    15h50. Ligne 12 jusque station Lamarck.
    17h30. retour: ligne 12, ligne 14, grande bibliothèque.
    22h40, ligne 14, puis RER D.

    L'acédie

    Acédie: la première fois que j'ai entendu ce mot, c'était Ricœur qui parlait de la vieillesse et de l'approche de la mort: «La tristesse est liée à l'obligation d'abandonner beaucoup de choses. Il y a un travail de dessaisissement à faire. La tristesse n'est pas maîtrisable, mais ce qui peut être maîtrisé, c'est le consentement à la tristesse, ce que les pères de l'Eglise appelaient acédie. Il ne faut pas céder là-dessus.» (Les Cahiers de L'Herne, 2004)

    J'ai appris hier que c'est l'une des huit pensées qui, selon Evagre le Pontique, tentent de détourner le moine de la prière et de l'adoration. Quand Cassien a traduit en latin la pensée d'Evagre, il a réduit ces huit pensées à sept péchés (sept tentations), en rassemblant l'acédie et la tristesse sous le terme de paresse. (Intéressant: la paresse n'est donc pas comme je le pensais une volupté dans la farniente mais un découragement devant la tâche à accomplir, ou encore devant l'inutilité apparente de nos efforts.)

    Jamais donc je n'aurai autant entendu parler d'acédie qu'aujourd'hui, sans doute du fait de la présence d'orthodoxes.

    ***

    Les interventions du matin ont été si techniques que je n'ose les rapporter: trop d'approximations. (Il y aura des actes pour ceux que cela intéresse).

    L'après-midi a comporté trois interventions sur la compréhension du péché dans différentes cultures: Afrique (vidéo provocatrice nous montrant un "précheur du réveil" totalement illuminé (le Christ vous mènera vers le succès et vous sauvera du malheur); Asie et les problèmes de traduction (choisir parmi les mots déjà existants représentant le mal ou le malheur, d'où des résonances culturelles in-entendues des Occidentaux, inculturation ou aculturation); Amérique latine (théologie de la libération: peut-on réellement demander aux plus pauvres de se sentir pécheurs, existence du péché/faute et péché/malheur).

    François Clavairoly, protestant, a terminé la journée par une communication intitulée «le péché et la grâce, sans indulgence». Je n'avais pas du tout saisi qu'il s'agissait "des" indulgences, mais Clavairoly étant protestant, je suppose qu'il n'a pu résister à cette petite provocation (qui suppose déjà une confiance dans son auditoire). Ce que j'en retiendrai, c'est que la première chose que Dieu trouve mauvais, c'est la solitude: «il n'est pas bon que l'homme soit seul». Le péché est ce qui isole, ce qui éloigne, ce qui coupe.

    (Et je vois d'ici certains lecteurs qui vont se morfondre: "ch'uis tout seul!" Non. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, vous avez des amis, des familles. Attention à l'acédie cf ci-dessus)

    162/365 Nous avons été à l'heure

    Lorsque j'écris "nous avons été à l'heure", je ne parle pas des transports en commun, mais de nous à l'heure à la gare pour prendre le train prévu: 7h42 mercredi, jeudi, vendredi, 8h06 lundi (mardi "libre" puisque je pars sans O., mais un train dans cette fourchette serait bien, même si cela n'arrive jamais).

    RER de 7h42 (celui que nous devrions avoir tous les matins). En arrivant gare de Lyon, le conducteur nous fait une annonce émerveillée: «Mesdames Messieurs, nous sommes arrivés gare de Lyon et nous sommes à l'heure, ce qui est une bonne nouvelle». Les passagers éclatent de rire.
    Et je me demande quelle frustration habite les conducteurs de train, de matins en soirs, devant les feux rouges et les ordres et les quais bondés et les signaux d'alarme.
    Ce matin-là, il est heureux.
    Ligne 4 aux Halles. J'ai vingt minutes d'avance.

    Soir
    Ligne 4 pour les Halles.
    Sur les tableaux, le RER D annoncé à 18h23 passe à 31, puis 48.
    Je quitte le quai pour aller prendre un RER A, descends gare de Lyon (je m'interroge sur cette syntaxe: ce doit être une élision (je descends à la station gare de Lyon), mais est-il légitime de faire disparaître la préposition "à" qui me paraît inutile (comme dans la construction "je descends ici". Le nom de la station deviendrait-il un adverbe?) et m'installe dans un zico, qui comme vous le savez maintenant, est à quai dans cette station.

    Péché I

    J'avais vu à l'institut protestant une publicité pour un colloque de l'ISEO (institut supérieur d'études œcuméniques) sur le péché: «Comment parler du péché en 2017?»
    Bien que mon féminisme se méfie instinctivement de toute évocation du péché (parce que le péché "originel" qui permet d'accuser les femmes de tout et n'importe quoi me paraît une manipulation ecclésiale du genre «celui qui veut noyer son chien dit qu'il a la rage»), je me suis inscrite dans l'espoir de trouver des pistes pour mon oral de théologie en morale fondamentale (très important, le "fondamentale", la prof a insisté).

    Je ne livre que quelques anecdotes et quelques pistes.

    Quatre personnes de quatre confessions sont intervenues pour répondre à la question: «Quelle est à votre avis le problème le plus grave dans votre Eglise le péché le plus grave ?»

    - Brice Deymié, protestant aumônier de prison, fait d'abord remarquer la différence entre le péché (transcendance, coupure d'avec Dieu) et les péchés (toujours personnels). Sa réponse à la question : la tentation de l'Eglise : se prendre pour Dieu.

    - Michel Kubler, catholique, répond catégoriquement: la pédépholie. Il parle de Mgr Lalanne qui a fait l'erreur de répondre par des nuances théologiques à une question médiatique1 et insiste sur la condamnation permanente de Ratzinger (devenu Benoît XVI) qui est allé jusqu'à parler de "péché structurel". Démarche de conversion pour ne plus protéger l'institution et pour accompagner les victimes.
    Il cite plusieurs livres, j'ai retenu celui d'une paroissienne qui étudie la façon dont une communauté se tait, s'est tue: Isabelle de Gaulmyn, Histoire d'un silence. Péché de l'Eglise, péché du peuple de Dieu.

    Luc Oleknovitch, pasteur de l’Union des églises évangéliques libres de France (UEELF): péché de pharisaïsme : faire porter aux autres ce que nous ne portons pas nous-mêmes; péché d'infidélité : quand une Eglise ne me plaît pas, je vais en voir une autre. Recherche de la satisfaction émotionnelle. Si je devais définir ce péché, je l'appellerais "ingratitude".

    Marc-Antoine Costa de Beauregard, orthodoxe (se signe avant de commencer). Le péché le plus grave: on m'a posé la question, spontanément j'ai répondu: "l'hérésie". Ouh là, qu'est-ce que je n'avais pas dit. Pour beaucoup, Dieu n'est pas la référence, la référence est la religion. Qui est Jésus-X pour toi?

    C'est lui qui m'apprend que par la grâce du calendrier lunaire, tous les chrétiens vont fêter Pâques à la même date.

    Citation de Brice Deymié: «Un directeur de prison me disait (les directeurs de prison sont souvent des personnes remarquables): "vous verrez, toutes les personnes que vous rencontrerez ici ont en commun qu'on ne leur a jamais dit "je t'aime".»
    «On demande soudain à la prison de faire des miracles, de réussir là où la famille, l'école, etc., ont échoué…»

    La salle demande comment parler du péché aux enfants. La réponse m'a fait sourire, car elle reprend l'adage «les protestants c'est toujours oui, les orthodoxes c'est toujours non, les catholiques ça dépend). Le prêtre orthodoxe répond qu'il faut commencer très tôt, que dès trois ans, les enfants savent exprimer la douleur de la faute et le besoin de la réconciliation; le catholique répond qu'il préfère attendre l'âge de raison (utiliser l'image de la ficelle cassée que l'on renoue); le protestant répond que les enfants culpabilisent déjà suffisamment spontanément, il préfère insiste sur la foi, la présence du christ; parler du péché ça vient toujours assez tôt.

    Il n'y a pas de raison de parler de péché à quelqu'un qui ne croit pas. On peut faire appel à sa conscience, etc. mais on ne peut pas parler de péché à quelqu'un qui n'a pas la foi, ça n'a pas de sens (Michel Kubler).

    Une question de la salle me fait sursauter en rappelant que l'œcuménisme, ce n'est pas «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil»: c'est un effort constant, avec des désaccords profonds et douloureux quasi physiquement (on voit les visages se figer, se crisper), et qu'il faut une attention permanente pour dialoguer sans blesser. (En d'autres termes, c'est moins la question qui m'a impressionnée que ce qu'elle a mis en évidence de failles, de désaccord, de volonté de continuer ensemble malgré tout, de se parler et non se condamner).
    La question: Quels sont les péchés que chacune de nos Eglises considèrent comme un péché chez l'autre qui sont des obstacles au rapprochement? je pense par exemple à la reconnaissance des homosexuels, à la dévotion mariale, …

    L'après-midi sera plus léger, sauf dans sa première intervention.
    Jean-François Colosimo, orthodoxe, nous parle du combat spirituels des pères au désert. Il s'agit par ailleurs d'une charge contre l'ennéagramme, le New Age, etc. : «des choix de confort, alors que la religion chrétienne est inconfortable».
    Lire un aphogtegme des pères du désert par jour.
    théorie latine: tous les hommes sont responsables (amendée plus tard par St Thomas)
    Remplacer la dyade faute/pardon par celle de mort/vie.
    Permet de déplacer la culpabilisation qui reste une culpabilisation de la construction de soi.
    Evagre : huit pensées (qui deviendront à travers Cassien en latin: les sept péchés capitaux)
    Ce sont les pensées qui peuvent assaillir le moine: donc les "péchés" sont des combats spirituels.
    concupiscence : luxure, gloutonnerie, vaine gloire, avarice
    frustration : colère, tristesse, acédie, orgueil.
    Il ne faut pas perdre de vue l'acédie (l'abandon par désespoir, qui sera rassemblé avec la tristesse sous le titre de paresse : l'abandon du combat).

    C'est étrange, pour moi il est beaucoup plus engageant de se battre contre de mauvais génies qui induisent en tentation (pour ne pas dire Satan, un reste de peur du ridicule) que de devoir bander sa volonté pour lutter contre soi-même (la paresse, la gourmandise, etc): vaincre un ennemi "extérieur" éveille l'esprit combatif, l'énergie vivante et joyeuse des combats de chevaliers.

    Ensuite, deux interventions sur le péché représenté en art ou utisé dans la publicité (Genèse 3).

    Je pars pour mon cours d'allemand. A 19 heures, dans le cadre du colloque, projection à l'IPT de Sous le soleil de Satan. Je m'ennuie. Cette exaltation n'est pas du tout mon genre.


    Note
    1 : «"la pédophilie est un mal, est-ce un péché? je ne saurais le dire, mais il faut protéger les victimes". En disant cela, il suivait la doctrine catholique classique, en s'appuyant sur la reconnaissance progressive par l'Eglise de la pédophilie comme maladie ou pulsion irrépressible».

    161/365 j'ai essayé d'être à l'heure

    O. voulait prendre le 8h06 et nous nous sommes appliqués. Le temps que je me gare et j'ai eu le suivant, le 8h12, donc un "Goussainville" (et non un "gare de Lyon", ce qui m'arrangeait puisqu'aujourd'hui j'allais aux Halles.
    Las, arrivé à gare de Lyon, le train s'immobilise à quai : un voyageur malade. L'annonce de ce malaise provoque un "merde" et des grognements que je comprends, partage, mais me laisse toujours songeuse.
    Je prends une rame sur le quai en face puis la ligne 4. J'aurais dix minutes de retard.

    Vélib (est-ce un transport en commun?) jusqu'à l'IPT. Il fait beau.

    21h10: métro à St Jacques, RER B à Denfert, 21h30 RER D aux Halles.

    Je ne fais plus que ramer

    Petit moral ce soir. Je me force à aller en cours en quittant le bureau trop tard. J'essaie d'ajuster les effectifs (population 2015-sorties+entrées = population 2016. Hélas, il y a des doublons, des changements de catégories, des chevauchements de dates, cela ne tombe jamais juste (il y a la date de travail et la date d'effet: comment retrouver la personne saisie en mars 2016 avec une date d'embauche de novembre 2015? etc.)), une CAC (commissaire aux comptes) est là, je reste trop tard, pas le temps de grignoter un bout.

    J'écris cela en cours. St Thomas est passionnant, mais l'idée-même d'un cours sur la morale engendre la méfiance: cela sent sa propagande (pour l'instant, ça va).

    J'ai fini le premier Delbo, Aucun de nous ne reviendra, je suis à la moitié du suivant, Une connaissance inutile. Peut-être est-ce la source de ma fatigue. Je comprends l'admiration de Guillaume pour la capacité à transmettre le désordre des pensées, le corps qui submerge la raison, la décomposition de l'identité quand ne restent que le froid et la soif.

    Yolette dans le petit bras. La Seine a perdu vingt centimètres. Azem, India, François-Xavier, Florent. Je rame bras nus. J'ai mal au bas du dos, au niveau du sacrum. Cela fait mal comme une courbature ou un bleu, je plie les genoux, je ne peux plus me pencher, j'ai du mal à porter un poids lourd (comme le bateau). Je me relève avec difficulté, en me tenant à ce que je peux.
    Je suis terrifiée à l'idée de souffrir (un jour) d'une hernie. Dans le vestiaire, une amie prof de gym rit: «mais non, c'est musculaire, pas de hernie au niveau du sacrum, c'est soudé».
    Me voilà rassurée.

    J'ai tant de retard dans ce blog que je me demande ce que je vais pouvoir rattraper.

    160/365 La totale le matin

    Matin
    RER D, 8h22. La rue du pont aux noisettes plonge perdenculairement vers les voies du RER en surplomb. De la voiture, nous voyons la rame à quai, les portes sont ouvertes, peu de monde, les gens semblent se chauffer au soleil. Que se passe-t-il? Si le train est retardé depuis longtemps, pourquoi n'y a-t-il pas davantage de monde, ou est-il retardé depuis si longtemps que les gens ont déserté le quai? (Nous ne saurons pas.)
    Nous montons dans une rame, nous sommes debout mais peu serrés, nous attendons. Signal radio gare du Nord. Qu'est-ce que ça veut dire? j'espère que ce n'est pas un attentat.
    Nous mettrons une heure à atteindre gare de Lyon, sans plus d'explication.
    RER A: train arrêté en gare "pour régulation du trafic". Passager malade à Nation, un quart d'heure de retard à prévoir.
    Ligne 1, esplanade de la Défense : c'est une ligne automatique dont les quais sont vitrés pour éviter suicides et accidents. Cela impose que la rame s'arrête exactement au niveau des portes des quais afin que les portes des voitures et celles des quais coïncidencent. Ce matin, les deux portes du quai en queue de rame (les plus proches de la sortie de la station, devant lesquelles se massent donc les salariés pressés) sont condamnées, elles ne s'ouvrent pas. Il faut utiliser la troisième porte. Il faut l'atteindre vivement, car la rame étant automatique, elle ne s'arrête pas plus longtemps pour laisser les gens descendre.
    (J'étais devant la troisième porte, par non envie de m'entasser avec les gens pressés).

    19h30. Ligne 1 puis ligne 12. J'abandonne Harry Potter 3 en poche sur un quai du RER. Je commence à me débarrasser de livres que je dois donner.

    22h15. Ligne 4, ligne D.

    Dimanche ordinaire

    Rendez-vous, donc, à huit heures et quart. Le temps est radieux. Nous sommes tous à l'heure (je le note, car la plaie, ce sont ces rameurs jamais à l'heure, ces demi-heures perdues qui m'étaient indifférentes enfant alors qu'elles exaspéraient mon père). Nous nous entraînons à tourner serré autour des piles, c'est encourageant, nous sommes ensemble. O. comprend vite.

    Faulkner en podcast. J'avais décapoté hier en rentrant (seize degrés), aujourd'hui il fait plus froid et il est plus tôt (six degrés), nous ne décapoterons qu'en arrivant à Yerres.

    Marché avec H.
    C. à déjeuner.
    Soufflé au fromage (une spécialité qui supporte mal qu'on soit plus de quatre: il faut que l'appareil puisse gonfler, il n'est pas possible de multiplier les proportions. Il me faudrait des petits moules).

    Je commence le premier tome d'Auchwitz et après.

    Je ramène C. au terminus du tramway à Athis-Mons. C'est curieux, un avion qui atterrit au-dessus d'un cabriolet. Lévi-Strauss en podcast. Il adoptait tous les animaux qu'il trouvait, son bureau était sale, il fallait trouver des nourritures invraissemblables. Je ne savais pas que Lévi-Strauss avait fini par ramener les structures à celles de la musique occidentale du XVIe et XVIIe siècle, considérant qu'au moment où les mythes quittaient l'Occident, leurs structures s'étaient déposées dans la musique (tout cela très schématique, voir (entendre) le podcast "une vie une œuvre" pour plus d'exactitude dans la façon de l'exprimer).

    Pataquès

    Premier entraînement ensemble. A ma grande confusion, je m'aperçois que dans mon obsession de "faire un bateau de filles", j'avais lu Stéphanie pour Stéphane.
    Le bateau avance bien. Son point faible risque d'être son barreur, un rameur de peu d'expérience qui ne semble pas se rendre compte que son poste est extrêmement important, d'autant que nous aurons deux virages serrés à accomplir. Il y aura également des décisions à prendre, choisir le chemin le plus court sans gêner les autres bateaux ou les mettre en danger… Notre barreur, que je n'avais jamais vu, paraît inconscient de ses responsabilités. Nous ne sommes pas sûrs non plus qu'il ait compris qu'il ne ramerait pas le jour de la course… Tout cela est embarrassant.

    Demain, ayant catéchisme, j'ai demandé à nous entraîner tôt, dès huit heures, de façon à être revenue à Yerres à onze heures. C'est un sacrifice pour Stéphane qui travaille en équipe très tôt le matin en semaine (quatre heures, cinq heures du matin). Le barreur ne pourra pas être là, je pense à O. et m'engage à amener un barreur.

    Sur le chemin aller, retour, j'écoute des podcasts, «une vie, une œuvre». Quand je connais l'auteur (Boulgakov, Faulkner) je n'apprends pas grand chose mais les nombreux extraits lus sont agréables, quand je ne connais pas l'auteur cela devient un formidable attiseur de curiosité. Ce matin, Ingeboch Bachmann, dont le nom ne m'évoque que sa mort (brûlée vive) et Une visite à Klagenfurt, livre feuilleté maintes fois sans jamais avoir été vraiment lu. Il me semble me souvenir qu'elle détestait sa ville et ne voulait pas y revenir — et qu'on l'y a enterrée (à vérifier). Berhnard, Bachmann, quelle détestation de l'Autriche. Pourra-t-on passer à Klagenfurt et devant la maison de Berhnard cet été? Est-ce deux points éloignés, séparés par des montagnes difficiles? Je me pencherai sur cela en mai.

    O. ne montre aucun enthousiasme à se lever à six heures et demie pour barrer et me suggère de téléphoner à C. qui à ma grande surprise accepte aussitôt (mais après tout c'est le plus sportif de la famille) — ce qui suppose qu'il vienne dormir à la maison pour être à l'heure demain — tout en ajoutant au moment de raccrocher: «dis à O. de m'appeler s'il a des remords». Il avait raison, O. a des remords, il barrera. C. viendra malgré tout demain, pour déjeuner.

    Je fainéante toute l'après-midi (je fais avec les tâches et l'étendue de temps disponible devant moi ce que faisait Pierrette avec son pot au lait) et ce n'est que vers le soir que j'envoie les sms aux parents pour leur rappeler le catéchisme (il faut dire que je n'ai pas envie d'envoyer ce sms, je ne le fais qu'à la demande d'Anne, l'animatrice de l'équipe (qui se désole que ses mails et sms ne soient pas lus davantage): je considère que les parents sont adultes et responsables, c'est à eux de tenir leur agenda). C'est alors que patatras: je reçois le coup de fil inquiet d'un parent qui ne comprend plus: j'ai indiqué onze heures, Anne a indiqué neuf heures demain matin, quelle est heure du rendez-vous?
    Aaarghh, que se passe-t-il? J'appelle Anne, c'est bien neuf heures, elle veut faire écrire une prière universelle aux enfants.
    Aaarghh bis, je déteste cela deux fois, écrire une prière universelle et la faire écrire par des enfants, c'est toujours l'animateur qui s'y colle, c'est totalement artificiel.
    Aaarghh ter, et mon aviron, mais ce n'est pas possible! j'ai obligé quatre personnes à se lever aux aurores pour rien: car si c'est à neuf heures, soit j'annulais le catéchisme, soit j'annulais l'entraînement, il était impossible de faire les deux.
    Très remontée, j'appelle Anne, nous comptons les enfants, beaucoup d'absents, elle me dit qu'elle les prendra dans son groupe, qu'elle prendra à la fois ce qui viendront à neuf heures et ceux qui viendront à onze heures. Je me sens très mal, sentiment de trahison par rapport aux enfants, sentiment de tromperie par rapport à Stéphane, culpabilité par rapport à Anne qui va me remplacer — et deux fois. Je lui dis de m'appeler quand elle change quelque chose, que je n'étais pas au courant; je suis très vive à mon habitude, je sens ma vivacité, ma fébrilité, et j'ai honte face à sa douceur tandis que je parle. Comment puis-je ne pas être plus tranquille, de toute façon c'est trop tard — et inconciliable. (Hervé me dit: "mais c'est toi qui rends service, tu n'as pas à t'excuser", ce qui ne fait qu'accroître mon malaise: comment expliquer cette impression radicale de manquer à sa parole, ce que je me suis reproché si souvent que je ne le supporte plus?)
    Pour mettre le comble à ma culpabilité, je m'aperçois vers minuit qu'elle m'a écrit le 8 mars, j'aurais dû être au courant — je n'avais pas regardé mes mails depuis le 7. Je dors très mal.

    (C'est dommage, la dernière fois j'ai terminé en catastrophe, je voulais revoir la période du Carême, leur parler des trois piliers de la foi, l'aumône, le jeûne, la prière (qui nous vient directement des juifs et qui est repris tel quel par les musulmans): ne jamais séparer le jeûne (le Carême) de l'aumône, il ne s'agit pas de s'affamer pour être vertueux, il s'agit surtout de se solidariser avec les plus pauvres.)

    J'ai perdu ma journée

    Journée bizarre : le premier acompte d'IS (impôt sur les société) doit être payé pour le 15 mars, j'ai donc rouvert mon fichier Excel de suivi des acomptes et j'ai perdu ma journée sur un tableau en détectant une erreur de signe (la soustraction d'un chiffre négatif, d'où une addition).

    Depuis quatre ans, je me débats dans les acomptes d'IS.
    J'ai compris pourquoi cet été: d'une part je pensais qu'il y avait trois acomptes (confusion avec l'IRPP et les tiers prévisionnels) et que le quatrième versement soldait le dû, d'autre part je pensais que le premier acompte, celui de mars, devait se calculer sur le résultat de l'exercice en cours de clôture, donc sur une estimation.
    En réalité, pour une année N+1, il y a quatre acomptes sur le résultat N+1 à payer en mars, juin, septembre et décembre N+1 et le règlement du solde de l'impôt dû pour N (en avril N+1); le premier acompte de N+1 se calcule à partir de l'exercice N-1 si N n'est pas clos.
    Bref, j'ai passé ma journée à me demander comment il était possible que personne n'ait remarqué que la Mutuelle avait payé quarante mille euros en trop en 2014 (vingt mille à déduire avec une inversion de signe: quarante mille à payer), jusqu'à ressortir en fin d'après-midi tous les grands livres et m'apercevoir que si mon fichier Excel était faux, nos paiements étaient justes.

    (Ce billet pénible est destiné à contrôler que j'arriverais à l'écrire.
    Par ailleurs, yolette mercredi, jeudi, vendredi, aller-retour dans le petit bras, il y a beaucoup de courant.)

    Divorce

    A-C m'appelle dans le RER. Elle divorce. Son aîné à dix-sept ans demain. Elle s'est mariée en juin 2014, le même mois que Matoo, après vingt ans de vie commune.
    Comme une idiote, ce qui m'a échappé quand elle m'a dit cela (après un quart d'heure de conversation professionnelle, après que je lui ai raconté la folie de B. (elle appelait aussi pour s'excuser de ne pas avoir fait signe pour mon anniversaire (puisque nous avons une semaine d'écart et que je lui avais envoyé des fleurs, je suppose))), c'est: «déjà!».
    Elle a éclaté de rire. Qu'a-t-elle compris? Je ne voulais pas dire que je pensais ce mariage condamné — ils avaient traversé de telles tempêtes, enfant anormal, enfant non désiré, adultère — que je le considérais solide: l'alliance avait été soumise à rude épreuve et avait résisté; mais plutôt que le mariage est une expérience terriblement difficile.
    Je lui en veux à la fois de ne pas être plus résistante (je leur en veux de ne pas être plus résistants) et d'autre part je l'envie imperceptiblement, je sais quelle liberté elle s'ouvre, je la lui envie et je lui en veux de ne pas comprendre que c'est justement à cela qu'il faut apprendre à renoncer — au nom de quoi? je ne sais répondre et pour le peu que je saurais je n'ose.
    Je songe à cet "amour" toujours brandi dans les textes et les exhortations: dans mon expérience, l'amour dans les familles ou entre amis, c'est surtout de l'obstination et de l'exaspération, de la persévérance malgré l'exaspération.

    156/365 Lent si lent

    Nous nous sommes appliqués — nous avons été à l'heure — et le RER a mis une heure (au lieu d'une demie) pour arriver en gare de Lyon.
    Pour le reste, pas de souvenirs (j'écris cela quelques jours plus tard, en m'appuyant sur des notes prises ça et là), donc je suppose qu'il n'y a eu rien de remarquable. De façon générale, les problèmes ont plutôt lieu le matin en heure de pointe, je reviens de façon trop décalée (par rapport au reste de la population) pour subir beaucoup de retard le soir (je touche du bois).

    Le soir je suis à Yerres à huit heures et O. me prend à la sortie de son cours de flûte (heureux temps où ce sont les enfants qui ramènent les parents).

    Journée (des droits) des femmes

    Jamais autant que cette année je n'aurai entendu la précision "des droits" des femmes.

    Au petit déjeuner, France Inter me décrit les nouvelles poupées "gonflables" (non gonflables, mais c'est pour faire comprendre de quoi il s'agit) au toucher doux, dont on peut choisir le caractère grâce à l'intelligence artificielle (soumise, insolente, etc) et dont on peut changer la tête quand on est lassé (dix-huit visages possibles).
    Je devrais sans doute être choquée mais devant le titre de la chronique «Et si on se passait des femmes?», je remarque surtout que ce à quoi "servent" les femmes est crûment explicite (sachant que le chroniqueur est une chroniqueuse, a-t-elle simplement voulu être provocatrice, ou avait-elle une visée accusatrice?). In petto je m'exclame: «ça nous fera des vacances».

    Le soir, retour à la bibliothèque nordique pour entendre la lecture intégrale des Vraies Fremmes. Etrangement, Benoît semble surpris que je trouve ce texte déprimant. J'ai utilisé un mot en-deça de ma pensée: ces pièces suscitent exaspération et désespoir.

    Plutôt que l'égalité, ce que réclame l'héroïne, c'est la réciprocité. Il ne s'agit pas d'obtenir l'égalité dans la visée des avantages, mais également dans la charge des responsabilités. Il s'agit de ne plus être infantilisée, d'être considérée comme un être humain à part entière. «Pourquoi considères-tu qu'il est normal que tu nourisses ta mère et tes sœurs et que tu ne comprends pas que je veuille en faire autant avec les miens? Parce que tu es un homme et que je suis une femme n'est pas une réponse valable.»

    Réciprocité: je te respecterai dans la mesure où tu me respecteras, et mon mépris sera sans mesure avec le tien.

    Temps de référence

    Dans le RER, debout, j'écoute (malgré moi: j'aurais aimé ne pas être obligée d'entendre) deux jeunes filles d'une vingtaine d'années discuter:
    — Tu connais les gorges du Verdon? c'est super beau.
    — Ah non, je ne connais rien en France. Je voyage dans le monde entier mais je ne connais rien en France.
    — C'est super beau. Evidemment, en été c'est blindé de monde, mais j'y vais en octobre quand ma mère fait sa cure. Tiens, regarde. (Elle lui montre des photos)
    — Wouahh, on dirait la Malaisie! Et comment on y va? Y a un aéroport? Un TGV?
    Je me retiens de lui dire que s'il y avait un aéroport ou un TGV, ce serait sans doute moins beau, de même que la Malaisie était sans doute plus belle avant qu'elle y aille (ou pas? quel est l'apport du tourisme, cela pousse-t-il et permet-il plus de propreté, d'aménagements?)

    La réunion d'encadrement est un flop. Quel ennui. Le nouveau directeur n'a pas jugé bon de se déplacer, de se montrer. La direction est un fantôme, une légende. Les gens ne se mobilisent pas pour des fantômes. On parle toujours de "l'homme providentiel" avec un sourire sarcastique. Cependant il faut admettre que c'est une réalité, un modèle qui a fait ses preuves. La difficulté, c'est ensuite; la transition, l'héritage. L'homme providentiel doit être capable de mettre en place des structures qui lui survivent (ils échouent tous : Périclès, Alexandre, Charlemagne, Frédéric II, Napoléon… Est-on en train de vivre le parachèvement de l'échec de de Gaulle? (c'est la force normative de l'Eglise: réussir à créer des structures pérennes autour d'hommes et de femmes qui marquent leur époque: St François, St Dominique, Ste Thérèse d'Avila, etc. Le politique peine à en faire autant. (Je laisse à d'autres le soin d'en étudier les raisons.)))

    Après la réunion, je vais faire de l'ergo (il est trop tard pour monter en bateau, tout le monde est déjà sur l'eau). La course se compose de six kilomètres et demie sur l'eau puis cinq cent mètres d'ergo. En faisant aujourd'hui toute la distance à l'ergo j'obtiens des temps de référence.
    Je fais les 6,5 km en 34'40'', soit 2'27 au 500 m. (Ne comparez pas, je ne le note que pour moi, c'est un temps d'une médiocrité ordinaire, un temps de "rameuse loisirs", mais je suis heureusement surprise: il y a un an j'avais du mal à faire deux kilomètres en dix minutes.)
    Après cinq minutes de récupération, je fais les cinq cent mètres de sprint en 2'17 (eux se feront vraiment à l'ergo à Lagny, d'où le terme de biathlon: aviron/ergo).

    140/365 de plus en plus tard

    O. me fait remarquer qu'il n'aurait jamais dû me dire qu'il était encore quasi à l'heure en ayant le 7h52, car nous ne partons plus jamais à temps pour avoir le 7h42. Et lorsque nous n'avons pas le 52, il faut prendre le 8h. A cela près que celui-ci n'est parfois pas à l'heure, comme ce matin: signal d'alarme. Les deux trains, 8h et 8h08 se suivent à une minute, le premier à arriver à 8h07 est un "court", occasionnant le même cirque qu'il y a quelques jours. Nous n'essayons même pas de l'atteindre et prenons le suivant.
    Puis A, puis ligne 1.

    18h50 : ligne 1, RER A, RER D de 19h24 gare de Lyon.

    Arrêts maladie

    Conseil d'administration le plus rapide de l'histoire : tout le monde est d'accord sur tout, personne ne discute de rien. Nous nous séparons au bout d'une heure, ce qui nous laisse du temps pour cancaner. J'apprends qu'une épidémie d'arrêts maladie s'est répandue parmi les cadres supérieurs depuis l'arrivée du nouveau directeur général. Décidément il y a une conjonction astrale.

    Tout cela me permet finalement d'aller ramer. Soleil après la pluie des derniers jours. Davantage de courant, mais encore raisonnable.

    Pluie

    Ramé sous la pluie (à l'origine, je pensais faire de l'ergo (mètre : du rameur)). Double canoë avec Dominique, Tristan a joué la prudence.

    Le soir je fais chercher mon chapeau gris puis (c'est sur mon chemin), je passe à la Procure. J'erre longtemps, rien ne me repose autant. Je trouve un (le?) livre de mon prof d'allemand. Je découvre, ce que j'avais entraperçu sans en prendre la mesure, que c'est un philosophe spécialiste de Tillich: c'est généreux, pour une poignée (au sens propre: cinq) d'étudiants adultes dont trois sur cinq n'ont pas l'intention de devenir pasteur: cette capacité à fournir des cours de haut niveau à des amateurs avides de connaissances sans utilité immédiate me sidère. Quelle chance pour nous, quelle irrationalité (inefficacité, mauvaise allocation des ressources?) pour la société. Ou pas? Y a-t-il un espoir de retour sur investissement à long terme, un retour que personne n'imagine ou ne comprend? (à ce moment-là de mes réflexions, il y a toujours un étudiant terre à terre pour me faire remarquer ces cours, nous les payons).

    J'hésite devant le rayon St Thomas. La Somme existe en dizaines de fascicules noirs (repris sous les titres communs: "les actes humains", "la grâce", etc), bilingue latin, ou en cinq forts volumes. Le traité des vertus en petit format n'est pas en rayon, et le gros volume coûte 122 euros… et je ne suis pas sûre de le lire. Tant pis. Je le feuillette un peu, c'est toujours la même découverte et le même souffle coupé devant une œuvre systématique qui a voulu couvrir tout le champ des possibles. Quelle ambition et quelle réussite. Comment a-t-il fait pour écrire autant (à la plume!) Et comment se fait-il que je n'arrive pas à lire ce que lui a trouvé le temps d'écrire?

    Acheté :
    - Père Matta El-Maskîne, L'expérience de Dieu dans la vie de prière
    - frère Didier-Marie, Atlas Thérèse d’Avila
    - Une année avec Saint Augustin
    (et toujours dans mon sac l'éternel Beowulf que je n'en finis pas d'annoter.)

    Je sors sous l'averse, il pleut de plus en plus fort, je suis trempée comme une soupe (j'ai toujours supposé que c'était une sorte de métonymie, qu'on voulait parler du pain: trempée comme le pain qu'on mettait dans la soupe).
    J'étends tout en arrivant, je bourre les chaussures et j'enveloppe mes gants de journal.

    Compétition

    Pas ramé hier (pluie verglacée), je ne ramerai pas jeudi et vendredi (conseil d'administration et réunion d'encadrement), il me reste aujourd'hui et demain.
    Deux yolettes et un double. Vincent organise au débotté une course du ponton jusqu'au pont de Puteaux et retour.
    Toute la difficulté est de négocier le virage autour de la pile du pont, passage obligé. Grâce à une manœuvre audacieuse qui nous permet de tourner au plus court (dépasser la pile perdenculairement au courant puis tourner d'un quart de tour sur place), nous gagnons trois longueurs sur l'autre yolette qui nous menait d'une demie. Nous pulvérisons d'une minute (en onze minute douze) le record de la course et Vincent relève soigneusement nos noms (Antoine barreur, Peter à la nage, Ben, François, moi).

    Je passe à la barre pour le dernier aller-retour de récupération. Pluie froide, neige fondue. J'ai froid. Je ne me réchaufferai plus avant le soir.

    Dans le même temps je reçois un sms de Gwenaële qui me propose de faire la quatrième dans leur équipage pour le biathlon de Lagny le 25 mars (elles ont dû avoir un désistement). J'accepte en me demandant quand nous allons nous entraîner: j'ai des contraintes chaque week-end, absente le prochain, caté ensuite, puis TG. Il va falloir se lever très tôt. Ramer deux fois le week-end plus une le mercredi? Je peux m'entraîner à l'ergo le midi, mais il faut que je trouve une solution pour ne plus m'arracher la peau au niveau du coccyx. Je vais essayer les pansements seconde peau destinés aux ampoules. Le but est d'éviter les frottements.

    H. est parti à Tours. J'espère que ça ira. Il prend les choses avec tant de phlegme que je redoute le contrecoup.
    Pas sûr que la prof de grec reprenne ses cours cette année. J'espère qu'elle n'est pas en pleine déprime (mais comment s'informer? Chère Madame, êtes-vous déprimée?)

    137/365 des incidents, un peu de retard

    Arrivée à 8h43 sur le quai. "1 min" clignote derrière le train de 8h43, signifiant que le train arrive d'une seconde à l'autre. Je marche, il y a foule, un train a dû être supprimé. Un quart d'heure plus tard le train arrive à quai. Je suis assise.

    14h10 : ligne 1 station pont de Neuilly puis ligne 6 à Charles de Gaulle. Descente métro St Jacques.
    18h 40 : ligne B puis ligne D aux Halles. Comme ce matin, le train est signalé à l'approche quand j'arrive sur le quai noir de monde. Je monte dans un wagon de tête et trouve une place assise.

    Vendredi

    Chez le coiffeur. Remboursez ! : on me donne Art & Décoration — et mes potins, alors? Rien que quelques photos, très bleues, dans VSD, d'Obama en vacances près des îles Moustiques chez un ami milliardaire. Il est remarquablement musclé, il faut croire qu'il y a une salle de sport dans les sous-sols de la Maison blanche.

    Plus de billet pour Chtchoukine, même de sept à neuf. Il faudra donc aller à St Pétersbourg et Moscou.

    Je lis Paul Beauchamp et j'ai l'impression de lire Roland Barthes: la même façon de donner l'impression d'avoir fumé la moquette (de la bonne), la même capacité à poétiser en utilisant des mots techniques, à transformer la technique (théologique dans un cas, linguistique dans l'autre) en poésie.

    133/365 : RAS

    8h (seule sans Olivier parti en courant en oubliant son téléphone dans la voiture) : RAS

    18h50 retour classique (ligne 1 - RER A - RER D gare de Lyon) : RAS

    132/365 : RAS

    7h52 : RER D. Je prends la ligne 1 parce que la A prend du retard et tous les écrans sont muets.

    17h20 : ligne 1 puis ligne 14 station bibliothèque.
    23h45 : ligne 14 puis RER D gare de Lyon à 23h02

    Aviron, organisation et excitation

    Que de on: Marion Le Pen arrangue: «on voit bien avec quoi riment tous ces Macron, Hamon, Fillon». Réponse d'un twitos: «Eh championne, tu te souviens de ton prénom?»
    Ou encore: l'univers est rempli de neutrons, de protons, d'électrons et de cons.

    Aviron: même double scull avec Jérôme. Les berges ont été dégagées, coupe en brosse pour les arbres taillés à la verticale des berges (tailler est faible: parfois abattus, il ne reste que la souche). Cela sert quelque peu le cœur (et les oiseaux? cela au moment de la nidification…) mais avec quelle périodicité cette opération est-elle menée? Tous les dix ans, tous les vingt ans? La crue a entraîné une sorte de mise aux normes des berges, et ce n'est pas inutile d'un point de vue pollution (évacuation des eaux grises des péniches stationnées jusque alors de façon plus ou moins sauvage).
    Quoi qu'il en soit, cela augmente d'un tiers l'espace navigable, ce qui n'est pas négligeable dans la mesure où nous ramons "à reculons" : il faut se retourner pour voir où nous allons et éviter les collisions; une voie plus large permet de gagner en sécurité.
    Le niveau de l'eau est bas, le courant un peu plus fort, avec un vent dans le même sens: ramer contre le courant et le vent, ce qui signifie au retour avec le courant et le vent…

    Organisation du prochain stage d'aviron à Bellecin. TGV pour Dijon, puis voiture de location. Je vais rater un cours de grec, déjà que nous n'en aurons pas beaucoup cette année… (j'espère que la professeur nous proposera quelques cours de compensation en fin d'année).

    Excitation: coup de fil de H qui rencontrait une des personnes qui s'est réjouie de le savoir sur le marché du travail: on lui offre un pont d'or et un challenge très intéressant, tout en reprenant tout ou partie de son ancienne équipe… (Du coup, il a acheté à manger pour huit chez Mavromatis… C'est très bon, mais qu'est-ce qu'on va faire de tout ça?)

    131/365 : Retard le matin

    O. voulait être à l'heure car il ne savait pas si oui ou non il avait une interro lors de sa première heure de cours.
    Nous nous sommes appliqués, nous sommes montés dans le RER de 7h42 (et non le suivant, que nous avons normalement par défaut dans notre nonchalance). Et nous avons mis une heure à arriver à la gare de Lyon, sans réellement savoir pourquoi puisque les annonces faites sur les quais n'étaient pas compréhensibles. (O. est arrivé avec une demi-heure de retard. Heureusement il n'y avait pas d'interro.)

    17h10 ligne 1, RER A pour les Halles.
    19h15 Zaco aux Halles.

    Les vraies femmes

    Moment de stupeur et d'embarras quand je rends les quatre Taniguchi et L'Arabe du futur, t.3, empruntés la semaine dernière.
    — Et il faut combien de temps pour lire cela? me demande un homme à mes côtés devant le bureau de la bibliothécaire.
    J'évalue, je tends la main vers les volumes: «Ces deux-là en une soirée, ces deux-là, chacun une soirée (cela correspond aux dates d'emprunt), celui-là une soirée».
    L'homme fait une mimique que je ne comprends pas, la bibliothécaire qui le voit de face commente : «Y'a du niveau», je me demande si elle se moque de moi puis je me rends compte que l'homme est impressionné, ce qui m'embarrasse (si j'avais soupçonné cela, j'aurais dit autre chose) et je murmure: «c'est des BD, quand même…»
    (Si je raconte cela, c'est pour illustrer ma difficulté à trouver mes repères entre les personnes que je fréquente qui trouvent déshonorant d'ouvrir une BD et celles que je croise que cela impressionne… La plupart du temps je cache ce que je lis, mais là, je ne m'y attendais pas, j'ai été prise de court.)

    Je pense que j'ai dissipé le cours d'allemand (mais le prof, de retour d'une rencontre au centre orthodoxe St Serge où il avait bu de la vodka pour l'entrée en Carême (ce que je n'ai d'ailleurs pas compris: ils ont Noël plus tard que nous et le Carême plus tôt?), était déjà bien guilleret) en apprenant à la classe l'existence de Bescherelle ta mère (sur le fond, ça me paraît important qu'un philosophe et des élèves qui se destinent à devenir pasteurs aient connaissance de cela (au départ, nous parlions du Bescherelle à une élève allemande qui vient à cet atelier pour perfectionner son français)).

    A 19 heures était donnée à la librairie Palimpseste une lecture d'extraits de Sauvé et des Vraies femmes. J'avais déjà entendu (en entier) la première pièce, il me restait à découvrir la seconde, horripilante comme de juste. (Et je songe à ce billet qui m'a profondément marquée : tout cela est si proche, proche à nous toucher).

    Evidemment, il était machiavélique d'organiser une lecture dans une librairie. Je n'y entre plus pour ne plus acheter. Mais bast, après tout, maintenant nous avons des étagères. Je vais donc faire la liste des livres que je portais en rentrant, exercice auquel je ne me livre plus, par embarras d'être dans l'ostentation:
    - Riad Sattouf, L'Arabe du futur, tome 1 et 2 empruntés à la bibliothèque du CE le midi;
    - JRR Tolkien, Beowulf, que je n'en finis pas de lire, cantonné qu'il est aux heures de transport que je passe dans mon smartphone;
    - le Théâtre complet d'Anne Charlotte Leffler traduit par Corinne François-Denève, qui était la raison pour laquelle j'étais ici (je songe à offrir ce livre au responsable de l'atelier théâtre de l'école alsacienne, et aussi à la jeune fille qui a monté Les mains sales l'année dernière);
    - livre vu et acheté sans préméditation : A la recherche de La recherche, notes de Joseph Czapski sur Proust au camp de Griazowietz (1940-1944), sous la direction de Sabine Mainberger et Neil Stewart. Je le vois, je pense à Dominique, je le feuillette, des textes en allemand que j'ai l'impression de comprendre un peu et des photos de mind-mapping, je l'achète;
    - livre vu et acheté sans préméditation : Le traité des équitations, parce qu'il cite le nom de La Guérinière dans son introduction et parce qu'il est écrit par un roi. Je le destine à A.
    - livre recherché : je prends l'Arno Schmidt en rayon que je n'ai pas : Le cœur de pierre, parce que le but est d'être capable de le lire en allemand un jour.
    - livre recherché : j'ai tenté de me souvenir du titre de Delbo cité par Guillaume, et dans le doute, j'ai pris les trois aux éditions de Minuit présentés sur table: Aucun de nous ne reviendra, Une connaissance inutile, Mesure de nos jours. (finalement c'était les trois, trois tomes d'Auschwitz et après. Comment expliquer la place de "la destruction des juifs" dans ma vie? Il est au cœur de l'interrogation religieuse, les Psaumes comme un gigantesque mensonge, la plus fantastique des blagues, une souffrance permanente pour qui ne peut cesser de croire sans comprendre le sens de cette trahison de Dieu— si on croit).

    130/365 : une personne heurtée

    O. commence à 10h30 le mardi, je suis donc dans un état de "vacance". Je pars donc tard, en faisant un détour pour éviter de passer devant les écoles (8h30, c'est la mauvaise heure) et en restant bloquée ailleurs sur le trajet.
    J'arrive sur le quai : bondé. Trains supprimés, retardés. Une personne s'est fait heurtée à Maisons-Alfort, beaucoup plus tôt, vers 5h30. Je sais déjà qu'il y aura déjà des trains, mais qu'il sera impossible de monter dedans.
    Je le sais peut-être trop bien d'ailleurs, car je n'essaie pas de monter dans le train qui s'arrête à neuf heures. Je le regretterai ensuite, car le suivant ne passera que quarante minutes plus tard. (Je préviens O: H. le déposera à Boissy St Léger, RER A). Un moment j'envisage de rentrer : après tout, je ne travaille pas l'après-midi, ça va vraiment faire court!)
    Debout, tant debout que j'ai des fourmis dans les plantes de pied et les orteils (bottes rouges). J'arrive une heure plus tard au bureau.

    14h: ligne 1 ligne 6 métro St Jacques
    18h40 : ligne 6 ligne 7 : Censier-Daubenton.
    22h00 : velib pour RER D à gare de Lyon. Zaco de 22h36.

    Fin des vacances

    Ma tentative de mettre en place (encore !) de nouvelles habitudes de travail fait que je n'ai pas ramé la semaine dernière. J'arrive en retard, je monte en double avec Jérôme. (Il y a si peu de courant, le bassin est si calme que nous sortons tous en bateaux courts, même les débutants de l'année.) L'arbre qui bloquait une partie de la largeur du cours depuis la crue a enfin été enlevé et nous avons un boulevard devant nous. Belle sortie, nous manquons d'équilibre mais pas de puissance (Jérôme est encore impressionné par une sortie qu'il a faite avec Emmanuel et je le comprends: Emmanuel est impressionnant.)

    Bibliothèque de l'ICP. Une heure de théologie morale, une heure de grec. Je découvre en cherchant un lexique dans les rayonnages un livre étonnant, A Grammatical Analysis of the Greek New Testament, qui parcourt le Nouveau Testament en ne s'arrêtant qu'aux difficultés grammaticales, sans citer l'ensemble du texte: des notes en soi. Se lit comme un roman, peut-être (si on lit le grec et comprend l'anglais (ou alors le latin: l'anglais était à l'origine du latin).

    Quelques recherches plus tard, voir le chapitre 15 de ce livre.

    129/365 : le retour du train court

    Fin des vacances, je reprends les horaires de O. Toujours à la limite d'être en retard : nous voyons passer le train précédent sans nous presser pour tenter de l'attrapper.
    Nous arrivons sur le quai, en tête (vu l'endroit où nous garons la voiture), pour prendre le suivant : vieux gag, le train s'arrête loin devant nous, c'est un train court. Cinquante mètres de quai à parcourir pour atteindre la rame. Nous passons en courant — pour rejoindre les premières voitures — devant l'habitacle du conducteur qui a baissé le rideau devant sa fenêtre (première fois que je vois ça), sans doute fatigué d'être regardé de façon furibarde.

    17h : ligne 1 puis 12. Rue de Rennes. 22 h10 : ligne 4 puis RER D de 22h32 aux Halles. Arrivée sur le quai 1 à Yerres, ce qui signifie quarante à cinquante centimètres à franchir entre la voiture et le sol. Les travaux battent leur plein sur la longueur de la ligne.

    Organiser la dispersion de mes cendres

    C'est ainsi que mon chef décrit son départ en retraite — dans dix mois environ. Il s'agit de répartir ses différentes tâches qui parfois ne tenaient davantage à sa personnalité qu'à son poste. En l'écoutant ce matin je me disais qu'il allait me manquer, que j'en ferais volontiers «un ami de la famille»: notre type d'humour coïncide.

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    Agenda
    Puisque les étagères qui nous attendaient à Tours n'atteindront jamais la maison, H. est allé en acheter sept ce soir à Ikéa. Yapuka les monter.

    La prof de grec revient le 2 mars. J'ai rouvert ma grammaire.

    Au lit

    Rhume. Mal dormi, peu dormi, réveillée tard. Je ne me suis pas levée de la journée.

    Flocons

    Double canoë avec Nadine. La neige commence à tomber. Les yolettes font la course. La dernière ne nous a pas rattrapées (yes!!).
    Je n'aurais peut-être pas dû sortir sur l'eau, je crois que je suis malade. L'émotion des derniers jours qui retombe, peut-être (j'ai souvent un rhume après un gros coup de stress.)

    Le fauteuil-club qu'on avait prévu d'installer au dernier étage ne passe pas dans l'escalier.

    119/365 RAS

    RER D à 8h52
    Départ à 17h15 pour tenter en vain de me coordonner avec H. qui rentre de Tours (ce qui sera un échec).
    Une semaine sans problème : les transports sont plus fiables pendant les vacances, quand nous sommes moins nombreux, CQFD.

    Cinquante ans

    Sortie en quatre, aller-retour dans le petit bras parce qu'il y a beaucoup de courant. Je suis à la nage (puis Gilles, Olivier, Alexandre).
    Il me semble désormais être soit à la barre soit à la nage. Prendre le petit bras à l'envers donne l'impression de ramer dans un miroir, tous les repères sont inversés (comme à l'aviron on recule, il faut se retourner pour la direction — d'où l'importance et la difficulté de la barre. On prend des repères sur le bassin, tout droit à partir de cet arbre, à partir de cette péniche il faut légèment modifier le cap, etc.: soudain tout est inversé.)
    Il fait froid, temps à neige.
    J'ai cinquante ans, je regarde la Seine courir sous la coque et je rame comme à quatorze ans sur la Loire. Où est passé tout ce temps?

    Nocturnal Animals. Je ne veux pas spoiler mais c'est un film sans rédemption. Faire les mauvais choix et s'en apercevoir (toujours) trop tard. Irréversible.

    Le soir dîner en famille à l'opportun. Conversations à bâtons rompus et éclats de rire as usual. Nous ne sommes pas sortables, je note quelques regards étonnés.

    Et deux histoires drôles que je ne pensais pas raconter, surtout la deuxième (que les lecteurs pudiques s'abstiennent), mais qu'un ultime ajout de ma fille me fait noter ici.

    La première est de H: Un père, son fils et ses deux filles dînent ensemble. L'une des filles annonce: «Papa, je suis lesbienne». Bon très bien, pourquoi pas. Mais la deuxième ajoute: «moi aussi» et le père s'exclame: «mais c'est pas possible, il n'y a personne qui aime la bite, ici? — Si, moi», dit le fils.

    La deuxième est plus hardcore. C'est un caniche et un doberman qui discutent dans la salle d'attente d'un vétérinaire:
    — Pourquoi tu es là, toi?
    Le caniche répond: — Ma maîtresse faisait du yoga à poil, j'ai pas pu résister, et…
    — Et?
    — Ben on va me couper les coucougnettes. Et toi?
    — Un peu pareil: ma maîtresse faisait sa sieste à poil, j'ai pas pu résister, et…
    — Ah, toi aussi, les coucougnettes?
    — Non, moi on va me couper les ongles.

    C'est alors que la voix de A. s'élève: «Ne me demandez pas comment je sais ça, mais on ne leur coupe pas les ongles, on leur met des chaussettes.»

    118/365 RAS

    RER de 7h52.
    métro ligne 1 à 16h50. Sortie à Chatelet.
    métro ligne 4 à 20h05. Sortie à Montparnasse
    Rentrée en voiture.

    Les fous

    — A une époque, nos bureaux étaient à côté de l'hôpital xxx. C'est là que j'ai découvert que la folie ne se voyait pas. Il y avait celle que j'appelais "la rafleuse": quand elle arrivait, il fallait tout planquer, les stylos, les tampons, les téléphones… Elle attrapait quelques bics et elle repartait… Il y avait le type super sérieux en cravate qui venait t'expliquer qu'il y aurait des travaux dans la rue, qui te montrait des plans, t'exposait les conséquences. On l'appelait l'architecte. Un jour un homme très bien habillé m'a demandé de lui prêter mon téléphone pour prévenir sa mère qu'il ne rentrerait pas à l'heure. Au fur à mesure qu'il parlait, j'ai compris qu'il s'adressait à l'hôpital et qu'il ne voulait pas rentrer…

    117/365 Presque RAS

    7h52 : RER A puis RER D puis ligne 1
    18h30 : ligne 1 vers gare de Lyon puisqu'un incident est signalé sur le RER A. RER D sans problème.

    Sublime

    «Erhaben. C'est le mot de Kant, ce n'est pas neutre.»

    Schleiermacher. Les Français (les Francs) sont frivoles (en français dans le texte — à moins que le mot n'ait été incorporé tel quel en allemand). Soudain je comprends d'où JYP tient sa façon de traiter les attitudes qu'il réprouve de «futiles».

    Et pourquoi sont-ils frivoles? parce qu'ils n'ont rien compris à l'événement le plus sublime de l'histoire du monde.
    — Quel est cet événement ? demande le professeur.
    Parce que nous traduisons Schleiermacher à l'institut protestant, je tente : «la Création?» Cela pourrait aussi être le Christ, puisque sa caractéristique est de faire irruption dans l'histoire.
    — La révolution française. Au XIXe siècle les philosophes allemands se sont quasi donné pour tâche d'expliquer la révolution française aux Français, de leur donner les moyens de la penser.

    Et soudain l'énormité de l'événement m'apparaît, un court instant. Je l'avais entrevue en lisant Eça de Queiroz, Lettres de Paris ou… en contemplant la liste des invités aux mariages princiers d'Angleterre: cela reste malgré tout une fête de famille, et les invités sont des gens de la famille au sens large, des rois ou des princes, pas des présidents. Bifurcation dans l'histoire du monde, deux chemins désormais possibles.

    116/365 RAS

    C'est plus calme durant les vacances.
    RER : 8h45.
    15h : ligne 1, ligne 6 jusqu'à St Jacques.
    18h30 : ligne 6, ligne B, ligne D aux Halles. Je prends le premier RER D qui passe, un "Rovo" (pour Corbeil-Essonne). Je descends gare de Lyon et m'installe dans un Zico (stationné en gare, pour ceux qui suivent).
    Je rentre sans problème.

    It is closing time in the gardens of the West

    Comme prévu jeudi ou vendredi, H. a rencontré B. chez son avocate (plus un autre avocat et le patron du cabinet comptable). A l'origine cela devait être une réunion pour décider de ce qui pouvait être sauvé, mais avec le licenciement de Carole, il n'y a plus rien à sauver.

    "Ils" ont essayé, pourtant. Nous avions réfléchi aux conditions: reprendre Carole, ouvrir la filiale aux US. Les deux conditions ont été refusées. En revanche, proposition financière mirobolante pour rester malgré tout. Je méprise ces gens qui pensent pouvoir tout obtenir avec un gros chèque. Allez vous faire f***! Tout ça pour que le cirque recommence dans une semaine ou un an… La confiance est définitivement brisée.

    H. me rejoint à La Défense. Nous déjeunons ensemble. Nous faisons la liste des personnes à prévenir personnellement, ceux dont il me semble important qu'ils n'apprennent pas cela par la bande, ceux que nous voulons (espérons) conserver comme amis ou au moins connaissances. Six ans, sept ans… Je me souviens de ce jour de juillet ou août 2010, j'allais entrer dans le RER pour rentrer, j'ai H. au téléphone: «Il faut que je te parle.» Quelle solemnité soudain. J'ai eu peur: j'ai fait une conn**? il a fait une conn***? «Que dirais-tu si j'allais travailler à Mulhouse?» Euh… comment avouer que je ne situe pas exactement Mulhouse, là tout de suite maintenant sur un quai de RER. «Euh, rien… si ça te va, pourquoi pas?» (La même année, en septembre, C. devait partir en Suisse.)
    And now back home. (Ça me fait penser que je vais pouvoir m'absenter le week-end: j'évitais, sinon nous ne nous voyions plus du tout.)

    Nous faisons la liste du matériel qui appartient à l'entreprise et à rendre. Quand je le quitte, il va s'acheter un téléphone. «L'employé m'a proposé de m'aider à configurer mon iPhone, je lui ai dit que je m'en sortirai».

    —————————
    La chienne que j'ai d'une certaine façon sauvée il y a deux ans (c'est ma fierté) est morte hier soir.

    115/365 En famille

    RAS
    RER D: 8h20 avec O. qui a cours et H. qui a rendez-vous avec son patron, deux avocats et un comptable (!).
    17h 15 à peu près : je retrouve H. sur le quai du RER A et nous rentrons ensemble. O. nous attend à la voiture.

    Nancy

    Nous avions décidé hier matin d'aller à Nancy pour le week-end, afin de se dépayser, d'oublier le stress des derniers jours en s'éloignant de la maison. Le billet a été pris hier soir, il ne restait plus de place. Train à midi vingt gare de l'est.
    Nous visons le RER de 10h45. En arrivant devant la gare, nous découvrons que les trains sont retardés dans les deux sens. O. nous conduit alors à Villeneuve-St-Georges où se croisent des RER de plusieurs branches, ce qui accroît nos chances d'en avoir un. Là nous découvrons qu'il n'y a plus de RER avant 13 heures.

    Nous ressortons, annulons notre billet de train. Nous traversons la Nationale 6 pour nous mettre dans le sens de la circulation. Il pleut. Sous l'auvent d'un café triste H. appelle un Uber. Il sera là dans dix minutes. Nous attendons.
    Et c'est là, sur le trottoir sous la pluie coincés par un RER qui ne passera pas, qu'H. reçoit un coup de fil de la DAF-DRH (directeur administatif et financier/ directeur des ressources humaines) qu'il a embauchée il y a deux mois: elle est en pleurs, elle vient de recevoir une lettre de licenciement immédiat (durant sa période d'essai). Comble de l'horreur, elle est signée d'EV, un type qui ne lui arrive pas à la cheville et qu'elle mettait en danger par sa compétence et son efficacité. Il faut supposer que B. lui a signé un pouvoir (je n'ai jamais aussi bien compris à quoi servait les pouvoirs qu'en ce moment.) Et si B. l'avait nommé DG? EV directeur général — rire nerveux.)
    C'est à la fois un coup de massue (rien ne laissait prévoir cette décision), un désaveu, et un soulagement: tout à coup il n'y a plus rien à sauver, une porte se ferme, il est évident que tout est fini, qu'H. doit partir.

    H. passe tout le temps du trajet jusqu'à la gare de l'est au téléphone à discuter avec les autres directeurs qui sont autant d'amis. Je suis gênée pour et par le chauffeur. Cela ressemble à une révolution de palais, "aux abris" et "qui m'aime me suive", cela devait ressembler à ça — sauf qu'il ne risque pas sa tête, c'est tout de même appréciable!

    Avec tout cela ce week-end va être ridiculement court. Plus de train direct, un TGV pour Metz vers 14 heures, un TER pour Nancy. Fnac à Metz pour acheter un disque dur (sauvegarder les données), promenade dans Nancy à la nuit tombée. Et qu'avez-vous fait à Nancy? Nous avons acheté des sous-pulls blancs "Petit bateau" (pour le stage d'aviron fin mars: je préfère ramer dans du coton, je n'aime pas les fibres modernes), des bretelles (mercerie rue Raugraff), des bergamotes (cinq cent grammes), de la poudre de riz (mais on dit "libre").
    Nous sommes contents d'être là. A la maison nous aurions ruminé, ici nous devisons, nous rions — le cœur gros.

    113/365 Catastrophe

    10h45 : Les trains sont affichés retardés dans les deux sens. O. nous emmène à Villeneuve-St-Georges. Là nous découvrons qu'il n'y a plus de train avant 13 heures.

    Début de clôture

    Sortie en huit (de couple) pour la première fois depuis juin 2015. Nous avons fait beaucoup de progrès depuis cette époque où j'avais cru un moment que nous n'arriverions jamais à tourner (et nous voilà partis jusqu'au Havre). L'équilibre était même meilleur que dans certains quatre.
    Ce qui me fait plaisir, c'est que c'est Vincent qui nous l'a proposé et non nous qui avons quémandé: il nous considère enfin à niveau. Cela conforte mon idée de proposer aux filles de s'inscrire à la coupe des dames à Angers. (Si nous réussissons à trouver le nombre de rameuses nécessaires (l'expérience prouve qu'il faut être douze ou treize pour faire un huit, paraît-il), il faudra aussi trouver un conducteur pour la remorque. Enfin, nous n'en sommes pas encore là.)

    J’ai écrit un mail pour lister les risques réels que court la mutuelle (la question d’un actuaire dans l’après-midi donne à penser que le dernier (des risques que j'ai listés) est peut-être en train de se réaliser, ou est en train de commence à se réaliser (cela prendra bien trois ou quatre ans).
    J’ai lancé les premières opérations pour la clôture du bilan. Ce sont les travaux que je préfère, jusqu’à fin avril, le moment où tous les chiffres coïncident et les engrenages s’emboîtent parfaitement.

    Front de B.: H. a eu l'expert-comptable au téléphone et a rétabli quelques vérités («B. ment comme un arracheur de dents, ce n'est pas nouveau»), il a rendez-vous lundi avec l'avocat et B. pour essayer de définir une ligne de conduite. «Au moins, dit-il, je vais avoir affaire à quelqu'un qui a toute sa tête.»

    Hier H. m'avait proposé de passer le week-end à Caen, j'ai fait une contre-proposition ce matin: Nancy. Au moment de prendre les billets nous nous apercevons avec surprise que les billets de TGV sont en sur-réservation: une fois encore, nous avons négligé de prendre en compte les vacances scolaires qui désormais nous échappent. Nous pourrions prendre un train très tôt, nous choisissons paresseusement 12h20 gare de l'Est: je n'ai pas envie de me presser.

    112/365 RAS

    RER de 8h52.
    RER D à 19h12.

    Le nœud de l'affaire

    Ce matin, sur le quai de la gare, O. me dit:
    — B. a dû discuter avec des psy à l'hôpital et se rendre compte que son problème, c'était papa. Donc maintenant il veut se débarasser de papa. Papa veut gagner une bataille que de toute façon il ne peut pas gagner.
    — C'est pas bête ce que tu dis là. Tu l'as dit à papa?
    — Oui. Mais je n'ai pas l'impression qu'il m'ait écouté.

    Risques

    Pas grand chose.
    Un peu agacée de lire la "revue des risques" écrite par un cabinet d'audit avec le président et le trésorier pour qu'à la fin ceux-ci concluent: «en fait il n'y a pas de sujet».
    Ben non il n'y a pas de sujet. S'il y en avait eu, croient-ils vraiment que j'aurais attendu cette mission d'audit pour le faire savoir? Enfin, ça fera plaisir à la commissaire aux comptes.
    L'agacement au carré, c'est qu'il y a bien des risques (de disparition de la Mutuelle), trois, que j'ai cités. Mais comme ils ne sont pas "opérationnels", ils n'ont pas été repris.

    Il se passe quelque chose au niveau de la paie. Je sens des jeux d'influences sans comprendre entre qui et qui ni pourquoi. La mise en place de la DSN (déclaration sociale nominative) exacerbe les tensions.

    A la maison, sur le "plan B.", cela ne va pas mieux. H. s'en veut : «si je n'avais pas attendu, tout serait signé».
    Mais à l'époque (les quinze premiers jours de janvier, comme cela paraît loin), il s'agissait de ne pas trahir B., de deviner sa volonté pour ne pas agir contre son gré. Il n'y a pas à s'en vouloir de cela, c'est tout à son honneur.
    Maintenant tout semble bloqué: ne pas aller en Amérique, perdre les deux ingénieurs-clé, ne pas pouvoir livrer à temps l'Etat, perdre la face… Comment se faire embaucher ensuite?
    Tout paraît si grave. Je lui rappelle que c'est une illusion: personne ne se souvient de rien, personne ne se soucie de rien, il suffit de continuer.
    H. a enfin mis Nat au courant. Il était temps.

    111/365 RAS

    RER D à 7h54 (toujours en retard: nous devrions prendre le précédent. Cette fois-ci c'est de ma faute. J'avais coupé la sonnerie du téléphone en pensant qu'il vibrerait. Il n'a pas vibrer).

    Ligne 1 vers 19h10. RER A à quai quand j'arrive. RER D gare de Lyon à 19h42 (quatre minutes de retard, négligeable). Attente du bus une fois à Yerres, puis attente dans le bus (c'est long).

    Angoisse

    Quatre secoué par les péniches : Pascal (qui brûlait de prendre la nage depuis mercredi dernier), Peter et ?? (Christian?) Je suis à la barre. Il fait doux.

    J'avais posé mon après-midi pour aller assister à un cours sur la génétique des films (avec Daniel Ferrer) mais entre Trump et B. je me sens fatiguée. Un détour par Ladurée (fatalitas, il n'y a plus de glace au gingembre!) et je rentre. Le voisin est là.

    H. a appris que B. a demandé à son avocat de gérer ses affaires. Jusqu'où va le mandat de celui-ci? En attendant, la BPI s'inquiète, plus personne ne lui répond, il y a deux millions d'euros en jeu, ce qui représente une grosse somme pour une PME de quatre-vingt personnes. Et Nat aux Etats-Unis qu'il va falloir payer… et les virements qui ne peuvent être faits sur les comptes américains sans la signature de B… Et les quatre-vingts salariés qui ne savent pas que leur entreprise est sur le fil…
    H. est épuisé. Trop de chauds et froids et la perspective de voir disparaître tout ce pour quoi il s'est investi depuis 2010.

    110/365 Suppression sans importance

    RER D de 7h58 (nous n'arrivons pas à être à l'heure). RAS

    départ vers 14h30. Ligne 1 descente à Concorde.
    puis ligne 14 à Madeleine vers 16h40

    Quand j'arrive sur le quai du RER D, mon train est supprimé. Je m'installe dans celui qui est à quai (annoncé "ce train ne prend pas de voyageur") en supposant que ce sera celui de 17h12. Pari gagné. O. me rejoint et nous rentrons ensemble.

    Incompréhension et amitié

    Une fois encore, pas de rapport entre les deux éléments du titre de ce billet : ce sont les deux teintes de la journée, tant la seule unité de nos journées n'est parfois que nous-mêmes.

    H. m'appelle vers midi. Il est décomposé:
    — B. ne veut pas signer les billets d'avion pour Nat. Il ne veut plus aller aux Etats-Unis.
    — Mais il a bien signé pour la création de l'entreprise?
    — Oui. Il est fou. C'est impossible de travailler avec lui. Je ne sais plus quoi faire.

    Je donne quelques conseils, en particulier d'envoyer sans commentaire un résumé en français en quelques points ne dépassant pas la page A4 des documents envoyés en anglais, puisque B. ne veut pas avouer qu'il ne parle pas anglais.

    Le voisin est d'un grand secours. H et lui ont organisé un concours pour savoir qui avait le patron le plus fou.

    Le soir je vois Aline. Nous parlons chats, santé, voyages. Elle me raconte la grande époque des éditions J'ai lu, avant les années 90, le début de la financiarisation. Cela me paraît toujours mythique, j'ai commencé à travailler à ce moment-là.
    Elle me parle d'un voyage des cruchons pour visiter les châteaux de la Loire. D'un côté je viendrai de les visiter une fois encore avec Nat, d'un autre côté il s'agit de la partie au-delà de Tours, que je ne connais pas. Et puis H. devrait être aux Etats-Unis, s'il est encore possible d'y croire. Je vais essayer d'y aller.

    108/365 RAS

    Matin : RER D à 8h, puis A, puis ligne 1.

    18h : ligne 1 puis ligne 12. Il y a beaucoup de monde. Sur la ligne 1, un lecteur des mémoires de de Gaulle, sur la ligne 12, un lecteur de l'histoire de la deuxième guerre mondiale de Winston Churchill.
    22h10 : ligne 4 puis RER D.

    Fauteuil club

    — Un fauteuil club, c'est du mouton, pas de la vachette. Et c'est teinté dans la masse, pas verni. C'est pour cela que cela se griffe, ça se patine. Evidemment, cela ne reste pas impeccable comme ceux de Cuir center. Mais ceux-là craquellent au bout de quinze ans, alors que les fauteuils-clubs se transmettent de génération en génération. Ramenez-moi le coussin dans un mois, je rajouterai de la plume quand il se sera tassé. Ce qui caractérise le fauteuil club, ce sont les ressorts. S'il y a une barre, des sangles, ce n'est pas un fauteuil club. Je vous mets une bombe, il faut la passer une fois par mois, et du cirage, une à deux fois par an.


    Vendredi

    Encore un beau quatre. Le moment où le bateau quitte le ponton et se retrouve au milieu du courant est un moment de ravissement: à chaque c'est une redécouverte, à chaque fois j'oublie combien j'aime être là, surtout avec trois autres rameurs que je connais maintenant depuis des années. Confiance et fraternité le temps d'une sortie, voilà un sentiment que je n'éprouve plus sur la terre ferme. Marc, Philippe, Jean-Pierre, moi à la barre. Un tour de l'île et un barrage. Un bateau sans doute moins beau que mercredi, mais les conditions sont moins dures, il fait moins froid.

    Absurdement je passe l'après-midi à trier et jeter des mails dans mes archives (mais pourquoi?)

    Le soir réunion avec les CAC (commissaire aux comptes). (Réunion à 16 heures un vendredi soir. Lol.) J'abandonne mon vocabulaire zazou (celui destiné à ne pas me prendre au sérieux qui fait qu'on ne me prend pas au sérieux) pour utiliser des mots davantage Science-Po (celui qui écrase toute personne ne me prenant pas au sérieux).
    Je n'arrive pas à comprendre comment quelqu'un de mon âge peut encore utiliser la rhétorique du yaka faukon:
    — Mais il suffit de rapprocher les fichiers puisqu'on a une clé commune…
    — Certes, je vous fournis les fichiers puisque vous proposez de nous aider. Mais je vous ferai remarquer que ce qui compte, ce sont les dates d'affiliation et de radiation. Le fait que les personnes apparaissent dans les deux fichiers ne suffit pas. Or le fichier fourni par X ne comporte pas de date.
    — Ah…

    Ben oui. Sinon nous aurions déjà fait le nécessaire. Que croit-elle ?

    Jeudi et vendredi H. a vu son patron B. (sorti de l'hôpital psychiatrique le week-end dernier). Il lui a exposé tout ce qui ne lui convenait pas, exactement comme si B. était (dans son état) normal (mais il n'y a pas d'état normal de B., c'était connu avant, cela ne paraissait pas si grave. Le problème, c'est que la forme juridique de l'entreprise est une SAS, c'est-à-dire qu'il en est le seul actionnaire. Il n'y a personne pour prendre le relais en cas de défaillance de B. maintenant qu'il a révoqué le mandat de mandataire social de H. en sortant de l'hôpital.)

    Mort de Henry-Louis de La Grange. Pensées pour Vincent.

    105/365 Léger retard le soir

    Matin
    7h58 aller sans problème

    Retour
    Je cours gare de Lyon dans l'espoir d'avoir le RER D de 19h38.
    C'était inutile, le train a du retard. Le message est effrayant: «Votre attente est prolongée de 20 minutes en moyenne. Un train en panne et l'intervention des pompiers dans un train pertubent la circulation jusqu'à 22 heures» mais en réalité je n'attendrai que sept minutes.

    Chroniques du temps immédiat

    Suspendue aux nouvelles du monde. Une impression de mauvais rêve. Tout est logique et irrationnel.

    Fillon a embauché sa femme pour cinq cent mille euros sur huit ans.

    Lundi, France Inter a préféré commenter la primaire de la gauche que les centaines de milliers de femmes qui ont marché contre Trump.

    L'état-major du Département d'Etat américain démissionne. (Enfin. Enfin de la résistance en haut lieu).

    Trump signe décret sur décret, IVG, mur, oléoduc, fait disparaître des pages du site de la Maison Blanche. Sa femme a l'air profondément triste.

    Le terme "alternative facts" fait exploser les ventes de 1984 (un livre interdit en Floride pour son contenu communiste…)

    ——————————————
    Agenda
    Finalement B. a signé. La boîte aux Etats-Unis est créée. Nat vient en France le mois prochain.
    J'ai choisi mes spectacles à l'opéra pour l'année prochaine.

    104/365 gare de surface

    7h52 RER D. Arrivée en gare de surface. J'opte pour la ligne 1, aussi simple à aller prendre, mais plus lente que le RER. Pour une fois le sort me donnera raison car j'entendrai qu'il y a des ralentissements sur la ligne A. Je sors à Esplanade à 8h58: j'ai perdu une dizaine de minutes, c'est très raisonnable.

    Le soir ligne 1, RER A à 19h18 (il arrive quand j'arrive sur le quai), RER D à 19h38 (attente de trois minutes). Retour en bus.

    103/365 RAS

    8h52 Pas de problème
    Ligne 1 puis ligne 4 pour arrivée à 17h38 à St Germain
    Ligne 4 puis RER D aux Halles pour une arrivée 19h50 à Yerres

    Ce que je découvre en écrivant ces comptes rendus de transport, c'est à quel point j'utilise les transports en commun. Ils me rendent des services constants. Ça ne marche pas si mal, au total, si l'on regarde toutes les fois que je les prends. Ce qui est insupportable, c'est la dépendance et l'imprévisibilité.

    Un homme en colère

    Bon. Encore un. Encore un que j'énerve spontanément, sans me forcer.
    — Tu devrais peut-être changer de poste s'il te met dans cet état. Chaque fois que je t'ai au téléphone tu es exténué ou en colère.
    — Mon poste me va très bien. C'est toi qui m'énerves.

    Evidemment, de mon point de vue, c'est plutôt moi qui devrais être en colère. Après tout, me dire «mais qu'est-ce que vous faites à la mutuelle?» sous-entendu «vous vous la coulez douce pendant que moi je trime» et «la mutuelle représente 2% de mes problèmes, tu le sais ça?».
    Oui je le sais, ça fait cinq ans que tu me le répètes à chaque fois que je t'ai au téléphone. Décidément, c'est moi qui devrais être en colère. Mais il me fait rire.
    Bon, mais qu'est-ce qui peut l'énerver comme ça? Je ne représente pourtant pas un grand risque pour lui (nous avons le même patron). Mes mails sont-ils trop bien écrits? Ou peut-être n'apprécie-t-il pas que j'ai commencé subrepticement à faire de la formation continue à ses équipes parce qu'il est incapable de leur transmettre une procédure claire et simple (autrement dit, je téléphone et j'explique directement (gniark gniark. A sa place je n'aimerais pas. Mais je ne suis même pas sûre qu'il s'en aperçoive tant il est loin de ses équipes.)).
    Enfin bon.

    Trois cartes de vœux (écrites), ce qui fait cinq. Je suis terriblement en retard.

    Allemand (cours): J'ai posé la question des fiches de lecture à M. Boss. Ça l'a fait rire : «Laissez tomber. Considérez-les comme des exercices scolaires, académiques.»

    Vietnamien (resto): Comme O. à la voiture, H. accepte de passer me chercher à la gare pour me déposer à Montgeron. Vous dînons ensemble et parlons de B., inévitablement. Celui-ci ne veut plus aller aux Etats-Unis. H. est désemparé, exaspéré, il voit tout ce pour quoi il travaille depuis décembre 2014 (avec le soutien sans faille de son patron) s'écrouler. Il pense à tous les engagements qu'il a pris envers des gens qu'il considère maintenant pour certains comme des amis.

    Catéchisme: information/formation des parents avant la prochaine rencontre avec les enfants. C'est intéressant de voir les messages que fait passer le prêtre en une heure à des parents un peu déboussolés de tant de nouveautés sur l'œcuménisme, la responsabilité de l'Eglise dans les affaires de pédophilie, l'exégèse et l'ancien testament).

    102/365 Pas de problème

    8h58 RER D. Aucun problème. Arrivée Esplanade de la Défense vers 9h50 (c'était mon horaire lorsque les enfants étaient en primaire).
    14h30. ligne 1 puis ligne 6 à l'Etoile. station St Jacques. 18h40 passé. ligne 6 puis RER B. J'ai de la chance, un Zaco est à l'approche aux Halles quand j'arrive sur le quai. RER D à 19h02.

    Patatras

    B. rétrograde H. de DG au poste de directeur technique. Il lui retire sa délégation de mandataire sociale qui faisait qu'en pratique, H. prenait toutes les décisions. En particulier, H. était l'interlocuteur privilégié de la BPI. Fin du projet américain (oui ou non?)

    C'est bizarre, cette impression que le monde prend les couleurs de Trump, c'est-à-dire de la bêtise arbitraire et de la folie.
    Hier, en écoutant L'Amérique de Kafka, je songeais que cet arbitraire du monde, cette impossibilité de ne jamais pouvoir se faire écouter, que jamais la vérité ne puisse éclater et redresser les malentendus devaient directement provenir de l'expérience de Kafka juriste dans une société d'assurances.

    Je lis La supplication.

    101/365 Lentement

    RER D à 8h20. RER A très plein et très lent. Il y a un problème à Châtelet, mais je n'ai pas compris lequel (la voix du haut-parleur était brouillée).
    En arrivant à La Défense, l'accès à la ligne 1 était impossible tant la foule était dense. Certains faisaient demi-tour. Aucune information.
    Je sors et marche jusqu'au bureau.

    19h: ligne 1 puis ligne 12 (correspondance à Concorde). 22h10: ligne 4. RER D à 22h32 aux Halles.

    Douches froides

    Vendredi soir H. apprend que B. reste à l'hôpital.
    Samedi il apprend que B. a envoyé un sms à un directeur de l'entreprise.

    C. et I. se séparent. Ils n'auront pas tenu quatre mois ensemble une fois quittée la maison. Voilà qui relativisent les remontrances de C. concernant notre tendance à nous disputer souvent, H. et moi.

    Apéro chez le voisin qui a reçu samedi une lettre de convocation à un entretien préalable à licenciement après trente ans dans la même entreprise. Son patron ne supporte pas la place qu'il a prise. Il est terriblement démoralisé. Sa femme a essayé de joindre H. tout le week-end, mais celui-ci, lui-même découragé par la résurrection de B. après quinze jours de silence, a laissé se décharger son téléphone sans le recharger. En désespoir de cause, la voisine a fini par me téléphoner (je ne suis pas celle à qui on téléphone. Je suis celle sur qui l'on compte pour répondre aux mails et se souvenir des dates.)
    Nous allons donc prendre l'apéro pour donner quelques conseils sur la façon d'aller à l'entretien (se faire accompagner, toujours) et de prendre un avocat. (Leur expérience de la justice est celle des divorces et gardes d'enfants: c'est autre chose, mais ça fait également dresser les cheveux sur la tête par instants.)

    En rentrant, H. finit par donner un coup de fil à l'un des directeurs: B. est sorti de l'hôpital et se repose chez sa mère.

    Temps magnifique

    Il fait froid, peu de monde à Melun. Yolette de quatre, trois rameurs et un barreur. Je déteste ça, je me souviens d'une ou deux sorties très dures ainsi. Je suis à la nage (puis Christian, Damien), Franck se dévoue et barre toute la sortie. Il y a si peu de courant que je ne me ferai pas mal.

    Quand j'arrive à la maison, les livreurs sont passés livrer notre matelas de trente-cinq centimètres. Le lit a gonflé, il vogue sur le parquet, il ne lui manque qu'une voile pour s'élancer vers le large.

    Nous allons voir Paterson, film entièrement dédié à la poésie et au quotidien. Comment habiter poétiquement le monde, ou plus optimiste encore, comment serait-il possible de ne pas habiter poétiquement le monde?
    «Au fond, dit H., quand on y regarde suffisamment de près, tout le monde est dingue», ce qui est une autre définition la poésie du monde, le détail qui détone, la rationalité qui prend la clé des champs.
    La bienveillance dans ce film est permanente, extrême et sans pesanteur.
    C'est un film qui se regarde, où il s'agit de regarder les images: ce n'est pas un film à écouter (contrairement aux films habituels de Jarmusch), c'est un film où le plus grand événement est sans doute une panne de bus.
    Frank O'Hara : qui est Frank O'Hara?
    C'est très égloguien: Paterson (les biscuits, etc), mais aussi le fait que le personnage principal porte le nom de la ville.

    Derrière moi

    L'oral est passé (question après l'exposé: «comment expliqueriez-vous à l'homme de la rue la différence entre Thomas d'Aquin et Schillebeckx?»)

    Bavardage avec une jeune esthéticienne venue des îles. Elle et ses amis n'utilisent que des assiettes et des couverts jetables quand ils dînent ensemble.
    — Ce n'est guère écolo… et je n'aime pas manger dans des assiettes en carton.
    — Oui, mais après il faut laver, et puis j'ai peur qu'on me casse ma vaisselle.
    — Oh mais c'est de la vaisselle Ikéa, hop, on rachète.
    — Oui, mais il faut y aller… Mais moi non plus je n'aime pas la vaisselle jetable. Quand les copains me donne une assiette en carton, ça va encore, mais des couverts en plastique…
    — Lancez une nouvelle mode, amenez votre assiette et vos couverts quand vous allez chez vos amis.

    J'ai passé l'oral. Demain carte de vœux, billets de blog, le dernier Jarmush, une sortie sur la Seine, des livres lisibles… Demain est un autre jour, je vais me coucher, je suis debout depuis trois heures, oral oblige.


    ------------------
    Investiture de Trump. Pourquoi cela m'affecte-t-il autant, après tout je ne suis pas concernée. Mais d'une part je le suis, évidemment; et d'autre part je ne peux m'empêcher de ressentir de la honte, une honte collective, commune, une complicité à faire partie d'une humanité capable d'élire un type qui s'est moqué d'un handicapé, qui a fait rire des plus faibles, qui a pour ambition d'écraser et non de protéger (voir le discours de Meryll Streep qui exprime cela parfaitement). Je suis accablée de me prendre cette vérité en pleine poire. Je la connaissais, bien sûr, mais je l'évitais, je l'oubliais. Réveil brutal, KO debout depuis novembre.

    98/365 Des problèmes sans trop de conséquences

    RER D à 8h37. Problèmes sur le RER A, très plein: des ralentissements dans les deux sens dus à un voyageur malade à Châtelet. Je laisse passer une rame. Sortie Esplanade de la Défense à 9h31.

    15h40: ligne 1 puis ligne 12 jusqu'à Rennes. RAS.

    19h15. ligne 4 à St Placide jusqu'aux Halles. Je m'assois et m'endors. Les Halles, je monte dans le premier RER D pour aller jusque garde de Lyon.
    Message : «Prévoir un allongement du temps de parcours de 20-30 minutes au passage du vert de maisons et ce jusqu'à 21h. La cause, une altercation entre voyageurs avec des traversées de voies.»
    J'attends dix minutes, ce qui est raisonnable. RER à 19h41.

    Riposte

    Encore une règle du monde comme il va : quand on creuse derrière les réclamations de ceux qui râlent très fort en mettant tout le monde en copie, on trouve souvent une action ayant tendu à profiter du système en ne respectant pas tout à fait les règles. En y réfléchissant, c'est logique, puisque s'ils râlent si fort, c'est que soudain le système leur résiste alors qu'ils sont dans leur droit, alors qu'ils l'avaient fait fléchir quand ils ne l'étaient pas.
    Souvent ils font tant de bruit qu'on ne regarde pas de près, on essaie de leur donner satisfaction, d'une part parce qu'ils sont dans leur droit et d'autre part parce que leur tintamare gêne toute réflexion sereine.
    Parfois ils dépassent leur but (overkill), ils font tant de bruit qu'on décide d'aller y voir de plus près, il y a un ou deux points qu'on ne comprend pas, il y a des incohérences et on finit par être curieux. Alors on creuse et on découvre soudain que s'ils n'avaient rien tordu, que s'ils s'étaient comportés correctement, leur légitime réclamation actuelle n'aurait jamais eu lieu d'être. Ils ont provoqué leur propre malheur.
    C'est avec une certaine satisfaction qu'on expose l'enquête et ses résultats à tous ceux qui étaient en copie de la réclamation initiale et des multiples mails de relance en caractères gras.

    97/365 Rapide

    Aller : 9h13 RER D, sortie de la ligne 1 Esplanade le Défense à 10h01.

    Retour. Oublié de partir : ligne 1 à 19h55 pour gare de Lyon (je ne tente pas le RER A car apparemment il y a des problèmes). RER D à 20h37. A la maison à 21h15.

    Baisers volés

    Tellement en retard pour mon oral que j'ai posé une journée de congé. J'ai tout repris sous un autre angle. Article "symbole" de Ricœur dans Introduction à la pratique de la théologie.

    Regardé Baisers volés de Truffaut. DVD double face, au dos Antoine et Colette. Témoignage sur un monde disparu, pressage de vynil et pneumatique.
    Il me semble qu'une réflexion de la jeune fille reprend exactement ce pour quoi Facebook s'insurge aujourd'hui: « Tant mieux si c'est éclairé, ça vous évitera de me tripoter ». Omniprésence du désir masculin, lourd, obsédant; impression de chasseur et de gibier. Un film pareil ne serait-il pas attaqué aujourd'hui pour cette traque qu'il montre comme évidente, naturelle ?

    Journée lisse

    Double Sofia avec Philippe. Il fait très beau et très froid, si froid que nous transpirons à peine. Les doigts se réchauffent lentement. J'ai essayé les moufles, mais cela emprisonne les mains et je ne me sens pas rassurée en bateau court de ne pas avoir ma liberté de mouvement. J'essaierai en quatre. Les yeux pleurent contre le vent du nord. Dès que je suis avec quelqu'un qui ne m'impressionne pas, je rame mieux. Bateau plus équilibré.

    Journée sans aspérité. Je décris tout ce que je fais en tenant une chronologie annuelle (savoir dans quel ordre enchaîner les tâches au moment de la clôture est précieux) dans l'idée de laisser mon poste dans un an. Cela ne sera sans doute jamais lu, mais sait-on jamais. Nous avons découvert un dysfonctionnement exaspérant : si la sécurité sociale envoie un flux au gestionnaire de prestations1 et que celui-ci n'a pas de RIB pour rembourser ce qu'il doit, il ne fait… rien. Pas de demande de RIB, rien. Si l'affilié ne s'inquiète pas, il n'est jamais remboursé. Comment cela est-il justifié en comptabilité? Cela passe-t-il en pertes et profits au bout de deux ans? Ou cela n'atteint-il jamais la comptabilité, restant coincé au niveau de la technique?
    Je déteste ces no man's land des circuits technico-informatiques. Il faut un hasard pour les découvrir.
    Et nous découvrons tant de choses par hasard, parce que quelqu'un pose une question innocente, que j'ai l'impression vertigineuse qu'il y a des erreurs de tous côtés. Quelle était la citation? «Cela nous submerge. Nous l’organisons. Cela tombe en morceaux. Nous l’organisons de nouveau et tombons nous-mêmes en morceaux.»

    Je récupère la voiture gare de Lyon. J'en profite pour acheter trois répertoires à la librairie au coin du parking, des Clairefontaine référence 9609C, mes préférés difficiles à trouver.

    Note
    1 : le règlement des prestations est délégué à un prestataire.

    95/365 répercussions amorties de problèmes survenus plus tôt

    O. n'a pas TP. Je pars seule donc plus tard.
    8h58. Le RER est à l'heure mais il n'y a plus de place assise, ce qui est étonnant à cette heure-là. Il y a dû y avoir des problèmes avant, peut-être un train supprimé. Je voyage debout (chaussures plates, pas grave).
    9h24 gare de Lyon. RER A lui aussi très plein. Des perturbations dans les deux sens sont dues à une agression de conducteur survenue plus tôt à Nanterre préfecture. Le train stationne longuement à chaque station, beaucoup de monde se presse sur le quai pour tenter de monter. J'ai réussi à m'assoir aux Halles (une station après gare de Lyon).
    La durée de mon trajet sera peu rallongée (l'appréciation psychologique du retard n'est pas la réalité des horloges). Ma collègue me dira avoir mis une demi-heure de plus à arriver en venant de plus près et de l'ouest — mais en étant partie plus tôt.

    Le soir je vais jusqu'à gare de Lyon (ligne 1, RER A à 18h30) récupérer la voiture de H. au parking. Je rentre en écoutant Crooner, une radio essayée en tripotant les boutons.

    Embarras

    Coup de téléphone d'un bookcrosser à midi. Il souhaite me rencontrer. C'est ainsi que tout avait commencé avec Paul (enfin, pas par un coup de fil, par une carte postale paniquée de ma part quand je m'étais rendue compte qu'il allait être choqué par le livre que je lui avais prêté, Le voleur de bible. Je ne sais plus comment nous sommes revus ensuite).

    Je n'en ai pas envie. J'avais quarante-six ans d'écart avec Paul, un tel écart ne se reproduira pas. Je ne sais pas qui est cet homme (parmi ceux rencontrés ce soir-là je ne revois pas son visage), je sais que nous n'étions pas à la même table, peut-être veut-il parler de Gottland, je n'y crois pas, je ne crois plus à de nouvelles amitiés, je voudrais juste qu'on m'oublie, que je puisse me réabsorber en moi-même, et disons-le tout net, de ce point de vue vieillir est une bénédiction.

    Bon, on verra bien. Mais je m'ennuie déjà à l'idée des conversations poussives, ou à l'inverse j'ai déjà honte à l'idée d'un sujet que je défendrai avec passion. Pourquoi se voir sans rien à se dire?


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    La générosité et la bonne volonté chez Descartes

    94/365 non affectée par un passager malade à Nation

    O. reprend les cours. Il attrape son RER de justesse (je le largue (ce n'est pas populaire, c'est le sens aéronautique)) et vais me garer.
    RER D de 8h23. OK
    RER A bondé. Je laisse passer une rame, le tableau annonce qu'un voyageur malade à Nation ralentit le trafic. J'hésite à aller prendre la 1. J'arrive à monter dans la rame suivante. Cela ne fait quasi aucune différence sur ma durée de trajet.


    19h00. ligne 1 puis 12
    22h10. ligne 4.
    Sur le quai aux Halles, une femme (slave, sans doute) avec une poussette et trois fillettes (c'est étrange, elles paraissent avoir toutes le même âge, six ou sept ans) s'installe à deux pas. Une petite fille ramasse un 20 minutes, s'installe à côté de moi, tourne les pages. Je ne peux m'empêcher de commencer à lui donner les noms de ce qu'on voit sur les pages, un ballon, un cheval, une bague, en essayant de faire un rapport avec les mots écrits autour. Elle a un sourire magnifique. Elle connaît le mot ballon et spectacle en français.
    D'autres arrivent, un homme, un petit garçon avec un chiot. Quand je me lèverai pour prendre le train, l'homme et la petite fille me diront merci avec une chaleur qui me serrera le cœur.
    RER D à 22h32. Rentrée sans histoire. Il gèle.

    Disparition annoncée

    Par une bizarrerie (sans doute de la négligence), après m'avoir traitée comme une indésirable, la S*RC continue à m'envoyer les comptes rendus de ses assemblées générales.

    Je signale donc à ceux que cela pourrait intéresser que le site risque de fermer pour une durée indéterminée. Si vous voulez faire des copies de certains documents (je pense en particulier aux versions intégrales des Eglogues (je ne retrouve pas Journal romain), mais aussi à certains articles ou interviews), dépêchez-vous.


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    Je ne suis pas allée ramer. Je lis désespérément lentement. H. a invité les voisins pour une galette, je me suis enfuie au bout d'une demi-heure pour continuer de lire. O. et H. ont choisi un abonnement sur un serveur pour héberger vehesse qui lui aussi risque de ne plus être en ligne un certain temps (et être très dépeigné quand il réapparaîtra).

    Le soir The Brass Teapot, traduit moins joliment en Cash Teapot. Un joli conte, agéable à regarder, presque pour enfants. Je note le rôle normatif du Seigneur des Anneaux: le héros prend une décision d'ordre moral après avoir comparé la situation à celle de la compagnie de l'anneau: «nous venons de rendre l'anneau à Sauron!» (remarque incompréhensible pour qui ne connaît pas l'histoire de l'anneau). En cela, et comme Harry Potter je pense, Le Seigneur des Anneaux fait désormais partie des mythes du temps présent.

    L'annonce de la fermeture du site de la S*RC me fait poser une fois de plus cette question proustienne: ai-je perdu douze ans de ma vie pour quelque chose qui n'en valait pas la peine? Et surtout, surtout, remords lancinant, sont-ce les enfants qui en ont payé le prix?

    Abus de pouvoir

    Je vois venir le moment où l'un des administrateurs de la mutuelle va m'obliger à accorder un passe-droit à un cadre supérieur, cadre auquel nous avons déjà dit non quatre fois et qui à chaque fois va plaider sa cause indéfendable auprès de quelqu'un d'autre. Dommage, il s'est adressé au trésorier, très sensible aux marques de pouvoir. Le président nous aurait fait confiance et aurait dit non.

    Et comme ce cadre a une particule (et même deux: de machin de truc), toute la détestation des privilèges remonte dans mes veines plébéiennes.


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    Je lis L'économie sacramentelle du salut et c'est passionnant (qui l'eut cru?).

    91/365 Pas de chance

    O. m'emmène le matin afin de garder la voiture ensuite (pas très écolo, j'aurais pu prendre le bus — il voulait éviter de prendre le bus).
    Je vois partir le RER de 9 heures devant moi, nous avons été retardés par une voiture municipale hésitante qui a fini par se garer sans mettre son clignotant. Je prends celui de 9h15.
    Trajet total rapide et sans histoire, je sors du métro Esplanade de la Défense à 9h58. Je ne sais pas si ce n'est pas un record (j'ai regardé l'heure sur un écran en station. Je me dis maintenant tandis que j'écris que l'heure était peut-être fausse).

    Soir : je pars tard de façon à rejoindre O. au conservatoire pour rentrer ensemble. RER gare de Lyon à 19h50. Il est très lent et stationne en gare à chaque arrêt.

    Oulipotes

    Il y a tant de vent que j'hésite un moment à me rendre à la TGB. Avis de tempête sur la France. J'y arrive tard, trop tard pour la séance (il paraît que c'était très bien).

    Pizzéria. J'interroge Sophie sur son voyage en Russie. Elle m'impressionne, elle a voyagé seule entre Moscou et Saint-Pétersbourg, prenant le train, se débrouillant dans un pays où quasi personne ne parle anglais, où l'alphabet est différent («on est content de s'être tapé le cyrillique!») Elle chante les louanges des outils modernes, le téléphone qui permet les traductions et les plans dynamiques.

    Chocolat équitable dont la particularité est d'être fabriqué sur place, au Costa-Rica, et non en Europe.

    Conversations de mélomanes. «Bellini, Bellini, je déteste Bellini. La seule chose qui me fait supporter Bellini, c'est d'avoir découvert son influence sur Chopin».
    Etonnants amis mélomanes, qui ne méprisent rien, s'intéressent à tout, sont capables de parler du la bémol (est-ce un la bémol?) de la chanson "Libérée, délivrée" de La Reine des neiges: un vrai amour, une vraie curiosité qui ne se ferme aucune porte (cette remarque à titre de leçon générale pour moi-même).
    En les écoutant, je me rends compte que mon seul vrai intérêt pour la musique contemporaine est pour la musique de film. J'évoque la bande originale de Fury Road et The grand hotel Budapest.
    Dominique évoque Bob Dylan. Il fait les mêmes remarques que Guillaume sur la difficultés de ses textes. Il confirme que "How many roads must a man walk down" est de Dylan, ce qui était bien mon souvenir (on m'avait dit non); or il me semble que "42" était la réponse à cette question (car dans Le guide intergalactique, nous avons la réponse, mais pas la question).
    En rentrant je recherche la page de cette réponse, en vain.

    C'est quoi ce délire ?

    Cette expression me paraît traduire WTF mieux que "Fichaises", qui serait plutôt bullshit, à mon sens.

    Il y a quelques temps (six mois, un an?) avait couru la rumeur que la directrice des ressources humaines de notre entreprise allait partir: mobilité dans le groupe ou démission? J'avais émis l'idée qu'elle remplacerait peut-être mon supérieur bien-aimé dont le départ en retraite est proche.
    Puis il ne s'était rien passé.
    Nous avons appris à midi qu'elle devait bien partir. Elle avait même fait un pot de départ avec ses équipes.
    Puis elle était restée.



    (Par ailleurs, des rumeurs courent sur le départ d'à peu près tous les cadres de direction alors que le nouveau DG vient d'arriver.

    Aristote

    Ethique à Nicomaque.
    je copie-colle un quart de mes notes, par extraits.

    Bonheur : activité de l’âme en accord avec la vertu.

    C’est en pratiquant les actions justes qu’on devient juste, les actions courageuse qu’on devient courageux.
    La vertu morale est une disposition de la volonté. C’est un habitus que nous accueillerons par habitude. La vertu ne préexiste pas à nature ou aux actes. Disposition constante et répétée : on n’est pas vertueux pour un acte de temps en temps. Disposition de la volonté libre. Comment commencer : rôle fondamental de l’éducation.

    La justice : volonté constante d’attribuer à chacun son droit. (définition traditionnelle). Un juste milieu dans la chose. C’est une justice objective. Le but de la justice est le bien.
    La vertu vise le juste milieu. Comment comprendre le juste milieu ? (livre II 1106 a 30) Un sens absolu : point identique pour tt le monde. Par rapport à la chose. Un sens relatif : par rapport à nous.
    Livre IV : la générosité comme la vertu de celui qui les exerce toutes. Problème : la générosité n’est pas un juste milieu. Un excès. Cependant Aristote va essayer de démontrer que la générosité est un juste milieu. Je ne donne que pour recevoir.

    1124b10. Aristote abandonne la question de la générosité pour passer au livre V : la justice comme vertu supérieure. Juste milieu dans la chose. Distingue entre justice générale (légale. Même fonction que la loi) et justice particulière (justice distributive entre les différentes parties de la cité. Justice corrective. Règle les échanges.) La justice particulière se réfère à l’équité. La justice est la plus parfaite parce qu’elle contient toutes les autres vertus.
    Triple spécificités : - ne porte pas sur mes passions mais sur mes actions
    - ne règle pas mon rapport à moi-même mais les rapports à autrui (ou entre autruis)
    - met en œuvre des principes mathématiques : égalité arithmétique (maintenir l’égalité pour avoir l’égalité. Un bien qui vaut deux = deux biens qui valent un) et égalité géométrique (à des mérites inégaux des récompenses inégales. La justice n’est maintenue que si l’on maintient l’inégalité. Justice distributive) .

    Définition : la justice est une disposition volontaire et constante à attribuer à autrui ce qui lui revient selon une égalité soit géométrique, soit arithmétique. Aristote se réfère à la loi civile. Résultat de la délibération de citoyens qui se reconnaissent mutuellement comme libres et égaux en droits (homme, propriétaire, époux, chef de famille). Il s’agit de régler des différends. Détermination du bien totalement immanente à la cité. Il n’y a que des applications particulières. L’équité : la jurisprudence. Fondamentalement, pas de distinction entre la loi et la justice. Il n’y a pas de loi naturelle chez Aristote, pas d’écart entre la justice et la loi. Pas de fonction critique de la justice. Ne pas christianiser trop vite Aristote.
    De même, le traité de l’amitié n’a pas de rapport à la charité. Les bons comptes font les bons amis. Une logique d’équivalence qui empêche toute notion de surabondance. Aristote : l’homme le plus heureux est celui qui pratique la plus haute vertu, et donc la justice. Le citoyen le plus vertueux est celui qui se tient lieu à lui-même de loi. C’est le philosophe. On retrouve cette idée de St Paul Rm14: celui qui se tient lieu à lui-même de loi.

    87/365 Suppression le matin, signal d'alarme le soir

    O. a une semaine "intensive" sur l'architecture des ordinateurs : moralité il commence à midi tous les jours, sauf aujourd'hui où il commence à 9h30.
    Nous quittons donc la maison à 8h30. Nous avions oublié que c'est la pire heure à cause des voitures arrêtées devant l'école qui bloquent la circulation, mais ça n'a eu aucune importance: nous n'avons pas raté le train puisque celui-ci était supprimé.
    Un quart d'heure d'attente dans la voiture garée (plutôt que sur le quai), train à 9h12, très plein. Voyage debout.
    H. qui était parti un peu plus tôt en voiture est dans le même train, ailleurs. Il avait pourtant prévu large, il a été bloqué par un bus scolaire, il aura vingt minutes de retard à son rendez-vous.

    Le soir train à 22h32 aux Halles. Il s'arrêtera quelques instants à Maisons-Alfort suite à un signal d'alarme tiré à cause d'un vol ("sans agression", précise le conducteur).

    Dimanche

    Messe d'abord, puis une heure de catéchisme après.
    Messe "des familles" : un genre qui ne me correspond pas, du bruit en permanence, un fond de chuchotement et de papiers froissés. J'aime le silence et le recueillement. Tant pis.

    Le plus gênant dans cette histoire de caté, ce sont les parents qui restent: non seulement je ne peux pas dire ce que je veux (enfin, dans la forme!) mais c'est agaçant cette mère qui reste auprès de sa fille pour lui souffler les réponses. Comme si le problème était d'avoir des réponses. Moi j'aime les questions, surtout avec les enfants : il arrive toujours qu'ils vous désarçonnent, qu'ils vous présentent un angle de vue inattendu.
    Les enjeux: comment les marquer, comment leur donner quelques fondamentaux qui pourront leur servir pour vivre ? (Ou pour croire, mais je ne sépare pas véritablement les deux.) D'autre part, comment les détacher de cette obsession de la "bonne" réponse pour les pousser à réfléchir et dire ce qu'ils pensent, même si ce n'est pas "orthodoxe" ? : comment leur donner confiance dans ce qui se joue ici? Ce n'est pas l'école.

    Notes pour la prochaine fois : mieux préparer le minutage, m'asseoir du côté du tableau, installer les tables en rectangle et non en carré et m'installer à un petit côté de façon à embrasser tout le monde d'un coup d'œil.

    C'est petit, un CM1 (neuf ans). J'avais oublié.


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    Agenda H. et O. passent deux heures à remettre le réseau d'équerre. Réadressage des différents appareils connectés.
    Fou rire mémorable dans la cuisine quand nous faisons découvrir à H. la légendaire vidéo de Winnie l'Ourson.
    Le soir, The OA 2 et 3.

    Ethique et marivaudage

    Les deux ne sont pas liés.

    Journée de TG.
    Etant arrivée en retard, je ne sais exactement quel était le thème de la journée, mais le contenu fut le cours d'un théologien moraliste rédacteur en chef à La Croix sur l'éthique (en suivant Ricœur, les chapitres 6 à 8 de Soi-même comme un autre) et la morale (comme obéissance à la norme ou aux normes).
    « Le chrétien est moral, il se réfère à des normes. C'est extrêmement mal vu aujourd'hui, de respecter des normes. Cependant, la norme ne doit jamais avoir le dernier mot. Selon St Thomas (entre autres), le plus grand péché est de ne pas respecter sa conscience. »
    Je cite sa définition du libéralisme économique: « offrir le plus grand choix à chacun » et celle du christianime : « répondre à un appel (une vocation) ».

    Greiner a beaucoup insisté, comme désormais tous nos professeurs ou presque depuis l'année d'ecclésiologie, sur l'aspect communautaire des pratiques et surtout sur le fait qu'il n'y avait pas de foi sans praxis (pratiques : il s'agit ici de pratiques religieuses, prière, rassemblement, participation aux sacrements, et non de "bonnes actions", qui ne sont pas proprement chrétiennes, évidemment).

    Curieuse discussion — à deux doigts de la dispute — à propos du permis de tuer de façon "extra-judiciaire" (traduire: illégale) de futurs terroristes. Deux élèves défendent l'obligation de se défendre au nom de la Real Politik. Greiner fait remarquer qu'au nom du Décalogue il est tout de même permis de s'interroger. Les deux élèves paraissent le tenir pour un doux rêveur.
    Pour ma part, je n'étais pas au courant de cette récente polémique. Il me semble d'une part que cette pratique est évidente depuis la prise d'otage de la maternelle de Neuilly et la traque du terroriste Khaled Kelkal. Je regrette que les terroristes soient abattus systématiquement car il me semble que nous nous privons de témoignages importants.
    Par ailleurs, je suis persuadée depuis l'expérience des procès de Nuremberg que le procès a une valeur cathartique (écouter, faire parler) et historique (laisser une trace autre que journalistique) fondamentale.
    Quoi qu'il en soit, si un chef d'Etat décide des exécutions "extra-judiciaires", il me semble que cela devient son fardeau personnel. Cela fait partie du poids du pouvoir. En aucun cas il ne doit en faire l'étalage: qu'est-ce qu'un chef d'Etat d'un Etat constitutionnel qui se vante de ne pas respecter la loi? Que cette histoire éclate maintenant me laisse soupçonner une manipulation des bas instincts de la population: «Voyez, la gauche n'est pas si molle que vous le pensez, regardez ce que nous faisons pour vous».


    Le soir, nous assistons à Villebon/Yvette à trois pièces en un acte de Marivaux au bénéfice de l'association Rétina qui aide la recherche sur les maladies de la vue.
    L'ensemble est très plaisant; je suis toujours aussi ébahie à l'idée que des auteurs du XVIIIe siècle faisaient jouer de telles satires devant la noblesse: quels portraits peu flatteurs! Quels penchants féministes! Et quel recul au XIXe siècle: Balzac, Hugo ou Flaubert n'ont jamais atteint ce niveau de mordant.

    La dispute : les femmes sont spontanément coquettes et égocentriques, les hommes sont fraternels tant que les femmes ne les poussent pas à la querelle. Cependant l'un et l'autre sexe est volage et inconstant, sans que la responsabilité puisse être rejetée sur l'un ou sur l'autre.
    Cette pièce tient de l'expérience de laboratoire, mi-Ecole des femmes, mi-Barjavel. Un très beau jeu de miroir, au sens propre et figuré. Les acteurs masculins jouaient à merveille les benêts sautillants.

    La colonie : une sorte de Lysistrata. Les femmes d'un navire échoué décident de faire sécession si le pouvoir des assemblées n'est pas partagé. La meneuse souhaite même qu'il y ait des femmes avocates!
    Malheureusement le camp des femmes se dispute beaucoup, et par-dessus tout, les femmes n'ont pas appris à se battre: il leur faut compter sur les hommes pour se défendre. (Finalement, sans doute n'est-ce pas pour rien qu'en France, ce sont les guerres mondiales qui ont fait avancer la cause des femmes.)

    Les acteurs de bonne foi était moins intéressante: une pièce dans une pièce, classiquement, avec des acteurs ne sachant plus où s'arrêtent leur rôle et commencent la "vraie" vie.

    Pas le jour

    Zut, je suis agacée. Et je devrais travailler et je ne travaille pas. Tout est allé de travers aujourd'hui, à peine, imperceptiblement, bien peu par rapport à l'agacement généré, à commencer par le réveil que je n'avais pas mis à sonner, le téléphone oublié dans la voiture dont je ne savais plus si je l'avais fermée, les "amis" FB qui vous menacent si vous ne signez pas leur pétition (??) alors qu'eux-mêmes ne réagissent jamais à aucune de vos sollicitations, ceux qui vous signalent que votre statut est ridicule, A. qui est incapable de comprendre que si j'envoie une question par sms c'est pour avoir une réponse et ce soir le réseau de la maison qui est tombé (problème d'adresses, de baux DHCP) alors que je me faisais une joie de regarder la suite de The OA.

    (Mais qu'est-ce que j'ai? Rien de cela ne justifie mon énervement. La frustration aussi de savoir que si j'expliquais ma façon de penser à deux ou trois niquedouilles, ils ne s'en remettraient pas et qu'il faut donc que je me retienne. Je suis trop gentille.)

    Et sinon il y a ça qui traîne (GOP: Républicains = Great Old Party): «domaines que les Républicains souhaitent réguler». Je le publie moins pour la sixième image que pour les cinq premières, résumé lapidaire de ce qui désormais occupe le devant de la scène (je me souviens d'une époque où c'était la guerre froide, la faim dans le monde, le prix du pétrole (élevé)).


    2017-0106-regulation-deregulation-trump.jpg


    84/365 Mes propres erreurs

    Des retards liés à moi et non aux transports.

    RER D de 9h31 puisque oublié de me réveiller. Puis RER A et ligne 1 sans histoire.

    Au retour je prends la ligne 1 dans le mauvais sens, donc je change à Etoile pour la A.
    Zico à quai gare de Lyon, départ 18h30 (tant pis pour le zaco de 18h25, je n'ai pas envie de rester debout à l'attendre).
    Bus car O. a récupéré la voiture ce matin en allant chercher mon téléphone.

    Reprise

    Je lis Beowulf.

    Journée peu productive. Je n'ai pas eu le courage d'aller ramer. Formalisation de mon entretien annuel. Dans la perspective du départ à la retraite de mon interlocuteur et très-aimé patron, j'en fais une sorte d'héritage spirituel et d'exposé des problèmes de fond à résoudre dans les prochaines années.

    Je rentre presque tôt (cela fait partie des bonnes résolutions) et travaille une heure à Laudato si.

    L'animatrice du catéchisme passe à la maison (j'ai choisi un soir en l'absence de H.) pour me transmettre les éléments vus en réunion hier pendant que j'étais à l'opéra. Je ne comprends pas bien pourquoi elle a besoin de moi, les parents des enfants catéchisés ont l'air très impliqués.
    Quand je pense que je vais faire du catéchisme à nouveau, moi qui étais si soulagée que cela s'arrête… Les enfants m'intimident.
    — Tu n'étais pas obligée de dire oui, fait remarquer O.
    — Un peu quand même : on ne suit pas ce genre d'études pour garder pour soi ce qu'on apprend.
    Je ne lui dis pas que je vois un signe dans le fait que c'est l'année où nous étudions la sacramentaire qu'on me demande d'intervenir sur le déroulement de la messe.

    83/365 Anicroches

    RER D à 8h59. Le précédent a-t-il été supprimé? Quoi qu'il en soit il entre en gare déjà plein, des gens debout dans les couloirs.
    Voyageurs agacés, un peu agressifs.
    RER A puis ligne 1 : OK.

    Retour : ligne 1 et RER A quasi aussitôt.
    Gare de Lyon. Zico et zaco sur deux quais séparés par deux escaliers (au lieu d'être de part et d'autre d'un même quai central, voies 1 et 3). C'est très handicapant, car il faut soit trouver un écran d'affichage sur le quai du RER A pour choisir sur quel quai du RER D monter (les voies 1-3 ou les voies 2-4) en prenant le risque de perdre les quelques secondes qui permettraient d'avoir le train justement à quai (mais lequel); soit monter au hasard sur l'un des quais (plutôt le 1-3, traditionnel) et prendre le risque que le premier train à partir soit justement sur l'autre quai.

    Je suis sur le 1-3, pas de zico avant vingt minutes quand une annonce nous apprend qu'un zaco attend voie 4. Précipation, volées de marches descendantes (quai RER A) puis montantes, le zaco part trois minutes plus tard (soit un stationnement supérieur à ce qui est habituel : pour attendre les informés de dernière minute ?)

    Impressing the Czar

    Je suis encore en vacances, c'est-à-dire que j'avais prévu de travailler aujourd'hui à mon TG de samedi, sachant que je n'aurais rien fait pendant les fêtes. Ayant emprunté Laudato si, je le lis. J'affectionne particulièrement ce paragraphe:
    59. En même temps, une écologie superficielle ou apparente se développe, qui consolide un certain assoupissement et une joyeuse irresponsabilité. Comme cela arrive ordinairement aux époques de crises profondes, qui requièrent des décisions courageuses, nous sommes tentés de penser que ce qui est en train de se passer n’est pas certain. Si nous regardons les choses en surface, au-delà de quelques signes visibles de pollution et de dégradation, il semble qu’elles ne soient pas si graves et que la planète pourrait subsister longtemps dans les conditions actuelles. Ce comportement évasif nous permet de continuer à maintenir nos styles de vie, de production et de consommation. C’est la manière dont l’être humain s’arrange pour alimenter tous les vices autodestructifs : en essayant de ne pas les voir, en luttant pour ne pas les reconnaître, en retardant les décisions importantes, en agissant comme si de rien n’était.

    Encyclique Laudato si, sur la sauvegarde de la maison commune, pape François, 24 mai 2015
    «une joyeuse irresponsabilité», «décisions courageuses», «tentés de penser que ce qui est en train de se passer n’est pas certain»: tout me plaît.
    Je n'aurai jamais terminé pour samedi.

    Danse à nouveau ce soir au palais Garnier. Semperoper Ballett de Dresde pour Impressing the Czar de William Forsythe. Les quatre pièces donnent l'impression d'un chaos permanent et seul le fait qu'il se poursuive de longues minutes oblige à admettre le fait que c'est un chaos organisé et non en voie d'atomisation. C'est impressionnant.
    La première partie m'a fait penser à un tableau de Jérôme Bosch (sans que rien objectivement ne soutienne cette association, ni les costumes, ni la musique. Sans doute l'impression de farce, de parodie. Par moments il semblait que l'on tournait le bouton d'un vieux poste de radio à la recherche d'une station, d'autres fois que l'on était dans un aéroport à cause d'annonces criées au micro, le tout dans des costumes de velours somptueux). La deuxième pièce, après l'entracte, est ma préférée, autant par la danse que la musique de Thom Willems. La troisième est cacophonique (peut-on dire d'une danse qu'elle est cacophonique? des corps discordants?), sorte de critique de la télévision commençant par une vente aux enchères d'objets dorés (ou de danseurs, comme l'explique cet article qui paraît avoir tout compris). Trop bizarre pour me retenir. La quatrième pièce se présente comme deux rondes échevelées et désynchronisées d'écolières japonaises, impressionnantes dans leur gestuelle.

    Ce que je retiendrai de la soirée sera la découverte de Thom Willems.

    Philosophie morale

    J'ai passé une grande partie de la journée à chercher Laudato si (encyclique papale sur l'environnement), déplaçant et auscultant des piles de papiers et de livres.
    Il faut me rendre à l'évidence, je n'ai pas dû l'acheter, je ne l'ai pas trouvé (il est téléchargeable, mais je voudrais le lire sur papier et dans ce cas, je préfère avoir un livre que l'imprimer moi-même).
    Passé chez l'encadreur déposer ma baleine.

    Le cours du lundi a lieu exceptionnellement aujourd'hui. Grande retenue dans les vœux: on dirait qu'avec la conscience de l'ère Trump qui s'annonce (et Dieu sait qui en France), personne n'ose vraiment prononcer les mots de « Bonne année » (en tout cas pas moi).

    Premier cours de philosophie morale. La professeur (jeune, très belle voix un peu grave) a trois cours pour nous parler de la vertu à travers trois auteurs. Elle a choisi Aristote, Augustin, Descartes.
    Elle commence pourtant par Kant. La nouveauté de Kant: la vertu comme but en soi et non comme moyen d'atteindre le bonheur, soit une sorte d'héroïsme de la vertu, ce qui amènera Nietzsche à retourner la proposition : la vertu en tant qu'effort héroïque de la volonté est une preuve de la volonté de puissance et devient par là-même un vice.
    Cours très structuré, très agréable à suivre.

    De façon tout à fait inhabituelle elle nous demande de lire les livres I et II de L'Ethique à Nicomaque pour lundi prochain. Plus Laudato si pour samedi et Schillebeckx pour l'oral du 20.
    C'est reparti sur les chapeaux de roue.

    O. est en train de jouer quand je rentre. Nous dînons très tard.
    H. est parti ce matin.

    Deuxième jour

    Il a plu, la magie a disparu mais les oiseaux reviennent.

    Aller-retour à Blois dans le brouillard. Discussion dans la voiture: ce blog devrait connaître des transformations de fond dues à des contraintes techniques (notamment, à partir de mars, je ne vais plus pouvoir afficher les photos via Dropbox comme c'est actuellement le cas). Combien de temps cela va-t-il prendre pour être effectivement en place?

    Premier épisode de The OA. Fascinant.

    Premier de l'an

    Tout est encore gelé. Pas un oiseau. Restent-ils immobiles abrités à jeun durant le gel ? Est-ce plus efficace pour survivre que chercher de la nourriture ?

    Encore une vaisselle. Etant la première levée, je l'avance par pitié pour les deux autres.
    Journée à petite vitesse, pas de déjeuner, le reste des bûches à quatre heures. Qu'ai-je bien pu faire de cette journée? Aucune idée, ça m'agace, il ne me reste plus tant de temps que je ne sache pas ce que j'en fais.

    Le soir nous allons voir à Paris Killer Joe. (— Il n'y a rien au cinéma. — Tu as regardé au Grand Action? Au Reflet Médicis? (J'ai toujours trouvé quelque chose à voir dans ces deux cinémas. Encore un festival Herzog. A la grande époque j'y avais vu tous les Lubitsch.))

    Killer Joe. Saisissant de violence, de sensualité, de bêtise. Un huis clos malgré les quelques scènes d'extérieur. McConaughey déjà extraordinaire (je dis "déjà", car il s'est fait connaître du grand public avec Dallas Buyers Club et True Detective). Juno Temple très jolie, magique d'innocence et de franchise.
    (Le soir H. regarde sa filmographie: The brass Teapot a l'air d'un nanar de première grandeur (genre WTF). A essayer.))

    Livres lus en 2017

    Seuls sont notés les livres lus de A à Z (pas les articles, pas les chapitres lus pour un besoin particulier lié à mes cours, etc.)

    - 7 janvier. Laudato si, Pape François, édition commentée, éd Paroles et silence, 2015
    - 24 janvier, La supplication, Svetlana Alexievitch

    - 14 février, Quartier lointain, t.1, Jirô Taniguchi, Casterman 1998
    - 15 février, Quartier lointain, t.2, Jirô Taniguchi, Casterman 2003
    Le grand incendie, Le journal de mon père, Jirô Taniguchi, Casterman 1999
    - 16 février, L'Arabe du futur 3, Riad Sattouf. (BD). Calme, désagréable, désespérant sans que la raison en soit claire: les lâchetés du père, c'est toujours terrible.
    - 17 février, La séparation, Le journal de mon père, Jirô Taniguchi, Casterman 2000

    - 12 mars, JRR Tolkien, Beowulf, Actes Sud, 2014
    - 13 mars, Charlotte Delbo, Aucun de nous ne reviendra, édition de Minuit, 1970
    Une connaissance inutile, idem.
    - 14 mars, Charlotte Delbo, Mesure de nos jours, éditions de Minuit, 1971

    - 20 avril, Lieutenant X, Langelot sur l'île déserte

    - 9 mai, Jaroslav Hašek, Le Brave Soldat Chvéïk

    - 12 juin, Amorgos de Nikos Gatsos
    - 20 juin, Graham Greene, Le Troisième Homme, pour préparer le voyage à Vienne
    - 22 juin, Uwe Johnson, Une visite à Klagenfurt
    - 26 juin, Shane Kuhn, Un stagiaire presque parfait. Tellement verbeux, larmoyant, content de lui-même, que je me demande pourquoi je me suis obtinée à le lire en entier.

    - 3 août, Tintin chez les Soviets, Tintin en Amérique, Tintin au Congo. Rien à faire, Tintin m'ennuie.
    - 15 août, Dagmar Halas, Le silence de la peur. Une longue lettre, un cri d'amour blessé.
    - 18 août, Joseph Conrad, Lord Jim. Lecture sur des mois qui m'empêche de la saisir comme un tout.
    - 22 août, Philip K. Dick, Le maître du Haut Château. Intéressant mais dieu qu'il écrit mal !

    - 7 septembre, Harry Harrisson, Bill the Galactic Hero. A la deuxième lecture, je me demande ce que j'avais vu à la première. Un héros épicurien.
    - 11 septembre, Hervé Le Tellier, Toutes les familles heureuses. A lire une fois. Un intérêt plus amical que littéraire.
    - septembre, 3 Jérôme K Jérôme (BD)
    - septembre, 3 Gaston Lagaffe (BD)

    - 10 octobre, Alexandre Dumas, Vingt ans après.
    octobre, Antonio Tabucchi, Le fil de l'horizon. Etrange impression d'avoir déjà lu ce livre. Est-ce possible que je l'ai oublié à ce point ? Ou je l'ai juste feuilleté ?
    octobre, Jean-Yves Lacoste, Narnia, monde théologique
    - 25 octobre, Harald Salfellner, Kafka et Prague
    - 28 octobre, Balzac, L'enfant maudit, 1831
    - 30 octobre, Balzac, Le réquisitionnaire, 1831. Fait penser au Proust de Combray : la vie de province où tout le monde se surveille.
    - 31 octobre, Balzac, El Verdugo, 1831. Très court. Terrible.

    - 2 novembre, Balzac, L'élixir de longue vie, 1831. Fantastique tendance horreur.
    - 7 novembre, Balzac, Les Proscrits, 1831. Je me suis un peu ennuyée.
    - 18 novembre, Alexandre Duyck, Charles de Foucauld explorateur, 2016. Je ne suis pas sûre que cela apporte beaucoup aux connaisseurs de Foucauld, mais ce n'était pas mon cas.
    - 22 novembre, Laurent Chamontin, L'empire sans limite, 2014.

    - 11 décembre, Mario Soldati, Le père des orphelins, 1999
    - 18 décembre, William Golding, Rites de passage
    - 23 décembre, William Golding, Coup de semonce
    - 27 décembre, William Golding, La cuirasse de feu

    32 livres (45 avec les BD). Les livres (souvent théologiques) non terminés ne sont pas comptabilisés. Les articles des TG occupent la plupart de mon temps (mais je suis quand même embarrassée d'avouer publiquement que je lis si peu.)

    Sorties en 2017

    1er janvier : William Friedkin, Killer Joe au Grand Action avec H.
    4 janvier : William Forsythe, Impressing the czar, Semperoper Ballet Dresden, Aaron S. Watkin à Garnier.
    7 janvier : Marivaux, La dispute; la colonie; les acteurs de bonne foi au profit de l'association Retina.
    21 janvier : Jim Jarmush, Paterson à Yerres avec H.

    5 février : musée des Beaux-Arts à Nancy, musée des ducs de Lorraine
    9 février : Tom Ford, Nocturnal Animals, 2016
    21 février : Anne Charlotte Leffler, Les vraies femmes, Alfhild Agrell Sauvé, lecture par la compagnie Benoît Lepecq à la librairie Palimpseste

    4 mars : château d'Angers (tapisserie de l'Apocalypse), château d'Oiron
    5 mars : église de Cunault, abbaye de Fontevraud, cathédrale de Tours
    8 mars : Anne Charlotte Leffler, Les vraies femmes, lecture par la compagnie Benoît Lepecq à la bibliothèque nordique
    23 mars : Aki Kaurismaki, L'autre côté de l'espoir

    20 avril : Les faux-british, texte de Henry Lewis, Henry Shields, Jonathan Sayer, mise en scène Gwen Aduh
    23 avril : Theodore Melfi, Les figures de l'ombre. Avec "les voisins", pour ne pas attendre le résultat des élections scotchés à la maison
    29 avril : château de Fontainebleau

    3 mai : Raúl Arévalo, La colère d'un homme patient, 2016
    6 mai : Martin Granger à la Cave à Bananes. Générateur de critique de danse contemporaine
    8 mai : James Gunn, Les gardiens de la galaxie, II, 2017
    9 mai : Jordan Peele, Get out, 2017
    10 mai : Terence Davies, A Quiet Passion, (Emily Dickinson), 2017. Mauvais
    19 mai : Kim Seong-hoon, Tunnel, 2016. Pas mal si on ne tient pas compte d'un certain nombre d'invraissemblances
    22 mai : lecture mise en scène de Ah l'amour ! d'Anne Charlotte Leffler
    29 mai : Guy Ritchie, Le Roi Arthur, 2017. Bof. Histoire minimale, bcp de combats, un peu de magie. A éviter.

    4 juin : Palazzo Pubblico de Sienne, basilique St François, Santa Maria della Scala de Sienne (vu que le rez-de-chaussée)
    5 juin : musée étrusque Guarnacci, Palais des Prieurs de Volterra
    13 juin : jardin Rodin
    19 juin : Valérie Lemercier, Marie-Francine. Mignon.

    1er août : musée Hergé. Nous y passons trop de temps, trop tard pour Rimbaud.

    14 septembre : Charles Laughton, La nuit du chasseur.
    15 septembre : Doug Liman, Barry Seal, 2017. Excellent, peut-être pas dans l'art cinématographique (mais je me tape de l'art cinématographique) mais dans le pseudo documentaire historique, à la manière de Vingt ans après et la Fronde : le Cartel de Medellin, l'Irangate, le second choc prétrolier,…
    19 septembre : Barry Seal une deuxième fois, la première heure, en attendant d'aller fêter l'anniversaire d'O.
    21 septembre : Tommy Wirkola, Seven sisters. Pas mal. Sans doute pas à revoir, mais au moins à voir.

    5 octobre : Michel Hazanavicius, Le Redoutable, 2017. Pas vraiment mon genre, le personnage principal est trop insupportable pour que je supporte un tel film. Quelques jours plus tard j'apprendrai la mort d'Anne Wiazemski ce jour-là.
    6 octobre : Eric Toledano et Olivier Nakache, Le sens de la fête, 2017. Sans grand intérêt malgré les commentaires plutôt bon sur allô ciné.

    3 novembre : Ruben Östlund, The Square, 2017. Intéressant, touchant.
    14 novembre : Roman Polanski, D'après une histoire vraie, 2017. Bof.
    15 novembre : Andreï Zviaguintsev, Faute d'amour, 2017.
    24 novembre : Janaceck, De la maison des morts,

    Féerique mais froid

    Ce matin en ouvrant les volets les arbres sont blancs de givre, un spectacle que je désespérais revoir alors qu'il était courant dans mon enfance. Sans doute le brouillard persistant des derniers jours a-t-il imprégné la végétation; feuilles et brindilles, tout est ourlé de givre. Il fait froid. Le spectacle le long de la A5 pour aller à Melun est féerique.

    Au club il y a plus de monde qu'il y a une semaine. Nous sommes six "loisirs", Virginie propose gentiment de faire de l'ergo (ergomètre: le rameur des salles de sport) si je ne veux pas sortir en skiff.
    Je prends donc un skiff même si ce n'est guère prudent. Mes doigts se réchauffent lentement au bout de deux kilomètres (pas mes orteils). Je ne transpire pas ou à peine, j'ai presque froid (mouchoir noué autour du cou en foulard), l'effort ne réchauffe pas les muscles engourdis. Une péniche courant vers l'aval paraît sombrer avec lenteur, le vent balaie des voiles de brume au ras de l'eau, les arbres sur le côteau flottent coupés de terre. Il n'y a aucun courant, les oiseaux préfèrent être dans l'eau, les mouettes dorment sur la Seine plumes gonflées, les cygnes plongent leur cou entier, les hérons d'ordinaire sur une branche basse sont aujourd'hui les pieds dans l'eau, plus chaude de quatre ou cinq degrés que le sol. Comment vont-ils manger par ce temps? Comment survivre?
    Je monte jusqu'au point G (quinze kilomètres, un jour je photographierai le panneau), doublée par les cadets en pair-oar. Je ne vois plus la yolette, elle a fait demi-tour.

    En rentrant je passe chercher les pains et les bûches. Je suis frigorifiée. Premier aller-retour à la voiture sans rien renverser, deuxième aller-retour pour aller chercher le saumon fumé (entier non coupé). Dernier jour de la charcuterie, elle ferme ce soir. Fin précipitée quelque peu amère pour deux célébrités du village: monsieur a l'âge de partir en retraite et le RSI n'offre son aide que s'il a fermé sa boutique au plus tard le 31 au soir. Départ si précipité que le fond de commerce n'est pas vendu et qu'il y a des frais et des dettes non couverts. Le fils a ouvert une cagnotte sur Leetchi.

    Je rentre, j'ai froid. Déjeuner, Sense8, premier épisode de la saison 2. C'est la première fois que je regarde une série en même temps que le reste de la planète et non deux ans après. Quel dommage, l'acteur Aml Ameen n'est plus là, j'aimais la joie spontanée de son visage. J'ai froid. Je n'arrive pas à surmonter le stress de ce matin, mental et calorique. Je reste sur le divan dans une sorte de catalepsie tandis que H. s'affaire dans la cuisine.

    Nous fêtons le Nouvel An avec les voisins.

    Sagesse un peu pénible

    Très mal dormi encore. J'arrive à l'âge où les conseils pour bien dormir (pas d'alcool pas de thé pas de café pas de nourriture riche) ne sont plus des conseils de santé mais des choix de vie: dans quel état souhaité-je être le lendemain, qu'est-ce qui compte le plus pour moi?
    On pourrait arguer que c'est toujours le cas, mais si c'est vrai objectivement, cela ne l'est pas subjectivement. Plus tôt, on ne se projette pas le lendemain, on a moins le souci d'une économie générale de ses forces dans le but de les consacrer à ce qui compte vraiment (soit désormais pour moi commencer la journée dans une certaine allégresse et non complètement abattue par une nuit de combat dans les cauchemars et contre le chat) ou peut-être que ce qui compte vraiment s'est transformé (le plaisir ponctuel d'un spritz contre le plaisir allègre de la plénitude de ses moyens). Est-ce l'âge ou l'aviron qui a changé la donne?

    (Ce billet plaintif et moralisateur parce que j'ai bu un spritz hier soir et mal dormi cette nuit).

    77/365 : trajet optimisé

    J'aurais dû prendre le bus ce matin (la voiture étant restée à la gare hier soir) mais H. m'a proposé de me déposer et je n'ai pas eu le courage de refuser (tant pis pour l'écologie).
    A la gare à 8h55, prochain train vingt minutes plus tard, horaires de vacances obligent (je ne râle pas: des métros circulent toute la nuit sur certaines lignes pour les fêtes, bel effort).
    H. me propose de me déposer à Villeneuve-St-Georges, nœud ferroviaire donc proposant davantage de trains venant de différentes directions. J'accepte moins dans l'espoir d'avoir un train plus tôt (le temps de trajet en voiture vaut le temps d'attente en gare) que pour rester avec lui au chaud dans la voiture. Il fait froid, il y a beaucoup de brouillard. Signe des temps, plus personne ne semble près à accepter qu'il y ait du brouillard, j'entends parler de pollution. Breaking news: près des rivières, au-dessus des fleuves, il y a du brouillard. "Après dispersion des brumes matinales" étaient même une expression incontournable des bulletins météo il y a quelques années. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de pollution, mais il ne faut pas tout mélanger — ou tout oublier.
    Train à quai quand j'arrive à Villeneuve, train à quai quand j'arrive garde de Lyon : optimisation, pas de temps d'attente.

    Le soir RAS. Départ vers 18h30, RER D vers 19 heures, zaco à quai quand j'arrive.

    Ivo Livi

    Par hasard j'avais vu une critique du spectacle et pris deux places puisque Yves Montand est l'un des chanteurs favoris de H.
    Je suis moins enthousiaste que les critiques sans doute parce que Montand m'est indifférent, mais suivre une vie liée aux événements politiques permet toujours de mieux appréhender l'épaisseur du temps1: vraiment, Trénet et Fernandel dans l'entre-deux-guerres? déjà? mais leur carrière a duré une éternité!
    J'ai beau le savoir, c'est toujours une redécouverte. Et je n'avais pas conscience de la notoriété internationale du couple Montand-Signoret qui a enchaîné des visites quasi officielles auprès de Krouchtchev puis Kennedy sur fond de répression hongroise.
    Chants, claquettes, chorégraphie, impressionnant accordéon. Si vous aimez l'histoire et la variété, l'histoire de la variété, cela vaut le déplacement.

    Retour dans un brouillard qui s'épaissit.

    J'ose avancer qu'avec Montand, Brel, Gainsbourg et Aznavour, nous tenons un beau palmarès de laideur.
    — Mais Montand n'est pas laid !
    — Je trouve que si. Peut-être le moins laid, le dernier de la liste. Première place pour Brel, les deux autres entre les deux.
    — Montand a du charme.
    — Peut-être. Mais beauté et charme n'ont rien à voir, heureusement. Tiens, ça me fait penser à Belmondo…
    — Mais Belmondo est beau !
    — Je ne sais pas comment il était quand il était jeune, mais j'ai lu pendant les vacances que son prof de théâtre, Pierre Dux, lui avait prédit qu'il n'arriverait jamais à rien, trop laid, trop malingre, trop mauvais. Quelques années plus tard Belmondo croise Dux sur les Champs Elysées. Il a Ursula Andress à son bras et dit à Pierre Dux: «vous voyez, je m'applique».

    Les aventures de B., suite. Son avocat (il a un procès en cours) a téléphoné. B. est en hôpital psychiatrique: que prendre comme décision, qui prend les décisions? Je vais encore faire des progrès en droit (du droit comme science empirique).

    Dernier épisode de Sense8 saison 1. Je crois que le scénariste s'est mis dans une impasse avec Will: il ne va tout de même pas le garder inconscient le reste du récit?



    1 : le genre de phrase qui me donne tellement l'impression d'être une copie de GC (sujet: raconter votre visite à la bibliothèque universitaire, choisissez un livre, argumentez ce choix et donnez vos impressions (sujet reconstitué à partir des extraits donnés par GC. Son but est d'obliger les élèves à aller au moins une fois en bibliothèque, afin qu'ils sachent ce qu'elle peut leur apporter.)

    76/365 presque un retard

    RAS le matin pour un train vers 9h30. Le train clignote "à l'approche" sur le panneau tandis que je gare ma voiture: dans l'empressement à ne pas le rater, je ne remarque pas l'heure exacte. (Mes horaires dérivent sérieusement quand je ne suis pas les horaires de O. pour la fac. C'est inquiétant pour le futur).

    Je quitte le bureau à 18 heures pour être en avance à Montparnasse. Malheureusement la ligne 1 est immobilisée pour vingt minutes par un "malaise voyageur" (le malaise d'un voyageur, camusé-je). Je ressors de la station, traverse la Seine (brouillard), fais une course à Neuilly, reprends le métro une station plus loin. Le trafic a repris.
    Ligne 13. Je suis à l'heure.

    Nous rentrons en voiture.

    Troisième jour après Noël

    H. arrive dans la cuisine. Il fait une drôle de tête, il est blanc.
    — Ça va ?
    — Non.
    (Mon cœur se serre: ses parents? sa famille? Les décès sont brutaux, inattendus, de son côté.)
    — J'ai eu un coup de fil de Grégory. B. a disparu. Il s'est disputé avec son frère et il a disparu. Les gendarmes le recherchent.

    Je tente de le rassurer comme je peux, de rationaliser. Je ne comprends pas comment il est possible de lancer un avis de recherche sur une personne majeure disparue depuis quelques heures seulement (cela m'inquiète mais je ne le dis pas). Je souligne à quel point cela n'est rien par rapport à un problème de santé dans la famille. Mais il pense à la fois à leur propre dispute de vendredi dernier et aux projets en cours, aux Etats-Unis, etc.: comment prendre des décisions légales avec un patron disparu? Le côté feuilleton américain est si prégnant qu'il en est irréel: est-il possible que cela soit vraiment en train de se passer?

    Je classe des papiers, range un peu, non plus les pièces de la maison, mais les documents, autre sorte de pièces. Il fait un temps magnifique, nous pensons aller visiter le château de Fontainebleau mais il est déjà trop tard (il est 15 heures pour une fermeture à 17), je déroute les projets vers le club de Melun et nous suivons (à pied) la Seine rive gauche à Chartrettes. Il fait beau, froid, un skiff, un pair-oar, un double: les "compèts". La route cycliste dont l'indice quand je rame sont les vélos suit apparemment un conduit d'hydrocarbure (puits de pétrole en Brie, péniches et réservoirs à la sortie de Melun). O. et H. discutent de la nature des fils électriques: fibre ou pas fibre?
    Il faudrait fibrer la France tout entière pour mieux répartir la population. C'est un argument de choc pour un village: «nous avons la fibre».

    Coup de fil, B. est retrouvé, il a fallu cinq équipages de gendarmerie (dix gendarmes) pour le maîtriser (je pense à la colère de Valérie Trierweiler), il est à l'hôpital: ouf, il n'est pas mort d'hypothermie dans un fossé. Risque-t-il d'être déclaré irresponsable? Et dans ce cas, que se passera-t-il? un juge de tutelle, un conseil de famille? Comme nous sommes peu préparés à ce qui ne devrait arriver que dans les films. Comme nous oublions que la fiction s'inspire de la réalité et ne constitue pas un monde en soi.

    Cahier des charges pour le film vespéral: «quelque chose de gai». J'ai repéré Ciel d'octobre il y a quelques jours. Ce n'est pas gai mais encourageant, plein d'espoir: un garçon fils de mineur veut sortir de son trou et se passionne pour les fusées. Le ciel d'octobre est celui du Spoutnick. Le jeune garçon, c'est Jake Gyllenhaal.

    Episode 11 de Sense8 saison 1.

    Deuxième jour après Noël

    Il fait beau et froid.
    A. part. Foins et débris (le lapin, le lapin !) jusqu'au milieu de la chambre. La maison paraît étrangement vide après ces derniers jours. Nous avons désormais des habitudes de vieux couple.
    Classement de papiers (remontant à un an et même novembre 2014), échange d'écrans, premières cartes de vœux. Je m'astreins à ne pas regarder de films avant que le soleil ne se couche (ce qui nous amène aux alentours de cinq heures, ce n'est pas si terrible).

    Episodes 9 et 10 de la saison 1 de Sense8

    Les voisins à dîner. Organisation du 31. Lui est en arrêt pour burn-out. Autrefois, on aurait simplement dit que son patron pervers a eu sa peau, ou encore qu'il est épuisé nerveusement. Extension du vocabulaire. Un autre voisin est à l'hôpital pour burn-out "familial": il a demandé à ne sortir que le dimanche, pour éviter sa femme (ambiance. L'une de ses filles en est à sa deuxième tentative de suicide. Qu'est-ce qu'un burn-out? demandé-je. C'est quand on n'arrive plus à faire face, me répond-on).

    Au moment de me coucher, j'apprends que Carrie Fisher est morte. Absurdement j'évoque le malaise ressenti à "la"1 voir à la fin de Rogue one. Je me souviens que je ne savais pas qui c'était quand j'ai lu un article qui l'interviewait (quand était-ce? il y a longtemps, peut-être était-ce pour ses quarante ans, donc en 1996), dans lequel elle parlait de sa façon de gérer son poids (oui, un magazine féminin sans doute chez le coiffeur. Un beau magazine, genre Elle ou Vogue, je me souviens de belles photos). Elle disait: «Ce n'est pas moi que l'on aime, c'est la princesse Leia». Mais je ne savais pas qui était la princesse Leia (et je découvrais Carrie Fisher dont je n'avais jamais entendu parler).
    Morte à soixante ans. Incroyable. Pour reprendre une question de RC, comment peut-on mourir à soixante ans?



    1: "la" entre guillemets car c'est une reconstruction technologique. Le problème est le suivant: soit un film tourné en 2016 racontant une action intervenant quelques jours ou semaines avant un film de 1976: comment y faire intervenir des acteurs ayant quarante ans de plus alors que leurs personnages a un an de moins?

    Après Noël

    J'avance la vaisselle avant que tout le monde se lève (évidemment, j'ai dormi davantage que tous les autres).

    Sense8. 6 7 8 9

    Le soir nous allons voir Rogue one avec A. qui repart à Lisieux demain matin. Cela me paraît meilleur que le Star Wars 7, dans son genre apocalyptique. Dès le départ, nous savons qu'ils mourront tous — puisque nous avons vu le film suivant, le premier à être tourné, le quatrième dans l'ordre diégétique.

    Repas de Noël

    — On lui a demandé ce que mangeaient les ours: elle a répondu des baies sauvages et des touristes. Mais en hiver, il n'y a pas de baies sauvages.

    Journée magnifique

    Il fait un temps superbe. Yolette avec Franck, Stéphane, Sylvie, Magali.
    Nous montons jusqu'au point G («si on peut faire plaisir à Alice…»)
    Sense8. épisode2 3 4 5
    Je bois "mon" vin chaud.
    C. et I. arrivent à 18 heures.
    Hélas, je ne me sens pas très bien avant la bûche. Est-ce le vin chaud? Je monte me coucher (mais que s'est-il passé ?). De mon lit je les entends rire. Tant mieux.

    Une fois encore je ne serai pas allée à la messe de minuit. Aurai-je un jour le courage de me lever et y aller, même si ça dérange le reste des festivités? Est-il souhaitable que j'ai ce genre de courage, que je dérange l'ambiance familiale? (Il me semble que oui).

    Dernier jour avant Noël

    Quatre: Emmanuel, Dominique, moi, Pascal. Emmanuel m'a corrigé un défaut: j'enfonce trop mes pelles, il faut avoir la sensation de ramer la moitié de la pelle hors de l'eau pour être à la bonne profondeur. Le bateau devient alors très léger et s'équilibre (je me dis qu'à ramer seule, j'ai pris l'habitude de ramer en force, soit exactement ce que je déteste chez les autres: so proustien1). Je suis enchantée d'avoir enfin une piste de travail. J'ai hâte de l'expérimenter avec d'autres équipages.

    Journée à vider ma boîte mail. Par moments j'écris des dissertations sur la prévoyance et la santé (être née en 1992 et vouloir une sur-surcomplémentaire… non, ce n'est pas normal d'être à ce point obsédé par la sécurité à cet âge-là, même pour une juriste! (on va encore me dire que j'émets des jugements de valeur: oui, et j'assume (cependant (rassurez-vous), je ne fais jamais que fournir des éléments de réflexion aux personnes qui m'interrogent. "L'appétence au risque" est quelque chose de très personnelle, personne ne peut décider à la place de quelqu'un d'autre à quel niveau il doit se protéger. Je donne des informations, pas des conseils. Ici, sur ce blog, je me défoule (si un blog ne sert pas à ça, à quoi sert-il?))

    Je rejoins H. chez Ladurée, décomposé. Son patron ne veut plus ouvrir de filiale aux Etats-Unis alors que tout est prêt pour mars prochain. Un Américain est embauché, un local choisi. H. a fait une ou deux erreurs psychologiques de base en ne prenant en compte que les faits, sans faire attention à la susceptibilité de B., son patron (travers que ma fille et moi partageons).

    Zut. B. va encore réussir à nous pourrir nos vacances. (Je parais ainsi peu compatissante aux affres de H.: c'est que je ne suis pas inquiète, H. va trouver une solution. D'autre part, B. était si charmant depuis plusieurs moi que j'attendais le contrecoup. Je n'en imaginais pas la forme, mais je savait qu'il aurait lieu.)

    A. arrive en voiture avec son lapin nain malgré tout beaucoup plus grand qu'il y a quelques mois. Il est même énorme dans la mesure où il est angora. Il n'a pas l'air effrayé (je redoutais la crise cardiaque pour son petit cœur de lapin).

    Le soir, O. m'explique comment utiliser la recherche de kodi et je regarde le premier épisode de Sense8 dont Matoo et Ricroël ont parlé sur Twitter.


    1 : «Et à la mauvaise habitude de parler de soi et de ses défauts il faut ajouter comme faisant bloc avec elle, cette autre de dénoncer chez les autres des défauts précisément analogues à ceux qu’on a. Or, c’est toujours de ces défauts-là qu’on parle, comme si c’était une manière de parler de soi, détournée, et qui joint au plaisir de s’absoudre celui d’avouer. D’ailleurs il semble que notre attention toujours attirée sur ce qui nous caractérise le remarque plus que toute autre chose chez les autres.» A l'ombre des jeunes filles en fleurs, Noms de pays: le pays

    Troisième jour à la maison

    Levée tard. (Je le précise parce que dès que je me lève au-delà de sept heures et demie, j'ai l'impression d'avoir perdu ma journée, ce qui me donne un bon prétexte pour ne rien faire et donc effectivement perdre ma journée).
    Journée consacrée à ranger et nettoyer le premier étage en écoutant GC.
    Je regarde Hunger Games 2. C'est vraiment étonnant, une esthétique aussi délibérément IIIe Reich et une référence si claire aux gladiateurs (d'ailleurs le lieu de combat pour la survie s'appelle "l'arène"). Je pense aussi à W ou le souvenir d'enfance.

    J'ai réussi à terminer ce que je souhaitais. Je verrai la suite la semaine prochaine.

    Journée de courses

    Ou peut-être de course.
    Avant 11 heures, à la banque pour un virement vers l'étranger (être restreinte sur internet pour les virements vers l'étranger m'agace);
    St Ignace encore pour la méditation de l'Avent: un beau commentaire sur la parole et l'écoute («on peut jeter un coup d'œil, on ne peut pas jeter un coup d'oreille: écouter demande un investissement»);
    coiffeur à La Défense (je devais y aller jeudi mais comme les commissaires aux comptes seront là et que j'ai prévu d'aller ramer… je ne vais tout de même pas partir à quatre et demie alors que je vais arriver à onze heures après un rendez-vous au siège);
    cordonnier («ah, des Repeto… c'est du cuir gras, il faut une colle spéciale, sinon ça tient pas»);
    quatre bouteilles de vin chaud (froid à faire chauffer) à la boutique Affären rue Léon Jost;
    Vélib jusqu'à Madeleine sur les pavés (et mes bouteilles qui s'entrechoquent dans leur sac en plastique);
    une glace Soho chez Ladurée;
    je retrouve O. rue Tronchet et nous allons choisir son cadeau de Noël — puis nous nous séparons;
    errance chez WH Smith, achat de cartes de Noël (il y en a beaucoup moins qu'avant);
    gare de Lyon.

    Le soir m'attendait mon cadeau "Redditgift" qui a traversé un tiers de la planète sans être corné ni plié: une baleine.

    2016-1221-moby-dick.jpg


    Pomme, vin chaud, Sicario, Hunger game, dont la philosophie me fait penser à On achève bien les chevaux: «donnez-leur un peu d'espoir, mais contrôlez-le».

    68/365 Presque

    11h13: RER D puis ligne D : OK
    13h45: ligne 12 puis ligne 1 : OK
    16h: ligne 1 : OK
    Quelques minutes plus tard : Vélib de Courcelles à Madeleine (où je prends la dernière place): OK
    Un peu avant 19h, ligne 1 : OK

    J'ai failli faire un sans faute, mais en arrivant gare de Lyon à 19h09, le zico (donc normalement à quai) devant partir à 19h12 est invisible.
    Message sur les tableaux d'affichage: «Prévoir un temps d'attente de 5 à 15 mn sur l'ensemble de la ligne. Une alerte de sécurité à Paris Nord et un voyageur malade à Pompadour pertubent la circulation jusqu'à 21h00.»
    Le zico apparaîtra quelques minutes plus tard (avec une annonce stupide du genre «ce train est terminus et ne prend pas de voyageurs» alors qu'il arrive vide, toutes lampes éteintes qui s'allument dès qu'il s'arrête à quai tandis que ses portes s'ouvrent) et partira après le zaco de 19h20, qui lui est exceptionnellement mis à quai quai 4, soit deux escaliers entre les deux trains (ce qui oblige à prendre une décision et s'y tenir).
    Je papote avec un arabe qui a ri en me voyant monter dans le train avant que sa destination ne s'affiche: lui a attendu prudemment de savoir à quoi s'en tenir.

    A la maison

    Journée de rangement et de ménage.
    Je termine Kiss kiss bang bang qui serait aux romans policiers de gare ce qu'est Les cadavres ne portent pas de costard aux films noirs des années 40.
    Je décore le sapin et monte la crèche en écoutant les traductions sans filet de Guillaume (essayez aussi ses rondels). Je range, récure, étend le linge, compte les assiettes…

    H. a trouvé le temps de déplanter l'apple TV (enfin!) ce qui nous a permis de voir True Believer, avec Downey Jr à vingt-quatre ans. Film classique dans ses thématiques mais bien fait, intéressant.

    Dimanche ordinaire

    J'avais oublié que les vacances commençaient ce week-end et il n'y avait pas grand monde à l'aviron. J'ai refusé de faire deux yolettes de quatre (un barreur et trois rameurs, c'est vraiment trop fatiguant, je suis paresseuse!): une yolette, un double et moi en skiff.
    Temps gris, eau très claire. Mais pourquoi ne suis-je pas venue hier quand il faisait si beau? Ah oui, je ne voulais pas ramer trois jours de suite.
    A la réflexion, c'est stupide.

    Après-midi farniente, je termine In her shoes et commence Kiss kiss bang bang.

    Une soirée

    Sortie en double avec William. Un peu mieux que mes dernières sorties. Encore en tee-shirt, c'est magique.
    Pourquoi ai-je tant de problèmes en double à Neuilly (problèmes d'équilibre) tandis qu'à Melun ça se passe bien? La largeur de la Seine, le fait de ramer avec des femmes un peu massives (ça stabilise le bateau) ou des bateaux plus lourds, plus anciens, plus stables?
    Je crois que les bateaux de Neuilly sont plus techniques. C'est ce qu'il faut pour progresser. Mais il me suffit de deux sorties ratées pour avoir l'impression que je ne saurai jamais ramer.

    Repas chez D. Quelle jolie déco. Ça me fait envie, mais je n'aurai jamais le courage de m'en occuper. Combien cela prend-il de temps?
    Son mari ne jure plus que par le régime sans gluten. Comme dirait mon cousin médecin, «si on ne comprend pas mais que ça marche, pourquoi s'en priver?» Si seulement les personnes qui adoptent ces régimes particuliers pouvaient éviter d'en parler. Après tout, il va de soi que l'on sert ce que l'on juge le plus approprié à ses invités, y compris pour leur santé, alors à quoi bon le leur répéter à tout moment?
    Entre les rhumes, les allergies alimentaires et un burn-out, ma santé avait quelque chose d'incongru.

    63/365 RAS

    Matin : RER D 8h30, RER A, ligne 1.
    Fin d'après-midi : lignes 1 puis 12. Passage à St Ignace pour aller chercher une bougie de neuvaine (en clair, qui tienne neuf jours, jusqu'à Noël).
    Vers 18 heures : lignes 12 puis 14. TGB pour l'oulipo.
    Ligne 14 puis RER de 23h02, de justesse.

    Jour tranquille

    Journée de travail sans fantaisie mais fructueuse. Mes cadeaux de Noël sont finis, à un près. Mais celui qui manque est compliqué.

    H. rentre de Tours aphone.
    Les amants du Capricorne. Larmoyant pendant la première moitié, prenant de l'épaisseur ensuite en intriquant les cas de conscience. Ce genre d'intrigue ne serait plus possible: les personnages principaux auraient divorcé rapidement. C'est cet interdit qui permet la tension du film: comment résoudre les contradictions puisqu'il n'est permis ni de se séparer, ni de tuer?

    —————
    Jour tranquille. Je me demande si je dois changer le titre. Alep tombe, Poutine semble victorieux sur tous les fronts. Par un enchantement que je ne comprends pas, personne ne semble oser ou même souhaiter lui tenir tête. Je me dis que je vais faire mon mémoire de dernière année sur le diable (je me demande si on me laisserait faire. Ce n'est plus une explication du mal très prisée. Je pense avoir compris la méthode de ce genre de travail: établir un vaste panorama historique, à commencer par le Nouveau Testament, où Belzébuth et ses légions sont clairement nommés, ce qui permet de noicir quatre-vingt-dix pour cent des pages à rendre.)

    Dans les bizarreries du temps, et pour passer de la tragédie à la farce, les époux Balkany sont accusés d'avoir organisé un mariage pour s'approprier un terrain. Dickens, Brontë, Balzac, je ne sais plus très bien. Mais que se passe-t-il?

    Cette impression de farce est permanente. Farce aussi, tragique elle, le cabinet de Trump: un banquier de Goldmann Sachs aux finances, un climatosceptique à l'environnement, un général fou de guerre à la Défense, un nazi pour porte-parole, un pétrolier poutinophile aux affaires étrangères, un médecin anti Obamacare à la santé…




    Je note tout ceci en espérant encore que cela paraîtra ridicule dans quelques temps, qu'il va être un président apportant la paix et la propérité… Je note tout ceci pour avoir quelque chose à répondre aux enfants qui ne sont pas encore nés lorsqu'ils viendront nous demander pourquoi nous n'avons rien fait: je note notre impuissance et notre appréhension.

    62/365 Chance

    RER D à 7h20 (c'est la magie des examens: le retour des levers matinaux).

    Problème sur la A le soir: je prends la 1. Problème sur la D, les tableaux annoncent le prochain train dans vingt minutes. Quand j'arrive sur le quai, une rame comme oubliée est là, non annoncée. Elle partira une minute plus tard.

    Je prends le bus pour rentrer: désormais qu'O. a son permis, nous partageons la voiture, je la garde quand je rentre tard, soit cette semaine et la précédente, quatre jours sur cinq. Donc à O. la voiture ce soir.

    Minuscules péripéties

    - Méditation de l'Avent à St Ignace. Ephraim, Jérémie. «Si aujourd'hui on fondait des épées pour en faire des charrues, c'est sans doute qu'on aurait inventé de meilleurs moyens pour tuer que des épées, des moyens qui permettent de tuer à distance, sans voir le corps de l'autre.» Long parcours dans l'Ancien Testament: si je ne savais pas que l'intervenant est protestant, aurais-je trouvé ce parcours si protestant?

    - Bibliothèque de l'ICP. Alerte incendie. Six étages à descendre et remonter. Les pompiers amateurs chronomètrent: notre évacuation est trop lente.

    - Schleiermacher. Je pose des questions que je suis seule à me poser (car les autres connaissent les réponses). Les Luthériens sont plutôt au nord de l'Europe, les réformés viennent plutôt de la sphère suisse (Calvin, Zwigli, etc). Ces derniers ont essaimé à travers le monde suite à la persécution française, ils sont très répandus. Les protestants comprennent ces deux groupes et les baptistes, etc.
    Schleiermacher a beaucoup œuvré à la réconciliation entre Luthériens et réformés (je ne pose pas de question sur les différences de dogmes). C'est ce que symbolisent des statues sur le dôme de Berlin.

    «Toujours à nouveau, immer wieder, on dit ça toute la journée en allemand, à son buraliste, à ses enfants, à ses collègues. Toujours à nouveau, ça paraît tellement important en français, alors qu'en réalité, cela indique simplement la répétition, quelque chose comme "sans arrêt", "tout le temps".»
    Moralité: en philosophie et en théologie il faut dégonfler les traductions françaises de l'allemand de leur emphase mal à propos .

    - Bookcrossing, enfin sauf pour la dame qui n'a pas présenté un livre mais un film, pas sur le thème imposé mais à sa fantaisie, et n'a apporté ni le livre (elle avait songé malgré tout à L'Œuvre au noir) ni le film. En somme une sorte de performance dans l'inexactitude.

    61/365 RAS

    8h30 RER A. RER D. Ligne 1 à La Défense. Il y a tant de monde (pourquoi?) que je renonce à accéder au quai et me poste en face, sur le quai d'arrivée des rames venant de Paris. Je monte dans la rame qui vient de se vider, avance seule dans le tunnel (avec un peincement, pourvu qu'elle ne parte pas au garage). La rame s'arrête et repart en sens inverse vers Paris, s'arrête le long du quai bondé. Pari réussi.

    12h15. Ligne 1 puis 12.

    16h10. Vélib Assas - boulevard Arago
    20h 20. Vélib Arago - Port Royal. La station à l'intersection de Gobelins-Port Royal est pleine, je dois rebrousser chemin pour garer mon vélo à la station précédente (temps perdu).
    23h10. Vélib Port Royal - gare de Lyon. Cette fois, la station de Vélib rue Van Gogh a disparu. (Je note ici autant la transformation de la ville que mes aventures infimes).

    23h32. dans le RER D deux minutes avant son départ.

    Et donc techniquement ce billet est forcément écrit après minuit puisque le train met une demi-heure à rejoindre Yerres. Je le laisse en date de mardi par convention.

    Droits de l'homme

    Je suis restée à la maison ce matin. Lu Le Procès des droits de l'homme (qui est plutôt une défense).
    O. s'est occupé de l'intendance, c'est gentil à lui.

    Sorbonne pour écouter JYP. Club de fans venues de FB (dont Claude Chuzel: je suis heureuse de l'avoir rencontrée).

    Une salle de bibliothèque, pleine (de gens: aucun livre). Exposé sur le livre puis discussion d'environ une heure. J'avais noté en lisant que la notion de "droits" n'était pas définie; je pensais qu'il s'agissait des droits de l'homme au sens strict (ceux de 1789, 1948 et la déclaration d'Helsinski de 1975); de la discussion qui a suivi il ressortirait que tout droit, dans n'importe quel code, est un droit "de l'homme", puisque c'est un droit exerçable par un homme (exemple d'un homme voulant se promener en sécurité dans un parc: c'est un droit de l'homme, ça?). Voilà qui est très extensif, je me demande dès lors quel est l'intérêt de préciser "de l'homme". Evidemment JY me rétorquerait qu'il y a les droits de l'enfant. Cela me paraît inquiétant: cela signifirait-il que "l'homme" n'inclut pas "femme" et "enfant"?

    Retour sans histoire.
    L'Arbitrage. Ce genre de film semble une spécialité américaine.


    ----------------
    Pour mémoire (je note les nouvelles du monde pour me souvenir du moment où tout a commencé à déraper), la moyenne de vie aux Etats-Unis a diminué en 2015. Ce n'était pas arrivé depuis 1993 (le sida).

    56/365 RAS

    Un aller-retour sans histoire :
    15h13 RER D puis B aux Halles.
    vers 19h RER B à Cluny (très plein, normal?) puis D aux Halles.

    Tranquille

    Hier après l'aviron je me suis rendue compte que j'avais oublié mon téléphone au bureau. J'ai décidé de ne pas y retourner même si j'y conservais mon billet d'opéra. Je me suis servie de mon ordinateur pour entrer à Bastille.
    Ce matin, je n'ai pas pensé à le chercher; je n'ai donc pas eu le temps d'avoir peur : un mail d'une salariée m'indiquait qu'en ramassant ses papiers personnels sur mon bureau, elle avait emmené mon téléphone par erreur. Bizarrement, au lieu de me le ramener, elle me prévenait qu'elle l'avait laissé à l'accueil.

    Réunion chez l'assureur de branche. Quelques explications sur les multiples dysfonctionnements qui ont marqué l'année.

    Retour. Je dîne seule, O. est en "raid". Ménage et surtout rangement en écoutant les traductions de GC. Je termine le rez-de-chaussée.
    Mon siliconage de dimanche a l'air efficace, les WC du haut semblent ne plus fuir.

    55/365 Caténaire sur les voies gare du nord

    Le matin : RAS.
    RER D à 9h, arrivée à la Défense à 9h40, voyage réellement rapide, je ne pense pas qu'on puisse faire plus court (il faut ensuite ajouter la station de métro ligne 1 jusqu'à esplanade)

    Le soir j'arrive à gare de Lyon à 20h. Les quais sont noirs de monde. Une rupture de caténaire gare du Nord gêne la circulation, et le RER D vient du nord. Deux rames passent qui vont vers Corbeil. La troisième est pour moi, vers 20h18. Allons, ce n'est pas si mal vu la gravité de l'accident (pas de chance pour le RER B: hier aussi il a été arrêté une partie de la journée, tant et si bien que des bus, mais aussi des TGV (??!) ont fait la navette entre Paris et Roissy.)

    J'entendais ce soir à la radio que le matériel prévu pour durer soixante ans en a soixante-dix.

    Sidération

    Les points forts du jour :
    - Ramé comme une brêle en double avec A-S. Zut, une sortie gâchée. Trop crispée. Sans compter que je me suis rendue compte plus tard que j'avais prévu d'aller à la méditation de l'Avent au centre Sèvres qui est prêchée par quelqu'un qui était avec moi en cours d'allemand il y a deux ans (et donc un protestant prêche l'Avent chez les jésuites). Zut, j'ai oublié.
    Magnifique soleil.

    - Je lis Le Procès des droits de l'homme pour jeudi. Emprunté Beowulf à Malraux pour estimer si c'est un cadeau envisageable pour reddit Noël 2016 (mon "match" semble un geek intello, ou un intello geek).

    - Allemand. Pour une fois je n'avais rien préparé. Entre mes quatre heures de sommeil et mon heure d'aviron, j'ai lutté contre l'endormissement durant la deuxième partie du cours.

    - Cavalleria rusticana et Sancta Susanna d'Hindemith à Bastille. Dans les mises en scène de ce soir, les deux pièces sont liées par le Christ en croix qui surplombe la scène.
    Très beaux chœurs et très beaux duos dans Cavalleria (Elina Garanca, Yonghoon Lee et Vitaliy Bilyy).
    Sancta Susanna a plongé la salle dans la sidération. Les applaudissements ont retenti sitôt le gong final, sans même laisser les harmoniques s'estomper et le rideau tomber; mais cela ne cache pas que les spectateurs ont littéralement fui la salle. Et pourtant Anna Caterina Antonacci était admirable (tant par la voix que la présence scénique: le metteur en scène l'a mise à contribution autant comme une actrice que comme une chanteuse) et le décor, avec son aspect de miniature hollandaise puis de peinture à la Jérôme Bosch (je spoile), était remarquable.

    Sauvé

    J'ai décidé de sécher mon cours pour aller assister à une lecture de Sauvé d'Alfhild Agrell.
    (Il s'est produit ici une de ces coïncidences qui prouvent soit que le monde est petit1, soit que nous circulons toujours dans les mêmes cercles, soit les deux: je connais la traductrice par Guillaume sur FB et le directeur des acteurs directement via une histoire de bananes (également sur FB, mais bien antérieurement à la traductrice, à une époque où il était beaucoup plus facile d'entrer en relation avec des inconnus (aujourd'hui nous sommes plus méfiants). Il s'était alors avéré qu'il avait fréquenté le lycée où j'avais fait mon hypokhâgne: le monde n'est pas petit, il est minuscule)).

    Les deux ont travaillé ensemble sur cette lecture — j'ai donc deux raisons d'être là, qui s'ajoutent à la curiosité de découvrir un lieu et la pièce elle-même.

    Un peu assommée par mon week-end, je dors sur ma chaise en attendant le début de la lecture (pour une fois que je ne suis pas en retard!). La salle se remplit très silencieusement, sans me réveiller, et je serai toute étonnée de la découvrir pleine à mon réveil. (C'est la salle de la bibliothèque nordique — dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce soir — attenante au lycée Sainte Barbe).

    La lecture est animée, vivante; les acteurs par leur seule lecture la font vivre devant nous. La pièce est étonnante, à la fois engagée et ambiguë, les motivations des deux personnages les plus "sympathiques" (l'héroïne et son oncle) pas totalement pures ou compréhensibles, le mari peut-être davantage mal élevé, gâté (comme une pomme), que méchant.

    Buffet offert par la boutique suédoise Affären (rue Léon Jost) après la lecture. (Le vin chaud est délicieux et je décide illico d'en offrir quelques bouteilles à Noël). J'erre devant les rayonnages, frustrants car peu d'ouvrages sont en français ou en anglais. L'accès à cette bibliothèque est-il ouvert à tous? Question rhétorique, elle est trop éloignée de mes trajets avec des horaires trop restreints pour qu'elle m'intéresse vraiment (toujours à la recherche pour travailler d'endroits calmes, gratuits et sur le chemin du retour).
    Je discute un moment avec le directeur de la bibliothèque Sainte Geneviève, ce qui ma foi m'impressionne beaucoup (comment, il existe? Et on peut le rencontrer? Il ne reste pas enfermé dans son bureau en ayant peur des élèves?) Il a un look davantage artiste qu'archiviste (contribution aux clichés).

    Plus tard encore, j'accompagne Benoît, Corinne et les comédiens qui vont prendre un pot (avec toujours le léger embarras de ne pas être sûre de ne pas m'imposer). Discussions à bâtons rompus, legos pour filles et garçons (du regret de ne pas avoir choisi son filleul), méthode pour apprendre les textes, etc.


    1 : Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, Clarac p.926/ Tadié p.317-318

    Expo de collages

    Soirée au MPAA pour voir les collages de Françoise.
    Elle a réalisé des collages sous forme de cartes postales, envoyées fictivement par Perec, rédigées par ses amis. Les cartes sont suspendues à un parasol formant un grand mobile; c'est joyeux, gai.
    L'exposition dans son ensemble, y compris les autres artistes, est très réussie.

    Restau indien. On parle Japon et RSI.
    M. est mathématicien et c'est toujours lui qui est interpelé au moment de l'addition. Est-ce ce soir-là que M. m'a raconté l'histoire suivante? c'est le moment de l'addition entre oulipiens, on fait appel à Roubaud, le matheux de la bande, qui refuse et se fait prier, on insiste, il finit par accepter et demande:
    — Bon alors, on est combien?
    — Dix.

    Au retour, je vis un épisode un peu étrange dont je ne sais s'il relève du harcèlement (toutes les femmes semblent si promptes à tout qualifier ainsi que je n'ose utiliser ce mot, mais je sais bien que se poser la question, c'est déjà y répondre par l'affirmative).
    Je me suis installée dans un coin de RER, sur la première banquette dont le siège près de la fenêtre est en face d'un porte- bagage qui permet d'appuyer les pieds, et effet habituel de l'aviron, je m'endors la tête contre la vitre en attendant que le train s'ébranle.
    Trois hommes montent, entre vingt-cinq et cinquante ans, d'Europe de l'Est (ce qui signifie que je ne comprends pas leur conversation). Le plus jeune s'installe non pas à côté de moi, mais contre moi, je sens son poids. En face de biais (puisqu'en face se trouve le porte-bagage), les jambes d'un autre homme me frôle.
    Je ne bronche pas. Je ne me recule pas, je n'ouvre pas les yeux, je fais comme si tout était normal, comme si je n'avais rien senti. Une partie de moi les surveille (je ne risque pas grand chose à part l'humiliation, la voiture est pleine), une autre essaie de se rendormir. C'est le chat et le chien, si le chat ne court pas, le chien passe à autre chose.
    Le train démarre, la vitre est froide, j'ouvre les yeux, ne regarde personne en particulier, ouvre mon sac, farfouille à l'intérieur. Mon voisin évalue d'un coup d'œil le contenu du sac (livres et affaires d'aviron). Je croise son regard sans l'affronter mais sans le fuir, je laisse le vague du sommeil adoucir ma fermeté. Je mets mon bonnet d'aviron afin de me protéger de la vitre et me rendors contre la fenêtre.
    Est-ce le contenu de mon sac, mon bonnet, mon regard ou mon âge qu'il a dû comprendre en me regardant dans les yeux, je sens qu'il se désintéresse. Il s'appuie toujours autant sur moi, mais se penche parfois en avant pour discuter un point ou un autre avec ses compagnons.
    Ils descendront à Maisons-Alfort.

    50/365 Des retards le matin

    Matin. Train à 8h09 en retard qui arrive si plein que je le laisse passer. Je prends le suivant, je suis assise et heureusement. Le train est très lent. Les gens essaient de monter à Maisons-Alfort, nous entendons des cris.

    Vers 18h30 : ligne 1 puis 13.
    Ligne 4 puis RER D à 23h32.

    Divers

    Journée de formation sur la (les) responsabilité des administrateurs de Mutuelle. La précédente avait eu lieu en février 2013, je n'avais rien noté sur ce blog. J'étais plus discrète alors, il est fort possible que je sois trop indiscrète aujourd'hui. Peut-être suis-je trop persuadée que ceci, ce blog, n'intéresse personne: il suffirait d'un.
    D'un autre côté, mes commentaires sur l'état des différentes sociétés et organismes sont dans la presse ou sur le net.

    O. a son permis. Etrange impression. Voilà, voilà, voilà. Il est indépendant, je suis encore plus libre.
    C'est un soulagement de ne pas avoir eu d'accident. Mener un projet contre l'avis de son conjoint, c'est le mener rongé par le doute, c'est se demander à tout instant: «et s'il avait raison?»
    Le camp scout d'O. est en août, nous parcourrons donc l'Europe en juillet.

    Seul soir de la semaine où je n'ai rien de prévu (si, il y avait cela, mais j'ai décidé de ne pas y aller).
    Dead Man avec O., vautrés sur le divan. Je ne me lasse pas de cette bande-son. Exebeche, «who talks loud, signifying nothing». J'y pense souvent.

    49/365 RAS

    Cela arrive de temps en temps.

    Matin : RER D 7h45 puis A puis ligne 1.
    Soir : l'inverse

    Du matin au soir

    H. est parti ce matin pour New York. Si j'ai bien compris, il monte cette semaine la filiale américaine de l'entreprise pour laquelle il travaille en France (les Américains sont tout à fait disposés à accueillir n'importe qui qui crée des emplois chez eux). Par "monter" j'entends création juridique.

    Le soir, "rencontre avec Guzman Carriguiry à l'ICP autour du texte du pape François, Les laïcs, messagers de l’Évangile".
    Je suis déçue: c'est une conférence, j'attendais quelque chose de plus informel. Chaque intervenant évoque Rosa, la grand-mère du pape, véritable héroïne le temps de cette soirée.

    Comment se présenter comme catho en France au temps de La manif pour tous? (qui est encore en train de faire des siennes autour d'un film). Pour moi c'est impossible. Au lieu de parler de la pauvreté, de la précarité, de l'accueil des migrants, le discours est confisqué pour parler du mariage et des homos. Comment ne pas avoir honte de se présenter comme catho en France?
    Il vaut mieux laisser s'approcher les gens. A l'usage je me rends compte de leur grande curiosité (croire? mais quelle idée bizarre et moyenâgeuse, à quoi cela sert-il?)

    M. aurait dû me rejoindre. A-t-elle oublié? Ou son petit fils a-t-il eu besoin d'elle? Je pensais dîner avec elle, je suis rentrée le ventre vide.


    Sûr comme la mort, Trump est en train de nommer un ancien de Golman Sachs.

    48/365 gestion de crise

    Globalement RAS: pas de retard valant la peine d'être mentionnés.

    Matin : RER D à 8h22, puis A, puis ligne 1

    18h20 : ligne 1 puis ligne 12

    Soir : ligne 4. J'arrive sur le quai du RER D aux Halles à 22h36, soit quelques minutes après le passage du précédent zaco. Presque une demi-heure à attendre.
    Un quart d'heure plus tard, arrivée d'un train composé de voitures ne correspondant pas aux voitures habituelles du D. Qu'est-ce donc? Nous nous regardons interloqués.
    C'est une rame du RER B, ainsi déroutée parce que des voyageurs se promènent sur les rails de la ligne B. Bonne solution pour continuer à faire circuler malgré tout le RER B (qui a dû avoir des problèmes dans la soirée vu ce tweet).

    Je suis assise face à la rame qui stationne à quai, le train pour Melun devrait arriver, où est-il?

    J'ai bien failli le rater, il est entré de l'autre côté du quai, derrière le mur au dos de mon siège. Et d'avertir tout le monde: «Eh, le train pour Melun … il est sur l'autre quai!» Et tout le monde de se lever pour ne pas rater ce train à l'heure, mais pas où on l'attendait (temps et espace, toujours).

    Dimanche

    Gwenaëlle n'est pas venue. Quinze kilomètres de skiff. J'ai fait l'erreur de laisser une péniche me dépasser pour régler ma barre de pied et comme nous allions à la même vitesse, j'ai ramé dans ses remous jusqu'à l'écluse. Pénible.
    Plus de feuilles. Bassin désert, si désert que je me suis inquiétée un moment: et si tout le monde était parti, et si le hangar était fermé, avec mes clés et mon téléphone dans le vestiaire? (m'imaginant sonner dans les maisons mitoyennes pour téléphoner… se faire des films, définition.) L'explication était simple, les "compéts" faisaient un test à "l'ergo" (ergomètre: rameur d'appartement, à peu près).

    Highlander en téléchargement dans une version atroce, couleurs en larges à-plats. L'Apple TV est planté depuis plusieurs semaines, il faudrait la réinitialiser.

    Nouvelles du monde : Castro est mort hier, Fillon est vainqueur de la primaire ce soir.

    Une grosse erreur dans Dr Strange

    — Non mais tu comprends, C7-C8, ce n'est pas possible: les mammifères n'ont que sept cervicales, à une ou deux exceptions près.

    Vent

    Il n'y a plus que des histoires de trains et d'aviron à raconter. Ce n'est pas si mal, une vie sans histoire. C'est reposant. Raconter rien. Une contrainte comme une autre.

    Quatre à midi. Dominique, Dominique, Patricio, moi au un, barre au pied. Beaucoup de vent mais pas de péniche.

    Journée à traiter des mails. Je consacre trois quarts d'heure par jour à ranger le bureau, en prévision du déménagement. J'ouvre les cartons, les chemises, je jette, je classe, je rationalise. Mercredi, le délégué syndical qui distribuait le compte rendu du CE nous a dit que les résultats étaient catastrophiques mais que «la bonne nouvelle c'est qu'il n'y aura pas de casse sociale, ils (comprendre "le groupe") nous gardent».
    Euh…

    Décidément, il faudrait que je trouve ma voie.

    43/365 Problème à Nanterre préfecture.

    J'ai cru à deux journée de suite sans problème. C'était optimiste.

    Matin : RAS.
    RER D vers 7h48, RER A, ligne 1 (de La Défense à Esplanade de la Défense).

    Soir :
    Le panneau à la station Esplanade de la Défense indique qu'il y a des problèmes sur la ligne A au niveau de Nanterre Préfecture et en amont, vers Cergy. Comme je vais dans l'autre sens, vers Paris, je tente ma chance: je prends la ligne 1 sur une station pour rejoindre le RER A.
    Mauvaise idée, pas de RER. Je retourne prendre le métro. Il faudra que je prenne l'habitude de ne PAS tenter ma chance, cela fait perdre deux fois du temps: une fois à cause du détour, une fois parce que le métro est plus long que le RER.
    Puis RER D sans problème.

    Oulipo

    Pas ramé lundi, à cause de la matinée sur les évolutions en droit social.
    Pas ramé mardi, à cause des consultants.
    Pas ramé mercredi, je ne sais plus pourquoi.

    Beaucoup de courant, les débutants ne sortent pas. Je suis arrivée quelques minutes en retard, un quatre était déjà constitué. Yolette. Pierre-Adrien (débutant de l'année qui se débrouille), Rémi (de la testostérone, comme dirait Vincent. Il regrette de ne pas pouvoir prendre des cours particuliers (des cours particuliers en aviron? c'est la première fois que j'entends ça!! Je lui fais remarquer que les adultes, c'est impossible à former, ça n'écoute pas et passe son temps à expliquer pourquoi ça ne peut pas faire ce qu'on leur conseille ("sûr comme la mort", à l'arrivée au ponton il illustre ce propos)), Isabelle (un peu dépassée par les événements), Claire. Beaucoup de péniches, des vagues.

    Oulipo, ou plutôt repas post-oulipo. Je découvre et retiens le nom de Michèle Métail.

    42/365 RAS

    Matin: RER D vers 7h48. RER A puis ligne 1.

    Soir: ligne 1 sur une station (esplanade, la Défense), RER A vers 18h40, puis ligne 14 gare de Lyon pour aller à la TGB. J'ai de la chance, à chaque fois j'ai une rame aussitôt sur le quai.

    Puis ligne 14 vers 22h 36 puis RER D 23h02.

    Actualités

    L'agitation du monde et de ma vie quotidienne semble inversement proportionnelle. Rien à raconter (mercredi journée silencieuse, je suis seule au bureau). Je vais noter les sujets du moment:
    - Trump bien sûr, avec ses partisans qui font le salut nazi, l'écart de deux millions de voix entre lui et Clinton en faveur de Clinton, des rumeurs de fraude électorale (des hackers russes auraient influencé les décomptes en faveur de Trump). Clinton va-t-elle contester? (il me semble qu'elle a jusqu'à vendredi pour le faire).

    - Fillon contre Juppé à la primaire de droite. A priori je ne suis pas très concernée, mais je suis ahurie devant les idées réactionnaires de Fillon. A lire Twitter (ma TL est orientée, très orientée, bien sûr), on dirait qu'il veut effacer vingt ou trente ans d'histoire contemporaine: un type paternaliste comme je supposais qu'on n'osait pas l'être publiquement. Résurgence de l'homophobie et de la misogynie (mais cela va toujours ensemble, puisque le misogyne définit sa nature d'homme en fonction de la femme (qu'il méprise): l'homosexuel lui pose un problème puisque celui-ci est la preuve qu'un homme peut se définir en soi, du fait de sa propre valeur, sans avoir besoin de se comparer à une femme pour se rassurer.)
    Encore un poutinophile. Mais pourquoi? Pourquoi sont-ils tous Poutinophiles? Il faut dire qu'il y a longtemps que la presse française a arrêté de nous parler des opposants assassinés, des expropriations, des manifs d'extrême-droite en Russie… je ne vois ça que sur FB. C'est comme si la guerre en Ukraine puis en Syrie avait amené les Français à se dire quelque chose du genre: «c'est leurs histoires, après tout Poutine n'a pas forcément tort, on n'y comprend rien, qu'ils se débrouillent. Et puis les Russes aiment Poutine, il ne doit pas être si mauvais.»

    - Toujours rien à gauche (Macron s'est déclaré candidat, ce qui fragmente encore le vote de gauche).

    - Mobilisation auprès du gouvernement turc pour qu'il libère Aslı Erdoğan.

    Et les migrants (cette bonne idée de les répartir sur le territoire français), et un génocide en Birmanie (le peuple des Rohingya), et un tremblement de terre au Japon,…

    Parce que ma première playlist m'a amusée et que Leonard Cohen est mort le 7 novembre, j'ai fait une playlist de prénoms, si possible de chansons françaises malgré tout puisqu'elle est destinée à un ami américain.
    J'en profite pour vous aiguiller vers ces limericks de prénoms: du nawak contemporain, mieux vaut en rire avant d'en pleurer.

    41/365 Une station, rien de grave

    Matin
    8h13 RER D puis RER A OK.
    Ligne 1 : pas de métro entre La Défense et esplanade de La Défense. Reprise du trafic prévue à 11 heures (dit le panneau à 9h03).
    Ce n'est pas loin, j'y vais à pied.

    Soir : RAS

    Morne mardi

    Pas grand chose. L'informatique encore en carafe (partiellement); révison de la première version du rapport des consultants en leur compagnie, ce qui fait que je n'ai pas pu ramer.

    Pas cours d'allemand. Je lis Schillebeckx qui n'est pas tendre avec Ratzinger (nous sommes en 1995). Les évêques hollandais des années 60 étaient rebelles.

    La Route. Comme un film de zombies, mais sans zombie.

    40/365 Problème d'aiguillage à Nation sur la ligne A

    Sans conséquence pour moi, si ce n'est que j'ai utilisé la ligne 1 et pas le RER A (trajet allongé d'un quart d'heure environ). Ce qui est impressionnant, c'est que ce problème a duré toute la journée, de 8h30 à 19h30 (les deux moments où j'aurais pu décider de prendre le RER A).

    Matin. RER D à huit heures puis ligne 1.
    Soir. Ligne 1 puis ligne 14 à Chatelet (le changement est court, il n'y a pas de station entre Chatelet et gare de Lyon sur la 14, le changement 14 - RER A gare de Lyon est plus rapide que le changement ligne 1 - RER A); RER D à 20h07.

    Législation sociale et sacrement du mariage

    Aucun rapport entre les deux, si ce n'est que ce sont les deux extrémités de ma journée.

    Matinée dans un cabinet d'avocat à écouter de la jurisprudence sociale et des statistiques socio-médicales. Je n'ai pas le courage ni à vrai dire la mémoire de vous en faire la relation sans mes notes. Retenons deux choses:
    - la "loi travail" qui a provoqué tant d'agitations ne va changer grand chose, si ce n'est compliquer quelques mécanismes qui fonctionnaient sans cela (et le bouleversement de la hiérarchie des normes est une vieille lune: il en est ainsi depuis les lois Auroux de 1981 (rédigées par Martine Aubry));
    -il existe pour l'instant deux niveaux de remboursement des médecins selon qu'ils ont signé un contrat d'accès aux soins (CAS) ou pas, demain, il y en aura quatre (selon les spécialistes, le CAS étant remplacé par l'OPTAM).
    Si vous n'y comprenez (comprendrez) rien, c'est normal. Ce n'est pas fait pour : c'est "bienveillant", comme dirait H. (c'est réellement pensé pour améliorer la rémunération des praticiens en fonction de la complexité des consultations, pour diminuer les dépassements et protéger les patients), mais les montages sont compliqués car ils tiennent compte de trop de paramètres.

    Remarque d'un juriste qui m'a fait rire : «Pour réformer le droit du travail, il faudrait commencer par ne rien changer, pour ne pas mettre tout le monde dans la rue. Ensuite, on stabilobosserait un certain nombre de lignes qui deviendraient des dispositions de droit commun (selon qu'on est de droite ou de gauche on en stabilobosserait plus ou moins). Tout ce qui ne serait pas stabilobossé pourrait être modifié.»

    Sacrement du mariage le soir. Héritages multiples de St Augustin (le mariage pour protéger du péché originel contenu dans l'acte de procréer et dans la procréation elle-même) et des canonistes (le mariage, contrat né du consentement des parties (pas forcément les époux…)), récupérés par les théologiens qui ont sacralisé ce contrat tout en mettant en valeur l'analogie union Christ-Eglise, union homme-femme (Ephésiens 5, mais ce n'était pas ce que visait saint Paul).
    Quelques questions de fond, aucune théorie unifiée et des divergences entre les théologiens. Un cours tragi-comique: amusant par son contenu, désolant quand on songe aux conséquences existentielles de ces définitions dogmatiques.

    Anecdote : à 38 ans, La Pérouse qui avait déjà mené plusieurs campagne militaire n'a pas pu épouser celle qu'il voulait car son père refusait son consentement. La Pérouse a dû passer par l'acte juridique de l'émancipation.
    (voir le récit de Balzac La Vendetta et l'introduction en Pléiade).

    39/365 Ralentissements sans importance

    Matin.
    Train (RER D) de 7h58 pour un rendez-vous à 9 heures près de St Philippe-du-Roulle. Train lent.
    8h34 quai du RER A gare de Lyon. Beaucoup de monde. Peu à peu les rames s'affichent "retardées" à l'écran. Je vais prendre la 14.
    St Lazare. Ligne 9. Je laisse passer une rame bondée et force mon chemin dans la suivante. Je serai à l'heure, le temps de prendre un café.

    Midi.
    Ligne 1 station Roosevelt. RAS.

    Soir.
    19h10 lignes 1 puis 12. RAS
    22h05 ligne 4. Je suis sur le quai aux Halles à 22h18 et prends le RER qui arrive. Je ne savais pas qu'il y avait un RER à cette heure-là.
    Train arrêté quelques minutes en pleine voie. Rien de long. Le message que je photographie à l'arrivée (22h53) est inquiétant: «Prévoir un allongement du temps de parcours 30-40 minutes sur l'ensemble de la ligne, jusqu'à fin de service. La cause, un TGV a subi un choc anormal dans le secteur de Vert de Maisons».
    Je n'en aurai pas subi les conséquences.

    Une médaille

    AG du club d'aviron. Normalement je n'y vais pas: en tant que membre d'un CE, je paie moins cher et n'ai pas de droit de vote. Mais Vincent avait beaucoup insisté et je lui avais promis d'être là. Je me disais qu'il y avait anguille sous roche: y avait-il des missions à confier et songeait-il à moi pour l'une d'entre elles?

    J'ai obtenu une médaille décernée par le Comité directeur pour "mon implication dans la formation des débutants". Plus d'une centaine d'heures, assure Vincent, mais je pense qu'il exagère. C'est une étrange impression de voir son nom soudain appelé, après une heure de présentation de bilan comptable et de résultats sportifs, devant une centaine de personnes pour la plupart inconnues.
    Bref, une médaille pour bénévolat. Ça fait plaisir. J'ai pu observer l'étrange pouvoir de ce prix: alors que je suis inconnue à la plupart (les rameurs "du midi" voient rarement ceux "du soir" ou du "week-end"), soudain tout le monde me connaissait. Surtout, ceux qui me connaissaient déjà (du fait des randonnées ou justement de mon apparition à des créneaux inhabituels pour donner un coup de main) ont semblé me découvrir pour la première fois.
    L'étrange pouvoir de la distinction: la légitimité.

    médaille décernée par le comité  directeur du CNF


    Le plus étrange pour moi, c'est d'être mis sur un pied d'égalité avec Jean-Pierre et Jean-Michel (les deux autres "loisirs" médaillés, le quatrième étant un junior encore plus stupéfait que moi): je connais leur dévouement, j'ai du mal à imaginer que je puisse donner l'apparence d'être aussi dévouée qu'eux. Mais si c'est vrai (il me faut bien imaginer que cela doit l'être, sinon cela n'aurait aucun sens), cela me fait bigrement plaisir. Cette remarque peut paraître bizarre, mais elle n'est que l'illustration de la règle qui veut que tout ce que l'on fait paraisse toujours normal — puisqu'on le fait.

    Imprévus

    A., le pilier juridique parmi les administrateurs de la mutuelle, part en congé maternité vendredi. Elle avait beaucoup insité pour nous voir, ma collaboratrice J. et moi, avant de partir en congé, tant insisté — alors qu'elle ne l'avait pas fait pour son premier enfant — que j'avais dit à J. qu'elle devait avoir quelque chose à nous dire. J., curieuse (c'est ma grande informatrice concernant les rumeurs qui circulent dans les bureaux), avait alors trouvé le moyen de se libérer pour déjeuner avec A.
    J'avais vu juste : A. ne reviendra pas, elle suit son mari à l'île Maurice.

    La nouvelle date de trois semaines, A. en est encore bouleversée (il faut dire que faire ses cartons pour l'autre bout du monde avec un bébé de trois mois est une perspective qui m'épuise rien que d'y penser).
    Ce fut l'occasion de me rendre compte que je confondais plus ou moins l'île Maurice avec Mayotte: non, c'est une île indépendante au large de Madagascar avec l'anglais en langue officielle même si le français y est largement utilisé.

    J'ai l'impression de vivre le début de la fin de l'âge d'or de la Mutuelle, A. qui part vendredi, mon patron probablement cet été (en retraite). C'était si facile de travailler avec A. et lui que je ne peux qu'envisager que ce sera moins bien. Mais après tout, cela pourrait être mieux. Dans l'absolu, c'est possible.

    Schleiermacher à un rythme accéléré: nous traduisons si lentement que cette fois-ci pour couvrir plus de texte nous n'avons pas traduit le texte original mais lu les deux traductions françaises, Rouge et Raymond, en nous reportant au texte allemand pour comprendre quelle tournure traduisait quelle expression.

    Bookcrossing sur le sport. Intéressante intervention d'Alain de Chanterac qui vient d'écrire un livre sur Antoine Blondin (Morand, Cocteau, Montherlant, bien des références que j'aurais dû noter — il reste la ressource de lire son livre).
    Je repars avec Born to run, qui fait écho à une conversation de juin dernier.

    En sortant, un jeune homme m'arrête, un revenant du temps de la SLRC: Rodolphe, rencontré chez Marcheschi. Evocation de Notes sur les manières du temps, les Demeures, je lui conseille de s'attaquer à L'Inauguration de la Salle des Vents. Quel plaisir de reparler de tout cela, quelques minutes. Quel gâchis.

    Samedi

    Temps magnifique, sortie en yolette avec un débutant de l'année qui se débrouille vraiment bien (Christophe? je ne sais plus), Joseph qui continue à confondre brutalité et efficacité, Florence qui rame pour la première fois depuis un cancer et Stéphane. Belle sortie, agréable malgré le vent par moment.

    L'après-midi j'ai lu un livre. Ça n'a l'air de rien mais c'est rare, je n'arrive pratiquement jamais à lire un livre en une journée (à avoir le temps, à ne pas être dérangé). Football, ombre et lumière de Galeano.

    Le soir, suivi une recommandation d'Aymeric et regardé Dope. Risky Business chez les Noirs de la côte Ouest.

    Vendredi 11

    J'ai hésité à me lever, mais il semblait faire beau: impératif de ne pas laisser passer le moment. Tous les jours je me dis que je n'ai pas vécu la veille, les semaines précédentes, en me rendant compte suffisamment de ma chance (me revient Viktor Klemperer (en ai-je déjà parlé? je radote) ouvrant après la guerre une malle contenant quelques souvenirs, un album de timbres, et s'exclamant: «comme nous étions riches»). Comme nous sommes riches et chanceux.

    Double avec Gwenaëlle. Quinze kilomètres, jusqu'au point G (! : un gros panneau sur la berge au-delà du pont de Chartrettes marqué G). Elle n'a pas arrêté de parler, c'est comme si j'avais eu la radio. Ce n'est pas désagréable, mais je m'interroge: poussé-je plus qu'elle, ce qui expliquerait que j'étais essoufflée et pas elle, ou suis-je en mauvaise condition physique?
    La piscine de Melun , berceau de Manaudou, est fermée: six cent mille euros de réparation après la crue, les assurances remboursent à condition que les prochaines pompes soient dans des bâtiments insummersibles.

    J'avais l'intention de ranger ma chambre (commentaire de O: «c'est ambitieux») mais wiskhy et sieste. Une petite heure de rangement.

    Miss Peregrine et les enfants particuliers à Yerres. La salle pleine.

    Quelques prédictions

    Tard le soir, regardé Margin Call. J'ai tant l'impression que ceux qui devraient être en prison, que ceux qui auraient dû être punis pour avoir plongé la planète entière dans la récession, vont se retrouver au pouvoir…
    Ils vont être au pouvoir, ils vont provoquer une ou des catastrophes, ils seront finalement châtiés (par l'enchaînement des faits ou par la justice des hommes), mais entretemps, beaucoup d'autres auront vu leur vie détruite par leur incompétence et leur cupidité.
    Les prédictions, c'est un bon moyen d'être ridicule. Heureusement, on les oublie, sauf ceux qui les exhume.

    Et après avoir regardé Margin Call j'écris une fois encore que je me soulerai à mort le jour où j'apprendrai la chute d'une agence de notation.

    Après Trump

    — Qu'est-ce que tu fais ?
    — Je regarde un film.
    — Quoi ?
    Le Grand Blond avec une chaussure noire.
    — Ah oui quand même ! On ne devrait jamais quitter Montauban !





    Blague à part, je me rends compte que si je suis si déçue, c'est que j'imaginais vraiment pouvoir quitter la France si elle m'exaspérait. Et maintenant… Quatre ans. Espérons qu'il n'y aura pas trop de dégâts à l'international. Il va falloir que l'Europe prenne ses responsabilités. En est-elle capable? (Je ne le crois pas.) Merkel est instituée leader de l'Europe.

    Je copie colle le tweet d'un professeur de stratégie à l'université de Copenhague:
    «Good morning, Europe. You are all alone with the Russians now. Please repeat after me: Crimea is ancient Russian land.»

    27/365 - RAS

    Matin. RER D à 8 heures. Je ne me souviens de rien mais j'étais assise. Passé le voyage à lire Twitter.
    Soir. J'arrive sur le quai au même moment que le train. Deux jours de suite!

    DT

    Ben mince alors, où irons-nous quand Marine nous fichera dehors pour mauvais esprit? L'Uruguay, il ne reste que l'Uruguay. Il faut que je me mette à l'espagnol.

    Dix chansons françaises

    A l'origine, c'était pour répondre à un ami américain sur FB.
    C'est ma première playlist sur Youtube (trop fière je suis).
    Je vais me coucher sans attendre le résultat des élections américaines. Je me souviens d'il y a huit ans, aux Invalides, les larmes de joie… C'était le président élu par le monde entier. Avons-nous été déçus? Oui, sans doute. Mais nous le regretterons, vu ce qui nous attend.

    Dix chansons françaises.

    Quelques commentaires:
    ** Brel et Brassens parce que je ne vois pas une liste de chansons françaises sans Brel et Brassens. Et Aznavour. J’ajoute Aznavour.
    1/ Les Flamandes de Brel
    Pour le rythme et les paroles et les allusions socio-économiques (même si ma chanson préférée de Brel est « Le plat pays »).
    2/ L’Auvergnat de Brassens
    3/ For me formidable d’Aznavour
    J’ai l’impression d’avoir grandi avec cette chanson.

    ** Renaud et Higelin, les chanteurs que je connais le mieux (surtout Renaud)
    4/ La tire à Dédé de Renaud
    5/ Encore une journée d’foutue d’Higelin
    J’adore l’harmonica - Le musicien, Diabolo, était extraordinaire en concert.

    ** Deux Québéquois
    6/ La complainte du phoque en Alaska de Beau Dommage
    Je ne sais pas si quelqu’un connaît une autre chanson de Beau Dommage…
    7/ Linda Lemay, J'veux pas d'visite
    Les enfants disent que c’est mon hymne : j’veux que les enfants demandent à leur mère « est-ce que c’est vrai qu’c’est une sorcière ».

    ** trois qui me font rire
    8/ Boris Vian
    Difficile de choisir entre « on n’est pas là pour se faire engueuler » et « la java des bombes atomiques». Chansons à morale profonde!
    9/ Nougaro, Je suis sous
    10/ Macao, Le grand orchestre du splendid
    Mes années de lycée.

    Les vrais faux vrais

    — Ce qui est amusant, dans Captain train, c'est la foire aux questions. Tu peux gagner des points de karma si tu fais les choses de façon correcte.
    — Mais, des vrais ?
    — Comment ça, des vrais ? des points de karma, ceux qui t'évitent de te réincarner.
    — Ah oui, des faux alors. Il y avait dans un jeu de mangas des vrais points de karma, ça permettait de gagner des vies pour continuer.
    — Ah mais non, ça c'est des faux.

    D'une case à l'autre

    Je suis rentrée démoralisée. Je me suis encore échauffée avec A. (ou contre A., mais je n'ai pas envie d'être contre A.)

    En 2014 ou 2015, un "accord national interprofessionnel" (ANI) a changé quelques règles concernant la couverture santé des salariés. En particulier, tout salarié qui quitte son entreprise conserve gratuitement sa couverture santé pendant une durée au moins égale à son contrat de travail1. Ce dispositif a pour nom "portabilité". Pour pouvoir en bénéficier, il faut percevoir une allocation chômage.

    Ce soir nous avons eu l'appel d'une ex-salariée dont le congé maternité vient de commencer: elle est sortie de la case "chômage" pour entrer dans celle des "indemnités journalières de la sécurité sociale" (IJSS). En conséquence de quoi, la complémentaire de la branche assurance (le RPP) a interrompu sa couverture (l'a radiée) au prétexte qu'elle ne touche plus d'allocation chômage.

    J'appelle A. (elle-même enceinte), juriste et administrateur de la mutuelle, pour savoir ce qu'elle sait, expérimentalement, des remboursements quand on est enceinte:
    — C'est pris à 100% mais il ne faut pas qu'il y ait de dépassement, il faut qu'elle fasse attention, qu'elle aille à l'hôpital pour l'accouchement.
    — Mais c'est vraiment ce que le RPP voulait? Il voulait vraiment ne pas couvrir les femmes enceintes, ce n'est pas un effet de bord imprévu? Mais il pourrait le dire, au moins oralement s'il ne veut pas l'écrire, qu'on prévienne les gens, qu'on les renseigne!
    — Mais les gens devraient se renseigner tous seuls, quand même! On fait attention, on ne tombe pas enceinte n'importe quand!2!
    — Mais justement : elle est au chômage, elle fait un bébé, ça ne gêne personne. Comment voulais-tu qu'elle imagine que cela allait lui couper la mutuelle? On s'imagine tous en France que les femmes sont davantage protégées quand elles sont enceintes, et pas moins! Ceux qui se renseignent, soit ils se sont déjà fait avoir, soit ce sont des fraudeurs. Les gens normaux regardent juste leur compte en banque pour vérifier qu'ils ont de quoi vivre. Alloc chômage ou IJSS, ils s'en fichent. Et comment veux-tu imaginer que passer de l'un à l'autre va te couper la mutuelle? C'est normal de ne pas imaginer ça!
    Devant mon énervement, elle sort un atout de sa manche:
    — Il me semble qu'il y a controverse: la portabilité est due si la personne a droit aux allocations chômage, mais il y a interprétation: cela veut-il dire qu'il faut que la personne les touche effectivement, ou suffit-il que sa situation soit telle qu'elle lui en ouvre potentiellement les droits?

    Les bras m'en tombent. C'est tout ce qu'elle trouve à me dire? Il faut que les salariés soient tous des as de la jurisprudence?
    A bas les juristes. A bas les Romains. Qu'on me rendent les Grecs!!


    Note
    1 : à condition d'avoir travaillé au moins un mois. La durée de la garantie gratuite est plafonnée à un an.
    2 : passons sur le manque de solidarité féminine qui m'estomaque.

    22/365 - d'un quai l'autre

    Dans un sens, RAS : train du matin à l'heure (7h53); rentrée le soir sans attendre ni le RER A (annoncé "en retard", mais il suffit d'être là au moment où il arrive) ni le RER D ("départ retardé" affiché, mais il suffit d'arriver au moment où il part (soit 18h23)).

    Cependant il s'est produit l'un de ses petits malmenages dont j'essaie de rendre le goût.

    En arrivant gare de Lyon, un train zico (donc à quai puisqu'il part de gare de Lyon) est annoncé "départ retardé" (ce qui ne permet pas de savoir quand il va partir, de dix minutes à plus d'une heure, tout est possible). Il est plein, les voyageurs se sont installés et vaquent à leurs occupations sans trop penser à ce retard (vive les portables!)
    Soudain arrive de l'autre côté du quai un zaco qui vient des Halles et dessert les mêmes gares que le zico juqu'à Melun. Hésitation, flottement: abandonner sa place confortable pour monter dans ce train qui roule, ou attendre encore, assis certes, mais sans garantie de départ imminent.
    (J'arrive à ce moment-là, j'hésite.)
    Une partie des voyageurs commence à descendre, à traverser, à s'agglutiner en face des portes («veuillez laisser descendre avant de monter») car il s'agit de mettre un quart ou la moitié des voyageurs d'un train (le zico) dans un train déjà rempli de voyageurs (le zaco).

    C'est alors que retentit la sonnerie annonçant la fermeture des portes du zico: il va partir d'une seconde à l'autre. Reflux précipité vers ce premier train des voyageurs qui venaient de le quitter…
    J'y suis montée au dernier moment. Chacun essaie de retrouver une place assise. A l'étage, j'entends un monsieur aux cheveux gris: «le conducteur aurait pu faire une annonce, quand même. Pour eux on n'est qu'une marchandise.»

    Un opticien

    Je passe chez l'opticien. Nous papotons. Il me dit ce que je dis aux gens à propos d'assurance: les chaînes, les grandes enseignes, c'est très bien pour les petites corrections, mais en cas de corrections importantes, de lunettes complexes, il vaut mieux aller chez un indépendant: «d'abord dans les chaînes, vous aurez des commerçants, pas des opticiens. Et puis ils vont vous vendre avant tout les verres de leur marque, qui ne sont pas les meilleurs». (En assurance, le parallèle, c'est: tant que vous n'avez pas de problème particulier, vous pouvez vous assurer en ligne, mais le jour où vous devenez un cas difficile (malus, etc), il faut aller voir un agent ou un courtier).


    Pour mémoire:
    Un quatre (une éternité que je n'avais pas fait de quatre): Dominique, Gilles, Dominique. Très plaisant, un temps magnifique.

    21/365 - deux RER ont disparu

    Matin : RER D 7h44. RAS

    Soir : beaucoup plus rigolo: les trains supprimés ne sont pas affichés, sans message explicatif, comme si tout était normal (non que les messages servent beaucoup, mais enfin: c'est au moins la reconnaissance d'un dysfonctionnement).

    Ici, sur cette photo prise à 18h48, il manque le zaco de 18h50 et le zico de 18h57.



    Je décide de prendre le prochain zico déjà à quai (pour m'assoir et attendre peinarde). Il part avec trois minutes de retard (tant pis, tant mieux pour ceux qui l'on attrappé de justesse). Pour le reste, RAS.

    Bulgare

    J'ai demandé à la jeune fille assise toute la journée à la sortie du métro d'où elle venait: Bulgarie.

    Malédiction, l'écriture est en cyrillique, ça ne doit pas faciliter les choses. Est-ce qu'elle sait lire (le bulgare)? Est-ce qu'un dictionnaire lui serait utile? (depuis que je sais qu'il existe un TCF, test de connaissance du français…)

    Quelques recherches plus tard (pas de résultat pour "locuteur bulgare apprendre le français", "langue maternelle bulgare apprendre le français"), j'ai touvé un site très intéressant, art, langage, apprentissage (avec la figure de Serge Martin, un "ami FB" à peu près inconnu (Cerisy comme point commun, je pense)) et un dictionnaire.

    20/365 - RAS

    RAS

    Matin : RER D 8h13
    Soir : ligne 1 puis A puis D (19h07)

    Traduire Agapé

    Je travaille au petit matin la traduction de 1 Corinthiens 12,31 - 14,1, soit le célèbre hymne à l'amour (gravé sur une stèle à Corinthe). Nous avons pour mission de tenter de traduire un mot par un mot, et non par une périphrase. Nous devons retrouver la force des mots avant qu'ils ne soient affadis par notre habitude de leur traduction.

    agapé, agapé… Je tape "amour" dans crisco pour tenter de voir ce qui pourrait permettre d'éviter la confusion avec eros: tendresse, attachement, et à partir de charité, bienveillance, générosité. Je songe aussi à compassion, empathie.
    A partir de désir, on trouve attente et privation, pénurie. Manque.

    Il est mystérieux, cet agapé. Qui en est l'objet, Dieu ou les hommes? Est-il une aspiration vers Dieu, un manque, un désir de Dieu, ou est-il tourné vers les hommes, un trop plein de tendresse à déverser? Le vers 12,31 en fait plutôt un manque tourné vers Dieu, alors qu'à partir de 13,4 ce serait plutôt de la tendresse ou de la compassion.

    Mais il y a l'obligation de traduire le même mot partout par le même terme.

    ------------------------
    J'ai ramé dans un brouillard épais, avec prudence, en espérant ne pas me retourner. Cet épais coton blanc évoquait Maupassant ou Poe.

    Une amie est passée emprunter Germinal pour sa fille. Elle est très impliquée politiquement et espère l'élection de Juppé avec Pécresse en premier ministre. Sa visite impromptue nous a mangé notre après-midi.
    Dommage, j'avais presque cru que je tiendrais mon programme.

    Pont

    Troisième jours de suite sans aller travailler : des vacances, quoi.

    Un peu de rangement, un peu de ménage, un peu d'allemand. La jardinier (super Mariola pour les intimes) est passée et a confirmé mes soupçons: certains arbustres en fleurs ne devraient pas l'être.
    Il y a même des papillons.

    Soleil

    Sortie en double avec Armelle sous un soleil glorieux (short et tee-shirt). C'est comme si nous avions ramé ensemble toute notre vie. Voilà qui me console de ma sortie brutale avec Peter jeudi dernier.

    Déjeuner dans le jardin (fin octobre: je le note car nous sommes fin octobre).

    Coup de fil de mon beau-père, trente-huit mille grues au lac du Der.
    — Il y a assez de poissons pour nourrir tout ça?
    — Elles ne mangent pas de poissons, elles dévastent le maïs, les agriculteurs sont indemnisés mais ils ne sont pas contents.
    — De toute façon je n'ai jamais vu un agriculteur content.

    D'autres grues au-dessus des Landes.

    Fausse grasse mat'

    O. a un partiel ce matin. Heureusement que je me suis réveillée spontanément car son réveil n'a pas sonné. Décidément, leurs examens m'angoissent plus qu'eux.
    En rentrant de la gare, je glandouille un peu puis me recouche. Journée de lecture régressive.

    15/365 - écran rouge aux Halles

    Matin: RAS
    RER D à 7h43. Ligne 14, puis 12 puis 8 (Invalides).


    Vers 17h45 : ligne 8 puis ligne 1. Je sors station Louvre.

    Soir.
    19:10. Quai du RER D aux Halles. Annonce sur fond rouge: «Prévoir un allongement temps de parcours de 15-20 minutes sur votre ligne et ce jusqu'à 21h. La cause des personnes dans les voies et une panne alimentation électrique à Paris Nord.»



    Il existe deux types de RER D pour rentrer chez moi: des rames qui traversent Paris et effectuent un trajet nord-sud (zaco), et des rames qui partent de gare de Lyon (zico - ajoutés aux zaco aux heures de pointe).
    Cette annonce signifie qu'il y a des problèmes sur les RER qui viennent du nord. L'inquiétant, c'est qu'aucun train n'est indiqué à l'écran. Je décide donc d'aller gare de Lyon pour tenter de prendre un zico s'il y en a encore à cette heure-là.

    Donc RER A aux Halles, descente gare de Lyon, accès au quai du RER D (très rapide, juste un étage au dessus).
    Il y a bien une rame à quai, elle part dans trois minutes (19h23). Elle est si pleine que je pense ne pas pouvoir y monter. Je réfléchis que je ne sais pas quand passera la suivante: je suis fatiguée, il faut que je monte dans ce train. J'observe alors qu'il paraît y avoir de la place de l'escalier (ce sont des double-deck, voiture à étage), monte, explique que je veux atteindre l'escalier, avance, ce n'est pas si serré…
    En fait il y a encore de la place, le couloir central est vide, il y a même deux places assises!
    Je me retourne, regarde vers le bas, dis: «Vous exagérez, il y a encore plein de places». J'encourage les gens sur le quai: «Venez, il y a de la place». Je m'attends à des protestations, personne ne dit rien, la foule silencieuse s'écarte (elle ne choisit pas de monter, ce qui est pour moi incompréhensible, car on est mieux en haut) pour laisser passer de nouveaux voyageurs.

    Retour sans problème (je veux dire dans les temps, sans durée excessive).

    ---------------------

    PS : Question à un mal-voyant :
    — Mais comment fais-tu pour t'y retrouver dans les correspondances?
    — Je demande aux gens. A Paris il y a toujours du monde, ce n'est pas comme dans ma banlieue où j'attends parfois vingt minutes tout seul… Il y a un site super bien fait qui décrit tout précisément, métro connexion, je l'étudie avant de partir.

    Dernier colloque des Invalides

    sur le thème «Dernières RàB» (Rubriques à Brac, ça tombe bien, tout le monde connaît parmi les gens rencontrés aujourd'hui): Jean-Jacques Lefrère, l'organisateur "sur place", est mort sans remplaçant à ce jour (tandis que Michel Pierssens est au Canada et Jean-Paul Goujon à Séville… cela ne simplifie pas l'organisation); d'autre part nous apprenons que le centre culturel canadien ferme pour deux ans et rouvrira ses portes dans le VIIIe: plus d'organisateur et plus de site parisiens, la fin d'un époque.

    Colloque des Invalides, Blitz-discours, de cinq minutes: c'est la troisième fois que j'y assiste, toujours pour écouter Elisabeth, et cette année, Tlön était également dans l'assistance.

    Je résume les interventions sur l'autre blog (celles où je n'étais pas en train de digérer, deux ou trois m'ont échappé) et me contente de quelques bribes relevées au cours du déjeuner:
    — Le problème de Guillemin, c'est qu'il veut tout le temps avoir raison.
    — C'est le cas de tout le monde, non?
    — Tu as raison.

    Alain Chrevrier a présenté une couronne de sonnets haïtiens d'Emile Roumer, c'est l'occasion de parler d'Haïti et d'un illustre ancêtre de Tlön, tandis que le professeur Lassalle évoque Saint-Céré qui semble être le Berditchev français (tout le monde vient de Saint-Céré, est passé par Saint-Céré…). Le professeur se souvient de ses années de provincial, quand sa vie tenait à sa correspondance échangée avec les surréalistes… Il regrette qu'un Roubaud, par exemple, ne réponde pas aux lettres, quasi par principe.

    Il faut lire Stello.
    Cocteau prince des poètes, puis Maurice Carême!
    Plus de poètes à l'agrégation: «L'année où il y a eu Gracq… Les élèves ont eu les pires problèmes.»

    A ma droite, deux jeunes professeurs spécialistes de Lautréamont, doctorants, enseignent en Bretagne. Le grand poète de l'entre deux-guerres? Desnos. Un poète contemporain? Guy Goffette.


    En fin de journée, je passe à la librairie sino-japonaise Le Phénix pour acheter une méthode pour écrire le japonais (c'est pour offrir).
    En revenant prendre le métro aux Halles, je passe à la bibliothèque de la Canopée. Je suis un peu déçue, elle est toute petite (enfin, plus que ne le laissaient penser les photos). je découvre sur un présentoir des livres pour apprendre le français et s'entraîner au TCF, «test de connaissance du français pour acquérir la nationalité française». Je ne savais pas que cela existât:
    Proposé depuis janvier 2012, le TCF pour l’accès à la nationalité française (TCF ANF) a été spécifiquement conçu pour répondre aux nouvelles dispositions introduites par le ministère français de l’intérieur (décret 2011-1265 du 11 octobre 2011) fixant au niveau B1 oral (épreuves de compréhension et d’expression orales) le niveau requis en français pour les postulants à la nationalité française.
    A côté de la bibliothèque se tient un café de hip-hop et une salle pour danser.
    Les escaliers qui descendent au métro forment comme un vaste amphithéâtre (mais les mesures de surveillance anti-terrorisme ne permettent sans doute pas l'ample circulation qui devait être prévue par l'architecte). Tandis que je traverse ces lieux mille fois empruntés, je reconstitue le fantôme de leur disposition disparue.

    13/365 - affichage faux, informations non informées

    Le panneau d'informations lumineux érigé sur le quai dirigé vers la rue qu'il surplombe a été réparé. Il était en panne depuis août. Il nous manquait, car selon ce qu'il affiche (train dans cinq minutes, à l'approche, à quai (non, un train "à quai" n'est pas immédiatement visible, il est à "l'approche rapprochée"), nous passons en mode voltige (O. descend de la voiture, éventuellement, si c'est lui qui conduit, en me laissant le volant, pour aller prendre le train précipitamment pour être à l'heure en cours) ou nous allons calmement nous garer ensemble.
    (Réussirai-je à rendre compte des multiples incidents et décisions qui émaillent le quotidien banal des transiliens-franciliens?)

    Matin: RAS
    RER D de 8h13. RER A, ligne 1.

    Soir:
    Ligne 1, RER A.
    En arrivant gare de Lyon, je me dis que je ne vais rien avoir à raconter (tant mieux).
    Mais non. Innovation, nouveauté: 19h57, message sur fond violet (d'habitude c'est sur fond orange, il doit y avoir un code de couleur). «Une maintenance sur vos écrans en gares peuvent afficher des mentions erronées. Nos équipes techniques sont sur place. Soyez attentifs aux annonces en gares».
    C'est la première fois que je vois un message sur ce thème. Si les informations sont fausses, ils feraient mieux d'éteindre les panneaux.
    Là où ça devient quelque peu angoissant, c'est que la voix "des annonces en gare" nous annonce… qu'elle ne peut rien nous dire, car les écrans dont elle dispose sont également fautifs.
    J'espère malgré tout que quelqu'un sait où sont les trains… que le système qui régule le trafic n'est pas sur le même circuit que les écrans (c'est totalement improbable, voire impossible, mais c'est déstabilisant, cet affichage qui nous dit que les panneaux sont faux, qu'il faut écouter les annonces, et les annonces qui nous disent qu'elles n'ont rien de mieux à nous offrir que ces mêmes informations fausses.)

    Le train passera à 20h13 après avoir été affiché à 20h10. C'est tout à fait acceptable. En résumé, des trajets corrects matin et soir, mais une communication étrange.

    Projets

    Ce moment terrible où tu t'aperçois que tout ce que tu as à raconter concerne des détails de boulot… Trop fastidieux (encore un conseil d'administration étrange, genre En attendant Godot. Le problème, c'est qu'il y a des dates limites à respecter (le temps des paramétrages informatiques, mise en prod, envoi de courriers d'information) si l'on veut faire des modifications pour 2017. Sinon il faudra attendre 2018…)

    Quelles nouvelles ?
    - je continue Lord Jim;
    - demain j'irai voir Médée mis en scène par Alexandre, le mari de Matoo;
    - vendredi j'irai écouter Elisabeth au dernier colloque des Invalides;
    - le 5 décembre il y aura une lecture de Sauvé d’Alfhild Agrell à la bibliothèque la Nordique (chic, une bibliothèque inconnue) 6 rue Valette.

    12/365 - retard minime, message incompréhensible

    Matin. RER D 8h57. "Vide" (comprendre : places assises en quantité suffisante).

    Retour. ligne 1. Des retards annoncés mais sans conséquence concrète.
    RER A.
    RER D de 19h35 annoncé à 19h39. Passe à 19h43.
    Ce qui est incompréhensible, c'est le message sur l'écran: «Prévoir un allongement du temps de parcours de 10-15 minutes au passage de Saint Denis et ce jusqu'à 18h30. La cause une personne suicidaire dans le secteur de Saint Denis».
    Or:
    - Saint Denis est dans l'autre sens, nous ne le traverserons pas, nous lui tournons le dos;
    - il est 19h30;
    - qu'avaient-ils l'intention de faire? Faire la chasse au suicidaire?

    A part ça, rentrée sans problème.

    -------------

    Par ailleurs une amie enceinte de sept mois m'a raconté que l'autre jour sur le quai de la ligne 13 vers dix heures elle désespérait après avoir laissé passer trois rames bondées sans pouvoir y monter. C'est alors qu'une quatrième est entrée en station. Le conducteur a vu mon amie et lui a fait signe, l'a fait monter dans la cabine à côté de lui: «parce que je les connais, ces cocos, jamais y vous laisseront monter».
    Il lui a dit qu'il passait tous les jours à cette heure-là; hélas, pas elle, c'était exceptionnel qu'elle soit là.

    Expérience

    Après quelques semaines (combien? depuis la dernière mise à jour de mon téléphone qui m'a proposé de suivre mon sommeil en me levant tous les jours à la même heure avec un minimum de sept heures par nuit), il faut se rendre à l'évidence: si je dors sept heures par nuit, je n'ai plus le temps de rien faire.

    Donc retour au n'importe quoi géré n'importe comment. C'est plus simple.

    11/365 - voiture décorée

    RAS. (Vacances de la Toussaint : moins de voyageurs?)

    8h30. RER D, puis A. ligne 1. Le wagon de la D est joliment décoré, sur le thème de films dont le titre contient le nom de Paris. Je voudrais plus de voitures (pas "wagon", je vais encore avoir des remarques) décorées, c'est joli, pimpant, ça capte l'attention, détourne les pensées moroses (mais je n'en avais pas).
    18h20. ligne 1 puis 12
    22h20. ligne 4 puis RER D

    Memento mori

    22 heures 30, arrivée à Yerres. Trois blackettes descendent devant moi sur le quai. L'air est chargé d'humidité mais il ne fait pas froid. La discussion est animée, j'aperçois sur un portable un visage noir genre Diana Ross et une épaule dénudée.
    — Mais elle a quel âge ?
    — Comme nous, elle est de 89.
    — Y peuvent dire tout s'qu'i veulent, nous on sort mais nous on f'rait jamais ça.
    — C'est des gens y z'ont pas peur de Dieu.
    — Oui, y pensent pas à la mort.

    Je passe, étonnée.

    Dimanche bleu et gris

    Matin magnifique, à l'égal de la semaine dernière. Arbres plus flamboyants. Je suis arrivée tard, presque à dix heures, mais les habitués m'ont encouragée à sortir en skiff, sans ressentiment. Mes deux clubs sont vraiment différents, entre celui où le skiff est considéré comme une occasion à ne pas manquer et celui où il est considéré comme un risque à éviter.
    Je rame. Je divague. Je convertis l'année en durée de vie: neuf ans pour un mois, en commençant par avril, printemps jusqu'à vingt-sept ans, été jusqu'à cinquante quatre, automne jusqu'à quatre-vint-un. Il faut bien s'occuper (c'est le feuillage des arbres qui m'intrigue, cette flamboyance qui met en relief leur personnalité vers la fin comme jamais auparavant).

    Après-midi pluvieux.

    Messe. Pas de haussement de sourcil mais une question:
    — Mais tu crois vraiment en Dieu?
    — Oui.
    — Ça paraît tellement absurde...
    — Je sais. Je comprends. Il est beaucoup plus facile de comprendre ta position que la mienne.

    A la sortie de la messe, trois policiers nous font une haie d'honneur. Cela surprend. (Vraiment, à quoi serviraient-ils, que se passerait-il, si vraiment il se passait quelque chose? C'est curieux, de se poser cette question.)
    Je me fais rattraper par l'histoire: longtemps j'ai dit pour embêter H. que lorsque je serai vieille je serai "dame du catéchisme". Il faisait semblant de grommeler pour ne pas me décevoir car il n'y croyait pas vraiment — et moi non plus, car cela transporte sa petite image vieillote qui m'amuse et me repousse tout à la fois.
    … sauf qu'on vient de me demander d'aider des parents un peu dépassés, un groupe de dix familles.
    Je n'ai pas osé l'avouer à H. Je l'ai dit à Olivier.
    — Et tu as dit oui ?
    — Bien sûr.
    Il réfléchit, évalue la future guerre froide dans la paix familiale.
    Bast, on verra bien.

    Taxi

    — Tu aurais vu la tête du client à l'arrière… Trôôôômatisé !!
    — Ah ouais, t'as raison, matisé à l'excès il était.

    Samedi à Paris

    "Rendez-vous pédagogique" après les trois mille kilomètres de conduite accompagnée. H. et moi y assistons tous les deux, et j'ai bien peur que nous ayons été très bavards.
    Je crois que le moniteur d'auto-école s'est bien amusé en essayant de surprendre O entre Bièvres et Issy-les-Moulinaux. La façon dont des quatre voies côtoient des quasi-chemins de campagne en région parisienne est étonnante.

    Commentaire du moniteur: «le travail a été fait».
    Le permis se passe dans le centre de Villacoublay. Examen le 26 novembre. Ce qui est surprenant, c'est qu'il n'y a aucune insistance sur les manœuvres (le sacro-saint créneau a disparu des préoccupations): tout se concentre sur la façon de circuler, de se positionner dans la circulation, de changer de direction, de dépasser, etc.

    Emplettes. Achat de chemises aux manches extra-longues (pas si simples à trouver : Café coton).

    Moi et Mitterrand au théâtre du Rond-Point. On rit — mais ce récit est pathéthique. ("La lune est plus importante que le soleil car c'est la nuit qu'on a besoin de lumière.")

    Le fils prodigue

    Le thème de cette année est "De l'avantage de lire en grec" : il s'agit de se rapprocher des mots et de leurs racines (sous-entendu: de s'éloigner des traductions auxquelles nous sommes habitués — c'est tout l'enjeu de traduire des textes que nous connaissons par cœur : leur redonner une fraîcheur perdue).

    Aujourd'hui nous avons étudié "Le fils prodigue" (Luc 15, 11-32). Je vous livre quelques remarques de cours (sans utiliser l'alphabet grec que mon blog ne permet pas).

    (Auparavant, un commentaire sur Luc 15, 8-10, "la drachme perdue": c'est le seul endroit du nouveau testament où cette unité de valeur, la drachme, est utilisée. C'est sans doute un reste du passage des Grecs, un mot qui date de l'époque de Jésus. A l'époque de la rédaction des évangiles, on utilisait "denier" (on trouve aussi talents)).

    Luc 15, 15. kollao : traduit ici par "s'engager auprès de" (trouver un emploi). Vient de coller, glu, verbe très fort. Certains exégètes contemporains en ont tiré parti pour émettre des hypothèses sur les relations entre le fils prodigue et son employeur.

    Luc 15, 16. to keration : la graine de caroube : a donné carat.

    Luc 15, 18. amartano : littéralement, rater sa cible; d'où moralement, rater son but; d'où pécher.

    Luc 15, 20. splagcvizomai : remuer par les sentiments. Pour les Grecs, splagxa, c'est les entrailles. Dans Homère, ce sont les entrailles des bœufs du soleil que font rôtir les compagnons d'Ulysse. Alors que pour les Hébreux, le ventre, c'est plutôt celui de l'amour, la mère, la terre. Ici, il a fallu trouver un terme grec pour traduire une notion hébreue.

    Luc 15, 23. thuo : sacrifier. Le sens a glissé pour devenir tuer. On sait que ce mot avait un contexte sacré car thus, c'est l'encens.

    Ajoutons que Diogène ne vivait pas dans un tonneau («car le tonneau, c'est grec») mais dans une amphore.


    Ces quelques notes pour essayer de rendre compte de l'atmosphère de ces deux heures mensuelles, qui sont une source de joie renouvelée.

    5/365 - train court après un train supprimé

    Matin.
    8h10. Un train supprimé. Le suivant est un train court.
    Comment expliquer la situation aux lecteurs qui n'ont jamais attendu de RER? Si vous n'avez pas repéré que le train était court, vous attendez sur une partie du quai où aucune voiture ne s'arrêtera devant vous. Donc il vous faudra courir vers les premières voitures. Tous les passagers sur la partie de quai inutilisée vont courir avec vous pour tenter de monter dans la première voiture qu'ils vont atteindre (car le RER ne va pas tarder à repartir, vous avez au plus deux minutes pour monter dans une voiture). Celle-ci sera mécaniquement bondée. Mais si le train précédent a été supprimé, non seulement il y a plus de voyageurs sur le quai, mais la voiture est déjà pleine de tous les voyageurs montés aux arrêts précédents. Donc la masse de voyaguers courants arrivera devant des portes saturées.
    Bref, le train court après un train supprimé à une heure de pointe est l'une des grandes inventions sadiques de la SNCF (le RER D appartient à la SNCF et non à la RATP).

    Je laisse O. tenter sa chance (il a cours) et j'attends le RER suivant. Il est si plein que je ne monte pas dedans. Je prendrai le suivant.
    J'arrive au bureau deux heures plus tard.

    14 h. Ligne 1, ligne 6 (métro St Jacques). (J'ai oublié mon pass Navigo, j'utilise des tickets de métro, donc pas de Vélib aujourd'hui (pas de regrets: il pleut)).

    18h30. Retour. Ligne 6 puis ligne 4 parce que des ralentissements sont annoncés sur la B à cause d'un colis suspect.
    La station Denfert-Rochereau de la ligne 4 est décapée jusqu'à la roche, on dirait une caverne. Ce n'est pas désagréable. (J'apprendrai plus tard qu'elle va être vitrée (comme l'est la ligne 1) pour régulariser le trafic et empêcher les suicides.)
    Comme je me suis trompée de sens, il faut que je change de quai. J'ai la flemme et vais prendre le RER B malgré tout. Les ralentissements annoncés ne se font pas sentir.
    Le retour se passe sans anicroche.

    Déplacé

    Nous continuons à traduire le premier discours de Schleiermacher.
    Je note deux ou trois remarques.

    Les deux bêtes noires de la théologie libérale sont les juifs et les catholiques: les juifs parce qu'ils ont rejeté le Christ, les catholiques parce qu'ils ont travesti son message. Rome et Jérusalem.
    La conséquence est que les deux sont souvent mêlés dans les comparaisons négatives et les accusations de Schleiermacher. Mais aujourd'hui, au début du XXIe, les traducteurs de l'allemand n'osent plus traduire «juifs» par «juifs» mais utilisent «hébraïques». «Alors que la théologie libérale n'était pas antisémite. L'antésimitisme n'est apparu qu'à la fin du XIXe

    A un moment je me moque de la catho (comprendre "l'institut catholique de Paris") en disant que le grand mot des professeurs est "déplacé", l'important, c'est le déplacement: «comment ce texte vous a-t-il déplacé?», «est-ce que vous avez été déplacé?». Je pensais faire rire mes congénères protestants avec cette remarque, mais à ma grande surprise, ils m'avouent qu'ici aussi, à l'IPT, le même mot est utilisé. Le prof suppose que ce vocabulaire remonte à l'époque de la grande vogue de l'école de Palo Alto.

    Dimanche radieux

    Ramer le samedi ne semble pas s'insérer naturellement dans mes semaines. Hier, encore un empêchement. Ce matin, un doute, y aller ou pas? Mais il faut y aller chaque fois que c'est possible puisque je ne peux prévoir ce qui surgira à la fin de la semaine suivante. Prendre ce qui peut être pris. Le héron. (La Fontaine)

    J'arrive vers neuf heures moins le quart. Déjà le quatre de pointe vétérans est en train de rentrer, mais à quelle heure sont-ils sortis?

    Nous sommes quatre, Bruno ne peut pas ramer, une rameuse préfère l'ergo (drôle d'idée), Philippe et moi sortons en skiff.

    Le temps est magnifique. je n'ai pas vu passer septembre, les arbres commencent à se différencier, quelques rouges éclatants (une sorte de vigne), des jaunes, les verts foncent. Jambes nues encore, manches longues. Au retour, je regrette de ne pas avoir pris de casquette, quand la lumière se reflétant sur l'eau éblouit de face. Philippe et moi ramons à la même vitesse. Je le soupçonne de ne pas être très à l'aise (il plume) mais avoir préféré cela à monter en double avec moi dont il ne connaissait pas le niveau. Tant mieux, j'ai vraiment envie de faire un maximum de kilomètres en skiff avant l'hiver, le courant trop fort, le gel, le brouillard…
    Encore cet ennui d'avoir abandonné "ceux de dix heures", je leur en veux de ne pas avoir davantage d'ambitions techniques, de désir de progresser, mais je sais que ce n'est que le reflet de mon sentiment de trahison: leur en vouloir est plus simple.

    Cela me permet d'arriver à la messe de onze heures et demie. C'est un nouvel horaire proposé depuis deux ou trois ans, je n'en reviens pas du nombre de messes à Yerres : quatre chaque week-end. Le prêtre vient d'Amérique latine. J'avoue ici que cela me permet d'aller à la messe "invisiblement": je suis partie à l'aviron alors que tout le monde dormait, je reviens à midi passé comme avant; le fait que je sois partie bien plus tôt n'est pas vraiment perçu.
    L'harmonie familiale y gagne (j'échappe au froncement de sourcil ou au haussement d'épaules, plus ou moins exaspéré selon les semaines), l'inconvénient est de ne pas affirmer ma foi (mais cela n'a jamais été ma pente. Pour moi la foi relève de l'intime, cela ne s'étale pas, comme tout ce qui est précieux.)
    Par ailleurs, cette messe à cet horaire fait écho à celle que je suivais à la basilique de Blois, le dimanche après un cours de tennis. Il y a dans cet enchaînement du physique et du spirituel un lien naturel, logique, de l'ordre de l'exultation.

    Vers le soir, ménage et rangement en écoutant Andromaque sur France Culture. Il est prévu que tout Racine soit diffusé. Quels beaux dimanches en perspective.

    L'anaphore de St Jacques

    TG sur la prière eucharistique. Etude de l'anaphore (offrande) de saint Jacques. (Il faut bien avouer que j'adore tous ces mots : anaphore, épiclèse, euchologie, scrutin,…)

    Cette anaphore est une prière eucharistique orientale des premières siècles chrétiens. Le dossier que nous avions à préparer l'étudiait à la fois par rapport aux autres prières contemporaines, au catéchisme de Cyrille de Jérusalem, mais aussi à la prière juive du vendredi soir: différences et ressemblances.

    Je reste stupéfaite de voir à quel point cette prière a traversé les siècles inchangée (juqu'à Vatican II, l'Eglise utilisait une prière fixée… par Ambroise de Milan). Rendre vivante la tradition, adapter pour conserver, la tension est permanente (j'avais aimé ces mots de JH Newman cités en cours et dont je n'ai pas la référence exacte: «il faut beaucoup changer pour rester fidèle».)

    Il est sidérant de constater à quel point chaque mot compte, est pesé, renvoie à un geste ou une histoire (la lutte contre les arianistes, les marcionistes, etc.) Rien n'est là au hasard ou pour remplir les blancs, tout signifie.
    Qu'est-ce que ces études ont changé? A cette question qui me laisse coite, je peux peut-être avancer aujourd'hui: elle a redonné du poids aux mots, moi qui après ma (dé)formation à Sciences-Po ne croyais plus au sens, persuadée que tout était tordable à volonté, entre politique et marketing, pour démontrer n'importe quoi (et même les chiffres se manipulaient): non, il reste des lieux où et des gens pour qui le monde et les mots ont un sens, qui utilisent les mots pour dire quelque chose de précis qui coïncide avec une foi. Cela a fait, cela fait, reculer le cynisme.

    1/365 - plan B un jour d'examen

    Allez, moi aussi je tente un défi à base de 365 ou 366.

    Un an de transports en commun, à titre statistique : cela est-il aussi chaotique que je le ressens, ou n'est-ce qu'une illusion due au fait que les anomalies et incidents marquent davantage?

    Autre raison : je suis agacée par les discours moralisateurs de ceux qui ne prennent jamais les transports en commun. Ce n'est pas l'enfer parce que dans l'ensemble, à l'heure où je les emprunte, il y a une bonne ambiance, de fatigue, de lassitude, d'exaspération partagée et résignée — donc ce n'est pas l'enfer parce que nous vivons ensemble dans une certaine fraternité de gens malmenés partageant le même sort, mais ce n'est pas fiable et c'est très fatigant.

    Trajet quotidien de base (référence de travail pour les stats):
    Yerres (RER D) - Paris VII (métro Bibliothèque ligne 14) pour O. Durée attendue: 45 minutes à partir du moment où il monte dans le RER D.
    Yerres - La Défense (esplanade de la Défense) pour moi. Durée attendue: une heure à partir du même moment.

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    Matin :
    Problème sur le RER D ce matin à huit heures.
    Heureusement, comme O. a un examen, il avait prévu de partir plus tôt. Nous décidons d'aller prendre le RER A à Boissy (ce qui nous permet d'évoquer la vie de Beethoven en écoutant France Musique. O. me dit qu'il [Beethoven] se serait laissé mourir de faim. C'est la première fois que j'entends ça.)
    O. aura dix minutes de retard. Départ de la maison 8 heures, arrivée en cours à Paris VII 9h40 (donc 1h40 contre 45 mn attendues).

    Pour moi : RER A puis ligne 1 le matin.
    J'arrive à dix heures passées (j'ai pris un RER plus tard le temps de garer la voiture et je vais plus loin. Deux heures de trajet au lieu d'une.)

    Soir :
    Ligne 1, ligne 7 pour aller au pot vers 19h30.
    Vélib pour la gare de Lyon, ligne A pour rentrer (23h).
    La ligne A est plus longue (pas en trajet, en durée: omnibus) et le temps de trajet gare-maison est également plus long.

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    Je me demande vraiment si cela peut être compréhensible pour un non-parisien. Est-il important de comprendre le détail pour relever l'esprit?

    Un pot de retraite

    Retrouvé tous les potes de l'Oulipo… Amusant, personne n'en avait parlé hier: parce que nous ne savions pas qui était invité ou parce qu'il était inutile d'anticiper?

    Une bonne soirée (elles le sont toujours, ce n'est pas une surprise) à parler de morphine (ceux que ça rend malades et ceux qui adorent les hallucinations), de marijuana bio (cultivée dans le jardin), d'opium (marcher littéralement à côté de ses pompes, cela paraissait très yogi comme expérience).
    Hommage appuyé aux équipes de l'hôpital Beaujon, aux professeurs magiciens, qui travaillent dans des bâtiments qui se délabrent de jour en jour…

    (Bon, nous avons parlé d'autres choses, mais toujours pas de Dylan.)



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    Passé à Neuilly pour acheter du papier cadeau. La petite librairie-papeterie a fermé, remplacé par un restaurant japonais. J'y avais acheté L'Ultime Auberge, un peu par hasard.
    J'ai enveloppé mon cadeau dans du papier kraft. Tant pis. Je suis heureuse d'avoir sans doute trouvé la bonne personne à qui offrir La Vie immortelle d'Henrietta Lacks.

    Oulipo

    Je sèche la séance (je suis en retard) et m'installe à la BN dans une salle en libre accès pour trois quarts d'heure d'allemand (reprise du Schleiermacher de mardi. Structure paulinienne (vous n'êtes pas mais je suis… ; mais si je ne suis pas alors vous êtes…; cependant si je suis vous êtes…; etc) et rhétorique: c'est si étrange de consacrer deux pages à interpeller ses lecteurs, sans entrer dans le vif du sujet. Aujourd'hui nous sommes davantage Cut the crap et tant pis pour la captatio benevolentiae.

    (Tant pis, tant pis: la faute à Guillaume.)

    Conversations à la volée:
    — … L'Art d'avoir toujours raison, c'est très intéressant.
    — Mon mari, enfin ex, aurait pu l'écrire. Moi, j'aurais pu écrire l'art d'avoir toujours tort, j'ai eu tort pendant trente ans.
    — Evidemment, quelle idée, tu as eu tout faux dès le début. Dire oui a été la première erreur.

    La procratination pour les nuls : il l'a enfin écrit !

    — Parfois c'est difficile à comprendre: j'ai lu dans un groupe FB "tu sais que tu fais de l'aviron quand…" un jeune rameur qui racontait qu'il avait été attaqué par un signe. Il m'a fallu un moment pour comprendre que ce n'était pas Derrida qui avait encore frappé.
    — Ma mère qui était prof de dessin au collège est revenue un jour très émue: elle avait lu un graffiti sur une table «j'aime les verts». Elle avait trouvé ça si beau de la part d'un enfant si jeune, pas «j'aime le vert», mais «les verts»… Il lui a fallu une nuit pour comprendre qu'il s'agissait de foot.

    — Je vais aller en Russie en décembre. C'est compliqué d'obtenir un visa. Je suis invitée dans la famille de ma belle-fille, mais si je dis que je vais chez eux, il faut qu'ils fournissent deux ans de justificatifs de revenus pour prouver qu'ils peuvent me nourrir… alors j'essaie de trouver un hôtel fictif, j'étudie internet.
    […] Non, ils ne parlent pas anglais. Apparemment c'était très politiquement incorrect de suggérer qu'ils puissent apprendre un peu d'anglais.

    (Mais toutes les raisons de rire, si nombreuses, m'échappent.)

    D'Obama à Donald Trump

    Guillaume et moi lisions le même article de Courrier international. Mais tandis que lui relevait un point de traduction, j'obtenais enfin l'explication d'un mystère: comme pouvait-on passer d'Obama à Trump, comment la même population pouvait-elle faire un tel grand écart?

    La réponse était pourtant évidente: il ne s'agit pas de la même population. Ceux qui plébiscitent Trump sont les Blancs qui ne supportent pas qu'un Noir puisse être meilleur qu'eux.
    […] On peut difficilement interpréter l'histoire des Etats-Unis — ou décoder l'élection présidentielle de 2016 — sans se référer à la lutte entre les Blancs pauvres et les descendants des premiers esclaves. Lyndon B. Johnson, qui est arrivé à la Maison-Blanche un siècle après la guerre de Sécession [en 1963], en a saisi les conséquences politiques de manière frappante. "Si vous pouvez convaincre l'homme blanc le plus médiocre qu'il vaut mieux que l'homme de couleur le plus talentueux, il ne s'apercevra pas que vous lui faites les poches, a déclaré le trente-sixième président américain. Diable, si vous lui mettez sous le nez quelqu'un à mépriser, il videra même ses poches pour vous." […]

    «La revanche des "white trash"» dans Courrier international HS septembre-octobre-novembre 2016. Traduction d'un article d'Edward Luce paru dans le Financial Times le 15 juillet 2016
    J'aurais dû m'en douter. C'est un problème courant en entreprise pour une femme : ce que ne supportent pas certains hommes, c'est qu'une femme soit aussi, ou (horreur) plus intelligente qu'eux.
    (Cela peut déborder l'intelligence et se placer sur d'autres plans: je sais par exemple qu'il y a peu de chances que je convainc mes collègues de venir ramer. Vu ma position étrange dans l'organigramme, où je ne côtoie que des directeurs sans en être un, je sais qu'aucun n'acceptera de, ne songera même à, venir débuter dans un domaine que je maîtrise. J'ai évoqué cette situation une fois dans le vestiaire: toutes les femmes présentes, de tous âges, ont toutes très bien compris ce que je voulais dire.)

    Bref.

    Si Hillary Clinton est élue… Nathan songeait pour le futur à Michelle Obama. Si cela devait se réaliser, je me demande quelle monstruosité pire que Trump l'Amérique exhumerait ensuite.



    PS: deux jours plus tard, un discours de Michelle Obama.

    Déjà octobre

    Je me rends compte en faisant quelques recherches (pour retrouver la date du type incompétent de décembre dernier: le 18 décembre, donc) que j'ai beaucoup de billets dont je me suis dit «je les complèterai plus tard». Selon les cas je les ai alors publiés en l'état, avec des mots-clés incompréhensibes (voir décembre dernier par exemple) ou je les ai laissés à l'état de brouillon hors ligne avec quelques points rapidement notés.

    J'avais l'intention de les reprendre plus tard, mais je ne sais plus vraiment à quoi ils se rapportaient. (Oublieuse mémoire).

    Ciel

    Un jeune homme de la plateforme d'assistance de Lille nous a installé proprement le logiciel (version client-serveur) et sa dernière version en environ trois quart d'heure.
    C'est mieux que le précédent qui a passé trois jours à ronchonner pour nous l'installer de gingois, sans même songer à mettre à jour les adresses IP de nos ordinateurs qui avaient été changés. (Quand le jeune homme s'en est aperçu, il n'a pas fait de commentaire).

    Blague à part, je suis soulagée. Maintenant il reste à trouver une personne qui soit désignée officiellement pour ce travail: sinon ce sera le même cirque à chaque fois.

    Révolutions

    Huit heures du matin. O. est parti, H. dort.
    Cuisine, ciel bleu, thé. Je devrais aller ramer, il fait vraiment beau. Je suis malade. Ciel bleu, arbres verts, j'imagine les rames plongeant dans la Seine, le bruit, les couleurs, le froid, à peine. Je regrette de ne pas sentir la terre tourner sous mes pieds, tourner sur elle-même, tourner autour du soleil. Ciel bleu. Je regrette de savoir que le système solaire tourne dans la Voie lactée et de ne pas le voir ni le sentir. Je pense souvent à la place du système solaire dans la Voie lactée, un peu sur le côté, un peu à l'écart, pris dans le grand mouvement général, sur fond noir. Et pourtant le ciel est bleu.

    Malade

    Au lit toute la journée. Je laisse mon Harry Potter en allemand, le prend en anglais (car il faut en finir, demain c'est Schillebeeckx pour l'oral de janvier).
    Je somnole, je bois de la verveine. Rien ne fait passer mon mal de tête.

    Fight club.

    Diplôme

    Depuis jeudi je suis malade. C'était couru d'avance avec la chaleur et la promiscuité de mercredi soir. Partage de microbes, bouillons de culture.
    Jeudi, vendredi, deux consultants pour mettre en forme "les macro-process". Grand bien leur fasse, plutôt eux que moi. Mais ils sont sympas, ça se passe bien.

    Remise du bac à l'école d'O. J'y vais, après tout c'est le dernier (j'ai l'impression de m'être si peu occupée de lui pendant que je m'occupais des grands que je surcomprense). Très peu de parents, seuls sont là ceux dont l'enfant ne peut être présent. Nous sommes des intrus.
    Le directeur fait un court discours, présente les statistiques. Il distribue ensuite les diplômes, dans l'ordre alphabétique des séries ES, L, S, ordre dans tous les lycées de l'académie. Appel du nom, signature, remise du diplôme, remise du livre de l'année.
    Chaque nom est suivi d'un hourra, c'est un brouhaha constant, heureux, bon enfant; cela choque ma tendance naturelle à la discipline, au silence, je sais que "cela ne se fait plus" («ce n'est pas l'armée non plus» m'a dit doucement Adeline dans le Jura, me faisant prendre conscience dans un autre contexte de ma rigidité. Mais que c'est dur de se détendre quand la réalité de votre ressenti, c'est que cette détente ne vous détend pas, ne vous amuse pas, vous ennuie au sens propre: je m'ennuie, temps perdu); j'observe le directeur, il sourit, dit un mot inaudible (dans le brouhaha) à chacun, serre la main, dix ans que je le vois, il a donc dix ans de plus, qu'est-ce que cela fait d'être constamment parmi les enfants et les adolescents, est-ce que cela permet de rester à l'écoute du temps, de l'époque, de saisir les changements, de s'adapter?
    Cette école me manquera, je reviendrai pour le théâtre, cette école a été pour moi un baume, un morceau de bienveillance, de gentillesse, un monde enchanté vu de ma lointaine fenêtre, même si je ne saurai jamais si (même si je ne suis pas persuadée que) cela a été bénéfique pour les enfants.
    Au moins cela m'aura fait plaisir.
    C'est déjà ça.

    O. me dit qu'il va dîner avec ses copains, je pars, m'aperçois aux Halles que j'ai laissé les clés de la maison sur mon bureau (oui, encore un oubli de clé), vais dîner au café Beaubourg en bouquinant, me coordonne avec O. pour prendre le même RER gare de Lyon ce qui lui permettra de rentrer en voiture de la gare.
    Encore un problème de train. Vers six heures quelqu'un a été heurté par un TGV (suicide ou accident? On parle de vomissements), cinq heures plus tard tout est encore désorganisé.

    Mecmiye Alpay et Asli Erdogan

    Je me pose et lis cinq jours de fils RSS (591 billets, heureusement que les blogs sont morts).

    Suivant une alerte de Guillaume et suivant la méthode d'Amnesty international, je vous propose d'envoyer des cartes postales à Mecmiye Alpay et Asli Erdogan.

    L'adresse est la même pour les deux:
    Bakırköy Kadın Kapalı Tutukevi
    C-9 Koğuşu
    34147 Bakırköy Istanbul
    TURQUIE


    Ici, on vous propose de prendre vos cartes postales en photo pour les poster sur les réseaux sociaux avec le hastag #yazarimadokuma


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    Annonce : c'est officiel, nous déménageons à Nanterre préfecture dans neuf mois à un an.

    Retard

    Je passe rendre le livre que j'aurais dû rendre lundi. Lundi, mardi, mercredi: ça fait deux jours ou trois jours de blocage? Je peux réemprunter vendredi ou samedi? Ou lundi?

    Je quitte à regret le calme de la bibliothèque. Ouverte jusqu'à huit et demie: j'y serais bien restée. Mais H. part demain matin, je veux rentrer.

    J'aurai le temps de regretter mon sérieux: pas de train aux Halles, premier train annoncé à 20h21, puis 27, puis 31, puis 37, gare de Lyon. Problème de sécurité dans le nord de la ligne, nous dit-on. Je traduis terrorisme. Mais plus tard cela devient "personne sur les voies".
    Retour infernal tel que je n'en ai jamais connu à cette heure-là: aussi serrés qu'un jour de grève à huit heures du matin, et surtout, des rames qui ne se vident pas au fur à mesure de l'avancée du RER vers la banlieue, mais qui se remplissent.
    Heureusement, sur la plateforme sur laquelle je me suis hissée l'ambiance est bon enfant. Un homme protège son gâteau, nous réussissons à faire assoir une jeune femme enceinte qui cherchait à s'appuyer au mur. Une femme s'endort debout sur l'épaule d'un inconnu.
    Il y a tant de monde que les passagers n'arrivent plus à descendre (ça, je ne l'avais jamais vu, généralement nous sommes si contents de voir les gens descendre qu'ils arrivent toujours à se frayer un passage); une gare avant la mienne nous avons l'impression d'entendre se battre sur le quai, quelqu'un tire un système d'alarme. Quinze, vingt minutes d'attente. L'homme à côté de moi me confie qu'avant il habitait Amiens, que les voyages étaient plus faciles…
    J'arrive chez moi à dix heures. Dîner, se coucher.

    Chauffage

    Ah non, je me suis trompée : chauffage rallumé ce matin au petit déjeuner, et non dimanche.

    Après-midi de congé (tous les mardis après-midi pour l'allemand). Je rends Conrad à Malraux, je ne prends pas Les veines ouvertes de l'Amérique du Sud car j'ai prévu d'emprunter des Schillebeeckx (à l'ICP) et ça ne tiendra pas dans mon sac (mais je ne les emprunterai pas car j'ai un livre en retard ce que je ne savais pas. Je suis agacée: un retard, c'est autant de jours d'interdiction d'emprunter que de jours de retard. Zut.)

    Allemand (à l'IPT), traduction de Schleiermacher. Complet contresens sur les deux phrases que je devais traduire du fait de mon absence la semaine dernière. Les contresens me donnent toujours l'impression de frôler la folie. Un contresens, c'est très effrayant.

    J'ai fini Janouch. Je prends sans vraiment y penser, parce que c'est un livre de poche et donc dans l'étagère devant la cuisine, Harry Potter 5 en allemand.

    Lunettes

    Ophtalmo. Ma vue s'est dégradée mais à peine, toujours (encore) des "verres de proximité", ce qui me convient très bien.
    Il va falloir que je trouve le temps de passer chez un opticien, ça m'ennuie.
    Je voudrais des lunettes qui se coupent entre les deux verres, réunis par un aimant (lunettes à clipser, me dit google), afin de ne plus déformer mes montures à force de les enlever et les remettre. Mais j'ai peur que cela fasse affreusement ringard. Mais ça me fait rire. Mais je n'ai pas le temps. (A suivre…)


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    A midi, j'ai refusé de monter en double avec JP parce que je voulais faire du skiff. Toujours un pang de remords devant les yeux tristes de JP. Impression d'avoir été mufle. Et j'ai à peine pu faire du skiff car Tristan m'a donné un skiff à la barre de pieds inréglable et j'ai dû rentrer après cent mètres. Si rageuse que j'ai rentrée mon skiff toute seule (c'était la première fois que je tentais l'expérience). Enfin bref.

    Aviron

    Je n'y suis pas allée samedi, je n'y suis pas allée tôt, je redoutais de sortir en yolette de débutants (je n'en peux plus), je suis sortie en double avec un jeune homme, ex-rameur universitaire, Joseph (prénom délicieusement suranné). Il rame un peu brutalement au prétexte "de venir pour se dépenser", dommage. Et risqué: deux ou trois magnifiques fausses pelles (note: la pelle qui ne sort pas de l'eau fait bras de levier. Le risque est de retourner le bateau comme une crêpe).
    Pas de photo, encore oublié. Je crois que j'ai fait assez de photos.

    J'ai parlé de mon découragement face au matériel qui se dégrade, la réponse que j'ai eu m'a fait comprendre qu'il y avait davantage de bateaux courts que je ne pensais. Il faut simplement que je ne rame plus avec les mêmes, qui préfèrent sortir cool que progresser. Cela m'embarrasse, sentiment de trahison.

    Déménagement

    C. déménage, emménage, un camion de douze ou quinze mètre cubes (je ne sais plus, je n'ai pas fait attention). J'ai signé la caution du bail, ça parlait d'immeuble, c'est en réalité le rez-de chaussée d'une petite maison, quatre pièces comme quatre feuilles de trèfle (le bonheur). Curieusement il s'installe à l'autre bout de la ligne de métro qui l'a vu naître, vingt-quatre ans et quatre mois plus tôt.
    Voilà, ils sont seuls — et nous aussi; je n'ai jamais compris qu'ils n'aient pas été plus pressés de partir étant en couple.

    Qu'avons-nous fait ce premier soir seuls tous les trois?
    J'écris cela une semaine plus tard et je ne le sais plus.

    Avant de partir, C. a aidé son frère à monter un bureau dans sa chambre désormais vide: O. a maintenant un meuble à sa taille, un plan de travail — et je devrais d'ici peu de temps avoir des étagères: il est temps, les livres s'empilent sur le plancher dans quelques coins.

    Chinois

    — Le copte, c'est comme le grec, sauf qu'on y comprend rien.



    (Le copte utilise l'alphabet grec pour translittérer les hiéroglyphes. L'évangile de Thomas a été écrit en grec mais il ne nous en reste que la version copte.)

    Jusqu'en bas de la pente

    A propos du manuel d'un logiciel de gestion de concessions et de localisation de tombes 1 à destination des Américains.

    — On a downgradé nos explications pour les cimetières. On est passé de "tomb" à "grave", on a fini par "spot".
    — Non, c'est pas vrai !
    — Si. J'ai eu envie de rire 2 mais je n'ai rien dit.





    1 : Et devant cette syntaxe Flaubert se retourne dans la sienne.
    2 : Evidemment, ce n'est drôle que pour ceux qui connaissent The Big Bang Theory (TBBT) et l'obsession de Sheldon: «this is my spot». (Précision: les rires ne sont pas "ajoutés", il s'agit d'un tournage avec spectateurs).

    Départ précipité

    Lundi: mail général pour nous annoncer que notre DG part vendredi. Son remplaçant est en cours de recrutement.
    Cette boîte devient de plus en plus étrange. Je me souviens d'une époque où il nous était annoncé que «Trucmuche avait souhaité donner une nouvelle orientation à sa carrière»: personne n'était dupe, mais au moins cela sauvait les apparences.
    A-t-il déplu? Piqué dans la caisse? Qu'est-ce qui peut justifier une mesure aussi expéditive? (car la rumeur veut qu'il l'ait appris vendredi soir).
    Quand je pense que nous avions eu droit à une grand-messe il y a un an pour nous annoncer des lendemains chantants.

    Encore un dîner d'affaires

    Même principe que vendredi (un peu plus dans la représentation et moins dans l'amitié), avec davantage de participants. Nous sommes au Bouillon Racine: très beau cadre, carte très française (sauf les frites et les gaufres, c'est une brasserie belge) mais un service abominablement lent. Ils sont en sous-effectif chronique paraît-il.

    Je discute dans mon éternel sabir frenglish. Cela ne paraît pas déranger mon vis-à-vis, un avocat de Philadelphie spécialisé dans les visas, en plein jetlag. J'ai de la chance, il est extrêmement compréhensible. Avec l'aviron, j'ai un sujet de small talk en or pour la côte Est, et spécialement Philadelphie: nous discutons Boathouse Row, je lui avoue que cela m'impressionne et que je ne suis pas sûre d'être au niveau, il m'assure qu'il me mettra en contact avec la bonne personne. Chic.
    Lui a une femme qui vient de l'Idaho (cinq heures de vol sans ligne directe depuis Philadephie). Il nous montre des photos du peu connu canyon Bruneau.

    Nous parlons vacances avec un Français établi à New York. Est-ce que l'activité est cyclique comme en France (où tout s'arrête de début mai à fin août: je force le trait, mais c'est le principe)? Non: d'une part les Américains n'ont que deux semaines de congés, d'autre part ils ne les prennent pas d'un bloc, c'est extrêmement rare, ils les accolent aux nombreux jours de fête pour prendre de longs week-ends (en d'autres termes, ce sont des spécialistes des ponts).
    — Sauf les Indiens.
    — Comment ça, les Indiens?
    — Oui. Une fois que leur situation est stable, ils prennent deux semaines pour partir en Inde…
    — Ah, dot-Indians, not feathered
    — …et ils vous téléphonent au bout de deux semaines pour vous dire qu'ils se marient et ont besoin d'une semaine de plus. «Mais tu aurais dû me le dire! Pourquoi tu ne m'as pas prévenu?» Mais en fait eux-mêmes ne le savent pas: comme ils ont une situation stable, les familles ont arrangé ça entre elles. Ça m'est arrivé trois fois.

    Un peu de gossip autour de l'hôtel Molière dans le premier arrondissement (à prendre tongue-in-cheek):
    — Je suis sûr que c'est un faux hôtel qui cache une autre activité : on ne voit jamais un client et le personnel a l'accent russe.

    Ennio Morricone

    Le concert était programmé à l'origine fin mai, déplacé sans explication ce week-end, l'un des plus chargés de l'année pour nous (un moment je me suis demandé si nous allions réussir à y assister).

    Un dimanche soir: donc en RER (pour éviter les bouchons), LE dimanche sans voiture, raison de plus. Bien sûr, la ligne 1 avait un problème (en ce moment il y a un problème par jour, matin ou soir, matin et soir, sur la ligne 1, le RER A ou D), sans compter qu'il n'y avait pas d'arrêt à la station Georges V (non que nous en ayons eu besoin, mais je pense aux touristes). Je ne suis pas contre un Paris sans voiture, mais il faudrait des transports publics suffisants et irréprochables, c'est loin d'être le cas (je me demande même si les deux sont compatibles: plus il y a de trafic, plus le moindre problème arrête l'ensemble du réseau pour des raisons de sécurité). Ça m'agace, ces politiques qui prennent de grandes décisions sans s'occuper des conséquences pour les petites gens. Aujourd'hui j'ai l'impression que nous sommes entrés dans l'ère de la maltraitance: les gens sont maltraités, on ne se préoccupe pas de leur rendre la vie plus facile, on applique n'importe comment des mesures au nom de principes dans l'air du temps (c'est le cas de le dire) qui n'ont pas fait la preuve de leur équité et innocuité (car tandis que les beaux quartiers respirent mieux, les quartiers plus pauvres où sont refoulés les automobilistes connaissent des taux de pollution record).

    Avis mitigé sur ce concert: je m'y attendais, car j'avais conscience de ne pas connaître suffisamment de films pour être à l'aise dans la musique que j'allais entendre, mais j'ai été agacée aussi par le public trop prompt à applaudir, qui gênait les musiciens et le chef, très âgé (accompagné par une solide femme en noir à chaque entrée et sortie de scène: destinée à prévenir une chute?), tant et si bien que les morceaux s'enchaînaient dans une sorte de précipitation, sans pause.

    Le chef dirige assis, la harpiste et les deux guitaristes sont à l'honneur, surtout au début; il y a cinq percussionnistes au moins (dont une rousse spectaculaire) très plaisants à regarder (quand ils se déchaînent à main nue sur les timbales), un pianiste très concentré qui joue sur un clavier électrique et un piano classique placés à angle droit (et parfois sur les deux claviers à la fois) et beaucoup de clarinettes (pas d'harmonica, zut).
    (Et pour nous, l'air du duel d'Il était une fois dans l'Ouest fait monter en surimpression du film le souvenir du paysage réel et du garçon au pull bleu, en bonus émotionnel).
    C'était très émouvant de voir Ennio Morricone. Nous étions tous là pour ça: voir Ennio Morricone.



    Ici un article enthousiaste et plus technique.

    Samedi

    Journée : session "justice et miséricorde".
    Un peu déçue de n'avoir abordé le sujet que d'un point de vue biblique et sacramentel, et très peu pratique.

    Il y a quelques années, lors d'une préparation d'une journée à Chartres avec des cinquièmes, j'avais été frappée de la confusion qui régnait dans l'esprit de certains parents. Il venait de se produire un fait divers sordide, du genre un meurtre ou un viol par un récidiviste en liberté anticipée, ils étaient pleins de bonne volonté, voulaient être de bon chrétiens, se demandaient s'il "fallait pardonner", si c'était vraiment cela qui était attendu d'eux.
    J'étais intervenue pour dire que jamais dans l'Evangile le pardon n'était donné à quelqu'un qui ne le demandait pas: de quel droit aller embarrasser quelqu'un d'un pardon qu'il n'a pas demandé?
    La justice avant la charité: cette parole de Jean XXIII trouvée chez Arendt (Vies politiques) permet de remettre les choses dans l'ordre, de séparer l'humain du divin (si tant est que la justice puisse être humaine — mais nous avons l'obligation d'essayer).
    Mais nous n'avons pas abordé ces points qui m'intéressent profondément.

    Il fait très beau, repas en commun dans le jardin, c'est un grand plaisir de se retrouver ensemble. Je regrette ceux qui ne sont pas là, qui ont abandonné ou prennent une année de répit.

    Vingt minutes de sieste, puis repas d'anniversaire pour les dix-huit ans d'Olivier: tous majeurs autour de la table, yeepee!!
    Repas animé comme ils le sont toujours, cela me manquera.
    O, le grand O, m'a ramené Bill, the Galactic Heroe, que j'ai lu il y a vingt-cinq ans et qui me paraît si bien correspondre à l'époque actuelle.
    Livre givré apparemment : Le temps du twist de Joël Houssin, pour fans de Led Zep entre autres.

    Trois tiers

    Matin : Conseil d'administration.
    Puis-je réussir à donner une idée des volte-faces successives émises par la même personne? (Comptez un quart d'heure à vingt minutes de discussion à chaque idée émise):
    - nous pourrions baisser les cotisations dès 2016; (nos résultats sont excellents — il ne s'agirait pas d'une "baisse", mais je simplifie le technique)
    - il faut traiter les salariés et les retraités de la même façon;
    - mais il ne faut pas baisser les retraités;
    - c'est dangereux de baisser les cotisations de 2016;
    et pour finir en beauté: «vous (les administrateurs représentant les employeurs) êtes entrés dans la salle avec une idée derrière la tête».
    Puis : - nous ne pouvons pas voter, ce n'était pas prévu à l'ordre du jour;
    - nous pourrions voter par mail dans une semaine;
    - même si je suis contre, je sais que dès que je vais parler de baisse, tout le monde va être d'accord.
    (C'est à dire, si je comprends bien (ce qui n'est jamais sûr), que la baisse proposée au début sera acceptée dans une semaine.)
    Tout ce bullshit m'ennuie de plus en plus. Il a tellement de temps à perdre.

    ***


    Après-midi "team building" à l'aviron: une vingtaine d'adultes qui n'ont jamais ramé à mettre sur l'eau. Jean-Pierre et moi héritont du maillon faible, la minette avec des ongles de cinq milimètres de long venue en jean collant en espérant qu'elle ne ramerait pas au prétexte qu'elle n'a pas de short (pas facile de plier les genoux en jean), puis qui que met à hurler comme sur des montagnes russes quand la yolette quitte le ponton.
    Je suis contente de nous, nous avons réussi à lui faire comprendre le geste et à la faire ramer avec les autres. J'étais embarrassée de la voir repartir au boulot en situation d'échec (même si elle avait tout fait pour).

    Stéphane Tardieu, champion olympique handisport en aviron, est passé nous parler vingt minutes et a répondu à nos questions.
    Il parle des entraînements, du principe qui consiste à s'épuiser totalement pour ensuite recharger les batteries, de la fatigue qui rend incohérent et agressif, de la difficulté en France à faire accepter le handisport au même titre que le sport (nous nous entraînons autant, nous peinons autant, …).
    Pour donner une idée du niveau, sa partenaire Perle Bouge fait vingt secondes de mieux que moi au cinq cent mètres, mais elle, sans les jambes!

    ***


    Soirée avec le futur partenaire d'Hervé aux US (c'est lui qui aura la direction de la filiale) et son ami. Mélange d'anglais et de français, on s'est bien amusé, ayant les mêmes références (Six feet under, MacGyver, The Hunt of Red October…). Notre voyage de 2012 nous sert, ils habitent la Pennsylvanie mais viennent de Caroline du Sud, nous pouvons parler géographie, de la rivière Delawaere, de la Skyline Drive, etc.
    Cela s'annonce bien.

    La presse étrangère à propos du "burkini"

    Courrier international a choisi comme dossier de la semaine le French bashing, avec un constat mi-figue, mi-raisin: les pays étrangers adorent dire du mal de la France, et malheureusement il semblerait que ce ne soit pas toujours à tort.
    Ces images nous obligent à nous poser la question: à partir de quand va-t-on considérer comme admise la comparaison avec les années 1930 et la persécution de ceux qui pensent autrement?

    De Morgen, Bruxelles, 24 août 2016, cité par Courrier international, 1351, 22 septembre 2016

    Je n'aurais pas utilisé "penser", mais "croire", "prier", "vivre".

    Personnellement, j'ai de plus en plus souvent l'impression que le terme de "laïcité" est devenu le mot poli pour cacher l'intolérance: du droit de ne pas croire ou de croire ce qu'on veut garantit par la IIIe République, j'ai l'impression de glisser vers l'interdiction de croire ou l'obligation d'être athée, ce qui n'est tout de même pas la même chose.
    "Croyez mais cachez-vous, qu'on ne vous voit pas" : c'est cela, "la laïcité à la française"? Ou pire: "seules les religions chrétiennes ont le droit d'être visisbles" au nom de "l'héritage culturel": c'est cela, la neutralité républicaine?

    Applications pour téléphone

    Ça m'agace et me pertube, ces applis pour téléphone qui semblent ne pas utiliser les mêmes bases de données que le site web correspondant, ce qui fait que lorsque vous changez le mot de passe sur l'un, il n'est pas changé sur l'autre. (Exemple: le loueur de voiture SiXt)
    C'est la pagaille.

    Le pire, c'est quand même ce site où je ne peux plus me connecter du tout, ni sur l'application ni via le web car les adresses mail et les mots de passe sont mélangés; et où je ne peux pas non plus créer un troisième compte (en abandonnant les deux autres qui devraient n'être qu'un) au prétexte qu'il connaît déjà l'adresse mail que je donne: certes, il la connaît, mais il refuse de l'utiliser pour m'envoyer une mise à jour de mot de passe!
    Bref, c'est programmé avec les doigts de pieds.

    Pub

    Bon, passons aux choses sérieuses : les poèmes de Guillaume (enfin, enfin, enfin).

    Et pendant que vous êtes sur Amazon, ceux de Red.

    Allemand

    Et de nouveau de l'allemand à l'IPT (institut protestant de Paris). Ce blog tourne en rond. En réalité j'aurais dû m'inscrire l'année dernière aussi, mais je pensais que les cours commençaient en janvier (2016) comme l'année précédente: quand je me suis renseignée, j'ai appris que le semestre était fini, les cours avait eu lieu de septembre à décembre (2015).
    Ce week-end, saisissant un cahier dans le grenier, je me suis rappelé qu'avant l'IPT il y avait eu les cours de "l'université de la vie".

    Cette fois, c'est sans ambiguïté (dans la présentation du professeur, pas dans le descriptif du cours): il ne s'agit pas d'un cours d'allemand mais d'un atelier de traduction. J'ai abandonné l'idée que je parlerai allemand un jour à moins d'aller passer six mois en Allemagne (mais alors j'aurai mes chances, ce qui n'est pas le cas avec l'anglais).

    "Flâneries de Schleiermacher à Bonhoeffer" : qui dit mieux ?
    J'ai calculé que cela va représenter quinze jours de congé, en posant mes mardis après-midi sur une année.

    «Schleiermacher était pasteur réformé, c'est-à-dire d'une Eglise qui se sent minoritaire en Allemagne face aux Luthériens, tandis qu'en France c'est l'inverse, ce sont les réformés qui sont plutôt majoritaires — ce qui fait que Schleiermacher semble parfois plus proche des Luthériens français avec qui il partage ce sentiment d'appartenir à une minorité.»

    Je continue The Nigger of the Narcissus. Je suis pétrifiée d'admiration.

    La quille

    Dix-huit ans du dernier, un pot au Café du Métro. J'abandonne la compagnie pour aller en cours, ils souffleront les bougies sans moi (d'après ce que j'ai compris, elles ont beaucoup coulé et il y avait de la cire plein les tartelettes au citron (meringué)).

    Skiff autour de l'île de la Jatte pour la première fois.

    Traquenard

    J'avais soigneusement planifié de ne pas aller à la kermesse de la paroisse. Las, O. m'a appellé pour que je passe chercher son sac sur le stand scout pendant qu'il allait ramasser dans la ville les indices du jeu de piste de la journée.

    J'ai donc acheté des livres:
    - un bibliothèque verte, La voûte invisible de Philippe Ebly. C'est un auteur qui est apparu alors que je ne lisais plus de bibliothèque verte, c'est un auteur "de ma sœur", que j'ai lu par désœuvrement. Elle a emporté ses livres, c'est donc par désir de le retrouver (une petite heure, c'est le temps que la lecture m'a prise. L'équivalent de manger des Haribo, sans les calories).
    - Paul Féval, Le Bossu, puisque O. ne l'a jamais lu (pas vraiment sûre qu'il le lira, mais bon).
    - Cendrars, Anthologie nègre, parce que j'ai beaucoup lu Cendrars et que Tlön me l'a rappelé.
    - Tony Duvert, Récidive, parce qu'on ne laisse pas un Duvert (mais comment un tel auteur peut-il se retrouver dans des cartons paroissiaux?
    - Ricardo, Des principes de l'économie politique et de l'impôt. J'ai lu soit Ricardo, soit Pareto, en introduction à l'économie. J'avais beaucoup aimé. J'aimerais retrouver ce livre mais je ne me souviens ni du titre, ni de l'auteur. Ricardo ou Pareto?
    - Jack London, La croisière du Snark, parce que je ne résiste pas au mot "Snark";
    - Vladimir Volkoff, Les faux stars, parce que c'est l'auteur de Langelot;
    - Mère Marie Skobtsov, Le sacrement du frère, parce que j'ai entendu parler d'elle un matin sur France Musique par Sœur Sophie de Jésus en allant à l'aviron: une sainte orthodoxe comme il n'y en aura jamais chez les catholiques, divorcée, remariée, avec enfants, révolutionnaire, morte à Ravensbrück… Et j'aime la collection "le sel de la terre" des éditions du Cerf.

    Le tout pour 4,50 euros, ce qui me fait de la peine.

    ——————————

    Agenda
    Comme je voulais vraiment sortir en skiff, je suis allée à Melun à huit et demie. Je me suis fait aider par un passant pour sortir mon bateau car les autres rameurs étaient déjà sortis.
    Il fait doux et gris. Les hirondelles sont encore là. Trois hérons. Un vol en V d'oies ou de canards.

    A dix heures, revenue au ponton, je culpabilise un peu en voyant les autres sortir une yolette pour les débutants de l'année, mais pas beaucoup. La politique de matériel pour les loisirs commence à m'agacer: il y en a si peu, si mal entretenu, qu'aucun rameur nouveau ne va payer près de 400 euros pour s'inscrire dans ce club. Or comment faire vivre un club sans une bonne base de pratiquants loisir adultes?



    Un Petit Boulot. Bien. Rappelle Le Couperet. Duris a beaucoup de charme, mais il se tient si droit que je me demande s'il a mal au dos. Ou aurait-il une formation de danseur classique?

    Messe. Devant l'église des policiers municipaux. Même malaise que devant les vigiles partout en France: voilà des gens payés un peu plus que le Smic pour se faire tuer pour moi.

    Poe light

    Le bail étant signé, les cartons commencent à s'accumuler dans le salon.
    Ce matin, O. m'appelle, excité.
    — Qu'est-ce qu'il y a? Les chats? Qu'est-ce qu'elles ont encore fait?



    Du carton scotché s'échappe un faible miaulement désespéré.
    Depuis combien de temps est-elle là-dedans?

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    Agenda
    Le fils de Jean. Léger. Beaux acteurs et accent québécois.
    Soirée scoute. J'y vais seule; j'aime cette soirée de rentrée où sont présentées les photos des camps des enfants.

    Vide

    Il pleut.
    Journée sans histoire (ni géographie, ajouterait mon beau-père). Je m'ennuie. Je suis déçue: la mutuelle va faire des bénéfices indécents et ma proposition de rembourser aux diabétiques (ou donner un forfait, une participation) l'appareil qui permet de lire la glycémie sans se piquer les doigts est repoussée: avenir trop incertain, m'oppose-t-on. Mais si l'incertitude concerne l'avenir de la mutuelle, si elle doit fermer pour des raisons réglementaires (trop de contraintes juridiques ou soutien de la branche insuffisant), ne serait-ce pas au contraire un argument pour qu'elle utilise ses réserves avant?

    Je rentre dans la maison vide (c'est rare) et, signe de mon ennui et de ma déception, je me mets… à faire du ménage. Grandement pas dans mon assiette je suis!


    Je note pour me souvenir du moment : hier Bayer a annoncé le rachat de Monsanto. C'est terrifiant.

    Bail

    Signature du bail de C., je suis présente en tant que caution. Une heure et demie pour lire et signer une liasse de papiers (trente pages? plus?) en deux exemplaires: le moment où les indications juridiques destinées à vous protéger ne font que vous décourager de lire et de vous renseigner sur vos droits.

    C. va habiter à l'endroit (à quelques rues près) où habitait ma sœur il y a vingt-cinq ans : «à des années d'intervalles les mêmes motifs…».

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    Problème de RER donc je vais au cinéma (attendre que le traffic reprenne).
    Divines : entre conte pour enfants et cauchemar. Oulaya Amamra est magnifique.

    Longue journée

    Un peu déprimée ce soir. Sans doute la longue journée commencée à cinq heures pour emmener Hervé gare de Lyon (Lui vient de passer dix jours de transes pour terminer un projet où tout est allé mal, dont un développeur-clé arrêté pour une rupture du tendon d'Achille — j'ai toujours peur que son cœur lâche un jour, mais je dramatise trop) et terminée par deux heures d'aviron dans la nuit qui tombe (j'en ai marre d'encadrer les débutants, vivement octobre).

    La vérité c'est que je m'en veux. J'ai blessé une jeune femme qui voulait un devis pour une FIVette en lui expliquant mal à propos qu'il fallait se battre contre les exigences tarifaires des médecins.
    Longtemps après son départ il flottait une odeur d'hôpital dans le bureau. Je m'en veux.

    Calcul de l'acompte d'IS. Je me mélange les crayons entre les années, le premier acompte de l'année N assis sur le résultat N-2 si N-1 n'est pas encore connu, et récupération du trop payé en N-2 au titre de l'exercice N-1 sur le deuxième acompte de N… Je crois que j'ai confondu des tiers (IRPP) et des quarts (IS). (Ce n'est que la deuxième année que nous sommes assujettis à l'IS commun).

    Ce soir je découvre la to-do list de Léonard de Vinci qui me fait sourire.

    Je m'aperçois que ça fait vraiment longtemps que je n'ai pas regardé mes fils RSS : une vingtaine de billets chez Boule de fourrure, et pour vous remettre du dégueu si cela vous affecte (parce qu'après tout, ce n'est jamais que la vie), encore et toujours le merveilleux blog de F.

    J'ajoute ce blog à lire en ces temps troublés («Ma conviction qu’il faut étudier et combattre ce que nous appelions désormais le jihadisme avec les outils de l’historien (et donc avec ceux des sociologues, des géographes, des économistes, des ethnologues, des anthropologues ou des statisticiens) en est sortie confortée, tout comme celle que les commentateurs civils, en raison de leur incapacité bien compréhensible à accéder à des données intrinsèquement secrètes, ne peuvent sérieusement s’aventurer sur le terrain de l’analyse opérationnelle d’Al Qaïda et de ses alliés. Il leur reste, évidemment, quantités d’autres thèmes à explorer, car les tâches ménagères ne sont pas sans noblesse, mais encore faut-il avoir la grandeur d’âme de s’y atteler au lieu de courir les plateaux.»), qui donne également des titres de livres et de films pour ceux qui aiment l'espionnage et la guerre secrète.

    Dans un autre genre (complètement!), Otir. Je me demande si Aymeric connaît («parce que là où il y a deux juifs, il y aura toujours trois opinions»).

    Une heure du matin. Orage. Déluge. Je me couche.

    Un air de jazz

    En "civil", costume de lin clair, panama, le grand vigile noir semble sortir d'un film des années 40.

    Journée morne

    Difficile retour à la réalité.
    Petit coup de nostalgie en relisant des vieux posts de Matoo: le temps a passé vite, c'est comme si c'était hier. Et pourtant c'est loin.

    J'ai gagné deux places pour Divines. (C'est la première fois que je gagne à quelque chose, ça me fait plaisir.)

    Cassis

    Levée à six heures pour prendre à sept heures moins dix un bus qui ne passera jamais. J'étais pourtant arrivée tôt à l'arrêt en me doutant qu'il aurait de l'avance un dimanche matin si tôt, mais las, il a dû passer avec dix minutes d'avance.
    Bus suivant, train pour Cassis, petit déjeuner avec E. (Chaque fois que je m'embarque dans trop d'initiales je pense à Matoo. (Chez moi tout est mémorial, c'est grave docteur?))

    Pas de photo : toutes les photos de mer bleue sont bleues, avec le même défaut d'avoir un cadre en deux dimensions alors que ce que l'on voudrait photographier, c'est l'absence de cadre, l'horizon, le zénith, la sphère.

    Baignade dans une calanque, retour salé, l'eau attaque les plaies que l'on a toujours à l'aviron (une ampoule, une écorchure, etc). Cela ne fait pas vraiment mal mais ça creuse la chair.
    Sortie de seize kilomètres, sans effort.

    Douche, déjeuner, pastis, récit autour d'Havas et Bolloré (redouter un patron tout en aimant une boîte, terrible dilemme: que faire?), potins du club.

    Bus encore, folklorique (tout le monde pourra-t-il y monter? Serons-nous à l'heure pour le train de retour à Marseille?), TER, TGV, RER. La terre tangue.

    Marseille

    Rendez-vous au club, petit déjeuner. JP m'a apporté la casquette longtemps désirée.

    Château d'If, îles du Frioul, baie des singes. Temps idéal, soleil et brise pour la fraîcheur. Cours de rame contre la vague, "en mer le chemin le plus rapide n'est pas le plus court".
    Déjeuner au club du Prado. Un tour dans le vieux port, pour le plaisir. Sortie de vingt-huit kilomètres au total.

    Pastis avec JP, papotages et ragotages. J'apprends avec stupéfaction que mes compagnes du Jura ont plutôt quarante-cinq ans que trente à trente-cinq ans; avec leurs airs de midinettes dragueuses je n'y aurais jamais cru.
    — Oui, elles cherchent le mec.
    — Ça j'avais compris! Mais pourquoi elles ne le trouvent pas? B, par exemple, elle est jolie, sympa, intelligente: pourquoi elle ne trouve pas? (Je n'ajoute pas que j'aurais plutôt imaginé les mecs se battre pour elle qu'elle soit obligée de draguer… Mais connaître leur âge change l'angle de vue. Je passe de l'impression "je suis hors jeu, normal elles sont jeunes" à l'impression "elles en sont encore là? les pauvres" (bonjour les préjugés!! je suis nulle. Mais bon.))
    — Elle est trop exigeante. Les filles cherchent le mec parfait.
    Bon. Peut-être. C'est toujours la même chose, personne ne sait jamais exactement de quoi il est en train de parler: de passer une vie ou quelques semaines avec quelqu'un? Mais le sait-on jamais à l'avance?

    Et je pense aux réflexions de Paula Becker sur le mariage à transposer à la vie en couple aujourd'hui:
    «[…] L'expérience m'a enseigné que le mariage ne rend pas heureuse. Il ôte l'illusion d'une âme sœur, croyance qui occupait jusque-là tout l'espace. Dans le mariage, le sentiment d'incompréhension redouble. Car toute la vie antérieure au mariage était une recherche de cet espace de compréhension. Est-ce que ce n'est pas mieux ainsi, sans cette illusion, face à face avec une seule grande et solitaire vérité? J'écris ceci dans mon carnet de dépenses, le dimanche de Pâques 1902, assise dans ma cuisine à préparer un roti de veau.»

    Marie Darrieussecq, Vivre ici est une splendeur, p.72, P.O.L 2016
    JP est l'organisateur de la randonnée. Il adore ça. Il m'explique comment il garantit le bon fonctionnement du groupe, la façon dont il exclut quelques personnes, la façon dont il constitue les équipages. Il se lance: «Toi par exemple, je ne te mets pas avec n'importe qui, tu t'énerves vite. Tu es très à l'écoute, mais tu es trop soupe au lait
    Hmm. Rien que je ne sache déjà, mais je lui suis reconnaissante d'avoir le courage de le dire ainsi, et je suis embarrassée d'être source de problèmes.

    Une heure de sieste. Soirée au club. E. me conseille Giono plutôt que Pagnol sur Marseille. Ce qui me frappe, c'est combien les gens d'ici aiment leur ville et sont désolés de l'image qu'en donnent les médias.

    Marseille

    Arrivée à Marseille à une heure, pour ramer demain (pouvu que je ne crame pas: la dernière fois que j'ai ramé en mer (1987!), j'ai eu des brûlures au second degré sur les pommettes — mais je ne ramais jamais, je n'étais pas bronzée).

    Sieste à l'hôtel, avec dans les moments de sommeil moins lourds l'impression que mon cœur se noit dans mon sang. Je devrais dormir avec davantage d'oreillers.
    Notre-Dame de la Garde par les petites rues (une dame me voit interroger mon téléphone, me demande si je cherche quelque chose: oui, est-il possible de couper à travers les résidences, j'ai l'impression d'être dans une impasse et de devoir rebrousser chemin. Gentiment elle m'ouvre un portail qui permet de couper à travers les immeubles).

    Garfield m'avait conseillé "O'2 pointus", "la cantine du CNTL", mais il y avait trop de monde en train de prendre un cocktail en terrasse: sans doute des amis qui fêtaient un événement. Je n'ai pas osé demander s'il y avait une table.

    Rentrée à l'hôtel pour écrire (mais j'ai oublié d'acheter des cartes postales et demain ce ne sera sans doute pas possible).

    Je suis triste de constater que je n'ai fait aucun progrès depuis l'adolescence dans mes relations avec les gens: je n'ai pas prévenu un ami FB (comprendre: un inconnu avec lequel j'entretiens des conversations publiques et entrecoupées) de mon passage à St Brieuc de peur de le déranger, j'ai prévenu une amie FB de mon passage à Marseille de peur qu'elle me reproche de ne pas l'avoir fait et j'ai dérangé… Tout cela est trop compliqué pour moi.

    Couple du XXIe siècle, conversation surprise au restaurant.
    Ils sont trois, elle bavarde, lui au téléphone, une amie arrivée en retard.
    Elle résume: «Matthieu lui il est content parce que quand il rentre du boulot sa femme lui a fait à manger… Alors il le photographie et le met sur FB — sauf hier: j'ai eu la flemme et j'ai acheté des lasagnes au saumon surgelées.»

    Cuisson

    J'ai commandé un sac Nano chez Cotten pour la randonnée de ce week-end et ils ont eu la mauvaise idée de l'envoyer contre signature. Il faut donc que je passe à la poste ce soir puisque je pars à Marseille demain matin.

    La poste ferme à six heures et demie. Je prévois large et quitte La Défense à quatre heures et demie.

    Ligne 1 Esplanade de la Défense - Défense grande Arche pour prendre le RER A.
    Problème sur le RER A. J'attends un quart d'heure dans une rame immobile puis reprends la ligne 1 jusqu'à gare de Lyon (donc un quart d'heure de perdu à attendre, un quart d'heure de perdu du fait de la vitesse du métro par rapport au RER A).

    Il y a deux types de RER qui me ramènent chez moi: ceux qui viennent du nord de la ligne (ZACO), les plus courants, et ceux qui partent de la gare de Lyon (ZICO), qui sont ajoutés aux heures de pointe (puis qui deviennent les uniques trains à partir de 23 heures, mais ne compliquons pas).
    L'avantage de ceux qui viennent du nord c'est qu'ils sont plus nombreux et prioritaires (nous semble-t-il, par expérience) par rapport à ceux qui partent de gare de Lyon. L'avantage de ces derniers c'est qu'ils arrivent vides et qu'il est généralement possible de s'y assoir. De plus ils sont plus rapides car ils s'arrêtent dans moins de gares.

    Quand j'arrive, un ZICO stationne et un ZACO doit arriver d'un instant à l'autre. Le ZACO est censé passer (donc partir) avant le ZICO, mais il va être pris d'assaut vu le nombre de personnes qui attendent sur le quai (il y a dû y avoir des trains de supprimés).
    Je monte dans le ZICO attendre, tant pis. Il fait si chaud que je supporte mal l'idée de m'entasser, d'autant plus que j'ai un sac volumineux qui contient mes affaires d'aviron que je ramène pour le week-end.
    Pendant une demi-heure les passagers vont hésiter, faire la navette, monter, descendre, entre ce train relativement vide et le quai en face tout à fait plein, entre ce train immobile à la température de four (les voitures stationnent au soleil avant d'être amenées à quai) et le train annoncé comme imminent — et qui n'arrive pas.

    J'arriverai à la poste dix minutes avant la fermeture.

    Le lendemain, j'entendrai quelqu'un dire que cette immobilisation des trains était due à l'arrestation de trois femmes terroristes à Boussy-St-Antoine, gare sur cette même ligne, deux arrêts plus loin que le mien.

    I did it again

    Dîner book crossing, je présente Vingt mille lieues sous les mers.

    Je suis arrivée très tard après l'aviron et je suis en face d'un "vieux" participant, qui fait plutôt partie des "jeunes" (c'est relatif) et des rares hommes. J'évite en général de me trouver à sa table car il parle fort en disant beaucoup de bêtises (de choses fausses) mais il est la coqueluche de ces dames qui boivent ses paroles.

    Tout se passe très agréablement jusqu'au moment où il me demande, arrivé au dessert:
    — Et comment choisissez-vous vos livres?
    — Si je n'ai pas d'idée j'essaie de trouver un blog ou un site sur Google. La difficulté est de trouver les bons mots-clés.
    — Ah oui, Wikipedia… et votre fils informaticien doit pouvoir vous aider…

    Et là, grand circuitage dans mon cerveau. Il y a tant de choses fausses dans cette phrase que je suis totalement désorientée: Wikipedia n'est pas Google (et réciproquement); un informaticien ne sait pas mieux chercher sur Wikipedia que n'importe qui (ou si oui, ce n'est pas parce qu'il est informaticien mais parce qu'il sait chercher); et je n'ai certainement pas besoin de mon fils pour chercher, je sais sans doute mieux chercher que lui, en tout cas en littérature…, que quelqu'un de son âge avec ses responsabilités ne sache pas faire la différence entre Google et Wikipedia, qu'il semble présupposer que je ne suis pas capable de chercher seule, qu'il semble penser que pour des recherches sur la littérature il vaille mieux connaître l'informatique que la littérature…

    Désarçonnée, j'ai dû répondre avec trop de conviction (je ne m'en rends pas (jamais) compte, mais sa réaction me fait penser que oui):
    — Mais enfin c'est absurde, ça n'a rien à voir !
    Il l'a très mal pris: "Ne me parlez pas sur ce ton".
    Zut. Le but n'était pas de le vexer.

    Nous nous sommes réconciliés après que le ton ait monté, lui ne comprenant pas ce que je voulais dire (dans l'utilisation d'un livre, un imprimeur n'est pas avantagé par rapport à un lecteur lambda, ai-je tenté), moi ne comprenant pas pourquoi c'était si grave que je lui dise qu'il se trompait (mais comme je le disais plus haut, personne ne contredit jamais ses assertions, alors que bon…)

    Je l'aime bien, et au final ce n'est peut-être pas si grave (l'organisatrice évitera de nous mettre à la même table, j'ai honte). Mais il faut vraiment que je mette en place des réflexes de sauvegarde quand j'entends des bêtises: il faut que j'apprenne à penser automatiquement à autre chose, il faut que j'apprenne à rassurer mon cerveau qui ressent de la panique, comme si l'ensemble de la sphère de la raison se dérobait et qu'il glissait dans la folie.

    Une photo par jour pendant un an

    C'est un défi tout simple, la difficulté étant de tenir dans la durée (vous pouvez tenter si vous voulez, sur Flickr, FB, twitter, un blog…)

    Gilda photographie son plaisir d'être vivante : Clandestines sardines.
    Patrick fait dans le quotidien : trois cent soixante cinq.
    Guillaume, peut-être pas comme d'hab mais comme souvent, se dénigre : 365 photos pourries.

    Rentrée

    Ce n'était peut-être pas une bonne idée d'aller ramer sous le crachin avec ma sinusite. J'ai eu froid. J'espère que je serai remise pour ce week-end.
    Double canoë avec Isabelle. C'était sa première sortie sur l'eau. J'ai l'impression de voir utiliser une nouvelle méthode, une nouvelle pédagogie: au lieu de faire sortir les débutants en yolette, ils sortent en double canoë avec un confirmé et ils ont droit à un cours particulier. C'est sans doute mieux pour prendre confiance, il est plus facile de s'arrêter chaque fois que nécessaire et de prendre son temps (car la précipitation est le grand ennemi — avec les démonstrations de force, la brutalité).
    C'était amusant, il me surprend toujours autant de constater combien un faible coup de rame, gentle, peut propulser un bateau. Sport de glisse.

    C'est la rentrée, c'est la rentrée, c'est la rentrée, tralala itou. Ça me manquait, le fait de ne plus avoir de devoirs en retard est libératoire. Nous comptons les rescapés, nous sommes une vingtaine réunissant deux promos (les sixième année (moi) et les septième). Beaucoup de mes coreligionnaires d'origine (quatre ou cinq!) ont pris une année de respiration, pour finir les devoirs non rendus et valider des langues.
    La vie sacramentelle. Parfois le mot utilisé est sacramentaire (difficile nuance au fond de la classe avec les oreilles bouchées). Je n'ai pas osé demandé la différence. Avec les années, je suis devenue convaincue de l'importance des rites, de leur dimension cathartique.
    «Un sacrement n'est jamais privé.»


    Progression dans la modernisation de la station des Halles: escalier vu du quai du RER D.



    Dimanche

    Quand je ramais le dimanche je me levais tôt le samedi, mais depuis deux fois que je me rame le samedi, je me lève à dix heures le dimanche (ce qui n'arrive jamais). Il faut dire aussi que je suis balade et que j'ai très mal dormi.

    Toni Erdmann.

    Pintade aux olives vertes. Finalement, nous gardons la Coccinelle au moins un an encore : je m'étais trompée dans l'échéance du contrat de LLD.

    Pas de MX-5

    Arrivée tôt au club et pris quasi d'autorité un skiff. Je suis montée jusqu'au pont de Chartrettes. Fatiguée.

    Je me dis en regardant les arbres que nous en sommes au même point, eux et moi: fin d'été, arbres verts et quelques roux dont on ne sait s'ils manquent d'eau ou sont d'une espèce à roussir les premiers à l'approche de l'automne.



    Essayé des MX-5 : comme prévu et redouté, O. ne peut pas les conduire: ses genoux coincent le volant. (L'enjeu est véritable car nous prévoyons un road-trip en Europe l'année prochaine.)

    Sugar Man

    Le syndrôme de la glace au citron

    Pendant les vacances dégustant nos glaces en terrasse, nous entendons le dialogue suivant:
    — Et qu'est ce qu'il y a dans votre glace au citron meringuée?
    — Du citron et de la meringue.


    Le 22 juillet, j'envoie un mail: «Monsieur, nous avons bien reçu votre bulletin d'affiliation. Il nous manque 1/ un chèque de xx euros 2/ la preuve de votre adhésion à xx».
    Le 8 août (je dépile mes mails lentement) je reçois en réponse à ce mail (bouton "répondre au mail"): «Mon affiliation n'est pas effective. Pouvez-vous me dire ce qui manque à mon dossier?»

    Anonyme

    Je me suis aperçue hier soir en rentrant après l'aviron, alors qu'affamée j'aurais bien mangé n'importe quoi, que je n'avais plus ma pochette contenant ma carte d'identité, mon permis de conduire, mes deux cartes bleues, quelques billets, des timbres et diverses cartes (bibliothèque, étudiante, etc), pochette destinée à pouvoir changer très vite de sac ou cartable (un sac dans un sac, en quelque sorte). Oubliée, mais où? Au bureau, dans mon casier d'aviron? Ou chez le boulanger en achetant mon sandwich le midi, n'ayant plus toute ma tête après l'aviron? (le manque de sucre me plonge dans une sorte d'hébétude.)

    Retrouvée aujourd'hui chez le boulanger. Quelqu'un a vu la pochette sur le comptoir et l'a tendue à la boulangère qui l'a rangée sans même regarder à l'intérieur (sinon elle aurait pu m'appeler, elle contenait des cartes de visites).

    Merci cher client inconnu, cher honnête client inconnu.



    Double canoë avec un débutant, Jean-Charles.

    Cuite

    A la suite d'un malentendu, j'ai ramé à midi (skiff) et ce soir (double canoe avec Céline débutante). Je suis fatiguée.

    J'ai pris rendez-vous pour rendre la Coccinelle (nous arrivons au bout des deux ans de location longue durée). Je voudrais une Mazda MX-5, la voiture que je vise depuis que j'ai vingt-cinq ans. Mais il n'est pas sûr qu'O. tienne dedans en hauteur, le garagiste avec qui j'ai pris rendez-vous semble en douter.
    H. serait plutôt pour une Mercedes SLK depuis qu'on en a loué une une semaine en Espagne. Mais je ne suis pas sûre d'assumer complètement de me promener dans cette voiture… (aller à Melun, aller faire les courses… mener une vie ordinaire en Mercedes SLK décapotable? Ce n'est pas un peu bizarre? (et j'entends automatiquement «Ça fait vingt-cinq ans que je suis directeur en hôpital psychiatrique, alors vous savez, moi, les choses bizarres…»1)
    Ou garder la Coccinelle, finalement?

    Le rameur avec qui je parle voiture en rentrant en métro (à partir de la question «Alors, ces vacances?») a une réaction qui m'étonne: est-ce que le coffre n'est pas petit? Voilà vraiment quelque chose à laquelle je ne pense jamais: pour moi, les valises s'adaptent à la voiture, pas l'inverse (mais ça milite pour la Coccinelle…) Quel intérêt de partir si ce n'est pas pour (presque) tout abandonner?


    Note
    1 : Dussolier à Richard Berry dans Tais-toi.

    Die Brüder Karamazow

    Ligne 1, vers neuf heures.
    Sous-titre possible : trois femmes et un genou. Après réflexion, j'ai décidé de ne pas recadrer.




    Wesh

    Je pensais que c'était un tic exagéré dans le but de se moquer des jeunes de banlieue.

    Après une heure de bus entre La Défense et Clichy (ligne 174) à côté de cinq adolescents, j'ai dû me rendre à l'évidence: ce n'est pas exagéré.

    J'ai prêté Douglas Adams à M. Mais bon. J'ai un doute.
    J'ai rencontré Laurent Chamontin. Plus tôt, je me demandais pourquoi je savais "depuis toujours" (depuis très longtemps) que Poutine était dangereux. Et je me suis souvenue de l'origine de ma défiance: le livre d'Anna Politkovskaïa .


    Revu The Big Lebowski qui est pour moi le plus ennuyant des Coen. Pang de nostalgie en voyant Saddam Hussein au temps de la guerre du Golfe: le bon vieux temps. Comme tout cela a dégénéré. A regarder ainsi en arrière, on se demande quel monstre recèle le futur.

    Surnoms

    Dic et Dac.
    Dick et dur à cuir. Private Joke.

    Samedi

    Nous avons perdu du temps avant de monter en bateau, tant et si bien qu'il faisait déjà chaud alors que nous étions arrivés au club à neuf heures et demie.
    Je suis fatiguée du mauvais état du matériel de Melun. Il faudrait les bateaux de Neuilly sur le bassin de Melun. Je crois que je vais insister pour monter en skiff la prochaine fois.
    Moi à la nage, Stéphane, Patricia, Jean-Luc.
    Pas de photo, j'avais oublié mon téléphone.


    Le soir, grave erreur: nous allons voir Rester vertical à Montreuil. Le plus intéressant finalement, c'est d'observer la façon dont les critiques et commentaires de la presse restent strictement factuels, s'abstenant ainsi discrètement de donner leur avis.
    Nous avons désormais un cri de guerre: «Bêêêhh !!»

    Beaujon

    De la Défense, une ligne de bus permet d'atteindre l'hôpital Beaujon directement.
    Je n'ai pas trouvé l'entrée de l'hôpital (un pompier m'a indiqué un chemin officieux), ni sa sortie (je suis sortie par une porte qui à mon avis aurait dû être fermée à clé au niveau des ateliers techniques. Un bâtiment "Kubrick" dans un hôpital, je trouve cela flippant.)

    Je parle comme d'habitude beaucoup trop. Il fait très chaud — pas de clim, pas de possibilité d'ouvrir les fenêtres. Par la fenêtre je constate avec ahurissement l'avancement des travaux du futur palais de justice: la dernière fois que je l'ai vu, il n'y avait que les fondations.
    Nous soulignons le côté mi-prison, mi-cité U de l'hôpital. «Et militaire», ajoute M.
    Je le crois sur parole.


    Star Treck II à l'UGC Bercy. C'est vraiment du conte pour enfants. Cela m'ennuie un peu mais la ferveur de la salle, son désir de rêver, de rendre hommage à quelque chose qu'elle a beaucoup aimé, m'attendrit.

    Chaud

    J'aime bien, malgré les suées dans les transports tandis que des andouilles sur les voies bloquent la circulation des trains.

    Un déménagement se confirme: Nanterre Préfecture en avril ou mai prochain. Cela devient n'importe quoi.
    Je devrais changer de boulot, chercher vers Melun. Mais j'aime bien celui-ci, j'aime bien m'occuper des gens même s'ils me font râler. Et je m'entends bien avec ma collègue, ce qui n'a pas de prix. Trop d'inconnues pour changer maintenant: le système d'assurance de la branche flageolant qui met en péril la survie de la mutuelle, un supérieur hiérarchique compétent qui aura soixante-cinq ans en 2017, O. qui commence ses études (et donc va les terminer), H. qui ouvre la possibilité de déménager à Tours ou à l'étranger… Je n'ai pas envie de changer maintenant pour tout quitter dans deux ou trois ans.
    Ce qui m'ennuie le plus, c'est de m'éloigner de la Seine.

    Skiff par 38° à l'ombre (pas d'ombre sur la Seine). Cinq kilomètres, pas plus. Vraiment trop chaud. Il faudrait y aller le soir, mais cela me fait rentrer à neuf heures.

    J'ai perdu une des boucles d'oreilles achetées à Mycènes et cela me fait de la peine. En rentrant, l'émission sur le linéaire B avait évoqué Schliemann, l'un de mes héros depuis que j'ai découvert un peu par hasard sa biographie dans un livre France-Loisirs durant mes années de lycée (Des Dieux, des tombeaux, des savants. Le roman vrai de l'archéologie de CW Ceram. La libraire de Mollat qui l'avait lu (parce que vendeuse je le conseillais et vendais beaucoup et cela l'intriguait) avait fait la moue: vulgarisation de bas étage, rien d'extraordinaire, avait-elle jugé. Mais moi ça m'avait fait et me fait encore rêver).

    Reprise

    Relevés des changements en trois semaines :
    Le quai du RER A gare de Lyon est carrelé à grands carreaux gris souris clair (les murs sont encore rouge orangé).
    Les murs de l'arrivée du RER D même gare sont carrelés à grands carreaux blancs cassés.
    Par les fenêtres du RER en passant aux Halles, plusieurs piliers et murs étaient carrelés de petits carreaux argent miroir flou à facettes. Cela donne l'impression de briques de verre. C'était intéressant en petite quantité, je crains que ce ne soit laid sur de grandes surfaces.

    Photo prise le 8 juin, dans la série "je documente les changements du métro". Quai du RER A aux Halles.



    Je continue à lire la Correspondance d'Hegel. Plaisir snob de lire Hegel dans le métro, plaisir enfantin de se dire qu'on lit du Hegel — et qu'on le comprend!

    A dix heures et demie il fait encore 28° dans la chambre.

    Consternation solitaire

    Finalement il n'y a que moi que cela consterne d'être rentrée.
    Ceux qui passent la journée à jouer et regarder des séries (vive la fibre!) s'en remettent très bien.



    Repassé un peu. Emission sur la rétine.
    Candy crush: il faut que j'arrête.
    Rangé mon armoire. Jeté des habits.
    H. m'a proposé d'aller essayer une MX5 mais il était trop tard: garage fermé.

    Enseignements

    J'ai compris trois choses: qu'il ne faut pas prendre de vacances avec H. en France (soit il a déjà visité avec ses parents, soit c'est une ville cliente et cela lui rappelle le travail, soit les deux); que ce qui l'intéresse, c'est la tournée des restaurants et éventuellement les musées (peintures entre 1850 et 1950); que ce qu'il aime, c'est se baigner dans une mer chaude (au moins relativement).

    En faisant le point, nous sommes également convenus que le moment où nous pouvons prendre nos vacances ensemble est juin: l'époque la plus creuse avec le mois d'août — mais il y a trop de monde au mois d'août pour notre misanthropie commune.

    Retour

    Le petit déjeuner n’est servi que jusqu’à neuf et demie, ce qui nous sauve: à cette heure-là nous sommes sur le pont-canal que nous traversons en flânant, nous observons la Loire, avons le bonheur d’apercevoir le point bleu d’un martin-pêcheur qui plonge à plusieurs reprises.

    A dix heures nous sommes le long du chemin de halage à observer une grosse maison de maître (douze pièces principales, cinq —cinq!— caves, nous avons vu l’annonce dans une agence immobilière) en vente depuis si longtemps que la vigne vierge envahit les fenêtres. Il devient urgent de prendre soin de la toiture dont quelques tuiles semblent avoir bougé. Un peu plus loin, de l’autre côté de la rue, une maison aussi grosse est également en vente, mais confiée à une agence hors de Digoin.

    Vivre ici: ce ne serait pas raisonnable (autant s’installer à Tours) mais je comprends au désir que j’en éprouve que je ressens un vrai besoin de paix.

    Direction Nevers par les petites routes, un temps magnifique, «un temps de cabriolet».

    Nevers désert, cette ville semble morte lundi au mois d’août. L’été, il y a les villes qui se vident et celles qui se remplissent, celle-ci est désespérante.
    Le château des ducs de Nevers ne se visite pas à proprement parler, son accès est libre. Il est utilisé pour des expositions et par la mairie, un escalier neuf a été installé: je préfère cela à la momification. Ces trois semaines de voyage nous ont montré à plusieurs reprises que rien ne valait les châteaux habités, utilisés, vivants. Même les salles sous les combles utilisées par conseil municipal sont accessibles; c’est en tout cas ce que nous avons compris d’un film diffusé au sous-sol: il était si didactique que nous avons jugé inutile de monter dans les étages…
    Bernadette Soubirous a vécu à Nevers les quatorze dernières années de sa vie et y est enterrée.
    O. ne connaît pas la botte de Nevers mais Le Bossu n’est pas en vente au château.
    Passage dans la rue Marguerite Duras (cf. Hiroshima mon amour).

    Nous repartons dans la campagne par des routes un peu plus importantes. Château de Guédelon, nous y étions passés en 2003 au début du projet, c’est devenu une point de passage important, deux parkings et celui des bus. Poussière blanche et odeur animale. Trop cher pour une visite qui nous intéresse peu (quinze euros) mais je tiens à passer par la «boutique aux goodies»: je suis fascinée par les cochonneries (produits dérivés) qui s’y trouvent, autant par leur invention que par leur vente. H. achète de la confiture et des gâteaux.

    — On revient avec combien de pots de miel?
    — Trois : le château de Bazoches, l’hôtel à Digoin, et la Camargue au bord de la route.
    (Digoin: le miel du patron, payable à part, pas avec la note de l’hôtel-restaurant, «c’est la caisse de la patronne».)

    Rogny-les-Sept-écluses, aménagement commencé sous Henri IV, désaffecté depuis cent cinquante ans. Admirable et si tranquille. Les hirondelles effleurent l’eau, la touchent, nous ne comprenons pas si elles boivent ou attrapent des daphnies.

    Nous rentrons. Montargis, Nemours, Fontainebleau. L’autoroute (chemin le plus rapide) permet d’arriver dix minutes plus tôt (que le chemin le plus court), nous dit Waze. Nous restons sur le chemin des écoliers: pourquoi serions-nous pressés de rentrer?

    En carafe

    Le petit déjeuner étant servi jusqu’à onze heures, c’est l’heure à laquelle nous quittons l’hôtel.
    Détour pour aller voir au bout de la rue le restaurant Troisgros: apparemment la façade a beaucoup changé (n’a plus rien à voir) avec les souvenirs d’H.

    Roanne Digoin par les petites routes. Nous arrivons aux Diligences sans avoir tout à fait le temps d’avoir faim.

    C’est alors qu’H. flashe sur une bouteille de Nuits-St-Georges de 1971:
    — Mais nous ne pourrons pas la boire et reprendre la route, il va en rester.
    — A ce prix-là, je l’emmène!
    — Mais elle va avoir chaud, dans la voiture.
    Nous nous regardons.
    Et c’est ainsi que nous décidâmes de prendre une chambre sur place, afin de pouvoir boire tranquillement notre bouteille, laisser s’aérer le vin — et accessoirement dîner ici ce soir.

    Après-midi à ne rien faire sur le balcon de la chambre qui donne sur la Loire, au loin. je regarde les clubs d'aviron les plus proches — ils sont loin, Mâcon, Le Creusot. O. a fait remarquer que Digoin est au barycentre de Tours-Mulhouse-St-Rémy…

    Au cinéma à sept heures, Coup de tête de Jean-Jacques Annaud, avec Patrick Dewaere malchanceux et charmeur. Revoir la France de 1979, se souvenir que le foot rend fou et entendre le patron d'une grosse entreprise normande qui subventionne le club local dire: «j'entretiens onze imbéciles pour avoir la paix avec huit cents». Un bon film.

    Puis fin de la bouteille au dîner.

    Remontée

    Nous devons laisser le gîte à dix heures : jamais nous ne nous serons levés aussi tôt (huit heures et demie).

    Stratégie de contournement encore: Tarascon, Nîmes, Alès, col du Thort, Pradelles, Puy-en-Velay.

    Il pleut, je conduis, virages sur virages, routes étroites, j'adore. Un accident frontal, voitures inutilisables mais apparemment rien de grave, plus loin une autre qui a aterri cinq mètres plus bas dans la prairie.
    Repas de cantine à Chamborigaud (le premier restaurateur nous a refusé, affolé: dix personnes déjà dans son restaurant, il ne pouvait pas faire face); France Inter, le déchiffrement du linéaire B, Dany Laferrière, Denis Brihat, le combat des indiens Kankuamo de Colombie et des Penans sur l'île de Bornéo pour ne pas disparaître.

    Le Puy-en-Velay, nous achetons un produit apaisant pour O. que les coups de soleil démangent atrocement. Basilique, son entrée étrange au cœur de la nef par un escalier qui plonge vers la ville.
    Je venais voir in situ la fresque de St Michel que j'avais découverte au musée de l'architecture à Paris; elle est invisible du sol, il faudrait monter dans la galerie, sans doute en visite guidée. Nous repartons.

    Il ne pleut plus, il fait même beau. Magnifique promenade sur le haut du Forez, La Chaise-Dieu (l'une des premiers clients de logiciels pour H. encore étudiant: le festival de La Chaise-Dieu), une biche fait un écart en voyant la voiture, nous avançons lentement vers Roanne, toujours ce problème de trouver des restaurants qui servent encore à nos heures farfelues.

    Une bonne adresse (tant il est vrai que les voyages en famille sont plutôt des voyages gastronomiques): La Grillotière à Noirétable.

    Nous arrivons à Roanne par des routes de montagne dans une nuit d'encre. Waze devenu fou nous fait plonger au plus vite vers la ville par des routes abruptes et droites. Décor de film, tout est désert, c'est à peine si des voitures sont garées. Impression de fin du monde.

    Actualités

    8h50. Réveillée par les poubelles à six heures et demie. Ils ne dorment donc jamais dans ce pays? (et lorsque je fait quelques pas sur la terrasse une heure plus tard, un bruit de tronçonneuse emplit l'espace: smiley stupéfait.)

    J'écris dans la petite pièce à côté de la cuisine, je trouve qu'il fait trop froid dehors (vingt degrés: on prend vite de mauvaises habitudes). Par la fenêtre ouverte (pour faire entrer le frais: je sais, ce n'est pas cohérent) j'entends une bribe de conversation entre deux femmes qui passent dans la rue: «Il y a eu un accident, on ne sait pas ce qui s'est passé. Il y avait une brèche dans la clôture en face de l'église… il y a une femme qui est morte, coincée par un taureau.»
    Je sursaute: parle-t-elle de quelque chose qui s'est passé ici? Une recherche plus tard, je découvre qu'il y a bien eu un accident à St-Rémy, mais que ce n'est pas ici qu'il y a eu un mort (ou la mort est-elle survenue ensuite?) Nous n'avons pas entendu d'ambulance bien que nous ayons dîné en terrasse ce soir-là, et cela n'a pas empêché la "musique" de continuer tard dans la nuit.


    Autre info, plus amusante: premier rendez-vous pastafarien à Namur (NB: le pastafarisme est impossible aux intolérants au gluten, la prochaine guerre de religion se dessine déjà). Coïncidence (mais il n'y a pas de coïncidence), nous avons acheté une passoire hier à Eyguières.

    Arrivée

    Petites routes du Vercors. Temps radieux. Que j'aime la France.

    O. voulait du nougat, nous nous arrêtons à Montélimar. Un peu par hasard (c'est le lieu qui m'a plu, la place contre l'église) nous déjeunons à la nap'monde tenue par une ancienne Parisienne venue des îles. Elle me plaît, on dirait Bouche dorée.

    Nous lui demandons quel est le meilleur nougat de Montélimar. Réponse catégorique: le nougat Soubeyran, un peu en dehors de la ville. Nous y apprendrons que deux choses ont contribué à la renommée de Montélimar: Emile Loubet et les bouchons de la nationale 7. Les fabricants de nougat avaient engagés des vendeurs ambulants qui vendaient du nougat aux automobilistes coincés des heures…

    J'avais demandé à voir Grignan. Les appréciations sont partagées. C'est un beau château — de la fin du XIXe siècle, voire du XXe siècle. Mes compagnons de voyage n'ont pas aimé; pour ma part il m'a davantage fait songer à Proust (Castellane, Montesquiou, Noailles,…) qu'à Madame de Sévigné.
    A dire vrai, l'extérieur du château suffit: la vue panoramique qu'on a des terrasses, l'isolement, sa domination sur le paysage aujourd'hui encore… Comme cela devait être terrible (au sens de formidable, effrayant) l'hiver au XVIIIe siècle. Madame de Grignan aimait-elle ce lieu? Il me semble que cela devait demander un fort caractère, l'amour des chevaux, des chiens ou des bonnes œuvres (le problème étant toujours de s'occuper).

    Nous arrivons à St-Rémy-de-Provence où j'ai loué un gîte (c'était une surprise). Impossible d'y entrer, c'est la féria, tout le centre est bloqué. Impossible de se garer. Nous transportons les valises à dos d'homme. Présentation du gîte, mignon, en plein centre (c'était l'intérêt, dans mon idée). Une fois notre hôtesse partie, nous nous regardons avec désolation: quel bruit, quelles vacances, quelle horreur. Tristes auspices.
    Nous allons dîner à Maussane, où le centre est également bloqué pour cinq jours. Consolation: Nice puis St-Etienne-du-Rouvray n'ont pas tout étouffé, les municipalités font la fête en bloquant les accès par des voitures, des camions, des buses de béton. Tant mieux.

    Vers le sud

    Nous sommes partis à dix heures du matin. L’idée avait été de rejoindre Roanne pour essayer de retrouver un restaurant mémorable de l’été 2001, mais de petites routes en petites routes en essayant vaguement de suivre la Loire, nous sommes arrivés à Digoin. Le premier restaurant croisé, quasi en bord de Loire, s’appelait Les Diligences. H. jure que c'est lui, le restaurant mythique de son souvenir. Je ne sais pas.
    Quoi qu'il en soit, nous y avons déjeuné comme des rois. Le temps d’acheter un atlas routier au bureau de tabac (qui propose un point Nickel) sur la place de l’église (sur laquelle nichent des cigognes: leur nid déborde de la tour-clocher) et nous repartons. C’est très joli, Digoin. Sûrement froid l’hiver, mais très joli un après-midi d’été. Et il s'y trouve un cinéma à la programmation admirable, j'y note pour cet été Oncle Bernard et Le Sociologue et l'ourson, ce qui me fait éprouver aussitôt de la confiance envers les Digoinais (une ville de huit mille habitants qui programme ces titres avec succès? Yerres ne l'a pas tenté.)

    Lors d’un arrêt à Ste-Catherine d’où la vue s’étend jusqu’aux Alpes (à moins que ce blanc, ce soit des nuages?) nous suivons quelques minutes de reportage sur les usines Maserati: deux mille véhicules par jour sont prévus, mais qui va donc les acheter?

    De proche en proche nous avons rejoint l’itinéraire bis Valence-Marseille. Faubourgs de Vienne, nous traversons le Rhône, nous allons vers Hauterives (Facteur Cheval). Le but est de descendre le plus possible en évitant les bouchons. Je ne tiens plus assise tant la route tourne et le siège frotte sur la chair à vif. Tant pis. Je commence la Correspondance d’Hegel. Savoureux et époustouflant: les lettres Schelling-Hegel, 19 et 24 ans; Schelling envisageant d’écrire dans l’année un pendant à L’Ethique de Spinoza. La grande affaire est l’absorption de Kant: comment faire comprendre au reste de la population qu’il s’agit d’une révolution et non d’une sorte de mode déjà banalisée?

    La recherche d'un hôtel s'avère compliquée: rien sur Booking qui annonce que les hôtels sont complets à 97%, un hôtel complet à Beaurepaire nous fait comprendre que les hôtels accueillent non seulement les touristes mais aussi des mariages; hôtels et gîtes complets à Hauterives; un hôtel, deux, trois, complets à Romans. L'aimable propriétaire du dernier (L'Orée du Parc) téléphone à des confrères: tous les hôtels de la chaîne Accor sont complets et il commence à être trop tard pour que nous espérions trouver ouverts des hôtels indépendants: faudra-t-il réellement dormir dans la voiture?

    C'est alors qu'O. a une idée de génie: il repère sur la carte google un hôtel excentré: peut-être qu'il restera de la place? Oui, mais pas du tout parce qu'il en reste: parce qu'une famille avec trois enfants qui avaient réservé deux chambres a finalement décidé se tasser dans une seule (une suite): nous aurions téléphoné vingt minutes plus tôt, il n'y avait pas de chambre.
    C'est ainsi que nous arrivons à la nuit noire à St-Jean-en-Royans. Un plat de ravioles nous attend: la cuisine fermait, la propriétaire l'a fait préparer en prévision de notre arrivée.

    Départ

    Sept heures : Candycrush en écoutant la radio. Allianz propose 25% de réduction de prime aux automobilistes conduisant des voitures avec système d’aide à la conduite. Le journaliste décrète que les assurances vont s’en mettre plein les poches puisque qu’il y aura moins d’accident (mais non, réfléchis: c’est justement pour cela qu’il propose 25% de réduction: parce que cela provoquera moins d’accidents); puis déplore que cette amélioration de la sécurité va provoquer des pertes d'emploi: moins d'infirmières, moins de garagistes… (je manque de m'étouffer dans mon café); et puis sans doute qu'il y aura moins de propriétaires de voitures et plus de location quand la voiture intelligente pourra venir chez vous uniquement quand vous en aurez besoin: que va devenir l'économie?
    Je suis abasourdie et navrée: ainsi, nous en sommes encore là, que des journalistes sur France Inter ou France Culture souhaitent davantage de voitures et d'accidents pour faire fonctionner l'économie?

    Repassage du plus urgent avant de fermer les valises. J’écoute Nathalie Sarraute (podcast de France Culture ou France Inter). Elle cite Yourcenar qualifiant le bonheur de "sous-produit". Je comprends bien ce que cela veut dire: non produit de second ordre, mais produit obtenu en outre, effet secondaire désiré et souhaitable à ne pas souhaiter en tant que tel, mais qui survient, advient, alors qu'on l'a presque oublié.

    Nous partons si tard que nous déjeunons à Sens.
    Il fait beau.

    Etape à Bazoches car je voulais visiter le château de Vauban. Demeure habitée donc vivante, qui échappe à la mise en scène des monuments historiques. Le plus impressionnant est sans doute les quatre arbres généalogiques de la galerie où travaillait Vauban avec ses ingénieurs, l'un descendant de Saint-Louis, un autre montrant les liens entre les actuels propriétaires et leurs différents cousins. Je découvre à cette occasion que les propriétaires de ce château possède également celui de Cheverny à quelques kilomètres de chez mes parents (ce qui à la faveur d'une homophonie patronymique occasionne à la maison quelques coups de téléphone mal aiguillés.)

    Persuadé (à tort) que l'hôtel du Lion d'or à Vézelay est celui de La Grande Vadrouille, H. insiste pour que nous y dormions, ce qui me convient tout à fait: c'est ainsi que je peux visiter (très vite, très discrètement, c'est l'heure de l'office) la basilique de Vézelay dans la lumière de fin d'après-midi.

    Nous dînons à l'hôtel du Cheval blanc (ces noms d'hôtels… de quoi réjouir Nabokov). Surprise en ouvrant la carte: le chef a passé son exaspération en écrivant une page qui nous apprend qu'une directive européenne rend obligatoire de prévenir les clients des produits allergènes contenus dans les plats. Il proteste en faisant remarquer que tout allergique normalement constitué avait auparavant le bon sens de poser la question au garçon…
    Voilà qui éclaire un mystère: je me demandais pourquoi tant de gens qui "mangeaient de tout" (selon la terminologie de l'enfance) devenaient soudain intolérants (terme révélateur) à ceci ou cela : cet avertissement m'a fait comprendre que c'est tout simplement qu'on leur fait se poser une question qu'ils ne s'étaient jamais posée.
    Pour le reste, le dîner est excellent.

    Suite

    Encore itunes, mais cette fois-ci les podcasts. Et je n'y comprends rien. J'ai abandonné l'espoir de comprendre les abonnements et je suis allée directement chercher sur le site du Collège de France, en découvrant au passage iTunes U. J'ai récupéré Alain de Libera, Anne Fagot-Largeault et John Elster (même si je ne suis pas convaincue par les deux derniers après écoute d'une heure de chacun).

    Le soir à la nuit tombée je termine malgré tout le nettoyage des placards de la cuisine, histoire d'avoir fait quelque chose durant mes vacances.

    Itunes

    J'aurais dû continuer — mais j'ai plutôt passé mon temps à charger des disques sur mon ordinateur; à essayer de comprendre comment fonctionne itunes. Je crois que j'ai compris deux ou trois choses, c'est un début.

    Vers six heures, me disant que je ne peux pas me contenter d'être restée assise toute la journée, je vais en salle faire vingt minutes d'ergo puis vingt minutes de sauna. Inévitablement (pourquoi chaque fois je crois que je vais y échapper?) je m'écorche la peau près du coccyx.

    Corvée annuelle

    Le temps de vacance (singulier) à la maison sera court cette année : trois jours, peut-être cinq.

    Je reprends mes chères corvées toujours remises "aux vacances", avant que je ne remplisse celles-ci d'une foultitude d'autres idées. Après le lessivage des murs l'année dernière, nettoyage des placards de la cuisine cette année (tout vider, tout remettre — ou presque) en écoutant deux spécialistes présenter Kierkegaard (comment vivre en homme? comment vivre en chrétien? (vivre en chrétien est quasi impossible tant c'est difficile)). Et puis Gilles Boeuf de nouveau: «Nous on se bat pour sauver le vrac, comme je dis. — Comment, même les puces? — Mais oui! On ne va pas sauver que ce qui nous arrange! La nature n'a pas créé les puces pour nous embêter» et ma préférée: «si Dieu existe, il aime les coléoptères» (ce n'est pas de lui, il cite quelqu'un, je ne sais plus qui). «Alors qu'est-ce qu'on fait? On fait des conférences; l'humain est excellent pour faire des conférences».

    Un article de fond de Rockström, Steffen, Noone, Persson, Chapin III : Planetary Boundaries: Exploring the Safe Operating Space for Humanity, dédié à lecteur qui m'a fait découvrir (ou prendre conscience de) le mot "anthropocène". (Il faudrait que je traduise cet article, mais je ne suis pas sûre de savoir traduire déjà le titre: Des limites à l'échelle de la planète: une étude de l'extension maximale possible de l'activité humaine sans danger pour l'humanité?)

    Le soir, la moitié de Blues Brothers.

    Innocence

    — Il existe des lapins nains nains.
    — Oui, mon lapin est un lapin toy.

    Eclat de rire général.

    — Mais pourquoi vous riez ?

    Les grandes familles

    Journée à Saint-Brieuc. Plage. Pointe du Roselier. Cours sur itunes et Pokemon Go.

    J'écoute les récits de cousinades, de fêtes de famille quasi permanentes (il y a toujours un anniversaire à fêter et la plupart habitent dans un rayon de cent kilomètres — sauf ceux qui habitent à dix mille). Cela me fascine, j'admire et je redoute, imaginer l'organisation me fatigue, je suis décidément très flemmarde. Et puis cela paraît absorber tant de temps, que reste-t-il pour soi? (également égoïste, sans doute, ou tout au moins ressentant un fort besoin (croissant avec l'âge) de se centrer sur soi).
    Mais cela représente aussi une foultitude de souvenirs communs, de conflits à gérer, d'amitié et d'entraide. C'est une école de la vie: tous les cas qui peuvent se présenter au dehors ont déjà été vécu dans la famille.

    A-C. se plaint beaucoup du temps. Elle est là depuis quinze ans. Conversation avec ses sœurs et belles-sœurs: «— Où iras-tu quand tu seras vieille? — Dans un endroit où il fait chaud.» Mais il faut s'y faire nous sommes désormais déjà vieux (non dans nos corps ou dans nos esprits, mais dans le regard des autres; le plus amusant étant notre capacité à décrire quelqu'un de cinquante ans comme quelqu'un de très différent de nous, appartenant à un autre monde, sans prendre conscience que nous appartenons à ce groupe). Il faudrait peut-être partir tout de suite, ce serait plus sûr; ce serait toujours cela de gagné.
    Moi j'aime ce ciel changeant, j'aime les toits gris et le ciel gris et les oiseaux. Si je restais ici suffisamment longtemps, j'apprendrais la voile. Il fait doux. Longue conversation sur la terrasse à la nuit tombée en partageant un cigare.

    Saint Michel, Saint Malo, Saint Brieuc

    Je suis totalement rassurée: il est facile de voyager avec O. Nous avons la même condition physique, la même résistance à la fatigue, le même mépris du temps (météo), le même amour de la voiture décapotée. Et il ne râle pas si je perds un quart d'heure sur Candy Crush! (smiley confus)

    Visite du Mont-Saint-Michel, une demi-heure trop tard pour éviter la cohue. La visite que j'aurais souhaité faire, la visite "approfondie" qui permet d'accéder à Notre-Dame-sous-terre, n'a lieu que le week-end et jours fériés. J'explique à O. le développement de l'ensemble, comme en spirale autour du rocher avec construction de renforts sous certaines salles pour leur assurer une assise (la fantastique salle des gros piliers est la plus représentative, mais elle n'est pas la seule). Il est mal à l'aise, il paraît faire une quasi-phobie face à la foule.
    Programme pour les vingt ans à venir: j'achète Abbayes et monastères de France, ne serait-ce que pour avoir une liste facile à consulter.

    Pourquoi, au pied d'endroits comme le Mont-St-Michel, rien ne prévient les personnes qui ont du mal à marcher et les couples avec poussette qu'il vaudrait mieux ne pas monter? (La jeune femme croisée portant la poussette à bout de bras et déjà épuisée au bout d'une volée de marches… mais hier aussi, sur l'île de Tatihou, des personnes qui n'auraient sans doute pas dû venir jusque là. On dirait que l'idée d'adapter ses sorties à ses contraintes et ses moyens a totalement disparu. J'ai l'impression d'une société devenue capricieuse, au sens où les enfants sont capricieux: la raison sommée de plier devant le désir.)
    Il y a une majorité d'étrangers, souvent sportifs, avec des enfants d'une dizaine d'années.

    Il s'est remis à pleuvoir. L'appli météo du téléphone ce matin indiquait trois jours de pluie (jusqu'à samedi), je décide d'investir dans un ciré — rouge et pas jaune (jaune c'était pour la chanson de Renaud, rouge c'est pour mon total look aviron de Neuilly).
    Bientôt il s'arrête de pleuvoir.
    Direction Saint-Malo à nouveau par "le chemin le plus court" et les routes minuscules au son de la musique du Grand hôtel Budapest. Nous rejoignons tangentiellement la côte. Crêpe au Vivier-sur-Mer. Le cuisinier-serveur(-propriétaire?) est charmant. Un couple franco-italien s'installe avec ses garçons blonds d'une dizaine d'années qui chipotent sur un peu tout et réclament du Nutella (mot qui ne nécessite pas de traduction), tant et si bien qu'O. se penche vers moi et murmure: «Qu'on me donne leur assiette!»
    Et un instant j'imagine la tête des mômes s'il se retourne et leur prend leur assiette en disant: «moi, je vais le manger».

    Saint Malo. J'aurais dû acheter un ciré plus tôt car bien entendu il ne pleut plus (suis-je bête: c'était pourtant évident). Remparts. Marée basse, la plage est tentante, nous contemplons des ados qui s'amusent dans une piscine qui s'emplit et se renouvelle avec la marée (cela me rappelle le cinquième tome des Filles de Malory School. Ce genre de piscine m'avait fait rêver.) Centre de la ville. Deux enfants de dix ans à deux moments différents se font très sérieusement remonter les bretelles par leur mère. Scènes intemporelles entre La gloire de mon père et La guerre des boutons. (Tout n'est pas perdu, tout ne s'est pas perdu.) Errance en s'éloignant de la foule, rues les plus anciennes avec façade en bois, médaillons de Jacques Cartier et de sa femme, maison natale de Chateaubriand (le panneau devant l'hôtel le cite: «je suis né dans une chambre face à la mer» et cite la rectification de sa sœur: «la chambre de notre mère donnait sur la rue». Mais qu'importe? La femme de Chateaubriand a écrit ses propres souvenirs qui eux non plus ne coïncident pas toujours avec ceux de l'illustre…)

    Nous reprenons la voiture. Il fait si beau que nous pouvons décapoter. Nous gagnons Saint-Brieuc par "la route des tracteurs".

    De Lisieux à Jullouville par Bayeux et Tatihou

    Retour à l’écriture dans la voiture. 20h15. Nous venons de quitter Cerisy que je voulais montrer à O. (Nous nous sommes garés près des Escures (écuries) où j’ai eu ma première chambre, je lui ai entrouvert la porte arrière de la bibliothèque d’où il a aperçu les chaises en rang devant le petit bureau (tandis que dans l’enfilade des ouvertures brillait la lumière de la salle à manger), je lui ai montré la fenêtre de ma dernière chambre dans l’orangerie dont la porte était fermée (personne ne dort dans l’orangerie? Il doit y avoir peu de monde. Le colloque sur la textique tenu par Ricardou est-il annulé, ou se tient-il malgré tout grâce à quelques fidèles?), il a vu la pelouse-prairie, le bocage et les vaches qui constituent l’horizon. Je lui ai fait remarquer le silence, l'absence de lampadaires: nuit et silence, je ne dors jamais mieux qu'à Cerisy.

    La voiture a des éclaboussures de boue rouge jusqu'aux vitres: tout à l'heure Waze s'est trompé et nous a fait tourner sur un chemin défoncé autour d'une centrale électrique ou équivalent (des pylones entourés de murs). L'eau cachait la profondeur des flaques et la voiture s'est plusieurs fois enfoncée brutalement dans les ornières. La plaque avant est couverte de pétales d'ombelles de carottes sauvages: O. s'est trouvé face à face avec une voiture au sortir d'un de ces virages impossibles sur route étroite et a donné un coup de volant vers le fossé (plus de peur que de mal).
    Nous repartons.

    Ce matin, nous avons visité la basilique de Lisieux (avec cours sur la IIIe République, l'ordre moral et le Sacré Cœur). Il pleuvait en sortant, il n'a plus arrêté de pleuvoir. Nous roulons penauds sous la pluie, adieu le cabriolet. Bande originale de Fury Road. Bayeux à midi (le pire des parkings que nous ayons jamais vus, indiquant des places libres qui sont en réalité des places handicapés, obligeant à des demi-tours car il n'y a pas de voie ouverte au bout des allées), crêperie (ne pas perdre le sens des priorités), musée à une heure et demie.

    Un jeune homme passe pour prévenir en anglais de la durée de la queue. Fifteen ou fifty minutes? Fifteen, m'assure O. Il reste dans la queue sous le crachin pendant que je vais acheter deux cartes postales pour gagner du temps. Il me rejoint: c'était fifty. Je lui montre un ou deux livres, des cartes postales, qu'il ait une idée de ce que c'est que la tapisserie.
    — On y va? Pas de regret?
    — Moi tu sais, faire cinquante minutes de queue pour soixante mètres de tapisserie…
    La formule me fait rire. C'est bien ce que je pense, surtout sous la pluie. (Plus tard il me dira que deux adultes en ont fait autant, alors qu'il a l'impression que les personnes avec enfants se sentent obligées de rester: mais pourquoi? (Ça dépend peut-être de s'ils viennent de loin, suggérè-je.)

    En parfaits touristes cependant, nous passons un long moment dans une petite boutique qui vend de multiples objets ornés de coquelicots, en souvenir du débarquement. (Toujours mon sur-moi cruchonesque me fait des remontrances: comment, préférer des coquelicots à la tapisserie de Bayeux!!?)

    Nous montons à l'île de Tatihou sous la pluie, nous visitons l'île de Tatihou sous la pluie (fort Vauban, goélands argentés, bruns et marins, grisards et fleurs. J'ai beaucoup d'admiration pour Vauban. Je devrais prévoir un tour de France sur les traces de Vauban).
    L'île peut être atteinte à pied à marée basse (— Une île qu'on peut atteindre à pied…), nous y allons en bateau à roues ("véhicule amphilie"), nous en revenons donc à pied.
    Quand j'ai acheté les billets pour le bateau j'ai également acheté deux ponchos de pluie, nous nous sommes changés dans la voiture pour nous couvrir davantage. Il pleut, l'ai-je déjà dit, grosse pluie, pluie fine, ciel gris et vent.
    Nous revenons à pied, trempons les jeans, les basketts, les chaussettes. Je n'ai rien prévu pour le froid et la pluie puisque je ne prends jamais les prévisions météo au sérieux.

    Je réserve un hôtel en-dessous de Granville, le but étant de se rapprocher du mont Saint-Michel pour demain matin.
    Coutances ou Cerisy? Il est tard, la cathédrale sera fermée, je choisis Cerisy.
    (Conversation hier entre frère et sœur :
    — C'est quoi Cerisy?
    — Tu sais bien, quand papa fait la tête et que maman n'est pas là? Elle est à Cerisy!
    (note à l'intention de mes honorables lecteurs: ce raccourci est tout à fait faux, mais il m'a fait rire.))

    Plus tard, hôtel des pins à Jullouville, à deux pas de la plage: jolie chambre et très bon restaurant.
    Nous faisons sécher les basketts sur la fenêtre et pendons le reste un peu partout.

    De Yerres à Lisieux par Maintenon et la Ferté-Vidame

    H. a des rendez-vous la première semaine de mes vacances, j'ai donc décidé de partir en road-trip avec O. avec deux objectifs: lui faire faire les kilomètres suffisants pour la conduite accompagnée et vérifier que nous nous supportons une semaine avant d'en partir quatre (l'année prochaine si tout va bien).

    Nous partons en retard, le temps que je fasse mes valises et que je range un peu la maison. L'idée était de visiter le jardin de la petite Rochelle mais comme nous avions rendez-vous en début d'après-midi chez Fabrice, j'ai très vite su qu'il fallait abandonner cette idée. Nous nous sommes donc arrêté à Maintenon. Il fait doux et bleu, le jardin est magnifique. Je découvre le projet fou de l'aqueduc qui devait amener l'eau de l'Eure jusqu'à Versailles: il aura manqué vingt kilomètres au projet de quatre-vingt.

    Nous circulons à l'ancienne, carte Michelin sur les genoux. Après-midi chez Fabrice, gâteau au noix, arbres (il reste des ormes) et étang (les écrevisses prises au piège). Quelques projets scouts. L'enfance en Basse-Normandie paraît peu joyeuse.

    En partant nous passons à la Ferté-Vidame (je fais de l'initiation à la littérature par la géographie). Quel étrange lieu de mémoire que ces ruines qui ne sont que les ombres d'un autre château disparu. Nous rêvons devant les ruines d'une ombre.

    Nous repartons en réglant Waze sur "chemin le plus court" (et non le plus rapide) et nous accédons soudain au royaume des moissonneuses-batteuses et des tracteurs. Volutes de poussière, routes étroites (— Tiens ta droite! — Quelle droite?) et bonheur.

    Lisieux. Il existe de petits lapins nains. Friture d'éperlans (un vice caché).

    Dimanche

    Chaque fois que je vais à la messe à Yerres le dimanche matin (pas souvent puisque je vais à l'aviron (mais j'ai décidé d'y aller le samedi afin de passer le dimanche en famille)) il y a un baptême. Lecture d'un message de l'évêque d'Evry au début, puis plus aucune allusion aux événements de la semaine1. Parfait.

    Je pars demain, rien n'est prêt, sauf le triangle dans la voiture. J'ai acheté des chewing-gums.

    Irréprochable. Un peu trop de gros plans, la folie et le doute (le doute sur la folie: responsable ou irresponsable, consciente ou inconsciente?), une construction sans faille.



    Note
    1 : assassinat du père Hamel le 26 juillet.

    Samedi

    Skiff encore, ménage au club comme l'année dernière. Aucun des rameurs "du soir" que j'avais vus au stage dans le Jura n'était là. Avoir tant ramé cette semaine pour s'arrêter trois semaines, c'est dommage.

    Je suis en vacances.

    (Rires en terrasse chez les voisins. Mais nous sommes samedi soir. Soit.)

    Dernier jour

    A huit heures en quittant la maison j'ai réveillé les jeunes voisins qui font la bringue jusqu'à trois heures sur leur terrasse depuis mardi (éclats de rire et conversations, nous avons essayé de leur expliquer qu'à partir de onze heures en semaine, on rentre rire derrière ses volets: peine perdue). (Bon, mes enfants ont eu honte, mais c'est aussi un hommage à Gaston Lagaffe jouant de la guitare pour empêcher la chouette de dormir.)

    Double canoë avec Camille à midi (elle se débrouille étonnament bien et elle est drôle, très nature) et skiff ce soir. Vincent hésitait un peu à cause du vent, mais j'ai tenu à sortir: je tenais à montrer aux "rameurs du soir", qui ne me connaissent pas puisqu'en temps normal nous ne nous croisons pas, que je sais ramer, que je ne suis pas seulement une cinquième roue du carosse utile à l'équilibre des yolettes (mixing my metaphors). J'ai ma fierté et c'est agaçant à la fin, les questions insinuantes pour tâcher de déterminer mon niveau.

    Une semaine de trajets en voiture: biographie de Lili Boulanger (morte à 24 ans, punaise! comme dirait JY) le matin, la musique et le cerveau le soir.

    (Ce soir nous n'avons pas entendu les voisins.)

    Pokémon Go

    C'était décousu à l'oral; ça l'est davantage ici: je dépose ce dont je me souviens, mais ce n'est pas forcément dans l'ordre de la conversation.

    — L'action Nintendo a explosé jusqu'à ce que les marchés se rendent compte que le jeu ne rapportait rien à Nintendo. A la base, c'est le jeu Ingress, bien meilleur et bien mieux fichu et ils ont mis Pokemon dedans. Dès qu'on met du Pokemon dedans, ça marche du feu de dieu, c'est connu.
    — Mais ça marche comment, Pokémon Go? Tout le monde chasse les mêmes ou chacun a les siens?
    — Le même Pokémon au même endroit peut être attrapé par plusieurs personnes. Chacun a sa carte personnelle.
    — Ils ont dit qu'il y a un Pokémon en haut de l'Everest…
    — Mais alors il va y avoir des morts?
    — Il y en a déjà eu. C'est pour ça que c'est restreint à la marche à pied, ça se déconnecte si ta vitesse est trop rapide.
    — ?? Mais alors, ça fait marcher les gens?
    — Oui, la distance moyenne parcourue par les Américains a été multiplié par trois.
    — C'est pas possible!
    — Si. Il faut deux à cinq kilomètres pour faire naître un œuf selon les Pokémon…
    — et Nintendo ne lutte pas seulement contre l'obésité mais aussi contre le système de mesures américain en utilisant le système métrique ce qui fait que la requête Google "conversion km en miles" a explosé
    — Moi ce qui m'tue, c'est que tu étais ringard quand tu jouais à Pokémon deuxième génération…

    Cas de conscience

    Elle était venue en juin pour que nous établissions un devis pour le remplacement de sa prothèse de bras qui était usée et la blessait. Nous nous étions aperçus avec désarroi que les nouveaux modes de calcul lui laissaient la moitié du prix à sa charge (soit plus de quatre mille euros), alors qu'auparavant il lui en restait deux cents. Elle doit gagner le Smic, ou le Smic plus dix pour cent vu son âge.

    Elle revient aujourd'hui avec une facture de cent-soixante quinze euros "pour son diabète". Il s'agit d'un patch qui permet de lire la glycémie sans se piquer les doigts. Elle me tend le barème de remboursement de la mutuelle sur lequel sont détaillés les produits que nous remboursons sans prise en charge de la sécurité sociale (la mutuelle ne rembourse que les produits sur lesquels intervient la sécu1, sauf quelques exceptions: contraception, vaccins, lentilles,…) et me dit que cela devrait entrer dans ses catégories-là.
    A ce moment-là je la déteste. Elle sait parfaitement que cela ne rentre pas dans la liste détaillée. Elle espère faire pression avec son bras en moins. Elle m'explique que l'Agefip refuse d'intervenir pour sa prothèse, qu'ils acceptent de lui installer une station de travail adaptée et dernier cri, mais pas de prendre en charge sa prothèse. L'assistante sociale essaiera de trouver une solution après ses vacances en septembre. Je lui demande pourquoi elle a fait ça, pourquoi elle a acheté d'abord plutôt que se renseigner (mais je connais la réponse: elle savait que nous dirions non: ce n'est pas dans la liste. Elle a espéré nous attendrir, faire le forcing, une forme de chantage moral). Je lui explique que je suis désolée, que ce n'est pas dans la liste, que nous ne pouvons pas faire d'exception, que les exceptions sont injustes pour tous ceux pour qui nous n'en avons pas fait. Je peux simplement essayer de faire ajouter le produit sur la liste des exceptions pour l'année prochaine.
    Elle répond doucement, sans s'énerver, qu'elle n'a pas de chance, que ça tombe toujours sur les mêmes, qu'elle n'a qu'une main à piquer, que six piqûres par jour c'est beaucoup, qu'elle n'a qu'un bras pour tout faire, la vaisselle, se laver, travailler, que ses doigts sont tout abîmés, ne le supportent plus.
    Et tandis qu'elle parle et que je réponds mes platitudes, je pense aux consuls anglais ou américains qui ont refusé des visas aux juifs "pour ne pas faire d'exception", je pense à Nabokov décrivant le chaos de la côte d'Azur et je la déteste et je me déteste.


    Note
    1: ce qui conduit au paradoxe que si la sécu rembourse, la mutuelle rembourse, et inversement: "effet Matthieu" du nom de l'évangéliste, connu en droit social: à ceux qui ont sera donné davantage, à ceux qui n'ont rien sera enlevé le peu qu'ils ont.

    Je rame

    Skiff le midi, yolette le soir, je suis rincée, au point que le retour en voiture est peut-être dangereux. J'ai trouvé mon chemin favori, par la route de Muette à Neuilly et la longue glissade d'Henri Martin au pont Alexandre III. Le jour dure si longtemps.

    Le volubilis perce.

    Mise au point

    Sur FB, GC (spécialiste de l'Afrique anglophone) énonce inutile de s'émouvoir pour Jacques Hamel, le prêtre assassiné aujourd'hui en Normandie par un fanatique musulman, puisque les catholiques ont assassiné des milliers de musulmans en république du Congo Centrafrique (si des imprécisions se sont glissées dans mon résumé, je sais qu'il rectifiera).
    J'avais commencé par répondre sur FB sous sa remarque, mais j'ai effacé ma réponse lors d'une fausse manip. Alors je mets quelques mots ici, juste pour les avoir (enfin) écrits.
    Je trouve ce genre de remarques totalement déplacé pour dire le moins. D'une part elles consistent à appliquer au passé des normes qui n'existaient pas à l'époque, d'autre part(je barre en fonction du commentaire de GC.) Elles reproduisent ce qu'elles condamnent: elles écrasent les individus sous un principe au lieu de rendre toute sa valeur d'homme à chacun. Elles condamnent à reconduire perpétuellement les mêmes gestes, à base de rancune et de haine, à partir du comptage précis des torts et des vertus de chacun. Mais qui peut donc tenir un tel livre de compte?

    Je me souviens du même GC en train de regretter (après le Bataclan?) qu'on n'ait pas davantage parlé du massacre dans une école kenyane en avril 2015, semblant dénoncer un cas de "deux poids deux mesures". Mais je me souviens aussi avoir pensé en avril 2015: "c'est une école chrétienne, personne ne dira rien, d'une part pour ne pas exacerber les tensions confessionnelles, d'autre part parce qu'en Occident, dans l'imaginaire occidental, les chrétiens ne peuvent pas être des victimes. Ce sont forcément des persécuteurs. Et on ne plaint pas les persécuteurs. On pense ou on dit: "bien fait".
    (Dis-moi, Guillaume, t'es-tu indigné devant le récit de cette musulmane venue se recueillir devant ses morts à Nice et qui s'est fait insulter? Parce que ce que tu viens de faire, c'est le même mouvement que les insulteurs).

    Je me souviens du jour où j'ai compris que nous allions laisser mourir les chrétiens d'Orient sans rien dire, parce qu'ils étaient chrétiens. Une statistique était sortie qui montrait que la religion la plus persécutée dans le monde était le christianisme, et cela avait fait rire Kozlika sur Twitter (rire d'incrédulité, pas de moquerie). On sortait de la "bataille" pour le mariage gay (le mariage pour tous), et j'ai compris que mes amis homos, mes connaissances homos, en voulaient si profondément à l'Eglise qu'ils ne verraient pas, jamais ou beaucoup trop tard, des persécutions qui menées contre n'importe qui d'autre auraient aussitôt coalisé leur soutien. J'ai compris que cette fois-ci, eux, généralement si sensibles aux persécutions, ne diraient rien; et que les autres groupes capables d'indignation (la "gauche", pour parler vite, et l'Eglise elle-même) ne diraient rien non plus, pour éviter d'allumer une guerre de religions, suffisamment proche comme cela (leur donné-je tort? Non, oui, je ne sais pas. Mais des gens meurent en martyr, pour leur foi, cela mérite au moins du respect.)

    Je ne peux pas en vouloir à mes amis homos. Je comprends leur point de vue, d'autant plus que j'ai souvent eu honte de l'Eglise devant certains propos inadmissibles. Mais toi, Guillaume, j'ai un peu plus de mal à comprendre. Vas-y, compte les morts au Congo, les fous anti IVG, les prêtres pédophiles. Compte les léproseries, les aides aux galériens, les soupes du Secours catholique, l'aide actuelle aux réfugiés en Grèce. Compte tout ce que tu veux et explique-moi comment tu fais tes calculs et comment tu tires le bilan comptable de tout cela. La méthode de calcul chrétienne veut qu'une étincelle de lumière vaille plus qu'un océan de ténèbres. Mais on n'est pas obligé d'utiliser cette méthode. Laquelle retiens-tu? Œil pour œil, dent pour dent? Autre chose?

    Bien fait pour les chrétiens, ils ont massacré, bien fait pour l'Occident, il a colonisé. OK. Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait? On se suicide tout de suite pour montrer notre remords, on se laisse assassiner par repentir ou on cherche une solution pour passer à un autre modèle?

    Programme de la semaine

    Cette année, j'ai d'une part posé mes vacances pendant la fermeture du RER A, d'autre part demandé des places de parking à La Défense pour la semaine où je travaillais encore.
    J'ai donc fait l'expérience ce matin d'aller travailler en voiture à La Défense. Conclusion: c'est loin et le trafic est chargé. Il faut dire que le RER C est en travaux à la même période. (Ça tombe bien, justement l'année où il y a moins de touristes à cause des attentats).



    Skiff le midi, dix kilomètres. Par instant je "sens" quelque chose, le temps se suspend.
    Yolette le soir, encadrement de débutants. Cette semaine, ce sera aviron midi et soir, au cas où il y ait besoin de moi: la crue a décalé dans la saison la formation des nouveaux et plus on s'enfonce dans l'été, moins il y a de confirmés pour l'encadrement.

    Grégoire, Nicolas, Sandrine. Yolette de trois rameurs, pas assez de monde. Grégoire fait partie de ceux qui explique TOUT dès la première séance alors que plus le temps passe, plus je me contente de trois fondamentaux: les pelles à fond dans les colliers, verticales quand elles sont dans l'eau, le mouvement calé sur la nage. Le reste… ça viendra, et parfois il arrive même qu'on trouve des trucs tout seul.


    Mort de Ricardou.

    Jardin (et sex symbol)

    J'ai semé du volubilis près de la porte condamnée et l'ancolie reçue il y a quelques jours en cinq points du jardin.


    Le soir, un peu par hasard, nous avons appris que les copines de A. fantasmaient sur son frère dont elles ont vu une photo sur Facebook. Ahurissement de C. et fou rire général.

    Samedi

    Quatre: moi à la nage, Stéphane qui a râlé tout le temps, Patricia qui a servi de bouc émissaire, Sylvie. Bateau chaotique mais il fait BEAU.

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    Et comme tout le monde m'a dissuadée d'aller voir Camping 3, j'ai rouvert ma grammaire grecque.

    Mr Gaga : sur les pas d'Ohad Naharin

    J'ai découvert que de tous les arts dits contemporains (y compris le nouveau roman), seule la danse me paraît aller de soi.
    Documentaire sur Ohad Naharin. Toujours la même question sur ce genre de film: d'où viennent certaines images; qui a tourné, et pourquoi, les images sur l'enfant à la fin, par exemple? Est-ce que cela s'est produit alors que quelqu'un filmait ce jour-là pour une autre raison? ou est-ce de la mise en scène, la reconstitution d'une situation qui a réellement eu lieu un autre jour?

    Entre tyrannie et exultation. Je ne peux pas juger, mais simplement dire que j'ai aimé.


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    encadrement des débutants : Jean-Michel à la barre, Jérôme et moi planqués au un et deux. Camille et Arnaud.

    Jardins

    Aujourd'hui j'ai écouté Gilles Clément sur les jardins (et parcs).

    Il manque à la radio les photos projetés (ils sont peut-être sur le site du Collège, je n'ai pas cherché) mais on se fait une bonne idée de ce qu'il montre rien qu'à l'écouter.

    Je note ici le jardin politique: un jardin d'orties, contre une «loi inique» (sic), l'interdiction des pnpp (préparations naturelles peu préoccupantes, toutes les alternatives naturelles aux pesticides et autres).
    Cet avis d'un professeur posé m'est précieux car je ne sais jamais en écoutant à la radio les personnes qui protestent si elles ont raison ou si elles sont dans le théâtre. L'ennui c'est que ce n'est pas incompatible; or j'ai beaucoup de mal à prendre au sérieux les personnes théâtrales; or il faut souvent être théâtral pour passer dans les médias (voir le récit de Jane Eyre dans Jane Eyre, quand la famille qui l'accueille lui conseille d'être plus sobre dans le récit de ses persécutions)).

    Belle leçon inaugurale qui allie méditation, rêve et engagement politique.



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    Encadrement des débutants: Véronique et Gaël, François-Xavier et Simon.
    Champagne: Jean-Marie offre un pot car il quitte le club. Vincent m'explique le principe de ses tableaux de suivi de présence. Je crois que je vais adapter l'idée pour suivre la régularité de mes lectures en théologie et de mon travail en grec.
    Film: Truman. Pour apprendre à mourir.

    Mercredi

    Je suis seule au bureau. J'ai repris dans l'ordre les conférences inaugurales au Collège de France (sachant que celle de Supiot est téléchargée à la place de celle de Rosenvallon) et comme je les écoute en faisant autre chose, je les écoute deux fois, dans l'espoir de ne pas suspendre mon attention aux mêmes endroits.
    Belle évocation de Kafka dans celle de Supiot (et hommage au mutualisme à la minute 52). Celles sur l'informatique et l'algorithmie m'ont fait rire.

    Troisième mardi de juillet

    J'ai accompagné O. s'inscrire à Paris VII Diderot: rapide et très bien organisée.

    Masculin féminin. Baba au rhum. A quatre heures rue du Temple un panneau lumineux sur une pharmacie annonce 42°.

    Le monde devient fou — ou sa folie est davantage mise en scène et rapportée. Attaque au sabre sur une plage du Maroc, attaque au couteau dans un train en Allemagne. En pensant à la violence feutrée mais omniprésente de Masculin Féminin (coups de feu, coup de couteau, suicide par le feu, chute par accident, sur fond de guerre du Vietnam), je me disais que cela devrait faire surgir de nouvelles formes d'art ou de littérature.

    L'hôtel en Grèce n'a pas répondu, j'ai réservé en Provence. Des vacances à trois, l'idée m'effraie un peu (il va manquer une personne pour la belote).

    Bêtise

    Ramé en petit haut à bretelles afin de compenser la marque de bronzage de la combi d'aviron.
    Moralité j'ai un coup de soleil homard.

    J'ai réglé mon skiff plus bas ce qui fait qu'il est beaucoup plus instable. La Seine est sale et charrie beaucoup de déchets et de bois mort: j'ai heurté des bûches et abîmé la jolie peinture bleu ciel de ma coque.

    Le soir, visite d'I., notre amie partie à Boston. Barbecue jusqu'à ce que nous soyons chassés par les moustiques.

    Il fait très chaud — enfin, enfin, enfin.

    La Rochelle

    Nous partons bien trop tard, après avoir hésité à nous baigner dans la piscine (nous aurions dû). L'hôtel est étonnamment familial, c'est chaleureux.

    La Rochelle sous le soleil. Je n'avais jamais vu cette ville, belle et sereine. Francofolies, le port est interdit (barrières et agents de sécurité, organisation). C'est fête au village, again. Nous croisons une dame désabusée: «il ne faut pas habiter ici, avec le monde et le bruit jusqu'à deux heures du matin»; un jeune blond bronzé lui répond avec un sourire fataliste: «je travaille dix-huit heures par jour». Mais les commerçants restent serviables et souriants.

    Plateau de fruits de mer, sieste dans le parc (j'ai acheté un drap de bain La Reine des neiges en pensant à Matoo), plage, je n'aime pas trop cela (voire pas du tout), j'écris des cartes postales, l'eau est froide. Je songe à la conférence inaugurale de Gilles Bœuf entendue par hasard: «je peux vous donner la concentration en streptocoques anaux dans l'eau à 18 heures» et ça ne fait pas envie, même si ça me fait rire (parce qu'on s'en fiche: je suis même persuadée que c'est bon pour le système immunitaire).

    Glace, retour, autoroute chargée, cela nous ennuie, nous sortons. Nationale vide, Poitiers, Châtellerault, la campagne magnifique dans le couchant de Descartes à Montrichard, nuit, des châteaux surgissent dans les phares. Les panneaux devenus trois fois plus lumineux qu'il y a dix ans (augmentation de l'âge moyen des conducteurs oblige) sont illisibles dans les pleins phares.

    Jargeau pour éviter Orléans, Pithiviers, la fatigue gagne, je joue à Candy Crush, nous avançons lentement, rediffusions sur France Culture, mais qui est Janine Charrat? Jamais entendu parler. Je dors et divague.

    Arriver

    A six heures et demie au bord de la piscine. Une heure que je ne peux plus dormir. Je viens de m'installer ici, enveloppée dans le couvre-lit, s'il se pouvait que j'arrivasse à bloguer, à terminer un ou deux billets, but de plus en plus inatteignable. Odeur de croissants. Il fait beau. Moineaux. Aujourd'hui nous arriverons peut-être à arriver à la mer. Nos voyages sont ceux de la flèche de Z., plus nous avançons plus le but s'éloigne.

    De Tours à Niort

    Chaque fois que nous sommes ensemble, nous en profitons pour mettre à jour notre garde-robe: chaussures (quatre paires!), lingerie, casquette en cuir, chapeau cloche en paille… et antimoustique (ils sont redoutables cette année, ils se sont multipliés avec les intempéries).

    Une crêpe chez Mamie Bigoude plus tard (j'ai eu le temps de lire quarante-trois pages de Fantômette brise la glace — nous n'avons pas réussi à avoir le nom de leur décorateur (vers l'Atlantique, nous disent-ils) — je me suis dis que j'allais tapisser mon salon d'affiches de cinéma, comme au bon vieux temps quand nous avions reconstitué la carte d'Europe avec des cartes Michelin sur un mur entier), et nous quittons enfin Tours. Il est quatre heures et demie, je ne sais pas ce que nous allons trouver à Richelieu à cette heure-là.

    J'avais tort de m'inquiéter. C'est une ville que je ne connaissais que par une carte postale des Cruchons, et lorsque j'avais vu qu'elle était sur le chemin de La Rochelle (notre but), j'avais insisté pour qu'on s'y arrêtât.
    Nous tombons sur la fête biannuelle, les habitants et des comédiens en costumes d'époque, une bonne odeur de crottin (promenades en poney) et de feu de bois (cuisson de jambonneaux à la broche) ajoute à la reconstitution. Nous parcourons les lieux avec ébahissement, je songe que les Cruchons, au moins certains, trouveraient beaucoup à redire à cette animation (dans tous les sens du terme) mais je me laisse porter par le soleil et l'ambiance de kermesse. Tout cela est gai et sbon enfant.
    Richelieu en Arts, nous dépensons encore, un Turc rose et une jeune fille bleue. Bourrées sous la Halle, une dame ressemblant à Mme de Merteuil apprend les rudiments de la contredanse aux spectateurs, puis fifres et tambours.

    Nous quittons Richelieu, il est sept heures et demie, je veux passer par Loudun à cause des sorcières et d'Huxley. Mais pas de trace dans la ville pour le peu que nous en avons vu.
    Plus tard nous arrivons en face du château de Thouard, par delà la vallée. Magnifique vision, mais il est trop tard. Le soleil descend, Hervé s'amuse avec sa nouvelle voiture (le régulateur de visite qui ralentit de lui-même quand la voiture approche d'une autre, ou redresse quand nous ne sommes plus exactement entre les lignes sur la chaussée).

    Nous avons réglé Waze pour trouver l'hôtel, avec stupéfaction nous bifurquons avant Niort pour nous enfoncer dans la zone industrielle, immeuble de la Maaf, Decathlon, ou sommes-nous? J'ai l'impression de certains soirs aux Etats-Unis dans les zones urbaines, nous tournons encore, immeuble du RSI, une allée, un hôtel "de charme" ici? (non, c'est la chambre qui est "de charme").
    Nous découvrons à l'abri de murs une maison de la région transformée en hôtel, avec une jolie piscine ronde. Tranquille et inattendue.

    Dîner à Niort, la place de la Brèche est transformée, Hervé ne reconnaît rien. La Villa, restaurant sympathique qui bizarrement nous oublie à partir de onze heures: il faut réclamer le dessert, réclamer l'addition, réclamer de payer… Nous perdons une demie-heure de sommeil, c'est agaçant, dommage, tout était parfait.

    Un château bien géré

    Ecrire après (inévitablement toujours après), c'est écrire en sachant des choses que nous ne savions pas pendant que nous vivions la journée. Tout se teinte de ce qui est survenu entre le temps de la vie et le temps du récit, avec une sensation d'indécence et de devoir de silence. Ou bien non: le devoir de continuer comme si de rien n'était: keep calm and carry on ou le spectacle continue.
    Billet commencé le 15 juillet au matin.

    Matinée dans les locaux d'Hervé. Il déménage demain et samedi. Comme d'habitude des imprévus lui sont tombés dessus (quelle est la nature réelle d'un imprévu systématique?) J'en profite pour faire du courrier en retard. J'ai tellement de retard dans un peu tout que je pourrais rester enfermée une semaine entière avec mon ordinateur, quelques cartes postales et des cartouches d'encre (pour stylo, pas pour imprimante).

    Résultat définitif d'APB (admission post-bac): ce sera donc une double licence math-info à Paris Diderot. Nous n'aurons pas d'enfant en classes prépa, c'est bizarre pour nous qui avons tant aimé cela, mais aussi soulageant pour moi qui m'en souviens comme d'une épreuve physique et mentale (physique, oui: je me souviens des transformations physiques de mon corps épuisé).

    Après-midi au château de Villandry que je n'avais jamais visité. Ce château a eu de la chance dans ses propriétaires successifs. C'est un château Renaissance à l'extérieur, XVIIIe à l'intérieur. C'est ici qu'Henri II Plantagenêt a rendu à Philippe Auguste ses terres conquises sur le territoire français.
    Joachim Carvallo a épousé en 1899 la fille d'une riche famille de Pennsylvanie et ces scientifiques amoureux de l'art espagnol n'ont acheté ce château que pour avoir de la place pour leur collection de tableaux… mais visiblement le couple menait ses passions jusqu'au bout: une fois le château acheté, le propriétaire a mené des recherches pour rétablir les jardins d'origine transformés en jardins à l'anglaise au XIXe siècle tout en redonnant aux façades leur aspect Renaissance; ce faisant il a fréquenté des moines bénédictins à Solesmes, ce qui a ranimé (ou animé) sa foi catholique défaillante (inexistante), amenant la conversion au catholicisme de son épouse protestante qui se mit à étudier l'hébreu: un couple fascinant, suivant avec systématie ses passions dans leurs implications logiques.

    Nous avions remarqué la légèreté des interdits dans les jardins (une corde tendue bas pour interdire un accès, sans panneau) qui s'est confirmée dans les pièces (pas de "ne pas toucher", "ne pas s'assoir" sur tous les meubles), nous avions été étonnés que la visite guidée soit comprise dans le prix d'entrée (c'est-à-dire qu'elle est proposée aux volontaires, sans obligation). Cette gentillesse discrète la nous avait rappelé Chenonceau: avec raison, puisque dans les deux cas il s'agit d'un château privé. N'y a-t-il donc que les monuments nationaux pour avoir la manie de l'affichette en tout genre?
    — Et que fait le propriétaire? C'est un industriel?
    — Non, il gère le château.
    — Vous voulez dire que le château est autosuffisant?»
    Je suis surprise et enchantée de découvrir un propriétaire qui ne gémit pas que son château est impossible à entretenir. Il vit sur les terres, dans les communs du XVIIIe. Nous faisons de rapides calculs, trois cent mille entrées à onze euros, dix jardiniers à demeure. Je comprends mieux le commentaire du dépliant qui notait que passer à l'agriculture biologique avait entraîné un surcoût compensé par l'abondance des récoltes: cela ne représentait pas l'habituel discours lénifiant des promoteurs du bio; non, c'était le constat d'un homme qui avait pris un risque avec son propre argent. Je suis heureuse de cet autonomie financière comme si je découvrais un écosystème en équilibre.

    Ciel changeant de Touraine, il fait beau sans faire trop chaud, nuages translucides qui tamisent le soleil. Nous achetons des bêtises à la boutique "jardinerie", beaucoup de confitures (j'ai oublié la confiture de sureau).

    Langeais. Il est tard. Restaurant Errard, pigeonneau au gingembre, deux résidents belges et un suisse dans la salle (nous le savons par leurs conversations, non par leur accent). Je me demande un instant s'il ne s'agit pas de Kouchner qui aurait arrêté de fumer (plus rose, un peu bouffi). Mais non, il s'appelle Michel. (Leur conversation est si envahissante qu'un autre couple ira prendre le café et le cognac dans une autre pièce.)

    Retour à la nuit. Il est dix heures et demie, nous trouvons avec peine une place pour garer la voiture en haut de la tranchée (c'est le nom de la côte qui commence à la sortie du pont Wilson au nord de la Loire) et redescendons, le feu d'artifice commence à onze heures. Il y a beaucoup de monde, en descendant la côte nous voyons qu'il sera impossible d'atteindre le pont, le feu d'artifice est tiré d'une île, ce doit être joli les fusées se reflétant dans la Loire.
    Surprise: les lampadaires ne s'éteignent pas pour le feu d'artifice, nous trouvons à nous protéger de leur lumière à l'abri de la masse d'un camion vendeur de frites.

    Feu d'artifice. Le dernier qu j'ai vu remonte à 2012, il y a toujours des progrès dans les fusées. J'essaie d'imaginer le métier des ingénieurs en feu d'artifice. Où se font les tests, dans les landes désertes du Massif central?

    Longue remontée, la foule est partout, les voitures, le tram, tentent de se frayer un passage avec prudence. En arrivant à l'hôtel, Hervé m'annonce d'une voix blanche: «un camion a foncé dans la foule à Nice, soixante morts».
    Et parce que nous venons de revenir dans une telle foule, j'essaie de bloquer les images qui montent.

    Ouibus

    Encore du skiff le midi, j’ai les fesses scarifiées (au sens propre: les marques de la coulisse gravées au sang), il y a du courant et du vent, c’est dur. Dix kilomètres.

    Le soir, je devais rejoindre Hervé à Tours pour passer un long week-end ensemble.
    Au dernier moment, par curiosité, je n’ai pas pris un billet de TGV, mais un billet de bus parce que Captain Train (je ne chanterai jamais assez le bien que je pense de Captain train) le proposait. Trois heures de trajet avec du wifi, je me suis imaginée en train de traverser la Beauce profonde en rattrapant mon retard en blogage.

    En réalité, je me suis retrouvée coincée sur un siège étroit à côté d'un charmante Canadienne qui lisait Le Maître et Marguerite, sans pouvoir m'étirer alors que tous les muscles me faisaient mal, avec un wifi pourri, bloquée par les embouteillages des départs en week-end.

    Nous sommes partis en retard, arrivés en retard, et à ce prix-là personne ne vous aide à placer votre bagage en soute. Mais le conducteur était aimable et les deux rastas derrière moi, un jeune et un mature, tenaient une conversation édifiante (— Je t'ai trouvé un boulot à la Poste, je t'avais dit de pas dire que tu avais le bac, mais tu n'en fais qu'à ta tête. — Mais avec le bac, la formation était plus courte. — Oui, mais ils ne t'ont pas pris. L'important c'est d'avoir la place, quatre mois plus tard tu dis: "Ah au fait, j'ai mon bac", et tu progresses. Mais tu veux toujours en faire à ta tête.)

    Bref, pas convaincue du tout par ce voyage en bus: quel est l'intérêt de prendre l'autoroute pour faire exactement le même trajet que le train? J'étais persuadée que le but, c'était de passer dans des endroits non desservis par la SNCF. Et c'était cela qui m'intéressait, la flânerie, le voyage, pas l'arrivée.

    Aïda

    La représentation fut éblouissante dans tous les sens du terme. Nous étions très bien placés, ce qui nous a permis de profiter de l'équilibre parfait entre les musiciens et les chanteurs.

    Egypte et Ethiopie, époque de la diégèse, Autriche et Italie, époque de l'écriture, guerres actuelles (Afghanistan, Syrie, Daesh,…): trois représentations de l'histoire qui broie les histoires individuelles.
    Remarque sarcastique malgré tout: une vraie transposition dans le monde d'aujourd'hui aurait utilisé des imans musulmans et non des prêtres catholiques bénissant les chars et disant la messe. Mais alors nous n'aurions pas vu la représentation de ce soir, le spectacle aurait été depuis longtemps soit annulé soit vandalisé. (D'un autre côté, reconnaissons que le clergé musulman ne possède pas de signe distinctif, de rite connu de tous, qui permette une utilisation à la scène qui ne nécessite pas une explication.)

    A l'entracte, une sœur menue aux lèvres roses aux cheveux blancs habillée de gris avec une coiffe en forme de toque lit un livre polonais. Elle est magnifique, elle semble sortie d'un film.

    Sondra Radvanovsky : Aïda
    Gaston Rivero : Radamès
    Anita Rachvelishvili : Amneris
    Orlin Anastassov : le roi
    Olivier Py: mise en scène
    Daniel Oren : direction musicale (de profil, on le voyait chanter en dirigeant)

    Projets

    J'ai réservé des places pour Aïda demain soir, parce que l'affiche dans le métro m'avait plu. Et emportée par l'élan, je me suis abonnée pour la saison 2016-2017: l'année prochaine, sans le grec (enfin, juste la "lecture suivie", une fois par mois), mon emploi du temps devrait être plus léger. J'ai abandonné l'espoir d'emmener H., l'expérience prouve qu'il est impossible de caler nos emplois du temps. Je n'ai pris qu'une seule place, sachant déjà qu'il m'en voudra parfois, les soirs où il sera là (à la maison) et qu'il aurait aimé venir, les soirs où il sera là et qu'il désapprouvera mon choix («Vraiment, ça te plaît?»)

    D'autre part j'ai vérifié les horaires d'allemand à l'IPT: le mardi après-midi. Et j'ai alors découvert ce programme (p.19): des weeks-ends de visite de Paris, Rome, Londres, Berlin, Athènes sous un angle biblique (??) avec en accompagnatrice ma prof de grec 3. Engagez-vous rengagez-vous, qu'ils disaient. Ça me tente, j'ai retenu les dates, mêmes si là, c'est quasiment la guerre que je déclare à la maison. (On verra bien. Je préfère qu'il m'en veuille que lui en vouloir. Je préfère la culpabilité à la rancune.)

    Et j'ai commandé mes billets de train pour Marseille: randonnée la Bonne Mère, aviron de mer.

    Encore vendredi

    Pas ramé de la semaine après la grande boucle: fatigue physique mais surtout morale, les conditions étaient vraiment détestables.

    Sortie avec Boris à la nage. Je suis au un, je stabilise, je suis les petites roues du vélo du cycliste débutant.
    Boris est un extraordinaire pédagogue. Quel calme.

    Un arbre tombé bouche quasi entièrement le petit bras.

    Théologie

    Je lis Gibellini. Page 57 je trouve des définitions possibles de la théologie. Théologie : réflexion responsable sur la prédication, sur l’annonce chrétienne. La théologie historique a le devoir de réfléchir sur ce qui a été annoncé, la théologie dogmatique sur ce qu’on doit annoncer aujourd’hui. Ebeling : « sans proclamation, la théologie est vide. Sans théologie, la proclamation est aveugle. » Je comprends peu à peu pourquoi la théologie est si difficile, devient si difficile au fur à meusure que j'avance: la proclamation me fait peur. J'ai peur de me présenter comme chrétienne. Et encore, chrétienne, ça irait, mais comme catholique. Je ne suis ni fière ni rassurée de m'avancer comme catholique, et cela pour deux raisons majeure: la peur du ridicule (entre foi et superstition il n'y a pas de différence pour certains (c'est d'ailleurs le mot que Leo Strauss utilise pour la foi dans Cabale et philosophie (mais en notant qu'il faut être tenté par (et renoncer à) la foi pour être un philosophe valable)) et sans doute plus grave, la peur d'être à priori jugée intolérante (ce que je suis sans doute, mais je préférerais être jugée sur mes actes et mes paroles que sur mon appartenance à une catégorie).

    Et pourtant, chaque fois, je suis surprise de voir combien les gens sont curieux, intéressés (et non pas moqueurs ou agressifs, ce que j'attends toujours), sur ce que l'on peut avoir à dire sur la foi: comme s'ils étaient heureux voire soulagés de pouvoir poser des questions sur cette idée, cette position, bizarre.

    Un Flaubertien qui s'ignore

    C. travaille boulevard Bourdon, j'attends qu'il fasse trente-trois degrés.

    The Nice Guys

    Film cool.
    Rien à dire sur cette journée.

    Selon le projet de reporter dans ce blog tous mes tickets et programmes et faire-parts et factures… Archives.

    Sortie

    Chaque année nous formons les débutants ("les perdraux de l'année") à partir de mi-juin. La crue a tout bouleversé, et le rythme habituel — tank à ramer, planche à ramer (seul sur une barquette en platique insubmersible pour sentir les mouvements de l'eau et du corps), yolette — est impossible, il y a beaucoup trop de courant pour mettre qui que ce soit seul sur une embarcation.
    Les nouveaux montent donc directement en yolette, avec trois confirmés au lieu de deux habituellement, pour être sûr de réussir à tourner (avant les piles de pont, avant d'arriver au Havre…).

    J'y étais ce soir, c'était ma première sortie à Neuilly depuis la crue. Température idéale, beaucoup de courant, beaucoup plus qu'à Melun (apport de la Marne et moindre largeur du lit à cause des îles). Marc et moi avons remonté le bateau seuls sur la partie la plus difficile, j'ai des courbatures dans les épaules. C'était amusant.

    Malgré tout

    J'arrive chez Ladurée — premier étage, le rez-de-chausée est "privatisé" (entre guillemets car je ne suis pas sûre que ce soit un terme très correct, en tout cas il me fait toujours sourire: il sonne délicatement snob à mes oreilles).

    Je m'installe à côté d'un jeune couple en train d'expliquer à une dame âgée comment se servir de son iPhone: ce qu'est une application (spontanément elle repasse par Google), comment paramétrer son empreinte digitale pour ouvrir son téléphone, etc. Elle ne sait pas grand chose; ils sont patients et très aimables.

    A un moment elle leur demande:
    — Et vous êtes étudiants?
    — Oui, nous sommes chanteurs, chanteurs d'opéra.
    La vieille dame n'arrive pas à assimiler cette information étrange:
    — Pas HEC, pas école de commerce?
    — Non, chanteurs, répète la jeune fille.
    — Mais on est intelligents quand même, complète le jeune homme.

    Ombres

    Passé chez "ma" relieur pour lui déposer le catéchisme de Daniel abîmé à restaurer et un Langelot parmi mes doubles afin de voir s'il est possible d'en faire un livre solide qui puisse traverser les générations — nous les lisons tous1 si souvent, machinalement, par délassement.

    Nous nous voyons au café car son atelier est en travaux: installation de doubles vitrages pour protéger du froid (il fait 13° l'hiver) et du bruit. Elle me raconte ses démêlés avec son bailleur "social", quatorze ans de réclamation et de procédure:
    — Ils ont fini par m'envoyer un architecte. Je me suis dis chic, c'est sérieux, ça va être bien. Je reçois les esquisses, le type avait mis des carreaux, des baguettes, sur toutes les baies. Je lui ai dit: "Eh, j'habite pas un loft; je travaille, ici, il ne me faut pas d'ombre sur mon plan de travail!" Eh bien j'ai dû batailler pour toutes les fenêtres.

    Des ombres sur le plan de travail. Je n'y aurais jamais pensé. Voilà l'intérêt des grandes baies: pas d'ombre. Mais bien sûr!


    Note
    1: tous les Langelot et toutes les personnes de cette maison: nous tous les lisons tous?


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    Agenda
    Passé en bibliothèque : L'Essence du christianisme de 1907 n'est pas empruntable. La Quête du Jésus historique (ou la recherche: "Forschung") de Schweitzer semble ne jamais avoir été traduit en français (et c'est en gothique…) Je l'ai emprunté en anglais.

    Vacances (psychologiques)

    AG terminée, derrière nous, derrière moi. Je déteste cette journée, mais cette année cela s'est plutôt bien passé.
    Quatre ans : il y a quatre ans, mon premier contact avec la mutuelle a été une journée de dépouillement.

    Nous avons dîné aux frais de la mutuelle en mangeant les restes du buffet prévu pour les scrutateurs.

    Déjà vu, pour la troisième fois, pour le plaisir, par besoin d'un film connu.

    Vacances : au travail !

    Je m’efforce de profiter des vacances jusqu’au dernier moment pour terminer mon travail.»
    Cabale et philosophie, lettre de Scholem, le 4 septembre 1954
    J'adore cette citation, elle est si vraie.

    L'année étudiante finie, je peux enfin me mettre à travailler. J'entame donc de ce pas mon programme de bonnes résolutions.
    1/ Gibellini, Panorama de la théologie au XXe siècle.
    (Les bonnes résolutions, ça ne dure jamais longtemps, mais tant que ça dure, c'est toujours ça de pris.)

    Dimanche



    La nouvelle vie de Paul Sneider

    Lino

    Ce matin, choc en montant dans le RER.
    Plus tard, Olivier me dira qu'il est déjà monté plusieurs fois dans de telles voitures, plutôt en fin d'après-midi.
    J'en redemande. Qu'elles soient toutes ainsi !




    Au plafond :



    Brexit

    La Grande-Bretagne a voté pour sortir de l'Union européenne.

    Je n'en comprends pas bien les conséquences. Je ne suis pas sûre d'y croire.

    Quelque part en moi quelque chose rit: j'ai grandi au son de «I want my money back». J'ai toujours eu l'impression de gens qui ne se rendaient pas compte de ce qu'ils devaient à l'Europe. De façon générale, je déteste ceux qui font valoir leurs droits sans se sentir tenus par aucun devoir.

    Mais je regrette. Je déteste les séparations, les départs. En pleine guerre contre Daesh, je trouve le moment extrêmement mal choisi.

    Faut-il vraiment croire que la Grande-Bretagne va sortir de l'UE? Tant de nons n'ont pas été pris en compte jusqu'ici.


    Non-n-est-pas-une-reponse.jpg

    Péripéties

    Journée de réunions. Je prends (mal mais plus) la mesure de tout ce qui est en train de transformer la France, l'administration française, de l'intérieur. Informatisation et harmonisation à marche forcée. La DSN (déclaration sociale nominative) oblige les entreprises à déposer leur données de paie dans des concentrateurs, ce qui remplace les multiples déclarations de charges sociales et enquêtes, ce qui va également permettre la retenue à la source (de l'IS) (— Mais tu crois vraiment que la retenue à la source va passer? ça fait tellement longtemps qu'on en parle… — La PUMA1 aussi, on en parlait depuis longtemps. — C'est vrai…), le tiers payant généralisé, etc. Tout le monde est en retard sur tout (40 ou 60% des entreprises n'ont pas encore mis en place la mutuelle obligatoire depuis le 1er janvier dernier); de temps en temps une échéance est reculée d'un an quand les professionnels réussissent à démontrer que leur cri d'alarme n'est pas de la mauvaise volonté mais de la panique ou de l'épuisement.
    Cette modernisation est fantastique et salutaire, mais les équipes informatiques ne savent plus où donner de la tête. Le risque, c'est un bug majeur. Le risque moindre, c'est ce qu'on connaît: l'engorgement, car pendant que les équipes créent le futur, elles ne s'occupent pas du présent.


    Note
    1 : votée sans que personne n'y prête attention le 30 ou 31 décembre 2015 pour une prise d'effet le 1er janvier 2016: nous en avons découvert la mise en place et ses conséquences en février…

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    Axiome : «On ne va pas tarder à déménager. Chaque fois qu'on refait le hall, on déménage.»
    Et de me citer trois exemples par le passé.
    Pour moi, tout l'enjeu est de savoir où: pourrai-je encore ramer le midi? L'ICP sera-t-il toujours sur mon chemin de retour?
    Rumeur concernant Nanterre. Vingt minutes de plus dans les transports, quarante matin et soir? De plus en plus il va devenir cohérent de travailler de chez soi.

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    Je dîne avec O. et avec Paul qui l'héberge.
    Paul commente le sujet de bac spécialité maths:
    — Oui, il y avait une erreur de signe…
    O. l'interrompt: — Moi je ne l'ai même pas vu tellement c'était évident.
    — … et on nous l'a signalée au bout de deux heures. Donc l'éducation nationale s'inquiète pour ceux qui sont sortis avant: mais soit t'étais super doué et t'avais tout fini et même démontré pourquoi le signe était faux, soit t'étais tellement nul que de toute façon ça change rien.

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    H. assistait à une grand messe américaine où chaque Etat essaie d'attirer les investisseurs sur son sol, et tout particulièrement les créateurs d'emploi. Hiiiiiiiiiii, il a vu Obama en vrai.

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    Dernier cours de christologie, dernier cours de l'année. Encore un TG samedi.
    Cinq ou six livres en bibliographie estivale. C'est bien une logique de jeu vidéo : à chaque étape le niveau monte.

    Dimanche

    Un peu de rangement, engueulade avec A., reprise de l'éternelle dissertation de philo. Cette fois-ci, il faut que je la termine d'ici samedi, sinon je crains que je ne puisse m'inscrire en année supérieure — ce qui serait normal: c'est le laxisme accepté deux années de suite qui ne l'était pas.

    J'ai fini Le Pendule de Foucault, et je me souviens que j'ai rêvé de la fin (il y a longtemps, après ma première lecture en 1990), du long appel de la trompette: j'ai rêvé de la terreur de ne pas savoir ce qu'il fallait jouer et j'ai rêvé que je tenais cette note. Ce rêve a traversé les années au point que ce souvenir de rêve a pris la consistance du rêve.

    J'ai repris An Outcast on the Islands. J'y trouve cette magnifique description de rivière:
    Then, through it, after a time, came to Lingard's ears the voice of the running river: a voice low, discreet, and sad, like the persistent and gentle voices that speak of the past in the silence of dreams.
    partie IV, chapitre V

    Puis, à travers cela, après un instant, parvint aux oreilles de Lingard la voix de la rivière qui coulait: une voix basse, discrète et triste comme les voix douces et obstinées qui parlent du passé dans le silence des rêves.
    Le soir, nous ne sommes que trois. O. est reparti à Paris pour dormir chez un ami afin d'être sur place pour son bac. Galette de seigle maison, un peu épaisse.

    Samedi

    Pluie. Ouverture d'un compte courant pour O. qui devra attendre sa majorité pour avoir une carte bleue.
    A. revient de Brighton. Cette école m'inquiète: elle n'a plus d'enseignement en Angleterre alors que c'était son lieu d'origine; la meilleure prof en ostéopathie s'est disputé avec l'administration et les remplaçants ont donné des cours contenant des erreurs qui ont été corrigées par un élève vigilant. La version du cours corrigée a été validée par une prof anglaise, la seconde meilleure, en quelque sorte. Est-ce une école sérieuse?

    Restaurant avec Antoine à Vincennes. Spectacle de claquettes de V. L'année dernière j'y avais rencontré Danielle, cette année notre ancien médecin de famille parti en retraite (et Danielle, encore, déguisée en Colonel Moutarde lors d'un numéro au décor inspiré du Cluedo).
    Il pleut, encore.
    Je dors beaucoup dans la journée pour compenser mes mauvaises nuits.

    Dernier bulletin

    Excellent bulletin de dernier trimestre d'O.
    J'ai envie de pleurer: si seulement il avait compris plus tôt les enjeux, s'il s'était mis à travailler dès le début de l'année, et pas en janvier…

    Je me rends compte que je suis en train de revivre mon bac et que c'est sans doute cela qui me fait prendre tout cela tellement au sérieux. Je fais des cauchemars. Il remonte un cauchemar de cette époque: bac de math, distribution des sujets, je ne comprends rien, je n'ai jamais vu ces formules, je suis perdue, j'ai l'impression que je vais être dévorée. Or mes rêves sont très vivants, très réels, hors de toute sensation de rêve. Terreur, pure terreur, et désespoir.
    Comment tout cela a pu survivre en moi toutes ces années, ce cauchemar, ou le souvenir de ce cauchemar, revenir maintenant avec force?

    Bac histoire géo

    — Pour la carte, on a eu l'Afrique, je la connaissais bien. En histoire, on a eu le Moyen-Orient, c'était simple.
    — T'es bien le seul à trouver que le Moyen-Orient, c'est simple.


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    A chaque jour son atrocité (je le note ici: je ne sais pas s'il sera possible de ressentir dans quelques mois ou quelques années la dimension anxiogène, comme dirait Aymeric, de la période présente (si non, tant mieux)):
    assassinat d'une jeune députée britannique faisant campagne contre la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE.
    Je me demande si l'assassin a mesuré qu'il allait peut-être faire basculer les Anglais contre le Brexit, qu'il était peut-être en train de jouer contre son camp.


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    Oulipo. Je note chez Nicolas une certaine désapprobation de l'idée de raconter sa vie sur des blogs.
    «Je n'éprouve pas le besoin de tenir mon journal intime en ligne». Mais justement, ce n'est pas intime. L'intime reste dans les marges des billets.
    D'une certaine façon, Véhesse expose bien plus qu'Alice car il fait courir le risque du ridicule, alors qu'Alice, c'est simplement le fil des jours — au pire bête, plus que ridicule.
    Or le ridicule est plus difficile à affronter, à accepter.

    Suite du nettoyage

    Nous avons fini le nettoyage, remis les boîtes rangées en hauteur dans les vestiaires (le vestiaire des garçons fait quatre fois la taille de celui des filles (nous sommes à l'étroit certains midis)) dans l'atelier. J'ai découvert à cet occasion l'outillage de Vincent, un vrai menuisier-ébéniste, et vérifié son goût pour l'ordre, l'organisation (toutes les boîtes étiquetées), qui est si agréable et fait gagner tant de temps.
    Les armoires de l'atelier reposent sur des planches à roulettes, planches en contreplaqué à jeter, minées par l'eau: nouvelles planches, perçeuse, roulettes, écrous, boulons, …

    Jean-Pierre me raconte que la boue du hangar a été nettoyée mercredi par une entreprise spécialisée envoyée par la mairie: «ç'aurait été impossible, il y en avait trop. Dehors ils avaient tracé un chemin comme dans la neige, il y en a un qui a voulu atteindre le garage, il s'est étalé… La boue était plus glissante que la glace.»

    Je pense à tous ceux qui sont en train de rentrer chez eux, aux canapés, aux meubles. Les voitures bourrées d'électronique ne démarrent plus. Samedi j'entendais à la radio quelqu'un qui commentait: «dans les pays pauvres il y a énormément de gens touchés, mais peu d'objets abîmés. Chez nous c'est l'inverse.» Je pense aux torrents de boue d'Inde ou d'Indonésie…





    source.

    Mise à jour

    Je n'écris plus — je crois que je suis en train d'oublier comment écrire — non pas que je n'ai rien à écrire, au contraire, des comptes rendus de pièces de théâtre de visites, de TG, mais la flemme d'aller chercher au fond de moi ce que j'en pense pour le décrire précisément: c'est exigeant, pas toujours très exact, et à quoi bon?

    Ce matin au réveil la radio annonçait une fusillade en terrasse de café. J'ai attendu la fin de la phrase, du paragraphe, pour savoir si c'était à Paris ou ailleurs, en pensant avec un vertige «c'est nouveau, avant je n'aurais jamais pensé que cela pouvait être à Paris.» Finalement Tel Aviv.

    Mes mains sentent l'intérieur des gants en caoutchouc de cuisine. A midi je suis allée au club pour aider à nettoyer. De la boue, de la boue d'enfant qui fait des pâtés de boue avec de la terre et de l'eau, s'est déposée sur toutes les surfaces planes, la moindre baguette de bois ou de métal. L'eau a soulevé une remorque à bateaux, celle-ci n'est pas retombée d'aplomb, un bateau est cassé. D'autres sont gonflés d'eau, lourds, irrécupérables.
    Dans l'ensemble il n'y a pas trop dégâts même si chaque dégât est onéreux: les "ergos" (ergonomètres), les appareils électriques, le petit matériel, tout avait été mis en hauteur dans les vestiaires.

    Front des grèves : ce matin, encore Boissy, RER A. Olivier n'a plus cours, dernière semaine avant le bac.

    Mauvais réveil, mauvaise journée

    Réveillée par O. en plein cauchemar, il faut aller à Boissy à cause des grèves, O. qui devrait commencer à dix heures commence à neuf par un petit déjeuner avec ses professeurs, tous mes calculs de délai sont inadaptés, mon horloge interne déboussolée.

    Coiffeur. Bibliothèque de l'ICP pour rendre trois livres. Je découvre la grève des éboueurs. Trains, avions, poubelles, terrorisme, tout coïncide pour faire de l'Euro un fiasco. J'espère me tromper, non par amour du foot mais par nécessité économique.
    Je rends trois livres, je vais essayer de lire ma bibliothèque cet été. Exception peut-être, Le Buisson ardent de Greisch, la Correspondance d'Hegel et la quête du Jésus historique de Schweitzer.

    Fête des Terminales. O. s'est déguisé en Blondin (Le bon, la brute et le truand). — Ça s'est bien passé? — Oui.
    Il n'est pas très disert, ce n'est pas étonnant de sa part, mais en réalité, je le comprends quelques instants plus tard, il est malheureux. Il a eu ses résultats d'APB (admission post-bac), tous les grands lycées l'ont refusé, il est déçu, je m'attendais à cette déception (sans avoir osé le prévenir, espérant un miracle) car ses notes anticipées étaient mauvaises. Mais on a beau s'y attendre, cela fait toujours de la peine de voir son enfant avoir de la peine, et je m'en veux: il aurait vraiment fallu surveiller davantage son TPE, son français, ses études, tout enfin. Ma culpabilité, mon sentiment de responsabilité universelle me quitteront-ils un jour?
    Eternellement1 je me souviendrai de la remarque d'Hervé, dans une rare occasion d'épanchement du fond de son cœur toujours si difficile à exprimer, apprenant les notes de français d'Olivier (et l'excellente note de Claire, sa cousine): «j'aimerais tant pouvoir être fier d'eux», et ma réponse: «nous n'avons pas beaucoup donné l'occasion à nos parents d'être fiers de nous».
    Tout cela n'est-il qu'un retour de karma? Mais pourquoi nos enfants devraient-ils payer pour notre mauvaise conduite?
    Je me rends compte à quel point il est vertigineux d'être sur des rails dès dix-sept ans: un lycée ou un autre, un cursus ou un autre, et c'est tout un avenir qui se dessine dans cette société française si conservatrice si fort qu'elle s'en défende.
    La seule façon d'y échapper est sans doute de partir, pour un temps ou pour toujours, à l'étranger.

    Le soir j'ajoute à mon blues en feuilletant les feuilles d'impôts des vingt ans précédents. Quelle vie en dents de scie, comme j'ai eu peur, comme cela a été compliqué (373 euros d'impôts en 2010, non imposable en 2000: les frasques professionnelles d'H.)

    Mais H. est heureux, il revient de l'ambassade des Etats-Unis et prépare son prochain voyage d'affaires. Allons, tout va bien.


    1: ou peut-être pas, car c'est à cela que sert écrire, oublier, l'écrit garantissant le souvenir offrant enfin la possiblité d'oublier (il me semble que Nabokov dit quelque chose de ce genre dans Mademoiselle O. en parlant de crayons de couleur. (Non, vérification faite, il dit que les choses racontées changent de substance.))

    Au jardin

    Premier repas dehors sous le sapin depuis les inondations. Première journée vraiment sans pluie. (C'était peut-être déjà le cas hier mais je n'étais pas là.)


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    Front des grèves
    Quitté la maison à quatre (je le note, ce n'est pas si courant) pour prendre le RER D de 7h05. quand nous arrivons sur le quai, il est d'abord annoncé retardé, puis subrepticement supprimé (subrepticement: il disparaît de l'écran sans explication). Le suivant est trente-cinq minutes plus tard, il va arriver plein de toutes les gares précédentes (il sera déjà plein à Melun, au départ, et s'arrêtera ensuite dans cinq ou six gares), il sera impossible d'y monter. Je propose d'aller à Boissy prendre le RER A.

    Vingt minutes de voiture dans les bouchons (mais à l'air, décapoté, ce qui donne un irrésistible goût de vacances à tout déplacement), parking désolé du supermarché, RER. Inconvénient, il est très lent, avantage, il est climatisé (voire trop: j'ai froid).

    Une famille a disparu

    Donner à des Syriens est toujours un peu délicat (je préfèrerais éviter de financer le terrorisme), j'avais choisi cet organisme parce qu'il permet une déduction fiscale: il m'avait semblé que l'administration fiscale française avait dû faire une enquête, vérifier leur dossier.

    J'avais décidé de parrainer des orphelins, j'avais reçu un dossier, des photos, trois enfants privés de père, non scolarisés. Quand j'avais demandé s'il était possible d'envoyer des livres (en arabe, j'aurais demandé conseil à Yara Matta), je n'avais pas eu de réponse.

    Aujourd'hui je reçois ce mail et je ne vais pas rouvrir le dossier pour regarder leurs photos.
    Vous nous faites confiance en parrainant un orphelin ou une famille et nous vous en remercions.

    Afin d'assurer la transparence et l'arrivée de vos dons, nous vous informons que nous ne sommes plus en mesure de suivre la famille ou l'enfant que vous parrainez. La famille à quitté la Syrie ou alors n'a plus donné de nouvelles et nous ne sommes donc plus en mesure de maintenir le parrainage.

    Nous vous avons donc attribué un autre dossier que nous avons le plaisir de vous transmettre. Vous pouvez bien entendu toujours suivre votre parrainage sur votre espace donateur. […]
    (Et j'ai bizarrement envie de protester: «je ne veux pas d'une autre famille, rendez-moi MA famille, où est-elle? Que lui est-il arrivé? Que puis-je faire?»
    et je sais que c'est inutile
    puéril
    et qu'il ne manque pas d'orphelins.)

    Crue

    Mail de Vincent à 15h28 :
    Bonjour à toutes et tous,

    Nous avons impérativement besoin de votre mobilisation pour nous aider à parer l'inondation du club prévue par la préfecture vendredi au plus tard.

    Marine, Marin et Tristan orchestrerons les tâches suivantes :
    - déplacer le matériel sensible du parc à bateaux et de la salle de musculation ​vers le tank à ramer et les vestiaires (ces derniers seront hors d'eau à priori).
    - sangler à leurs râteliers les deux premiers étages de bateaux afin que ces derniers ne se baladent pas dans le hangar quand les eaux monteront.
    ...

    NOUS COMPTONS SUR VOUS !
    Une photo montre le club les pieds dans l'eau en 1995 (février?)

    (Malgré tout… j'ai honte de l'avouer devant tous ceux qui sont dans la boue (la sœur de ma collègue vivant dans le garage de sa maison en construction: inondé, tout est fichu, matelas, lave-linge, etc) — en tant que "gens du fleuve", j'aime bien.)

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    Agenda
    Pot pour arroser la fin du cours de grec. L'année prochaine je ne poursuivrai que les "lectures" une fois par mois. En revanche j'ai le projet de traduire plus régulièrement et d'apprendre du vocabulaire: encore un vœu pieux?

    Pluie

    4h38. J'écoute la pluie depuis une heure. Je suis contente que nous ayons réparé le toit en avril. Je suis inquiète, j'écoute les gouttes, je guette celle qui aura réussi à s'infiltrer entre les tuiles, dans l'interstice des velux.
    Pour l'instant, rien.
    Je pense aux oiseaux, aux réfugiés dans des camps de boue (eux qui viennent de pays désertiques, combien de temps se sont-ils réjouis de la pluie?)

    Fête des mères

    J'ai eu un cadeau, pour la première fois depuis… dix ans, quinze ans? (Nous ne sommes pas très fête des mères, je crois qu'à la génération suivante ce sera totalement oublié.)
    J'ai eu un drapeau français. Honni soit qui mal y pense. (C'est un peu grâce à l'Euro (la compétition de foot, pas la monnaie (je précise pour les lecteurs à venir dans dix ans)): drapeaux en vente dans les supermarchés: «Et si on en prenait un pour maman? C'est suffisamment con pour que ça lui plaise.» (Ces jeunes, plus aucun respect)).


    Retour à Melun, pour la première fois depuis fin mars. Pluie fine. Nous ne sommes que cinq. Je suis à la nage de la yolette, Franck barre. (Virginie, Vincent, Cyrille).
    Des cascades bondissent dans la Seine, toute l'eau drainée sur les côteaux rejoint le fleuve à grand bruit.

    Photo sans autre intérêt que montrer la masse verte des arbres. Il y en avait de plus fantômatiques à faire, des dégradés de gris dans la brume, mais je ne pouvais tout de même pas arrêter le bateau pour prendre une photo (de toute façon cela n'aurait rien rendu avec mon téléphone).



    Franck a barré toute la sortie, j'ai donc fait l'aller-retour à la nage. L'après-midi, j'ai dormi très profondément, avec l'impression de ne plus pouvoir bouger quand je me réveillais un instant.

    Ce soir il pleut de nouveau, avec obstination. C'est impressionnant.

    Pluie

    Longue matinée à me demander ce que je vais faire, pour finalement ne rien faire. Mésanges huppées au-dessus de ma tête pendant le petit déjeuner sous l'épicéa. Sortent-elles du nid?

    Le Jodie Foster, Money Monster. Le style de Georges Clooney me rappelle celui de Cary Grant (dans La mort aux trousses, dans Arsenic et vieilles dentelles): la façon d'écarquiller les yeux, la mobilité du visage, les gestes trop grands, comme une pantomime. Film moyen, ni bon ni mauvais. Pour se protéger de la pluie.

    Déluge à deux heures. Les invités du mariage courent sous la pluie. Orage. Pluie continue, linge trempé.
    Tant pis, j'irai le chercher demain. Je songe aux mésanges du matin, comment vont-elles?

    Préparation du TG. Sur le sacrifice. Je suis perplexe.

    Les nouvelles technologies et la finance

    Réunion des entreprises du groupe cliente de la banque du groupe.

    J'ai appris qu'il existait des expériences d'assurance "participative", comme inspeer. Cela m'a éblouie: d'une part je pensais cela impossible vu les obligations posées par l'ACPR, d'autre part c'est revenir aux fondamentaux de l'assurance, quand les armateurs vénitiens partageaient les risques de leurs navires en partance et cela me ravit.
    Cela ne concerne que de petites sommes, en l'occurence les franchises non couvertes par les assureurs traditionnels, mais c'est intéressant dans la démarche: cela revient à ressentir à nouveau la mutualisation, la dépendance dans laquelle nous sommes chacun du comportement de tous.


    Présence d'un des fondateurs d'Unilend qui prête aux PME et TPE. Quelques commentaires de ce fondateur:

    — Nous ne prêtons pas pour des besoins de trésorerie mais pour des projets.

    — Embaucher est un projet. 25% des entreprises qui ont emprunté ont embauché. Mais pour une banque, emprunter pour embaucher, ça n'existe pas: vous avez ou pas les moyens d'embaucher. Elles ne prêtent pas pour ça.

    — Le dernier défaut de paiement en date d'un prêteur sur la plateforme est un maraîcher de Rambouillet : le centre-ville est devenu piétonnier, des supérettes se sont installées en périphérie, il ne s'est pas payé pendant trois mois puis il a jeté l'éponge. Plus bas, sous son souffle, comme à regret: souvent l'Urssaf y est pour beaucoup et reprenant le sourire, comme ne voulant pas être trop grave après avoir dit une vérité: mais bon, c'est logique, ça leur fait des clients.

    — Pour les sommes importantes, nous avons aussi des entreprises dont la banque a atteint sa limite de prêts sur une ligne de crédit donnée: la banque accepte de prêter la moitié de la somme mais demande à son client de trouver l'autre moitié ailleurs. Dans ce cas, les banques sont contentes de nous voir car elles savent que nous prêtons sans arrière-pensée, nous n'essaierons pas de leur prendre leur client.


    Le lendemain, je raconte cela à H. qui commente: «En France, les banques prêtent à ceux qui ont déjà. Aux Etats-Unis, c'est une autre conception. La banque et les financiers disposent d'une grosse enveloppe de prêt qu'ils partagent entre deux ou trois cent entreprises. Ils attendent un retour de 40%. Ils ne donnent pas la somme empruntée d'un coup mais la distillent en fonction des résultats. Ils suivent les entreprises mois par mois et arrêtent de les financer dès que les résultats s'éloignent des prévisions. Ils en "tuent" 80%, mais dans celles qui restent, ils en ont une ou deux qui rapportent plus que les 40% globaux attendus.»

    Comité d'audit

    Je me dis que j'avais peut-être exagéré (répondant à la commissaire aux comptes que j'en avais marre de m'assoir autour de tables pour discuter sans que rien ne change jamais (elle toute fière de son "plan d'audit")) quand dans l'ascenseur, à propos d'une confusion de la responsable de communication et tandis que je me proposais d'aller lui expliquer ce qu'il en était en réalité, Sébastien me demanda en souriant: «tu veux lui casser la geule tout de suite ou plus tard?»

    Bon bon bon.

    Nommer la pluie

    Trouvé sur le net, sans doute pour nous faire rire de tout ce qui tombe en ce moment.


    2016-05-21-pluie-bretonne.jpg

    Documentaires (ou non-fictions)

    Depuis le début de l'année, Aymeric propose sur FB et twitter un top 5 par jour, sur un sujet qu'il choisit.

    Le 21 mai, il s'agissait du top 5 des non fictions filmées.

    Je recopie ici son top 5 ainsi que les suggestions de ses contacts FB, pour mémoire (LAV : liste à voir en parallèle de PAL, pile à lire).
    J'ai regroupé les titres selon les auteurs des commentaires (j'en conserve les noms par ailleurs, mais comme il s'agit de pseudos FB qui pour la plupart n'ont pas la moindre idée de mon existence, j'anonymise. J'attribuerai les commentaires à leur auteur sur simple demande de celui-ci).

    Top 5 d'Aymeric:
    1. Shoah - Claude Lanzmann
    2. Sans Soleil - Chris Marker
    3. Pourquoi Israël - Claude Lanzmann
    4. Veillées d'armes - Marcel Ophuls
    5. Agnès de ci de là Varda - Agnès Varda

    Citizen 4

    L'Ordre
    - Jean Daniel Pollet
    Une partie de campagne - Raymond Depardon
    Heartworn highways - James Szalapski
    When We Were Kings - Leon Gast
    La Sortie de l'usine Lumière à Lyon - Louis Lumière

    The Cramps- Live at Napa State Mental Hospital

    Civil war
    de Ken Burns.
    Les statues meurent aussi de Resnais et Marker
    Dead Birds de Garner

    The Fog of War
    et The Unknown Known d'Errol Morris
    Into The Abyss de Werner Herzog

    Le Voyage de Primo Levi
    La femme aux cinq éléphants

    Les frères Taviani - César doit mourir
    Dreaming by numbers
    Looking for Richard

    A la recherche de Vivian Maier

    La Reprise du travail aux usines Wonder
    Le fond de l’air est rouge
    L’Heure des brasiers.

    Nanouk
    et L’Homme d’Aran

    Wiseman

    Nick's Movie de Wenders
    Trop tôt trop tard des Straub
    Hôtel Terminus de Marcel Ophuls
    Dziga Vertov (L’Homme à la caméra)

    Titicut Follies (Wiseman)
    Rencontres au bout du monde (Herzog)
    Nanouk l'Esquimau (Flaherty)

    The Art of Killing Joshua Oppenheimer


    Je crois que les documentaires sont toujours attachants, car ce qui nous est montré, c'est l'attachement du réalisateur à son sujet, quel qu'il soit. Ce que nous aimons, c'est l'attachement, la dévotion, la dédication.

    Fatiguée

    J'attends au café d'aller en cours. Je me suis endormie sur la grammaire grecque (au café). Je confonds définitivement tous les temps. Trop tard. Encore demain, puis on verra l'année prochaine. Je n'ai pas retrouvé mes cartons de révision rédigés en janvier. On verra cet été. Encore un devoir sur table, une dissert de philo, un travail écrit à rendre parce que j'étais absente un samedi, et ce sera les vacances. Dernière ligne droite.

    J'ai terriblement mal aux yeux. Couchée beaucoup trop tard. Vingt-quatre heures et davantage de pluie: le toit ne fuit plus, c'est une certitude.

    Décision

    Il pleut. J'avais l'intention d'aller ramer, je ne vais pas y aller, même s'il ne pleut peut-être pas à Melun. Je vais compléter quelques journées de ce blog.

    Je regrette d'avoir manqué l'arrivée du printemps sur la Seine.


    ————————
    PS le soir : révision de grec pour mardi et Almodovar au cinéma (Julieta. C'est curieux cette fascination pour les liens mère-fille. Ça change des bêtes histoires d'amour. L'épaisseur de la vie dans la filiation, la maladie, la vieillesse et la mort. Tragédie grecque, mer et pythie.)

    Récit et dialogue

    TG sur la Trinité, avec ce moment étrange où on fait un tour de table en demandant à chacun de s'exprimer sur la Trinité:

    - que risque-t-on davantage, le modalisme (trois modalités d'un seul Dieu (et non trois personnes en tant que telles, mais personne au sens antique et non moderne, chargée de conscience et de psychologie (mais qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire? Bien sûr que le ressenti de chacun par chacun a évolué, mais la notion est présente dès l'origine des écrits dont on dispose, non? Platon, Socrate, se considèrent bien comme des personnes, des individus. Le sentiment d'appartenance à la cité de Socrate ne l'empêche pas — au contraire — de mettre en avant sa propre opinion, son individualité)); donc que risque-t-on, le modalisme ou un trithéisme (accusation des musulmans)?

    - comment vivons-nous la Trinité dans nos vies?
    Euh… J'ai l'impression d'être à confess (nom des rencontres prof-élève en écoles préparatoires, du moins à mon époque) Qu'est-ce qu'une question pareille vient faire en cours? Serions-nous notés sur notre orthodoxie?
    Je prends la parole, je raconte l'histoire de cette jeune fille qui me demandait si l'on pouvait s'inscrire au Cycle C sans être croyant, à qui j'avais répondu que c'était possible, mais sans doute non viable, car sans la foi, la motivation manquerait, c'était trop dur (déjà qu'avec la foi ce n'est pas facile tous les jours…) Mais elle n'avait pas entendu la fin de ma réponse, n'avait retenu que mon doute et avait protesté: «Ça me choque qu'on ne puisse pas s'inscrire en théologie sans la foi».
    Ce n'était pas ce que j'avais dit, mais bon. Elle était encore étudiante, je n'ai pas insisté: comment expliquer une vie professionnelle et familiale à quelqu'un qui n'a jamais eu ni l'un ni l'autre — et qui n'est pas disposé à écouter? A quoi bon? Qu'elle essaie — ou qu'elle n'essaie pas.

    Mais bon, «ce que je voulais dire, c'est que» je suis choquée de cette question sur la "Trinité dans nos vies" (entre guillemets pour souligner ma gêne, c'est vraiment le genre de sujet qui me paraît très privé): nous sommes en cours, pas en retraite spirituelle.

    La prof insiste, nous nous soumettons, certains en restant abstrait, d'autres en jouant davantage le jeu, en étant précis, en parlant de prière, d'engagement dans leur travail. Nous dépendons pour une grande part de notre formation initiale, la qualité de l'enseignement reçu au catéchisme. Le mien, je m'en rends compte depuis que je suis ici, a été excellent, à croire que les prêtres de mon enfance passaient leurs nuits dans les commentaires théologiques et les analyses des conséquences de Vatican II. J'en suis rétrospectivement admirative.

    Et donc, pour ne pas me dérober ici non plus, j'écris ma réponse: j'ai une foi christocentrée, sans doute parce que c'est l'entrée "naturelle" dans le catholicisme aujourd'hui (les enfants commencent avec l'Annonciation et Noël), sans doute aussi parce que j'ai lu les Evangiles dès qu'on me les a donnés (avant huit ans? après?), Jésus Christ est un compagnon quotidien, permanent1; je ne pense pas souvent à Dieu, dans une approche barthienne (un Dieu inconnaissable, sans mesure avec l'homme), partant du principe que les choses sont dans Ses mains et non les miennes; je vois souvent des signes de l'Esprit, les coïncidences, les coups de pouce dans les moments désespérés, ce que les athées appellent la chance ou le destin (toujours, déformation d'une vie parmi les non croyants, j'essaie de voir à travers leurs yeux). «Et il ne fit pas beaucoup de miracles dans ce lieu, à cause de leur incrédulité» (Mt 13, 58)

    La prof ne triche pas et nous apporte son propre témoignage. Elle raconte également une anecdote dont je préciserai le cadre exact dès que je l'aurai retrouvé: comment, par expérience, les premiers moments d'un rapprochement passent par le récit de chacun, et non par la tentative de convaincre: se raconter, c'est accepter de se montrer, c'est le début d'une possibilité de se comprendre.


    Note
    1 : je me suis rendue compte, avec quelque gêne et un sourire amusé, qu'il y a un groupe sur FB qui peut très bien définir cela pour les non croyants: ce groupe s'intitule "je n'ai pas d'ami imaginaire". Le Christ comme le Hobbes de Calvin? De l'extérieur, c'est cohérent, je pense. De l'intérieur, ça n'a rien à voir, mais je n'ose pas m'expliquer. Ça m'intimide. C'est personnel (c'était déjà difficile en cours "entre nous", alors ici…)

    Tarot

    Sortie. Emmanuel à la nage, Peter, moi, Pascal. Tant de péniches que nous avons embarqué cinq centimètres d'eau (Emmanuel écopant avec sa chaussure…) Arnaud nous a rattrappés pour nous empêcher de faire un deuxième tour de l'île et nous conseiller de monter vers le barage.

    Le soir, tarot à cinq, les garçon, I., H. et moi.
    C'est la première fois que nous jouons au tarot à la maison. La dernière fois que j'y ai joué, c'était dans le Tarn, en 2009.
    J'ai beaucoup joué au tarot, joué des heures, au lycée, durant les vacances, à Nanterre où j'avais dominé ma timidité pour aborder une table de joueurs à la cafeteria du self, et même au BDE de Sciences-Po. Jusqu'en 2002 je quittais tout pour une soirée de tarot.
    Puis j'ai découvert RC et je me suis désintéressée du tarot. J'ai changé d'amis, aussi.

    O. réussit une garde contre en s'appelant volontairement lui-même. Je le soupçonne de beaucoup jouer au lycée.


    -------------
    Agenda
    C. vient d'être embauché en CDI. Il commence lundi 30 mai.

    Ce trou noir est troublant

    Soirée oulipienne et donc éclats de rire. Il est difficile de transcrire autre chose que des éclats, d'ailleurs, autre chose que des laps, aurait dit RC. Comment rendre le décousu des conversations tout en restant compréhensible hors contexte? Je note quelques points pour mémoire.

    Les saxophonistes respirent par le nez en même temps qu'ils soufflent, avec les joues comme réservoir intermédiaire. Quand à la cornemuse, c'est un buffer. Ne parlons pas de l'accordéon (à jeter après une utilisation, vrai ou faux?)

    — J'avais prédit la voiture jetable: quand le consommable est devenu plus cher que la partie fixe, tu jettes la partie fixe quand le consommable est épuisé: donc en imaginant un immense réservoir, tu jettes la voiture quand tu n'as plus d'essence…
    — La cornemuse jetable, que tu jettes quand il n'y a plus d'air…

    — Tu dis à des enfants de CE2 qu'ils vont mourir dans soixante dix ans de la grippe, ça ne leur fait rien, mais dans dix millions d'années d'une météorite, ça les inquiète.
    — Oui, c'est la blague: "ma mère est morte de la grippe. — La grippe? ah, mais alors, c'est pas grave."

    — Je vous invite le 9 juillet, la veille de la finale de l'Euro de foot, donc vous ne manquerez rien.
    — Ah oui, d'ailleurs je l'ai noté: le 10, "fin du foot".
    Et par dessus le coude de Dominique, je lis dans son agenda au 10 juillet, d'une écriture minuscule, "fin du foot", soigneusement entouré, et à voir ces deux mots dans le dernier jour d'une semaine encore vide, on comprend qu'il s'agit d'un soulagement, d'une libération patiemment attendue.

    Demain soir, dernière de Conférence en forme de poire à Arcueil, autour d'Erik Satie (allez-y si vous pouvez, c'est très drôle). Et à propos de Satie, Dominique nous signale une émission d'Arte à venir (évidemment, il faut être insomniaque ou gardien de nuit).

    Reprise

    Retournée ramer pour la première fois depuis le stage dans le Jura. Le genou va mieux.

    Double canoe avec Peter, configuration inédite qui nous laisse tous les deux surpris. Bonne sortie, courant, vent, péniches, mais bonne sortie sous un ciel gris.
    Il ne pleuvra que l'après-midi.

    Civil War le soir. Antigone revisitée et simplifiée.

    La grève est bénigne dans le RER D.
    Les policiers manifestent aujourd'hui (sur leur temps de repos), ils sont fatigués des insultes. Le paradoxe est que leurs outils de riposte sont si puissants qu'ils hésitent à s'en servir (émission le matin sur France Inter, O. rentre plus tard en classe cette semaine).
    Cependant, ce que je lis sur le net, ce que j'entends, ce que j'ai vu avenue de Breteuil jeudi dernier, me laisse une étrange impression. "Nuit debout" n'était pas un mouvement agressif, et d'ailleurs leur point faible est de ne pas avoir de revendications. Que se passe-t-il? Certains parlent de provocation de policiers d'extrême-droite… D'autres déplorent la disparition des services d'ordre des syndicats, notamment de la CGT, aptes à contenir les excès et isoler les casseurs (que j'appelerais pilleurs).

    Pointeuse

    En arrivant au bureau, je mets mon minuteur sur sept heures trente (je crois que la durée du travail est de sept heures trente-six dans l'entreprise). Je viens d'inventer le pointage personnel.

    J'essaie dans un sens de ne pas voler mon patron, dans l'autre de partir plus tôt du bureau.
    Premier constat : j'ai du mal à travailler sept heures de suite sans zapper vers autre chose, blogs ou FB. Quand je pense à toutes les heures à la doc où je me suis occupée du blog véhesse et de la transcription des cours de Compagnon…

    Incohérence et gentillesse masculines

    Hier, rentrés peu avant minuit :
    — Tu ne râleras pas, on a rallumé le chauffage, il faisait super froid.

    Aujourd'hui :
    — Bon, je vais te faire ton feu, mais c'est vraiment inutile.

    (Ce n'est pas inutile puisqu'il fait froid, et si tu n'avais pas rallumé le chauffage, tu t'en rendrais compte. En faisant un feu, nous allons élever la température de la maison, et donc la chaudière va s'arrêter. C'est dommage de devoir écrire cela ici plutôt que s'expliquer IRL, parce que je sais que les explications IRL ne seront ni entendues ni reçues.

    Mais c'est gentil de faire le feu. Pour tout dire, je m'appêtais à le faire moi-même, façon la plus sûre d'obtenir ce qu'on veut.)


    PS : le titre sexiste est une contrapposée de la phrase "les femmes sont illogiques". Ben si, nous sommes logiques. Mais pas très écoutées.

    Six mois

    Ce qui m'étonne, c'est que les journalistes sont capables de tartiner sur les traumatisés du Bataclan "qui sursautent à chaque bruit inattendu" sans jamais en profiter pour faire un peu de pédagogie à propos des réfugiés: eux, ce sont les bombes qu'ils fuient.

    Quand les changements informatiques courent après les changements réglementaires

    J'assiste en ce moment au crash progressif mais régulier du système de santé français. Par système, je n'entends pas "principes", mais "informatique". Nous sommes en pleine régression, terme qui en informatique implique qu'après une mise à jour, les programmes fonctionnent moins bien qu'avant.

    Un exemple: la mise en place du décret qui plafonne le remboursement autorisé sur les lunettes en fonction de la correction1.
    Avant ce décret, la sécurité sociale vous remboursait entre six et dix euros, transmettait l'information de votre dépense à votre contrat de santé — si vous en aviez un (une "mutuelle", par abus de langage) — et vous étiez remboursé d'un complément selon le barème de votre contrat. Tout cela était automatique2 et prenait une dizaine de jours, ce qui permettait en payant par carte bleue d'être remboursé avant même d'être débité.
    Depuis ce décret, les informations télétransmises par la sécurité sociale ne permettent plus de savoir dans quel cas de figure vous êtes (verres simples, complexes, très complexes). Il faut donc attendre le remboursement de la sécurité sociale sur votre compte en banque, puis envoyer facture et ordonnance à sa "mutuelle" (il est important d'attendre: si le gestionnaire de prestations reçoit vos justifs avant d'avoir reçu la notification de remboursement de la sécurité sociale, il risque de vous les renvoyer en vous disant que vos soins ne sont pas remboursés par la sécurité sociale et que donc il ne peut pas vous rembourser… De l'importance de ne pas "stresser le système": ne pas aller plus vite que la musique, attendre que chaque étape ait abouti.)
    Cela signifie que l'on revient à un traitement manuel et non plus informatique. Or les entreprises qui gèrent les prestations n'ont pas le personnel suffisant pour gérer cet afflux de papiers, elles sont dimensionnées en comptant sur un fonctionnement normal de l'informatique. Nous assistons donc à une dégradation des durées de remboursement, à du mécontentement, à des cas parfois difficiles en cas de pensions de retraite minimales…
    (Tout cela va rentrer dans l'ordre, bien sûr. Cela va prendre deux ou trois ans, le temps que les flux informatiques partant de la sécurité sociale soient mis à jour selon les nouvelles normes de façon à transmettre les données nécessaires.)


    Tout ceci n'était qu'un préambule.
    «Aujourd'hui […] s'est produit un miracle». L'Urssaf m'a téléphoné spontanément pour m'aider.
    Evidemment, il doit lui manquer des milliers d'euros, ça motive. Je m'explique:

    En tant que mutuelle, nous payons énormément de taxes, je veux dire des taxes nombreuses et variées (les assurances sont de gros collecteurs d'impôts, enfin, de "contributions indirectes", comme on dit à l'ENA (la différence, ce sont les poches destinatrices: l'Etat pour les impôts, divers organismes pour les contributions)). La taxe de solidarité additionnelle (TSA) est destinée à financer la CMU-C :
    A ce titre, vous acquittez la taxe de solidarité additionnelle (TSA). La taxe doit être versée au plus tard le dernier jour du premier mois de chaque trimestre civil via un formulaire spécifique.
    Une déclaration récapitulative annuelle doit être transmise avant le 30 juin de chaque année.
    Ces documents doivent être transmis à l’Urssaf Ile-de-France avec copie au Fonds CMU.
    En début d'année, nous avons été prévenus que cette taxe trimestrielle assise sur le chiffre d'affaires serait à déclarer en ligne (et à payer par virement, ce que nous faisions déjà).
    En temps normal, c'est ma colaboratrice qui s'occupe des taxes. Elle n'avait toujours pas réussi à créer un compte en ligne avant que je parte une semaine en Espagne (8 avril). Elle partait ensuite en vacances pour trois semaines et à mon retour j'ai trouvé un mot sur mon bureau me disant que le compte n'était toujours pas créé.
    Je n'avais pas envie de m'en occuper. J'ai complété la liasse fiscale et le dossier annuel à remettre à l'ACPR (date limite le 30 avril) sans m'occuper de la TSA, en me disant que nous pleurerions pour qu'on nous remette l'éventuelle pénalité si nous étions en retard par ma faute.
    Mardi, j'ai ouvert le courrier en retard pour trouver une lettre de l'Urssaf disant qu'il y avait un report de date: nous avions jusqu'au 2 mai midi pour la déclaration: trop tard, nous étions le 3. Donc j'ai mis cette tâche de côté pour m'occuper des enveloppes T pour l'assemblée générale (et répondre au téléphone!)
    Aujourd'hui (mercredi), l'Urssaf m'a appelée. Je résume ce que j'ai déduit de cet appel : personne n'avait réussi à se créer un compte et cette employée de l'Urssaf était en train de contacter une par une toutes les assurances de santé pour récupérer la taxe (pour vous donner une idée des enjeux: nous payons 72.000 euros de taxe trimestrielle pour 4,5 millions d'euros de chiffre d'affaires HT annuels, c'est-à-dire une très petite mutuelle (7500 personnes ouvrant droits)).

    La suite est surtout destinée aux informaticiens. Je n'en suis pas une mais je sais que ce qui a été fait indique un gros bord** au niveau de la base de données: ce n'est pas le siret habituel de la mutuelle qui a été utilisé mais un siret particulier créé pour ce besoin précis, le compte utilisateur associé (ie le nom de ma collègue) n'est pas le compte utilisateur habituel, il a été doublonné en "CompteUtilisateur TSA" (ce qui signifie que la base a doublé de volume); bref, tout indique le développement informatique mené à la-va-vite n'importe comment (ce qui implique que nous allons en subir les conséquences pendant des années car l'informatique n'oublie rien et ne pardonne pas: si c'est fait de traviole, les effets pervers s'accumulent).

    La dame de l'Urssaf a créé le compte à ma place et m'a donné un mot de passe provisoire à changer à la première connexion. La date limite de déclaration a été repoussée au 12 mai.
    J'ai découvert à cette occasion qu'avec les derniers changements bancaires, je pouvais faire des virements de 72.000 euros vers l'extérieur sans les faire valider par personne.


    Note
    1 : Il est possible de ne pas appliquer ce plafonnement, c'est-à-dire ne pas être "contrat de santé responsable": dans ce cas les taxes s'élèvent à 13% au lieu de 7% (j'arrondis).
    2 : Sauf pour certaines mutuelles qui tenaient absolument à avoir la facture: dans ce cas nous étions déjà dans le cas que je décris ci-après.

    Le Mémorial de Sainte-Hélène

    Ligne 1, 19h05. le cours a commencé depuis cinq minutes. Je suis très en retard, trop en retard même pour rendre les livres à la bibliothèque (impact terroriste: les boîtes à livres sont fermées, impossible de rendre un livre en dehors des heures d'ouverture).

    Changement de situation.

    Cinquante-et-un appels sur mon répondeur en arrivant au bureau ce matin. Nous avons modifié l'échéancier suite à un recalcul de taxe (dans le sens d'une baisse des cotisations de vingt-huit centimes), mais le courrier qui est parti automatiquement est celui des avenants : "suite à votre changement de situation…"
    Mails et coups de fil inquiets toute la journée: «que se passe-t-il? je n'ai pas changé de situation, je n'ai rien demandé…». J'ai essayé de descendre à une minute par coup de fil.

    (C'était une erreur d'aller chez le coiffeur un mardi: cela a été bien trop long, j'ai raté le grec. Alors je suis allée boire un mojito.)

    Une nouvelle maison

    Notre arbre est malade. Dans l'espoir de lui redonner de la force, et contre l'avis de l'élagueur qui nous a dit que c'était inutile, nous avons fait couper ses branches les plus basses.

    C'est étonnant. Ce n'est plus le même jardin, il est devenu civilisé. Je me rends compte que j'avais un morceau de Canada dans mon jardin, quelque chose qui me rappelait Maria Chapdelaine ou les livres de Curwood, il était à lui seul toutes les forêts et les grandes plaines. J'ai défendu cet arbre toutes ces années contre H. qui voulait le tailler, qui trouvait que cet if prenait trop de places, mais aujourd'hui j'ai l'impression d'être soulagée, comme libérée d'une crainte primale.




    Ahurissement

    Ce moment où tu t'aperçois que le premier livre de Hans Urs von Balthasar n'est pas traduit en français (et j'ose à peine le commander, de peur qu'il soit écrit en gothique — il est presque sûrement écrit en gothique): Apokalypse der deutschen Seele.


    (Finalement non, sans doute pas : dernière édition en 1998)

    Il fait froid

    J'ai fait un feu.



    Boire, ça détend

    En arrivant au bureau, je suis harponnée par Luc, le responsable de l'association sportive: «Venez voir, il y a une dizaine de bouteilles de whisky dans la benne à papier.»

    Il faut expliquer que la mutuelle, l'association sportive et l'assistante sociale sont installées dans un monde parallèle: il faut pousser une porte à partir des couloirs principaux, arriver dans un couloir inattendu dont un un bras mort s'interrompt à la photocopieuse et les casiers du courrier tandis que le bras principal, lui aussi en impasse, permet d'accéder à chacune de ses extrémités à l'association et à la mutuelle (l'assistante sociale est entre les deux).

    C'est donc un lieu relativement à l'écart (le plus drôle sont les gens qui n'arrivent plus à retrouver la porte pour sortir du couloir) et inconnu. Une benne à papier, — un chariot—, y a été entreposée car l'assistante sociale part à la retraite et vide ses armoires.

    Dans la benne, des cartons de rame de papier A4, cartons idéaux pour ranger des livres en cas de déménagement, ce qui est le cas de Luc: il a voulu en récupérer et s'est rendu compte que chaque carton contenait une enveloppe en papier kraft contenant une bouteille de whisky.

    Je déballe tout, expose tout. J'essaie d'imaginer ce qui s'est passé, quelqu'un qui part et a vidé ses armoires? Est-ce la consommation d'un seul ou d'un groupe? Pendant quelle durée, un mois, trois ans? (Le dernier déménagement date de 2013, je suppose que les bouteilles ne sont pas antérieures. Ce qui me frappe, c'est l'absurdité du procédé: il suffisait d'en sortir deux le midi, deux le soir, et en trois jours les bouteilles étaient évacuées. Pourquoi avoir pris ce risque puéril?

    Luc est inquiet: «on va jaser». Cela me paraît absurde. Ma question est plutôt: prévenir la RH ou pas? Le fait d'exposer les bouteilles devraient nous prémunir contre une récidive. Est-il utile de provoquer du remue-ménage si cela reste une exception?


    Est-ce que cela a changé quelque chose pour vous ?

    Comme l'oral "officiel" avait lieu pendant nos vacances en Espagne, je le passe en séance de rattrapage à l'église St Julien le pauvre (rite grec melkite) dont notre professeur est le curé (autant dire que la période est épuisante pour lui: Pâques, baptêmes, mariages, examens…, tout cela à caser dans un seul emploi du temps).
    Nous sommes plusieurs dans ce cas-là; nous attendons notre tour assis dans l'église en chuchotant. Nous tentons de nous rassurer mutuellement, nous dédramatisons: «ne t'inquiète pas, même s'il regarde sa montre et semble s'ennuyer…» (mais quelle drôle d'idée aussi de demander à un professeur qui a écrit sa thèse sur Grégoire de Nysse d'interroger des étudiants qui ont eu douze heures de cours de patristique et ont lu un livre pour préparer un oral d'une demi-heure).

    Grégoire de Nysse justement, Sur les titres des Psaumes. Je parle de sa bienveillance (et c'est vrai: je pense que la lecture de Grégoire de Nysse remonterait le moral de n'importe qui (pour info, c'est l'un des premiers à avoir envisagé un enfer vide (apocatastase, puisque Jésus a vaincu et vaincra) — après Origène, mais lui sans se faire condamner, simplement censurer dans certaines traductions ou copies d'époque); je décris sa thèse qui est que l'ensemble du psautier serait une progression en cinq étapes vers la béatitude, l'accès au sein de Dieu. Je ne sais pas répondre à une question plus générale, mais dans l'ensemble ça se passe plutôt bien.

    Nous allons ensuite prendre un pot devant l'église, à trois ou quatre étudiants. Je les connais peu, ils ne font pas partie de ma promotion initiale, ce sont des "quatrième année", je suis en cinquième.
    Et soudain, l'un d'entre eux demande: «qu'est-ce que ça a changé pour vous, cette formation?»
    Panique à bord. Ils ont tous des choses positives à dire: ils écrivent plus, ils lisent plus, etc.
    Pas moi.
    Je lis moins, j'écris moins. Je me suis coupée de mes amis, je suis embarrassée de faire état publiquement de ma foi (même si je m'y force). Je ne suis pas à la hauteur de ce que je voudrais être ou faire (c'est de l'orgueil, sans aucun doute). Qu'est-ce que cela a changé? La découverte de noms, de domaines inconnus. L'apprentissage du grec. Mais est-ce que cela compte vraiment au quotidien? Qu'est-ce que cela a changé? Je ne sais pas. Il me semble avoir plus perdu que gagné, je me dis que je dois m'y prendre mal, il y a quelque chose que je ne dois pas voir ou faire.

    Raccourcissements

    Pendant notre absence le couvreur a raccourci le toit de part et d'autre de la maison, sur chaque pignon. Il a coupé la partie de toit qui dépassait formant corniche car les soffites et les chevrons étaient pourris, pourris jusqu'à former des trous, ce qui fait que des merles avaient niché dans le mur deux ans de suite (c'était plaisant à entendre quand les oisillons grandissaient — mais peut-être pas très bon pour le mur).
    J'aurais dû prendre une photo — je voulais en prendre une — j'ai oublié.

    J'avais imaginé que le couvreur découvrirait le toit sur un mètre et remplacerait les chevrons (enfin, ferait un assemblage quelconque) avant de mettre des soffites neuves: eh bien pas du tout, il a coupé trente centimètres de toit de part et d'autres, posé des tuiles de rives et cloué du zinc sur le bout des poutres à nu.
    Ce n'est pas franchement joli, mais je suis soulagée: cela fait quinze ans que je redoutais que le toit ne s'effondrât sur la tête des enfants — de préférence l'hiver et la nuit, bien sûr.
    (Le danger était plus grand que je ne l'imaginais: pour une raison que je ne comprends pas, les dernières tuiles étaient solidarisées au toit par du ciment, ce qui signifie qu'un poids très lourd reposait sur du bois pourri… Parfois on a de la chance.)

    Autre raccourcissement, extrême celui-là: le châtaignier. Il mourrait lentement depuis plusieurs années, aujourd'hui il a été coupé. C'est la dernière victime de la tempête d'août 2000 (une de ces tempêtes extrêmement localisées qui arrivent parfois): un chêne avait frôlé la maison en tombant, détruisant la cabane de jardin, un autre châtaignier avait été vrillé par le vent, tronc déchiqueté. Il était resté celui-ci, de plus en plus malade.



    Cauchemar ce matin: je n'ai pas rendu des disserts, des TG, je ne comprends même pas de quels sujets il s'agit, je ne me souviens pas que j'avais cela à faire… Normal, c'était un rêve.

    Ostéo

    A. avait parlé d'un tendon à déplacer sur le boulet des chevaux pour guérir plus vite certaines tendinites, Aymeric de blessure de l'essuie-glace, j'ai donc pris rendez-vous chez l'ostéo, des fois qu'il y ait quelque chose à remettre en place derrière mon genou.
    Evidemment, trois semaines plus tard, j'ai beaucoup moins mal (heureusement). Je pourrais presque retourner ramer (et raviver la douleur), mais un oral et une dissert sont de bons prétextes pour être raisonnable.
    Quoi qu'il en soit, il a tout tripoté mais presque pas le genou (il a commencé par la nuque). Il a beaucoup insisté sur les étirements, mais pas aussitôt après l'effort, un peu plus tard sur muscles apaisés. Sans forcer, en prenant son temps.
    Et au lieu de musique de daube genre chant de baleines zen, consultation sur fond de quelque chose de cubain assez entraînant.

    Je n'arrive pas à me remettre à bosser. J'ai pas le moral. J'ai désinstallé Candycrush une fois encore, mais cette fois-ci, pour la dernière fois. Ça m'énerve de perdre mon temps. Mais je ne sais pas ce que je veux. Il faut que je prépare Grégoire de Nysse. Fini deux Maigret en deux jours.

    Reprise

    Pas retrouvé mon pass Navigo ni mon badge ce matin avant de partir (confiés aux garçons avant de prendre l'avion pour ne pas les perdre en voyage…), oublié ma clé de bureau parce qu'elle est sur le même porte-clé que la clé de la voiture et que j'ai pris le bus…
    Pas de doute, j'étais motivée pour retourner travailler.

    Public relations

    Anniversaire officiel en famille + les voisins + l'émigré américain de passage, dans le nord de Paris (La Plage, en face du parc de la Villette, le long du canal) afin d'être plus prêt de Roissy d'où O. partait pour Naples en fin de journée.

    Et maintenant Pour quelques dollars de plus, afin de vérifier qu'il n'était pas possible de faire le tour de la banque (il faut descendre l'escalier: tout va bien, tout est conforme à ce que nous avons vu).

    Grenade-Madrid-Paris

    Remontée par l'autoroute. A peu près trois heures. C'est bizarre, j'ai l'impression de voir plus de maisons et de villages dans ce sens-là, alors que dans l'autre j'avais eu l'impression d'un grand désert.

    Nous nous arrêtons deux fois et achetons successivement des gâteaux aux amandes et du miel (de Castille! de la Mancha!)

    Il pleut, il y a du vent. Oliviers à perte de vue. Un troupeau de moutons, un troupeau de vaches. Terre rouge.

    Essai de photographie des oliviers (cela ne rend pas grand chose avec mon iphone):



    Les nuages se condensent, pluie en arrivant à Madrid (il a plu toute la semaine, paraît-il). Nous repassons manger quelques plats sans intérêt place santa Anna (la devanture nous avait plu en début de semaine, mais la cuisine est médiocre. Pas de regret). Aéroport. Contrôle de l'identité d'un jeune homme devant nous dans l'avion, petit trot pressé de deux hommes soucieux à notre descente d'avion qui visiblement ne trouvent pas qui ils cherchent (le jeune homme a disparu), quatre douaniers menaçants à notre sortie des salles d'embarquement. Il se passe quelque chose mais nous ne saurons pas quoi.

    Grenade

    Matin : jardin du Generalife, palais de Charles Quint (la famille Tendilla), Alcazaba; midi, taberna de Jam; nuit : Alhambra.
    Omniprésence des sources et des fontaines.
    Il fait très beau.

    Le désert de Tabernas

    Ce matin, j'étais décidée à partir seule à Tabernas, partant du principe que si H. finissait aujourd'hui, nous pourrions visiter l'Alhambra ensemble demain.
    Mais un bon gag réserve des rebondissements, et pris d'un doute à cause d'une phrase non cohérente avec le contexte, H. passa un coup de fil à quelqu'un de l'équipe chargée des installations: le développement urgent à finir ce soir pour débuggage dans les deux jours et installation lundi a en réalité été ajourné sine die mais les différentes équipes n'ont pas été prévenues: bref, H. a gâché sa journée d'hier pour rien (à cela près que le travail fait est fait). Well, well, well.

    Nous partons vers dix heures, il fait très beau, c'est à cent quarante kilomètres, en chemin j'explique où nous allons. Nous ouvrons le dépliant sur mon portable, commençons à lire… Les indications ne sont pas très claires, sauf qu'il faut un 4x4 et non un cabriolet surbaissé, des chaussures de marche et non des tongs… Adieu piste d'Indiana Jones.
    Je passe sur deux erreurs de direction (la première nous permet de voir un coyote, la deuxième un panneau (à l'usage des ouvriers d'un chantier qu'on voit au loin, probablement) que je regrette de ne pas avoir photographié: "araignées, serpents, scorpions venimeux dans le sable. Ne pas quitter la piste" (en anglais ou en espagnol, je ne sais plus). Nous remontons en voiture, tentons une autre direction, vers Tabernas, rond-point, tournons à la première pancarte indiquant "Western Leone".

    Tout ce qui est raconté ici est vrai, le prix exhorbitant, l'endroit désert. Ce qui manque, mais l'auteur de ces lignes ne l'a peut-être pas vécu, c'est la dimension humaine: quel drame se joue dans ce village, ou n'est-ce que dans nos têtes?
    Western Leone est donc deux décors accolés, celui d'un village de l'ouest (bois brun) et celui d'un village mexicain (pierre blanche). Tout cela tourne lentement à la ruine, attaqué par la pluie, le soleil et le vent. Il est impossible de rentrer dans la plupart des décors, nous photographions les planches du cimetière, la silhouette de la colline pelée. Cinq à six chevaux attendent sous un porche, dont un sellé. Un chien minuscule aboie quand nous passons, une perruche dans une cage trop petite pousse des cris. Des gens vivent ici, une famille peut-être, sont-ils salariés, et employés par qui?

    Une consommation est comprise dans le prix du billet, nous entrons dans le saloon, un très vieux pousse un grognement pour appeler une très vieille; nous faisons simple et commandons un café. Elle comprend que nous sommes français et appelle; le vieux quitte son fauteuil, quitte le saloon; un jeune homme arrive dans un pull bleu ciel, vingt-cinq ans, les cheveux blonds trop longs, la lèvre tremblante, Klaus Kinsky plus mince, plus fiévreux, plus frêle; un instant je me sens découragée, oh non, c'est déjà difficile de faire face aux malades mentaux dans sa propre langue comment allons-nous faire en espagnol, qu'est-ce que c'est que ce freak; il saisit un gros livre sur le cinéma souvent feuilleté, il parle français, avec une certaine assurance même si son tremblement le rend incompréhensible, il ouvre à une page, nous montre la maison de l'assassinat du début d'Il était une fois dans l'Ouest, c'est ce saloon, il nous montre la pente du toit, oui, c'est bien ce toit, les autres maisons ont dû être construites plus tard ou le cadrage les cacher. C'est irréel, nous sommes dans le film sans y être, rien ne correspond, il ne s'agit pas du tout de la sensation éprouvée lorsqu'on rencontre des personnes rencontrées auparavant dans un livre: car ces personnes ont une vie autonome, alors que là, il n'y a rien — et il y a autre chose, ces gens dont on ne comprend pas ce qu'ils font ici, vivent-ils vraiment ici, dans la poussière et le silence? Cela ressemble à une malédiction, les oubliés du temps. (Et maintenant que j'écris quelques jours plus tard, il me semble que ce que je conserve de ce voyage, c'est l'image de ce garçon tremblant, disgracié, intelligent.)

    Nous reprenons la route pleins d'interrogations, décidons de poursuivre vers Tabernas et arrivons à "Mini Hollywood", beaucoup plus professionnel (ou Disney amateur!). Plus cher aussi: il y a un zoo. Aucun doute, c'est la banque de Pour quelques dollars de plus. Nous comparons nos souvenirs, les miens sont flous, nous visitons longtemps l'ensemble de la ville (c'est magique, naïf et magique) puis une partie du zoo. Là encore, ce récit est digne de foi (je l'avais vu mais pas vraiment lu, compris, avant le voyage).



    Vers trois ou quatre heures nous errons dans Tabernas pour déjeuner. Nous trouvons un restaurant, je fais l'erreur de commander du poulpe grillé, pensant obtenir à peu près ce que j'avais mangé au Portugal, je vois arriver un calamar entier de vingt-cinq centimètres, tentacule et bec compris… C'est fort en goût, très salé, un peu écœurant. Je fais l'effort de tout manger, pour ne pas désobliger la cuisinière qui a interrompu son propre repas dans la salle commune pour nous servir. H. est mort de rire.

    Au lieu de faire demi-tour, nous continuons vers Almeira.



    Bord de mer, ciel bleu, décapotable. Glaces, coup de soleil, arrêt en catastrophe pour acheter de l'écran solaire. Retour, mer de serres à perte de vue, incroyable (tentative de photo avec un téléphone: ça ne rend pas grand chose).



    Traversée de la Sierra Nevada, la nuit tombe, il commence à faire froid, le vent soûle.
    Retour au parking, retour à la Taberna de Jam. C'est décidément un merveilleux restaurant, par la qualité des produits et la gentillesse des serveurs (propriétaires?)

    Grenade

    Chambre d'hôtel. Aujourd'hui H. a cinquante ans. Il m'a annoncé au petit déjeuner qu'il devrait travailler toute la matinée. Soit. Puis je l'ai vu répondre à un SMS qu'il enverrait une version débeuguée ce soir tard. Ah. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

    Je pourrais aller visiter seule. Mais en réalité ça me va bien de rester ici. J'ai plein de trucs en retard, j'ai amené du grec, j'ai un oral à préparer. Ça fait juste un peu cher de la journée enfermés; à ce prix-là, autant rester chez soi. Je le saurai pour la prochaine fois (je regrette de n'avoir pas tout simplement pris une chambre à Corinthe ou Tarente en face de la mer.)

    En fait tout cela ne me gêne pas vraiment. C'est ma vie depuis toujours, H. en train de programmer, perdu dans un autre monde. Ce qui manque, c'est quand il n'est pas comme ça. Et je savais que je prenais un risque en organisant cette semaine, que cela avait une chance sur deux de ne pas coller. J'avais réussi à éviter qu'il soit jetlagué. Je ne savais pas comment éviter qu'il passe son temps au téléphone (ça, ça va). Je n'avais pas prévu qu'il aurait une livraison (produit à déployer chez un client) de plantée.

    Je me souviens avoir vu La Boum tardivement, après mes trente ans. (Pour donner un repère, ce film est sortie quand j'étais en troisième. C'est le film que tous mes copains et copines allaient voir, avaient vu.) Je me souviens m'être dit que ce film ne correspondait à aucun de mes souvenirs personnels, mes souvenirs d'ado et de post-ado n'avaient aucun lien avec ce film, à une exception près: la grand-mère en train d'expliquer comment elle rencontrait son mari dans les gares, toujours en se croisant, toujours sur des trajectoires différentes. Mes souvenirs de vingt ans ressemblent rarement à ce que retracent les films, c'est pour cela que j'aime tant The big bang theory. Les nerds (plus que les geeks, qui sont la version gentille, accessible à tous).


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    Interludes parce que mon nerd est gourmand:
    - une tentative à la Taberna de Jam (devant laquelle nous étions passé la veille: Plaza de los Campos, 1) vers quatre heures. Je ne sais pas si c'était réellement ouvert, mais ils nous ont très gentiment servis, s'adaptant à notre absence d'espagnol, nous proposant de goûter des plats devant notre vive curiosité, nous consacrant tout le temps nécessaire;
    - le soir repas d'anniversaire dans un restaurant marocain plus connu, le restaurant Arrayanes, (Cuesta Marañas, 4: goûtez absolument la limonade menthe-citron).

    Prado

    Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie autant en vacances, c'est-à-dire sans aucune obligation. Nous nous levons tard, passons un temps infini au petit déjeuner (ah tiens, on peut se préparer du gaspacho. Au petit déjeuner, c'est quand même difficile), décidons d'aller au musée du Prado à partir d'une heure et demie (heure conseillée pour éviter l'affluence — et effectivement nous ne ferons pas la queue) et remontons dans la chambre, H. programmer, moi surfer sur FB et jouer à Candy Cruch (heureusement, tous les trois échecs le programme s'arrête et me fait attendre vingt minutes dans l'espoir que le démon du jeu va me pousser à acheter des minutes — en fait ça me rend service et me permet de me mettre à autre chose.) Je devrais (je pourrais) télécharger le manuel en français de la voiture, préparer la visite du Prado, trouver un itinéraire pour les journées à venir, écrire le document que je vais devoir remettre puisque je n'ai pas assisté au TG samedi. Je ne fais rien de tout cela. Rien d'utile, rien de nécessaire, rien d'efficace. Ah ça fait du bien!

    Prado de l'autre côté de l'hôtel (comme c'est agréable ces larges avenues, cet espace. Les deux sens de circulation de l'avenue sont séparés par un très large terre-plein qui les transforment en deux sens uniques, et sans doute parce que nous sommes dimanche, l'une des artères est neutralisée, interdite aux voitures et rendue aux piétions. Cela donne une intense sensation de vacances, vacance. Il y a du vent, il fait gris et bleu, un peu froid.

    Prado. Ce musée a une particularité surprenante et un peu dérangeante: il sent les pieds, le vestiaire (est-ce constant ou sommes-nous tombés un jour où la ventilation ne fonctionnait pas? surprise aussi par la température, moi qui suis tant habituée à ce qu'il fasse un peu froid, conservation des œuvres oblige).

    Maintenant que j'ai fait ma Française de base en rouscaillant, disons-le: nous avons eu une chance extraordinaire: exposition Georges de La Tour, trente-et-une œuvres sur les quarante connues à ce jour, et c'est magnifique.

    Pour le reste, nous nous concentrons sur les Goya (de toute façon, comme tous les grands musées, il faut une "fréquentation", pas une visite isolée: inutile de jouer les stakhanovistes). Trois étages de Goya, une production prolifique. Ce qui surprend, c'est la diversité des genres. Ce qui se dégage au total, c'est l'impression d'une intense liberté: il peignait ce qui lui plaisait comme il lui plaisait, scènes de campagne colorées, cauchemars sombres, diable oriental sur fond de paysage à la Turner, grands de la cour, allégorie du commerce… Je me demande si une biographie confirmerait cette impression. Le troisième étage est consacré à de cartons de tapisserie, j'aimerais bien voir celles-ci car je peine à les imaginer. Nous sommes si loin des tapisseries des châteaux français, éternellement mythologiques ou cynégétiques.

    Choc du Greco (ce blanc, quel blanc. Littéralement illuminé de l'intérieur, un blanc phosphorescent), les Velasquez, la Madeleine de Ribera. Je me surprends à des réflexes à la Swann, découvre des ressemblances entre tel portrait et telle personne de notre connaissance. A la fin de la visite, je m'aperçois que je n'ai pas vu les Dürer et tandis qu'H. déclare forfait, je me perds, plan à la main, pour aller contempler l'autoportrait.

    Dîner dans un restaurant cubain à deux pas. Caïpirinha et bananes frites.


    Écrit entre deux et sept heures du matin. Le café (très bon), la cuisine cubaine? Indigestion. Une telle envie de tout goûter, un estomac trop petit pour toutes ces envies. (Et pourtant, je n'avais pris qu'un thé le midi (déjeuner à quatre heures dans le musée, après un petit déjeuner paléo à dix heures) en prévision du dîner. Se souvenir de ne pas prendre de dessert! (mais j'ai entendu "lecche", je me suis dis que c'était peut-être de la confiture de lait, et je n'ai pas résisté. Je blogue (ça ne se voit pas, je mets de l'ordre dans les profondeurs des soutes) et je joue à Candy Crush.)

    Un oncle d'Amérique

    J'ai testé un nouveau service de la poste (cela a progressé car ce service n'était pas disponible dans ma ville en janvier): imprimer son bordereau d'expédition, déposer son paquet dans sa propre boîte aux lettres et laisser le facteur le récupérer pour l'envoyer. Incroyable, mais ça a l'air de marcher!

    — Qu'est-ce que tu as envoyé?
    — Un cadeau pour N.
    — Qu'est-ce que c'est?
    — Un livre.
    — Un livre? Ça c'est étonnant!
    — Bon, j'ai mis quelques billets dedans, mais je lui ai demandé de ne pas trop en parler.
    — Pourquoi?
    — Parce que C. n'en a pas fait autant pour vous et je ne voudrais pas qu'elle soit gênée. Pour l'instant je suis la tante pleine de pognon.
    — Ah mais oui! Et papa l'oncle d'Amérique!


    C'est stupide, mais cette découverte m'enchante. J'avais toujours rêvé d'un oncle d'Amérique, mais je n'avais jamais imaginé que cela puisse être nous. Eh bien, si (enfin peut-être, ça va dépendre des mois à venir, mais rien que cela puisse être possible me ravit).

    Panama Papers

    J'ai l'impression que les Panama Papers font davantage rire les Français (source de plaisanteries, de dessins, reprenant cette remarque de Balzac que je ne me lasse pas de citer: «En France, tout est du domaine de la plaisanterie, elle y est la reine : on plaisante sur l’échafaud, à la Bérézina, aux barricades, et quelque Français plaisantera sans doute aux grandes assises du Jugement dernier.») qu'ils ne les scandalisent (ce qui n'est pas pour me déplaire, d'ailleurs. Je préfère cela aux bougonneries perpétuelles).

    Peut-être n'est-ce que moi qui suis fataliste et désabusée depuis que j'ai appris qu'en 1932, la révélation de comptes cachés en Suisse a permis, non pas la condamnation des fraudeurs, mais la chute du gouvernement. (J'en ai déjà parlé, je pense, car cela m'a accablée: à quoi bon les déclarations de principe, les puissants ne sont mis en cause que par les révolutions (et c'est alors dans le sang. Or je ne souhaite pas de sang, et la révolution me fait peur. Comme dirait H., quoi qu'il arrive, nous serons du mauvais côté: pour la gauche (la vraie) nous serons riches, pour la droite, nous serons intellos.


    PS: 11 avril. J'ajoute ces pastiches à la Panamanière. Voir aussi chez Elisabeth et Guillaume.

    Rien (encore)

    Un conseil d'administration rondement mené. C'était celui de l'arrêté des comptes, j'avais prévenu la commissaire aux comptes que nous avions un pinailleur susceptible de prendre longuement la parole — et puis rien, il avait un train ou un rendez-vous, tout a été plié en deux heures (ce qui respecte la loi expérimentale suivante: tout est à peu près prévisible mais rien ne se passe comme prévu).

    J'apprends que l'assemblée générale du 28 juin sera précédée d'une assemblée le 21 juin (tant nous sommes sûrs de ne pas avoir le quorum requis): ç'aurait été gentil de me prévenir, malgré tout, détail, c'est moi qui suis en charge des relations avec la poste (fabrication des enveloppes T), le service courrier (mise sous pli) et l'huissier (réception des votes par correspondance). Et puis il faut trouver une salle (l'enfer est dans les détails). Bon bon bon. Moi qui pensais pour la première fois depuis quatre ans avoir maîtrisé les délais, j'ai désormais une semaine de retard.


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    Agenda:
    Dans les bonheurs du jour, j'ai commandé des livres (est-ce que ça compte?) (et des draps (au bout de quinze ou vingt ans les nôtres se déchirent spontanément et finissent en chiffon pour les rails d'aviron) et des cartouches, mais ça, ça ne compte pas).
    Bon évidemment, j'en achète toujours un peu, mais maintenant (à partir d'il y a quelques jours) je sais que je vais pouvoir les ranger: H. fait réaménager l'ensemble des locaux de bureau que sa boîte vient d'acheter et il va récupérer… des étagères, une bibliothèque, qui part à la casse: Noël!! (Vous me direz que nous aurions pu acheter de nous-mêmes des étagères: oui mais non, car cela aurait été entériné officiellement l'idée que j'achète des livres, alors que je jure mes grands dieux que non, j'ai arrêté. Alors que là, ça tombe du ciel, ce n'est pas du tout pareil. (De ma difficulté à ne pas rire quand on me parle de l'homme rationnel et de la rationalité des choix)).

    Moment suspendu

    Le treize ou le quinze avril, je ne sais plus, se tient l'assemblée générale de Cerisy. Comme je ne pourrai pas y être, j'ai envoyé un mail au secrétaire avec qui j'avais sympathisé pour savoir si je pouvais lui donner ma procuration.

    Réponse non, car il ne sera pas là non plus. Et il me suggère de l'établir… au nom de Ricardou.

    Ça m'a fait un choc.


    (C'est compliqué: inutile que j'explique à ceux qui comprennent, et inexplicable à ceux qui ne comprennent pas. Essayons tout de même: Ricardou, c'est l'homme qui écrit des points-seuil que j'ai étudiés après mon bac, pas un pote à qui je donne ma procuration!)

    Robinson

    Cette année les cours commencent plus tôt — huit heures au lieu de huit et demie — et c'est la demi-heure qui change tout: il est beaucoup plus rare de se retrouver à la brasserie du coin pour prendre une bière ou manger sur le pouce que les années précédentes. J'en suis toute déconfite, car c'est la première fois que cela me serait possible depuis longtemps, ayant eu les années précédentes des heures de grec ou de latin avant le cours principal.

    Hier, peut-être du fait du changement d'heure qui permet qu'il fasse encore jour à sept heures, nous nous sommes retrouvés à quatre, un retraité, un proche de la retraite, moi, un trentenaire. La conversation roule sur les vacances, le plaisir et l'ennui de deux semaines de farniente au bord de la mer. D'autre part, nous évoquons les Panama Papers, le monde comme il va mal, je regrette de n'avoir nul lieu sur la planète où échapper à la folie et au dysfonctionnement ambiants. L'un d'entre nous rit:
    — J'avais un ami, ils s'étaient mis à plusieurs, ils avaient acheté une île au large de Madagascar. C'était très bien, mais c'était loin de tout, il n'y avait rien, il avait réussi à installer un groupe électrogène, il fallait tout emmener en pirogue, pendant trois semaines tu vivais comme un Robinson.
    — Tu dois t'ennuyer, sans rien avoir à faire.
    — Si tu dois pêcher ta nourriture et tout faire cuire au feu de bois, ça occupe, tu sais.
    — A condition qu'il y ait du bois sur l'île.
    — Comme ça tu es heureux de rentrer, de retrouver le métro, les embouteillages…
    — C'est une chose que je me suis toujours demandé: pourquoi les gens qui reviennent enchantés d'un lieu dans le monde n'y reste pas. J'avais un collègue qui ne rêvait que de Brésil. Il avait épousé une Brésilienne qui venait d'une région éloignée des métropoles, il adorait cet endroit et les gens. Pourquoi il n'y était pas resté? Quand je lui avais posé la question, il m'avait dit que c'était pour les enfants. Mais si cet endroit le rendait heureux, pourquoi ne pas vouloir que ses enfants soient heureux?
    — Mais il n'y a pas que ça. L'homme est grégaire, sociable. Il ne peut pas vivre loin de tout.
    — Mais il ne vivait pas loin de tout. Il y avait la famille de sa femme, il n'était pas seul.
    Et le plus jeune de dire:
    — Le problème, c'est l'emploi. Tu as besoin d'argent, pour l'école, l'éducation des enfants. Tu t'imagines vivre sans internet?
    Je le regarde, il est très sérieux, il est en train d'évoquer une situation insupportable, inimaginable. Je me mets à rire:
    — En fait, ça nous est arrivé. Tu es trop jeune, mais nous, nous sommes nés avant internet. Donc je peux témoigner et nous nous en souvenons: il est possible de vivre sans internet. C'est même la forme naturelle de la vie.




    (Minute people: Filippot et sa suite sont entrés dans la brasserie pour dîner. Je ne l'ai pas vu (je tournai le dos à la porte et quoi qu'il en soit je ne l'aurais pas reconnu) mais c'est ce que m'a dit mon vis-à-vis. Etrange impression, une envie de se lever et partir, davantage peur d'être contaminée que si j'étais en présence de déchets radioactifs. Il y a des gens que je ne souhaite pas croiser.)

    Week-end studieux

    Mon genou me fournit le prétexte nécessaire à ne plus sortir de la maison du week-end. Je ne photographierai pas l'arrivée du printemps.

    Blogage, devoir de grec (sacré Paul: je me demande si toute la théologie chrétienne n'est pas établie sur des erreurs de traduction. Style tout en balancements: je ne suis pas ceci mais je suis cela, ce n'est pas cela mais c'est ceci, etc) et Grégoire de Nysse. Normalement l'oral de patristique a lieu le 21 avril, mais ma tutrice a eu la gentillesse de me relancer (normalement c'était à moi de le faire et j'en avais abandonné l'idée) et je me suis engagée à lui envoyer quelque chose ce week-end avant de la rencontrer mardi.
    Engagement que je suis en train de ne pas pouvoir tenir malgré des heures de lecture de Grégoire. Trop court. Tout cela est assez frustrant et mauvais pour l'estime de soi.

    Tristan à l'ICP

    En attendant le début du colloque, je m'installe au café et je surfe. Je découvre une vidéo de Guillaume Cingal qui traduit sur le vif Red Shuttleworth, un poète américain qui finira un jour par être connu en France (il est difficile à traduire car il écrit de façon extrêmement condensé. Il me pose souvent le problème de savoir s'il invente une expression ou s'il en utilise une très connue aux US, mais non écrite (pas toujours politiquement correcte) — inconnue en France).
    En écoutant Guillaume, je remarque à ma courte honte (tant pis) qu'il fait attention à la forme du poème, tandis que toujours je me précipite vers le sens, sans m'arrêter à l'objet posé sur la page.

    Neuf heures et quart est l'heure officielle du début de la journée d'étude sur "Crise(s) et critiques de la démocratie libérale, de l'entre-deux-guerre à la crise du XXIe siècle" à l'ICP. J'y vais pour écouter Tristan Storme, spécialiste de Carl Schmidt. J'ai beaucoup perdu de mes réflexes depuis l'époque où je lisais Taubes, Schmidt, Storme sur Schmidt, Pranchère sur Maistre, en 2011 ou 2012. Il est difficile (en fait impossible) de suivre tous ses amis dans leurs différents centres d'intérêt, entre les philosophes, les mélomanes, les littéraires, les amateurs d'expositions et d'architecture, les historiens, les psychanalystes… Entre théologie et aviron, j'ai un peu décroché.

    J'en suis à attendre la fin de ces huit ans (j'en suis à cinq) comme une libération, la possibilité de faire ce que je souhaite sans entrave.
    Je résume cela par: «Vivement que cela soit fini, que je puisse enfin travailler», voulant dire: lire un seul auteur, mais correctement, au lieu de les survoler tous bien trop vite (c'est une fausse excuse. Je pourrais commencer en juin). Parfois je me demande si c'était une bonne idée d'abandonner un domaine où je commençais à saisir deux ou trois notions (la littérature) pour m'aventurer dans un domaine où je ne connais rien (la théologie). Il faudrait que je travaille plus sérieusement, cette phrase est un mantra, un leitmotiv, un regret. (Sur la tombe d'O. on écrira "c'est pas très grave", sur la mienne "j'aurais dû travailler plus sérieusement".)

    A midi je m'éclipse, toujours cette peur de m'imposer, d'embarrasser (ce qui fait qu'ensuite je me demanderai si je n'ai pas été impolie en partant trop vite. Le scrupule est un rongeur.)

    Mojito bien tassé au café du Métro , ce qui fait que j'arriverai un peu partie au comité financier de l'après-midi. (Mon actuaire préféré nous présente le gérant de notre portefeuille qui doit être davantage habitué aux chiffres qu'aux gens: j'ai rarement vu de telles plaques rouges dans l'échancrure d'une chemise (de l'utilité de la cravate), il doit être terriblement timide.)

    En passant devant la boutique St-James à Madeleine, j'achète une casquette rouge (pour le CNF. Jean-Pierre m'en promet une depuis longtemps mais je n'y crois plus).

    Le monde comme il va (c'est ainsi qu'Allah est grand)

    France Inter, 6h50, j'écoute la chronique qui résume l'actualité culturelle de la semaine:

    - lundi, nomination d'Amanda Lear et Michel Leeb à la Comédie française pour une antenne décentralisée à Sartrouville pour se rapprocher des jeunes.
    - mardi, je ne sais plus.
    - mercredi, Woody Allen annonce qu'il veut faire touner Julie Gayet et Valérie Trierweiller dans un "Midi à Paris". Trierweiller a déjà dit oui, Julie Gayet réserve sa réponse.
    - jeudi, le centre Pompidou va être installé à Singapour.

    C'est à ce moment-là que je me suis dit que quelque chose ne collait pas. Ah oui, premier avril!
    Le plus effrayant, c'est tout de même que tout le reste paraisse possible.

    Emmanuel Régniez à la Maison de la poésie

    Pluie. Pluie. Le RER prévu à 7h05 passe à 7h02, O. voit les portes se fermer devant lui. Une demi-heure sous la pluie, puis voiture bondée alors que la rame précédente était "relativement" vide (pour un jour de grève).
    Je note les vilenies de la SNCF et de la RATP car j'ai un nouveau grief: il est désormais prévu une amende de cinq euros pour celui qui n'aura pas validé son pass Navigo. Et moi, qui ai plus de vingt ans de pass Navigo annuel à mon actif (au début il s'agissait d'un coupon de carte orange annuel), à quoi ai-je droit pour me dédommager des grèves, des rames en avance, des rames en retard, des rames supprimés, des voitures condamnées, des voitures non chauffées, des voitures surchauffées, des travaux nocturnes, des arrêts non marqués, des interconnexions supprimées, etc.?
    Quand les peines prévoient toujours de frapper un seul des contractants, ces peines étant instaurées par l'autre contractant, j'appelle cela une tyrannie.

    En fin d'après-midi j'envoie en catastrophe aux commissaires aux comptes pour relecture les trois derniers rapports qui seront soumis mercredi prochain au conseil d'administration. Je ressens une certaine lassitude. Le stage dans le Jura m'a fatiguée. La mort de Gabriel aussi.

    Je n'avais pas revu Emm. depuis des années, je le vois ce soir pour la deuxième fois en six semaines, comme je n'étais pas revenue à la maison de la poésie depuis des années, et m'y revoici après y avoir vu Roubaud il y a quinze jours.

    Très belle lecture. Dans l'obscurité, je me prends à tenter de reconstituer l'origine de ma "demande d'amitié" sur FB à Emmanuel. Le lien s'est fait à partir de la poésie sonore de Bernard Heidsieck. A l'époque, Emmanuel avait créé un groupe autour d'Heidsieck. Je me demande si ce groupe existe encore, FB a tant changé (un beau jour, les groupes ont été archivés par défaut, et tous ceux qui n'étaient pas sur leur garde ont perdu leurs groupes).

    Poésie sonore, oui, it figures, c'est cohérent avec ce que je viens d'entendre ce soir.


    Par ailleurs, je continue à documenter les transformations de la gare de Lyon:

    2016-0331-travaux-gare-de-lyon.jpg


    Remords

    Déjeuner avec Dominique. Il y a des gens qu'on ne souhaite pas croiser tant ils sont une source de remords. (Celui qui pense qu'il vaut mieux des remords que des regrets n'a pas dû goûter aux deux.)
    Le temps passe. Deux petits-enfants de plus. Apéritif ET vin : ce n'est plus de mon âge. Mal au crâne pour l'après-midi.

    Quand j'arrive gare de Lyon où H. m'attend pour rentrer ensemble en voiture, il me dit que P. vient de lui envoyer un SMS: il est à l'hôpital pour passer un scanner, dos douloureux, son marathon des sables dans une semaine pour lequel il s'entraîne intensivement est une folie (c'est un sujet de conversation depuis quelques jours: course en autonomie dans laquelle on porte son ravitaillement; "chameau balai": tous ceux qui sont rattrapés par les chameaux sont éliminés, jugés trop épuisés (enfin, c'est peut-être un hoax1, ou une tradition en désuétude, car je ne retrouve pas ce point dans le règlement (pour rire, voir l'article 27: un plâtre entraînera deux heures de pénalité)).
    Vers vingt-et-une heure, la nouvelle tombe: sans doute un AVC. H. est rongé d'inquiétude, j'essaie de le rassurer: «c'est arrivé à l'hôpital, c'est sous contrôle, tout va bien se passer». Même analyse de sa femme: «Heureusement que c'est arrivé ici et pas dans le désert». Oui, c'est le moins que l'on puisse dire.
    N'empêche, quelle série en quelques jours.

    Impossible de dormir. Nous regardons un film qui n'est pas fait pour nous apaiser: une histoire d'enfant disparue, de réseau pédophile et de sadisme psychologique, Captives (un choix fait par hasard, nous écrémons depuis quelques jours le filmographie de Ryan Reynolds, un acteur que je n'aime pas (c'est bizarre, les goûts: pourquoi la tête d'Edward Burns "me revient", et pas celle de Ryan Reynolds? Un problème de mollesse des traits, d'énergie transmise, sans doute)).


    Note
    1: deux jours plus tard: Non, on m'a précisé depuis que P. a montré des photos des chameaux. (Il va mieux. Pas vraiment un AVC, mais on ne sait pas de quoi il s'agit. Visage paralysé. Les médecins lui ont interdit le marathon.)

    Mardi

    Rien. C'est ce que j'ai envie d'écrire tous les jours: rien.

    Suite de la rédaction du rapport de gestion pour l'arrêté des comptes lors du conseil d'administration du 6 avril. Je me bats avec la définition des prestations (quatre façons différentes d'y intégrer les frais.)
    Bibliothèque. Grec III (est-ce une méthode pédagogique italienne (finalement la prof est italienne et non grecque) de toujours reprendre la traduction depuis le début tant qu'une traduction n'est pas terminée? puis dans sa totalité quand nous avons fini? ou la prof est-elle juste feignante?) et cours sur Grégoire de Nysse, très vivant.

    Férié

    J'aurais dû travailler — j'avais prévu de travailler — je n'ai pas travaillé.
    Nous nous battons pour les lasagnes — plus de cacahuètes. Evocation d'anecdotes familiales.
    Vers le soir, validation des inscriptions APB (admission post-bac). Il existe des cursus math-informatique à Paris 7 (Diderot) avec 47 ou 92 places, plus sélectifs que la prépa. Il existe des lycées qui demandent des lettres de motivation…
    Je suis inquiète pour l'année prochaine. C'est comme si c'était mon premier enfant en études supérieures et non le troisième, tant le premier a fait n'importe quoi et la deuxième a été atypique. Je m'inquiète pour l'année prochaine.
    Je suis obligée de fouiller dans l'ensemble de mes piles pour retrouver les notes de français d'O. Sueurs froides. Je ne rangerai pas avant juin (mais j'ai retrouvé le papier désiré).

    Résumé

    Journée décalée deux fois : une fois à cause du changement d'heure, une fois parce que mes beaux-parents qui devaient venir le midi viennent le soir. Longue journée de farniente, à bloguer, à ranger quelques bricoles, à peine.
    Puis belote, cacahuètes, gigot d'agneau.

    Genou

    Ramé quinze kilomètres. A la nage du quatre (Sylvie, Gilles, Gwenaelle. Personne en ce week-end de Pâques). Franz a donné quelques conseils, dont un que je n'avais jamais entendu: la main gauche reste toujours devant la main droite, même au dégagé. Ainsi le bateau devrait cesser de gîter à babord. La correction de ce défaut me fait-elle appuyer différemment sur ma jambe droite (babord est à droite puisque nous reculons)? Est-ce pour cela que mon genou me fait mal? (Aimablement, les enfants soulignent qu'à mon âge, le corps s'adapte moins bien aux changements de posture.) La douleur est revenue. De l'avis général, ce serait les ligaments croisés du genou: deux à trois mois de repos. Zut alors. Et ma masse grasse?

    La photo n'a pas été prise sur l'eau mais devant la piscine. Elle représente bien cette journée: les saules pleureurs annonciateurs du printemps, le désordre des branches matérialisant le vent et le ciel gris, toujours.

    2016-0326-saules-Melun-printemps.jpg


    La photo suivante est prise à la tête de mon lit. Si vous regardez bien, vous verrez qu'il y a un coffre sous les piles de l'arrière-plan. L'emplâtre de Voltaren est dedans. Bonne raison de ranger.

    2016-0326.bordel.jpg



    Le titre du billet est une référence au cri des profs de muscu sur fond sonore de techno (indiquant qu'il faut lever haut le genou).
    Et j'ajoute ce genou que je viens de découvrir (en retard, en retard).

    Le luxe de dire ce qu'on a sur le coeur. (Ça surprend, mais ça soulage.)

    — Cette semaine, j'ai dit à un mec que quand on veut faire un concours de bites, faut d'abord s'assurer qu'on a la plus longue pour être sûr de gagner.

    H. est rentré hier mais nous n'avons pas eu le temps de discuter. Premier repas en famille depuis quinze jours.
    — Euh… tu veux dire métaphoriquement ou littéralement?
    — Littéralement. Tu sais que dans notre nouvel immeuble, je prends un locataire au rez-de-chaussée? On avait trouvé quelqu'un, on s'était mis d'accord, j'avais dit oui à tout, vingt pour cent de réduction de loyer, j'avais avancé les travaux pour qu'il puisse emménager le 1er juin, je l'avais même invité avec la maîtrise d'œuvre pour qu'il puisse choisir le carrelage…
    O. remarque: — Ça va être pratique quand vous allez vous croiser sur le parking avec votre mètre-ruban…
    — … et je reçois un mail de son patron qui m'explique que comme le déménagement va lui coûter de l'argent, il veut quatre mois gratuits parce qu'il va avoir des frais.
    — Hein? Je ne comprends pas, c'est pas ton problème; s'il ne veut pas déménager, il ne déménage pas.
    — Exactement. J'ai failli lui écrire, et puis j'ai décroché mon téléphone et je lui ai expliqué ma façon de penser.
    — Il a dû être surpris…
    — Il n'a rien dit.

    Donc H. (la boîte dans laquelle travaille H.) n'a plus de locataire. Mais il n'est pas inquiet.


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    Agenda
    Maryvonne est partie en retraite. C'était un pilier de la cafétéria, je l'avais toujours vue (depuis 1996). Le paysage va changer, et l'ambiance (elle bougonnait beaucoup, ces derniers temps).

    Le choc

    Je suis la fille qui vient de comprendre dix jours plus tard en regardant de plus près le mur FB d'une amie (amie qu'elle n'a pas vue depuis quinze ans, avec qui elle ne discute jamais, mais à qui elle pense souvent, ne serait-ce que parce qu'elle a trois fils ayant l'âge de ses enfants) — qui vient de comprendre, donc, que son aîné est mort à vingt-quatre ans.

    (Il y a dix jours, j'avais été heureuse de voir la photo de son fils sur son mur. Je l'avais écrit d'ailleurs. Et aujourd'hui seulement je comprends à quoi correspondait cette photo.)

    Mrs Muscles (Missis Meusseulz)

    La jardinier (désolée, la jardinière, ça ne le fait pas (maintenant quand j'écris n'importe comment, je me dis que cela fera du travail à un linguiste (Minaudier est passé par là))) m'a téléphoné vers deux heures, dieu qu'elle est bavarde. «J'ai taillé le vieux rosier, vous serez peut-être choquée. Est-ce que je tonds le gazon? ce serait dommage, il y a beaucoup de petites fleurs, si je les piétine, il ne restera rien.» Je lui assure que la pelouse tondue m'indiffère, ce que j'attends d'elle, c'est qu'elle "prenne soin".

    En arrivant dans le jardin le soir, je suis stupéfaite: combien de temps a-t-elle travaillé? Elle a fait en six heures (mettons) ce qui nous prend deux semaines: déplacer cinq rosiers, en tailler, palisser et désherber trois autres ainsi que le grand et vieux rosier jaune (pourra-t-elle lui rendre un peu de sa splendeur, est-il trop tard? (pas cette année, non, mais dans un ou deux ans?)), donné une forme au laurier (à la scie, je pense), taillé les hortensias et l'herbe de la pampa et je ne suis pas sûre d'avoir tout vu. «Quelle femme!» dirait un ami.

    Cela m'a fait sourire et redonné un peu le moral.

    D'heure en heure

    Avant sept heures, j'entends l'annonce d'une émission sur les droits de l'homme et je me dis que ce doit être Jean-Yves pour son dernier livre écrit avec Justine Lacroix, Le Procès des droits de l'homme.

    A huit heures et demie à la cafétéria, deux femmes discutent devant moi: «je crois qu'il y a eu des explosions à Bruxelles, peut-être un attentat.»
    Remontée au bureau j'en parle à ma collègue qui vérifie sur internet: trois bombes.

    Vers deux heures H. m'appelle, découragé: «Personne ne travaille, les gens discutent autour de la machine à café. Tout à l'heure, les Mulhousiens ont voulu que j'annule la réunion de la semaine prochaine à Paris comme trop dangereuse. J'ai refusé.»
    (S'il fallait s'arrêter de vivre à chaque fou… Ils sont nombreux, certes, mais… Toujours je pense aux anarchistes au début du XXe siècle. Mais eux visaient des personnalités au pouvoir, la comparaison n'est pas valable.)

    Présence

    J'ai terminé Poésie du gérondif. En fait, je ne comprends absolument pas comment il est possible de décrire une langue ou de l'expliquer à quelqu'un. (Nous parlions à midi d'un devoir de maths ayant consisté à décomposer le coup franc de Platini en 1978, en concluant que si Platini avait calculé tout cela, il n'aurait jamais réussi son coup de pied:eh bien pareil.)

    Depuis quelques temps, une nuance m'intrigue: la différence entre «je suis ici» (spatial) et «je suis là» (ontologique?): il est possible d'être ici sans être là, et inversement. Comment expliquer cela?

    Retour

    J’ai été trop légère sur la pharmacie. Liste pour la prochaine fois :
    - Casquette quelle que soit la saison
    - Crème solaire (idem)
    - Lunettes (idem)
    - Dafalgan codéïné
    - Doliprane
    - Lotion de Foucaud (pour détendre les muscles, désinfecter les ampoules, vivifier par son odeur)
    - Synthol en crème
    - Emplâtre Voltaren 1% autocollant
    - Homéoplasmine (pour les ampoules et petits bobos)
    - Sparadrah micropore (idem)
    - Vicks et boule quiès (de base)

    Et donc je n’ai pas ramé ce matin. Je pense que j’aurais pu faire la moitié de la distance, mais il faut ensuite rentrer et nous sommes quatre dans un bateau. Je n’ai pas pris le risque de ne plus pouvoir ramer. (D’ailleurs ça n’existe pas de ne plus pouvoir ramer. On rame, on rentre. Ensuite on paie. C’est ce que j’ai voulu éviter.)

    Je passe la matinée entre le ponton à donner un coup de mains aux uns et aux autres et la terrasse au soleil.
    J’apprends que la vice-présidente du club, une femme de cinq ou dix ans de moins que moi à la silhouette juvénile, est à l’hôpital. rupture d'anévrisme? Personne ne sait exactement, la phrase est : «elle va mieux, on peut l’appeler, elle recommence à parler».
    J’apprendrai que son ami en voyage à l’autre bout du monde avait trouvé qu’elle « disait des choses bizarres » au téléphone. Quelques heures plus tard, comme elle ne lui répondait pas, il a téléphoné aux pompiers qui ont défoncé la porte et l’ont trouvée recroquevillée en fœtus dans un coin de l’appartement.
    Je ne parle pas de Jacqueline. Je ne dis rien. Je fais le vide, je me chauffe au soleil.

    Repas, valise. Démontage des bateaux, amarrage sur la remorque.

    Comme la camionnette et la remorque vont plus lentement que nous, nous arrivons à Dole les premiers et partons à la recherche d’un café ouvert. Il y en a deux, au-delà de la cathédrale.
    Fête foraine au bord du Doubs. Il doit y avoir un club d'amateurs de Terre-Neuves, nous en voyons passer une dizaine, une quinzaine, au loin. C’est très impressionnant.

    Remontage des bateaux, rangement de la remorque. Jacky nous offre un café au club qui utilise des tasses en porcelaine (don de rameurs qui se débarrassent de vieux services) : c’est joli. Achat de casquette. Retour en voiture.

    Dans l'obscurité de la voiture je fais discrètement une attaque de chagrin: la nouvelle de l'anévrisme de L. liée au fait que j'ai ramé en double deux jours de suite… Et ces trois jours qui m'ont tant rappelé le stage à Cholet pour préparer la coupe de France, logées à quatre en caravane et cette horrible entraîneur… Je sais que j'espère voir Nathalie en allant ramer à Marseille en septembre, je sais aussi que je le redoute. Cette peur de me mettre à pleurer en disant: «Elle me manque tant» (ce qui est idiot: que signifie «manquer tant» alors que je ne la voyais jamais? j'ai parfois l'impression de faire du sur-place dans l'enfance. Qu'attends-je?)

    J’ai presque mis autant de temps à faire Neuilly-Yerres que Dole-Paris (j'exagère, mais pas tant que ça): les RER ne s'arrêtaient pas entre Villeneuve-St-Georges et Melun mais ce n'était pas annoncé (et donc au lieu de prendre le premier train pour Villeneuve j'ai attendu le troisième qui allait à Melun…); j'ai réussi à prévenir Hervé alors que je n'avais quasi plus de batterie et lui a été bloqué par une intervention de pompiers sur la route entre Yerres et Villeneuve.

    Lac de Vouglans

    Nous avons interverti l’ordre des sorties : ceux qui sont sortis à huit heures et demie hier sortiront à dix heures et demie aujourd’hui.
    Je regarde partir Luc et Nicolas dans le brouillard avec inquiétude : ils ne sont pas très aguerris et la « sécu » (le bateau moteur) est loin, il a suivi les quatre. (Luc est condamné à ramer en double… à cause de ses grands pieds : les chaussures intégrées ne dépassent pas le 44 dans les bateaux longs. Voilà un problème qui ne se pose pas à Neuilly ou Melun). S’ils se retournent, nous les regarderons sans rien pouvoir faire. L’eau est très froide, tiendront-ils, tiendraient-ils ?

    2016-0318-brume-Bellecin.jpg


    En double avec Franck. Quelques bons moments.
    Les compliments reçus au cours des mois passés ont cicatrisé mes complexes qui me rendaient si difficile de ramer en double; je ne me dis plus à chaque déséquilibre: «c’est de ma faute, je n’y arriverai jamais, pourquoi je continue, qu’est-ce qu’il doit penser de moi (etc.)» Les compliments, mais aussi la découverte que des personnes moins entraînées que moi avaient bien moins de scrupules et ne se remettaient jamais en cause (à l’aviron et ailleurs): ça suffit! (du sans-gêne et de la prétention comme outil pédagogique).

    Après-midi à la nage du quatre. Cela ne se passe très bien, Franck m’a laissé cette place parce que nous avons bien ramé ce matin, mais le bateau ne me fait pas confiance. C’est très heurté.
    Jacky corrige mon défaut (« Voilà pourquoi tu te tortilles. Tu ne le fais pas en double, il n’y a pas de raison de le faire en quatre » (si, il y a une raison : la peur des autres. Une timidité dévorante. Et c’est exactement cela: je me tortille): donc le pouce gauche au bout de la pelle gauche, la main droite bien descendue au dégagé.
    Sans doute suis-je trop exigeante. Impossible de faire une manœuvre coordonnée, chacun n’en fait qu’à sa tête sous prétexte qu’il est inutile de se donner cette peine, il y a de place et pas de courant. Suis-je donc la seule à penser que c’est justement dans ces conditions-là qu’il faut s’entraîner pour être efficace dans les moments difficiles? (Question rhétorique: je sais que la réponse est oui. Je sais que je suis quasi la seule à aspirer à quelque chose davantage de l’ordre de la perfection que du loisir. Il est probable que j’ai tort, que je sois ridicule. Tant pis. Je sais aussi que je suis à la poursuite d’un rêve intérieur et qu’il ne faut pas abandonner trop tôt. J’ai souvent abandonné trop tôt.)
    Jacky tient que le quatre est le bateau est le plus technique et le double le meilleur pour faire des progrès.

    J’ai rattrapé mon sommeil en retard et ce soir je reste pour visionner les vidéos. En toute honnêteté, je ne vois pas les défauts, sauf les défauts de posture, et personne n’en a franchement. Se voir ramer est sans doute aussi désagréable que d’entendre sa voix. Se voir est désagréable (quel étrange métier qu’acteur). Dieu que je suis raide, on dirait que j’ai avalé un parapluie. Soudain je comprends ce que voulais dire Fred par « Détends-toi ».

    J’ai mal au genou droit. Tendon ou ligament. Cela a commencé pendant que je ramais cet après-midi. Si je descends accroupie sur mes talons, ça ne me fait pas mal, mais si debout j’amène le talon à la fesse, c’est insupportable. Pourrai-je ramer demain ?

    Vannée

    Ramé dormi. C'est le tout de ma journée.

    Soleil. Bassin superbe, sur lequel nous sommes absolument seuls.

    Quatre un peu brutal le matin. L'entraîneur est sans pitié pour ma façon de compenser avec le corps la gîte à bâbord. Nous ramons un peu trop vite, "un peu brouillon" comme dirait Régis.

    Nous sortons de l'eau à dix heures et demie pour laisser la deuxième équipe s'entraîner avant le déjeuner. Je n'ai aucun souvenir de ce que j'ai fait durant ces heures. J'ai pris une douche, lu, écrit un billet. Ai-je dormi? Impossible de m'en souvenir.

    Tous les gens du groupe à part trois (nous sommes vingt-et-un) sont des rameurs du samedi; nous ne sommes que trois à ramer le midi. En tant que minorité je subis un interrogatoire en règle qui me fait sourire (c'est un progrès).

    L'après-midi je demande à monter en double avec Olivier. Ce fut chaotique mais pas déplaisant. Le retour fut très dur, avec vent contre. Dès que le soleil est moins haut il commence à faire froid, mais j'ai ramé en tee-shirt cet après-midi. Je suis toute rouge, surtout sur l'arcade du nez, je n'ai pas pensé à prendre de la crème solaire (et nous sommes loin de tout).

    Aujourd’hui 25 mars, j’ajoute: j’ai enfin compris l’impression ressentie sur le bateau alors que nous avancions entre les falaises sur le lac silencieux, une impression de fin du monde, d’oppression et de liberté: c’était l’impression ressentie dans le tunnel de La maison des feuilles, cette impression de temps ralenti et éternel dans un espace illimité et pourtant bordé de murs. Et le silence.

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    Vingt minutes de sieste après le déjeuner, une demi-heure après la sortie en attendant la seconde équipe. Il est 21h04 et je tape dans mon lit, j'ai abandonné les autres qui ont acheté de l'alcool et improvisent une soirée: je récupère mal quand je bois et j'ai trop de sommeil en retard.

    Si j'avais mon ordinateur j'essaierais sans doute d'écrire quelques billets en retard, mais je suis sur iPad et je ne tape pas avec tous les doigts sur un écran tactile. Je vais simplement lire — m'endormir — et me coucher.

    Arrivée

    Rendez-vous place Péreire. Nous sommes quatre, dont deux qui étaient à Berlin. Trajet sans histoire et sans intérêt (autoroute), je dors pratiquement tout du long.

    Passage par Dole pour démonter les quatre et les mettre sur la remorque. Arrivée à la base de Bellecin à la tombée de la nuit, nous entrapercevons à peine le lac et ses rives blanches. Centre de colonie de vacances, chambrées de deux.
    Le repas est une surprise: à la cantine, au milieu d'enfants de huit à dix ans qui paraissent beaucoup moins étonnés de nous voir que l'inverse.

    Je fais mon lit en hauteur (je n'ai jamais eu de lit superposé, je prends toujours les lits ou les couchettes du haut); je fais le lit de ma voisine qui arrivera très tard, mi par gentillesse, mi pour éviter qu'elle ne fasse trop de bruit.

    Je m'endors d'un bloc, sans m'en apercevoir, tandis que je lis Poésie du gérondif. Je suis contente d'avoir emprunté l'ostrich pillow d'Olivier dont je me sers comme d'un banal oreiller (à la place de l'infâme polochon en kapok).
    J'ai oublié de prendre la lampe frontale.

    Aujourd'hui ma filleule a seize ans. Incroyable.

    Sur le départ

    Je pensais traduire le chapitre 3 de la seconde épître de Pierre ce matin et l'envoyer à la prof, mais quatre incursions FB plus tard (ce truc est maléfique), je ne suis allée que jusqu'au verset 9 (le cours a lieu ce soir: neuf par an et je vais en manquer deux cette année. La prof ne m'a rien demandé (je l'ai vu ravaler sa phrase "vous m'enverrez votre version" en se rendant compte que le cours était entièrement optionnel, gratuit, du loisir, en somme) et je l'admire tant, j'ai si honte de si peu travailler, que j'essaierai de lui envoyer dimanche en revenant. On verra.)

    Une douche, un dépendage de linge (étendre le linge: extension du linge? contraction à l'inverse?) plus tard et je prépare ma valise, mon sac de sport plus exactement. Avant, je n'aurais pris que des affaires de sport (il est prévu de ramer quatre heures par jour) avec un gros pull et un jean, mais depuis l'entre-deux-rivières de juillet, je sais qu'il faut prévoir de quoi être coquette le soir (WTF?), un polo, un chemisier, une robe, et aussitôt ce problème (de poids, en poids, en volume): les chaussures: même en Bretagne, même entre provinciaux, même en camping, les gens "se font beaux" le soir. Je n'ai jamais appris cela (je veux dire chez moi, enfant), je n'ai jamais appris cette convention sociale qui me paraît tout à la fois ridicule (en camping? mais on s'en fout!) et respectable (cet effort de vivre ensemble).
    Mais maintenant que je l'ai expérimentée, je m'applique à l'appliquer.

    Ah tiens, j'ai oublié le Vicks et les boules quiès. Je rajoute et je pars.

    Mardi

    Comité d'audit et grec.



    A l'époque je n'avais noté que ces deux mots en brouillon. Je les mets en ligne trois ans plus tard. Je n'en sais pas plus que vous.

    Bleu

    Peu de monde. Deux yolettes de quatre (ce qui est une anomalie: quatre rameurs plus un barreurs, cela fait cinq. Nous faisons deux yolettes de trois rameurs.)

    Il fait encore un peu plus bleu que la semaine dernière.

    2016-0313-seine-un-peu-de-bleu.jpg


    Je réussis à convaincre tout le monde de voir Merci patron, et donc j'y retourne — je ne vais pas rester seule à la maison —, même si je n'ai pas envie d'éprouver à nouveau le goût amer que laisse le film.

    Goûter («On va prendre un pot?») au Café Beaubourg, en face du cinéma. La conversation roule. Le film laisse tout le monde pantois, sauf O., qui n'arrive pas à croire que ce ne soit pas une fiction. Nous googlons le nom de l'homme politique pour le convaincre. Mais je le comprends : l'enchaînement des circonstances est incroyable. Est-ce que l'équipe suivait plusieurs familles et a filmé le cas qui a "pris" (comme une sauce)?
    — La seule chose qui me paraît obligatoirement reconstituée, c'est quand Ruffin répond au téléphone: il ne pouvait pas prévoir qu'il allait être appelé justement à ce moment-là. (Et je n'ajoute pas que ces deux moments le filment en train de jouer avec des enfants, symbole d'innocence et de joie. Ce film est très habilement mis en scène.)

    En fond sonore, de la techno. Machinalement j'essaie de battre la mesure, je me rends compte que j'y arrive encore moins qu'avant, dans un sens je ne comprends même plus ce que ça veut dire, mon cerveau ne sait pas quel ordre envoyer à mes mains. J'en fais la remarque à voix haute, esquisse un geste maladroit des mains, I., qui me découvre ce handicap, a les yeux qui s'exorbitent d'incrédulité (je crois que le geste de mes mains ne laisse aucun doute sur l'amplitude de mon inaptitude alors que le boum boum de la techno s'élève sans ambiguité). Les autres rient.

    La conversation roule sur la musique. Chacun essaie d'expliquer à I. combien je suis nulle (charmant). Elle a du mal à prendre la mesure du phénomène. Je raconte mes années de flûte à bec au collège:
    — Je faisais partie du club musique au collège (entre midi et deux: en grande partie pour échapper au froid dans la cour). Je jouais de la flûte alto, une grosse flûte. Je m'entrainais beaucoup, j'était devenue excellente sur la sortie des notes graves, plus jamais un couac, mais c'était horrible, je devais souvent partir la première et j'attendais les autres, j'avais peur qu'on m'entende, je n'arrivais pas à compter les blanches et les rondes.
    Je vois O. réaliser quelque chose, ses yeux s'arrondir:
    — Mais la flûte alto, c'est elle qui donne le rythme??!
    Et il se met à rire, rire, d'un fou rire inextinguible.

    Un déjeuner

    TG sur Origène, les trois niveaux de lecture. Je l'ai lu il y a un peu trop longtemps et je n'ai pas formalisé mon travail par écrit, ce qui fait que j'ai un peu de mal à suivre.
    Et je ne suis pas à l'aise avec le schéma décrit par la chargée de TG, il me semble que l'arbre des lectures ne se déploie pas au bon niveau. Tant pis.

    Comme la chargée de TG trouve le dossier "léger", elle nous libère une heure avant la fin et je passe une heure à la Procure. Je craque pour Les Pères grecs et les Les pères latins de Campenhausen et les tomes 1 et 2 de L'histoire des conciles œcuméniques respectivement d'Ortiz de Urbina et Camelot. (Toujours cette illusion que les livres vont résoudre les problèmes. A quoi bon si je ne les lis pas?) Je me donne bonne conscience en me disant que cela ne coûte rien puisque je paie avec les bons cadeau du CE pour Noël.

    Déjeuner chez Zvezdo qui a malicieusement invité Thomas, un délégué syndical marseillais de ma boîte (et néanmoins ami!). Nous discutons boutique (j'espère que nous n'avons pas trop ennuyé nos hôtes) et potinons, Thomas est très drôle quand il parle de ses histoires de famille (corse), il nous raconte l'association entre lui et ses frères et sœurs avec les enfants du compagnon de sa mère («On se détestait mais on a fait alliance pour que nos parents se séparent. On a été infernaux». Brrr, en tant que parent, j'en ai froid dans le dos).

    La position de Thomas sur le syndicalisme est proche de la mienne: plutôt que toujours se plaindre, agissons. C'est vrai, c'est tout à fait ce que je pense, mais ce qui me retient (de me syndiquer), c'est la perspective d'encore me disputer avec tout le monde et d'encore me faire détester. Je suis fatiguée de cela, je souhaite être tranquille. (Mais il a raison.)

    Je vais ensuite voir Merci patron, sur les conseils de Françoise. J'en sors sonnée, avec une envie de rire et de hurler de colère.
    Allez-y, mais surtout, ne lisez rien avant, allez-y sans aucune information, découvrez le film dans la salle (un bon film d'espionnage, un mauvais sitcom, une bonne ou une mauvaise farce. Je ne veux pas spoiler et pourtant, il y en aurait des commentaires à faire. Dégoût et rires.)


    Plus tard dans la voiture en rentrant, la radio m'apprend que PUF a installé rue Monsieur le Prince une imprimante qui vous "cuit" votre livre en cinq minutes à condition qu'il fasse moins de huit cents pages. Le catalogue PUF et tous les livres libres de droit sont disponibles.
    Qu'est-ce que ça va changer? Cela devrait tout changer. Par rapport à une librairie traditionnelle, cela suppose que l'on sache exactement le livre que l'on veut. Comment se faire connaître quand on sera nouvel écrivain?

    Roubaud

    Le soir je vais écouter Roubaud à la maison de la poésie. En attendant d'entrer dans la salle, j'achète quelques livres à la librairie quasi-portative qui se trouve sur place: Les arbres de Marina Tsvetaieva pour l'étonnant format des éditions Harpo (encourager ceux qui prennent des risques), Conversations avec Kafka de Janouch, Ode à la ligne 29 des autobus parisiens de Roubaud (Minaudier, Régniez, Roubaud, je ne lis plus que du Tripode en ce moment) et Mandelstam, De la poésie. Le libraire me déclare avec satisfaction: «je valide tous vos choix», ce qui me fait sourire: ce n'est pas comme si l'ensemble des livres qu'il vend n'était pas du même tonneau.

    Elisabeth, Maurice, Françoise dans la salle. La voix de Roubaud magnifique et ferme, la lecture nuancée et drôle, parfaite. Roubaud raconte la façon dont a été édité son premier livre: livre accepté, puis long silence, puis précipitation de l'éditeur qui veut imprimer immédiatement ce qu'il a en main que lui, Roubaud, considérait comme une ébauche. Mais jeune écrivain, il n'a pas osé protester de peur de remettre en cause l'acceptation du texte et le livre est paru ainsi: «Je me suis dit que je publierai tous mes livres ainsi, non terminés, et ce que je vous présente aujourd'hui, ce sont les compléments à ces livres inachevés». Anecdotes biographiques en éclats.

    En sortant, je croise Jean-Paul Marcheschi que j'avais repéré dans la salle mais que je n'aurais pas osé aborder de moi-même (jai si peu de choses à dire). Il me salue et comme il attend des amis, nous discutons assez longuement, des mystiques, de FB, etc. Il montre toujours la même gentillesse et reste toujours aussi discret sur sa situation, tout juste me dit-il qu'il expose actuellement au 3 rue de Thorigny. J'ai le cœur serré, j'aimerais tant qu'il soit reconnu de son vivant. (Si je lui achetais un tableau, ma sœur accepterait-elle de "l'héberger"? Car je ne pourrais pas le prendre à la maison.) J'ai tant de mélancolie en le contemplant, que pense-t-il de RC, de l'évolution de RC? L'avait-il comprise depuis longtemps, cela lui brise-t-il le cœur ou cela lui est-il indifférent? Voit-il Rémi parfois, en discutent-ils? Autant de questions que je ne poserai jamais.

    Je retrouve Elisabeth (dont nous conclurons qu'elle n'a que deux états, outrée ou hilare), Maurice, Françoise et des pataphysiciens à deux pas, au Quincampe, une adresse à retenir. Je me permets de dire du bien de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu? (toujours cette difficulté à défendre le cinéma populaire dans une assemblée intello) tandis qu'on me conseille Merci patron.

    Ambiance

    Entendu à midi à la cafétéria :

    —C'est pas k'sa va mieux, mais on s'habitue.

    Grève

    Grève, ça faisait longtemps.
    C'est le jour que je choisis pour oublier ma carte Navigo. Je rachète donc un carnet de tickets, car c'est aussi le jour que j'ai choisi pour aller chercher des livres à la bibliothèque de l'ICP (c'est la lecture de Sur les psaumes qui m'a donnée des indications bibliographiques).

    J'emprunte:
    - Epektasis, mélanges offert au cardinal Daniélou (je vois arriver avec stupéfaction un livre de la taille d'un petit Larousse. Chapeau les éditions Beauchesne!)
    - M.Canévet, Grégoire de Nysse et l'herméneutique biblique (je découvre la beauté physique des éditions augustiennes, l'encre et le papier)
    - Balthasar, Présence et pensée, sur Grégoire de Nysse, un Balthasar qui paraît accessible.

    Grève, donc.
    Le matin, pas beaucoup plus de monde qu'un jour où deux trains ont été supprimés.

    Le soir, ce fut plus comique. J'arrive en courant (pfff pfff) avec deux minutes d'avance sur le quai gare de Lyon pour attraper le dernier train qui part ce soir (21h45). Comme je l'avais anticipé (car c'est habituel mais attention, ce ne doit pas être considéré comme acquis, cela reste aléatoire, arbitraire, dans la grande tradition ératépéessencéef), le train ne part pas aussitôt.
    Finalement, il partira avec quarante-cinq minutes de retard. J'aurais pu manger tranquillement mon dessert.

    Car ce soir, il y avait bookcrossing, heureusement à deux pas de la gare de Lyon, sur le thème de l'humour et l'ironie chez les auteurs contemporains (l'organisatrice adore ajouter "contemporain". Impossible de creuser les sillons de la littérature classique, toujours elle nous impose les "contemporains".) J'ai présenté Hervé Le Tellier, Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable. Dommage que cette rencontre n'ait pas lieu un peu plus tard, après la parution de Moi et François Mitterrand, à venir dans les prochaines semaines.
    Je l'ai présenté en courant et la première car il était déjà neuf heures, nous avions pris beaucoup de retard. Gentiment, le restaurateur m'a amené tous les plats quasi ensemble et je me suis brûlée avec mon crumble aux pêches. J'ai tout avalé et suis partie en courant (sens littéral).

    Grégoire de Nysse

    J'avais pensé choisir Athanase, mais une observation des rayons (deux façons de chercher: entrer le nom de l'auteur dans le catalogue informatique ou camper sur ses deux pieds longuement immobile devant les étagères la tête penchée pour déchiffrer les dos (on s'excuse en riant de croire au doigt de Dieu et de chercher ainsi l'inspiration, la désignation, mais en réalité, c'est le prétexte au plaisir pur de la lecture des noms et des titres (ou l'inverse, en fait je ne suis sûre de rien)) m'a fait ouvrir Sur les titres des Psaumes de Grégoire de Nysse. Enthousiasme immédiat : commenter les titres, et non les psaumes, quelle idée magnifique et bizarre! (Que l'exégèse était alors développée. Pourquoi veut-on nous faire croire qu'elle commence avec Schleiermacher?)
    Je vais donc passer les quatre à six semaines à venir avec Grégoire.

    Je découvre au passage l'existence de "chaînes exégétiques"1 sans trop comprendre ce que c'est. (Plantée devant les rayons de la collection "Sources chrétiennes", je lis: La chaîne palestinienne sur le psaume 118).

    Une fois rentrée, je feuillette mon exemplaire des Psaumes traduits de la Septante (LXX pour les intimes), donc du grec2 et non de l'hébreu comme la plupart des Bibles contemporaines3 et la Vulgate (Bible traduite en latin par Jérôme). A vrai dire, je n'ai aucune idée de ce que sont les titres des psaumes, mais une note de bas de page sur la première page de Sur les titres des Psaumes commencé dans le métro est intrigante: «Celui qui lit ou prie les psaumes demeurera toujours perplexe face à ces titres qui obscurcissent plus qu'ils n'éclairent le contenu des psaumes. Vient un moment pour lui où surgit la question suivante: en fin de compte, suis-je sûr de bien comprendre ces textes dont les titres me sont si obscurs? Le contenu d'un psaume ne m'échappe-t-il pas si je n'en ais pas saisi le sens?» (cité par D. Bouguet in «La structure des titres des psaumes, Revue d'histoire et philosophie religieuses, t.61, 1981, p.109-110).


    Note
    1 : Mince alors, une recherche google plus tard, je me rends compte que c'était la spécialité de ma prof de grec de deuxième année.
    2 : version privilégiée par les orthodoxes.
    3 : Bible de Jérusalem dite BJ, TOB (traduction œcuménique de la Bible, unissant des savants catholiques, protestants et orthodoxes) pour citer les plus courantes. A noter les Bibles Osty, Segond et la traduction de la Pléiade réputée pour sa qualité.

    Origène

    «D'après la légende, Origène aurait commenté tous les livres [de la Bible] trois fois1», nous dit le prof. Et in petto, je me dis que c'est mieux que Chuck Norris, qui a compté jusqu'à l'infini deux fois.

    Légende, car de l'œuvre monumentale d'Origène il ne reste que des morceaux ou des traductions plus ou moins fidèles (traduction en latin à charge de Jérôme, à décharge de Rufin (la fin d'une amitié).
    (Il est possible de retrouver encore des manuscrits. En réalité, rien n'est moins clos que la recherche biblique ou patristique, susceptible d'être relancée à tout moment par une découverte archéologique ou philologique.)

    Qui a dit (Strauss, r-Camus, Taubes?), et était-ce à propos d'Origène, qu'il fallait vraiment être hors du commun pour réussir à parvenir à la postérité à travers ses ennemis, quand on voit comment ceux-ci déforment votre pensée? Impossible de remettre la main sur la citation exacte.


    Note
    1 : par commentaires, par homélies, par scolies.

    Un peu de bleu

    Quelques rayons ce matin, et des taches plus claires quand on regarde les arbres. La Seine est encore très haute.

    2016-0306-Seine.jpg


    Quatre avec Franck, Jacques, Gérard. Franck me fait rire, il a mené un train d'enfer pendant trois mille mètres contre le courant et a épuisé tout le monde. Au retour, je pense que nous n'étions plus que deux à ramener le bateau… (dans le sens du courant, mais contre le vent, un vent puissant et froid). Ce qui me fait moins rire, c'est que dans ces situations difficiles, mon pire défaut s'accentue:
    — Alors, c'était comment, votre quatre?
    — On penchait pas mal à babord.
    — Normal, c'est l'eau: t'as vu la Seine? Elle penche.
    — Ah mais oui, suis-je bête!

    Sieste comateuse, La Vache au cinéma de la ville. C'est mignon, plaisant. La salle était pleine, ce qui m'a étonnée.

    J'emmène A. à la gare. J'essaie de vérifier si elle a compris ce que nous avons tenté de lui expliquer:
    — Tu as compris le principe? Il ne faut jamais abandonner une activité ou un engagement certain sous prétexte que cela va gêner un projet incertain. Il sera toujours temps d'abandonner le certain si le projet se concrétise. Parce que sinon, tu te retrouves sans rien, à ne rien faire.
    — Je m'étais dit que si je me réinscrivais au badmington, je serais obligée d'abandonner si je trouvais du travail.
    — Oui, mais tu n'as pas trouvé de travail et maintenant tu ne fais pas de badmington.
    — Mais ça aurait pu arriver.
    — Oui, mais l'expérience prouve que non. Ce n'est pas logique, c'est expérimental. Si tu ne nous crois pas, essaie, tu verras bien. On aurait simplement voulu t'éviter de faire les expériences pour que tu gagnes du temps.

    (Je n'ajoute pas que l'expérience prouve aussi que les projets incertains se concrétisent davantage quand on n'abandonne rien. Là aussi, cela n'a rien de rationnel, c'est empirique.)

    Samedi

    Pas grand chose. Je termine le premier Maigret. Je loue la voiture pour les vacances. L'après-midi nous passons un long moment dans la cuisine avec A., à la coacher sur la façon de trouver un job à temps partiel (nous souhaitons qu'elle en trouve un, d'une part parce que son école coûte très cher sans être reconnue en France, d'autre part parce qu'elle a énormément de temps libre et que cela tend à la désocialiser, enfin en prévision du monde du travail: sera-t-elle à son compte ou salariée, dans tous les cas elle va s'apercevoir de quelques réalités qu'elle n'a pas encore perçues).

    Je fais l'erreur de parler de House of cards à H. qui en regarde cinq ou six épisodes de suite.

    Le soir, sur les instances de H. qui aime beaucoup ce film, nous regardons Le Président, qui me déprime. Nous n'avons plus au pouvoir des magnats des colonies, mais le niveau ne s'est pas amélioré pour autant.

    Mais quel bordel

    H. a acheté un immeuble de bureau pour son entreprise (l'entreprise pour laquelle il travaille) à Tours. Il a fait venir un notaire de Mulhouse, ville où se trouve le siège de l'entreprise.
    — Mais pourquoi? Un notaire local ne faisait pas l'affaire?
    — Nous dépendons du droit alsacien. Il a fait ajouter des phrases sur l'acte de vente, même le notaire tourangeau1 ne comprenait pas: «Mais ça ne sert rien!» Apparemment si tu ne précises pas, tu achètes le droit d'acheter le bien et non le bien lui-même, ou quelque chose comme ça. C'est du droit allemand.
    — Encore! Ils ne pourraient pas abroger tout ça, ça va bientôt faire cent ans!
    — Sans compter qu'en Allemagne, la plupart des lois que nous appliquons encore a été abrogée dans les années soixante.

    (Je n'en peux plus du droit et des juristes. Je n'en peux plus, je n'en peux plus, je n'en peux plus. J'en ai marre.)


    Note
    1 : sans x, comme Chenonceau.
    ------------------------------

    Je suis allée ramer (petite victoire, la semaine dernière je n'avais pas eu le courage). Soleil, pas de vent, courant. Pascal, Frédéric (qui rame comme un manche mais ne paraît pas s'en douter), Florent et Marc. Nous avons remonté une autre yolette, rattrapé trois cent mètres sur deux kilomètres et demi. Je n'aurais pas cru cela possible (je n'aurais pas cru cela possible et je suis assez contente puisque j'étais à la nage).

    Rien

    Même pas piscine, même pas aviron (une flemme, ma doué!)
    Un plombier est passé pour dire qu'il ne pouvait rien. Je m'en doutais, désormais je diagnostique les maux de mes canalisations à l'oreille.
    Et un écart de 10% dans les effectifs entre les données de la paie et les "miennes" (chic, ça va nous occuper tout l'été (non, pas maintenant, pas le temps)).
    Et sinon? Ben rien, je crois. Le couple le plus au nord de la Suède sur helpx.net est français. Il y a un ranch en Grèce qui attend de l'aide pour ses poulinages (et dans les îles Vanuatu, un élevage). Un Turc attend des Français pour faire la conversation (c'est un peu étrange). Je lis Maigret, Christoph Théobald et L'Exode (le beau-père de Moïse qui lui apprend à déléguer… non mais je rêve (Ex 18, 13-23)).

    Allez mourir ailleurs

    A l'origine ce billet a été créé le 23 février1 et devait apparaître ce jour-là, jour où j'ai entendu confusément dans la voiture qu'un camp devait être rasé (confusément car sans entendre exactement de quel camp il s'agissait, mais en supposant qu'il s'agissait de Calais: depuis le livre d'Haydée (Saberan), je suppose toujours que c'est Calais).
    Le 23 était un mardi, j'avais fini le week-end précédent une biographie de Heydrich et un goût de désespoir m'a envahi: il y a tant de similitudes avec l'entre deux guerres, même si bien sûr, les Syriens ne sont «que» des civils fuyant la guerre et non un peuple fuyant les persécutions raciales2 (que dire à propos des Chrétiens d'Orient?3).

    Je poste ce billet aujourd'hui, après avoir lu des tweets sur «les ruines [du camp] de Calais qui fument encore trois jours après» (?? je n'ai pas cherché à en savoir davantage), des photos des camps grecs dans lesquels s'entassent les migrants, à dix mille dans des camps prévus pour mille…
    Devenu spécialiste de la question juive malgré lui, Heydrich avait amorcé, lors de sa venue à Genève, à la S.D.N., des tractations avec le haut commissariat des réfugiés de la Sociétés des Nations, tractations reprises ensuite par la Wilhemstrasse. Comme il n'était jamais à court d'idées, il avait suggéré à Hitler, Himmler, Goering et von Neurath, alors ministre des Affaires étrangères, d'expédier les Juifs allemands en Palestine. Son idée ne parut pas folle, car Hitler, avant la guerre, n'était pas antisionniste4. Malgré les démarches du grand mufti de Jérusalem pour le mettre en garde contre l'établissement en Terre sainte de trop fortes colonies privées juives, Hitler ordonna à Heydrich de mettre son projet à exécution. De 1933 à 1939, près de cinquante mille Israélites purent ainsi quitter l'Allemagne pour la Palestine, dans le cadre d'un accord, dit le Haavara («tranfert» en hébreu), conclu en 1933, et fort intéressant financièrement pour le Reich, car Heydrich savait dépouiller les gens d'une manière apparemment légale5.

    «S'il n'y en eu pas davantage, écrit André Fontaine, la faute en revient aux Britanniques, qui à partir de 1937 limitèrent à une dizaine de milliers de personnes par an le nombre de Juifs autorisés à débarquer en Eretz et refoulèrent impitoyablement les immigrants clandestins.»

    Heydrich demanda au Fürher de s'adresser aux Américains, qui, après la nuit du 8 novembre 1938, avaient fait une violente campagne de presse. L'affaire passa entre les mains inexpertes de von Ribbentrop qui ne sut pas en profiter. Si les Etats-Unis s'étaient indignés à titre privé, Washington parla «quota d'immigration» à titre officiel. Seuls 27000 Juifs allemands et autrichiens furent autorisés à immigrer. Malgré les demandes et les objurgations de nombreuses organisations, ce chiffre sera maintenu jusqu'à l'entrée en guerre des Etats-Unis contre l'Allemagne6. Mieux que cela: le 17 novembre 1938, sir Ronald Lindsay, ambassadeur de Grande-Bretagne à Washington, proposa à M. Summer Welles, secrétaire d'Etat au Département d'Etat, de renoncer à un certain nombre des 83.575 visas d'immigration auxquels Londres avait droit au profit des réfugiés du Reich. La réaction de Welles fut immédiate: il rappela que le président Roosevelt avait confirmé, quarante-huit heures plus tôt, qu'il n'était pas dans l'intention de son gouvernement d'augmenter le quota d'immigration octroyé aux ressortissants allemands. Les Britanniques, eux, ne pensaient que politique arabe et refusaient, comme on l'écrit plus haut, aussi bien l'accroissement de la colonie juive de Palestine que l'ouverture de leurs propres portes et celle des membres du Commonwealth. même après la «nuit tragique», M. Malcolm MacDonald, monistre des Colonies, rejeta l'offre des Juifs palestiniens d'adopter immédiatement 10.000 enfants allemands. Un mémorandum proposant d'accueillir 100.000 Juifs du Troisième Reich avait eu le même sort.

    Toutes les portes se fermaient. Les particuliers, pourtant, ne se gênaient pas aux Etats-Unis et dans les démocraties de l'Europe pour crier leur indignation. Une conférence internationale se tint pendant l'été 1938 à Evian et diverses solutions furent envisagées, mais non réalisées. Elles ne débouchaient sur rien de concret.

    Heydrich écrivit dans le Schwarze Korps que personne ne voulait des Juifs, et son article fut repris quelques jours plus tard dans le Völkischer Boebachter.

    «Si personne ne veut de nos Juifs», suggéra alors Heydrich au Führer au cours d'un déjeuner à la chancellerie où se trouvaient réunis Rudolf Hess, Goering, Himmler, Goebbels et Bormann, «pourquoi ne pas demander demander à la France de les accueillir à Madagascar ou au Portugal de les recevoir en Angola. Ce sont des territoires sous-peuplés.»

    Les gouvernements intéressés demandèrent le temps de la réflexion. La guerre survint. Heydrich reprit cette idée après l'occupation de la France, mais cette fois c'étaient les moyen de transports qui manquaient.

    Georges Paillard et Claude Rougerie, Reinhard Heydrich, le violoniste de la mort, p.227-229, Fayard 1973
    Je ne peux m'empêcher de penser que tout le monde se fiche que les Syriens meurent, tant qu'ils meurent ailleurs, et chez eux serait le mieux, loin des yeux et des caméras. De façon inattendue, j'ai l'impression qu'il n'y a guère que Merkel que cela émeuve. (Et les pays d'Europe de l'Est qui découvrent soudain que l'Union Européenne, ce n'est pas que des subventions à recevoir, mais aussi des devoirs à remplir, des notions juridiques à respecter…)

    Et maintenant Donald Trump candidat républicain… Cela faisait des mois que je le voyais "monter" sur FB via mes contacts américains, et chaque fois que j'ai posé la question: «Mais que se passera-t-il si…», j'ai eu droit à: «Mais non, ne t'inquiète pas, c'est comme Marine, elle est au second tour mais elle ne passe pas.»
    Ne pas m'inquiéter? Mais enfin, que ces deux-là soient élus ou pas, c'est tout de même bigrement traumatisant qu'ils soient considérés comme des options envisageables par une partie de leurs concitoyens respectifs.
    Cela n'affole-t-il vraiment que moi? Qu'avons-nous raté, que pouvons-nous améliorer, cela n'intéresse-t-il personne?
    Pourrait-on se bouger avant qu'il n'arrive une catastrophe quelconque? (Trump-Poutine, le casting de cauchemar.)


    Notes
    1 : car les billets sont ouverts avec deux trois mots-clés chaque jour mais je n'ai pas le temps de les rédiger — indication précise du nombre d'heures où je n'avais rien à faire dans les années passées.
    2 : cette phrase étrange et de mauvais goût au cas où l'on viendrait m'opposer le récurrent «ce n'est pas comparable» (même si sur mes blogs, c'est peu probable). Non, ce n'est pas comparable aujourd'hui, quand on sait ce qui s'est passé après 1939, mais c'est tout à fait comparable si l'on se place en 1939.
    3 : Ne jamais oublier que la définition juridique nazie du juif était religieuse et non raciale (tant ce concept est insaisissable: une reconnaissance par l'absurde que la race n'est pas un critère définissable de façon certaine) cf Raul Hilberg.
    4 : Ehahu ben Ellisar, La diplomatie du Troisième Reich et les Juifs, (1969)
    5 : Le Monde, 27 décembre 1969
    6 : L'Aurore, J.-L. G…, 8 janvier 1970

    Fermier au pair

    A. m'a envoyé un sms pour me dire qu'elle faisait corriger son CV anglais par un professeur et qu'elle avait pris un rendez-vous pour renouveler son passeport: bref, elle a l'air très motivée par ma proposition de demander à Red Shuttleworth s'il n'aurait pas un ami possédant un ranch prêt à accueillir une Frenchie dans sa ferme pour l'été.
    Cela m'enchante (comment ne pas penser à Mon amie Flicka) et m'inquiète un peu: pourvu qu'elle ne soit pas déçue, pourvu que Red ait quelque chose à nous proposer…

    Alors, dans l'éventualité où ce canal ne donne pas de résultat, j'ai fait une recherche Google et j'ai trouvé ça: Helpx, des petites annonces pour aller donner des coups de main dans le monde entier contre le gîte et le couvert. Magique, je pourrais passer des heures à éplucher toutes les descriptions ("d'autres vies que la mienne"….)
    Ah, comme je regrette que cela n'ait pas existé quand j'avais vingt ans. Sans doute aurais-je passé ma vie entière de lieu en lieu.

    Beau comme l'antique

    Ce soir-là, j'ai dit à un moment donné que notre époque me rappelait de plus en plus l'antiquité, déclenchant un échange de regards entre mes compagnons de table et un commentaire moqueur.
    J'ai alors pris conscience que "l'antiquité" était chargée d'une telle aura positive que tout le négatif était oublié. J'ai renoncé à m'expliquer, "ce que je voulais dire, c'est que", renoncé à parler d'une société où seule une petite partie de la population avait la parole (commentaire goguenard en face de moi: «j'ai plutôt l'impression qu'aujourd'hui n'importe qui parle et qu'on n'y a pas gagné») — mais évidemment je parlais de la parole légitime, celle qui avait le pouvoir, celle du citoyen masculin par opposition aux femmes1, aux esclaves, aux étrangers —, une société qui noyait les problèmes dans les jeux et abêtissait la population plutôt que l'éduquer.

    Cette semaine, j'en trouve une sorte d'illustration sur les murs du métro.
    Photo station esplanade de la Défense, à travers les vitres destinées à empêcher les suicides:

    2016-0302-nouveauxgladiateurs.jpg



    Note
    1 : Bien sûr, les femmes (en Occident) n'ont jamais eu autant accès aux postes de pouvoir et à la parole. Mais je songe aux programmes et discours lepéniste, trumpien ou trumpiste, à l'avertissement de Houellebecq dans Soumission, à la difficulté pour la mouvance de type zemmourien à vivre dans un monde qui n'est plus taillé sur mesure pour elle.

    Un nouvel ordinateur

    Le groupe a fait une erreur : il m'a laissé un accès à l'organigramme. Je deviens une experte en décryptage de pyramides et de titres, que ce soit pour répondre aux questions des personnes que j'ai au téléphone par erreur ou pour trouver quelqu'un pour résoudre mes problèmes.

    Jeudi dernier, j'ai ainsi téléphoné au responsable d'une branche nommée "qualité de services" dans la filiale qui gère l'informatique.
    J'avais signalé le 12 janvier à la plateforme interne chargée de gérer les dysfonctionnements informatiques une série de messages d'erreur à l'allumage de mon poste (aimablement, le technicien que j'avais eu au téléphone m'avait prévenue, après avoir pris la main à distance sur mon poste, que celui-ci risquait de ne plus s'allumer un matin). D'autre part Word plante chaque fois que je ferme le dernier fichier ouvert sous Word (depuis que j'ai remarqué cela, j'essaie de laisser un document Word ouvert jusqu'à la fin de la journée — mais parfois j'oublie, je ferme machinalement, et Word plante), mais également quand je rouvre un des fichiers qui a fait planter Word à sa fermeture: de proche en proche, au fur à mesure des jours, c'est peu ou prou tous mes fichiers qui font planter Word à l'ouverture ou à la fermeture. J'en viens à avoir peur d'ouvrir un fichier; la clôture des comptes approche et j'ai les rapports annuels à préparer…

    Il est possible que j'ai tapé un peu haut (mais je l'ai aussi fait exprès, j'avais relancé une fois par le canal normal et deux fois plus bas dans la hiérarchie), mais comme la personne a répondu au téléphone et m'a écoutée («puisque vous avez pris la peine de m'appeler…»: c'est à ce moment-là que je me suis demandé qui exactement je venais de déranger…), le soir-même j'avais un informaticien qui tentait une reconstruction de mon disque.
    Le lendemain (vendredi), l'opération ayant échoué, on devait m'apporter un nouvel ordinateur entièrement reformaté. Malheureusement, le technicien "a eu des problèmes avec le téléchargement de Word".

    Bref, il est venu aujourd'hui. J'ai un nouvel ordinateur. Il ne me reste qu'à demander de nouveau qu'on m'installe le logiciel Ciel compta, qui ne fait pas partie des logiciels standard. Pfff…

    Des chaises

    Nous avons acheté les chaises de la cuisine en 2003. Deux tabourets, quatre chaises, en bois teinté miel, dans un magasin «Mille Chaises» à Orléans (magasin qui n’existe plus (je l’écris comme je tiens le compte de toutes les traces qui s’effacent). Je me souviens de 2003 parce que c’est lié dans ma mémoire au moment où nous avons vidé la ferme de Vierzon, en octobre. Dans mon idée, nous nous étions arrêtés sur le retour pour charger les chaises dans la camionnette de location, pour les ajouter au reste des meubles pris à Vierzon. D’un autre côté, je dois me tromper, car je me souviens que nous avions commandé ces chaises, qu’elles ont été fabriquées pour nous, ce qui supposerait que nous avions planifié notre expédition à Vierzon, ce qui me paraît improbable… J’ai peut-être la facture quelque part qui me permettrait d’élucider ces divers points.

    Quoi qu’il en soit, ces chaises arrivent au bout de leur vie: une première s’est écroulée sous les fesses de C. il y a un ou deux ans (c’est toujours spectaculaire et effrayant), une deuxième il y a quelques jours sous Eric (et la peur qu’il se soit blessé): il devenait urgent de racheter des chaises; enfin des tabourets, j’espérais racheter des tabourets.

    Quelques magasins plus tard, proches (acheter local!) puis plus loin, j’ai dû me rendre à l’évidence: j’étais ringarde avec mon idée de tabouret, de tabouret simple, de tabouret de cuisine. Il n’existe plus que des tabourets de bar pour cuisine à l’américaine. J’hésite entre le rire et la vexation en voyant l’air méprisant des vendeurs de meuble: certes mon coco, je ne suis pas à la mode; mais justement, je ne suis pas à la mode: je ne laisse pas la télé uniformiser mes goûts, je sais ce que j’aime, ce qui me plaît, ce que je cherche — le plus souvent des souvenirs d’enfance ou des clins d’œil littéraires ou cinématographiques.

    Nous avons fini par trouver «nos» chaises, les plus simples du monde, une idée platonicienne de la chaise, une forme de chaise de classe des années 80 peinte en blanc, la chaise sans apprêt convenant à un hôpital.

    Un vaccin

    Un DT-Polio attend dans le frigo depuis septembre (ce qui me vaut quelques moqueries du type "c'est comme le yaourt, ça ne se périme pas"), je prends le temps de me faire vacciner avant le stage d'aviron (je suis prudente face au risque de tétanos). La remplaçante (qui succède à une remplaçante) qui travaille le samedi est encore plus blonde et plus menue avec des yeux d'un bleu plus pâle (genre Sylphide dans Albator) et je me demande comment elle a résisté en internat qu'on dit si dur (ce qui est bien sûr une question complètement stupide: les grands costauds ne sont pas les plus solides, leur métabolisme de base est trop élevé; mais cela me fait prendre conscience de mes préjugés).

    Déjeuner au restaurant avec seulement H. et A. J'évoque la possibilité de demander à Red (un contact FB dont j'admire les poèmes) s'il pourrait trouver un ami pour l'accueillir en ranch et elle a les yeux qui pétillent.

    Je vais récupérer O. gare de Lyon. Excellente semaine de ski, ce qui me fait plaisir pour sa dernière colo.

    Journée catholique

    A midi je retourne pour la première fois depuis longtemps à la messe à la Défense (erreur de débutant: comme l’année d’ecclésiologie m’a fait prendre conscience de l’importance de la notion de «paroisse» ou «communauté» («faire Eglise»), je m’étais dit que j’irais à la messe dans ma ville, le samedi soir ou le dimanche soir. Après quelques mois, l’expérience prouve que je ne fais pas, par flemme ou pour ne pas déranger le rythme familial. Erreur de débutant: arrêter quelque chose « qui marche » pour mettre en place quelque chose, certes mieux en théorie, mais qui « ne marche pas ».)
    Nous sommes en période de carême et j’ai la surprise de voir des adultes faire leur première étape de baptême (***) afin d’être baptisés le jour de Pâques.
    C’est vraiment quelque chose qui m’étonnera toujours: des adultes qui se convertissent, qui viennent à la fois. Cela me paraît inconcevable dans notre monde actuel, tellement méprisant pour la foi (à moins d’être tombé dedans quand on était petit…)


    Le soir, étrange écho, Hervé me propose d’aller au cinéma et je propose Spotlight: cela fait six semaines qu’il passe, j’avais peur d’un film bêtement (brutalement, systématiquement) anti-catholique comme le sont certains de mes amis FB, mais je n’ai rien lu nulle part sur ce fim (ni blog, ni twitter, etc), et quand un film tient six semaines, c’est qu’il est bon, ou tout au moins qu’il a quelque chose à dire.

    En fait c’est un très bon film par sa retenue même. Il s’attache avant tout au travail des journalistes, c’est lent, sans éclat, comme le sont certains films sur le travail policier.
    Ce qui m’a le plus frappée, c’est la prédiction d’un psychologue: «Il devrait y avoir 6% de pédophiles parmi les prêtres, c’est la moyenne statistique», et son explication: «le vœu de chasteté n’est pas respecté dans la moitié des cas; cela crée dans l’Eglise une habitude du silence et du mensonge qui mène à couvrir des conduites plus graves.»
    Il n’y a aucune raison que ces 6% ne soient pas universels, ils doivent être valables en Europe, en France. Si c’est le vœu de chasteté qui mène à cela, il faut accepter le mariage des prêtres (ce qui posera le problème du divorce, il faut l’admettre, l’Eglise le sait. Ce n’est pas pour rien que l’Eglise orthodoxe est plus souple avec le divorce.
    En un mot, de nombreuses remises en cause. Mais c’est inévitable.

    La vertèbre mystérieuse

    J’ai choisi le garage pour la révision («Service dans 30 jours», «Service dans 10 jours», «Service dans 1 jour» (mais qu’est-ce que ça veut dire exactement?) clignote sur le tableau de bord chaque fois que nous démarrons la voiture dans la précipitation des départs à la gare. J’ai promis à O. de faire le nécessaire pendant les vacances) en fonction de la facilité à reprendre le RER ensuite, mais je suis très contente du garage ainsi trouvé: un garage de pères en fils sur trois générations et peut-être quatre (le dernier est en culottes courtes), aimables et souriants (garage Rabès, concessionnaire Volkswagen, si ça en intéresse certains).

    Je passe chercher la Coccinelle. Le garagiste me tend solennellement un petit sachet en plastique contenant une vertèbre jaune, trop grosse pour une souris. Un écureuil?
    — Il y en avait partout dans le moteur. Il y en a une ou deux qui sont coincées, qu’on n’a pas réussi à enlever.

    Qu’est-ce que c’est? Un chat qui a abandonné un cadavre? C’est bizarre, il n’y a pas eu d’odeur de décomposition, or cela aurait pué.
    Ou un rongeur venu de lui-même à cause de l’enrobage des fils à base de maïs (un classique)?

    J’achète une bombe anti-rongeurs à pulvériser sur le moteur.

    Je documente

    Tout le métro est en train de se transformer, parfois de façon impressionnante, comme aux Halles où de nouveaux passages sont percés. Comme je n’ai pas grand chose à raconter (c’est les vacances, j’ai déposé la Coccinelle au garage à Villeneuve-St-Georges pour la révision, c’est à peu près l’exceptionnel de cette journée), je "documente" ces changements, j’en garde une trace.

    Ici, le sol creusé et décapé entre la ligne 1 et la ligne 14.



    Dimanche calme

    Une heure sur Barth. Le travail effectué en allemand il y a deux ans m'est utile, je me félicite d'avoir acheté L'Encyclopédie du protestantisme (la prof Lucie Kaennel était l'un des auteurs).

    Aviron. En regardant mes photos, je me dis que nous n'avons pas eu un jour de grand soleil de l'hiver. Courant, rafales de vent, douceur de la température.
    Yolette, Philippe, Véronique, Stéphane, Magali (je me suis appliquée, je ne suis pas arrivée la dernière! Il faut que je parte de la maison à 9h15 (tout cela noté ici pour moi-même, cela n'a strictement aucun intérêt pour vous)). Peu de monde, c'est les vacances. La voiture indique une fois encore "défaillance freins" pendant que je roule en régulateur de vitesse et je dois appuyer à fond sur le frein pour le décoincer et ralentir. C'est flippant, faut avouer (cela m'était déjà arrivé en revenant de Blois en janvier). Je l'emmène à la révision demain, heureusement (et chaque fois je me dis que je dois me tromper dans l'usage d'amener/apporter/emmener, mais tant pis).



    Buñuel, La mort en ce jardin. Aguire ou la colère de Dieu a-t-il un lien avec ce film? (les dernières paroles de Vanel, les dernières images… et tout le reste.)

    Journée agréable à ne rien faire sans avoir rien d'urgent à faire (si ne rien faire est courant, la seconde partie de la phrase est beaucoup plus rare. Quelle surprise, quelle richesse, quelle tranquillité soudain).

    Désœuvrement

    Ménage avec les garçons en écoutant les vieilles chansons de Renaud (Dans la tire à dédé, j'en ai fait des virées…). Tout de suite c'est plus gai.

    Blanquette au restaurant en face de l'église, RER pour gare de Lyon. Dernier départ en colo de ski (sur le thème Dernières R.A.B.).

    Humour SNCF (si c'est possible)



    Retour à la maison.
    Et là, soudain, le vide: rien d'urgent, aucune action qui s'impose, je peux choisir ce que je vais faire. Depuis combien d'années cela n'était-il pas arrivé? Je prends conscience que cela devrait arriver de nouveau de plus en plus souvent. La vie de Benjamin Button, la retombée de la parabole après avoir atteint le sommet. C'est un peu inquiétant, mais quelle liberté.
    (Et donc lecture et théologie. Oui, bon, ça ne change pas beaucoup, mais ça change énormément de ne pas y être obligée par un examen, une dissert, ou que sais-je encore.)

    Entretien professionnel

    Encore une journée "à m'occuper des gens" (répondre au téléphone et aux mails), par opposition à clôturer les comptes (je m'y mets vraiment la semaine prochaine, j'espère aller vite. Le vrai sujet de cette année, c'est l'assemblée générale extraordinaire pour approuver les statuts: comment obtenir le quorum?).

    Entretien professionnel en fin de journée (un entretien à quatre heures le vendredi? Sérieusement?), le genre de truc qui m'a toujours fait sourire comme un hochet détestiné à amuser le bon peuple (même si dans le principe ce n'est pas idiot: préparer par la formation l'évolution des métiers des salariés). Enfin bon, ça me permet de papoter agréablement avec quelqu'un dans le groupe depuis aussi longtemps que moi. Elle est référent handicap (je mets ces liens à l'attention des lecteurs qui n'imaginent pas la vie en grande entreprise) et j'en profite pour lui parler d'un vague projet: prendre un chien en formation dans un ou deux ans (comme il faut le rendre au bout de dix-huit mois, j'attends que les enfants aient quitté la maison pour le faire — ou pas : je ne suis pas sûre d'être capable d'un tel engagement sur la durée).

    Retour à Noisy

    Réunion d'équipe dans l'est parisien. (Dans l'ascenseur je croise Philippe, coïncidence).

    Je ne connais pratiquement personne puisque nous n'appartenons pas à la même entreprise et ne travaillons pas sur les mêmes sites (un peu n'importe quoi, mon rattachement sur l'organigramme). Moment joyeux qui permet de mesurer le chemin parcouru et d'entrevoir les problèmes concrets que peuvent poser des décisions qui paraissent pourtant simplificatrices (par exemple, j'apprends que le matricule unique (qui suit un salarié à travers ses tribulations dans les diverses entreprises du groupe) pose des problème d'historique aux entreprises quittées par ce salarié: celles-ci perdent toutes les infos concernant ce salarié, car les données suivent le salarié dans sa nouvelle affectation, d'où des difficultés de contrôle de gestion. Rien d'insurmontable, évidemment, mais trente ans plus tard, je suis toujours étonnée par les conséquences que peuvent avoir des décisions paraissant aller de soi (un matricule unique, ça paraît tout de suite plus simple: eh bien non)).

    J'apprends aussi les conditions de la dématérialisation des bulletins de salaire: ils doivent être déposés dans des "coffre-forts sécurisés", et à l'heure actuelle seuls la Poste et la Caisse des Dépôts proposent ce dispositif.

    Quelques remarques (j'appartiens au service "Rémunérations et avantages sociaux") font clairement comprendre à ceux qui auraient eu encore des doutes que la retraite par répartition est en train de mourir: la question est de savoir ce qu'il vaut mieux proposer aux salariés, pour leur avenir (rôle social de l'entreprise, souhait d'être attractif à l'embauche, mobilisation de sommes à placer sur le marché financer) sans que cela ne coûte trop cher à l'entreprise (l'abondement, la loi Macron, etc).

    Je rappelle avec le pessimisme qui me caractérise que les retraites par capitalisation ont fait faillite dans les années 30 et que c'est pour cela que le système par répartition a été mis en place: l'un n'est pas plus sûr que l'autre. Les coups de fil de retraités que je reçois semblent prouver une chose : il faut être propriétaire de son toit et il ne faut pas vivre seul (en couple, en fratrie, entre amis, en famille…), cela permet les économies d'échelle.

    Je rentre tôt ce qui me permet d'aller voir Avé César des frères Coen. En attendant le début de la séance je découvre que la ville a mis en place des étagères de troc de livres. Je prends Le chêne et le veau, un Anatole France, une biographie de Reinhart Heydrich et Une saison d'anomie de Wole Soyinka. Je pourrai y ramener un ou deux livres (pas grand chose car je n'ai pas beaucoup de livres superflus).

    Le Coen fait partie des non-films tels que les deux frères en font régulièrement, tous les deux ou trois films, un truc kitsch sans queue ni tête (le répertoire des clichés du cinéma en 1945) dans lequel je ne peux m'empêcher de voir un grand amour du cinéma malgré tout.
    Surprise : deux films de suite qui commencent par un visage du Christ (Les 8 salopards): c'est le nouveau must?

    Santé

    Ce matin ostéo, les voyages en avion ne m'ont pas fait du bien. Je suis stupéfaite qu'il se souvienne si bien de moi, bien que «je n'ai pas retrouvé votre fiche, elle devait être manuscrite et je ne l'avais pas rentrée sur ordinateur, je la chercherai plus tard». Y a-t-il une mémoire qui s'inscrit dans les mains, par le corps? (de même le kiné croisé ce matin, qui avait rééduqué mon doigt cassé (été 2012), qui me salue comme si nous nous étions quitté la veille).
    J'ai toujours la même surprise, la même reconnaissance, quand on me soigne, quand on s'occupe de moi. Chaque fois je suis gênée de découvrir ce mouvement en moi. Suis-je à ce point assoiffée de soins?

    A midi à la cafétéria je m'échauffe avec quelqu'un que je connais à peine, le collègue d'une rameuse, à qui j'explique le déremboursement des spécialistes de secteur 2 qui n'ont pas signé de contrat d'accès aux soins (voir ici p.12 et 13 pour les courageux: si votre mutuelle vous rembourse moins bien pour les spécialistes non CAS depuis janvier, ce n'est pas qu'elle ne veut pas vous rembourser mieux, c'est qu'elle ne peut pas, à moins d'accepter de payer 7 à 8% de taxe en plus).
    «Oui, me dit-il, et en plus mon spécialiste me dit que bientôt nous ne serons plus libres d'aller voir qui nous voulons, il faudra aller dans des centres de soins choisis par les mutuelles.»
    Mon sang ne fait qu'un tour. Je ne sais pas exactement de quoi il parle, y a-t-il vraiment des velléités de rendre une telle organisation obligatoire (il existe des réseaux ressemblant à cela, mais facultatifs), je pense à jaddo et à tous les blogueurs médecins généralistes qui appellent de leurs vœux des maisons de soins réunissant divers spécialistes…
    — Oui enfin, ce qu'il est surtout en train de vous dire, c'est que pendant des années les spécialistes se sont alignés sur les remboursements des mutuelles («votre mutuelle vous rembourse 400€? Bon, je vous fais 400€ de dépassement. Ah, elle rembourse 600? Bon, alors ce sera 600») et maintenant ce temps-là est fini et c'est bien fait pour eux. Ce qui me fait m'étrangler dans mon café le matin, c'est quand j'entends à la radio que c'est la faute des mutuelles si la santé augmente. Autre chose: maintenant la loi oblige à présenter les remboursements des contrats de santé en "tout compris", sans distinguer la part de la sécu et la part du contrat, et vous savez quoi? Ça prépare simplement le désengagement de la sécurité sociale, elle va réduire sa part, les mutuelles seront obligées de compenser et d'augmenter leur tarif, et tout le monde va encore dire que les mutuelles se font du gras sur le dos des gens.
    — Dites donc, ça vous énerve!
    — Oui. Ce n'est pas tant que la sécu se désengage, mais qu'on ne soit pas clair, que l'Etat cache ces tours de passe-passe en faisant porter le chapeau aux mutuelles. Regardez par exemple: qui sait qu'elles paient une taxe pour que les généralistes aient pu passer à 23€? C'est elles qui portent ce poids-là, et personne ne le sait, c'est passé comme un succès des négociations professionnelles et une bonté de la sécurité sociale. En réalité, les mutuelles financent directement cette mesure et elles sont trop bêtes pour l'expliquer.

    (Etc, etc. C'est vrai que ça m'énerve. Qu'on fasse ce qu'on veut, il faut bien trouver l'argent quelque part, mais qu'on dise la vérité, c'est agaçant à la fin.)

    Ergo

    J'arrive trop tard, l'équipage du seul bateau qui sortira aujourd'hui est déjà complet. Tant pis (tant mieux je suis flemmarde), je reste à l'intérieur à faire de l'ergo (du rameur, en langage courant).
    C'est beaucoup plus fatigant que ramer: il n'y a ni les problèmes d'équilibre, ni les problèmes de coordination en équipe, on est dans la force pure. Je m'épuise en deux fois vingt minutes (cinq minutes cadence 18, puis 20, puis 22, puis 24, récupération, puis cinq minutes cadence 24, puis 22, puis 20, puis 18). Comme d'hab je m'arrache la peau des fesses (il faut absolument que je trouve une solution).
    Je sais que je suis désormais sur la pente descendante de ma forme physique. Cela a basculé je ne sais quand les dernières années, il n'y a pas si longtemps. Je sens que je peux me maintenir, mais à l'unique condition de ne jamais arrêter.

    Programme

    A lire
    (Sans date : date du billet;
    dates soulignées: jour où j'ai noté le titre ou l'auteur qui m'est passé par la tête;
    autre date: jour de fin de lecture. Les livres abandonnés en cours ne sont pas répertoriés.
    )

    Remarque : si l'on compte cinquante livres par an, on arrive à mille en vingt ans. Il est inutile d'envisager plus.

    Walter Kasper (le Christ, Dieu, l'Eglise)
    Le journal de Congar

    Balzac
    * 23 février 2015 : Les Chouans
    * 12 mars 2015 : La maison du Chat-qui-pelote
    * 13 mars 2015 : Le Bal de Sceaux
    * 15 mars 2015 : La Vendetta
    * 14 janvier 2016 : Physiologie du mariage
    * 19 janvier 2016 : Une double famille
    * 20 janvier 2016 : La paix du ménage
    * 21 janvier 2016 : Gobsek, Un épisode sous la Terreur, Une passion dans le désert
    * 22 janvier 2016 : Sarrasine
    * 22 février 2016 : La peau de chagrin
    * 29 avril 2016 : Jésus-Christ en Flandres
    * 3 mai 2016 : Le Chef d'œuvre inconnu
    * 28 octobre 2017, L'enfant maudit
    * 30 octobre 2017, Le réquisitionnaire
    * 31 octobre 2017, El Verdugo

    * 2 novembre 2017, L'élixir de longue vie

    Conrad
    * 22 mai 2016 : Almayer's Folly
    * 23 juin 2016 : An Outcast of the Islands
    * 27 septembre 2016 : The Nigger of The Narcissus
    * 18 août 2017, Lord Jim

    Dickens
    Tristram Shandy
    - Berlin Alexander Platz (en allemand)
    - Derrida par Peeters
    - The Golden Bough
    - Darwin, De l'origine des espèces
    tout Swift
    tout Carroll
    toute la poésie de TS Eliot,
    Ulysses,
    Don Quichotte dans la traduction récente,
    les Mémoires de St Simon en deux tomes,
    tout Henry James,
    tout Wilde,
    tout Poe,
    tout Baudelaire,
    tout Rimbaud,
    tout Chateaubriand,
    tout le Proust littéraire (pas la correspondance),
    tout Flaubert
    Hugo

    Verne
    * 7 septembre 2016 : Vingt mille lieues sous les mers

    Moby Dick
    tout Kafka
    Apologia pro Vita Sua
    Homère

    Tabucchi
    * octobre 2017 : Le fil de l'horizon des Russes
    La jeunesse de Pouchkine

    17 avril 2016
    Hugo Soly (dir.), Charles Quint, 1500-1558. L'empereur et son temps, Paris, Actes Sud, 2000 (recueil d'articles thématiques par les meilleurs spécialistes)

    22 avril 2016
    R.M.W. Dixon: "Where Have all the Adjectives Gone?" dans Where Have all the Adjectives Gone? and Otehr Essays in Semantics and Syntax, éd. De Gruyter-Mouton
    Le premier Saussure
    Benveniste
    Vocabulaire de l'exégèse d'Aletti & co
    Présence et Pensée Balthasar sur Nysse
    Canevet G de Nysse et l'herméneutique biblique
    Théobald: le chistianisme comme style
    Leo Strauss: Le petit jaune, sur Platon
    Leo Strauss
    David Bellos, Le poisson et le bananier : fini le 21 juillet 2016
    Heidegger sur Parménide
    Clémence Ramnoux sur Héraclite

    24 avril 2016
    E. Busch: une biographie de Barth
    Harnack, L'Essence du christianisme
    Troeltsch: «L'absoluité du Christianisme»
    Bultmann, Histoire de la tradition synoptique
    Barth L'Epître aux Romains
    Alain de Libera sur le nominalisme
    Greisch, Le Buisson ardent
    Panorama de la théologie au XXe
    Braudel, La Méditerranée
    Aron, Mémoires
    Döblin, 1914-1918

    26 avril 2016
    Barth, La théologie protestante au XIXe (contrepoids au Gibellini)
    Boenoffer
    Thérèse d'Avila
    Soeur Sophie de Jésus, Défier le chaos

    27 avril 2016
    Monk Ludwig Wittgenstein: The Duty of Genius (peut-être)
    Balthasar sur Barth (livre commandé non reçu)


    28 avril 2016
    Karl Jaspers Kant


    29 avril 2016
    Nuruddin Farah
    Sembéné, bouts de bois (approximatif. A retrouver. livre hôtel Madrid)


    30 avril 2016
    Albert Schweitzer, la quête du Jésus historique (non traduit en français. En anglais)
    Balthasar, Apokalypse der deutschen Seele, 3 tomes non traduits, apparemment


    1er mai 2016
    Saint Thomas, progressivement
    Jon Elster, Le tirage au sort, plus juste que le choix rationnel.
    Jon Elster en général (bibliothèque ICP)
    Pranchère et Lacroix sur les droits de l'homme
    La lecture de la Bible par Cayce
    O'Malley, L'événement Vatican II et Le Concile de Trente : Ce qui s'est vraiment passé
    Gilson, Introduction à la philosophie de saint Thomas d'Aquin
    Balthasar, L'Amour seul est digne de foi porte d'entrée selon Fisichella ds Lacoste
    L'anthropologie sociale du Père Gaston Fessard
    Tilliette, Schelling
    Friedrich D. E. Schleiermacher, Herméneutique


    2 mai 2016
    Wole Soyinka
    Golding, l'histoire de la traversée en trois tomes

    5 mai 2016
    Bousquet, Les grandes révolutions de la théologie moderne
    Poulat, Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste
    Durand, Holzer, Les sources du renouveau trinitaire

    7 mai 2016
    Eduardo Galeano, Les Veines ouvertes de l'Amérique latine
    Sebastien Doubinsky (à la bilbiothèque)

    8 mai 2016
    Arendt, La condition de l'homme moderne (peut-être)
    Arendt

    12 mai 2016
    Claverie, Humanité plurielle
    L’hospitalité divine

    25 mai 2016
    Oscar Cullmann, Christ et le temps
    Eberhard Jüngel, Dieu mystère du monde
    Melville, Clarel
    Grégoire de Nysse

    13 juin 2016
    Jean-Claude Milner, Le périple structural
    Antoine Meillet, Aperçu d'une histoire de la langue grecque
    Adam Parry (éditeur), The Making of Homeric Verse: The Collected Papers of Milman Parry

    La Bible (plusieurs fois)
    * 12 août 2015 : La Genèse

    Escamilla, Chaunu, Charles Quint

    27 juin 2016
    Etienne Gilson : voir dans le Dictionnaire des théologiens des idées de titres

    11 juillet 2016
    Gadamer, Vérité et méthode

    26 juillet 2016
    Merleau-Ponty
    Jared Diamond, De l'inégalité parmi les sociétés
    Kapuscinski

    5 août 2016
    Barth, Synthèse dogmatique

    7 septembre 2016
    Melville

    6 novembre 2017 - pour le travail de huitième année
    Bultmann sur la démythologisation
    Lacoste, Narnia, monde théologique ?, lu en octobre 2017
    H. Weinrich, «Narrative theologie» et J.B. Metz, «Kleine Apologie des Erzählung» dans Concilium n°5, 1973, p.329-334 et 334-341 : naissance du programme d'une «théologie narrative»

    29 janvier 2018
    Ratzinger, Les principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux
    Jean-Baptiste Metz, Pour une théologie du monde
    Karl Rahner, Traité fondamental de la foi

    27 février 2021
    Roubaud. Ses livres de poèmes.
    Svetlana Alexievitch



    A apprendre
    Les Fables de La Fontaine

    Patristique

    Différence entre patrologie (essentiellement un travail d'édition (traduction et philologie) et patristique). Définition de la patristique: un auteur antique (pour les catholiques, les orthodoxes reconnaissent des pères de l'Eglise jusqu'au XIXe), orthodoxe (non hérétique), reconnu par la communauté et reçue par l'Eglise (contre exemple : Tertullien ou Origène. Appelés alors écrivains ecclésiatiques).
    Le dernier père (majuscule ou pas?) en Orient, Jean Damascène, mort en 750; le dernier père en Occident, Isidore de Séville, mort en 636. (Je me souviens de la première fois que j'ai croisé le nom d'Isidore de Séville dans une note de bas de page du livre de France Yates, (L'art de la mémoire) et de l'incompréhensible ravissement qui m'avait saisie alors). Le De Trinitate de Saint Hilaire de Poitiers, une œuvre de génie (vous avez compris que je jette ici de mémoire des bribes de cours).

    Le mode de validation du prof me fait sourire. C'est la première fois dans toutes mes études que je vois un prof vouloir s'assurer que nous avons lu un auteur et non ses commentateurs (je veux dire que tous les profs nous disent de lire les auteurs, mais en réalité, c'est l'habileté à citer les commentateurs (en philo, littérature, théologie) qui est récompensée. Après mon bac je l'ai compris tard; je lisais Proust pendant que les autres lisaient Barthes, ils avaient raison — eux, ils savaient, ils maîtrisaient le discours et le sous-discours). Ce professeur ne donne pas de bibliographie. Irénée de Lyon, Tertullien, Origène, Athanase d'Alexandrie, Grégoire de Nysse: nous choisissons deux à cinq pages d'un de ces auteurs, nous venons à l'oral avec deux exemplaires du texte choisi, nous présentons sans note, puis il pose des questions pour s'assurer que nous avons lu l'ensemble du livre et l'ensemble du cours.
    C'est excitant. La perspective de devoir enfin lire un père de l'Eglise (car l'obligation devient une permission: tant de choses à lire que toute lecture non obligatoire devient de l'oisiveté) est excitante. Il va falloir feuilleter un peu pour choisir. Par expérience, je sais que j'ai moins de mal avec les auteurs traduits du grec que du latin. Un petit penchant pour Athanase. A vérifier.



    Agenda
    Eric et Vincent à la maison pour trois jours. Session de programmation. J'ai l'impression de revenir quinze ans en arrière. Que j'aimais cela, cette ambiance de réflexion et de débats.

    Dimanche

    Je retourne à Melun pour la première fois depuis trois semaines. Quelle flemme, pas envie d'avoir froid.

    J'arrive juste à temps pour entendre «Qui veut faire un quatre?», je dis «Moi» et je me retrouve avec des rameurs de niveau plutôt faible: je vais ramer à la nage d'un bateau pas désagréable dans l'esprit mais cahotique. Il n'y a pas de vent, il ne fait pas froid, mais il y a énormément de courant.

    Pour changer, je vous mets une image du ponton. Chaussures de compétiteurs pour la plupart: les bateaux de compétition ont des chaussures intégrées, ce qui pose parfois des problèmes de pointure quand les filles empruntent des bateaux de mecs (le contraire n'arrive jamais).



    A midi nous sommes trois, A. est retournée à Lisieux hier soir après une semaine de mauvaise humeur (elle s'est disputée avec une amie et c'est nous qui en avons payé les conséquences) et les grands fêtent la St Valentin à Paris. Je m'habitue à l'idée que l'année prochaine je serai sans doute seule la plupart du temps. Silence de la grande maison vide.
    — Peut-être qu'il va devenir rationnel de vendre cette maison?
    — Pas avant deux ou trois ans, il faut la remettre en état si nous ne voulons pas perdre de l'argent.


    Le soir violente dispute: H. apprend alors que nous sommes en train de goûter (mais oui, cela arrive: nous goûtons!) que j'ai embauché un jardinier. Il m'accuse de l'avoir fait sans lui en avoir parlé: «Mais enfin, tu étais d'accord, c'est toi qui m'a donné son nom! — Oui, mais je croyais que tu voulais qu'il vienne une fois, pas de façon permanente.»
    Mais à quoi sert un jardinier une fois quand la végétation pousse tous les jours?

    (L'origine du débat était le ménage: prendre une femme de ménage. J'ai répondu qu'entre la femme de ménage et le jardinier, il me semblait que nous pouvions nous charger du ménage. Le problème, c'est que si nous ne nous y mettons pas tous ensemble, je n'y arrive pas, je ne suis pas motivée, après tout je ne suis pas la seule à vivre ici1, il n'y a pas de raison que je le fasse seule (ou alors j'ai besoin d'être vraiment seule, sans personne à la maison, ce qui n'arrive jamais): en une heure, à cinq, nous abattons du boulot! Mais je n'ai jamais réussi à instaurer cette routine.)
    Bref, violente dispute un peu ridicule qui nous laisse comme chaque fois honteux et désemparés.

    Ménage et rangement car nous accueillons deux amis trois jours. Bénéfice inattendu pour O.: il récupère un ordinateur dans sa chambre (pour faire de la place sur le bureau de H.). Il est heureux.


    Note
    1 : peut-être aussi que si je l'oublie, mon corps se souvient que les produits ménagers et la poussière le rendent malade. Ce soir encore, ventoline. Raison de plus pour prendre une femme de ménage, me direz-vous. Sauf que je nie le problème, j'espère toujours qu'il va passer, que c'est une illusion. A vrai dire, je pensais prendre jardinier et femme de ménage, je n'imaginais pas que ça coûtait si cher: j'ai réduit mes ambitions de dépenses.

    Un écrivain

    Journée sur "le Père". Je n'ai pas travaillé et je m'ennuie car je ne comprends pas les subtilités, tout me paraît identique.
    L'animatrice du TG paraît très stressée à l'idée que chaque groupe devra rendre compte de ses travaux et elle dirige et bride considérablement la parole.

    Les travaux dans le bâtiment central de l'ICP nous oblige à nous replier sous un barnum dans le château. Plusieurs années sont mélangées, nous retrouvons également ceux qui étaient avec nous l'année dernière, maintenant en année 6, qui ont cours avec les années 7. Discussion à bâtons rompus et verres de rouge — je bois trop. Nous parlons bâteau, marine — je sympathise avec un homme qui ressemble à un cavalier militaire mais s'avère marin. En fin de discussion il m'encourage à faire du droit canon — et pourquoi pas: je ne pourrai pas faire d'exégèse, c'est trop tard, je ne travaille pas assez les langues, je ne pourrai pas faire de théologie, je ne comprends l'utilisté de ce découpage de cheveux en quatre par rapport à la foi (le spirituel pur m'intéresse davantage, la méditation des Ecritures), alors pourquoi pas le droit canon? (ou rien. Peut-être que ce n'est pas ma voie, mais ai-je une voie? je finis par désespérer de trouver.)

    En sortant je vais à Gibert Barbès: Emmanuel (Régniez) y présente son dernier livre, Notre château. Il pleut, il fait nuit. En sortant du métro, je suis abasourdie: je suis dans un quartier noir, totalement noir, même pas (ou même plus) mélangé d'Arabes. Comment avons-nous pu laisser cela se produire? Nous n'aurions jamais dû laisser cela se produire, il faut absolument que les couleurs de peau soient mélangées afin qu'aucune ne dépare, dans aucune circonstance. Sinon cela crée la peur et la méfiance.
    Peut-on encore y remédier?

    Emmanuel, Tlön. La librairie est grande, lumineuse. Nous nous moquons de la mode du coloriage (j'ignorais que cela avait pris une telle ampleur). Tlön s'éclipse, je discute un peu avec Emm., nous fumons une cigarette à l'entrée du magasin, parlons du risque qu'il devienne célèbre avant sa mort. Il se plaint d'écrire très lentement. Je rentre en mangeant des marrons chauds.

    Lire Drieu


    Gilles, ligne 14, vers 7h45 à Châtelet.

    Encore un conseil d'administration. L'un des administrateurs est fou furieux, je ne comprends rien à sa logique, il se bat deux réunions de suite pour une cause et défend l'inverse la troisième fois alors que nous venons de voter une modification des statuts conforme à ses souhaits précédents…
    Nous nous perdons en conjectures: peut-être voulait-il savoir en prêchant contre ses convictions quelle position l'entreprise allait prendre dans des négociations de branche (mais ce n'est pas le lieu pour ce genre de finasserie politique), ou alors, beaucoup plus simplement, comme il vient de province, veut-il faire durer les débats suffisamment longtemps pour justifier son déplacement…
    C'est très fatigant.

    Pas dans mon assiette ce soir. Je regarde Benjamin Button (première fois que je vois Edgar Cayce cité dans une œuvre grand public). La vie comme une parabole (trajectoire en parabole). Puis Bullitt. Etonnante bande-son. Pas envie d'aller en cours toute la journée demain.

    Un témoin du passé

    Vu la fille de Philippe F., un collègue de travail de 1998-2001. Elle est passée au bureau me dire bonjour de la part de son père qui avait repéré que je travaillais dans le même immeuble que sa fille et nous avons évoqué des souvenirs. C'est étrange, elle connaît tout le monde alors qu'elle n'avait que douze ans à l'époque. Philippe devait beaucoup parler de la boîte à la maison. Il est vrai que c'était magique. Il est rare que je passe une semaine sans penser à quelqu'un de cette époque, ne serait-ce qu'à cause du célèbre «Connerie!» qu'assénait Jean-Baptiste en réunion devant les consultants qui encadraient le projet… (Il faisait plus d'un mètre quatre-vingt-dix et c'était très impressionnant — et plutôt satisfaisant — de le voir proclamer «Connerie!» de toute sa hauteur.)

    Philippe, lui, c'était «Osons!» qu'il prononçait en saisissant son crayon à papier pour noter quelque idée iconoclaste ou décision joyeuse et inattendue, et que je prononce parfois in petto pour me donner du courage. J'en ferais bien une devise — j'en ai peut-être fait une devise.

    Nous avons au fond du jardin une Opel qui moisit que Philippe nous avait donné pour que les enfants jouent dedans et avec. Sa fille était venue à la maison lorsque son père nous avait amené la voiture, elle se souvient de mon bœuf aux rognons: elle est donc l'une des dernières témoins de ma cuisine, avant que j'arrête de toucher aux casseroles.

    Couleurs

    A travers la somnolence qui berce souvent mes voyages en RER, il me suffisait d'entrouvrir à peine une paupière pour identifier une station: un flou rouge à travers les cils, Nation; orange, gare de Lyon; bleu, Châtelet; blanc, Charles de Gaulle.

    Las, il y a longtemps que Châtelet n'est plus bleu mais gris (longtemps, mais quand? Je n'ai pas saisi le moment, je ne l'ai pas vu: ces disparitions brutales ou insensibles (qu'est-ce qui qualifie mieux le fait de se rendre compte un jour d'un événement survenu avant, sans date? l'incapacité d'enraciner un souvenir est un vacillement) me troublent, me poursuivent, car je n'ai pas pu faire mes adieux à un état du monde).

    Je viens de m'apercevoir que gare de Lyon est en train de tourner elle aussi au gris. Photographie donc, pour se souvenir de l'orange.



    Qui m'apportera une photo des étagères vert pomme de la bibliothèque Pompidou avant 2000 ?

    Gossip

    Premier dîner "littéraire" depuis septembre: impossible durant le premier trimestre entre cours de grec et cours flottant.

    Thème :les écrits des académiciens actuels. En précisant "actuels", Marie-Paule m'empêche de me défausser vers Yourcenar, par exemple. J'hésite entre Delay et Obaldia et je choisis Mgr Dagens, en me disant que personne ne présentera Grégoire le grand (et bien sûr, me permettra de lire à propos d'un père de l'Eglise).
    Bien sûr, je ne me fait pas grande illusion: un gros livre (pas si gros, cent à deux cents pages de notes en latin et de références à la fin, toujours ça de moins à lire) sur un sujet austère, la spiritualité chrétienne infusant l'Europe au moment des invasions barbares, personne, normalement, ne va m'emprunter un tel livre.
    Mais j'essaie: il peut y avoir à ma table de vieux amoureux des humanités, du latin et du grec, qui seront heureux de se plonger dans leurs souvenirs. Il peut arriver que quelqu'un s'intéresse à l'histoire des mentalités (car sans la foi, cela revient à cela).
    Mais pas ce soir.

    Ce soir, j'ai découvert des acamédiciens dont je ne savais même pas qu'ils étaient écrivains: Dominique Bona?

    Je suis frappée que tous les livres présentés à ma table étaient de l'ordre de la biographie ou de l'histoire, y compris de l'histoire très contemporaine: Fou de toi (Paul Valéry), Berthe Morisot, Sauver Ispahan et Globalia, Trop bien élevé, François le Petit (le genre de livre que je déteste profondément), et mon Grégoire le grand.

    Les livres (la littérature) intéressaient moins mes compagnons que les potins, une telle a ouvert le bal de la faculté de droit à Rennes avec Bredin dans les années 60, une autre ne s'intéresse qu'aux rapports entre la famille Manet et Valéry (une cousine épousée), la troisième rit beaucoup aux allusions de François le Petit alors que je n'en comprends aucune et m'en moque éperdûment : tout cela sera oublié dans dix ou quinze ans, il faudra d'interminables notes de bas de page pour expliquer qui était qui…

    Pour le reste, j'ai assisté éberluée à un condensé de café du commerce : l'association de l'école propose un voyage en Iran, et ces dames de commenter l'obligation de porter un foulard, des pantalons larges et des tuniques longues, et moi de penser à Soumission (mal à propos, puisqu'il s'agit de l'Iran et non de la France), de me demander peu charitablement quelles pensées perverses pourraient inspirer ces dames et à quel point il faudrait être pervers pour qu'elles en inspirent (pour donner une idée, elles s'exclameront: «elle est morte très jeune, à cinquante-sept ans». Euh… pour moi, «très jeune», pour mourir, c'est avant trente-cinq ans, ensuite c'est jeune (avant quarante), puis dommage (avant soixante), puis envisageable mais regrettable (avant quatre-vingt ans), puis «c'est la vie»).
    A été commenté également l'imminent remaniement ministériel, la réforme de l'orthographe, la grâce présidentielle de Mme Sauvage («La légitime défense en tirant dans le dos, ce n'était pas tenable. Je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas plaidé les circonstances atténuantes» — ce qui est exact.)

    Je les aime bien, ils m'ahurissent: je contemple l'écart qui nous sépare et je me demande pourquoi je n'ai pas compris plus tôt que c'était inévitable et sans importance, que je ne leur ressemblerai jamais mais qu'en réalité je ne le souhaitais pas, je le détesterais; mais que cela n'empêchait pas de passer une curieuse et confortable soirée.

    Lundi

    Lever 5h30, couture (badges sur chemise scoute (je sais, il devrait les coudre lui-même, mais après tout il est mineur et c'est mon petit dernier, je peux bien coudre si ça me plaît)) en regardant le début de Benjamin Button.
    J'emmène la chemise et le nécessaire à couture pour coudre dans le RER: la chemise doit servir demain pour Mardi Gras.

    Je commence Saint Grégoire le Grand de Mgr Dagens et j'y vois d'étranges résonnances avec le dernier Houellebecq, des résonnances en creux, bien sûr.

    Le soir, la professeur nous a remerciés : «Samedi a été une très longue journée pour moi, mais je dois vous remercier: je ne me suis pas ennuyée une seconde, cela a été passionnant».
    Et cela me remue bien plus que des félicitations, un professeur qui nous remercie.

    Stage technique BAFA

    — Le buta t'oublie.

    Panne de réveil

    Ça ne m'arrive jamais ou presque. Je vais ramer sans mettre mon réveil. Mais ce matin 9h02. Trop tard, trop tard, pas question que je parte sans mon petit déj et surtout mon thé chaud, quarante minutes pour être à Melun, inutile, en retard, les bateaux seront partis, trop de courant, je ne peux pas faire de skiff, je reste — deux dimanches de suite, un de trop.

    Marché, un peu de ménage, un peu de FB, un peu de rien, un dimanche de passé. Et quelques fous rires.

    Samedi

    Oral d'exégèse à 10h40, donc. Il s'agit d'un exposé sur un extrait (péricope) de St Jean à choisir, présenter, problématiser (le grand mot). Pas d'explication linéaire. J'ai l'impression de revenir en hypokhâgne, ce n'est pas désagréable. Ce qui est infiniment plaisant, c'est la façon dont chaque verset résonne avec des dizaines d'autres, soit dans Jean, soit dans l'Ancien Testament (point de méthode que j'ai déduit sans en comprendre véritablement la cause: éviter de rapprocher Jean des synoptiques, à moins d'être en train de travailler sur ce point).
    Lever à quatre heures pour écrire cet exposé. Exposé. («Vous tenez un sujet de mémoire»: je n'en demandais pas tant.) Puis mojito. Puis Les 8 Salopards.

    Je n'avais pas revu de Tarantino depuis Inglorious Bastards qui m'avait coûté ma confiance en les cinéphiles. J'avais entendu dire qu'il était lent, un peu ennuyant dans la première partie, et j'y allais en me souvenant de l'hallucinant dialogue sur le pourboire du début de Réservoir Dogs.
    Le début de ce film-ci, le Christ, la miséricorde, rappelle l'ambiance de True Grit, le suspense: qui sera du côté du bien, qui du mal, qui soutiendra le faible (mais qui est le faible dans ce film de Tarantino, comment compter les huit salopards parmi les neuf personnages? C'est sans doute la seule question intéressante de ce film), un cheval blanc, sept chevaux noirs, un Noir, sept Blancs et une Blanche (ou sept Blancs et un Mexicain), pas tant la conquête de l'Ouest que la guerre de Sécession et toutes les haines que la paix n'a pas apaisées, mais aussi les morts noirs contemporains de Baltimore et d'ailleurs et «Black Lives Matter».
    A l'inverse de ce que j'ai pu entendre, c'est la seconde partie qui m'a lassée. Tarantino doit avoir passé un contrat avec un vendeur d'hémoglobine. Cela en devient ridicule.

    Rentrée. Dormi. Mangé des crêpes (c'est bien, les grands enfants. Ça prépare les crêpes, ça achète la confiture, ça fait cuire les crêpes). Beaucoup ri.

    L'étonnement philosophique de Jeanne Hersch


    RER A, 7h50 environ, direction La Défense. Le lecteur était loin, pas en pleine vue, mais j'étais si contente de voir quelqu'un lire ce livre que je l'ai photographié malgré tout, comme je pouvais.

    Mercredi morne

    Travail sur des séries longues à des fins d'analyse. Fastidieux et intéressant (si, cela peut être les deux à la fois).
    La Seine a bien monté, beaucoup de courant. En yolette pour la première fois depuis longtemps (Marc, Jean-Baptiste, Laurence, Yann). Je ne rame plus assez, cela me fatigue. Je me rends compte que je ne connais pas les rameurs "de deux ans", nous formons spontanément des "promotions".
    Préparation de l'oral sur St Jean, encore et toujours. Le témoignage comme lieu de la présence.

    A 17h45, il fait encore un peu jour. Rien d'exceptionnel, tous les ans à la même date c'est le cas. Je note que je l'ai remarqué. (Et chaque fois je pense à Amiel et à Barthes pestant qu'on ait coupé dans l'édition de son journal les notations météorologiques au-dessus de Genève).

    Rien de drôle. Ah si, le dernier acronyme de la sécurité sociale: PUMA, Protection Universelle Maladie (qui surgit de façon intempestive au beaux milieux de la réécriture de nos statuts: comment faire sans la notion d'ayants droits? casse-tête juridique imprévu). Est-ce que cela signifie que le RSI ou la sécurité sociale étudiante, par exemple, vont disparaître (car pourquoi choisir ces régimes qui fonctionnent mal si on peut bénéficier d'un régime qui fonctionne bien?)?

    Nuit studieuse, encore.

    Encourageant bis

    — J'ai perdu sept kilos.
    — Vingt-huit plaquettes de beurre.
    — C'est romantique.

    Encourageant

    — Parfois j'ai l'impression de porter malheur : chaque fois que je travaille pour une boîte, elle fait faillite ou elle est rachetée.
    — C'est le signe que tu n'as pas encore trouvé ta voie.


    (Ça a beau être une boutade, quel renversement de point de vue. Je n'aurais jamais pensé cela sous cet angle. Ce serait peut-être bien que je la trouve (ma voie) avant que cette boîte ne coule aussi.)

    mercredi soir

    Il a fallu à nouveau faire appel à l'informaticien qui était venu mettre à jour Ciel compta le 18 décembre: il n'a pas fait le travail jusqu'au bout et nous avons de nouveau des messages d'erreur. Ce type m'agace par sa lenteur et sa façon de ne pas prendre en compte ce qu'on lui dit; d'autre part, et c'est plus rare (et je l'avoue avec un peu d'embarras), il me répugne physiquement. Quand il a terminé et qu'il est parti, je nettoie tout derrière lui au produit désinfectant, le téléphone et le clavier.

    A midi, je l'abandone pour aller ramer, me disant qu'il travaillera peut-être mieux seul, car nous nous portons réciproquement sur les nerfs.
    Quatre : Thibaud, Florent, moi, Marie-Françoise. Conseil : ne pas rentrer le menton au dégagé.

    Je ne suis pas allée voir la pièce de Benoît.
    Nous avons eu une discussion autour de l'APB (admission post-bac), pour souligner à la fois que les prépas, c'était l'horreur, mais c'était passionnant (j'ai découvert au cours de cette discussion que la pulsion qui me faisait dire «si on me le proposait, j'y retournerais tout de suite» a disparu: sans doute grâce à mes études et à Cerisy). Je suis contente d'avoir réussi à arracher H. quelques instants à ses préoccupations pour qu'il consacre quelques minutes au cas d'O. J'ai toujours peur que nous ne nous occupions pas assez du petit dernier, qu'il se sente (qu'il soit) négligé.

    Nuit blanche de H. pour le boulot (rencontre américaine demain). Cela n'était pas arrivé depuis des années (à une époque, c'était quasi son mode habituel de fonctionnement).

    Western

    En préparant un voyage en Espagne, j'ai fait une recherche sur les lieux de tournage des westerns spaghetti. Je voyais cela beaucoup plus au nord, mais c'est en fait dans les environs d'Almeira, dans le désert de Tabernas.

    J'ai trouvé des explications détaillées dans un dépliant (la seconde partie est en anglais).
    Je suis surprise de constater que le troisième Indiana Jones a été également tourné ici, sans doute parce qu'une partie se déroule à Venise, donc qu'il était plus simple de venir ici que de retourner aux US.

    Apparemment il y a des fous pour jouer à des jeux de rôle grandeur nature, mais sans chevaux.

    Paroxysme

    — Il était bôô, ce garçon, un profil grec… C'est bien simple, pour Mardi Gras, il est venu simplement avec une serviette.

    Dimanche

    Sortie en quatre. Franck, Sylvie (débutante de l'année), Florence, moi.
    Pas de vent, pas de courant, il ne fait pas froid. Je n'ai pas ramé de la semaine et je sens les cuisses qui menacent de crampes.
    Plus tard, je m'apercevrai que je me suis écrasé le pouce gauche: il n'est plus que fourmis, comme des dizaines de pointes d'aiguilles.

    Nous avons si bien ramé que j'ai oublié de prendre une photo.
    Photo quasi en face du club, en attendant que se libère une place au ponton.



    Après-midi en famille, avec mes beaux-parents. Un peu dur pour moi, pas de sieste, pas de douche avant tard l'après-midi (car je suis rentrée au moment de se mettre à table).
    Couture. Huit boutons de caban et le talon d'une de mes cuissardes.
    Grève encore demain, grève également mardi (mais mardi, sera-ce une grève de RER? pas clair) Demain, lever à l'aube pour aller prendre le RER A.

    Une soirée IRL

    PL, une vieille connaissance de la SLRC (l'une des dernières, en fait, avant que tout ne s'éteigne — 2009, me dit-il), venait à Paris et cela a donné lieu à un dîner réunissant des blogueurs historiques et des facebookiens, différence qui ne marque qu'une présence sur le net plus ou moins longue, et donc finalement, au bout de dix à douze ans, une tranche de vie conséquente (le temps de voir grandir les enfants, ai-je envie de sourire dans ma barbe), tranche de vie partagée serait trop dire, mais tout au moins effleurée, approchée.

    Cinéma, livres, Pléiades (détournement de), Larzac, amitiés et discordes, Lacaniens et Freudiens, musée Jacquemard André, éclats de rire.

    Une seule photo, que j'enlèverai si elle dérange:

    2016-012323.24.24-eclat-de-rire.jpg

    Stage

    J'avais répondu trop tard pour une inscription pour un stage d'aviron dans le Jura: il vient d'y avoir un désistement et on m'a proposé la place. Yess!!! (Maintenant, il faut que je retrouve les dates. Trois jours à ramer dans le froid, il faut être fou. Je suis contente.)

    Et sinon, nous allons avoir un jardinier cette année. Si nous voulons revendre cette maison à moyen terme, il faut commencer à la remettre d'aplomb. C'est dommage de faire des travaux pour partir…

    Réunion parents-profs

    La dernière, là encore. Le prof d'informatique nous a posé un lapin, ce qui m'a agacée car nous aurions pu avoir un RER plus tôt.

    O.: élève intelligent, ouvert, curieux, «qui lit beaucoup» (ôÔ ?? il a surpris le prof d'histoire parce qu'il connaissait les trois lois de la robotique d'Asimov. Cela ne me paraît pourtant pas un grand titre de gloire… (cours d'éducation civique, sujet "l'homme transhumaniste"), qui se laisse vivre, aux résultats moyens…

    Je suis ennuyée. Je suis ennuyée parce que H. veut que O. aille en math sup, et ça m'ennuie que ce soit son père qui décide ça à sa place, d'un autre côté, c'est sans doute ce qu'aurait choisi spontanément O. (mais dans ce cas, je devrais être ravie et pas ennuyée: ce n'est pas logique. C'est que j'ai un doute: comment savoir vraiment ce que veut O.? Mais veut-il quelque chose? sans doute pas. Je lui ai conseillé, s'il ne savait pas "ce qu'il voulait faire" (entre guillemets, car cette expression m'a toujours paru stupide et effrayante dans son déterminime et sa fermeture), de déterminer au moins ce qu'il ne voulait pas faire, ce qui est plus facile et très important).


    Le film d'hier me court dans la tête. Finalement, c'est la version américaine de L'Idiot. C'est sans doute la métaphore de la construction qui s'écroule (les hypothèques pourries vendues dans des produits notés triple A) qui a facilité le rapprochement, mais le film russe démontre la corruption, le film américain la fraude et la collusion entre ceux qui s'en mettent plein les poches. Et le "petit peuple", les gens de base, sans doute pas bien malins ni très recommandables mais néanmoins des êtres humains, paient les pots cassés.
    Huit cents personnes dans l'immeuble russe.
    «Vous venez de parier contre l'économie américaine. Un point de chômage en plus représente quarante mille morts.» Pour l'Amérique.
    Ajoutons la Chine, l'Islande, les "PIGS" comme s'appellent eux-mêmes les Grecs (Portugal, Italie, Grèce, Spain), etc.

    Cabinets d'audit, agences de notation et vieille rancune

    The Big Short à La Défense. J'avais préféré Margin Call, à voir avant Inside Job. En fait, j'avais compris très tôt le mécanisme de la crise grâce à mes "petits déjeuners de la finance" expliqués par des banquiers (je retrouverai la date dans ce blog: en 2008, sans doute, quand je travaillais encore à la doc).

    J'attendrai le reste de ma vie la chute d'une agence de notation, n'importe laquelle. Et ce jour-là j'arroserai ça à rouler sous la table.
    Ça peut arriver. Après tout, Andersen est bien tombé. (Comme il est difficile d'expliquer à quelqu'un qui n'est pas de ce monde-là la haine que suscite, que suscitait, en moi ceux qu'on appelait les "big six" (Arthur Andersen, KPMG, Ernst and Young, Coopers and Lybrand, DTTI (ex-Touche Ross), Price Waterhouse), ceux qui nous courtisaient à la sortie de Sciences-Po, et que, rien qu'à voir quels étudiants ils attiraient — les plus prétentieux, les plus méprisants, les plus imbus de leur personne — je savais qu'ils étaient, qu'ils seraient (dans mes années professionnelles à venir) mes ennemis héréditaires. (Et cette intuition s'est confirmée: gens inutiles pleins de morgue payés très cher brassant beaucoup de vent — il aura fallu attendre V., élève dans ma promo à l'ICP et associé de l'un de ces grands cabinets, V. si réservé, aimable, prévenant, (le prince de la gougère au fromage) pour que je me dise que peut-être, il y avait quelque chose à sauver dans ce monde que je méprise (quelle est la phrase, déjà? «Certains rêvent de penthouses, de grosses voitures et de strip-teaseuses, d'autres de chalets isolés qui leur permettront de ne jamais croiser les premiers»)).

    Phrase à retenir du film: «Ils ne sont pas stupides, ils s'en moquent. Ils savaient que les contribuables paieraient les pots cassés.»


    Sans rapport et sans transition:
    Ce matin, j'ai cherché quelques auteurs à télécharger sur mon téléphone, des auteurs pour la plupart libres de droits (je choisis des œuvres complètes entre un et trois euros, parce que tout travail mérite salaire). C'est amusant de constater ce qui m'est venu à l'esprit (en choisissant les langues que je lis: français, anglais, péniblement allemand):
    - Berlin Alexander Platz (en allemand)
    - Derrida par Peeters (lors d'une recherche sur Derrida)
    - Tristam Shandy
    - The Golden Bough
    - De l'origine des espèces (Darwin en français)
    - Tout Dickens, tout Swift, tout Carroll, toute la poésie de TS Eliot, Ulysses, Don Quichotte dans la traduction récente, les Mémoires de St Simon en deux tomes, tout James, tout Wilde, tout Poe, tout Baudelaire, tout Rimbaud, tout Chateaubriand, tout Proust (ou presque: pas Jean Santeuil et deux œuvres non libres de droits), tout Flaubert.

    C'est un vertige que tout cela prenne si peu de place. Mon téléphone me devient très précieux, je le contemple avec respect: ce n'est pas possible (trois ans plus tard, elle comprit ce qu'était un iPhone… (mais enfin, qui ici a vu en 1989 un informaticien excité comme un pou à l'idée de posséder un disque de 60 Mo? J'ai quelques excuses à ne pas m'habituer. L'évolution a été proprement phénoménale.))

    J'avais déjà téléchargé tout Hugo et tout Verne, Moby Dick, tout Kafka, Apologia pro Vita Sua et Balzac au compte-goutte (je le lis sur mon téléphone dans la journée, et le soir je lis les introductions et les notes dans la Pléiade.)

    Vivrai-je assez longtemps? Curieusement, il me semble que je dois pouvoir tout lire. Pour la première fois, ça me paraît possible. (J'ai oublié Homère.)

    Il me manque les Russes, des Russes. Mais je ne lis pas le russe. Et Tabucchi.

    Isabelle

    Isabelle chez qui nous avons passé Noël près de Boston était à Paris ce soir. Je lui avais donné rendez-vous au Monteverdi. J'avais prévu de commencer à dîner avec elle (et O. et Guillaume, son benjamin) puis de m'échapper pour mon cours mais une chose en entraînant une autre nous sommes restées à discuter tard le soir.

    J'en suis toute étonnée car elle est, elle était, du genre silencieuse, effacée, donnant l'impression d'être ailleurs. L'idée de la rencontrer sans nos hommes pour combler les blancs de la conversation m'angoissait.
    Il n'y a pas eu de blanc. L'expatriation l'a transformée — ou c'est moi qui ne la voit plus du même œil.

    Seine

    Une photo des abords industriels plus près du club, pour changer. Gris sur gris.

    2016-0117-Seine-sabliere_100.jpg

    Quatre de couple

    Thibaut, moi, Denis, Marc.
    Ce Thibaut que je voyais pour la première fois est une armoire à glace d'une trentaine d'années, très conscient de lui-même, si conscient de lui-même que j'ai eu envie de rire tandis qu'il impressionnait Denis et Marc.

    Temps splendide qui ne s'est couvert qu'une fois que nous sommes rentrés.

    Les anciens Cruchons

    A moins que ce ne soit comme ministre ou amant : titre à vie, et donc Cruchons for ever.



    Commentaire le 14 janvier 2018 : nous nous sommes vus ce soir-là.

    Galette

    Une élève a apporté de la galette des rois et du cidre en cours de grec.

    Fuite en avant

    Je commence à me dire que ces cours étaient une erreur. Tout préparer dans la précipitation en lisant le dixième du nécessaire accentue l'impression d'imposture.
    La prof est partie dans la narratologie genre hypokhâgne, «le programme du projet narratif est une herméneutique dans un double mouvement d'anabase/katabase»; ce n'est pas désagréable mais elle ne connaît pas l'art de répéter trois fois la même idée sous trois formes pour nous donner la possibilité de prendre des notes; non, elle dicte littéralement son cours. Nous en sortons hébétés, hébétude redoublée (katabase) pour ma part en apprenant que l'oral est prévu le 6 février.

    Le 6 février? en casant l'examen de grec 3 mardi en huit et idéalement une rencontre avec ma tutrice avant les vacances de février… (mais cela a-t-il un sens de voir cette tutrice après l'oral ? mais avant, pas le temps de préparer.) Finir le Balzac en cours (je devrais l'abandonner en me promettant de finir plus tard, je sais), lire St Jean, l'article de Culpepper, le livre de Devillers… En trois semaines ? Impossible, je n'ai pas cette discipline, je sature, je finis toujours par papillonner.
    Essayons malgré tout.

    J'ai l'impression de foncer dans les sous-bois comme un sanglier effrayé. Fini l'espoir de tracer de jolis sentiers rectilignes.


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    Par ailleurs, impossible d'appeler "bonheur du jour" le plaisir sadique que j'ai eu à aller m'asseoir en face du chef comptable (de niveau quasi cadre supérieur) qui depuis 2013 met six mois chaque année à nous régler cinq cents euros après de multiples relances (il s'agit de refacturation intra-groupe). Je lui ai apporté un double de mes deux factures (huit cent dix euros tout compris), je me suis assise et j'ai attendu.
    — Il va me falloir un peu de temps.
    — Prenez le temps qu'il vous faudra.
    Quarante-cinq minutes. Quarante-cinq minutes en silence à regarder la nuit tomber dans son dos, deux drapeaux claquer sur une grue au loin, à penser à KungFu et petit scarabée. J'ai estimé que sa fenêtre donnait au sud. Quarante-cinq minutes pour régler deux factures.
    — Maintenant cela ne dépend plus de moi. Il faut une double signature.
    — Qui signe? Je peux leur porter le parapheur.
    — Je ne sais pas…
    — Je peux voir votre procédure ?
    — Si vous ne me croyez pas…
    Il se lève, m'entraîne dans un bureau adjacent, interpelle un collègue:
    — Tu peux expliquer à Madame xxx qu'il faut deux signatures?
    — A partir d'une certaine somme, cinquante mille euros, il faut une double signature, enchaîne le collègue accommodant.
    — Il s'agit de huit cent dix euros, fais-je remarquer d'une voix atone.

    En partant, je le fixe dans les yeux et remarque à mi-voix: «quarante-cinq minutes pour huit cent dix euros, je ne connais pas votre salaire mais c'est cher payé.»

    Première sortie de l'année

    Pas sortie depuis trois semaines. Ampoule à vif à gauche, dans la pliure du pouce sur la paume (bizarre).
    Double scull chaotique avec Véronique et malgré tout pas désagréable. Vent, bruine, pluie. La Seine a beaucoup monté.

    2016-0110-Seine_100.jpg



    Le soir, Indiana Jones I à cause de L'Homme de Rio.
    C. rentre: un pneu de la coccinelle a crevé pour une raison inconnue. Zut.

    Gourmandise

    Une "crêpe au Nutella" à parti d'une galette de sarrasin de la veille et de la pâte à tartiner Vauché.

    Les Normands attaquent

    A. nous a ramené deux bouteilles de cidre qu'elle a mis en bouteille elle-même à la ferme.
    — Enfin, ce n'est pas vraiment du cidre, c'est différent, c'est directement sorti du tonneau, il y a du dépôt.
    Elle est très inquiète que cela ne nous plaise pas.

    Cela nous a beaucoup plu.
    Pour le peu que nous en avons bu.
    Le liquide de la première bouteille a jailli avec tant de force qu'il a atteint le plafond. Pyjamas, sweats, jambon, assiettes, galettes, plancher, tout a été inondé, il est resté de quoi remplir un verre.
    H. a ouvert la deuxième bouteille sur la terrasse, au-dessus d'une grande marmite, ce qui a permis de récupérer davantage de liquide (un peu plus d'un verre chacun). Le reste a nourri les rosiers.

    Nous avons beaucoup ri (après avoir épongé).
    — C'est l'arme secrète des Normands.
    — Et encore, ça, c'est le doux.
    Voix de Stallone: — Et si vous continuez, je sors le brut!

    Un samedi

    - TG sur la Samaritaine. Certains sujets font ressortir les blessures et les obsessions de certains.
    - La Procure. Trois livres. Je prépare mentalement l'oral sur St Jean.
    - resto italien avec A. A côté de nous, une scène pathétique, et qui dure, dure: un petit garçon de six ou sept ans muet et son père de quarante-cinq à cinquante ans qui essaie de le faire parler de façon pitoyable («Mais souris au moins… Ah c'est agréable de déjeuner avec toi. Tu veux aller où en vacances? Tu veux qu'on retourne à Bali? — Non. — On peut aller en Argentine.» etc)
    - achat d'un kimono, en soie, cousue main, venue droit du Japon où va les chercher la commerçante (à l'origine nous voulions juste vérifier s'il y avait du papier pour origami. Mais comment résister au plaisir de A si peu coquette?), d'un opinel marin (pour la même), d'un kilo et demi de thé (trois thés différents), six galettes de sarrasin nature (que nous prenons dans une crêperie — j'ai été surprise qu'ils acceptent), six tranches de jambon, douze tranches d'andouille, six œufs et de trois livres d'occasion.
    - sieste
    - repas
    - coup de fil à ma tante
    - L'homme de Rio en classant des papiers. (Je suis dans une phase de rangement. J'en ai marre (du bazar, de la poussière, de l'envahissement)).

    Passage de l'élagueur pour un devis : il ne touchera pas aux chênes, le voisin ne va pas être content. Mais il faut couper le châtaignier, malade.

    A. dans la voiture. Cours de sciences naturelles: «Les dauphins, les baleines, gardent la trace de leur passage sur terre. Ils sont redevenus marins. Bien sûr, il faudra voir dans cinq mille ans, mais certains loups sont en train d'en faire autant: les biologistes ont repéré je ne sais plus où des poissons abandonnés sans tête. Ils se sont aperçus que c'étaient les loups qui manquaient de nourriture et les pêchaient. Normalement cela n'aurait pas dû être possible vu la température de l'eau, mais ces loups ont développé du poil plus épais et imperméable, et ils ont un pli muqueux plus important entre les orteils. Ils ne mangent que la tête car ils se sont adaptés; les poissons transmettent le ténia (je ne suis pas sûre que ce soit le ténia, un ver très long) et les loups ont "compris", si on peut dire, qu'il ne fallait manger que la tête. Les ours mangent les poissons en entier… — Ils se sont adaptés au ténia? — Non, c'est le ténia qui ne s'est pas adapté aux ours; l'ours mange du poisson avant d'hiberner, quand il hiberne, le ténia meurt. (Je ris.) L'adaptation, c'est extraordinaire. Dans un pays chaud, je ne sais plus, genre désertique, des singes pillent les poubelles pour manger. Eh bien, ils se sont alliés avec des chiens pour les protéger d'autres chiens qui les attaquent. Les chiens qui vivent avec les singes ont droit au traitement des singes, la nourriture, l'épouillage… Parfois quand une mère singe perd son petit, elle pique un chiot, et le chiot n'a pas intérêt à tenter de s'échapper. Ce qui m'a le plus étonnée, c'est qu'ils font pareil aussi avec des chats.»
    J'écoute. C'est passionnant. Je lui demande la prochaine fois de noter quelques références, des noms de chercheurs, etc.

    Une carte

    Pas réellement un bonheur au sens de joie simple et intime, mais plutôt un petit mystère, une petite récompense tels que m'en réservent régulièrement les livres d'occasion (et ce que j'aime, c'est justement ce poids de vécu).

    Et j'ai retrouvé la liste des adresses des participants à Cerisy, je vais pouvoir écrire des cartes de vœux.

    Rangement

    Une journée pour faire du ménage et ranger — pas eu le temps depuis que nous sommes revenus des Etats-Unis. Cela ne fait pas une journée très palpitante, sauf que cela permet de manipuler des livres, ce qui est toujours plaisant. Aurai-je un jour le temps de les lire? Pourquoi les acheter si je ne les lis pas? (Question de C.)
    Aucune idée, franchement. Quand j'achète un livre neuf, récent, je me dis que cela va soutenir, encourager, l'auteur, quand j'achète un livre d'occasion (avec souvent une pulsion presque bibliophile, avoir l'édition de l'époque, le grand format), je me dis que j'évite le pilon à l'objet.

    Je n'ai pas retrouvé le dossier de la préparation pour demain, cela me pertube: comment est-ce possible? Mon bazar n'est pas organisé, mais il est englobant: tout est là, rien n'en sort, rien ne se perd. Je revois encore ces pages, je relis les questions: les aurais-je rêvées? Je sais que je suis susceptible de rêves extrêment précis, détaillés, mais en suis-je au point de rêver l'énoncé des travaux à préparer? (Je n'y crois pas, je ne le crois pas.)

    Je commence — j'hésite à le signaler trop clairement, cela va prendre tant de temps et n'a aucune chance d'aboutir — à taguer les billets du jour où je les écris tandis que je les place au jour de leur survenance, au gré des dates rencontrées dans les livres, les factures, les cahiers: que peut donner une mémoire mitée, dans quelle mesure les objets peuvent-ils nous aider à remonter le temps?

    Oulipotes chantants enchantants

    Pizzeria. Vers la fin du repas, pour une raison que je n'ai pas suivie (des souvenirs d'enfance? Peu de temps avant nous avions évoqué Les Malheurs de Sophie), quelques oulipotes se sont mises à chanter. Le restaurateur (chemise rose, pochette rose, costume gris) nous regardait de loin, surpris.
    Le chœur a chanté entre autres oh ! yes ! How do you do (pas de bol, ce n'est pas disponible sur youtube), Général à vendre1 et La Tyrolienne haineuse de Pierre Dac (et je me suis dit que c'était d'actualité).

    Et moi qui ne connaissais rien, je regardais les yeux ronds, enchantée.


    Note
    1 : les Frères Jacques chantent Prévert, m'apprend-on. Il faut que je télécharge ça pour la voiture.

    Ranger sa bibliothèque

    Oulipo. Je retiens une proposition d'Eduardo Berti: non, pas celle de lire les livres aller-retour, arriver au mot de la fin et tourner les pages à l'envers pour remonter vers le début (et certes, Ulysse de Joyce semble soutenir l'épreuve), mais celle de ranger sa bibliothèque dans l'ordre d'arrivée des livres sous son toit. Cela ressemblerait aux anciens catalogues des bibliothèques.
    Le problème évidemment, c'est de décider cela au bout de trente ans: comment reconstituer cet ordre?

    Boulez

    Le problème de ces "bonheurs du jour" en une catégorie, c'est que par contraste, le négatif se retrouve dans la catégorie 2016. Elle ne va être rigolote, cette année 2016!

    Hommage à Boulez: Fine Stagione.
    Mon premier mouvement a été de me souvenir de ça.

    Un petit mot

    Un petit mot de Gilda m'apprend que Rien où poser sa tête se vend bien. (Bizarre, je n'ai pas pensé à l'offrir à Noël. Trop timide, je pense. Ou réservée. Ou tous ces mots auxquels on ne pense pas quand on pense à moi (smiley)).


    Dans un autre genre, encore un cadeau de Noël dans la boîte aux lettres: je découvre que le cadeau de ma sœur était un cadeau à triple détente. Ça c'est une surprise! (Soupeser le paquet et se dire: «ce n'est pas un livre».)

    Voitures

    J'ai trouvé de quoi louer des cabriolets un peu partout et au passage, ce site d'enchères (la Ford Mustang cabriolet ? pas de R8 Gordini, dommage).

    Mais il y a de tout, et ça me réjouit.

    RER D, le retour du retour

    La conversation a pris du temps, je suis à peu près sûre de rater le train de 22h321, même en considérant que l'accès entre la ligne 4 et la ligne 14 à Chatelet est ouvert. (Dans le couloir, je note un raccourci à explorer en passant par le quai de la ligne 1).

    En arrivant gare de Lyon (22h34, le lundi je mets des chaussures plates), je vois mon train à l'approche.
    A l'approche? Cela voudrait-il dire que les RER passent à nouveau par les Halles, après deux ans d'interruption? (vous vous souvenez, le RER de 23h08 aux Halles devenu 23h02 gare de Lyon?) Yiiipee!!!


    (Certains esprits chagrins argueront que c'est tout de même rageant que cela coïncide avec l'ouverture du passage ligne 4/ligne 14 qui ne présente donc plus d'intérêt du point de vue de mes trajets, mais on ne va pas chipoter.)


    Note
    1 : Les cours commencent et finissent une demi-heure plus tôt cette année.

    Bestiaire

    Conversation sur le trottoir après le cours (sur St Jean - forts accents ricœurdiens).

    — La chouette de ton ami Hegel…
    — C'était la taupe, j'ai vérifié, il l'a piquée à Shakespeare, peut-être dans Hamlet, je crois.
    — mais il y a aussi une chouette…
    — oui, bien sûr…
    — Il y a un paragraphe tout à fait savoureux sur les vaches dans la Phénoménologie
    — A quel endroit? je n'ai pas dépassé les deux tiers du tome un.
    — Il y a quelque chose qu'il faudrait que tu lises si tu as le temps: la correspondance de Hegel. Il y a des lettres à sa femme tout à fait délicieuses…
    — Ah, il était marié? C'est en allemand?
    — C'est traduit, je n'aurais pas le niveau… Il s'intéressait à tout, il y a la description de hannetons… A un moment, il faut bien qu'il vive, ça ne s'est pas trop bien passé à Iéna, il est embauché comme proviseur…
    — Ça nourrit, ce n'est pas à négliger, comme disait notre cher Grammont à une jeune fille à qui il conseillait de passer le Capes.
    — …Sa grande obsession, c'est les chiottes, il n'y en a pas, les enfants se répandent partout, il écrit des pages et des pages pour réclamer des fonds, la construction de chiottes. Et sinon, je crois qu'on est un peu pareil, on aime bien les fous, ça devrait te plaire… il y a ce type, un marchand de vin, un Français qui a épousé une Allemande… il veut comprendre la philosophie allemande, il lit Kant, Fichte, Schelling, il écrit à Hegel pour vérifier s'il a bien compris… il y a des paragraphes lumineux, totalement compréhensibles, et Hegel, le plus grand philosophe du temps et peut-être de tous les temps, qui répond à ce marchand de vin, qui lui dit que oui, à condition d'apporter telle et telle restriction ou précision, c'est bien ça…

    (En échange de la correspondance de Hegel, je lui conseille, fou pour fou, Poésie du gérondif.)

    Belmondo

    Boire un Lagavulin en famille en regardant Le Cerveau (tout cela à cause d'un reportage vu par hasard cet après-midi sur la carrière de Belmondo (nous sommes partis en retard, impossible de nous en détacher: le petit cireur de chaussures de L'homme de Rio devenu adulte, les béquilles vraies béquilles (jambe cassée) dans Le Magnifique, le chariot qui se détache dans la cascade entre deux immeubles dans L'homme de Rio un véritable accident,…)).

    Conversation de fin d'après-midi

    C : — J. m'a dit qu'elle avait des pastilles Vichy, et qu'elles étaient neuves !
    V : — Tu veux dire pas déjà sucées ?
    H : — Tu veux sucer ma pastille ?

    Blogueurs

    Cette invitation est l'occasion pour moi de découvrir des blogs. Aujourd'hui Otir et M. LeChieur. Je ne les connais pas, ayant plutôt lu à l'origine du côté des blogrolls de Matoo ou de Tlön (il n'y a pas de blogroll chez Gvgvsse).
    Bladsurb a rouvert son son tumblr pour l'occasion.
    Verrons-nous en 2016 le retour des vieux blogueurs? (les blogs me manquent, ceux qui racontaient des petites histoires, des moments de vie… Il reste une poignée de fidèles à l'exercice, Jean Ruaud, Gilda, Gwen ou Franck (d'ailleurs cette idéee, c'est de sa faute). (Je ne cite pas GC dont le projet est différent. Voir Touraine sereine et Mumm.)
    Bladsurb a rouvert son son tumblr pour l'occasion.

    Je ne savais pas trop comment m'y prendre, finalement j'ai ouvert une catégorie comme j'avais ouvert une catégorie "enquête sentimentale".
    Je ne peux m'empêcher de penser à ces billets prêchant la gratitude, une attitude peu naturelle aux Européens qui préfèrent le cynisme.
    Et un dernier blog, un dernier bonheur, (j'ai du temps, je remonte dans mes fils RSS), ce Traité de la joie, si opportun.


    ————————
    21 décembre 2016 : j'ai transformé la catégorie "Bonheurs du jour" en "2016". Cette année je n'ai pas publié très régulièrement, conservant des billets dans les limbes avec l'intention de publier plus tard. Cela s'avère une démarche hasardeuse, je n'ai jamais "plus tard" le temps que je n'ai pas sur le moment.
    Now est le mot d'ordre.

    L'idiot

    Film russe. (Surtout ne pas regarder la bande-annonce, elle montre trop de choses).
    Si Léviathan m'avait fait penser à Job, celui-ci m'a plutôt évoqué Le Revizor.

    Ce film est moins intense que Léviathan, sans doute moins réussi, mais il pose cette question étrange des âmes claires dans les contrées noires. Pourquoi cette persistance du bien? Cela m'a rappelé une conversation le jour de notre départ de Boston à propos de Star Wars: sur les sites de jeu, les gens préfèrent être des siths que des jedi, «parce que, tu comprends, les jedi, ils perdent. Ce sont les siths qui gagnent».
    Mais rien à faire, il reste toujours un jedi ou un idiot dans un coin.
    Wishful thinking ou sagesse ancestrale ?

    Je fais ma liste de "résolutions" et c'est toujours la même: travailler plus. Je ne travaille pas assez. Moins de films, moins de FB, plus de livres.

    Petites joies sans importance

    Bonheurdujour.
    Difficile en cette journée où je ne me sens ni gaie ni optimiste.
    Le chocolat viennois "miel amande" au Starbucks en sortant du cinéma.
    Les œuvres complètes de Kafka en allemand téléchargées sur iBook (le dictionnaire en ligne immédiat en cliquant sur un mot m'ouvre un univers infini).

    ******


    2 janvier 2017 : j'explique ce billet incompréhensible maintenant. Il appartenait alors à une catégorie nommée "bonheur du jour". Le défi était de publier un petit bonheur par jour en 2016. J'ai abandonné à un moment donné dans l'année car cela multipliait les billets et j'ai fait disparaître la catégorie pour réattribuer les billets aux catégories existantes.

    Livres lus en 2016

    L'année dernière j'ai lu quarante-six livres. Je recommence à compter en espérant toujours atteindre cinquante-deux.

    - 1 janvier : Randy Pausch, The Last Lecture. Sympa sans être indispensable.
    - 14 janvier : Balzac, Physiologie du mariage. Intéressant, curieux, sans ligne directrice claire. Balzac précurseur de Flaubert?
    - 15 janvier : Vasquez Montalban, Marquises, si vos rivages….
    - 19 janvier : Balzac, Une double famille. Triste. Je ne comprends pas vraiment la fin.
    - 20 janvier : Balzac, La paix du ménage. Rappelle Madame de… de Louise de Vilmorin, en inversé
    - 21 janvier : Balzac, Gobsek, Un épisode sous la Terreur, Une passion dans le désert.
    - 22 janvier : Balzac, Sarrasine
    - 29 janvier : Evangile de St Jean, BJ en fascicule, 1960

    - 13 février : Dominique Noguez, Les trois Rimbaud
    - 16 février : Emmanuel Régniez, Notre château
    - 21 février : Georges Paillard, Claude Rougerie, Reinhard Heydrich, le violoniste de la mort. 1973. Ce genre de biographies ne s'écrit plus exactement comme cela, c'est une impression qu'il faudrait affiner.
    - 22 février : Balzac, La peau de chagrin

    - 5 mars : Georges Simenon, Pietr-le-Letton, 1930.
    - 13 mars : Georges Simenon, Monsieur Gallet, décédé, 1930.
    - 14 mars : Georges Simenon, Le Pendu de Saint-Pholien, 1930.
    - 16 mars : Georges Simenon, Le Charretier de la "Providence", 1930.
    - 21 mars : Jean-Pierre Minaudier, Poésie du gérondif; Georges Simenon, Le Chien jaune, 1931 et La nuit au carrefour, 1931.
    - 22 mars : Georges Simenon, Un crime en Hollande, 1931 et Au rendez-vous des Terre-Neuvas, juillet 1931.
    - 30 mars : Georges Simenon, La danseuse du Gai-Moulin, 1931.

    - avril : Georges Simenon, La Guinguette à deux sous
    - avril : Georges Simenon, à Ouistreham
    - 29 avril : Balzac, Jésus-Christ en Flandres, 1831 (cent ans d'écart entre les premiers Balzac et les premiers Simenon!). Se termine par «L'ÉGLISE!»

    -1 mai : Shirley Jackson, Nous avons toujours vécu au château, référence donnée par Emmanuel Régniez
    - 3 mai : Balzac, Le Chef d'œuvre inconnu
    - 22 mai : Joseph Conrad, Almayer's Folly (deux derniers chapitres en français dans la Pléiade)

    - 19 juin : Umberto Eco, Le Pendule de Foucault
    - 23 juin : Joseph Conrad, An Outcast of the Islands

    - 21 juillet : David Bellos, Le poisson et le bananier - Une histoire fabuleuse de la traduction, Flammarion 2012

    - 14 août : Laurent Landete, Comment prier chaque jour, édition de l'Emmanuel, 2014

    - 6 septembre : Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers, Les romans de l'eau, Omnibus, 2001 (1869)
    - 7 septembre : Marie Darrieussecq, Vivre ici est une splendeur, P.O.L, 2016
    - 7 septembre : Eli Flory, Une poupée au pays de Daech, Alma éditeur, 2016. Drôle mais dispensable (d'un autre côté, se lit en trois quart d'heure)
    - 27 septembre: Joseph Conrad, The Nigger of The Narcissus. Classic Penguin.

    - 4 octobre : Gustav Janouch, Conversations avec Kafka, Bloomsbury, 2003
    - 9 octobre : J.K.Rawlings, Harry Potter and the Order of the Phoenix, d'abord commencé en allemand. Parce que je pense souvent à la façon dont l'auteur a décrit les débuts d'une dictature (le contrôle de a presse, la méfiance généralisée, le désir de ne pas croire au pire).
    - 23 octobre : J.K.Rawlings, Harry Potter and the Half-Blood Prince, 2005.
    - 31 octobre : J.K.Rawlings, Harry Potter and the deathly Hallows, 2007. C'est comme le chocolat : on est tranquille que lorsqu'on a fini la tablette. Je reste impressionné par la science du détail (la façon par exemple dont Harry se blesse avec un éclat de miroir dès les premières pages (sa première apparition, la prise de contact avec le lecteur), anecdote que l'on oublie et qui pourtant nous prépare à l'importance qu'aura cet éclat de verre.)

    - 13 novembre, Eduardo Galeano, Le football, ombre et lumière
    - 15 novembre, Jane Austen, Lady Susan (Une nouvelle dans un livre d'écrits de jeunesse. Je ne vais pas le compter).
    - 19 novembre, Mc Dougall, Born to run
    - 30 novembre, Edward Schillebeecks, Je suis un théologien heureux

    - 11 décembre, Tierno Monénembo, Bled
    - 13 décembre, Arnold Zweig, Un meurtre à Jérusalem. Incident imaginaire ayant provoqué les émeutes d'Hébron en 1929. D'une grande poésie.

    Quarante-neuf.

    Films vus en 2016

    1 janvier - Yuri Bykov, L'Idiot ! «Il y a de la lumière en lui» (citation de Star Wars)
    David O. Russell, Joy. Nul. Plaisir et surprise de voir Isabella Rossellini

    3 janvier - François Truffaut, Tirez sur le pianiste (DVD)
    Gérard Oury, Le Cerveau, 1969 (DVD)

    10 janvier - Spielberg, Les aventuriers de l'Arche perdue. Indiana Jones I. Avec H et O. J'avais oublié beaucoup de choses, comme d'habitude. Ce que je préfère, c'est la musique.

    16 janvier - John Carpenter, New York 1997. Intéressant, surtout la dernière minute. (cité par un ami de PZ sur FB

    17 janvier - Robert Donalson, No Way Out, une remcommandation de PZ. Plaisant. Une deuxième fois avec Hervé.

    20 janvier - The Big short à La Défense.
    puis L'Homme de Rio avec O. qui ne l'a jamais vu.

    6 février - Tarantino, Les 8 salopards

    12 février - David Fincher, Benjamin Button puis Peter Yates, Bullit.

    14 février - Clint Eastwood, Honkitonk Man

    18 février - les frères Coen, Avé César. parmi les non-films des frères Coen, mais ce n'est pas grave.

    21 février - Buñuel, La mort en ce jardin.

    24 février - Tom McCarthy, Spotlight. Enquête sur les prêtres pédophiles de Boston. Il faut mettre fin au célibat des prêtres, c'est urgent.

    5 mars - Henri Verneuil, Le Président. Déprimant.

    6 mars - Mohamed Hamidi, La vache. «Tu m'écriras d'autres lettres?» «Mes hommages à Madame votre grand-mère». C'est sympa, comme film, et n'en déplaise à certains, c'est sympa, les films sympas. (Pas de gros rires, pas de gros gags, pas de miracles, mais des réactions humaines et en sourdine, sans insister, uniquement pour les spectateurs qui y pensent, la comparaison entre le dénuement d'un village du bled et "les problèmes de riches".)

    12 mars - François Ruffin, Merci, patron! Incroyable. Incroyable, incroyable, incroyable.
    Le soir, deux films avec Sophie Marceau, Anthony Zimmer et Un bonheur n'arrive jamais seul.

    13 mars - François Ruffin, Merci, patron!: j'ai insisté pour que tout le monde le voit, nous y sommes retournés en famille.

    27 mars - Afonso Poyart, Prémonitions (apple TV): la classique question du droit à faire mourir pour éviter la souffrance.
    Plus tard, Adam Brooks, Un jour peut-être. Le genre de film nunuche que je regarde pour faire plaisir à H. Rachel Weisz est très jolie. Un côté Flaubert: la blonde fade, la brune piquante, la rousse ironique.

    28 mars - Daniel Espinosa, Sécurité rapprochée. Je l'avais vu au cinéma, j'avais trouvé le héros mou, inexpressif (Ryan Reynolds n'est décidément pas mon genre) mais j'avais envie de revoir la savane de l'Afrique du Sud.

    30 mars - Atom Egoyan, Captives. Réseau pédophile et sadisme psychologique. Tout est dans la suggestion, rien dans la vision. Sobriété.

    avril, Limitless; Sergio Leone, Il était une fois dans l'Ouest

    avril, Dans la tête de John Malkovitch. Intéressant mais bof

    28 avril, Sergio Leone, Il était une fois la révolution: à la fin, les gens comme nous, ils meurent.

    18 mai, Civil War (un Avenger). En famille.

    22 mai, Almodovar, Julietta. Avec H.

    10 juin mai, Paolo Virzi, Folles de joie, 2016. Elle sont folles, c'est certain. J'ai pensé, dans un autre genre, à Une vie volée dans lequel j'ai découvert Angelina Jolie. Film tenu à bout de bras par Valérie Bruni-Tedeschi, avec beaucoup d'énergie.

    11 juin, Eric Lavaine, Retour chez ma mère, 2016. Joli film sur la famille. Les dialogues sonnent à peu près juste, ce qui n'est pas si simple. Avec C et I.

    05 juin, Shane Black, The Nice Boys, 2016.

    08 juillet, Nicolas Winding Refn, The Neon Demon, 2016. Le film qu'on a si honte d'avoir vu qu'on n'ose pas regarder ses voisins quand la lumière se rallume. En résumé: le sacrifice de la vierge sur l'autel de la beauté.

    10 juillet, Pascal Bonitzer, Tout de suite, maintenant, 2016. Bien. Deux générations d'acteurs, c'est étrange de se dire que nous ne verrons pas vieillir la plus jeune (ou du moins qu'ayant ving-cinq ans de moins que moi, elle me paraîtra toujours jeune).

    19 juillet, Jean-Luc Godard, Masculin féminin.

    21 juillet, Cesc Gay, Truman.

    22 juillet, Tomer Heymann, Mr. Gaga: sur les pas d'Ohad Naharin.

    31 juillet, Sébastien Marnier, Irréprochable. Bon film.

    août, Fred Cavayé, Pour elle. Pour Olivier. C'est vraiment un bon film. Apple TV à St Rémy.

    août, Gérard Oury, La Grande Vadrouille, 1966. Pas ce que je préfère. Apple TV à St Rémy.

    21 août, Jean-Jacques Annaud, Coup de tête. A Digoin. Très bonne surprise. Dewaere charmeur.

    26 août, Justin Lin, Star Treck sans limite, 2016. Mignon.

    27 août, Alain Guiraudie, Rester vertical, 2016. Bêêêhhh.

    28 août, Les gardiens de la galaxie. Une fois de plus. J'adore les décors, je n'ai jamais vu de décors aussi soignés. Apple TV.

    29 août, les frères Coen, The Big Lebowski, 1998. Pour O qui ne l'avait jamais vu. Je n'accroche pas avec ce film. DVD.

    3 septembre, Malik Bendjelloul, Sugar Man, 2012, sur l'insistance d'Olivier. Quand la réalité devient magique. Documentaire. Apple TV.

    4 septembre, Maren Ade, Toni Erdmann. 2016. Film allemand. (Il devient de plus en plus évident que les films américains sont tous les mêmes).

    15 septembre, Uda Benyamina, Divines, 2016.

    17 septembre, Philippe Lioret, Le fils de Jean, 2016.

    18 septembre, Pascal Chaumeil, Un Petit Boulot, 2016.

    30 septembre, en cassette seule sur le canapé: Irwin Allen, John Guillermin, La Tour infernale, 1974.

    4 octobre, Pierre Granier-Deferre, Adieu Poulet dans une définition atrocement pixellisée sur Youtube

    7 octobre, Harry Potter, le dernier. DVD

    8 octobre, David Fincher, Fight Club, DVD.

    9 octobre, Harry Potter IV, DVD : je crois que je ne l'avais jamais vu (pas une grosse perte)

    15 octobre, Sydney Pollack, Absence de malice, Kodi.

    […]

    L'arbitrage, DVD.
    Dr Strange
    Miss Peregrine et les enfants particuliers
    Dead Man avec Olivier. DVD. Je ne sais pas ce qu'il en a pensé.
    Alliés puis RED (Apple Tv) pour se remonter le moral tellement c'était mauvais.

    26 décembre, Rogue One

    du 23 au 29 décembre, la saison 1 de Sense8 en utilisant Kodi.

    Un souvenir de Maître Mô (préparation au réveillon et proposition de résolution 2016)

    Les tweets sont ici, le blog ici.

    J'ai eu envie de rire d'effarement, cependant sans être totalement surprise.

    Je reprends ce récit d'une part parce qu'il va se perdre dans Twitter, d'autre part à cause d'une citation de The Long Good-Bye (les familles qui s'engueulent au-dessus de la bûche), enfin en souvenir du frère de J. qui, bourré, a tué au fusil un conducteur qui lui avait fait un appel de phare (et j'y pense. Souvent je ne fais pas d'appel de phare.)
    Les points de suspension correspondent aux tweets successifs (140 caractères).

    Une année lointaine, j'étais de permanence le 1er janvier. Avec mes deux confrères de renfort, on a vu arriver deux familles nombreuses…

    au complet, qui s'étaient littéralement entretuées la nuit du réveillon, avec tous couverts de cuisine disponibles; deux blessés graves…

    tous blessés légers a minima, une vingtaine de personnes ivres de haine (et tout court) s'insultant dans les geôles, crachats et dénis…

    Ils réveillonnaient et étaient tous à 3 grammes, enfants un peu moins, et tout était parti en couille sur un sujet douloureux, très dur:

    moqueries de la teinture de cheveux "es Réveillon" de la grande fille O'Timmins par le fils aîné de la famille O'Harah.
    Ratée, c'est vrai.

    Résultats : la moitié au trou, un mec décédé 3 jours plus tard, couteau à pain dans le bide.
    Et personne ne savait plus qui avait fait quoi.

    Et des peines fermes à l'arrivée évidemment.
    Voilà. Bonne Année.
    En 2016 on pourrait décider d'être moins cons - et qu'on commence ce soir !

    Suite

    Donc rendez-vous annuel avec mon supérieur hiérarchique (j'ai lu quelque part que ce pensum était remis en cause par certains gourous des relations humaines. Bonne idée.)
    En l'occurrence, c'est plutôt intéressant, même si mon chef semble me voir en hippie prêchant la paix parce que je défends le mutualisme (non, je défends la logique: ce n'est pas un contrat d'assurance, c'est une mutuelle).
    — Ne vous trompez pas, simplement je n'ai pas l'habitude des représentants syndicaux. Je vis dans un milieu d'ingénieurs, je vise l'efficacité.
    — Ah, n'utilisez pas de gros mot !


    J'ai récupéré la montre de ma grand-mère. Elle fonctionne enfin, c'était la troisième tentative. Minuscule, aiguilles dorées sur fond doré, je n'arrive pas à lire l'heure avec ma vue déclinante. Mais ça n'a pas d'importance, ça me fait plaisir.


    Fini Honeymoon with my brother.
    Commencé The Last Lecture de Randy Paush (Le Dernier Discours). Un ingénieur qui n'a plus que quelques mois à vivre écrit un testament de vie pour ses trois enfants entre un et cinq ans: comment réaliser ses rêves d'enfants. (Je ne peux en dire plus, je commence le chapitre deux.)

    Lapin

    En arrivant devant mon immeuble, je me rappelle soudain que j'avais rendez-vous avec mon chef. Mais aujourd'hui ou demain?

    C'était aujourd'hui.
    Normalement je devais retourner travailler lundi, mais H. s'est trompé dans les billets de retour et j'ai posé une journée de repos de plus: donc le rendez-vous était le jour de mon retour et non une journée plus tard comme prévu initialement.

    Ce n'est pas très grave. Mon chef paraissait détendu au téléphone. Ces périodes de fêtes sont reposantes.

    Enfin, pas tout à fait. Quarante-sept messages téléphoniques. Le dernier courrier explicatif que nous avons envoyé est arrivé au moment des attentats. Les retraités sont restés scotchés devant la télé (je suppose. En tout cas c'était très calme au bureau) et ils se réveillent maintenant en recevant l'échéancier mensuel (ce n'est pas comme s'ils ne nous avaient pas envoyé un RIB et une autorisation SEPA). Bon. Pas grave. Plutôt amusant, en fait.

    Dernière visite

    Lowell
    Bagel banana peanut butter (pure curiosité) - Brewd Awakening Coffeehaus. chaudement recommandé. Le meilleur des ginger apple.
    Marketecture : l'art de nommer. Ça marche très bien avec moi. Un sandwich nommé Spicy Capitalist.
    Restaurant de jazz.

    Portland

    Journée à Portland dans le sud du Maine. Un temps extraordinaire, on se promène sans manteau (l'année dernière à la même époque, il avait neigé par vagues successives pendant trois semaines: quand il cessait de neiger, il gelait, quand le temps se radoucissait, il neigeait. La neige avait atteint des hauteurs jamais vues depuis 1978).

    Tous les magasins sont fermés, ce qui me paraît logique mais étonne mes compagnons. Nous voyons le moment où nous n'allons pas trouver de quoi déjeuner. Une recherche Google plus tard (eat in Portland Christmas day) nous trouvons refuge dans un hôtel (Portland Harbor Hotel) où je peux enfin manger mon premier homard du voyage (c'est la spécialité de toute la côte). Le restaurant est excellent et très cosy. A notre demande, la serveuse part à la recherche du quarter du Maine, en vain («Oh, my father does this collection too!») Je le trouverai plus tard dans un magasin de "souveuniiirr".

    Promenade le long de la côte (the "Easter promenade", sponsorisée par le Rotary. Ici, tout ou presque est financé par l'équivalent d'associations. Si quelque chose vous tient à cœur, trouvez d'autres personnes à qui cela tiennent à cœur, levez des fonds, faites du lobbying, menez votre projet à bien. Nous aurions pu devenir amis du musée des transports, mécènes de la High Line, adopteurs d'autoroute. Tout cela donne l'impression à mon esprit français d'une grande fragilité, qu'à tout moment la High Line ou la maison de Melville pourraient disparaître (et c'est peut-être le cas); cela montre par contraste combien nous sommes habitués en France à ce que l'Etat pourvoit et supplée à tout (je ne dis pas que l'un est mieux que l'autre; simplement, ce sont vraiment des modes de pensée, d'être et d'agir aux antipodes)), le soleil se couche une heure plus tôt qu'en France, la journée est courte.

    J'aimerais bien voir un élan.

    Christmas eve

    Harvard à Cambridge
    Vu en librairie : la biographie d'Henrietta Lacks (The Immortal Life of Henrietta Lacks), la femme cancéreuse dont les cellules qui ne meurent pas ont permis de fantastiques progrès en médecine. (A lire. Existe en français mais ne paraît pas connu.)
    Beacon Hill à Boston
    Le dernier Star Wars. Les grandes tragédies sont toujours familiales.
    Le credit score (série : vivre en Amérique)

    New York sous la pluie

    H. a très mal dormi («Il ramasse les poubelles à trois heures du matin avec un camion antédiluvien, c'est comme si on dormait dans la rue») et moi comme une masse (aidée de ma boule quiès fétiche). Petit déjeuner à deux pas, chez Pax. Cinq pancakes, j'ai mangé pour la journée.

    Nous avons le choix entre retourner au Met ou suivre la High Line. Evidemment, toujours logiques, comme il bruine, nous avons choisi la High Line. C'est au bout de la rue ou presque, nous sommes sur la W 35th st, ça commence au bout de la 34th.

    Je repère le nom de Richelieu sur un immense bâtiment qui paraît être une ou la poste. Mais pourquoi?


    (Nous achetons des timbres au passage.)
    Tout le quartier vers les docks est en travaux, les hommes en bleu de travail et casques de chantier vont déjeuner (il est presque midi), un building est quasi fini, un autre sorti de terre, deux autres n'en sont qu'aux fondations. Cette ville dégage une énergie folle.


    Près de l'Hudson se trouvent les parkings de bus et les voies de garage de Penn Station. Il bruine.
    Comme de juste, de détours en diverticules nous arrivons par la 33th et non la 34th. H. refuse de faire demi-tour («il y a des escaliers, je les ai vus sur le plan») et nous suivons la High Line… d'en bas, ce qui me fait rire (une atmosphère de casses automobiles et de monde qui se dissout dans la brume de l'Hudson).
    Sur la photo, le but, c'est la voie suspendue, interdite, inaccessible.


    (Nous finirons par trouver des escaliers.) Grâce au mauvais temps il n'y a pas beaucoup de monde. Evidemment, ce doit être beaucoup plus joli au printemps ou à l'automne, mais même ainsi, cela me plaît beaucoup. J'aime les bancs, les rails désafectés, les herbes jaunies, les immeubles, les rideaux noirs de suie, le ciel…

    A deux cent mètres de la fin se trouve cette maquette de Manhattan taillée dans la pierre. J'ai beau savoir que cela ne rendra rien avec mon iPhone, je la prends en photo: une vue d'ensemble, Central Park et Wall street.



    Soupe et latte au café Kava du coin, retour en passant par Penn Station pour acheter nos billets et reconnaître notre chemin dans ce dédale. Il pleut de plus en plus.
    Deux heures avant le départ. Nous allons perdre du temps chez Macy's, puis récupérer nos bagages à l'hôtel et nous tremper comme des soupes en allant à la gare.

    J'écris du train (arrivée à Boston à 20h30). Vive la 3G et la technologie! (Depuis le début du voyage je rends grâce à mon iPhone. C'est tout de même une invention incroyable (bon d'accord, ça fait deux ans que je l'ai. Mais je commence tout juste à m'en servir réellement. Et puis il faut que je m'habitue aux bonheurs du jour (Depuis combien de temps n'ai-je pas dit à quelqu'un que l'une des choses qui m'a le plus marquée dans les blogs, c'est ça?))

    Journée grise

    Matinée à l'hôtel encore (après un petit déjeuner somptueux), H. est en rendez-vous. «Ce matin je vois Happy Potter», m'annonce-t-il au petit déjeuner. Je suis un peu surprise, mais après explication, il s'avère qu'il s'agit d'"un pipoteur". (Finalement non, (ou peut-être, mais il le cache suffisamment pour faire bonne impression), et la réunion sera prolongée).
    Même routine qu'hier (après avoir vérifié que je n'ai pas le temps en son absence de monter jusqu'au cimetière du Bronx où est enterré Melville), en son absence je range tout ce que je peux et me remets devant l'ordi (c'est tout de même un grand plaisir de pouvoir écrire et surfer, d'avoir du temps pour cela, même si cela paraît stupide de le faire à New York: autant rester chez soi (mais non, ce n'est pas tout à fait vrai, pensé-je en regardant le mur de briques en face et les cubicles vides à travers les fenêtres (hier les bureaux étaient animés, aujourd'hui personne)). Il pleut, il bruine. Je commence Poésie du gérondif. L'auteur a beaucoup d'humour, et sur le fond, c'est fascinant. «…l'une des leçons qu'on apprend à force de fréquenter Internet, c'est qu'aucun cinglé n'est seul de son espèce» (p.13)1.

    Visite du musée du métro et trains de banlieue (ce n'est pas au 130 rue Livingston, mais à l'angle de la place Boerum et de la rue Shermerhorn: l'entrée ressemble à une entrée de métro (signalée par les habituelles boules vertes), normal puisque c'en est une: une ancienne station de métro transformée en musée (mais pourquoi ne change-t-il pas l'adresse sur le site internet? au 130 se trouve les bureau de la MTA (équivalent de la RATP), et ils ont dû être si souvent dérangés que deux petites plaques gravées sont collées sur les vitres indiquant la véritable entrée. Incompréhensible.)

    C'est le paradis des enfants et une grande bouffée de nostalgie. Je me demande si un jour quelqu'un trouvera jolis nos wagons, comme nous trouvons jolies les voitures du début du XXe. Possibilité de s'offrir des boutons de manchette frappés du Y des anciens jetons qui servaient de billets d'entrée jusque dans les années 80.

    Exposition sur les crises: septembre 2001, bien sûr, août 2003, où les gens étaient si soulagés que ce ne soit qu'une coupure de courant qu'ils sourient tous largement, ouragans Irène et Sandy. En fait le métro vit des situations de crise très régulièrement et accumule de l'expérience: prévoir des camions-batteries surper-puissants (en 2001, l'une des tours qui s'est écroulée fournissait de l'électricité au bas de Mahattan), prévoir un circuit téléphone de secours (des talkies-walkies appelés téléphones aller-retour ou téléphones va-et-vient, je ne sais comment traduire mot à mot), prévoir des lampes-torches pour chaque conducteur (400 000 personnes évacuées en trois heures en 2003. J'ai pensé à l'incident sur le RER A2. Nous ne sommes pas très préparés. H. m'assure qu'il ne peut y avoir de telles coupures d'électricité à Paris, que la structure de nos équipements n'est pas la même.)
    Je retiens que le grand ennemi, le monstre qui menace, c'est l'eau: par temps sec, le métro pompe et refoule 93000 gallons d'eau par jour. En août 2003, le plus gros risque fut l'interruption des pompes.

    Encore une exposition qui donne envie de devenir ingénieur. Une ode aux héros du quotidien, aussi, à tous ceux qui apprenant la catastrophe mettent leurs chaussures et retournent à leur poste sans attendre d'être appelés.

    Paradis des enfants : volants, moteurs, manettes, ils sont invités à manipuler tout ce qui se trouve à leur portée. Avec cette conséquence, qui nous a beaucoup plu:



    En sortant, nous décidons d'en profiter pour traverser le pont de Brooklin. Il fait anormalement doux, c'est extraordinaire (trois pieds de neige l'année dernière à la même époque, a dit le taxi à H. ce matin). Une soupe et un sandwich dans un Potbelly (c'est le nom d'une marque de poêle qui a réchauffé des générations de familles américaines). Je suis amenée (tant mieux) à me dire que j'ai écrit n'importe quoi il y a deux jours: on peut manger très bien dans des établissements sans prétention. Le problème de Philadelphie, c'est qu'il s'agissait d'adresses pour "repas d'affaires", donc prétentieuses.
    Une affichette en devanture illustre les rapports bien compris entre clients et fournisseurs (le reste de la déco était très plaisante, variation sur des vues de New York enfui).


    Entrez manger avant que nous ne mourrions de faim tous les deux.


    Traversée du pont. Il bruine. One World Trade Center disparaît dans la brume. Aucun intérêt de monter si haut. Un paquebot au loin, les navettes de touristes qui longent le bas de Manhattan tristement désertées. La statue de la liberté paraît toute petite.
    De l'autre côté du pont se trouve le bâtiment le plus laid que j'ai jamais vu: le Manhattan Municipal Building, quelque chose qui évoque Brazil et l'Union soviétique. Au secours! (De façon générale, cette ville est très laide. Très vivante mais très laide).

    Retour à l'hôtel où nous avons laissé nos affaires. Nous allons déménager, à partir de maintenant l'hôtel n'est plus payé par l'entreprise d'H., nous allons descendre en gamme (c'est l'agence de voyage de l'entreprise qui a choisi cet hôtel luxueux dans le bas de Manhattan: à partir de maintenant nous ne dépendons plus que de nous). Je photographie une peinture murale à deux pas.



    Une bassine de café latte plus tard, nous partons pour notre nouvel hôtel dans la 35th. La chambre est très jolie, mais elle s'avèrera terriblement bruyante.
    Dîner au Coréen d'en face (Han Bat 53W, 35th St. W 35th St, c'est la rue des Coréens, c'est à peine si les menus sont traduits en anglais. Pratiquement que des Coréens comme clients). Je mange une marmite en fonte brûlante de riz aux crevettes et à la pieuvre (haemul dolsot bibimbap). Le garçon désespéré me voyant pêcher timidement du bout des baguettes quelques crevettes à la surface de ma marmite intervient: «c'est mon plat préféré» et il me montre comment mélanger le tout avec vigueur avec la cuillère plate qui accompagne les baguettes: la fonte est si chaude qu'elle fait frire le riz qui craque sous la dent. C'est effectivement très bon. Je découvre un goût inconnu, quelque chose entre la rose et la violette. Aucune idée de ce que c'est. H. suggère que c'est l'huile de cuisson qui est parfumée. Mais à quoi?


    Notes
    1 : Cela me rappelle la triste histoire de la baleine solitaire. J'aimerais tant apprendre qu'elle en a croisé une autre ayant la même anomalie.
    2 : 2012… Je n'imaginais pas que c'était si vieux. Je me demande s'il y a un rapport entre la commission d'enquête évoquée en fin d'article et les travaux qui ont commencé cet été et vont durer sept ans.

    De Philadelphie à New York

    H. part en rendez-vous. Je fais ma valise, plie ce que je peux, dors dix minutes et écris ce ce premier billet, à titre de récapitulatif pour moi-même.
    Train entre Philadelphie et New York, hôtel Roxy dans Tribeca, beau et étrange, "vintage" je suppose, avec ses notes oranges (les lampes), son lavabo sans mitigeur et son papier peint géométrique. L'immeuble est en triangle, la cour intérieure a été couverte et des coursives ajoutées le long des murs. Cela a quelque chose d'une prison de luxe.
    Deux photos, une du quatrième étage où se trouve notre chambre, une du rez-de-chaussée en regardant le ciel.



    H. ressort pour un rendez-vous, j'écris ce second billet. La nuit tombe.

    Nous ressortons dîner dès qu'il rentre. L'idée est d'aller chez Russ and Daughters café, mais pour une fois H. se trompe en lisant la carte (que s'est-il passé?) et part dans le mauvais sens. Nous nous retrouvons devant Barnes & Noble dans l'est de Manhattan et nous en profitons pour acheter une carte des Etats-Unis pour ranger notre collection de quarters1. Nous achetons également des cartes de vœux (vœux pieux, je le crains).

    Nous cherchons l'adresse de Russ and Daughters dans l'application "Plan" de l'iPhone; il la trouve automatiquement et nous repartons bravement. Les kilomètres de trottoir s'allongent dans les rues commerciales puis des avenues plus désertées, nous sommes épuisés. C'est encore loin?
    Quand nous arrivons devant, c'est fermé. Et c'est bizarre, parce que cela ressemble davantage à une épicerie qu'à un café. Y aurait-il quelque chose à l'étage?2

    Nous nous rabattrons sur un minuscule restaurant thaï en face, Tai Thai. Extérieurement il ne paie pas de mine, mais c'est excellent. ("En face", ce n'est plus Houston St, mais le 78 E 1st St.)



    Notes
    1 : liste de nos manquants si vous voulez nous aider : Washington, Californie, îles Marianes du Nord, Idaho, Wyoming, Utah, Nouveau Mexique, Hawaï, Kansas, Oklahoma, Minnesota, Arkansas, Tennessee, îles Vierges, Maine, New Jersey, Floride (15 sur 56)
    2 : je ne comprendrai que plusieurs jours plus tard: l'iPhone nous a automatiquement emmené à l'adresse la plus ancienne, donc la plus connue, celle de l'épicerie, alors que le café se trouve 127 Orchard Street. Ce sera pour une prochaine fois. Ou pas. Parce que finalement, c'est plus amusant d'entrer n'importe où que de suivre les traces des autres.

    New York, New York

    J'attends H. parti en rendez-vous. Je surfe encore.

    En français, tout sur New York.

    Je disais tout à l'heure en prenant le métro que j'aurais aimé savoir comment le métro avait été remis en marche après Sabrina. Ça tombe bien, il y a une une expo sur le sujet.
    Plus généralement, une vidéo qui fait un peu peur sur le métro (pour Matoo et Jean Ruaud et Vincent (désolée Philippe, c'est en anglais, mais certaines images parlent d'elles-mêmes)).
    Et une histoire du métro par la typographie.
    J'ai essayé de vérifier si cette façon de voir la station de City Hall était encore valable. Apparemment oui (nous n'aurons certainement pas le temps de vérifier par nous-mêmes).

    New York en 50 objets.
    New York avant New York
    Un guide de New York en 1916
    Portraits de New Yorkais: que font-ils le mercredi?
    Des gens qui aiment des lieux (pas uniquement New York).
    Des photos prises par des inconnus par un appareil laissé à dessein sur un banc avec un petit mot: "prenez les photos que vous voulez, je reviens ce soir".
    Encore de très beaux portraits
    Des "guides" de New York quartier par quartier par une amoureuse de sa ville (je crois que c'est une femme mais je ne sais plus où je l'ai vu).

    Des étrangers à New York (la dernière histoire en date longuement développée, mais il y en a d'autres)
    Et le New York des tunnels, dans les marges.

    Parisiens versus New Yorkais en vignettes (assez vieux : c'est devenu un livre).

    Jetlag

    Cinq heures du matin. Bien réveillée. Aujourd'hui, H. a un rendez-vous à neuf heures à Philadelphie, puis un à trois heures à New York. Mercredi nous rejoindrons Boston.

    Je surfe un peu pour trouver des idées. La plus grosse difficulté pour nous est de trouver des endroits qui nous conviennent pour les repas. Nous sommes atrocement difficiles, tout nous paraît trop sirupeux et trop sucré. (H. m'a beaucoup fait rire en me racontant que le deuxième ou troisième soir à l'hôtel, il avait expliqué au serveur comment faire cuire un steak. Le serveur a appelé le cuisinier qui est venu à la table, H. lui a expliqué: du beurre, du sel, du poivre, ET C'EST TOUT. «Parce que tu comprends, un steak Angus, noyé dans la sauce Worcestershire, c'est quand même dommage. (Pauvre bête, Astérix1.)». Je me demande si le chef a essayé pour lui-même, une fois rentré chez lui. Je me demande si ce goût de la chose elle-même est communicable, une fois qu'on a grandi dans les sauces et le sucre.) Ce qui nous fascine, c'est la façon dont ils confondent sophistiqué et bon.
    Ça me navre, j'aimerais tant tout aimer, mais leur cuisine, à part le petit déjeuner (pancake, sirop d'érable, œufs brouillés, bacon: je me couche en me réjouissant de petit déjeuner le lendemain), j'ai du mal. Ah si, et les salades, ils ont un art de la salade composée que nous ignorons totalement en France, en rajoutant des ingrédients inattendus (ce qui ne marche pas avec le cuit fonctionne bien avec le cru).

    Bref, je surfe. La dernière fois nous n'avons pas visité la statue de la Liberté en travaux, ni le One World Trade Center qui n'était pas terminé. Ça me paraît très cher, mais une fois ici, on ne va pas pinailler.

    Deux blogs de Françaises, une à Boston, une à New York: Mathilde et Jane (avec des adresses de resto).

    Deux à Philadelphie, mais à part la la Barnes fundation, nous n'avons rien fait. Ce n'est pas très grave. Un jour je ramerai sur la Schuylkill (ou le Delaware).

    Et bon anniversaire, Vincent.


    Note
    1: — Et si vous échouez, je vous livre aux lions, bouillis dans de la sauce à la menthe!
    — Pauvres bêtes, Astérix.

    Une journée à Philly

    Premier petit déjeuner : pancakes et sirop d'érable, depuis le temps que j'attendais cela!

    Nous passons la matinée à la fondation Barnes, un incontournable à juste titre. Les rois philadelphes : qui ont épousé leur sœur (cours de jeudi dernier).
    Les villes jumelées avec Philadelphie.

    La fondation Barnes.

    Errance dans la ville. Quartier des avocats, quartier gay, le gingko ne sent pas bon. Independance Hall, quartier des bijoutiers.

    Sommeil. Dîner avec Jack. Philadelphie, le quartier des avocats. Les mauvais conducteurs : Massachussets et New Jersey.

    Retour à l'hôtel. Les Eagles en mauvaise posture (voir The Happiness Therapy (attention, ce n'est pas un feel good movie, plutôt un film sur la folie)).

    Martine apprend que l'iBook, ce n'est pas magique

    Houellebecq

    Martine découvre la magie de l'iBook

    Lune de miel

    Bienvenue aux States

    Hier soir - J'ai pris un Vélib lourd comme un âne, j'ai raté le train de 22h32, je rentre un peu avant minuit. Un thé, je prépare mon cartable pour le lendemain, l'expérience prouve que cela fait la différence entre être à l'heure ou être en retard.

    Donc ce matin très tôt - 00:42. Je reçois un sms d'Hervé sans doute à New York (ou en train de quitter New York pour Philadelphie):
    — Le voyage commence mal. Je me suis fait voler mon manteau, mes gants, mon écharpe et mon chapeau.
    — Dans l'avion?
    — Non. Taxi voleur. A sorti ma valise, m'a dit qu'il m'apportait mon manteau qu'il avait pendu et redémarré sans demander son reste. Heureusement j'avais tout dans ma veste. Il est 19h. Je suis dans le train pour Philadelphie. Je pense que c'était un faux taxi car il n'y a rien sur son reçu.



    Ceci était l'échange par sms. Le récit par mail reçu le lendemain (je n'étais pas destinataire mais en copie).
    Pour la petite histoire, j'ai pris un "limo-service", ce qui n'est pas du tout une limousine, mais une voiture noire à la Uber en France. Je n'avais pas réservé et j'en ai pris une dans une file. Y'avait marqué quelque chose comme "limo-taxi" dessus.
    Le monsieur, 65-70 ans, marrant, charmant même m'a emmené pour cher ($110 + $11 de TIP quasi obligatoire) à Penn Station dans Manhattan depuis JFK. C'est $20 plus cher que la dernière fois où j'avais pris un taxi, mais la voiture était clean et il a battu des records de vitesse pour faire le trajet.
    C'était d'autant plus intéressant qu'il y avait au moins 40mn de queue à la file des "vrais" taxis.
    J'avance dans l'histoire : le Monsieur très serviable m'avait pris mon manteau, l'avait mis sur un cintre avec mon écharpe et posé le chapeau correctement sur la plage arrière.
    Au moment de descendre, il sort, m'ouvre la portière, la referme derrière moi, sort ma valise du coffre et me dit qu'il va chercher mes vêtements… et au lieu de le faire, il grimpe au volant et se casse.
    J'étais en train de commencer un SMS, je ne l'ai vu faire que du coin de l'oeil et je suis resté comme un con sur un trottoir de New York.

    J'ai couru un peu sous le regard étonné de la foule, mais avec une valise de 20kg et un sac, rattraper une voiture, c'est dur.
    Là j'ai regardé le reçu qu'il m'avait donné : rien dessus.
    Bilan de l'opération, un manteau, un chapeau, des gants et une écharpe en soie + $50 en liquide et un smartphone à un peu moins de 200€ au prix de gros.

    Bon, j'ai été naïf, con même. Cela étant dit, cela en dit long sur les problèmes de transport, y compris à NY.


    Remarque quelques jours plus tard après conversation avec des Américains
    Il parait que cela arrive tout le temps: «in New York, if it's not yellow, do not step in.»

    La valse hégélienne

    «C'est une erreur de la cigogne. Hegel est un Souabe. Il aurait dû être viennois. Présupposition, scission, réconciliation.»


    Je note ici un titre, pour mémoire :
    «Il y a ce livre de Von Balthasar, "le tout dans le fragment" (Das Ganze im Fragment), que le traducteur traduit par De l'intégration: c'est un livre dans lequel Von Balthasar dit beaucoup de mal de Hegel, et le traducteur lui donne le titre le plus hégélien du monde».



    ———————————


    Et sinon, trois ans plus tard ou à peu près, un passage est rouvert entre la ligne 4 et la ligne 14. Ce n'est pas le même passage réaménagé, mais un nouveau passage taillé à même le roc et pas encore parachevé. Il a le défaut d'être plus long que l'ancien passage, faisant rejoindre l'avant de la rame 14 plutôt que l'arrière, mais il doit être possible de trouver des raccourcis (en nous déroutant, les travaux nous donnent une science des tunnels que nous n'aurions pu acquérir autrement).

    Bâtons rompus

    — Maman, il va lui falloir une stèle, tellement il y a de choses à écrire sur sa tombe.
    — Mais non, on fera un écran qui défile.
    — Dans ce cas, il ne faut pas qu'on meurt en même temps, il n'y a que papa pour développer ça.
    — Et moi j'irai hacker le système.
    Gravehacker, c'est pas mal comme nom…


    — Mais si, tu te souviens, ce film pas possible, on en a regardé un quart d'heure et j'ai craqué… Avec l'ex de Demi Moore… Kushner, quelque chose comme ça…
    Sex Friends, avec Nathalie Portman!
    — Oui, sans doute… Franchement, je ne comprends pas, comment peut-on passer de Bruce Willis à ça? Il a du lait qui lui sort par le nez quand on presse…
    — Cherche pas maman, il a une grosse teube.
    — Je veux bien, mais qu'est-ce que tu fais le reste du temps quand tu te croises?
    — Ça n'arrive pas. Tu l'enfermes dans sa chambre avec sa playstation.


    Et sinon, il y a ça: on s'inscrit et le système vous alloue une personne à qui envoyer un cadeau anonymement. Par ailleurs vous êtes le destinataire du cadeau de quelqu'un de la liste. C'est ainsi que C. a reçu du chocolat biélorusse et une poudre à la cerise qu'il faudra délayer pour obtenir une sauce. (Je sens que je vais être la seule à oser essayer.)
    Il est trop tard pour recevoir des cadeaux cette année (il fallait s'inscrire en novembre, je pense), mais vous pouvez servir de voiture-balai à un laisser-pour-compte, ie envoyer un cadeau à quelqu'un qui devait recevoir un cadeau et n'en a pas reçu. Tenir une promesse à la place de quelqu'un qui ne l'a pas tenue.
    C'est un peu compliqué, il faut s'inscrire sur reddit, puis sur redditgift, puis attendre un peu (six heures, douze heures? j'étais si impatiente que j'ai cru que ça ne marchait pas et que j'ai abandonné. Deux jours plus tard C. a vérifié: le site m'avait alloué un destinataire (une destinatrice) aux Pays-Bas).

    Scotchée

    Un an plus tard, j'en suis toujours là. (J'ai honte de l'avouer1, je ne devrais pas l'avouer, car paradoxalement, l'avouer permet de se sentir moins coupable. C'est en cela que le célèbre aveu de Rousseau concernant un ruban volé m'a toujours paru louche, et non courageux: une façon de se dédouaner à bon compte.)



    Note:
    1 : nous sommes plusieurs dans ce cas, c'est ce qui rend l'aveu plus facile; certains ont même plusieurs devoirs en retard: de façon sadique, le fait qu'ils soient plus dans les choux que moi m'encourage. (Et là, je devrais vraiment avoir honte, mais en fait pas tant que ça. C'est mon mauvais fond qui ressort.)

    Samedi

    Matinée sur Nietzsche et L'Antéchrist.
    Au bout de cinq ans, c'est vraiment un grand plaisir de se retrouver à une dizaine pour parler du dossier que nous avons préparé. Nous avons un niveau homogène (ceux qui n'avaient pas un niveau de formation initial suffisant ont abandonné) et des expériences de la vie différentes, ce qui permet de vrais croisements de point de vue. C'est très intéressant.

    Achat du cadeau de Noël de C., flameküche avec A. qui arrive de Lisieux.
    Nous passons devant la librairie polonaise en retournant à la voiture. J'y entre en me disant qu'y acheter quelques livres la soutiendra financièrement. J'en ressors avec un peu plus que prévu:
    - deux pavés pour les Noëls de ma sœur (les quatre Pajak) et de ma fille (une intégrale de Sherlock Holmes)
    - Arno Schmidt, Scènes de la vie d'un faune (je voulais prendre aussi Histoires, mais je me suis trompée)
    - Sebald, De la destruction, Sebald, que je dois lire depuis que Compagnon en a parlé,
    - Mendelstam, Le bruit du temps, parce que j'aime profondément Mendelstam (merci Aline de me l'avoir fait découvrir)
    - Minaudier, Poésie du gérondif, parce qu'il était dans mes intentions de lectures depuis ce billet et que je n'ai pas résisté en le voyant sur les rayons (ce qui confirme que la librairie polonaise est une bonne librairie pour avoir cela en stock)
    - Svetlana Alexievich, La supplication, parce que GEF a dit jeudi qu'il avait fermé ce livre avant la fin tant c'était atroce (témoignages sur Tchernobyl. Cela m'a fait penser au Livre noir de Grossman et Ehrenbourg, le pire livre que j'ai lu à ce jour). Curiosité malsaine? Non, je ne crois pas. Comme un chant de larmes au dedans de moi.
    - Jane Sautière, Dressing, totalement inconnu, sur les conseils de la libraire (mais puisqu'elle m'avait dit que Poésie du gérondif était très bien, j'ai pris le risque, moi qui écoute si rarement les libraires).

    Rentrée. Je dois écrire une dissert ce week-end et je n'ai toujours pas commencé.
    J'ai réservé un hôtel pour le 18. J'ai fini l'histoire d'Agnès et Margaret.
    Lu le journal en ligne de RC pour la première fois depuis longtemps. C'est épouvantable. Cet homme est véritablement fou, enfermé dans son obsession.

    Justice

    Pourquoi ce vote Front National de ceux qui se sont déplacés, cette abstention de tant d'autres?

    Je connais le fond français de râleurs (je ne dis pas qu'il n'y a que cela, ni que tous les râleurs votent FN! je parle simplement de cette façon de ne jamais être contents, de toujours se plaindre), toujours à vérifier que le voisin n'obtient pas plus qu'eux, qu'ils ne sont pas moins bien traités que le voisin. les envieux, toujours à découvrir que si, évidemment, ils sont lésés.

    A écouter les uns et les autres, à connaître quelques villages de France, à lire les protestations exaspérées ou désabusées sur twitter, je crois que nous avons, tous, profondément besoin de justice, que ce que nous réclamons, c'est de la justice, une justice qui applique la loi à tous, qui se fait respecter de tous, du riche et du puissant, bien sûr (et là sont visées les "affaires" à répétition), mais aussi les défavorisés, quels que soient leur couleur, leur sexe, leur âge, leur handicap. Il ne suffit pas d'exposer ses plaies pour être au-dessus des lois, j'ai l'impression que cela finit par courir sur le haricot à pas mal de mes contemporains — et je le comprends.

    Car si nous avons tous intégré, je pense, Tu ne feras pas dévier le droit de ton pauvre dans son procès (Exode 23,6), nous avons oublié ni ne favoriseras le miséreux dans son procès (Exode 23,3).
    De la justice, de la droiture, de l'honnêteté.
    Et laissons tomber la "morale" ou l'instruction civique à l'école puisque personne n'est d'accord sur son contenu, et contentons-nous de la politesse, ce sera déjà un progrès.


    J'ai découvert l'importance de la justice, de la justice désormais si souvent oubliée par les "gens de gauche", par les "chrétiens", par tous ceux qui tentent, qui souhaitent, être généreux, faire le bien, soulager la misère, dans ce texte d'Arendt à propos de Jean XXIII:
    Ayant demandé à l’un de ceux qui travaillaient au Vatican «Comment ça va», l’homme répondit: «Mal, mal, votre Éminence», expliquant ce qu’il gagnait, et combien de bouches il avait à nourrir. «Il nous faudra faire quelque chose à ça. De vous à moi, je ne suis pas votre Éminence, je suis le pape». Quand on lui dit ensuite qu’on ne pouvait faire face aux nouvelles dépenses qu’en rognant sur les œuvres de charité, il répliqua imperturbable: «Alors nous devrons rogner. Car la justice passe avant la charité».

    Hannah Arendt, Vies politiques, p.78, Tel Gallimard
    La justice (humaine) passe avant la charité. J'y pense souvent. Nous l'avons oublié.



    —————————————
    Agenda
    Mauvaise sortie en yolette de pointe, ramé à peine quarante minutes, sans puissance.
    Jérôme, moi à la nage, Céline, Yann, Patricio qui fait la tête mais rame très bien.

    Oulipotes

    Premier Oulipo de l'année (la dernière fois j'ai oublié de venir).
    Pièce de théâtre W ou les souvenirs d'enfance au jeudi de l'Oulipo. Le texte suit fidèlement le livre et c'est glaçant.

    Puis pizzeria, dans une salle où nous sommes seuls et pouvons nous permettre de rire à gorge déployée (bon, ce n'est pas comme si nous nous gênions beaucoup habituellement).
    Conversation avec M. qui a repéré quelques citations de ma part qui parlent de chameau et d'hébreu.
    Par coïncidence, lui-même lit actuellement les écrits de grandes voyageuses des siècles précédents et il est rempli d'admiration. Il me cite Jane Dieulafoy (quel nom!) qui suivit son mari en Perse habillée en homme (elle passait pour son fils) et madame de Bourboulon qui incita son ambassadeur de mari à traverser la Chine pour rejoindre Moscou (plutôt que le traditionnel voyage par mer).

    Le résultat de quelques recherches internet :
    Trois livres de Jane Dieulafoy chez Phébus, sans doute lisibles en ligne sur Gallica :
    Une amazone en Orient. Du Caucase à Persépolis 1881-1882: Paris, Phébus, 1987, 2010
    L'Orient sous le voile. De Chiraz à Bagdad 1881-1882: Paris, Phébus, 1990, 2011
    En mission chez les Immortels, Journal des fouilles de Suse 1884-1886: Paris, Phébus,1990

    Une page de l'ambassade de l'ambassade de France en Chine rend hommage à Catherine de Bourboulon et Hélène Hoppenot. Le voyage de Mme de Bourboulon a été raconté par Achille Poussielgue.

    Je signale pour mémoire cette liste de "mémoires par ou sur des diplomates français".

    Marchands de tapis et mœurs vaticanes

    Un conseil d'administration

    James Joyce par le petit bout de la lorgnette

    A well-trained bitch

    Ma CAC a le mauvais œil administratif

    Sécu
    USA
    naissance

    Le soir Phénoménologie de l'esprit. Le bas et la chaussette.

    Encore un dimanche




    Très bonne sortie ce matin. Yolette Lifa. A la nage, Virginie, Florence, Vincent, Magali.
    Dormi tout l'après-midi en sentant mes muscles récupérer.


    Elections régionales: je n'ai pas écouté de près, pas trop envie, mais j'ai cru comprendre que le FN était à 27%. Comment expliquer que je suis embarrassée d'être blanche dans le RER tard le soir. Pas effrayée, non1, gênée, comme quelqu'un qui aurait toutes les chances parmi des gens qui en ont moins.





    Photo prise à 23 heures 16.


    1 : j'ai cru m'étrangler en voyant une gourde ex-députée sur la liste de Dupont-Aignan dire (écrire) qu'«elle n'osait plus sortir le soir, prendre les transports en commun».
    Viens avec moi ma poule, accompagne-moi une semaine et tu verras que ça se passe très bien, c'est même une expérience humaine curieusement chaleureuse et paisible: nous sommes ensemble dans notre fatigue et nous rentrons chez nous ensemble dans la nuit.
    Arrête de circuler en voiture avec chauffeur.

    Trois parts

    Matinée sur Cana, Jn 19, 25-27 et Ap 12.
    La professeur : «Ah oui, "spectre de fer"… Regardez dans Genèse 49, la bénédiction de Jacob, je n'y avais pas pensé».
    Ces professeurs qui non seulement connaissent la Bible par cœur, mais les chapitres ou les versets, et font des associations à partir de quelques mots, scrupuleusement traduits par les mêmes mots à des pages d'écart… Comment fait-on? Suffit-il de lire beaucoup, souvent? — Mais je ne retiens pas les chapitres ou les versets.

    Lire avec des yeux neufs. Quasi impossible (sauf quand je traduis. Alors tout me paraît neuf). Lire les noces de Cana et découvrir pour la première fois — grâce aux questions posées — qu'il n'y a qu'un nom propre dans la péricope. Apprendre que ce récit n'apparaît que chez Jean. Etc, etc. Apocalypse 12 fait écho à la Genèse, au moins en partie.


    Suite du colloque. Des envies d'Arabie et de Moyen-Orient, une nostalgie de ce que je n'ai pas connu. Comment peut-on être nostalgique de ce qu'on n'a pas connu?
    Photos de Jérusalem et autour datant d'avant 1920. Plaques de verres. Trésor des communautés religieuses.

    Starbucks (pour attendre. J'adore leur café au lait de saison, au potiron, au pain d'épice…) en lisant Les aventurières du Sinaï.
    Le pont aux espions. Je me souviens de notre surprise à Postdam: il est très court.
    Un beau film, mais qui me donne trop cette impression de "catéchisme à l'usage des jeunes Américains". C'est un aspect que je trouve à la fois sympathique et démodé, il me manque un peu de cynisme, c'est vraiment trop gentil.
    La douleur est de voir la façon dont est traité l'espion russe et de songer à Guantanamo (Essential Killing en forme de gifle).

    Tous les soirs

    Mardi : grec III
    Mercredi : la Samaritaine et Marie de Magdala dans St Jean (avec la possibilité d'une jalousie des apôtres envers Marie qui ne la supportent plus (Lol (hypothèse émise à partir de certains apocryphes)). La discrétion de la tradition johannique coincée entre Pierre et Paul.
    Jeudi : Hegel à vingt ans, dit Hegel à Berlin.
    Vendredi : colloque sur le monde de la Bible, au croisement des centres d'intérêt des archéologues et des exégètes.

    Il ne reste plus beaucoup de temps pour travailler le TG de demain.

    Réfugiés

    Hier, jrsfrance.

    définition d'un réfugié. français/anglais

    le bon et le mauvais réfugié

    un réseau d'associations

    la photo du petit garçon, les propositions d'aide

    Aider en Syrie

    Persévérer

    «Les notions mathématiques qui demandent, pour être domestiquées, une certaine durée d’apprentissage sont perçues comme trop difficiles et provoquent chez certains étudiants une réaction de rejet immédiat, ils n’ont pas l’habitude de persévérer après des tentatives infructueuses. Il est très difficile de faire comprendre que l’erreur est souvent féconde en mathématiques.»
    La sonnette d'alarme de la Société des mathématiques françaises.

    A Neuilly nous ramons entre adultes, entre salariés. A Melun, nous croisons les minimes, les cadets, qui s'entraînent pour la compétition. Ils se lèvent et viennent ramer. Cela me fait un bien fou de voir des jeunes qui ne glandent pas au lit en jouant aux jeux vidéo mais se lèvent pour s'entraîner (et souffrir!)

    Microcrédit

    A la suite du remboursement imprévu des impôts, j'ai accordé (je ne sais pas quel verbe utiliser: souscrit? choisi?) quelques prêts via kiva, sans savoir si j'obéissais à une impulsion superstitieuse à la suite de ce coup de chance ou à une très vieille tradition de remerciement par les prémices telle qu'en offre le Pentateuque et que le représente aujourd'hui encore Thanksgiving (certains diraient que ce n'est pas différent).

    Ce sont des prêts par tranche de 25 $ accordés à des particuliers à travers la planète pour les aider dans un projet ayant un impact immédiat sur leur vie quotidienne. Il y a très peu de défauts de paiement, mais l'idée est moins de récupérer son argent que de reprêter les sommes remboursées. Des prêts perpétuels, en somme, qui tournent autour de la planète.
    J'aime beaucoup regarder la variété des emprunteurs, imaginer leur vie (sans doute complètement de travers, mais tant pis) et la variété des prêteurs. Regarder qui prête à qui, comme par exemple les prêts accordés par ce Saoudien (j'essaie de travailler contre ma méfiance envers l'Arabie saoudite, de ne pas réduire les gens à leur gouvernement) ou la variété géographique des prêteurs pour le projet de ces femmes lourdement voilées, par exemple. Tout cela me redonne espoir et combat mes préjugés.



    La semaine dernière, j'ai découvert du crowdfunding d'un autre genre. Il s'agit bel et bien cette fois-ci de s'enrichir en prêtant à des entreprises françaises, des TPE et PME. Il y a un risque en capital (si l'entreprise fait faillite), vous gagnerez moins qu'à la bourse mais plus qu'avec un livret A ou un billet de loto (statistiquement) et vous participerez à "l'essor du tissu économique français", si vraiment vous y croyez (la vérité par l'argent: où placez-vous vos fonds?)
    Il s'agit de Lendopolis, par les créateurs de Kisskissbankbank et hellomerci. Les projets présentés ont été validés par des experts comptables et peuvent rapporter entre 5 et 12% sur 24 à 60 mois.

    Donc si vous en voulez beaucoup aux banques, si vous êtes prêts à risquer un peu de l'argent qui dort sur votre livret A, voilà de quoi joindre l'utile à l'utile.


    ———————————
    Quatre Ena2. Adeline, moi, Dominique, Florent. Beaucoup de vent, difficile. Ça penche terriblement à babord.

    Incendie

    COP21, Daesh : j'ai l'impression d'être dans un immeuble en feu (genre La tour infernale) dans laquelle se terre un assasin à kalachnikov (genre 58 minutes pour vivre): si vous vous occupez de l'assassin, vous n'avez pas le temps d'éteindre le feu, mais si vous vous occupez du feu, vous risquez de vous faire descendre par l'assassin.



    —————————————
    Agenda
    Hier soir, concert gais. Toujours aussi plaisant.

    Ce matin, il fait doux et gris.



    Yolette Lifa. Stéphane, Philippe, Florence, Céline, moi. Bateau agréable car très bien réglé.

    Les noms des morts

    Ce matin un peu avant neuf heures, sur France Culture, j'ai entendu deux journalistes dire des noms, comme en fin de chaque émission. J'ai d'abord cru qu'il s'agissait des techniciens et animateurs de l'émission, comme d'habitude. Mais la liste était longue, les voix blanches, et j'ai compris que c'était les noms des morts du 13 novembre.

    J'ai pensé à la liste que je croise souvent, pas tous les jours car cela dépend de l'endroit où je descends sur le quai gare de Lyon, qui dépend lui-même de l'endroit où je suis montée sur le quai à Yerres, qui lui dépend de notre retard et de notre panne d'oreiller, donc de notre fatigue générale. C'est la liste des morts de l'accident de la gare de Lyon en juin 1987, jamais oublié.

    J'ai pensé aux morts de l'été 2003, aux morts sans sépulture, aux morts non réclamés, à ceux enterrés en fosse commune.
    J'ai fait une recherche et je suis tombée sur cet article qui raconte comment Jean-Claude Roehrig et son fils Guillaume, généalogistes, avaient enquêté bénévolement sur ces hommes et ces femmes.

    Journée de deuil

    Aujourd'hui nous étions censés mettre un drapeau aux fenêtres. Encore aurait-il fallu être prévenu à temps, car qui a un drapeau chez lui à part les supporters de foot?

    Enfin, je peux dire avec fierté et surprise que mon immeuble de bureau a arboré un drapeau. Je ne pensais pas qu'il prendrait cette peine: cette entreprise aurait donc des convictions? Elle paraît toujours si terne.

    PS : photos sur twitter, système D français, chemises, serviettes, soutiens-gorges, stylo-billes, tout a été bon pour pavoiser les fenêtres, balcons, poches, photos de profil…
    L'humour comme résistance.

    Les héroïnes du jour

    L'année dernière, j'avais découvert l'existence de Constantin von Tischendorg.

    Cette fois-ci, je découvre Agnes Smith Lewis et Margaret Dunlop Gibson : «Mais si, vous savez bien, les deux sœurs qui parlaient vingt-quatre langues à elles deux… C'était des jumelles, elles avaient été élevées de façon très particulière par leur père…»

    Cela à propos du Siracide (L'ecclésiastique, à ne pas confondre avec L'Ecclésiaste), dont elles ont découvert des versions majeures en syriaque.
    Le Siracide reste un livre mystérieux (voir l'article de Maurice Gilbert : «Où en sont les études sur le Siracide?»)

    Mais pourquoi ce genre de femmes sont-elles toujours anglaises? Elles n'ont même pas un article dans le Wikipedia français (article en trois langues: anglais, hébreu, néerlandais).

    Sainte-Anne

    En faisant quelques recherches ce soir je tombe sur cela et j'ai honte: m'être réjouie que Charlie soit courageux pour qu'il se fasse assassiner deux ans plus tard… Avons-nous le droit de conseiller à qui que ce soit d'être courageux, si ce n'est à nous-mêmes?

    Ce soir, je recherchais un billet que je n'ai pas mis en ligne. Il y a eu en septembre 2012 (pour la x-ième fois, la première fois remontant à 2005 au Danemark) des remous à cause de caricatures de Mahomet; sans doute y a-t-il eu des discussions autour du voile et de la laïcité ensuite, toujours est-il qu'en faisant des recherches sur internet j'étais tombée, je m'en souviens bien, sur des discussions très intéressantes sur un forum suisse (avec troll, mais un seul, ce qui est exceptionnel sur un tel sujet. Vive les Suisses.)

    A l'époque, j'avais eu l'intention d'en faire un billet. J'en avais écrit le titre mais je ne l'ai jamais mis en ligne. Je l'ai retrouvé, c'était un billet daté du 6 novembre 20121.
    Je ne l'ai pas mis en ligne car de fil en aiguille, j'avais eu la curiosité de chercher une photo de "mon" église, celle où j'ai fait ma communion et suivi mes premiers cours de catéchisme: Sainte-Anne à Agadir.

    Et j'avais trouvé cela, qui m'avait fait froid dans le dos.
    Et dans une attitude très "ne désespérons pas Billancourt" (septembre 2012, nous tâchions de comprendre ce qui allait sortir du printemps arabe qui s'enlisait après l'enthousiasme initial du printemps 20112), je n'avais pas posté cette photo et pas écrit de billet (aujourd'hui je le regrette car je n'ai plus de traces sur le vif de ce qui se passait et de ce que je pensais alors, juste des souvenirs flous).




    Que se passait-il sur cette photo? Pourquoi? Elle datait de 2004, comment cela était-il possible? Les catholiques étaient-ils menacés en 2004 au Maroc? Les militaires assuraient-ils leur sécurité? Incroyable.
    J'ai refusé d'y croire.

    J'ai suivi le cours sur l'islam à l'ICP en janvier 2013 et en mars 2013, j'ai découvert en feuilletant L'islam que j'aime, l'islam qui m'inquiète que Tareq Oubrou était allé en maternelle chez les sœurs à Sainte-Anne. J'ai acheté le livre.


    ————————
    Agenda
    C'est officiellement l'automne : première sortie en collant et manches longues.
    Quatre sans Ena 2. Moi à la nage, Tudal, Olivier, Marc. Deux tours de l'île.



    Notes
    1 : Si vous regardez l'adresse du billet, vous verrez qu'il porte le numéro 2386. Cela permet de savoir quand il a été créé: je détruis rarement les billets que je ne mets pas en ligne; soit ils restent dans les limbes; soit je les réutilise à une autre date.
    2 : En avril 2012 RC avait appelé à voté Le Pen, en septembre j'écrivais de ce que je pensais de sa hiérarchie des priorités dans un billet sur la SLRC, billet qu'en janvier 2013 Rémi allait faire censurer dans le silence — et l'approbation? je n'y étais pas, je ne sais pas — des membres de la SLRC3. Période douloureuse et inquiète que toute cette étendue de temps, sentiments ou sensations que je ne sais pas, je ne veux pas, exprimer sur le moment — et qui se perdent, et que je perds, plus tard.
    C'est étrange de se dire qu'on écrit tous les jours, et que pourtant l'essentiel n'y est pas — ce qui compte vraiment n'y est pas, la colère, la tristesse, l'angoisse, n'y sont pas. (Les émotions positives y sont davantages (smiley).)
    J'ai entrepris de reprendre mes billets pour les passer en format html (au lieu de wiki), j'en profite pour les annoter le cas échéant, pour ajouter les commentaires amers ou les explications gardées en brouillon à l'époque.
    Mais parfois je ne me souviens de rien. Ce n'était pas si grave finalement.
    3 : Cette censure m'a causé un chagrin et une crise de misanthropie si violents que j'ai fermé FB en mettant cela sur le compte du besoin de travailler (mes cours), ne voulant pas me donner le ridicule de croire que cela pouvait affecter qui que ce soit. Je me rends compte aujourd'hui que durant cette absence de FB se sont développées des haines entre des gens que je pensais amis, haines que j'ai du mal à prendre en compte pour ne pas en avoir vécu la naissance et l'évolution.

    La taupe creuse toujours

    Philo. Cours sur Hegel. Gramont brillantissime et malicieux (brillantissime car malicieux? Pas que.) Il faudra que je mette la suite de Cerisy en ligne un de ces jours.

    Gramont, à qui j'expliquais (à Cerisy justement) que venir en cours à 20h30 après notre journée professionnelle demandait de l'énergie et que nous tendions à l'apathie m'avait répondu: «c'est drôle, moi je ne me réveille que quand je fais cours.»
    Et c'est vrai. C'est la grâce de ce professeur et c'est pour cela que nous l'aimons. Il a l'air si naturellement à sa place devant nous en train de raconter — car il raconte.

    — Pour devenir hégélien il n'y a qu'une méthode : prendre quelques années sabbatiques. (In petto je complète: «et lire couramment l'allemand», puisque Gunther m'a marquée en disant un jour que Hegel écrivait l'une des plus belles proses allemandes.)

    L'exergue du cours correspondait tant à la situation actuelle que je suppose que ce n'était pas un hasard:«Comme la discorde entre amants, ainsi les dissonances du monde; la réconciliation est au cœur du combat, et tout ce qui s’est séparé se retrouve à la fin.» Höderlein

    Nous présenter Hegel en commençant par les Esquimaux (première page du cours sur l'histoire des religions): cela l'amusait-il, était-ce un procédé pédagogique pour marquer nos mémoires, était-ce le plus adapté vu ce qu'il voulait nous démontrer? (cette page fut comparée à l'article "Esquimau" de l'Encyclopédie Universalis).

    Hegel, Schelling, Höderlin : «vous imaginez? Ils ont le même âge, ils vont à l'université ensemble, ils discutent de la Grèce, des Ecritures et de Kant : les trois plus beaux sujets pour des étudiants allemands.»

    L'abstraction et le concret: «si dans la marge de votre copie, vous voyez écrit "abstrait", ne vous réjouissez pas, c'est affreux».

    «Une préface d’un livre, c’est le seul chapitre qu’il ne faut pas lire. C’est comme lire le menu sur la carte au restaurant et s’exclamer "Quelle belle carte!" et rentrer chez soi sans dîner.»

    Saurai-je résumer le cours de ce soir? Il s'agissait de nous démontrer que Hegel a voulu mettre au jour et a mis au jour le principe même de la philosophie, la commune manière de penser ou de travailler de tous les philosophes depuis Anaxagore: la conviction que c'est l'intelligence (l'idée, la raison, le noûs (que d'autres appelleront le bien ou la vérité)) qui mène le monde, au moins en principe en en attendant la réalisation (l'effectuation?)

    Dimanche

    Bien failli ne pas aller ramer: une voiture qui ne démarrait pas, l'autre qui n'avait plus d'essence alors que j'étais déjà en retard. Mais il faisait si beau, c'est si important de profiter de tout cela, avant le mauvais temps et les crues.

    Yolette de couple: Franck, Stéphane, Carole, moi, Yannick.
    Trois photos de suite pratiquement au même endroit. Coup de chance.





    Spectre. La salle de ma ville est pleine. Bien moins trépidant que le précédent, pas de scène marquante même si je suppose que les courses poursuites sont des chefs d'œuvre de précision. Il y a vraiment trop de données sorties d'un chapeau (comment M. sait-elle qu'il faut assister à l'enterrement du mafieux? Comment connaît-elle ce mafieux? Est-il vraisemblable que Bond ne neutralise pas la caméra du roi pâle? etc, etc…)
    L'inquiétude mise en scène est celle que nous sommes en train de vivre: doit-on accepter la collecte de l'information au prix de la disparition de toute vie privée, à laquelle s'ajoute la question classique: doit-on admettre un gouvernement fort au prétexte de rétablir et maintenir l'ordre et la paix? (mais peut-être faudrait-il problématiser la différence entre l'ordre et la paix).

    Bataille autour de la tarte aux pommes quand soudain la voix du chef scout s'élève:
    — La seule raison de regarder dans l'assiette de ton voisin, c'est de vérifier qu'elle est suffisamment remplie.
    Ça m'a fait rire. Les principes simples, c'est structurant.

    TGs

    Le TG de la semaine dernière sur le concile de Chalcédoine a été définitivement annulé — sauf celui de notre groupe puisqu'il avait été déplacé à aujourd'hui: il a donc eu lieu normalement.
    Mais le TG du cours flottant prévu le 14 a, lui, été remplacé: j'ai donc passé la journée en cours.
    Ce fut plutôt intéressant. Ephèse: affirmer l'union des deux natures du Christ; Chalcédoine, affirmer la non-absorption de la nature humaine par la nature divine, puis deux cents ans plus tard articuler volontés divine et humaine dans le Christ (avec en particulier le rôle de Cyrille le confesseur (confesseur de la foi)).
    Cela doit paraître abscons, ç'a l'est d'un certain point de vue; mais c'est passionnant d'être un petit nombre d'étudiants à débattre sur ces textes après les avoir préparés. Nous nous retrouvons à nous disputer, ce qui donne une idée des enjeux à l'époque.

    Le TG du cours flottant portait sur les codes domestiques dans les deutéro-pauliniennes et les pastorales.

    Acheté des gants à pois, des petites cuillères au manche coloré, une nappe plastifiée représentant une mappemonde (assez ugly (déjà, le simple fait d'être une nappe en plastique est terriblement kitsch (il sommeille en moi une Vamp mal assumée)), mais je ne résiste pas à une mappemonde).



    Agenda
    Alerte attentat maximale en Belgique: métros, magasins, cinémas fermés.

    Géopolitique

    L'annonce du califat l'été 2014 m'avait convaincue que nous allions au devant d'un conflit réel, que ce qui se préparait, c'était une agression généralisée, que ce qui paraissait être un conflit local allait s'étendre à l'Occident, et qu'un jour, nous serions obligés d'intervenir (en attendant, nous ne le pouvions pas (accusation d'ingérence) et nous le voulions pas (qui voudrait envoyer ses enfants à la guerre sans y être obligé?) (le "nous" était et reste flou dans mon esprit: la France, l'Europe, les pays volontaires? tous ceux qui ne veulent pas subir.))
    Il y a eu un autre moment dont je suis incapable de retrouver la date. Avant ou après Charlie (janvier 2015), avant ou après l'enlèvement des écolières par Boko Haram (avril 2014)? Il s'agit de la première fois où j'ai entendu dire que dans les territoires conquis, les hommes étaient systématiquement abattus et les jeunes filles et jeunes femmes vendues. Une certitude absolue, de l'ordre du soulagement, m'a alors envahie: cela ne durerait pas longtemps, deux ans, cinq ans, mais cela ne durerait pas longtemps. Il fallait simplement attendre que l'Occident se sente concerné, mais une idéologie capable d'agir aussi systématiquement (et non de se contenter de conquérir des territoires pour les exploiter) allait obligatoirement nous attaquer. Cela ne durerait pas longtemps et ils allaient perdre. Les fous fanatiques perdent. Ils occasionnent beaucoup de dégâts mais ils perdent une fois qu'ils ont dressé le monde entier contre eux.

    Une question: pourquoi ne prenons-nous aucune mesure contre l'Arabie Saoudite? Cela m'avait déjà frappée après le 11 septembre 2001, quand il me semblait que l'Arabie saoudite était un responsable plus assuré que l'Irak. Si nous bloquions leurs avoirs comme nous l'avons fait pour les Russes, cela leur poserait de sérieux problèmes.
    Pourquoi ne prenons-nous aucune mesure contre l'Arabie saoudite? (Allons-nous réellement aller jouer au football au Qatar? N'avons-nous aucune dignité?)
    Le juge Trévidic — très à la mode en ce moment. Quel bonheur cela doit être pour lui d'être enfin entendu et écouté après ce que j'imagine être des années d'impuissance et de frustration: savoir, mais ne pas être écouté; savoir, mais ne pas avoir le droit d'agir — explique: «l'Arabie saoudite convient aux Etats-Unis car c'est une dictature libérale, on peut faire du commerce avec eux.»
    Il va peut-être falloir revoir ces priorités.

    Dernier point: préparer la paix. J'ai appris de Geremek que l'idée de ce qui allait devenir la CECA (communauté européenne du charbon et de l'acier), ancêtre de l'actuelle Union européenne, avait été travaillée dès 1942 ou 1943, pendant la campagne de Libye, au plus fort de la guerre contre l'Allemagne. Nous (l'Occident) n'avons pas su préparer la paix en Afghanistan. Il faut s'y prendre très tôt, et il faut trouver les bonnes personnes, il faut trouver des représentants du Moyen-Orient ou de l'Asie suffisamment compétents et charismatiques pour discuter entre eux et être écoutés et crus par les populations locales. Ce n'est pas avec nous qu'il faut que la région du Moyen-Orient fasse la paix, mais entre eux. (Nous, ils ne nous croient pas, et pourquoi nous croiraient-ils, depuis le XIXe siècle, depuis les traîtrises de Lawrence d'Arabie, le lâchage de Mossadegh, etc?)
    Y a-t-il aujourd'hui des personnages suffisamment emblématiques pour porter cette volonté de (future) paix? Je ne peux penser à aucun nom, mais je ne suis pas une spécialiste. Il doit bien en avoir quelques-uns (pas sûr…).

    Zut

    J'ai oublié l'Oulipo. Pour une fois que je n'avais pas grec. J'aurais dû regarder mon agenda.

    Mercredi chaotique

    Quatre de couple Daryl, la première que je le vois sorti par des loisirs.
    Julien, Véronique, Pascal. Beaucoup de vent, mais il fait beau.
    Une débutante s’est mise à l’eau en quittant le ponton en double canoë. J’espère qu’elle avait des habits de rechange pour retourner au bureau.

    Un peu de fièvre.
    Je quitte le bureau pour aller voir la suite du Labyrinthe (il me faut du courage pour oser l’avouer ici!) au lieu de travailler le concile de Chalcédoine… Toujours ce futur apocalyptique. Beaucoup de violence, de noir éclairé de lampes torches. L’amitié, les rebelles, la trahison.

    1Co 11,10 : le sens d’exousia qui signifie toujours une autorité exercée (et non subie) a été distordu pendant des siècles jusqu’à la TOB de 2010 (Car dans ce verset de Corinthiens, ce sont des femmes qui ont l'exousia). La Bible Segond traduisait correctement mais ajoutait une paraphrase pour orienter la lecture.
    Je m'endors en cours. Me rappeler: si je rame le midi, dormir vingt minutes avant le cours.

    Démenti

    Pour faire mentir ce que je disais hier, deux allusions aujourd'hui, mais par des étrangers (sont-ils émus pour nous, ou effarés que de tels événements arrivent ici, à Paris?) :

    - la prof de grec, grecque, commence tout à trac le cours par une minute de silence.
    - l'étudiant indien, qui murmure quelques mots sur la tristesse des événements. Je réponds avec légèreté, peut-être trop d’ailleurs, je l'ai regretté: «Oh, il y a toujours eu des attentats à Paris. Ici par exemple, (j’étends la main vers la rue de Rennes), il y a eu une bombe, et dans le RER… la nouveauté, ce sont les fusils mitrailleurs.»

    Silence

    Me surprend et me réconforte le silence depuis deux jours. Pas de discussion de café du commerce, pas de solution ou d'explication à l'emporte-pièce, pas de larmoiement ou de colère. A l'aviron déjà, dimanche matin, le sujet n'est pas évoqué. Aujourd'hui en entreprise, tout se résume à un «Ça va?» les yeux dans les yeux, un acquiescement, une reconnaissance, et nous parlons d'autre chose. Ce soir encore, durant le plat avalé avant le cours, personne n'échange sur le sujet, comme si tout avait été dit ou qu'il n'y avait rien à dire.
    Je trouve cela infiniment reposant.


    Requête à ma famille ou amis (à mes amis pour qu'ils le disent à ma famille): s'il devait arriver que je meure dans un attentat, n'acceptez pas la diffusion de ma photo ou d'une biographie en trois lignes sur le net ou dans les journaux. Paix à mes os. (Ceci n'est pas un jugement pour ceux qui préfèrent cela, qui ont besoin de cela. Le chagrin peut se vivre de tant de façons. Mais me concernant, I would prefer not to.)

    Premier dimanche après l'attaque

    Sortie en yolette de pointe.
    Plus de feuilles, ciel et Seine bleus (très rare, je l'ai toujours vu verte).
    J'ai tâché de prendre une photo horizontale, pour une fois.


    2015-1115-Seine-peupliers.jpg



    A. est partie avec la Coccinelle. Nous conservons sa voiture pour que O. s'entraîne un peu sur boîte manuelle.


    En découvrant la difficulté à identifer les morts et les blessés, je me faisais la réflexion que nous portons rarement de quoi nous identifier sur nous-mêmes, mais plutôt dans des sacs vite oubliés dans la panique.
    Et je me disais que j'allais peut-être recommencer à coudre des étiquettes dans les manteaux et vestes de la famille. Est-ce une pensée morbide? (Ou juste pratique? Ou les deux?)

    "Si tu veux faire rire Dieu, parle-lui de tes projets"

    (proverbe polonais)

    Journée blanche, anesthésiée. Certains parlent de colère, d'autres de partir. Je ne ressens rien d'autre que l'inéluctable et une certaine détermination.

    Quand donc ai-je entendu parler pour la première fois de la proclamation d'un "califat"? C'était l'été, en 2014, et ce jour-là, j'ai su qu'il y aurait la guerre, aussi sûrement que si j'avais entendu Hitler parler du IIIe Reich. Puis les massacres d'hommes, les enlèvements de femmes, les conquêtes territoriales. Cela ressemblait tellement à la conquête territoriale arabe de la fin du premier millénaire (ou celle de Charlemagne deux siècles avant, pour "équilibrer" les religions: car pour moi il s'agit avant tout de conquête de territoire, la religion n'est qu'un instrument de communication (de propagande, de marketing). L'important, c'est le pouvoir et la richesse.) Un jour, il y aurait affrontement, c'était certain; mais pour cela, il faudrait que l'Occident se sente, soit, directement menacé.
    Eh bien voilà. Que va-t-il se passer?

    Le bilan est incroyable, cent-vingt-neuf morts, plus de trois cents blessés. Je repense à M. qui me demandait si les gens avaient raison de quitter la Syrie, s'ils ne feraient pas mieux de rester chez eux pour défendre leur pays: «tu sais, quand tu es civil, tu ne défends rien du tout. Tu te prends des bombes sur la tête et tu ne peux absolument rien faire. Ta seule obsession, c'est de nourrir les enfants».
    Ce matin, nous pouvons un peu plus imaginer ce que cela serait de vivre ainsi tous les jours.

    Ce qui me paraît extraordinaire, ce qui suspend le temps, c'est de repenser à son propre état, ses pensées, ses projets, quelques heures avant les événements, dans l'innocence, quand nous ne savions pas ce qui nous attendait. Fêter un anniversaire, planifier un week-end, travailler le dossier du TG (en retard, en retard), téléphoner à sa tante, écrire des choses de peu d'importance sur FB, tout était différent avant les événements, tout prend une autre couleur et un autre poids après, je me prends à penser «si j'avais su, je…» Mais je quoi? C'est une vie normale, et ce que vienne chercher ceux qui fuient, c'est une vie normale, une vie où il est normal que le plus important soit de planifier des anniversaires et des week-ends, et non la façon de survivre sans eau dans une cave.

    Cependant, c'est l'état de toutes nos minutes. Nous vivons dans la certitude de nos prochaines heures et journées, et pourtant à tout moment il peut y avoir un accident, une rupture, une mort, qui fasse que «plus rien ne sera jamais comme avant». Mais nous l'oublions. Est-ce un bien ou un mal, la condition nécessaire pour pouvoir vivre, le luxe d'une vie sans grande difficulté, ou l'erreur qui ne nous fait pas assez profiter de chaque minute?

    Etat d'urgence. H. et A. avaient rendez-vous à Paris —chacun de leur côté— ce matin, j'avais cours l'après-midi, nous serions peut-être passés à la galerie Sakura ensuite, O. se serait débrouillé seul pour sa réunion scoute, il fallait caser les courses, etc: tout cela annulé, tous ces projets, cette agitation, cette futilité, annulés.
    Comme c'est simple.
    Etat d'urgence.

    Massacre

    L'ordinateur étant enfin arrivé, nous avons fêté à nouveau l'anniversaire de A. (avec un gâteau, des bougies, la totale).
    Puis je me suis zonée devant Le Labyrinthe emprunté au CE (on dirait une histoire de Signe de Piste) tout en surfant dans les fils RSS de la semaine (parce que le film ne nécessite pas tous mes neurones). Vers 23 heures, je lis un statut de Pascal disant à peu près «Putain, obligé de téléphoner aux enfants pour savoir s'ils sont en vie», et cela ressemble tant à un reproche de ma famille quand je n'ai pas donné de nouvelles depuis longtemps (sauf qu'eux ne téléphoneraient pas) que je m'apprête à répondre ironiquement quand cette bizarrerie m'arrête : Pascal n'est pas ma tante, ce n'est pas normal.
    Trois clics plus tard, j'ai compris avec effarement qu'il ne parlait pas au figuré.

    Je descends chercher mon portable qui a sonné peu avant (serait-ce les enfants?): un sms de ma mère qui me demande si nous allons bien. Je ne réponds pas. Les grands sont quelque part à Paris, chez des amis ou au cinéma. Je suppose qu'il n'y a plus de RER, il faut sans doute aller les chercher.
    Je leur envoie un sms pour savoir où ils sont et descends prévenir H.: «allume la radio, regarde internet, sais-tu où sont les enfants?» Le temps qu'il comprenne ce qui se passe et qu'il me réponde, nous entendons la porte d'entrée s'ouvrir. Les grands sont rentrés des Halles sans rien savoir, sans se rendre compte de rien. Le seul commentaire que nous aurons sera: «ah oui, on a vu plein de voitures de policiers passer dans l'autre sens.»

    J'envoie un sms rassurant à mes parents et remonte voir la fin de mon film en tâchant de comprendre ce que je lis sur internet, en tâchant de le croire. De minute en minute il y a de plus en plus de morts mais on ne sait pas si les informations sont exactes, je pense à l'assaut de l'école en Tchétchénie, Bataclan, concert de Death Metal, match de foot, terrasse d'un café. Confusion. Hollande, Obama, état d'urgence déclaré, recommandation de rester où l'on est, hashtag #porteouverte pour accueillir les gens errant dans Paris.

    Agacée

    Mardi, la RH a envoyé un mail à toutes les femmes cadres d'un certain niveau. Je l'ai lu avec stupéfaction, j'ai ri, je l'ai commenté à ma collègue, et je suis passé à autre chose.
    Mercredi, en revenant de Melun, n'ayant rien à faire en conduisant, j'y ai repensé et une certaine forme de colère s'est installée : qu'est-ce que c'est que ces foutaises, et surtout, pourquoi et comment notre direction groupe peut-elle s'associer à cela? (Je suppose que cela leur permet d'afficher une action supplémentaire dans la lutte pour la diversité ou contre la discrimination (je ne sais plus quelle est la "lutte" à la mode actuellement, ni si ces deux appellations recouvrents exactement les mêmes "combats".) Je suppose qu'il doit exister quelque part un rapport annuel à rédiger, puisque nous avons une "charte de la diversité" et un accord pour l'égalité hommes-femmes (enfin, il me semble. Entendons-nous bien: ce n'est pas que je sois contre, c'est que je souhaiterais moins de chartres et plus d'actes concrets. Est-il normal qu'il n'y ait pas une seule femme dans la direction générale groupe, et que lorsqu'il y en a (c'est arrivé), ce soit toujours à la RH, au marketing ou à la communication? Nous sommes capables de manipuler des chiffres, vous savez (enfin bon).)

    Donc voici le mail:
    Bonjour à toutes,
    Les 14 et 15 novembre prochains, le Groupe sera partenaire de la 2ème édition des journées Happy Happening (suite des rencontres "Aufeminin.com"), un événement pour découvrir, partager et réfléchir aux mutations de notre environnement.

    L'objectif ? Révéler (ou réveiller !) la leader qui sommeille en vous !
    Happy Happening donnera la parole à une trentaine de speakers, chercheurs, entrepreneurs, artistes, penseurs… pour faire évoluer les mentalités, bousculer les conventions, débattre et ouvrir des perspectives sur le monde de demain.

    Monentreprise soutient cette initiative groupe et, dans ce cadre, vous invite à ces journées Happy Happening au Carreau du Temple à Paris.
    Venez nombreuses nous retrouver sur le stand Monentreprise pour cet événement solidaire, engagé, participatif et audacieux !
    Jusque là, ça va. C'est le programme de la journée qui m'a fait sursauter :
    I/ Le programme de l'événement
    Happy Brain : un colloque animé par une trentaine d'intervenants emblématiques issus de tous les horizons.
    Happy Show : des animations lifestyle, des cours de sport, de relaxation, des dégustations, des concerts, des shows humoristiques…
    Happy Brand : une vingtaine de marques offrant aux visiteurs une expérience unique

    II/ Sur le stand Monentreprise
    Des conférences de coaching RH :
    Changer de cap / "oser" se mettre en danger
    Comment se construire une image

    Des conseils de la diététicienne XXX :
    Le déjeuner : des idées pour manger équilibré
    Faire ses courses : apprendre à lire les étiquettes
    Astuces pour préparer un dîner sain, équilibré et bon

    Pour plus d'informations sur les journées Happy Happening et pour l'achat des billets d'entrée, rendez-vous sur le site happyhappening.
    Euh… Lire les étiquettes? J'en parle à déjeuner, j'essaie d'évaluer si je suréagis: «Qu'est-ce que c'est que ce truc? Ils veulent faire un blog de filles? Vous croyez qu'ils auraient mis un diététicien dans un salon "pour hommes"? Inutile, répond H., eux, ils savent lire les étiquettes.» (Fou rire autour de la table)

    Depuis j'essaie de relativiser, de me dire que les hommes sur "leurs" salons ont aussi droit à leurs futilités, le vin, les voitures, le foot, la bière, (les putes…)
    Enfin bon, bis.


    Et maintenant, la question qui tue: fais-je part de ma protestation à mon chef? Nous avons pourtant dans le groupe une manifestation plus porteuse de dynamisme (sans compter le mécénat pour le cinéma et les maladies rares, mais ceci n'est pas spécifiquement féminin).


    Agenda:
    Magnifique lever de soleil sur La Défense.
    Pris mon temps à boire un café pain d'épice au Starbuck en attendant que le soleil soit vraiment levé.

    Epître aux Hébreux

    — Il y a les sept proto-pauliniennes, 1 Thessaloniciens, Galates, les deux aux Corinthiens, Romains, Philippiens, Philémon; les deutéro-pauliniennes, Colossiens, Ephésiens, 2 Thessaloniciens; les pastorales, Tite et les deux à Timothée.
    — Et l'épître aux Hébreux ?
    — En ce qui concerne l'épître aux Hébreux, souvenez-vous simplement que ce n'est pas une épître, elle n'est pas de Paul et elle n'est pas adressée aux Hébreux.

    Plumeau peupliers

    Huit de pointe. La première fois depuis trente-cinq ans, au moins. Ou la première fois tout court, je ne sais plus, en fait.
    Il ne me reste plus que le quatre de pointe à essayer.

    Caroline, ancienne internationale en train de monter dans son skiff:
    — Oh, un huit, ça ne se retourne pas. Mais ça peut casser.

    Franz, entraîneur : «en huit, deux règles de base: être assis sur ses deux fesses et ne pas plumer» (ce qui signifie qu'il ne faut pas tenter de trouver l'équilibre en compensant par le corps ou la pelle mais travailler la hauteur de mains).

    Un peu moins beau que dimanche, mais encore jambes et bras nus.





    PS : j'ai téléphoné à ma tante qui travaillait à la sécurité sociale. Anecdote:
    — Un jour, il fallait aider quelqu'un à remplir la déclaration de sa femme qui était enceinte. Il a coché "oui" à la question "s'agit-il d'un accident?" Impossible de lui en faire démordre, même en lui expliquant que pour nous, cela signifiait qu'un tiers était impliqué.
    — Après tout, c'était le cas. Avec de la chance, c'était peut-être lui.

    Détails

    Double skull Herbinet avec Jean-Pierre. Ça tangue.
    Martin-pêcheur et concert de cor sur la rive.
    Il fait toujours aussi doux, aussi beau.

    Oublié à la maison les feuilles de grec que je voulais travailler en bibliothèque. Commencé St Jean à la place.
    Tartare-frites au café. Enfin les dîners reprennent : j'ai cru que justemement l'année où je pouvais enfin y assister une demi-heure, ils n'auraient plus lieu.
    Nous avons quitté les querelles byzantines pour la théologie médiévale (christologie scolastique). A vrai dire tout cela me dégoute un peu: que de spéculations et surtout de conclusions sans aucun moyen de les vérifier, de les assurer par l'expérience objective (et surtout que de personnes jugées et rejetées à partir de telles conclusions… J'y vois une forme d'orgueuil démesuré. Est-ce l'effet de la nouveauté, comprendré-je mieux quand j'en saurai plus?)
    Science infuse. Combien de fois ai-je entendu «je n'ai pas la science infuse»? Découvert ce soir que cela a un sens précis: science infuse, science des anges qui n'ont de connaissances que ce qui est nécessaire à leur mission.
    (Et pour donner un exemple des "conclusions" dont je viens de parler: Jésus avait trois sortes de connaissances : la science acquise (expérience humaine), la science infuse et la science de la vision béatifique. Mais pourquoi s'être ainsi creusé les méninges? Qu'est-ce que cela apporte? Conclusions inutiles et invérifiables.)
    Enfin bon.
    Anniversaire de la chute du mur, de F, de l'extraction de mes dents de sagesse.
    Anniversaire d'Imre Kertész.
    Mort d'Apollinaire.

    Seul sur Mars

    Beaucoup dormi. Pas ramé, non que je n'ai été levée à temps, mais j'ai eu peur de la semaine à venir si je ne récupérais pas suffisamment aujourd'hui.

    Un peu honte de ne pas avoir profité davantage du temps hors de saison qui s'offre encore. Les fleurs de néflier attirent les papillons, leur parfum ressemble au jasmin.

    Seul sur Mars au cinéma municipal. Encore de la pub pour devenir ingénieur: vous saurez faire pousser des patates, synthétiser de l'eau, fabriquer des bombes, utiliser un code hexadécimal pour dialoguer avec la terre quand tout le reste sera KO.
    Point géopolitique intéressant : c'est la Chine qui propose son aide, pas la Russie.
    Point mythologie et nostalgie (je songe toujours à Barthes quand je vois ce genre de film): comme dans Les gardiens de la galaxie, le disco est la musique de référence.

    On passe un bon moment, c'est meilleur que Gravity.

    Cinquante et vingt

    .

    Colloque et quiproquos

    .

    L'Enéide

    Ligne 12 entre Concorde et Sèvre-Babylone, vers 18h30.

    Jeune homme en manteau, debout dans le métro, lisant l'Enéide

    J'ai failli ne pas aller ramer, mais il fait si beau que cela aurait été péché.
    Belle sortie en quatre. Peter, Gaël, François.
    — C'est le dernier quatre qui reste, si nous le cassons, je pense que nous ne ramerons plus jamais!
    — Et ben ça va, t'es optimiste!


    Grec :
    zugmos: d'où zeugme, «un pont entre deux sens», proposai-je.
    — Oui. (Elle dessine au tableau) Ce qui lie. C'est un joug. (Elle continue), d'où sun, avec, sun zeugmos, lié avec, portant le joug ensemble, le conjoint, suzugos. Et syzygie, c'est vraiment le soleil qui a rendez-vous avec la lune.
    Plus tard (Matthieu 4,13)
    Parathalassian, c'est plus qu'au bord de la mer: Capharnaüm-sur-Mer, Capharnaüm-les-Bains.

    Taphonomie

    Samedi dernier, j'avais trouvé par hasard une vidéo instructive sur un sujet généralement évité. J'avais failli en faire un billet (après tout c'était Halloween) — et puis j'avais trouvé un sujet plus léger.
    Mais aujourd'hui je tombe sur ce passage dans le policier polonais que je suis en train de lire:
    Boros nous expliqua qu'il avait jadis été consultant auprès de la police. Et qu'il avait suivi des formations en taphonomie.
    — En taphonomie? demandai-je. Qu'est-ce que c'est?
    — C'est la science de la décomposition des corps. Taphos signifie «tombe» en grec.

    Olga Tokarczuk, Sur les ossements des morts , p.199, éd Noir sur Blanc 2012. Traduit par Margot Carlier (2010 en Pologne)
    La vidéo dont j'ai parlé au début parle du même sujet : il s'agit d'une "ferme à cadavres" au Texas, destinée à étudier la vitesse de décomposition des corps, etc, et à former les étudiants. Voilà la vidéo.
    Attention, c'est assez particulier.

    Sept ans de réflexion

    Skiff et grec. Le quatre Coureuse a été cassé samedi. Collision ave un huit.

    JDC (journée Défense et Citoyenneté, à peu près) pour O.
    — C'était bien?
    — On a mangé à la cantine. Ce n'est pas très bon, mais c'est copieux.
    — Arrête, on dirait Astérix gladiateur!
    — Il y avait un test de vocabulaire, il fallait dire si le mot existait ou pas, on avait entre trois et cinq secondes. Il y en a plein qui ne connaissait pas "liseron".
    — Et serpolet? Tu connais "serpolet"?
    Non, il ne connaît pas. L'odeur d'amande amère du liseron est une odeur que j'aime beaucoup.


    Ajoutons qu'Enard a eu le Goncourt, Enard, qui fut la cause indirecte de "l'affaire JA" de 2008: JA avait écrit un billet insultant contre Enard et Zone, le blogueur Pedro Babel avait répondu, JA était devenu agressif et omniprésent (sa grande force : le temps que ce chômeur peut passer derrière l'écran contre nous pauvres tâcherons occupés à gagner notre croûte), Pedro Babel avait cédé et retiré son billet tandis que JA écrivait à tous les commentateurs du billet de Babel pour les insulter…

    C'était il y a sept ans presque jour pour jour.

    Indignée par la faculté de JA à faire disparaître d'internet les preuves de son agressivité et de son harcèlement1, j'ai décidé sur un coup de tête (et contre l'avis de PZ («cela va mal tourner et tu vas être malheureuse»: je me souviens de ses paroles en sortant du Bugsy comme si c'était hier)) de créer un groupe secret sur FB pour y collecter les traces conservées par les uns et les autres (copies d'écran, pdf, etc) des blogs et conversations disparus d'internet.

    Puis cela a dégénéré.

    Je n'en ai pas parlé tout le temps que cela a duré, par superstition, pudeur, correction; je songe maintenant à retracer la chronologie des faits. Je crée une rubrique "affaires JA", au pluriel, parce qu'il y a une affaire en mars-avril 2007, plutôt sur la SLRC, puis une affaire à partir de juin 2009, plutôt sur FB, se ramifiant en trois procès. On verra bien si j'ai l'occasion de m'y pencher de temps en temps, certains soirs.

    PS : JA nous doit encore quelques centaines d'euros, sentence du procès en correctionnel. La dernière fois que les avocats nous ont contactés pour nous en parler (février 2015), ils ont également proposé que nous fassions disparaître d'internet toutes les traces de cette affaire: les bras m'en sont tombé, JA n'a vraiment rien compris à ce qui m'avait scandalisée (et me scandalise encore, dans le principe). Nous avons refusé : que les traces restent, cette fois-ci.
    Depuis ce refus, nous n'avons plus entendu parler de rien.


    Note
    1 : Même Didier, qui avait tenu tête si drôlement à JA dans une autre querelle en 2007 (précédente affaire dite "querelle des Infréquentables" résumée ici qui faisait que JA me détestait), même Didier, donc, avait fini par mettre ses billets hors ligne, tandis que concernant les traces de cette querelle sur la SLRC, JA avait fait pression sur le webmestre pour qu'il mette les conversations hors ligne.

    Vieillir

    — Tu as l'air fatiguée.

    On me le dit souvent en ce moment. Je ne dors pas beaucoup, et encore moins depuis le changement d'heure (je n'arrive pas à me coucher), mais je crois qu'il s'agit surtout de la conséquence de mes efforts pour ne pas grossir.

    Une amie de ma mère disait: «A partir d'un certain âge, une femme doit choisir entre son visage et ses fesses» (j'ai l'impression d'avoir déjà écrit cela ici mais je ne l'ai pas retrouvé). J'étais adolescente et je n'avais pas compris. Elle m'avait expliqué qu'il s'agissait d'avoir un visage lisse et des grosses fesses, ou une taille fine et des rides.

    A ma grande surprise, je viens de retrouver cette idée dans Proust:
    Comme les femmes qui sacrifient résolument leur visage à la sveltesse de leur taille et ne quittent plus Marienbad, Legrandin avait pris l'aspect désinvolte d'un officier de cavalerie.

    Marcel Proust, La Fugitive, p.665 (Pléiade, Clarac)
    Je ne pense pas ressembler jamais à un officier de cavalerie, ou beaucoup plus tard, après soixante-dix ou quatre-vingts ans.
    Ce qui m'importe, ce n'est pas tant d'engraisser que de ne plus pouvoir mettre mes robes.

    Toussaint

    Magnifique matinée. Difficile de se croire en novembre. 17° au retour de Melun.





    Aller sans retour

    Dîner d'adieu: c'est le grand départ à Boston. Je me rends compte que je ne l'ai vraiment compris que lorsque K. nous a expliqué qu'ils passaient par Reykjavík parce que c'était le moins cher pour un billet aller simple.
    (Et j'ai pensé aux colons débarquant en Nouvelle Angleterre).


    En rentrant nous déballons les derniers sacs qui nous ont été légués. H. y retrouvent des notes de service d'il y a vingt ans et deux licences Openstep sous blister, une utilisateur et une développeur. Sous blister: so Sheldon!

    Est-ce dommage ou souhaitable ?

    Parvis de la Défense, des jeunes gens en coupe-vents oranges arrêtent les passants au profit de la lutte contre le cancer:

    — Madame, vous auriez quelques minutes ?
    — Non, je dois aller travailler.
    — Est-ce que le travail est plus important que l'amour?
    — Ça rapporte plus.

    Perrette

    Ce matin j'ai déposé un chèque de cinquante mille euros sur mon compte courant. C'est un don de mes parents qui ont vendu la maison achetée peu avant la mort de mon grand-père, dans l'idée d'y accueillir ma grand-mère veuve ou mes tantes.
    Mais ces projets n'ont jamais pris corps et ma sœur et moi en récoltons les fruits aujourd'hui.

    Durant les derniers semaines j'ai récupéré les identifiants et les mots de passe des différents des différents comptes en banque et livrets, je me renseigne sur l'épargne salariale. Je rêve de ce qu'il vaêtre possible de faire pour la maison.
    Mais déjà payer les études de A. sans avoir besoin de planifier prudemment tout au long de l'année.

    Des stats tristes

    Rien à raconter, alors je mets quelques liens de sujets effleurés sur FB :

    - le rapport du Crédit Suisse sur la richesse mondiale (merci JY) et ma mauvaise conscience à savoir que je fais partie des 5% les plus riches (évidemment, cela fait trois cent cinquante millions de personnes malgré tout);

    - la courbe descendante des tués sur la route en quarante ans;

    - des chiffres sur le suicide (2006. De la difficulté d'identifier précisément un suicide. Des hommes âgés de plus de 45 ans et non des adolescentes anorexiques. Etc.) Un observatoire a été créé en France en 2014.
    Le projet le plus extraordinaire que je connaisse contre le suicide est celui-ci. Il a été transplanté en Allemagne, j'aimerais qu'il s'implante en France.

    Skiff bleu ciel, confiture de tomates vertes et terrine de queue de bœuf

    Le skiff a été réglé pour ma morphologie, cela me fait infiniment plaisir. L'aviron me sert de psychanalyse, un peu. Il y a "des choses" qui remontent et qui sont consolées. C'est comme si j'avais droit à une seconde chance, ce qui n'arrive pas souvent. (Par ailleurs j'ai commencé Comment faire rire un paranoïaque, ce qui doit m'influencer. Ce que je lis teinte mes journées.)
    Soleil poudré sur la Seine, magnifique.

    Sonné chez les voisins à 22h16: pas de carottes pour la queue de bœuf. Heureusement 1/ ils ne dormaient pas encore 2/ ils avaient des carottes.

    Confiture en pots. Trop liquide à première vue. Je l'ai faite au citron, d'habitude (avant ce blog, avant 2006!) je la faisais à l'orange: je crois que je préfère. Il faudra que je cherche ma recette. Je ne sais pas si je l'ai encore.
    Ce que j'aime dans cette confiture, c'est sa couleur.

    Mon autre recette fétiche, c'est la pâte de coings, mais je n'ai plus le courage d'éplucher les coings.

    Maison de Victor Hugo et films catastrophes

    .

    Petite journée petit moral

    J'écris cela sur l'iPad de la maison -- première fois que je m'en sers, je déteste mettre mes doigts dans l'écran pour écrire, mais j'ai oublié mon portable à Blois mercredi.

    Je mets en ligne des notes — à développer ou pas — depuis début septembre.

    Le nouveau stagiaire: entre thèmes zemmouriens (la perte de repères des hommes) et art or manliness (le mystère du mouchoir en tissu: — A quoi ça sert? Je n'ai jamais compris. — Ça sert à être donné.)

    L'ultime secret du Christ: intéressant et bien fait — mais c'est incroyable l'ignorance commune que ce livre semble démontrer.

    U.N.C.L.E: utilisation de la musique comme Sergio Leone et Wes Anderson. C'est reposant, un film sans cascade et sans scène de cul explicite.

    Galichon

    Skiff bleu liseré de noir.
    Toujours pas assez de kilomètres en skiff pour l'obtention de l'aviron d'or (tant mieux, ça m'évitera de venir le passer samedi, ça aurait encore posé des problèmes.)

    Mais Vincent va régler ce skiff pour moi (enfin, pas vraiment "pour moi", pour "les petits gabarits", mais c'est en me voyant ramer dedans qu'il l'a décidé).
    Un sujet de satisfaction à ne pas négliger en ce moment.

    Chambord et chocolat

    Visite de Chambord le matin (arrivés trop tard pour la "visite insolite", de toute façon complète).
    Château glacial. Dans mon souvenir, on parlait surtout de François Ier, aujourd'hui, c'est le comte de Chambord qui est à l'honneur.
    D'autre part, j'ai appris que le roi Stanislas Leszczynski avait vécu huit ans à Chambord (la Sologne devait être vraiment terrible (les moustiques) car il l'a quittée sans regret pour Nancy), ce dont je n'avais jamais entendu parler. Il se confirme qu'il faut tout revisiter tous les dix ou quinze ans.
    Mais dieu qu'il fait froid dans ce château.

    Chocolaterie Vauché l'après-midi à Bracieux. Le cacao vient directement d'une île au large de la Côte d'Ivoire et tout est manuel, récolte, préparation des cabosses, etc. C'est tant de travail que c'est incroyable que le chocolat ne coûte pas plus cher.

    Je découvre sur le parking de la chocolaterie une statue de Porthos, baron de Bracieux: voilà un détail que j'avais totalement omis. Cette baronnie n'existe pas, mais tant de gens sont venus chercher le château que la municipalité a érigé cette statue. (Damned: et le prénom de Porthos est Isaac!)
    […] Alexandre Dumas n'était ni un historien ni un géographe mais un romancier. il existait bien un mousquetaire nommé Isaac de Portaut fis d'Isaac de Portau secrétaire du roi et notaire général de Béarn en 1606. Né à Pau le 2 février 1617, il obtient la casaque de Mousquetaire en 1643. Sa carrière n'est pas autrement connue. (Etude biographique sur les trois Mousquetaires par Jean Jaurgrain 1910).

    Selon Dumas au chapitre XIV [de Vingt Ans après]: «Porthos, de son nom de terre, s'appelait de Bracieux et à cause de cette terre était en procès avec l'évêque de Noyon … La terre de Bracieux était à quatre lieues de Villers-Cotterêts… Bracieux était près de Melun». […]

    Extrait d'une feuille explicative au dos du socle de la statue. Signé Daniel Desroches, Maire de Bracieux, 6 juillet 2007
    Rentrée avec A. en écoutant Albertine disparue. J'ai oublié mon portable à Blois.

    CNAM et théâtre

    Visite du musée du conservatoire national des Arts et Métiers -- ouvert le mardi.

    Pièce Atlantide 14. Allez-y.

    Louvre et Tour Eiffel

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    Le retour de Félix

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    Ephèse, ménage et engueulade

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    Choix exégétique

    Le choix entre les manuscrits dans le Nestlé-Aland.

    Spéculations

    Aujourd'hui j'ai vu
    Aujourd'hui j'ai vu un administrateur syndicaliste prôner l'assurance (chacun paie pour ses risques) contre la solidarité (chacun met la même somme dans le pot commun qui sert à tous en cas de besoin).
    Ah. Et nous allons (nous risquons, mais comme il n'y a pas moyen de discuter, nous allons le laisser faire) sans doute passer de deux tarifs à seize (deux fois huit) pour une population de deux mille huit cents adhérents. (Soyons justes, c'est aussi une conséquence (enfin, une conséquence possible, pas inéluctable) des changements législatifs sur les contrats responsables et le panier de soins.)

    Comment expliquer le ridicule d'une telle finesse pour des nombres si petits?
    Cela ressemble à calculer Pi avec une précision de six décimales à partir d'une boîte de conserve, d'une ficelle et d'un double décimètre: entre la grosseur de la ficelle, la probabilité de ne pas avoir pris la circonférence circulaire (mais une patatoïde) ni le diamètre au milimètre près, deux décimales seraient une approximation raisonnable entre la grossièreté de la mesure et la précision du calcul (je suis quasi sûre d'avoir expliqué cela quelque part ici).
    (En d'autres termes, il suffira d'une personne qui se casse la jambe pour déséquilibrer totalement le résultat technique d'une formule.)

    La conclusion de ceci est assez simple : soit le conseil d'administration se lance dans cette folie et j'ai du travail pour longtemps à faire des petits tableaux sur Excel (j'aime bien), soit les employeurs jettent l'éponge et je vais devoir trouver un autre poste (enfin, tout cela à terme, cela va prendre du temps, un ou deux ans).

    (Heureusement, concile d'Ephèse, christologie descendante, Nestorius et Cyrille).

    Rien où poser sa tête

    La réédition de Rien pour poser sa tête est imminente. Michel Francesconi m'apprend qu'un article du Nouvel Obs cite mon nom et mon blog.

    Questions

    Antoine me demande pourquoi j'ai entrepris ce cycle de théologie. La question lui a été posée ce week-end et visiblement il n'a pas réussi à convaincre son auditoire. Je parle de la nécessité de se former pour avoir une parole légitime dans un monde où la, les, religions ont pris une importance inattendue (inattendue il y a vingt ou quarante ans) et sans doute démesurée pour la tranquillité du globe.

    Plus tard, Nicole, sans avoir connaissance de cette conversation et alors que je proteste contre les questions byzantines (au sens propre) concernant les deux natures du Christ, dit quelque chose comme «Tu n'as pas des questions, toi? on ne vient pas ici si ce n'est pas pour répondre à quelques questions» (heureusement Vincent se met à rire: «je découvre des questions que je n'aurais jamais songé à me poser», ce qui est un peu mon point de vue, à cela près que je ne me les pose pas davantage maintenant.)

    Sans doute que je ne m'en pose pas assez. Mais les réponses me paraissent si ridicules, si humaines, si réduites à notre taille.

    Quand j'avais six ou sept ans, au catéchisme, on nous a raconté l'histoire d'un enfant en train de creuser un trou dans le sable sur la plage. Un sage passe et lui demande ce qu'il fait: «je creuse un trou pour y mettre la mer», répond l'enfant. Le sage comprend alors que vouloir contenir Dieu dans son esprit est aussi ridicule que vouloir mettre la mer dans un trou creusé dans le sable.
    (Des années plus tard (quand et comment?) je découvris que c'était un récit de Saint Augustin.)
    Quoi qu'il en soit, la leçon a laissé des traces indélébiles. Il faut bien avouer que les réponses humaines me font sourire, mais la persistance à en chercher et à en trouver (trouver, inventer: synonymes, oui ou non?) m'intrigue: les théologiens sont des gens fins, intelligents et cultivés, et eux ne trouvent cela ni déplacés ni ridicules.
    Donc donc donc… Donc quoi?

    Arrivée de l'automne




    Suite de l'exploration de la fibre : fin de True Detective série 1. Episode 1 de The Blacklist (pas mon genre) et de Sherlock Holmes (il ressemble à Sheldon).

    O. au concert de Danny Elfman et A. dans le train pour Lisieux.

    Bon, c'est un peu le bazar partout, mais tant pis.

    En trois mots

    Marché, sieste, film (L'étudiante et monsieur Henri (dans la salle de ma ville)).

    Le soir, trois épisodes de True Detective. Obsédant.

    Vendredi varié

    Deux heures de travail à la bilbiothèque de Sciences-Po (de 8 à 10). J'ai fini le "résumé" de Cerisy (je me demande bien s'il servira à quoi que ce soit) et commencé le grec pour jeudi.

    Failli arriver en retard au Caroussel du Louvre (fermeture des portes à 10h30) pour le grand raout de la boîte. Apparemment nous fêtions l'anniversaire d'une ancêtre de l'entreprise actuelle, la société d'assurance la Royale créée en 1816. Quoi qu'il en soit, c'était très réussi. Nous avons si peu l'occasion de nous voir tous — et le champagne était très bon (Demoiselle (What? le site demande si nous avons l'âge légal pour le visiter?!!)

    A 16h45, rendez-vous chez un psy pour A. Apparemment le courant a eu l'air de passer et elles projettent de se revoir. A suivre (de loin: d'une certaine façon, cela ne nous regarde pas vraiment).
    En sortant, nous croisons une brocante près des Invalides et nous trouvons des œuvres complètes d'Agatha Christie dans la collection Rombaldi (un peu jaunie) qui est un souvenir d'enfance. Nous l'emportons.
    Et pour finir, profitant que pour une fois nous sommes ensemble à Paris, H. propose de faire les boutiques et je renouvelle une partie de ma garde-robe : j'ai de plus en plus froid, adieu les robes sans manche. (Maintenant il va falloir que je me débarrasse de ce que je ne mets plus, et j'ai vraiment du mal à faire cela. C'est comme si j'abandonnais de vieux amis. Je vais peut-être stocker dans un carton en attendant de me décider).

    Dernière réunion de rentrée

    Réunion de terminale pour le benjamin: ce soir se clôture le cycle des réunions inaugurées il y a bien longtemps avec une rencontre entre équipe et parents à la crèche d'Aubervilliers.
    A-C m'a dit qu'elle était à Paris et prenait un train à Montparnasse, je l'ai invitée à venir: après tout O. est son filleul, et elle a un fils qui sera en terminale dans deux ans: cela pouvait l'intéresser (elle est restée une partie de la réunion).

    Avouons que je viens surtout pour le speech du directeur, sa voix, son phrasé, sa façon de trouver une façon intéressante de dire ce qu'il dit chaque année, douze à quinze fois puisqu'il y a une telle réunion pour chaque niveau, de la maternelle à la terminale (mais peut-être n'assiste-t-il pas à celles de maternelle).

    Le grand sujet cette année, bien sûr, c'est le bac et surtout ce qui vient après, et donc "l'APB", l'admission post-bac. C'est une procédure en ligne qui consiste à donner ses choix entres diverses écoles, universités et formations, en les classant. Il est possible de donner jusqu'à vingt-quatre choix (pour sept cent à huit cent mille inscrits chaque année: vive l'informatique et bonjour la salade), dont six dans des filières "non sélectives" et un dans une filière non-limitée en places (genre le malgache ou l'histoire juive (??!!), il y aurait toujours de la place (je ne suis pas sûre d'avoir compris, je suis quasi-sûre de ne pas avoir compris)).

    Il faut donc faire des choix et les classer.
    Le directeur nous raconte une étude intéressante: dans un restaurant, quand quelqu'un hésite fortement entre deux plats, finit par en choisir un et que l'on revient de cuisine en disant qu'il n'y en a plus, le plus souvent il ne prendra pas l'autre plat avec lequel il avait hésité. La déception a été trop grande, l'investissement émotionnel trop fort.
    C'est pourquoi il invite les élèves à penser en terme de préférences et non de choix. Il s'agit de classer, hiérarchiser, les lycées et formations possibles, et plus de quatre-vingt pour cent des élèves ont un de leur trois premiers choix.

    Le degré zéro de l'écriture

    Je me réveille et je découvre ce lecteur.
    Ligne 1 vers 17 heures direction Vincennes.





    Pas de cours ce soir : le professeur vient de Nice et est bloqué par les dégâts des inondations.

    Brume

    Début d'automne. Brume au dessus de la Seine. Premières rousseurs.
    Peu ramé, peut-être trois kilomètres, mais c'est toujours plus que jeudi où je n'avais que barré. Formation des débutants.

    Retournés voir Agents très spéciaux avec C. et I. La bande-son est vraiment très bonne et l'utilisation des clichés parfaitement orchestrée. Quel sens du tempo, légèrement ralenti. Le James Bond des années 2010-2020.

    Kitsch

    J'ai récupéré mon tableau. Je n'ose en mettre une photo en ligne. Mais ça me fait plaisir.
    Maintenant, il faudrait que ce tableau devienne suffisamment associé à moi pour que l'un des enfants souhaite le récupérer à ma mort. Est-ce possible? En attendant, je l'ai posé à côté de mon bureau, contre l'étagère. L'encadreuse a gentiment et très soigneusement recopié au dos du cadre tous les renseignements écrits le long de l'affiche. Ce n'est pas parce que celle-ci date de 1939 que cela signifie que mon grand-père l'a achetée cette année-là (je ne peux m'empêcher de penser que le cadre argenté est une idée à lui. C'était son style). Je ne saurai jamais.

    Agents très spéciaux - Code U.N.C.L.E avec A. et O. Etonnament bon (je veux dire que je ne m'attendais pas à ce que ce soit si bon).

    A chacun son Snowden

    A a hacké le wifi de l'école et distribué les documents qu'elle a trouvés à ses camarades de classe.
    Renvoyée une semaine.

    (C'est ça qui est bien avec le privé : ils ne te renvoient pas définitivement, ils ont besoin de clients.)




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    Mise à jour le lendemain
    Finalement l'école a suréagi à un incident mineur. Cela prouve simplement l'épuisement de l'administration et des professeurs face à une personnalité difficile. (Comme dirait C., «cela leur a pris deux ans, c'est un progrès»).
    Il y avait eu des signes avant-coureurs, des commentaires dans ses bulletins trimestriels de l'année dernière qui ressemblaient à ceux du collège. Avec naïveté et paresse, j'avais considéré que c'était désormais son problème, elle était majeure.
    Cet été, je lui avais demandé si elle voulait voir quelqu'un pour comprendre, faire des progrès. Réponse: «c'est eux qui ont un problème, pas moi.»
    Cette fois-ci, elle ne va pas avoir le choix. Mais ce sera à peu près inutile tant qu'elle considèrera qu'elle n'a rien à changer. Ne s'aperçoit-elle vraiment de rien, ou se joue-t-elle de nous? Se ment-elle ou nous ment-elle? Cela aura été la question de toute son enfance.

    Ça se discute

    Entendu sur un passage clouté rue Royale, au niveau de la place de la Concorde, un jeune homme à une jeune fille:

    — Le problème, c'est qu'il n'y a que trois cent soixante cinq jours par an. Tu ne peux pas avoir plus de paires de chaussures que de jours.

    Dilemme

    Ce moment où, recevant la facture de Cerisy que tu as réclamée, tu te demandes si vraiment tu peux remettre au CE une facture intitulée «Jean Greisch: raison phénoménologique et raison herméneutique» dans l'espoir de récupérer quelques euros en remboursement de ton hébergement.

    Et je me demande aussi si vous, ô lecteurs qui ne travaillez pas en entreprise, comprenez le problème ou l'enjeu. L'enjeu, c'est le silence et le vide, c'est la gestionnaire du CE avec qui je parle de (taille de) maison, de camping, d'enfants, qui va m'éviter (paranoïa de ma part? ou expérience accumulée au long des années?), c'est le regard goguenard du délégué CFDT administrateur de la mutuelle qui n'aura rien compris au titre mais en aura tiré la conclusion que décidément je suis barge et prétentieuse. (Lui m'est égal et cela me ferait plutôt rire, mais j'aime bien la gestionnaire du CE.)

    Journée Défense et Citoyenneté

    Vous pouvez contacter par mail l'organisme chargé de l'organisation de la journée.
    Ce n'est pas un lien que je copie-colle, c'est une adresse sur un courrier que je recopie lettre à lettre:
    dsn-esnidf-csn-versailles.jdc.ftc@intradef.gouv.fr

    (J'ai le vague soupçon que cette adresse constitue l'un des tests auxquels les jeunes citoyens sont soumis lors de cette journée.)

    Bibliothèque Pompidou

    Je teste. Je teste les horaires, les temps de déplacement.
    Je prépare la journée de cours de samedi prochain.
    Je n'étais pas venue ici depuis un anniversaire de Matoo.

    (Comme je regrette de n'avoir pas photographié en leur temps les rayonnages vert pomme. Mais "en ce temps-là" les appareils photo n'étaient pas des téléphones.)

    Organisation

    J'ai compté sur mes doigts et suis arrivée à la conclusion que je ne pouvais pas faire d'allemand cette année (pas le temps de le travailler) et qu'il fallait que je n'aille ramer qu'une fois dans la semaine (plus le dimanche). Il faut également que j'aille en bibliothèque deux heures par jour: à la maison, je n'ai pas le courage de travailler.
    La bibliothèque de la catho est ouverte jusqu'à vingt heures (avec les travaux, les horaires sont décalés vers le soir: cela veut-il dire qu'ils ne font du bruit que le matin? ça va prendre des années!), celle de Pompidou jusqu'à vingt-deux heures, mais l'épatante, c'est celle de Sciences-Po: de huit à vingt-trois heures!

    Premier cours de grec III (au programme l'optatif, mais il faut bien avouer que je ne maîtrise pas du tout les verbes en -mi. Je ne viens que pour lire et traduire. J'ai l'impression de découvrir des secrets.) Encore une jeune femme en prof, peut-être italienne, avec des cheveux noirs longs et bouclés qui me font penser à une héroïne d'Hugo Pratt.

    Blanc

    La correspondance ligne 1-ligne 12 à Concorde a été interrompue d'avril à juillet l'année dernière, compliquant mon dernier trimestre (et qui dit complication dit fatigue supplémentaire).

    Cela en valait peut-être la peine (maintenant j'attends la fin de la rénovation des Halles avec curiosité. L'autre jour j'ai découvert que le passage vers la ligne 14 avait été considérablement ouvert et dégagé).

    Ligne 12 station Concorde, ce soir vers six heures.




    Agenda
    O. dans les Cévennes pour une semaine pour le programme de géologie de terminale. Rendez-vous à Port Royal à cinq et demie du matin. Le cours de ce soir a été dur.

    Barbecue

    « Même le niveau des analphabètes a baissé. »

    A nos sociétaires morts pour la France

    A midi, j'ai vu quatre embarcations vénitiennes (dont deux gondoles) passer sur la Seine. Peut-être des équipages de l'ACBB s'entraînant pour la régate des bateaux historiques?
    Mauvaises photos, dommage.


    En quittant le bureau, je suis passée devant les plaques commémoratives de la SACEM à Neuilly que je n'avais jamais remarquées:


    Running gag

    Est-ce encore drôle? A. arrivée à Lisieux m'envoie un sms: «Envoie mes clés chez Pauline».

    Explication: elle les a oubliées à la maison et est passée prendre son double chez Pauline (ouf! la dernière fois elle avait repris le train dans l'autre sens). Mais ce trousseau de secours ne comporte pas la clé de la boîte à lettres, il faut donc que je poste le trousseau complet chez son amie car elle ne pourra pas le récupérer si je le poste à son adresse.

    Mes drôles de dames

    Mon moral est un peu remonté hier en constatant que parmi les cours flottants qui nous sont proposés, un est professé par Yara Matta. «Figures et ministères de femmes dans le nouveau testament», le genre de sujet que j'évite spontanément: je déteste ce que je ressens comme un hochet destiné à nous expliquer que nous sommes reconnues dans l'Eglise et que notre sort n'est pas à plaindre alors que la réalité est que, quelles que soient l'opinion et la valeur des hommes d'Eglise qui nous entourent, la structure nous laisse dans les marges en préférant penser à nous comme à des mères que comme à des personnes à part entière ("citoyen de seconde zone", diraient les homos). Mais bon, si c'est Yara Matta qui est le professeur, j'y vais sans hésiter. Je regrette encore d'avoir écouté les conseils qui en première année nous avaient déconseillé de suivre son cours sur les Psaumes au prétexte qu'il valait mieux attendre d'avoir fait le cursus sur l'Ancien Testament: l'année suivante, ce cours n'existait plus et j'en ai un regret profond.

    Anne-Sophie Vivier-Muresan spécialiste de l'islam (signe des temps, cette année son cours est recentré sur l'islam en France), Anne-Catherine Baudoin spécialiste de grec et Yara Matta, exégète bibliste, un trio exceptionnel. Quelle chance de les avoir comme professeurs.

    Si je m'inscris en grec III (mardi soir toute l'année 19-20h), en cours flottant (mercredi jusqu'à Noël 20-22h) et en lecture grecque (un jeudi par mois, neuf jeudis au total, 19-21h), il va y avoir des semaines où je vais être en cours quasi tout les soirs (enfin, deux ou trois fois: en octobre, novembre et décembre).

    Rêve

    Jean Greisch commente mon exposé:
    — Ce que vous avez fait, ce serait plutôt l'herméneutique du voyageur. Vous pouvez faire mieux, aller plus loin.
    Je me débats pour comprendre ce qu'il veut dire, où voudrait-il que j'aille?
    — Il faudrait atteindre une herméneutique de la vérité.
    Parmi les présents, Jo (je sais que c'est lui) enchaîne. Je me concentre, mais les paroles ne me parviennent pas nettement.
    Le réveil sonne.

    Encore heureux que les paroles ne me parviennent pas nettement: comment pourrais-je conceptualiser en rêve quelque chose que mon cerveau ne peut concevoir (moi) éveillée? (Et pourtant, je suis un peu déçue: car si j'y arrivais en rêve, alors je saurais que j'en suis capable éveillée).
    Mais c'est joli, "herméneutique du voyageur". Qu'est-ce que j'ai voulu dire?

    L'anniversaire de Marignan

    Aucun rapport avec la suite, simplement j'ai entendu cela ce matin à la radio et je voudrais m'en souvenir.

    Pour une raison mystérieuse, je m'étais mis en tête que les cours ne recommençaient qu'en octobre, heureusement qu'un mail d'une amie s'étonnant de mon absence lundi dernier m'a avertie de mon erreur (pas de regret, j'étais à Cerisy).

    J'arrive pour six heures, pensant travailler deux heures en bibliothèque, mais celle-ci ferme, les horaires d'été s'appliquent encore (je n'ai que le temps de rendre trois livres, un lu à moitié (JH Newman), un acheté depuis (Auguste Diès), un non lu (Hermann Gunkel)) et je me retrouve au café.

    Un coreligionnaire (j'aime avoir l'occasion d'employer ce mot à bon escient) me rejoint. J'espère ne pas l'avoir trop démoralisé. Il faut dire que je commence l'année avec difficulté. Pas d'enthousiasme, pas de goût, pas de désir — même pas celui d'abandonner. A lui qui essaie de me motiver en me disant que nous avons fait la moitié du parcours (quatre années sur huit), je réponds que dans l'escalade d'une montagne, la seconde moitié est la plus difficile — qu'en fait chaque pas est plus difficile que le précédent. Tout cela manque tant de chaleur, je voudrais un prof, un prêtre, n'importe qui de n'importe quel statut, qui vienne nous parler de foi et non de raison. Ras-la-casquette de la raison. Si j'étais raisonnable, je ne suivrais pas ces cours. Et la raison, c'est tellement banal. Un peu de folie, nom de Zeus.
    C'est le moment de la traversée du désert, celui où il faut continuer sans plus croire à rien, en rien, même pas qu'il y a un autre côté du désert. Juste s'obstiner toujours dans la même direction. J'ai prouvé des aptitudes à cela par le passé. Mais ça ne m'empêche pas de râler.

    Chaos

    Aviron. Yolette avec des débutants ayant un équilibre remarquable (je les qualifie de débutants exceptionnels, mais je doute qu'ils m'aient pris au sérieux). Pas de photo, pas eu le temps. Il fait gris à la limite de la pluie. Tout est vert, rien n'est roux, pourtant quelques arbres plus foncés annoncent l'approche de l'automne.
    Je suis bien plus fatiguée que ne le mériterait cette heure d'aviron. Dès que j'arrête trois semaines tout est à recommencer.

    Nos amis qui déménagent à Boston tentent désespérément de vider leur appartement (qu'ils vendent). Profitant du break d'A, nous passons récupérer leur table de jardin (c'est pratique un break). Nous repartons avec des sacs de DVD et de blue-ray, quelques BD et … un clavier électronique (un piano, quoi. J'entends Kwa qui fait l'article à A: «ce sont de vraies touches sensibles à la pression, pas des interrupteurs.» Ah. Voilà une comparaison qui ne m'aurait pas effleurée, même si elle éclaire parfaitement le fonctionnement du piano pour une béotienne de ma sorte.)

    Kwa parcourt les annonces immobilières américaines et se trouve confronté à des problèmes de compréhension. Une salle de bains et demie signifie une salle de bain comprenant une cuvette de WC, le demi renvoyant à une pièce à part ne contenant qu'une cuvette de WC, nos traditionnelles toilettes.
    Nous dévions sur les dimensions culturelles de la notion d'intimité. Kwa a demandé à une collègue la raison dans les toilettes publiques des parois qui laissent voir chaussures et bas de pantalon, «parfois jusqu'aux genoux», m'assure-t-il (j'ai du mal à y croire). Je pensais que c'était pour des raisons de sécurité (repérer plus vite toute personne faisant un malaise (j'ai dû regarder trop de film avec des personnages vomissant et ayant des overdoses dans les toilettes)), en fait ce serait pour des raisons de ventilation: faire disparaître plus vite les odeurs, ou tout au moins en brouiller l'origine précise…
    C'est alors qu'il nous raconte le carrelage noir et brillant de toilettes américaines qu'il a fréquentées un jour, carrelage faisant miroir: «ça fait une drôle d'impression, toutes ces couilles vues du dessous. Je me suis dit que Mimi Mathy bénéficiait d'un point de vue tout à fait différent du point de vue ordinaire.»

    En rentrant, nous échangeons les tables de jardin (la précédente, blanche en plastique, un cadeau de mariage alors que nous étions encore en train d'organiser des soirées étudiantes (nous étions les seuls à avoir un jardin), a été percée par la grêle) et rangeons l'immense parasol. Nous déballons les DVD sur le canapé pour commenter nos choix. Le clavier emballé, un carton d'un mètre cinquante, est appuyé contre le mur. Un bloc de tiroirs (apparemment nous appartenant il y a bien longtemps et qu'ils ont tenu à nous rendre) gît sur le tapis. C'est le souk, quatre semaines de vacances et c'est le souk, adieu l'espoir d'avoir une maison rangée avant de retourner travailler.

    Tant pis. Je suis tombée sur une vidéo («Assieds-toi et écris ta thèse») qui donnait une loi du temps que je ne connaissais pas: plus nous planifions quelque chose pour une date éloignée, plus nous pensons que nous aurons du temps à ce moment-là. (Il doit y avoir une formulation plus claire et plus concise, il faudra que je réécoute la vidéo). En tout cas, voilà enfin la théorisation de mes échecs répétés à réussir à mener à terme mes tâches remises aux vacances "parce que j'aurai le temps".

    L'interprète avec Nicole Kidman. Pas si mal mais pas très bon. En particulier, la phrase initiale qui met en branle le suspense n'a aucune raison d'avoir été prononcé en ces termes. Ou alors dans un embranchement de l'histoire non traitée par le film!

    Courses

    J'ai encore deux jours de vacances. J'en ai profité pour faire des courses que je n'ai jamais le temps de faire : passer à la poste récupérer un code secret pour gérer mon livret A depuis internet (je me rendrai compte quelques jours plus tard que cet imbécile de chargé de clientèle ne m'a pas donné d'identifiant — je ne sais s'il l'a fait en connaissance de cause); passer chez le bijoutier pour faire remettre une goutte d'ambre au centre de boucles d'oreilles qui ressemblent à des flocons de neige et réenfiler un collier de lapis-lazulli (cassé à Dessau); passer chez l'encadreur pour faire changer le cadre d'un tableau ayant appartenu à ma grand-mère.

    Je ne sais si c'est très laid ou juste très kitsch. Il s'agit d'une reproduction de la Vierge noire de Czestochowa dans les tons verts, jaunes et blancs datant de 1939 (j'ai découvert la date aujourd'hui quand l'encadreur a démonté le cadre argenté à moulures de plâtre). Je l'ai toujours vue au-dessus du lit de mon grand-père et de ma grand-mère et lorsque nous avons vidé la ferme en 2003, c'est ce que j'ai voulu récupérer.
    Je suppose que c'est hideux pour tout le monde — mais pas pour moi. Le cadre friable commençait à partir en morceaux, quand j'ai demandé à ma mère (par l'intermédiaire de H.) si elle pouvait le réencadrer, elle a répondu que je ferais mieux «de mettre cette horreur à la poubelle». J'ai posé le cadre à côté de mon lit (H. ne veut pas qu'on l'accroche au mur!) en attendant d'avoir les fonds pour faire réencadrer cette reproduction.
    Ce jour est arrivé. J'ai choisi une baguette ridiculement large, profonde, dorée, roccoco, qui j'espère ira parfaitement avec le kitsch de cette reproduction passée au soleil.

    Débuts

    Au petit déjeuner, je me retrouve en face de Joseph O'Leary pour lequel j'éprouve une amitié particulière du fait de la façon familière dont ses amis l'appellent "Jo" (cela me rappelle mon oncle : étrange raison pour laquelle apprécier quelqu'un, totalement affective et irrationnelle. Mais quelle importance quand cela porte à l'affection et non au dégoût?)
    La conversation est passionnante. Il est irlandais et professeur au Japon, passionné de musique. Nous parlons de la Genèse, je lui parle des podcasts de Römer: «Vous aimez internet? — Oui. — Internet a ruiné ma vie, me déclare-t-il avec conviction. Je lève un sourcil interrogatif. — Sans internet, j'aurais davantage travailler mes idéogrammes, je parlerais mieux japonais, je n'ai pas assez travaillé.»
    Il me parle de Saint Augustin, de telle façon que je demande: «Vous l'avez lu en latin? — Oui, c'est important, il faut s'imprégner du rythme de la phrase. — Hmm. J'ai du mal avec le latin, et encore plus avec les traductions en français du latin. — Saint Augustin, c'est facile, très clair, sauf au début où il essaie de ressembler à Cicéron.»
    J'ai fait une note intérieure : lire Augustin en bilingue (non, pas en latin, je ne me fais pas d'illusions sur mon niveau). De toute façon, en à peine trois jours, une évidence s'impose (une évidence peut-elle ne pas s'imposer): l'importance des longues. Tous les intervenants sont au moins trilingues, français-allemand-italien, et je suppose que l'anglais va de soi. Il faut dire aussi qu'être luxembourgeois est un avantage (mais tous ne sont pas luxembourgeois)…


    La suite… j'ai un problème pour continuer. Je suis timide et j'ai peur. Si je mets des noms, vais-je être repérée, reconnue? (Les noms cités ne sont pas si présents sur le net que mon blog ne puisse arriver assez haut dans les requêtes Google) Assumé-je d'être reconnue? D'un autre côté, il y a le petit pang de fierté à raconter une anecdote avec des noms connus…
    D'un autre côté — encore — c'est une illusion de croire que ce que j'écris ici ait une quelconque importance.


    Voici donc des anecdotes, des souvenirs. Je laisse le contenu des interventions qui, avec de la chance, seront publiées en actes.


    Souvenir de Jean Greisch lors du colloque autour de Lévinas à Cerisy : « Levinas était un adversaire farouche du sacré. Un après-midi nous sommes allés visiter Bayeux. Soudain je vois Lévinas se troubler, s’arrêter devant une porte surmontée de l’inscription «sacritia». Inquiet, il se tourne vers moi et me demande ce que cela signifie. Je lui réponds pour le rassurer : «c’est le vestiaire du prêtre qui se prépare pour la messe». A ce moment-là un prêtre sort en aube et Lévinas pousse un soupir de soulagement : «Regardez, vous aviez raison».

    Une remarque de JG : «ce qui m’a toujours impressionné, c’est que lorsque les événements deviennent vraiment importants, les témoins dorment ou s’endorment (jardin des Oliviers, etc). JG ajoute (en opposition à Ricœur) : «Dieu est trop précieux pour qu’on le laisse aux théologiens.»

    E. Falque commence son intervention en offrant deux peluches à JG: un hérisson et un renard. C'est une allusion à un article de EF dans les Mélanges offert à JG (Le souci du passage) dans lequel EF comparait JG à un renardet lui-m ême à un hérisson (allusion à un adage antique commenté par Isaiah Berlin : « le renard connaît beaucoup de choses, mais le hérisson connaît une grande chose ». JG, piqué, y a répondu dans un conte Le Renard et le Hérisson).

    Une remarque de JG: «En Souabe on dit de quelque chose qui s’est passé depuis très longtemps : c’est tellement loin que bientôt ce ne sera plus vrai. Le Christ est peut-être mort sur la croix, mais c’est tellement loin que bientôt ce ne sera plus vrai. Ça m’a beaucoup marqué.»

    Un souvenir de JG: «Le Cantique des Cantiques est le plus métaphorique des livres de la Bible. Je me souviens de Stanislas Breton en train de dire à Ricœur sur le pont devant le château (de Cerisy): «pourquoi le fiancé dit-il à sa bien-aimée : «tu ressembles à une gazelle», et non à un éléphant?».
    Ricœur s’est écroulé de rire et j’en ai profité pour prendre une photo en me disant : «pour une fois nous aurons une photo où Ricœur ne ressemblera pas à un bagnard».

    Le soir, le conte porte sur l'immortalité (une histoire de pirate — je n'ai pas retenu le titre et ce sont des contes non encore publiés), et après avoir bu un peu de cidre, je raconte le scénario de La mort vous a si bien et le début du Book of skulls (Silverberg) (sans spoiler la fin) devant des philosophes incrédules (une étudiante et un bénédictin que cela fait beaucoup rire (heureusement que je ne savais pas qu'il était bénédictin, je n'aurais peut-être pas osé être si peu sérieuse (il me cite Incassable)) la conversation dérive et je ne sais comment nous nous retrouvons à parler de BHL et du canular Botul. Il faut l’expliquer au Luxembourgeois présent à table. Une étudiante m’enchante en racontant que son prof écrivait « BHL » dans la marge des copies pour dire « mal écrit » et un autre que le sien (ou le même? est-il possible que deux professeurs de philo sans se connaître pratiquent le même genre d’humour? (ou se connaissent-ils?)) « Onfray » pour dire que c’était n’importe quoi.

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    Quelques livres cités
    Mélanges offert à JG : Le souci du passage
    Ricœur : La métaphore vive
    Derrida : La mythologie blanche

    Gender studies

    Le matelas est en laine et soutient merveilleusement le dos. Je paresse et me lève au dernier moment (j'ai tendance à me réveiller vers cinq heures et lire une heure avant de me rendormir, ce qui ne facilite pas le lever une heure plus tard). Le petit déjeuner est servi entre huit heures et quart et neuf heures et quart, j'arriverai toute la semaine dans la dernière demi-heure.
    (billets écrits deux semaines plus tard environ).

    Par ma fenêtre au moment de partir. Je me demande si je suis la seule à l'avoir vu.




    Première demi-journée light car j'ai cru comprendre qu'un intervenant s'est décommandé tardivement.

    A déjeuner, je suis à côté et en face de trois femmes ayant toutes réussi un concours en 1968 environ, et toutes racontent la façon dont leur carrière a été cannibalisée par leur famille, mari et enfants.
    Quoi qu'en pensent certaines, les choses ont quand même évolué. (Mais peut-être davantage au niveau des mentalités collectives qu'au niveau individuel: l'une d'entre elles me confie que si son mari, qui connaît personnellement la plupart des organisateurs, n'est pas là, c'est qu'il ne supporte pas, même s'il ne l'avoue pas, d'être le "mari de", de n'être pas celui qui est connu et reconnu.)

    Visite du château (pour moi c'est la troisième fois, mais j'apprends toujours quelque chose — ou j'ai toujours oublié quelque chose). Une nouvelle pièce a été aménagé dans la laiterie, très moderne, semblable à un laboratoire de langues (elle permet effectivement des traductions simultanées). C'est également une pièce qui respecte les normes d'accessibilité. Je suis un peu inquiète pour ce château: jamais il ne pourra se mettre aux normes sans perdre énormément de son cachet, et si les nouvelles générations accepteront peut-être l'absence d'ascenseurs (je dis bien les nouvelles, et non les anciennes), supporteront-elles longtemps les douches et les WC communs? (Quelques jours plus tard, une très vieille dame me confiera que lorsqu'on a assisté à beaucoup de colloques dans des couvents, on est habitué au confort spartiate. Qui aujourd'hui assiste à des colloques dans des couvents?)

    Le soir Jean Greisch nous parle de ses contes. Ce sont à peine des contes (pas de méchants, pas de quête, pas de récompense), ce ne sont pas véritablement des fables (pas de morale ou moralité), plutôt de courts récits à la façon platonicienne.
    Ce soir, Minerva la chouette.

    ——————————————
    Quelques livres cités
    Greisch : L'Arbre de vie et l'Arbre du savoir
    Maldiney : Une phénoménologie à l’impossible
    Maldiney : "Impuissance et puissance du Logos" dans Aîtres de la langue et demeures de la pensée
    Husserl : Sur le renouveau, traduction de cinq articles parus au Japon dans les années 20.

    Rentrée

    H. nous dépose à la gare. Coiffeur à neuf et demie (mais rien de neuf dans Elle et Gala, je suis déçue. Charlotte de Monaco ressemble à sa mère de façon frappante. Une photo la montre avec sa plus jeune sœur et une cousine (fille de Stéphanie), elles ont toutes les trois la même taille, tout cela ne nous rajeunit pas. J'apprends que Johnny Depp a du sang cherokee), achat de deux robes (en passant devant une boutique qui s'avère d'origine suédoise: un style qui me fait penser aux Japonais, j'aime beaucoup), déjeuner avec O. et un de ses amis. C'est sa dernière rentrée au lycée, la dernière rentrée de mon dernier fils, snif (bientôt la quille).
    (Je suis très concernée par son emploi du temps: cette année, ce sera huit heures tous les jours. Ce n'est pas plus mal).

    Train pour Carantilly. Je lis Un tout petit monde, ce qui n'est peut-être pas la meilleure préparation à une semaine à Cerisy.
    En réalité j'ai le trac: une semaine autour de Jean Greisch, l'herméneutique et la phénoménologie, je ne suis absolument pas sûre de suivre.

    Ondée à Lison, arrivée au soleil, chambre magnifique à l'Orangerie donnant plein ouest.





    Repas (cidre). J'entends dans le bruit une blague en allemand d'un théologien luxembourgeois que je retranscrits comme je peux en comptant sur votre bienveillance. C'est un homme qui interroge l'écho:
    — Wohin sind die Philosophen?
    — Offen, offen, offen…
    — Was machen die Theologen?
    — logen, logen, logen…

    Présentations dans la bibliothèque. J'ai changé de statut, je ne suis plus une simple auditrice, je suis étudiante puisqu'un de mes professeurs organise le colloque. Il y a toujours quelques mots qui me frappent. Cette fois, c'est: «il n'y a pas d'horloge dans le château, en tout cas pas d'horloge qui donne l'heure.»
    Ce sont les cloches qui battent le rappel à l'heure des repas. Elles sont impératives.

    Au moment du coucher, j'entends à travers les parois quelques protestations contre les douches et toilettes communes. Les chambres ne comportent que de simples lavabos. C'est étonnant finalement que rien ne filtre sur l'archaïsme de la vie à Cerisy, les escaliers étroits et inégaux, l'absence de wifi dans les bâtiments sauf un, le téléphone qui est inutilisable en fonction des opérateurs. Conseils pour votre premier séjour: apportez du savon et prévoyez un pyjama ou un peignoir qui vous permettent de traverser le couloir entre votre chambre et la douche.

    La fibre

    Quand je rentre de la banque (pour un chèque de banque: «C'est pourquoi, ce chèque? — Vous avez besoin de connaître le motif pour l'établir? — Oui.» Qu'est-ce que ça m'énerve. Non seulement nous sommes obligés de déposer nos salaires sur un compte, mais nous ne pouvons pas le retirer entièrement à volonté (à la poste, affiche: prévenir 72 heures à l'avance pour un retrait de 1500 euros. 72 heures?!! Trois jours, et ouvrés, je suppose?) et voilà que je dois expliquer ce que je vais faire de mon argent. C'est mon argent, je l'ai gagné, s'il est véritablement à moi je peux en faire ce que je veux (de légal, je veux bien, mais c'est ma responsabilité de rester dans la légalité: pourquoi instituer ma banque comme mon tuteur officieux?). On dirait toujours que c'est de l'argent à moi alloué par ma banque dans sa grande bienveillance. Zut!) et de la poste (où je découvre avec stupeur que les 225 francs oubliés depuis juin 1999 sur mon livret A sont devenus (à peu près, de mémoire) 187 euros), H. m'attend tout excité:
    — J'ai imité ta signature, on va avoir la fibre!
    — Quoi? Quel rapport avec ma signature?
    — Le contrat de téléphone est à ton nom.

    Il me donne des détails techniques. Il est heureux.
    Il faut dire que nous pensions que la fibre ne descendrait pas dans notre quasi-impasse (et nous avions déjà élaboré des plans alambiqués pour l'avoir malgré tout). En réalité, elle a été installée physiquement quand les compteurs d'eau ont été changés il y a plus d'un an. Mais pourquoi Orange ne nous a-t-il pas prévenus? Ce n'est que maintenant qu'un commercial démarche les habitants. Nos voisins, qui viennent de s'engager chez Free il y a une semaine, sont verts.

    Trois visites

    - Viry-Châtillon à deux heures.
    A l'origine, H. ne voulait pas y aller: "pas à Viry-Châtillon, c'est la cité, il n'y a que des voitures volées".
    Nous avions réussi à le convaincre («C'est la double peine, non seulement tu habites un endroit pourri mais en plus personne ne veut faire affaire avec toi»), mais il s'avèrera qu'il avait raison.
    En arrivant devant le pavillon de banlieue surélevé de rangées de parpaings non peints, nous remarquons devant le garage une audi break elle aussi à vendre (les chiffres de prix, d'âge et de kilomètres sont inscrits en blanc sur les vitres). Un homme d'une trentaine d'années nous présente la 306 comme celle de sa grand-mère ("je n'ai pas retrouvé les factures d'entretien"). Le contrôle technique indique une fuite du moteur (en effet, il y a une coulure d'huile peu importante sur la paroi du moteur) et que le volant bouge (la gaine de caoutchouc a du jeu sur elle-même, d'avant en arrière).
    Je conduis, un peu hésitante à cause de la boîte manuelle — j'ai perdu l'habitude. J'interroge le vendeur sur l'Audi, il apparaît qu'il a cinq véhicules à vendre!
    Commentaire d'H quand nous repartons: «il a racheté une voiture à deux cent mille kilomètres et a changé le compteur».
    Et en effet, cela correspond bien au volant "qui bouge" et au levier de vitesse aux chiffres effacés et comme fondus.

    - Fresnes à six heures.
    La voiture nous plaît, et nous donnerions notre accord si nous n'avions un troisième visite. Le propriétaire est un jeune homme passionné de mécanique qui fait tout lui-même. Lui aime les 306, son frère les R5 (! un jeune homme qui aime les R5?)

    - Meudon à sept heures et demie.
    Cette fois-ci il s'agit d'un break de 1999 avec cinquante-six mille kilomètres à deux mille euros. Meudon est un labyrinthe sur un côteau abrupt (et tout le temps que je conduirai je chercherai le lieu de résidence de San-Antonio: pas Clamart, pas Meudon,… (St-Cloud!)); le propriétaire est un homme âgé, taciturne et qui me paraît avoir du mal à parler et à marcher. Il vend sa voiture car il ne s'en sert presque plus, passant au moins quatre mois par an en Finlande.
    Il sort avec difficulté le véhicule de son garage en sous-sol. Il rentre de voyage l'avant-veille et n'a fait aucun effort de présentation: la voiture est poussiéreuse à l'extérieur, l'aspirateur n'a pas été passé à l'intérieur et il me semble reconnaître des jouets de plage sous le siège.
    Je pensais ne pas conduire, un peu effrayée par les montagnes russes meudonaises et les rues étroites, mais si ma fille doit conduire un break, je veux vérifier l'encombrement de la voiture par rapport à mon corps et la rue, la façon de ressentir l'espace au volant à la fois par rapport à l'intérieur et à l'extérieur de l'habitacle.
    Elle est très agréable à conduire, et plus "neuve" que la précédente. Problème: moins chère, moins de km, mais break.

    Nous téléphonons à A. qui choisit la break en imaginant déjà ses voyages en Angleterre avec ses camarades de classe: «au moins nous aurons de la place».
    Et j'ai l'impression de voir Claire Fischer au volant de son (ex)corbillard vert pomme.

    Politesse ordinaire

    Deux jours de temps lourd mais beau, beau mais lourd (après une semaine de pluie et une à venir). Tant mieux pour O. parti descendre le Loing en radeau.

    Samedi, j'ai expliqué à A. comment chercher des voitures sur le bon coin: «Tu choisis un prix, un kilométrage maximal, une région, tu regardes les voitures qui s'affichent, tu en choisis cinq ou six et tu téléphones pour prendre rendez-vous.
    — Mais je ne connais rien aux voitures !
    — Tu vas l'essayer. Il faut que tu te sentes bien au volant. Tu regardes le contrôle technique, si le moteur est propre. Tu crois vraiment que nous faisons davantage?»

    Elle est trop timide pour téléphoner (pour entrer chez un coiffeur, pour trouver un médecin, pour s'acheter un vêtement: elle ne va voir personne si je ne l'ai pas accompagnée d'abord. So XVIIIe siècle. Cela m'agace prodigieusement (car m'inquiète) dans la mesure où elle habite à deux cents kilomètres).
    Le soir sur la terrasse parès le barbecue, son grand-père (mon beau-père) regarde les annonces avec elle et les lui commente. Elle se décide à envoyer quelques mails (!)
    C'est amusant, un type de voiture se dessine. Elle ne veut pas de twingo, pas de saxo, pas de C3. Elle a eu une 306, elle voudrait une 306. Vu sa tendance à embarquer dans sa voiture "tout ce qui pourrait servir au cas où" (ce qu'elle faisait déjà avec son cartable, emmenant tous ses livres, du fil, une aiguille, des pansements, etc), je l'imaginerais plutôt en combi volkswagen.

    Elle ne veut pas non plus prendre trop de contacts: «Mais après, il va falloir que je réponde non à certains!
    — Ma chérie, si tu leur réponds non, ils te seront déjà reconnaissants de les avoir tenus au courant!»
    Et je lui raconte ma surprise devant les remerciements des gens quand j'avais décommandé des rendez-vous: «je vous remercie de m'avoir prévenu» (et cela m'avait fait de la peine: ces gens si reconnaissants pour une attitude normale).

    Bien entendu, je ne l'avais pas convaincue.
    Pendant que A. envoyait ses mails, H. a envoyé un sms pour une Ford. Le vendeur a répondu immédiatement (à onze heures passées) que nous pouvions l'appeler. Rendez-vous a été pris pour le lendemain dimanche dix heures et demie. Il devait envoyer son adresse par sms.
    Le lendemain, H. et A. se lèvent et se préparent pour aller au rendez-vous, mais au moment de partir ne savent où aller car H. n'a pas reçu le sms promis.
    Il ne le recevra jamais, le vendeur ne répondra ni au téléphone ni aux sms. A-t-il répondu bourré le samedi soir, dormait-il à dix heures dimanche, n'a-t-il pas eu le courage plus tard de téléphoner pour s'excuser? Sa mère a-t-elle fait une crise cardiaque dans la nuit? S'est-il fait voler son portable? Nous ne le saurons jamais, mais je suis plutôt satisfaite: voilà la démonstration par l'exemple de ce que j'expliquais hier à A.

    Bloguer

    — Mais si Trucmuche lit ton blog, tu vas être obligée de te censurer ?
    — Depuis huit ans, j'ai déjà rencontré ce problème. Ce n'est pas ça le véritable enjeu, vous ne vous rendez pas compte. Le problème, c'est de résister à la tentation de la vengeance.

    Graisse killer

    J'ai essayé la lessive St Marc et les cristaux de soude, c'est ce qui est le plus efficace contre la graisse accumulée au plafond de la cuisine.
    Ça rend tout le monde malade et je travaille avec un masque de chantier. 11 mètres carré de plafond, une demi-heure par mètre carré. Je termine demain.


    Remords

    Nous sommes allés visiter le château de Monte-Cristo à Port-Marly. Le château est d'un goût douteux mais très bien agencé à l'intérieur et le jardin anglais est parfait. Les arbres cachent la vue sur la vallée et donc sur la ville mais pas le bruit omniprésent des voitures.
    L'intérieur expose des portraits et des arbres généalogiques, et il y a une certaine ironie à constater qu'Alexandre Dumas qui se vantait d'avoir eu cinq cents enfants (bâtards) n'a plus aujourd'hui d'héritiers en ligne directe. (Remarquons que les derniers enfants, Auguste et Serge Lippmann, ont une durée de vie qui couvre l'existence des enfants Veen.)

    Le château a été construit sur un terrain gorgé d'eau et les trois villes qui l'ont acquis et financent sa perpétuelle préservation ont du mal à faire face. Une souscription est actuellement en cours (incroyable que le site fondation-patrimoine.org ne soit pas disponible en anglais, quand on sait ce que financent les Américains et combien Dumas est populaire à travers le monde).

    Venons-en au titre du billet. A86, A13, Olivier a conduit avec moi à ses côtés et H. tassé à l'arrière de la Coccinelle puisqu'il n'est pas inscrit sur la liste des accompagnateurs possibles en conduite accompagnée. Le pauvre gosse a été littéralement harcelé de conseils sur les cents kilomètres de trajet.
    Il faut être solide pour résister moralement à autant de critiques.

    Le cinéma Méliès à Montreuil

    C'est la première fois que je vois un cinéma qui n'appartient pas à une chaîne déménager pour de plus grands et plus beaux locaux.
    J'ai un faible pour ce cinéma et sa programmation.

    Ce soir, c'était La French Connection, avec une belle poursuite dans New York.

    Dans le hall du cinéma, une grande bibliothèque (le meuble) propose des livres à emprunter "librement" et à déposer chez n'importe quel commerçant ou dans les transports en commun de la ville après lecture. Il y a vraiment de tout, y compris les Buddenbrook en allemand.


    Record de (non-)durée battu

    Dimanche vers vingt-deux heures, à un quart d'heure de la fin de Sweeney Todd (brrrr…) (c'est au tour de O. de choisir le film), coup de fil de A. : elle vient d'avoir un accident à dix minutes du but (la maison de mes parents), une femme enceinte a redémarré à un stop sans la voir. Elle a réussi à freiner suffisamment pour ne pas la prendre de plein fouet, mais l'avant droit est enfoncé, la voiture ne peut plus rouler. Il faut faire un constat; nous lui conseillons d'appeler son grand-père, raccrochons et appelons mes parents pour les prévenir.
    S'en suit un certain nombre d'échanges téléphoniques: les pompiers et les gendarmes se sont déplacés à cause de la dame enceinte qui se sentait mal (en fait ce point est faux: le lendemain nous apprendrons que c'est une dame de 75 ans, je ne sais pas pourquoi H. a compris de travers — ni pourquoi les pompiers se sont déplacés) mais les gendarmes ont refusé de faire un constat puisqu'il n'y avait pas de "corpo" (ce dernier point fait bouillir H. qui maudit la paresse gendarmesque: A. n'est pas en tort, le code spécifie que l'on doit s'assurer de pouvoir s'insérer dans la circulation sans danger quand on quitte un stop, mais les impacts sur la tôle ne donneront pas forcément raison à A.: je connais suffisamment les assurances pour savoir qu'elles ne vont pas perdre du temps à démêler le vrai du faux pour un cas si simple (pas de corpo), si nous ne sommes pas d'accord, ce sera cinquante-cinquante: un constat de gendarmerie aurait levé cette ambiguité (donc si cela vous arrive, insistez auprès des gendarmes, faites faire un rapport établissant les faits. C'est leur boulot, ils sont aussi payés pour cela)).

    Pour sourire: lors du dernier coup de fil, nous apprenons que A. a pris le temps de vérifier que le chien de la dame n'avait rien, en recommandant une visite de contrôle dans une semaine.

    Nous dînons (nous sommes terriblement décalés), et l'adrénaline nous empêchant de nous coucher, nous regardons Cannonball (simple coïncidence, nous en avions parlé la veille!)
    Je suis un peu déçue, j'attendais davantage de paysages et des trucks. Bref, davantage Duel qu'American pie.
    En passant sur la fiche de Farrah Fawcett après le film (impossible de me souvenir quelle célébrité était morte le même jour qu'elle (réponse: Michael Jackson, 25 juin 2009)), je découvre qu'elle est morte d'un cancer du rectum, ce qui est la preuve d'un humour particulièrement noir quand on se souvient d'un des ressorts de Cannonball.



    ————————————————
    J'allais oublier le titre du billet : la voiture lui appartenait depuis le 4 avril.

    Problème de traduction

    Samedi, barbecue tard le soir avec des amis qui devraient déménager à Boston et nos voisins rentrés de vacances.
    Souvenirs américains divers, dont celui-ci :

    — Moi ce qui m'éclate, c'est leur questionnaire, «Etes-vous venu commettre un attentat?» Alors moi, tu me connais…
    — Non, tu n'a pas fait ça !
    — Ben si !
    — So French !
    — J'ai coché oui, et à la descente de l'avion, tout de suite, t'es mis à part…
    (bruits divers, incrédulité, la conversation se perd)
    — … heureusement, Véronika a réussi à les convaincre que je n'avais pas compris, que c'était à cause de ma mauvaise compréhension de l'anglais…
    — … alors que le questionnaire était rédigé en français! termine Véronika dans un éclat de rire.

    Inattendu

    Soudain, au petit déjeuner :

    — Tu veux te faire tatouer un moelleux au chocolat sur le dos ?

    Vacuité

    Une semaine passée à pas grand chose : une heure de grec, une heure et demie d'aviron par jour (ce qui fait quatre heures, le temps d'y aller, de revenir et celui de sortir et ranger le matériel. J'ai inscrit O. a un stage de cinq jours pour le sortir un peu (l'oxygéner et le renforcer, il souffre des mêmes faiblesses respiratoires que moi) et lui permettre d'accumuler les kilomètres (soixante par jour) pour sa conduite accompagnée.
    Un peu de travaux ménagers, mais si peu et si banaux banals que je ne vais pas en parler.

    L'atmosphère se durcit. Quand j'organise les vacances, elles sont qualifiées de "peu reposantes", quand je ne les organise pas, nous ne faisons rien (enfin, je trouve à m'occuper…) et "c'est pas des vacances".

    (Reconnaissons malgré tout que ce stage d'aviron est un handicap : nous partons à cinq heures et rentrons à neuf, impossible d'organiser une visite de musée ou un cinéma à Paris. Ou il faudrait partir dès le matin et nous sommes bien trop lents et paresseux.)

    Quel imbécile

    J'ai vu circuler sur FB cette vidéo de Ronda Rousey, championne olympique de judo (fille d'une championne du monde) et combattant en "free-fight" (arts martiaux mixtes) depuis 2010. (C'est la blonde d'Expendable III.)
    Sur la vidéo, un journaliste lui dit qu'il ne peut croire qu'une femme puisse battre un homme.
    Sans vraiment le faire exprès (mais sans doute n'a-t-elle pas cru qu'il était si naïf, sans doute n'a-t-elle pas cru qu'il était sans défense à ce point-là, son sourire et son comportement n'indiquent-ils pas qu'elle croit à une plaisanterie?), elle lui fait une prise et lui casse quatre côtes.
    (Commentaires obtenus quand j'en parle à table: «oui, il ne savait pas tomber».)



    Ce que je ne comprends pas, c'est qu'il est dit qu'il s'agissait d'un journaliste sportif: vraiment? Complèment incompétent, quand il sortira de l'hôpital, passez-le à la rubrique mode.
    Je ne connais pas un sportif amateur qui ne sache que n'importe quelle femme de niveau international sera meilleure que lui. Il ne s'agit pas de fierté plus ou moins bien placée, c'est comme ça, c'est tout. (De même, n'importe quelle femme sait qu'à niveau équivalent, un homme sera plus fort, question de masse musculaire, il n'y a pas à discuter, c'est comme ça.)

    Ce journaliste n'a pas fait son travail. Trois minutes de recherche sur le net permet de dégotter cette vidéo de Ronda Rousey affrontant trois judokas japonais. Elle gagne, à leur grand dépit.


    Ajout le 2 août 2021: j'ajoute cette vidéo incroyable de Serena Williams, avec le tweet qui va avec: «un sondage révèle que un homme sur huit pense qu'il peut marquer un point contre Serena Williams».

    Evidemment

    — Aller jusqu'à Moscou en voiture? mais tu es folle, pas question!
    — Mais pourquoi? Napoléon l'a bien fait, ça permettrait de se rendre compte.
    — Napoléon n'avait pas cinq semaines de congés payés.

    J'attendais depuis si longtemps

    — Bonjour Alice, tu as amené ton maillot de bain?
    Automatiquement, quelle que soit la question saugrenue, mon cerveau examine le problème et les réponses possibles: non, mais j'ai de quoi me changer intégralement.
    — Non, pourquoi?
    — Franck t'attend pour sortir en pair-oar, tu es en retard.

    Ça alors. J'avais complètement oublié. Pour tout dire je n'y croyais pas vraiment, d'une part qu'il sorte en pair-oar, et d'autre part avec moi: je m'attends toujours à ce qu'un mec (les filles et les mecs, oui, ni hommes ni femmes, ni garçons ni filles, le vocabulaire s'est moulé dans ce monde, a pris une certaine forme) annonce qu'il voudrait essayer — cela me paraît si normal, de vouloir essayer, de sauter sur l'occasion quand quelqu'un le propose, propose cette chose si rare: monter en pair-oar avec quelqu'un qui n'en a jamais fait — et comme c'est un mec, Franck, qui le propose, cela me paraît, me paraîtrait, normal de laisser la place: les forces sont plus équilibrées, et dans un pair-oar (une pelle par rameur), ça compte.

    Eh bien non, Franck n'a pas oublié, et personne d'autre que moi ne s'est proposé, youpi.
    Sortie en pair-oar, dix kilomètres, nous ne nous sommes pas retournés (baqués), nous avons même eu de bons moments.
    Bon évidemment, nous n'avons jamais ramé en pleine coulisse, ce sera pour une prochaine fois. La pointe ne m'est tout de même pas très naturelle.
    (Pas de photo, c'était si risqué que je n'ai pas pris mon appareil.)

    Depuis combien de temps attendais-je cela? Trente-trois, trente-quatre ans? Quand j'ai commencé à ramer en troisième, il y avait au club deux autres minimes qui avaient commencé avant moi. René m'a mise en double avec Jacqueline, et Nathalie faisait du skiff.
    Nous préparions les championnats de France. Cela représente des heures passées ensemble sur un bateau, environ douze heures par semaine, sans compter les compétitions le dimanche.
    La saison terminée, à la rentrée suivante, René a revu les bateaux: il m'a mise en skiff et a mis Jacqueline et Nathalie en pair-oar. Je l'ai vécu comme une trahison et comme la preuve de ma désespérante nullité (je n'avais pas réussi à rattrapper leur niveau): sinon, pourquoi n'était-ce pas moi qui étais en pair-oar avec Jacqueline? J'ai été jalouse.

    Trente-quatre ans plus tard, je suis enfin sortie en pair-oar.
    Il ne me reste plus qu'à faire des progrès.



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    Agenda
    Quand j'arrive à la maison à midi et demie, tout le monde est encore au lit.
    — Si tu ne voulais pas aller au marché, il fallait m'envoyer un sms!
    — Je n'avais pas envie d'envoyer un sms.
    — Hmm. Il est plus facile de trouver quelque chose à Melun à midi qu'à Villecresnes à une heure au mois d'août.
    Je ressors et vais acheter des sushis dans le seul magasin encore ouvert à cette heure-là (soixante sushis pour six, une demi-heure d'attente que je tue en regardant une émission sur les personnes exerçant des métiers rares pour leur sexe).

    Le soir, C et A retournent à Blois. Nous allons voir Mustang, très beau visuellement et poignant.

    La devinette du 15 août

    — Quelle est la musique préférée d'un magicien noir ?

    Satisfaction du devoir accompli

    Dernier jour de boulot pour quatre semaines. Tant mieux, cette histoire de RER m'aura bien gâché la vie (j'ai finalement décalé mes heures: en partant une demi-heure plus tard et en prenant la ligne 1, j'arrivais à la même heure qu'en partant plus tôt et faisant des trajets plus compliqués. Le problème, c'est que même assise dans le métro, il n'est pas possible de prendre des notes, les wagons voitures tressautent trop (plus que dans le RER. Et encore faut-il être assise… (d'où conséquences sur la hauteur des talons, etc)).

    Je pars ce soir avec la satisfaction du devoir accompli: ouverture de centaines de lettres, saisie des mandats SEPA, réponses aux clients («oui monsieur, non madame,…» J'ai l'impression d'être dans Vacances romaines), formation des salariés qui parviennent à trouver mon bureau (c'est un labyrinthe — d'un autre côté recevoir le public ne fait pas partie de mon job, je ne le fais que par compassion: il est donc logique qu'une épreuve attendent les valeureux qui tentent de trouver la connaissance), fichier trimestriel pour l'ACPR, déclaration de la TCA (taxe sur les conventions d'assurance (ma première déclaration en trois ans: il faudra songer à simplifier les tableaux, il y a par ailleurs une erreur dans le calcul du chiffre d'affaires annuel)), arrosage des plantes (si, ça compte), environnement de recette pour la rentrée et la préparation de quelques cas sensibles…

    En revanche je n'ai rien fait de ce que j'imaginais faire cette année pendant l'été: pas d'écriture des procédures, pas de document global sur la Mutuelle (commencé sous le titre de Petit dictionnaire de la Mutuelle en référence private joker à Karl Rahner (je me suis aperçue que c'était une mauvaise idée: ce titre trop modeste donne une fausse idée de l'ambition du projet. Tant pis (pour ceux qui connaissent, il s'agirait de correspondre aux exigences de l'ORSA bien que la mutuelle de par sa taille ne soit pas soumise à Solvabilité II)), pas de rangement de mon bureau (le meuble), pas de vidage des armoires…
    Donc à tester : faire cela pendant l'année (oui je sais, c'est évident.)

    Les Noces funèbres

    Ce soir, O., tout surpris d'apprendre que je n'avais jamais vu Les Noces funèbres (un film que les enfants ont regardé en boucle à sa sortie), a décidé que ce serait le film de la soirée.

    L'histoire est agréable en ce que l'issue est imprévisible, puisque les personnages principaux sympathiques sont en nombre impair (le quatrième est le méchant, donc il va "perdre". Mais quel couple sera-t-il finalement formé? Difficile de décider ce que va choisir le scénariste.)






    Ce soir (tard, après la fin du film), retour de H., C et A au bercail après dix jours d'absence.

    Leningrad Cowboys Go America

    Film du soir avec O., toujours en repassant.
    Impossible de me souvenir où et comment j'ai découvert ce film. Une seule certitude, ce n'était pas en salle et les DVD n'avaient pas encore monopolisé le marché. Etait-ce une cassette trouvée chez Rhotull?
    En tout cas, je sais que c'est lui qui plus tard me l'a copiée en format DVD grâce à du matériel de l'armée (ce n'était pas si facile à l'époque, nous sommes en 2002 ou 2003).

    Voici les premières minutes du film. Des paysages gelés et un air slave. Comment vouliez-vous que je résiste?







    Ici la bande-annonce, ou presque. Un road movie et de la musique. Tout ce que j'aime.
    (Bonus: le garagiste blond, c'est Jim Jarmusch.)



    La Crise

    Il y a longtemps que je cherchais un film avec Vincent Lindon. Ça parlait de racisme, mais je ne me souvenais absolument pas du titre.

    J'avais vu passer sur FB la célèbre scène avec Maria Pacôme, mais je n'avais pas fait le lien tant ce n'est pas cela qui m'avait marquée. Ce qui m'avait marquée, c'était les scènes douces-amères autour du "Rémi" (RMI), et je n'ai reconnu le film qu'en voyant dans un commentaire le passage sur le racisme.

    Donc ce soir j'ai déclaré à O. que nous allions regarder La Crise. J'ai été effarée de constater à quel point il s'appliquait encore exactement à la situation actuelle, peut-être plus encore qu'en 1992 (le passage sur la malbouffe est sans doute plus un sujet de préoccupation aujourd'hui qu'à l'époque). Il ne manque que la tonalité terrorisme-djihad.

    Quand ai-je vu ce film? Après 1999, puisque nous étions déjà dans la maison. Je me demande à quel point la grande tirade de Zabou m'a influencée (les enfants étaient petits et j'étais très fatiguée) dans ma décision de ne plus faire ce qui ne semblait compter pour personne: ne plus repasser les torchons, ne plus plier les slips, ne plus apparier les chaussettes, passer le balai de temps en temps, mais uniquement quand ça me chantait,… bref, une véritable grève qui d'ailleurs ne s'est pas beaucoup vu puisque tout le monde, il faut le dire, se fiche un peu d'une maison propre et rangée tant qu'il peut être tranquille dans son coin à poursuivre son activité préférée.
    Et que celui qui ne s'en fiche pas vienne me voir, nous ferons les corvées ensemble. (Aujourd'hui, les choses ont changé, les enfants étant grands, nous pouvons faire le ménage en équipe. Mais je refuse d'avoir l'impression d'être la seule à être punie en passant tristement la serpilière le week-end).

    Et pour sourire à la fin de cette tirade MLF, précisons que je l'ai regardé en repassant…

    Amy

    D'Amy, je ne connaissais que ce clip chez Cafeine (c'est même comme cela que je l'ai connue) et l'annonce de sa mort chez mon oncle alors que nous fêtions les soixante-dix ans de celui-ci et dans le même temps — avant, après? — la terrible nouvelle de la fusillade en Norvège.

    Le film Amy Winehouse est terrible, assez lent au début, montage de films d'amateurs, puis plus rythmé au fur à mesure que les archives deviennent "officielles" (télé, concerts, etc). Il n'a sans doute pas été monté dans ce but, mais le spectateur ne peut s'empêcher de distribuer des bons et surtout des mauvais points aux personnages à l'écran, le mari, le père, le garde du corps, les copines d'enfance, le producteur, etc. Nous sommes tellement désolés puisque nous connaissons la fin, certaines images sont si cruelles qu'elles laissent perplexes: vraiment, son entourage n'a rien fait?
    Et quel réquisitoire contre la drogue.

    Planification

    Hervé est contre la conduite accompagnée. Un de ses cousins a eu la jambe réduite en miettes1 dans un accident et un ami de son père y a perdu sa femme2.
    Au moment de prendre la voiture (nous partons à deux voitures car H. reste ensuite à Tours), je lui dis:
    — Si je meurs, tu as le droit d'écrire sur ma tombe «Je te l'avais bien dit» ou «Tu vois, j'avais raison».
    — Si tu meurs, je te réduis en cendres.
    Sur le coup, je pense qu'il s'est trompé, qu'il veut dire que tel Zeus il foudroiera O. de sa colère. Il me faut quelques secondes pour comprendre qu'en fait il parle de m'incinérer.
    — Ah bon, tu feras ça?

    Ça alors, je n'y avais jamais pensé.

    Au cours du week-end, je reviendrai sur le sujet et ma sœur nous déclare que la concernant, elle a tout prévu, tout est écrit et conservé dans un tiroir.
    Ah.

    Au retour j'en discute avec O. (en lui précisant que mon seul souhait, c'est qu'ils fassent la même chose pour les deux: si H. m'incinère, ils incinèrent H.; si j'enterre H, ils m'enterrent avec lui).
    — Mais enfin, tu sais bien qu'il ne fera pas ça!
    — Hum, pas sûr, et pas pour les raisons que tu crois. Tu oublies qu'il s'occupe de gestion de cimetières et qu'il ne les voit pas de la même façon que nous. Aujourd'hui il y a un problème de place. Les corps ne se décomposent plus très vite et nous sommes très nombreux. On manque de place dans les cimetières.


    Notes
    1 : heureusement il marche aujourd'hui sans séquelle.
    2 : en d'autres termes, le fils a tué sa mère.

    Soixante-dix ans

    Aller-retour ce week-end chez mes parents pour fêter les soixante-dix ans de mon père. Ma sœur et ses filles étaient là, ainsi que mes tantes — les sœurs de ma mère — mais pas mon oncle, le frère de papa. A-t-il été invité, ne pouvait-il pas venir? je n'ai pas osé poser la question. J'ai le cœur gros, car mon père avait l'intention, pour une fois, une fois dans sa vie, une fois dans la nôtre, une fois dans l'histoire de la famille, de faire une fête en invitant tout le monde, tous ses neveux — et ma mère a mis son veto à cause de l'inconduite de mon cousin — elle ne voulait pas de lui sous son toit.
    Mon père a donc fêté son anniversaire avec ses enfants et les sœurs de sa femme — et pas son propre frère.

    Enfin bon. Il ne faut pas que j'y pense, cela ne me regarde pas (tenté-je de me raisonner et convaincre).

    Pour le reste, tout s'est bien passé (toujours un peu de soulagement dans ce constat).

    La table de nuit

    Ce qui m'a fait sourire, en fait, c'est que je n'ai pas encore quatre-vingt-dix-sept ans, et ma table de nuit est beaucoup plus petite, mais elle ressemble déjà beaucoup à ça: une lampe d'architecte bleue (pour lire au lit), un tube d'homéoplasmine (à cause de ma brûlure au doigt ou parce que je n'avais plus de Vicks? je ne sais plus), la boîte de cigarettes de couleur (pour contenir des micro-pinces à cheveux et des boules quiès en mousse), un coupe-ongles (il ne devrait pas être là (la plupart du reste non plus, remarquez)), un dessous de verre acheté à Carnac en revenant du mariage de Matoo (pour poser le thé), une bouteille de Synthol (contre les piqûres d'insectes), deux pipettes de larmes artificielles, une ouverte l'autre non (pour mes débuts d'allergie (démangeaisons) ou pour me réveiller les matins où c'est dur)), l'inhalateur en cas de menaces de crise d'asthme (quand les poumons sifflent certains soirs), un tube de lait auto-bronzant (il ne devrait pas être là — tentative de raccord de bronzage sur les pieds — ça n'a pas marché), un bocal de confiture Bonne Maman rempli de bonbons au miel (aussi pour prévenir les crises d'allergies), posé dessus un pot de Vicks (idem: tout est fait pour ne pas permettre à la crise respiratoire de se déclencher et de s'installer), la carte de bibliothèque de Yerres, une pile de petits cartons sur lesquels sont inscrites des tâches à accomplir si possible quotidiennement (si j'en fais deux ou trois c'est déjà bien — genre bloguer et faire du grec), une bouteille de spray pour la gorge, une bouteille de vernis sans doute solidifié (avec la chaleur — à vérifier), ma chaîne avec la croix en argent de Pologne et le cœur offert par la mère de Frédérique, les boucles d'oreilles achetées à Mycènes, une lime à ongle, un critérium publicitaire Mercure, une bouteille de spray pour le nez (je n'aime pas ça, c'est trop fort — mais j'étais en rupture de spray pour la gorge), un gobelet souvenir de la rando sur l'Erde rempli de stylos et de feutres (j'ai toujours besoin de stylos), un vaporisateur noir d'huile prodigieuse Nuxe (j'adore l'odeur du chèvrefeuille), un presse-papier Love d'Indiana offert par P. (je ne sais plus très bien pourquoi il a été descendu, normalement il est près du bureau), un chapelet ramené par mon grand-père de Lourdes.



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    Agenda
    Je rejoins Hervé, Isabelle et Olivier pour voir A Touch of Zen.
    Quand je récupère ma voiture à Villeneuve-St-Georges, quelqu'un a rayé le côté conducteur. Mal dormi.

    Tout s'achète

    Ouvert le courrier pendant deux heures (eh oui: des centaines de lettres) en écoutant Albertine disparue (deux premiers CD). Sidérée toujours par la muflerie des lettres envoyées par le narrateur à Albertine. Peut-il réellement s'agir du récit transposé de l'amour de Proust pour un ami, pouvait-il réellement traiter qui que ce soit ainsi, littéralement l'acheter, et ne pas être choqué de l'acheter? C'est incroyable. Et quelle bassesse.

    Cet amour insupportable qui n'est que désir de possession, qu'est-ce que je déteste cela.


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    Agenda
    H. me récupère à Neuilly. Paris est désert. La isla minima, film amer et lent, entêtant.

    La bibliothèque

    Un peu par hasard, je passe devant un minuscule un peu miteux magasin d'antiquités 8 rue Notre-Dame-des-Champs (à deux pas du métro Saint-Placide). Il y a quelques livres sur une table devant la vitrine, et des piles couvrent entièrement une table à l'intérieur.

    Je ne sais plus quel titre m'a attiré. Trois collections de Minuit entourés par un élastique, je pense. En m'approchant, je constate qu'il s'agit des trois tomes de La Philosophie des formes symboliques de Cassirer. C'est alors que je vois mon bien-aimé Autour de Platon d'Auguste Diès.

    J'entre dans la boutique et je regarde systématiquement toutes les piles. Je suis émue, il est évident que tout cela provient de la bibliothèque d'un seul homme. Linguistique (Hjelmslev, Jakobson), philosophie (Husserl, Heidegger), théâtre grec, poésie… Il se dégage de tout cela une grande cohérence, c'est toute une vie qui passe dans mes mains. Je voudrais tout prendre pour ne pas séparer les livres. Je repars avec dix-sept (c'est lourd).
    Allez-y, il en reste!

    (Ce soir je découvre un nom et une adresse tamponnés dans le Diès: Alain Huraut rue Boissonade à Paris. L'antiquaire m'a dit qu'il s'agissait d'une bibliothèque retrouvée dans un grenier, que le propriétaire était mort depuis plusieurs années. S'agit-il de l'auteur d'Aragon prisonnier? Rien ne le laissait penser dans les livres rassemblés sur la table, débordant en piles sur le sol.)



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    Agenda
    Donné trois heures de cours sur les fondamentaux de la comptabilité générale.
    Acheté des ballerines rouges chez Repetto pour remplacer les Arche blanches qui ont plus de dix ans et dont C. m'assure qu'elles sont trop abîmées pour être portées hors de la maison.
    Acheté les livres "de devoir de vacances" pour l'année de christologie à venir. Je découvre que sœur Dominique (Waymel) est docteur en physique atomique et moléculaire (!!) (et docteur en théologie, bien entendu).

    Liste des livres portés à bout de bras en rentrant chez moi:
    - Nabokov, Ada ou l'Ardeur, Folio (en cours de lecture)
    - "Le" Fayel, Comptabilité générale (1986/87)
    - Le nouveau plan comptable de la mutualité
    - Ratzinger, Jésus de Nazareth, tome I (Je trouve cette intéressante critique qui prend des distances avec les présupposés retenus (je la note ici car cela me permettra de lire sans distance, justement, en sachant que je pourrais ensuire revenir à cet article.))
    - Ratzinger, L'enfance de Jésus
    - Sesbouë, Pédagogie du Christ : Eléments de christologie fondamentale
    - Souletie, Les grands chantiers de la christologie
    - Marguerat (dir), Introduction au Nouveau Testament
    - Bakhtine, Esthétique de la création verbale, 1984
    - Jean-Baptiste Vico, Principes de la philosophie de l'histoire, 1963. A cause de Joyce ou pour Joyce. Et Daniel Ferrer.
    - Louis Hjelmslev, Prolégomènes à une théorie du langage, Essais linguistiques et Le langage.
    - Jakobson, Essais de linguistique générale I et II, 1963 et 1973 pour compléter Benveniste qui vient d'Aline. Pour Ferrer (je voudrais retrouver les références de cette langue théorisée avant qu'elle ne fût découverte dont il nous avait parlé) et A-C Baudoin (qui nous parle tout naturellement des règles de transformation des sons).
    - Humbolt, Introduction à l'œuvre sur le kavi
    - Cassirer, La Philosophie des formes symboliques
    - A.Diès, Autour de Platon
    - Koyré, La Révolution astronomique : Copernic, Kepler, Borelli, 1961
    - Husserl, Expérience et Jugement
    - Heidegger, Qu'appelle-t-on penser ?, 1951
    - Roubaud, Le Grand Incendie de Londres, 1989
    - Theodor Lessing, La haine de soi ou le refus d'être juif

    Orage

    Orage. Une sirène hurle par intermittence; je ne sais si c'est le bruit ou le tremblement de l'air qui l'a déclenchée.
    Du fond de mon lit, je l'entends qui s'élance plusieurs minutes durant, puis se tait, puis reprend. Mais pourquoi personne ne la coupe-t-il?
    Une petite inquiétude, un petit tourment: et si c'était l'alarme des voisins dont nous gardons la maison? Ont-ils une alarme? Est-ce à moi d'interrompre ce bruit lancinant?
    J'envoie un sms à H. pour lui poser la question. Trois heures du matin. Je doute qu'il me réponde à l'instant. Boule quiès. Je m'endors.

    Pas un bruit. Pas de radio-réveil. Zut, les plombs ont sauté. Je descends dans la cuisine, je ne me souviens jamais, les boutons oranges cinq secondes pour purger, le bleu à relever, le vert à enclencher en appuyant de toutes ses forces… Non, rien. Les oranges, le vert, le bleu… le frigo démarre. Je remets le four à peu près à l'heure en fonction de la comtoise (qui avance). Il est cinq heures vingt.

    Dans la chambre, le radio-réveil est toujours aveugle. Est-ce qu'il n'y aurait pas un second tableau électrique dans le grenier? Ça me dit quelque chose. J'y vais à la lampe-torche, il faut passer la main dans les toiles d'araignée derrière la poutre, je ne sais pas très bien si je préfère regarder ou y aller à tâtons.
    Il y a bien un boîtier, je remonte une targette, redescends l'escalier : c'était bien ça, la partie chambre est allumée. Si nous vendons un jour la maison, il faudra penser à indiquer cette bizarrerie.

    Avant de me recoucher, je change l'heure de mon réveil: il va falloir passer chez les voisins avant de partir, si les plombs ont sauté, c'est potentiellement grave: le congélateur, bien sûr, mais surtout les précieux aquariums.
    (Ils n'auront pas sauté. Mais les installations du RER ont subi des dégâts. Retard, attente sur le quai. Dire que je me suis levée plus tôt…)

    Abandonnée

    Ils sont partis.
    Pendant vingt-quatre heures environ, à peine, vingt heures, nous avons été cinq, et je ne sais même plus de quand datait la dernière fois où cela avait été le cas: deux ans? (je veux dire cinq, pas six).
    Ils sont partis: C. va faire un stage de cinq mois dans l'entreprise d'Hervé, A. un CDD d'un mois (normalement cela n'aurait pas dû être elle, H. trouvait qu'il ne pouvait pas décemment prendre deux de ses enfants dans une entreprise de cinquante personnes. Mais les deux étudiants qui auraient dû avoir le poste (le premier, puis le deuxième dans la liste des candidats) se sont tous les deux désistés).
    Ils vont dormir chez mes parents à Blois et faire la route tous les matins pour Tours (pendant un mois. Quand C. sera seul, il ne bénéficiera plus de la voiture de sa sœur, il faudra réévaluer la situation: prendre une chambre à Tours? Cela vexera-t-il ma mère? ou cela la soulagera-t-il? (sachant que ce n'est pas incompatible).
    Pour l'instant, tout m'inquiète: qu'ils racontent notre vie dans les locaux de la société, qu'ils se disputent "en public" (dans l'entreprise ou chez mes parents), qu'ils s'accrochent avec leurs grands-parents (rien que leur vitalité et leurs rires sont déjà en tel décalage avec cette maison silencieuse et repliée sur elle-même)…

    Oui, je suis inquiète. Je tourne comme un lion en cage et O. ne me reconnaît pas, tant et si bien qu'il accepte de regarder avec moi un film dont il n'a jamais entendu parler: Petits meurtres entre amis.
    Verdict: «C'est bien, mais pas tous les jours!»

    La mort

    A. voulait faire des études d'ostéopathie équine. Pour être admise à l'école, il fallait écrire une lettre de motivation. A ma grande surprise, elle avait des arguments extrêmement précis; en particulier, elle expliquait qu'elle ne voulait pas devenir vétérinaire car elle ne voulait pas euthanasier d'animaux.

    Elle est à l'école à Lisieux, et cela lui plaît tant, la région et les gens, qu'elle ne rentre jamais, sauf pour les anniversaires ou comme à présent pour un job d'été. Elle a passé le dernier mois dans un haras qui à bien y regarder est surtout une ferme. Elle nous raconte ses aventures (Martine à la ferme) avec son habituelle vitalité et c'est assez étrange de la voir ainsi "boucler" sur nos souvenirs d'enfance qu'elle n'a pas connus:
    — Oui alors tu comprends, c'est un veau, enfin une génisse, qui a perdu sa mère à la naissance, il a été élevé au biberon. Il avait rejoint le troupeau et il fallait absolument la séparer, parce qu'elle n'a qu'un an et qu'il ne faut pas que le taureau la saillisse…
    — Il y a un taureau dans le troupeau? (De la saillie libre, je ne pensais pas que cela se pratiquait, ou alors par emprunt d'un taureau, quelques jours)
    — Oui, et même deux, un jeune et un vieux. D'ailleurs (un autre jour, je vous épargne le contexte) Luc m'a dit: «Paulette, va réveiller le taureau…
    — Paulette?
    — Oui, il appelle toutes les filles Paulette: «Paulette, va réveiller le taureau et amène le au pré» et il m'a tendu un bâton…
    — Et alors, tu lui as donné un grand coup de bâton sur les fesses?
    — Euh non, j'ai sifflé et j'ai frappé par terre, il a ouvert un œil et il a fait tout un détour au lieu de passer au milieu de la stabu et si je me mettais sur le côté il allait de l'autre et Luc qui criait «Alors ça vient ce taureau?» «Ça vient, ça vient».
    […]
    — J'ai même pas réussi à leur voler un kilo de miel sur les cent cinquante que j'ai aidé à récolter. Si tu veux, il m'a parlé d'une ruchette… (je lui avais dit que j'aurai volontiers eu quelques ruches quand j'avais appris qu'elle avait acquis des notions d'apiculture.)
    — Inutile, papa ne veut pas.
    — Ce n'est pas que je ne veux pas, c'est interdit en zone urbaine.
    — Comment ça, il y en a même sur les terrasses des Champs, ce n'est pas urbain, peut-être? D'ailleurs, je me demande ce qu'elles butinent.
    — Aucune importance tant que ce n'est pas du colza!
    — Pourquoi, ce n'est pas bon?
    — Ça durcit très très vite, c'est impossible à manipuler, on ne peut rien en faire.
    […]
    Elle raconte les poulets, la machine à plumer, les coqs de trois ou quatre kilos portés à bout de bras, la conduite du tracteur sur cent mètres:
    — L'accélérateur était très sensible, et avec les ornières, ça cahotait, je faisais des à-coups sur la pédale. J'ai découvert que ça allait mieux en me calant au fond du siège (Ce n'est pas que ça cahote moins, c'est qu'alors tu fais partie du système, glisse son frère), mais c'était taille Luc, alors je ne touchais la pédale que de la pointe du pied. […] On a rentré le foin […] On n'a pas le droit d'élaguer en juillet à cause des naissances […]
    […]
    — Les agriculteurs avaient bloqué les ponts, il devait livrer des cochons d'Inde à une animalerie, il a mis quatorze heures a faire l'aller-retour Lisieux-Lille.
    — Et les cochons d'Inde, ils ont supporté le trajet?
    — Oui, c'est l'aller-retour qui faisait quatorze heures. Mais il y a eu des morts dans les lapins béliers, ils supportent très mal la chaleur. Même dans leur bâtiment ventilé, il y a des morts presque chaque matin.

    — De toute façon, conclut-elle avec une pointe de regret qui ne l'empêche pas de dévorer le poulet qu'elle nous a ramené de la ferme, ce stage a été très instructif. Je n'ai jamais autant côtoyé la mort que durant ce mois.


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    Sortie dominicale : 12 km en skiff.


    Retours au bercail

    Onze heures. Tout le monde dort. J'ai le temps d'aller au marché.

    Midi et demi. SMS de C. qui annonce qu'il arrive (après une semaine d'absence). J'ai passé mon temps sur FB, je ne suis pas allée au marché. J'envoie en réponse «Ne te presse pas, il n'y a rien à manger.» O. commente: «Mais enfin, c'est C., il a grandi à la maison, il sait comment c'est. Ne stresse pas comme ça.» (Nous finirons au restaurant. Très bon d'ailleurs, ouvert depuis huit mois, nous n'avions pas testé. Il risque de nous revoir souvent.)

    O. reprend la voiture pour la première fois depuis trois semaines. Nous sommes convenus qu'il me décrit ce qu'il voit au fur à mesure afin que je ne passe pas tout mon temps à lui dire de faire attention dans la crainte qu'il n'ait pas anticipé… (je suis déjà une passagère stressée, et ici s'ajoute une dimension de défi: comme H. est contre la conduite accompagnée, si O. abîme la voiture, j'aurais droit à un soupir entendu (si c'est grave) ou un «je t'avais prévenue» (si ce n'est pas grave): je n'en ai pas envie)).

    Nous dînons sans attendre A. qui arrive de Lisieux le jour de l'année le plus chargé en terme de trafic routier. Elle arrive à onze heures (entretemps, O. et moi aurons connu une défaite sans appel à la belote, écrasés par les mains insolentes d'H.), bronzée et joyeuse, avec son chat qui mange désormais des croquettes light (WTF?)

    Cecil

    C'est l'histoire d'un lion abattu par un Américain. J'ai vu passer l'histoire il y a deux ou trois jours. Le lion a été attiré hors de la réserve où il vivait protégé, blessé à l'arc puis traqué et achevé quarante heures plus tard.
    Ce braconnage ou brigandage a coûté cinquante mille dollars à l'Américain (tout cela reste à confirmer tout en étant considéré comme sûr: le nom de l'Américain a été dévoilé ainsi que son adresse). Les deux autochtones qui l'ont aidé ont été arrêtés, quant à lui, nul ne sait où il est (et heureusement pour lui, je pense).

    J'ai donc vu passer cela sur FB sans doute chez une amie qui relaie énormément d'informations sur la vie animale (notamment la protection des chevaux sauvages en Amérique).

    L'étrange, c'est que cela s'est emballé. Fatigués de la Grèce, de Daech, de l'Ukraine? Heureux de trouver enfin un coupable identifié, identifiable, pour un crime aux contours nets, l'illustration sans appel que l'argent permet de se penser au-dessus des lois1? Pour l'opinion publique occidentale, en quelques heures, cet Américain est devenu LE salaud emblématique (c'est tout au moins un connard dans les grandes largeurs).

    C'est alors que certains, par conviction ou snobisme (ne pas hurler avec la foule peut s'interpréter de ces deux points de vue), ont commencé à dénoncer le "lynchage"2 médiatique, regrettant qu'on ne parle pas de sujets plus graves concernant l'Afrique (sachant que j'ai rarement vu chez eux quoi que ce soit en relation avec l'Afrique).

    Bref, cette histoire est une sorte de parabole exemplaire (paradigme?) de ce que peut devenir un fait divers sur FB et les "réseaux sociaux" (entre guillemets, car ceux qui utilisent cette expression affectée me font rire).



    PS : Sachant que mon ancien chef partait en safari3 (il conservait des cartouches gros calibres sur le bord de son bureau), aurait-il été susceptible d'une telle infamie? Je me le demande.



    Note
    1 : En France, au même moment, le roi d'Arabie privatisait une portion de plage publique avec l'approbation du préfet et demandait qu'aucune femme (CRS) ne fasse partie des agents chargés de sa sécurité. A-t-il payé pour cela? Ce serait du même ordre (tout s'achète, retour des privilèges, il n'y a pas égalité devant la loi (au moins, dans l'affaire Cecil, la loi n'a pas plié, elle a été violée)), ou pire, n'a-t-il pas payé, n'est-ce que bassesse du gouvernement? Nous n'en savons rien.

    2 : Cela atteint de telles proportions que je commence à craindre pour sa vie s'il est découvert. On dirait des ayatollahs à la poursuite de Rushdie.

    3 : Car tuer est légal dans certains lieux, qu'il s'agisse d'élevage à cette fin ou de régulation des populations.

    Opération bis

    O. s'est fait enlever les dents de sagesse aujourd'hui.

    Comme il y a un an et demi, petit déjeuner aux Editeurs (c'est très snob, mais c'est aussi un café d'habitués), choisi pour son "grand" petit déjeuner (dixit la carte). Depuis la dernière fois, du jus de citron (à côté de l'orange et du pamplemousse) est proposé.
    Le carrefour devant le café est condamné, le bitume arraché, mettant à nu les pavés. Un inconscient a attaché son scooter à une rambarde à l'intérieur des palissades vertes. Délicatement les ouvriers tronçonnent la rambarde pour dégager l'antivol sans abîmer celui-ci.
    Nous partons à pied jusqu'à la rue du Bac (je donne l'adresse à qui veut (la demander en commentaire), nous sommes très satisfaits de ce chirurgien-dentiste); O. est tout surpris d'être aussi flageolant suite à la prise d'un Atarax.

    Je suis surprise par la beauté de ce portrait 58 rue de Seine:





    J'abandonne O. (quarante minutes, me dit l'assistante) et vais chercher la voiture près du théâtre de l'Odéon. En chemin je m'arrête à l'église du centre Sèvres.

    Je récupère O. enflé sans excès, lèvres épatées, sans bleu (la non-utilisation d'écarteurs beaucoup plus douce). Il dort tout l'après-midi et moi aussi. A vrai dire, je ne ferai rien de ce que j'avais prévu de faire.

    Le soir, The Grand Hôtel Budapest. Oserais-je dire que ce qui m'a sans doute frappée la première fois, c'est l'enfilade de certaines rues pavées, si semblables à certaines vues du Dernier des injustes? Et comment ne pas penser aussi à Ada, à la prégnance du rêve sur la réalité et à la fin d'un monde?

    Autre solution

    Aujourd'hui j'ai pris le 43 boulevard Haussmann, puis le 174 dans Neuilly (les bus se suivaient). Je perds une demi-heure par rapport à mon temps de transport normal.

    Les petits hommes verts

    La grande affaire qui commence cet été est la fermeture du RER A entre Auber et La Défense.
    Comme j'avais vu des affiches dès le mois de février, je ne le prends pas comme une brimade personnelle. Cependant, lorsque j'ai découvert à la suite d'une communication interne à l'entreprise, que les travaux auraient lieu sept ans de suite, quelques réflexions sarcastiques me sont venues à l'esprit. Je déclarerais bien à ma collaboratrice que je suis prioritaire pour prendre mes vacances aux dates des travaux (elle n'est pas touchée puisqu'elle habite dans l'ouest) mais je ne peux pas faire cela six ans de suite! (pour cette année, c'est trop tard).


    2015-0727-rera_rvb_cal_7ans_fermetures.jpg


    DisneyParis a-t-il demandé un dédommagement? Quelle pagaille cela va être dans Paris pour les touristes… D'un autre côté, j'ai pu constater que des navettes les attendaient directement aux aéroports et qu'ils ne passaient jamais dans la capitale.
    Bon, après tout, ce n'est pas mon problème.

    Mon problème, c'est d'arriver à La Défense. Toute l'information distribuée l'a été dans le but de nous détourner de la ligne 1. En particulier, la ligne 14 suivie de la ligne SNCF à partir de Saint Lazare est chaudement recommandée.

    Ce matin, j'ai pris un Vélib jusqu'au pont de Neuilly en suivant le chemin du bus 43. Ce n'est pas désagréable mais il y a beaucoup de pavés. Je mets trois quarts d'heure à faire le trajet.

    Ce soir, comptant sur le fait que les gens avaient dû étaler leur retour (et surtout partir plus tôt en arrivant plus tôt car la plupart ont beaucoup plus d'auto-discipline que moi qui suis incapable de quitter un lieu, que ce soit la maison ou le bureau), j'ai essayé la ligne 1 (avec succès: debout mais rame non bondée).
    En arrivant en haut de l'escalier "Esplanade de la Défense", j'ai aperçu cela:

    2015-0727-ligne-1-hommes-verts.jpg


    Oh non, ai-je soupiré intérieurement, ce n'est pas possible, ils continuent à nous prendre pour des demeurés, nous allons maintenant avoir des cours sur la façon de prendre le métro…
    Plus rationnel, Hervé suggère que le personnel étant embauché, la RATP l'a simplement reporté du RER sur le métro.

    De façon générale, reconnaissons que la RATP n'a pas lésiné sur les moyens humains: je n'ai jamais vu autant d'agents se tenir dans les couloirs et la rue dans l'attente de renseigner les voyageurs.

    Rouen

    Excursion à Rouen, comme l'année dernière à la même époque, pour voir l'exposition sur Sienne, aux origines de la Renaissance. (Commentaire de Laurent: «Les musées de Sienne doivent être en travaux pour avoir prêté autant de tableaux.» Ou il s'agit des réserves, qu'ils devraient envoyer à Liévain, pour que ce soit plus pratique, jugeons-nous).

    Visite somptueuse à recommander.
    Certes, les fonds dorés cèdent progressivement la place aux fonds bleus et aux paysage, mais surtout, les visages gagnent en expression, ils s'individualisent. Ce n'est plus l'homme en général, idéalisé, qu'il faut représenter, mais l'homme en particulier (et surtout la femme, la Vierge), incarné, fragile, qui est montré, rappelé, immortalisé.
    Une explication très dictatique de la peinture a tempera me fait sourire: nous voyons sur plusieurs carrés de bois la préparation successive du support et enfin une peinture vernie à l'œuf : je ne sais qui a fait le petit tableau final, mais il est hideux: il ne suffit pas de maîtriser la peinture a tempera pour réussir un grand tableau, velouté et lumineux.
    Une salle présente des films explicatifs plutôt longs qu'A. et moi choisissons de ne pas regarder car nous nous imaginons être en retard (j'en regarderai un l'après-midi) car nous avons perdu le reste de la compagnie et sommes persuadées qu'elle est devant (alors qu'elle est derrière), ce qui nous fait accélérer alors qu'il faudrait ralentir. Nous ne la retrouverons que par un sms de rassemblement pour déjeuner (mais comment vivre sans portable?)

    Une pluie battante nous attend. J'ai prévu le parapluie après consultation des prévisions météo ce matin, mais bizarrement (ou pas bizarrement: par manque de temps, tout simplement) je n'ai pas tenu compte de la température annoncée, et je suis habillée bien trop légèrement pour les 14° ou 15° degrés ambiants. «En haute Normandie il pleut, mais en basse Normandie il mouille», proclame A. toujours empressée d'étaler un chauvinisme de dernière venue.

    Tous les restaurants sont fermés, mais pourquoi était-ce ouvert l'année dernière? (réponse en écrivant ce billet: l'année dernière, nous sommes venus un jeudi.)
    Nous finissons au chaud les pieds plus ou moins trempés dans l'un des restaurants face à l'église Sainte Jeanne d'Arc (mais qui a commenté: «par ce temps, les Anglais n'auraient jamais pu allumer le bûcher»?)
    Le repas est le temps des bêtises : l'œuf parfait, nouveau snobisme des restaurateurs, la tarte au citron déstructurée («maintenant, ils ne préviennent plus qu'elle est déstructurée, mais elle l'est. — Tu veux dire que c'est la tarte reconstruite qui est l'exception? — La tarte déconstruite, ou tarte Derrida»).
    J'apprends que le vélo hollandais n'a pas de frein, qu'il faut rétropédaler: il perd soudain tout son charme (j'aime beaucoup son guidon très haut, j'avais envie d'en ramener un en TGV), j'ai eu un vélo ainsi, cela signifie qu'il faut pédaler (faire le mouvement) même dans les descentes. C'est horrible, on voit bien qu'Amsterdam est plate.
    Et il faut visiter Haarlem, bien plus calme qu'Amsterdam.
    A. babille, raconte son expérience d'apicultrice (je suis impressionnée, elle a découvert et pratiqué énormément de choses), nous parle des trois cents cochons d'Inde:
    — Quand il y a des malades, Luc les tue en les frappant contre le mur. Lise me demande pourquoi je ne leur fais pas un c0c1 ("cézérocéhun") mais moi je ne peux pas.
    — Un c0c1?
    — Cervicale zéro, cervicale un. Tu fais une décoapatation, tu tournes un coup sec, et crac. (Dans ma tête les légendes des trente façons de tuer à main nue.) C'est pour ça que les ostéopathes n'ont pas le droit de toucher aux cervicales.
    — Décoaptation?
    — C'est décoller les deux parties d'une articulation. En Angleterre, ils ont résolu le problème autrement: les ostéos ne font pas de décoaptation mais l'inverse, ils appuient sur la tête pour manipuler. Comme ça ce n'est pas dangereux.

    En sortant nous visitons tout naturellement l'église Sainte Jeanne d'Arc. C'est sans doute l'une des églises modernes les plus réussies que j'ai vues, la charpente est très belle et l'ensemble très lumineux. Les vitraux Renaissance proviennent de l'ancienne église Saint Vincent.

    Nous retournons au musée (re-)visiter les collections permanentes. J'aime beaucoup revenir dans les musées, cela permet d'acquérir une familiarité avec les œuvres, de les aborder autrement. Une partie des salles est fermée, cela interrompt le cours naturel de la visite, je me perds un peu (je ne verrai pas les Jacques-Emile Blanche de l'année dernière). Je contemple l'âne pelucheux de Rubens, Laurent me raconte le Démocrite de Velasquez (la transformation d'un portrait de buveur en philosophe).

    Nous rentrons par le nord, vers Andresy. Il fait froid aussi à Paris, mais il ne pleut pas.

    Samedi chargé

    - Rendez-vous à neuf heures pour passer l'aviron d'or (lorsque j'avais entendu parler de cela la première fois j'avais commenté ironiquement «j'ai passé l'âge de passer des étoiles». Mais la hiérarchie instaurée entre ceux qui jouent le jeu et ceux qui ne le jouent pas me pousse à passer ce brevet: comme toujours, il est désagréable de se voir supplanté (ici dans l'attribution des bateaux) par ceux qui ont un bout de papier quand on se sait plus compétent qu'eux).
    J'ai choisi cette heure poussée par Nathalie qui devait le passer à la même heure, mais elle n'est pas là, et quand plus tard je la croiserai et lui dirai «je croyais que tu devais le passer ce matin», elle me répondra d'un air dégagé «eh bien non», ce qui n'est pas grave mais toujours désagréable.
    Bref : je n'ai pas eu à me mettre à l'eau (savoir remonter dans le skiff fait partie des techniques à maîtriser) mais Vincent ne me donnera l'aviron d'or qu'en septembre, quand j'aurai ramé un certain nombre de kilomètres : «A la rentrée pense à ta gueule, je me passerai de toi pour encadrer, sors en skiff et je te le donnerai, on voit que tu as ramé quand tu étais petite, ton mouvement est parfait mais tu manques d'assurance».
    Comme avait commenté un rameur, «le passage des brevets, c'est surtout l'occasion pour Vincent de passer une heure avec toi en cours particulier.»

    - Onze heures. Je sors à peine de mon skiff que Vincent me remet en yolette avec Jean-Marc qui est bien plus causant que lundi dernier, sans doute parce qu'il vient de me voir ramer en skiff.

    - Une heure. Je commence à être fatiguée. Barbecue et papotages. Jean-Marc se propose comme barreur le jour où nous aurons notre huit de dames pour Angers, Vincent rit: «il faudra déjà que vous soyez douze filles». Toujours la même incrédulité. Mais si huit est trouvable, douze est plus difficilement envisageable (il faut être douze pour être sûr d'être toujours huit. Ce n'est pas comme en sport co où l'on peut s'entraîner s'il manque un joueur).
    «J'ai goûté la Villaine pour savoir si elle est salée à la Roche Bernard.
    — Alors?
    — Non.
    — Le point de limite de salure des eaux a été arrêté par un décret de Napoléon. Il est déterminé au point de plus grande marée.»

    - Deux heures et demie. Une liste de tâches a été établie, les équipes sont constituées, au boulot : il s'agit de nettoyer, remplacer, régler, démousser, revisser, peindre, avant la fermeture du club pour trois semaines. A cinq heures j'en ai marre.

    - Six heures. Chez Ladurée. J'achète quarante-neuf macarons («Bizarre», commente de son accent anglais le caissier interloqué) pour quarante-neuf ans, puis prends un café liégeois au salon de thé (j'adore leur café). Hervé me rejoint. Nous soufflons un peu. A. au téléphone: «Je n'ai pas le temps de discuter, il faut que j'aille pailler les cochons d'Inde». L'excuse me paraît étrange, remplacer la paille d'une cage à cochons d'Inde ne me paraît ni si urgent ni si long: «Comment ça, pailler les cochons d'Inde? Il y en a combien? — Trois cents.» Ah, OK.

    - Sept heures et demie. Rendez-vous au restaurant près des Invalides pour un anniversaire.

    - Onze heures moins le quart. Rendez-vous gare de l'Est pour récupérer O. qui rentre de camp, bronzé et heureux.

    Agacement

    O. est opéré des dents de sagesse mercredi prochain.

    Je passe à la pharmacie pour acheter les anti-douleur et les antibiotiques prescrits par le dentiste.
    Je repars bredouille : mon ordonnance a une semaine de trop, elle doit avoir moins de trois mois pour être remboursée par la sécurité sociale.

    J'en suis quitte pour téléphoner, qu'on m'en maile une autre. Heureusement que pour une fois je m'y suis prise un peu à l'avance, certains traitements doivent être commencés la veille de l'opération.

    Mercredi

    Et aujourd'hui, Jean-Michel chef de bateau. Encore un autre style. A sa place j'aurais fait ramer les deux nouveaux tout seuls, qu'ils trouvent leurs marques. Au nombre de critiques que j'écris ici, je me rends compte que finalement j'ai des idées sur la façon d'expliquer l'aviron.
    Jean-Michel zigzague dans le petit bras : beaucoup d'algues avec le beau temps, m'explique-t-il, et il est vrai que se prendre la pelle dans une algue ressemble à marcher sur son lacet (j'en ai fait l'expérience durant la randonnée).

    Sinon rien. Rangé la maison trois quart d'heures sans visible amélioration. Encore oublié de payer le téléphone. Commencé à faire du grec comme je me l'étais promis pendant l'année pour (tenter de) combler mes lacunes en grammaire. Reste à savoir si j'en ferai demain. Et après-demain.

    Toujours la même erreur

    Rêvé de ma prof de grec. Il faudrait que je m'y mette.
    Prévisionnel 2015 par extrapolation du semestriel.
    Encore une yolette de débutants. Philippe chef de bateau.
    Rocco et ses frères. Une queue de cinquante personnes à la séance de cinq heure et demie, encore plus longue à neuf heures. Quel succès.
    Vingt minutes d'attente de mon RER gare de Lyon. Je décide de prendre n'importe quel train et attendre à l'air à Villeneuve. Le temps que j'arrive à Villeneuve et tous les RER pour Melun sont supprimés : bus puis marche.

    Comme je m'étonne de ne toujours pas avoir reçu les notes du bac de français d'O, C. m'affirme qu'elles ne sont pas envoyées et qu'il faut les consulter en ligne. Comme il a vu la convocation de son frère qui traînait dans sa chambre, je lui demande de regarder.
    6 (écrit), 10 (oral) et 11 (TPE). Je ne suis pas vraiment surprise. Pourquoi suis-je quasi certaine qu'O le savait, le sait, qu'il ne nous l'a pas dit avant de partir en camp scout? Paranaoïa?
    Un peu trop de tarot, sans doute. Club Mèd. Pas étonnée, mais vaguement écœurée, et je ne sais même plus si c'est par lui (eux) ou par moi. Indulgence coupable. Lâcheté, paresse, pas la sienne mais la mienne, paresse de surveiller, lâcheté devant l'obligation de dire non si souvent, de devoir se fâcher si souvent. Je réagis, mais toujours trop tard, toujours après coup.

    Cette semaine, c'est aviron (et Ada)

    Il n'y aura sans doute pas grand chose à raconter cette semaine. Deux points saillants : les 2300 bulletins SEPA qu'il va falloir saisir pendant l'été (j'ouvre les enveloppes en écoutant Compagnon sur 1965-66) et l'encadrement des débutants tous les midis.
    Aujourd'hui Jean-Marc comme chef de bord. Pédagogie intéressante de la sensation: il donne peu de renseignements, est peu directif, mais demande de sentir telle ou telle sensation. La dernière fois (que je m'étais trouvée avec lui à encadrer des débutants: ie, l'année dernière!) cela avait donné de bons résultats, aujourd'hui c'était plus mitigé. Je remarque souvent le même "défaut" chez ces formateurs: ils n'expliquent pas assez le vocabulaire. J'en suis venue à décrire le mouvement du corps plutôt que le résultat attendu ("Plie les genoux lentement" plutôt que «ralentis les retours»; «pousse sur les bras au lieu de tirer» plutôt que «dénager, c'est le contraire de ramer»).

    Godard, Une femme est une femme. Cela me fait penser à Maupassant, par association féministe très lâche (il faudrait que je m'explique, mais c'est si ténu… Une façon de ne pas présenter les hommes sous leur meilleur jour).
    Vélib et bord de Seine, toujours. Il fait bon tendance chaud

    Ce soir est l'un de ces soirs si rares où je suis seule à la maison. Drap en lin "qui gratte" de ma grand-mère.

    Champs

    En regardant mon téléphone vers dix heures, je m'aperçois que j'ai reçu un sms du chef de groupe scout à trois heures du matin: orage à Strasbourg, les pio ont été évacués au Zénith, la caravane a peu de dégâts car les chefs ont fait aussitôt coucher les tentes (comme on abat la voile d'un navire).
    Dans la matinée, le père de H. appelle: Vous avez des nouvelles d'O.? — Non, répond cruellement Hervé. (Mais il est bien évident que nous en aurions s'il lui était arrivé quelque chose).

    Nous retournons chercher Jack pour le déjeuner (je dois calmer l'impulsion naturelle d'Hervé qui a toujours peur d'être en retard: «Laisse-lui le temps, il est en vacances»). Et effectivement nous arriverons un peu trop tôt, il n'est pas prêt, ce qui nous donnera le temps de nous promener dans le parc de l'hôtel.

    Dans la voiture, Jack me parle de La Procure et me montre l'un de ses achats: un livre d'Henri Lefebvre (impossible de me rappeler lequel) qu'il a l'intention de traduire: il trouve Lefebvre injustement sous-estimé aux Etats-Unis. Sur le coup ce nom ne me dit rien, mais en voyant dans la liste des ouvrages du même auteur que Lefebvre a écrit le Que sais-je sur le marxisme, je me souviens de l'anecdote sur Sartre que je raconte. Jack rit de bon cœur.

    Repas de restes (et Jack de s'exclamer qu'il s'agit des meilleurs restes qu'il ait jamais mangés, et moi, toujours aussi inadaptée au small talk, de me demander s'il est sincère… (quelques tomates et quelques saucisses, un peu de rosé, du soleil et de l'ombre… Cela vaut-il autant d'enthousiasme?)) Nous discutons, nous abordons une fois de plus le problème des niveaux de langage. Je lui montre Léo Malet qui me semble de "l'argot classique", une langue en soi et non un jargon vulgaire.

    Que faire cet après-midi? Pas Grosbois ouvert que le dimanche, pas Courances dont seuls les jardins se visitent l'été (les propriétaires doivent venir y résider, je suppose). Fontainebleau ou Vaux-le-Vicomte… je n'ai pas très envie, j'imagine la foule et le soleil et je n'ai pas très envie. Je cherche quelque chose de pittoresque, qui permette de briller de retour aux Etats-Unis.
    Et pourquoi pas Champs? Il me semble qu'il a rouvert, et je me rappelle encore de tentative infructueuse. Le château des Liaisons dangereuses, cela parlera aux Philadelphiens.

    Ce fut une très bonne idée.
    Peu de monde, une restauration parfaite, des jardins magnifiques, un espace suffisamment restreint pour les problèmes de genoux de Jack (mais comment aurait-il fait à Vaux?), un retour en suivant au mieux (avec maints détours) les rives de la Marne.

    Le soir, partant du principe que cela ne doit être rare à Philly, nous emmenons Jack dans notre restaurant marocain favori. A vrai dire, le temps ne s'y prête guère (il fait un peu chaud pour s'empiffrer de couscous!) mais cela ne décourage pas Jack.
    Tandis que nous le ramènons à sa chambre, un orage éclate. Un mariage bat son plein à l'hôtel, j'espère que cela ne l'empêchera pas de dormir. Je songe à un autre mariage chez un blogueur cher et je me demande s'il pleut là-bas aussi.

    Demain Jack continue son périple par la Belgique.

    La Feuilleraie

    Ce soir nous devions recevoir Jack, un "pur" ami FB que nous avions rencontré en 2012 à Philadelphie vers la fin de notre voyage. Il a réservé un hôtel à la Varennes-Jarcy (il m'avait demandé un conseil, mais on ne connaît pas les hôtels près de chez soi, par définition. Après un tour sur booking.com, je lui avais dit que La Feuilleraie me semblait agréable).

    Son téléphone ne fonctionne pas en France et hier il m'avait confirmé lors d'un dernier mail qu'il arriverait vers huit heures, qu'il prendrait un taxi de la gare de Combs-la-Ville pour aller à l'hôtel et nous appellerait alors du fixe sur place. Nous étions convenus que nous irions alors le chercher en voiture. («Est-ce que ça ne va pas faire trop tard pour le barbecue? — Non, nous sommes en été, la nuit tombe tard.»
    Mais tout de même, j'étais inquiète, je l'avais prévenu, toujours par mail, qu'il n'y aurait guère de taxi à la gare de Combs, qu'il avait intérêt à prévoir à l'avance…

    Depuis, plus de nouvelles. Huit heures, huit heures et demie, j'appelle l'hôtel, il n'est pas arrivé, mon interlocuteur note mon appel, «je vais quitter mon service mais je note votre appel sur l'enveloppe contenant les clés». Neuf heures, neuf heures et demie… Nous décidons finalement d'aller voir sur place (de chez nous, c'est véritablement tout droit!)

    Nous errons au rez-de-chaussée, il n'y a personne, c'est une très belle demeure. Je remarque une notice sur une cheminée: surprise, il s'agit d'un château loué par St-Ex pour sa femme Consuelo (voir ici en 1939. (C'est ainsi que j'apprends que Le Petit Prince a été écrit à deux heures de New York.) (Et sans doute Jack est-il le seul Américain lettré à ne pas avoir lu Le Petit Prince (la vénération pour se livre m'ennuie, mais je me sens étrangement piquée qu'il ne l'ait pas lu))).

    De cette dernière parenthèse vous déduirez que nous avons retrouvé Jack arrivé quelques instants auparavant. Cabriolet, barbecue en terrasse, nuit.

    Der Samouraï de Till Kleinert

    N'y allez pas.

    On ne se quitte plus

    La première chose que je trouve le matin au bureau, c'est une invitation à venir boire un pot sur les bords de Seine avant la fermeture du club trois semaines. Il s'agit pour les rameurs "du midi" de rencontrer ceux "du soir et du week-end". (J'ai coutume de résumer par "ceux qui travaillent à La Défense et ceux qui habitent autour de La Défense." Mais ce n'est pas toujours exact.)

    Je me trompe tout d'abord de lieu de rendez-vous et découvre les "îles", terrasses flottantes devant le quai d'Orsay consacrées à la détente mais aussi à la prolifération végétale.

    Discuté d'aviron pendant des heures dans le soir couchant sur le bitume qui refroidit entre le pont Alexandre III et celui de la Concorde (je préfère les jardins Tino Rossi). Aurons-nous l'occasion de ramer en huit de pointe? de faire du pair oar? L'eau sera-t-elle froide le 25 juillet à 9 heures? Champagne, rosé et biscuits apéritifs.

    La Roche Bernard - Rieux

    Bien dormi. Un tapis de sol, ça change tout : je me souviens encore des nuits où les côtes comptaient chaque brindille, chaque minuscule caillou sous le sac de couchage… Un tapis de sol et un oreiller gonflable et le camping devient aussi confortable qu'un lit.

    Surprise au petit déjeuner: les confitures sont réellement maison — pour soixante rameurs! Ce sont des merveilles: figues-cardamone, fraises-vinaigre balsamique, tomates vertes-citron, potiron (sans goût mais si jolie), marmelade de coing… C'est fantastique.
    La rigolade du matin, c'est le pliage des tentes: la mienne se plie comme elle se déplie, mais les tentes montage instantané sont quasi irrepliables: le terrain présente des campeurs plantés comme des piquets, découragés devant leur tente…

    Il fait gris. Nous devons ramer jusqu'au barrage d'Arzal puis remonter la Vilaine jusqu'au Port de Foleux.
    «N'arrivez pas trop vite, sinon nous n'aurons pas fini de préparer le déjeuner!»
    Mise à l'eau toujours un peu périlleuse sur des pontons qui ne sont prévus pour nos bateaux. Ne pas abîmer le matériel, ne blesser personne…

    Je prends la nage. Nous avons "hérité" d'un rameur de l'ACBB puisque l'un des rameurs (une rameuse) de Neuilly a retrouvé ses anciens amis d'Andrésy («club du confluent» — Confluent de quoi et quoi? — Entre la Seine et l'Oise.) (De même, j'ai retrouvé un rameur melunois venu avec les rameurs de Port Marly où rame sa compagne. Mélanges et retrouvailles.) Le plan d'eau est très calme. Des voiliers d'une dizaine de mètres, voiles repliées, nous suivent. J'apprends qu'en France, il n'y a pas de permis pour les voiliers, n'importe qui peut en louer un (en théorie: d'après Jean-Pierre, les loueurs vérifient l'aptitude des amateurs en utilisant du jargon technique: ils tiennent malgré tout à leurs bateaux).
    Pour sortir de la Vilaine et rejoindre la mer il faut passer une écluse, mais le mouillage à La Roche-Bernard revient moins cher. Beaucoup de voiliers ne sortent plus de la Vilaine, le lit élargi leur permettant d'évoluer à leur guise.

    C'est aujourd'hui que nous ramerons le plus. 21,6 km ce matin, 18 km l'après-midi. Philippe a choisi pour nous la vieille Caron, une yolette en bois qui a une cinquantaine d'années. Je suis heureusement surprise par ce choix d'amoureux des bateaux, j'apprendrais plus tard qu'il appartient à la Marine.
    Au bout de quelques kilomètres, les hiérarchies s'établissent entre les douze yolettes, nous sommes dans le premier quart. Je suis la seule fille du bateau et un équipage inverse (quatre filles, un garçon) énervera beaucoup Pascal: il vient d'Arcachon et rame habituellement en yole de mer. Leur chef de nage est une jeune blondinette bronzée (sans doute la plus jeune de la rando), leur coup de pelle est léger comme un rêve et d'un ensemble magnifique à voir, et leur bateau nous devancera systématiquement, malgré tout les efforts de Pascal tenant absolument à "tirer des coups" en suivant notre vitesse instantanée grâce à la montre d'Olivier, bref, comique et insupportable dans sa volonté d'être premier (ce n'est pas du tout l'objet de la randonnée).

    Port de Foleux pour déjeuner. Evaluation des coup de soleil et des blessures (plaie au mollet, dans l'ensemble ça va).
    Sieste. Départ. Le ciel s'est dégagé, il fait très beau. Il y a un vent suffisamment important pour que pelles en l'air au carré (verticales), nous avancions à trois km/heure! C'est un exercice d'équilibre très amusant. Le paysage a changé: après les rochers vers la mer, puis les forêts en amont de La Roche Bernard, voici la plaine. Aucune habitation à l'horizon, mais de loin en loin des pêcheurs à la ligne, de plus en plus nombreux à mesure que nous approcherons de Rieux (sans doute un concours).

    Camping de Rieux. Montage des tentes, douche. Je suis fatiguée. Ma grande inquiétude est de savoir si je tiendrai les quatre jours, je n'ai encore jamais ramé quatre jours de suite. Je redoute les courbatures.

    Il n'y avait pas d'alcool à midi mais ce soir c'est cidre et galettes (un peu sur le principe allemand: une saucisse dans une galette comme les Allemands mettent une saucisse dans un petit pain). Nous faisons connaissance. En face de moi Suzanne vient de Boston. Elle est menue, la soixantaine, elle est professeur, a des amis à Toulouse où elle a habité il y a quelques années. Elle visite la France et parfait son français uniquement par des randonnées d'aviron. A côté, Isabelle, brune discrète au beau visage fin, est spécialiste de langue mongole (!)
    Il fait frais. Crêpe au caramel au beurre salé.


    La Vilaine à neuf heures moins vingt:





    Ce soir c'est feu d'artifice et bal. Je tombe de sommeil. Je vais me coucher. Friction au synthol. Tard dans la nuit, vers trois heures du matin, j'entendrai la sono au loin (mais j'ai des boules quiès). La nuit est très claire, j'entrevois le chemin de St Jacques (toujours je le noterai).

    Nantes-La Roche Bernard à l'arraché

    Préparation du sac en catastrophe. Tout n'entre pas dans le sac de sport que j'avais prévu, je change pour un sac à dos, finalement j'ai trop de place, je n'aurais jamais dû attendre le dernier moment pour préparer mes affaires, je ne sais qu'emmener: quatre nuits, quatre jours de rame, que me faut-il? Au dernier moment je dégotte un K-way, je renonce à un pull, crèmes solaires, Vicks, lampe de poche, clé de dix, je m'apercevrai au fur à mesure que j'ai prévu trop court en t-shirts pour ramer et pas assez "élégant" — toutes choses égales par ailleurs — pour le soir. (J'écris cela de retour, après coup: narrateur omniscient.)

    Dans le bus qui m'emmène à la gare, je découvre en discutant que je vais rentrer mardi soir dans une maison vide et que je n'ai pas pris mes clés (pour ne pas les perdre). J'appelle O. pour qu'il aille tout de suite les déposer chez les voisins.

    RER, métro, correspondance avec mon sac à dos encombrant dont dépasse le tapis de sol. Il faut viser le milieu des portes pour passer en largeur.
    TGV, Ada. J'achète misérablement de quoi déjeuner, je n'ai pas pris le temps de me préparer un sandwich, nous devons déjeuner ensemble au club à midi, mon train arrive à 12h12.
    Bus, un, deux, j'ai étudié le trajets avant de partir, il y a des travaux dans la ville, je ne sais pas à quel arrêt descendre, le conducteur non plus. J'ai l'adresse du club, je sais où il se trouve sur la carte, je suis sur une appli du smartphone le trajet du bus, je descends au jugé.
    Je marche. Jean-Pierre m'appelle, où suis-je, on m'attend, les organisateurs s'inquiètent (à l'aviron, une absence pénalise tout un bateau, c'est comme un sport d'équipe — sans les remplaçants), je cache mal mon agacement: je me suis tout de même beaucoup débrouillée toute seule sans beaucoup (je pense: aucune) d'indication ou de conseils, il est bien temps de s'inquiéter de moi à une demi-heure du départ!

    Club sur l'Erdre à Nantes. Bus pour La Roche Bernard à l'embouchure de la Vilaine. Camping. Lieu calme et magnifique (tout le week-end nous nous déplacerons de camping en camping, calmes et magnifiques, comme neufs. Sans doute un peu trop calmes pour moi. Qu'est-ce donc que passer ses vacances dans de tels endroits? Mourir d'ennui, apprendre la sagesse.)
    Descendre les yolettes des remorques, remonter les portants, transporter les pelles. Clé de dix.
    Montage des tentes. La mienne a vingt-cinq ans, certes, mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle fut strictement seule de son espèce, canadienne en tipi avec un pilier central. Toutes les autres sont des tentes qui "se jettent", se déplient avec une grande facilité. Gros débat pour savoir qui ronfle.
    Promenade dans la ville. J'hésite à acheter des cartes postales, elles me paraissent trop "bretonnes". J'ai tort : je n'en trouverai plus durant le périple.

    Le soir l'équipe fait l'appel. Trois Hollandais, une Américaine de Boston. Le soleil se couche, on est bien.

    Erreur de la banque en votre faveur

    En consultant mon compte aujourd'hui, je découvre 6864 euros en cours de virement, sans indication d'origine (l'opération est terminée par les batchs de nuit; dans la journée les mouvements ne sont qu'indicatifs). Etrange impression d'avoir soudain un compte largement à flots!
    Hélas ça ne va pas durer.
    Ce soir déjà le site de la banque n'est plus accessible. Je suppose que demain tout sera rentré dans l'ordre. Dommage.

    La Grèce a dit non

    Matinée dans les bouchons: O. a passé son test d'aptitude à partir avec moi en conduite accompagnée. Visiblement toute l'Ile-de-France a pris sa voiture en espérant qu'il n'y aurait personne sur les routes : raté !

    H. est parti hier pour Poitiers, ce matin pour Muret: «on y va, on se fait engueuler, on revient.»

    La Grèce a dit non, je n'avais pas particulièrement d'opinion sur le referendum en lui-même (je me méfie des referendum), mais j'espérais vraiment que quelqu'un allait s'opposer à la financiarisation du monde. Je n'ai toujours pas digéré que les responsables du krack de 2008 ne soient pas en prison. En 2010, je saluais déjà la Grèce en ce qu'elle constituait un grain de sable dans les rouages destinés à digérer le vulgum pecus.
    Mais maintenant j'ai l'impression d'être lâche, car ce sont les Grecs qui vont payer.
    (Mais ils auraient payé de toute façon).
    Qu'avons-nous comme exemple? l'Argentine (les enfants qui s'évanouissent de faim dans les écoles), l'Islande (le chanteur de métal à la tête du pays).
    Pourvu, pourvu, pourvu… J'ai peur pour eux, pour nous, pour ce rêve d'Europe de 1944-1945 qui a commencé à se désagréger au fur à mesure que nous allions bien (car lorsque je regarde la quantité de trucs inutiles à vendre, les petits vélos pour découper la pizza et les pinces pour attrapper les toasts (longue station ce matin devant une vitrine en attendant l'ouverture de l'auto-école), non, je ne peux pas dire que nous soyons pauvres: en crise, oui; déchirés par les inégalités, oui; pauvres non), avec comme point d'orgue la réunification allemande qui a paru mettre un point final à la guerre (alors qu'en réalité se rouvrait peu à peu un front à l'Est au fur à mesure de l'émancipation des pays de l'ex-URSS).

    Yolette de pointe et coup de soleil.

    Première sortie en voiture pour O. C'est tout de même ennuyeux que ce soit une automatique.

    L'homme est né pour courir

    — Il y a un homme à Tours qui rame encore à 86 ans. En somme, l'important, c'est de trouver quelqu'un qui t'aide à monter et descendre du bateau, c'est le plus difficile, se plier et se déplier.
    — Le plus normal, c'est quand même de courir.
    — Je déteste courir. Ça fait des chocs dans les articulations.
    — Tu as tort. Tu sais que c'est un avantage des hommes sur les autres animaux? Il est le seul à pouvoir réguler sa température en même temps que conserver son souffle. Tous les autres animaux, au bout d'un moment assez court, sont obligés de choisir entre respirer et refroidir. Apparemment, pendant des milliers d'années, les hommes partaient en courant derrière un animal et le traquaient jusqu'à ce qu'il s'écroule.
    — Ça n'a pas de sens, ils courent moins vite qu'une gazelle.
    — Oui, mais la gazelle ne court pas longtemps.
    — Mais le temps que tu la rattrappes, elle a récupéré.
    — Non, les animaux récupèrent mal, pas très vite.
    — C'est le principe de la chasse à courre, ton truc.
    — Exactement. Et toute la tribu se déplaçait ensemble, car ça ne sert à rien de courir cinquante kilomètres pour ceux qui ont faim si quand tu attrappes la nourriture ceux qui ont faim sont cinquante kilomètres en arrière. Ils ont trouvé une tribu dans les canyons du Colorado qui, lorsque les Européens sont arrivés, n'a pas cherché à se battre mais est partie en courant droit devant elle. Les indigènes vivent dans les mêmes conditions qu'à l'époque, curieusement personne ne les a dérangés.

    Suite à cette conversation, j'ai fait une recherche. Voir ici pour plus de renseignements (la vidéo est intéressante, même si un peu niaise dans sa façon de s'exprimer. Elle donne l'impression d'avoir cinq ans (et l'habituel constat: ce qui est destiné à vous protéger vous fragilise)).

    ——————————
    Agenda
    Je suis retournée ramer à Melun pour la première fois depuis les crues de mai.
    Il fait lourd, le temps est voilé, il fait toujours très chaud — mais peut-être un peu moins. Nous avons eu quelques gouttes de pluie.


    Conseil scout en cas de forte chaleur

    Je ne serai pas là pour le départ du "petit" (seize ans, 1,90 m) en camp scout. Je fais une revue de détail et demande des conseils au grand frère.

    — Prends du talc, surtout s'il fait ce temps-là : c'est un truc de chef quand on n'a pas le temps de se laver.
    — Mais pourquoi?
    — Ben pour ne pas coller.

    La prégnance des émotions

    Un 20 minutes qui traînait dans la rame m'a émue:
    «Dans sa vie, un homme peut changer de femme, de parti politique ou de religion mais il ne peut pas changer d’équipe de football» disait le célèbre écrivain Eduardo Galeano, décédé tout récemment. Il aurait pu ajouter qu’un homme peut tout oublier, sauf les émotions liées au football. C’est, en tout cas, le sens louable d’une expérience menée en partenariat par la fondation «Santé et vieillissement» de l’Université autonome de Barcelone et la revue espagnole Libero, dénichée grâce à une traduction publiée sur le site des Cahiers du foot.

    L’idée de départ est simple: il s’agit, pour des patients victimes d’Alzheimer, d’inclure dans les exercices de travail de la mémoire des émotions liées à des événements sportifs marquants. Une approche testée avec succès aux Etats-Unis, où le club de baseball des Saint-Louis Cardinals a créé une association, la Cardinals Reminiscence League, qui permet à ses supporters touchés par la maladie d’échanger autour du passé du club deux fois par mois, dans l’enceinte même de l’équipe actuelle. «On a voulu faire la même chose ici avec le football, explique Diego Barcala, le directeur de la revue Libero. L’initiative est venue des médecins, qui ont fait venir des anciens joueurs du Barça pour générer une conversation autour du foot et essayer de mobiliser des souvenirs».

    C’est là que Libero, une revue très centrée sur l’utilité sociale du football, intervient, en proposant gratuitement des numéros spéciaux adaptés aux époques recherchées, avec Suarez, Pelé, ou Cruyff en couverture. «Alzheimer efface la mémoire mais elle n’efface pas la passion pour le football, ni les émotions, et c’est cela que nous souhaitons récupérer par le biais de cette thérapie de la réminiscence», détaille Laura Coll, le médecin responsable du projet. Les résultats sont assez bluffants. On y voit des malades parfaitement capables d’identifier une action précise, comme le fameux but du talon de Cruyff, et même, parfois, de se souvenir de certains noms, quand ils ont oublié celui de leur enfant.[…]

    20 minutes, le 30 juin.
    Ça doit être étrange pour un fils de constater que son père ne se souvient plus de lui mais se souvient d'un joueur de foot… D'un autre côté, ça ne me paraît pas si étonnant que ça.

    Peut-être parce que je suis en train de lire La norme et la règle, un dialogue entre Jean-Pierre Changeux et Paul Ricœur, l'idée que la mémoire et les émotions ne soient pas codées exactement de la même façon ou aux mêmes endroits du cerveau me paraît fascinant.

    Moulue

    Hier midi, sortie en skiff.
    Objectif, préparation de l'aviron d'or.
    Parmi les techniques à maîtriser, il y a celle qui consiste à remonter dans le bateau après un dessalage. Comme il fait très chaud, Nathalie a prévu de s'entraîner à cela; et donc je décide d'en faire autant.
    Sauf que je n'ai jamais réussi à remonter dans le bateau.

    Je me suis mise à l'eau deux fois. La première fois je n'ai réussi à remonter que lorsque je me suis suffisamment approchée du bord pour avoir pied. La deuxième fois je n'ai jamais réussi, le bateau menaçant de se retourner quand je m'appuyais sur le bord pour me hisser dessus. Pas assez de force dans les bras, il va falloir que je fasse des pompes. Ou mauvaise technique. Ou les deux. Le skiff a été ramené au ponton par Marin qui me regardait d'un air exaspéré, style «c'est quoi cette buse».

    En arrivant à la maison, tard le soir, j'ai pris un morceau de scotch pour m'en servir comme d'une bande dépilatoire pour tenter d'arracher les échardes invisibles de fibre verre que je m'étais plantée dans le bras droit aux alentours du coude.

    Ce matin je suis moulue. J'ai l'impression d'être passée à la lessiveuse, j'ai mal à la cage thoracique. Je découvre un bleu violet au niveau de l'aisselle gauche, due à mes appuis contre la coque.
    Il faudra que j'essaie de monter de l'autre côté, à tribord.




    ------------------
    Commentaire le 6 juillet : je suis très petite joueuse : Nathalie est de cette couleur-là sur tout l'intérieur des deux cuisses… (vaisseaux sanguins écrasés quand elle se met à califourchon sur le skiff — mercredi elle a accompli l'exercice quatre fois de suite.)

    Je suis nulle en sous-entendus

    Hier, je parcourais du regard le compte rendu (en comic sans) du dernier CE de Monentreprise par la CGT:
    Notre organisation syndicale interpelle la direction sur la rumeur persistante du rachat par Allianz1 d'un réseau d'agents afin de devenir aussi gros qu'Axa.
    La direction nous indique avoir entendu la rumeur et nous indique que le patron d'Allianz n'a jamais nié vouloir grossir sur le marché. Sauf que rien n'est à vendre. Faire croire aux salariés que c'est signé, «c'est du grand n'importe quoi!»

    En lisant cela, je m'étais dit que la CGT craignait l'émergence d'un concurrent important.
    Sur ces entrefaits, la CFDT est passée distribuer son propre compte rendu.
    Démenti sur les rumeurs de vente de Monentreprise
    La direction a démenti les rumeurs sur le rachat de Monentreprise par Allianz, mais elle confirme la volonté de cet assureur de racheter un réseau d'un millier d'agents.
    Ah, c'est cela que cela voulait dire? Je ne l'avais pas du tout compris! Donc nous serions à vendre, vendus? Ou pas?
    Je n'y crois pas trop (il n'y a pas de raison objective; jusqu'ici, la maison-mère a toujours vendu quand elle n'avait pas le choix. D'ordinaire elle est plutôt dans une logique de conservation), mais c'est toujours étrange, ces rumeurs qui enflent.


    Note
    1 : c'est Allianz qui a racheté ma précédente entreprise au groupe dans lequel je travaille actuellement.

    Souvenir de Pasqua

    Mon souvenir de l'ère Pasqua, c'est un dessin, sans doute de Plantu, sur mon frigo à Aubervilliers: Basile Boli qui brandit une coupe (la Ligue des Champions 92-93?) et Pasqua en uniforme policier qui lui dit: «Où t'as piqué ça? Tes papiers!»


    Il me semble que c'est dans ces années-là qu'est apparue la formule "délit de faciès".
    Ce type était une ordure, et qu'il ait été résistant ne change rien à l'affaire: il s'agit d'un mode d'expression de sa relation au pouvoir qui à ce moment précis de l'histoire fut favorable à la France.
    Je ne sais pas si ce fut toujours le cas.
    Et que Sarkozy se soit joué de lui en se présentant (et en étant élu) à la mairie de Neuilly en dit long sur Sarkozy.


    Aujourd'hui Pasqua est mort.

    Le mouton



    « Je suis ceux que je suis. »




    Graffiti photographié à Lille posté dans un groupe FB qui me fait rire.
    Projet grenoblois à l'origine.

    Bonne nouvelle

    Nous nous retrouvons au café avant le cours.
    — Pfff, pas grand chose de réjouissant, en ce moment… Ah si, Nabilla n'ira pas au pénal.



    S'en suivent quelques commentaires, à commencer par se demander comment il est possible qu'elle y échappe.


    -------------------------
    J'ai un 11 mérité en théologie. Problème de méthode, pensée pas assez resserrée.
    Surtout j'ai essayé de plaire, et j'ai honte d'avoir fait cela plutôt qu'avoir travaillé davantage sérieusement.

    Week-end

    - Vendredi soir : concert de fin d'année de l'école de musique

    - Samedi : journée théologie. La place de l'épiscopat depuis Vatican II (cela fluctue et n'est ni très clair ni très arrêté. Quel rôle et quelle place pour les Eglises locales, voire régionales? Des pistes intéressantes pour l'avenir de l'Eglise. L'enjeu? A mon sens, avoir et faire confiance. Quand on voit comme c'est difficile alors qu'il s'agit des plus hautes instances (les évêques) nommées par une unique entité (le pape) garant d'une même foi, on se dit que finalement, qu'on puisse se faire confiance dans d'autres contextes moins unifiés est un miracle absolu.)

    Le soir, spectacle de claquettes à Vincennes (notre voisine est professeur). Spectacle impressionnant par sa variété et le jeu des costumes.
    J'ai la surprise de découvrir Danielle dans les danseuses. Elle était avec moi à la Vogalonga de 2011 (elle a arrêté l'aviron parce que porter les yolettes lui faisait mal au dos).

    - Dimanche La flûte enchantée, pétillante et joyeuse. Enfin un décor qui n'est pas noir. Papageno remarquable. (Avouons que je ne comprends rien au livret. Les livrets d'opéra me paraissent toujours si schématiques que je devrais me forcer à ne pas en tenir compte, à simplement écouter et regarder sans chercher de sens.)

    Enquête

    Nous ne le savions pas alors, mais ceci est la dernière enquête. Nous l'apprendrons dans une semaine. Au revoir Gwen, et merci.

    1/ Non. Juste plongé un pied : c'est froid.

    2/ Non, pas vraiment. Je préfére regarder les orchestres, les musiciens, les chœurs.

    3/ En principe oui. Mais je n'aime pas la façon dont ils sont commentés, ni les montages saccadés. J'ai un souvenir émerveillé des documentaires des années 70, tournés le plus souvent par des savants anglais en Afrique. C'était des scientifiques, pas des journalistes, pas des documentaristes.

    4/ Euh, sans doute que oui: je suis petite, dès qu'il faut faire quelque chose en hauteur (changer une ampoule, atteindre une étagère), il faut que je grimpe.

    5/ Jamais.

    6/ Oui!! Punxsutawney à cause du Jour sans fin.



    7/ Sur la route qui va de la frontière à Stuttgart. Horrible, plusieurs heures sur des dizaines de kilomètres.

    8/ Non. Je me rends compte que je mange très vite comme si j'allais être privée de nourriture, que j'ai des réflexes de stockage, d'engrangement. Je ne comprends pas d'où ça me vient.

    9/ Non, je ne crois pas.

    10/ A la grande époque, sur les blogs, oui.
    J'en laisse maintenant moins, tout est devenu plus compliqué, il faut avoir des profils, etc.

    Ue fille sur un fil

    Après l'échec d'hier, repassé à la bibliothèque (ça n'a l'air de rien dit comme ça, mais c'est compliqué en l'absence de la correspondance ligne 1-ligne 12 à Concorde. Ligne 6 à Charles de Gaulle puis 12 à Pasteur).

    Le Marcel Gauchet et Karl Jaspers de Ricœur en accès libre est emprunté, celui de la réserve est introuvable, sans doute mal classé. Je repars avec de quoi m'occuper malgré tout (vu la vitesse désespérante à laquelle je lis):
    - Ricœur et Changeux, La nature et la règle,
    - Pierre Gibert, Une théorie de la légende (sur Gunkel),
    - Auguste Diès, Autour de Platon, encore. Mais cette fois-ci j'espère bien le finir.
    A rendre le 21 septembre : l'année prochaine les cours reprennent plus tard.

    Vélib. Jardin Tino Rossi, de Bastille à gare de Lyon, sur les bords de Seine, le plus heureux des jardins dès qu'il fait beau.
    Je remarque une fille en robe orange à fines bretelles qui marche devant moi. Plus tard (ai-je fait un détour? Comment se fait-il qu'elle m'ait devancée? Ou était-elle à vélo? Je ne me souviens de rien. J'ai de nombreuses absences en ce moment, ça m'inquiète un peu) je la vois embrasser un garçon et se diriger vers un ruban de chantier entre deux arbres.
    Ce n'était pas un ruban de chantier. C'était un fil.


    Pas grand chose

    Un prestataire est venu installer le nouveau poste de travail de J. Il a eu les yeux exorbités lorsque nous lui avons expliqué qu'un technicien de la maison était venu la semaine "installer lotus en client lourd", avait fait planter l'ordinateur, n'avait pas réussi à l'éteindre, avait arraché la prise, n'avait pas réussi à le faire redémarrer, était parti sans jamais revenir…
    Lorsque J a téléphoné à la hotline interne, son poste a été déclaré HS et elle a attendu qu'on lui en donne un autre (deux jours sans ordinateur, c'est long dans une fonction administrative).

    Passage à la bibliothèque rue Vaugirard pour rendre Deleuze sur le cinéma (cours autour de Bergson). Vélib. Passage à l'ICP pour emprunter des livres: bredouille, horaires d'été, fermée à 18 heures.

    Vélib jusqu'à gare de Lyon. Il fait froid. J'aurais juré qu'il y avait un gros saule pleureur à la pointe de l'île Saint Louis. Oui ou non? En tout cas il n'y avait rien ce soir.



    ————————
    Signe des temps :
    Un mouton croisé méduse est arrivé jusque dans nos assiettes. Cela me fait penser à la sirène servie dans un restaurant dans Le bourreau affable.
    Cela me donne envie de rire. Nous allons vraiment faire notre malheur, comme ces enfants qui abîment leur jouet préféré puis pleurent «c'est pas moi, j'lai pas fait exprès».

    Dissection

    Après les fractals et les cafards. Conversation entre nanas acte III.

    — Et il t’a parlé de la dissection ?
    — Non. Vous avez disséqué un cheval ?
    — Oui, à Brighton.
    — Pourquoi, c’est interdit en France ?
    — Non, mais ils ont un refuge pour vieux chevaux, et quand ils meurent, ils les congèlent.
    Moi, incrédule: — On vous a amené un morceau, un cuisseau ?
    — On a eu un cœur, un rein… il tenait juste dans ma main. J’ai eu plus de mal avec la tête. Elle était coupée en deux, une moitié pour chaque groupe. La prof a eu besoin de sortir, normalement elle ne peut pas laisser les élèves tout seuls, mais elle les a laissés en leur recommandant de ne pas toucher à la seconde moitié. Ils ont coupé la cervelle en quatre, il y a de l’eau qui coulait pour que ce soit toujours propre, ça s’effilochait dans l’eau, ils ont posé l’œil au milieu des quatre morceaux comme une fleur. C’était beurk (dit-elle réjouie au dessus de ses rognons de veau).
    — Attends, j’ai pas suivi… tu faisais partie du groupe ?
    — Oui, mais j’ai juste regardé. L’intérieur, c’est super, mais si on voit que c’est un cheval, j’ai du mal. La cervelle était remontée par l’orbite…
    — Ah, ça avait fait dépression… Tu devrais vraiment regarder Big Bang Theory, Amy, l’amie de Sheldon, est neurobiologiste, elle est tout le temps en train de découper de la cervelle.
    — On devait chercher le nerf optique, et c’est pas facile. Ils ont crevé l’œil… (Changeant de sujet) On a vu un diaphragme, aussi. C’est vachement plus facile à comprendre quand on le voit. C’est très élastique et super solide; si t’as un problème au diaphragme, c’est vraiment un problème. C’est d’un seul tenant, il n’y a que trois hiatus.
    — Trois tubes.
    — Oui. Veine cave, aorte, œsophage.

    Etc. Le hamburger normand (camembert) était très bon.

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    Agenda
    Le matin concours hippique (6e sur 27, elle a une belle position, une bonne assiette, je ne l’avais pas vue monter depuis six ou sept ans).
    L’après-midi Vice-versa (le film).

    La guerre du Nutella

    Courses pour la première fois depuis une éternité. Il n’y a plus rien, nous avons même réussi à mettre à sec la réserve de pâtes. (Heureusement, Juliette n’a pas vu mes knackies).

    V'là-t-y pas que Ségolène Royal explique qu'il ne faut pas manger de Nutella. Après les voitures qui bipent quand vous ouvrez la portière, les mecs qui pourraient être vos fils qui vous expliquent comment monter dans un RER («veuillez avancer dans les couloirs», «ne marchez pas derrière la ligne»), la ministre qui t'explique ce que tu dois manger.





    Ne pas oublier : le Nutella, c'est le mal.
    Et moi, inévitablement, de penser comme souvent aux Animaux malades de la peste:
    Au dire de chacun, étaient de petits saints.
    L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance
    Qu'en un pré de Moines passant,
    La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
    Quelque diable aussi me poussant,
    Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
    Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
    A ces mots on cria haro sur le baudet.
    ———————————
    Agenda
    Train pour Lisieux le soir.

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.

    1/ Oui. Il me sert principalement d'appareil photo et de pense-bête.

    2/ Oui. Lundi j'ai eu très froid. (Lundi 22 par rapport à ce post publié samedi 20 puisque je le rédige le mercredi 24.)

    3/ Non (à moins de compter les demandes pour une photo de groupe. Formellement, ce n'est jamais moi qui ai demandé).

    4/ Je n'en parle pas pour qu'il se concrétise !

    5/ Ces dernières années, j'ai été trahie une fois par an environ. Quelle idée aussi, de s'attacher aux gens et de les croire (et d'y croire)!

    6/ Oui. Des petits chats, un poussin (difficile de casser une coquille).

    7/ Aucun souvenir. J'avais un an et demi.

    8/ Non, j'ai essayé, ça m'ennuie ou ça ne va pas assez vite.

    9/ Je ne sais pas. Je ne crois pas: langue trop scolaire, aucune imagination, rien à raconter. Et la conscience aiguë qu'on manque davantage de lecteurs que d'écrivains!

    Vendredi

    Sortie en double avec Anne-Sophie. Bateau Kokoriko (fierté de se voir attribuer un bateau qui n’est pas les bateaux loisir habituels). Elle aussi me dit de préparer plus tôt (préparer ses pelles). Mentalement épuisée de concentration. Compliment nouveau: bon contrôle du dernier quart de la coulisse (je le note parce que c’est inattendu: c’est la première fois qu’on me dit ça. Ce doit être grâce à Jérôme, et peut-être à mes visionnages Youtube).

    Les lunettes de soleil de Clément qui avaient été retrouvées au fond de la cabane ont fini dans la Seine.

    J. n’a plus d’ordinateur. J’espère que nous ne venons pas de perdre quatre ans de compta (normalement c’est sauvegardé sur le réseau). Quand J aura son nouveau poste de travail, il va falloir trouver dans le dédale de l’organigramme LA personne habilitée à nous installer le logiciel de compta non répertoriée dans les listes habituelles. Du nawak en perspective.

    Oulipo

    Depuis que je suis des cours, j'y vais bien moins souvent. Cette année cela coïncidait de temps en temps avec les cours de grec mais j'ai dû réussir à y aller deux ou trois fois.

    Le lieu a encore changé: abandon de l'asiatique, retour à un Italien.

    La traduction de Vialatte, l’humour de Kafka. L’hyperacousie. Les compliments et les mufleries.

    A : — Il m’a dit que j’étais son budget cigares.
    B : — Je trouve ça drôlement ambigu quand même.
    C : — Tu sais ce qu’a dit Freud ? Il arrive qu’un cigare soit juste un cigare.
    B : — Moi qui ai connu le spécialiste de la micropsychanalyse…
    C : — Il arrive qu’une cigarette soit juste une cigarette ?

    Première pierre

    La catho se modernise. Combien d'années de travaux ?
    Cardinal Vingt-trois, maire de Paris, maire du VIe, discours. Première pierre. Le campus va être agrandi en récupérant les bâtiments de deux écoles parties en banlieue et en creusant un amphi dans le sous-sol.
    L'objectif est de rester dans Paris, car «Paris tout entier est le campus des universités parisiennes.»

    Petits fours. Depuis quelques temps déjà, dans les lieux publics, au milieu de la foule, au restaurant, dans les transports, je n'essaie plus de retrouver le visage des gens bébés ou enfants, mais vers seize ou dix-sept ans. Et ils n'ont pas changé, leur personnalité affleure, je les imagine au café, en train de draguer ou de discourir: ils sont les mêmes, les mêmes sourires, les mêmes gestes, les mêmes espoirs.




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    Appréciation :
    Dans la gradation «c'est bien», «c'est pas mal», j'ai eu droit à «continue, c'est pas si mal».
    (Il s'agissait de skiff et de préparation de l'aviron d'or: j'ai eu un compliment de Vincent, hiiiiihh.)

    12, 13, 14, 15, 16

    - Vendredi soir, prière œcuménique à St Julien-le-pauvre. Je croyais que c'était une église orthodoxe, en fait elle est catholique-melkite.

    - Samedi, dimanche et lundi : fin de la dissertation d'ecclésiologie en perdant beaucoup de temps à ne rien faire (Au début de l'année elle devait être rendue le 26 mai. Le 26 mai il me restait à écrire l'introduction et la conclusion. J'ai alors appris qu'elle était à rendre le 8 juin. Et c'est ainsi que je l'ai rendue le 15. C'est maladif (sérieux : je me dis qu'il faut que je me fasse soigner, j'ai un problème avec les échéances)).

    - Dimanche H. a démissionné de son poste de trésorier du club de ping. La fin d'une époque (nostalgie: depuis combien d'années, neuf ans, dix ans? Les championnats de France pour accompagner les enfants, les compétitions le vendredi soir, les montages vidéo pour attirer des adhérents,… tout cela vite vite, en catastrophe, en retard en retard…)

    - Mardi. Je fête ça en allant au ciné et m'ennuie comme un rat mort devant Desplechin. Le mal de mer devant autant de gros plans. Et il caille dans la salle.
    Je rentre et fais des paquets-cadeaux devant Les Tribulations d'un Chinois en Chine.

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.

    1/ Beaucoup moins qu'avant. Je cherche plutôt à comprendre ce qui se passe pour ne pas m'opposer à moi-même, mais détourner le cours de mes émotions (la meilleure explication est celle de la bûche dans le courant: il est stupide de vouloir remonter le courant, mais on peut choisir (ou essayer de choisir) l'endroit où l'on flotte, en plein courant ou près des berges, voire dans un bras mort: je ne m'oppose plus, j'oriente mon moi-même).
    Si je dois vraiment vaicre une répugnance, c'est qu'il y a une contrainte extérieure forte; je vérifie alors si elle est légitime. Parfois oui.

    2/ A chercher des solutions aux problèmes, à essayer d'envisager de nouveaux angles d'attaques.

    3/ Oui. Plusieurs.

    4/ Blois

    5/ Non. Enfin oui, mais nous étions seules en ligne! (mais avec un chono qui nous a qualifiées pour les championnats de France minimes (où nous fûmes quinzièmes).

    6/ Régulièrement. Je suis du matin, mon mode de vie et ma famille contrarient mon rythme spontané.

    7/ La décision de mes parents de se marier et de partir au Maroc. Des chemises à fleurs, des guitares, des pavés.
    Des hommes de soixante ans m'expliquant que ce fut la chance de leur vie: quand les fils à papas ont déserté pour partir dans le Larzac se sont libérées des places dont ils n'auraient jamais rêvé.

    8/ J'essaie. Je vous jure que j'essaie. Mais non seulement je ne sais pas toujours ce qui est politiquement correct, mais en plus je suis plutôt maladroite.

    9/ Oui dans les magasins et chez les autres. C'est amusant. Non chez moi. Ça prend de la place et la poussière.

    10/ Euh… dans un vote? Pour un choix à faire? Non.
    Sinon je suis régulièrement la seule blanche de la voiture quand je prends le RER à 23h. (Je dois avouer que je ne m'en suis rendue compte qu'à cause de certaines discussions FB. Je ne fais pas attention à ça, j'ai l'habitude: à la cité U de Nanterre, il y avait surtout des étudiants des DOM, le RER était déjà très noir…)

    L'affaire Tim Hunt

    Des propos du prix Nobel Tim Hunt sur les femmes scientifiques on suscité le tollé: «Vous tombez amoureux d'elles, elles tombent amoureuses de vous, et quand vous les critiquez, elles pleurent» ; tant et si bien qu'il a été contraint de démissionner du University College of London où il travaillait.

    Les propos de Tim Hunt ne me surprennent pas, je les ai déjà entendus. Ce qui me surprend, c’est la réponse qu’ils reçoivent.

    Concernant les larmes, pourquoi pas. En tant que fille qui pleurait très facilement (au point que lorsque mon assistante m’avait demandé pourquoi je m’étais mariée (ça la torturait car elle était célibataire à vingt-six ans et j’avais trois ans de moins qu’elle) je lui avais répondu «parce qu’il a toujours des kleenex» (le pire, c’est que pendant trois secondes elle m’avait crue)) et qui recommence à pleurer facilement (les hormones?), pourquoi pas. C’est embarrassant, il faut faire avec, ne pas y accorder trop d’importance et réussir à le gérer sans avoir l’air trop con. Bon.

    Ce qui manque, c’est la contrepartie masculine. Si les femmes pleurent quand on les critique, que font les hommes? C’est simple, ils ne reconnaissent JAMAIS une erreur, ils ne reconnaissent jamais leurs torts. Impossible. Au mieux ou au pire, acculés, ils se mettent en colère. Est-ce mieux et plus facilement gérable socialement que des larmes? Je n’en sais rien, mais il est sûr que c’est aux autres de gérer, car ils n’admettront pas non plus qu’ils sont en colère. Non, ils ont juste raison.
    Donc j’attends simplement des hommes qu’ils soient capables d’entendre cette généralisation sans nous fournir des contre-exemples (car les hommes généralisent sur les femmes, mais si une femme leur rend la pareille, inévitablement «elle exagère». Donc s’ils reconnaissent que les hommes se mettent en colère, je reconnaîtrai que les femmes pleurent. S’ils nient, je nie aussi, je fais comme eux, je leur cite une douzaine de contre-exemples. Car pourquoi eux pourraient-ils s’en tirer ainsi et pas nous?)

    Concernant la partie «les femmes mettent le bazar dans les labos par leur présence sexuelle» (et affective?), j’ai entendu cet argument entre mes treize et quinze ans, et il m’a marqué à cause des hommes qui l’ont émis: mon oncle (vétérinaire) et mon entraîneur d’aviron (ébéniste), deux hommes que j’aimais beaucoup et pour lesquels j’avais beaucoup d'admiration. Or le drame d’admirer quelqu’un, c’est que vous avez tendance à croire ce qu’il dit. Donc je prenais pour argent comptant la phrase «une fille met le bazar dans une équipe» et j’avais juste envie de supplier et de m’excuser: «mais ce n’est pas ma faute si je suis une fille. Je n’ai pas choisi, je vous assure, j’aurais préféré être un garçon, c’est tellement plus facile! Acceptez-moi quand même, je vous en prie !» (Mais bien sûr, je me taisais).

    Aujourd’hui, trente ou trente-cinq ans plus tard, j’ai juste envie de répondre: «ce n’est pas mon problème. Je gère mes règles, ma contraception, mes grossesses, alors si vous avez des problèmes, gèrez-les, je ne les porterai pas pour vous, j’ai assez des miens. Vos appétits sexuels, votre problème; vos besoins affectifs, votre problème; débrouillez-vous, prenez du bromure si ça vous aide! VOS hormones, VOTRE problème.»

    Le fonctionnement du Comité d'Entreprise

    Je suis en train de me rendre compte qu'un Comité d'entreprise est une zone de non-droit.
    Il ne doit rendre des comptes qu'à l'employeur, qui généralement n'est pas trop regardant en échange de pas trop de contestation.
    Chez nous, nous avons en outre un Comité Inter-entreprises auquel chaque CE reverse 75% de ce qu'il reçoit de son entreprise. La secrétaire du CIE aurait dû quitter le groupe et partir chez A** en 2012 lors de la cession de son entreprise par le groupe: au dernier moment elle a été mutée ce qui lui a permis de rester. Elle habite en province (son poste de travail est en province) et à titre de secrétaire du CIE a droit à un appartement dans Paris payé par l'entreprise. Cela fait quinze ans qu'elle est secrétaire… et dispose d'un appartement tous frais payés à Paris.
    Il paraît que cet appartement est un véritable baisodrome, cela ajoute du sel à l'affaire…

    Nous nous sommes détestées au premier regard. Elle veille scrupuleusement à l'application des règles d'attribution de subvention aux salariés (c'est bien) avec des passe-droits selon son humeur et ses goûts (c'est mal). Bref, c'est l'autoritarisme du petit chef à qui l'on a confié du pouvoir. Si elle m'embête, je me syndicalise dans son syndicat.

    Littérature populaire

    Bookcrossing. Peu nombreux, onze. Je me sens plus à l'aise que d'habitude, je ressens davantage le plaisir de retrouver des visages connus. Nous sommes au bistrot d'Edgar près de TGB. Il fait bon, la couleur de l'air est idéal.
    Expo Piaf pour un certain nombre de participants.
    Je présente Pas d'orchidées pour Miss Blandish. 1938. Ce livre m'a fait penser à Sanctuaire (1931: Chase avait-il lu Faulkner?)
    Je repars avec Pierre Benoit que je n'ai jamais lu.
    Comme j'écris ces quelques mots jeudi soir, j'ai presque terminé Pour Don Carlos (ah ces livres qui se lisent en trois heures!) Je ne m'attendais pas à ça, noir, gothique, on dirait du Barbey d'Aurevilly.
    Cela me donne envie de reprendre Le cinquante-quatrième jour.

    A développer

    - vendredi : sortie en huit. départ pour Berlin
    - samedi : Berlin. Aviron sur le lac Tegel et la Havel. Allergie.
    - dimanche : musée historique de Berlin
    - lundi : traduire la Bible sous le communisme : Dagmar Halas
    - mardi : traduire Hubert Félix Thiéfaine (ou de la difficulté de traduire l'anglais en anglais (entre autres)). GC dans ses œuvres. De l'interprétation des augures du garçon de café parisien. Belle librairie Wallonie-Bruxelles rue Quincampoix, la librairie du cinéma à l'angle de la maison de la Poésie a disparu, j'ai vérifié également la disparition de la librairie allemande Marissal (Saint Thomas), acheté des livres chez Colette en confondant Handke et Bernhard (mais je sais que ce qui m'a attiré, c'est ce mot de "morave" qui m'a poursuivie de Berlin à Paris).

    Le joueur d'échecs

    Ligne 1




    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 17 septembre 2016.

    1/ Oui !

    2/ Jamais.

    3/ Oui. Il faut que la longueur des lignes soient correctes, ni trop courtes ni trop longues.

    4/ Oui et non: l'entrée à Sciences-Po en première année ("AP"), un examen avec toujours le même nombre de reçus…

    5/ Non. Je me souviens qu'ils ont laissé traîner un livre quand j'avais huit ans. En y repensant, il était très bien fait. Mais à l'époque, je n'avais absolument pas compris de quoi il retournait.

    6/ Non. C'est assez difficile de croiser quelqu'un qui porte les mêmes tenues que moi, je ne suis pas la mode.

    7/ Il me semble que oui, sans doute, il y a quarante ans…

    8/ Oui.
    Et non, jamais. En général, c'est plutôt le choix inverse qu'on vous demande de justifier. Une amie m'avait expliqué que cela paraissait si invraissemblable à sa famille qu'elle n'ait pas d'enfant après six ans de vie commune qu'ils n'osaient plus lui poser la question: ils supposaient une stérilité.

    10/ Très rarement, pour une raison qui va peut-être paraître bizarre: par respect pour le chien.

    11/ Ohlala, oui, souvent. C'est un indicateur de ma fatigue, pas de l'intérêt du film!

    Trois jours

    - Lundi : plus de cours de latin : je dîne avec mes coreligionnaires pour la première fois depuis septembre. Ils m'épatent, ils sont déjà en train de préparer leur post-bac, dans… quatre ans (oui, parce que nous passons huit ans à avoir un baccalauréat canonique. Consolons-nous en nous disant que c'est l'autre nom de la licence (ce dernier point n'est pas très clair. Je crois que cela tient au régime des équivalences entre le Vatican et l'Etat français)). Le Master se fait en deux ans, et en "journée", c'est-à-dire qu'il faut prendre un mi-temps…
    Quand j'arrive chez moi à minuit, la maison est illuminée, la fille de la voisine a un chagrin d'amour et est venue se ragaillardir chez nous.

    - Mardi : beurrer les sandwichs… tâches ne sont pas sans noblesse… Plus de sept mille mises sous pli en deux jours (convocation / bulletin de vote / enveloppe bleue / enveloppe T).
    O. a validé son deuxième cycle de flûte mais j'ai eu vraiment peur. Il a fait des fautes qu'il ne fait jamais en cours.

    - Mercredi : examen de latin. Décidément, je n'accroche pas avec la façon latine de mettre les mots "dans le désordre". Je ne comprends pas comment cela peut suivre la pensée (une pensée) ou permettre de penser (finalement, ça ne m'étonne pas que ce soit des Romains que vienne la langue des juristes!!).
    Mais faire du latin fut beaucoup plus facile cette année qu'il y a trente ans. La méthode, le recul? Le fait d'en avoir fait il y trente ans?
    Je passe à la bibliothèque récupérer une anthologie de littérature allemande. je n'avais pas prévu qu'elle serait écrite en allemand.
    Je trie des papiers en regardant Mad Max 2. Je me demande si l'esthétique "grande folle" passerait aujourd'hui.

    Dimanche

    Fête des voisins (sous la pluie)
    Révision du latin
    Mad Max 2

    Conseil en communication

    — Il me demande si je veux être citée sous le nom de M**, S** ou vehesse.
    — Réponds S**, comme ça tu pourras le montrer à ta mère.
    (Pas con, je n'y aurais pas pensé.)

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Une gifle? Oui.

    2/ Parce que les parents d'une amie habitaient là, parce que cela permet d'aller dans ma famille et celle de mes beaux-parents sans traverser la région parisienne.

    3/ Plutôt oui. Mais j'ai un mode d'attente très particulier, "sans forcer", sans attendre.

    4/ Sans doute que oui, comme repoussoir.

    5/ Des premières. Des dernières s'il était possible de savoir de façon certaine que c'était une dernière fois le jour où elle a eu lieu.

    6/ Euh non. Je ne comprends pas ce que cela veut dire, en fait.

    7/ Avec l'époque? Je ne sais pas si c'est avec l'époque. Je pense "avec 80% de mes contemporains". Est-ce la même chose? Je n'ai pas la télé depuis 1984 (année de mon bac), donc je ne connais aucun groupe, aucune musique, depuis cette époque. Un clip pour une chanson (les clips sont apparus à peu près avec Madonna et Mickael Jackson) est encore pour moi une nouveauté, à chaque fois il faut que je me souvienne que c'est devenu le mode "normal" d'écoute d'une chanson. De même, je n'arrive pas à me dire que le portable est devenu le mode "normal" de communication, quelque part au fond de moi je demeure persuadée que c'est une mode, que ça va passer, que c'est juste une parenthèse temporelle. Je n'arrive pas à me dire qu'en ces temps où l'on se dit écolo à grands cris, on trouve démodé une voiture sans clim (j'entendais l'autre jour une conversation hallucinante d'une jeune fille et d'un jeune homme: ce qu'elle était en train de lui expliquer, c'est que sa voiture avait une ventilation et non une climatisation, mais comme c'était inconcevable à ses yeux, elle n'avait pas de mot pour le dire et parlait "d'une climatisation qui ne refroidit pas"). Il m'arrive encore de dire franc pour euro. Et depuis 2014, j'écris 1914, 1915, sur mes chèques: 14, 15, c'est forcément la guerre.
    Bref, je me souviens "d'avant". Ce n'était pas forcément mieux, mais il a existé. Parfois j'ai l'impression d'être la seule à me souvenir dans un océan de personnes qui flottent sur le présent. Un peu ce que raconte 1984, finalement.

    8/ Dix-neuf ans (critère : ne plus y passer les vacances d'été).

    9/ Aucun, je pense. Je suis retournée voir la liste ce que j'avais vu depuis le début de l'année et la réponse est aucun. Une grande empathie avec le personnage d'Une belle vie (Still Life).

    10/ Je ne sais plus. Plus je réponds à ces enquêtes, moins je sais répondre. Tout se retourne. Il était entendu dans la mythologie familiale que j'étais maussade et renfermée. Mais finalement, je me trouve plutôt vivante! Ai-je changé, ou m'a-t-on tendu un faux portrait pendant des années? Mais dans ce cas-là, pourquoi?

    Vendredi

    Sortie en yolette de pointe. Jérôme barreur, moi à la nage, c'est-à-dire lui faisant face. Jérôme montre beaucoup d'inventivité dans les exercices. Il nous fait ramer pieds non attachés. Je commente:
    — Jérôme est sadique.
    — Mais non, j'ai appris ça d'un rameur déviant.
    Et je me tais, méditant sur les déviances possibles qui ne sont pas du sadisme. Quand soudain la lumière se fait:
    — Tu veux dire de la ville d'Evian?

    Vu San Andréas. Il y a deux scénarios américains possibles pour ce genre de film: soit le père part sauver sa fille, soit il va être confronté au fait de devoir reconnaître que son fils a grandi et est devenu son égal, son alter ego (et un troisième scénario pour une autre catégorie de film : le fils qui se bat avec l'image du père disparu).
    C'est tellement convenu qu'on regrette presque qu'il y ait un scénario: pourrions-nous avoir les images sans diégèse, please?
    Le sauvetage des dix premières minutes coupe le souffle (non, je ne parle pas des manipulations cinématographiques, mais des véritables cas qui doivent se produire. Quel endroit inhospitalier, pourquoi être allé s'aglutiner là-bas?)
    Tremblements de terre: pour une fois, la poussière n'est pas oubliée (impression de voir des dizaines de septembre 2001) et j'ai été impressionnée par le soin mis à la représentation des déchets.


    Si fatiguée par la laideur que je la photographie : descente vers le RER A aux Halles



    Flûte

    Cours de flûte décalé du lundi au jeudi, d'Epinay à Quincy. Quand j'arrive à la maison, j'apprends également qu'il vient d'être déplacé de 20h15 à 19h15. Coup de bol monstrueux que je sois rentrée à temps (il est 18h50).
    Nous serons quand même en retard: O. a négligé de se renseigner sur le lieu où nous devions nous rendre à Quincy (ça m'énerve).

    Des livres

    Retourné ramer pour la première fois depuis un mois. Double scull avec "une très bonne" rameuse. Pas trop tremblant. Les poissons heureux sautent hors de l'eau. L'un d'entre eux a tapé dans ma pelle.

    Tellement accablée de fatigue et de chaleur que je m'endors à mon clavier.

    Passé dans l'ancien appartement de Matoo. Je n'avais pas réalisé que c'était juste en face du bar où j'ai vu des matches de coupe du monde.
    Matto déménage et a proposé à ses amis FB tous les livres qu'il n'emmenait pas avec lui (j'espère qu'il ne s'est fâché avec personne car il a froidement proposé en don des livres reçus en cadeau. Mais il me semble qu'on pardonne tout à Matoo, surtout quand c'est fait avec autant de franchise). Il a été très systématique, postant la liste des livres proposés, les réservant selon la logique premier arrivé, premier servi, et organisant le tout avec beaucoup de sérieux. Je découvre avec effarement des sacs soigneusement étiquetés avec le noms des preneurs et les livres laissés pour compte. Quel travail!
    J'hésite devant un grand et gros livre de photos sur Hitchcock, mais personne ne le regardera à la maison. Inutile.

    Je rentre chargée comme un baudet:
    - Averroès, Discours décisif
    - Anthologie de la poésie yiddish. Je ne comprends pas qu'il donne cela.
    - Edmund White, Ecorché vif. C'est un pari, je ne connais White que de nom.
    - Toni Morrison, Beloved. J'avais beaucoup aimé ce livre très dur, emprunté à la bibliothèque au moment de la naissance d'A., peut-être le seul livre "sérieux" (littéraire) lu entre 1992 et 2000. (Le seul qui me vienne spontanément à l'esprit en tout cas).
    - Guide du Paris savant. Un livre que j'avais offert et que je suis très heureuse de récupérer car je ne l'avais pas! (emprunté à l'origine à la bibliothèque de Rhotull).
    - Tristan Egolf, Le Seigneur des porcherie. L'auteur était un grand ami d'un couple américain rencontré chez R. en 2004. Je me souviens de R. me disant «Je ne m'étais pas rendu compte à quel point ils étaient proches».
    - David Lodge, La chute du British Museum. Lu en anglais en 1991 ou 1992, à une époque où Lodge était peu connu en France. J'ai prêté et perdu ce livre.
    - David Lodge, Un tout petit monde. Sans doute le plus connu de Lodge, que je n'ai jamais lu, par snobisme j'en ai peur.
    - Norman Spirad, Rêve de fer. A cause d'Emmanuel Carrère.
    - Isaac Asimov, Moi, Asimov. Pour H., évidemment.
    - TS Eliot, La terre vaine. Incontournable, une bénédiction qu'il vienne ainsi à moi.
    - Vladimir Nabokov, Invitation au supplice. Je prendrai tous les Nabokov qui passeront à ma portée.
    - Antonio Lobo Antunes, La mort de Carlos Gardel. Idem.
    -


    Le soir, mail de Michel : photo de Françoise Frenkel

    Le mot du jour

    est sédévacantisme (remarque : l'article se trompe, Mgr Lefevre n'est pas sédévacantiste).

    (Jeudi dernier, c'était "hénothéisme".)

    Haute mer : in altum. Profonde. "L'altitude" (la hauteur) n'est pas calculée au-dessus mais en-dessous du niveau de la mer.

    Et sinon, est-il vraiment envisageable que "étant" vienne de sto, stas, stare ?
    (C'est la remarque d'un élève en cours de latin: qu'"étant" viendrait du verbe se tenir debout. Un abîme s'ouvre devant mes pieds. Nous passons de l'essence à l'existence, il me semble. Est-ce vraiment possible?
    La prof ne conteste pas mais nous fait remarquer que les mots latin commençant par "sc" ont pris un "e" en fançais, mais pas en anglais:
    stella, étoile, star
    scribo, écrire, scripture
    scola, école, school )

    Compta

    Yves à la maison toute la journée pour reprendre la comptabilité de l'association, ce qui ne permet pas une rédaction de la dissert de théologie tout à fait sereine.

    Les étymologies incertaines

    H — Ça sent bien la citronnelle, hein ?
    Moi — Oui, comment t'as fait, t'as trouvé de la fraîche?
    H — Non, j'ai utilisé de la mousseline.
    Moi — Ah, t'as fait une infusion.
    O — ?? Pour moi, de la mousseline, c'était de la purée…
    H — Mais non, c'est un tissu très léger, comme de la gaze, comme les sachets de thé, si tu veux.
    Moi — Oui, c'est l'inverse, la purée s'appelle mousseline parce qu'elle est légère comme de la mousseline. Si tu trouves "une robe en mousseline" dans un roman, qu'est-ce que tu comprends?
    O — …
    Moi — Mais je pensais que mousseline, c'était synonyme de gaze.
    H — Non, gaze vient de Gaza : il y a toujours eu la guerre là-bas, alors le tissu utilisé sur place pour soigner les blessés a pris le nom de la ville.
    Moi — Incroyable, ça c'est de la poisse! Mais tu tires ça d'où, parce que les étymologies fantaisistes, ça court les rues.
    H — Alain Rey le matin à la radio. D'habitude je ne retiens pas, mais pour celle-là, j'ai fait exception.

    (Bon, au moment d'écrire ici je vérifie sur CNTRL qui n'a pas l'air d'accord, mais je laisse, ne serait-ce que pour la robe en purée mousseline.)


    —————————
    Agenda
    Et c'est reparti, H. veut de nouveau monter une boîte. Nom déposé, logo créé, excitation…
    Je ne participe pas, je ne participe plus. Si ça marche, les enfants seront riches, si ça ne marche pas, j'hébergerai la famille dans la moitié de maison qui m'appartient… (Oui, nous sommes mariés en séparation de biens, il avait déjà l'idée de monter sa boîte à l'époque.)

    Super héros

    Je raconte à table la menace de A. pendant le séjour à Dessau (elle avait disparu dans la maison de Goethe, et comme c'est elle qui avait gardé la clé du casier où étaient toutes nos affaires, nous étions condamnés à l'attendre. Perte de temps et énervement. Au musée suivant, j'exige donc de prendre deux casiers, en lui expliquant que je ne la chercherai pas, rendez-vous à la voiture si elle nous perdait une fois encore.)

    Moi — Elle m'a menacée, elle m'a dit que si je la laissais, elle me mettrait dans une maison de retraite sans livre gardée par des mégères, éloignée de tout, et qu'elle ne viendrait jamais me voir!
    O. — Pas grave, Super Bâton de Vieilleeeesssssse ! dit O. en tendant le poing à la Superman (depuis ses premières années, on prédit qu'il sera mon (futur) bâton de vieillesse car il m'est très attaché.)
    H. — SS, Super Stick? Fais gaffe, ça peut facilement devenir Super Sticky…
    O. s'étouffe de rire. Je m'insurge:
    Moi — Mais arrête, Baptiste n'a pas l'habitude !

    (Effectivement, l'adolescent, invité pour le week-end, nous regarde avec effarement.)

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non, je ne crois pas. Ou si, peut-être, à Bordeaux, regarder du portail l'état du jardin. Je ne me souviens plus très bien, ça faisait de la peine, j'ai oublié.

    2/ Rien. Mais la seule chose que je regrette, c'est de n'avoir pas lu davantage. Quand j'entends des amis dire (le plus souvent parce qu'ils ont eu des enfants tard) qu'ils «ne regrettent pas, parce qu'ils en ont bien profité avant», je m'abstiens de leur expliquer que leur notion de «bien profité» est proche de ma définition de l'enfer: des concerts, des boîtes, du bruit…

    3/ Le livre. J'ai développé la théorie qu'il vaut mieux voir le film avant de lire le livre, ainsi on évite d'être dessus déçue. (Lire Autant en emporte le vent, absolument, mais après avoir vu le film.)

    4/ Souvent. De plus en plus souvent, en fait.

    5/ J'adore choisir des prénoms. Ce fut assez facile, et ce serait encore assez facile. Je crois qu'ils sont déjà choisis!

    6/ Souvent. Mais non en terme bio/non bio (ça m'agace: le bon sens consiste à préférer les producteurs indépendants géographiquement proches, pour éviter le transport, la cueillette encore verte, etc. Je me fiche du logo bio), mais en terme d'équilibre global des grandes catégories: légumes et fruits, viande blanche ou rouge, sucre et graisse.

    7/ Plus j'en visite, plus il y en a. Retourner à Blois, dominer la Loire (ou à La Chausse-Saint-Victor), habiter Venise dans les quartiers populaires derrière l'Arsenal. Quoi qu'il arrive, un endroit où je pourrais ramer.

    8/ Je pense que oui, car il me semble me souvenir de «sept ans de malheur». Mais je ne sais plus.

    9/ «Je jure de dire toute la vérité»? Ça existe, en France? quoi qu'il en soit, je ne pense pas l'avoir fait.

    10/ Oui, je suis contente d'avoir atterri par hasard à cet endroit. Je ne sais pas si je vais y rester ni si ça durera, mais j'aime beaucoup la variété des tâches, de la plus humble à la plus prestigieuse, et j'admire l'humeur égale de ma collègue.

    Gibert jeune

    J'avais cu un instant (mardi dernier) que La Poste pro sauverait l'honneur de la Poste, mais finalement non, ils sont aussi pitoyables que la Poste pour les particuliers: mardi ils me disent que les délais sont trop courts pour qu'ils s'engagent sur le projet (et donc qu'ils me laissent me débrouiller) et qu'ils vont m'envoyer très vite, sous 24 ou 48 heures, le numéro d'autorisation dont j'ai besoin pour mes enveloppes T; jeudi après-midi quand j'appelle je découvre qu'ils n'ont rien fait mais qu'«ils le font tout de suite»; vendredi à 10 heures non seulement ils n'ont rien fait mais en plus la personne que j'avais eue la veille au téléphone est partie en week-end. Je râle même si je sais que c'est contre-productif; la personne au bout du fil se fiche de moi mais doit néanmoins se sentir mal à l'aise car j'ai le numéro une demi-heure après, et le bon à tirer en fin d'après-midi (elle ne saura pas que tout est parti à l'impression sans attendre le BAT).

    Je passe chez Gibert jeune (plutôt désert, assez agréable par rapport à l'autre — c'était là qu'il y a trente ans j'achetais mes San-Antonio — il n'y en a plus) pour acheter une grammaire allemande dont j'ai trouvé la référence sur internet. Je vais vite, je dois rejoindre O., et plus tard je regretterai l'avoir achetée : trop technique, trop détaillée, elle ne correspond pas à mes besoins.
    Je passe sur abebooks, tape "grammaire allemande", "entre 1950 et 1975" et en trouve une qui devrait convenir davantage.

    Cette visite est l'occasion d'une photo colorée de petits carnets postée sur FB qui déclenchera demain une discussion auto-démonstrative de ce que sont ces petits carnets, c'est-à-dire l'illustration de beaucoup d'énergie gaspillée pour pas grand chose.

    Dernier cours de grec (de l'année)

    Traduction comparée de Daniel 7 dans la Septante et le Théodotion (choix motivé par le fait 1/ que le passage existe intégralement dans les deux versions qui semblent traduire le même texte massorétique et 2/ que c'est le texte qui parle du "Fils de l'homme").
    Curiosité par exemple de rencontrer exousia (autorité) et glossola (langue) pour traduire sans doute le même mot hébreu (la langue ou l'autorité donnée à la bête).

    La prof fait une remarque (toujours la même hésitation à donner son nom: je n'ai pas envie qu'elle remonte à ce blog, c'est trop flagorneur, c'est embarrassant (mais pourquoi souhaiter que les gens que l'on villipende viennent lire ce que l'on pense d'eux mais craindre que ceux que l'on encense s'en aperçoivent?)); d'un autre côté j'aimerais bien lui faire de la pub: c'est *nne-C*atherine B*udoin, l'organisatrice de ce colloque).

    Elle fait une remarque que je ne comprends pas (je n'étais pas concentrée) mais un élève réagit:
    — Je suis contente que vous réagissiez: c'est la thèse qui fait le buzz en ce moment dans le tout petit monde de la patristique. Les évangiles n'auraient été écrits qu'après Marcion, en réaction à Marcion, ce qui les repoussent après 130-140.
    — Cette thèse est de qui ?
    Markus Vinzent. Quand on essaie de refaire sa démonstration, on s'aperçoit qu'il tord les textes, qu'il cite en excluant une négation, etc. Avec ça, un thésard aurait été recalé. Mais lui organise le grand colloque patristique qui a lieu tous les quatre ans à Oxford, alors évidemment…
    — Ce que vous décrivez ressemble à de la malhonnêteté intellectuelle.
    — Oui, mais il est professeur, et pas moi.
    — Ah, vous le serez un jour…
    — Ah, ne me lancez pas là-dessus!

    Nous passons au cours, mais je songe le cœur serré à cette réforme qui en supprimant le grec supprime aussi l'avenir de ces professeurs (même si je me demande combien d'élèves faisaient du grec au collège).
    J'apprends avec stupeur et inquiétude que même nous, élèves de théologie et d'exégèse, allons être touchés par ce genre de restrictions : si nous ne sommes pas quinze à la rentrée (le cours ne donne lieu a aucune validation et est hors cursus, c'est un plus, un avantage collatéral), il risque d'être supprimé.
    Alors s'il vous reste quelques notions (ce n'est pas un cours de débutants, il faut au moins avoir vu les verbes en -mi), renseignez-vous, venez, je suis persuadée qu'on peut s'inscrire en auditeur libre, comme à presque tous les cours.

    Les chiffres et les lois

    Hier soir, chiffonné un juriste en comparant le système de Madoff et celui des retraites françaises.

    Absence

    En une semaine, les roses ont eu le temps de fleurir, malgré le froid et la pluie qui les a abîmées. (Chaque année il pleut au moment où les rosiers fleurissent.)





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    Agenda
    Ce soir bookcrossing sur le thème de la littérature du Sud-Est asiatique (cela m'a été l'occasion de découvrir cet excellent blog).

    Retour

    Dessau - gare St Lazare d'une traite. P. a conduit tout du long dans un trafic dense. Nous lâchons A. qui part à Lisieux une demi-heure plus tard.
    Trop tard pour voir la lecture de Benoît autour d'Unica Zürn. Je vais donc en cours.

    Le lundi c'est théologie.
    La phrase du jour : «Vatican II était aussi une réponse à la critique marxiste: «le christianime endort. Vous souffrez maintenant? Ce n'est pas grave, au paradis ça ira mieux.»

    PS : jardin tondu (compliqué car cela consiste plutôt à "faire les foins"), écran d'appoint changé (d'un écran qui pixellise à une merveille), malle d'habits triée… je devrais m'absenter plus souvent.

    Suite et fin

    De nouveau messe à Orienbaum, avec un prêtre différent. Cette fois-ci il y a une quête, ce qui infirme notre supposion de jeudi: qu'il n'y aurait pas eu de quête parce que nous étions en Allemagne et que le culte était subventionné par l'Etat.
    Apparemment l'église a été construite en 1957, ce qui bat en brêche quelques idées sur la religion en DDR. (Mais que comprendre? Et comment savoir?)

    De nouveau à Wörlitz pour voir l'église. Montés en haut du clocher. Etrangement, les jardins ne donnent rien vus d'en haut, ils paraisent étriqués et plats. Ils ont vraiment été conçus pour être vus à hauteur d'homme.

    Tentative de manger au Cornhause mais nous n'avons pas assez de temps. Crépuscule des dieux un peu brouillon mais meilleur d'acte en acte.

    Pizzeria après la crêperie d'hier: «le service allemand, c'est comme ça: ils te servent, puis ils disparaisent. Si tu as besoin de quelque chose, il faut réussir à attirer leur attention.»

    Weimar

    Aller en décapotable par les petites routes soit trois heures pour faire 140 kilomètres; retour par l’autoroute soit une heure et demie pour 160 kilomètres. (A. a un peu exagéré).
    Lire le guide vert en même que l’on roule est une tentation permanente: nous passons à trente ou quarante kilomètres du lieu de naissance et de mort de Luther, plus tard un panneau indique la ville de Gutemberg sans que nous sachions si cela a un rapport avec l’imprimeur.

    Nous arrivons peu avant midi à Weimar et la première chose que nous repérons en arrivant sur la place devant la maison de Goethe est une citation de Jules Renard peinte en hauteur sur le mur d’une maison d’une rue adjacente (c’était en allemand, je ne m’en souviens plus (quelque chose du genre «si vous trouvez la vie, donnez-moi son adresse»)).

    Trop de choses à voir en trop peu de temps (deux jours de visite, dit le guide, nous devons y passer une après-midi), d'où hésitations, d'où encore moins de temps.

    Maison de Goethe, église St Pierre et Paul (la toiture est percée régulièrement de petites lucarnes, c’est très joli), retable de Cranach. Les stalles ont été décapées pour retrouver la couleur du bois sous la peinture grise.
    Déambulations dans le cœur de la ville, paillasson «Ici Goethe n'est jamais entré».

    Sur la façade du Stadtschloss une banderole proclame: «Cranach est chez Schiller» (comprendre: les Cranach sont en exposition à la maison de Schiller).
    Le rez-de-chaussée expose des icônes russes et des peintures de la Renaissance (et des photos des tableaux de Cranach déplacés), le premier étage est magnifique, enfilade de pièces au parquet marqueté et lustres resplendissants, nous sommes seuls, de loin en loin un gardien nous regarde passer. Nous n’aurons pas le temps de visiter le deuxième étage dédié à l'impressionnisme (une cathédrale de Monet dit le guide), le château ferme.
    Un tableau (Henrietta Stuart von Oranien, Henriette Stuart d'Orange, non pas la fille d'Henri IV comme nous l'avons pensé sans y croire (ce d'Orange, vraiment, était étrange), mais sa petite-fille) me fait comprendre qu’Oranienbaum à côté de Dessau doit faire référence à la maison d’Orange.

    Pas vu le cimetière (les tombes de Goethe et Schiller), ni la cabane de Goethe, ni la chapelle orthodoxe d'une princesse russe épouse du duc du lieu.

    Crêpe au roquefort dans une crêperie bretonne. Un peu de pluie.
    J’ai acheté une peau de mouton sur la place du marché, destinée à la voiture.


    ————————
    Bonus: histoire du poulet racontée par A.
    Les Américains ont inventé un canon à poulets pour tester la résistance de leurs avions aux oiseaux.
    Les Belges qui travaillaient à leur train à grande vitesse ont voulu utiliser ce canon pour des tests. Le poulet a explosé la vitre du train, traversé le fauteuil du mécano, défoncé la console d'instrument de bord avant de s'encastrer dans le panneau arrière de la cabine de pilotage. Les Belges ont alors demandé aux Américains si leur appareil était bien réglé.
    Ceux-ci ont vérifié. La conclusion du rapport était: «il faut décongeler le poulet».

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 25 mai 2015.

    1/ Aimez-vous passer du temps dans votre salle de bain ?
    Non. Cette question me fait prendre conscience que je fuis la salle de bain: "en retard, en retard".

    2/ Le stress vous a-t-il déjà fait perdre vos moyens ?
    Oui. Une impression d'endormissement, une extinction de voix…

    3/ Faites-vous appel à des professionnels quand vous déménagez ?
    Cela n'est encore jamais arrivé. Trop cher. Mais la prochaine fois, j'espère.

    4/ Si vous ne l'êtes pas, pourriez-vous être libraire ?
    Peut-être. Le côté administratif me gonfle d'avance.

    5/ Êtes-vous déjà parti en voyage seul ?
    Oui. De façon générale, j'aime être seule (la vie en famille est une constante adaptation).

    6/ Que faites-vous quand vous ne parvenez pas à dormir ?
    Je lis. Mais généralement j'arrive à dormir.

    7/ Possédez-vous des pièces de monnaie étrangères ?
    Oui. J'ai même un début de collection de quaters de tous les Etats des Etats-Unis.

    8/ Avez-vous déjà regretté de vous être séparé de quelque chose que vous aviez jeté ?
    Oui, des vêtements, deux robes, un gilet rose qui fut ma seconde peau pendant quatre ou cinq ans autour de mes vingt ans.

    9/ Êtes-vous d'un naturel curieux ?
    Oui concernant ce qui m'entoure, non concernant la vie privée des autres (mais ce qui est du respect est parfois considéré comme de l'indifférence — la vie est compliquée).

    10/ Vos amis habitent-ils majoritairement à proximité de chez vous ?
    Non.

    Wörlitz

    «On me réveille, on m'emmène, on revient, je me douche, on part à l'opéra, on revient, je me couche, et le lendemain ça recommence.»

    En chemin pour Wörlitz, nous nous promenons dans les jardins du château d’Oranienbaum. De grandes serres sont réservées à la culture des orangers et des citroniers. Ces serres sont des granges dont les parois sont composées de petits carreaux vitrés. De grands volets en bois permettent de protéger du froid ou d’un soleil trop fort.

    Les jardins de Wörlitz sont des jardins à l’anglaise dont l’art consiste à dérober leurs surprises au promeneur pour les lui présenter au hasard de trouées habilement disposées dans la végétation.
    C’est le printemps, il fait frais à l’ombre et chaud au soleil, les rhododendrons et les lilas sont en fleurs (toute la région est couverte de lilas), les couvées des cygnes sont écloses. Des barques passent avec huit ou dix passagers et un seul rameur, musclé. La table est mise, ils déjeunent sur l’eau (apparemment, les participants du colloque Wagner sont en goguette).
    Ce paysage serein recélant des trésors est très apaisant, que l’on ait représenté le paradis sous forme de jardin devient une évidence.
    («— Qui eut cru que le paradis se trouvait en Allemagne? — Qui plus est en DDR.»)


    Île Rousseau


    P. est déçu: les dépliants indiquaient que l’exposition Cranach dans l’une des demeures du château (une demeure de brique ornée d’arêtes blanches soulignant des formes ogivales) commençait aujourd’hui; en fait, l’ouverture (avec cocktail, supposons-nous) a lieu à quatre heures: trop tard, Siegfried commence à cinq heures à trente kilomètres de là.
    Nous profitons de la durée ainsi libérée pour déjeuner, le premier vrai repas depuis vingt-quatre heures. La serveuse a l'air enchantée que nous trouvions les plats excellents. Les gens sont généralement très gentils et prévenants, cherchant à comprendre notre sabir qui mélange inconsciemment anglais et allemand (l'allemand me revient plus spontanément que l'anglais, me semble-t-il).

    Nous arrivons un peu plus tôt qu'hier pour un Siegfried qui boit des canettes et joue aux jeux vidéos (à Skyrim, nous dit A). Mime joue à Tetris («et il avait du mal», commentaire de la même A.).

    Trois Lillets aux fruits des bois.
    Nous avons enfin découvert comment dîner après le spectacle: il suffit de descendre sous le théâtre. Saucisse et salade de pommes de terre, un repas plaisant en forme de cliché.

    Wittemberg

    Le centre commercial à deux pas est fermé (ouverture à sept heures, proclame l'affiche), je parcours la ville à la recherche d'un magasin ouvert. Je trouve une boulangerie salon de thé et achète beurre, confiture, pain (ce sera notre nourriture de base de la semaine, avec les coktails aux entractes).

    Nous décidons in extremis d'aller à la messe de l'Ascension à Oranienbaum. Le long de la forêt les pistes cyclables sont envahies de cyclistes avec enfants, fleurs, packs de bière (selon l'âge).
    L'église est plutôt laide à l'extérieur, clocher en forme de tour carrée de béton sale, mais l'intérieur peint en jaune clair avec de grandes ouvertures vitrées en petits carreaux violets, roses et mauves est charmant. Nous sommes très peu nombreux, mais je m'étonne qu'il y ait des catholiques ici, sous la double hypothèque du protestantisme et du communisme. Pourtant la communauté semble vivante car les lieux de culte sont étonnamment nombreux, je dirais presque plus nombreux qu'en France en proportion de la population baptisée catholique (enfin, ce n'est qu'hypothèse de ma part).
    Pendant toute la liturgie nous nous débattons avec le livre de chants (avec variations d'un land à l'autre, apparemment). Chantent-ils très faux, ai-je l'oreille peu entraînée? Bien qu'ayant compris le système de numérotation des chants, je ne reconnais les paroles qu'à quatre ou cinq syllables de la fin à chaque fois.
    Le prêtre sort seul tandis que les paroissiens restent calmement assis pour se lever une fois qu'il est en place pour saluer chacun à la porte. Avec cette méthode, nous ne coupons pas aux explications. Le prêtre parle un peu, très peu, français, mais les phrases qu'ils prononcent sont fluides. Il parle très bien hollandais et polonais, nous dit-il; il a autrefois parcouru l'Ile-de-France à vélo en dormant à la belle étoile.
    Il part faire une conférence à Wörlitz sur la Bible et voudrait bien nous y entraîner, mais «Meine Tochter wartet auf uns».

    Sur la suggestion de JY nous passons l'après-midi à Wittemberg, lieu des 96 propositions de Luther. L'anniversaire (30 octobre 1517) aura lieu dans deux ans et tout ce qui concerne Luther, maison, église, université, est en travaux.
    La ville est magnifiquement restaurée, pimpante et colorée. Nous découvrons tout d'abord une plaque nous apprenant que Lessing a fait ses études ici, mais bientôt, nous nous apercevrons qu'une maison sur dix ou sur huit a sa plaque, la plupart de théologiens inconnus, mais également des noms très connus, à croire que tout le monde est venu un jour à Wittemberg: le maréchal Ney et Napoléon, Gorky, Schiller, Pierre le grand, Giordano Bruno… Cranach y a sa pharmacie et une plaque affirme que Faust pourrait avoir habité telle maison.



    Des Allemands nous arrêtent pour nous demander d'où nous venons, ce que nous pensons de la ville. Nous essayons de transmettre un peu de notre ravissement.

    Au dos du retable de Cranach se trouve une étrange représentation de serpent sur la croix, représentation que je retrouve sur une autre tableau d'une présentation de Jésus au temple (une carte postale m'apprendra plus tard qu'il s'agit d'un tableau de Peter Spitzer, Darbringung im Tempel). J'interroge mes amis FB (pensant qu'ils ont plus de facilité à chercher que moi sur mon téléphone) et apprends qu'il s'agit de la représentation du serpent d'airain de Moïse préfigurant le rachat de l'humanité par le Christ ainsi que la continuité entre l'ancienne Loi et la nouvelle. Ce symbole aurait été couramment utilisé au Moyen-Âge, c'était la première fois que je le voyais. (Merci à ceux qui se reconnaîtront).

    Parenthèse vétérinaire: pendant le déjeuner, et pour une raison que j'ai oubliée, A. nous a fait un cours sur les haras nationaux : le Percheron est le cheval de trait le plus exporté au monde tandis que le mulassier poitevin et le xx (j'ai oublié) sont en voie de disparition.
    Les haras nationaux ont été créés sous Louis XIII, le but était d'élever des chevaux d'apparat ou de chasse français pour l'aristocratie (les paysans, ces rustres, ne se préoccupaient que de chevaux de trait et tous les beaux chevaux étaient importés d'Espagne, ce qui revenait extrêmement cher à l'économie nationale).
    Les résultats en furent médiocres car la jumenterie était pauvre: «en Angleterre, on avait compris qu'il fallait de bonnes juments, mais en France, on considérait que cela n'avait aucune importance, que tous les caractères venaient de l'étalon. C'est Napoléon qui a changé cela.» Je commente à mi-voix qu'avec Joséphine et Marie-Louise, il savait à quoi s'en tenir sur l'importance de l'élément féminin dans la descendance…

    Nous partons en retard, en retard.

    Nous arrivons après la deuxième sonnerie pour écouter et voir une Walkyrie électrique et multicolore. Cette œuvre me navre profondément.
    Lillet aux fruits des bois.
    Errance vaine dans Dessau pour trouver un restaurant après le spectacle. Nous nous couchons sans manger — mais sans avoir faim.

    De Sulzbach à Dessau

    Nuremberg me déçoit. Rien sur Dürer. Je voudrais comprendre le détruit et le reconstruit (à peu près tout), il me faudrait du temps et nous n'en avons pas.
    Nous passons à Bayreuth. Jardins, exposition en l'honneur des juifs chassés de l'orchestre durant le nazisme.

    Dessau, un Rb&b, une jolie maison. A. et moi partageons la même chambre. Sur un rayon, des livres en allemand d'auteurs français (Balzac, Gide, etc).

    Des filles du Rhin tout en blanc, personnages et décors — décors permettant ainsi de devenir des écrans de projection. Voix d'une très grande netteté, quelque chose de ludique dans la diction qui souligne les très nombreuses assonnances.

    De Yerres à Sulzbach an der Mur

    Nous partons ce matin, Patrick, A. et moi, pour Dessau. Nous allons rejoindre les Philippe pour assister à un Ring sur une semaine.
    A. m'a fait mal au cœur, elle semblait croire que nous serions toutes les deux.

    Nous passons à Sarre-Union (profanation du cimetière en février, antisémitisme croissant), Hagueneau, nous achetons un guide Michelin de l'Europe, détour à Baden-Baden: chaque fois que je mets une roue en Allemagne, je me heurte à des Umleitung.

    Coincés dans un bouchon interminable, nous mettons une à deux heures à entrer dans Stuttgart. La chaleur est insupportable, nous recapotons la Coccinelle. Nous écoutons Antoine Compagnon, la naissance du livre de poche et l'opposition qu'elle suscita.

    Notre but est de visiter la bibliothèque de Stuttgart. Elle est superbe.



    Nous prenons un spritz et prenons la route pour Nuremberg.
    Nous nous arrêtons dans un hôtel dans ce qui semble une ville thermale, après avoir vu le moment où nous ne trouverions pas de chambre.

    Proverbe chinois

    Dieu créa le monde.
    Tout le reste vient de Chine.

    Prédestination

    — Enzo, c'est le nom du fils de Zidane. Quand Natacha m'a dit qu'elle voulait appeler son fils Enzo, je lui ai dit : «Fais pas ça!», parce que moi, je voyais bien que tous les gosses qui couraient partout dans le magasin, c'était des Enzo: «Enzo, viens ici; Enzo, reviens; Enzo, descends!».




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    Fête de famille.
    J'ai loupé les deux dernières (à Venise en 2013, au mariage d'AC en 2014) et je découvre une marmaille : huit enfants entre deux mois et cinq ans. C'est la génération des arrières-petits-enfants (les premiers sont nés en 1992).
    Etaient présents quatorze petits-enfants sur dix-sept, un record, je crois (naissances entre 1966 à 2000) et les huit frères et sœurs à l'origine de la réunion (de 1942 à 1960).

    Ces réunions me font beaucoup de bien, elles m'apaisent: il reste quelques éléments de stabilité dans le monde, des gens capables de se réunir même si tous ne s'entendent pas (il faut dire que plus on est nombreux, plus il est possible de s'éviter!), même s'il y a eu des brouilles tenaces dans le passé. Il y en aura sans doute d'autres, mais cela aide à croire qu'elles passeront aussi.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 19 mai 2015.

    1/ J'allais dire Au clair de la lune, mais en fait, je connais :
    Mon père avait un p'tit champ d'pois
    pandibidibus cum capitatibus
    Mon père avait un p'tit champ d'pois
    Capita, capitus pan pan dibidibus cum capitatibus

    Etc.

    J'envie les enfants de connaître des chansons entières de Boris Vian ou Renaud ou de nawak geek.

    2/ Du bruit.

    3/ Quatorze kilomètres matin et soir l'été de mes quinze ans.

    4/ Non et non: un défaut de foi.

    5/ Ce sont les mêmes questions que je me pose aujourd'hui, les questions sans réponse, la question de Job (pourquoi les guerres, la faim, les pauvres? (et encore, à l'époque je ne savais rien du sadisme)). Une question que je me posais souvent en regardant les mendiants (au Maroc) était : pourquoi moi je suis née ici et eux là? Une autre était la classique : suis-je en train de rêver?
    Elles n'ont pas de réponse humaine.

    6/ Des gâteaux secs au distributeur de l'entreprise.

    7/ Depuis que je sais conduire, j'ai peur en voiture quand je ne conduis pas.

    8/ Non! Je n'aimerais pas ça, cela me ferai honte (à moins bien sûr que ce soit un ami de longue date).

    9/ Pas vraiment. C'est souvent de l'utopie politique catastrophiste, ça m'ennuie.

    10/ Retour de Florence en septembre dernier, je pense.

    Une génération nouvelle

    Le Labyrinthe du silence: un film intéressant qui permet de comprendre qu'il a fallu attendre une nouvelle génération d'Allemands pour juger les actes allemands. Impossible de demander à ceux qui n'ont rien fait ou ont laissé faire de juger ceux qui ont été bourreaux.

    Je devrais travailler à ma dissert d'ecclésiologie mais je perds beaucoup de temps.

    Un film nul

    Nos Femmes: vu à Boussy avec H. Un film ahurissant dans le contexte de DSK, trois amis dont l'un tue sa femme dans un moment de colère. Ça m'étonnerait que ce film passe longtemps, je suis même surprise qu'il passe tout court.
    Puis MacDo, en attendant la fin du cours de musique.

    Je voulais acheter des tongs, j'ai acheté un genre de santiangs basses, beiges.

    Théâtre ce soir

    Comme chaque année, théâtre de l'école alsacienne.
    L'impromptu de Versailles (ce serait drôle de l'adapter avec les hommes politiques et les gens de la télé aujourd'hui);
    Georges Dandin, pièce cruelle ;
    L'école de femmes, magnifiquement jouée par des acteurs de toute beauté;
    Critique de l'école des femmes, avec la surprise de découvrir ce qui choquait à l'époque : pas du tout le mariage forcé entre une très jeune fille tenue à l'écart par un homme mûr se la "réservant", mais les sous-entendus grivois.


    Pensées pour RC :
    GEORGE DANDIN.— Puisqu'il faut donc parler catégoriquement, je vous dirai, Monsieur de Sotenville, que j'ai lieu de…
    MONSIEUR DE SOTENVILLE.— Doucement, mon gendre. Apprenez qu'il n'est pas respectueux d'appeler les gens par leur nom, et qu'à ceux qui sont au-dessus de nous il faut dire Monsieur tout court.
    GEORGE DANDIN.— Hé bien, Monsieur tout court, et non plus Monsieur de Sotenville, j'ai à vous dire que ma femme me donne…
    MONSIEUR DE SOTENVILLE.— Tout beau. Apprenez aussi que vous ne devez pas dire ma femme, quand vous parlez de notre fille.
    GEORGE DANDIN.— J'enrage. Comment, ma femme n'est pas ma femme?
    MADAME DE SOTENVILLE.— Oui, notre gendre, elle est votre femme, mais il ne vous est pas permis de l'appeler ainsi, et c'est tout ce que vous pourriez faire, si vous aviez épousé une de vos pareilles.
    ou encore, dans L'école des femmes, devant Arnolphe se faisant appeler de la Souche : RC devrait en faire autant, peut-être.

    Nous en serions déjà là ?

    Le cours reprend la conclusion du colloque «Le Concile Vatican II, des ressources nouvelles pour le gouvernement de l'Église» pour synthétiser l'apport pour l'œcuménisme.


    Je résume, en simplifiant beaucoup, les points de vue sur l'épiscopat :
    - les protestants : nous acceptons que vous ayez des évêques mais il vous (les catholiques) faudra accepter que nous n'en ayons pas.
    - les orthodoxes : nous ne pouvons concevoir des évêques sans diocèse, c'est insensé. Prégnance des Eglises locales.

    C'est alors que le professeur (prêtre) fait une remarque qui me glace: le pape François, dans une rencontre avec l'Eglise anglicane, a fait remarquer que nous entrions dans une nouvelle ère de martyre, et que cela donnerait sans doute un nouveau sens à l'œcuménisme (sous-entendu: nous allons devoir nous soutenir les uns les autres pour notre survie et les disputes dogmatiques vont sans doute passer au second plan.).

    Explosion

    Pour une raison indéterminée, le lavabo des toilettes du rez-de-chaussée a explosé.





    Le problème c'est que j'étais en train de ramasser quelque chose dessous (et c'est si étonnant cette coïncidence que j'essaie de comprendre ce que j'ai pu faire).
    (Heureusement, plus de peur que de mal).



    ----------------
    Pluie et crue de la Seine. Pas de sortie (alors qu'on devait sortir le huit pour la première fois).

    Menus détails

    Clément est parti pour le Havre pour la dernière partie du BAFA. Particularité : pas de train jusqu'au Havre, à l'aller comme au retour : car entre Rouen et Le Havre.
    Il pleut beaucoup, il va en baver.

    Film Jamais de la vie : doucement désespérant.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 3 janvier 2018.

    1/ Quel est le vêtement le plus original que vous ayez porté ?
    Un costume pakistanais, je n'en connais pas le nom, pantalon bouffant et tunique, jaune vif. Le plus original était le paquet et les timbres, il venait directement d'Islamabad, envoyé en remerciement à ma tante par un client.

    2/ Avez-vous déjà assisté à une séance de cinéma en plein air ?
    Oui. Je suis fan des séances de La Vilette, j'y allais le plus souvent possible quand nous habitions Aubervilliers. Aujourd'hui c'est plus difficile, quand la nuit se couche tard et que le film commence à la nuit, celui-ci se termine trop tard pour ensuite rentrer en métro.

    3/ Vous arrive-t-il
    souvent
    rarement
    jamais
    d'inventer des mots ?
    Parfois, pas bien souvent — et toujours je songe à Ségolène Royal.

    4/ Quand avez-vous mangé des frites, la dernière fois ?
    Après une séance d'aviron, en novembre ou décembre (2017), au Big Fernanc en face du bureau. J'en mange peu souvent.

    5/ Avez-vous déjà vécu un dégât des eaux ?
    Oui, dans notre appartement de Villecresnes, ce qui nous a obligé à refaire le papier des WC, hélas : le papier abîmé était extravagant, vert forêt tropicale avec des perroquets.

    6/ Y a-t-il une question que l'on vous pose régulièrement ?
    Si oui, laquelle ?
    Sur mon âge, celui de mes enfants ? Ou encore « vous êtes scientifique ou littéraire ?»

    7/ Buvez-vous
    toujours
    souvent
    jamais
    dans des verres adaptés à votre boisson ?
    Rarement. Des verres à bière. Des verres à vin au restaurant ou les jours de fête. Sinon, un seul verre pour tout.

    8/ Aim(i)ez-vous les jours de rentrée ? Non.

    9/ La compagnie de jeunes enfants vous donne-t-elle le sentiment de rajeunir ou d'avoir vieilli ?
    Vieilli.

    10/ Avez-vous déjà poussé une brouette ?
    Oui, encore cet été (remplie de bûches). Avec du foin, du fumier. Etc. C'est une belle invention, la brouette.

    Malédiction

    — Il est nul et feignant. Et pour des raisons historiques, son salaire est à un tel niveau qu'il ne peut pas s'en aller: nulle part il ne retrouve un salaire aussi haut. Et je ne peux pas le virer: il est élu au CE…
    (A titre d'info, j'ai rencontré le loustic : même pour prendre l'apéro, il est désespérant.)
    — Alors je ne vois qu'une solution…
    — Ah ?
    — La poupée vaudou.


    Quelques jours plus tard :
    — J'ai regardé sur internet la fabrication d'une poupée vaudou.
    — Hein ??!!!
    — Oui, il y a un wikihow sur le sujet.


    Quelques heures plus tard :
    — J'ai regardé ton site : ce n'est pas sérieux, nulle part il ne mentionne qu'il faut des cheveux ou des ongles de celui qu'on veut marabouter.


    Pour ceux que le sujet intrigue, je recommande Rue des Maléfices de Jacques Yonnet et Blood Sympathy de Reginald Hill.

    ——————————
    Agenda
    Steve McQueen, Hunger, 2008
    déjeuner à l'Auberge de Marrackech avec Olivier.
    Clint Eastwood, Mémoires de nos pères, 2006

    Date butoir

    J'ai fini deux heures plus tôt que l'année dernière, encore deux ans et je serai au point. (Le 30 avril est la date de remise de documents à l'autorité de tutelle, la grande méchante qui peut nous retirer notre agrément).

    Le mois de mai va être compliqué.

    Sur l'eau

    De nouveau ce soir j'ai traversé toute la région parisienne pour aller ramer. Il fait nettement plus froid que la semaine dernière.

    Manu se moque gentiment de moi :
    — Alors, cette détente?
    — J'y travaille. Dimanche j'ai fait du fun skiff.
    — Du fun skiff? Non non, tu dois sortir en skiff.

    Sa théorie est que je me suis trop habituée aux bateaux stables (le fun skiff est plus large que le skiff). Il est normal qu'un bateau fin soit en déséquilibre, m'a-t-il expliqué (et savoir que c'est normal, que ce n'est pas un défaut de ma part, me soulage déjà), il faut juste l'accepter. Et pour s'y habituer, l'accepter, il faut sortir en bateau fin.


    Une douzaine de kilomètres.
    Comme des orages sont prévus, il y a eu des lâchers d'eau en amont, et la Seine charie des branches, des bûches, des troncs, parfois impressionnants, dangereux pour nos coques.
    J'ai l'impression que je suis un peu moins tendue.





    Histoire de femme

    — Mon beau-père battait sa femme comme plâtre. Enfin, il paraît. Un jour, elle a voulu partir. Elle a pris une valise, l'a remplie. Mon mari m'a montré la valise, au grenier. Elle était criblée de trous: mon beau-père a pris sa carabine et a tiré dedans. Ma belle-mère est restée. (Silence. Soupir.) Que voulais-tu qu'elle fasse? Elle ne savait rien faire, même pas bonne à rien, mauvaise à tout, comme disait Pagnol.


    (Je dîne avec M.)

    Entreprise buissonnière

    Je ne suis pas allée travailler aujourd'hui — comme ça, sur un coup de tête, ou plutôt par glissades successives, à force de ne pas y aller, jusqu'à décider de ne pas y aller. (Ceci est tout de même un très mauvais exemple pour le dernier exemplaire de progéniture qui reste à la maison)

    Dimanche gris

    Pas de photo aujourd'hui : je n'avais pas de sac étanche, je n'ai pas emporté mon téléphone sur le bateau.
    Ciel gris, 14 à 16° (donc chaud quand on rame), pas de vent. Tous les arbres à une ou deux espèces près ont des feuilles. Des mouettes courtes à tête noire et bec rouge. Je crois que je n'en avais pas encore vu.

    12 km de fun skiff.

    Après-midi : il pleut. Pas de jardinage. Tant mieux. J'ai dormi.

    Comment avoir l'air con en dix secondes

    — Je peux voir un justificatif pour son âge ?
    — Mais on s'en fiche, puisque c'est le même prix! Regardez, 13 !
    — Ça, c'est l'heure de la séance, Monsieur.




    (Avenger 2 : n'y allez pas)

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non. Je me suis fait mordre par une couleuvre dans les vestiaires des filles en cinquième. J'essayais (j'ai réussi) de la remettre dans sa boîte. Je m'étais engagée auprès de la prof de biolo à la remettre en liberté. (Je l'ai fait).
    Il y a aussi les transports de blattes dans le métro entre la maison et le lycée pour toutes les vacances scolaires (mais on peut difficilement appeler cela "tenir dans ses bras", n'est-ce-pas?)

    2/ Charlottesville, Virginie.

    3/ Je vois rarement (jamais) de bagage abandonné. Mais je le pense devant les sacs plastiques, les boîtes en carton, oui. (Et je ne fais rien, je ne dis rien, parce que zut).

    4/ Bien, merci. Et vous ?

    5/ Non.

    6/ Non. En revanche, au niveau "couple", oui, notamment pour refuser d'aller travailler dans l'armement pour Thomson. (La raison me paraît évidente.)

    7/ Un bouquet de temps en temps. Pour le fleuriste du marché (le problème du marché, c'est que je le vis comme un appel à la solidarité: je pense à son chiffre d'affaires devant chaque commerçant).

    8/ Ma vie est un boycott permanent: les cons (sous-catégories: les commerçants désagréables, les blogueurs insupportables), les produits animaux en supermarché, les lingettes nettoyantes (très difficilement biodégradables), de nombreux produits "modernes" qui me paraissent ridicules dans leur débauche de packaging par rapport aux besoins qu'ils satisfont, les émissions de télé débiles, les vidéos youtube postées par les terroristes (ça doit pouvoir entrer dans la catégorie "cons"), les mots anglais inutiles (comme packaging!!), les mots français récents qui remplacent des mots traditionnels (éditer pour modifier, compliquer pour complexifier, finaliser pour finir ou mettre la dernière main, solutionner pour résoudre)…

    9/ Mon nom, non (du moins pas en France), celui de mon homme, oui, à Nogent-en-Bassigny.

    10/ Non, je ne crois pas.

    Détends-toi

    Un certain Emmanuel proposait des cours de perfectionnement en skiff. J'avais reçu les mails sans oser m'inscrire, peur de me retrouver seule de mon âge avec des rameurs de quatorze ans (ça m'embarrasse, je n'y peux rien. J'ai peur de gêner.)

    Finalement je me suis lancée: je quitte le bureau à La Défense à quatre heures et quart pour aller à Melun.
    Temps magnifique, nous sommes quatre, les autres ont entre quinze et vingt ans. Emmanuel a les yeux très clairs, si étonnants que j'évite de le regarder de peur de me mettre à les observer.

    Il semble surpris par mon coup de rame:
    — Tu n'as pas fait de skiff depuis quand?
    — Un an.
    — C'est pas mal.

    Plus tard:
    — Tu connais la différence entre des bras tendus et des bras allongés?
    — Euh… (je ne lui dis pas qu'il me rappelle Jean-Louis qui m'avait demandé la différence entre du steack haché et de la viande hachée.)
    — Eh bien, il faut allonger les bras, toi, tu les tends. Ils ne doivent jamais être tendus, sauf au moment de la prise d'eau, et encore, ce n'est qu'une conséquence de la force qui s'exerce sur les pelles. (Il rit:) Détends-toi! J'étais en train de penser à tout ce que tu pouvais améliorer, mais en fait, c'est tout simple, détends-toi!


    Et j'observe en moi-même avec philosophie et amusement qu'au moins c'est cohérent: aviron, rock, équitation, et même études, langues étrangères à l'oral, toujours le même diagnostic: détends-toi!

    Et me connaissant, je m'imagine parfaitement concentrée, les dents serrées, en train de m'appliquer à me détendre…

    Noces d'argent

    En fait, le "véritable" anniversaire, c'est aujourd'hui, l'anniversaire du mariage religieux.

    Vingt-cinq ans. Je dois pouvoir considérer que j'en suis à la moitié de ma vie d'adulte, car il est plus probable que je vive jusqu'à soixante-quinze ans que jusqu'à cent, en tout cas en pleines possessions de mes moyens intellectuels.
    La moitié parcourue donne une idée de la moitié restant à parcourir. C'est difficile de donner une épaisseur à la durée. On tend à imaginer le temps de façon logarithmique, si je puis dire, ou selon les règles de la perspective: autant ce qui est proche conserve une durée réaliste, autant ce qui est lointain est déformé, plus tassé.

    Il s'agirait donc de donner aux années à venir la même durée que les années passées, de déplisser le temps.
    Je pense à cette remarque de l'équipe traversant l'Antartique avec des chiens: «arrivés à la moitié, c'est devenu plus dur, car inconsciemment on s'imagine être arrivé en haut de la montagne et qu'il n'y a plus qu'à descendre, que cela va être plus facile. Mais en réalité la deuxième moitié est aussi longue que la première, et c'est plus dur parce qu'on est fatigué» (impossible de retrouver le titre du film).

    Exercice de mémoire, reconstitution du temps passé, vingt-cinq mois d'avril. Ou pas tout à fait, avril 2006 suffira, début des blogs.

    - avril 1990 : mariage.
    - avril 1991 : je travaille au pire endroit où j'ai jamais travaillé.
    - avril 1992 : Je suis enceinte de Clément, peut-être déjà en congé maternité. Nous passons une semaine à Verrière-le-Buisson, chez Brigitte qui nous a prêté sa maison pour que nous la gardions et sortions de notre appartement d'Aubervilliers. H. est tout excité à propos de NeXT, mais je ne sais plus exactement ce qui se passe.
    - avril 1993 : Rien de particulier. Sans doute les deux pires années de ma vie. Mon entreprise (une mutuelle d'assurance) a déménagé de porte d'Asnières à Levallois-Perret. Je passe beaucoup de temps à la bibliothèque de Levallois, excellente.
    - avril 1994 : Cela fait cinq ans que je travaille (septembre 1989). J'écris à Sciences-Po pour demander un dossier d'inscription dans la filière parallèle réservée aux salariés avec cinq ans d'expérience. (Finalement je serai reprise directement en troisième année après un entretien en juillet).
    - avril 1995 : Sciences-Po. Le bonheur. Je suis enceinte de deux mois. Personne ne le sait à l'école, de la même façon que j'ai caché mon fils.
    - avril 1996 : J'ai négocié mon départ. Je suis au chômage. Je suis un stage d'anglais d'une semaine avec Anne-Claire à deux pas de la place des Vosges.
    - avril 1997 : Rien de particulier concernant avril. Tour G*n. Je suis en train de faire une grosse conn**.
    - avril 1998 : Enceinte du dernier de façon imprévue. Je ne sais comment l'annoncer au bureau. Trois mois et demi, quatre mois. Je n'ai toujours rien dit.
    - avril 1999 : Nous achetons une maison, le prêt commence en juin. Je suis terrifée, je ne comprends pas comment nous allons nous en sortir financièrement.
    - avril 2000 : Nous fêtons nos dix ans de mariage avec des copains, sur la terrasse sous une pluie battante. J'ai rédigé une invitation: «Une maison, trois enfants, venez fêtez dix ans de bonheur bourgeois». Cela ne fait que refléter mon étonnement d'être parvenus jusque là, d'avoir tenu jusque là. C'est la dernière fois que je vois Jacqueline. (Ou pas? ne sommes-nous pas allées à la piscine avec nos garçons l'été suivant? je ne sais plus.)
    - avril 2001 : Je cherche à quitter mon entreprise. Je m'ennuie. Je me suis inscrite à un Deug de philo par correspondance (à Toulouse!) J'écris une dissertation sur Platon dans l'arrière-pays niçois (nos premières vacances ailleurs que chez Eric, nos premières vacances payantes), mais je ne sais plus si c'est en avril ou en mai (je songeais au pont de l'Ascension: 24 mai, me dit Google). Nous avons eu une panne de voiture un jour férié, mais je ne sais pas si j'ai encore la facture.
    - avril 2002 : Le Pen passe le premier tour des élections présidentielles.
    - avril 2003 : Quel jour était le vendredi saint? (le 18, me dit Google). Point de repère pour une autre grosse conn** que je regrette amèrement.
    - avril 2004 : Quelque part en avril H. se fait opérer de l'épaule gauche (je ne me souviens pas de cette période, où pourtant il a fallu que je me débrouille seule puisqu'il ne pouvait pas conduire. Je ne me souviens pas.) R.
    - avril 2005 : La mort de notre chatte Framboise, peut-être? (c'est cette année-là, mais quand? En mars, en avril? Je l'aimais profondément, nous l'avions depuis juin 1989).
    - avril 2006 : François Matton fait des commentaires absurdes sur la SLRC, tout le monde en semble très satisfait. Quand je démontre ses contradictions et sa malveillance, JV vient le défendre. Je suis écœurée par toute cette bêtise pour ne pas dire méchanceté. Je quitte la SLRC.
    - avril 2007 : Venise
    - avril 2008 : premier article accepté dans une revue universitaire
    - avril 2009 : Venise
    - avril 2010 : menace d'huissiers. Je suis très secouée.
    - avril 2011 : dernière rencontre (en date) avec "lecteur"
    - avril 2012 : quelque part en avril je me casse un doigt (ce qui me permet de préparer Porto)
    - avril 2013 : je clôture mon premier exercice liasse fiscale incluse
    - avril 2014 : entorse — et liasse fiscale, mon lot d'avril tant que je resterai à ce poste
    - avril 2015 : j'écris ce post en écoutant plus que regardant La Guerre des Mondes. Je le trouve plus terrifiant que la première fois. Le train en flammes qui passe dans la nuit en respectant parfaitement les règles de signalisation (le passage à niveau) est une idée magnifique.

    Cet exercice est inquiétant.

    RTFM

    (Read the Fucking Manuel)

    Soit un siphon pour faire de la crème chantilly (modèle recommandé par un professionnel).
    Précision importante :
    3. Ne pas remplir la cuve du siphon au-delà de la capacité indiquée sur le fond de la bouteille: pour 0,25 litre 250 ml maximum, pour 0,5 litres 500 ml au maximum et pour 1 litre 1000 ml maximum.

    Printemps

    La photo du dimanche matin. Diversité de l'arrivée du feuillage, gamme des verts. Chant du coucou, mon premier cette année. Temps magnifique (ajouté à la voiture décapotée => coup de soleil sur le front).





    Pas de jardinage (et pas d'excuse).

    Poitrail blanc

    — Normal que ce chat soit amical et veuille tout le temps entrer chez nous: il a le poitrail blanc.
    — Hein, quoi?

    Ma fille est venue récupérer sa voiture cette semaine. Entre autres matières, elle étudie l'éthologie. C'est ainsi que nous apprenons que l'une des caractéristiques des animaux sauvages domestiqués, c'est de perdre en quelques générations (quatre ou cinq chez le renard, par exemple) ce qui leur permet de survivre dans la nature, les oreilles droites pour entendre loin, le pelage de camouflage, etc.
    L'une des marques de la domestication est le poitrail blanc : dans une portée, si vous souhaitez un animal docile, choisissez de préférence celui au poitrail blanc.

    — Poitrail blanc : comme toi, finalement.
    — Eh oui : vingt-cinq ans de mariage.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Je ne pense pas en ces termes-là. Je n'ai pas l'impression d'être une personne différente.

    2/ Je préfère les grands ou gros chiens. Je ne suis pas trop "chien de compagnie", plutôt chien de berger.

    3/ Non. Je lègue mes San Antonio à ma fille.

    4/ Non, je ne crois pas.

    5/ Amsterdam.

    6/ Oui!

    7/ Non. Je n'y arrive pas. Je voudrais des rituels pour penser moins et aller plus vite mais je n'y arrive pas.

    8/ Ne plus penser à l'argent! (Faire des travaux dans la maison.)

    9/ Je ne sais pas. Ai-je un meilleur, ai-je un domaine? Je n'ai pas l'impression.

    10/ Rien. Je m'endors.

    Malentendu

    Nous sommes deux ou trois à systématiquement essayer de sortir en pointe dès que les conditions deviennent plus clémentes. Nous complétons la yolette avec des volontaires plus ou moins enthousiastes, plus ou moins au courant de ce qui les attend.

    Après sept kilomètres, Pascal remarque:
    — Je ne suis pas d'accord avec Nathalie, je ne vois pas en quoi c'est plus facile que le couple.
    Je demande, de ma place de barreur: — Elle a dit que c'était plus facile?
    — Elle dit qu'elle adoorrrreee la pointe.
    Nous éclatons de rire toutes les deux.
    — Ah mais oui. Ce n'est pas du tout pareil que dire que c'est plus facile!

    Grec

    Avant-dernier cours de grec (mais nous avons déjà les dates pour l'année prochaine).
    Je ne sais plus si j'ai noté ici que l'intérêt de la Vulgate est de traduire — parfois — mais à quels endroits? — d'autres versions du Tanakh (Bible hébreu) que la Septante (LXX). (Jérôme a d'ailleurs caché qu'il faisait appel à des érudits juifs pour son travail car ce n'était pas très bien vu).

    Le texte du Tanakh a par ailleurs été révisé trois fois (disons que nous retenons trois révisions majeures) dans le monde juif: par Aquila de Sinope, par Symmaque et par Théodotion, révisions très peu prises en compte par les chrétiens des premiers siècles qui avaient déjà figé (quasiment, il faut toujours rester nuancé) leur version de la Septante.
    Origène constitua le premier "synoptique", les Hexaples, mettant côte à côte les différentes versions afin de les comparer. De cet énorme travail, il ne nous reste que quelques pages.

    (C'est incroyable comme tout ce qui concerne Origène a disparu: il a écrit une correspondance immense, je ne sais plus exactement ce que nous a dit la prof, que Jérôme aurait parlé de neuf tomes de lettres avec un seul correspondant, l'un de ces tomes faisant plusieurs volumes (première fois que j'entendais qu'un tome pouvait se composer de plusieurs volumes… à cause de l'épaisseur du support, je suppose?)
    Je ne désespère pas qu'on retrouve encore des œuvres d'Origène: en effet, comme il était anathème, ses éventuels manuscrits sont anonymes. C'est ainsi que des commentaires des psaumes ont été retrouvés en 2005 dans une bilbiothèque de Munich.)

    Toujours est-il que pour la prochaine fois, nous devons traduire Dn 7, 1-13 dans la LXX et le Théodotion. C'est excitant.

    M. Muscles lit

    Je l'ai découvert en descendant l'escalier de la station Esplanade de la Défense, il s'éloignait devant moi et j'ai eu envie de rire: incroyable, il devait sortir d'un album de Tom of Finland, il n'y avait pas d'autre explication possible.
    J'ai essayé de le rattrapper dans le but de prendre une photo, impossible qu'on se rende compte, sans cela. Une rame de métro arrivait, il continuait à marcher, il est remonté le plus possible, ce que je fais aussi (puisque je sors à Châtelet pour prendre la 14, pour ceux qui connaissent la correspondance).

    La rame était étonnamment vide, j'ai pu prendre une photo de ma place, non pas sans inquiéter chemise rouge à carreaux qui s'est levé et déplacé.





    Il tenait son livre d'une façon que je déteste, la couverture repliée à l'envers sous le volume et l'annotait au stylobille.

    Il est descendu à Châtelet, comme moi, j'ai enfin pu prendre deux photos et surtout lire le titre du livre: Un roi sans divertissement.





    Il a pris l'escalator devant moi puis la ligne 14 comme moi. Quand la rame est arrivée il est entré deux portes plus loin — ou pas: je ne l'ai plus vu.

    Un grand moment de solitude

    Comme il fait très beau, les rameurs sont revenus en nombre et le vestiaire est plein.
    Comme je n'ai pas de contrainte horaire, je passe sous la douche dans les dernières.

    Quand je ressors, tout le monde est parti. Slip, soutif, crème sur le visage écarlate, coup de peigne, pull fin à manches courtes, boucles d'oreilles (l'ordre peut paraître bizarre, mais comme je suis seule, j'en profite pour évaporer)… Où est ma jupe?
    Je l'avais posée sur le banc devant les casiers, elle n'est plus là. Elle devait gêner pour ouvrir les-dits casiers, quelqu'un a dû la pousser, j'explore du regard le vestiaire, le sol, le dessus des casiers…
    Rien.

    Ne paniquons pas. Je partage mon casier avec une autre rameuse: je sors son sac et le fouille, au cas où elle y ait fourré ma jupe (en laine, très souple: un petit tas de tissu qu'un cerveau en manque de sucre peut prendre pour un tee-shirt, une serviette, surtout s'il est en train de discuter).
    Rien.

    Il est deux heures passées, je suis pieds nus en slip dans le vestiaire désert. Que faire? Sentiment de dénuement tel que celui des rêves où l'on se retrouve nu dans la rue sans que personne ne paraisse s'en apercevoir.
    Mais dans le cas présent, si je tente l'expérience, il est probable que quelqu'un s'en apercevra.

    J'ai enlevé mon pull, remis le tee-shirt rouge du club et un collant (qu'heureusement, chaleur oblige, je n'avais pas utilisé aujourd'hui), mes baskett, et je suis retournée au bureau.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Une camionnette de déménagement.

    2/ Oui, alternivement chez mes grands-parents paternels et maternels.

    3/ J'ai reçu une très jolie carte postale de l'abbaye de Vilelongue.

    4/ Ça m'est égal, en fait. La photo n'est qu'un support de souvenirs, un déclencheur. Elle n'est pas le souvenir (la chaleur, l'odeur, les pensées, l'avant et l'après le moment de la photo). S'il s'agit de quelque chose que je ne connais pas, la couleur donne davantage d'informations. Le noir et blanc donne une image triste du monde (les photographies noir et blanc de Venise avant la deuxième guerre… terrible, on dirait un taudis.)
    Les portraits sont beau en noir et blanc. La lumière est plus belle.

    5/ Nous allons régulièrement au restaurant, chaque fois que nous sommes à Paris ensemble à l'heure d'un repas (à condition d'avoir une vision extensive du restaurant: brasseries, crêperies, bistrots, etc).

    6/ Là aussi, à condition d'avoir une vision extensive du restaurant, cela m'arrive tout le temps.

    7/ Je suppose que oui, mais c'est le genre de contingences qui ne me marque pas.

    8/ C'est-à-dire? En ne vivant pas ensemble tout le temps? Ou en ne connaissant pas physiquement la personne? Les années d'études ont été des années de séparation intermittente.

    9/ Plutôt, oui, même si les années de collège sont l'enfer.

    10/ Ça c'est difficile. En fait il faudrait que vous même répondiez à vos questionnaires, éventuellement avec quelques semaines de décalage. Si vous vivez sur l'île, partez-vous en vacances, ou vous considérez-vous perpétuellement en vacances?

    Droit au souvenir

    Conformément à la demande du CIL du groupe (correspondant informatique et libertés), nous épurons nos "dossiers papier", c'est-à-dire que nous jetons les lettres et justificatifs des personnes qui ont résilié ou sont décédées depuis plus de cinq ans (et nous classons dans cinq chemises les personnes sorties les cinq dernières années, afin de jeter directement leurs dossiers le moment venu).
    Pour moi, c'est un crève-cœur; plus un papier est ancien et plus j'ai du mal à le jeter. Droit à l'oubli, droit à l'oubli… et le souvenir de nos morts, alors? Comment ne pas avoir l'impression de faire disparaître une deuxième fois cette dame morte dans les années 90, née à la fin du XIXe siècle? Ou la lettre de cette dame nous annonçant pudiquement "la mort de son ami depuis trente ans"?
    (J'ai vu la bande-annonce d'Une belle fin: tout à fait le genre de métier que je ferais avec tendresse.)

    Bref, j'ai conservé un acte de mariage que je vais ramener chez moi. Je n'ai pas envie de jeter cela:
    Extrait d'acte de mariage
    2002 / N°xx

    Le xx juin 2002
    à 16 heures 15 minutes
    a été célébré à Ville (Département) le mariage :

    de Jean X
    né à xx (Gironde) le xx septembre 1920
    fils de Jean xx et de Georgette xx

    et de Jacqueline Z
    née à xx (Doubs) le xx octobre 1924
    fille de André xx et de Lucie xx
    Depuis Monsieur est mort et Madame n'était pas sur le contrat.
    Ma pensée vagabonde: s'agissait-il d'une tardive régularisation pour des raisons de protection patrimoniale ou d'un coup de foudre inattendu? Je ne sais pas. Je conserve.

    Orthodoxe

    Nous attendons la prof de latin. (Elle ne viendra pas, elle est malade.) Conversation dans le couloir.
    Je la rapporte parce que même si mon récit est faible et ne rend pas compte de la discussion, elle va dans le même sens que Congar ou Kertész, ce monde qui se partage entre Orient et Occident, entre latins, saxons et slaves (en ce qui concerne l'Europe), ces lignes de fond ethniques et culturelles que l'on veut ignorer au nom de l'universel et qui s'obstinent, qui constituent des fondamentaux pour comprendre notre monde (je suppose qu'il doit exister l'équivalent en Asie, au Moyen-Orient… En Afrique, c'est l'inverse, à tort ou à raison l'occidental moyen considère qu'il n'y a que des tribus… Et pourtant je sais qu'il y a au moins les peuples des plaines et les peuples des montagnes).

    — Joyeuses Pâques !
    — Ah non, moi je suis orthodoxe, c'est la semaine prochaine!
    — [Rires. Commentaire sur son sweat.]
    — Au Liban, j'avais passé l'examen pour être arbitre de baskett.
    — […]
    — Je voulais entrer au séminaire, mais mon évêque ne voulait pas. Il ne me croyait pas, alors j'ai fait un master de finances, comme le voulaient mes parents. Qu'est-ce que je me suis ennuyé! Alors j'ai passé l'examen d'arbitre de baskett.
    — […]
    — C'était bien, sauf qu'au Liban, on est très famille, et là, j'étais tout seul le dimanche.
    — […]
    — Non, mais la famille, elle vient te voir quand tu joues, qu'il y a un enjeu, qu'il y a des compétitions, mais personne ne vient quand tu arbitres!
    — […]
    — Oui, j'ai fini mon master, et mon évêque ne voulait toujours pas, il pensait que je plaisantais. Il disait oui à tous les autres, et pas à moi. Je travaillais dans une banque. «Démissionne», il m'a dit. Alors le lendemain j'ai démissionné. Alors il m'a envoyé en France alors que les autres faisaient leur séminaire sur place à Beyrouth.
    — […]
    — Il m'a envoyé à Saint-Serge, c'était horrible, là-bas, c'est Moscou, l'Europe de l'Est, c'est pas la France, au bout d'un an je n'en pouvais plus, c'est pas le même monde. Alors mon évêque m'a mis ici.
    — Et tu ne veux pas aller à Rome?
    — Oh non, Rome, c'est pour le carnet d'adresse, pas pour des études sérieuses. Il faut venir à Paris, à Liévain, en Allemagne…

    L'indemnisation des victimes de catastrophes aériennes

    Un ami a publié l'image suivante sur son compte FB:





    Bien évidemment, c'est en partie vrai, un peu comme il est en partie vrai que si les médias français (européens?) ont peu parlé du massacre kenyan, c'est parce qu'il s'agit de chrétiens1.

    Cependant, la nationalité a une autre conséquence: si la compagnie n'est pas européenne (union européenne), tous les passagers ne sont pas égaux. J'avais été surprise et choquée de l'apprendre par un article de L'Argus de l'assurance paru le 28 août 2009, après la disparition du vol AF 447 reliant Rio de Janeiro à Paris et du vol 626 de Yemenia Airways en juin 2009.
    J'avais mis cet article de côté, je vous le livre quasi in extenso.

    J'ajoute des sauts de ligne pour faciliter la lecture en ligne.
    […] Il appartient au marché de l'assurance aviation de procéder à l'indemnisation des ayants droit des victimes, voire de la victime elle-même en cas de survie… En pratique, les assureurs aviation sont peu nombreux et spécialisés. La France en compte trois principaux : Axa Corporate Solutions, la Réunion aérienne (GIE regroupant Generali France, Groupama transport, MMA et Scor) et Allianz. Les grandes compagnies aériennes sont assurées par plusieurs marchés (européen, asiatique, nordaméricain).

    Les assureurs souscrivant en coassurance, c'est leur chef de file (le leader) qui va négocier les indemnisations pour le compte de tous. En conséquence, ce sont les assureurs de l'opérateur aérien qui feront les premières avances. Il est en effet prévu, par le régime de responsabilité du transporteur aérien (règlement européen n° 2027/97), le versement d'une avance à la victime, laquelle ne peut pas être inférieure à 15000 droits de tirage spéciaux (DTS : panier de monnaies regroupant le dollar US, le yen, l'euro et la livre sterling) aux ayants droit en cas de décès.

    Une fois connues les premières hypothèses sur les causes de l'accident, les constructeurs et motoristes vont devoir se défendre avec le soutien de leurs propres assureurs. En pareil cas, un dialogue s'installe souvent entre les deux groupes d'assureurs pour discuter les montants d'indemnisation des victimes ou de leurs ayants droit, voire pour se répartir les responsabilités. Ils vont devoir appliquer un régime de responsabilité complexe, rarement uniforme et, surtout, très différencié selon les victimes.

    Si les derniers sinistres ont remis sur le devant de la scène la question de l'indemnisation des victimes et/ou de leurs ayants droit lors d'accidents aériens au cours de vols internationaux, la question de l'indemnisation s'est posée dès les premières heures de l'aviation commerciale. La première pièce de l'édifice a été posée par la convention de Varsovie du 12 octobre 1929 relative à l'unification de certaines règles en matière de transport aérien international (entrée en vigueur le 13 février 1933), qui a été modifiée dès 1955 par le protocole de La Haye du 28 septembre 1955 (entré en vigueur en 1963).

    Ces dispositions ont très vite été considérées comme dépassées en raison des faibles plafonds d'indemnisation prévus. Divers mécanismes/régimes d'indemnisation, tant au niveau national qu'international, ont été mis en place afin de pallier les insuffisances de Varsovie-La Haye. Ainsi, selon les accords IATA de 1993 et 1995, les compagnies aériennes renoncent à se prévaloir des plafonds d'indemnisation de Varsovie-La Haye, l'article L. 322-3 du code de l'aviation civile français relevant le plafond à 114336,76 €. Malgré ces mécanismes correctifs, la situation n'était pas satisfaisante et, le 28 mai 1999, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a adopté la convention de Montréal, relative à l'unification de certaines règles en matière de transport aérien international (entrée en vigueur le 4 novembre 2003, 92 Etats parties signataires actuellement), destinée à remplacer Varsovie-La Haye.

    La responsabilité du transporteur aérien envers ses passagers, lors d'un vol international, est désormais encadrée de la façon suivante (art. 21):
    - jusqu'à 100 000 DTS, le transporteur ne peut pas exclure ou limiter sa responsabilité (sauf faute de la victime) ;
    - au-delà de 100000 DTS, le transporteur n'est pas responsable des dommages subis s'il prouve que le dommage n'est pas dû à sa négligence ou à un autre acte ou omission préjudiciable,de sa part, de ses préposés ou de ses mandataires ; que ces dommages résultent uniquement de la négligence ou d'un autre acte ou omission préjudiciable d'un tiers.
    […]
    En 2002, l'Union européenne a adopté le règlement n° 889-2002, modifiant le règlement n° 2027-97 en incorporant dans le droit de l'Union européenne toutes les dispositions de la convention de Montréal relative à la responsabilité du transporteur aérien envers les passagers et les bagages.
    Désormais, toutes les personnes voyageant sur un vol opéré par un transporteur aérien de l'Union européenne sont indemnisées selon les dispositions de la convention de Montréal, que ce soit directement par l'application de la convention ou par celle du règlement n° 889-2002.

    Pour les personnes voyageant avec un transporteur aérien non communautaire, tout dépend si le vol relève ou non de la convention de Montréal.
    L'application de ce régime juridique, à l'apparence uniforme, va pourtant aboutir à des indemnisations très différentiées selon la qualité des passagers, d'une part, mais surtout de la compétence juridictionnelle, aléatoire en pratique. Les ayants droit s'efforcent de maximiser l'indemnisation en saisissant le juge le plus généreux, dans les faits le juge américain.

    Les indemnisations sont de deux ordres. D'abord le préjudice économique et financier. C'est celui résultant de la perte de revenus en raison du décès ou de la blessure de la victime. […] Ensuite, le préjudice moral, en commençant par le « prix de la douleur », mais aussi les préjudices d'agrément, ou encore les désordres dits «post traumatiques» pris en charge dans certaines juridictions. Les sommes versées au titre de l'indemnisation des dommages liés à un accident aéronautique sont nettement supérieures aux indemnisations d'autres accidents, pour des raisons absolument subjectives liées à l'émotion. Elles se traduisent par une inflation des préjudices moraux, dans des proportions inconnues du droit commun… Aux États-Unis l'indemnisation d'un décès consécutif à un accident aérien peut dépasser 4 M$, dont l'essentiel est constitué de préjudices moraux. Dans un même accident, toutes les victimes n'auront pas nécessairement accès aux mêmes juridictions, d'où des disparités d'indemnisation selon les nationalités. Il s'en suit un profond sentiment d'injustice difficilement explicable par les praticiens de l'assurance. […]

    Thibaut de Mallmann, ancien avocat, directeur juridique de la réunion aérienne,
    avec la collaboration de Dorothée Cresp, juriste
    Et comme d'habitude, murmures dans les couloirs pour savoir qui est l'assureur de l'avion allemand, quels comptes vont être plombés par la catastrophe… (Le premier réflexe des directeurs, c'est de savoir qui est l'assureur, toujours: je me souviens par exemple d'AZT à Toulouse, du soulagement de savoir que nous n'étions pas concernés… C'est assez bizarre.)





    Note
    1 : Je ne crois pas que ce soit pour des raisons "anti-chrétiennes", mais parce qu'on considère que les chrétiens ne sont pas à plaindre, généralement. Il reste d'eux l'idée qu'ils sont en position dominante, alors que c'est de moins en moins vrai au plan mondial. Surtout, ils n'ont plus rien à voir avec les chrétiens batailleurs et armés des siècles précédents.

    Une partie de golf




    Ce dessin m'a rappelé une vieille plaisanterie (7 octobre 1999, me dit mon fichier. C'était les début des mails et tout le monde envoyait la moindre blague à l'ensemble de son carnet d'adresses. Agaçant à la longue, mais j'ai conservé quelques plaisanteries en format .rtf) :


    Moïse prend son club de golf et d'un swing élégant frappe sa balle. Elle monte en l'air d'un superbe mouvement parabolique et tombe directement… dans le lac !
    Sans montrer la moindre contrariété, Moïse lève son club et les eaux s'ouvrent, lui laissant le passage pour frapper le coup suivant.

    C'est maintenant au tour de Jésus. Il prend son club et, également d'une parabole parfaite, (rappelez-vous : la parabole c'est sa spécialité !), il envoie la balle dans… le lac, où elle tombe sur une feuille de nénuphar. Sans s'énerver, Jésus marche sur l'eau jusqu'à la balle et frappe le coup suivant.

    Le petit vieux qui les accompagne prend son club et, d'un geste affreux de qui n'a jamais joué au golf de sa vie, envoie sa balle dans un arbre. La balle rebondit sur un camion puis à nouveau dans un arbre. De là, elle tombe sur le toit d'une maison, roule dans la gouttière, descend le tuyau, tombe dans l'égout d'où elle se trouve lancée dans un canal qui l'envoie… dans le lac mentionné ci-dessus.
    Mais en arrivant dans le lac elle rebondit sur une pierre et tombe finalement sur la berge où elle s'arrête. Un gros crapaud l'avale et du ciel, un épervier fond sur le crapaud et le saisit. Il vole au-dessus du terrain de golf et le crapaud, pris de vertige, vomit la balle… dans le trou!







    Moïse se tourne alors vers Jésus et lui dit:
    — J'ai horreur de jouer avec ton père !

    Pâques

    Journée sans histoire. Il fait beau depuis la première fois depuis longtemps (les week-ends où il pleut me donnent une excuse pour ne pas travailler au jardin).
    Je me rends compte en téléphonant à mes parents que l'aviron me fournit un sujet de conversation facile: si je ne peux parler ni de théologie (sujet ne concernant malgré tout qu'u public restreint) ni de littérature (atteignant un public plus large mais source potentielle de nombreux malentendus quant à l'acception de "littérature"), l'aviron est un sujet libre, sans danger.

    Je taille sévèrement deux rosiers sur les quatre devant la maison (la suite demain). J'espère ne pas le regretter.

    The big bang theory 6. Ayant fini les petits travaux de couture (boutons du manteau de O: cela doit faire trois fois que je les recouds, cette fois-ci j'ai fait une expérience, j'ai utilisé du fil élastique (blanc que j'ai noirci au marqueur)), je reprends le pull abandonné depuis six mois. Je fais le point dans les diminutions des emmanchures, j'en suis en haut du dos, encore cinq centimètres avant de rabattre (ceci pour mémoire si je mets trois ans à le terminer: j'aurais une trace de mon avancée)).





    Début avril, pas encore de feuilles.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Je crois que je peux pardonner un scénario faible si la mise en scène est superbe (après tout, les meilleures histoires sont déjà écrites, nous ne sommes que dans la variation) tandis que l'inverse ne fera qu'accroître ma frustration. Mais je n'ai pas d'exemple à donner ni de l'un ni de l'autre.

    2/ La prof de latin nous a conseillé de ne pas écrire sur nos textes de version: «Parce que si vous partez sur une mauvaise piste, et que votre sujet est griffonné dans ce mauvais sens, vous n'arriverez jamais à sortir de votre mauvaise analyse grammaticale».
    Le plus souvent il ne s'agit pas de conseil mais d'exemple: je m'inspire de ce que fait mon entourage, j'imite. C'est ainsi que j'ai cherché une voiture sur leboncoin parce qu'Annie l'avait fait. Ou mon père à qui j'annonce que je vais tailler les rosiers: «A dix centimètres?» (c'est ce que faisait sa mère) «Euh, je pensais plutôt à soixante». Mais finalement, je vais sans doute me rapprocher de ce que vient de me dire mon père.

    3/ Il faut en avoir suffisamment pour ne jamais y penser. J'aimerais en avoir suffisamment pour ne jamais y penser.
    J'y fais attention désormais car je m'en veux d'en avoir autant perdu dans des fadaises ou par manque d'attention toutes ces années. Nous avons été fous, dommage.

    4/ Oh oui, je dirais presque «souvent». Disons que ce n'est pas exceptionnel.

    5/ Non. Je n'ai jamais vu de phonographe ailleurs qu'en vitrine ou dans des films.

    6/ Oui. Par fierté et par peur du pouvoir que cela donne sur moi. Je ne fais pas assez confiance aux gens pour me présenter en position de faiblesse. Ils en profitent toujours.

    7/ Quinze ans, bientôt seize.

    8/ Rien d'original, je crois.
    Citons Aline qui nous a rejoint un jour aux Cruchons (il faisait beau, nous étions en terrasse: mai ou juin 2009?) Pas si évident de se joindre à un groupe où l'on ne connaît personne, suite à une invitation sur internet, sans avoir jamais fait un commentaire ou laisser un signe auparavant, en totale inconnue. Ce qui me frappe, ce n'est pas l'originalité mais le courage de la démarche.

    9/ Très rarement, quasiment jamais.

    10/ Me recoucher, je pense (lundi de Pâques, 7h02, je me suis levée à quatre pour travailler tranquille, je viens de bloguer une heure).

    Trouver une voiture

    Depuis le légendaire permis de Claude (légendaire: legenda est, qui doit être raconté), nous avions pour mission de lui trouver une voiture.
    Personnellement, j'étais plutôt pressée, car elle prend son vélo pour aller à son club d'équitation en empruntant une route départementale non éclairée sur laquelle les gens roulent vite: depuis que j'avais compris cela, je n'étais pas très rassurée.

    J'ai fait plusieurs erreurs. La première a été de conseiller à ma fille de chercher une voiture à Lisieux et aux alentours: en réalité, même si elle a la langue bien pendue, elle est timide (elle n'ose même pas aller chez un coiffeur qu'elle ne connaît pas, il faut que je l'accompagne la première fois). Donc elle n'a rien fait, cela a traîné durant novembre et décembre avant que je ne comprenne ce qui était en train de se passer.
    Ensuite, quand j'eus compris le problème et m'apprêtais à faire les recherches moi-même, j'ai fait l'erreur de dire à Hervé que j'avais profité de janvier pour envoyer mes vœux par sms à notre ancien garagiste afin de le prévenir que nous n'avions plus de Mazda (nous continuions à lui emmener "la blanche" de temps en temps). Hervé avait trouvé cela bizarre, mais quand je lui ai montré la réponse amicale et personnelle reçue en retour (bien davantage qu'une réponse stéréotypée), il s'est exclamé: «Je sais, nous allons lui demander de chercher une voiture pour nous».

    Sauf que cet homme a sa propre vie et sans doute aussi peu de temps que nous; bien qu'il eût accepté très aimablement la mission, il ne trouvait pas, cela traînait — quand j'ai constaté que c'était une fausse bonne idée il était trop tard: je ne pouvais plus par politesse chercher de mon côté. (Et je n'avais qu'une crainte, c'est que Claude ne se fît renverser par une voiture alors qu'elle aurait dû ne plus être à vélo depuis décembre. Je ne me le serais jamais pardonné.)

    Le garagiste a fini par déclarer forfait et avouer à Hervé qu'il ne trouvait pas (je ne sais pas quels critères haut de gamme il avait retenus). Entretemps — jeudi dernier — Claude avait pour la première fois montré un signe d'intérêt pour une voiture en m'envoyant un message FB: «Si vous trouvez une voiture, dites-le moi, je vais être en vacances, donc je peux venir.»

    Vendredi, je suis donc passée sur leboncoin.fr, j'ai choisi trois critères (moins de 3000 euros, essence, Ile de France) et sélectionné trois voitures. J'ai envoyé des sms pour prendre rendez-vous et envoyé les liens à Hervé pour lui demander son avis.
    Bien entendu, aucune des voitures que j'avais sélectionnées ne lui convenait et il m'a dit qu'il s'en occupait. (J'ai l'habitude, chaque fois que je commence à avancer sur un sujet sur lequel il traîne depuis des semaines, il n'est pas d'accord avec ce que j'ai fait et s'y met enfin (c'est désagréable, mais ça fait rire les enfants tant c'est caricatural et c'est une façon comme une autre d'aboutir)). J'ai envoyé des sms pour me décommander et le soir quand je suis rentrée il avait six rendez-vous pour le week-end.
    Quelqu'un a téléphoné dans la soirée, sa voiture était déposée le lendemain dans un garage, il fallait venir la voir tout de suite — à un kilomètre de chez nous à vol d'oiseau. Nous y sommes allés, peugeot 306 vert foncé, 1997, 80000 km entretenue de façon familiale par le père bougon (c'est la fille qui vendait). Nous l'avons essayée et nous l'avons achetée.

    Dans la salle à manger brûlait un feu, le canapé était en velours avec de grosses fleurs, au mur un Angelus de Millet en canevas et dans la bibliothèque que j'ai explorée du coin de l'œil tandis que se remplissaient les papiers, j'ai repéré la trilogie des Flicka, une vingtaine de livres de la collection blanche "Des Femmes" (dont Crime et Châtiment en deux tomes), une Bible, un livre sur les régimes, des livres sur De Gaulle.
    Cette France que je connais si bien et que j'aime d'une profonde tendresse, que je voudrais ne pas voir disparaître trop vite — et surtout sans témoin.

    Coucheries

    — Non mais tu t'rends compte? Sur sept filles, cinq couchent avec un type de la boîte!
    — C'est un peu normal, quand tu n'as pas trouvé quelqu'un pendant tes études, en faisant du sport ou sur internet, tu le trouves au bureau.
    — Oui enfin, pas celui qui a quitté une femme et deux enfants pour s'installer avec une jeune…
    — Mais ça ne te concerne pas, si?
    — Sauf quand le copain vient engueuler le chef d'une des filles parce que ce chef a fait une remarque à celle-ci sans savoir avec qui elle sortait.



    C'est encore pire qu'une famille.

    C'est long

    La semaine dernière je suis sortie deux fois en quatre, mais les pluies des derniers jours ont provoqué une montée de la Seine et aujourd'hui nous nous retrouvons en yolette (ce n'est pas la crue qui est gênante mais le débit).

    Il y a toujours un moment quand je rame où je m'ennuie. C'est long. J'en ai marre. J'ai chaud. Il faudrait éloigner ma barre de pied ou mouiller la dame de nage qui grince. Le nez me démange.
    L'avantage d'être dans un bateau long, c'est qu'on n'hésite avant de faire arrêter tout le monde pour se gratter le nez. Alors ça passe. L'attention se détourne.

    A quoi pensent les autres, à quoi pensent les sportifs qui ne font pas des sports "à effort ponctuel" (saut, lancer, distance courte) ou des sports collectifs?
    Laisser sa pensée divaguer, construire des stratégies, apprendre à ne penser à rien, vivre l'instant (méditation) ou se concentrer sur le mouvement (ce que je préfère, chaque mouvement étant une reprise à zéro, l'effacement de la réussite ou de l'échec du mouvement précédent, tout étant à reprendre, comme une nouvelle chance — mais il est difficile de se concentrer longtemps).

    A quoi pensent les cyclistes, les marathoniens?
    (Cette question n'existe plus pour ceux qui s'entraînent écouteurs sur les oreilles. Mais je ne sais pas si des compétiteurs le font, si c'est admis en compétition (Mimoun l'ipod sur les oreilles) — et je ne sais pas si c'est une bonne idée, cette diversion de l'attention de soi-même.)

    Coulera, coulera pas ?

    J'ai vu arriver cette péniche de loin en traversant le pont de Neuilly. Interloquée, je me suis arrêtée sur la rive pour la voir passer. J'ai pris des photos pour vérifier que la photo montrait la même chose que ce que je voyais (non, ce n'est pas toujours le cas, avec la déformation des lentilles. Reste à savoir qui de l'œil ou de la photo rend mieux compte de la "réalité". C'est un autre débat.)





    Projets

    Hier je discute avec Daniel en avalant mes lentilles et mon verre de brouilly (blanc) entre le latin et l'exégèse. Je déclare:
    — En tout cas, dans quatre ans, je prends une année sabbatique avant de faire la maîtrise… si je suis acceptée en maîtrise.
    — Moi je ne m'arrête pas, sinon je ne reprendrai jamais.

    Et aussitôt il me fait hésiter.
    J'imaginais déjà cette année pour souffler, aller au cinéma plusieurs soirs par semaine, participer à toutes les randonnées d'aviron (aujourd'hui je ne m'en autorise qu'une par an) (et peut-être aller à des expos avec des amis s'ils ne se sont pas lassés de me le proposer d'ici là), et je me dis que si plusieurs pensent comme Daniel… s'ils continuent tous, je continuerai avec eux, je n'ai pas envie de les quitter. (Mais combien serons-nous dans quatre ans? En première année, nous avions assisté au dernier jour de cursus des huitièmes années, ils étaient douze à seize).

    A midi le vent souffle, sortie interdite. Je me mets sur l'ergomètre (ce qui est bien plus épuisant qu'une sortie classique, car sans les problèmes d'équilibre, il s'agit de forces pures). Jean-Pierre vient faire de la retape :
    — Tu ne voudrais pas faire la rando "Entre deux rivières"?
    — Ça dépend, c'est quand?
    — Du 10 au 14 juillet, le 14, c'est un lundi.
    — Donc il faut poser le vendredi… OK, je viens.
    — Tu ne veux pas réfléchir? Il faudra dormir sous la tente.
    — Non c'est bon, je viens.

    Ce qui m'inquiète, ce n'est pas l'aviron, c'est le vélo. Ici des photos de l'année dernière et un plan du parcours.

    Ruminations scolaires

    Tôt le matin je me remets à ma fiche de lecture. Toujours des problèmes de méthode (ce que je fais s'apparente plutôt à des notes de lecture et c'est beaucoup trop long, je n'ai pas le temps de faire cela, il faut que je m'y prenne autrement — mais comment? (je note ici ces questions scolaires car je n'en reviens pas de les avoir encore — en fait je ne les ai jamais résolues). Vers cinq heures du matin, je décide de tailler dans le vif, de reconstituer la démonstration du volume et de laisser tomber le reste (ça devient très court, soudain!) en notant à part les définitions et les citations bibliques.
    En cherchant des conseils de méthode sur Google, je trouve un petit livre de Sertillanges, La Vie intellectuelle, inspiré de seize préceptes de Thomas d'Aquin. Mon Dieu, du self-help français en 1921! (Ne pas trop lire, ne pas trop se spécialiser : de quoi me redonner le moral).

    Journée comme les journées depuis le début de l'année: tout va mal. Tout s'est terriblement dégradé depuis septembre, les gens et l'informatique ont l'air de ne plus tenir le coup. C'est infernal, on s'emmêle dans les mêmes demandes formulées trois fois à trois semaines d'intervalles à trois personnes différentes, les adhérents s'énervent et il y a de quoi (jeudi, j'écris un mail au délégataire intitulé "JE CRAQUE." Je réussis à attirer leur attention.)

    Tutorat encore. Sueurs froides: en voulant imprimer le document envoyé à ma tutrice vendredi matin d'un Starbuck (document terminé en catastrophe sur les genoux — je dois être la seule à synthétiser quelques chapitres d'Initiation à la pratique de la théologie dans un Starbuck à huit heures du mat' avant d'aller à un colloque de langues anciennes — cela me fait rire, j'éprouve une certaine fierté devant cette excentricité, mais en même temps cela me désespère d'être toujours aussi à la bourre, de ne jamais être aussi sérieuse que je le souhaiterais — mais d'un autre côté la proscratination… si j'avais du temps, ferais-je mieux? pas sûr), en voulant imprimer le document, donc, je découvre que mon mail ne contient pas de document attaché.
    Mais si ma tutrice ne m'a rien dit, c'est qu'elle a estimé que vendredi, c'était trop tard, que j'aurais dû envoyer le doc jeudi… Je suis à la limite des larmes, morte de honte… si j'avais son téléphone je décommanderais le rendez-vous. D'un autre côté c'est absurde, c'est elle qui aurait dû décommander si elle trouvait que j'avais fait montre de trop de désinvolture en lui envoyant mes notes trop tard, et en outre en oubliant le document attaché…
    La mort dans l'âme, j'y vais quand même, et il se trouvera qu'elle a bien reçu mes notes — je ne comprends pas comment est paramétré mon mail, pourquoi je n'ai pas vu de document attaché. Enfin qu'importe, elle se déclare satisfaite: «J'ai été contente de lire cela, vous avez bien avancé». J'en suis heureuse et intérieurement un peu interloquée: je n'ai fait que reprendre la démonstration d'Hervé Legrand, je n'ai même pas pris la peine de changer l'ordre des parties, et elle le sait puisqu'elle a apporté le livre. Je ne m'habituerai jamais au fait qu'on attende de nous de la restitution tout en nous proclamant qu'il nous faut produire «un travail personnel». Je le sais, je le sais, je le sais, mais j'ai un tel sentiment d'imposture et de plagiat quand je travaille ainsi que je m'imagine toujours qu'on attend autre chose.

    Il est probable — je n'y avais pas pensé — que je vais pouvoir écrire quelques lignes sur cette différence qui me paraît essentielle, le bon et le bien («Vous pouvez mener une vie parfaitement morale sans amour». Ah mais oui, et mes héros préférés sont les amoraux pleins de bonté (non, ça je ne le mettrai pas dans ma dissert)).

    Probabilités domestiques

    Préambule : afin de simplifier les choses, nous achetons toujours les mêmes chaussettes de tennis, les mêmes couleurs, les mêmes logos, les mêmes rayures. Chacun a sa couleur, son logo, ses rayures, cela va vite pour attribuer à chacun ses chaussettes.
    La notion de paires a disparu au profit de la notion d'individu appartenant à une famille: si deux chausettes sont identiques, elles constituent une paire, quand une a un trou, elle passe à la poubelle, des paires sont rachetées de temps en temps (ce qui consiste dans notre logique à acheter deux chaussettes identiques à la fois) et je ne m'assure jamais que les chaussettes soient disponibles en nombre pair: la chaussette est devenue individuelle.

    Ce matin, j'ai donc eu droit à la déclaration suivante :
    — Journée de m** en perspective.
    — Ah bon ? Pourquoi ?
    — Comme j'ai trois types de chaussettes, si j'en prends quatre, j'ai forcément une paire. Donc je joue, je les prends une à une pour voir si j'ai de la chance, si je vais constituer la paire du premier coup. Aujourd'hui, il m'a fallu quatre chaussettes pour avoir une paire.







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    Agenda
    Passage à l'heure d'été
    Pas d'aviron car il pleut (je ne fais pas vingt kilomètres pour faire de l'ergo).
    Journée sur le sujet de dissert. Je découvre que tout ce qu'on étudie semble provenir de Thomas d'Aquin (impressionnant — d'un autre côté, c'est une école dominicaine. Je suis juste en train de découvrir l'eau tiède). Je découvre aussi que mon sujet est peut-être moi un commentaire de Lumen Gentium qu'une mise en cause de l'école française de spirualité (Bérulle).

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Une fois de temps en temps, il y a très longtemps, je suppose. Je n'aime pas ce genre de questions car on est sur des concepts flous (aimer, être amoureux ne veut pas dire la même chose pour tout le monde, visiblement. Je me méfie de ces mots comme de la peste et m'en sert le moins possible. J'ai l'impression qu'être amoureux signifierait finalement le contraire d'aimer, non pas détester, mais quelque chose de passager par rapport à quelque chose de durable.)

    2/ Oui, quand j'étais enceinte du premier. J'avais trouvé un super-livre d'une Australienne avec des idées bizarres pour s'habiller (une partie consistait à piquer les habits de son mec: ses chemises portées sur votre jean qui ne fermait plus mais tenait par des bretelles). C'était fun mais pas très sérieux au bureau.

    3/ Quatorze, seize heures? (Dans l'absolu. Aujourd'hui, si j'atteins dix heures, c'est déjà très bien. Je n'ai pas de sommeil en retard au-delà de la semaine).

    4/ Non, je ne crois pas.

    5/ Non plus.

    6/ Plus jamais. Il y a de trop bons joueurs autour de moi.

    7/ Non.

    8/ Très rarement, il faut qu'il soit très mauvais, auquel cas le plus probable est que je l'abandonne, je n'ai plus de temps à perdre.

    9/ Oui, mais à l'envers, non pour m'échapper, mais pour rentrer: quand j'étais interne à Versailles, le dernier train de Paris arrivait à une heure huit et l'internat fermait à une heure. Je montais le long d'un gros pylone en ciment en me servant des traverses comme d'échelle et passais par dessus le mur.

    10/ Oh oui. Même plusieurs. Cela ne change rien à la vie. Souvent je prends connaissance des faits importants par mes amis FB (j'ai des amis très sérieux).

    Le 25 février 2014

    Que faisais-je et où étais-je le 25 février 2014 à 10h10? (inutile de chercher sur ce blog, c'est justement une journée où je n'ai rien écrit).

    Nous avons reçu un "avis à tiers détenteur" pour un PV non payé (375 euros). Après recherche sur le site de l'Antai, il s'agit d'un feu rouge grillé "Intersection Quai Panhard et Levassor, Pont de Tolbiac" en direction " de Quai d'Ivry vers le Quai François Mauriac" valant quatre points de permis.

    Or,
    nous n'avons jamais reçu l'amende initiale, ni aucun rappel, ni avis de perte de points;
    le certificat de non-gage de la voiture vendue le 15 juillet ne présentait aucun PV en attente;
    j'ai envoyé ce jour-là un mail du bureau à 9h50.

    Relais H

    Le début de la fin des travaux dans ma gare (travaux de réfection des quais et installation d'ascenseurs) commencés il y a un an (après d'autres travaux deux ou trois ans auparavant ayant touché l'intérieur et la toiture du bâtiment) me donne de nouveau accès au marchand de journaux à l'intérieur des murs (je ne comprends pas comment cette échoppe n'a pas été obligée de mettre la clé sous la porte avec toutes les interruptions qui lui ont été imposées depuis cinq à six ans).

    Je découvre avec effarement que c'est devenu une petite épicerie, il vend du vin, des cigarettes électroniques, de la mousse à raser, des gâteaux secs, des casques audio, des rallonges USB… mais il n'y a plus de livres de poche.

    Je renoue contact avec les Unes de journaux people. En couverture de Gala ou Point de vue, Charlène et Albert, chacun un bébé dans les bras, avec le titre «Les jumeaux quittent le palais»; en couverture de Closer ou équivalent, une mauvaise photo de Charlène accompagnée de deux femmes: «Charlène quitte le palais pour Cap-Ferrat avec ses nounous, Albert n'est jamais là».
    Si je devais faire un jour un travail en sociologie, je le ferai sur la famille Grimaldi au XXe siècle.

    Les signes

    Et inévitablement, je commence Kertész et je tombe sur «Magdi a des métastases dans les glandes lymphatiques» (p.36) puis «Je sais que la plus belle part de ma vie a pris fin hier.» (p.37)

    Spoil

    — En sortant de Kingsman, j'ai dit à I. en longeant la file de ceux qui attendaient pour la prochaine séance : «C'est quand même con qu'il meure à la fin!»

    Approbation des comptes

    Je retouche les rapports à partir de quatre heures du matin, provoquant la colère de H. («Tu as décidé que je ne me levais pas assez tôt? Sympa!» (mais il a été exécrable tout le week-end)) qui prend sa voiture et part à Tours (c'était prévu, ne vous inquiétez pas!) Je pense aux innombrables fois où il a fait l'inverse: son accusation est tellement disproportionnée que je ne dis pas un mot (il s'excusera quelques heures plus tard).

    Rapports dans l'urgence, pas trop de coquilles j'espère, les administrateurs que j'ai tenus au courant des délais serrés (de l'impossibilité d'envoyer les documents à l'avance) sont compréhensifs, tout est approuvé à l'unanimité. A deux heures la tension retombe.

    Je pars tôt pour terminer la version latine à laquelle je n'ai pas eu le temps de toucher dans la semaine. (Samedi, Daniel me disait qu'il n'avait le temps de rien, à quoi je répondais que cela avait été si épouvantable quand les enfants étaient petits que tout me semblait facile désormais. Dommage que je n'ai rien noté de cette époque, est-ce que j'exagère mes souvenirs? Je ne le saurai jamais.)

    Printemps

    Matinée en yolette de pointe. Elle n'est pas sortie depuis longtemps et quand nous la posons sur l'eau, elle commence par se remplir par une fissure… Elle embarquera environ deux litres d'eau, le temps que le bois commence à gonfler.
    Belle sortie, un peu hésitante, nous n'avons pas l'habitude de ramer en pointe. Je n'ai pas ramé de la semaine, diverses réunions et urgences m'en ont empêchée, cela ajouté au geste inhabituel de la pointe me laisse courbaturée pour l'après-midi, des courbatures qui vont devenir de plus en plus présentes au fur à mesure de la soirée.

    Pruniers en fleurs et saules pleureurs. (C'est la tache verte claire au dessus de la péniche la plus éloignée, vers le centre de la photo.) Ciel changeant, dès qu'il se découvre il fait chaud.





    Taille des hortensias (une tâche jardinière par semaine, je ne peux faire plus). Vote. La relecture de ce blog me montre qu'il y a un an, je passais ma journée dans un bureau de vote. Cela ne me manque pas.

    Samedi

    Journée passionnante sur les pastorales (organisation historique et hiérarchique de l'Eglise (en résumé, on ne peut pas déduire grand chose de ces pastorales! Remarque intéressante du prof: si les épîtres décrivent une organisation idéale, des hommes pieux et vertueux pour diriger les assemblées locales, c'est que ce n'était pas le cas: ces lettres sont destinées à corriger des dérives, il n'y a pas eu d'époque bénie où tout était parfait, il faut se méfier de cette nostalgie).
    Cette année est une grande année. les profs sont passionnés et interviennent sur des sujets où nous avons tout à apprendre.

    J'apprends entre autres que depuis un document de Jean-Paul II (Ordinatio sacerdotalis en 1994?), l'ordination des femmes ne doit plus être discutée dans l'Eglise catholique. Bon. (Ce n'est pas que je souhaite devenir prêtre, mais c'est tout de même dommage d'exclure de certaines charges des religieuses qui ont démontré leur valeur . L'important est de servir au mieux de ses capacités à l'endroit où l'on est le plus utile. Enfin bon. Je suppose que cela va prendre deux siècles de plus. (Ce n'est pas qu'un enjeu féministe, c'est aussi et peut-être surtout un enjeu œcuménique.))

    Durant le déjeuner, je découvre que l'un de mes coreligionnaires travaille à l'ACPR. Horreur et damnation!
    J'apprends aussi que la femme d'Antoine, Antoine qui me fait tant de bien au moral, est atteinte d'un cancer métastasé: espérance de vie trois mois à deux ans (il est médecin, il sait ce qu'il dit). Il est ravagé et je ne sais que dire*.

    Le soir, rendez-vous avec les D. au complet (c'est rare désormais) pour l'anniversaire de Guillaume. Whiplash, film inutile (pas inintéressant, mais dont je ne vois pas bien où il voulait en venir).
    Excellent repas au Carpe Diem, rue Saint Honoré à deux pas des Halles (restaurant qui ne sert plus de Guinness, ô désespoir). Le serveur nous apporte à la New Yorkaise du poivre «sauvage de Madagascar» et nous le charrions tout le repas: «Sauvage, le poivre!»





    Note
    * : ajout ultérieur - Cela a joué dans mon imperturbabilité devant la mauvaise humeur de H. ce week-end: quelle bêtise, pourquoi gâcher ce temps qui nous reste quand nous ne savons pas ce qu'il nous en reste?

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Rien d'aussi spectaculaire que dans les romans pour enfants, mais peut-être le grenier de ma grand-mère maternelle dans laquelle se trouvait une collection complète de Paris-Match (mon goût des robes droites sans manches vient directement de Jackie Kennedy) et de Selection du Reader's Digest (histoires extraordinaires de gens ordinaires vous apprenant qu'il ne faut jamais abandonner et conseils pour maigrir).
    Il y avait aussi le livre de catéchisme de mes tantes (années 50) et leurs livres de prix (beaucoup de contes à la Grimm, les ancêtres de l'héroic fantasy actuelle).

    2/ Non, je suis arythmique. Cela me désole, j'aurais adoré bien dansé le rock et la valse.

    3/ Plutôt pour conforter mon humeur. Ou plutôt parce que j'ai l'humeur à écouter de la musique.

    4/ En fait, à bien y réfléchir, je ne crois pas. Et je ne sais pas si j'en ai envoyé. j'ai un souvenir vague, mais je ne sais plus s'il s'agissait de moi ou d'un proche. Ou d'un rêve, ou d'une reconstitution.

    5/ Le déroulement, non. Tout au plus le choix des chaussures et du sac. Comme me disait un ami: «Ah oui, c'est vrai que tu rames par tous les temps.» (Honnêtement, une fois sur l'eau, on ne s'en rend même pas compte).

    6/ Des forces mystérieuses? Des grandes règles paraissent se dégager: quand tout commence de travers une journée il vaut mieux ne rien faire d'important et attendre le lendemain, il y a des périodes où tout se complique (là encore il vaut mieux attendre), parfois à l'inverse tout tombe en place. Je ne pense pas "forces mystérieuses", je pense "hauts et bas", vagues, comme en mer. (Ce n'est peut-être qu'une autre façon de dire la même chose).

    J'ai été très impressionnée d'apprendre que St Ignace conseille, quand tout va bien, de s'observer afin de se souvenir de son attitude intérieure quand tout irait mal: cela signifie qu'il partait du principe qu'inéluctablement tout irait mal, puis bien, puis mal, etc.

    7/ Ah oui, je crois: celle de vivre, de ne pas perdre une minute (y compris pour perdre mon temps): il n'y aura pas de seconde chance, cette minute ne reviendra pas. Le sentiment de l'urgence d'être heureux, de l'obligation d'être heureux, avant que le Gulfstream ne s'arrête, que Daech ne nous envahisse, que le ciel ne nous tombe sur la tête: prendre conscience de toute notre chance.

    8/ Genre Sheldon dans The Big bang theory? Pas vraiment, mais j'ai un très beau et confortable fauteuil à bascule (malheureusement il ne bascule pas assez).

    9/ Parfois. Ça m'agace.

    10/ Oui. Une mémoire très nostalgique, une mémoire qui me replonge aussitôt dans le lieu où l'odeur ou parfum a été senti.

    Comité d'audit

    Semaine de clôture des comptes, comme tous les ans à cette époque (enfin, nous avons trois semaines d'avance cette année). J'hésite à inscrire ces tâches qui reviennent, le jardinage, la clôture des comptes… J'hésite à écrire ces menus détails identiques année après année mais finalement… Finalement j'aime bien ce temps circulaire qui nous fait entrer dans l'éternité.

    Comité d'audit l'après-midi, soit la réunion la plus intéressante de l'année: nous sommes six, discussion de spécialistes (cinq, pas moi!), j'essaie de retenir tout ce que je peux. Cela se termine à 18 heures, c'est un peux court pour prendre en compte les modifications décidées (montant des PSAP, reclassement de postes à postes, etc) dans tous les documents à valider pour l'approbation des comptes par le conseil d'administration lundi à 11 heures… Ce calendrier bien trop serré est dû à mes chers syndiqués/syndicalistes (je ne sais pas quel est le terme juste) qui cumulent tant de mandats qu'il est impossible de trouver une date pour les conseils d'administration, ils sont toujours en réunion (CE, CHSCT, DP de six entreprises différentes: allez donc trouver un créneau libre quand en outre il faut prendre en compte les vacances scolaires de toutes les zones…).
    Très gentiment la commissaire aux comptes me dit de lui envoyer les rapports à relire ce week-end, à quoi je réponds «jamais le dimanche!»
    Mais elle l'a fait si spontanément que je pense déjà à la façon de faire tenir ces documents dans ce week-end, entre la journée sur les Pastorales (épîtres pauliniennes), la soirée pour les vingt ans de G., l'aviron, les hortensias, le plan de dissert à préparer pour jeudi prochain…

    Nostromo de Conrad

    Mercredi soir métro ligne 1 direction Les Halles.


    2015-0318-Nostromo.jpg




    Cours de grec. Fin de l'Evangile de Pierre, début de L'Apocalypse de Jean. A priori pas le même auteur que l'évangéliste. Et j'avais remarqué juste : beaucoup trop de nominatifs dans ces phrases.



    Dîné avec Anne-Claire. Le passage du concubinage au mariage est difficile.
    Papa a été opéré du bras cet après-midi. Très douloureux.

    Nuit écourtée

    Lundi soir, O. :
    — Maman, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, demain soir, j'ai audition de flûte à 20 heures. Et mercredi, il faut que je sois à sept heures et demie à Arcueil pour les olympiades de maths.
    — Ah? Et tu as TPE l'après-midi?
    — Oui.

    Mardi soir, donc, audition de flûte entre huit et neuf heures.
    Nous rentrons (décapotés!). Durant le dîner, l'interrogation du site Navigo nous apprend qu'il faudra prendre le RER de 6h28, donc partir de la maison à 6h15.
    — Mais comment avais-tu fait, toi? demandé-je à C. Je ne m'en souviens absolument pas.
    — J'avais dû dormir chez Nicolas.
    Alors O. : — J'aurais dû demander à Paul.
    Moi : — Si tu nous parlais de ton emploi du temps un peu plus tôt, on pourrait trouver des solutions.

    Pendant ce temps-là, gestion d'un autre problème: O. voudrait un cordon de raccordement VGA pour le vieux Mac d'un camarade. O. pensait que c'était standard et que nous en aurions forcément un; ce n'est pas standard et celui qui convient est parti à Lisieux avec A. Or c'est sur ce Mac que son groupe doit présenter demain le powerpoint de leur TPE, épreuve du bac.
    — Mais enfin, avec tous les weeks-ends que vous avez passés à préparer ce truc, vous n'avez jamais vérifié ça?
    — Je pensais que c'était standard.
    Je soupire. Ces enfants n'ont aucune méfiance, ni informatique, ni karmique, ni Murphique.
    Plan de bataille, C. prête son ordinateur, se fait envoyer le fichier pour vérifier au moins une fois qu'il n'y a pas de bug quand on change de version de logiciel, etc., tout ça dans l'urgence, il est onze heures passées.

    Préparation du sac, vérification du matériel pour les maths, pour le TPE, je réussis à mettre O. au lit et je m'endors comme une masse.

    Minuit et demie. O. me secoue:
    — Maman, j'ai mal à une dent, je ne peux pas dormir.
    — Comment ça, tu ne peux pas dormir? Tu n'as pas dormi depuis que tu t'es couché?
    — Non.
    — Mais pourquoi tu n'es pas venu voir papa?
    H. a programmé tard dans la soirée. En réalité, je pense que O. s'est endormi et vient de se réveiller mais qu'il n'en a pas conscience.
    Je panique, je m'énerve. Depuis que O. m'a réveillée un matin à six heures en me disant «je me sens mourant», je suis habitée par le remords de n'avoir rien vu venir. Et s'il avait vraiment mal à une dent? Comment fera-t-il demain? Et cette nuit? Nous avons si peu de médicaments. Un ibuprophène, un cachet de lisopaïne pour son côté anesthésiant local, je l'envoie se recoucher en lui disant que c'est sans doute nerveux (ce que j'espère).
    Mais je ne peux pas me rendormir. Je l'imagine avoir mal seul dans son lit et c'est insupportable. Alors je me relève, allume la lumière dans la chambre à côté de la sienne afin qu'il la voit et ne se sente pas seul et fait du grec tard dans la nuit (au lieu de tôt le matin comme je l'avais prévu). C'est étrange, L'Apocalypse, à la fois facile et de syntaxe étrange, je ne comprends pas comment il peut y avoir autant de nominatifs dans une phrase. Des sujets de relatives élidées?
    Je me couche à trois heures et demie, dans la chambre voisine O. respire calmement.

    Conversation dans la voiture

    — How do you know your inflatable sex doll is Muslim?
    — It blows itself up.

    Formation continue

    Pendant que j'étais à l'aviron, H. a tenté de changer la lampe du frigo:

    — J'eum suis pris un chtard, si les plombs n'avaient pas sauté, j'étais mort.
    — […]
    — Non, la lampe s'est cassée, le culot est coincé, il va falloir vider le frigo et y aller aux pinces, et puis l'endroit où c'est, j't'explique pas, encore un truc pour gynécologue.

    Trop loin, trop proche

    J'écoutais ce matin La Prisonnière en allant à Melun, le passage où le narrateur explique que se séparer quelques jours d'une femme permet certes de raviver l'attente et l'amour, mais aussi de s'habituer à son absence.

    Des deux couples d'amis nous ayant servi de témoins, l'un est aujourd'hui marié depuis vingt-trois ans, l'autre s'est séparé peu de temps après notre mariage. C'étaient des étudiants habituellement séparés, l'un vivant au Havre, l'autre à Bordeaux. Ils ne se voyaient que pendant les vacances. Le jour où ils ont eu un appartement ensemble, leur couple n'a tenu que quelques mois, avec des flambées de violence qui nous laissaient interdits (pack de lait transpercé d'un coup de couteau, vaisselle jetée par la fenêtre, …).
    Je connais le cas inverse (et plus calme!): une amie s'est séparée de son compagnon avec qui elle vivait depuis six ans quand il est parti au service militaire:
    — Je me suis rendue compte que j'étais très bien seule; mieux, en fait.

    Qu'en déduire? Absolument rien. Ces observations n'ont aucune application prédictive. Elles permettent seulement d'ébaucher un arbre des possibles.

    ---------------------------
    Ramé plus de treize kilomètres à la nage. Pris des couleurs.
    Coupé l'herbe de la pampa (comme chaque année. Mais c'est si difficile de trouver le courage de sortir au jardin après l'aviron, entre la sieste et le grec, que je le note quand même : aujourd'hui j'ai coupé l'herbe de la pampa.)
    (La semaine prochaine, les hortensias, si tout va bien).


    2015-0315_Seine_Chartrettes.jpg

    Bois-le-Roi avant le pont de Chartrettes, en regardant vers l'amont

    Cinq ans plus tard

    J'ai donc dû rentrer du bureau et nous avons dû déjeuner ensemble au studio, je suppose, je ne me souviens plus. Je me souviens que nous plaisantions sur les réponses à donner au maire, mais qu'au moment de partir, émus, pour nous donner du courage, nous avons bu un petit verre de calva.

    Nous sommes partis tous les six, nous deux, nos deux témoins et leurs conjoints du moment, pour la mairie par les petites rues de derrière (par opposition à la nationale). Je me souviens qu'il faisait très beau, chaud, que j'ai filé un Dim-up et que j'ai enlevé la paire entre deux voitures.

    Ce devait être un jeudi, peut-être, je n'en suis pas sûre. Quand on avait demandé à Hervé «grande salle ou petite salle?», il avait répondu à son habitude, royal, «grande salle» et nous nous sommes retrouvés tous les six dans la grande salle déserte.
    L'adjointe au maire avait la cinquantaire, une permanente frisée tirant sur le blond, l'écharpe tricolore; c'était la première fois que j'assistais à un mariage. Elle nous a lu les textes. Elle nous a demandé: «Vous n'échangez pas vos alliances?» Elle avait des yeux très bleus remplis de larmes. Nous avons secoué la tête, désolés de la décevoir par notre manque de décorum. Mais pourquoi avait-elle l'air si émue? Nous avons signé.
    Nous sommes sortis sur la terrasse qui donnait sur les jardins par la porte-fenêtre, et là, réflexion faite, nous avons échangé nos alliances. Un des témoins a essayé d'expliquer les larmes de l'adjointe au maire: «Elle a dû croire que vos parents étaient morts dans un accident de voiture en venant au mariage.»
    C'est resté un mystère. Aujourd'hui encore j'y pense, j'aimerais bien savoir. Peut-être avions-nous l'air tout simplement affreusement jeunes — ce que nous étions, je m'en aperçois maintenant.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui, ce qui ne veut pas dire qu'elle est juste!

    2/ Au collège, très souvent, au lycée, moins, après le bac, non.

    3/ Oh oui, volontiers, tout de suite.

    4/ Oui, que je sois seule ou pas : quand je travaille.

    5/ Particulièrement, non. C'est une sensation assez courante, pour moi.

    6/ Non, ce n'est pas du tout mon genre. Je crois que c'est une façon d'être très malheureux toute sa vie.

    7/ Oui et non. Non parce que j'étais une bonne élève; oui parce que je me suis en quelque sorte effondrée intérieurement en terminale (aujourd'hui je suppose que j'ai fait une dépression) et je me suis retrouvée en hypokhâgne alors que toute ma famille attendait math sup: comment allais-je pouvoir gagner ma vie "en littéraire" puisque je ne voulais pas devenir prof était la grande inquiétude de mes parents.

    8/ Oui: l'eau, les fleuves, les rivières, les paysages quand je rame.

    9/ Oui, sans conteste, ma grand-mère paternelle.

    10 / Non, pas suffisamment pour que cela m'ait marquée.

    Résumé de la semaine

    Fiscalité, Balzac (l'année 1829. Il me fait penser à Truffaut par sa conviction que les femmes sont forcément passionnées), rhume. La chienne a revu mes parents.

    D'une question à l'autre

    L'étude de Vatican II amène à passer de la question assez classique "Comment changer sans perdre son identité?" à la question plus inattendue "Comment changer pour garder son identité?"

    Aumône amère

    Et aussi longtemps que nos bonnes œuvres nous font un peu mal et nous laissent de l'amertume au cœur, aussi longtemps que nous faisons la deuxième œuvre pour oublier que la première était bonne, alors nous savons aussi que ces œuvres ne dégénèrent pas encore en routine superficielle et que, malgré notre âge, nous ne sommes pas encore tout bonnement endurcis à la manière des pharisiens.

    Karl Rahner, "Pouvons-nous encore devenir saints?" in Existence presbytérale, p.130, Cerf 2011
    Ainsi donc, cette honte embarrassée et parfois cette colère sourde après avoir donné quelques euros à un mendiant serait un sentiment commun? C'est la première fois que j'en rencontre le témoignage.

    Encore un coup de fil de ma tante

    Ma tante, pas celle aux expressions, l'autre, celle qui garde le chien de mes parents, m'appelle ce matin:

    — Oui allô, c'est toi, oui, je surveillais leur mail, pas celui de wanadoo celui de la poste, et alors je ne sais pas pourquoi ils ont envoyé un mail mais il y a eu un message d'erreur il n'a pas été envoyé alors je te lis le mail «chère Nadine, nous sommes au Panama mais il y a eu un contretemps, J-P [mon père] s'est cassé le cubitus en plusieurs endroits, est-ce que tu pourrais appeler le mari d'Emmanuelle pour prendre rendez-vous avec lui?»

    Si vous n'avez pas compris grand-chose, c'est normal. J'essaie d'expliquer (je précise que "Nadine" n'est pas ma tante).

    Ma tante voulait prévenir mes parents que le chien allait mal. Elle attendait donc ce week-end avec impatience parce qu'elle savait qu'ils ne camperaient plus en forêt mais seraient à l'hôtel à Panama avec une liason internet.
    Pour une raison que je ne m'explique pas, au lieu de surveiller sa propre boîte mail pour savoir s'ils avaient écrit, elle s'est connectée sur la leur (mais pourquoi? cela me choque) et y a découvert un mail envoyé par eux à Nadine (une amie?) pour prendre rendez-vous avec un chirurgien. Ce mail était en fait un mail de retour à l'envoyeur, il n'avait pu atteindre sa destinataire (Nadine). En revanche, cela avait permis à ma tante d'en lire le contenu.
    En d'autres termes, mes parents n'avaient pas prévu de nous prévenir que mon père s'était cassé le bras, ce qui ne me surprend guère (c'est tout à fait leur genre) mais m'embarrasse beaucoup: je suis gênée de savoir ce qu'ils ne souhaitaient pas que nous sachions.

    Sachant qu'"Emmanuelle" était la fille des voisins, j'ai conseillé à ma tante de leur téléphoner afin d'accomplir ce qui était indiqué dans le mail qui n'avait pas abouti.
    Non, elle a préféré écrire à mes parents pour leur dire que le mail était revenu en erreur, et eux lui ont dit… de téléphoner aux voisins.

    Avec tout cela, elle a oublié de leur parler du chien. Tant mieux.



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    Agenda
    - Lu Un hiver à Paris qui m'a replongée en hypokhâgne. Cela m'a un peu fichu le bourdon. J'ai pensé que moi aussi j'aurais des choses à raconter, Frédérique, Claire, Hélène, toutes ont fui l'internat (deux au sens propre) et j'y suis restée. Un jour peut-être. Trente ans, il y a prescription.
    - Vu Les palmes de M. Schultz avec les voisins et les V. (après leur semi-marathon: chapeau d'être restés assis deux ou trois heures!)

    Samedi

    - TG le matin. L'organisation des premières églises à partir des épîtres pauliniennes. Le prof toujours aussi passionnant. J'ai l'impression d'un immense cours de culture générale, ouvrant des pans entiers dont je n'ai jamais entendu parler (Adolph von Harnack, bon, je commence à m'habituer, je finis presque par être surprise de ne pas croiser son nom dans un livre, mais maintenant son professeur Rudolf Sohm, qui n'a même pas de notice en français dans wikipedia, sur lequel Congar a écrit un article: "Rudolf Sohm nous interroge encore"), précisant des notions auxquelles je n'avais jamais réfléchi (est-ce que la mission détermine la fonction? (Hervé à qui j'en parle me dit «ah oui, c'est comme chez les militaires qui disent que la mission prime le grade»), des raccourcis éclairants («une analogie ne vaut que par ses différences»)…

    Je vais voir Birdman qui m'ennuie imperceptiblement (le complexe d'infériorité Holywwod/Brodway m'est indifférent), je fais huit kilomètres de vélib pour rendre un livre de bibliothèque (c'est important car je crois que c'est là que je me suis enrhumée) et je rejoins Hervé et les V. chez Mariage. Demain les V. père et fille courent un semi-marathon à Vincennes. Ils dorment à la maison ce soir. Pour des raisons de logistique, je n'irai pas ramer. Je vais dormir.



    — A quelle heure tu t'es levée?
    — Quatre heures et demie.
    — Est-ce raisonnable si tu es fatiguée?
    — C'est l'inverse, c'est parce que je me suis levée à cette heure-là que je suis fatiguée.

    Enquete

    Les questions sont ici.

    1/ Non, j'ai juste l'impression que "cette fois-ci, c'est bon, je vais me noyer". (Mais je commence à m'étonner de la fréquence des variations sur ce thème dans ce questionnaire : la rédactrice du questionnaire aurait-elle tendance à se noyer dans un verre d'eau? Ou ne comprend-elle pas pourquoi les personnes autour d'elle se noient dans des verres d'eau?)

    2/ Non, plus maintenant ou pas en ce moment (cela reviendra-t-il?) Trop de projets, une tension vers l'avant. J'essaie au présent de ne pas renouveler les erreurs du passé (dont entre autres celle de ne pas avoir suffisamment profité du présent).

    3/ Profession? Euh, aucune. Rouage administratif dans une entreprise, c'est une profession? Mettons quatre domaines (comptabilité, maîtrise d'ouvrage, audit, veille économique) dans un même secteur, l'assurance. Aujourd'hui je suis quasi chef de minuscule entreprise, ce qui comprend un peu tout.

    4/ Le Petit Raporteur, vu sur la première télévision achetée à la maison. (Mais avant, il y a dû y avoir l'été chez mes grands-parents: le tour de France, Intervilles et Dorothée, le tout début de Dorothée: impossible de dire ce qui est premier).

    5/ Tout le temps, même sans m'en rendre compte. En réalité, c'est une catastrophe, je m'aperçois que beaucoup m'ont prise au sérieux quand je ne l'étais pas, et inversement. (Le 2, ici, c'est tout à fait moi.) J'essaie de ne plus le faire.
    Je crois que cela a beaucoup désarçonné ma fille, qui ne comprend pas le second degré. Je crois aussi que c'est pour cela que The Big Bang Theory m'est si cher (Sheldon, Bazingua, sarcasm).

    6/ Difficultés, pas exactement, mais quelques sueurs froides malgré tout.

    7/ Franchement, imaginez-vous quelqu'un en train de répondre qu'il est insensible?

    8/ Non. Oui, pour les étoiles.

    9/ J'aime les bons guides de visites guidées.

    10/ J'aime prendre soin des objets. Ce n'est pas que je n'aime pas les tâches ménagères, c'est que dans la liste des priorités, elles sont très bas. (J'aime le soin du linge, du cuir. J'aime le jardinage. J'aime l'entretien. Mais il y a toujours plus urgent.)

    Lecture grecque

    En ratant le cours il y a un mois, j'ai raté l'introduction à l'évangile de Pierre, un apocryphe dont je crois comprendre durant ce cours-ci que nous n'en possédons que des fragments en grec mais l'intégralité en éthiopien.
    J'aimerais pouvoir expliquer l'abîme de perplexité dans lequel cela me plonge: quel est l'alphabet éthiopien? Comment sait-on ce que veulent dire les mots éthiopien du deuxième siècle? Comment est-il possible de traduire?

    Traduire le grec est un grand émerveillement, j'ai l'impression d'introduire la pointe d'un couteau dans la jointure entre deux os, entre le sens et la langue, de sentir le jeu, le vide, le suspens. Tout texte traduit par soi-même prend un nouveau sens, une nouvelle réalité, au fur à mesure des mots dévoilés.
    La professeur commente les points de grammaire, le vocabulaire, avec des remarques dont je me souviendrais sans doute:
    — Les verbes de perception sont toujours suivis du génitif, le grec part du principe qu'on ne perçoit qu'une partie de la sensation, sauf pour la vision, qui est pour eux le sens le plus complet.
    — Quand je vois les disputes entre exégètes sur le thème "les amis autour de Pierre, mais alors, ça veut dire que Pierre n'en fait pas partie", ils auraient dû faire un peu plus de grammaire grecque, "oi peri Petrou", c'est Pierre et ses amis, c'est la façon de dire Pierre et ses amis".
    — "Mathetria", vous ne voyez pas ce que ça veut dire? Vous voulez être condamnée à lire la littérature féministe sur le thème? Bon, oui, disciples, c'est un peu dommage que ce soit un épicène en français.

    La description de la résurrection dans cet évangile fait très manga, avec croix lumineuse qui parle et suit Jésus soutenu par deux hommes (la tête des hommes touche les cieux, celle de Jésus les dépasse). Je me dis que les textes retenus pour le canon ont peut-être été choisis pour leur sobriété; ils décrivent l'absence, le creux.

    Hérésie valentinienne (il y a eu une hérésie valentinienne?), livre de Barthélémy (en réponse à la question: «quelle est la plus ancienne description de descente aux enfers?» Réponse donnée tout à trac, à vérifier à l'occasion).

    Plus Simenon que Balzac

    Une assurée de la mutuelle nous téléphone pour s'étonner que son contrat soit résilié, à quoi nous répondons que nous avons reçu une lettre de résiliation en retour de notre avis d'échéance.
    Réponse: «ce n'est pas moi qui l'ai envoyée, c'est ma voisine du dessus, elle nous vole notre courrier, à deux voisines et à moi-même, et elle répond à notre place.»

    Les expressions de ma tante

    J'aurais aimé en faire une catégorie, mais hélas, il aurait fallu que je les note au fur à mesure durant toutes ces années. J'oublie tout.

    A côté d'expressions courantes comme «souple comme un barreau de chaise» ou «souple comme un verre de lampe» (pendant des années je me suis demandé ce que voulait dire «ver de lampe», un ver, oui, c'était souple, mais un ver de lampe, qu'est-ce que c'était?), elle utilise des formules que je n'ai jamais entendues ailleurs, dont je me demande parfois si ce n'est pas elle qui les invente, comme «fumer comme un poêle» tout de même plus adéquat que «fumer comme un pompier».

    Ce soir, au cours d'un long téléphonage (cinquante-quatre minutes au téléphone, c'est beaucoup pour moi), j'ai recueilli «avoir la langue avant les dents», pour signifier parler trop vite, ne pas savoir retenir ses paroles.

    Spécialité familiale

    Sms : — Où es-tu? Tu rentres bientôt?

    Comme j'ai des gants assez longs et pas envie de les enlever, j'appelle au lieu d'écrire, en tapant sur l'écran du smartphone avec mon nez (si, c'est possible, à condition de bien viser):
    — Je suis à la gare, pourquoi?
    — Parce que je viens d'arriver à la maison et j'ai oublié mes clés.
    — Ah, c'est bête, moi aussi.


    Le plus bête, c'est que pour remédier à cette mésaventure coutumière, nous avions confié un trousseau aux voisins… qui l'ont égaré quelque part chez eux.
    Nous sommes allés chercher les clés de Clément qui était à l'entraînement de ping-pong.

    Accablement

    La prof de latin s'est entichée de moi comme il arrive régulièrement qu'un prof s'entiche de moi. Je me demande bien pourquoi, je suis nulle en latin.
    J'ai compris l'heure suivante pourquoi Lumen Gentium suivait "naturellement" l'ordre des mots et pensées en français: cette constitution a été rédigée par un Belge, Gérard Philips.

    Le prof de sociologie étant absent, le responsable de l'année a proposé à ceux qui le souhaitaient de venir pour quelques conseils sur la dissertation d'ecclésiologie.
    C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés à une dizaine pour présenter le sujet de dissertation que nous avions choisi afin que Thibault puisse nous donner des indications bibliographiques.

    Simplement, je n'avais pas choisi. J'ai choisi pendant les deux heures, tandis que les autres parlaient, étonnée de voir que le sujet que j'avais choisi au départ (Jurgen Moltmann écrit : « À la tendance protestante de dissoudre l’ecclésiologie dans la christologie, correspond du côté catholique la tendance opposée » (L’Église dans la force de l’Esprit, p. 101). Après avoir situé cette citation dans le propos général de l’auteur, vous proposerez une lecture critique de ce constat qui ouvrira à une réflexion sur l’articulation entre l’Église et le Christ) et que le professeur m'avait déconseillé de prendre (il avait souhaité qu'aux inter-cours nous venions lui dire ce que nous avions choisi, afin de nous proposer des pistes. Devant ce sujet, il avait dit: «c'est trop lourd, c'est plutôt un sujet de licence») était choisi par deux camarades (je suppose qu'eux ne sont pas allés voir le professeur à l'inter-cours!)

    J'écoute chacun qui paraît comprendre ce qu'il dit, savoir ce qu'il fait et où il va. Je me sens nulle, perdue. Je pense à Rémi, «il ne faut pas se laisser impressionner», me disait-il. J'y pense souvent. Je m'applique. Je suis très impressionnée mais je ne le montre pas.

    Cette année je me sens tellement dépassée que je me dis que si ça continue ainsi, je vais devoir laisser tomber, «je ne vais pas y arriver». Puis j'imagine ce que seraient mes journées et mes soirées, le champ connu les livres à lire, le thé chaud devant les DVD, le cinéma avant de rentrer, les blogs paresseusement poursuivis, le confort, la farniente… et rien que d'y penser j'ai peur et j'ai envie de m'échapper : il faut me rendre à l'évidence, je redoute la routine et le confort. Je me demande si ça va s'inverser un jour, avec l'âge.

    Gossip

    « Disons que Lustiger ne manquait pas du charisme d'autorité.»

    Pas grand chose

    Décapoté la voiture pour la première fois depuis l'achat du sapin de Noël.
    Giboulées de mars. Nous avons ramé sous l'éclaircie.
    Acheté un "gilet technique" et un tee-shirt manches longues aux couleurs du club. Plaisir enfantin.

    J'ai pris une photo plus rapprochée. Pas de bourgeons. Plus tard, un rayon de soleil a fait jouer les différentes couleurs d'écorce et de branches, mais je ne pouvais pas décemment demander d'arrêter le bateau pour faire une photo!
    Ici il s'agit d'une pause pour enlever les blousons — j'étais à la barre. Vous voyez les derniers "bouillons" des derniers coups de rame avant l'arrêt.





    La chienne tient le coup. Je téléphone tous les soirs à ma tante pour qu'elle aussi tienne le coup. Elle se projette trop dans le temps, elle anticipe trop de catastrophes, elle a du mal à ne penser qu'à la journée en cours. Un peu contrôle-freak, défaut de la branche maternelle que je partage facilement.

    Récupéré le benjamin fatigué mais content. Demain retour aux horaires contraints. Je n'aime pas ça.

    Samedi

    Après-midi sur un extrait de Lumen Gentium en latin — c'est un peu de ma faute, ayant argumenté auprès de la prof que nous avions davantage besoin de comprendre les milliers de pages (les actes? S'agit-il des actes?) de Vatican II non traduites à ce jour que la Vulgate.
    (Lumen Gentium est traduit, mais il faut bien commencer par quelque chose.)

    Le soir messe (depuis les remarques de sejan et Guillaume, j'hésite de nouveau à écrire cela ici, craignant de ressembler par analogie aux femmes qui ne savent plus parler que de couches et allaitement après la naissance de leur enfant, mais tant pis, forçons-nous) un peu étrange, qui correspond bien à ce que je suis en train de lire en ce moment: j'arrive en retard (enfin, juste à l'heure) pour entendre une paroissienne déclarer: «nous avons un problème, il n'y a ni prêtre, ni animateur. Que faisons-nous?» Les personnes présentes (qui avaient l'air de bien se connaître) ont décidé de commencer. Les lectures, le credo, l'évangile, la distribution de la communion (le pain était consacré), tout a été fait "entre nous".
    J'ai calculé que les personnes présentes devaient avoir trente ans au moment de Vatican II. Elles ont fait face, et finalement nous avons eu une célébration à la manière des premiers Chrétiens dans une petite ville déserte d'Assyrie. Chaleureux.
    Tout le monde s'est quitté en espérant qu'il n'était rien arrivé au prêtre (mais il est un peu tête en l'air, si j'ai bien compris.)

    En rentrant, j'entends sur France Inter les derniers paragraphes mélancoliques des Trois Mousquetaires.

    Enquête

    Les questions sont ici.


    1/ Oui, plutôt. C'est l'avantage de vieillir, je n'ai plus peur de sourire aux inconnus.

    2/ Pas vraiment, seulement les plus courants: chêne, platane, tilleul, maronnier, châtaignier, saule pleureur, saule.

    3/ Huit ans, à vélo.

    4/ Non, pas de dents de sagesse — arrachées avant d'avoir poussé, le jour de la chute du mur de Berlin. A l'époque il y avait une campagne en faveur des femmes battues, je prenais l'avion Bordeaux-Strasbourg pour des raisons professionnelles, tout le monde m'a regardée: j'avais deux yeux pochés (mais personne n'a rien dit).

    5/ Oui, toujours. Je ne connais pas l'autre option.

    6/ Ça dépend des moments, ça dépend pourquoi, et je suis mal placée pour en juger. Je suis très motivée pour ne pas m'embarrasser d'objets et de démarches inutiles. Parfois il me faut beaucoup de temps pour arriver à une conclusion simplissime. C'est rageant mais c'est comme ça. («Mais pourquoi ne pas y avoir pas pensé plus tôt?»)

    7/ Non. Il y a eu une censure à l'inverse: mes parents ont rejeté certains prénoms au prétexte qu'ils étaient portés par des vaches de la ferme (Barbara, etc.)

    8/ Je ne danse pas. Un rock quelconque au mariage de Matoo.

    9/ Magasin je ne crois pas. A la poste, oui. (Une fois j'avais emmené les enfants entre deux et huit ans, j'ai dit que j'allais attendre en ne leur interdisant rien. (Je voulais des timbres de collection, grave exigence)).

    10/ Je pense que oui. Avec ou sans animaux? Une vraie ferme, une vraie vie de paysan (animaux + cultures), est une contrainte très lourde. Je serais frustrée de tout ce que je ne pourrais plus faire. Je crois que je ne pourrais plus, que je le peux moins que quand j'avais vingt ans.

    Le retour des comptes

    Ma collègue était absente toute la semaine et les salariés m'ont achevée : j'ai à peine eu le temps de commencer l'arrêté des comptes.
    Voici donc revenu le temps où je vais parler fiscalité et comptabilité. Cette année je franchis une nouvelle étape: je décris le processus de clôture des comptes en même temps que je l'effectue, le genre de tâche qui me fait toujours penser à cette carte aussi grande que le territoire chère à Lewis Carroll (décrire le monde, décrire parfaitement, intensément, le monde: ou comment la littérature permet de résister aux heures de bureau en ayant l'impression de continuer un projet commencé sous un escalier d'Adrogué).

    La fabrique des machos — où comment élever des assistés

    Séjour de quatre jours (enfin, deux plus deux moitiés) de camping dans la neige pour le plus jeune.

    Lever six heures pour rendez-vous à sept heures. Arrivés au local scout, personne. Coup de fil: le rendez-vous a été décalé d'une heure et O. n'a pas vérifié ses mails.

    Une heure plus tard, je dépose O. en hésitant un peu à descendre de voiture, je me demande si j'enlève mon chapeau: et puis non, assumons, allons-y. Comme prévu, les autres mères me regardent un peu, mais tant pis.
    Nous attendons un bon moment que les enfants aient fini de charger les deux camionnettes et la remorque. Nous discutons. Une fois de plus je suis intérieurement abasourdie de la façon dont les mères élèvent leurs garçons, la façon dont elles les surprotègent et font tout pour eux (il s'agit d'enfants de seize ans).

    L'une d'entre elles m'assure que «les filles, c'est plus facile.» — Euh non, différent, mais pas plus facile, réponds-je. Mais je vois bien qu'elle ne me croit pas. La même trouve que l'autonomie du scoutisme ne se transmet pas beaucoup à la maison, «qu'elle a presque davantage confiance dans sa fille de huit ans». Je n'ose répondre que cela dépend aussi de ce qu'on demande aux garçons, je n'ose expliquer que les miens font quatre-vingt pour cent des repas quand leur père n'est pas là (oui, bon, je ne fais pas la cuisine, mais on s'amuse bien. Ça compense, non?).

    Situation tendue

    Hier dans la matinée, trois appels de ma tante sur mon portable. Elle s'occupe de la maison de mes parents pendant leur absence (ils sont partis trois semaines au Costa-Rica chasser —photographiquement— oiseaux et papillons et sont a priori injoignables).
    Je me prépare mentalement à l'aider à retrouver le numéro de leur contrat d'assurance pour un problème de fuite d'eau ou autre et la rappelle.

    Pas du tout. La chienne de neuf ans confiée à sa garde est en train de mourir. Elle refusait de manger, elle tombait, ma tante l'a emmenée chez le véto. Verdict: cancer du foie, trop avancé pour qu'on puisse tenter quoi que ce soit.
    Je console comme je peux ma tante en larmes en m'appuyant sur l'un des derniers billets de Boule de fourrure (heureusement que je l'ai lu, je n'aurais pas réagi de la même façon sans cela); j'essaie de lui dire qu'il ne faut rien précipiter, qu'il existe des médicaments anti-douleur, que si la chienne est soulagée elle pourra peut-être tenir jusqu'au retour de mes parents…

    Aujourd'hui ma tante est plus calme, elle a pu ramener la chienne à la maison qui, soulagée par une piqûre quotidienne, reprend goût à la vie mais reste très faible.
    A suivre.

    Mon histoire juive

    C'est un billet que j'avais l'intention d'écrire depuis longtemps, en général l'idée et le désir m'en viennent l'été quand je me dis que j'ai le temps. Puis je me dis que c'est ridicule et sentimental et j'abandonne.

    C'est un billet que j'avais l'intention d'écrire depuis longtemps parce que je ne comprends pas la notion d'antisémitisme. Par "je ne la comprends pas", je veux dire que je ne la ressens pas.
    Par conséquence je ne comprends pas non plus ce que je peux faire pour "lutter contre l'antisémitisme". Un noir, un jaune, un arabe, je les identifie visuellement. Mais un juif? A moins qu'il ne l'affiche, je ne vois pas comment je pourrais le savoir. Et je trouve étrange de faire "particulièrement" attention à quelqu'un à cause de ce genre de critères (sauf que je le fais — quand celui qui fait la manche dans le métro a de la barbe et un sarouel et que je lui donne un peu plus parce que je me dis que personne ne va lui donner. Discrimination positive. Je n'aime pas beaucoup la discrimination positive. Mon fond républicain s'y oppose spontanément. Ce n'est ni justice ni égalité de droit. C'est une compensation de "perte de chance", une notion qui me semble relever davantage du droit anglo-saxon que du droit romain.)

    Première partie - J'ai grandi au Maroc jusqu'au CE2 (juin 1975 - j'en parle de temps en temps: l'autre raison de ne pas écrire ce billet est que j'ai l'impression de radoter). Pour des raisons de voisinage, je crois (plus je grandis moins c'est clair, chaque fois que je pose une question j'obtiens une réponse qui apporte un éclairage différent), je suis entrée en maternelle à l'école juive d'Ag*dir, j'y ai appris à lire, dans la classe de CP en balcon au dessus de la salle de prière (je ne sais pas quel mot convient. Ce serait sans doute l'équivalent d'une chapelle dans une école catholique. Etait-ce davantage, cela servait-il de synagogue?) J'avais quatre ans (deux ans d'avance), je ne comprenais pas ce qu'était cette salle dans laquelle nous n'avions pas le droit d'entrer (parfois les portes immenses étaient ouvertes et je glissais furtivement un œil en ayant l'impression de commettre un sacrilège — j'en rêve parfois), si haute de plafond que la classe en mezzanine était sans doute destinée à ne pas perdre d'espace.

    Ma meilleure amie, Carole, était juive (nous discutions en classe, je me souviens qu'un jour, suite à une de mes phrases, elle m'avait expliqué gravement que "pieds" était une partie du corps qu'il ne fallait pas désigner chez eux, que c'était aussi sale que "fesse" pour nous — je n'ai jamais vérifié cette assertion depuis, mais j'y pense lors du lavage de pieds par Jésus dans l'évangile de Jean), il me semble que Natacha ne l'était pas (n'ai-je pas le vague souvenir qu'elle a fait sa première communion avant moi, car plus âgée?) Plus tard j'eus une autre amie dans une autre école, Arielle, que j'aimais beaucoup; secrètement je m'étais dit que j'appellerais ainsi ma fille si un jour j'en avais une (puis à vingt ans un ami me dit que cela faisait lessive (et Timothée shampoing) et c'est ainsi que mes enfants ne s'appellent ni Timothée ni Arielle.).

    Carole venait chez nous, j'allais chez Carole. Son père devait travailler dans l'import-export1, il y avait dans la cour un immense entrepôt de caroubes que j'aimais escalader (oui, grimper sur ou dans le tas de caroubes qui atteignait presque le toit). Je croquais parfois dans une gousse, c'était sec, dur, avec un goût de caoutchouc brûlé dont je ne pouvais décider si je l'aimais ou pas. J'ai vu aussi une fois, sans doute quand le père de Carole faisait visiter l'usine à mes parents, un tapis roulant sur lequel défilaient des amandes décortiquées: il s'agissait pour les ouvrières de trier les amandes amères (je n'ai toujours pas compris à quoi elles étaient reconnaissables, mais j'y pense quand je tombe sur une amande amère — mais aujourd'hui cela n'arrive quasiment jamais: pourquoi?)

    C'est chez elle que j'ai vu et mangé ma première grenade (entièrement égrénée par les soins de la Fatim, c'était si beau, ce rouge mouillé) et un Astérix en latin (stupéfaction). Un soir où j'étais restée dîner, j'assistai à une cérémonie solennelle où une coupe passait de main en main et à laquelle je fus invitée à boire moi aussi. Je m'étais sentie très fière et très honorée. Ce n'est que des années plus tard que je compris qu'il s'agissait sans doute d'un rite du sabbat.

    Parfois c'était l'inverse, Carole restait chez nous. Je me souviens qu'un jour Carole s'était fait gronder par sa mère quand celle-ci avait appris que sa fille avait refusé du lapin: leur règle d'éducation était de manger ce qui était présenté s'ils n'étaient pas chez eux ou entre eux. (Je me souviens qu'à cette occasion mes parents avaient appris que les juifs ne mangeaient pas de lapin: "sabot fendu", dit le Lévitique (c'est sans doute dans le le Lévitique), que je lus douze ans plus tard). Je me souviens de conversations entre parents, notamment que les X. possédaient deux passeports, un pour les pays arabes et un pour Israël (ce que je ne compris que beaucoup, beaucoup, plus tard, en apprenant que les pays arabes refusaient les passeports tamponnés par Israël (je ne sais pas si c'est toujours le cas)).

    Un jour, je posai la question à mes parents: «Qu'est-ce que c'est, un juif?» (Je n'ai posé que trois questions à mes parents, celle-ci est l'une des trois.) Réponse: «ce sont des gens qui ne croient pas que Jésus est le Fils de Dieu, ils attendent encore un Sauveur».
    Ah. C'était clair (j'allais au catéchisme et ma foi avait été immédiate), c'était curieux mais parfaitement compréhensible: après tout, l'Evangile était plein de gens qui refusaient de suivre Jésus parce qu'ils ne le croyaient pas. Ils attendaient encore: c'était énigmatique et très intéressant, j'essayais d'imaginer l'attente.

    Nous rentrâmes du Maroc, j'écrivis à Carole jusqu'en cinquième. Elle me dit qu'elle aimait beaucoup La brute de Guy des Cars; j'empruntai le livre, le trouvai mauvais et j'arrêtai d'écrire à Carole. (Mais quelle snobe j'étais!) (Plus tard, par ma mère qui revit la sienne en retournant à Ag*dir, j'appris qu'elle avait épousé à Paris le fils d'un rabin de stricte obédience qui passait son temps à servir de chauffeur à son père qui ne voulait pas conduire. Elle a divorcé quand son fils avait deux ans (fils du même âge que mon aîné).)

    Fin de la première partie. Intermède.
    Je lis Un sac de billes avec obéissance sans comprendre le nœud de l'affaire, sans comprendre qu'être juif vous valait d'être pourchassé, je lis le Journal d'Anne Franck sans comprendre pourquoi les profs s'esbaudissaient, s'il suffisait d'écrire "Cher journal" dans un cahier, je pouvais en faire autant (il faudrait que je le relise aujourd'hui.)
    En quatrième, je découvre les camps de déportation en lisant Christian Bernadac, prêtée par une fille de la classe qui devait sa douloureuse popularité au fait d'avoir un an de retard et d'avoir perdu son père en cinquième dans un accident de mobylette sur le pont de Blois alors qu'elle était déjà orpheline de mère. Elle faisait partie de ces cancres prestigieux paraissant plus mûrs que les autres — et surtout que moi, la grosse tête avec un an d'avance qui aurait tant aimé voir autre chose que de l'indifférence dans ses yeux — donc je lisais Bernadac, Les mannequins nus, les camps de femmes et les expériences médicales. Mais ce sont des livres qui parlent surtout des résistants et des prisonniers politiques.
    Conséquence secondaire: j'arrête de travailler l'allemand alors que j'étais excellente dans cette matière. (En terminale, je prendrai l'anglais en première langue alors que je ne l'ai jamais maîtrisé.)

    Cette même année, 1979, Holocauste est diffusé. Le mardi, mes parents nous laissent seules, ils vont jouer (apprendre à jouer) au bridge. Nous restions seules pour regarder la télé, avec autorisation de nous coucher tard puisqu'il n'y avait pas école le lendemain. La seule interdicition que j'eus concerna Holocauste: il ne fallait pas regarder cela. Il y avait des choses qu'il était inutile de remuer fut à peu près l'explication que j'obtins quand je demandai la raison de cette interdiction.
    Bizarrement je la respectai. Enfin, ce n'était peut-être pas si bizarre: j'en entendais parler à la radio et je me souviens d'une scène de viol dans un appartement: je suppose que j'ai dû essayer de regarder une fois et décider de respecter l'interdiction.

    En terminale, un jour que le prof de philo était absent, j'allai seule voir mon premier film en salle qui n'était pas un Disney (je n'avais pas dû aller au cinéma depuis mes dix ans): Au nom de tous les miens. Je ne sais plus expliquer pourquoi. En avait-on parlé à la radio? Etait-ce parce qu'une autre amie de collège, perdue de vue depuis, ne jurait que par ce livre? Toujours est-il que je fus frappée par le ghetto de Varsovie, par les gâteaux donnés aux enfants mourant de faim, par l'arrivée au camp, les suicides de la première nuit et l'évasion, mais je n'en tirais toujours pas l'idée générale de l'antisémitisme, je ne voyais que la confirmation que les nazis étaient monstrueux.

    Deuxième partie. Il fallut attendre la claque de Shoah, les deux séances de quatre et cinq heures dans une salle du 15e et la marche dans Paris jusqu'à mon internat du 5e, dans l'incapacité de prendre le métro, marche destinée à absorber le choc (et les visages polonais me rappelant mon grand-père faisaient partie de ce choc) pour que la haine du juif prenne corps pour moi.
    La démonstration centrale du film était simple: il n'y avait pas de rapport entre un camp de concentration et un camp d'extermination. De l'un il pouvait arriver qu'on sortît vivant, dans l'autre on était mort trois heures plus tard.
    Hilberg expliquait l'évolution de deux mile ans d'histoire: «Vous ne pouvez pas vivre parmi nous en tant que Juifs; vous ne pouvez pas vivre parmi nous; vous ne pouvez pas vivre.»
    Je me mis à lire, beaucoup, mêlant témoignages et ouvrages plus théoriques. Le Hilberg quand il sortit en français (été 1988) (puis une deuxième fois, plus tard), Poliakov, Rudnicki, Primo Levi, Buber-Neumann, Aranka Siegal, Todorov, Pressac, Rudolf Hoess, Gitta Sereny, le livre noir de Grossman et Ehrenbourg,… jusqu'à ce qu'Hervé me demande un jour si ce n'était pas une obsession morbide et malsaine.
    Je ne savais pas répondre à cette question, mais elle m'inquiéta: et s'il avait raison, si toutes ces lectures relevaient d'une jouissance maladive et sadique? Je n'en savais rien mais je ne voulus pas, par respect, prendre le risque. J'arrêtai mes lectures.

    En 1995, je reprends mes études, plus exactement j'en termine la dernière année (après les avoir interrompues en 1989 pour travailler, me marier et mettre mes parents devant le fait accompli). Il se produit alors un incident bizarre. L'un de ceux avec qui je m'entends le mieux (ce n'est pas si facile, je détonne par mon alliance, même si je cache que j'ai un enfant) s'appelle Vincent T*nenb*um. Et un jour la conversation donne cela:
    — Mais évidemment que je suis juif !
    — Comment ça, évidemment ?
    — Mais tu as vu mon nom ?
    — Oui. Qu'est-ce qu'il a ton nom ?
    A sa façon de me regarder pour vérifier que je n'étais pas en train de me moquer de lui, je compris que je devais être passée à côté de quelque chose d'énorme. Et c'est ainsi que j'appris, à vingt-cinq ans passés, qu'il existait des noms juifs, des noms à consonnance juive. Je n'y avais jamais fait attention, je ne savais pas que c'était significatif. Ce jour-là, je compris pourquoi ma mère riait parfois en parlant du frère de Carole, qui portait un nom du genre David Bensimon.
    Tout cela pour dire que l'identification du "juif" est quelque chose qui ne m'effleure jamais, qui ne me vient à l'esprit que si l'on m'oblige à y penser.

    J'en viens à ma question (car j'ai une question. Je raconte tout cela à cause de l'ambiance actuelle, de l'idée tout de même étrange à mon avis qu'Israël est un lieu plus sûr que la France, mais j'ai une question personnelle.) En avril 2012, après que RC eut annoncé qu'il voterait Le Pen, je découvris que Rémi en ferait autant. La raison qu'il donna fut l'affaire Merah, provoquant mon désarroi: impossible pour moi de comprendre qu'un universitaire et juriste puisse cautionner l'extrême-droite, surtout lui si sensible au fait que l'antisémitisme allemand était passé par la définition juridique du juif.
    — Mais enfin, tu te rends compte qu'il a tué des enfants juifs?!
    — Mais quel est le rapport avec le fait qu'ils soient juifs? Est-ce qu'ils ont plus de valeur que les miens parce qu'ils sont juifs?

    Rémi2 m'a regardée d'un air profondément scandalisé.
    Il était sincère, j'ai vu que ma question lui faisait horreur. Mais je n'ai toujours pas compris pourquoi. Est-il vraiment logique de rallier l'extrême-droite pour défendre les juifs? (Non, je suis sûre que non.) Ai-je vraiment dit quelque chose de scandaleux? Suis-je antisémite en pensant que mes enfants valent des enfants juifs, que des enfants juifs valent mes enfants, et surtout est-ce antisémite de ne pas voir, de ne pas faire, de différence, de ne pas comprendre la différence? (Pourquoi ai-je la sensation que ne pas voir ou ne pas faire la différence est sain, que ne pas la comprendre est une anomalie ou un handicap pour saisir notre monde contemporain? (Ou l'inverse? Si tout le monde était dans la même incapacité que moi, une partie du problème, voire tout le problème, serait-il résolu?))



    1 : je trouve leur nom dans ce document en cherchant ce soir, mais ce ne sont peut-être que des homonymes.
    2 : je donne le prénom pour ceux qui le connaissent. (Rien de confidentiel, il ne cache pas ses positions.)

    Le four et le frigo

    Puisque j'en suis à parler des appareils ménagers, continuons (car tout cela va bientôt mourir).

    La lampe du frigo a grillé ce matin: arc électrique qui a fait sauter le plomb correspondant; l'ensemble a ensuite disjoncté quand O. a voulu remettre le frigo en ordre de marche.
    — Tu as tué le lutin ?
    — Grillé, le lutin.
    (Pour ceux qui ne suivent pas, c'est du Gotlieb).
    Mais bon, tout s'est remis à fonctionner. Ce frigo date de notre installation dans la maison en 1999. Il a fallu casser l'entourage de la porte pour réussir à le glisser dans l'arrière-cuisine. Avec notre génie domestique et notre intense préoccupation pour notre cadre quotidien, le cadre de cette porte attend depuis quinze ans de retrouver un aspect propre et fini. Le papier autocollant destiné à maintenir provisoirement le plâtre jaunit mélancoliquement.
    C'est un frigo américain. Il y a longtemps qu'il ne sert plus à faire de la glace (l'eau prenait un drôle de goût) mais c'est très pratique de pouvoir y mettre la cocotte-minute sans effort ni calcul.

    Et nous avons enfin changé le joint de la porte du four qui pendouillait depuis deux ou trois ans. Le four a été acheté en 1994, en même temps que l'appartement qui a précédé cette maison. Il doit avoir vingt-et-un ou ving-deux ans. Le problème était que je n'en connaissais pas la référence précise. Je l'ai retrouvée l'autre jour en fouillant dans une boîte de modes d'emploi (en regardant La nuit des morts-vivants (aucun rapport)) et j'ai donc commandé le joint sur internet (magique: comment faisait-on avant?). C'est un peu tard pour la blancheur de la porte du placard au-dessus du four qui a jauni au bout de toutes ces années de graisses de cuisson. Dommage.
    Maintenant que nous avons résolu ce problème, en bonne paranoïaque, je redoute que le four tombe en panne.

    Est-ce que j'ai une gueule d'alternatif ?

    Vendredi matin en écoutant France Musique, j'entends Christel Baras parler d'un casting, celui d'Adèle Haenel (je cite de mémoire, écoutez l'émission pour juger à quel point je déforme): «je cherchais une enfant, j'avais une idée assez précise, une enfant d'un milieu alternatif, une famille où il n'y ait pas la télé, des enfants non formatés…»

    J'éclate de rire: ainsi donc nous sommes une famille alternative? Ça alors. Pour moi, "alternatif", c'était intermittent du spectacle, artiste, quoi.

    Plus tard encore, en réfléchissant à cette association alternatif/intermittent, j'ai compris que c'était à cause de l'électricité: la seule chose que je connaisse qui soit alternative, c'est le courant, et l'opposé, c'est "continu". Et le contraire de continu, c'est intermittent. CQFD.



    Superbe soleil ce matin, peu de rameurs pourtant, sont-ce le froid ou les vacances?
    Photo prise à l'aveugle car mon téléphone saturait et ne renvoyait qu'une image noire. (Il faut dire que ce sont des photos toujours prises très vite, en une seule prise, pour ne pas faire attendre les autre.)
    11h36 en regardant vers l'amont. Barreur, en me retournant.

    Les radiateurs

    Hier soir nous évoquions au bénéfice de mes parents le jour où le tuyau d'un des radiateurs, rongé de rouille, a cédé, aspergeant l'ordinateur (heureusement la paroi de la tour) et un angle de la bibliothèque (les livres ensuite mis à sécher dans tout le salon, journal entre les pages, à la façon des herbiers).
    A ma grande surprise, à nous quatre nous avons présenté trois versions de l'histoire : cela s'est-il passé le jour ou la nuit, étions-nous au dernier étage ou en train de remettre en eau les radiateurs des chambres après les avoir purgés, est-ce C. ou moi qui avons donné l'alerte? Il faut bien dire que le récit de C. me paraît plus logique, plus crédible, que mes souvenirs.

    J'ai un problème avec mes souvenirs: je sais que certains sont rêvés. J'en suis certaine, car dans un cas au moins, je me vois très précisément en train de lire un livre dans la bibliothèque du collège, or il est totalement impossible que j'ai lu ce livre-là au collège. Donc l'image que j'ai est une image rêvée. Combien des images en moi sont-elles des rêves et non des souvenirs?
    Cela me fait regretter de ne pas avoir tenu ce blog plus tôt (mais avant, les blogs n'existaient pas).

    Mais enfin, inutile de regretter puisque ayant un blog je n'ai pas raconté l'épisode ici. Dommage, sinon nous aurions eu la réponse. C'est bien parce que je me suis aperçue de ce manque de substance que j'ai commencé à détailler davantage le quotidien. A l'époque je devais trouver cela trop personnel.
    On trouve trace du changement de radiateurs ici. C'était sans doute la première fois que nous faisions appel à notre plombier portugais. (Pour la petite histoire, il ressemble un peu à James Gandolfini avant qu'il ne devienne obèse, sans doute moins grand mais avec le même sourire).

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Je suppose que oui, sans vraiment le savoir, puisque j'ai un téléphone portabe: plan de Paris, kilométrage à l'aviron, cela doit se faire à partir d'un GPS. Mais pour les "vrais" trajets en voiture, je préfère les cartes. Elles donnent une vue générale, elles donnent des envies, des idées, des possiblités de détours, d'échappées.

    2/ Enormément. Où, quand, arrêtez-vous l'enfance? Je vais citer celui que je connais quasiment par cœur, et dont beaucoup de bribes me remontent en diverses occasions quotidiennes: Les lettres de mon moulin de Daudet.

    3/ En Grèce, toujours (je dis "toujours", car j'ai l'impression de répondre souvent "en Grèce", ou "la Grèce"). Donc en juillet (à moins de compter l'aviron sur la Seine comme "bain de soleil": dans ce cas en octobre ou novembre à La Défense!)

    4/ Tout le temps. Peut-être un peu moins qu'avant, j'essaie d'obéir à mes alertes intérieures. Mais il y a "je ne devrais pas" et "je ne devrais pas": il y a ceux qui correspondent à des entêtements et de l'obstination et qui sont de la bêtise (et on ne devrait pas!), et il y a ceux qui correspondent à des ruptures des conventions, qui sont plutôt "ça ne se fait pas": et là, il faut le faire!

    5/ Oui, en particulier quand j'ai mal à la gorge.

    6/ Oui. D'une part ils permettent d'obtenir un résultat tangible et durable, quelque chose "qui se voit" et "qui reste" (contrairement à la cuisine), d'autre part ils sont une façon d'user le temps, le chagrin et d'acquérir une sorte de sagesse. Par exemple, lorsque nous (Hervé ou moi) sommes en train de faire un travail intellectuel et que nous y découvrons une imperfection sans avoir le courage de tout reprendre pour que ce soit parfait, je rappelle cette leçon du tricot: quand le pull est fini, celui qui l'a tricoté ne voit plus que le défaut, et il est condamné à ne voir que le défaut aussi longtemps que le pull sera porté. Cela vaut la peine de détricoter et retricoter pour la paix de son esprit.

    7/ Oui. Comment faire autrement quand on a des animaux? «Trois chiens pour un cheval, trois chevaux pour un homme.» (Je pense que ce n'est plus valable.)
    Il y a une mort de cheval particulièrement atroce que je n'ai jamais racontée (un cheval de club, je n'ai jamais eu de cheval en propre).

    8/ Non, je ne m'y sens pas bien. Souvent trop de vent, trop froid, mal assise, trop de bruit. J'aime les cafés, les bibliothèques.

    9/ Enfant, chez la marraine de ma mère. Plus tard, jeune mère, en "sortant" les enfants au parc l'après-midi. Je ne peux pas croiser des parents poussant des poussettes dans les parcs dans frissonner d'horreur au souvenir de cet ennui mortel. Et tout ça pourquoi? Parce qu'on (mais qui, "on"?) nous avait convaincu qu'il fallait sortir les enfants. Alors qu'en réalité, ils s'en moquent, ils grandiront de toute façon.

    10/ Je ne sais pas. J'essaie de faire simple. Dans ce domaine, ma vie professionnelle m'a aidée. J'ai eu des chefs remarquables de ce point de vue.

    Le code

    Hier, O. a passé le code (nom officiel: examen théorique du permis de conduire) à la préfecture de Paris dans le 18e.

    — La convocation disait d'arriver à 14 heures 15 pour 15 heures, alors je suis arrivé à 14 heures 15. Je me suis bien ennuyé, j'ai dû m'endormir parce que je ne me souviens pas de ce que j'ai fait. En arrivant, j'ai vu une file de gens, énorme, c'était les demandeurs d'asile. J'ai pensé à eux, à qui on allait dire non, et à ceux en face, dont le boulot était de dire non toute la journée… Ça m'a mis une mine…


    (Résultats aujourd'hui : réussi (truc et astuce: bien réviser se qui concerne l'alcool et les drogues). Maintenant la pratique.)

    Les profanateurs de sépulture

    Cette histoire de tombes juives profanées reprend quasi-exactement une discussion chez nos voisins le 16 janvier dernier autour d'une galette. C'était donc très peu de temps après l'attentat au journal Charlie, et la conversation avait glissé mollement, sans passion, vers les collégiens qui avaient refusé la minute de silence et autres récits.

    Notre voisin (50 ans) se demandait si on n'en faisait pas un peu trop: «On dirait que tout le monde a oublié ce que c'est qu'être ados et les conneries qu'on peut faire en groupe. Je me souviens, il y a quelques années, on avait crié au scandale parce qu'on avait trouvé une tête de porc balancée dans l'enceinte d'une mosquée. Mais c'est typiquement ce qu'on aurait été capable de faire avec mes potes, juste pour rire et faire ch***, pas besoin d'aller chercher plus loin.»

    Je pense à la gamine du village de ma tante qui bouleverse les tombes sans que personne ne dise rien alors que tout le monde connaît ses parents.

    Je pense à mon beau-père (70 ans) nous racontant la voiture du surgé montée à la force des bras au dernier étage de l'internat, un client de mon mari (même âge) les poteaux électriques sciés pour faire un radeau sur la Creuse… «Les gendarmes sont venus. Qu'est-ce qu'on s'est pris comme raclée! Ch'peux vous dire qu'on n'a pas r'commencé!» (Mais cinquante ou soixante ans plus tard il est tout heureux de raconter).

    Et je me demande si en même temps que le sens de l'autorité et de la responsabilité, nous n'aurions pas perdu une certaine capacité à la légèreté ("l'étourderie" de la jeunesse, dit Balzac dans Les chouans).

    Dormir

    Je viens de découvrir (je n'y avais jamais fait attention) que le réalisateur de My own private Idaho est Gus Van Sant.
    Je rêve de revoir ce film à cause de la narcolepsie.


    (Zut, je m'aperçois ce soir en regardant mes mails que j'ai raté un de mes bien-aimés cours de grec. D'un autre côté, je n'avais pas du tout le temps d'y travailler, ce n'est pas pour rien que je m'étais autopersuadée que le prochain cours était en mars.)

    Une habitude à perdre

    De même qu'il nous arrive fréquemment de nous exclamer en chœur à table «le bâton, le bâton» quand quelqu'un commet une maladresse (référence à Astérix en Helvétie), il m'arrive souvent, au lieu du traditionnel «mort aux cons», d'utiliser quand quelqu'un m'exaspère «Qu'on lui coupe la tête!», en référence à la reine dans Alice au pays des merveilles.
    A l'air effaré des gens autour de moi, il me faut admettre que je dois perdre cette habitude.

    Ménage

    Comme Hervé a pris la peine de ranger le bureau et la chambre dimanche, je mets un point d'honneur à passer l'aspirateur ce soir.
    Conclusion : il faut que nous prenions une femme de ménage, la poussière me rend vraiment trop malade.

    Deux jours

    Samedi : glandé (après m'être fidèlement levée à 4h56 pour travailler une heure quoi qu'il arrive, comme j'essaie d'en prendre l'habitude (cela m'arrive régulièrement: je me dis que je ne peux pas travailler le soir car je m'endors, alors il faut que je travaille le matin; puis je n'arrive pas à me lever le matin — alors je me dis que je vais travailler le soir. (Un jour j'arriverai à établir une routine, je me le jure !) Comme c'était samedi, je me suis recouchée.) Paresseusement vidé la chambre de A. pour Baptiste qui vient deux jours. Passé beaucoup de temps sur internet. Je me suis aperçue que le blog de writ était toujours actif: mais pourquoi l'avais-je cru abandonné? J'ai oublié.
    Note pour mémoire : les procès avec JA arrivent à terme et celui-ci souhaiterait qu'on efface tous les billets relatifs aux procès ("différends", s'exprime pudiquement l'avocat): il faut donc en conclure que JA n'a rien compris à ce qui m'avait (nous avait) motivée à l'origine: qu'il cesse d'effacer ses méfaits en intimidant ses victimes.

    Dimanche : sortie pour la première fois depuis le 25 janvier. Très belle sortie, à la nage, équipage parfait et bassin plat. Personne ou presque, les jeunes sont en vacances.

    Je vais essayer de mettre une photo à chaque sortie dans l'espoir de saisir l'arrivée du printemps, mais ne vous faites pas trop d'illusions: je suis nulle pour ce genre de choses, j'oublie de prendre les photos, les photos ne comptent pas assez pour moi.

    10h50, en regardant vers l'aval. A partir du ponton.




    Un huit (de pointe!) est envisagé, le bateau est préparé. Paradoxe: à Neuilly, Vincent très attentif à la sécurité projette de nous faire ramer en huit (de couple) sans s'inquiéter de l'étroitesse et du peu de longueur du bassin; à Melun où tout est plus laxiste, où nous disposons de quinze kilomètres de bassin et de la largeur de la Seine pour tourner, mes compagnons de ce matin paraissaient persuadés que nous n'y arriverions pas, et d'abord à rassembler neuf personnes qui ne feraient pas faux bond. (La première difficulté en huit est d'être discipliné et fiable: il faut être là et à l'heure, sinon le bateau ne peut pas partir. Je ne comprends pas pourquoi ce serait plus difficile que de réunir une équipe de foot, mais les autres rameurs ont l'air pessimistes. D'un autre côté on peut jouer à dix tandis qu'on ne peut pas ramer à sept dans un huit.)
    Je convainc Stéphane de prévoir une yolette de pointe la semaine prochaine. A suivre!

    Je commence le "nettoyage" des deux blogs: passage en html, conversion des photos, indexation de vehesse, en travaillant jour par jour (par exemple, aujourd'hui, revu tous les billets publiés un 15 février). J'ai l'impression que ces travaux font remonter le googleranking. En tout cas les stats remontent sans que je sache pourquoi car les stats de free ont diminué en qualité et ne donnent plus les mots-clés des recherches ou les sites ayant mis un lien vers mes blogs.

    Incidemment, il se trouve que c'est le 15 février 2011 que j'avais expliqué pourquoi JA était poursuivi au pénal. Quand je pense que s'il n'a pas été condamné à publier le jugement sur son blog, c'est parce que les juges ont estimé qu'il s'était écoulé trop de temps depuis les faits!

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Je ne comprends pas trop ce que ça veut dire. Mon seul but est de ne pas m'ennuyer.

    2/ Non.

    3/ Une sorte de grille en caoutchouc ajourée comme dans les fermes, ça compte pour un paillasson?

    4/ Bof. Il y a plutôt des moments où je suis particulièrement inefficace: une fois la nuit tombée.

    5/ Oui. Je mets des liens: des réponses ici, ici et ici.

    6/ Il doit bien y en avoir un (il me semble impossible qu'il n'y en ai pas un, inconsciemment) mais je ne vois pas lequel. L'importance du petit déjeuner?

    7/ Ecrire oui, parler, je ne crois pas. J'utilise «si je puis dire».

    8/ Plutôt par étapes (si l'on considère que le cycle vaut répétition).

    9/ Aucune. Un fond de jazz. Ce n'est pas moi qui choisis. Je n'écoute de la musique que quand je suis seule, je ne suis même pas sûre que le reste de la famille est conscience que j'écoute parfois de la musique.

    10/ Jamais sauf depuis l'attentat contre Charlie. "Si on m'avait dit que…"

    Alan Turing

    Ayant reçu à vingt ans le surnom de «bonne vieille machine de Turing» (ne vous faites pas d'illusions, il ne s'agissait pas de qualifier mon génie mais ma propension à ne traiter qu'une tâche à la fois et à ne passer à la suivante qu'une fois la précédente achevée (tandis qu'un ordinateur moderne avance aussi loin qu'il le peut sur une tâche puis travaille à autre chose en attendant vos prochaines données ou instructions — un ordinateur passe énormément de temps à attendre (d'où la possibilité d'allouer ces temps morts à des programmes nécessitant d'énormes puissances de calcul)) — mais il me semblait avoir déjà parlé de ce surnom — mais je n'en ai pas retrouvé la trace ici.)

    Je suis allée voir The Imitation Game en me demandant avec curiosité comment il était possible de faire une heure et demie de film sur de la cryptographie.
    Les ficelles narratives sont classiques (je ne me pose pas la question de la "véracité" de la biographie, forcément ténue, styliséee): non pas le poète maudit mais le génie incompris à la limite de l'autisme, tressage de trois unités de temps, tensions dues au secret, information et désinformation, bêtise du militaire contre intelligence de l'Intelligence Service. (Je ne dis rien de l'homosexualité de Turing qui causa sa condamnation et sa mort, car que dire?)
    Cela fait un film didactique qui permet de comprendre (pour ceux que cela intéresse) que le titre fait référence à l'une des premières séquences de Blade Runner.

    Concernant la machine de Turing, vous trouverez ici une vidéo longue que j'aime bien (il en existe des versions courtes, de deux à six minutes).
    Concernant Enigma, des explications ici et ici en pdf.

    Rijksmuseum

    Je pensais que nous resterions jusqu'au week-end mais une réunion vendredi matin obligeait Hervé à rentrer.

    Journée (mini-journée, de midi à quatre heures, le temps de se lever puis le temps de repasser par le B&B récupérer la valise) au Rijksmuseum qui était en grande partie fermé quand nous sommes venus en janvier 2013.
    Nous retrouvons l'horloge de Maarten Baas qui fait rêver Hervé.

    Je propose pour une fois de parcourir toutes les salles "en courant", afin d'avoir une idée générale, un peu comme on feuillette un livre, plutôt que prendre notre temps dans les premières salles pour se retrouver à court de temps pour les dernières.
    Cette idée sera plus ou moins respectée, mais au moins nous commençons par le dernier étage (1900-1950) sans réussir à trouver "l'autre" troisième étage (le musée a un corps principal et deux ailes plus hautes, ce qui fait que les étages les plus hauts ne communiquent pas); nous avançons à marche forcée, retrouvons quelques vieux amis (le cygne, les Vermeer), de très belles natures mortes et des marines en grisaille, le hall principal est gigantesque, il y a des courants d'air, nous trouvons par hasard l'autre troisième étage, 1950-2000 c'est vraiment un autre monde, principalement hideux. Souvenirs des colonies, décolonisation.
    Nous passons un long moment dans la dernière pièce à essayer de comprendre un film non sous-titré sur la mise en place d'une digue dans les années 1950 ou 60: d'énormes caissons flottants sont tractés par bateau à l'entrée d'un canal puis sont coulés en les laissant s'emplir d'eau. (Impossible de trouver une vidéo sur le net, je n'ai pas les bons mots clés). C'est très impressionnant. Je me demande quelles sont les réflexions de cette ville et de ce pays sur le réchauffement climatique. Se sont-ils rapprochés des îles du Pacifique qui risquent de disparaître? En quoi les problèmes qu'ils rencontrent sont-ils différents de ceux de Venise?

    Nous redescendons, meubles, porcelaines, Renaissance. J'aime de plus en plus les objets. Je suis interloquée par le cartouche d'une sculpture de Saint Augustin: faut-il comprendre que la ville serait Hippone? Mais c'est faux, il s'agit de la cité céleste, cela me paraît évident, ce n'est pas pour rien qu'un ange souffle dessus. Est-ce que je me trompe?
    Salle des maquettes, j'adore, c'est fou ce qui a été inventé, des "chameaux" pour porter les navires trop lourds et leur permettre d'accoster au port… Magnifique.

    Librairie pour les cartes postales; comme d'habitude j'y découvre tout ce que nous n'avons pas vu (l'art oriental, Van Gogh,…) Il faudrait commencer par les librairies.
    Cafétéria du musée, cartes postales, retour à la chambre, retour à la gare, retour en Thalys, retour, retour, retour.

    Journée à Amsterdam

    Quitté l'appartement assez tard. Vent froid. J'avais oublié l'irréel des façades. Les canaux sont vides, inutilisés. Ce n'est pas Venise, la vie de Venise sur les canaux. J'avais oublié aussi les vélos, tant de vélos, si rapides et décidés. Quelle drôle de ville, sa netteté me met mal à l'aise (tous ces intérieurs parfaits en vitrine, tous ces bureaux de designers, toutes ces chaises blanches) et pourtant je pourrais bien travailler ici, dans ce silence studieux.

    Pouvoir d'achat: Hervé manque de s'évanouir devant une petite bombe de mousse à raser Gillette à quatre-vingts centimes (recherche sur l'iphone du prix en France: plus de deux euros pour une marque propre de moindre contenance).

    Musée de l'Hermitage. Expositions de services de vaisselle des tsars (se terminant curieusement par un service offert… à Staline qui ne s'en est jamais servi) et de portraits de groupe, véritable ode aux défenseurs de la ville à l'Âge d'or. La ville avait un système de prise en charge des pauvres très développé car la misère était mauvaise pour le commerce (étonnant que tout cela n'est pas produit d'écrivain à la Dickens). Les bâtiments du musée étaient eux-même un hospice pour les femmes seules de plus de cinquante ans.
    L'exposition se termine en expliquant que les associations restent exceptionnellement développées à Amsterdam, avec des décisions collégiales sur la base du consensus (et non de la majorité), ce qui me laisse pantoise: arrive-t-on à prendre de bonnes décisions par consensus? N'est-on pas condamné aux demi-mesures? Il faudra que je regarde le comportement des Pays-Bas dans les institutions européennes.

    Hervé laisse un pourboire au vestiaire: «Je viens de laisser trois bombes de mousse à raser».

    Concert d'adieux de Mariss Jansons au Concertgebouw (c'est pour cela que nous sommes là). 4e de Mahler très tendre. Le son de cet orchestre est vraiment particulier, attentif, je n'ose dire "prévenant" ou "attentionné".

    Amsterdam le soir

    Deux abus de pouvoir dans la matinée: le pharmacien qui profite du mécanisme du tiers payant pour escroquer une vieille dame (en comptant sur le fait que personne ne l'écoutera, je suppose) et le syndiqué qui profite de ses relations privilégiées avec les DP (délégués du personnel) pour menacer la RH d'un scandale et exiger le remboursement de frais prescrits.
    Enervée.

    Thalys sans problème; Amsterdam. Chambre sous les toits qui ne permet pas de lire au lit (pas grave, nous ne sommes pas venus pour lire au lit) et dix ans de Donald Duck reliés — hélas en hollandais (j'aurais dû prendre une photo).

    Week-end chargé

    Pas le courage de faire hurler sejan en racontant le TG de samedi matin (pourtant ce serait fun (Royaume et eschatologie, Lumen Gentium et Gaudium et Spes (une constitution pastorale d'inspiration française que les Allemands ne prenaient pas très au sérieux) mais je suis fatiguée) préparé entre deux et cinq heures du matin — pas eu le temps cette semaine.
    Samedi après-midi sieste (dommage il faisait beau) pour tenter de récupérer comme je peux de cette semaine, puis soirée pour les 140 ans du club d'aviron.
    Dimanche matin ménage pour accueillir mes parents (j'apprends une heure avant que A. vient aussi, c'est une surprise: super la suprise quand on sait que sa chambre me sert de bureau pendant son absence. Je déménage tout en catastrophe), après-midi où je sombre peu à peu, allant jusqu'à oublier que le neuf est le quatorze à l'atout…:
    — Tu ne peux pas monter ?
    — Non.
    Deux tours plus tard: — Mais tu pouvais monter !

    (Bref. Je m'endors en jouant.)

    Je suis au lit à huit heures après une crise d'étouffement. J'aurais dû acheter la ventoline prescrite par le médecin l'autre jour. Devenir asmathique à mon âge: fait suer !

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non, mais j'ai des amis avocats. Deux enseignements : gagner un procès est aléatoire («on ne sait jamais à l'avance», nous disait une amie, très douée dans son domaine) et les avocats sont payés pour trouver des problèmes, pas des solutions. (Ils sont terribles, ils ne pensent pas comme nous, ils sont à rebrousse-poil du sens commun. C'est très spécial.)

    2/ Pas spécialement, mais plus que je ne pensais.

    3/ De temps en temps, depuis que nous avons des voisins sociables.

    4/ J'ai un manteau rouge, un cartable noir et une écharpe orange.

    5/ Je ne veux pas en parler (mais quelle horreur!)

    6/ Plutôt jamais. Il arrive régulièrement qu'elle ne soit pas fermée une nuit entière. Nous nous en apercevons au matin.

    7/ Non.

    8/ Non. (Mais j'aimerais bien que quelqu'un parmi ceux qui répondent à ce questionnaire dise qu'il est chef d'Etat).

    9/ Souvent je pense. Autant j'aime la logique, autant il me semble que trop de cohérence est dangereux ("idéologie", logique d'une idée).

    10/ Pas vraiment, mais surtout par manque de culture, d'éducation. Je crois que je pourrais facilement faire des progrès en travaillant.

    Effroi

    Tous les jours une nouvelle horreur. Hier (ou avant-hier) le pilote brûlé vif, aujourd'hui les enfants crucifiés ou enterrés vivants… Cela ressemble terriblement aux descriptions des guerres de religion en France, à cela près que ce n'était pas filmé. (Comme je le disais en 2008, aujourd'hui même les camps seraient filmés (et en 2008, "l'info en continu" n'avait pas atteint les sommets atteints depuis Merah en 2012)). Impuissance, hébétude, fatalisme, et chez certains cette fascination qui me donne envie de vomir.

    Bien entendu les ennemis des religions éprouvent une colère dont la férocité ressemble à de la joie, tenant "leur" preuve incontestable; les religions, ce n'est rien d'autre que le mal incarné, et devant tant d'horreur, il me vient à penser non pas qu'ils ont raison, mais que je les comprends, que je ne peux que les comprendre, ce qu'ils disent est incontestable.
    Et je pense au nazisme et à l'hitlérisme. Refuser la transcendance n'est pas non plus un gage de bonté et de générosité.
    Je ne sais pas ce qui produit le plus de crimes, ou ce qui est le plus irrationnel: croire en l'homme ou en Dieu.
    L'horreur n'est pas un concours.

    Tuteur

    Les études de théologie que je suis étant réservées à des adultes ayant une vie professionnelle, elles prévoient pour nous aider à reprendre un rythme estudiantin des "tuteurs", des personnes attribuées à chacun de nous et destinées à nous aider dans la méthode et, tout au moins au début, à vérifier que nous lisons assez et que nous lisons bien (que nous savons lire, prendre des notes, comprendre des structures (à vrai dire, je suis de moins en moins sûre du dernier point. Cette année est une année de doute, je ne comprends pas, je ne saisis pas, je ne vais pas y arriver, etc (ne pas penser et s'obstiner, politique du bœuf de labour, jusqu'à ce que tout le champ y passe (parenthèse hors sujet)))).

    Les deux tuteurs que j'ai eus jusqu'ici exerçaient en dilettante. J'arrivais avec une liste de livres lus, mon répertoire thématique Clairefontaine de citations et nous discutions agréablement de choses et d'autres. Les seuls conseils que j'ai eus ont été, du premier, de dater mes lectures, du second, de lire Beauchamp. Tout cela n'était pas très utile mais sympathique, surtout que je recueillais de fort bonnes notes en fin d'année.

    Cette année, et pour les quatre années qui restent, m'a été attribuée une femme austère à la réputation effrayante, ayant fait sa thèse de doctorat sur la mystique de St Jean de la Croix. Lundi soir j'ai vu arriver dans ma boîte mail la demande de lui envoyer "l'ébauche du travail que j'allais lui présenter mercredi" (aujourd'hui) (nous étions convenus que cette séance de tutorat porterait sur l'oral d'exégèse ayant lieu en avril). Bien entendu je n'avais rien, n'ayant jamais travaillé ainsi avec mes tuteurs. Rentrée de cours à minuit, travail de quatre heures du matin à huit (heureusement Olivier commençait à dix heures), premier envoi mardi matin avec promesse d'un second, rebelote dans la nuit de mardi à mercredi, envoi mercredi midi du choix de ma péricope et d'une ébauche d'analyse (ayant choisi un sujet sur l'épître aux Colossiens, il m'appartenait de délimiter un extrait (péricope) de l'épître pour répondre au sujet).

    J'appréhendais de la rencontrer. Elle m'a reprochée de lui avoir envoyer la péricope trop tard, qu'ainsi «il lui était difficile de m'aider». Et effectivement, elle m'a aidée. Elle avait apporté des photocopies de dictionnaire, m'a indiquée par quoi il fallait commencer, a articulé une problématique, m'a donnée des pistes («les impératifs de Paul renvoient toujours à des affirmations, trouvez lesquelles»; «quelle est la question théologique posée par Nostra Æetate?» Je balbutie quelque chose. «Non, ça, c'est la réponse»). Elle a défriché, donné des principes, je me suis sentie moins démunie face à ce truc fuyant et incompréhensible qu'est l'ecclésiologie («le corps mystique du Christ»: mais y a-t-il quelqu'un qui comprenne vraiment ce que cela veut dire?)
    Elle a terminé en me disant que dans les deux mois à venir je pouvais être amenée à changer de problématique et de plan au fur à mesure de ma réflexion, qu'à la fin de mon travail mon approche du sujet aurait sans doute changé, que «j'aurai été déplacée».
    Et cela m'a fait rire en me rappelant une boutade de première année. Qui avait dit que dans cette maison, le leitmotiv était «le déplacement» accompli par tout travail? (la façon dont ce qu'on pense à priori avant de commencer est transformée par le travail accompli: ce qui compte, c'est la mesure de ce déplacement, c'est d'avoir conscience de l'écart et être capable d'en rendre compte). Je l'avais totalement oublié, voilà que cela ressurgissait.

    Je suis sortie de la rencontre ravigotée. Je me sens comme un pied de petit pois qui aurait trouvé sa rame.

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    Agenda
    Le soir The Haunting Melody avec la classe d'Olivier. Beaucoup somnolé, des bribes de musique passant dans mes songes. Je ne suis pas emballée mais cela pourrait intéresser mes amis mélomanes (ou musicologues? réflexion sur les musiques qui tissent nos vies bon gré mal gré).

    Dîner

    — Les coccinelles sont des salopes.

    A propos de Lumen Gentium 36, un prêtre oratorien

    «On voit ici l'ampleur de ce qui est demandé aux laïcs ! Je ne suis pas laïc, je suis bien content.»

    Dimanche

    A Melun pour rien — accès au ponton inondé, débit à 585 m3/s. (La limite pour "sortir" est à 500).
    En face du club, l'eau arrive au ras de l'île sur laquelle est bâtie la prison. Le ponton n'est plus accessible.





    Le Revizor au théâtre de la Tempête. Spectacle s'appuyant sur un mot de la fin, "pantin", avec une mise en scène insistant sur la farce et le grotesque.

    Relations filiales

    Bien qu'étant une mère angoissée, je mets un point d'honneur à ne pas le montrer (parfois en voyant les réactions de l'aîné devant mes inquiétudes pendant les absences du benjamin, je me dis que je l'ai peut-être trop caché), à ne pas entourer mes enfants de soins excessifs mais au contraire à les pousser à la liberté et à l'indépendance.
    Nous n'avons donc des nouvelles de notre fille que de loin en loin, partant du principe que «pas de nouvelle, bonne nouvelle» et que si elle a besoin de nous elle saura nous trouver.

    C'est ainsi que le dernier sms reçue de A. datait du 18 janvier à 15h41: «Je pars aujourd'hui [en Angleterre par bateau] et ne reviens que samedi. Je ne sais pas si je serais joignable».
    S'en étaient suivis quelques échanges badins (du genre "noyade interdite"), elle était partie, le temps avait passé sans que nous en rendions bien compte et je disais à midi qu'elle devait être rentrée, qu'il faudrait l'appeler, sans doute.

    Quand soudain, out of the blue, arrive le sms suivant que j'ai découvert cette après-midi: «Vous pouvez compléter la nourriture de Charlotte par des croquettes pauvres en cendres, riches en fibres et éventuellement de type "aidant les reins". A son âge ça ne lui fera que du bien.»


    Comme dirait O., «ma famille me fait rire».
    Tout bien réfléchi, il n'a pas tort.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non. Mais je ne suis pas sûre d'en avoir vraiment eu. Des béguins inavoués. Je le répète, j'étais atrocement timide (et j'ai l'impression d'être en train de le redevenir). Parfois je cherche dans FB. Le module de recherche a changé récemment, il ressemble davantage à ce qu'il était il y a six ans, quand on pouvait indiquer des régions, des tranches d'âge… Je crois que j'ai vu les enfants de l'un d'entre eux. Il ne m'était jamais venue à l'idée qu'il pouvait avoir des enfants. Ça m'a émue.

    2/ Non. Un petit tiroir avec de l'aspirine, du doliprane, du Vicks, de l'homéoplasmine, de l'hexomédine, du smecta. Si cela ne suffit pas, nous allons chez le médecin.

    3/ Oui. Avant d'être à La Défense et de découvrir que je pouvais ramer le midi. C'est le plus souple, le plus simple, quand on a très peu de temps. Mais c'est peu intéressant, peu de technicité dans les gestes, pas de progrès dans la connaissance d'un sport, juste de la répétition de mouvements. A ne pratiquer que lorsqu'on n'a pas le choix de faire un "vrai" sport.

    4/ Qui peut répondre à cela avant d'avoir affronté l'épreuve? La lecture des témoignages du victimes du stanilisme ou de l'hitlérisme prouve que nous savons bien peu qui nous sommes. (Je suis frappée par les personnes proches qui trahissent ou à l'inverse, les personnes peu connues qui restent droites malgré les menaces (cf. par exemple Le Vertige de Guinzbourg ouVie et Destin).
    Il y a une façon moins dramatique de considérer la question. Quel musicien, à une admiratrice qui lui disait : «Maître, je donnerais ma vie pour jouer comme vous», avait répondu: «C'est ce que j'ai fait, Madame» ?

    5/ Je l'ai beaucoup fait; je ne le fais plus. J'ai renoncé à l'idée que c'était compréhensible.
    Celui qui m'avait impressionnée, c'était Paul: comment avait-il fait pour vivre sans jamais se poser la question?

    6/ Malagar était-il un voyage? Par amitié, pour faire plaisir. Ou Liège (en décembre, je n'ai encore rien mis en ligne à ce sujet)? Pour tenir une promesse après avoir poussé quelqu'un à intervenir en colloque.
    La Grèce? Pour "consoler" Hervé qui avait été si affecté par le fait que j'aille en Grèce l'année précédente dans un cadre jésuite.

    7/ Pas vraiment. Je pense que c'était chez une voisine.

    8/ Plus jamais (je craque de partout très facilement, des mâchoires, des lombaires, mais je ne m'amuse plus à cela, ça m'est passé).

    9/ Oui, merci.

    10/ Oui, et non: les livres, c'est cher. J'étais idiote aussi: je faisais du baby-sitting pour les amis de mes parents et je refusais d'être payée (aujourd'hui, je me demande bien pourquoi: une notion mal comprise de l'amitié. Je comprends maintenant qu'ils auraient été contents de "m'aider" un peu).

    Zut

    Je crois que je me suis fêlé le coin de l'incisive droite en tombant du tabouret de bar (pour l'instant ça ne se voit pas vraiment mais ça risque de mal vieillir, va falloir faire quelque chose).

    L'étoile jaune

    En août dernier, quand "l'affaire" du polo Zara a éclaté, prise d'un doute et voulant évaluer la bonne foi du styliste zaraien, j'ai demandé à O., quinze ans, alors entre la seconde et la première: «sais-tu ce qu'est l'étoile jaune?»
    Non, il ne le savait pas. Sans doute (ai-je pensé) cela était-il si évident pour les professeurs et les adultes autour de lui que personne n'avait jamais réellement explicité ce "détail". Questionné plus à fond, il reconnut avoir aperçu, maintenant qu'il y réfléchissait, des étoiles dans des films, mais sans y accorder d'importance particulière (remarquons que sur les documents d'époque, en noir et blanc, il s'agit de gris sur gris).
    J'en ai été à peine surprise: après tout, on m'avait fait lire à onze ans Un sac de billes sans que je n'eus aucune idée de ce que c'était que la ligne de démarcation (ce n'est qu'au lycée qu'est arrivé jusqu'à ma conscience que nous, la France, avions perdu des guerres et des batailles: depuis Jeanne d'Arc, il me paraissait évident que nous ne pouvions que gagner — il est difficile de mesurer l'univers de naïveté qui m'entourait — et sans doute m'entoure encore, mais maintenant je le sais) ni la circoncision des juifs (ce passage du livre où un adulte fait baisser son pantalon au jeune héros pour vérifier s'il ment: incompréhensible, c'est pour cela que je m'en souviens).

    O. avait lu Primo Levi, Si c'est un homme (les trois enfants l'ont lu, lecture obligatoire, mais l'étoile jaune est alors depuis longtemps dépassée), et peut-être Anne Franck (parle-t-on d'étoile jaune dans son Journal? Il faudrait que je le relise).

    Je décidai qu'il était temps qu'il lise quelques livres et après avoir hésité (non, ni le Hilberg (!) ni les deux tomes du journal de Victor Klemperer (re-!), ni même Vivre avec une étoile que j'aime tant mais qui demande de savoir déjà un certain nombre de choses), lui tendis Rien pour poser sa tête et Histoire d'un Allemand.
    Mais après chaque livre, la même conclusion: non, on n'y parlait pas d'étoile jaune.

    Ce n'est qu'en décembre, avec Dora Bruder, que je trouvai le livre adéquat à son édification.


    Qui-vive

    Depuis Charlie (ah tiens, j'en ai vu en kiosque aujourd'hui), des militaires montent la garde devant l'école juive de Yerres. Au début c'étaient des policiers de la police nationale, désormais il s'agit de cinq militaires en treillis (cela doit varier en fonction des disponibilités, je suppose) devant les portails, sabbat et dimanche compris. L'école est située sur l'un des axes les plus passants de la ville du nord au sud et nous ne pouvons éviter de les voir, soir et matin.
    Quand nous passons devant eux, dans le froid ou sous la pluie (pas de guérite — c'est une école, il n'est pas prévu d'abriter des militaires des intempéries), je me dis, dans le mouvement des CRS applaudis le 11 janvier («on est gêné, on n'a pas l'habitude» m'a attendrie), que je devrais leur apporter du café. Mais où garer la voiture, et auraient-ils le droit de l'accepter? (sans doute pas).

    Toujours est-il que croisant leur regards, sentant la tension de leurs corps, la main sur leur arme, je songe: cette posture n'est-elle destinée qu'à les maintenir en alerte? Comment rester sur le qui-vive quand il ne se passe rien? En vient-on à certaines heures d'ennui et de désœuvrement à souhaiter de se faire attaquer, pour qu'enfin, enfin, il se passe quelque chose (pour qu'on ait peut-être l'occasion de se conduire en héros, de justifier des heures d'entraînement et de garde)? Quel paradoxe, cette tension à souhaiter à la fois qu'il ne se passe rien et qu'il se passe quelque chose…

    Et peut-être parce que je commence à être très atteinte, ou un peu désespérée à l'idée que je ne suis pas à la hauteur, ou juste parce que j'aime écrire le mot "eschatologique", je me dis que cela ressemble à l'attente de la fin des temps, pour les religions juive ou chrétienne: devoir attendre comme si elle devait se produire à tout moment tout en espérant mourir sans avoir vu cela (pour plus de développement, cf L'Etoile de la rédemption de Rosenzweig).

    Projet

    — Cela coûte très cher, un procès en canonisation. Si vous voulez faire canoniser votre grand-mère, vous avez intérêt à en parler à vos cousins avant.

    Dimanche

    Aviron pour la première fois depuis quinze jours. Peu de monde, yolette de trois rameurs + un barreur. Il fait doux (photo 11h46 en regardant vers l'amont. Au quatre).


    2015-0125-seine-a-melun.jpg



    Caligula à l'Epée de Bois l'après-midi. Formidable, mise en scène à la fois sobre et baroque (les deux, oui : peu de moyens, beaucoup d'effets).

    Pour le reste, découvert qu'on ne dit pas cardamone mais cardamome.

    La permanence d'Israël, une question pour l'Église

    TG sur les rapports des Juifs et de l'Eglise. Comment interpréter la permanence d'Israël. Je dois avouer que cette question ne m'a jamais effleurée: il me semble tellement humain de refuser de se convertir, par fidélité.
    Mais en fait, comme je mets en ligne ce billet deux semaines plus tard, le TG suivant a fait naître quelques réflexions: le Messie était destiné aux Juifs, et "nous", l'Eglise, les chrétiens, sommes finalement la preuve d'un échec. Comment vivre avec cette preuve que nous n'étions pas élus, mais que nous sommes un pis-aller? Cela peut-il expliquer la rancœur chrétienne envers les juifs? Mais cela ne peut-il pas être le contraire, une cause de rancœur juive puisque nous leur avons volé leur héritage?).

    Histoire de l'écriture de Nostra Ætate dans le contexte politique de l'époque. Vatican II comme le lieu d'une diplomatie intense. Moyen-Orient, déjà. Les évêques des pays arabes, soucieux de ne pas monter les autochtones contre les chrétiens par un soutien trop clair à Israël. Différence entre Israël-peuple de Dieu et l'Israël politique de 1962. Et cependant le même. Et la résonance de tout cela aujourd'hui… Mais après tout, c'est aussi pour cela que j'ai entrepris ces études. Comment se douter en 2011 que l'urgence ne ferait que croître (mais en réalité, c'était prévisible. La forme que cela allait prendre (Daech ou Charlie) ne l'était pas, mais le fond était perceptible).

    Phrase extraordinaire sur le décret dans un extrait de René Laurentin.
    Plus profondément, le texte sur les juifs, qu'on tenta d'intégrer successivement à la liberté religieuse, puis à l'œcuménisme, puis à l'Église, puis à l'ensemble des religions, révéla sur chacun de ces terrains une incidence significative. Chassé de partout, le Décret primitif De judaeis a partout provoqué une réflexion et porté des fruits. On pourrait d'ailleurs en dire autant du problème connexe de la liberté religieuse qui fut rattachée successivement aux schémas sur l'Église et sur l'œcuménisme et révéla, dans les deux cas, un point névralgique, sinon essentiel.

    R. Laurentin, «Histoire. Les origines (1960-1962)», L'Église et les juifs à Vatican II, p.28 Paris, Casterman, 1967
    «Chassé de partout, le Décret primitif De judaeis a partout provoqué une réflexion et porté des fruits»: quelle phrase extraordinaire, qui peut s'appliquer exactement aux juifs. Personne ne l'a relevée durant le TG.

    En sortant j'achète un Thomas Bernhard d'occasion, par hasard.


    Sieste. Puis rangement, encore.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui. J'adore ça. La première fois cela devait être en stop, d'ailleurs, de la base de parachutisme de Royan à la gare… (était-ce le jour où nous sommes arrivés trop tôt car c'était le week-end du changement d'heure fin mars, ou plus tard, dans la première semaine de juillet? Je ne sais plus.)

    2/ Euh oui. Rapide et régulière.

    3/ Oui. Je suis fidèle si le travail est bien fait et si les gens sont serviables (sachant que l'on peut être serviables et revêches (comme les Vénitiens, par exemple, qui rendent toujours service sans jamais sourire). Je suis partisante du "vote avec les pieds": retourner aux endroits biens, boycotter les cons (je sais, on est toujours le con de quelqu'un. Mais tout de même, cela a un sens de favoriser ce qu'on aime).

    4/ Non, sauf les contes. J'aime beaucoup les contes, ils sont riches d'enseignements. Il faut se conduire bien sinon tôt ou tard on en paie le prix, mais contre le mal, c'est la ruse plus que la droiture qui triomphe. Ce n'est pas une morale judéo-chrétienne, c'est très intéressant que ce soit cela qui soit transmis par la culture populaire. Je suis frappée du nombre de contes dans lesquels le diable perd parce que le héros triche ou détourne les règles du jeu en jouant aux cartes ou aux dés contre lui.

    5/ Beaucoup moins souvent qu'on ne m'en accuse! (Smiley ou pas?)

    6/ Que je n'aime pas souffrir inutilement.

    7/ Suis-je responsable de quelqu'un ou quelque chose? oui. Prends-je mes responsabilités? depuis cinq ans, depuis que je me suis rendue compte que je devais avant tout compter sur moi seule et que mes décisions n'étaient ni meilleures ni pires que celles des autres, oui.

    8/ Non. Mais j'aime la bonne pub, celle qui ressemble à un conte, justement, ou une fable de La Fontaine, avec un développement, un paroxysme, une chute. C'est magique quand c'est bien fait.

    9/ Oui. D'ailleurs la chatte s'appelle Charlotte parce qu'à l'époque où elle est entrée chez nous nous mettions des charlottes par-dessus le produit anti-poux (qui était tout simplement de l'alcool à 70°).

    10/ Hum, voilà une question intime. Je ne suis pas sûre de ce que c'est, mais je vais répondre: j'essaie.

    C'est un complot des vendeurs de kebab

    A cause du plan Vigipirate, les restaurants universitaires (resto-U) de Paris sont fermés (je ne sais ce qu'il en est en province).

    Jamais seule

    Il y avait longtemps que j'avais prévu de rester deux jours seule à la maison pour ranger et me détendre; mais Hervé est rentré avec une mauvaise grippe. Il m'est décidément bien difficile d'être seule dans cette maison. J'ai tellement besoin d'être seule, un peu, pour cesser de me surveiller et pouvoir me reposer, me détendre.

    Une fois encore je pense aux ordres cloîtrés : une vie entière à vivre avec les mêmes dans un lieu clos. Mais comment est-ce possible?
    Capacité à vivre en commun comme signe de sainteté. Après tout, peut-être.

    Chez le charcutier



    2015-0115-charcutier-mandres.jpg

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Êtes-vous accoutumé à parler de vous ?
    Ce blog et ces réponses en sont la preuve.

    2/ Quelle découverte musicale vous a récemment enthousiasmé ?
    Albrecht Mayer.

    3/ Êtes-vous
    beaucoup
    un peu
    pas du tout
    porté à l'introspection ?
    Beaucoup et d'aussi loin que remontent mes souvenirs.

    4/ Quel est le dernier fruit que vous ayez mangé après l'avoir cueilli ?
    C'est loin… Le plus probable reste quelques mûres sauvages.

    5/ Restez-vous
    souvent
    rarement
    jamais
    à ne rien faire ?
    Jamais. Même quand je ne fais rien, c'est une activité décidée et mesurée dans le temps.

    6/ Y a-t-il des mots que vous avez beaucoup employés à une époque et qui ont totalement disparu de votre vocabulaire maintenant ?
    Je suppose que oui. Mais comment savoir? Au lycée, j'avais une tendance "je m'en fous" très marquée (je répondais ça à à peu près tout), un à-quoi-bonisme généralisé.

    7/ Avez-vous un légume préféré ?
    Si oui, lequel ?
    L'aubergine.

    8/ Avez-vous le courage de vos opinions ?
    Oui (hélas, comme dirait Gide).

    9/ Tirez-vous parti de vos rêves ?
    Non.

    10/ Sortez-vous toujours avec de l'argent sur vous ?
    Non. Mauvaise habitude parfois embarrassante. Il m'est arrivé de quémander quelques centimes !

    Epic Win

    Grande fierté, si, si, si.
    A la question de la prof de français (en introduction à un cours sur la poésie, WTF?), «Qu'est-ce qui vous fait rire?», O. a répondu «ma famille».

    J'aurai donc réussi à ne pas transmettre la tristesse et la morosité de mon enfance.

    Donneurs de sang

    Et tandis que j'attendais qu'une place se libère (environ trois quart d'heure d'attente) pour donner mon sang, ma pensée vagabondait. Quelle chose étonnante que les groupes sanguins, le nombre de personnes qui ont dû mourir sans qu'on parvienne à comprendre pourquoi ça se passait bien dans certains cas et pas dans d'autres… Impossible de deviner un groupe sanguin sur des signes physiques extérieurs… et avec cette politique d'anonymat, ça doit bien arriver, qu'un musulman donne à un juif, un noir à un facho, et inversement… Quelle bonne blague… Y a-t-il des réseaux privés de donneurs pour éviter ce genre de mélanges?


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    Agenda
    Chez le médecin. Arrêté deux jours. Ventoline.

    S'instruire au petit déjeuner, suite

    — On a beau dire, j'aime bien Macron.
    — Je ne peux pas répondre sur ce sujet: comme il a été le dernier assistant de Ricœur, je ne suis pas objective.
    — C'est bien, d'avoir été le dernier assistant de Ricœur ?
    — Euh… si tu aimes Ricœur, tu peux difficilement imaginer mieux.
    — Ah oui, je vois… C'est comme en math, avoir travaillé avec Erdös… Il existe un Erdös number, le nombre de degrés qui te sépare d'Erdös, ça se calcule à partir de tes publications dans des journaux scientifiques. Il y a la même chose avec un groupe de métal, Black Sabbath, et un acteur, je ne sais plus lequel, un qui a tellement tourné que si tu es acteur américain, tu as forcément un nombre avec lui… Le top du top, c'est d'avoir les trois, c'est le cas de Nicole Kidman.

    L'anecdote m'ayant intriguée, j'ai fait quelques recherches : voir ici, ici et ici les billets de l'inventeur du Erdos-Bacon-Sabbath Numbers.

    Je n'ai pas trouvé Nicole Kidman parmi les happy few, mais bien Mayim Bialik (Dr Amy Farrah Fowler) de The Big Bang Theory.
    L'amusant, c'est tout de même le Sabbath number d'Einstein.



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    15 janvier - Comme je suis malade et que je reste à la maison, je traduis les articles de blog "à la volée" (ça me permettra d'en avoir une copie s'ils disparaissent). Evidemment, beaucoup de noms cités relèvent de la mythologie américaine et ne nous disent pas grand chose. Cependant je reprends les liens des billets originaux en mémoire de Roland Barthes qui admirait la façon dont les Américains créaient des mythes..

    Les nombres d'Erdös-Bacon-Sabbath: les personnes au centre de l'univers. Partie I.

    Il y a quelques années, j'ai inventé un petit jeu appelé les nombres d'Erdös-Bacon-Sabbath, ce qui est sans doute, voyons, à mi-hauteur dans la liste des choses les plus nerd1 que j'ai jamais faites. En un mot, cela combine les six degrés à Kevin Bacon (dont vous avez sans doute entendu parler) avec le nombre d'Erdös (qui vous dit peut-être quelque chose si vous êtes mathématicien) et le nombre de Sabbath (même principe, avec le groupe Black Sabbath). Si vous avez les trois, vous êtes un BADASS2 CERTIFIÉ, et vous appartenez au groupe extrêmement fermé des gens possédant un nombre d'Erdös-Bacon-Sabbath!

    J'ai inventé le concept du nombre d'Erdös-Bacon-Sabbath en 1906 pendant mes loisirs, mais l'idée n'a vraiment décollé qu'avec la naissance de Kevin Bacon en 1958. Plus récemment, Ross Churchley (lui-même un badass en train de terminer un doctorat en mathématiques) est tombé sur ma définition théorique des EBS et commença aussitôt à chercher les premières personnes dont on pouvait certifier les nombres d'Erdös-Bacon-Sabbath. En quelques semaines, son travail sur les nombres EBS a attiré l'attention de quelques célébrités de la liste, dont le docteur Brian Cox, Phil Plait (the Bad Astronomer) et Richard Vranch.

    Et donc à présent Ross et moi, debouts à l'avant-garde de la recherche EBS, resplendissants dans nos blouses de laboratoire et nos heaumes de scientifiques, sommes fiers de vous présenter la liste officielle des nombres d'Erdös-Bacon-Sabbath. Ross tient à jour la liste officielle avec toutes les mises à jour venues de son blog tandis que je fournis quelques commentaires caustiques sur les membres de la liste les plus intéressants. Allez voir la liste officielle sur le site de Ross, voyez si vous trouvez quelques nouveaux liens et faites nous connaître vos progrès.

    Cliquez ici pour consulter la page officielle du projet Erdös-Bacon-Sabbath.

    Bref, qu'est-ce qu'un nombre d'Erdös-Bacon-Sabbath? Et qui est Erdös? Une fois que vous connaîtrez Paul Erdös, l'un des plus célèbre et des plus prolifiques mathématiciens du XXe siècle, vous comprendrez pourquoi ce jeu spécial a tout à fait un sens. Il est dit avoir publié plus d'authentiques pages de mathématiques que n'importe qui excepté Euler. Sa renommée s'étend si loin et si largement qu'avoir collaboré à l'un de ses articles est considéré comme une preuve d'excellence dans le monde des mathématiciens. A un moment donné, quelqu'un commença à retracer la manière dont, de fils en aiguilles, les collaborations permettaient de relier un chercheur à Erdös, et c'est ainsi que naquit le fameux nombre d'Erdös.

    Lire (en anglais) à propos de Paul Erdös, le Kevin Bacon des maths.

    Bien sûr, un jeu semblable a surgi à propos de Kevin Bacon, dont le nez fend-la-bise semble apparaître dans un film sur deux des années 90. Vous avez sans doute entendu parler des "Six degrés à Kevin Bacon", un jeu formidable à jouer dans les univers adjacents où le smartphone n'existe pas. Il ne fallut pas longtemps avant que quelqu'un vérifie s'il existait des personnes possédant à la fois un nombre d'Erdös et de Bacon…

    Lire (en anglais) à propos des nombres d'Erdös et de Bacon (Partie II traduite plus bas).

    Finalement, il fallut un génie de mon rayonnement pour accomplir le bond déductif gigantesque connectant les nombres d'Erdös et de Bacon avec un autre jeu semblable, le jeu de Black Sabbath. Oui, il existe une poignée de gens dans le monde qui possèdent les trois — qui ont atteint de telles hauteurs dans ces trois domaines qu'ils sont vraiment, vraiment, des modèles jalousés.

    Lire (en anglais) à propos des nombres d'Erdos-Bacon-Sabbath (Partie III traduite plus bas).

    Je ne traduis pas la suite qui est la liste des personnes EBS avec des liens vers quelques noms qui mènent à des billets plus détaillés. (Voir en bas de billet).
    Si vous trouvez quelques cas (en particulier des Français, ça me ferait plaisir!), vous pouvez laisser vos trouvailles ici ou ici.



    Nombres d'Erdös et nombres de Bacon. Partie II

    Pour remercier Paul Erdös de son impact inégalé sur les mathématiques, ses centaines de collaborateurs lui ont rendu un hommage adéquat qui a pris son essor de façon indépendante. L'hommage? "Les nombres d'Erdös". Dans le principe, c'est la même idée que "les six degrés à Kevin Bacon", et dans les faits elle a existé bien avant le jeu de Bacon. L'idée est la suivante: si vous avez publié un article avec Paul Erdös (c'est le cas, n'est-ce pas?), votre nombre d'Erdös est de 1. Sinon, vous avez peut-être collaboré avec quelqu'un qui avait un nombre d'Erdös de 1, vous donnant un nombre d'Erdös de 2. Et ainsi de suite — si vous avez un nombre d'Erdös de 5 (comme c'est mon cas [note prétentieuse]), cela signifie qu'une chaîne de cinq collaborateurs vous sépare d'un article écrit par Paul Erdös. Saugrenu, certes, mais parmi les mathématiciens (et plus tard les scientifiques en général) c'est devenu une source de vantardises légitime d'avoir un petit nombre d'Erdös. Les gens avec un nombre d'Erdös de 1 sont célèbres au sens propre dans les cercles matheux. Et si vous ne pouvez vous trouver une connection parmi les auteurs d'articles, vous avez alors un nombre d'Erdös infini, pauvre andouille.

    Puisque ce zig a tant publié, sans doute dix fois plus d'articles que les plus prolifiques scientifiques, il est en réalité assez facile d'établir une connection. Il est dit que si vous pouvez en trouver une quelconque (et c'est le cas de la plupart des personnes qui publient dans des revues de mathématiques), votre nombre d'Erdös sera inférieur à dix. Juste pour vous donner une idée, mon nombre d'Erdös de cinq provient d'un article mineur dans une revue de neuroscience moyenne. C'est comme une toile interconnectée géante de publications mathématiques geek, avec Erdös assis au centre. Bien plus, on peut compter sur des gens de cette intelligence pour ne pas laisser les choses évoluer d'elles-mêmes — certains mathématiciens étudient désormais les propriétés mathémathiques de la toile des collaborateurs d'Erdös, au point d'encourager de nouvelles collaborations parmi les habitants de la toile afin de compléter celle-ci.

    Accrochez-vous au pinceau: voici les nombres d'Erdös-Bacon

    Il n'a pas fallu longtemps pour que la folie déploie ses métastases jusqu'à infecter le jeu des Six Degrés à Kevin Bacon. Le jeu de Bacon, si vous ne le connaissez pas, est exactement la même idée appliquée aux stars de cinéma. Si vous avez un nombre de Bacon de 1, vous avez tourné dans un film avec Kevin Bacon. Si votre nombre est de 2, quelqu'un avec qui vous avez tourné a tourné avec Bacon. C'est un jeu de société amusant de choisir une célébrité au hasard et d'essayer de trouver une chaîne de films jusqu'à Kevin Bacon — pour tout dire il existe maintenant un site qui le fera pour vous. Eh bien, il arrive de temps en temps qu'un mathématicien d'appoint surgisse ça et là dans un film, le plus souvent dans un documentaire, parfois pour apporter sa caution dans un film ayant besoin d'une crédilitié mathématicienne, comme pour Will Hunting. Vous pouvez aussi tomber sur un acteur d'appoint travaillant au noir dans les mathématique, l'exemple le plus connu étant Danica McKellar (Winnie de l'émission The Wonder Years) qui est une mathématicienne honnête-tendance-bonne, et Nathalie Portman qui possède un nombre d'Erdös grâce à un article de neuropsychologie. Il y a donc une poignée de gens qui ont à la fois un nombre d'Erdös et un nombre de Bacon. Les accros au jeu repèrent le petit nombre d'élus qui ont un nombre d'Erdös-Bacon non infini, c'est-à-dire la somme des deux nombres — le nombre d'Erdös-Bacon de Danica McKellar est de 6, celui de Nathalie Portman de 7, ce qui signifie qu'il faut que je tourne dans un film avec Kevin Bacon pour rester à leur hauteur.

    L'actuel premier du jeu des nombres d'Erdös-Bacon est un gars appelé Daniel Kleitman, un mathématicien qui a écrit un article avec Erdös (donc nombre d'Erdös de 1) et fut consulté pour et apparut dans le film Will Hunting (lui donnant un nombre de Bacon de 2 par l'intermédiaire de Minnie Driver). Cet homme heureux possède par conséquent un nombre d'Erdös-Bacon de 1+ 2 = 3. Paul Erdös lui-même a un nombre de Bacon, par une apparition dans un documentaire — la comptabilisation semble faire débat, mais selon qui vous croyez, Erdös pourrait avoir un nombre d'Erdös-Bacon aussi petit que trois, par l'intermédiaire de Kleitman. Carl Sagan a un nombre d'Erdös-Bacon de 9 (Erdös 6 et Bacon 3). Dès que nous aurons tourné TimeBlimp3 — le film — je pourrais faire descendre mon nombre d'Erdös-Bacon de l'infini à 20 environ. (Quelqu'un a-t-il le numéro de téléphone de Bacon?)


    Nombres d'Erdös-Bacon-Sabbath. Partie III
    Mais attendez, de pire en pire : les nombres d'Erdös-Bacon-Sabbath

    Arrivés à ce point, vous avez remarqué la tendance des mathématiciens à prendre une idée intelligente et à l'user jusqu'à la corde, dans toutes sortes d'abominables extensions et variations saugrenues. Et je ne suis pas meilleur qu'eux (en réalité je suis bien pire, comme vous l'allez voir). Comment extraire de ce sujet une idée plus saugrenue? Eh bien, il se trouve que le jeu équivalent dans le domaine de la musique de variété est le nombre de Black Sabbath, qui vous indique combien de musiciens relient votre groupe favori foireux aux Dieux du Métal, Black Sabbath. La connection entre deux personnes peut être soit l'appartenance à un même groupe, une collaboration, un musicien invité ou s'étant produit ensemble à un moment quelconque. Par exemple, Faith No More, l'un de mes groupes favoris, comprend le batteur Mike Bordin, qui joua de la batterie pour Black Sabbath il y a quelques année. Mike a donc un nombre de Sabbath de 1, et tous les autres participants de Faith No More de 2. Cela inclut Courtney Love qui, ce qui est plutôt intéressant, fut il y a bien bien longtemps chanteuse de Faith No More. Kool Moe Dee, pour prendre un autre musicien au hasard, a un nombre de Sabbath de 5, par sa collaboration avec Chuck D de Public Enemy, dont le nombre de Sabbath est de 4 selon le site du nombre de Sabbath.

    Le nombre de Sabbath paraît avoir moins bien pris que ceux d'Erdös et de Bacon (de fait le site hébergeur paraît ne plus être actif), mais j'aimerais proposer ici, pour la première fois, une extension du système Erdös-Bacon au nombre de Sabbath. Peut-on fondre les trois réseaux en apparence disjoints (nerds, stars de cinéma et musiciens) en un seul réseau géant? Oui, si nous pouvons trouver quelqu'un qui 1/ a publié dans un journal de recherche, 2/ déchire en guitare (ou, s'il faut en passer par là, en synthé) et 3/ est suffisamment non moche pour apparaître dans un film.

    Relier Bacon et Sabbath devrait être assez facile — beaucoup de stars de cinéma ont commencé des carrières de musiciens avec des succès variés. Kevin Bacon en est l'un des meilleurs exemples — à ma connaissance, il a un nombre de Sabbath de quatre. De façon plus courante, des musiciens célèbres apparaissent très souvent dans des films. Voici quelques exemples des deux cas, juste pour ouvrir le bal:

    • Steven Seagal. Imaginez ma surprise quand je me suis retrouvé battant la mesure sur une plaisante petite chansonnette bluesy contemporaine à la radio, et que le musicien s'est avéré être Steven Seagal. Oui, le Steven Seagal. Le mec blanc qui louche (comme s'il imitait les dépliants publicitaires antiques et héroïques de la crédibilité des arts martiaux) avec une longue queue de cheval et des gestes d'aïkido dans des successions de films d'action de série B dont les titres ont tous trois syllables (vérifiez, c'est vrai). Il a sorti quelques albums comme chanteur et guitariste qui ont été descendu par la critique (Allmusic.com dit d'un de ses solos de guitare qu'il est "risible"). Mais personne n'a inclus le talent dans le système des nombres d'Erdös-Bacon-Sabbath, à commencer par moi (cf. l'aveu de moi battant la mesure ci-dessus). Sa "carrière" au cinéma et l'ensemble de son "œuvre" musicale lui attribue un nombre de Bacon de 2 et un nombre de Sabbath de 5 pour un nombre de Bacon-Sabbath de 7.

    • Sting. Voilà qui est mieux! Aucune honte à discuter du talent colossal de Sting. (Bien qu'il se pourrait que je me repasse du Seagal avant de réécouter volontairement du Police massivement trop entendu…) Le nombre de Bacon de Sting est 2, par la star John Goodman, et son nombre de Sabbath est également 2, grâce à son partenaire B.J. Cole (qui a joué dans un groupe avec l'ancien membre de Sabbath Glen Hughes). Comme de juste, il surpasse largement Seagal avec un nombre combiné de Bacon-Sabbath de quatre.

    • Mos Def. Le rapper-devenu-acteur Mos Def tourna avec Kevin Bacon dans The Woodsman, lui attribuant le nombre de Bacon convoité de 1, et il possède un nombre de Sabbath de 7, par l'intermédiaire d'une chaîne qui passe par George Clinton et Joe Satriani. Mos Saugrenu.
    Et la liste s'allonge, j'en suis sûr — Keanu Reeves, Juliette Lewis, M. Russel Crowe le-lanceur-de-téléphone-énervé, il y a pléthore d'acteurs qui ont enregistré un disque, autant que de musiciens célèbres qui se sont frayés un chemin jusqu'au grand écran.

    Cependant relier Sabbath à Erdös pourrait être un peu plus difficile. Qui sur la planête pourrait réunir suffisamment de talent pour 1/ enregistrer un album 2/ apparaître dans un film 3/ être publié dans un journal de recherche? Et bien plus, aurait des connections attestées avec Paul Erdös, Kevin Bacon, et Black Sabbath? J'ai la conviction profonde qu'une personne avec un nombre d'Erdös-Bacon-Sabbath non-infini est ipso facto au centre de l'univers. La chose étonnante est qu'il existe quelques esprits aux talents multiples ici-bas ayant atteint un niveau suffisamment élevé dans les trois domaines pour être des détenteurs potentiels de nombres d'Erdös-Bacon-Sabbath. […] Beaucoup de gens se sont lancés dans la fun entreprise d'allonger la liste des nombres d'EBS, et si vous pensez pouvoir y contribuer, faites-nous le savoir.


    1 : bizarre, avec une touche scientifique. Evoque souvent une personnalité introvertie vivant dans son monde.

    2 : preux, vaillant, héroïque, formidable, extraordinaire. Bien, quoi.

    3 : le nom du blog que je traduis.

    Dans les pommes

    Don de sang en entreprise. J'y vais pour découvrir à ma grande surprise que je n'ai pas donné depuis… 1996. Comme le temps passe (j'ai un peu honte).

    Vérification de numération (j'ai structurellement un petit nombre de globules rouges): c'est OK. Je préviens de ne pas tirer trop vite car je me suis sentie mal la dernière fois (la raison sans doute pour laquelle je n'y suis pas retournée, entre grossesse et allaitement).

    Déjeuner au self, cafétéria, je lis les documents destinés à préparer le TG de dogmatique. Papillons noirs et bouffées de chaleur, je déplace le tabouret de bar contre le mur, je m'appuie dos bien droit, je respire lentement. Je me réveille au sol, je ne sais plus où je suis, je rêvais, cela ne ressemble pas à mon lit, à la mine bouleversée de la jolie Asiatique en face de moi je comprends que je suis tombée du haut du tabouret et que cela a dû être spectaculaire, j'ai la lèvre fendue par mes dents et le genou écorché, j'espère que ma robe n'est pas trop remontée dans la chute, je rassure et remercie tout le monde, me rapproche de la table, range mes papiers, respire, vide ma tasse et me réveille une seconde fois au sol.
    Cette fois-ci pas moyen d'y couper, on apelle "la sécurité", fauteuil roulant, je suis embarrassée de me donner en spectacle, il fallait boire beaucoup et ne pas enlever mon bandage qui faisait compression, me dit l'infirmière.
    Je dors deux heures à l'infirmerie et réussis à ne pas me faire ramener chez moi en taxi (j'ai à faire à Paris).

    Il reste la fascination pour ce moment du réveil et l'impossible reconstitution du moment de la perte de connaissance. Aucun souvenir, rien, comme s'il ne s'était rien passé. Impossible à prévenir, puisque foudroyant et imprévisible.

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    Agenda
    Bookcrossing. Restaurant Hôtel du Nord. Thème "les prix littéraires", j'emmène Frédérik Pajak, Manifeste incertain, tome 3.

    Trois dernières pour la route

    Dans les dessins parus ces derniers jours (on remarquera que c'est finalement le texte qui prime: du dessin comme littérature) :


    1/ Un terroriste cagoulé de noir armé d'une kalachnikov entre dans la rédaction en hurlant :
    — Allah Ackbar !
    — Poil aux nibars !
    — Mais tais-toi, tu vois bien que ça ne le fait pas rigoler !
    — Poil au Mahomet !

    NB : Ceux qui connaissent bien Astérix revoient aussitôt Astérix légionnaire.


    2/ Une femme de ménage passe la serpilière dans une flaque de sang.
    Légende : J'essuie Charlie.


    3/ La même, cette fois-ci commentant :
    — Ça me change du sperme, du vomi et du gros rouge.

    Etonnement

    — Je n'ai jamais manifesté de ma vie.
    — Comment ? Mais c'est incroyable !

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Vos yeux changent-ils parfois de couleur ?
    Question embarrassante qui relève de la coquetterie. La réponse est oui: globalement marron, d'un vert "intérieur de grain de raisin" quand il y a beaucoup de soleil.

    2/ Vous rendez-vous souvent
    rarement
    jamais
    sur des îles ?
    L'île de Bréhat en 2005… mais à part ça… que des presqu'îles, finalement.

    3/ Avez-vous déjà été élu ?
    Elue? Déléguée de classe, mais ce fut plutôt une désignation d'office qu'une élection.

    4/ Y a-t-il un événement dans le monde qui a marqué l'année de votre naissance ?
    La guerre des six jours.

    5/ Vous souvenez-vous de la première fois où vous êtes allé à l'étranger ?
    J'étais à l'étranger pour mes premiers souvenirs (à moins que ce soit maintenant que je sois à l'étranger — après tout c'est relatif).

    6/ Y a-t-il des rayons des supermarchés où vous n'allez jamais ?
    Non.

    7/ Si vous étiez acteur, quel rôle voudriez-vous absolument incarner ?
    C'est compliqué. Une biographie d'Ella Maillart serait fun. L'occasion de voir du pays. Ou alors un film sur la vie de Gertrud Bell, pour la faire connaître.

    8/ Vous arrive-t-il
    souvent
    rarement
    jamais
    d'acheter des billets sans retour ?
    Oui — mais pas parce que je ne reviens pas, parce que je reviens par un autre moyen.

    9/ Y a-t-il un endroit du monde où vous êtes sûr de ne jamais aller ?
    Non.

    10/ Y a-t-il un sportif que vous admirez particulièrement ?
    Aujourd'hui, non. Le sport est devenu si décevant, entre l'argent et le dopage. J'essaie de trouver un contre-exemple pour ne pas paraître trop négative mais je n'y arrive pas.
    Le plus bel athlète du monde fut Carl Lewis.

    N'empêche

    Que Charlie hebdo soit l'occasion de prôner d'arborer le drapeau français (lors de la manifestation de demain) et de remercier la police et la gendarmerie et que les assassins de journalistes soient abattus dans une imprimerie ne manque pas de sel.

    Et mon fils qui me dit superstitieuse quand je parle de karma…






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    Agenda
    Le matin cours de droit canonique. Passionnant. "Pour le salut des âmes" avant tout. Protection du "for intérieur".
    Le soir Le Père Noël est une ordure au théâtre. Très drôle.

    Peur sur la ville

    Tandis que le générique défile sur l'écran, nous remettons nos manteaux. Un très vieux monsieur demande à une très vieille dame :
    — Voulez-vous que je vous raccompagne? Il y a des terroristes dehors, il ne faut pas sortir la nuit.
    — Oh non, vous êtes gentil, j'habite dans le quartier, ce n'est pas loin.

    Plus tard je les rattrape au moment où ils se séparent, prenant la rue des Ecoles en sens opposés.
    — Bonne soirée, qu'elle soit plus légère que ce film!, dit la vieille dame.

    Cela ne devrait pas être difficile d'être plus gai que La femme d'à côté.

    Les morts

    - Charb, de son vrai nom Stéphane Charbonnier, 47 ans, dessinateur, directeur de la publication de Charlie Hebdo.
    - Cabu, de son vrai nom Jean Cabut, 76 ans, dessinateur, pilier de Charlie Hebdo et du Canard enchaîné, ancien du journal Hara-Kiri, l’ancêtre de Charlie Hebdo (ainsi nommé en référence à Charles de Gaulle, dont la mort provoqua l'interdiction d'Hara-Kiri qui avait titré "Bal tragique à Colombey: un mort" (légende ou réalité? quelle importance? En revanche cela souligne bien l'évolution de la société française en ce qui concerne la censure)).
    - Georges Wolinski, 80 ans, dessinateur, membre de la bande d’Hara-Kiri dans les années 1960 puis pilier de Charlie Hebdo.
    - Tignous, de son vrai nom Bernard Verlhac, 57 ans, dessinateur, pilier de Charlie Hebdo et de Fluide glacial.
    - Bernard Maris, alias «Oncle Bernard», 68 ans, économiste, chroniqueur à Charlie Hebdo et sur France Inter.
    - Honoré, (prénom Philippe), 73 ans, dessinateur à Charlie Hebdo.
    - Michel Renaud, fondateur du "Rendez-vous du carnet de voyage" de Clermont-Ferrand, ex-directeur de cabinet du maire de la capitale auvergnate.
    - Franck Brinsolaro, 49 ans, policier du service de la protection (SDLP), affecté à la protection de Charb.
    - Ahmed Merabet, 42 ans, policier, membre de la brigade VTT du commissariat du XIe arrondissement.
    - Mustapha Ourrad, correcteur.
    - Frédéric Boisseau, agent d'entretien.
    - Elsa Cayat, psychanalyste et chroniqueuse.

    Mise au point

    Je soutiens les musulmans, les musulmans «convaincus et pacifiques», comme dirait Monseigneur Dubost.

    Je ne les soutiens pas dans une sorte de naïveté irénique du type «Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil». Je les soutiens par intérêt bien compris.

    De même qu'en soutenant le droit des homosexuels à se marier, je soutenais le droit des femmes de ne pas être restreintes à la procréation (culture contre nature), de même en soutenant les musulmans dans leur droit à vivre leur religion dans le cadre des lois françaises je soutiens mon propre droit à vivre ma religion.

    Car de «tous les musulmans sont de dangereux fanatiques», on passe assez vite à «tous les croyants sont de dangereux fanatiques».

    Non.

    Chez le coiffeur

    Il est deux heures moins dix, il ne reste que moi dans le salon, "ma" coiffeuse me coupe paresseusement quelques mèches. Elle s'adresse à l'autre (la troisième est partie faire les courses):
    — Tu ne veux pas mettre la radio? Il paraît qu'il y a eu un attentat, j'ai entendu un bruit qui disait ça…
    — La radio ne marche plus, c'est pour ça qu'il y a de la musique…

    Elle sort son téléphone, cherche, lit en ânnonant imperceptiblement: «Une fusillade à Charlie hebdo… douze morts…»
    Je suis abasourdie: — Douze morts ?!!
    Je n'y crois pas.
    Elle continue : — ce doit être un théâtre… il parle de théâtre…
    Tout cela est tellement irréel qu'elle parvient à me faire douter: — Non, c'est un journal.
    — Ah oui, ce sont les blessés qu'ils ont emmené dans un théâtre…
    — Vous ne connaissez pas Charlie hebdo?
    — Euh… non…

    Alors j'explique, le dessinateur danois, la reprise des dessins, les menaces, déjà une bombe. Je fais simple, mais je me dis qu'il faut qu'elles comprennent avant d'écouter la presse, Dieu sait comment tout cela va être présenté:
    — C'était des dessins, bon, pas toujours très fins, parfois lourdingues, mais bon, que des dessins…

    Je rentre au bureau, prends mon téléphone, regarde twitter.
    Charb, Wolinski, Cabu, Tignous.
    Ça n'a aucun sens. Cabu et Wolinski martyrs. Absurde. Ça les aurait bien fait rigoler.


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    Grande émotion dans le pays ce soir, grande solidarité. Rassurant. Consolant. Mais quel choc. Tuer les clowns. Ils tuent les clowns. Mais quels cons.

    Modération

    Entendu dans le couloir :

    — Bonne Année, bonne santé !
    — Oui, et un peu de bonheur.

    Quelques explications

    Il s'agissait de cadets. Ils ont hésité trois secondes, un ordre, un contrordre, et ils ont heurté le duc d'Albe (qui signale une pile de pont : l'hésitation portait sur la façon de passer sous le pont : à droite ou à gauche de la pile? (je rappelle qu'il n'y a pas de barreur dans un quatre de couple, et qu'on "recule" à l'aviron: il faut se retourner pour vérifier où l'on va)).

    (Cela m'a rappelé «le doute profite à la nature» (phrase à laquelle je pense désormais en lisant Conrad) qui n'est pas loin de la conclusion de Bonhoeffer : mieux vaut agir et se tromper que ne rien faire.)

    Les enfants ont été sortis de l'eau quasi immédiatement car le canot moteur de l'entraîneur arrivait.

    Le bateau coûte environ quinze mille euros, l'assurance devrait rembourser la moitié.

    Bonnes résolutions

    - ne jamais commenter de cinéma sur FB
    - FB toujours : ne jamais commenter un article sans l'avoir lu intégralement
    Toute personne lisant ces lignes est encouragée à me rappeler ces résolutions sur FB si j'y faillis.

    - lire les Evangiles en allemand
    - lire Ricœur (commencer à)
    - lire Balzac (commencer à)

    Choc et frustration

    Sur la page du club je découvre L'impromptu coupé en deux.


    2015-0102-impromptu-en-deux.jpg



    Je sens la colère qui monte. Les "loisirs" n'avaient droit de monter que dans trois quatre, et celui-ci était de loin le meilleur. J'espère que cet accident n'est pas dû à un non-respect des règles, mais simplement à la malchance (que le bateau ait été ainsi en travers est étrange. Peut-être a-t-il été "rabattu" par une péniche? Le courant est très rapide en ce moment).
    NB : apparemment, c'est arrivé ce jour-là.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Connaissez-vous votre groupe sanguin ?
    Oui oui. Voir ici.

    2/ Quelle est votre chanson d'amour préférée ?
    Celle qui dit : «les mots des pauvres gens, ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid» (c'est très précisément ces mots que j'aime. Pour le reste, elle est, je m'en rends compte en la relisant, en complète contradiction avec la réponse 8 — ou en complète résonance).

    3/ Vous arrive-t-il d'être gêné par vos voisins ?
    Non, sauf quand il y en a un qui pète les plombs. Nous avons même plutôt eu, en vingt-cinq ans, de très bons voisins.

    4/ Avez-vous déjà fait quelque chose par vengeance ?
    J'imagine que oui. Je suis sûre d'avoir eu des désirs de vengeance, mais suis-je passée à l'action? Aucun souvenir ne me vient à brûle-pourpoint. Cela provient de la conviction qu'une vengeance me portera davantage préjudice qu'à ma victime, que ce serait faire trop d'honneur à la personne dont je souhaiterais me venger que de m'abaisser à cela… (En fait je suis d'un orgueil épouvantable.)
    Et puis je crois au karma: "si tu t'asseois au bord de la rivière, tu verras passer le corps de ton ennemi".

    5/ Si vous recevez des cadeaux qui ne vous plaisent pas, qu'en faites-vous ?
    Je les roffre, je les donne, je les vends (très pratique quand les enfants étaient petits, la kermesse de l'école).

    6/ Dites-vous
    souvent
    rarement
    jamais
    "Je ne l'ai pas fait exprès" ?
    Je n'ai pas dit ça depuis… mes cinq ans? Ou peut-être que oui, mais en cas de dénouement favorable, genre poser la bonne carte sur un tour de belote ?

    7/ Pourquoi (n') aimez-vous (pas) voyager ?
    J'aime voyager par ivresse de connaître, parce que j'ai passé mon enfance dans un triangle Blois-Vierzon-Bourges, parce que le monde est beau, et qu'il faut vérifier que les livres ne mentent pas, ni les films, et que «Regarde de tous tes yeux, regarde!»

    8/ Comment vous consolez-vous d'un chagrin ?
    J'attends qu'il s'amortisse. Il n'y a rien à faire. Et je ne crois pas (plus) qu'on guérisse d'un chagrin, et je trouve cela très rassurant. Cela veut dire que l'objet du chagrin nous tenait vraiment à cœur.
    C'est une idée très forte que j'ai trouvé parfaitement exprimée, mais dans le cas inverse (la disparition du chagrin), dans L'Inauguration de la salle des Vents (premier extrait du billet): «tant qu'tu souffrais tu r'grettais quèque chose, c'est ben qu'y avait quèque chose à r'gretter, tandis que là putain si t'as plus mal c'est qu'tu r'grettes rien, et si tu r'grettes rien c'est qu'y avait rien, c'est qu'y a rien eu, niente, nada, ouallou, que dalle (et ça putain c'est ça qui fait mal…).»

    9/ Avez-vous déjà écrit quelque chose sur votre main afin de ne pas l'oublier ?
    Oui, très souvent, c'est un premier réflexe (smiley).

    10/ Quelle est votre manière préférée de manger des oeufs ?
    Brouillés.

    Films vus en 2015

    2 janvier - James Gunn, Les Gardiens de la Galaxie, 2014. C'est vraiment le Cape et d'épée contemporain. Décors so Valérian.

    3 janvier - François Truffaut, L'Histoire d'Adèle H., 1976.

    9 janvier - en salle - François Truffaut, La femme d'à côté, 1981.

    11 janvier - François Truffaut, La Mariée était en noir, 1968.

    Robert Zemeckis, Retour vers le futur 1, 1985. En famille.

    13 janvier - en salle - François Truffaut, La Peau douce, 1964.

    14 janvier - en salle - Damián Szifron, Les Nouveaux Sauvages, 2015. Tempo particulier des films argentins, comme s'ils ne respiraient pas à la même vitesse.

    17 janvier - Robert Zemeckis, Retour vers le futur 2, 1989. En famille.

    20 janvier - en salle - Tim Heidecker et Eric Wareheim, Tim and Eric's Billion Dollar Movie, 2011

    21 janvier - Sydney Pollack, L'ombre d'un soupçon, 1999. Difficile de faire plus ennuyant.

    22 janvier - J. J. Abrams, Super 8, 2011. Film archi connu pour bricoler en même temps. Elle Faning est née en 1998!

    23 janvier - Tom Savini, La nuit des morts-vivants, 1990.
    - Francis Palluau, Bienvenue chez les Rozes, 2003. Ce film me fait beaucoup rire.
    - Billy Wilder, Sabrina, 1954.

    24 janvier - Gary Fleder, Le Maître du jeu, 2003.
    - Robert Aldrich, Les douze salopards, 1967.

    25 janvier - Claude Chabrol, Poulet au vinaigre, 2005. Ce film m'ennuie. Voir Pauline Lafont est à jamais un crève-cœur.

    28 janvier - en salle - Jean-Paul Rouve, Les souvenirs, 2014.
    - Robert Zemeckis, Retour vers le futur 3, 1990. en bricolant, pas vraiment regardé. Un peu perdue, trop longtemps qu'on a vu le 2.

    29 janvier - John Schlesinger, Marathon Man, 1976.

    6 février - en salle - J. C. Chandor, A Most Violent Year, 2014.

    13 février - en salle - Morten Tyldum, The Imitation Game, 2014. Décevant.

    15 février - Georges Lautner, Les Tontons flingueurs, 1963. Baptiste ne l'avait jamais vu.

    18 février - en salle - Gus van Sant, Prête à tout, 1995. La grand-mère de Gone Girl.

    28 février - Michel Gondry, Conversation animée avec Noam Chomsky, 2014. J'aurais préféré un interview classique avec Chomsky dans un fauteuil.

    7 mars - en salle - Alejandro González Iñárritu, Birdman, 2015. Barthes cité. Holywwod-cinéma-fric /Broadway-théâtre-art. Une opposition trop américaine pour vraiment m'intéresser. Mais c'est joliment givré et c'est peut-être aussi une réflexion sur la vieillesse (le fait de vieillir).

    14 mars - en salle - Vincent Garenq, L'enquête, 2015. Une bonne surprise.

    21 mars - en salle - Damien Chazelle, Whiplash, 2015. Sans grand intérêt. Avec les D. pour les vingt ans de Guillaume.

    28 mars - en salle - Tim Burton, Big Eyes, 2015. Il ne reste pas grand chose de la patte Tim Burton dans ce film, cela ressemble à Dans l'ombre de Mary. Un nouveau goût holywoodien pour les yeux exhorbités (cf Birdman).
    - J.J. Abrams, Mission impossible III, 2006. L'histoire est faiblarde, le reste classique. Belles images de Shangaï

    2 avril - Doug Liman, Edge of tomorrow, en bricolant, en bloguant (je l'ai vu trois ou quatre fois). Je n'arrive pas à écrire le 27 mars.

    4 avril - en salle - Un homme idéal, 2015. Prenant, malgré mon peu d'appétence pour ces demeures luxueuses qu'on se sent obligé de nous présenter. Un air anglais.

    5 avril - The Big Bang Theory saison 6, 1 à 3

    6 avril - Michel Munz, Gérard Bitton, Erreur de la banque en votre faveur. 2008. Mériterait d'être plus connu, dans le genre film sans prétention mettant en évidence des dysfonctionnements que nous connaissons sans avoir envie de trop y réféchir. «Les gens comme nous savent que cent millions d'euros permettent juste d'en gagner deux cents de plus», tandis que quelques dizaines de milliers permettent de payer des vacances, une chambre pour le benjamin ou une place en maison de retraite.

    11 avril - en salle - Glenn Ficarra et John Requa, Diversion, 2015. C'est lent, c'est creux, c'est nul. C'était vraiment pour faire plaisir à Antoine. Le seul intérêt du film est de constater la traduction de "Focus" par "Diversion", qui est une bonne traduction.

    15 avril - en salle - Umberto Pasolini, Une belle vie, 2015. Je regrette qu'ils n'aient pas eu le courage de traduire Still Life par Nature morte.
    - Mike Nichols, La guerre selon Charlie Wilson, 2007. Ce qui manque à toutes les guerres américaines depuis 1945, c'est un plan Marshall.

    21 avril - Steven Spielberg, La guerre des mondes, 2005 : comme d'habitude, un film déjà vu pour faire autre chose devant — ici, bloguer.

    25 avril - en salle - Joss Whedon, Avengers 2, 2015. Pas d'histoire, beaucoup de psy, des combats trop brouillons pour être suivis à l'œil…
    - Anthony et Joe Russo - Captain America 2. Le soldat de l'hiver, 2014, pour en regarder un bon après le nul de l'après-midi.
    - The Big Bang Theory saison 6, 4 à 6

    26 avril The Big Bang Theory saison 6, 7 à 10

    1 mai - Steve McQueen, Hunger, 2008
    - Clint Eastwood, Mémoires de nos pères, 2006

    2 mai - en salle - Pierre Jolivet, Jamais de la vie, 2014

    7 mai - en salle - Richard Berry, Nos femmes, 2015. Plaisant mais poussif, poussif mais plaisant.

    8 mai - en salle - Giulio Ricciarelli, Le Labyrinthe du silence, 2015. A voir.

    10 mai - The Big Bang Theory saison 6, 7 à ??. Très drôle. Ils arrivent encore/toujours à se renouveler

    21 mai - The Big Bang Theory saison 6 suite

    22 mai - The Big Bang Theory saison 6 fin

    29 mai - en salle - Brad Peyton, San Andreas, 2015. En voyant la fin, j'ai pensé à la Louisiane et Katharina… Il vaut sans doute mieux habiter la côte Ouest que la Louisiane.

    29 mai - George Miller, Mad Max, 1979.

    ?? - George Miller, Mad Max II, 1981.

    13 juin - George Miller, Mad Max III, 1985. Bien nul.

    25 juin - Steven Spielberg, Jurassic Park, 1993. Extraordinaire comme on reconnaît la "patte" Spielberg. La scène finale dans la cuisine est celle de la cave dans La guerre des mondes.

    16 juin - en salle - Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse, 2015. Je me suis beaucoup ennuyée, même si certaines scènes recoupent mon expérience. Sans doute ce genre de films me donne trop envie de hurler contre moi-même pour que je puisse les apprécier.

    30 juin - en salle - George Miller, Mad Max, Fury Road, 2015. Magnifique. Images somptueuses sorties de BD SF, bande-son extraordinaire.

    2 juillet - en salle - Alan Taylor, Terminator, Genisys, 2015. Sans intérêt.

    3 juillet - en salle - George Miller, Mad Max, Fury Road, 2015. avec Hervé.

    ?? juillet - en salle - George Miller, Mad Max, Fury Road, 2015. Une envie de le revoir, encore. Pour le visage de madone de Charlize Theron.

    16 juillet - en salle - Till Kleinert, Der Samouraï, 2015. Navet prétentieux et gore.

    20 juillet - en salle - Jean-Luc Godard, Une femme est une femme, 1961.

    21 juillet - en salle - Luchino Visconti, Rocco et ses frères, 1960. Copie restaurée + scènes censurées lors de sa sortie. Christique.

    ?? juillet - Howard Hawks, Les hommes préfèrent les blondes, 1953. Je n'aime pas la voix d'enfant et les minauderies de Marilyn Monroe.

    29 juillet - Wes Anderson, The Grand Hotel Budapest, 2014. Avec Olivier opéré des dents de sagesse le matin même.

    30 juillet - Donald Petrie, Miss Detective, 2000. Pour détendre O. avec une bêtise. J'aime bien ce film, il est plein de bons sentiments, des bons sentiments pleins de bon sens.

    2 août - Danny Boyle, Petits meurtres entre amis, 1994. Avec Olivier qui me voit désemparée devant la maison soudain vide.

    4 août - Denys de La Patellière, Un taxi pour Tobrouk, 1961. Avec Olivier qui ne l'avait jamais vu. En repassant.

    6 août - en salle - Alberto Rodriguez, La Isla Minima, 2014. Avec Hervé. Bien.

    7 août - en salle - King Hu, A Touch of Zen, 1971. Avec Hervé, Olivier et Isabelle. a dû inspirer Kung Fu Panda.

    10 août - en salle - Asif Kapadia, Amy, 2015. Avec Olivier. Désespérant.

    11 août - Coline Serreau, La Crise, 1992. Avec Olivier. N'a pas pris une ride.

    12 août - Aki Kaurismaki, Leningrad Cowboys Go America, 1989. Avec Olivier qui a beaucoup aimé.

    13 août - Tim Burton, Les Noces funèbres, 2004. Avec Olivier et Isabelle.

    15 août - en salle - J.J.Abrams, Mission Impossible IV, 2015. Avec Hervé, Olivier, Claude. Dans les normes.

    16 août - en salle - Deniz Gamze Ergüven, Mustang, 2015. Hervé, Olivier, Isabelle. Il faut le voir.

    18 août - les frères Coen, O'Brother, 20009. Hervé et Olivier qui ne l'avait jamais vu.

    19 août - William Wyler, Comment voler un million de dollars, 1966. Hervé et Olivier.

    20 août - Ettore Scola, Qu'il est étrange de s'appeler Federico , 2013. Hervé et Olivier. Décevant.

    24 août - Tim Burton, Sweeney Todd, 2007. Gore. Il ne se passe pas grand chose, en réalité. Court conte allongé par les chansons.
    puis (après avoir appris l'accident d'A.) Hal Needham, Cannonball, 1981.

    24 août - en salle - William Friedkin, The French Connection, 1971. Etrange construction. Je ne pense pas qu'on oserait aujourd'hui tourner un film ainsi.

    25 août - James Mangold, Knight and Day, 2010. Très bien, mignon.

    26 août - Alfred Hitchcock, L'inconnu du Nord-express, 1951.

    27 août - The Big Bang Theory saison 7, 1 à 5. L'ordinateur branché sur grand écran.

    31 août - Jean-Pierre Améris, Une famille à louer, 2015. Mignon. Creux mais mignon. Structure du conte où chacun doit découvrir (surprendre) l'autre dans tous ses états.

    11 septembre - John Sturges, Règlements de comptes à OK Corral, 1957.

    12 septembre - Curtis Hanson, In her shoes, 2005. Plus intéressant que je n'aurais cru. Je croyais à une variation sur Dans la peau d'une blonde, c'est en fait l'histoire du lien entre deux sœurs soudées.

    12 septembre - Jaco van Dormael, Le tout Nouveau Testament, 2015.

    12 septembre - Neil Jordan, début d'Entretien avec un vampire, 1994. Je m'ennuie un peu. Trop répétitif. Nous arrêtons au milieu.

    13 septembre - Sidney Pollack, L'interprète, 2005.

    3 octobre - en salle - Guy Ritchie, U.N.C.L.E.

    4 octobre - en salle - U.N.C.L.E.

    ?? octobre - True detective, 1,2- noir

    10 octobre - en salle L'étudiante et M. Henri
    True detective, 3, 4, 5

    11 octobre - True detective, fin

    16 octobre - Citizen four

    23 octobre - en salle - Le nouveau stagiaire et U.N.C.L.E.

    24 octobre - en salle - Ridley Scott, Blade Runner

    25 octobre - Le jour d'après, Indian Palace, Independance day, San Andrea

    30 octobre - Yórgos Lánthimos, The Lobster, 2015. Une horreur. Orwellien, oui, "ne le faites pas à moi, mais à elle".

    Trop de nanars. Adieu Berthe, Si j'étais riche, Spectre, Le Labyrinthe I, Le Labyrinthe II (la terre brûlée), Shutter Island, Ghost writer, À bord du Darjeeling Limited (très décevant)

    J'ai perdu le fil. Le Pont aux espions, le dernier Star Wars, le dernier James Bond. Tant pis. J'ai regardé trop de films cette année, perdu trop de temps. Je rends ma carte UGC en janvier.

    Livres lus en 2015

    - 2 janvier - Balzac, L'Auberge rouge, Pléiade tome XI. Le début : humour; la fin : question de morale.
    - 6 janvier - Mgr Michel Dubost, Catholiques - Musulmans, une fraternité critique, Médiapaul 2014. Destiné aux catholiques hostiles au dialogue.
    - 8 janvier - Marie Ndiaye, Trois femmes puissantes, Gallimard 2009. Très bon. Vraiment très bon, un style chaud, plein. Question: y a-t-il ainsi toujours des oiseaux dans ses livres, ou est-ce un hasard que les deux que j'ai lus parlent d'oiseau?
    - 9 janvier - Stendhal , La chartreuse de Parme
    - 13 janvier - Frédéric Pajak, Manifeste incertain 3, 2014, éditions Noir sur Blanc
    - 26 janvier - Thomas Bernhard, Mes prix littéraires, 2010, Gallimard
    - 29 janvier - Jean Giono, Un roi sans divertissement, 1948, Folio

    - 2 février - Michel Richard, Le Mariage des enfants, 2014, Fayard. Amusant, intéressant.
    - 10 février - Ludmila Oulitskaïa, Sincèrement vôtre, Chourik, 2006, Folio. Bizarre. Pas désagréable mais ne va nulle part.
    - 23 février - Honoré de Balzac, Les Chouans, 1829. Pléiade tome VIII

    - 9 mars - Jean-Philippe Blondel, Un hiver à Paris, 2015, Buchet-Chastel. Offert par Caroline. Suffisamment de points communs biographiques pour que ce soit douloureux. Cela a assombri mon humeur pour le week-end. Dieu que j'aurai aimé l'hypokhâgne et combien mes camarades m'auront déçue.
    - 12 mars - Balzac. La maison du Chat-qui-pelote, 1829. Pléiade tome I. Augustine. Pour la première fois je prends conscience de l'ironie de Balzac dans certaines descriptions. Quelque chose du futur Flaubert dans les remarques des parents, vers la fin.
    - 13 mars - Balzac. Le Bal de Sceaux, 1829. Pléiade tome I. Emilie et Maximilien. Nous sommes toujours mis à l'épreuve de nos principes, cela s'illustre souvent. Il suffit d'énoncer une phrase du type «Jamais je ne…» pour qu'aussitôt se présente une occasion de tester le principe émis. Constitue avec le livre précédent, un diptyque moral à lire à l'école. Oncle/nièce, n'est-ce pas un inceste?
    - 15 mars - Balzac. La Vendetta, 1829. Pléiade tome I. L'introduction est impressionnante par ses recoupements biographiques.
    - 18 mars - Les épîtres de Saint Paul à Timothée et à Tite. Bible de Jérusalem en fascicule, 1951, Cerf. L'introduction soutient l'authenticité de ses lettres, les arguments sont intéressants. Ce sont des lettres pleines d'adjectifs.
    - 21 mars - Marcel Proust, La Prisonnière, Pléiade t3, Clarac. Le narrateur est un con.

    - 8 avril - Imre Kertész, L'Ultime Auberge, Actes Sud 2015.
    - 11 avril - Epître de Saint Paul aux Colossiens. Bible de Jérusalem en fascicule, 1951, Cerf.
    - 19 avril - Donald Westlake, Les sentiers du désastre, 2008, coll Rivages/ Noir. Terminé entre quatre et six heures du matin, insomnies.
    - 23 avril - Mark Z. Danielewski, La maison des feuilles, Denoël, 2002
    - 24 avril - Yu Zhang, Ripoux à Zhengzhou, 2004, Picquier

    - 18 mai - Pramoedya-Ananta Toer, Le Fugitif, 1990, Plon
    - 28 mai - Adriaan Van Dis, Tête à crack, 2014, Actes Sud. A lire

    - 7 juin - J. Hadley Chase, Pas d'orchidées pour Miss Blandish, 1946, Série noire
    - 10 juin - Lu Wenfu, Vie et passion d'un gastronome chinois, 1996, éd Philippe Picquier
    - 11 juin - Pierre Benoit, Pour Don Carlos, 1920, le livre de Poche

    - 1 juillet - Anne Finne, Dans un jardin anglais. Récupéré chez Matoo. Déçue, très schématique, ne se donne pas la peine d'être crédible ni compréhensible.
    - 9 juillet - Valentin Retz, Noir profond. Conte fantastique. Je n'en ai pas compris la visée. Manque de transitions.

    - 8 août - Vladimir Nabokov, Ada ou l'Ardeur. Je me suis ennuyée par moments.
    - 12 août - La Genèse. BJ en fascicule, Cerf. Je ne me souvenais ni de l'astuce de Jacob pour avoir des chèvres tachetées (manipulation génétique!) ni de ses bénédictions de la fin. Le silence d'Isaac incapable de bénir Esaü est terrible.
    - 26 août - Scott Peck, Le chemin le moins fréquenté. Relecture pour vérification avant de l'offrir.
    - 28 août - Tadeusz Konwincki, Le Complexe polonais, 1988.

    - 9 septembre - David Lodge, Un tout petit monde, 1984.
    - 12 septembre - Robert Seethaler, Le Tabac Tresniek, 2012 (2014 chez Sabine Wespieren).

    - octobre - Christine Pedotti, La Bataille du Vatican, Plon, 2012
    - 23 octobre - José Rodrigues Dos Santos, L'ultime secret du Christ, Hc Editions, 2013
    - 30 octobre - Marcel Proust, La Fugitive

    - 4 novembre - Olga Tokarczuk, Sur les ossements des morts, Noir et blanc, 2012. Sans grand intérêt policier, une intéressante variation sur la folie. Un policier écologique.
    - 10 novembre - Robert Musil, Les désarrois de l'élève Törless, Point Seuil
    - 22 novembre - Steven Nadler, Le philosophe, le prêtre et le peintre, Alma Editeur, 20152. Biographie dans les grandes lignes et présentation des idées de Descartes. Plaisant.
    - 23 novembre - Patrick Chauvet, Joie du pécheur pardonné, Parole et Silence, 2015

    - 12 décembre - Janet Soskice, Les aventurières du Sinaï, Jean-Claude Lattès, 2010. Un livre d'histoire, pour donner des bases en philiologie, linguistique, exégèse, civilisation anglaise (écossaise).
    - 15 décembre - Thomas Bernhard, Goethe mheurt. Folio. L'énergie furieuse de Bernhart me remplit d'admiration, comment fait-on pour écrire ainsi, avancer sur place en flambant? Ce livre-ci me laisse mal à l'aise, je ne sais à quel niveau le lire.
    - 18 décembre - Michel Houellebecq, Soumission. Accablant par son aboulie, bien que non sans ironie.
    - 20 décembre - Jane Sautière, Dressing. Bel exercice de style, mais pas vraiment mon genre.
    - 30 décembre - Franz Wizner - Honeymoon with my brother

    Repas

    — Sans moi vous n'auriez pas eu de dinde.
    — Mais avec toi, on était sûr d'en avoir une.

    Discussion en attendant les beaux-parents en retard alors que la dinde se dessèche dans le four

    — Tu sais que 2015 est une année particulière ?
    — A ton sourire je devine que tu veux parler de sa décomposition en binaire.
    — Oui. C'est aussi 3737 en octal.
    — …
    — et 37 est le premier nombre premier non régulier.
    — Ah ? Il existe des nombres premiers réguliers ?
    — Oui, cela dépend des nombres de Bernouilli, mais c'est un peu difficile de t'expliquer comme ça, c'est une suite, les nombres de Bernouilli ont été définis pour démontrer que le théorème de Fermat s'applique aux nombres premiers (à l'époque où l'on n'avait pas encore la démonstration générale).
    (Etc.)

    (Je me souviens qu'il existe un nombre infini de nombres premiers irréguliers mais que cela n'est pas démontré pour les nombres premiers réguliers. A vrai dire je n'y comprends pas grand chose, mais je ne savais pas que l'on avait trouvé des régularités aux nombres premiers. C'est plus que largement au-dessus de mon niveau, mais me parler de nombres, c'est comme me parler d'étoiles, ça me fait rêver.)

    (Et pour ceux que cela intéresse, la dinde n'était pas sèche, finalement).

    Rien

    Aucun point saillant dans cette année. Repos ou "consolidation", si l'on veut être positif.



    La découverte que je pouvais être malade de chagrin, au sens propre, ce qui est bien rassurant sur moi-même.

    Diagnostic

    Clément suggère que les étouffements qui me prennent après les repas sont peut-être dus à une allergie. Pas con.
    (Impossible de me souvenir du moment où cela a commencé: il y a un mois environ?)

    Résumé

    - le 24 : finalement messe à 23 heures (seule).
    - le 25 : chez mes parents. Très beau soleil. Scrabble (je suis nulle) et triomino (un peu mieux).
    (Ah si, très important : j'apprends que ma fille souhaite hériter de TOUS mes livres et que le petit dernier lui disputera les Pléiade.)
    - le 26 : chez ma tante. Elle se pose à peu près les mêmes questions que moi sur ses cheveux blancs (mais elle est née en 1941).
    - le 27 : retour. Le soir Les mondes de Ralph, très bon.
    - le 28 : je ne sais plus. Pas ramé, sommeil, trop froid. Rangement et ménage, un peu. Hervé passe mon Mac sur Yosemite. Dur, dur. Je finis Le détroit de Behring et continue la mise en note de L'Eglise de Congar. Fastidieux.
    - le 29 : Hubert le matin. Sous tension.

    Endurance

    Un séjour chez mes parents et ma tante me permet de découvrir Money drop.

    Après une question sur les poux (une femelle peut pondre jusqu'à dix œufs par jour), la présentatrice précise que le pou mâle peut satisfaire jusqu'à dix-huit femelles de suite:
    — Ça c'est du mâle Alpha ! s'exclame Olivier qui en paraît enchanté.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui. Mais j'ai du mal à me coucher depuis quelques temps, je ne respire plus, poumons diminués.

    2/ Je suppose que oui. Mais répondre réaliste serait tout aussi vrai. Les deux. ("Soyez réaliste, demandez l'impossible" : voilà.)

    3/ La fille aux yeux d'or.

    4/ Non. C'est trop compliqué, cela demande de penser à trop de détails. Cela m'effraie.

    5/ Ah. Pour moi ce sont deux noms pour la même chose : le hasard comme signe du destin…

    6/ Non. Des cris de guerre selon les circonstances. "Osons !" selon un ancien collègue, et "Rien de sérieux sans silence".

    7/ Oui. J'ai toujours été convaincue que oui. Mais cependant "têtue", "insolente", etc.

    8/ Régulièrement, mais pas à la télé quand elles passent : en achetant ou empruntant les DVD.

    9/ Non. Idéalement, ce n'est pas moi qui m'en occupe!

    10/ Hier (je réponds mercredi 31 décembre 14) : la main des commissaires aux comptes.

    Berry Christmas

    (Pas taper! C'est la publicité en quatrième de couverture d'un hors-série du Berry républicain.)
    Le fils de Kate Middleton et du prince William hérite d'Aubigny

    Dès sa naissance, le 22 juillet 2013, George*, le premier enfant de Kate Middleton et du prince William est devenu le Stuart Little d'Aubigny-sur-Nère (comprendre: le petit Stuart). C'est sa grand-mère, Lady Diana, qui fait le lien avec le Berry, car elle était une descendante directe de Charles Lennox Richmond, le fils que Louise de Kéroual, duchesse de Portsmouth et d'Aubigny, eut avec Charles II Stuart, roi d'Angleterre et d'Ecosse. La branche des Lennox a embrassé celle de la duchesse de Portsmouthe en 1672 avant delle des Gordon-Lennox puis des Bongham au XIXe siècle. Les Hamilton sont arrivés aux Spencer via Albert, Edward, John en 1897. Puis les Burke-Roche leur ont permis de parvenir jusqu'à Diane Spencer et à Charles Windsor puis à William et enfin George. A Aubigny, à deux pas du château des Stuarts, les jardins de la duchesse de Portsmouth, Louise de Kéroual, permettent une méditation royale sur l'entrelacement du passé et du présent.

    Berry secret, hors-série du Berry républicain, p.140





    * : De son titre complet : Son Altesse Royale le prince George Alexander Louis de Cambridge. Il est, en tant que membre de la famille royale d'Angleterre, prince du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

    Avant Noël

    Matinée loin d'internet pour tenter d'en finir désespérément avec cette dissert de philo que je n'écrirai jamais, je crois. Enfin, le plan est fait. «Nous fuyons ce qui est important». Je ne vais tout de même pas rater ce cursus pour une dissert de philo, après une en exégèse et une en théologie? Eh bien il se pourrait que si. (Mais non. «Essaie encore, petit scarabée.»)

    Derniers cadeaux de Noël. Il reste l'engrais pour les orchidées à aller chercher. Claude revient demain, mais qu'allons-nous faire demain soir, avec les tendances intolérantes de plus en plus prononcées d'Hervé? C'est stupide, nous devrions être en famille (élargie), la seule fois où nous avons manqué à cette règle a été d'une profonde tristesse (il y a longtemps, plus de quinze ans). En famille ou à l'église (ou les deux), sinon ce n'est pas Noël (ou rien, ce qui est aussi une possibilité. Plutôt rien qu'une pure fête de la consommation).

    22 décembre

    Retour au bureau pour une journée: il ne me reste que deux jours de congé puisque je suis allée à Liège; je n'ai plus de quoi m'absenter toute la semaine (l'entreprise est fermée le 26).

    Passage à la boutique du Louvre pour un cadeau pour ma sœur (j'aime beaucoup leurs étoles et carrés de soie). Je constate que les rayons livres et objets ont été inversés, les livres sont désormais au premier étage (mais qu'en déduire?). J'erre entre les piles, je passe un long moment devant des "horloges de table" entièrement mécaniques, dont une en bois. Elles me fascinent. A la caisse, l'homme devant moi au look un peu clodo tient Grammaire des jardins. Sa fille de huit ans lui demande: «Tu vas le lire?» Il répond avec sérieux: «Probablement».

    J'ai fini la biographie de Bonhoeffer par Metaxas. Je suis frappée des points communs entre son attitude et celle d'Etty Hillesum à la fin de leurs vies. La même lumière, la même joie.

    Eaux brunes

    Impossible de ramer la semaine dernière pour cause de brouillard.
    Aujourd'hui, le courant est rapide et le niveau de la Seine a beaucoup monté. L'eau est brun sale et charrie beaucoup de déchets, à commencer par des débris végétaux, branches et troncs, dangereux pour nos coques. Les péniches semblent dévaler la Seine comme les enfants une pente: «Normal, explique quelqu'un, il faut qu'elles aillent plus vite que le courant pour être manœuvrables.» Mais oui, c'est évident, c'est une question de physique.
    Je contemple les arbres et me dis que j'ai été absente trop de week-ends: je n'ai pas vu la dernière chute de feuilles.

    Monté la crèche, décoré le sapin.

    Je continue mes notes sur L'Eglise de Congar. Livre aride, technique, dont le titre complet devrait être quelque chose comme L'évolution de l'idée d'Eglise à travers deux mille ans de christianisme. Exemple : le détournement de la pensée de Gélase:
    «Il existe en effet deux instances par la primatie desquelles le monde est régi: l'autorité sacrée des pontifes et le pouvoir royal. En cela, la charge des évêques est d'autant plus importante qu'ils auront à répondre, au tribunal de Dieu, pour les rois eux-mêmes» «Duo quippe sunt, imperator auguste, quibus principaliter mundus hic regitur: auctoritas sacra pontificum et regalis potestas. In quibus tanto gravius est pondus sacerdotum, quanto etiam pro ipsis regibus hominum (domino?) in divino reddituri sunt examine rationem.»

    Yves Congar, L'Eglise, p.32-33 (Cerf, 1970)
    Au VIIIe et IXe siècles, cette citation est reprise dans un autre contexte:
    Le Christ est à la fois prêtre et roi, selon le type biblique de Melchisédech. […] C'est pourquoi les deux pouvoirs, que le Christ réunit, se trouvent, mais séparés, dans son corps fait des fidèles. […] Et l'on cite le texte de Gélase, «Duae sunt» (supra, p.52)

    Mais ce texte a subi ainsi un changement profond de sens. Pour Gélase, c'était le monde, mundus hic, qui était régi, comme par deux principes, par les évêques et par les rois. Pour l'épiscopat carolingien, c'est l'ecclesia-corpus Christi, l'Eglise-Corps du Christ. C'est au point que, si le texte de Gélase est souvent cité avec les mots originaux «mundus hic», «ce monde», bien que dans un contexte d'application à l'ecclesia, il arrive que les mots «mundus hic» soient remplacés, dans la citation même, par ecclesia ou, en tout cas, que le gouvernement de l'ecclesia soit attribué aux pontifes et aux rois. […] Ainsi ecclesia désigne, non plus (seulement) ce que nous appelons l'Eglise, mais le peuple des baptisés ou des fidèles, la société des chrétiens.

    Ibid., p.52-53

    Anecdote zemmourienne au petit déjeuner

    (Le titre fait référence à cet article.)

    Voyage Tours-Mulhouse, à cinq, trois garçons, deux filles. Arrêt dans une station-service. Récit :

    — Donc on est allé pisser. Quand on est entré dans les toilettes, il y avait un noir à quarante-cinq centimètres des pissotières en train de défaire la boucle d'un gros ceinturon. Il a descendu sa braguette, fourragé dans son slip et a sorti un sexe,… (Il regarde autour de lui, saisi la baguette de pain entamée dont il reste vingt-cinq à trente centimètres, s'en empare, la brandit) …J'vous mens pas, grand comme ça… (Il contemple la baguette pensivement, encore effaré à ce souvenir.) Il a pissé en visant la pissotière puis il a commencé à se rhabiller, c'était compliqué, ranger un engin pareil (dit-il en essayant de nous faire partager la sensation de difficulté). A ce moment-là Steve est entré, il a vu ce black au milieu de la salle en train de fourrager dans son pantalon… T'aurais vu sa tête… Le black est parti et on a tous éclaté de rire.
    Ensuite, quand on est revenu à la cafèt, on a raconté aux filles et Aline a demandé: «Pourquoi ça ne nous arrive jamais, à nous ?». Alors je lui ai indiqué le black qui prenait un café: «Be my guest».
    On a discuté, on est parvenu à la conclusion qu'il ne devait jamais bander très dur, parce que tu te rends compte, si ce type remplit ça (brandissage de la baguette de pain) de sang, il ne lui en reste plus au cœur, il s'évanouit (et Steve a dit que ce n'était pas grave puisqu'il était dans un lit).
    — Ce que c'est qu'être entre scientifiques…


    ---------------------------
    Agenda:
    Acheté un sapin. Retour dans la décapotable décapotée, le sapin sur les sièges arrières. Tête des passants.
    Le soir un épisode de Star Treck. Docteur Jekill et Mister Hyde. Incroyable dimension schmittienne: est le chef celui qui décide et prend la responsabilité de la décision.

    Enquête

    Les questions sont ici.


    1/ Une image où j'ai quatre ans avec un chiot dans les bras. Mais c'est surtout pour le lieu où a été prise cette photo. Prenons une photo parmi les plus récentes : cet été.




    2/ Oui, sans doute, mais très simple, genre une pyramide avec un trou et des douves ou démoulage d'un seau de plage.

    3/ Non, jamais assez de neige.

    4/ Non, c'est d'ailleurs un problème, car c'est alors très difficile de "penser". «Suis-je représentative?» est la question que je me pose avant toute généralisation (même si je ne le laisse pas toujours paraître, discussion animée oblige).

    5/ La cardamone.

    6/ Aucune idée. Sur une aire d'autoroute? Sur les hauts de Capdenac en revenant du mariage de mon oncle? Je n'aime pas beaucoup les piques-niques, ce n'est ni pratique ni confortable. (A moins que l'on ne parle de repas sur le pouce "tiré du panier" : dans ce cas fin novembre).

    7/ Oui: elle porte le nom de l'héroïne de ma ville natale.

    8/ Non, je ne pense pas. J'ai une mère qui dramatise toujours tout, nous avions l'impression d'être très pauvres et de devoir être heureux d'avoir quelque chose à nous mettre sur le dos (ce qui n'est pas faux dans un certain sens). D'autre part, elle tricotait (beaucoup et bien), il aurait été méchant de refuser de porter quelque chose de tricoté (les enfants d'aujourd'hui n'ont peut-être plus ce genre de scrupules). Il ne nous serait pas venu à l'idée de protester. Je me souviens que lorsque j'ai eu douze ou treize ans, c'est mon père qui est intervenu en notre faveur: ma mère ayant émis l'idée qu'il fallait qu'elle nous tricote de nouveaux survêtements (!! For God sake!), les anciens étant devenus trop petits, il est intervenu pour dire que les suivants seraient achetés (je ne peux pas rire des "pulls moches" ainsi qu'internet nous y invite en ce moment).

    9/ Non, sauf quand je parle ou ris trop fort sans vraiment m'en rendre compte.

    10/ J'en ai peur !

    Dernier jour (de la semaine)

    Commissaires aux comptes. Celui que nous aimions le moins est parti — "chez Mazars" nous dit l'associée du cabinet, à la fois fière de montrer l'évolution de ses salariés et déçue de ne pas avoir pu retenir quelqu'un recruté "par Mazars". Je me retiens de lui dire que ce n'est pas une grosse perte. Je fais rire ma collègue en lui disant que c'est peut-être grâce à moi qu'il a été embauché, grâce à mon cours brillant qui avait démonté ses certitudes et l'avait laissé penaud.

    A midi, trop de courant pour sortir. Tank à ramer armé en pointe. Cela permet de corriger la position du corps. Ampoules puisque les mains ne sont pas habituées à ces rames. Comme le bassin est fermé et que l'eau ne peut pas s'échapper, cela donne l'impression de ramer contre de la boue, c'est très dur.

    Soirée chez les voisins. Une fois de plus je regrette d'avoir montré du feu dans une discussion qui sur le fond n'avait pas de réponse et ne valait pas tant de chaleur («vaut-il mieux s'appuyer sur des principes ou tenter de discerner le mal? (sous-question: l'homme est-il constitutivement capable de distinguer le mal?)»). Il faut que je repère quand je dois laisser tomber, après je m'en veux, j'ai peur d'avoir blessé (bien que les autres n'aient pas montré moins de flamme).

    Ave

    Et soudain, en lisant « "Message de salut" (Heilsbotschaft) » dans la "note liminaire du traducteur" de Pierre Jundt, traducteur de l'Épître aux Romains de Karl Barth, je comprends pourquoi Bonhoeffer refusait le Heil nazi qu'il disait être réservé au Christ : je n'avais jamais pris conscience que "salut", en allemand comme en français (mais pas en latin — ou bien si?), relevait tout aussi bien de salvation que de salutation.

    Etre / Naître / Devenir

    «Paraphrasant Simone de Beauvoir qui paraphrasait Tertullien, on ne naît pas chrétien, on le devient. Imaginez un couple (un homme et une femme précise-t-il en souriant) baptisés tous les deux se mariant à l'église sans avoir consommé, tout dans les règles, eh bien, l'enfant qui naîtra sera païen… ce n'est pas vrai chez les juifs, le caractère juif s'acquiert par la filiation… quant aux musulmans, c'est encore autre chose: tout homme naît musulman par défaut, c'est la famille ou la société qui distordent cet ordre naturel.»

    Il n'y a là rien que je ne savais déjà, mais isolément. Je n'avais jamais rapproché les trois modèles. Cela me laisse pensive.

    Brume

    Tellement de brouillard sur la Seine à Melun qu'on ne voyait pas les péniches qui passaient. Sorties interdites, pourtant un huit est parti dans le coton. Je songe à une nouvelle de Maupassant (mais laquelle?). Je regrette de ne pas avoir pris de photo: qu'aurait-on vu, qu'aurait-on compris?

    Dormi tout l'après-midi. Je respire comme une bouilloire.



    Je feuillette le Chenu acheté hier et trouve ces lignes de St Hilaire de Poitiers cité par Saint Thomas qui dépeignent à la fois mon impuissance et mon espoir croissants concernant mes études:
    … C'est cette recherche qu'exalte Hilaire, dans son livre sur la Trinité: «Dans ta foi, entreprends, progresse, acharne-toi. Tu n'arriveras pas au terme, je le sais, mais le moindre progrès est déjà plein de grâce. Qui poursuit l'infini avec ferveur progresse, même s'il n'arrive pas à ses fins. Mais pour cela, garde-toi de prétendre percer le mystère, par cette immersion dans la vérité sans rivage; la première condition est de comprendre qu'elle passe toute compréhension.»
    Somme contre les Gentils, Livre Ier, chap. 5 et 8.
    Comm. sur le traité de la Trinité de Boèce, quest. 2, art. 3, rép. 5.

    Marie-Dominique Chenu, St Thomas d'Aquin et la théologie, p.46

    Samedi

    TG sur les hérétiques du XIe et XIIe siècles. Je crains l'histoire, car contrairement à ce que je pensais à l'école primaire, elle change sans arrêt. Je n'ai jamais vu une matière dont les conclusions soient aussi souvent remises en cause.
    Bref, aujourd'hui, nous en sommes à "c'est l'orthodoxie qui crée les hérétiques". Autrement dit, les hérésies vaudoises, cathares et autres ne remettaient pas en cause les canons de la foi, mais l'Eglise. Ils sont/seraient les conséquences de la réforme grégorienne. C'est très intéressant et pose beaucoup de questions à la fois sur la réalité de ce qui s'est passé (le saura-t-on jamais, pouvons-nous quoi qu'il en soit comprendre ce qui se passe dans une société?) et les volontés ou désirs des chercheurs parvenus à ces conclusions. Je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'on dira dans trente ans. Y a-t-il un moment où ce genre de recherches se stabilisent? Le moindre parchemin peut tout jeter à bas (ce qui est vrai également en exégèse).

    Très étonnamment, l'un d'entre nous s'emballe dans une dénonciation de l'Inquisition alors que le prof expliquait qu'il s'agissait d'un changement de modèle juridique, passant de la procédure accusatoire à la procédure inquisitoire (recherche de la vérité par le juge). Notre coreligionaire parle cinq minutes dans un silence amusé puis ennuyé. Le prof est très embarrassé.

    En attendant Hervé, je lis debout à La Procure quasi l'intégralité de Des milliers de places vides. Une réelle enquête d'archiviste menée par un directeur d'école auteur de romans policiers (la vigueur de son style prouve son habitude d'écrire).

    Tout Aristote pour environ soixante euros (plus de deux mille pages en papier bible). Non, je ne le lirai jamais. Je feuillette la Somme thomiste en bilingue et me rabats sur La «Somme» de Saint Thomas de Torrell et le Chenu sur le même sujet en point Seuil. Je prends Le Christianisme comme style car ce titre m'a proprement enchanté quand je l'ai entendu pour la première fois il y a une semaine.

    Il pleut, je n'ai pas de parapluie. Hervé arrive. Déjeuner, courses (de Noël). Night Call avec des amis. Glaçant.
    Dîner, souvenirs et éclats de rire.

    Enquete

    Les questions sont ici.

    Réponses apportées le 18 décembre 2014.

    1/ Oui, même si ça demande beaucoup de temps car je ne suis pas très organisée. L'obstination n'empêche pas la proscratination.

    2/ Oui. J'ai facilement l'impression que la réalité m'échappe, que je me trompe de réalité: quand une personne est en retard (est-ce le bon jour, n'ai-je pas rêvé, etc), quand un train fonce dans la nuit (ai-je pris le bon train, suis-je sur les bons rails), quand personne ne s'insurge contre ce qui me paraît inacceptable (suis-je donc la seule à voir ce que je vois, entendre ce que j'entends); en un mot, une profonde impression du monde comme décor susceptible de changer sans que je sois prévenue que la pièce jouée n'est plus la même.
    (Il y avait cette émission à la télévision qui consistait à changer le décor d'un appartement pendant l'absence de son propriétaire: si vous me faites ça, vous serez obligé de m'hospitaliser pour choc nerveux).

    3/ Peut-être. Peut-être que oui. Ou peut-être n'est-ce qu'un retour, après une certaine extériorisation, des rencontres, un retour, donc, à la solitude. Mais bien entendu, ce n'est plus la même, ne serait-ce qu'à cause des blogs, de FB, etc.
    Et sinon, avec une vingtaine de kilomètres d'aviron par semaine, je gagne en force.
    Et je dors moins (je ne sais pourquoi, cela a peut-être à voir avec le point précédent).

    4/ Question difficile, oui et non me semblent également vrai. Non parce que je n'attends pas grand chose et que je reçois tant (c'est incroyable la chance que j'ai); oui parce que… je ne sais pas, parce qu'on m'a menti, il n'y a ni lutin, ni fée, parce que les méchants gagnent et ne sont pas punis et que je ne m'y habitue pas.

    5/ Oui s'il s'agit de rester chez soi, non si c'est pour tenir un intérieur impeccable! (J'admire Mrs Dalloway, mais l'idée de devoir accomplir ce qu'elle accomplit me panique complètement: je suis incapable de "gouverner mon intérieur", d'organiser un simple dîner… cela ne m'intéresse pas.)
    Une chose est sûre : une maison est comme un enfant supplémentaire, il faut s'en occuper, sinon elle tourne au chaos, et c'est bien difficile en étant salarié.

    6/ Oui, les sièges baquets de la Fiat 124 de mes parents. Jaune vif, moteur à l'avant.

    7/ Pas de musique, des habitués au comptoir. Mais quel que soit le café, l'important est de devenir soi-même un habitué, avoir une tête reconnue.

    8/ J'éprouve de l'admiration pour les gens qui gardent leur calme dans les situations énervantes. Donc , par exemple.

    9/ Qu'est-ce que ça veut dire ? J'ai une conscience aiguë du bien commun, de l'intérêt général, donc je pense que je dois répondre oui.

    10/ Il ne varie pas selon les saisons mais selon les vacances scolaires (je me traîne mollement le matin si je n'ai pas les enfants à emmener au RER), ce qui revient presqu'au même, mais pas tout à fait.

    Dieu est vivant

    Dans le RER silencieux qui glisse dans la nuit, deux jeunes enfants noirs chantent derrière moi, en modulant sur des rythmes de blues (c'est ainsi que je sais qu'ils sont noirs, c'est inimitable):
    Dieu est ici, il est vivan-ant,
    Dieu est ici, il est vivant.

    Personne ne bronche, le silence est religieux, les voix aigrelettes mais bien posées. Tous supportent patiemment, vaillamment, et cela me donne le courage d'en faire autant. J'admire le stoïcisme de mes voisins.
    En me levant pour quitter le RER, je vois qu'il s'agit de deux fillettes de cinq et six ans environ.
    J'ai calculé qu'à quinze secondes la ritournelle et vingt minutes de trajet, nous avions entendu quatre-vingt fois les deux phrases. Bon courage à ceux qui poursuivaient le voyage.

    Hypothèse de base : Dieu existe

    J'assiste à la remise des diplômes pour me préparer à la mienne dans quatre ans et demi (non, je plaisante (enfin oui, mais il peut se passer tant de choses d'ici là): pour rencontrer des têtes connues (je veux dire des amis, pas des people).)

    «Soyez libres, humbles, généreux.»

    J'obtiens enfin une définition de la théologie. Nous sommes dans l'église des Carmes et le doyen Thierry-Marie Courau commente: «En regardant cette présentation au temple [le tableau au dessus de l'autel], je me disais que Siméon fait de la théologie: il découvre les mystères de Dieu et les mystères de l'homme.»

    Proverbes 4.13 : Retiens l'instruction, ne t'en dessaisis pas; Garde-la, car elle est ta vie.

    Par ailleurs je lis une biographie de Bonhoeffer par Metaxas; c'est absolument passionnant. Par moment je me demande si Metaxas ne va pas un peu loin, par exemple quand il explique la position des théologiens libéraux dans les années 20:
    […] tels que Adolf von Harnack. Ces derniers ne pouvaient imaginer que leur forteresse historico-critique pût être aussi vulnérable. Ils étaient scandalisés par l'approche que Barth faisait de la Bible: désignée sous le terme de néo-orthodoxie, cette approche soutenait l'idée, particulièrement controversée dans les cercles théologiques allemands, que Dieu existait vraiment et que tout enseignement théologique et de l'exégèse biblique devait être enraciné dans cette hypothèse de base.

    Eric Metaxas, Bonhoeffer, p.86, éd. première partie
    A propos d'allemand: je ne suivrai pas de cours cette année à l'IPT. En effet, je pensais que comme l'année dernière, ils commenceraient en février. En réalité, ils ont commencé le 1er septembre et se terminent en janvier. Trop tard.

    Bookcrossing

    Le thème était "l'écrivain avec qui vous voudriez dîner", sur quoi j'ai fait remarquer que si je lisais un romancier, je n'avais certainement pas envie de le rencontrer.

    J'ai présenté Logiques du brouillon. Trop théorique pour eux. Et pourtant Daniel Ferrer est le plus passionnant et le plus fin des convives. Je repars avec Trois femmes puissantes.

    J'observe les défauts et les mauvaises manières de tout ce petit monde et je m'y sens de plus en plus à l'aise. Certes je sens bien que ce parti pris d'observation, par la distance qu'il instaure, me détache, mais ça n'a pas d'importance. Les livres mêmes que j'apporte m'isolent. Et cela m'amuse. Le vieux monsieur en face de moi feuillette mon livre et s'exclame comme si je n'avais rien compris: «Ah, mais ce sont ses livres sur Joyce qu'il faut lire!» (Euh oui. Mais si vous n'arrivez déja pas à lire celui-ci, ce n'est peut-être pas urgent d'essayer.) Il me demande: «Vous aimez les lectures difficiles?» A la table d'à côté un nouveau venu présente Le roi pâle de David Foster Wallace. En contemplant l'épaisseur du livre, je me dis qu'il n'a aucune chance [qu'on le lui emprunte] (mais n'est-ce pas tricher par rapport au thème, peut-on dîner avec un mort?) D'autres n'ont rien amené, arguant: «mais je croyais que nous parlerions d'un auteur». Oui, enfin, cela fait plus de quinze ans qu'il s'agit de bookcrossing, avant même que le terme existât: plus difficile de crosser quand il n'y a pas de book. Mais puisque plus personne ne crosse vraiment… Pourquoi sont-ils là? Pour voir du monde? Pour un sentiment d'appartenance? (Et pourquoi suis-je là? Ah oui, pour m'entraîner à la conversation (ou au silence), pour m'obliger à lire sous contrainte, pour découvrir des auteurs, pour changer de monde, après le boulot, l'aviron, la catho.)

    En rentrant, je finis Le curé de Tours. Après Une tébreuse affaire, deuxième histoire de vengeance, deuxième récit exposant des rouages et des tactiques juridiques encore en vigueur aujourd'hui.
    Je ne savais pas que Balzac avait fait dans le comique. Pauvre abbé, naïf, égoïste et gentil. (L'égoïsme a un statut étrange dans cette nouvelle, c'est quasi une qualité si je comprends bien les derniers paragraphes.)

    La classe

    Le serveur du café des Oiseaux rue de Sèvres :

    — Ce n'est pas le tatouage qui fait l'homme. Malraux disait : la culture n'est pas une accumulation des valeurs du passé, elle en est l'héritage conquis. Eh bien la classe, c'est pareil.

    Souvenirs géographiques

    Week-end chez mes parents en présence de ma tante maternelle qui cherche la tombe d'un de ses oncles tué en Albanie durant la première guerre mondiale (relique familiale: le portefeuille troué de la balle mortelle). Le lieu présumé de sa mort, Voskopojë, semble de toute beauté (toujours cet étonnement qu'un lieu mythique ne soit finalement que terrestre. Je me souviens de ma surprise et de ma déception, enfant, que franchissant une frontière, ce soit exactement pareil de l'autre côté: dès lors, à quoi bon?)

    Je parle de "ma" cuillère. D'après ma mère, elle aurait plutôt appartenu au grand-père de mon grand-père (né en 1911 : la cuillère aurait connu la guerre russo-polonaise de 1831? un arrière-arrière-grand-père né à peu près en 1810? Cela me paraît un peu court: l'arrière-grand-père de mon grand-père?)

    Au passage je note ici le nom du village de mes grands-parents paternels: Ozegow (ainsi je ne l'oublierai plus, ou plutôt je saurai où le retrouver). Ce doit être particulièrement sans intérêt: rien sur Flickr.

    Dernier lieu: le lac de Constance. Le père de mon grand-père maternel y était cantonné pendant la guerre de 1870 (ça alors! je ne me souvenais absolument pas que cette guerre avait connu des batailles hors du territoire français) et en a ramené deux pipes bavaroises au tuyau en porcelaine.

    (On en concluera que les guerres étaient l'occasion de sortir de chez soi.)

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Souvent. Je suis fan de bibliothèques. J'aime l'idée qu'un livre passe de mains en mains, qu'il n'est propriété de personne mais appartient à tous. Et puis c'est le lieu pour trouver des livres épuisés.

    2/ Ça dépend des jours, mais un peu à tout, je crois. Tout m'intéresse.

    3/ Je ne sais vraiment pas. Les odeurs, les sons, les couleurs.

    4/ Ouh là. Les Tontons flingueurs. Quatre ou cinq fois? Six fois? On arrive toujours à trouver quelqu'un qui ne l'a jamais vu.

    5/ Oui. Je porte les habits de mes garçons devenus trop petits (et les garçons trop grands): hier encore, la chemise que le grand a porté pour un mariage, le plus jeune pour sa communion. Maintenant je la porte sous une robe chasuble. Je "termine" les chaussons du dernier. Etc.

    6/ Je préfère conduire. J'ai peur quand je ne conduis pas.

    7/ Oui, bien plus que les chansons d'amour.

    8/ Âgées. J'ai également beaucoup d'indulgence pour les jeunes gens, à condition qu'ils aient le respect de mes cheveux blancs. Sinon je me sens Ma Dalton: «Galopin!»

    9/ Une cigale qui tente de devenir fourmi. C'est dur.

    10/ Je crois que oui. J'espère que oui. Je le souhaite.

    Le mariage gay, non, les femmes à poil, oui.

    La semaine dernière, Hervé tenait un stand au salon des maires. Comme je lui parle du livre d'Aubenas — qui n'a fait que confirmer ce que je savais, pour chaque chapitre ou presque je pourrais raconter une anecdote parallèle — et que je lui dis: «Ça va mal», il me répond drôlement: «Oui, il y avait beaucoup moins de stands que l'année dernière [Un stand coûte très cher]. Les petits éditeurs [de logiciels] ne sont pas venus. Les gens se replient sur l'essentiel. Moi ça m'arrange, je vends de l'essentiel.»

    Nous avons eu peu de temps pour discuter le week-end dernier et il est parti à Mulhouse lundi.
    Hier il me dit: «Ah tiens, j'ai quelque chose pour ton blog. C'était distribué au salon des maires.» Et il me tend la carte suivante (recto/verso, de la taille d'une carte postale).



    Divers

    Le plus important : l'escalier du quai central du RER à Yerres est rouvert. (Si, c'est important). Et il est plus large que le précédent : incroyable, ils ont PENSÉ à NOUS.

    J'ai appris que César parlait grec, spontanément (il aurait prononcé ses derniers mots en grec, ai-je bien compris mon voisin?). Plutarque rapporte «Elton, eidon, enikésa», en précisant que cela rend mieux en latin: «Veni, vidi, vici»).
    Moi qui croyais dur comme fer à Astérix, j'en suis toute retournée.

    Hier, je ne me suis pas contentée de me battre avec mon ipod pendant que j'attendais Olivier au conservatoire. J'ai également appelé ma mère. J'ai eu droit à l'une des nouvelles qu'elle adore, celle de la catégorie (quasi)-people-qu'on-connaît. En général ça commence par «Tu te rappelles de …? Eh bien il …». A cela près que cela tombe souvent à plat car je ne me souviens pas de grand monde. Il y a eu le fils du pharmacien d'Agadir cité parmi les responsables d'un scandale financier; cette fois-ci il s'agit de mon parrain: «Tu sais son fils? Eh bien, il a eu une fille trisomique et il en a fait un livre.»
    (Une recherche Google plus tard, il s'avère qu'il s'agit en fait d'une BD.)

    Cela fait combien de temps que je n'ai pas revu mon parrain? 1993: nous étions descendu à Talence pour un prêt bancaire, l'achat de notre premier appartement. Février 1993. Il habitait un château des Rotschild (l'un des membres de la famille, lequel?) divisé en quatre entre les deux étages et l'escalier. C'était fantastique, le salon allait d'une façade à l'autre, d'est en ouest, trouées des fenêtres ! C'était immense et inlogeable, petites chambres et salles d'eau ajoutées dans les recoins. J'avais découvert qu'il était inutile d'acheter des meubles pour ces grands espaces vides, il suffisait de disposer adroitement de grandes plantes vertes. C'était très beau et très serein, je me souviens encore de la lumière du petit déjeuner sur la table ronde au pied taillé d'un bloc dans un chêne, table louée avec l'appartement car on ne pouvait la déplacer.
    Il a divorcé, Hervé s'est offusqué (deuxième divorce, cinq enfants), nous l'avons perdu de vue. Je lui ai écrit une fois bien plus tard, quand j'ai trouvé son adresse mail sur internet (donc en 2001 ou 2002). Il n'a pas répondu. Mais je ne suis pas très douée pour ce genre de lettre.
    (En 2008, j'avais trouvé la page de sa dernière fille sur FB.)
    J'aimerais bien le revoir parce que j'ai découvert quelque chose qui m'intrigue: c'est mon parrain, il était présent à mon baptême. Or mon père n'y était pas, il n'a réintégré l'histoire familiale que quatre mois plus tard. Et pourtant, je pensais que mon parrain était un ami de mon père. Est-ce pour cela que ma mère l'a choisi? Ou est-ce par elle que mon père l'a connu? Je suppose que cela doit paraître sans importance, mais ça m'intrigue. Il faut dire par ailleurs que mon parrain détonait parmi les amis de mes parents. Pas les mêmes centres d'intérêt (je n'ai jamais entendu quelqu'un écouter autant de musique que lui) et pas le même niveau intellectuel.
    Mais évidemment, il est délicat de reprendre contact à l'occasion de ce livre. Ce serait bizarre.

    (A me relire, je corrige: j'aimerais bien le revoir parce que je l'aimais beaucoup.)

    Progrès

    J'ai réussi à mettre des listes de lecture sur mon iPod. Dieu que tout cela demande du temps et de la patience. Je suis la personne la moins faite pour ce genre de choses, rien ne m'est intuitif.

    La blague juive du lundi

    Lundi, c'est théologie.

    C'est Schlomo qui meurt à 98 ans. Schlomo est un homme bon, qui n'a jamais causé un tort, jamais fait une mauvaise action. Il est accueilli par Abraham qui après avoir parcouru son dossier du regard s'exclame:
    — Comment Schlomo, tu n'as jamais commis le mal? Mais comment pourras-tu goûter le paradis si tu n'as jamais péché? Retourne en bas et cause du tort!
    — Oh non, je vous en supplie, je suis fatigué, je n'ai pas le courage…
    — Retourne !

    Alors Schlomo retourne chez lui. Il faut qu'il trouve une mauvaise action à accomplir. Il voit Sarah, 97 ans et demi, en train de faire la vaisselle. Il réfléchit, soupire, se décide, et il lui met la main aux fesses.
    Sarah se retourne et s'exclame : «Oh Schlomo, comme c'est gentil ce que tu viens de faire!»

    Conseil de lecture

    Il est possible que ceux qui ont aimé Twin Peaks aimeraient Van de Wetering (Un vautour dans la ville, par exemple).



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    Agenda
    Planté cinq rosiers, un par pilier. Les garçons ont fait les trous — ça creuse vite, un scout ! (Mine de rien, ça m'a bien soulagée, car creuser est épuisant, et depuis que je suis avec Hervé, c'est toujours moi qui ai planté arbres, rosiers, arbustes (lui la théorie, ayant beaucoup d'idées sur l'utilisation de la pioche, moi la pratique, dans le froid ou sous la pluie (on notera une certaine exaspération de ma part, liée à l'épuisement que m'évoquent ces travaux de terrassement)).

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Entiché plutôt, non ? Enfin non, je ne crois pas, en tout cas je ne pense à personne.

    2/ Non. Mais je sais que je n'ai jamais totalement pardonné ce mensonge.

    3/ Le plus souvent possible.

    4/ Causé? J'ai été responsable d'accidents (en reculant, en sortant d'une place de parking).

    5/ Oui, une ou deux fois. Dans la mesure où c'était pour des raisons de rapprochement physique excessif (disons cela ainsi), et que j'ai regardé les personnes dans les yeux en leur disant que leur bras me gênait, elles ont préféré se lever et changer de place quelques minutes plus tard.

    6/ De temps en temps.

    7/ Non. Ça ne m'intéresse pas. Et je pense que les produits chimiques me rendraient malade.

    8/ Non.

    9/ Euh… Un bouton. Une reprise. Pour un chemisier, comptez six mois, sans garantie (je plaisante, je n'ai jamais fait de vêtement autre qu'un déguisement de bonne sœur pour ma fille pour un spectacle. C'était sommaire.)

    10/ Pas suffisamment pour que cela m'ait marquée.

    La blague du vendredi

    — Moi aussi j'ai une histoire drôle : c'est un type qui entre dans un café.



    [Silence]
    Tout le monde se regarde.
    Dans le silence navré il reprend:



    — Elle existe en version zoophile, aussi : c'est un type qui entre dans un bar.

    Les féminins de la langue

    Ce billet de Guillaume me fait penser à l'obstination de France Musique à parler samedi de "la maire de Lille", et moi systématiquement d'entendre "la mère Denis".

    Je suis une fervente convaincue de Madame le maire. Nous parlons d'une fonction, non d'une personne. Cf. la différence entre Madame le colonel (elle est colonel) et la colonelle (son mari est colonel).

    Par ailleurs, beaucoup de noms au féminin sonnent mal du fait du "e" qui fait entendre la consonne muette au masculin (maire, évidemment, n'est pas un bon exemple).

    Prévisible

    Et voilà : je me réjouis de deux belles sorties d'aviron, de celles qui vous font dire: «Ça y est j'ai compris», et j'en vis une de celles qui font dire: «J'arrête, c'est inutile, je n'y arriverai jamais.»
    Ena 2, François, moi, Nathalie, Patrice. Sans doute un problème de cales de hauteur, pas le même nombre à babord et à tribord — je ne m'en suis rendu compte qu'à la fin de la sortie.

    Rentrée tard, trop traîné sur FB. Il ne faut pas, cela me met mal à l'aise. Je regrette toujours d'y avoir écrit, je m'emporte.

    Paupérisation

    Je commence En France de Florence Aubenas. Les premières lignes sont les suivantes:
    Cela se passe pendant l'année de l'élection présidentielle, pas celle-là, la précédente, en 2007. On est à l'automne, au moment où, dans les fermes et les maisons de la Creuse, on remplit les cuves de fuel en prévision des grands froids. A Guéret, les agents de la Caisse d'allocations familiales (CAF) voient alors arriver des gens qui ne venaient jamais dans leurs bureaux: des retraités avec des pensions de quelques centaines d'euros à peine, mais qui vivaient silencieusement depuis toujours et se seraient étonnées d'être considérés comme pauvres. Cette année-là, ils poussent la porte de la CAF, gauches, effarés d'avoir à demander quelque allocation, se présentant tous par la même phrase: «Pour la première fois, je n'ai plus les moyens de faire rentrer le fuel.»

    Florence Aubenas, En France, incipit, éditions de l'Olivier, 2014
    Jeudi ou vendredi dernier j'ai eu une retraitée au téléphone en fin de journée. Elle se renseignait sur le montant de la cotisation: «Je me suis fait avoir quand ils m'ont proposé de partir en retraite. Je ne pensais pas que j'aurais si peu après 43 ans de travail. 43 ans! Je ne m'en sors pas, il faut que je retourne voir la RH pour voir si elle accepte de me reprendre.»

    Sans histoire

    Belle sortie en yolette White. Moi, un débutant (Orian?), Gérard, Patricia, Philippe à la barre. Heureuse et surprise de constater que la yolette de Stéphane n'a pas réussi à nous remonter, même quand Sylvie a remplacé Bruno à la barre. Je vois bien que mon coup de rame impressionne (laisse Stéphane songeur et muet), et ça me fait bigrement plaisir, car c'était totalement inattendu.

    Après-midi dehors pour profiter de la douceur pour désherber et laver la voiture (cliché!) Je me suis abîmée l'épaule droite.
    Je continue Twin Peaks. J'adore cette musique.

    Hervé a travaillé tout le week-end pour le salon des Maires. Cela faisait longtemps que la maison n'avait pas connu ainsi de quasi-nuits blanches de développement.

    Ce que le pouvoir fait aux hommes

    Nous regardons machinalement Week-end royal. Je pensais avoir emprunté un gentil navet historico-romantique, c'est en fait un peu plus compliqué que cela: plus ennuyant (très lent, sans péripétie) et plus politique et psychologique.
    En un mot, on y découvre que même paralysé, Roosevelt était un homme à femmes (a womanizer). Le personnage tel que joué par Bill Murray est tout à fait attachant.

    Je ne me souviens plus de la phrase du scénario qui a provoqué la réfexion suivante d'Hervé:
    — Les tentations sont nombreuses et je comprends qu'on y succombe. On est tellement détesté quand on dirige qu'on a soif de marques de tendresse.



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    Agenda

    Macbeth au théâtre du Soleil par Ariane Mouchkine. Je n'ose avouer que j'ai été un peu déçue. Je crois que je préfère les théâtres de bric et de broc, où le manque de moyen oblige au minimalisme, où la salle est si petite que les comédiens sont comme les frères des spectateurs.
    Très bon Macbeth, guilleret, presque drôle dans sa résistance des dernières heures.
    La méthode utilisée par lady Macbeth pour convaincre son loyal mari est tout à fait convaincante.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1. Non. Je ne sais pas si je le regrette. Je ne sais qu'en penser. Peur (de perdre le contrôle) et curiosité (de découvrir de moi des choses inconnues, de préférence insoupçonnables).

    2. Non. Jamais témoin, une seule fois marraine… Ma vie est un échec.

    3. Plus maintenant. J'en ai rêvé au lycée. Une fois encore je regrette d'avoir abandonné trop tôt. Le parcours qu'on vous annonçait été hyper-balisé (un doctorat en physique ou biologie). En réalité, un métier dans l'aviation et de la chance aurait pu permettre de s'approcher du but, cela s'est "beaucoup" ouvert avec la chute du mur (enfin, ça ne représente pas beaucoup de places malgré tout!) Je me souviens de la première Française, en 1985 ou 1986.
    Aujourd'hui j'aurais peur. Je suis devenue peureuse en vieillissant. Je comprends mieux pourquoi on parle de l'inconscience et de l'insouciance de la jeunesse. Cette inconscience me manque, je la regrette.

    4. Non. Avec mon grand-père maternel, il y a trèèèès longtemps. L'enfer. «Chut, arrête de bouger, ne parle pas», etc. Ah, et une fois en mer, à douze ou treize ans. Ça c'était bien, mais j'avais attrapé de sacrés coups de soleil.

    5. Il me semble que oui. Mais évidemment, je ne suis pas objective.

    6. Non. Je me dis que je devrais apprendre à planter un crocher dans du placoplâtre (Youtube à mon secours!) pour faire ce que je veux.
    Mais je n'ai rien que je souhaite mettre au dessus de mon lit.

    7. Oui. Pas tous les parents, mais un ou deux, oui.

    8. Non.

    9. Pas à ma connaissance !

    10. 5h45. Rendormie en attendant le réveil (6h15)
    Ces horaires sont ceux de mercredi 26 novembre, jour où je remplis ce questionnaire. Samedi dernier était le seul jour de la semaine sans contrainte, j'ai dû me lever un peu avant neuf heures.

    Mésaventure

    A midi, tandis que notre quatre était déjà sur l'eau, nous avons vu une yolette vide quitter le ponton et se mettre à flotter au milieu de la Seine: son équipage l'avait lâchée un instant et elle était partie.

    A notre grand étonnement, elle nous parut aller plus lentement que le courant ou que nous-mêmes: était-ce parce qu'elle était vide et légère?
    (Les entraîneurs l'ont récupérée en bateau moteur.)

    Très beau quatre Impromptu (alleluia, avec l'équilibre!), Marc, moi, Lauren, Thierry. Et temps très doux, toujours (ce n'est pas pour maintenant que je le note, mais pour l'année prochaine).

    Pologne

    Vu le film de Wajda sur Walesa. Portrait qui ne cherche pas à le flatter, et qui sera à compléter du livre de sa femme, Rêves et secrets. J'entends le "Lekou" diminutif de Lech qui me rappelle le Stachkou, diminutif de Stanislas, que j'ai si souvent entendu crier à travers la cour.

    Je sais si peu de choses sur la Pologne. La première fois que j'en ai vu les paysages, c'est dans Shoah, le film de Lanzmann. Ce film a été terrible pour d'autres raisons: certains visages polonais étaient exactement ceux de mon grand-père. Ce que je regardais, c'était un album de famille, et l'état des routes, les chevaux, me rappelaient ce qu'on nous racontait sur la ferme dans les années 50.

    Puis Rudnicki, Les fenêtres d'or.

    — Mais mémé n'aime pas les juifs !
    — Oui, tu ne le savais pas ?

    Kieslowsky, Tu ne seras pas luxurieux, et la phrase (lors d'un interview, pas dans ce film): «je pensais ne faire des documentaires qui ne pouvaient intéresser que les Polonais, et puis je me suis rendu compte qu'on était triste ou qu'on avait mal aux dents de la même façon partout dans le monde.»

    Puis Wajda, l'un des plus beaux films que j'ai vus, Kanal, un film en noir et blanc dans les égoûts, un film où le noir devient lumière.
    Et à la fin les touristes. Auschwitz, encore et toujours, mais cette fois-ci, à l'époque contemporaine.

    Conrad. Souvenirs me ramène au silence de mon grand-père et à l'humour de la branche paternelle. L'introduction de Souvenirs, les guerres russo-polonaises, et cette cuillère que ma grand-mère m'a donnée en me disant que c'était le plus vieil objet de la maison, qu'elle appartenait au père ou au grand-père de mon grand-père qui l'avait avec lui quand «il avait fait la guerre contre les Russes». Mais quelle guerre? Il y en a eu tant. (Trop tard, je ne saurai jamais.)

    Puis l'année dernière Szczygiel, Voyage en Pologne de Döblin et cette année Kapuscinski.

    Je lui dis que pour nous, Polonais, cette attitude est inconcevable, car une tradition fondamentalement différente nous sépare. Loin d'être des sanguinaires, les rois polonais qui se sont succédé sont pour la plupart des hommes qui ont laissé derrière eux un bon souvenir. A son accession au trône, l'un d'eux a trouvé un pays avec des maisons en bois et l'a quitté avec des bâtisses en pierre, un autre a proclamé un décret sur la tolérance et a interdit d'allumer des bûchers, un autre encore nous a défendus contre une invasion barbare. Nous avons eu un roi qui récompensait les savants, un autre qui avait des amis poètes. D'ailleurs, les surnoms qui leur ont été donnés — le Généreux, le Juste, le Pieux — montrent qu'on pensait à eux avec reconnaissance et sympathie.

    Ryszard Kapuscinski, Le Shah, p.70-71, Champs Flammarion 2010.
    Est-ce savoir quelque chose de la Pologne? Sans doute pas. Mais je ne sais rien d'autre.

    Flegme lexovien

    Ce soir en rentrant, mail de mes parents:
    «Super ! on vient de recevoir une carte de Claude qui nous dit qu'elle a son permis. On est vraiment très contents. […]»

    Aussitôt j'entreprends deux actions simultanées: d'une part je leur réponds: «Hein? Quoi?!! Elle ne nous a rien dit!! Bon, nous dînons, je me renseigne et je vous récris!!» et d'autre part je hurle dans l'escalier: «Vite, une cordée de secours à la boîte aux lettres, c'est urgent».

    Clément sort, revient avec un paquet de lettres:
    — Qu'est-ce qu'il y avait de si urgent?
    — Regarde s'il y a une lettre de Claude.

    Oui. Une carte postale: «Le 17/11/14 - Coucou les parents! cette carte postale pour vous dire que je me porte bien et Rosalie [sa chatte] aussi. Pour vous dire également que j'ai passé le permis le vendredi 14 et que j'ai reçu aujourd'hui la lettre disant que je l'ai réussi avec 26 points sur 30. L'auto-école m'a donné mon A, je recevrai le permis définitif sous 4 mois. Bisous Claude»

    Ça n'a sans doute l'air de rien pour toi, ô lecteur, mais c'est un véritable coup de théâtre. Lors de notre passage à Lisieux, l'auto-école nous avait laissé entendre que Claude hiérarchisait mal les dangers, qu'elle argumentait et que cela allait être difficile… Le directeur avait décidé de lui faire passer l'épreuve pour qu'elle se rende compte de ce qu'on attendait d'elle en nous disant qu'on avait parfois de bonnes surprises (et Hervé m'avait remonté le morale (antiphrase) en me racontant que sa mère l'avait passé… sept fois).
    Claude ne nous avait pas prévenus qu'elle le passait, sans doute par crainte de l'échec. Mais qu'elle n'ait trouvé aucun moyen plus direct de nous prévenir de son succès! (ne serait-ce qu'un mot sur son mur FB).


    Dans cet usage furtif de la carte postale, il y a au moins un précédent familial. Me trompé-je en y voyant la marque d'une certaine timidité, l'incapacité à faire part de l'important pour n'aborder que les futilités?

    Dix ans

    Dix ans que Jacqueline est morte. Je ne pense pas à elle à chaque fois que je rame. Non, mettons une fois sur deux. Je me dis : «il faudrait que je ressorte en double avec elle, est-ce que j'ai fait des progrès? Que va-t-elle en penser? (Et j'espère secrètement qu'elle sera contente) Ah non, ce n'est pas possible, elle est morte.» D'autre fois je refais l'histoire, j'imagine que je suis restée à l'aviron durant tout le lycée… Christine a l'air d'avoir arrêté, mais j'ai vu une photo de Nathalie avec une médaille autour du cou… Mais les relations avec Nathalie étaient trop compliquées pour que je reprenne contact. Tant d'années après j'en suis encore intimidée. Elle n'avait pas peur des garçons, elle, (et pourtant elle n'était pas jolie, tendance laide), elle sortait avec Castor (elle était sortie avec, ça n'avait pas duré très longtemps. Ou bien si?), tous chantaient en chœur ce soir je serai la plus belle pour aller danser, je les regardais, la chanson me réjouissait, je ne la connaissais pas et je ne chantais pas et je donnais l'impression de désapprouver leur exubérance moi qui profitais intensément impassiblement de leur gaieté, elle ramait en compétition en skiff (est-ce qu'elle a eu une médaille en skiff, récemment?) mais l'année où nous sommes allées au championnat de France, Thierry et elle ont été recalés aux éliminatoires tandis que Jacqueline et moi accédions aux demi-finales à la surprise de tous (et je m'étais sentie coupable de retarder le retour à la maison d'une journée pour courir cette course dans laquelle nous n'avions pas grandes chances).

    Concile, conciliant, conciliation

    Hier, cours sur Congar. Note de cours:
    On dit que Paul VI partait à chaque inter-session [du concile Vatican II] avec le dossier de la minorité.
    Le but n'est pas de triompher d'une école, mais de trouver l'unanimité, une collégialité. Il s'agit de trouver un terrain d'accord.

    Très impressionnée par cette idée de se pencher sur les arguments des opposants pour les comprendre, plutôt que les écraser. Beau modèle, mais qui demande beaucoup de patience et un idéal commun avec les opposants.


    -------------
    Agenda
    Sortie en quatre (François, moi, Gilles, Damien). Seine très agitée. J'aurais dû prendre la nage, je n'ai pas osé.
    Olivier malade. Aussitôt le souvenir de l'année dernière.
    Rentrée décapotée, encore, dans la nuit. Je me rends compte que c'est pour moi l'image naturelle d'une voiture, les premières, celles des années 1910.

    Hélène Cixous, Homère est morte…

    Ligne 4 vers neuf heures et quart.


    Dimanche

    Je n'avais pas ramé depuis dix jours (à Lisieux le week-end dernier, illusion que j'allais travailler le 11 novembre (je veux dire en latin, etc), flemme mercredi, oubli jeudi que j'avais un déjeuner, pluie vendredi). Bref, je me suis refait des ampoules.
    Bel automne, si doux que la moitié des arbres ont encore leurs feuilles rouillées.

    Arbre généalogique des empereurs romains. Olivier doit lire Caligula d'Albert Camus.

    Journée de cours

    Les Carolingiens. Le pouvoir. Un ministère est un service.
    «Les rois ont davantage évoqué l'Ancien Testament que le Nouveau. Evidemment, il n'y a pas grand chose dans le Nouveau, et le moment où Christ est roi, c'est sur la croix, alors… cela rend prudent.»

    Faut-il opposer temporel et spirituel, temporel et spirituel étaient-ils opposés? Pape, roi, évêques, empereurs d'Orient et d'Occident, qui nomme qui, qui est nommé par qui, quels sont les rapports de pouvoir ?

    Une fois de plus, la théologie montre qu'elle est avant tout un "et", l'art de maintenir ensemble des concepts pratiquement opposés: articuler pouvoir "et" service.

    Je rentre décapotée dans la nuit, il fait doux après la pluie du matin.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui, régulièrement. Règle de base, ne jamais refuser, même si c'est vexant (dans le genre croire que vous êtes enceinte quand vous ne l'êtes pas).
    Ce qui arrive souvent, c'est l'échange de regards au moment où une place se libère. J'aime beaucoup quand il n'y a pas précipitation, re-connaissance de l'autre, et que l'un ou l'autre (cela peut être moi aussi, selon les cas!) laisse la place à l'autre. J'aime ce moment où nous faisons la preuve que nous ne sommes pas des sauvages.
    J'ai cru constater qu'on me laissait davantage la place quand je portais un chapeau, j'ai l'impression que ce chapeau fait plaisir aux gens (les fait sourire) et qu'en retour ils me laissent volontiers la place qui se libère. (Ça n'a l'air de rien, mais c'est précieux, une place, quand le trajet de vingt minutes peut se transformer aléatoirement en trajet de quarante).

    2/ Quand j'y pense. Quand j'y pense, je pense à ces paroles de Visconti rapportées par Claudia Cardinale. Prendre possession de la terre. (Le blog d'EF est le plus beau des blogs).

    3/ Non, sauf sur FB (quand je me suis rendue compte que l'ami commun que j'avais avec une femme faisant les mêmes études de théologie que moi était… Patrick Cardon… Stupeur et ébahissement)

    4/ Pas vraiment, mais plus qu'avant.

    5/ Non, pas au sens strict. Je ne suis plus épuisée après mes sorties d'aviron. Apparemment c'était une question de seuil : à dix kilomètres par semaine, épuisement, à trente, plus de problème. (Donc nouvelle aptitude : ne plus être épuisée.)

    6/ Oui, au Maroc. Quand nous sommes rentrés en France, mes parents m'ont inscrite à une année de cours. (Je détestais ça: environnement bruyant qui résonne, moniteurs qui gueulent…)
    Il y a quelques années j'ai repris des cours pour accompagner ma fille. Le maître-nageur m'a dit que je nageais très bien. J'ai été très fière et très surprise, je me suis même demandé s'il me draguait (non, impossible, pas un maître-nageur, une vieille de quarante ans!)

    7/ De temps en temps, avec une bonne raison.

    8/ Il me semble que oui, mais comme ça à chaud, je ne saurais pas dire lequel. (Rien d'extraordinaire, néanmoins inexpliqué).

    9/ Les cafés.

    10/ Les transports en commun parisiens, RER et métro.

    Balzac revisité

    La personne chargée de la curatelle est la fille de Monsieur (et de Madame?).

    (Eu Madame au téléphone: «Résistez, gagnez du temps, ne signez rien!» (Je me suis permise de donner mon avis car sa voix était assurée. Evidemment, Madame a peut-être été infecte toute sa vie et Monsieur est peut-être enfin heureux; mais enfin, on n'attend pas soixante-dix-sept ans dans ce cas-là, cette histoire sent trop la captation d'héritage.))

    Le pouvoir de nommer

    Depuis que j'ai dit à Hervé que sa secrétaire avait des yeux de biche, il l'évoque comme un enfant en train d'ouvrir un paquet au pied du sapin de Noël:
    — J'ai une secrétaire avec des yeux de biche…
    — Mais enfin, elle les avait déjà avant que je ne te le dise !
    — Oui, j'avais vu qu'elle avait de grands yeux, mais maintenant… j'ai une secrétaire avec des yeux de biche…

    Des nouvelles du front

    Nous avons un (quel est le mot? camarade de classe? de cours? coreligionnaire?) qui est parti en "Guinée forestière" (j'aime beaucoup, ça fait Marsupilami), à l'origine deux semaines pour étudier la situation, et finalement huit semaines le temps de mettre en place des structures d'urgence (il est médecin).

    Discussion autour d'une bière avant le cours d'histoire. C'est la panique, il a dû convaincre une agence bancaire de ne pas fermer, personne ne veut partir là-bas, les ONG n'ont jamais vu ça :
    — Alors que pour Haïti, il y en avait presque trop, elles se disputaient entre elles.
    — Tu es spécialisé dans l'urgence? Dis-moi, comment ont-ils fait, après le tsunami? Les images étaient très impressionnantes.
    — Oh, un tsunami, c'est particulier, il y a peu "d'urgences", très peu de blessés, c'est blanc ou noir, vivant ou mort. Ils ont creusé des fosses pour les cadavres.

    Ebola: les guérisons spontanées sont de l'ordre de 20%, avec soins 45%, avec centre médical établi, 60%. Un Européen en forme qui se surveille et détecte très tôt la maladie a 80% de chances de guérir.

    — Donc si tu te mets à éternuer, on se précipite aux abris ?
    — Surtout si je me mets à avoir le hoquet !
    — Le hoquet? une maladie qui spasme le diaphragme ?!!

    Hervé à qui j'ai raconté cela n'a pas trouvé cela drôle:
    — J'espère que tu ne l'as pas approché, si j'attrape Ebola, je suis mort.
    (Je suis toujours estomaquée par son égocentrisme assumé. Que j'attrape Ebola n'a pas l'air de l'inquiéter une seconde. C'est formidable (sens premier) d'étaler ainsi sa préoccupation première. Sous un certain angle, je l'admire. Quelle franchise, quelle non-peur de blesser. Et dire qu'on me reproche d'être brutale.)
    — Bah, il prenait sa bière à côté de moi.

    (Oui, parce qu'il faut s'y faire, d'un autre côté, moi ça m'amuse.)

    La vie comme elle va

    Hier

    — Dis donc, c'est calme! Pas un fumeur devant les portes! Tu as eu des appels, ce matin?
    — Un seul, mais quel! C'est l'amie de la femme d'un assuré qui a appelé. Ça a duré vingt minutes, j'ai eu tous les détails. L'assuré, "notre" assuré, a fait un AVC à soixante-dix-sept ans au milieu d'une partie de jambes en l'air avec sa maîtresse de vingt-cinq ans de moins que lui. Sa femme l'a d'abord gardé à la maison, mais comme elle n'arrivait plus à s'en occuper, il a été placé en institution médicalisée; elle va le voir tous les jours, elle s'occupe de son linge, etc. Eh bien figure-toi qu'il demande le divorce! Alors son amie téléphonait pour savoir ce qu'il en serait de la mutuelle, mais évidemment, la femme est couverte via son mari, s'ils divorcent, elle n'y a plus droit.
    — Mais comment peut-il demander le divorce avec son AVC? Il est capable de décider, de signer?
    — Attends! Il était placé sous curatelle, et la femme chargée de la curatelle est une amie de la maîtresse: elles lui ont fait signer une lettre demandant à sa femme de plus venir le voir à la maison médicalisée…


    Sans doute un abus de pouvoir caractérisé, mais le temps de le faire reconnaître, connaissant la justice française, l'épouse aura tout perdu. Il faut qu'elle refuse le divorce et engage toutes les procédures possibles pour ralentir le processus. Mais avec quel argent?
    (Arrête, tu n'es ni assistante sociale ni conseiller juridique.)

    Découragement

    Pas le moral, entre les garçons non fiables (Olivier qui ne tient pas ses engagements), la fille à qui on ne peut rien expliquer (qui refuse toute explication), le travail qui commence à m'ennuyer (je crois que j'ai fait le tour et je ne vois pas comment ça va pouvoir évoluer), RC qui a fermé tout espoir de reconnaissance, les amis dont je ne sais s'ils sont des amis ni même si je tiens à avoir des amis, la moindre action dont on se dit qu'elle pollue, fait disparaître des énergies fossiles, la moindre nourriture dont on se dit qu'elle a provoqué la torture d'animaux ou la dispersion de pesticide, le "projet de Dieu pour le monde" dont on se dit que finalement c'est sans doute une vaste fumisterie quand on voit l'état du dit monde et l'absence de tout progrès depuis deux mille ans (et l'on entend l'ensemble de son entourage en train de s'exclamer: «mais c'est maintenant que tu t'en aperçois?!! Mais c'était évident!! Mais la foi c'est comme l'amour, ça ne tient compte ni du visible ni de l'évident)…

    J'ai tout le temps envie de pleurer.

    Inculturation

    Nous avons promis à un jésuite indien de lui ramener un Malabar.


    Exercice d'œcuménisme : se documenter sur les Syro-Malabars.
    Pour info, soirée le 10 décembre au centre Sèvres portant en particulier sur les traductions d'Ephrem le syriaque.

    Deauville - Honfleur

    Week-end à Lisieux pour l'anniversaire Claude. Le studio est envahi par les origamis, c'est impressionnant. Elle est douée.

    Dimanche sur la côte, temps splendide, pluie au crépuscule. Je regrette de ne pas y être allé en décapotable, mais nous étions trop chargés.
    Peut-être un peu trop de cidre.
    Pas trouvé de camembert (à ramener, veux-je dire) (levés un peu tard).

    Dans une vitrine au bord de la plage, un tee-shirt proclamait (en anglais): «Tout ce qui m'intéresse dans le prince charmant, c'est son cheval».

    Encourageant

    — Je veux juste que tu sois docteur, pas sainte.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non. Je souhaiterais qu'elles ne le soient pas, mais je crois que je suis très bruyante. De façon générale, je maîtrise mal ma voix, trop haute ou trop basse. Je ne me rends pas compte de ce qu'elle rend.

    2/ Ça m'est arrivé, ça ne m'arrive plus, ou très rarement. Je ne me souviens pas vraiment de mes rêves, je n'ai que des impressions (fatigue, angoisse, peur, colère (non, rien de très positif, il faut le constater)).

    3/ Non, mais j'ai perdu ma montre (elle me manque et j'ai de la peine de l'avoir perdue, c'était un souvenir. Il faut que je la cherche encore.)

    4/ Oui. Préparer au moins mon sac (mon cartable: jamais les mêmes livres à mettre dedans; le sac de sport le cas échéant), idéalement une idée des vêtements (plus rare), choisir l'heure de réveil (rarement la même heure en fonction du temps que je veux avoir pour moi, gratuit, disponible).

    5/ Non. Je ne comprends pas qu'on ait peur des chiens (j'ai une amie que ça terrorise, j'en suis toujours stupéfaite).

    6/ Oui, ça me sert de référence pour comparer la taille des autres villes moyennes.

    7/ Euh… que des schémas explicatifs. Est-ce du dessin ? (Non.)

    8/ Au café. Je ne sais plus très bien si je vois mes amis. (Je crois que non.)

    9/ Je ne crois pas. Mer très silencieuse en Grèce. Bruit hallucinatoire des filins des voiles contre les mâts à la Baule. Mais pas le bruit de la mer.

    10/ Non. C'est très silencieux chez nous. Je pense que cela rendrait fou la plupart de nos contemporains. Même le son de mon ordinateur est habituellement coupé pour éviter de lancer une vidéo par erreur. Le son est toujours un choix.

    Sortie en quatre

    Hier, un type (un "faux" débutant, ayant «ramé deux ans il y a quatre ans», sans aucun des réflexes de base) a refusé de sortir avec moi parce que j'étais "trop directive". Le canoë était armé sur l'eau, nous avons remonté les pelles et rentré le bateau.

    Je n'avais jamais vu ça. Je me demande comment il va faire pour revenir ramer ici après avoir fait ce caprice.
    Evidemment, quand je l'ai raconté à midi, Jean-Pierre m'a dit que le type avait raison (qu'il «avait vu ma vraie nature»). Nous avons fait une très belle sortie en quatre malgré le vent, améliorant peu à peu notre équilibre. (Marc, Jean-Pierre, moi, Philippe).

    Tout va très mal, Madame la marquise

    Je lis Satori à Paris que j'ai récupéré hier soir au bookcrossing (thème: Paris. J'ai présenté La marquise sortit à cinq heures).

    Ce livre me fait tellement rire que je vais sans doute le recopier tout entier.

    Ainsi donc, la Bibliothèque Nationale qui ne communique aucun livre, les avions bloqués en bout de piste, les trains bondés, c'était déjà vrai en 1965? Ce ne serait pas dû au fait que nous sommes devenus trop nombreux (comme le soutient Hervé)? Well, well, well.
    (Hélas, pas de notation sur le métro, cela m'aurait intéressée.)

    Cela me fait rire mais ce n'est pas drôle, car si c'est une donnée permanente du caractère français, cela veut dire que cela ne va pas changer.

    Réflexion faite

    De fil en aiguille, une conviction : au lieu de suivre Game of Thrones, vous feriez mieux de lire Frédéric II de Kantorowicz. Tout aussi haletant avec l'avantage de pouvoir suivre la vie de n'importe quel personnage secondaire en ouvrant d'autres livres, sans craindre que l'auteur vous menace de mourir avant la fin.

    Marchandage

    — Papa, est-ce qu'il serait possible que tu m'ouvres internet demain soir, ma guilde fait un raid.
    — Demain, alors que tu as passé toutes tes vacances à jouer !!… Et puis il y a école jeudi.

    Hésitations. Silence. Faire plaisir ou être strict, sachant que nous avons toujours eu l'occasion de regretter d'avoir dérogé à nos principes. L'exception est diabolique, parole d'expérience.

    — Bon. Marchandage time. Qu'est-ce que me lis en échange?
    Madame Bovary?
    — Tu triches, tu ne l'as pas comme lecture obligatoire?
    — Non, il fallait choisir, j'ai lu Une vie.

    Et c'est ainsi qu'un raid sur WoW fut échangé contre la lecture de Flaubert.

    N'empêche, Olivier est le premier de nos enfants à toujours essayer de nous convaincre. Perso, je n'aurais pas parié trois kopeks sur son succès. Comme quoi, il faut toujours essayer.

    Cours

    Cours de latin. Quatrième leçon. Nous avons vu les déclinaisons une et deux, les adjectifs de première classe, le présent, futur et imparfait du verbe être, le présent des cinq "groupes" (le mot juste m'échappe) de verbes.
    Nous traduisons directement des versets du Nouveau Testament (Saint Jérôme). Pour la prochaine fois, du Saint Paul.
    Je me dis que ceux qui n'ont jamais fait de latin doivent peiner.

    Cours d'histoire, les Carolingiens, la réforme grégorienne. Nouvelle prof, assez étonnante: elle fait partie de ces personnes alertes et vivantes qui ont un physique de vieille fille revêche.

    Le soir j'arrive juste à temps (23h02) sur le quai du RER gare de Lyon.
    Manque de bol, le train part des grandes lignes. Il faudra attendre 23h32.

    Week-end en Touraine

    (Je n'ai pas dit que je suis à Tours pour le week-end où j'ai rejoins Hervé plutôt que ce soit lui qui rentre.)

    Après la radieuse journée d'hier, temps de saison ce matin. Nous nous cassons le nez sur la maison de Descartes (fermeture de novembre à avril) et obliquons vers Loches que je n'ai jamais vu: dans mon enfance, j'ai visité toujours les mêmes châteaux, Chambord, Blois, Cheverny et Chaumont, que ce soit par l'école ou quand des amis venaient à la maison et désiraient "visiter".

    Ville isolée et blanche, silencieuse et tranquille. Les prix de l'immobilier me paraissent cependant élevés, est-ce la proximité de l'autoroute, puis du TGV (Tours) qui les maintient à ce niveau? Ou alors, ma notion des prix en banlieue parisienne est-elle très fausse? (je veux dire que la question que je me pose est toujours: "que pourrais-je acheter pour le prix de ma maison?")
    Quoi qu'il en soit, la pierre de taille n'est pas "mon genre", j'aime les demeures plus humbles du côté de la Sologne.

    Loches est une sorte de concentré d'histoire :
    - un donjon médiéval, vaste tour comportant trois étages, qui a vu Philippe Auguste, Richard Cœur de Lion et Ludovic Sforza (là, au milieu de la plaine, au milieu de nulle part. Comme c'est étrange);
    - un château pré-Renaissance et Renaissance, où Jeanne d'Arc est venu convaincre Charles VII de se faire couronner à Reims, où Louis XI a vécu enfant, où Anne de Bretagne chassait au faucon sur la plaine;
    - la collégiale Saint-Ours où est revenu après un long détour le tombeau d'Agnès Sorel.

    Nous arrivons presque en retard pour prendre le thé chez Guillaume. Je souris de nous voir procéder à l'échange de livres peu épais choisis avec soin (Lento 1 pour sa part).
    Nous passons deux heures à échanger sur l'état du monde, ou plus exactement de l'école (ça va mal, ma pauv' dame, et le pire est encore à venir!). Guillaume estime que 80% des professeurs en collège et en lycée sont heureux, ou pas plus malheureux que n'importe lequel d'entre nous en entreprise. C'est rassurant (je le note ici parce que ça me rassure).

    Restaurant le Bistrot de la Tranchée, ouvert 7j/7 (pas facile de trouver un restaurant le dimanche soir à Tours Nord !).
    Vendredi soir, pour mémoire: l'excellent restaurant Mao.




    1 : l'éditeur Christophe Lucquin fait appel au crossfounding pour desserrer les contraintes de trésorerie, avoir accès à un "vrai" diffuseur et payer son stand au salon du Livre (allez voir: pour un don de 50€ vous recevrez trois livres et une invitation au salon du Livre).

    Chez l'opticien

    Quelqu'un s'est fait plaisir il y a bien longtemps en choisissant les textes proposés pour contrôler la vision de près et de loin après avoir chaussé ses (nouvelles ou futures) lunettes (volonté pédagogique, humour voilé?):





    On s'est parfois étonné de mon émerveillement devant le monde, il me vient autant de la permanence du rêve que de ma mauvaise mémoire. Tous deux me font aller de surprise en surprise et me forcent encore à m'étonner de tout. «Tiens, il y a des arbres, il y a la mer. Il y a des femmes… Il en est même de fort belles…»
    Jules Supervielle


    Aussi longtemps que nous sommes en cette vie, nous sommes modèles, pour ainsi dire, en raison de notre corps d'argile, à la façon des vases et modèles soit pour le vice soit pour la vertu... C'est pourquoi, pendant que nous sommes ici-bas et pour ainsi dire entre les mains du potier, même si le vase tombe de ses mains, il peut toujours être réparé et remis à neuf.
    Origène


    L’ordre qui règne dans les choses matérielles indique assez qu’elles ont été créées par une volonté pleine d’intelligence. Il convenait à celui qui avait créé de mettre en ordre et, dès lors il est contraire à toute bonne philosophie de chercher une autre origine du monde que celle indiquée ici, de prétendre qu'il pouvait être tiré du chaos par les simples lois de la nature, et une fois formé continuer d'exister durant des siècles par la seule vertu de ces mêmes lois.
    Isaac Newton


    Certaines vertus morales se présentent chez l'homme qui ne se rencontrent pas dans la vie des animaux, sinon de quelques animaux domestiques sur lesquels l'homme marque son empreinte depuis des millénaires. Ces vertus sont la clémence, l'abnégation, l'esprit de sacrifice, la faculté de renoncement. Or il est à noter que ces vertus distinctives, ces vertus qui font les saints, les maîtres et les chefs, ces vertus sont essentiellement individuelles. J'entends que l'homme à l'état de groupe ne les possède pas.
    Georges Duhamel


    Il n'y a de beautés durables que celles qui sont fondées sur des rapports avec les êtres de la nature. Si l'on imaginait les êtres dans une vicissitude rapide, toute peinture ne représentant qu'un instant qui fuit, toute imagination serait superflue. Les beautés ont dans les arts le même fondement que les vérités dans la philosophie. Qu'est-ce que la vérité? La conformité de nos jugements avec les êtres. Qu'est-ce que la beauté d'imitation? La conformité de l'image avec la chose.
    Denis Diderot

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ La première déclinaison en latin ! et le verbe être et ses dérivé, au présent, imparfait, futur.

    2/ Ça dépend ce qu'on appelle "perdre son sang-foid". J'y vois deux origines : la peur ou la colère. Et peut-être l'urgence, mais cela doit rejoindre la peur.
    Etre exaspérée, souvent, en colère (au point de perdre son sang-froid), plus rarement, et les vraies colères sont froides voire glacées (brutalement je me désintéresse, c'est assez étrange comme processus).
    Perdre son sang froid au sens "perdre la tête", au point d'agir de façon totalement illogique, très rarement.
    J'ai l'impression qu'à force de lire je vois toujours toutes les situations de l'extérieur, comme une bonne ou une mauvaise intrigue, et les cas où je suis suffisamment "dedans" pour perdre la tête sont rares.

    3/ Avec une allumette et une boîte à œuf, oui; avec un silex, non; sous la pluie, non!

    4/ Non (nooonnnnn!!!!)

    5/ Non mais j'ai failli!

    6/ Non.

    7/ Oui.

    8/ Ce n'est pas incompatible : ne pas tenir compte des découragements, continuer ce qu'on a à faire, comme si on ne l'était pas. (Donc pas de différence entre un découragement durable et un passager. Bon, disons passager.)

    9/ Oui. Le moment où il recommence à faire suffisamment beau pour que Vincent autorise les sorties en skiff. Ou plus prosaïquement le moment où les arbres redeviennent vert. Le vert me repose.

    10/ Hier.

    Les mots qui tuent

    Je l'ai tué.
    Je ne réponds rien. Je n'ai naturellement pas tendance à faire dans la consolation facile, mais dans un cas comme celui-là, cela n'aurait aucun sens.
    Restons factuelle:
    — Je ne sais pas, je ne l'ai jamais rencontré. Mais ce n'était pas un coup de tête, c'était parfaitement préparé.
    — Oui, mais quand je lui ai dit «j'attendais mieux de toi», je l'ai tué. La psy m'a interrogé, elle a interrogé Eric, elle m'a dit que je devrais vivre avec ça.

    Transports

    Encore des problèmes, cette fois-ci sur la ligne 1.

    Et donc je n'ai pas réussi à atteindre la bibliothèque Melville avant la fermeture. C'est ennuyant, parce que je devais rendre L'Eglise de Congar pour lequel j'ai un retard de plusieurs jours. J'ai oublié de le prolonger à temps (par internet), dérogeant à ma règle "faire tout de suite ce à quoi on pense", sans se dire "j'y penserai plus tard": la preuve, on n'y pense pas.
    Bon, on verra mardi. Ou jeudi (oulipo). (TGB et Melville sont sur la même ligne, la 14 (pour les non-Parisiens)).

    Pensée inavouable

    Les travaux continuent. L'accès au quai à l'extrémité de la rue, si pratique, est fermé depuis lundi pour installer un ascenseur.

    Et tandis que, ma voiture garée, je passe devant la porte condamnée pour aller prendre l'autre accès deux à trois cents mètres plus loin, je me dis qu'il va en falloir, des accidents de voiture pour produire tous les handicapés nécessaires à l'amortissement de ces travaux !


    Pardonnez-moi, je suis assureur, c'est pour ça.



    --------------
    Agenda
    Ce matin, retard dû selon le conducteur "à un accident grave de voyageur", selon le panneau gare de Lyon "à une personne sur les voies" (pas de photo).
    Ça sent le corps retrouvé au petit matin.

    Je dîne gare de Lyon avec Hervé qui revient d'Avignon (Hodgson de Supertramp sur écran géant dans la brasserie) et nous rentrons ensemble.

    Le Quinconce

    Je termine le dernier tome du Quinconce et dessine "mon" arbre généalogique.

    Journée morne. Je ne suis pas allée ramer. J'ai retrouvée la salle de réunion disparue (elle a changé d'étage et de situation dans le nouvel étage). J'espère que le téléphone sera rétabli d'ici vendredi pour le conseil d'administration. Je suis lasse de tout cela. (Il faut que je pense à commander du café).

    Problème de RER D hier soir, ce matin, ce soir. Je crois que je vais me remettre aux photos des explications des retards sur les panneaux de la SNCF ou la RATP.

    Exemple le 21 octobre (il y a une semaine, début des vacances scolaires. Rien ne fonctionne correctement durant ces vacances.)



    Il est 19:05. La phrase d'explication indique:
    « Circulation très pertubée dans les deux sens sur l'ensemble de la ligne. Plusieurs incidents sont survenus. Prévoyez un allongement du temps de parcours. Retour à la normale à 21h. »

    Frayeur technologique

    Ma voiture démarre avec un bouton. Il suffit d'avoir la clé à proximité, dans une poche ou un sac. J'accroche donc la-dite clé à mon cartable ("ma serviette") et n'y pense plus.

    Au milieu de la matinée, je me rends compte que la clé n'est pas sur mon sac. Qu'en ai-je fait? Ah oui, c'est vrai, je l'ai détachée pour aller ramer à Melun hier, et ce matin, je l'avais à la main; je l'ai tout simplement posée dans le vide-poche avant de démarrer.

    Et c'est à ce moment-là que je réalise que je l'ai laissée dans la voiture garée près de la gare (impossible de fermer la voiture avec la clé à l'intérieur. La fermeture se fait par simple pression de main sur la poignée — à condition d'avoir une clé dans son sac ou sa poche — ce que je n'ai pas fait ce matin; j'ai tellement eu l'habitude de ne pas fermer ma voiture précédente…)

    C'est le cœur battant que ce soir j'ai remonté la pente en cherchant des yeux ma voiture.
    Elle était encore là.

    Samba

    Voir Samba à Yerres me donne envie de me lever dans la salle pour gueuler: «Vous ne voulez pas de ces Noirs chez nous? Votez Dupont-Aignan!»

    Mais je me retiens. Et puis ceux qui sont venus voir Samba sont probablement ceux qui ne votent pas Dupont Aignan…

    L'histoire est gentille, Charlotte Gainsbourg terreuse à faire peur (à mon avis ça ne tient pas debout trois secondes, impossible qu'elle retrouve son poste dans une boîte où elle a fracassé un portable sur la tête d'un mec), il y a quelques bonnes répliques.

    Mais si l'on ne s'attache ni à l'intrigue, ni aux côtés ripolinés du film (qu'ils sont propres et peu regardants, ces pauvres, prêts à perdre une paire de pompes ou un manteau (je lis Le Quinconce, absolument sordide dans sa description de la misère)), le côté documentaire est terrifiant, de la plonge aux travaux de BTP (pas étonnant que les travaux de carrelage ou de maçonnerie soient toujours mal faits!) en passant par les centres de tris de déchets (un côté Wall-e)… Le film montre bien l'hypocrisie du système, entre les employeurs qui trouvent là une main d'œuvre corvéable à la journée, sans contrat, et l'administration qui délivre des OQTF (obligation de quitter le territoire français) en ouvrant le portail du centre de rétention…

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ J'attends d'elle qu'elle me fournisse de jolies choses. Je la précède un peu, souvent : j'ai dans mes armoires des objets "mainstream" aujourd'hui qui étaient audacieux quand je les ai achetés, comme des talons très hauts ou des bottes montant au-dessus du genou (2001).
    La mode est jolie depuis quelques années, fleurs et dentelles; malheureusement elle ne peut s'empêcher de mettre du mauvais goût (paillettes et clinquant et vernis bleu) dans cette joliesse, comme si elle avait peur de l'élégance.
    Voilà : j'attends de la mode qu'elle soit élégante, et elle ne l'est pas toujours (je prédis un retour aux lignes des années 50, j'ai quelques robes ainsi, les passants dans la rue aiment beaucoup).
    Ou alors amusante, en clin d'œil. J'attends qu'elle rappelle des souvenirs tout en faisant attendre l'été.
    Finalement je compte beaucoup sur la mode (quand elle vous laisse tomber, qu'elle est moche à pleurer, vous ne trouvez plus rien en magasin.)
    Je suis émerveillée par l'évolution des matières, la soie et le lin devenus grand public, les jeans qui ne rétrécissent plus,...
    La mode masculine est un refuge quand la féminine délire trop, ses lignes et ses matières restent toujours sobres.
    Mon idéal, c'est Swann («je ne trouve pas mes chapeaux, je les garde!») et Odette sortant au Bois (l'intérieur du poignet ou du col de son chemisier, je ne sais plus, une couleur mauve ou violette, l'élégance de ce qui n'est pas destiné à être vu mais ressenti. Il faut croire au rayonnement des objets inanimés (avez-vous une… etc))
    Bref, j'aime bien la mode, pas pour la suivre, mais pour la surveiller et en profiter.

    2/ Rarement. J'aime surtout les voir changer sous l'effet du vent. Je me rappelle nettement du jour où j'ai compris qu'ils bougeaient.

    3/ Non, certainement pas. Si ce n'est pas du charlatanisme, c'est terrifiant.

    4/ Oui, très facilement. Trop. Cela s'était arrangé après la naissance des enfants (modifications hormonales?), cela revient maintenant (ménopause?) Je peux me mettre à pleurer en voyant une mendiante dans le métro. C'est très embarrassant (heureusement personne ne remarque rien).

    5/ Non.

    6/ Bloguer. Lire. Apprendre des langues. Voyager.

    7/ Euh... Séduire qui ? (on va dire des échecs potentiels: je n'imagine tellement pas que je pourrais réussir que je n'essaie même pas. De toute façon je ne sais pas comment on fait. Et puis je me rappelle une phrase d'Autant en emporte le vent: «Vous, une O'Hara, vous jeter à la tête d'un homme!» Voilà: on ne se jette pas à la tête des hommes.)

    8/ Le tricot. Le point de croix.

    9/ Oui puisque j'arrive à écrire quelque chose presque tous les jours.

    10/ Avec schizophrénie: celui qui permet de dormir plus fait se coucher le soleil plus tôt, et inversement: donc je les espère en les redoutant.

    Une certaine idée du bonheur

    Hier, j'ai assisté à mon premier cours de "lecture suivie de grec" par Anne-Catherine Baudoin, qui était la professeur qui nous avait fait une présentation remarquable ce jour-là (et c'est sur son nom que je me suis inscrite, il a simplement fallu attendre deux ans d'avoir fait Grec I et II).
    Il est apparu assez vite que je n'étais pas du tout au niveau: pour le premier cours, comme par définition nous n'avions pas préparé de texte, les traductions se sont faites sur le vif: sueurs froides et panique, je ne sais rien.

    Mais à part le fait que cela est très embarrassant, tant qu'elle ne me prie pas de ne plus venir pour manque de niveau, cela n'a aucune importance, le bonheur est trop grand. Peut-être même est-il plus grand du fait de ne pas être au niveau: j'ai le droit d'être ici malgré tout, d'apprendre malgré tout, de participer malgré tout… Tant pis pour l'imposture, après tout cela n'en est pas une puisqu'elle est visible à tous, chic je suis acceptée malgré tout.

    Quelques explications sur les codex Vaticanus, Alexandrinus, Sinaiticus. Je confonds, ne retiens pas, n'ai pas le temps d'écrire, mais c'est fascinant. Une vie entière penchée sur des variations, en sachant que l'une n'est pas forcément plus "juste" que l'autre.
    Nous lisons et traduisons un peu de Marc directement sur une phocopie de manuscrit. Cela donne l'impression d'être enfin dans la vraie vie. (Ce n'est pas facile de lire un texte écrit en capitales grecques sans césure entre les mots).

    J'apprends l'existence de Constantin von Tischendorf, le véritable Indiana Jones, ou presque.
    Je corrige, ce n'est pas que nous entrons dans la vraie vie mais le contraire: nous entrons de plein pied dans les mythes.

    Auto-analyse face au récit

    Gone girl me fait comprendre quelque chose sur moi-même, sur "mon genre": les histoires (les récits, diégèses, choisissez le mot en fonction de vous-même) dont les héros font leur propre malheur me laissent indifférente (exemple: Madame Bovary). (L'écriture, l'écriture!! oui, mais l'écriture est en quelque sorte un pré-requis, "c'est normal", si c'est mal écrit je ne lis pas, donc ce n'est pas un argument décisif pour pousser à l'enthousiasme.)

    M'intéresse la réaction du héros face au destin, plus prosaïquement aux tuiles qui lui tombent sur la tête, sa façon de naviguer à vue parmi les embûches de la vie (résoudre les problèmes, survivre, ma grande passion (pas très romantique, désolée (mais pourquoi le romantisme a-t-il tant la cote?))).

    -------------
    Pour revenir à Gone Girl (attention, ne pas lire la suite si vous avez l'intention d'aller voir le film, ce serait vraiment dommage d'avoir un aperçu de la fin ailleurs que devant l'écran), il souffre à mon avis de deux défauts de construction (ce qui ne l'empêche pas de présenter un suspense haletant porté en particulier par une actrice excellente):

    Il m'embarrasse un peu d'exprimer le premier, car j'en tiens pour "la suspension d'incrédulité", et donc je n'avance qu'avec prudence le reproche de manque de rigueur. Mais alors que la première moitié ou les deux tiers du film sont construits mathématiquement, implacablement, un peu à la façon de L'Invraissemblable Vérité ou Le Crime était presque parfait, la fin nous montre un incompréhensible relâchement des enquêteurs: quid du voisin qui appelle Nick au début du film (s'il a appelé parce que le chat était dehors, détail infime, n'aurait-il pas remarqué la voiture d'un kidnappeur, détail autrement intrigant?), quid de l'emploi du temps du kidnappeur, n'était-il pas au bureau à l'heure du crime? Et surtout, quid de la phrase d'Amy (de mémoire, très à peu près): «j'ai besoin de trois choses: que tu confirmes les achats par carte bleue, que tu dises que tu t'es servi du bûcher pour stocker les affaires et… (j'ai oublié)»: si Nick avait réellement l'intention de trouver une faille, ne se serait-il pas emparé de cet aveu de faiblesse, de cette liste de points faibles, pour les étudier ou les rapporter à l'inspecteur?

    Ce qui m'amène au deuxième défaut, à mon avis plus gênant: si l'on considère (hypothèse) que Nick reséduit Amy en lui déclarant "je t'aime" via les écrans de télévision, si l'on considère que l'idéal d'Amy est un homme qui lui ment (après son retour, dans leur maison, elle lui déclare qu'elle aime ce qu'il est redevenu pendant sa disparition, c'est-à-dire menteur, ou plutôt homme mettant sa vie en scène à la façon d'une pièce de théâtre, véritable pièce du fait de la présence des caméras donc de spectateurs), alors ce "re"-devenu implique qu'il lui a (beaucoup?) menti en début au début de leur relation, qu'il s'est beaucoup mis en scène derrière sa déclaration "no bullshit", deux doigts sur le menton.
    Or cela, on ne le voit pas. La seule image du début de leur relation vient du journal d'Amy, et elle décrit un début idyllique, sans que nous sachions si c'est une construction à l'intention des lecteurs du journal (et à ce moment-là, à l'intention des candides spectateurs du film). Comment était le Nick du début de leur relation, qu'en a-t-elle pensé, s'est-il mis en scène et le savait-elle? Amy est-elle juste folle à lier, psychopathe, comme semblent le montrer ses aventures précédentes, ou a-t-elle souffert de la décomposition d'un homme qui en redevenant vrai (retour au pays et à la mère) la décevait profondément, elle qui ne vivait que par le mensonge et la mise en scène de sa vie depuis l'enfance (Amazing Amy)?
    Peut-on considérer qu'alors qu'elle avait pour but de punir son mari, elle s'aperçoit avec surprise au cours du processus qu'elle a réussi à le rendre de nouveau conforme à ce qu'elle aimait en lui? Une Pygmalion monstrueuse ayant pour but de modeler une statue à son image? («C'est ce que fait le mariage» : créer des monstres? ou low key plus simplement donner naissance à des acteurs?)
    (Si l'on voulait une morale positive excessivement tirée par les cheveux vu la tonalité du film, ce serait «le mariage est une séduction à réinventer en permanence» (ce tour de passe-passe en clin d'œil amical à PZ). (Et si l'on veut revenir au film, il faut continuer par: «N'échouez pas, sinon, gare!»))
    Il manque un point de vue extérieur sur le début de leur histoire pour consolider l'ensemble de l'intrigue, un parallélisme qui mette la fin et le début en regard.

    Particularité fluviale

    Quand je n'ai pas le moral j'ai froid et je n'ai pas envie d'aller ramer, même si je sais que ramer me réchauffera et me redonnera un peu le moral (tout au moins du courage (as opposed to découragement) ce qui n'est pas à négliger pour terminer la journée).

    Hier je ne suis donc pas allée ramer; aujourd'hui je m'y suis forcée. Dix kilomètres autour de l'île de la Jatte en double canoë.

    Il se produit un phénomène curieux avec le courant: en amont du club (qui est sur une île, l'île de Neuilly), le bras (dit "petit bras", tandis que les péniches circulent sur le grand bras) est fermé par un barrage de retenue. Quand il n'y a pas de courant, c'est très calme, mais dès qu'il y en a, le débit est très rapide, beaucoup plus rapide qu'à Melun par exemple (de l'influence de la section du tuyau sur la vitesse de l'eau).
    Au bout de l'île de Neuilly commence l'île de la Jatte, et tout le courant du petit bras de l'île de Neuilly va se jeter dans le grand bras de l'île de la Jatte, tandis que le courant dans le petit bras de celle-ci reste très calme en toute saison et quoi qu'il arrive.

    En d'autres termes, le courant se partage en amont de l'île de Neuilly pour ensuite rejoindre un seul bras (ou quasi) en amont de l'île de la Jatte.

    Cette année, sans doute dans l'éventualité d'un hiver aussi difficile que l'année dernière, Vincent nous fait privilégier "la Jatte" sur "le barrage". Le problème, ce sont les péniches que nous devons apprendre à croiser (on n'imagine pas le danger que représentent les vagues qu'elles soulèvent pour des embarcations aussi frêles que les nôtres. Moby Dick).

    Livres audio

    Au cours de la journée, je dis à un adhérent qui n'a pas sa carte de tiers payant que je ne trouve pas aberrant de payer ses médicaments d'abord, pour être remboursé ensuite (et encore, il ne s'agit que de payer la part non réglée directement par la sécurité sociale).
    Il s'étrangle au télephone:
    — Mais c'est un jugement de valeur que vous émettez là !
    — Oui, tout à fait.
    Et je me demande in petto pourquoi il supposait que j'allais reculer devant le fait d'émettre un jugement de valeur. Evidemment que c'est un jugement de valeur, un jugement qui correspond à une certaine idée du bien commun et public, pourquoi cela ne pourrait-il pas être dit? (Il l'a réellement prononcé comme il aurait dit: «Mais vous êtes raciste!» Bizarre.)
    (Ajoutons pour ceux qui s'apitoieraient sur cet homme qu'après deux ou trois questions, il s'est avéré qu'il était "à 100%" et donc ne payait rien, carte de tiers payant reçue ou pas.)

    Hier matin en me connectant sur l'intranet, j'avais appris que le directeur de l'autre entreprise du groupe hébergée dans cet immeuble partait, après deux ans passés "à redresser les filiales en France". J'avais été surprise, il était étonnant qu'il partît si vite, la boîte allait plutôt bien et il était réputé travailler beaucoup en intervenant à tous les niveaux.
    Renseignements pris en prenant le café, il aurait insulté un chauffeur de voiture privée qui aurait porté plainte (ce n'était pas sa première insulte ni la première humiliation publique, mais les affaires en interne avaient été étouffées). Autre rumeur: la drogue (et je pense "coke" car il était connu pour son hyperactivité).

    Le soir je passe à la bibliothèque Rilke (Port Royal) chercher la suite de Twin Peaks puisque Charlotte Delbo (place de la Victoire) est fermée. Je vais rendre des livres à Buffon (Jardin des Plantes) et en explorant le rayon des livres audio je suis prise d'une véritable frénésie d'emprunt (totalement impossible d'écouter cela en trois semaines, mais je me suis dit que je prolongerai les prêts (par internet, c'est facile)):
    La fille aux yeux d'or, Le Lys dans la vallée, Une Ténébreuse affaire, L'auberge rouge, Le Curé de Tours, La Chartreuse de Parme.
    Mais qu'est-ce qui m'a pris?

    Changement civilisationnel

    Se rappeler que c'est à l'automne 2014 que la purée est devenue "écrasé de pommes de terre" (sur tout le territoire puisque Hervé l'a vécu à Mulhouse tandis que je le vivais à Sauternes, et qu'il me semble que ce fut le cas fin septembre au Bouillon Racine.)

    Retour

    Rentrée en fin de journée après un voyage sans histoire à écouter Proust. Je pensais rentrer quinze heures plus tôt, directement après le colloque, qui s'est terminé strictement à l'heure du fait que certaines personnes prenaient le train.
    Hervé part demain à cinq heures du matin.
    Mauvaise conscience.

    Malagar 2 - les visites

    Hier nous étions allés jusqu'au salon inondé de lumière, aujourd'hui après le déjeuner jusqu'à la deuxième pièce — la pièce où écrivait François Mauriac — (l'organisateur est venu nous y chercher, il fallait respecter les horaires), ce soir enfin jusqu'au bureau, dernière pièce du rez-de-chaussée.

    Les pièces sont emplies de souvenirs et sont le cadre de scènes des romans de François Mauriac que la guide avertie nous cite au passage. Nous la soumettons à un supplice d'un nouveau genre, car à chaque nouvelle (tentative de) visite, certains d'entre nous s'ajoutent aux personnes présentes la fois précédente: elle est donc obligée de recommencer à chaque fois ses explications (que j'aurais donc entendues trois fois en ce qui concerne la cuisine (Le Sagouin est une histoire vraie racontée à François Mauriac par son instituteur) et la salle à manger («Je me tais, je me terre» disait François Mauriac en parlant de Malagar), qui perdent de ce fait toute la fraîcheur de la nouveauté. Mais notre guide conserve son calme, sa distinction et sa gentillesse.

    Par exception, nous avons visité également les chambres de l'étage : la chambre de bonne maman appelée chambre de Gide, la vaste chambre de François et Jeanne, et sous les toits, le pigonnier de Claude ouvert sur trois côtés dans le soleil déclinant. (Et notre guide s'assoit sur le lit pour parler, épuisée.)

    Le soir dîner à St Macaire (non sans avoir d'une part pris la messe en route (ces portes ouvertes, ça m'intrigue, est-ce vraiment une conséquence d'Evangelii Gaudium?), d'autre part acheté des oignons sauvages à deux jeunes garçons.)
    Un tract antisémite écrit au feutre en lettres capitales m'attendait sur ma voiture. Parce qu'elle est allemande? (étrange, étrange).

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Tous les midis pratiquement.
    Je dîne moins souvent à l'extérieur (à une époque c'était la marque de notre paresse) depuis que j'ai découvert, vers 2000, les magasins Métro: les litres de sauces au poivre, au roquefort, blanche, corail, les vinaigrettes toutes prêtes, les boudins d'œufs durs reconstitués, etc., m'ont dégoûtée de manger au restaurant: c'est meilleur chez moi quand Hervé est aux fournaux.

    2/ J'ai rêvé cette nuit que j'étais enceinte.

    3 et 4/ Non et non.

    5/ Je ne crois pas.

    6/ Oui, mais de façon limitée: religion catholique orientale ou orthodoxe (je ne sortirai pas du christianisme, et le protestantisme n'est pas une option).

    7/ Oui, mais pas franchement à l'échelle !

    8/ J'ai lu énormément de bandes dessinées entre vingt et trente ans. Je n'en lis plus aujourd'hui, sauf à retomber sur un album dans le salon. Je n'en lis pas que je ne connaisse déjà.

    9/ Je ne crois pas. Je téléphone très peu, et brièvement.

    10/ Aux fantômes, aux fées, aux lutins. A tout. (C'est ainsi que mon fils me pense superstitieuse.) J'ai tant de nostalgie de cet univers.

    11/ Non. Ce n'est pas l'avion qui est en cause, mais les contrôles au sol : je déteste être prise à priori pour une criminelle, coupable tant que non prouvée innocente.

    Malagar 1

    Colloque à Malagar pour le centenaire de la naissance de Claude Mauriac. Pour tous ceux qui ne connaissent que le père, je fais la publicité du fils: des romans du Nouveau Roman "lisibes" (mais pour "lecteur averti" cependant, comme dit un commentaire de la bibliothèque de mon entreprise), des articles de journaux (dont cinéphiles), des rencontres (Jouhandeau, Gide, Cocteau,…) et un journal déstructuré ou restructuré (selon les points de vue: une chronologie recomposée par association de dates ou d'événements) couvrant la totalité d'une vie (la particularité de cette vie, c'est qu'étant le fils de François Mauriac, les personnes que Claude croisait naturellement étaient celles qui faisaient la France).

    Ce que j'apprécie particulièrement chez Claude Mauriac, c'est la droiture et le scrupule, la tendance spontanée de tenter de comprendre le point de vue de l'interlocuteur ou de l'adversaire.

    Interventions sur le diariste, le journaliste, le théâtre, un voyage tchèque (en 1938), La Marquise, etc.
    Patrick intervient pour présenter l'amitié entre Jean Allemand et Claude Mauriac ainsi que le site Claude Mauriac dont il est webmestre.
    (Mais c'est terrible, y a-t-il quelqu'un dans la salle qui ne tienne pas son journal?)

    Rencontres interculturelles, encore. Ce voyage prend une teinte religieuse inattendue, entre le Belge agnostique, le Nantais appelé à témoigner au procès en canonisation du père Caffarel, l'incapacité de Claude Mauriac à croire malgré (ou à cause de?) la pression parfois excessive (à mon avis) de son entourage (Maurice Clavel, Xavier Emmanuelli) et mes voisines tchèque et russe catholiques (une Russe catholique? (un pour cent de la population)) au français varié et parfait.

    (Et je remercie Aline qui a fait quatre heure de route pour venir nous saluer et partager quelques heures avec nous.)

    Voyage interculturel

    Yerres, Chartres, Nantes, Sainte Croix-du-Mont. La voiture se charge peu à peu, le coffre est petit et je suis un peu embarrassée de faire se plier en cinq mes compagnons dans ma petite voiture pour un si long voyage. Bast, espérons que demain il fera aussi beau que promis, ce qui nous paiera de tous ces embarras.

    Beaucoup de pluie de la Vendée au Bordelais, un ciel gris presque belge.

    La foi. Croire, ne plus croire. Re-croire ? L'énigme du mal, indépassable.

    Tentative d'expliquer ce que c'est qu'un blog, non pas tant matériellement, mais dans ce que cela établit d'intimité et de distance avec ses lecteurs (mon interlocuteur n'arrive à le concevoir qu'à destination d'amis, tandis que j'en tiens pour les inconnus (je veux dire inconnu avant le blog ou connu par internet).
    Tenir ou pas son journal, le publier ou pas ?

    Discussions "interculturelles" avec notre compagnon belge qui nous raconte son expérience des colloques en tant que "doublure" (comprendre: remplaçant à la demande, lui non universitaire, un collègue plus prestigieux (?? ça se pratique en France, cela?)), dont les frasques d'un collègue spécialiste de l'interculturel (anecdotes qui ont inspiré mon titre), pingre et égocentrique: une couette russe (avec ouverture au centre et non à une extrêmité — «La France a longtemps résisté à la couette à cause de de Gaulle, il était trop grand, aucune couette n'était à lsa taille»), un taxi belge (amateur de musique classique contemporaine), une brosse à dents marocaine («Vous pouvez l'utiliser, elle a très peu servi»), la dextre belge (la même que la française), une femme d'ambassadeur (infirmière en soins palliatifs), une photo en face de la Petite Sirène (avec une Danoise resplendissante à ses sept mois de grossesse), une employée de banque tchèque très jolie (était-ce tchèque?),…

    Vers le soir après Langon, je propose de décapoter, pour respirer: il ne pleut plus et nous avons passé la journée dans une petite boîte noire. Je sais que c'est peut-être une erreur, pour mes compagnons… Mais l'appel de l'air et de la lumière sous ce ciel enfin calmé est trop fort.

    Belle chambre d'hôte au château Lamarque (je recommande).
    Repas à Cadillac en face de la halle. Il fait une douceur merveilleuse. Nous contemplons avec stupéfaction les marques des crues de la Garonne, d'abord sur un pilier de la halle, ensuite sous la tour qui ramène vers la Garonne.
    En rentrant au gîte, le ciel est si pur que le chemin de St Jacques s'ébauche au-dessus de nous. Depuis combien de temps ne l'avais-je pas vu?

    Journée grise

    Pas grand chose. Beaucoup de courant, comme hier. Bruine agréable (contre un ciel bleu d'hier).

    Mon patron au téléphone (nous ne sommes pas sur les mêmes sites et je le vois deux fois par an environ). Il a soixante-deux ans, je redoute son départ, il me manquera. Nous discutons stratégie de pouvoir entre syndicats, pas toujours compréhensible quand on cherche simplement à être efficace.
    Il me parle d'une loi qui va révolutionner le domaine de la formation: les employeurs vont être tenus de garantir "l'employabilité" de leurs salariés à partir de janvier prochain, le DIF disparaît. Je dois avouer que je n'y comprends pas grand-chose et cela ne m'intéresse pas beaucoup, la formation en entreprise m'ayant toujours paru un "machin". (Serait-il possible de faire passer une semaine à Cerisy en formation? Prené-je le risque de lui parler de ma formation en théologie? (c'est délicat, car je n'ai pas d'objectif professionnel, je ne vise rien d'autre que suivre pour suivre en attendant de découvrir quelque chose en chemin.))

    Ce soir je prépare ma valise en faisant confiance aux prévisions météo: il devrait faire beau. J'hésite à emmener l'enveloppe destinée à protéger la capote rabattue : laisserons-nous celle-ci ouverte suffisamment longtemps pour utiliser l'enveloppe qui capote fermée prend de la place dans le coffre? (problème de place pour les bagages).

    Gestion domestique

    Soit un panier de linge repassé déposé sur la table du salon dimanche soir.
    Je découvre que le chat, inévitablement, s'est couché sur le pantalon couronnant la pile, y déposant moult poils et sans doute œufs de puce (petits points blancs).

    Que faire ?
    — armé d'une brosse collante, nettoyer le pantalon, puis distribuer le linge entre ses différents propriétaires (rien n'est pour moi, mes robes sont sur cintre, non pliées) ;
    — la même chose, mais en vitupérant ;
    — rien, après tout, ce linge n'est pas pour moi.

    J'ai choisi la dernière solution, en prévenant les enfants que je n'étais pas là ce week-end, et que sans doute leur père serait furieux de l'état de son pantalon (on pourrait argumenter qu'il n'avait qu'à le ranger avant de partir. Question théorique: le fait que le père de famille s'absente la semaine pour nourrir sa famille le dispense-t-il des tâches domestiques, sachant que le reste de la famille n'a pas moins de contraintes horaires, même si moins rémunératrices? (Je pense que non, ne serait-ce que pour des raisons d'exemplarité, mais il argue de sa fatigue pour se défiler, et je voudrais éviter que cette fatigue ne se transforme en épuisement.))

    Nécessairement, c'est tout un ensemble.

    J'apprends ce matin qu'Hervé Legrand était "disciple" de Congar.
    Ainsi donc je m'étais entichée du disciple (1997) avant de connaître le maître, pour éprouver un coup de foudre pour le maître à la première citation de lui entendue (2011).
    «La théologie est toujours biographique». (B. Cholvy)



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    Agenda
    Un prêtre polonais me demande des conseils pour une mutuelle. Euh… Je lui conseille de chercher une mutuelle couvrant le forfait hospitalier, soit la couverture minimale pour une cotisation minimale. Il reste à vérifier qu'il est bien couvert par la sécurité sociale française.

    La réclamation

    En écoutant l'un des secrétaires généraux de l'ACPR raconter les tribulations de sa fille, la colère me prend. Je pense au cousin de mon père et je me dis qu'on lui a volé sa vie deux fois.

    J'avais raconté ici la mort de Daniel et plus récemment la surprise romanesque de découvrir un héritage important. Je ne sais plus si j'ai dit que cette heureuse surprise s'était évaporée: en effet, le contrat d'assurance-vie n'avait pas nommé les héritiers, et le cousin de papa, ne connaissant que mon père et mon frère, n'avait pas imaginé que cela pourrait concerner d'autres personnes. Or le généalogiste a retrouvé vingt-huit héritiers en Pologne, du côté du père de Daniel (dans notre famille matriarcale, personne ne s'était jamais préoccupé de la possible famille de son père — de même que je n'ai aucune information sur la famille de mon grand-père paternel: les grands-mères maternelle et paternelle, les tantes, ont monopolisé l'histoire familiale): l'assurance-vie est donc à partager. (J'avais alors tenté de réconforter ma mère en lui disant que ces quelques milliers d'euros, dont mes parents n'avaient pas besoin, seraient peut-être une manne miraculeuse pour quelques familles polonaises inconnues.)

    Mais en sortant de conférence, la colère grondait en moi: ainsi donc Daniel, homme simple, couvé et suralimenté par sa mère, obèse, amputé de ses deux tibias, mort brûlé vif dans un incendie dont nous ne saurons jamais s'il était criminel, se voyait par delà la mort dépossédé de sa dernière volonté: transmette à ses deux cousins, sa seule famille connue, l'intégralité des économies accumulées durant sa vie solitaire et modeste.
    Déjà au moment de la mort de Daniel, maman m'avait fait part de leur écœurement à découvrir comment la banque locale avait fait souscrire des dizaines de produits financiers à Daniel pour y mettre quelques centaines d'euros, assurant sans doute des commissions au chargé de clientèle qui profitait de cet homme simple.
    Il fallait demander justice. Il fallait profiter des dispositions légales pour déposer une réclamation pour défaut de conseil (même ma grand-mère maternelle savait qu'il fallait désigner les bénéficiares d'une assurance-vie par leur nom!), non pour obtenir les sommes (je pense que c'est impossible sans une action en justice et je ne vais pas m'engager là-dedans), mais pour obliger la banque à répondre, pour la mettre en porte-à-faux et alerter l'ACPR.

    Il restait à convaincre mon père, homme silencieux, discret, et faut-il le dire, un peu lâche; accepterait-il cette démarche, ne recommanderait-il pas le silence, l'effacement?
    Sa promptitude à me fournir les documents nécessaires à une lettre argumentée me confirme ce que j'avais pressenti: sa douleur devant cette mort atroce restée inexplicable, douleur doublée peu à peu de colère, d'amertume et de désir de justice.

    Bien sûr, ce qui fait hésiter, c'est l'impureté des motifs: est-ce la justice ou l'appât du gain qui motive au fond la réclamation? Comment être sûr de ses propres mouvements?
    Mais il ne faut pas que ce genre de doutes empêche de demander à une banque de travailler avec rigueur. Ce n'est pas parce qu'on travaille dans une petite agence de l'Indre pour des gens humbles que cela autorise à faire n'importe quoi.

    Premier TG d'ecclésiologie

    Je prends le RER plutôt que la voiture, afin d'avoir le temps de terminer ma préparation de TG dans le train.
    Du quai, je contemple les wagons arrêtés sur la voie en face (et qui de ce fait la condamnent pour la journée). Beaucoup de travaux prévus dans les semaines à venir.





    La composition du groupe se spécialise: une religieuse, une ex-religieuse, une future religieuse. Deux médecins, une infirmière (un ingénieur, un imprimeur à qui je recommande Le cave se rebiffe).

    Matinée sur Troeltsch. Finalement "l'Eglise-mystique" serait le ferment qui travaille l'Eglise (chrétienne) de l'intérieur.

    Apéritif. J'entends tandis que je sirote un verre de kir devant St Joseph-des-Carmes:
    — Nous fuyons ce qui nous est important.



    Rentrer me prend des heures car je tente l'expérience, pour pallier le manque de trains s'arrêtant à Yerres, de prendre le bus B à Créteil-Pompadour. Las! je ne parviens à trouver l'arrêt de bus que bien après qu'il soit passé.
    Je vais alors jusqu'à Villeneuve-Saint-Georges et en attendant mon train qui tarde, emm**, par pure malice, pour m'occuper, (le pauvre) un black petit qui fait des sondages sur notre satisfaction: nom de Zeus, il ne faut pas avoir honte!

    En arrivant à Yerres, je photographie les travaux vus de l'autre quai. Il fait très beau.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Etablir une routine, des routines, pour gagner du temps (pour le soir c'est à peu près OK, le matin je n'y arrive pas.)

    2/ Non.

    3/ Oui. Je mange des céréales de petit déjeuner en lisant ou en surfant sur internet.

    4/ Ce qui a surtout changé, c'est la définition du mot ami. Je ne sais plus du tout ce que c'est1, et après mon expérience d'il y a trois semaines, je le sais encore moins.
    En nombre, élargi, mais j'ai du mal à dire que le cercle s'est élargi, car élargi m'évoque de la distance, or je conçois les amis comme proches.

    5/ Les transports en commun. Facebook.

    6/ Le petit déjeuner? Le refus que qui que ce soit quitte la maison sans avoir petit déjeuné.

    7/ Non.

    8/ Une oraison funèbre, ça compte? L'oraison funèbre de ma grand-mère.

    9/ Oui, il n'y en a pas tant que ça !

    10/ Sachant que j'écris cela dimanche soir, demain à cette heure-ci, je serai en train d'écouter la fin d'un cours sur Saint Paul.



    1 : Cela pourrait être quelqu'un avec qui l'on a passé de nombreuses heures in vivo ou per scriptura, sans partager obligatoirement les mêmes goûts, ni les mêmes jugements, ni les mêmes opinions, mais avec lequel on se sent des liens inexplicables dans leur nature, et qu'on tentera d'aider dans la mesure du possible si l'occasion se présente — même si l'on ne se voit ni ne se parle plus beaucoup. (C'est finalement la leçon de Vingt ans après, si étrange après le fusionnel Trois mousquetaires.)

    Carl Lewis

    A la caféteria devant moi, des jeunes filles :

    — Mais comment tu peux savoir qu'il est mort puisque tu ne sais même pas qu'il existe !?!

    Refroidis d'Hans Petter Moland

    Je me suis bien amusée pendant ce film dont le scénario est hyper classique : deux gangs s'entretuent suite à l'intervention d'un quidam qui mène sa guerre personnelle contre le chef de l'un d'eux.

    J'ai retrouvé cet humour scandinave que j'aime tant (cf. Aki Kaurismäki), avec des dialogues inattendus et des scènes de torture (Reservoir Dogs), une remarque sur les noms des mafieux (Ghost Dog), des remarques croisées sur les cultures (les Serbes commentant les Norvégiens commentant les Suédois et les Danois, un "Chinois" japonais danois (spoil, désolée)), des voitures, des chasse-neige, un divorce, des amoureux, trois fils, des croix austères ou luxuriantes selon qu'elles sont protestantes ou orthodoxes, et beaucoup, beaucoup de morts (une vingtaine? C'est la guerre.)



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    Agenda
    PHP a quitté la maison en fin d'après-midi. Nous allons pouvoir de nouveau laisser les portes des chambres ouvertes pour la libre circulation des chats.

    Lundi : cours

    Congar au centre Sèvres. Ça faisait longtemps que je n'étais pas venue là. Un Allemand, un Polonais, un Indien dans les élèves.
    Congar. Mon genre. 1790 titres (articles, livres, etc) recencés à ce jour.
    Conseil de prof :«Je vous conseille vraiment d'avoir un théologien de référence, un compagnon de route; c'est ce qu'on nous conseillait quand j'ai commencé mes études — moi j'avais choisi Irénée».
    «On est toujours un débiteur et un héritier, ça fait partie de l'expérience théologique.»

    Latin. La prof est très brouillonne, elle en dit trop, elle explique trop de choses inutiles pour un début, elle perd les étudiants — elle me fait penser à moi expliquant.

    Exégèse (après des lundis d'ecclésiologie et de sociologie). Saint Paul. Voilà Saint Paul. Treize lettres, sept authentiques, quatre de seconde main, deux adressées à des personnes.
    Saint Paul a été lu pendant des siècles à travers le prisme de la lecture de Luther (la justification par la foi, Romains 1 à 8, on ne lisait pas la suite) lisant Augustin. Cette lecture a été remise en cause récemment, sans que de nouvelles pistes se soient vraiment dégagées. Personne n'ose se lancer. (Et je pense à Marc et «What time is it? Kairos!»).
    Je ne doute pas que certains amis seront heureux ou amusés d'apprendre, ordre alphabétique oblige, qu'en haut de la bibliographie figure le Paul de Badiou.

    L'oral portera sur une courte péricope. Je penche pour l'épître aux Colossiens.

    L'affaire de la cuillère à glace

    — Tiens, Véronika nous a rendu deux bols et la nappe grise.
    — Ah très bien. Tu lui as rendu la cuillère à glace ?
    — Non, j'ai oublié. De toute façon, elle avait cru que tu étais sérieuse quand tu avais dit que cette cuillère était si bien que tu allais la garder.
    — Quoi ??!!!


    Entre ceux qui ne croient rien de ce que je dis et ceux qui croient n'importe quoi… Mais là, ce serait du vol, non? «Tiens, ça, ça me plaît, je le garde». Et elle n'est pas choquée? Ou elle ne le dit pas? (sans doute pas, puisque je suis invitée à l'anniversaire de son mari bientôt. Je crois que je vais ramener quelques verres en cristal, eux aussi me plaisent).



    Agenda
    Nouvelles de la Seine : il fait froid, pluvieux, venteux. La Seine secoue beaucoup. Les peupliers sont jaunes.
    Hervé voulait revoir Pride : complet. Donc Horns, que voulait voir Clément. Dispensable mais pas catastrophique (pour ados).

    Enquête

    Les questions sont ici .

    1/ Je suis incapable de faire ça. Quoi qu'il en soit, je ne reconnais pas grand monde.

    2/ Hypersensibilité de l'ouïe (tare familiale. Mallarmé avait la même paraît-il): peut-on parler de "développement"?

    3/ Je fais moins, je suppose.

    4/ Oui. Beaucoup, mais de façon inconsciente, la plupart du temps.

    5/ Non (je touche du bois).

    6/ Souvent, très souvent, moins souvent qu'avant. Ou peut-être plus.

    7/ L'hôtel de la plage et Préparez vos mouchoirs.

    8/ Non, pas spécialement. Mais il m'arrive d'attaquer, par malice (sens fort et sens faible).

    9/ Trop facilement. C'est contre-productif.

    10/ Non. Quoi qu'il en soit, des années sur la toile m'ont démontré qu'il y avait une certaine prétention à se croire la cible de tous les regards. Tout le monde s'en fout, en fait, et c'est très rassurant.





    Agenda
    Anniversaire de Raymond. Première réunion de chefs pio pour Clément.

    Nana d'Emile Zola

    Ligne 1 vers 17h45.
    Elle arrivait aux dernières pages et semblait captivée. Il y avait en elle je ne sais quoi de Scarlett Johansson.




    Agenda
    Double canoë avec une jeune femme qui aurait ramé un an à l'université. Quand je vois son niveau, je me dis que l'aviron a vraiment beaucoup compté dans ma vie, ou que j'ai eu vraiment un bon entraîneur (mais les deux vont ensemble) (je veux dire que je ne m'attendais pas à ce qu'elle ait TOUT oublié, même la façon de monter dans le bateau. Tandis que moi, mes quinze ou vingt ans d'arrêt m'ont plutôt permis d'affiner mon coup de rame; en remontant en bateau je ramais mieux que quand j'avais arrêté, capitalisant tout ce que j'avais appris par ailleurs pendant vingt ans (car tout(e expérience) sert à tout(e activité), les frontières sont poreuses, mais je ne vais pas développer ce point de vue maintenant)).
    Je passe à la bibliothèque (traversée du jardin du Palais Royal, le théâtre provisoire est en cours de démontage) rendre la saison 1 de Twin peaks et prendre les DVD 2 et 3 de la saison 2. Il fait beau. Vélib jusqu'au Marais.

    Willy et Colette - Claudine à Paris

    Matin, RER A vers la Défense.


    Mardi

    Après-midi en réunion porte de la Villette. Carrefour des Quatre Chemins, les bâtiments qui avaient autrefois (il y a vingt ans) abrité L'auberge de Marrackech, l'un des meilleurs couscous de Paris, et un traiteur italien qui nous a donné pour toujour le goût de la pana sont détruits (ceci dans la rubrique "la forme des villes change plus vite…"). Le terrain vague (le vide m'évoque la gencive exsangue laissée par une dent arrachée) libère la lumière pour des fenêtres qui n'avaient sans doute pas vu le soleil depuis plus d'un demi-siècle.
    La population a changé, plus de noirs, un peu moins d'arabes, et un début d'asiatiques. Je croise aussi deux femmes d'Europe de l'Est. A chaque visite (tous les six mois, tous les ans) les équilibres du quartier varient. Mais l'odeur forte de la boucherie hallal à deux pas du métro demeure.

    J'avais l'intention d'acheter mes gâteaux préférés en partant, mais j'ai oublié, j'ai pris un Vélib et j'ai rejoint la gare de Lyon en suivant le canal St Martin (rubrique automne radieux, Paris que j'aime).

    Un jour je prendrai le temps d'aller jusqu'au cimetière de Bagnolet pour chercher les tombes de Jean Puyaubert et Maurice Oyosson.

    Conversation d'étudiants en théologie

    Je sors rapidement du cours du latin, passe en bibliothèque rendre des livres puis me précipite au café dans l'espoir d'avoir le temps de manger des sardines (de Belle Île, le patron y tient) en un quart d'heure avant le cours d'introduction à la sociologie (aujourd'hui Durkheim).

    J'ai le plaisir de découvrir que trois de mes acolytes sont encore attablés. Je les rejoins:
    Moi : — Alors, quoi de neuf? Vous allez bien?
    Jacques : — Nous regrettions Macao.
    Moi : — Euh… (je fredonne Macao.)
    Jacques : — Oui, ça aussi…
    Moi, essayant de rassembler mes esprits : — Tu veux dire que vous étiez en train de regretter la disparition des comptoirs coloniaux?
    Daniel : — Non, plutôt la version Tontons flingueurs, Lulu la Nantaise.
    Moi : — Vous étiez en train de regretter la disparition des bordels de Macao? Quatre ans de théologie pour regretter les bordels de Macao?

    Procrastination

    Comme je devais écrire ma dissertation, j'ai taillé la haie, fait tourner deux machines, refait le lit au grenier, passé l'aspirateur au rez-de-chaussée, allumé le barbecue (c'est une première), lavé la voiture avec amour (faut qu'elle en profite pendant que ça dure), recousu une chaussure (« — Mais comment recoud-on une chaussure ? — Avec difficulté»), mis une pièce dans le fond d'un jean en regardant deux épisodes de Twin Peaks.

    Une matinée perdue

    Je rentre à une heure et quart. La table de la cuisine est dans le même état que lorsque je suis partie, la brioche en moins. Les garçons en pyjama jouent à League of Legend en se parlant de la chambre au salon. Hervé est à l'étage, il n'a pas fait de courses visiblement (il fait si beau, je m'attendais à un barbecue).
    Je mets la table sur la terrasse, je sors ce que nous avons dans le frigo, je pense à ma matinée sur l'eau, à la Seine magnifique, aux arbres à peine roux, à la température idéale, et je ne peux m'empêcher de les plaindre d'être restés au lit.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui, un parfum de maman (ce qui fait que n'ose pas en changer).

    2/ Oui, ou peut-être juste afin d'éviter de "voir" quelqu'un (et dans le cas auquel je pense, c'est un remords lancinant).

    3/ Oui, la frange, les années après-bac, le résultat était atroce !

    4/ Je ne sais pas. La musique paraît le plus évident, mais la peinture, vue IRL… (pas en reproduction). Quant aux mots, je m'en protège, je fais très attention à ne pas les prendre trop directement de face (Mandelstam, Cavafy?) Question trop difficile, il n'y a que des cas particuliers, pas de généralisation possible (en ce qui me concerne).

    5/ Parler, hélas. J'aimerais ré-apprendre à me taire, comme je me taisais autrefois.

    6/ De me concentrer ! Un sujet qui m'intéresse.

    7/ L'incompréhension (est-ce une émotion?). La colère, la tristesse (ce sont des émotions).

    8/ Toujours deux à trois projets-programmes et peut-être un ou deux projets-rêves (mais ceux-là je n'y pense jamais avant qu'ils n'entrent ou entrent presque dans la catégorie "programmé".

    9/ Euh… S'obstiner, c'est une aptitude? Alors très tôt.

    10/ Je ne cherche pas vraiment, mais si la réponse existe, j'ai l'impression que je finis un jour ou l'autre par trébucher dessus.

    Vendredi, enfin

    Fin de la semaine. Ouf, longue et épuisante. Lundi j'ai songé un instant à aller voir un médecin, mais c'était trop compliqué. Epuisée. Week-end !

    Passée prendre Durkheim à la bibliothèque Malraux et acheter du papier cristal chez Gibert (le stock constitué en 2004 (cinquante feuilles) est épuisé).

    Un peu de frime en décapotant pour aller de la gare à l'école de musique — juste pour le fun. Dès que le soleil se couche il fait vite froid.

    Chip, Tom et Bob

    Ce sont réellement leurs prénoms, ou du moins ceux que j'ai toujours entendus, même si je suppose que cela doit cacher un Charles et un Robert. Chip est le mari de Ruth, Bob de Jane et Tom de Lucy. Elles sont sœurs, ils sont beaux-frères.

    Ils viennent de passer trois semaines en France sur les champs de la bataille de la Grande Guerre. Ils doivent rentrer samedi aux Etats-Unis — si Air France les y autorise (j'ai un peu honte).
    Nous devions les voir avant leur départ, nous les avons invités au Bouillon Racine. Inévitablement ils prennent du foie gras. Je n'ai jamais rencontré d'étranger partageant aussi naturellement les valeurs de douceur de vivre et de gastronomie françaises que Chip. C'est un plaisir de lui conseiller de prendre son petit déjeuner en terrasse aux Deux Magots (qu'il voulait absolument voir) à huit heures du matin au mois d'août pour sentir le vrai Paris s'étirer au réveil ou de lui faire prendre "des risques", comme manger du confit de canard, par exemple… (je sais, je sais… il garde un souvenir impérissable de la fois, il y a bien lontemps, où je l'ai convaincu d'essayer une viande autre que le poulet ou le bœuf, soit le fameux confit de canard. Je suis heureuse de les avoir invités, lui et Ruth, au pub Renault du temps où c'était encore le pub Renault, avec compartiments de train et service par un maître d'hôtel (conversation en commentant le décor Art déco du Bouillon Racine: je lui apprends que le pub Renault tel qu'il l'a connu n'existe plus)).
    Cette fois-ci je l'entraîne à manger une canette aux griottes, ce qui est plus exotique. Notons au passage que je découvre qu'aucun des trois ne sait que la viande de porc doit toujours être très bien cuite, pour éviter d'attrapper des parasites (ils s'attendaient à ce qu'on leur demande "quelle cuisson?" pour cette viande-là aussi).

    Nous discutons presque à bâtons rompus, pas si simple en anglais avec notre accent, la fatigue et le bruit. En quittant le restaurant, détour pour voir la Sorbonne .

    La France, son vin, ses fromages, ses grèves (je leur cite Bruce Willis John Malkovich dans Red 2, «Vous venez souvent à Paris à cette époque? — Oui, pour la pluie et les grèves», ils rient). J'espère tout de même qu'ils n'auront pas trop de problèmes pour rentrer chez eux.

    Groupama banque

    En août 2010, j'avais ouvert un compte à mon nom dans une banque différente de celle où nous avons notre compte joint — et où j'ai également un compte en propre.
    En effet, la situation d'Hervé était désastreuse et je voulais éviter, au cas où je touche un héritage de ma grand-mère, d'éventuelles saisies de l'URSSAF et autres (nous sommes mariés en séparation de biens, le simple fait de déposer une somme sur mon compte et non sur le compte joint aurait dû suffire, mais je n'ai pas confiance dans les banques, je voulais non seulement un compte séparé, mais une banque différente).

    J'étais allée rue du Faubourg Saint-Honoré ouvrir un compte chez Groupama banque. L'"agence" est une pièce unique, orange, néo-années 70, vide, occupée en son milieu par un long comptoir transversal à la porte sans que rien n'indique au client qu'il doive rester d'un côté plutôt que l'autre. Au fond se trouvent deux box vitrés, sans porte, avec une table basse ronde et des chaises dans chacun d'entre eux.

    La jeune femme qui m'avait reçue m'avait invitée à m'assoir à ses côtés (donc du même côté du comptoir qu'elle), et j'avais été choquée de constater que je pouvais lire sans difficulté tous les dossiers des clients sur lesquels elle était en train de travailler.
    Mais bon. La jeune femme était très aimable, j 'avais ouvert mon compte et j'étais partie. Le reste des opérations s'effectuaient entièrement à distance.

    Quatre ans plus tard je ne me sers jamais de ce compte. Je n'ai pas davantage confiance dans les banques mais nous ne risquons plus de saisies. A midi je suis donc allée fermer ce compte qui coûte 7,60 euros par mois en frais de fonctionnement (prix de la CB et de différentes assurances, je suppose, sachant que c'est l'un des rares comptes qui proposent une rémunération des comptes créditeurs).

    Quand je suis entrée, la pièce était vide. Sur le comptoir, un ordinateur, à quatre ans de distance le même désordre de papiers que la dernière fois. Sur l'une des tables basses, un ordinateur portable et un blackberry. Murs orange, lumière et silence.
    J'ai dû rester seule trois minutes, le temps de filmer l'agence vide avec mon téléphone.
    Cette fois-ci le banquier était un homme. Il a changé de sujet sans changer de sourire quand je lui ai fait remarquer un peu estomaquée que n'importe qui aurait pu emmener l'ordinateur et le téléphone. Il m'a donné l'adresse où envoyer ma demande de fermeture de compte et je suis partie.

    Mardi 23

    Quatre Impromptu à midi. Des problèmes d'équilibre (cette compensation du corps à tribord pour une pelle qui plume à babord: m'en déferai-je jamais?) mais une belle sortie. Première fraîcheur d'automne sous un soleil resplendissant.
    Il me reste des traces d'oppression dans la poitrine, mais elles sont en train de disparaître — lentement.

    Journées de bureau très calmes en ce moment: aucune réponse des administrateurs à mes mails, aucune décision de prise. Je sais déjà que nous allons avoir une fin d'année épouvantable, quand tout sera décidé et urgent — et je ne peux rien y faire, sauf avancer sur le fond (il y a toujours du travail de fond à avancer — heureusement).

    Hervé revient de Mulhouse après avoir inauguré le Wifilib (l'équivalent de trois ou quatre lignes ADSL, dans la rue et gratuites, bien mieux que la 3 ou 4G, me dit-il) et me propose d'aller voir "une comédie anglaise", Pride.
    Anglaise je veux bien, mais certainement pas une comédie. Le pendant anglais et optimiste de Dallas Buyers Club, une histoire que je n'aurais pas cru possible si elle n'était avérée. Surprenant et émouvant, parfois proche de la caricature ou du cliché, mais la vraie vie concernant ces sujets (grève des mineurs et lutte LGBT) est elle-même caricaturale.
    Même si ce n'est pas son sujet principal, ce film montre bien le grain de folie et de joie que les gays sont susceptibles d'apporter au quotidien, joie et gaieté si attirantes quand, sans connaissance de ce milieu-là, on cherche juste à échapper à la grisaille ou à résister au désespoir. Le merveilleux est que cela ne réside qu'en une façon de se comporter et d'envisager la vie, la grisaille de l'existence n'a rien d'ontologique.
    Rappel des années Thatcher, du début du sida, mesure du chemin parcouru par les LGBT depuis 1984 — et du chemin restant à parcourir.

    Lundi

    Encore bien ébranlée par hier. Parfois je regrette de ne plus avoir de pulsions suicidaires : au moins cela donne une forme à la pensée. Là rien, dans mon cerveau une impression de plaque mélaminée beige sur fond blanc, je ne suis ni au centre ni au bord, je ne fais rien, j'attends, je ressens le temps et je me demande comment le remplir. Je suffoque, je respire mal, par la bouche, j'ai le cœur qui bat trop vite. Je me demande si ce ne sont pas les symptômes d'une attaque de panique. Tlön et JY m'ont écrit des mots désolés pour regretter "une terrible méprise". Je leur suis reconnaissante de ne pas être montés sur leurs grands chevaux et de ne pas m'avoir dit que j'exagérais — il est possible que ma tête d'hier était à faire peur et qu'ils aient compris qu'il n'y avait pas, hélas, de théâtre ou de sur-jeu dans mes réactions (moi-même j'ignorais que je pouvais réagir comme cela, être aussi malade d'abandon. Quelle faille brutalement —et publiquement— découverte. Je suis très embarrassée)). J'ai mis le billet précédent hors ligne vers 17h hier parce qu'il est violent pour eux et que je les crois; je le remettrai en ligne dans un an, pour mémoire des événements, quand sa publication ne sera plus repérée de la plupart des agrégateurs (idem pour ce premier paragraphe). Patrick n'a pas réagi, silence radio.

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    Difficultés de concentration: déterminer ce que j'ai à faire, le faire, quasi au-dessus de mes forces.

    La bibliothèque de l'ICP est rouverte, elle m'avait manquée. Les professeurs de cette année semblent bien maîtriser la mise à disposition des documents sur plateforme électronique (ça nous change).
    Nous commençons à craindre de voir disparaître tous les étudiants "pas dans la ligne du parti", non que le parti les chasse, mais ils n'ont pas l'envie ou le courage de rester à la perspective de cours moins généralistes (j'appelle généraliste l'histoire, la philo, l'exégèse qui est de l'étude de textes) et plus spécialisés sur l'Eglise, le Christ, les chrétiens. Or ce sont ces étudiants qui apportent à notre promo son grain de folie.

    Les rapports de l'Eglise et du pouvoir depuis Eusèbe de Césarée et Théodose jusqu'à Philippe Le Bel. Césaro-papisme et sacerdotalisme. Apparté sur la thèse de Marcel Gauchet: plus l'Eglise et l'Etat sont séparés, plus nous sommes dans un monde chrétien (puisque le Christ lui-même avait prôné la séparation. Doctrine Reddite, rendre à César… J'espère que mon résumé n'est pas trop brutal).

    Premières démarches pour qu'O. s'inscrive en conduite accompagnée. J'espère qu'il n'abîmera pas ma nouvelle voiture.

    Attaque brutale de chagrin

    Je discute avec une ou deux personnes que je ne connais pas et qui ne connaissent personne, afin qu'elles ne se sentent pas isolées. P. et moi les raccompagnons à leurs voitures. Elles partent.

    C'est alors que je me rends compte que je suis seule. Philippe, Tlön, Skot, blogueurs des premières heures qui ne sont ici que parce que je les ai présentés à P., et JY avec qui j'ai porté plainte contre JA et supporté un certain nombre de difficultés, tous sont partis à la cathédrale sans me prévenir, sans venir me chercher, sans que je compte le moins du monde.

    Je m'effondre intérieurement. Il est toujours difficile d'être ramenée à la vieille malédiction, car on a beau savoir qu'on n'échappe pas à une malédiction («car à ceux condamnés à cent ans de solitude, il n'est pas donné de seconde chance»), il se trouve toujours des périodes où l'on pense l'avoir dépassée, l'avoir exagérée, que ce n'était pas une malédiction, que ce n'était qu'un concours de circonstances qui ne se reproduira plus. Et toujours la tentation de cette vieille question à laquelle je sais désormais qu'il ne faut pas vouloir répondre, qu'il faut juste la balayer de ses pensées: «C'est eux ou c'est moi?»

    Je m'endors sur un canapé du salon, après m'être sans doute évanouie quelques secondes dans les WC (évanouissement ou sommeil flash? Comment savoir? Quelle est la différence?)
    Plus tard, ils reviendront puis s'entasseront à cinq dans une voiture pour rentrer à Paris, me laissant seule dans la mienne.

    Plus tard encore, découvrant que Skot m'a envoyé vers 15h le téléphone d'une amie, nous aurons l'échange de SMS suivant:
    — ??
    — C'était le téléphone de X. (commentaire off: oui, ça j'avais compris. Mais pourquoi?) Sinon ça va? Tu semblais fâchée, on n'a pas compris…
    — Fâchée? (Je décide de donner mon point de vue, même si c'est pitoyable. Juste pour voir, comme au poker: voyons ce que je vais avoir comme réponse. Je m'applique à utiliser des termes sans ambiguité. (Sachant que c'est un peu injuste que cela tombe sur Skot qui est le plus à même de culpabiliser)) En larmes d'avoir été larguée comme une vieille chaussette. J'aurais préféré que vs pensiez à moi avant plutôt que vs vs inquiétiez après (Vs êtes vraiment bizarres).
    — Terrible malentendu! Je t'ai appelée plusieurs fois au moment de partir et P. nous a dit que tu suivais.
    — Il ne m'en a rien dit.
    — Il devait être occupé avec ses autres invités Désolés mais on n'a pas tt de suite compris que tu souhaitais venir et on a pensé que tu nous rejoindrais avec d'autres convives.
    — Tant pis. […]

    Je sais déjà que je ne saurai jamais ce qui s'est passé. Je n'ai rien entendu, mais comme je ne faisais pas attention, cela ne veut rien dire; P. ne m'a jamais dit que nous pouvions les rejoindre, se bornant à répéter en boucle «ils vont revenir» (Mais qu'est-ce que ça peut me faire qu'ils reviennent puisque ma présence leur est indifférente? Quelle importance désormais? Et pourquoi P. n'y est-il pas allé? Ce n'est pas si souvent qu'il croise JY, Tlön ou Skot. N'avait-il aucun désir de bavarder un peu, dégagé des soucis d'hôte de maison? J'ai le soupçon que cela lui plaisait que je reste, qu'il n'a rien fait pour que nous partions avec les autres.)


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    Agenda
    J'emmène la collection entière des Maigret et deux Rohmer.
    Les trois ados installés dans le salon avec leurs portables ont fait fondre les fils électriques à force de jouer en ligne.

    Nouvelle série

    Réponses à ces questions.
    Par ailleurs, je vais tenter de répondre à l'ensemble des questionnaires posés depuis des années.

    1/ Oui, mais moins bien qu'autrefois. Désormais je m'énerve.

    2/ Retenir, retenir. Ce que l'on veut oublier est la source de nos remords et notre culpabilité. Vivre avec ces souvenirs est une discipline et une bonne façon de penser à éviter les mêmes erreurs (même si ça n'empêche pas de recommencer).

    3/ Compliqué. Oui, mais sans le savoir car cela m'enbarrasse, et uniquement aux gens que j'aime bien, et uniquement aux gens à qui cela fait plaisir.

    4/ Immobile, je suppose. Travail de bureau. Cependant j'ai le vague soupçon que je bouge plus que beaucoup dans cette immobilité.

    5/ Rarement. De temps en temps, de moins en moins souvent. Inutile.

    6/ Non. C'est impossible sans aimer le pouvoir, et le pouvoir, c'est le MAL.

    7/ Oui, à peu près.

    8/ Euh, préférée, qu'est-ce que ça veut dire? J'ai des envies de villes, de toutes les villes, celles que j'ai vues pour y retourner, celles que je n'ai pas vues pour les voir. Habiter à Venise, oui, pour voir si je supporterais un hiver dans la brume et la contrainte du bateau et des rues étroites. Je collectionne les villes où je voudrais retourner pour ramer: Venise, Florence, Porto, Amsterdam, Philadelphie,… (et pourtant je n'aime pas Philadelphie).

    9/ Ah oui: assurance. Mais si les clients se méfient de leur assureur, ils n'imaginent pas combien les assureurs sont toujours en train d'imaginer que leurs clients sont toujours en train de faire des fausses déclarations de sinistres, en train de frauder.
    Ce métier est effrayant de méfiance réciproque.

    10/ Oh oui, j'en ai pratiquement fait un blog qui est à l'origine de celui-ci (il a été partagé en deux en juin 2008), et le premier billet était dédicacé à la citation.


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    Agenda
    - J'ai ma voiture (Hiiiii!!!!)
    - Trois ados à la maison pour l'anniversaire d'O. Ils ont joué toute la journée à LoL (League of Legends) en hurlant, et maintenant ils regardent Paul.
    - A. est repartie à Lisieux tellement chargée qu'elle nous a laissé son chat.

    Anniversaire

    Fait le tour des bibliothèques dans l'autre sens (enfin pas exactement: Charlotte Delbo à deux pas de la place des Victoires, puis Buffon et Melville. (Pas rendu tous les livres). Fini le Löwith sur le fil afin d'emprunter le Congar sur l'Eglise. Pas de vélib pour continuer jusqu'à la cinémathèque.

    Salle comble pour Le bon, la brute et le truand, film préféré d'O. pour son anniversaire. Surprise d'apprendre que j'étais la seule à l'avoir vu sur grand écran (circa 1986).

    Je lui offre un oreiller autruche. Je ne suis pas bien sûre qu'il s'en serve. Si l'essai est transformé, j'en achèterai un pour moi.

    Hôte

    En juin, ma mère avait demandé à H. si nous pouvions héberger le beau-frère d'une amie à elle. Ma mère, toujours drama-queen: «parce que tu comprends, il est titulaire pour la première fois, avant il travaillait avec des adultes, il va se retrouver en lycée professionnel, j'ai un mauvais pressentiment, il est nommé à Y*rres alors qu'il habite P*zenas, comment il va faire, (etc, etc)».
    Sans y réfléchir à deux fois H. avait dit oui, nous pouvions le dépanner, cela semblait naturel, il faut s'entraider, nous avons une grande maison; après tout H. avait campé un mois chez une copine en arrivant à Paris, et ma sœur deux mois chez nous.
    Plus tard j'ai eu ma mère au téléphone et j'ai découvert que l'homme en question avait quarante ans, ce qui n'était pas le jeune homme en détresse que j'avais imaginé.

    En juillet, il était venu prendre l'apéritif pour faire connaissance. Il était accompagné de son frère habitant Etampes, de sa belle-sœur habitant Vincennes (oui, ils ne vivent pas sous le même toit), de sa femme et de ses deux enfants de sept et neuf ans. Nous avions discuté de tout et de rien pendant trois heures et ils étaient repartis.
    J'avais trouvé bizarre qu'il ne squatte pas chez son frère l'été afin de trouver un studio dans les environs. J'avais trouvé bizarre qu'il n'habite pas chez son frère plutôt que chez nous à la rentrée en se faisant les heures de transport nécessaires tous les jours (à la guerre comme à la guerre). J'étais jalouse de la qualité de vie que nous allions lui offrir, bien meilleure que la nôtre: aller au lycée à vélo, travailler à deux kilomètres de chez nous à vol d'oiseau.

    Maintenant il est là, du dimanche soir minuit au vendredi huit heures du matin. Il n'est pas désagréable, même s'il m'agace par son manque de jugeotte (je lui demande de se charger d'acheter du pain — je dois lui répéter chaque fois, le soir où j'oublie il ne le fait pas; il nous prépare un gratin dauphinois de sa propre initiative — et épluche un kilo de pommes de tere pour six personnes dont deux garçons de seize et vingt-deux ans (ajoutons que ce genre d'estimation, à mon sens, tombe exactement dans ce qu'il doit apprendre à ses élèves).
    Je découvre des choses sur moi-même. Je découvre à quel point mon enfance m'a traumatisée, à quel point j'ai du mal à supporter un professeur de lycée professionnel à ma table le soir, après une journée de travail: c'était le métier de mes parents que cela a rendu très malheureux, la maison était atrocement triste; je découvre que je fais une véritable allergie aux professeurs de lycée (et je me dis qu'une fois de plus, c'est toujours ce qu'on redoute qui arrive. C'est fascinant (même si je ne savais pas que je le redoutais)). Il a presque des vertus cicatrisantes car lui semble heureux de ses élèves, de ses collègues, de son métier. Cela semble l'intéresser, voire le passionner, ce qui me fait plaisir, contrebalance les mauvais souvenirs qu'il fait remonter par sa seule présence.
    Il ressemble à ces personnages de film gentils, discrets, nonchalants, dont on ne peut se débarrasser. Dois-je lui demander où en sont ses recherches d'appartement?

    — Oui, pour son propre bien, me répond Jean, spontanément. (Et cette spontanéité me rassure et m'encourage).

    — Est-ce qu'il vous dérange? me demandent mes compagnons de table. (Je leur ai exposé le problème pour avoir leur avis car je me sens égoïste. On veut faire sur couchsurfing, on se demande si on ne pourrait pas accueillir une ou deux adolescentes parmi les chrétiens d'Orient, et on ne supporte pas un gentil prof… Quand je pense aux gens qui cachaient des Juifs au péril de leur vie pour une durée indéterminée…)
    — Un peu. Nous avons aussi la copine de mon fil à la maison; c'est ridicule, mais ça pose des problèmes de serviettes de toilette, je n'ai pas la place de les faire sécher… J'ai réorganisé les salles de bain en garçons/filles quand H. n'est pas là, O. lui a laissé sa chambre en attendant que A. retourne à Lisieux et il campe au grenier (mais il ne se plaint pas. Ce qu'il y a de bien avec les enfants, c'est que tout leur semble naturel, tout est toujours possible. Mais il est en première, il n'a plus de bureau, où va-t-il faire ses devoirs?) Surtout, je ne peux plus me promener "en queue de chemise", comme disent les québéquois, et puis on ne peut plus se laisser aller en bout de course, sortir les pâtes le mercredi jeudi vendredi une fois que les provisions du marché sont épuisées, vivre comme ça vient avec notre façon très personnelle de hiérarchiser les choses et les événements importants à nos yeux…

    Bon, je vais lui demander demain s'il a commencé à démarcher les agences immobilières (je sais que non). Il faut qu'il soit parti en février («surtout ne lui dis pas ça, sinon il va rester jusque là!»), car A. n'a pas les mêmes dates de vacances que nous et nous n'aurons plus de chambre à prêter (je ne vais pas refaire camper un enfant pour lui faire de la place).


    Agenda
    - sortie en skiff. Magnifique bassin, temps magnifique. En nage tout l'après-midi et encore maintenant que je tape ces lignes.
    - passage à l'expo Marcheschi. Des pétrés beaucoup plus noirs qu'avant. Pas osé demander le prix.

    Chaud et froid

    Les contrôleurs montent dans le bus à l'arrêt (de bus), ils contrôlent les passagers pendant que le conducteur attend, patiemment, qu'ils redescendent pour repartir.
    Un jeune homme arrive, pantelant, il a couru, il n'a pas raté son bus, il n'en croit pas sa chance… et il découvre les contrôleurs.

    Il redescend, fouille désespérément dans ses poches. Le conducteur attend, mon voisin grommelle, va-t-on rater le RER?
    (Finalement fin heureuse, le jeune homme achète son billet. Je me demande si les contrôleurs pouvaient le verbaliser pour l'intention de prendre le bus sans billet, alors qu'il ne le prenait plus?)

    Agenda

    - encadrement de débutants à midi. Toujours peur d'être considérée trop sèche, j'ai peur de faire peur.

    - bu du lait salé turc au Libanais où je mange ensuite. Comme du yaourt bulgare nature très liqueide et très salé. Est-ce cela qui m'a assommée? En tout cas c'est très nourrissant.

    - fini de pointer les deux portefeuilles de titres. (Suivi artisanal sur Excel : comme il y a eu des dizaines de ventes et d'achats pour des plus-values de 1,08 euro et des erreurs de la banque, c'est la troisième fois que je m'y attelais.) Quelle galère pour pas grand chose. Mais c'est un peu comme le farming, on est content parce qu'on arrive au bout et que c'est gratifiant.

    - C'est la rentrée, les gens sont pleins de bonnes résolutions et ils lisent : Stevenson et son âne le matin (le jour se lève, 7h15), Sanctuaire le soir (grand soleil, 18h30).

    La nausée de Jean-Paul Sartre

    Ligne D gare de Lyon, 23h14 ce soir donc hier, train pour Juvisy supprimé.

    Copié/collé d'une discussion FB de ma fille

    Claude : Tuesday a foutu ses postérieurs dans Bryan après la course dimanche. Il va bien (qq points de suture, un œil au beurre noir et difficulté à ouvrir la bouche) grâce à un énorme coup de chance : le premier coup a été amorti par son gilet de protection et a évité à sa tête de prendre le second de plein fouet.
    Il est en vacances jusqu'à dimanche au moins.


    Lise : Ouch ! Point positif, point positif… Il est vivant! Sale poney, on l'a mieux éduqué que ça, pourtant.


    Claude: Pour tout te dire, je croyais que tu savais et que ton sms concernait son état à la sortie de l'hôpital, et je me demandais comment t'avais fait. ._.
    Il lui enlevait les cloches après la course (qu'il a gagné œuf corse) et il lui a foutu un coup en pleine poitrine qui l'a fait voler. C'est pour çà que celui destiné au visage a foiré. Dieux soit loué !
    Résultat, vu que le we, c'est plutôt tranquille, je les quitte quand il revient.




    J'ai eu un oncle qui a passé six mois entre la vie et la mort en 1994 ou 1995 à cause d'un coup de pied au foie.

    Week-end tendu

    J'ai reçu un mail pour un devoir non rendu en fin de troisième année. J'ai annulé ma sortie d'aviron ce matin pour travailler — ce qui bien entendu était une erreur: ainsi je n'ai ni ramé ni travaillé.

    La culpabilité rend impatiente.
    Beaucoup d'accrochages ce week-end, ce qui est toujours triste, nous nous voyons tous si peu.


    Agenda :
    Vu Paul né le 13 août. Un bébé si sage que ses parents l'ont cru sourd. A vous dégoûter d'être sage.



    Bataille pour un balai (photo ajouté le 14 avril 2020, en mémoire du bonheur).

    Samedi

    - Réveil en sursaut à 5h20: je n'ai pas entendu O. se lever (il aide un vendeur de fruits et légumes au marché). Je le réveille et me recouche. Rebelote à 8h10, je viens de me souvenir qu'A. a dit qu'elle allait à Grosbois ce matin, or nous avons rendez-vous à 11 heures chez le médecin, est-elle partie, je ne l'ai pas entendue (Réponse: oui. Mais elle a laissé un mot pour dire qu'elle reviendrait à temps. Qui aurait dit que j'aurais un jour des enfants si matinaux?)
    Ainsi donc, les enfants petits me réveillaient parce qu'ils faisaient du bruit, les enfants grands parce qu'ils n'en font pas. Je ne sortirai jamais de mon qui-vive.

    - Médecin. Trois personnes, trois rendez-vous, j'ai bien retenu les leçons de Jaddo et du Dr Borée (de l'influence des blogs sur la vie quotidienne). Trois consultations pour des certificats de sport (fini le temps où je faisais ça en envoyant un chèque par la poste à notre médecin: j'ai trop regretté en décembre dernier de n'avoir aucun suivi "banal" sur le carnet de santé d'O., pas trace de son poids ni de sa taille, rien, alors qu'il a grandi si vite) et pour déclarer un nouveau médecin référent, le nôtre étant parti à la retraite.
    Le samedi c'est la remplaçante («Je ne peux pas être référente, mais je vais sans doute reprendre bientôt le cabinet» dit-elle en remplissant les imprimés du nom de la titulaire), je l'aime bien, elle est petite, blonde, un diamant dans (sur?) le nez, elle respire l'énergie, j'ai l'impression que nous allons partir faire un jogging ensemble. Je l'ai trouvée dans la liste des lecteurs de Prescrire.
    J'avais un peu peur qu'elle m'envoie passer un test d'effort pour l'aviron, mais non. Elle a l'air toute heureuse que je fasse ce sport. Je monte sur la balance.
    — Votre balance est gentille, lui dis-je.
    — Ah?
    Elle s'approche soupçonneuse, enlève ses claquettes et monte dessus:
    — Non, elle n'est pas gentille.
    N'empêche que sur la sienne je pèse autant avec mon jean en ayant mangé une brioche familiale qu'à poil à jeun sur la mienne. (En réalité, ce qui compte, c'est de pouvoir remettre mon tailleur Mugler acheté en 1987. Les cuisses coincent encore.)

    - Je lis Boulgakov. O. dort, épuisé. A cinq heures, passage chez le bijoutier pour acheter un cadeau pour les trente ans d'une salariée des premières heures (cadeau personnel de H. qui me demande de signer avec lui la carte d'accompagnement: sa boîte commère beaucoup). Ce bijoutier a un look étonnant, petite moustache et costume à rayures, on dirait un maquereau dans un film des années 60. A six heures nous récupérons cent dix baguettes pour les cinquante ans du groupe scout.

    - Le soir, barbecue scout. Nous ne resterons pas longtemps, notre apparition fut symbolique.
    J'entends O. rentrer à minuit passé.

    Une enquête sentimentale

    Les questions ici.

    1/ Mon père il y a longtemps, avant qu'il ne change de parfum (Savane) du fait que ma sœur se soit mis à travailler chez Lancôme.

    2/ Je ne sais pas. Non, je ne crois pas, mais je ne sais pas où je souhaiterais vivre. En ville, pas loin d'une boulangerie, dans une ville possédant un fleuve ou une rivière.

    3/ De la peinture. Un beau bleu royal, profond.

    4/ Oui, jusqu'à ce qu'ils se déchirent, pratiquement.

    5/ Souvent mais moins avec le temps. Pratiquement plus depuis 2007 (pour une raison précise et biologique que je ne raconterai pas ici, en tout cas pas pour le moment). Davantage dans le sens mourir que changer d'identité.

    6/ La "survie" au quotidien (pour faire davantage que survivre, justement).

    7/ Dès que les paysages ne sont plus ceux du Val de Loire solognot (toits gris, murs beiges, cheminées rouge briques). Tout le temps, en fait.

    8/ Oui. Les boutons de manchette de mon grand-père, les boucles d'oreilles choisies par mon père pour mes trente ans, la croix en émail de ma sœur,…

    9/ Jean-Marc Nattier.

    10/ Non, je n'ai pas suffisamment navigué pour cela.

    Octobre rouge

    Copie très sombre à la cinémathèque. Quelques mots de John McTiernan qui nous dit que nous sommes dans le temple mondial pour l'étude du cinéma et que l'étude du cinéma aujourd'hui est aussi importante que celle de la musique au XVIIe siècle.

    Ça me semble un peu exagéré, mais j'aime toujours autant A la poursuite d'Octobre rouge que je n'avais pas vu depuis longtemps. Je suis frappée par le rythme du film (la succession des lieux) et par sa capacité à se faire comprendre sur un sujet peu connu, les sous-marins et leurs contraintes.

    CNIL

    * Sortie en skiff. Bassin agité.
    Dominique a commandé Le Miroir de la mer après ce que je lui en ai dit la dernière fois (moi barrant, elle à la nage). Ça me fait plaisir.

    * Retour (ie compte rendu) de l'audit CRIL ou CIL (je confonds les deux : il s'agit du département chargé des obligations CNIL à l'intérieur du groupe. En clair, une équipe interne vérifie si tout est en ordre dans l'éventualité un audit de la CNIL. C'est un audit CNIL sans les conséquences juridiques d'un audit CNIL).

    Les principes de la CNIL sont extrêmement énervants lorsqu'on est de bonne foi. Impossible par exemple d'utiliser le n° de Sécurité sociale pour départager des homonymes.
    — Vous ne pouvez pas faire ça. Le n° NIR est à l'origine de la création de la CNIL, ils en font une question de principe.
    — Mais c'est dans l'intérêt du client, c'est pour éviter d'attribuer le paiement à la mauvaise personne!
    — Je sais bien…
    — Franchement, c'est stupide. L'origine de tout cela, ce sont les persécutions juives de 1940…
    — Oui…
    — … et si un gouvernement totalitaire venait au pouvoir, il lui faudrait trois semaines pour réunir les données personnelles aujourd'hui séparées. Et en Allemagne, où ils sont tout de même sensibilisés au totalitarisme, quand on déménage, tout suit, on n'est pas obligé de faire des milliers de démarches. J'ai encore eu la semaine dernière un jeune homme dont la préfecture exige que l'adresse coïncide sur tous les justificatifs qu'il présente pour obtenir son permis de travail. Il doit être bon car il était stagiaire à Lille et a été embauché ici. Comme il habitait le 93 au moment de son embauche il y a deux mois et qu'aujourd'hui il est à Paris, il demande à la DRH de changer l'adresse sur tous ses papiers. Il est venu me voir, j'ai essayé de l'aider pour la Sécu, on s'est rendu compte qu'il était encore immatriculé à Marseille: Marseille, Lille, le 93, Paris, personne ne l'avait prévenu des démarches à faire… Quand on pense à l'homme qui se plaint de phobie administrative…

    (Je n'ajoute pas que ce jeune Togolais bégaie un peu. J'ai un peu honte devant lui (honte pour la France), je ne peux m'empêcher de penser qu'il doit penser qu'il est victime de discrimination de la part de la préfecture (il n'a pas l'air de le penser, en tout cas il ne montre rien). J'ai envie de lui parler de Madame Mendès-France mais ne le fais pas. Enfin bref. Parfois je m'énerve.)

    Ma CIL ou CRIL sourit. Je sais bien qu'elle est là pour nous aider, pour nous mettre en conformité, nous éviter d'éventuels ennuis.
    Il paraît que les cas de fraude à la carte vitale se multiplient et que par conséquent, la CNIL renforce ses obligations. Je ne suis pas sûre que les mentions en bas de contrat sont le moyen le plus efficace pour lutter contre les hackeurs.
    Bon, il est possible que ce soit grâce à eux que nous soyons relativement protégés du spam.

    Des livres

    Mon ordinateur souffle comme un bœuf et je ne sais que raconter à propos d'aujourd'hui. (Ah si, ma voiture va sans doute arriver plus tôt que prévu (la semaine prochaine). Mais comme les horaires de livraison sont de 9 à 16 heures en semaine à Brie-Comte-Robert, je me demande comment je vais la récupérer. En effet je prévois de suivre des cours sur Congar qui vont m'obliger à poser des demi-journées de congé; il m'en reste tout juste assez; je ne peux pas me permettre d'en gâcher une pour aller chercher une voiture.)

    P. m'a rendu des livres, et mine de rien, je contemple impressionnée ces quelques tomes qui constituent un concentré de grandeur humaine et littéraire: Carnets de guerre de Grossman, Voyage en Pologne de Döblin, auxquels il a ajouté Récits d'un jeune médecin de Boulgakov («mais il n'est pas complet par rapport à la Pléiade, je suis déçu»).

    Ajoutons L'événement Vatican II de John W. O'Malley pour essayer de me mettre "naturellement" (je veux dire sans y penser, sans effort) les dates du Concile en tête et le tome I de La Patrouille des Castors qui ressort en kiosque.

    Moralité je tiens mon livre en cours à la main , il ne tient plus dans mon cartable (Max Weber et Karl Marx de Löwith. Si je comprends bien la préface, Löwith a été le premier à établir ce parallèle qui a été souvent repris ensuite. (Ce n'est pas dans la bibliographie mais une tocade personnelle avant le cours de sociologie)).

    Pas le courage de rattrapper des billets ce soir.

    Book crossing

    Retour à ces rendez-vous mensuel. Thème facile: "un été, un livre". J'ai amené le Marie Stuart.

    Admirable cours de savoir-vivre et de gentillesse (est-ce la même chose?) de la part de ma voisine, qui relance plusieurs fois par des questions ciblées le discours de la vieille dame en face de moi qui présente longuement son livre — ça n'en finit plus —, nous racontant absolument tout (j'en ai oublié le titre: un gros roman de 2013 racontant la vie d'une rue anglaise), fascinée par l'argent étalé dans le récit.

    Son voisin me lance des coups d'œil goguenards, il s'ennuie. Lui présente Un été avec Proust, tiré de l'émission de France Culture. Visiblement il n'est pas convaincu et pose la question qui le taraude: y a-t-il réellement des gens qui lisent Proust, ou est-ce réservé à un petit nombre de spécialistes? Je lui assure que oui, il y a des lecteurs, «mais La recherche n'est pas un livre que vous lisez pour passer à autre chose, c'est la lecture d'une vie, vous y revenez régulièrement, vous ne le lâchez jamais plus».
    (Je repartirais avec son livre pour que celui-ci ne reste pas sur la table. Pour moi c'est une lecture facile, je commence à bien connaître Proust, mais comme dirait Barthes, à chaque lecture on découvre des passages qu'on a jamais lus.)

    Ma voisine de droite présente A l'encre russe qui l'a déçue (mais alors, pourquoi le présenter? C'est étrange) et un autre poche que j'ai oublié. Je repartirai avec le Rosnay en me disant que j'en aurai au moins lu un, avant de m'apercevoir en l'ouvrant que je suis incapable de lire ce genre de phrases sans force.

    Le dernier participant est un trentenaire venant pour la première fois. Il présente une autobiographie de Miles Davis. Comme elle est écrite en anglais je l'emprunte en me disant que personne d'autre ne la prendra. En toute innocence (je veux dire qu'il ne connaît pas encore les travers de ces réunions) il cite Deleuze sur Proust, Perec et La vie mode d'emploi à propos du livre de la vieille dame. Les autres sont un peu perdus. Il m'emprunte Marie Stuart.

    Comme nous parlons de nos prochaines participations, j'évoque l'impossibilité de venir le mardi l'année dernière; de fil en aiguille, je parle de mon cursus et de la théologie. J'ai toujours la même surprise de découvrir que cela passionne les gens. Le jeune homme est d'origine arménienne (qu'il ne parle pas) et étudie le russe, la conversation glisse sur les orthodoxes et les chrétiens d'orient, nous faisons le tour des lieux de culte parisiens, j'évoque la librairie de St Serge, les autres tables se sont vidées que nous sommes encore à discuter.

    J'avais prévu des chaussures plates pour rentrer ce soir, mais je les ai oubliées au bureau. J'arrive à temps pour prendre le bus B à Villeneuve-Saint-Georges (23h46), ce qui est plus rapide que le périple d'hier.

    Lundi galère

    Nuit très difficile. Je me réveille à trois heures du matin, j'ai les épaules en feu (les kilos portés à bout de bras avant l'aviron, la voiture étant garée très loin du marché du fait d'une brocante) et les mains me font si mal que je cherche du liminent dans la maison pour apaiser mes ampoules. Je dois ramer de nouveau à midi, cette fois-ci pour encadrer les débutants.

    Blue Ruin parce que les cours de langue n'ont pas commencé. Bof. Pas mal mais de là à le conseiller…

    Je rejoins les autres au café. C'est sans doute ce qu'il y a de plus agréable dans ces cours: les autres (! comme dirait B.Cholvy, «vous ferez Eglise»). J'apprends entre autres que le dalaï-lama a déclaré ne pas souhaiter de successeur, afin de couper l'herbe sous le pied aux Chinois qui s'apprêtaient à désigner un fantoche.
    Par ailleurs, une amie me dit qu'elle a très mal dormi: sans doute la pleine lune, me dit-elle (pourquoi pas).

    Deuxième cours d'ecclésiologie. Très intéressant. Le prof (un prêtre oratorien) est plein d'humour. Je renonce à le citer car tout est dans le ton. Explication sur le baptême (à titre d'exemple), développement sur les rapports politique/religion (inévitables).

    Rentrer chez moi est long, très long : gare à minuit (j'anti-date ce billet pour le laisser dans la bonne journée), retour à pied puisque je n'ai pas de voiture, talons trop hauts (manque d'anticipation) — j'ôte mes chaussures et je rentre pieds nus.

    Dimanche

    Marché à 8 heures pour aller ramer à 9 heures. Double scull très agréable sur un bassin magnifique. Les points de vue de Neuilly et Melun sont vraiment très éloignés : à Neuilly, Vincent est la prudence incarnée, il nous jauge avant de nous donner un bateau fin; à Melun Sylvie me propose «On fait un double?», descend les pelles et prend le bateau sans rien demander à personne. Je hasarde:
    — Tu as rempli le cahier de sortie?
    — Euh non. On le fera après, dit-elle parce qu'elle n'a pas envie de perdre du temps.
    — Je préfèrerais quand même qu'on sache que nous sommes sur l'eau… répondé-je en pensant au cas où nous nous retournerions à cinq kilomètres du garage.

    Je suis contente de moi, je ne suis plus épuisée comme je l'étais il y a un an, j'ai dû acquérir de la masse musculaire même si je ne m'en rends pas compte.


    Agenda :
    commencé la taille des lilas, lavé deux paires et demie de draps (profitons du soleil!)

    Enquête

    Les question sont ici.

    1/ Non. D'ailleurs ce n'est pas une profession. Une profession a un périmètre. Ce que je fais, je pourrais le faire ailleurs, je pourrais le faire autrement, cela pourrait s'étendre ou se rétrécir au gré des besoins, après quelques mois d'adaptation. Je considère que je n'ai pas de profession, uniquement une occupation rémunérée. Ma seule exigence (par rapport à moi-même) est que ce soit utile, que je rende service. Et ce n'est pas si évident, je suis à la lisière des boulots à la con (ceux qui m'exaspèrent, ce sont ceux qui accomplissent avec gravité un boulot à la con).

    2/ Oui, beaucoup.

    3/ Non, jamais essayé.

    4/ Non.

    5/ De me lever tôt (très tôt) pour ne rien faire. Avant j'essayais désespérément de me lever tôt pour faire plus de choses. Je n'y arrivais pas. Mais depuis que j'ai pour but d'avoir une demi-heure ou une heure à ne rien faire, c'est devenu un vrai plaisir et un vrai luxe. Le luxe, c'est le temps non utilisé pour la productivité.

    6/ Pas très souvent. Du Vélib quand il fait beau. J'ai récupéré le vélo de mes douze ans, mais c'est tellement d'entretien par rapport à ce qui se fait aujourd'hui que je devrais le mettre aux encombrants (où je l'imagine récupéré pour partir en Afrique). Mais je ne suis pas encore décidée.

    7/ Oups. Avec retard, beaucoup de retard. En général il faut l'intervention d'une tierce personne qui éclaire soudain quelque chose à laquelle ils n'avaient pas fait attention.

    8/ Non. Ou alors une mention dans ce blog (il doit y en avoir trois en huit ans).

    9/ Le lave-linge.

    10/ Je ne crois pas. Il y avait eu des commentaires pontifiants sur ce sujet. Je crois que l'endroit où j'en dis le plus est ici, partout ailleurs j'ai l'impression de mal m'exprimer, que personne ne comprend ce que je dis — et donc j'en dis moins. Je me demande si certains n'ont pas confondu cela avec une insensibilité à toute épreuve.

    Rentrée

    Journée sur Evangelii Gaudium. Intéressant, mais je me rends compte que je n'ai pas assez travaillé.

    — Qui l'avait lu avant de devoir le lire pour ce cours?
    Personne.
    La sœur qui anime le TG (une belle tête à la Philippe de Champaigne, admirable) sourit: «C'est merveilleux, l'ecclésiologie, mais c'est épuisant: chaque semaine il y a de nouveaux livres, entre la Curie et les théologiens, il y a toujours de la lecture… C'est une matière nouvelle, le corpus est moins fixé que pour la christologie.»

    Pour le néophyte, c'est surtout angoissant. La principale question qui se pose devant un nouveau texte est : «Sur quels points diffère-t-il des textes précédents?», ce qui suppposent d'avoir lu ceux-ci et d'en avoir compris (vu, reconnu) les enjeux.

    Repas pique-nique comme chaque fois. Je sors la porcelaine (je n'avais pas de gobelet en plastique) et les deux thermos de thé (je n'avais plus de café)

    Le besoin et l'utile

    Petit déjeuner :
    — Je songe à t'inscrire à un cours de vingt heures sur un roman de Balzac, nous irions ensemble.
    — Bof… si tu penses que j'en ai besoin…
    — Besoin, besoin… Tu n'avais pas besoin d'aller à Florence, et cela ne servait à rien. Mais est-ce que c'était inutile ?


    Mais ce soir je suis découragée. J'irai seule, c'est inutile, il a raison, cela lui est tellement indifférent, il ne comprend tellement pas de quoi je parle.


    Agenda :
    Bonne sortie en skiff, un peu tremblante. Ralentir la fin des retours.
    60 k€ pour transformer une extraction en fichier xml… Je suis en rage.
    Pensées pour Jean à Nantes.

    Vie quotidienne

    Anniversaire de ma sœur (je n'arrive pas à admettre qu'elle vieillisse).

    C'est la rentrée. Repas traditionnel au Wajda avec le dernier encore au lycée (chaque année, déjeuner ici le jour de la rentrée. C'est un restaurant que Tlön m'avait fait découvrir ce jour-là. Je me souviens qu'Hélène "de Fayard" était entrée avec un homme et me découvrant dans la petite salle, avait fait signe au garçon de l'installer loin de moi. Nous étions en froid depuis la sortie du Journal de Travers. Je crois ne pas l'avoir revue depuis).

    J'ai acheté un galet creusé pour contenir une bougie (voilà que je fais dans le zen, manquait plus que ça (c'était non prémédité, le galet était en vitrine. Un autre proclamait «j'ai une mémoire admirable, j'oublie tout». Et je pense que ce n'est pas faux).

    Passée chercher des billets à la cinémathèque. Première fois que j'y mettais les pieds. Elle est exactement en face de la grande bibliothèque, de l'autre côté du fleuve. Je me demande si elle n'est pas exactement au milieu des deux tours Est et Ouest.

    A. était à Nancy (Vandœuvre) aujourd'hui pour accompagner l'écurie à une course (le cheval était favori mais a fauté (comprendre: a galopé durant une course de trotteurs)). Nous hébergeons ce soir une amie à elle qui n'avait plus de bus pour rentrer chez elle. En revanche C et I sont absents pour une semaine, ils font du cat-sitting (pour continuer la rubrique: "qui dîne et dort à la maison ce soir").

    Il a fait beau.

    De Fra Angelico à la dogmatique

    Eglise Saint Marc à deux pas de l'hôtel, tôt le matin. Saint Antonin puis le cloître et le miracle renouvelé des fresques cellule après cellule (mais déjà avant cela les tableaux de Fra Angelico au rez-de-chaussée). Visite calme, peu de public. Contraste de la modestie des bâtiments et les gouttes d'éternité spatiale et temporelle apportées par les fresques, univers mental et passionné qui déjoue l'enfermement entre les murs.
    Il fait frais, il y a eu un orage cette nuit. Cellule de Savonarole, cellule de Côme. La cellule de Fra Angelico est la 33 (les numéros se lisent à demi effacés sur les portes).
    La boutique se trouve dans l'ancien réfectoire, magnifiquement décoré par une fresque de Fra Angelico représentant la Cène. Je trouve enfin des cartes postales à la mesure du lieu, reprenant pratiquement chaque détail vu (ce voyage à Florence entérine la fin de la correspondance manuscrite: pas de carte postale, pas de carte postale de Côme pour une amie qui a appelé ainsi son fils, pas de carte postale des fresques de San Miniato, et pas de boîte aux lettres non plus, si peu et si peu visibles que je laisse les cartes non encore postées à la réception de l'hôtel).

    Déjeuner à Eataly parce que le nom plaisait à H. C'est en fait un supermarché entièrement dédié non pas à la nourriture, mais à la cuisine: légumes, semis, vins, confitures, condiments, viande, fromages, livres de cuisine, instruments de cuisine, (mais aussi produits ménagers bio), bar pour manger rapidement, table pour manger un peu moins vite, un fast-food entièrement dédié à la cuisine italienne, le tout dans un décor très moderne, blanc, bois et verre. Je n'en reviens pas que ce concept ne soit pas déjà présent en France avec la sorte de délire actuel autour de la cuisine depuis les MasterChefs.

    Car pour Pise à 14 heures, départ de l'avion à 16h30, spritz à Paris (caffé la Comédia dans le 14e), cours à 20h30. Introduction à la Dogmatique. Je suis un peu ennuyée de ne pas voir mon nom sur la feuille d'émargement, j'espère que ma feuille d'inscription n'est pas perdue car je ne me souviens pas exactement de ce que j'avais choisi comme langues. Nous sommes très nombreux (une quarantaine) puisque nous rejoignons les élèves de cinqième année (Ecclésiologie) en sautant la quatrième année (Christologie) (nous ferons la quatrième l'année prochaine avec les élèves actuellement en troisième année (Nouveau Testament): avantage pour la Catho: elle économise cette année le coût de la quatrième année qui n'a pas lieu).

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non. Je n'ai pas l'impression d'être attirée, juste de rencontrer lors de concours de circonstances. Des types différents.

    2/ Avoir chaud, ne pas mettre de talons !

    3/ Quelquefois. C'est toujours la même chose: difficulté à ouvrir un livre de poésie (paresse, pas envie de l'effort), difficulté à le fermer (intense ravissement).

    4/ Oui, si on appelle être utile faire rêver ou porter un souvenir. Disons pas forcément "utile" mais ayant toujours une raison.

    5/ Non. Un mail, peut-être.

    6/ Oui si je peux! (étendre du linge…) Mais ça devient difficile car nous avons fixé la ligne fixe de la maison (je veux dire que ne supportant plus la mauvaise réception des téléphone sans fil, nous avons repris un téléphone avec fil (cordaire?))

    7/ Non. Mais pour moi c'est forcément petit. Je songe à Jérémy à la Réunion ou en Islande: évidemment, ce n'est plus la même chose. Mais je ne connais pas ce genre d'îles.

    8/ Non.

    9/ Italie

    10/ Non. Des micro-absences. L'anti-fugue, plutôt: s'absenter et revenir sans que personne ne s'aperçoive de mon absence. Etre ailleurs. Habitant Blois, j'ai ainsi passé une journée à Paris pendant mes années de lycée, habitant Paris, trois jours à Venise, je pars au bureau et je vais en cours, etc. Aujourd'hui avec le TGV c'est encore plus facile. Je pense que personne dans mon entourage n'a su que j'avais assisté à la thèse de Tristan, par exemple.

    Divers

    - Réglé les détails de la garde d'un chaton dans la matinée (JA bon ange des petites bêtes, qui l'eût cru);

    - ramé dix kilomètres AU SOLEIL. Très bon quatre;

    - je suis à Florence ce soir (non sans être un peu ennuyée de laisser aux enfants le soin de s'occuper de la personne que nous allons héberger un certain temps (combien de temps?): il est arrivé jeudi, je lui avais demandé quand il repartait en précisant que c'était pour organiser les repas, il avait répondu qu'il arriverait les dimanches vers 23 heures et repartirait les vendredis tôt le matin. Il avait juste oublié de préciser que par exception avant la rentrée (il est prof) il souhaitait rester ce week-end. Donc il reste, mais sans nous. C'est un peu étrange, mais il n'avait qu'à répondre précisément à ma question précise (c'est surtout pour les enfants que ça m'ennuie, bis. Mais enfin trois sur quatre sont majeurs, et ils savent (bien) cuisiner)).

    Une certaine sécheresse

    J'ai un peu honte, d'un autre côté cela explique tant de choses en si peu de mots :


    Brouillon de lettre que j'ai donné à relire pour avis et conseil (sachant que je fais bref car j'ai appris que toute explication provoquait des appels téléphoniques):
    En 2015, la Mutuelle met en place la mensualisation par prélèvement de la cotisation annuelle que nous vous réclamions jusqu’ici par chèque.
    A cette fin, vous trouverez ci-joint un mandat SEPA à nous retourner complété et signé, accompagné d’un RIB.
    Le premier prélèvement interviendra le 10 janvier 2015.

    (formule de politesse)


    Retour du président de la Mutuelle. En voyant la longueur, je me suis dis qu'il avait fait ce que je craignais: ajouter des explications. Eh bien non.
    En 2015, la Mutuelle fait évoluer ses services en mettant en place le prélèvement mensuel de la cotisation. Ce nouveau mode de paiement remplacera le mode de paiement actuel par chèque.

    A fin de mettre en place ce service, nous vous prions de bien vouloir nous retourner :
    - le mandat SEPA (ci-joint) complété et signé : attestation nous autorisant à mettre en place le prélèvement avec votre établissement bancaire,
    - Un Relevé d’Etablissement Bancaire (RIB) de votre compte bancaire sur lequel sera prélevée la cotisation.

    Ce service sera mise en place dès 2015 et le premier prélèvement interviendra le 10 janvier 2015.

    (formule de politesse)

    Seule consolation: j'aurais économisé de l'encre.

    Les potins assassins

    — Je n'ai lu que deux Que sais-je. Un sur la grammaire et un sur le structuralisme.
    — Celui de Piaget? (P., l'homme qui connaît les auteurs des Que sais-je). Il y a celui sur le marxisme qui est très bien, de Lefebvre, tu connais? Sartre a commencé, oui, il n'a quand même pas fini grand chose, oui, il a fait paraître le premier tome de Critique de la Raison dialectique, eh bien, tu sais ce qu'on disait? Que tout ce que Sartre avait lu de Marx, c'était le Que sais-je sur le marxisme.

    Que d'eau

    Hier au lit avant 21 heures — et je m'endors aussitôt. Qu'importe, me dis-je, je me lèverai plus tôt — et puis non. Il pleut, j'entends pleuvoir sur le velux dans mon sommeil, une pluie ininterrompue. Vers trois heures du matin bruit différent, je me réveille aussitôt, déplace les bassines: nous avons des fuites, il paraît que les joints des velux ne sont plus étanches, quand il pleut trop longtemps, il pleut dans la chambre. So old fashion, façon château désargenté. (Ce qui fait que ce n'est pas sans une certaine inquiétude que je suis partie en Grèce).
    Bassines, un gant de toilette ou un torchon au fond de la bassine pour éviter les éclaboussures.

    Il y a presque dix jours, peut-être dix jours, vendredi, le 15 août, nous sommes prévenus par un voisin que la rue devant chez nous est inondée; cela provient de notre compteur. (Nous ne savons pas depuis combien de temps cela dure, il pleuvait tellement que la flaque passait inaperçue.) Celui-ci a été remplacé en avril, nous avions prévenu à l'époque que la fosse de l'ancien compteur s'était remplie d'eau. Une équipe s'était déplacée, était repartie, sans montrer beaucoup d'intérêt.
    Nous prévenons aussitôt la Lyonnaise des eaux, elle enverra une équipe, peut-être dimanche (le week-end de l'Assomption, ça m'étonnerait!). Finalement, des ouvriers sont passés mercredi dernier. Ils ont constaté la fuite (aucune inquiétude pour nous, la fuite est "du bon côté" du compteur, et tout changement de compteur entraîne une garantie d'un an sur les éventuelles fuites), délimité le terrain. Puis ils sont partis.

    Depuis une semaine, cela continue de fuir, mais officiellement.
    Je suis furieuse. Il y a cinq ou six ans, ils nous ont fait payer trois mille euros pour une fuite imaginaire (le compteur avait tourné mécaniquement sur lui-même, sans doute suite à des travaux de terrassement dans la rue. Il n'y avait pas eu de réel écoulement d'eau, la preuve en étant qu'aucune fuite n'avait été trouvée et que pourtant le débit était redevenu normal. Il n'y avait eu aucun moyen de leur faire entendre raison), mais là, quand l'eau fuit réellement de leur côté, cela leur est totalement indifférent. C'est scandaleux.





    Complément : la fuite a été arrêtée le 10 septembre après que H. se soit déplacé à Villeneuve-St-Georges pour protester auprès de la Lyonnaise des eaux.

    Heureusement les syndicats vous défendent

    Je précise que l'immeuble fait huit étages. Un ascenseur sur trois sera immobilisé (par roulement) durant la durée des travaux. Ce message concerne les personnes qui pointent.

    Mail reçu ce jour:

    Madame, Monsieur,

    Comme vous en avez été informés par mon précédent message, les travaux de remise aux normes des ascenseurs démarrent ce 25 août sur le site de xxx.

    Consciente des «désagréments» liés à ces travaux d’ascenseurs, et en accord avec les Organisations syndicales, la Direction du Groupe a décidé d’accorder, à titre exceptionnel, 2 jours RTT supplémentaires aux salariés de ce site en enregistrements horaires. (Cette mesure ne concerne pas les collaborateurs en « forfait jours ».)

    Ces jours RTT exceptionnels seront accordés selon les modalités suivantes :

    Pour les salariés en CDI à temps complet ou temps partiel supérieur à 50 % :
    - 1 jour à compter du 1er octobre 2014,
    - 1 jour à compter du 1er janvier 2015.

    Pour les salariés en CDI à temps partiel inférieur ou égal à 50 % :
    - 1 jour à compter du 1er octobre 2014.

    Pour les salariés en CDD et les salariés nouveaux entrants, ces jours seront accordés :
    - au 1er décembre 2014, sous réserve d'une durée de présence de trois mois, de septembre à novembre 2014, et,
    - au 1er avril 2015 sous réserve d'une durée de présence de trois mois de janvier à mars 2015.

    N’hésitez pas à contacter votre correspondant RH pour de plus amples informations.

    Les équipes RH et logistiques comptent sur votre compréhension pour la gêne occasionnée durant cette période de travaux.
    D'un côté les personnes qui pointent sont souvent celles qui ont le salaire le plus faible et il est compréhensible d'être attentif à leur sort. D'un autre côté ce degré de pinaillage me laissera toujours pantoise. N'ont-ils pas des sujets plus urgents à traiter?

    Un dimanche entre amis

    Expendables 3 que j'ai envie de qualifier d'émouvant. (Il faut avoir grandi avec les acteurs pour penser cela, je suppose).

    Déjeuner au Au pied de cochon.

    Promenade aux Tuileries où nous observons diverses attractions: une bulle qui flotte sur l'eau dans laquelle la victime est enfermée et tente désespérément d'avancer (mais la bulle tourne sur place, supplice du hamster dans sa roue), deux sièges montés sur un ressort puissamment armé qui une fois libéré les projette vers le ciel (bon entraînement de cosmonautes). Nous arrivons trop tard devant le Jeu de Paume pour visiter les expositions.

    Au retour nous passons par le centre des Tuileries, puis la pyramide du Louvre, la place carrée, ma préférée. Nous émergeons de l'autre côté.
    — Quelle est cette église ?
    — C'est St Germain l'Auxerrois.
    — Celle qui a donné le signal de la Saint-Barthélémy.

    Ce n'est que tard le soir que je me rendrai compte que nous sommes le jour de la Saint-Barthélémy.

    Du soleil

    Ce matin, 14 km voire un peu plus sur la Seine — en fines bretelles, et j'ai même l'impression d'avoir le nez un peu rouge.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non, je la ramasse et la donne au chat en pensant à ma grand-mère qui la mettait dans ses gâteaux (et je me dis a) que je suis bête b) qu'elle serait choquée).

    2/ Non. Un ami m'a parlé des urgences psychiatriques, je conserve précieusement l'information que cela existe (je n'imaginais pas qu'il pouvait y avoir un service d'urgences psychiatriques comme il y en a pour les urgences corporelles.

    3/ Oui quand je les regarde (je suppose que seuls les bons sont encore montrés!), mais je n'ai jamais envie de les regarder avant de m'y mettre (c'est comme beaucoup de choses: content pendant et après, jamais envie avant, donc il faut se forcer).

    4/ Aucun. La varicelle, ça gratte ("Ne te gratte pas, ça va faire des cicatrices")

    5/ Je n'en applique aucune et pourtant je devrais. Le plus efficace pour moi est de me rendre parmi les livres, librairie ou bilbiothèque, et de me promener, de les regarder. Je n'ai pas besoin de les ouvrir, juste de sentir qu'ils sont là. Tout redescend, la pression sanguine, le rythme cardiaque, les idées noires, l'indignation… mais je n'y pense pas — et puis ce n'est pas forcément facile.

    6/ A en croire un ami, oui. Des cernes noires.

    7/ Oui, beau, très beau (NB: j'écris cela le 27 septembre 2014 et je suis contente car j'irais sans doute ramer.)

    8/ Il y en a combien? Plus de 300? 10 à 15 %, j'en ai peur.

    9/ Oui, avant ou après, mais oui (ensuite j'oublie les inconnus).

    10/ La rumeur lointaine, très lointaine, de voitures, trains ou avions. La ville, quoi. Et un hibou certains soirs, fenêtres fermées.

    Winter sleep

    J'ai vu une Palme de Cannes au cinéma!

    Je me demande si ce n'est pas la première fois. Il y a toujours un tel battage autour que ça m'agace. Mon snobisme est l'anti-snobisme. Mais quand j'ai su qu'il s'agissait du réalisateur d'Il était une fois en Anatolie
    C'est le même confinement, la même impression de pièce de théâtre: lieux clos et dialogues. J'ai préféré le précédent, moins intimiste. Une fois encore, j'ai oublié que je ne connaissais pas la langue, j'ai fermé les yeux en pensant continuer à comprendre, tant les situations sont connues, ont quelque chose d'universel.

    Je ne sais pas si c'est un film à recommander. Ce n'est pas drôle, mais ce n'est pas triste. «C'est la vie», aurait dit ma grand-mère.

    Productivité

    A. travaille un mois en job d'été dans mon entreprise. Ce soir je lui demande négligeamment:
    — Alors, tu as bien travaillé aujourd'hui ?
    Elle fronce le nez :
    — On a fait des origamis toute l'après-midi.
    — Quoi ??!
    — Oui, j'ai dit que j'avais besoin de la boîte vide de gâteaux pour mettre mes grues et que j'en avais déjà trois cents, et Françoise n'a pas compris ce que c'était, alors je lui en ai fait une pendant qu'elle s'absentait, alors Eva a fait une cocotte pour Elodie et moi j'en ai fait deux pour les garçons… (etc., etc.)

    Les consommations au bar

    Je m'apprêtais à jeter les tickets signés chaque jour au bar de l'hôtel, bar au bord de la pelouse, en plein air.
    Finalement, les heures et les consommations permettent quelques reconstitutions. Je les recopie en souvenir des heures heureuses.

    * 19 juillet
    2 "frappés" (café frappé) : mon café préféré, grec avec des glaçons, très peu sucré. H et moi le premier soir, devant la mer. Nous ne sommes pas encore enregistrés dans la machine et la note est manuscrite (d'ailleurs nous nous trompons de numéro de chambre et rectifions le lendemain).

    * 20 juillet
    21h25 - deux capuccino (servis comme en Italie) et un milkshake (découverte de O qui va en faire une consommation considérable).

    * rien le 21, jour du périple à Delphes

    * 22 juillet
    15h28 : nous avons déjeuné sur place, j'ai frôlé l'indigestion.
    20h51 : 4 milkshakes, 1 cafés frappés, 1 coktail (je reprends un ouzo bleu, découvert à déjeuner). Tous ensemble sur un ticket, c'est la seule fois où la commande sera passée ainsi groupée.
    22:28 : un jus de fruit pressé : H.

    * 23 juillet
    22h41 : 4 milkshakes, 1 capuccino, pour nous détendre après la course contre le soleil en revenant d'Olympie. (Je n'ai pas raconté la gentillesse des serveurs qui nous ont servi à 22h sans un geste d'impatience, allant nous chercher des "restes" en cuisine, ce qui fait que nous avons été servis alors qu'habituellement c'est nous qui nous servons (formule buffet) (avec une fin officielle à 21 heures)). La note est signée par moi, H. manque dans la liste des consommations, mais où était-il donc? Je ne sais plus. D'autre part j'ai arrêté le café frappé au-delà de trois heures, en vieillissant je deviens sensible à la caféine (ou alors c'est que je ne suis plus assez fatiguée).
    23h05 : un jus pressé pour H. (C'est I qui s'est chargée de la commande, c'est elle qui a signé.)
    Ce soir-là, en toute ingratitude, nous avons joué à la belote très tard pour nous remettre de nos émotions, le serveur dédié au bar essuyait les tables et ne savait plus comment s'occuper, nous étions les derniers. Nous avons finalement eu pitié de lui et sommes rentrés dans le hall, ivres de fatigue, terminer notre mille.

    * 24 juillet
    19h45 : deux jus de fruit pressés. Je me souviens que je suis arrivée en retard et que deux (lesquels?) buvaient l'apéro en m'attendant.
    20h : un fruit pressé et un ouzo. Puisqu'ils prenaient l'apéro, je suis allée me chercher un ouzo, le premier du séjour.
    21h27 : 4 milkshakes et un capuccino. Il s'agit sans doute de parties de belote + un non joueur (qui?)

    * 25 juillet
    18h58 : un coktail et un milkshake. Il est noté coktail, il s'agit précisément de mojito que le serveur m'a proposé quand je suis arrivée au bar. Nous comprendrons plus tard que le mojito n'est pas sur la carte et qu'il est tout heureux de s'amuser avec ses bouteilles, nous demandant notre appréciation pour doser le sucre au fur à mesure des verres servis (il a fait beaucoup de progrès en français en une semaine).
    19h23 : un jus de fruis frais. pour H.
    19h31 : deux cocas (note signée A.)
    19h48 : un autre mojito (pour moi. Pas assez tassé le premier!)
    20h51 : un bayleys, un expresso, un frappé, un capuccino. Les deux premières consommations étaient destinées aux personnes qui nous avaient indiqué Epidaure le matin même. (Nous les avons invitées à prendre le pot d'adieu aux vacances. Eux sont restés deux semaines — mais avec un seul enfant).
    Il convient d'ajouter une tournée offerte par eux.
    21h45 : trois milkshakes et un jus de fruit pressé. Les enfants, note signée de A. (Nous leur avions donné du liquide pour la semaine afin qu'ils puissent prendre une consommation au bar dans la journée sans avoir à signer ou nous déranger, mais ils l'ont peu utilisé, et c'est cet argent qui a servi régulièrement quand nous faisions les fonds de poche dans le camion pour payer l'essence ou le miel… (nous le remboursions au prochain distributeur de billets, puis nous le récupérions à la prochaine pénurie: des enfants comme banque ou tirelire.)

    Choisir un film

    On ne vit que deux fois avec le benjamin. J'ai la surprise de découvrir que le script est de Roald Dahl.

    J'avais suggéré Les experts mais je n'ai pas su convaincre avec ce film peu connu qui me fait beaucoup rire et qui en même temps présente la nostalgie en feuilleté, celle des années 50, 70, 89…

    Un été froid et nuageux

    Evidemment tout le monde est au courant, mais si l'année prochaine ressemble à 2003, nous aurons oublié.

    J'ai froid, j'ai froid, j'ai froid (je l'ai dit trois fois, c'est donc vrai), un gilet un poncho sur l'esplanade de La Défense (car aujourd'hui la ligne 1 ne fonctionne pas de Maillot à la Défense, il faut aller prendre le RER (je travaille au niveau de la station esplanade)).

    Et c'est ainsi, ô miracle, que je découvre la grande arche sur fond de ciel dégagé, un ciel sans nuage, est-ce possible cet été?





    (coucher de soleil : 20h50. «L'été passait, un peu moins clair chaque jour», Tony Duvert, en exergue d'Été.)

    Dimanche rien

    Pas d'aviron, dormi une partie de l'après-midi. Billet sur l'Arcadie.

    Déprime

    A 8 heures au centre d'entraînements des trotteurs de Grosbois. A. en repart deux heures plus tard avec une convention de stage signée pour septembre. Elle s'est bien débrouillée.

    A la recherche de Vivian Maier en famille. Je l'ai imposé, il me semblait qu'il n'était pas inutile que les aînés aient vu ça, et le plus jeune entre en première l'année prochaine.

    Dispute à déjeuner. Que je culpabilise parce que nous allons voir mes parents trois jours par an et ne sommes même pas capables de leur envoyer (à leur demande) une photo souriante des trois enfants réunis a l'air incompréhensible à tous. Et m***!!!
    Dans un état non ressenti depuis longtemps: cette envie de ne plus exister, et surtout de n'avoir jamais existé.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Du temps de temps en temps. Pas assez, pas assez, j'aimerais bricoler (dans le dur: ponçage de parquet, enduit de mur, etc) mais je n'ose rien commencer car je n'ai pas assez de temps d'affilé disponible pour terminer ce que je commencerais, et cela resterait en chantier, avec tous les risques que cela traîne ainsi des semaines ou des mois…

    2/ Non. Enfin je ne crois pas. Ou plutôt je ne crois pas au sacrifice. J'ai été très marquée, enfant, par ce conte d'Oscar Wilde, qui me brise le cœur chaque fois que je le lis.
    A une échelle minuscule, cela a des conséquences au quotidien. Par exemple, ceux qui se lèvent savent qu'ils peuvent et doivent manger ce qu'ils veulent: car combien de fois s'est-on privé de brioche ou de croissants pour des gens qui se sont levés à midi et n'ont pas petit déjeuné pendant que la brioche durcissait?
    Donc se priver (mode mineur du sacrifice) pour faire plaisir à quelqu'un, oui, sans problème, mais se priver pour rien, pas question. (Or c'est très souvent pour rien).

    3/ Oui. Je songe aux marins et à Melville.

    4/ Non. Des vers luisants (mais ils ont disparu du jardin, j'espère qu'ils reviendront).

    5/ Je ne sais pas. Comme je n'y crois pas beaucoup, je les oublie (je suppose vu la question suivante qu'il s'agit de vœu-souhait. Mais même mes vœux-promesses, je les oublie, ce qui m'emplit de crainte superstitieuse). (La preuve que j'oublie est là: je ne me souvenais pas avoir révisé ma liste de vœux, ni ce qu'ils étaient! (Il doit y avoir mourir avant mes enfants. Drôle de vœu, n'est-ce pas?))

    6/ Ça ne m'a pas marquée. (En revanche, je sais que j'ai de la chance, que les choses m'arrivent au bon moment).

    7/ Non (en tout petit en bas).

    8/ Quatorze heures? Seize heures? (en voyant ces chiffres ridicules (ils comprennent la nuit), j'ai un peu honte. Bah, je suppose que j'ai dû essayer le jeûne comme j'ai essayé un peu tout, pour voir, mais je ne m'en souviens pas).

    9/ Non. Je ne supporte pas le bruit fort.

    10/ Euh… j'ai découvert hier (30 septembre 2014 puisque je réponds avec retard) que le contenu de mes boîtes mail ouvertes circa 2004 et que je n'avais pas visitées depuis deux ou trois ans avait été détruit (est-ce un support électronique? Cela répond-il à la question?). Je le regrette, il y avait des messages auxquels je tenais.

    11/ Non.

    Assomption

    — Est-ce que je peux aller à la messe sans avoir droit à une remarque sarcastique?
    Dans un sens je me moque de la remarque sarcastique, dans un autre, c'est lassant. En fin de compte, j'ai droit à plus de remarques blessantes dans mon entourage proche qu'ici, sur internet, ce qui confirme l'hypothèse d'Agatha Christie que les gens prennent moins de précaution en famille (voir Un cadavre dans la bibliothèque).

    Comme le matin même j'ai lu cela sur Postsecret,





    je reste songeuse devant le prêche du curé encensant "l'amour d'une mère". C'est bizarre, cette idéalisation de la famille par l'Eglise, ne savent-ils pas que c'est le lieu où l'on se déchire le mieux?
    (Peut-être que si: «[…] il s’agit […] de la cellule fondamentale de la société, du lieu où l’on apprend à vivre ensemble dans la différence […]» Evangelii Gaudium, §66. Ou pas.)


    Agenda pour mémoire:
    - barbecue chez les voisins. Il fait froid et pluvieux, quel drôle de mois d'août.
    - un film nawak dans la catégorie eau-de-rose comique 1, La proposition. Avouons que l'amour que Raj (de The Big Bang Theory) porte à Sandra Bullok a attisé ma curiosité. C'est détendant.
    Nous perdons beaucoup de temps ensuite à regarder les préview de ses films disponibles sur l'Apple TV. Comme dirait quelqu'un à propos de Tom Cruise, «elle a l'air de faire toujours le même film». On devrait les faire jouer ensemble, chacun dans son type de films, pour voir (exercice à contraintes).


    1: J'y pense, la dénomination officielle doit être "comédie sentimentale".

    Trois jours

    Trois jours à ouvrir le courrier, vider le répondeur téléphonique, trier les mails, activité classique des retours de vacances. Pour répondre à une demande du service de la RH groupe je mets de l'ordre dans les contrats (conditions générales (CG) et conditions particulières (CP) pour régime obligatoire (RO) et régime facultatif (RF) pour les sept à dix entreprises contractantes: je retrouve les originaux signés et jette la moitié du contenu des dossiers (les copies, les doubles non signés, les impressions de mails (WTF?), hop, à la poubelle).
    (Ce genre de détails a-t-il vocation à être raconté? Mais que dire d'autre si c'est cela la chair des jours?)

    Je pars le matin avec A., je rentre le soir avec elle. Je lui ai donné Salut mon pope mardi, elle finit Du brut pour les brutes aujourd'hui. Elle qui lit si littéralement apprécie cette écriture et ses délires (c'était quitte ou double).

    Plus (quoi? pragmatiquement? (c'est pour la rentrée)), je lis Evangelii Gaudium. Le style est un peu plat mais certains passages sur le découragement, la culture (les cultures), la finance, sont étonnants. Le rappel de l'autre, de la communauté, contre une spiritualité individualiste et désincarnée est permanent. Je me demande si le fait que les portes de l'église de Yerres soient désormais grandes ouvertes a un rapport avec cette exhortation (je sais désormais que ce qui me paraissait "une idée du curé" est généralement la traduction pratique de textes du magistère). Il y a dans cette exhortation un appel à l'audace et à la prise de risque en général qui pourrait se traduire pour les églises de France par: mieux vaut être vandalisé que fermé.

    Je termine le billet sur Delphes en me disant que je n'ai pas réussi à rendre la longueur des kilomètres due à notre faible vitesse, à l'étroitesse des routes et aux variations d'altitude.

    Les gardiens de la galaxie

    Puisque H. avait un rendez-vous à Paris, nous nous sommes tous retrouvés à Montparnasse pour aller voir Les gardiens de la galaxie. (Décidément, sortir avec mes garçons et mon mari me donnent l'impression d'être accompagnée de mes gardes du corps).

    Chaude recommandation pour ceux qui aiment le genre steampunk/SF/Marvels.
    L'intrigue est un peu trop compliquée pour moi (je m'embrouille vite dans les visages et les noms), mais en se contentant du principe simple «les ennemis des héros sont les méchants, leurs amis sont les gentils», on s'en sort très bien.
    C'est à la fois de toute beauté (décors baroques façon steampunk/Blade Runner/Valérian), bourré de clins d'œil (bien qu'il soit possible que ce soit en réalité l'inverse, puisque ce film est tiré de Marvels très anciens: est-ce Groot qui ressemble à Chewbacca (par exemple), ou l'inverse?) et très amusant (—Laisse tomber, les métaphores lui passent au-dessus de la tête. —Rien ne passe au-dessus de ma tête, je suis trop rapide).


    Crêperie, retour.
    Nous les filles qui travaillons à La Défense et nous levons à six heures dormons debout.

    Aller-retour Strasbourg

    Enterrement "mixte": pas de cérémonie à l'église, des prières dites par un prêtre debout dans le cimetière, des souvenirs et des regrets lus par différents membres de la famille. L'un des problèmes de ces cérémonies civiles, c'est le plein air: j'avais connu le vent dans les arbres, cette fois-ci c'était le bruit des voitures: difficile d'entendre.

    C. : — Mais s'il y a un prêtre, pourquoi ne pas faire carrément un enterrement à l'église ?
    Moi : — Le problème, c'est de concilier le souhait du mort avec celui des vivants: quel choix faut-il respecter ?
    H. : — Celui du mort, bien sûr !
    C. : — Celui des vivants, évidemment ! Le mort il s'en fout, il ne le saura pas.

    Vaste débat.

    Cérémonie émouvante. La plupart des frères et sœurs sont venus malgré la distance. Mon beau-père constate, mi-figue, mi-raisin:
    — C'est le cinquième beau-frère que j'enterre.
    — Ben dis donc, il fait pas bon être ton beau-frère !

    Dîner à Verdun au Coq Hardi. Rayons de soleil sur les quais. Retour sous une pluie battante.

    Dernier samedi avant la reprise

    14 km sur la Seine à Melun d'abord sous un ciel plombé puis sous quelques rayons.

    Tous les cinq à Disneyland le soir pour voir Lucy sur écran Imax (une lubie de H.). Même pour un Besson, c'est mauvais. (Je veux dire qu'à priori, on attend d'un Besson un peu d'humour et beaucoup d'actions, ici nous n'avons ni l'un ni l'autre).
    Cela m'a rappelé que quelques biographies plus tard, je crois connaître le secret de la sainteté: ne jamais perdre son temps, ce qui ne veut pas dire ne pas prendre son temps, mais ne jamais perdre son temps par fainéantise ou démission de la volonté 1.
    Et puis je me dis (ce film occupe un pour cent de capacité cérébrale, je peux penser à autre chose) que beaucoup de films, décidément, ont des tendances apocalyptiques. Cela me rappelle H.G. Wells et ses romans de la fin du XIXe siècle imaginant l'extermination de races entières: cinquante ans pour devenir réalité. (Je vois l'avenir en noir en ce moment, le monde me paraît très mal parti. L'annonce du "califat islamique", qui pourrait paraître une bouffonnerie et qui en est une, d'un certain point de vue, me terrifie. Que va-t-il se passer à l'horizon de cinq ou dix ans, vingt ou cinquante?)

    Petit tour dans les magasins Disney (dernière visite en 2002). La marque a décidé d'illustrer les blagues qui ont circulé lors du rachat de Star Wars par les studio Disney et a créé des peluches Dingo habillées en Darth Vador. Je suis ahurie par le monde. A 21 heures, les gens arrivent par vagues. Beaucoup de femmes voilées avec de jeunes enfants: le voile n'est pas un refus du consumérisme. Des groupes de jeunes, équivalent contemporains des loubards.

    — Mais ils font quoi ici, ces jeunes de banlieue ?
    — Ils draguent !
    — Il y a des filles seules ici ?
    — Mais oui, regarde ! me dit-il en m'indiquant deux pouffes maquillées:
    — Oh mon dieu ! (Draguer à Disneyland, faire tous ces kilomètres pour atteindre Mickey dans la campagne, tout ça pour draguer? La jeunesse est perverse, cela ne me serait jamais venu à l'idée).


    1 - Chic, le pape est de mon avis.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Parfois, mais pas souvent. Des personnages proustiens.

    2/ Les voyageurs de RER écoutant des basses sur le siège voisin.

    3/ Oui. Alimentation et sport.

    4/ Non, trop intimidée.

    5/ Rarement, à l'hôtel.

    6/ Dans le RER, ce soir.

    7/ Oui, un feu orange. J'avais dix-huit ans, j'allais chez le médecin, je brûlais de fièvre, les gendarmes ont eu pitié.

    8/ Des arbres.

    9/ Je ne sais pas. Je ne pense pas.

    10/ Période? Evénement. "La destruction des juifs d'Europe". Que s'est-il passé? comme dirait Taubes.

    Un oncle

    H. blanc au téléphone avec son père me fait signe qu'il se passe quelque chose de grave. Il raccroche.
    — Louis est mort. Il a eu un malaise le soir et il est mort.

    C'est le mari de l'une des tantes les plus jeunes d'H. C'est un choc. Même si ses tantes ont toutes épousé des hommes beaucoup plus âgés qu'elles, rien ne laissait présager cette disparition.
    C'est à leur mariage, en décembre 1989, que j'avais rencontré toute la famille d'H. pour la première fois.
    Je connaissais très peu cet oncle; mais je pense à ses filles, qui ont à peu près l'âge de mes aînés.

    Plus tard dans la soirée A., dix-neuf ans, commente, semi-interrogative: «mais alors, ça veut dire que chaque au revoir est un adieu?»

    Successions

    A huit heures, passage d'un artisan qui évalue les travaux pour le remplacement des velux.

    A neuf heures, départ pour Blois et l'anniversaire de mon père. Deux parties de belote sauvent l'après-midi mal engagée. (Ma fille n'est pas venue puisqu'elle travaille, les garçons et H. font la sieste, je reste debout dans le salon à faire la conversation en sachant que si je m'assois, je m'endors).

    Ma mère parle du centenaire de la guerre de 14, des églises qui ont carillonné le 1er août: «J'ai regardé un documentaire; tous les hommes sont partis, ils ont emmené les chevaux. Et il y avait la moisson à faire. Comment ont-ils fait? Mon père avait neuf ans à l'époque. Il n'était pas drôle, mais maintenant je comprends mieux, quand on pense par quoi il est passé dans son enfance.»

    Histoire de famille au dîner. Mes parents ont appris très récemment que le cousin de papa avait souscrit deux assurances-vie au profit de mon père et mon oncle, sa seule famille connue (depuis, le notaire a découvert vingt-huit cousins en Pologne). Les sommes sont importantes et mes parents un peu sonnés par cette bonne nouvelle.
    La maison du cousin est vendue ou en passe de l'être (elle a été longtemps sous scellés pour l'enquête, l'est-elle encore?), ma mère a répété au notaire puis à son successeur (le premier étant mort) qu'elle souhaitait récupérer les photos de famille mais n'a pas de nouvelles. Je crains qu'il ne soit trop tard.

    Elle nous raconte l'histoire d'une grand-tante éloignée, mais très proche de la famille (une grand-mère pour ma mère, en quelque sorte, de l'autre côté de la cour de la ferme). Cette grand-tante et son mari, sans enfant, avaient opté pour le régime de la communauté universelle. Elle est morte la première, tous les biens sont revenus à lui. Quand il est mort, comme il était de l'Assistance (publique, ie abandonné, sans famille connue), tous leurs biens sont revenus à l'Etat et ont été vendus aux enchères (alors que si c'était elle qui était morte en dernier, ses neveux et nièces en auraient hérité):
    — Ma mère [ma grand-mère] a assisté aux enchères et à chaque fois qu'un lot passait, elle récupérait les photos de famille.

    Ces histoires de succession assises sur des règles juridiques me fascinent. Ai-je raconté la pire que je connaisse, elle aussi racontée par ma mère? Je ne sais plus de qui il s'agissait, de collègue de lycée, je crois. Le père et le fils se tuent dans un accident de voiture en allant à l'enterrement du grand-père. Selon les règles juridiques, quand on ne sait pas qui est mort le premier dans un accident, l'ascendant est réputé mort le premier, ce qui veut dire ici que les biens du père reviennent au fils.
    Ce sont donc les descendants du fils (ici il n'y en avait pas) puis à défaut ses ascendants qui héritent, en l'occurence la mère du garçon. Or le père et la mère étaient divorcés. Elle a donc hérité de la moitié de la maison de son ex-mari (qui venait d'en hériter suite à la mort de son père) sur l'île d'Ouessant dans laquelle vivait depuis toujours son ex-belle-mère, une vieille dame qui venait de perdre mari, fils et petit-fils.
    Que ce soit vieux règlement de compte entre belle-mère et bru, divorce mal digéré ou douleur d'avoir perdu son fils, elle a exigé de toucher la valeur de la moitié de maison devenue sienne, obligeant la vieille dame à lui racheter sa part ou à vendre le lieu où elle avait vécu toute sa vie.

    Anicroche: A. téléphone, elle n'a pas ses clés pour rentrer à la maison. Je songe à Rhotull («c'est quand même des sous-doués des clés») et nous l'envoyons chez les voisins en attendant notre retour vers minuit.

    Flemme

    — J'aurai rarement fait aussi peu de choses en vacances, ni m'occuper du jardin, ni classer les papiers, ni gratter et vernir la porte d'entrée, ni lessiver la cuisine, ni…
    — Des vacances, quoi, constate O., logique et consolateur.

    Oui, mais quand est-ce que je vais faire les corvées, moi? Se confirme ma vieille devise «Il ne faut pas attendre» (la phrase complète est : «il ne faut pas attendre des conditions idéales pour s'y mettre»): combien de fois ai-je dit cette année «Je ferai ça pendant les vacances»?
    Eh bien non.

    Matinée sur Alice et FB: 31 et 19 juillet. J'ai dû mal à me mettre aux billets grecs.
    Cette après-midi il faut quand même que je range les valises et les vêtements, propres, sales, repassés, car demain à huit heures passe un couvreur pour un devis pour réparer le toit.

    Ce sera une Coccinelle

    Ecrit les 29, 30, 28 juillet. Ça n'a l'air de rien, mais avec les diversions FB et le petit déjeuner à prendre en famille, ça m'a pris la matinée.

    Calcul de cote Argus et autres comparatifs, panique pour retrouver les justifs demandés pour le prêt (ah oui, c'est vrai, plus d'avis d'imposition, j'ai désormais tout sur internet. Ah zut, la facture d'eau est annuelle, trop vieille, et m***, quel le mot de passe pour le site EDF? Et l'imprimante qu'imprime pas… pourquoi imprimer d'ailleurs, l'intérêt ne devrait-il pas être de tout faire transiter par mail?)
    Bref, Coccinelle décapotable noire (très salissant paraît-il, je m'imagine bien en train de la passer à la peau de chamois tous les week-ends…) livrée entre le 28 septembre et le 28 octobre. Dommage, j'aurais bien aimé l'avoir pour le 21.

    Under the skin suite à l'enthousiasme d'Emmanuel. Tellement sonnés (film noir au sens littéral (mal aux yeux et à la tête) épouvantablement long. Belles images de mer et de fondrières (ça représente une minute de film). Le plus intéressant est la musique — insupportable mais intéressante)) par l'ennui et le sérieux de ce film que nous dînons sur place en terrasse au Saint Eustache, le temps de se réhabituer à la lumière.
    Désormais je saurai interpréter le silence gêné de mes amis cinéphiles. (J'avais été surprise de l'absence de commentaire ce soir-là, eux habituellement si diserts.)

    Pas grand chose

    Matinée FB + rattrapage blog.
    Après-midi essai d'une Coccinelle rouge. (La ville de Grisy est très coquette).
    Soirée Le Diable par la queue.

    Hamas, Cary Grant et couscous

    C'est le résumé de ma journée: levée à dix heures, je range trois bricoles, je termine la traduction entreprise hier (c'est assez long) en jeûnant pour éliminer l'alcool de la veille. A trois heures internet rame (lague) tant que je n'arrive même plus à me connecter à FB. Rédaction du billet d'hier (j'ai une semaine de retard sans compter la Grèce); vers cinq heures l'idée est lancée d'aller au cinéma.
    — Voir quoi ?
    — Je ne sais pas, je regarde. (Compulsation d'iPhone): La Mort aux trousses ?
    — Ah oui, bonne idée.

    Nouvel Odéon ancien Racine (mais pourquoi avoir changé son nom? Ces gens ne savent rien des attachements sentimentaux).

    La Mort aux trousses est sans doute le Hitchcock que j'ai vu le plus, il passait souvent à la télévision (il y a trente ans). En réalité je ne me souvenais de rien, si ce n'est de Cary Grant en train de courir dans le champ de maïs ou de la sortie de la salle aux enchères (mais dans mon souvenir c'était une salle de tribunal: je dois confondre avec d'autres films). Je ne me souvenais pas que ce n'était qu'une histoire d'amour (so sentimental: mais finalement cela correspond bien à Hitchcock) commençant par un dialogue ahurissant (rarement vu un tel rentre-dedans de la part d'une femme: la censure laissait passer cela en 1960? Décidément, on ne peut compter sur personne); et surtout je n'avais jamais pris conscience de la dimension burlesque de Cary Grant (pourtant évidente dans Arsenic et vieilles dentelles. Mais justement, Arsenic et vieilles dentelles est un film drôle, il est donc normal que Cary Grant soit drôle, alors que, vieille déformation de l'enfance qui veut que tout ce qui intéresse les adultes soit forcément sérieux et ennuyant, j'imaginais Hitchcock austère, malgré les contre-évidences devant mes yeux): Cary Grant est un clown, un Jerry Lewis élégant et séducteur.

    Puis un couscous Chez Jaffar (qualité déclinante, effet vacances?), comme je l'annonçais en titre. Je découvre que les enfants ont vu plus d'Hitchcock que je n'aurais pensé. J'aimerais revoir Frenzy et La Maison du docteur Edwards dont je conserve un souvenir en pointillés.

    Question: quel est le Hichcock le plus connu, Les oiseaux ou Psychose?

    Paris est désert, il fait bon.

    Décapotables et pseudo barbecue

    Les points forts du jour: matinée sur une traduction d'un billet hébreu lui-même traduit en anglais sur les actions du Hamas à Gaza (j'espère ne pas m'attirer toutes les haines de la terre — je suis peut-être naïve); une visite dans un garage Volkwagen pour voir une Coccinelle (à ce que j'ai compris le nom n'est plus New Beetle en France. Le modèle est assez massif. Le concessionnaire passe un long moment avec nous, sans se presser. Je suis surprise par les options luxueuses qu'H. est prêt à mettre dans cette voiture. Evidemment, tout ce que je veux c'est une décapotable (j'imaginais plutôt un vieux modèle d'occasion, c'est plus mon genre), mais si on me propose un intérieur cuir, je ne vais pas dire non! (bref, je m'oriente de plus en plus vers une voiture de vieille peau. C'est cohérent)); un passage chez l'horloger pour récupérer la comtoise (deux mois de silence); une visite dans un garage BMW pour essayer une Mini (très agréable à conduire, mais je l'assumerais encore moins que la Coccinelle. Je suis en train de me dire qu'une simple Polo ferait l'affaire); violent orage alors que nous avons organisé un barbecue avec les voisins. Cela sèche, mais des algues microscopiques rendent la terrasse gluante, terriblement glissante et dangereuse. Nous nous replions sur l'intérieur. Soirée jusque tard dans la nuit (trois heures du matin). (Cependant la viande sera cuite au barbecue: est-ce un barbecue si nous la mangeons à l'intérieur?). L'idée d'emprunter des chèvres pour tondre le gazon s'éloigne: si Monsieur est tout à fait disposé à les prêter, Madame craint que la voiture ne les traumatise (Monsieur fut sellier-bourrelier et nous raconte l'histoire de la Harley Davidson customisée en cuir orange à franges ou celle de Monsieur délaissé par Madame qui a fait recouvrir la voiture de Madame de cuir blanc, ouvrir le toit de son pavillon, placer la voiture dans son salon grâce à une grue et refermer son toit).

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ A Florence (fin août).

    2/ Ils sont tout blancs.

    3/ Quelques-uns. La ferme de mes grands-parents. Les Fontaines à Chantilly, Cerisy, l'Hacienda à Inezg*ne, Cape Ann.

    4/ De solitude.

    5/ Oui. On nous a volé du jambon dans le frigo et de l'argent liquide. Ça nous a fait de la peine, sans doute des ados mourant de faim.

    6/ Non.

    7/ Nu bleu de Matisse, carte de Yougoslavie des années 60.

    8/ Oui, très volontiers.

    9/ En juillet, en Grèce.

    10/ Oui, mais quoi?

    Deux fois Vivian Maier

    Je me lève et m'habille comme pour aller bosser: A. commence ce matin un boulot d'été dans mon entreprise et je l'accompagne jusqu'à la Défense pour la rassurer (et lui expliquer les cinq manières de s'en échapper en cas de problème de transport (ligne 1, ligne A, bus 73, train vers Saint Lazare, tram vers n'importe où pour trouver un métro (je ne lui parle pas du Vélib, elle ne maîtrise pas assez Paris))). Cela me fait un prétexte pour passer en bibliothèque.

    A la recherche de Vivian Maier dont j'ai entendu parler un matin à la radio (j'aime les documentaires). Les premières photos coupent le souffle, la jeunesse de l'inventeur fait plaisir, je remarque qu'il s'agit encore de ces hasards qui laissent une place à l'expérience: ce jeune homme avait l'habitude des brocantes et de l'évaluation du bric-à-brac, un autre n'aurait peut-être pas compris la valeur de ce qu'il voyait ou se serait peut-être découragé devant l'énormité de la tâche. Tandis que lui ne recule devant rien: téléphoner à des numéros de téléphone incomplets en essayant tous les indicatifs de la ville de Chicago, passer des nuits sur internet à tenter de reconnaître un clocher de village photographié cinquante ans avant… Ce jeune homme est attachant. Me fait sourire sa déception que les photos ne soient pas acceptées par les musées, "l'institution", comme il dit. Il n'a pas compris que les musées ne font qu'entériner l'engouement du public et la reconnaissance des collectionneurs. On ne commence pas dans un musée, on finit dans un musée.
    Je parle beaucoup de John Maloof parce que je veux pas parler de Vivian Maier, je ne veux pas spoiler. Son look me rappelle un peu Simone Weil, sa personnalité un peu Annemarie Schwarzenbach (par association très libre). Allez voir le film. J'en suis ressortie le cœur déchiré, un peu déchiré, doucement déchiré, en sachant d'une certaine manière que c'était inéluctable: une vie de solitude et de silence qui se termine dans la solitude et le silence — même si à soixante-dix ou quatre-vingts ans elle l'a peut-être regretté. Fallait-il, faut-il exposer ses photos qu'elle n'a jamais montrées? c'est la question lancinante que se pose John Maloof, et peut-être n'a-t-il tourné ce film pour y trouver une réponse et apaiser sa conscience.

    Je déjeune en terrasse au café Beaubourg — j'abandonne le Pouy sur mon siège — un Red Lady, du thon pour le comparer à celui de Dimitri, un autre Red Lady, et c'est un peu ivre que je rejoins un vélib pour entamer ma tournée des bibliothèques: d'abord l'ICP qui ferme pour deux semaines.





    Je prends tous les livres disponibles (visiblement un autre étudiant a fait une razzia sur la bibliographie. Il faudrait aller rue Cassettes, mais je ne suis pas sûre d'avoir le droit d'emprunter à la bibliothèque de droit canonique) plus une nouveauté, Si j'avais su de Stanley Cavell après l'avoir feuilleté (je laisse tomber les Duhem sur la science grecque (pour A) mais je reprends l'Auguste Diès Autour de Platon qu'il faudra que j'achète un jour tant je l'aime. J'emprunte des Max Weber, ils ne sont pas sur la bibliographie de l'année prochaine, mais je sais par expérience qu'il vaut mieux revenir aux sources (lire Saussure, urgent!), et comment faire de la sociologie sans lire Weber? Plus de place pour le Löwith sur Weber, mais tant pis, je dois de toute façon passer à Melville pour Le Diable par la queue recommandé par Laurent. (Löwith vulgarise à mon niveau, il m'aide à ne pas avoir peur).





    Je me rends compte que l'un des livres que je veux est ici en réserve, alors qu'il est en accès libre à Buffon où je dois passer prendre un livre que j'ai fait venir de la réserve centrale. Finalement j'aurais pu m'abstenir de venir ici, je repars avec le DVD et le Löwith, les deux n'étaient pas si urgents.
    Il fait très lourd et très chaud, c'est assez désagréable.





    Rue Buffon je prends les livres qui me manquent. En cherchant autre chose dans les rayons (je clopine, il fait chaud, je commence à avoir sérieusement mal au pied dans mes chaussures à talons pas tout à fait prévues pour ça) je tombe sur Le Savoir grec (dictionnaire critique) de Jacques Brunschwig, qui devrait convenir pour A. qui cherche des informations sur la science antique. J'échange des sms avec H. qui me propose de voir un film. Je lui dis de choisir ce qu'il veut en suggérant malgré tout Vivian Maier sans lui dire que je viens de le voir. En enregistrant les livres pour le prêt, je m'aperçois que j'ai exagéré la contenance de mon sac et que je vais avoir un problème, ce qui se confirme quand j'arrive devant un vélib: impossible de tout faire tenir dans le panier du vélo. Je finis par y déposer directement le Cavell, le dictionnaire et un troisième volume dans le panier et garde mon sac à la main. Le tout est assez lourd, et ajouté aux talons, compose un équipage malhabile et instable. H. choisit Vivian Maier, il m'attend au Bert's des Halles.

    Je suis la Seine, et en passant devant la rampe de la Bastille, je ne résiste pas à la tentation de descendre au bord de l'eau: pour une fois que j'ai l'occasion de faire le trajet dans ce sens-là, et de jour, je vais pouvoir déterminer à quel endroit je peux descendre sur les berges pour y rouler le plus possible quand je rejoins la gare de Lyon.
    Foule et pavés. Comme je le craignais, je me heurte à un escalier et je dois faire demi-tour. (Je sais maintenant qu'il faut descendre à peu près en face de la rue de Pontoise, au niveau de la pointe de l'île de la Cité).





    Je gare mon vélib près de la Bourse (pas de place plus près), m'aperçois avec horreur que les secousses ont beaucoup abîmé la couverture du Cavell qui était tout neuf (c'est le défaut des vélibs, l'acier des paniers blesse le cuir des sacs (j'enveloppe mon cartable dans un tissu quand je prends un vélib. Je ne me suis pas méfiée pour des livres. Zut et zut.)), descends péniblement dans le cœur des Halles (tous les escaliers mécaniques sont arrêtés). En me voyant arriver boîtante les bras chargés de livres, les yeux de H. s'arrondissent, il rit, «je savais que cela se terminerait comme ça, c'est pour ça que je suis venu en voiture, pour te ramener. Mais tout de même, en vélib, tu es folle! Tout ça pour lire le quart du premier!» (je suis attristée qu'il ait sans doute raison) et me prend tous les livres pour les porter dans la voiture. Je bois une demi-Badoit en l'attendant. Je suis épuisée, et surtout très ennuyée pour le Cavell.

    Et donc A la recherche de Vivian Maier une deuxième fois. (Ne faudrait-il pas traduire "Enquête sur Vivian Maier"? "Finding", c'est déjà avoir trouvé, "à la recherche" n'est-ce pas plutôt "looking for"?)


    La liste des livres :
    - L'Idiot (livre en cours)
    - Pape François, La joie de l'Evangile. Trois cents pages, quand même. Moi qui avais espéré un livre court…
    - Auguste Diès, Autour de Platon. C'est la troisième fois que je l'emprunte. Un jour je le finirai. Mais je l'aime.
    - Max Weber, Le judaïsme antique et Sociologie de la religion. J'aurais peut-être dû commencer avec le protestantisme. Tant pis, trop tard.
    - Stanley Cavell, Si j'avais su
    - Karl Löwith, Marx Weber et Karl Marx
    - Danièle Hervieu-Léger, Catholicisme, la fin d'un monde. En le feuilletant, je me demande s'il ne faudrait pas lui opposer Le Mystère français de Todd et Le Bras.
    - Paul Beauchamp, L'un et l'autre Testament, tome 2. J'ai lu le premier, très péniblement, l'été dernier. J'espère que la lecture de celui-ci sera plus rapide.
    - Que sais-je?, Dominique Le Tourneau, Le droit canonique
    - André Vauchez, La Spiritualité du Moyen Âge occidental. Ouf c'est petit. Points Seuil.
    - Geoffrey Lloyd et Jacques Brunschwig, le Savoir grec. (Pour A.)

    Les Cathédrales à Rouen

    RER de 7h23, train de 8h50. Tout le charme de l'excursion est dans la conversation à bâtons rompus dont il est difficile de se souvenir.
    Café, cigarettes, donjon où fut prisonnière Jeanne d'Arc.

    Exposition sur le mythe des cathédrales (très belle affiche).
    Test de ce que j'ai retenu, en vrac (c'est un bon test, le problème étant que plus je me souviens, plus je me souviens (je veux dire qu'au début j'ai l'impression de me souvenir de rien, puis tout revient en tirant le fil)):

    - le couronnement de Charles X, les cathédrales pavoisées lors des victoires, des sacres, la bénédictions des drapeaux: «Louis XVIII n'a jamais été couronné. — C'est vrai? — Oui, de toute façon, vu sa corpulence, cela aurait été difficile, il faut s'allonger… — Ah tiens, ça va me faire un moyen mémotechnique pour ne plus confondre Charles X et Louis XVIII, le grand maigre et le petit gros… — Ça n'a pas empêché Louis XVIII de se faire faire un costume de sacre.»

    - l'extraordinaire succès de Notre Dame de Paris publié en 1931 par Victor Hugo à 29 ans: «Je ne m'étais pas rendue compte qu'il avait mis les cathédrales à la mode. — Il ne les a pas mises à la mode, elles étaient déjà à la mode. Tu as vu tous les produits dérivés à la suite du livre? — Mais ce n'est pas ça, lancer une mode, je veux dire ce n'est pas provoquer des produits dérivés?»

    - les dessins de Victor Hugo. Quelle force, de loin on voit tout de suite que c'est bon, on est tout surpris de découvrir qu'il s'agit de Victor Hugo en s'approchant: il était vraiment bon.

    - de Staël: «J'aime beaucoup de Staël. Il y a une exposition au Havre, je vais y aller — seul s'il le faut.»

    - l'incendie de la cathédrale de Reims en 1914 et son utilisation par la propagande.

    - les premières photos de cathédrales — de très belles photos.

    - la construction de la flèche de Notre-Dame de Paris au XIXe siècle, l'achèvement de la cathédrale de Cologne.

    - la phrase «Les cathédrales ont pris la place des ruines antiques dans les tableaux.»

    Nous déjeunons en terrasse d'une andouillette à la mémoire de Foucault. Visite des collections permanentes l'après-midi. C'est immense. Caravage, Véronèse («à La Palisse, ils ont un Véronèse hideux. Il ferait mieux de le vendre pour refaire le toit de la chapelle.»), nous repérons deux portraits de RC, LE David d'Angers (pensée pour Aline) (dieu que cette salle est froide), les Emile Blanche ont disparu («la dernière fois nous avons demandé aux gardiens où ils se trouvaient, ils ont téléphoné partout, personne ne le savait»). Je suis surprise par le nombre de peintres femmes exposées, avec à chaque fois la même explication sur le cartouche: elles n'avaient pas droit de suivre des cours avec les hommes; le portrait et les natures mortes leur étaient réservées car elles ne pouvaient faire des études de nus.
    Achat de quelques cartes postales, détour par le Palais de Justice (Laurent connaît admirablement la ville), rafraîchissements en terrasse (un lait orgeat en mémoire de Claude et François Mauriac), pas de gâteau somptueux à photographier. Partage des vaches pour timbrer les cartes postales.

    Nous rentrons, paysages de la Seine, nous attendons Zola («à l'époque, ils s'installaient à deux pas de la gare, nous ne ferions plus ça») et ratons Marly à cause d'un malencontreux train en sens inverse qui nous bouche la vue. Conversations, Patrick demande à la contrôleuse (une photographe, la chance!) de nous photographier tous les trois. Nous aurons peut-être la photo un jour, quand il aura changé d'ordinateur. Quoi qu'il en soit, nous nous souviendrons.

    Mercredi morose

    Comme prévu hélas, la proposition d'aller voir une exposition sur les cathédrales à Rouen se heurte à un refus catégorique: les cathédrales non merci, Rouen trop loin, préavis trop court (cette histoire de préavis me paraît particulièrement absurde: une journée est une journée, que ce soit maintenant ou dans deux semaines. C'est ainsi qu'il est compliqué d'aller au concert: «Je ne peux pas m'engager à l'avance». Oui, mais au dernier moment il n'y a plus de place, et si j'y vais seule, il est malheureux. La vie de couple est vraiment compliquée. J'ai appris ces dernières années à passer outre la mauvaise humeur que provoque l'annonce de mes absences: cette mauvaise humeur est passagère, alors que le regret de n'être pas allée ici ou là-bas est durable. Cela demande cependant du courage car il n'est jamais si simple de faire de la peine — même si cette peine nous paraît illogique puisqu'elle serait simple à éviter en venant avec nous. C'est ici que l'affirmation «je veux être avec toi» montre sa duplicité: non, pas "être avec toi", mais "que tu restes avec moi", ce qui n'est pas tout à fait la même chose, et consiste peu ou prou à enfermer l'autre au prétexte d'attachement — qui n'a jamais si bien porté son nom. Je ne peux m'empêcher d'y voir une forme de caprice — puisque la peine serait évitable en m'accompagnant — si vraiment l'important était d'être avec moi.)

    Je pars au marché un peu démoralisée. Je passe à la librairie, erre longuement, des titres m'intéressent mais chaque fois que j'ouvre un livre l'écriture me paraît pitoyable, sans force. A l'étage m'attend une mauvaise surprise: le rayon de poches a été réduit au quart pour laisser la place à des mangas et un présentoir de CD Hamonia Mundi. Ce rayon de poches était le seul intérêt de cette librairie. D'un autre côté, je n'ai aucune raison de me plaindre puisque je n'achète pratiquement rien ici. Je pars avec La fin de l'homme rouge et un Pouy, Samedi 14, en présentoir à la caisse, achat d'impulsion pour vérifier ce que je pense de Pouy.

    Je le lis dans la journée. Décidément ce n'est pas mon genre. Seule idée intéressante, les scandales politiques à répétition actuels comme nouveau mode d'action anarchiste.

    Le soir Les canons de Navarone pour revoir la Grèce. C'est exactement cela, paysages et visages. «Pourquoi moi? — Parce que vous avez de la chance.»
    C'est effectivement important.

    Le pied

    Quand O. avait vu un ostéopathe en novembre dernier, celui-ci lui avait dit qu'il avait une jambe plus courte que l'autre et qu'il lui faudrait sans doute des semelles. Mon beau-frère nous a donné en mars l'adresse de son kiné, qui travaille pour de grands clubs de sport et l'INSEP: «il a changé ma vie, depuis je n'ai plus mal au dos».
    Nous avions rendez-vous à midi. «Mais pourquoi vous vous habillez? — Parce que c'est dans le 17e.»
    En voyant la salle d'attente, O. commente en souriant: «Ah oui, je comprends pourquoi vous vous êtes habillés».

    Un examen sur une planche électronique mesurant les appuis des pieds au sol montre que O. fait porter 75% de son poids sur le pied gauche, et cela sur deux orteils (au total cinq orteils supportent son mètre quatre-vingt-dix: les deux plus gros de chaque pied et un petit isolé à droite).
    Le rendu à l'écran de ces mesures est impressionnant. Les semelles sont moulées aussitôt (bonne odeur de colle et de résine) et O. ressort transformé: «je ne tombe plus!» (Quand un grand dadais de quinze ans vous dit qu'il tombe quand il s'appuie sur sa seule jambe droite, vous ne le prenez pas tout à fait au sérieux. Vous pensez non pas qu'il exagère (pas le genre de O.), mais qu'il décrit mal ses sensations. Parents de peu de foi… (Je suis soulagée d'avoir fait quelque chose à temps: à qarante ans, le frère de H. vient de découvrir qu'il n'a plus de cartilages aux genoux, usés par une mauvaise position des appuis au sol.))

    Pour info : si vous songez à ce genre d'examen, faites-vous prescrire une ordonnance pour des semelles orthopédiques (au pluriel) par un médecin pour se faire rembourser par la sécurité sociale (ce que nous ignorions).

    Nous déjeunons dans une bonne brasserie de quartier (O Sud Ouest Café), passons à la Fnac m'acheter un écran (depuis que j'ai mon portable j'ai beaucoup de mal à écrire quoi que ce soit de long, l'écran est petit lorsque j'ai besoin de nombreuses fenêtres ouvertes) et allons voir Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu? que O. et H. n'ont pas vu. C'est fou le nombre de films que je vois deux fois, une fois pour ne pas prendre le risque qu'ils disparaissent des écrans avant que nous nous décidions à y aller et une fois parce que les autres veulent le voir.

    Vers minuit je passe sur FB pour découvrir que Laurent m'invite à aller voir une exposition à Rouen jeudi ou vendredi. C'est un court préavis pour H. Bon, on verra demain.

    Retour à l'ancienne configuration

    Il a un an, nous avions remonté l'ordinateur des enfants du salon à ma place, dans l'idée de pouvoir surveiller les temps de jeu le soir.
    En pratique, cela a surtout conduit à ce que je n'ai plus d'endroit où me poser pour rédiger un billet ou une dissertation (d'où le squatt de la chambre de ma fille) et à nous empoisonner les week-ends par les cris des jeux en ligne en cours .

    L'ordinateur est donc redescendu dans le salon, au grand soulagement des enfants et au mien. Désormais j'ai retrouvé ma place!

    Barbecue de blogueurs devenus plus ou moins barbecue de Cruchons

    Il y a bien longtemps c'était une tradition de blogueurs. Puis brouilles, malentendus, FB, déménagement et voisins pénibles aidant, elle s'est estompée.

    A la faveur d'une conversation FB se prolongeant tard dans la nuit, j'ai lancé une invitation, et c'est ainsi que le barbecue s'est tenu chez moi, non sans que l'instigateur historique du barbecue ne se soit désisté et que nous nous retrouvions plutôt entre Cruchons (ie, lecteurs des Églogues de RC), à quelques transfuges près.

    Soleil, côtelettes d'agneau (de contrebande), vins blanc, rosé, rouge, chats, chien, tomates, fraises, framboises, kougloff, macarons, Labiche, Dostoïevski, Chouraqui réécrivant la Bible (c'est gonflé), Jeeves (ou pas Jeeves?)…
    Moins de cinéma et de Wagner que je n'aurais pensé.

    Se souvenir: ne pas lire le début de Surveiller et punir (je me souviens de l'horreur de Jean Puyaubert pour le supplice de Damien racontée dans Du sens), commencer directement à la page trente, environ.

    J'ai eu chaud, mais heureusement je possédais la bonne marque de rhum: examen réussi (enfin presque: je n'avais pas de sucre roux (normal, nous sommes toujours en rupture de sucre chez nous. Il nous arrive de faire des gâteaux en ouvrant des sachets de sucre récupérés dans les cafés, cinq grammes par cinq grammes: nous oublions toujours d'en acheter quand il n'y en a plus, persuadés que nous sommes de ne pas en utiliser)).

    — Que penses-tu du rhum arangé?
    — C'est le rhum pour les Blancs.

    — Je n'achète jamais en librairie, les libraires sont des cons!

    — Gibert jaune ou Gibert bleu?

    — Mais qu'est-ce qui vous fait rire en littérature? (enjeu: Tarascon sur les Alpes ou pas Tarascon sur les Alpes?)

    Retour à contre-cœur

    Une semaine c'est vraiment trop court, rarement j'ai éprouvé autant de regrets à partir.

    Les dernières cartes postales dans la cage à oiseaux qui sert de boîte aux lettres sur le comptoir de la réception, une dernière baignade en regrettant de ne pas en avoir profiter davantage, un dernier déjeuner sous la tonnelle.
    Je me connecte à FB pour la première fois de la semaine; Skot s'est décommandé, Tlön demande confirmation de l'heure du barbecue. Je préviens H.
    Autoroute jusqu'à l'aéroport, ça n'en finit pas, je m'endors au volant.
    Embarquement très long de nouveau. Deux cartouches de cigarettes pour des collègues de H., pas le temps d'écrire et poster mes dernières cartes postales.

    Regrets, regrets.

    Un bébé adorable devant nous, une gosse de quatre ans qui pousse des cris stridents trois rangs devant. Les parents sont impassibles. Je pense que son frère de onze ans quittera la maison dès que possible.
    Hervé est coincé dans le siège trop petit. Son voisin lui donne un conseil: «Il faut voyager sur Aéroflot, c'est taillé large, pour des Russes».

    Nous sommes rentrés.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ un ostrichpillow.

    2/ Oui. Non. Je ne sais pas. Il faut voir au cas par cas.

    3/ Oui.

    4/ Non.

    5/ Un bleu délavé, les ciels au-dessus de la Loire.

    6/ Familier? Connu.

    7/ Oui. Notes au crayon papier, soit au cours des pages, soit en notant les pages à retenir à la fin du volume.

    8/ Oui.

    9/ Où on ne se dit rien, à un point sans doute pathologique.

    10/ Oui, de façon inconstante. Sinon, Google agenda pour toute la famille. Chaque semaine est imprimée au fur à mesure pour savoir ce que font les uns et les autres dans les jours à venir. Les feuilles sont affichées dans la cuisine et corrigées à la main à la dernière minute.
    Et oui, je peux m'en passer.

    L'Arcadie fut-elle si heureuse ?

    De la terrasse devant notre chambre, je saisis le moment du lever du soleil, entre 6h29 et 6h31.




    6h49. Deux barques de pêcheurs, un raclement de gorge au balcon du dessous.

    H. vient me chercher: je pensais avoir une heure de plus, mon ordinateur n'a pas changé d'heure.

    ============================
    21h 15. J'écris à l'arrière du van. Nous avons encore mal estimé les distances, cela fait un quart d'heure que nous devrions être à l'hôtel si nous voulions y dîner (nous sommes en demi-pension). Nous roulons contre la montre avec l'espoir que l'esprit grec étant ce qu'il est, nous pourrons malgré tout être servis.

    Le but initial de la journée était Bassae.
    — Mais pourquoi Bassae?
    — Euh ben euh…
    — Cherche pas, on ne saura pas, elle a dû lire dans un livre quelconque…

    9h. Autoroute jusqu'à Megalopolis, superbe (l'autoroute, pas Megalopolis: centrale nucléaire et fils électriques), vide, coupée de péages et de tunnels. A partir de Mégalopolis, petites routes "pitto" vers Bassae. Comme l'autre jour vers Thèbes, cela n'en finit pas, mais cette fois-ci, nous sommes prévenus, et c'est vraiment très joli, sauvage, route en lacets, passagers qui protestent (la route est étroite, les virages serrés, le revêtement inégal), le copilote interprète passablement la carte mystérieuse. J'ai pris le parti de conduire "à la grecque", selon mes nécessités, par exemple ralentissant sans vergogne pour lire les panneaux en grec (le déchiffrage n'est pas rapide) ou même m'arrêtant une fois à une fourche le temps de décider de la direction.

    La plus belle surprise de ce voyage est Karytaina aperçue à l'horizon. Le château sur les hauteurs appartenait au fief de Hugues de Bruyères (1209) (Ah, ce nom…!), nous dit le Guide bleu, qui précise (mais nous sommes passés là par hasard et je ne le lirai qu'après) «l'un des plus pittoresques villages d'Arcadie». Magnifique et perdu.






    Nous montons vers les nuages et l'orage, quelques gouttes, nous suivons un camion chargé de graviers, je le double (j'adore conduire en montagne, c'est fun, H. est mort de peur), pause pipi, à deux pas du camion une file d'énormes fourmis noires va et vient le long d'un étroit sentier à leur mesure. Je dépose un raisin (de Corinthe) sur leur chemin, nous les observons avec curiosité.
    Déception, elles ne s'y intéressent pas et le contournent. Plus tard il me faudra convenir que nous sommes déformés par les dessins animés et que nous avons vraiment cru qu'elles le chargeraient sur leurs épaules en chantant.
    Un instant deux ou trois fourmis s'y intéressent, nous pensons qu'elles vont le découper et l'emporter par morceaux. Mais non. Vont-elles en référer à l'intérieur de la fourmilière? Nous ne le saurons jamais, nous devons repartir.

    O. claque la portière passager avant, H. hurle.
    La porte a claqué franchement, le hurlement a été immédiat, le claquement a été si franc que j'imagine aussitôt de ma place de chauffeur la main broyée, coupée. O. a claqué la porte sur les doigts de H. qui montait à l'arrière en s'aidant de l'encadrement de la porte avant. Heureusement seuls les doigts ont pris, non pas métal contre métal mais métal contre caoutchouc (le joint), la douleur est intense, doigts gourds et choc d'adrénaline; H. ne pourra pas conduire, mais rien n'est cassé. J'ai eu vraiment peur, je ne sais pas ce que nous aurions fait: village suivant pour appeler un hôpital? Retour à Mégalopolis (une heure ou plus de trajet sur des petites routes?)

    Surprise en arrivant à Bassae. Le Guide bleu de 1985 prévenait: c'est le temple le mieux conservé de Grèce, mais il sera sans doute couvert d'échafaudages pour consolidation.
    En fait, il est carrément bâché, couvert par un chapiteau qui ressemble à l'opéra de Sydney, et cela depuis 1987. Je ne sais s'il reverra l'air libre un jour. Ainsi, il est protégé de la pluie et de la neige (nous sommes à 1100 mètres d'altitude) et a cessé de glisser sur le sommet de la pente. Le panorama est sauvage et magnifique, les pierres du temple ravinées par le temps d'une grande beauté, veinées de rouge par des siècles d'intempéries; on éprouve à la fois une déception à ne pas le voir dans son cadre naturel et une résignation sage à se dire que c'est mieux ainsi, que c'est la condition pour qu'il soit conservé — à la fois on ne peut s'empêcher de penser que s'il a tenu deux mille cinq cent ans, il tiendra bien encore quelques siècles et que tout cela est peut-être exagéré.




    Ces photos changeront peut-être.

    Les cartes sur le site (les tableaux explicatifs) indiquent deux autres temples plus petits derrière la montagne, nous tentons quelques chemins mais ne trouvons pas de passages. Tant pis, il est midi (deux heures pour faire 95 km), le dénivelé indiqué sur les courbes de niveau ne permet pas d'évaluer avec justesse le temps de la promenade, les ouvriers du chantier ne paraissent pas concevoir que nous puissions chercher autre chose que les toilettes, nous abandonnons (pourtant, pourtant… Je pense qu'il suffisait de contourner la maison des ouvriers occupés à consolider le temple).

    Pas de cigales à cette altitude, des chênes pour la première fois durant notre voyage, des chardons d'un mètre de haut sur le bord de la route. Les montagnes alentour sont hautes, j'apprendrai plus tard que nous avons vu le mont Lycée (mais lequel était-ce? De l'inconvénient de lire les guides après et non avant. De l'urgence de retourner voir.)

    Tout le monde est de bonne humeur, nous étudions la carte pour le retour, je montre ce que j'avais envisagé (une boucle de routes "pitto" en Arcadie); H. propose de pousser jusqu'à Olympie, tout le monde est d'accord, nous repartons. Le paysage change, la végétation est plus clairsemée. La route est moins bien entretenue, des branches fouettent le camion au passage avec un bruit effrayant, je demande à O. de replier le rétroviseur.

    Nous croisons un camion de pompier (un pick-up, il y en a beaucoup ici, de marque japonaise le plus souvent) en sens inverse, un serpent traverse devant mes roues, des pierres gisent sur la chaussée, à un endroit la route s'est effondrée du côté du ravin (dans l'ensemble, les routes sont bien meilleures qu'en Italie, dans les Pouilles par exemple. Surtout le conducteur grec est facile à vivre, pas vindicatif pour deux sous; savoir que personne ne va arriver en face à grande vitesse est rassurant).

    Dans un village un panneau annonce "Pizza-Café", mais pendant que nous nous garons, des vieillards à la terrasse de la maison d'en face nous font de grands signes que nous n'osons interpréter comme une invitation — rien n'indique que ce soit un restaurant, une "taverna", mais une fois descendus du camion, nous devons nous rendre à l'évidence. Nous n'osons les décevoir et nous nous installons en terrasse sans savoir à quoi nous attendre.

    Nous provoquons l'effervescence, j'ai l'impression d'être dans Alphonse Daudet (Les Vieux: «Un vrai coup de théâtre ! La petite pousse un cri, le gros livre tombe, les canaris, les mouches se réveillent, la pendule sonne, le vieux se dresse en sursaut, tout effaré,»). Nous sommes d'abord installés sur des petites tables rondes de café, celles-ci sont remplacées par des tables à peine plus grandes que le vieux peut à peine porter mais qu'il met sa fierté à soulever, des nappes en papier apparaissent (ce qui semble confirmer, à la réflexion, qu'ils font bien de la restauration un métier). Ils ne parlent pas anglais, mais sourient beaucoup, sont très amicaux, se font expliquer la famille (l'aubergiste d'une cinquantaine d'années a cinq enfants). Passer commande est compliqué, nous faisons signe d'apporter ce qu'ils ont; nous refusons la bière et choisissons le vin (impossible/inutile d'expliquer que je suis seule à boire si cette campagne ressemble à la française et à toutes les campagnes d'Europe: H. et C. feront semblant (et finalement non: le vin est buvable, pas trop fort, inattendu). Salade de légumes en entrée, concombres, tomates, olives et un excellent fromage au goût de roquefort (si j'avais parlé le grec j'aurais essayé d'en acheter), poulet frit (pané, cela me rappelle le sud des Etats-Unis) et frites (qui sont ce qui a le moins d'intérêt: sans doute tourisme rime-t-il avec frites, je suppose), pastèque et café.
    Deux autres voitures arrivent et après avoir tenté le café/pizza d'en face (apparemment on ne peut qu'y boire) échouent "chez nous" et sont installés sous la tonnelle voisine. Nous voyons l'aubergiste disparaître dans la rue qui descend et remonter avec des provisions de la supérette locale.
    Elle nous réclame cinquante euros, en hésitant, d'un air interrogatif du genre «Ça ira?». Nous avons honte, cinquante euros à six vin et café compris… Comme me le dira H. plus tard et ailleurs (alors que nous entendrons un Français très désagréable vitupérer contre les Grecs), les gens du coin ne paient peut-être que la moitié et dans ce sens-là nous nous faisons peut-être "arnaquer", mais quelle importance si ça leur permet de vivre une ou deux semaines tranquilles?

    Une fois rentrée, j'ai tenté d'idenfier le village et la maison: c'est à Petralona en Arcadie. Et si vous voulez y passer, je mets en ligne la photo-satellite:





    Nous reprenons la route, un peu étonnés de ce que nous venons de vivre et sans très bien le comprendre: est-ce que ces gens font vraiment profession de restauration? Mais il n'y avait même pas d'enseigne à leur maison! Croisons-nous sans le savoir d'autres endroits où nous pourrions nous arrêter déjeuner?

    La route devient peu à peu plus facile et s'abaisse vers la côte. Nous reproduisons l'habituelle recherche du distributeur lié au besoin d'essence (nous ne sommes pas très doués). Nous nous perdons pour aller à Olympie et suivons le fleuve Alphée (sans le savoir, nous l'avions déjà suivi à Mégalopolis et Karytaina). La végétation a complètement changé, même le climat et la couleur du ciel paraissent différents, l'eau douce transforme le paysage et lui donne une douceur inaccoutumée après l'âpreté que nous venons de traverser.

    Olympie. Nous arrivons tard, très tard (vers cinq heures?), alors qu'il est possible de passer plusieurs jours ici, sans doute. Nous visitons d'abord le musée du site (pour voir une maquette avant la visite. La différence de styles muséographiques est frappante entre Delphes française et Olympie allemande, je qualifierais les Allemands de pédagogique, avec un goût pour la reconstitution), abandonnons l'idée de visiter les musées historiques et nous nous promenons (vite, vite) sur le site lui-même, impressionnant par son ampleur et son calme. Quelle douceur, ici. A cette heure-ci il fait moins chaud, le site est désert, on est merveilleusement bien.
    Je suis étonnée par l'éloignement du site de toutes les grandes villes de l'Antiquité, étonnée par cette idée un peu folle de conclure une trêve le temps d'une compétition sportive (mais alors, si l'on arrive ainsi à conclure une trêve, c'est que l'on ne se hait que relativement: pourquoi ne pas la prolonger le reste du temps?)
    Une glace à l'ombre de deux énormes platane, une robe et un t-shirt plus tard, nous repartons. J'ai calculé que nous avons deux heures pour parcourir cent quarante ou cent cinquante kilomètres, route "rouge" sur la carte Michelin au un millionième, nous devrions y parvenir sans difficulté.

    Nous ne tarderons pas à découvrir que la route "rouge" (n° 74) est l'équivalent des petites routes du Massif Central, celles où l'on se croise avec difficulté. Les à-pics sont vertigineux, il n'y a pas toujours de parapet, le minibus tremble dans les épingles à cheveux, c'est d'une beauté à couper le soufle. Le soleil est caché par les montagnes à l'ouest, les profondeurs des ravins sont cachés dans la pénombre, les pentes orientales sont éclairées par la lumière déclinante, il n'y a plus trace humaine dans le paysage, plus de poteau électrique ni âme qui vive.
    Parfois nous croisons une voiture, et même une fois, à notre désarroi, un car (mais comment fait-il?)
    Evidemment nous roulons lentement (plus tard, je me rendrai compte que le guide prévoit 45 km/h de moyenne, ce qui est honnête). Serons-nous à l'heure à l'hôtel?

    Nous traversons Lagkadia avec difficulté (la route est étroite, dans chaque virage nous craignons de heurter l'arrière du minibus contre les parapets de pierre ou les voitures qui arrivent en face: mais comment un car a-t-il pu traverser cet endroit?), la ville est très animée et je regrette de ne pas pouvoir m'y arrêter, elle donne envie de rester un jour ou une semaine, le temps de comprendre comment quelque chose de si petit et si éloigné de tout peut être si populeux et vivant.

    Route 111 sans remonter vers le nord (plus court à vol d'oiseau, mais nous sommes devenus méfiants: nous cherchons à rejoindre l'autoroute au plus vite), la nuit est tombée, nous avons choisi de rejoindre l'hôtel en espérant qu'ils auront pitié de nous et accepterons de nous servir (ce qui sera effectivement le cas).

    Retour à l'hôtel les yeux pleins d'images, la tête pleine du regret d'être allés si vite, bien conscients que ce périple aurait pu nous prendre la semaine si nous nous étions arrêtés le temps convenable dans chaque endroit qui nous attirait.

    Repos

    Après la journée d'hier, nous avons programmé une journée de farniente. Je suis de nouveau réveillée à l'aube. Je m'installe sur la terrasse avec L'Idiot. En allant jusqu'au bout de la terrasse vers le nord ouest, j'ai remarqué que l'occupant de la chambre à qui j'avais fait peur le premier matin, assis sur une chaise, attend lui aussi le soleil. Nous sommes donc deux à attendre le soleil chaque matin. Je regrette de l'avoir chassé du meilleur endroit, je sais aussi que nous ne pouvons être deux au même endroit pour attendre. La solitude est essentielle.

    Une fois le rite accompli, je me recouche. Je dors profondément quand H. me réveille à neuf heures moins cinq (fin théorique de petit déjeuner à neuf heures, mais c'est de la théorie). Il en restera des traces toute la matinée: yeux larmoyants (mais pourquoi? le sel?), incapacité à parler (fatigue intense à l'idée de former des mots), non-désir de me baigner…

    Au petit déjeuner, je remarque une famille que je prends pour des Australiens: quatre enfants entre seize et vingt-cinq ans, blonds et très carrés, tous, les deux filles autant que les deux garçons. On dirait que les garçons ont oublié d'enlever leurs protections de football américain quand ils ont enfilé leur t-shirt.
    Plus tard, en cherchant une place pour lire sur la pelouse, je remarque aux côtés du garçon qui a les cheveux longs un livre de la taille d'un petit Larousse. Qu'est-ce donc, les oeuvres complètes de Tom Clancy en version reliée? Je m'approche négligeamment: Systematic Theology.
    (En fait ils sont hollandais. Ça va être quelque chose, le pasteur du XXIe siècle!)

    En maillot de bain à l'ombre d'un palmier j'avance dans L'Idiot. C'est bien la première fois que j'arrive à dégager du temps pour lire en vacances. Ce n'est pas du tout ce que j'aurais pensé d'après le titre, et c'est presque guilleret après Crime et Châtiment et Les Frères Karamazov. Je songe à Lorenzaccio (la ressemblance entre Lorenzaccio et A Philippovna). «Le meurtre du père et le viol de la petite fille, dit la préface de Raymond Abellio, à propos des thèmes récurrents de Dostoïevski.

    Repas à l'hôtel. Pas de buffet, nous commandons des plats au bar et nous mangeons sur la terrasse entre la pelouse et la mer. Après un cocktail (de l'ouzo bleu, ouzo, curaçao et limonade), une moussaka, des calamars frits et un café frappé, j'ai pratiquement une indigestion. Sieste. Cartes postales. Dîner. Belote. Je n'aurai pas nagé aujourd'hui.

    Inner peace de H. devant la mer en attendant que O. revienne avec les cartes pour jouer à la belote.


    Delphes ou le tour du golfe de Corinthe

    5h30. A. m'a demandé de la réveiller pour voir le soleil se lever. Une lueur rouge transparaît à l'horizon, je me recouche et vais réveiller A. trois quart d'heure plus tard. Il fait jour mais le soleil n'est pas encore visible, nous le regardons émerger derrière les montagnes. Dès qu'il apparaît, il ne faut que quelques minutes pour qu'il surgisse tout entier (calculez la vitesse de rotation de la terre, la distance terre- soleil, la taille du soleil — dont les Grecs ont connu une approximation assez tôt.)

    Départ à 9 heures pour Delphes. Comme je suis copilote, je choisis de la route "verte" (comprendre: notée pittoresque (pitto) sur la carte Michelin): nous franchissons le canal de Corinthe (cette tranchée me surprendra toujours) et nous prenons à gauche pour longer la côte. Traversée de Loutraki très commerçante (plus grande cité thermale de Grèce, nous dit le Guide bleu de 1985. Lac de Vouliagméni (eau salée, et pourtant plus haut que le niveau de la mer. Ou pas? S'agit-il d'une ouverture à l'horizon? (Oui.) C'est très beau, très tranquille, lieu de vacances pour ermite aimant le kayak ou la pêche. Tout est tellement désert dès qu'on s'éloigne des villes.)

    La route qui mène au phare sur le cap Perachora est en travaux, un marteau-piqueur de la taille d'un engin de chantier (cela doit avoir un nom) est en train de ronger le bas côté. Nous passons de justesse avec le minibus (j'ai juste le temps de rabattre l'oreille (le rétroviseur) de mon côté), le plus inquiétant étant la physionomie tannée du vieux Grec nous faisant signe d'avancer: grand sourire et geste de la main (l'autre tient le drapeau rouge baissé) genre «allez-y en confiance», et soudain grimace «j'ai dit une connerie, ça ne va pas passer». «Reste dans l'axe, ne touche à rien», dis-je à H. en imaginant déjà le bruit de la carosserie contre l'engin de chantier — je ferme les yeux, c'est passé, et nous avons gagné le respect du vieux Grec: au retour une heure plus tard il fera tourner et arrêter le marteau-piqueur, nous ouvrant une voie royale.




    Phare, un peu d'escalade. Comme d'habitude, nous sommes en train de prendre notre temps en début d'excursion: à cette allure, en s'arrêtant partout où j'en ai envie, sera-t-il, serait-il, possible d'atteindre Delphes aujourd'hui? Je contemple la rive en face et visualise mentalement la distance jusqu'à Delphes: c'est loin, je suis inquiète, je ne dis rien.
    Nous reprenons la route, je vise Porto Germeno (Guide bleu : l'endroit où Laïos abandonna Œdipe). La route est en lacets, nous suivons une petite voiture blanche qui se trompe dans un embranchement et monte dans le village de Pisia, la route rétrécit, la voiture blanche prend peur et s'arrête, nous ne pouvons plus passer.
    Il s'agit d'Espagnols qui veulent aller à Schinos. (Ils ont des amis en France qui habitent Yerres, «vous connaissez?» (c'est moins la coïncidence qui me surprend que la récurrence de ce type de coïncidences, le nombre de voyageurs rencontrant à l'autre bout de la planète un personnage partageant avec eux un point commun inattendu et familier).

    La route est escarpée (épingles à cheveux) et nous avançons très lentement. Surtout, la carte est terriblement imprécise et donne l'impression de faire du sur-place. Le moral des troupes baisse dangereusement malgré la beauté de la mer et les pierres sur la chaussée qui mettent du piment dans le voyage: «Chute de pierres… Ah oui, c'est vrai.»
    Nous nous arrêtons à Alepochori pour acheter de l'aspirine et boire un pot (il a été décidé, contre mon avis (j'aurais bien goûté le plat que grignotaient les trois Grecs en terrasse) de déjeuner plus tard — il est à peine midi)). Je prends mon traditionnel café frappé.
    Il se confirme que les toilettes des cafés n'ont pas de verrou: si la porte est fermée, c'est que c'est occupé, et nous devons songer à ne pas la fermer en les quittant.
    Nous buvons (et jouons un peu à inner peace) en terrasse en face d'un panneau indiquant Megara. Nous avons le choix: continuer à vitesse d'escargot vers Porto Germano ou prendre vers Megara une route plus importante et sans doute plus rapide? Un autre facteur entre en jeu, nous n'avons plus d'essence, et c'est ce qui nous fera nous décider pour Megara. (Je regrette de ne pas aller à Porto Germano, pour Œdipe, mais sans le dire, car bien consciente que nous allons beaucoup trop lentement (je ne suis même plus sûre que nous atteindrons Delphes avant le soir, avant la fermeture (mais à quelle heure ferme le site?). Ce n'est qu'une fois rentrée en France que je me souviendrai: Porto Germano, c'était la plage où je me baignais l'année dernière, lieu mythique sans que je le sache.)

    Problème imprévu: le pompiste standard (ie hors des abords d'Athènes) ne prend pas la carte bleue (nous arriverons à cette conclusion après quelques autres expériences). Nous voilà à faire nos fonds de poche et ceux des enfants pour réunir péniblement cinquante euros. L'essence coûte le même prix qu'en France. Le pompiste nous sert (comme en Italie), il ne parle que grec mais réussit à nous demander la composition de la famille (sont-ce nos enfants? une question qui reviendra souvent) et si nous sommes allemands. Devant notre dénégation, il fait mine de viser avec un fusil et tirer en disant «Merkel, poum!» S'en suit un ou deux mots ébréchés signifiant que les temps sont très durs. Je regrette vraiment de ne pas pouvoir faire le plein chez lui, c'est trop bête. Nos euros lui auraient été utiles.

    Direction Megara sud-est, puis est vers Athènes, puis plein nord vers Thèbes. La route est "rouge" sur la carte mais tortueuse en réalité, le revêtement est lisse mais non plan, comment dire? il semble pencher comme du liquide épais dans un verre, vers l'amont, l'aval ou les bas-côtés de la route, selon les moments. C'est la seule route et nous suivons ou croisons de gros camions. Heureusement que la conduite grecque est bon enfant, sans agressivité. Nous progressons lentement (toujours cette carte au millionième, nous n'avançons pas) et décidons d'aller jusqu'à Thèbes pour déjeuner puisque nous n'avons plus d'argent liquide.

    Thèbes est dans une plaine et c'est laid (mer ou montagne: la plaine grecque est laide). Déjà en 1985 le guide évoquait une "cité naufragée". Comme il est étrange de voir dans cet état la ville d'un des rois les plus célèbres de l'histoire du monde. On comprend bien pourquoi ce fut une ville prospère: agriculture et aujourd'hui industrie.
    Nous trouvons un distributeur (après avoir demandé notre chemin dans une pharmacie) qui au grand étonnement d'H. propose trois cents euros comme retrait minimum (peut-être parce que les Grecs ne font plus confiance aux banques et paient tout en liquide?) Nous déjeunons dans un kebab (si si) et reprenons la route. Suis-je la seule à douter de notre capacité à atteindre Delphes avant le soir?

    Direction plein ouest, il est trois ou quatre heures, c'est agréable, peu à peu la route s'élève, («si si je vous assure, c'est une station de ski, vous allez voir»)— je ne reconnais rien et pourtant c'est bien la route prise l'année dernière. Ce n'est qu'en arrivant à Arachova que je reconnaitrais le village si étroit («non, tu plaisantes, vous êtes passés ici en car?» «oui, c'était un peu compliqué») et si touristique, avec le même regret de ne pas avoir le temps de nous arrêter cette année non plus: j'aurais bien acheté un poncho en poil de mouton ou une tunique de coton.

    Delphes. Il est cinq heures environ. Nous visitons le musée d'abord, pendant qu'il fait encore chaud. Anecdote: une gardienne interdit à un jeune homme de photographier son amie devant le sphinx: les photographies des objets sont autorisées, mais pas les photographies de personne devant les objets. Quel raffinement.
    Quand nous sortons, le soleil est caché par les montagnes à l'ouest. Le site est encore plus beau à cette heure-là, les colonnes se détachent sur un ciel d'un bleu profond. Je photographie une fleur encore ouverte dans l'ombre d'un mur en pensant à Monsieur Pic.




    Conciliabule, le même que ce matin: quel chemin prendre, rejoindre l'autoroute au plus vite au nord de Thèbes ou prendre vers l'ouest pour passer le pont de Patras (inconnu de notre Guide bleu)? Et il nous faut de l'essence…
    A ma grande surprise, c'est l'option la plus aventureuse, vers l'ouest, qui est choisie. Nous repartons, avec deux paquets de Tuc au bacon pour le goûter (il est environ sept heures).

    Routes en lacets, routes plus larges qui suivent la côte, ça monte, c'est long, c'est beau, la mer, d'énormes eucalyptus, une station service (le plein cette fois-ci). Je suis longtemps les trois mêmes voitures, nous nous garons à Naupacte et choisissons un restaurant sur la plage, littéralement: la table est sur les galets. A l'horizon se découpe le pont de Patras, j'explore systématiquement le kiosque à journaux dans l'espoir de trouver une carte postale, en vain: il fait un peu épicerie, mais ne vend pas de carte postale.

    Le garçon est adorable; il parle un anglais basique (je remarque que nous sommes souvent trop littéraires, nous utilisons un vocabulaire trop compliqué). Il s'étonne en nous voyant passer commande en grec en déchiffrant péniblement la carte:
    — Vous lisez le grec ?
    — Oui.
    — Et vous comprenez ce que vous lisez ?
    — Non !
    Eclat de rire général.

    Trop compliqué de jouer à la belote en attendant les plats, alors O. ramasse des galets pour sa propre inner peace. Deux photos, une sans flash qui permet d'apprécier le crépuscule (à 20h39 disent les données de la photo), une avec flash:




    Repas simple et excellent, coucher de soleil, pastèque (pas de repas sans pastèque)… Nous repartons dans la nuit noire, il faut atteindre le pont qui brille à l'horizon. (Pour information, c'est à peu près là qu'a eu lieu la bataille de Lépante.)

    Le retour de Patras à Corinthe sera cauchemardesque: autoroute sur une file tout du long (travaux d'élargissement), signalisation agressive et répétitive (flèches et panneaux lumineux), camions, nuit noire, route qui n'en finit pas, position inconfortable à l'arrière du minibus qui brinquebale… Les abords entre l'autoroute et la mer sont très peuplés, de très nombreuses lumières brillent. Bizarre, je n'aurais pas cru cela quand je regardais cette côte du phare ce matin (ce matin! comme cela paraît loin).
    Nous rentrons à minuit passé. Ouf, l'hôtel est ouvert. Demain repos, histoire de profiter de la piscine et de nos lits.

    Mycènes

    Je me réveille tôt (toujours le syndrôme «papa, on va au zoo») et de la terrasse je regarde le soleil se lever.





    Je songe à "Your Bassae better be good", pourvu que je puisse aller à Bassae, je ne sais plus d'où viens cette phrase, Journal de Travers? Je n'ai rien préparé, rien lu, j'ai amené un Guide bleu de 1985, j'ai envie de tout voir ou de ne rien faire, ça m'est égal. J'avance dans L'Idiot.

    Petit déjeuner. Avant de partir, j'ai découvert Gravity Glue sur FB, et hier sur la plage j'ai ramassé sept galets.
    Et donc au petit déjeuner j'ai commencé à essayer. (Les deux du dessus sur la photo des trois sont très difficiles à placer. Ils ne sont pas sur le tas à cinq.)





    Nous partons pour Mycènes, en nous perdant un peu (il n'y a pas beaucoup de routes donc il est difficile de se perdre beaucoup — en revanche nous ne comprenons pas toujours les panneaux car nous ne lisons pas couramment).

    Mycènes, tombe de Clytemnestre, palais d'Agamemnon. Les mineurs et les étudiants ne paient pas (ce sera ainsi tout le voyage).

    C'est grandiose et c'est peu de choses : des pierres, des blocs de pierre. Il faut venir avec son imagination, ses rêves, ses lectures. C'est tout de même très étrange de se dire qu'ici se tenait le palais d'Agamemnon. Electre a toujours été mon mythe préféré (dans quelle mesure Oreste a-t-il inspiré Hamlet?)

    La signalisation grecque est très légère, quelques tables de pierre qui expliquent quoi est quoi, voilà tout. Le guide indiquait qu'il fallait se munir d'une lampe de poche pour descendre au fond de la citerne, mais aujourd'hui tout le monde a son portable.
    L'entrée est discrètement signalée; je sais, toujours par le guide, que la descente est périlleuse. Nous ne sommes pas très nombreux, cependant une file ininterrompue descend à tâtons l'escalier inégal taillé dans la roche. Pas de rampe ou corde à laquelle se tenir, des murs humides, pas d'indication sur la profondeur du tunnel, c'est long, un peu angoissant (si quelqu'un tombe, tous tombent). Nous rions en entendant une jeune Américaine qui remonte grommeler «ils pourraient mettre un panneau: descente inutile, il n'y a rien à voir»: comme je le disais, si l'on ne se donne pas la peine d'imaginer les esclaves descendant chercher de l'eau, les flambeaux dans la paroi, ou le système de poulie permettant de remonter l'eau, ou que sais-je encore, il n'y a pas grand-chose à voir, c'est exact, l'eau étant désormais pompée à la source pour descendre dans la vallée (nous le verrons plus tard).
    Au retour, presque à la sortie, je me permets de dire à des parents d'une petite fille de six ans que la descente est dangereuse.

    Musée (maquette du site: toujours commencer par le musée, cela permet d'avoir une idée du site en 3D), boutique de souvenirs (j'achète des boucles d'oreille sur le site d'Agamemnon et de Clytemnestre, je ne peux me lasser de ces noms.)

    Repas au village, sans grand intérêt mais surtout très lent, ce qui finit par nous agacer. Je sors mes galets et nous tâchons de faire passer le temps sur le mode d'«inner peace» de Kung Fu Panda II. D'autres bien évidemment se moquent de moi:





    Nous rentrons vers trois ou quatre heures en roulant le long de la côté très découpée. H. cherche Corfou (le port). Les enfants chantent des chansons scoutes et des hymnes de Naheulbeuk.

    Sieste, piscine, mer. Je me fais enguirlander au prétexte que je suis partie trop longtemps nager sans doute à un endroit interdit. (En tout cas j'ai eu peur en sortant de l'eau à l'extrêmité de la plage: nombreux oursins visibles à travers l'eau limpide).

    Départ — et surtout arrivée

    A la suite d'un bug sur internet (le bus indiqué était celui du dimanche), nous avons finalement pris la voiture pour aller à Roissy (enfin, une partie d'entre nous, puisqu'à six et les bagages, deux ont dû prendre le RER).

    Formalités d'enregistrement assez longues (et bruyantes. Dieu que nous sommes bruyants, j'ai honte), suffisamment longues pour que H. prenne le temps d'aller chercher du tulle gras pour O. (j'espère désespérément que O. va guérir magiquement et va pouvoir se baigner cette semaine). H. revient abasourdi, le tulle gras, ce produit magique que je considère comme l'un des basiques d'une pharmacie, est passé à 55 euros sans ordonnance… (mais que se passe-t-il dans l'industrie pharmaceutique?)

    Puis enchaînement rapide (toujours cette impression que le temps se vaporise dans les aéroports) jusqu'à l'embarquement (la femme qui me demande si je comprends ce que veut dire «aléatoire» dans «contrôle aléatoire des sacs». J'aurais dû dire non). J'ai choisi Aegean Airlines parce qu'elle m'avait plu l'année dernière (les bonbons, les hôtesses); je découvre que je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué puisque la compagnie est notée "meilleure compagnie régionale 2013".

    Nous admirons le profil grec des hôtesses et écoutons les paroles du garçonnet de cinq ans derrière nous qui commence toutes ses phrases par un perçant "Papa, papa, est-ce que…". J'en déduis qu'il ne doit voir son père que pendant les vacances mais H. me dit: «Il est mort de trouille. — Tu crois?». Peu avant l'atterrissage le petit garçon annonce: «J'ai réfléchi, je n'aime pas l'avion. Papa, papa, il ne faudra pas le reprendre pour rentrer à la maison».

    L'Adriatique, Athènes, je ne sais plus ce que j'ai fait pendant le vol, commencé L'Idiot sans doute (non, pas par Markowicz, dans ma vieille édition de poche).
    Nous récupérons un minibus Mercedes chez Budget (le moins cher, du simple au double) et partons vers Corinthe sous l'orage. Les motards en chemisette et sans casque attendent sous les ponts que l'averse se calme. Nous découvrons avec stupeur la conduite grecque — la bande d'arrêt d'urgence sert à tout, de voie lente pour les camions dans les côtes, de voie d'accélération pour les bretelles d'accès, de voie supplémentaire pour vous inviter à les doubler… Pas de sotte compétition, les gens roulent plutôt lentement et invitent les plus rapides à doubler en se déportant sur le côté. Je tombe aussitôt amoureuse de la conduite grecque, si pragmatique et si éloignée de l'agressivité française ou italienne.

    Arrivée à l'hôtel, j'ai la surprise de découvrir que la personne de l'accueil se souvient que je connais "le père Maurice". Elle se fait expliquer la composition de la famille (l'aîné et sa copine, le frère et la sœur) et nous propose sur la terrasse un appartement pour nous et les plus jeunes, une chambre à part pour le couple. La vue est magnifique.

    Premier dîner. J'ai l'impression d'être dans ces Agatha Christie où Miss Marple passe ses vacances dans les îles grâce à son neveu. Un peu de gêne en croisant les gens, sommes-nous censés les voir et les saluer (en quelle langue?) ou faire glisser notre regard comme s'ils étaient transparents pour ne pas paraître inquisiteur? Quelle est la bonne distance?

    Je peux désormais répondre à Hélène: oui, cela fait plaisir à H. d'être en Grèce.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Les grillons, les cigales, les oiseaux au lever du soleil.

    2/ Oui, je ne jette plus mes cigarettes, je les mets à la poubelle! (Sinon, sinon… d'une part beaucoup de choses que j'ai toujours faites (économie d'eau, d'électrécité, réutilisation des emballages, etc, en souvenir, en hommage, à ma grand-mère, à la ferme sans eau courante quand j'étais petite), et beaucoup de choses que je fais malgré tout en pensant au "mal": utiliser l'iPhone en pensant aux enfants envoyés dans les mines, acheter des œufs en pensant aux poules en batterie («Tu es complètement folle» me dit Hervé.))

    3/ Oui, 26 décembre 1984, je pense. Tarot toute la nuit. Rencontré Hervé (P***, trente ans cette année!)

    4/ Oui, c'est certain. Les titres racoleurs notamment, comme Pas dans le cul aujourd'hui, par exemple.

    5/ Ma classe de première. La chaleureuse atmosphère que nous avions développée entre nous trente. Les profs n'avaient jamais vu ça.

    6/ Non. Quand je veux quelque chose, tout devient soudain naturel, évident: une action puis une autre, enchaînement.

    7/ Qu'on cuisine pour moi (courses incluses!) Je veux bien me charger de la vaisselle et de la remise en ordre après.

    8/ Qu'on m'en raconte. J'aime intensément dans le film Out of Africa la façon dont la baronne raconte des histoires.

    9/ Non, plus maintenant. Je n'écoute plus rien, sauf dans la voiture, ce qui passe sur France Musique au moment où j'y suis (RFM si France Musique m'agace, RFI si RFM m'agace).

    10/ Que je viens de France, oui, c'est sûr.

    Jeudi ensoleillé

    Forte chaleur, trois ou quatre machines en conséquence.

    Marché (à vélo), cuisine, j'épluche de la rhubarbe, j'équeute des haricots verts et je découpe des concombres devant Ricœur. Un peu de rangement. En fin de journée, je transbahute le bazar de la chambre de O. sur mon lit… Ce soir je vais le monter d'un étage.
    Je confie à A. le soin d'étudier le guide bleu pour la semaine prochaine.

    O. rentre de Corse vers neuf heures. Il est brûlé au second degré sur la poitrine (cloques). C'est impressionnant.
    Les trois à la maison, ça faisait longtemps. Et donc éclats de rire et éclats de voix sur la terrasse dans la nuit qui tombe. (Après un camp scout et une colo, l'important est de les nourrir!)

    Mercredi flemme

    Je procrastine toute la journée. Une société d'assainissement vient curer les canalisations — la dernière fois c'était en 2000. Je passe beaucoup trop de temps sur FB avec des mauvais coucheurs (ça faisait longtemps que je n'étais pas restée dans une discussion avec des malappris, je m'amuse un peu). Tout se termine par un barbecue (non, pas un barbecue virtuel, mais une programmation de barbecue futur), ce qui est plaisant (non, pas avec les malappris, avec les potes).

    C. et I. sont rentrés d'une colonie (en tant qu'animateurs) déprimante, pluie et mauvaise cuisine (mais les souvenirs racontés sont drôles).

    Mardi studieux

    A la casse le matin pour vendre la voiture comme épave (impossible de faire les papiers plus tôt puisque H. n'était pas là (carte grise à son nom) puis 14 juillet). J'ai oublié de préciser l'autre jour qu'on ne met plus sa voiture à la casse, on la "dépollue". *sigh*
    Dans la cour, une magnifique Ford Mustang jaune à capote noire sur la plateforme d'un camion jaune, avant et aile droite violemment enfoncés. Elle ne roulera plus.

    Je songe qu'il est tout de même curieux que l'achat de la maison ait coïncidé avec la destruction de ma première voiture, et que la fin du paiement de la maison coïncide avec la destruction de la deuxième…

    Après-midi studieux à lire Kant, Mounier et Ricœur. L'identité narrative… Après tout, en prenant cette hypothèse littéralement, il deviendrait possible de distinguer des fonctions de Propp dans les récits de vie, voire des tropes (ce qui aurait l'avantage de rendre prévisible la fin des histoires — ou presque, selon que l'auteur est classique ou moderne… Mais qui est l'auteur?) Cela expliquerait les régularités, les ressemblances, que l'on retrouve d'une vie à l'autre. Finalement ces destructions de voitures correspondent à un encadrement, comme il y en a tant dans les péricopes bibliques. (Je vais tout de même préciser, au cas où: ce qui précède n'est pas à lire trop sérieusement, même si, même si…)


    En fin d'après-midi je fais une recherche dans mes archives. Ma fille devant faire un stage "d'observation" (prendre des notes et donner un coup de main) d'une semaine dans des écuries de courses ou sur un champ de courses (appel au peuple: si vous connaissez palfreniers, jockeys, drivers, propriétaires…), je tente de retrouver la jeune femme qui gardait les enfants il y a quinze ans: son ami de l'époque était driver. Et c'est ainsi que je découvre qu'elle a aujourd'hui un élevage de chiens en Mayenne. Connaissant son énergie et sa bonne humeur, je ne doute pas que les chiens doivent être comme des coqs en pâte. Cela m'a fait plaisir d'avoir ainsi de bonnes nouvelles de quelqu'un que nous aimions beaucoup et qui a disparu sans crier gare (elle ne travaillait plus chez nous, elle était invitée au baptême du dernier, elle n'est pas venue, nous n'avons plus jamais eu de nouvelles).
    Je mets la vidéo en ligne en pensant en particulier à Didier, puisque Alice (oui, elle s'appelle Alice) élève des bouviers bernois.


    Lundi rien

    Je devais ranger la chambre de A. que j'ai largement utilisée pour stocker mon bordel, je ne l'ai pas fait, je transbahute tout dans la chambre de O.

    A. rentre de Lisieux vers sept heures après quelques problèmes de train.

    Dimanche sans histoire

    Il pleut quand j'arrive à Melun. Une semaine plus tard, il pleut encore, il pleut toujours… 26 mn d'ergo (c'est précis, le temps de faire 5 km, ce qui est très mauvais temps, ne cherchez pas).
    Les vestiaires ont été débarrassés de la plupart des vêtements qui traînaient sur les porte-manteaux (on voit que c'est les vacances et que les principaux championnats sont passés); j'ai la surprise de reconnaître mon jean perdu depuis octobre parmi les quelques nippes encore pendues.

    Marché. Sieste.
    J'essaie de faire des listes : à lire (pour l'été, pour la vie), à apprendre (grec et allemand), à faire (ranger, classer, jeter). Toujours les mêmes listes, cela me rend perplexe. Cela me fait rire, maintenant (à une époque cela me désespérait).

    Ah oui, une chose importante: je viens de me rendre compte que le 11, nous avons payé la dernière échéance de notre prêt immobilier. La maison est désormais à nous. (Quinze ans, p***, quinze ans).

    Locataire

    A priori, nous allons héberger un parfait inconnu en septembre. Ça tombe bien, j'envisageais de m'inscrire sur le site de couchsurfing. J'espère simplement qu'il ne sera pas trop surpris que la maison soit vide si souvent. Finalement, la personne qu'il risque de croiser le plus souvent est I.

    Résumé de H:
    — Et qui vit chez vous?
    — La copine de mon fils et le beau-frère d'une connaissance de ma belle-mère.

    J'espère qu'ils s'entendront.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Aux Halles à Paris, ça compte? J'avais vingt ans, je traversais la station vers onze heures du soir pour rentrer à nanterre, assez souvent, et souvent en chaussures plates vert pomme, mini-jupe et gilet rose. On m'a demandé mes papiers. A la fin, j'ai demandé «Mais pourquoi? — Vous ne devinez pas?» J'ai compris qu'ils me prenaient pour une pute. Je les ai regardés, je ne leur ai pas dit que je sortais de cours à Sciences-Po à dix heures et demie.

    2/ Non, à quoi bon?

    3/ Non, mais de temps en temps je pense à me faire une solide collection de tee-shirts parisiens (je ne le ferai pas, pas assez d'occasion de les porter. Je préfère une collection autour d'Alice).

    4/ Ni l'un ni l'autre.

    5/ Non, pas le niveau et pas assez de globules rouges. Mais j'aurais aimé cela. Je n'aime pas la compétition (mental fragile) mais j'adore l'effort (obstinée).

    6/ Indifférent.

    7/ Oui. Mon acte de naissance est très bordélique, apparemment je m'appelais France, Valérie, puis c'est devenu Valérie, France. Impossible de demander des explications sans faire pleurer ma mère. J'ai renoncé.

    8/ Rarement, mais par bonté pour les portes! J'ai cassé une poignée en porcelaine un jour (1992, 1993) tellement j'étais énervée contre mon bébé qui ne voulait pas dormir (drôle de méthode, certes, mais vaut mieux passer sa colère sur la porte, malgré tout. Néanmoins j'ai eu peur de moi-même et depuis je fais attention).

    9/ Dans l'ordre, toujours.

    10/ Pas de membre de la famille dans ce cas.

    Décidément, je ne fais aucun progrès

    Une journée de réunion — conseil d'administration, révision des statuts. Les administrateurs élus parmi les syndicalistes (ils sont en fait élus en tant que salariés et non en tant que syndicalistes, mais les cinq mille votants choisissent des gens connus sur la liste des candidats, donc le plus souvent des syndiqués/syndicalistes) sont persuadés que les représentants désignés par les entreprises adhérentes (dits "membres honoraires") sont "aux ordres de la direction". Ils ne le laissent pas sous-entendre, ils le disent ouvertement.

    Je ne comprends pas pourquoi cela m'énerve autant, ou plutôt je le sais, c'est l'injustice et la démesure de l'accusation qui m'exaspère: d'une part les entreprises adhérentes, une fois fixé le montant de la cotisation annuelle, se moquent éperdûment de ce que les administrateurs pouvent décider tant qu'elles n'en entendent pas parler (je veux dire: tant que la mutuelle fonctionne), ensuite le travail des membres honoraires (les seuls à me répondre, à relire les comptes, à préparer les réunions) n'est pas reconnu, enfin il est fatiguant d'être accusé de vouloir saborder une entité pour laquelle on se démène pour justement assurer sa survie.

    J'éprouve le sentiment étrange que les membres syndiqués préfèreront tuer la mutelle que la laisser évoluer, devenir autre que ce qu'elle est aujourd'hui (accepter de nouveaux adhérents, en particulier). Et lorsqu'ils l'auront tuée à force de rigidité, ils proclameront: «Nous vous l'avions bien dit, que la direction voulait la peau de la mutuelle». (Et je ris nerveusement).

    Ça m'exaspère. L'injustice et l'illogisme m'exaspèrent, et l'ennuyant, c'est que je proteste. Il faut que je fasse des progrès, que je ne dise rien, que je ne réagisse pas. La première précaution, c'est de prévoir une boule quiès la prochaine fois — à cacher discrètement par les cheveux — selon le principe que les bêtises entendues à moitié me tapent moins sur les nerfs. (Je le sais par expérience).

    Conversation de femmes libérées

    J'ai pris la conversation en route, dans le Libanais où j'étais venue me réchauffer après ma sortie en skiff et ma douche froide (c'est déprimant, une douche froide quand il fait froid.)
    Elles étaient en train de discuter, une brune en manteau rouge et une blonde maigre aux hanches extrêmement étroites.
    — … parce que tu comprends, l'esthéticienne m'a dit qu'il ne fallait pas s'exposer au soleil après l'épilation pendant deux jours…
    — Elle exagère peut-être, juste une journée…
    — Parce que tu comprends, je pars quatre semaines, et je voudrais être nette. L'année dernière, au bout de deux semaines j'étais dans les bras de Marco et je n'étais pas nette…
    In petto, je pensais «tu baises, tu échanges de la salive de la sueur du sperme des glaires, et tu t'inquiètes de poils? C'est quoi ce mec qui s'inquiète de quelques poils?»

    Et puis j'ai dû manger, bricoler avec mon iphone, quand j'ai entendu:
    — Il ne faut pas compter en euros de l'heure, car on ne compte pas ses heures. Tu commences tôt le matin et tu termines tard la nuit; l'année dernière j'ai terminé à deux heures du matin.
    — …
    — Je touche cent soixante euros pour la journée, et je suis artificier diplômé, je ne suis pas en bas de l'échelle. On commence le matin vers sept heures, huit heures, on met tout en place, on s'arrête une heure pour manger. Entre dix-sept et vingt-trois heures je peux faire la sieste, me reposer, c'est l'heure où le chef d'équipe fait ses contrôles, l'heure des impondérables, nous on ne sert plus à rien…
    — Oui enfin, tu ne peux pas t'éloigner, faire du shopping…
    — Non…

    La discussion dérive un peu, je suppose qu'elles parlaient du quatorze juillet et du feu d'artifice.
    — Tu dois te souvenir d'avril, j'ai fait quelque chose en avril, en Allemagne, au black. On me payait le billet de train et l'hôtel… Enfin tu sais comment c'est, à cinq ou huit dans deux chambres, et encore, tu dors dans le couloir quand un mec ramène une pouffe: «ça y est t'as fini? on peut retourner se coucher?» et tu te recouches dans les draps sales…
    L'autre rit, mi-choquée, mi-dégoûtée.
    — C'était au Hilton, tu te souviens comment c'était? Au matin on partait en volant les oreillers en plume, ils étaient si doux…

    Je mange en riant intérieurement. Moins mijaurée que je ne pensais. (Je n'écoute pas particulièrement, mais nous ne sommes que trois (il est tard) et la salle est petite. Plus tard elles parleront d'un ami à elles travaillant à la Tour d'Argent recruté par je ne sais quel club… Je n'arrive pas à comprendre à quel monde elles appartiennent.)

    Juste une question de point de vue ?

    Quelle est la différence entre une cougar et une MILF ?

    Un peu d'aviron

    La vidéo est tournée principalement sur le bassin où je rame, celui du CNF (club sur l'île de Neuilly qui se voit du métro ligne 1). Le grand angle déforme les perspectives, mais cela donne une idée du dépaysement quand on travaille en bureau à la Défense.

    Quelques points de repère :
    - Il s'agit de pointe (une rame par rameur), donc l'équilibre est plus difficile à trouver: c'est comme si un équilibriste ne disposait que d'un demi-balancier, l'autre moitié étant utilisée par un coéquipier devant lui, les deux dépendant l'un de l'autre pour ne pas tomber.
    - Remarquez la différence entre la force déployée durant la passée dans l'eau, le petit coup sec au moment de sortir la pelle de l'eau (le seul moment où les bras travaillent, l'essentiel de la force est fourni par les jambes) et le retour lent sur la coulisse.
    - La première fois que l'on voit les rameurs de dos, ils rament "sans coulisse" (jambes tendues, soit le mouvement en barque, à peu près), la deuxième fois ils font des exercices d'équilibre en s'arrêtant deux fois durant le retour, une première fois après le renvoi de main (exercice classique) puis une deuxième fois une fois les pelles au carré (verticales), prêtes à tomber dans l'eau (exercice que je ne connaissais pas, il faudra que j'essaie).
    - HJ8+ : "Hommes Junior 8 barreur" => «huit junior» dans le langage courant (on ne précise ni "barré", ni "de pointe", car c'est toujours le cas en compétition. On précise "filles" si c'est un huit féminin).



    ----------------------------
    Agenda :
    Belle sortie en skiff avec la sensation de se déployer en ressort. Hauteur de mains réglée par le port de tête (à essayer en bateau long).
    Découvert l'existence de la page de Vincent sur FB (je n'y avais pas pensé!)
    Edge of tomorrow. Voyage dans le temps un peu différent: non pas des anneaux parallèles avec des histoires qui se poursuivent en chacun d'eux, mais un temps linéaire avec la possibilité de rejouer une journée (non, ce n'est pas exactement pareil, on évite les paradoxes temporels).
    Allemagne-Brésil 7-1, incroyable et douloureux (dangereux?).

    Anna Karénine

    RER A, matin. Classique folio.
    Le pendentif caché par le livre représentait une poupée russe.


    PME en croissance

    — Tout de même, ils savent ce qu'ils ont gagné depuis que tu es là.
    — Ils savent aussi ce qu'ils ont perdu. Il y a plus d'argent à distribuer dans une entreprise qui vivote que dans une entreprise qui se développe. Je vais te donner un exemple. L'autre jour, le directeur financier nous a annoncé que nous allions faire plus de résultat que prévu. Le patron a dit: «tant mieux, ça fera des dividendes», le syndicaliste a dit: «parfait, ça fera des primes à distribuer» et j'ai dit «super, on va pouvoir embaucher une personne de plus».

    (Evidemment, après, le problème est de choisir entre les options. Mais remarquons que l'optique spontanée du syndicaliste n'est pas de partager le travail mais l'argent (pourquoi pas, c'est tout à fait compréhensible. A condition que les mêmes ne viennent pas faire des discours sur le partage du travail, justement.))

    Journée noire

    La voiture est morte sous mes doigts sous mes pieds à la sortie de l'autoroute A5 en direction de Melun. J'ai attendu le dépanneur, j'ai appelé H. pour qu'il vienne payer (à mon habitude je n'avais ni papier ni argent) et me ramener. 1993, trois cent mille kilomètres, un enfant né sur la banquette arrière. Il pleut.

    En rentrant, nous nous arrêtons pour déposer de vieux vêtements dans une benne à textile. Elle est pleine, je force, avec tant de conviction que je me coince la main si violemment qu'un instant je m'imagine que je viens de me casser trois doigts de la main droite (défilent dans ma tête L'arnaqueur, les tableaux à préparer pour le conseil d'administration, la piscine et la mer avec trois doigts plâtrés (c'est idiot, on ne plâtre pas les doigts), Mensonges d'Etat et la torture, c'est tout de même bizarre d'inventer des choses compliquées, c'est si simple de faire mal).

    Bref, je n'ai rien, mais vraiment très mal, fourmis au bout des doigts quasi inutilisables. Je pense que cela doit valoir (puisque je parlais de torture) un arrachage d'ongle.


    Après-midi à regarder les voitures sur internet avec H. qui finit par s'habituer à l'idée d'une décapotable même s'il trouve cela ridicule sous nos latitudes. Les sites automobiles sont vraiment mal faits, et toutes les voitures qui me plaisent ne se font plus.
    Les voisins partent en vacances, ont vidé leur frigo chez nous. Nous les invitons donc à venir manger leurs restes pour leur faciliter le départ.

    Quelques articles médicaux

    * Celui de Sophie, sage-femme. Je mets un lien vers un billet qui m'a rappelé le commentaire du jésuite grec devant nous, les Français en vacances: «ça fait du bien de voir des gens qui vont bien».

    * Ce billet sur les neurosciences, pour nous souvenir que "la liberté" n'est pas si simple (et que tout cela incite à la réflexion. Nous ne sommes pas ce que nous croyons être, mais que sommes-nous? Voir tout ce blog (en anglais)).

    * pas un blog mais un article, toujours en anglais, sur la façon dont nous avons perdu nos repères par rapport à une vieillesse "normale" (sachant que j'ai plutôt le problème inverse: je considère trop vite qu'on ne peut rien faire, et je découvre sans cesse à nouveau combien nous savons traiter de dysfonctionnements. C'est merveilleux).

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non.

    2/ Jamais. J'utilise plutôt et qui n'a pas le même sens, Faut pas se plaigner, phrase de ma grand-mère polonaise, grammaire incluse.

    3/ Aucun. La sonnerie? Très discrète, un rien me réveille.

    4/ Non.

    5/ le russe, l'italien, le grec moderne.

    6/ Des douches. (Je n'arrive déjà pas à sortir d'une douche, alors d'un bain…)

    7/ Oui, des photos d'enfance. J'ai l'impression que toutes les photos d'une même classe sociale se ressemblent: même lumière, même habits, même arrière-plan.

    8/ Oui. "Pour vivre heureux vivons caché" est un réflexe. Ou : "tant que personne ne l'interdit c'est autorisé, donc ne disons rien".

    9/ Y a-t-il des gens qui n'aient jamais pleuré en lisant un livre? (Que lisent-ils?)

    Quart de final

    Je suis entrée dans la boutique, la Marseillaise retentissait dans le café d'à côté tout le monde chantait (et je me suis demandé quelle influence avait eu Qu'est-ce que j'ai fait au bon dieu?) je suis ressortie. J'ai pris un Velib, il y a eu un hurlement, et j'ai continué tranquillement vers le Marais (très difficile de garer mon Vélib) puis vers Ménilmontant (toujours tout droit, Commines puis Oberkampf) en me disant que c'était cool de mener un but à zéro comme ça dès le début.

    C'est la mi-temps, Skot est en train de discuter en terrasse une bière à la main.
    — Oh Alice, qu'est-ce que tu fais là? … Le problème, c'est que tu ne nous portes pas chance.
    — Je sais, j'ai même hésité à venir à cause de ça. (Et c'est vrai.)

    Ce n'est qu'en m'installant devant l'écran dans le café que je comprends que c'est l'Allemagne qui mène. La seconde mi-temps est riche en occasions perdues, les Bleus paraissent manquer d'esprit combatif. Ils manquent de hargne. Le gardien de but allemand est vraiment bon.

    Surtout des Noirs dans le café, mais le patron est arabe. C'est le ramadan, très peu de verres sur les tables, beaucoup de silence, nous sommes de loin la table la plus bruyante. Amis d'amis FB, je ne connais que Slothorp et Tlön.

    Couscous d'abord. Conversation de cinéphiles, journalistes de revue, un monde que je ne connais pas auquel je suis peu sensible. Plus le temps passe et plus les discours sur "l'art", "les œuvres", me paraissent vides de sens. Je n'arrive plus à les prendre au sérieux. Un échange sur Houellebecq (littérature ou sociologie?)

    — Je l'ai eue comme prof à la fac, elle était très jolie.
    Je ris stupéfaite et incrédule:
    — Ce n'est pas possible! Tu es le plus sexiste de tous, et tu ne t'en rends même pas compte!
    — Mais enfin, ce n'est pas sexiste de dire qu'elle était jolie!
    — Pas en soi, mais dans le contexte, quel rapport avec la choucroute? Je ne te dis pas qu'Olivier Duhamel enseignant le droit constit à Science-Po était si bôôô dans son col roulé (même si c'était vrai)!

    Glace ailleurs. La conversation roule sur la famille.

    Vivement la prochaine coupe du monde, qu'on se revoit. (Sauf que je porte malheur, hum).

    Un petit déjeuner fautif

    Je voulais m'inscrire à l'un de ces petits déjeuners professionnels organisés autour d'un thème par des entreprises (souvent des cabinets de conseil) qui se constituent ainsi un carnet d'adresse de clients potentiels. Puis j'ai oublié, puis j'ai envoyé un mail hier vers quinze heures et j'y suis allée ce matin sans attendre la réponse, me disant que je m'ajouterai manuellemaent sur la liste des participants.

    Le lieu de rendez-vous était dans l'un de ces centres de conférence que les entreprises louent pour avoir de grandes salles. Quand l'intervenante a commencé à parler, je me suis dit que je m'étais trompée de petit déjeuner, et pire, que le sujet de celui-ci ne m'intéressait pas du tout: c'était une veille sur les tendances de la formation professionnelle dans le monde (intervention organisée par Opcalia). (Je n'ai jamais pris la formation professionnelle très au sérieux, et cela doit être très français, car l'intervenante a confirmé que nous étions connue pour cela: ne prendre la formation que pour une obligation légale et non pour un investissement. (Apparemment une loi est en train de tenter de moderniser et de changer cet état d'esprit).
    (A la pause, j'ai vérifié à l'accueil: il n'y avait pas d'autre petit déjeuner d'organisé ce matin. Au bureau, un mail m'attendait pour me prévenir que celui auquel je voulais assister avait été annulé.)

    J'ai tout de même pris quelques notes. Apparemment la grand'messe internationale de la formation est organisée par l'ASTD. Il y a trois ou quatre conférences par ans dans des grandes villes américaines, rassemblant environ neuf mille personnes dont 40% d'Asiatiques (une dizaine de Français). Ces conférences rassemblent quatre cent cinquante exposants; leur liste à trouver sur le site de l'ASTD permet d'avoir une idée de ce qu'ils vendent et de ce qui se vend.
    Le e-learning est en perte de vitesse, les formations sont de plus en plus un mix de formation théorique virtuelle, de préférence des vidéos ne dépassant pas une quinzaine de minutes, et des formations très pratiques en présentiel.

    Les formateurs doivent captiver les gens (au sens propre), sinon au bout de dix minutes tout le monde est sur son smartphone (ce qui me paraîtra toujours hautement impoli mais ne paraît choquer personne). La compétence du formateur est remise en cause en permanence par les formés susceptibles de faire des recherches google pendant la formation pour vérifier ce que dit le formateur (!).
    De plus en plus, il est demandé de mesurer un ROE (Return on Expectations: prouver que les salariés ont réellement acquis une compétence, par une mesure avant la formation, puis un ou deux mois après (formation à la délégation, par exemple: le formé délègue-t-il davantage après qu'avant?)), voire un ROI (Return on Investment), ce qui est beaucoup plus difficile à évaluer car il n'y a pas de mesure "toutes choses égales par ailleurs" (comment mesurer l'impact d'une formation commerciale si par ailleurs le marché s'est écroulé, il y a eu crise économique, des concurrents ont fusionné?)

    Tout ou presque est disponible sur Youtube (l'intervenante ne tenait absolument pas compte des éventuelles problèmes de langues et des niveau des salariés). «Ce que vous avez à faire, c'est repérer sur le net ce qui vous intéresse pour le mettre à disposition des salariés». (Au passage problème du droit d'auteurs: ne pas vendre ce qu'on récupère gratuitement.)
    In petto je me suis dit que c'était une piste pour les documentalistes, car trouver la meilleure vidéo sur un thème à partir des tags étrangers servant à l'indexation… pas si simple et surtout très long. Les serious games sont moins à la mode. J'ai noté le nom d'un jeu pour se former à la négociation: The Merchants".

    Ce qui est en train d'émerger, ce sont les MOOC (Massive Open Online Course), formations en ligne données par les professeurs de grandes universités, formations gratuites devenant payantes si l'on veut obtenir une certification. (Le modèle économique de ces MOOC n'est pas encore stabilisé: comment diffuser gratuitement des cours en ligne pendant que les étudiants en présentiel paient dix mille dollars l'année?)
    Il existe des légendes: les MOOC auraient permis de repérer des ingénieurs nigériens ensuite invités en Californie, etc, etc. (Notes: éclatement des frontières, faites vos MOOC, mettez vos vidéos sur internet, mais attention, pas toutes vos compétences, car que vous resterait-il à vendre?)
    En France, deux sont très connues: une formation de Lille en gestion de projet, une du CNAM en management.

    J'ai noté par ailleurs une liste de noms et adresses:
    coursera
    edX
    udacity
    Carnegie Mellow
    Stanford
    classe to go
    coursebuilder, proposition Google pour créer des MOOC à usage interne (des SPOC).

    Dernier point : un formateur doit être sur linkedin et avoir au moins quatre cents contacts (ratio américain). Il faut avoir également des recommandations, donc à la fin de chaque formation, demander aux formés d'aller déposer un petit mot… (et ça m'a paru étrange, déjà que je trouve étrange que les restaurants ou gîtes nous demandent de le faire sur Tripadvisor, mais le demander pour soi quand c'est soi le produit, et non plus la chambre ou la cuisine…)

    Formation au management

    Entendu en terrasse à côté de moi:

    — Dans cette formation au management, j'ai bien aimé la différence entre impliqué et concerné: si l'on prend les œufs au bacon, la poule est concernée, le cochon est impliqué.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ L'arrêt de mes études et mon mariage. Ce qui est amusant, c'est qu'ils n'ont jamais compris qu'ils en étaient la cause: s'ils n'avaient pas été aussi désagréables avec Hervé, nous n'aurions pas été aussi été pressés de nous marier pour avoir la paix, et donc je n'aurais pas arrêter mes études pour travailler et être autonome financièrement. (Comme souvent, ils ont provoqué ce qu'ils redoutaient, vieille loi karmique).

    2/ Oui, au moins mentalement. L'aviron sert à ça, aussi.

    3/ Ça m'arrive, mais je le regrette !

    4/ Non. (De toute façon je suis nulle).

    5/ Oui. En bus.

    6/ Je ne sais pas. Il y a des périodes où j'ai été heureuse, mais ce n'était pas liée à l'âge.

    7/ Oui, sans doute. Je pense que ça ne se voit pas trop.

    8/ Non.

    9/ Classer mes papiers, ranger mes affaires ! (être prête à mourir à tout moment)

    10/ Ce qui me tombe sous la main. Souvent des cartes postales.

    Journée contrastée

    Anticipation joyeuse. La fièvre monte1 et c'est amusant.
    Anticipation joyeuse: je crois que je n'ai jamais ressenti aussi fort ce sentiment que je jugule habituellement, par superstition. Mais là, je ressens une sorte d'immunité: il ne peut rien arriver, tout va bien se passer.

    Réglé une multitude de petits détails que j'avais laissés de côté (j'en ai oublié un et de taille: l'ACPR veut que je lui envoie des impressions… de tableaux vides (oui, j'avoue: je n'avais envoyé que les tableaux remplis (enfin, j'apprécie beaucoup qu'ils me soient demandés par mail, courtoisement, et non en lettres AR)). L'AG de la mutuelle se déroule lundi.

    Aviron. Je suis venue aider à la formation des débutants. Je ne me suis pas fatiguée mais j'ai pris le soleil (comprendre: trop). Vu le martin-pêcheur à nouveau, et entendu son cri ("L'image pousse son cri", les remparts de Bayezid, Crusoé, je rame).

    Réunion MOA pour la mise en place des prélèvements. Nous nous intégrons à des process existants, et cela paraît tellement simple (à la saisie de 2500 RIB près) que cela me fait peur.

    La réunion se termine tard. Je pars à la recherche d'un nœud papillon assorti à mon chapeau (résultat en demi-teinte, c'est le cas de le dire).

    Velib. J'arrive comateuse à mon oral de philo (est-ce le soleil de midi, la fatigue, l'angoisse?) Je fais un passage désastreux. Le prof me donnera peut-être la moyenne à cause de la conversation qui a suivi (de toute façon cet oral est représentatif, ne nous leurrons pas: des connaissances, des idées, le tout en vrac, sans articulation, dans une déplorable confusion.

    Je bois une bière avec un coreligionnaire qui me remonte un peu le moral (me permet de penser à autre chose) et rejoins H. en dîner d'après séminaire. Deux verres de vin n'arrangent pas mon état.


    Note
    1 : note deux ans et demi plus tard : il s'agissait du mariage de Matoo et d'Alexandre le samedi suivant.

    Le journal d'Anne Franck

    Ligne 4, 22h46.


    Point Culture

    Anecdote relatée par Laurent qui m'autorise à la reproduire ici :

    « Dans la salle de gymnastique, deux hommes parlent d'un troisième qui ne serait pas très au courant des choses du football, confondrait des joueurs, ignorerait la composition de certaines équipes, serait incapable de faire d'intelligents pronostics quant à la suite du tournoi de la FIFA.

    Le jugement tombe, sans appel :
    "Il n'est pas très cultivé."

    Truc et astuce

    — Je ne vais jamais y arriver, écrire sept pages… J'ai des idées pour une page et demie.
    — Délaye. Ecris en corps 36. Tu as un nombre de signes?
    — Un format, Times New Roman 12, interligne 1,5.
    — Reviens à la ligne. Ecris comme Dumas: «— Bonjour. — Comment allez-vous?»
    — Elle va avoir une drôle de tête, ma dissert de philo.

    La blague du dimanche

    Suite à une erreur d'aiguillage, un ingénieur arrive en enfer. Il se promène un peu:
    — Punaise, qu'est-ce qu'il fait chaud!
    — C'est normal, c'est la clim qui déconne depuis des mois, le service de l'entretien est trop paresseux pour intervenir.
    L'ingénieur, qui est un peu bricoleur et a fait Méca Nantes, donne quelques coups de marteau, vérifie la pression, et quelques ajustements plus tard la clim se remet à marcher.
    Sur sa lancée, il corrige la réfraction des murs pour rendre les locaux moins bruyants et répare la tireuse à bière.

    Bref, quand quelques mois plus tard, Dieu jette par hasard un regard vers le bas, il manque de s'étrangler et interpelle le diable:
    — Comment? Depuis quand boit-on des coctails dans une petite brise fraîche chez toi?
    — C'est l'ingénieur, il a tout réparé, depuis c'est cool.
    — Quoi !??! Mais il n'en est pas question, renvoie-le moi, c'est une erreur!
    — Ah non, je l'ai, je le garde!
    — Renvoie-le moi ou je te fais un procès!
    Alors le diable regarde Dieu et lui demande:
    — Ah bon? Et où vas-tu trouver un avocat?

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non. J'entre trop facilement dans l'action.

    2/ Non.

    3/ Non. (Drôle d'idée).

    4/ Oui.

    5/ Non, je pensais ne pas en avoir. Mais je pensais aussi rester seule. A partir du moment où on a un mec, où l'on n'est plus libre, autant avoir des enfants, qu'est-ce que ça change?

    6/ Filet de canette aux griottes. Trio de glaces classique (vanille, café, chocolat)

    7/ Proximité lointaine, mais oui (la Seine).

    8/ Sensible au niveau de la santé? l'air. Au niveau affectif: l'eau (la plaque de déchets au milieu du Pacifique). Au niveau matériel: le plastique, les métaux lourds.

    9/ Non.

    10/ Non, je ne crois pas.

    11/ Oui, vite s'il est vivant (pour mieux le comprendre), lentement s'il est mort (pour ne pas arriver trop vite à la fin).

    Bonjour tristesse de Françoise Sagan

    L'intérêt d'être debout, c'est qu'il est possible de se déplacer pour "choisir" un lecteur et un angle de vue.
    RER D, entre 8h30 et 9h30.


    Souvenir de grève 1

    Mon plus vieux souvenir remonte à 1986. J'avais une chambre à Nanterre, j'allais à Sciences-Po, dans le VIe arrondissement.
    Devaquet, il me semble. Il neigeait. Vers la fin, l'armée amenait les gens en camion aux portes de Paris (pas le droit d'entrer dans Paris). Je me suis souvent demandé pourquoi cela n'avait pas été remis en place en 1995.
    Il me semble que cela a pris fin quand un agent de la SNCF a été agressé par une foule exaspérée. Mais il est possible que je confonde, car dans ma mémoire cette conclusion est liée à des souvenirs de fortes chaleurs, ce qui est incompatible.

    En 1992, j'ai eu un collègue qui me racontait qu'il avait mis en place sa grève personnelle : il avait prévenu sur les cahiers de doléance de la SNCF qu'il ne présenterait plus sa carte orange (c'était son préavis de grève). Chaque fois qu'il était contrôlé, il refusait de présenter quoi que ce soit, les contrôleurs l'emmenaient au poste de police, il montrait son titre au policier en le cachant pour que les contrôleurs ne le voient pas. Il était alors verbalisé pour refus d'obtempérer.
    Cela me plaisait beaucoup, mais il faut avoir du temps à perdre.

    Il m'a raconté qu'une fois, en voyant les contrôleurs entrer dans un wagon une voiture (ligne Achères-Poissy), il s'était levé et avait arrangué le wagon les voyageurs: «vous n'allez pas vous laisser faire, après tout ce qu'ils nous ont fait, vous n'allez pas présenter vos billets!». Le wagon Les voyageurs se sont enflammés, «Ouais, t'as raison, on est pas des bœufs, …» (etc); ça a commencé à ressembler à une émeute, les contrôleurs ont voulu se saisir de lui, le train arrivait en gare, les voyageurs ont fait barrage aux contrôleurs, «vas-y, barre-toi, on les tient».
    — J'ai eu très peur, je ne maîtrisais plus rien, je ne recommencerai jamais ça.

    Je trouve les gens beaucoup plus calmes qu'à cette époque. Les RTT, les ipods?

    Pique-nique théologique

    Journée de fin d'année (un peu tristoune, je ne sais pas ce qui se passe, cette année est morose). Dans mon sac un ordinateur et son chargeur, trois stylos, une carte navigo, mes clés de bureau, un dossier à préparer (que je n'ai pas préparé), une anthologie de textes sur "la question du sujet", un étui de lunettes léopard contenant des lunettes roses, un étui gris contenant des lunettes de vue, une Bible de Jérusalem, des kleenex décorés de roses achetés à Nohant, des clés de voiture, un agenda Pléiade, un téléphone, un rouleau de sopalin, une nappe et une bouteille de Cahors achetée dans le Lot.





    Le repas au soleil était malgré tout bien agréable.
    Personne ne paraît avoir envie de faire de l'ecclésiologie l'année prochaine.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Je ne crois pas. Plutôt l'esprit d'association (en revanche j'associe beaucoup et vite).

    2/ Je n'en ai pas l'apparence. Je montre mes émotions surtout quand je suis seule. J'évite devant les gens, parce que je ne leur fais pas confiance, ou pour ne pas les embarrasser ou ne pas m'embarrasser.

    3/ Non. Mais j'ai de l'indulgence pour les corridas après la lecture de Mort dans l'après-midi. Hemingway note que personne ne peut savoir comment il réagirait avant d'avoir essayé.

    4/ Acheter des livres si j'entre dans une librairie! (M'arracher les cheveux quand je passe les doigts en peigne dedans : ils ne tiennent pas, ils partent si facilement, c'est inquiétant et bizarre.)

    5/ Je ne sais pas. Fais-je des efforts?
    En tout cas je n'ai pas d'amertume à ce sujet. (Je me souviens de ma sœur s'exclamant: «De toute façon je rate tout ce qui me tient à cœur». Ça m'avait fait de la peine. Je n'ai pas cette impression. Je me reproche plutôt d'avoir, plus jeune, arrêté mes efforts trop tôt (aviron, allemand, lecture, etc). Aujourd'hui, quand la tentation me vient, je m'oblige à continuer.

    6/ Deux et demie: Cassiopée, la Grande Ourse et les trois étoiles de la ceinture d'Orion.

    7/ L'admiration que je porte aux autres un moteur, l'admiration qu'on me porte un frein (j'appréhende le moment où je vais décevoir).

    8/ "Dans le monde" est un peu riche pour ma pauvre expérience! Les jardins du Palais Royal, est-ce un parc? Non. Planting Fields est sans doute le plus beau que j'ai vu, même si pour devenir mon préféré il faudrait qu'il soit un peu moins parfait.

    9/ Non. (Je touche du bois, pas d'accident dans ma vie.)

    10/ Oui, le fusil à lunettes de mon grand-père. J'aime beaucoup tirer.

    Vendredi 13




    Normalement ce soir j'aurais dû être à Tours, mais pas de TGV (la capture d'écran a été faite plus tard, pour exemple: j'aurais dû partir vers 17 heures). Il circulait un seul train, vers 17h45, partant d'Austerlitz, pour remplacer quatre ou cinq TGV. Je n'ai même pas essayé, je déteste ces ambiances où l'on écrase les poussettes et les vieilles dames pour réussir à monter dans le train. L'aîné a embouti le pare-choc de la vieille voiture qui roule encore mais qui est bonne pour la casse. J'ai reçu un mail triste et désabusé du prof de musique du benjamin: malgré les dénégations du maire, la section CHAM va fermer (vous pouvez signer la pétition ici — d'un côté le maire n'aime pas être impopulaire, de l'autre il s'en fiche, c'est son dernier mandat (il préfèrera rester député)). La fermeture d'un service public s'effectue dans la tradition des grandes entreprises: on nie tout, mais il n'y a pas de fiche de réinscription, pas d'horaire d'affiché, pas de tarif pour l'année prochaine. La décision sera proclamée cet été, je suppose, pendant l'absence des parents.

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    Agenda
    Agnès au téléphone (syntagme figé).
    Audit CNIL interne (ie, pour préparer un audit (éventuel) de la CNIL). Le numéro de sécu ne doit pas servir de moyen d'identification, il doit être remplacé par nom, prénom, date de naissance, adresse.
    ??? Mais à quoi peut bien servir d'autre le numéro de sécu, et quelle importance de s'en servir pour s'assurer de l'identité d'un client en cas d'homonymie? En quoi cela nuit-il?

    Ouverture de la coupe du monde de foot

    France Info ce matin. Interviews d'une dame, d'un policier.
    Ils expliquent leur joie et leur stress, le Brésil va vivre pour le foot, le policier est là pour contrôler et surveiller la foule.
    Soudain une phrase incompréhensible qui ne sera pas expliquée: la dame espère que l'équipe brésilienne va s'imposer dès le début, «sinon les protestations (désordres, mécontentements? je ne suis pas sûre du mot exact) vont continuer».

    Il faut lire internet pour savoir qu'il y a eu grève de métro et menace de grève de métro, manifestations répétées contre la corruption, la misère, les sommes mises en jeu par le Mondial.

    France Info a-t-il tant traité le sujet que tous ses auditeurs habituels sont au courant et que cela va sans dire?

    J'en profite pour mettre un lien vers ces photos que j'adore.

    Paris à vélo

    Grève hier soir, grève le matin, grève le soir. Si au moins on comprendait ce qu'ils revendiquent. (H. me dit à propos de ses salariés : «Ils ont fait la gueule quand j'ai dit qu'il n'y aurait pas d'heures sup pour le CE, qu'ils prendraient leurs heures sur leur temps de travail. Ce que je n'ai pas dit — mais je l'ai pensé très fort — c'est que de toute façon il leur serait difficile de travailler moins qu'aujourd'hui».) (Et je me dis qu'à écrire ça, certains vont être confirmés dans leur opinion que nous sommes de sales réacs. Tant pis, assumons.)
    Quel rapport avec la SNCF? C'est que je me disais que malgré tout ce que je leur reproche, je leur tirerais bien mon chapeau pour le travail de nuit et le travail le week-end effectué pour déranger le moins possible le trafic — quand soudain j'ai un doute: sont-ce bien des cheminots qui travaillent, ou des sous-traitants?

    En tout cas j'ai pris la peine d'expliquer ce matin à une voyageuse la vérité sur les "rames trop larges": non, il s'agissait simplement d'un retard pris dans la mise aux normes des quais, mise aux normes prévue depuis longtemps et obligatoire.

    La Défense - gare de Lyon en vélib. 70 mn, cela revient cher puisque qu'un Vélib doit être rendu au bout de trente minutes. Ils exagèrent, ils pourraient allonger le délai pour les personnes qui couplent leur abonnement avec leur carte Navigo, on se doute bien qu'elles ne font pas du tourisme.

    Beaucoup de monde sur les quais entre le musée Branly et le musée d'Orsay, et je pense à l'incipit de Voyage au bout de la nuit.

    Tribunal

    C'est un peu comme à les feuilletons américains, sauf que c'est dans les tribunaux français : vous vous retrouvez accusés de ce pour quoi vous avez porté plainte.

    (Mais bon, c'est très intéressant, chacun devrait aller passer quelques après-midis dans les tribunaux pour comprendre deux ou trois choses de la procédure.)

    (Ce billet pour mémoire. Pour ceux que ça intéresse, le jugement sera rendu le 9 septembre).


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    J'ajoute des précisions un an plus tard, quand tout cela est en train de devenir du passé et tombe dans l'oubli : il s'agissait de l'audience d'appel en correctionnel. Nous avions gagné en première instance.
    Des cas terribles dans la salle, une avocate présente par hasard (et n'ayant donc rien préparé — sans doute son client n'a-t-il pas payé); un homme à la limite de la crise de nerf, c'est la quatrième fois que son audience est reportée; un autre semble avoir tout oublié bien qu'il ait été pris en flagrant de vol de téléphone dans une boulangerie… Drôle de vie que la vie de juge.
    Mécontente de ma "performance". J'ai fait l'erreur de me tourner vers JA pour répondre à une question.
    En revanche surprise par son avocat qui a ébauché la question "pourquoi n'avez-vous pas fait appel concernant le procès pour diffamation?" et l'a laissée en suspens, sa voix s'amenuisant: de quelle réponse a-t-il eu peur? Ou a-t-il craint que le tribunal n'apprît que JA nous avait insultés après notre plainte?
    Déjeuner tranquille avec JY. Patrick est à Kiev.
    Passé à l'école où la gardienne me demande des nouvelles de C.

    Préalable

    J'étais rentrée pour faire la déclaration d'impôts et ma dissertation. La première action impliquait de retrouver des justificatifs, j'ai classé des papiers et passé l'aspirateur toute l'après-midi.

    Il fait très lourd et très chaud, violents orages dans la nuit qui déconnectent internet. Infiltration d'eau (velux).

    Retour

    Moules marinières à Treveneuc avec toute la famille (les familles) et les amis qui ne sont pas encore repartis.




    Je regarde ce petit monde en me souvenant de tout ce qui les a secoués depuis quinze ans.
    La fille du marié que j'ai connue à huit ans vend des crêpes à New York avec son ami portugais. Elle l'a rencontré en Bretagne quand il est venu apprendre à faire des crêpes pour ouvrir son restaurant. Ah.

    Retour en TGV. Le tronçon Rennes-Le Mans est fermé, nous passons par Nantes.
    Violents orages.

    Les amies de la mariée

    La mariée avait des amies, le marié de la famille.

    Le Rouge et le Noir

    Le TGV pour St-Brieuc n'est pas à quai quand j'arrive à Montparnasse.
    Je prends un café et quand j'arrive ensuite sur le quai, je n'ai plus le temps avec mes tongs et ma valise de remonter les deux rames de TGV : je monte dans la première qui doit être détachée à Rennes en me disant que je changerai de rame à ce moment-là.

    A Rennes, j'ai bien failli ne pas réussir à monter dans la deuxième rame tant l'opération de désarrimage s'est fait vite.

    Dans cette deuxième rame, ma place légitime était bien sûr occupée par une personne pensant que j'avais raté mon train. Comme elle le reconnaît aussitôt, je lui laisse la place et vais m'installer sur un strapontin entre deux voitures, ce qui explique cette photo de mon vis-à-vis prise d'un peu trop près (je n'ai pas reconnu l'édition. Peut-être une nouvelle maison.)




    Galette, mairie, buffet les pieds dans le sable, punch et huîtres. Il fait très beau malgré les prévisions pessimistes mais la mer est froide.
    Un mariage de raison pour la protection des enfants et du patrimoine (les vraies raisons du mariage, me dira JY, et je penserai à Balzac). Cela n'empêchera pas la mariée de s'essuyer les yeux et le garçon de sept ans qui demandait sans cesse à son père s'il dirait oui — et son père de réfléchir, de douter, de peser le pour et le contre — de crier "Yesss!!" quand son père, finalement, aura dit oui.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui. Ils ne sont pas venus. J'ai sans doute mal plaidé ma cause: mon mari s'était démis l'épaule au milieu de la nuit, j'avais deux enfants en bas âge dans l'appartement (un et quatre ans ou deux et cinq, tout cela est loin maintenant), je les ai laissés seuls pour emmener Hervé à l'hôpital. J'aurais dû insister, je ne le fais jamais face à l'autorité médicale, et pourtant il le faut.
    (Toutes ces fois où je regrette d'avoir été trop gentille, trop obéissante… Quand je pense qu'on me voit comme une va-t-en-guerre, j'ai toujours l'impression d'être bien trop docile.

    2/ Libre, et j'en bénis l'histoire et la géographie (si je vivais à une autre époque, ou à la même époque dans un autre pays…)

    3/ Oui, parfois. Quand on est une femme, on sait qu'on ne fait pas partie des "dominants". Alors noir… Noir ou noire? Parfois je médite le fait que les Etats-Unis ont élu un Noir avant d'élire une femme à la présidence… (ce qui est stupide, car dans ce cas précis, c'est sans doute purement conjoncturel). Changer de couleur avec le même sexe, ou en changeant de sexe? C'est intéressant: dans la hiérarchie, qu'est-ce qui joue le plus? La femme blanche a plus de pouvoirs (de droits) que les femmes d'autres couleurs, mais en a-t-elle plus qu'un Chinois, un Tibétain, un Congolais? (j'entends déjà JP en train de dire que c'est stupide, que c'est une question de nationalité. C'est vrai — et c'est faux. Grandes catégories héritées des siècles passés, blanc pour occidental.)

    4/ Oui. 5/ Je ne sais pas. Je ne suis pas attirée par le genre de pouvoir qui attire la plupart des gens, mais j'aimerais être reconnue dans certains domaines. Malheureusement je ne pense pas être douée (non, le travail ne suffit pas. Le travail est nécessaire aux gens déjà doués.) Ce qui est agaçant, pour revenir au pouvoir qui attire la plupart de mes contemporains, c'est de dépendre hiérarchiquement d'un imbécile. Alors oui, j'ai cette ambition-là: être au-dessus des gens qui réfléchissent moins vite que moi en en sachant moins. Pas pour le pouvoir en lui-même, mais pour éviter d'être en leur pouvoir. (C'est vraiment ce que m'aura appris la vie, ce dont je ne me doutais pas dans l'enfance).

    6/ Pas spécialement. J'ai quelques belles photos, mais elles sont dues au génie du photographe.

    7/ Non, hélas. Retourner à Cape Ann pour en voir une.

    8/ Trop vieille maintenant. Mais j'en rêvais à douze ou treize ans (chevaux et hélicoptères). Il y avait des reportages sur Rémy Julienne dans Paris Match… Je me demande si j'aurais réussi à me muscler suffisamment.

    9/ Une ou deux fois par jour, sur le mode «je dois penser à…» (si possible je prends une note sur une feuille).

    10/ Oui, aux moustiques près. La nuit, il fait fait beaucoup plus froid qu'on ne le pense généralement.

    11/ Etrange… Je n'ai jamais rien mangé d'étrange, le plus étrange doit être des fleurs, en confiture ou beignets. Ce n'est pas courant, mais pas étrange.

    Printemps

    Rue d'Assas - gare de Lyon en vélib. Les quais entre Bastille et gare de Lyon (jardins Tino Rossi) sont animés, nous sommes loin du désert d'il y a trois semaines quand un rat avait failli me faire tomber en passant au ras de ma roue.

    Un groupe de cuivres joue Everybody wants to be a Cat au bord de l'eau.
    J'arrive dans la gare à onze heures pour un départ à onze heures deux.

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    Agenda
    Dernier cours de grec II (j'ai validé mon année). L'année prochaine je vais sans doute faire du latin et de la "lecture suivie" en grec. Je prendrai grec III (lecture de St Paul: difficile paraît-il, car elliptique) plus tard, quand j'aurai assuré ma grammaire.
    Je n'ai même pas dit au revoir à la professeur tellement il m'était sorti de l'esprit que c'était terminé. Trop tard, trop tard. Elle était bien, si passionnée et sérieuse.

    Jouons avec Ameli

    Au moment où j'allais quitter le bureau, une stagiaire qui étudie les impacts des décrets à venir en santé (les paniers de soins) m'appelle pour savoir où trouver la base de remboursement des différents actes médicaux, et notamment celle des lunettes. Je me souviens de quelques liens sauvegardés en favoris. Les voici pour ceux que cela fascine (c'est effectivement fascinant).

    Trouver un acte par mot-clé ou code. (Je n'ai pas réussi à trouver la consultation du médecin généraliste. Sans doute n'est-ce pas un "acte". Je recommande la consultation par chapitres).

    La NGAP (Nomenclature générale des actes professionnels) à télécharger en pdf en bas de page. Aussi précis que la notice pour la déclaration d'impôts.

    Et enfin la réponse à la question sur la base de remboursement (BR) des lunettes. N'hésitez pas à fouiller dans la colonne de gauche, par curiosité.

    Reprise

    A la nage du quatre de couple (pour éliminer le foie gras) (Wikipédia est si mauvais en français que je vous mets le lien en anglais). Onze kilomètres. Je me suis fait mal en portant le bateau. Il faut que je fasse des pompes, je n'arrive pas à mettre le bateau en tête.
    Le plus important : j'ai vu trois canetons de l'année. Avec la cane, mais plus étrangement un canard.

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    Sinon une emmerdeuse, une lettre de rappel de l'ACPR (nous devons envoyer deux exemplaires papier des tableaux télétransmis fin avril… Je l'ai sans doute fait l'année dernière, mais c'est si illogique que je l'avais gommé de ma mémoire). Les lettres T sont arrivées, ouf.

    Remontée

    Partis vers onze heures, sortis à Limoge pour déjeuner. Pour le même prix qu'un plat et une boisson sur l'autoroute, mangé un couscous au Marrakech (je m'attendais à un steack limousin, mais le boucher des Halles (le marché se terminait) nous a conseillé Le Marrakech. Cela me conforte dans mon idée qu'il faut organiser des ateliers d'échange de recettes de cuisine pour favoriser l'intégration et la connaissance réciproque: si c'est bon, le reste s'efface.)

    Sortis à Châteauroux pour éviter le bouchon à venir à Vierzon et traversé la Sologne déserte vers Argent/Sauldre et Gien. Passés à Brinay, lumineuse dans la lumière d'après-midi.
    Autoroute A71 (vide), puis l'A6. Nous la quittons au sud de Fontainebleau pour prendre plein nord et éviter les bouchons indiqués par Waze. (Je détaille, ce n'est pas que ce soit passionnant, mais je me demande toujours ce qu'apprend une application comme Waze avec des conducteurs comme nous. Est-elle prévue pour apprendre des trajets, pour les proposer ensuite à d'autres?)

    Dans le salon, la comtoise s'est arrêtée: au bout de douze ans, la corde à piano qui soutenait l'un des poids a cassé. Le silence dans le salon est insoutenable.

    Fini les agapes du week-end par un gâteau au chocolat.

    Puis Tucker & Dale fightent le mal. Ça surprend toujours un peu ceux qui ne l'ont jamais vu.

    Cénevières

    Visite du château de Cénevières menée par le marquis de Braquilanges. Apparemment il a voué une partie de sa vie à étudier les archives afin d'assoir toutes les anecdotes sur des documents, et celles-ci sont nombreuses. J'en livre quelques-unes en vrac:

    Le marquis avait Saint Exupéry pour oncle. (Trois fils d'une autre branche ont également épousé trois filles Saint-Exupéry, sans que l'arbre généalogique permette de savoir si elles étaient sœurs ou cousines.)

    Le château existait déjà du temps de Pépin le bref. C'était un château-fort qui fut "modernisé" lorsque le seigneur du château, fait prisonnier à Pavie, revint après plusieurs mois la tête emplie de renaissance italienne.

    A l'occasion de dégâts des eaux (la feuille de platane ne pourrit pas dans l'eau, apprends-je, et les platanes de cent cinquante ans perdaient leurs feuilles dans les gouttières et les bouchaient), le marquis a découvert un plafond à la française, puis quelques années plus tard des peintures murales. Le tout est daté du XVIIe siècles, comme les tapisseries de Flandres (j'écris de mémoire, je peux me tromper de siècle, il faudra vérifier sur place).




    Il s'agit de Constantinople.

    Il existe également une chambre d'alchimie peinte, et le château reçoit régulièrement aujourd'hui encore la visite d'alchimistes (??!!!) Les murs sont peints de scènes de L'Iliade ou de la mythologie grecque.




    Ici les armes d'Achille à gauche et Troie en flammes à droite.

    Dans la cour en entrant se trouve un temple protestant, devenu la maison du gardien. (Jeanne d'Albret elle-même est venue deux fois pour convertir le seigneur de l'époque. Henri de Navarre était également un habitué du château.) Dans le donjon a été consacré il y a peu une chapelle: c'est qu'il s'est avéré qu'une vieille table de jardin qui servait à prendre le café dans la jeunesse du marquis était en réalité un ancien autel de la cathédrale de Cahors (un deuxième : un premier, déjà un butin des guerres de religion, avait coulé à pic dans le Lot).
    L'évêque de Cahors, ami du marquis, lui a laissé l'autel mais a suggéré qu'il lui faudrait un décor convenable. H et moi ne pouvont nous empêcher de penser que l'évêque a finement joué, obtenant une chapelle catholique dans une enceinte où ne restait qu'un temple protestant tout en faisant "cadeau" d'un autel dont il n'aurait su que faire.

    Les deux salles sous le donjon sont creusées si profondement que leur température varie de un à dix degrés.

    Dans le donjon vivent quatre espèces de chauves-souris. Comme chaque fois que cela concerne son château, le marquis a fait appel à des spécialistes pour en savoir plus.
    Des petites chauves-souvis sont nées. L'ensemble accroché au plafond du donjon ressemble à une moisissure géante et épaisse.

    Bref une visite passionnée et passionnante.

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    Déjeuner à Cajarc, ville natale de Françoise Sagan. Acheté du vin.

    A cinq heures, mariage de mon second cousin. C'est toujours un plaisir de voir mon oncle si ému. J'apprends au détour de la conversation que ma sœur vit depuis dix ans avec un homme marié (— Le prochain mariage, ça pourrait aussi être toi. — Il faudrait déjà qu'il divorce!) WTF? Mais qu'est-ce que ça veut dire, qu'il vit avec elle sans avoir divorcé, ou qu'il la voit en cachette (ou pas) de sa femme? Et comment ma sœur fait-elle pour toujours se fourrer dans des situations pareilles? (Je ne lui pose pas de question, je ne les pose qu'ici.) Bouchées de foie gras poêlées sur une plaque brûlante, je ne sais pas combien j'en ai mangé. Il fait beau, c'est inespéré, depuis une semaine mon iPhone m'annonçait de la pluie le samedi.

    Les cousins

    Il manque le plus jeune: du fait de ses frasques récentes, il s'est éclipsé tôt.

    Enquête

    Les questions sont sont ici.

    1/ Pas vraiment, mais plus qu'avant (y'a du progrès).

    2/ Plutôt oui.

    3/ Il est prévisible que je sois imprévisible (donc prévisible? bref, je ne sais pas répondre à cette question.).

    4/ Grande question. Pour revivre tellement c'était bien, ou pour tout changer tellement c'était nul?
    En sachant ce que je sais aujourd'hui? Tout, depuis mes douze ans environ. (C'est l'option "revivre pour faire mieux".) Sinon, la troisième, les années de lycée, l'hypokhâgne (option "revivre pour mieux profiter").
    En réalité, c'est la question à laquelle je me réponds par: «et si tu faisais en sorte de tellement bien vivre du premier coup que tu n'aies pas besoin de souhaiter revivre?» (et donc j'arrête ce billet et je me mets à ma dissert (j'écris mardi 11 novembre 2014, pour mémoire).

    5/ Oui. Pratiquement tout. La seule chose que je ne ferai pas aussi bien qu'eux (et plutôt très mal), c'est économiser. Et je m'en veux de savoir que j'hériterai d'eux plus que je ne lèguerai à mes enfants.

    6/ Brouillée, non. Eloignée, oui.

    7/ Tout le temps. J'estime ne pas avoir fait les mauvais choix une ou deux fois dans ma vie (cf. supra question 4)

    8/ Droite, très droite (équitation plus aviron). Mais sans la rigidité d'une danseuse.

    9/ Oui. J'ai encore rêvé de ma grand-mère cette nuit (morte en juillet 2001. Et ne parlons pas de Jacqueline (morte en novembre 2004) à laquelle je pense à chaque sortie d'aviron, au moins.) 10/ Oui, quand j'avais les cheveux très courts et que j'étais penchée en avant pour ramasser quelque chose dans une boulangerie. Sinon, impossible, j'ai beaucoup trop de formes.

    Nohant - St Cirq Lapopie

    Nous partons un peu tard. Nous passons par Nohant, mais trop tôt en revanche : tout est fermé. Nous allons voir les arbres, les tombes. Je passe un peu de temps dans la librairie où je photographie deux photographies de Nadar (1886): Gabrielle Sand et Aurore Loth Sand.





    Nous allons voir l'église de Vic (et le monument aux morts).

    Nous descendons par le centre de la France, déjeunons à Tulle. Il fait gris, la campagne est belle, mélancolique. Plus nous avançons, plus notre heure d'arrivée s'éloigne. Nous nous perdons, il n'y a plus de connexion pour suivre Waze, nous prenons un piéton sur cinq cent mètres, trempé comme une soupe, il pleut violemment.
    Vers cinq heures, nous abandonnons et reprenons l'autoroute afin d'arriver à l'heure au camping de St Cirq Lapopie où nous avons rendez-vous avec la famille et les mariés.

    Le gîte est le long du Lot, rive gauche, accessible par une route minuscule. C'est loin de tout. Finalement nous sommes presque en avance : les organisateurs ont beaucoup de retard. Les différents cousins ont pris des mobile-homes dans le camping: dommage que nous n'étions pas au courant, nous en aurions fait autant. Tant pis.
    Présentation à la famille de la mariée, je confonds tous les noms et tous les visages. Je suis contente d'être là. J'aurais dû obliger les enfants à venir (mais le coût n'aurait pas été le même).

    Château de La Verrerie

    Nous descendons dans le Lot pour le mariage de mon second cousin. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de les revoir.
    Nous passons chez ma tante près de Bourges. Je suis agréablement surprise, elle est vive et enjouée et paraît en pleine forme. Finalement, j'ose à peine l'écrire, elle vit pour la première fois. Mémé est morte, elle est libre.

    Je n'ai pas osé lui dire que nous dormions à l'hôtel à quelques kilomètres de chez elle. Nous avons réservé une chambre au château de la Verrerie, un vieux rêve lié aux Stuart.
    J'aimerais faire un compte rendu enthousiaste de ce château, mais il me faut être nuancée: c'est un vrai château, des murs épais, de l'ombre, de l'humidité, quelque chose de mélancolique et de triste. Ce n'est pas si facile, cela n'a jamais été facile, de vivre dans un château.
    La chambre est royale, ciel de lit rouge profond plissé, photos de famille au mur, étang devant les fenêtres.





    C'est émouvant et peu confortable. Ça vaut la peine de venir ici dormir une fois pour se faire une idée, savoir si l'on aime ou pas. Certains Anglais semblent adorer et reviennent chaque année.

    Nous allons dîner dans le restaurant à deux pas, minuscule et de très bonne réputation. Tout est excellent, et malheureusement, je ne sais résister au fontainebleau en dessert: j'en aurai une indigestion qui m'empêchera de dormir toute la nuit.

    Leibniz et Genet

    Nouveau professeur. Il commence tout à trac, sans se présenter:
    «Le monde est mauvais. Cette phrase est bizarre, elle n'a pas de sens, car le monde est beau, le monde est merveilleux, le contraire du monde est im-monde. Alors pourquoi…»
    Suit le cours. Le prof plane, décollé du réel, tout ce que j'aime. Pourtant je ne peux m'empêcher de penser que défendre un "meilleur des mondes possibles" est forcément pré-Auschwitz, date forcément d'avant cet écroulement de la confiance que l'homme pouvait se porter à lui-même.
    Et je crois qu'il aurait tout de même fallu évoquer les travaux mathématiques de Leibniz, je vois le meilleur des mondes possibles comme la limite d'une suite tendant vers le meilleur, cela devient très parlant.

    Apparemment, c'est ce professeur qui avait inscrit Karamazov sur notre liste de lectures de l'été car une élève a demandé:
    — Et que peut-on lire à la place de Karamazov?
    — Vous ne voulez pas lire Karamazov? Eh bien… je ne sais pas, lisez Conrad, Au cœur des ténébres ou Lord Jim… Ou alors lisez Jean Genêt… Je pense toujours à lui quand je viens ici, je ralentis devant le 22 rue d'Assas, c'est l'endroit où il est né. Et je vis à deux pas du lieu de sa mort.

    Transparence

    Le financement frauduleux des partis politiques, c'est un peu comme le dopage: tout le monde sait qu'il y en a, mais malheur à qui se fait prendre.

    Les faits: les épreuves sont telles qu'elles seraient inaccomplissables sans dopage; les sommes nécessaires à une campagne telles qu'elles seraient irrassemblables en respectant la loi.

    Arrêter de légiférer et laisser faire ?
    Le problème : les athlètes meurent à quarante ou cinquante ans, ce n'est plus une compétition de sportifs mais de pharmaciens; les décisions politiques ne sont plus fonction de l'intérêt général mais fonction des financeurs de campagne, les partis "libéraux" (économiquement) sont naturellement, de par leurs convictions, favorisés.

    Solutions ? Pistes à explorer ?

    La Voie royale d'André Malraux

    RER A, 6 heures du soir à Châtelet. Ses lunettes étaient d'un rouge sombre dont les reflets s'assortissaient à son sac.


    De Melun à Corbeil

    En ramant. 25 km; j'en ai ramé 21 — à la nage. J'ai mal partout. Je ne comprends pas pourquoi, même à Venise je n'étais pas dans cet état-là — mais je n'étais pas à la nage.





    Je me demande à quoi pense les grands sportifs quand ils ont mal. Mon ex-beauf parlait avec admiration de sa chienne qui «n'avait pas de mental» (moralité il lui a bousillé les cartilages à force de la faire courir avant qu'elle ait fini sa croissance).

    Une chose est certaine, c'est qu'à partit d'un certain niveau d'inconfort, se concentrer sur le corps (genre méditation) est à éviter. Il vaut mieux écouter le bateau que soi-même.

    Les bords de Seine sont magnifiques.

    (Remarque : si vous devez passer le permis remorque, passez-le à Cesson, il paraît qu'il y a là une très bonne auto-école pour cela).

    Dormi en rentrant après avoir mis le réveil à 19 heures pour aller voter. Cela n'aura pas empêché le FN d'être à 25%. Je ne suis pas surprise, c'était prévisible. Vu qui je connais que je pensais parfaitement "normal" qui a viré FN, tout me semble possible.
    Désormais je n'ose plus parler à des inconnus (à la cafétéria, à midi durant le repas au club de Corbeil,…) en partant du principe qu'ils sont forcément anti-extrême-droite, que cela va de soi. Depuis un moment déjà je présuppose l'inverse: qu'ils sont peut-être d'extrême-droite.

    Le grec : c'est fait

    Examen ce matin.

    En fait il n'y a pas vraiment d'enjeu puisque j'ai validé le grec l'année dernière, mais j'aimerais continuer l'année prochaine. Je n'ai pas compris si en troisième année nous traduisions Paul ou la Septante, mais dans les deux cas ce sera plus difficile, car jusqu'ici ma bonne connaissance des évangiles me permettait de pallier mes lacunes.

    Le texte de ce matin était difficile, grammaticalement mais aussi théologiquement: une péricope dans laquelle Jésus recommande de se faire des amis avec de l'argent malhonnêtement gagné. C'est le genre de texte dont le sens est si inattendu que lorsqu'on ne le connaît pas par avance, on se dit qu'on est en train de se tromper dans sa traduction. On n'en croit pas sa grammaire.

    Par ailleurs gros fail l'après-midi, mélange dans des horaires de salles, deux cinémas d'affilé. Nous avons abandonné, sommes rentrés et j'ai dormi.

    Il reste la dissert (de Descartes à Locke) et l'oral de philo (Kant).

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui, petit déjeuner, train de nuit pour Venise !

    2/ Oui, non pour décider que faire, mais pour décider de ne pas faire : en cas de colère, par exemple.

    3/ Oui, depuis mon bac. Une boîte de gâteaux secs entière.

    4/ Oui, très souvent, c'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle j'aime bloguer: peut-être qu'on ne me comprend pas, mais au moins je ne le sais pas, c'est moins frustrant !

    5/ Non, plus maintenant, plus depuis des années, plus depuis que j'ai été très fatiguée (le mot qu'on utiliserait aujourd'hui est: épuisée). Je n'ose pas recommencer. Je redoute de ressentir de nouveau un jour cette fatigue.

    6/ Non.

    7/ Question difficile. Il y a eu les caddies "d'adultes" (avec plus de yaourts que de cacahuètes…).
    Non, sérieusement : le jour où j'ai compris que je devrais un jour m'occuper de mes parents vieux et que je me suis demandée si je serai à la hauteur.
    Ou encore: le jour où je suis montée en chaire à la place de mon père à l'enterrement de sa mère (ma grand-mère) parce qu'il était trop effondré pour parler. J'ai compris que les suivants, c'était mes parents, que nous avions tous avancé d'une place.

    8/ Plutôt oui.

    9/ Seule.

    10/ Non. Mais maintenant que j'ai lu cette question, cela m'arrivera peut-être.

    Candy crush

    Deux hommes d'une cinquantaine d'années bavardent à côté de moi dans le RER.
    — Et ton fils ?
    — Ah, il doit partir en Suède… Tu connais Candy Crush? Eh bien, ils ont trois centres, Barcelone, Londres et Stockholm; il est pris à Stockholm. Il va faire de l'analyse de bases de données. Tu sais, quand tu joues, tout est envoyé à de super-ordinateurs, ils décortiquent comment tu joues pour améliorer le jeu, pour repérer les tricheries… C'est de l'analyse statistique de comportement.



    -------------------------------
    Agenda
    Le soir, dîner avec les drôles de dames de H.

    J'fais c'que j'veux avec mes ch'veux

    Mais en fait c'est pas vrai.

    En 2007, j'ai trouvé un coiffeur qui m'a fait une coupe au carré à partir de laquelle j'ai réussi à me faire pousser les cheveux, ce qui était une première depuis les années 80: j'ai toujours eu, ou j'avais toujours eu, les cheveux très courts (je me suis dit un jour que, hasard ou inconscient, j'avais laissé pousser mes cheveux une fois que mes seins avaient été réduits (la phrase de Tlön ici était drôle car elle intervenait quelques jours avant l'opération et il ne devait me revoir qu'avec des seins plus petits, mais bien sûr, il ne le savait pas (et non, cela ne s'est pas vu, ou très peu, seules une ou deux personnes qui me connaissaient depuis longtemps l'ont remarqué)).

    Depuis, j'ai hésité plusieurs fois à les faire recouper, en partie à cause d'une phrase de "lecteur" qui évoquait cette marque irréversible du vieillissement des femmes, ce moment où « elles coupaient leurs cheveux».

    Mais bast, je ne peux pas me promener éternellement avec une frange, ça finit par ne pas faire très sérieux (depuis quand ai-je envie de faire sérieux? en fait je n'en ai pas spécialement envie, mais je ne veux pas non plus que certains c** se trompent sur mon compte).

    Bref, cela fait plusieurs fois que j'essaie d'obtenir ma tête d'avant, mais rien à faire, je n'y arrive pas. Mon coiffeur n'en fait qu'à sa tête, à lui. Lui demandé-je quelque chose de si différent de la mode actuelle qu'il n'arrive pas à le concevoir? (ce qui expliquerait que tout le monde ait la même tête durant une même décennie) ou mon visage a-t-il tant changé de forme qu'il pense que c'est une mauvaise idée? ou tout simplement en tant que coiffeur préfère-t-il avoir plus de longueurs pour pouvoir travailler?

    J'ai donc tranché dans le vif, et ayant repéré un salon à cinquante mètres du bureau (je ne l'avais pas vu plus tôt depuis deux ans que je suis là), je suis allée me faire couper les cheveux.

    J'ai obtenu plus court que d'habitude, plus rond, mais ce n'est pas encore ça.

    Votez le 25 mai

    - pour lutter contre la montée de l'extrême-droite dans toute l'Europe ;
    - pour élire pour la première fois au suffrage indirect le président de la Commission qui représentera l'Union européenne pour cinq ans (jusqu'ici, le président de la Commission était nommé par les chefs d’Etat européens).

    Procédure :
    - Regardez cette vidéo pour vous faire une idée des candidats au poste de président.
    - Accédez aux listes de votre région et tâchez de trouver pour quel candidat chaque liste s'est engagée (ce n'est pas toujours le plus facile).
    - Votez.

    Un dernier conseil : votez efficace. Les petites listes, c'est amusant, mais les problèmes actuels, c'est l'énergie, le réchauffement climatique et le terrorisme. Amusons-nous ailleurs que dans les urnes.

    Jours de congé pour enfants malades

    H. a découvert que le droit d'Alsace-Moselle prévoyait qu'un salarié s'absentant pendant un court délai ("un temps relativement sans importance") pour une raison indépendante de sa volonté devait être payé; et qu'il n'y avait pas de limite au nombre de ces absences.
    Un avocat consulté a expliqué que les entreprises d'Alsace-Moselle déterminaient une règle de conduite (dans leur règlement intérieur, je suppose) et s'y tenaient (par exemple trois jours par an sans justificatif), quitte à prendre le risque d'un prud'homme de temps en temps.

    La réclamation venait en l'espèce d'une salariée travaillant à 80%, donc absente le mercredi, pour un enfant malade. Elle aurait souhaité s'absenter aussi souvent que "nécessaire".
    Mon fénimisme s'interroge:
    — Mais enfin, l'enfant n'a pas de père?
    — Si.
    — Et il ne travaille pas en Alsace-Moselle?
    — Si.
    — Mais alors, si elle prend un jour, lui un, elle ne travaille pas le mercredi, ça fait une maladie de cinq jours, normalement son gosse est guéri, ou c'est très grave.
    — Oui mais non, son mari ne peut pas s'absenter, paraît-il.

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    En voyant ce matin le numéro de Liaisons sociales, j'ai pensé à elle: voilà la solution à son problème.

    Mais j'ai vite oublié cette pensée sarcastique pour simplement rester émue devant cette très belle disposition de loi qui permet de donner ses jours de RTT à un parent d'enfant gravement malade.
    La proposition de loi prévoit qu'un salarié peut "renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris" au profit d'un collègue, parent d'un enfant de moins de 20 ans "atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité". Les jours "donnés" peuvent être des RTT, des récupérations ou la cinquième semaine de congés payés. Le bénéficiaire garde sa rémunération. Son absence est "assimilée à une période de travail effectif".
    Et en cherchant ce soir quelques renseignements, je tombe sur cet article et j'y reconnais bien ce que je déteste dans la gauche. Plutôt que se réjouir de ce que pourront obtenir quelques-uns, elle proteste parce que tous n'y auront pas accès.
    La gauche, dans sa passion de l'égalité, a totalement perdu la notion de "faire reculer le malheur", partout où c'est possible, dans la mesure du possible, en attendant de faire mieux.

    Ma collègue me racontait qu'elle n'a jamais eu de cadeau de fête des mères: l'instit de maternelle avait trouvé que c'était injuste pour les enfants de divorcés n'étant pas chez leur mère ce jour-là: «Et donc elle a privé tous les enfants pour quelques-uns», concluait-elle.

    Un samedi

    - TG sur Nietzsche

    - Visite du musée Rodin avec Déborah (au bénéfice de Déborah). Double déconvenue : je découvre avec amertume et fatalisme que l'entrée du musée a été adaptée au tourisme de masse, à l'américaine, et qu'une partie du mur d'enceinte a été abattue pour caser une boutique-souvenirs; d'autre part, - La chambre bleue

    Enquête

    Les question sont ici.

    1/ Ah, la tortue dans Le dîner de Babette… Mais non, non. Les livres oui.

    2/ Non.

    3/ Je ne crois pas. Ça ne m'intéresse pas assez et je ne suis pas assez diplomate. Mais par un concours de circonstances, oui, sans doute.

    4/ Trois heures, quatre heures? (C'était une nuit. J'avais ensuite cachée la facture!)

    5/ Peut-être pas "beaucoup". Mais s'il y a une fenêtre, sûr, je regarde par. Besoin de me détendre les yeux, le cerveau; je cherche le bleu, le vert.

    6/ C'est peut-être trop dire. J'effleure la vie associative par instants.

    7/ Oui, sur les pieds, les cuisses, le dos, les marques de l'aviron en train de s'estomper.

    8/ Au moral? En tout cas, je fuis délibérément ceux à qui je ne veux pas ressembler.

    9/ Le bouton !
    Les caractères d'imprimerie.
    La montre.

    10/ Jamais.

    La prisonnière

    Ligne 1 entre 16h et 16h30.





    Je n'ai pas vu ce que la photo a enregistré : en effet mon angle n'était pas le même, je voyais le jeune homme à hauteur de mes yeux tandis que mon téléphone le voyait à hauteur de mon nombril.
    Le livre était l'un des premiers livres de poche.


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    Agenda
    RV avec O. pour un achat de chaussures aux Halles. La famille fait son show (j'ai honte).
    Puis avec C. pour une veste. Nous nous arrêtons au BHV Hommes.
    Déborah nous rejoint.

    Lapin

    Danièle tarde, et pour une fois je n'ai pas de livre. Pour ne pas avoir l'air trop louche à fixer le mur pendant des exercices de méditation, je ferme les yeux.

    Aux remarques du serveur plus tard, j'ai compris qu'il n'avait pas l'habitude de voir dormir ses clients vingt minutes droit sur leur chaise.

    (Danièle est arrivée avec une demi-heure de retard. J'allais passer commande.)

    Il n'y a que deux sujets de dispute dans un couple

    Most disputes and other conversations are about two things: do you care about me, and can I trust you. When you argue about putting the toilet seat down or whether we should go to the in-laws’ for Thanksgiving, it’s only partly about those actual things. What it’s really about is this: I care about the toilet seat (or going to my parents’ house for dinner), so can you show me you care about what I care about? If you ignore the other person’s desires (continually leave the toilet seat up when they ask you not to), then you are signaling you don’t care about what they care about. And what it’s really about is, I’ve given you my heart and opened up to you, so can I trust you with it? Will you reject me?

    La plupart des disputes et autres conversations tournent autour de deux sujets: fais-tu attention à moi et puis-je te faire confiance?
    Quand vous vous disputez à propos de la lunette des WC non rabattue ou de l'opportunité de dîner chez vos beaux-parents pour Thanksgiving, cela n'est que partiellement l'objet de la conversation. Ce qui se joue en réalité est ceci: «la position de la lunette des WC (ou aller chez mes parents pour Thanksgiving) a de l'importance pour moi, alors pourrais-tu me monter que tu fais attention à ce qui est important pour moi?»
    Si vous ignorez continuellement les souhaits de votre conjoint […], vous montrez que vous n'accordez pas d'importance à ce qui est important pour lui. Ce qui se joue en réalité est ceci: «je t'ai ouvert mon cœur et je te l'ai offert, puis-je te faire confiance pour que tu en prennes soin? Vas-tu me rejeter?»

    Tour d'horizon, pas très sérieux et un peu triste

    La fiscalité de l'artisan pêcheur: en fait il faut être pêcheur ET fiscaliste.

    Les bras musclés de la prof de grec: je pensais qu'elle faisait du violoncelle, mais cela doit être à force de porter de gros dictionnaires.

    Nous avons quitté Kant pour Nietzsche.

    Boîter. Plus tu avances moins tu sais.


    Maitre Eolas, série de twitts (140 caractères)
    A une audience 35bis, une grand mère rom de Serbie placée en rétention disait que ces baraques avec barbelés…
    …lui faisait penser aux camps nazis. Protestation du représentants du préfet, colère du président.
    Jusqu'à ce que son avocat lui demande de relever sa manche. 6 chiffres tatoués sur l'avant bras.

    Pas mon jour

    Un syndicaliste m'a fait remarquer que je n'avais pas mon mot à dire en conseil d'administration puisque je n'étais pas élue. Il a raison il a raison il a raison (mais c'est moi qui rédige le procès-verbal, héhé.)

    Mail reçu de FB
    Titre : Quelqu’un a signalé votre photo pour nudité ou pornographie.
    Statut : Cette photo n’a pas été retirée
    Détail : Votre photo a été signalée en raison d’une infraction aux standards de la communauté de Facebook pour nudité et pornographie. Étant donné qu’elle n’enfreint pas ce standard, elle n’a pas été supprimée.

    Quelques explications pour ceux qui ne connaissent pas FB: il est possible de "signaler" (dénoncer) les photos ou commentaires que l'on trouve déplacés ou illégaux (incitation à la haine, à la pédophilie, etc). FB s'est fait connaître pour son obsession anti-seins, qui l'a conduit parfois à mettre hors ligne des groupes de soutien contre le cancer du sein ou pour l'allaitement (sans compter la mise hors ligne de photos de tableaux de grands maîtres).

    Le mail que j'ai reçu indique que quelqu'un a dénoncé ainsi une de mes photos, mais qu'après examen FB n'a rien trouvé à redire à ce que je publiais (le contraire m'eut étonnée). Malveillance, erreur (un clic est vite arrivé)? Je ne sais.

    En arrivant le soir devant ma maison aux volets clos, je réalise que je n'ai pas mes clés. J'attends un instant dans la voiture puis je vais chercher de l'essence (toujours ça de fait) et O. à la gare: lui a ses clés (j'en suis sûre car nous sommes partis en retard ce matin parce qu'il les cherchait). Lorsque nous revenons les volets sont ouverts, C. était à la maison tandis que j'attendais dans la voiture.

    Courances

    La famille qui possède le château a prêté du terrain pour le rassemblement des scouts de l'Essonne (deux mille enfants de 6 à 22 ans).
    J'ai été chargée d'une mission dans la matinée que j'ai acquitée tout de travers, en commençant déjà par arriver en retard (mais moins que l'évêque, donc ce point-là fut sans conséquence).
    Et j'ai pris la pluie en rentrant (trempée comme une soupe sur le trajet du parc à la voiture.)

    Ces rassemblements sont toujours aussi impressionnants d'organisation. Voici une photo d'un hamac vertical. Je ne l'ai pas essayé mais ç'avait l'air pratique pour s'allonger à demi un moment.




    Courances possède de magnifiques jardins irrigués par un système de bassins communicants. Il y a quatorze sources dans le parc.
    (Pas de carte postale, avis à tous ceux à qui j'en "dois" des dizaines: la boutique était fermée. Mais j'ai pensé à vous.)

    Zoologie et botanique

    J'ai téléphoné à A-C, j'ai téléphoné à ma mère.

    Appris à cette occasion que les tortues (terrestres) mangeaient les limaces et les escargots (coquille incluse: «Ça doit être bon pour elles, ça leur apporte du calcium.»
    (Elle a deux jeune tortues terrestres — ce qui est illégal, je crois, l'espèce est protégée. Mais protégées par ma mère, elles ne craignent rien, si ce n'est un excès d'équilibre dans leur régime alimentaire.)

    Fait des beignets d'acacias pour la deuxième fois depuis les débuts de ce blog. Un peu déçue, ils n'étaient pas très parfumés.

    Enquête

    Les questions sont sont ici.

    1/ Non.

    2/ Leur vie ? A fuir. Et pourtant je partage leurs valeurs de vie de travail, d'attentions envers les plus faibles, de règles un peu rigides déterminant "ce qui se doit" et "ce qui ne se doit pas". Mais leur sens du devoir n'a rien d'heureux, de libératoire, il est sous le signe de la tristesse. Un ami disait «nos parents n'ont pas appris à être heureux».

    3/ Oui. C'est la plus chaude, la plus lumineuse. C'est l'endroit le plus agréable pour moi qui n'aime pas les fauteuils mous.

    4/ Non, sauf mon merle préféré.

    5/ Non. Je trouve si bête, si peu convaincant, de leur dire «J'aime beaucoup ce que vous faites», et plus c'est vrai, plus il me semble que c'est indicible.

    6/ Je ne sais pas si c'est la plus ancienne. La mère, la femme de mon oncle, ma grand-mère paternelle, et moi debout. Une photo en noir et blanc, dans l'entrebaîllement d'une porte-fenêtre. Quatorze mois? Sans doute à Orléans, à la Source, dans la chambre d'étudiant de ma mère. Je n'ai compris que très tard, à vingt-trois ans passés, tout ce que pouvait représenter cette photo, cette visite des femmes du côté paternel à ma mère, à propos de qui cette grand-mère avait dit à mon autre grand-mère (la mère de ma mère): «quand on a des filles, on les surveille».

    7/ Je ne sais pas ce que cela veut dire. Rêvasser en fixette pendant deux semaines? (c'est bien cela, "tomber amoureux"?) de temps en temps. Plus, non. Je n'y crois pas assez.
    Je me souviens d'une phrase de César et Rosalie parlant de chaussettes, disant quelque chose comme «ça se termine toujours par repriser les chaussettes»; bref, assurant la prégnance du quotidien sur les sentiments romantiques.

    8/ Non!

    9/ Oui et non: oui, à tout ceux que je croise (par politesse, pas parce que je les connais), mais non, je ne croise pas grand monde.

    10/ Non. Pas d'idée, pas de goût pour le coiffeur (pas de coupe qui doive s'entretenir, la flemme), et un gros épi sur le devant !

    En pointe

    Ramé en pointe, c'est-à-dire avec une seule rame. C'est l'armement traditionnellement réservé aux garçons, il est plus puissant avec une rame qui fait presque un mètre de plus que les pelles de couple.

    Je suis babord : aussi maladroite à tribord que si je n'avais jamais ramé.

    Conduire une hybride

    La nouvelle voiture de H. est une hybride. Boîte automatique, ça me rapelle les Etats-Unis. Mais la différence (de taille) est qu'elle démarre via le moteur électrique, donc silencieusement, et surtout, qu'elle s'arrête silencieusement: non seulement il faut se rappeler qu'une automatique ne peut pas caler, mais en plus, que ce n'est pas parce qu'on ne l'entend pas qu'elle a calé (au feu rouge, par exemple).
    Pour le reste, c'est assez amusant, H. me dit qu'à la longue on se prend au jeu à tenter de ne pas faire redémarrer le moteur à explosion.
    L'autre défi est de ne pas tuer de piéton: ce serait assez facile, car eux non plus ne nous entendent pas.

    Plus tard :
    — Sérieusement, tu veux vraiment un coupé deux places? Parce que cela ne me paraît pas très raisonnable…
    — Oui je sais, avec les enfants… Mais après ce ne sera pas raisonnable à cause de nos parents, et après je serai trop vieille. Mais on peut aussi avoir un cabriolet quatre places en attendant.
    (Je ne lui dis pas que je songe sérieusement à la Volvo C70 (évidemment, pour qu'elle ne soit pas trop chère il faut la prendre vieille et il s'est déjà fichu de moi la dernière fois que je l'ai évoqué en passant: «Ah mais oui, bien sûr, comme la voiture de 1993 commençait à être vieille, j'en ai pris une de 97». Rires des enfants, et il faut bien convenir que ce n'est pas d'une logique extrêmement rigoureuse. Mais il y a dans tout cela des rêves d'Amérique et de road movies, de vieux rêves, qui viennent de loin.)

    --------------------
    Agenda:
    Grec, marché, ris de veau, et sinon vraiment perdu tout mon temps sur FB.
    Pas téléphoné à A-C, pas téléphoné à ma mère, pas répondu à Aline. (Les trois tâches de la journée: fail.)
    A retenir, cette jeune fille en rollers et la roue du futur (je pense).

    Parfois je suis fatiguée

    — Trois mariages en deux mois, c'est pas mal.
    — C'est bizarre, on n'est pourtant pas l'année du dragon.

    WTF ??

    Journée calme

    Jardinage, grec.

    Tandis que je pioche et bêche, j'entends des cris d'enfants dans le jardin d'un voisin. Je n'arrive pas à déterminer s'il s'agit de foot ou si un père fait répéter des katas de karaté…

    Question: si les invités (qui ne nous connaissent pas) de nos voisins (nouveaux venus) se garent devant chez nous, faut-il en déduire que l'aspect de notre jardin laisse à penser que nous sommes bienveillants, ou que nous ne méritons pas que l'on s'inquiète de nous? (Je précise que le trottoir en fasse de chez nous reste vide).

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Rarement. Mon trouble du langage n'est pas celui-ci, mon trouble du langage consiste à ne pas trouver mes mots, à m'interrompre au milieu de la phrase, à sauter d'un sujet à l'autre par associations d'idées (mes proches disent qu'il faut un décodeur pour me suivre), à remplacer un mot par un autre de façon aléatoire ou parce qu'ils ont un son en commun. Mon cerveau fait des sauts, surtout quand je suis fatiguée. Je suppose que ce trouble doit avoir un nom.

    2/ Un peu. Mais je peux m'en passer.

    3/ Une paire de boucles d'oreilles achetée à Mycènes. (Mycènes! Clytemnestre! Agamemnon! Electre, ma préférée!)

    4/ Oui et non. Cela fait partie des livres que je n'ai pas envie d'ouvrir et que je ne sais pas refermer.

    5/ Oui. En cinquième, la prof de biologie voulait relâcher une couleuvre, je lui avais dit que je m'en chargeais. Je l'avais emmenée dans une boîte de polistyrène (! quelle drôle d'idée) que j'avais entrouverte en cours de sport. La couleuvre s'était échappée dans le vestiaire. Je l'avais rattrapée à mains nues pendant que les autres hurlaient et elle m'avait mordue. Pendant deux à trois semaines je m'étais demandé (j'avais attendu) quelle maladie elle avait pu me transmettre.

    6/ Je ne me pose pas cette question car j'ai l'impression que les éloges n'ont pas grand rapport avec moi, mais avec la marotte des gens qui en font: marotte de faire des éloges (par automatisme de manager ou de séducteur), marotte de faire mon éloge (marotte de qui est entiché de moi). Par conséquence je ne prends pas les faiseurs d'éloges suffisamment au sérieux pour juger du bien fondé de leurs compliments.

    7/ Euh. Voyons voir… Un gâteau avec les voisins et un fauteuil à bascule tapissé main.

    8/ Oui hélas. Je n'entends pas le rythme. Je ne peux pas danser, c'est une grande frustration. Ma voisine (voir ci-dessus) qui est prof de claquettes assure que cela s'éduque, mais elle arrive dix ans trop tard. Je ne vais pas me consacrer à ça maintenant, j'ai d'autres priorités.
    Mais parmi mes regrets d'enfant, il y a celui de ne pas avoir pris des cours de rock à douze à quinze ans. J'étais d'une timidité maladive (qui se voyait peu, que je cachais bien, dont peu de gens appréhendent la profondeur aujourd'hui encore) et j'imaginais que tout le monde savait danser sauf moi. Ce n'est que bien plus tard que j'ai compris que tout le monde avait appris en pratiquant, qu'on ne se réveillait pas un matin en sachant danser (sauf quelques génies, comme d'hab).

    9/ Sans doute que oui, mais pas de la manière dont on l'entend habituellement: je me moque d'avoir mauvaise réputation, mais je veux que ce soit justifié! Autrement dit, je n'ai pas envie qu'on m'attribue des choses fausses.
    Les enfants citent à mon propos la chanson de Linda Lemay J'veux pas de visite: «Que les enfants demandent à leur mère "Est-ce-que c'est vrai qu'c'est une sorcière?"».
    Par ailleurs, dans certaines circonstances, je pense à Rhett: «A condition d'avoir suffisamment de courage — ou d'argent— on peut vivre sans réputation.»

    10/ Non!

    Moins de gloire et plus de plaisir

    Un peu de grec, un peu de rangement, et surtout les trois pièces de théâtre données cette année par l'école autour d'Arlequin, en reprenant la tradition de fantaisie de ce théâtre burlesque:

    - Arlequin poli par l’amour de Marivaux : «Quand une femme est fidèle, on l'admire; mais il y a des femmes modestes qui n'ont pas la vanité de vouloir être admirées. Vous êtes de celles- là; moins de gloire, et plus de plaisir; à la bonne heure!»;
    - Arlequin empereur dans la lune d’après Nolant de Fatouville, ou comment marier quatre jeunes filles (avec un clin d'œil aux anciens élèves qui a ravi la salle;
    - Arlequin serviteur de deux maîtres de Goldoni, dans une mise en scène qui n'a pas craint de s'inspirer du plus comtemporain (allons, plus de spoil possible: le pastiche du film Titanic était à mourir de rire (et A. de dire le lendemain au petit déjeuner: «j'ai bien cru qu'ils allaient se retrouver à poil sur scène!» (oui, la salle s'est demandé ce qui se passait, sans y croire, mais en le voyant pourtant).

    Bref, beaucoup ri.

    Devinette

    Quelle est la différence entre une racaille et un scout ?









    La racaille nique ta mère









    Le scout monte ta tænte.

    Nuit

    En terminant vers 23 heures, toujours la petite inquiétude de ne pas pouvoir sortir de l'immeuble.

    L'air sent le printemps au dessus de La Défense et je pense à Buffet froid.

    Remarques en passant

    — Tu ne connais pas Jennifer Aniston !??
    (Exclamation après la bande annonce du film Pas mon genre).
    Mais il connaît Gigi l'amoroso, il cite Comme un ouragan («J'ai essayé de remonter le RER comme un ouragan») et Simon and Garfunkel.
    Drôle d'éducation.

    Aviron. Depuis que nous avons changé d'horaire, qu'il fait jour quand je quitte La Défense, je me rends compte à quel point mon bureau est sombre: j'ai l'impression de sortir d'une cave quand je franchis la porte de l'immeuble. C'est pesant à la longue, et ramer, c'est constituer des provisions de lumière.

    Longue journée

    Et voilà, fini. Pour ceux que ça intéresse, quelques liens, que j'ai sans doute déjà donnés d'ailleurs: le vocabulaire du Nouveau Testament et de la Septante (plus que cela: traductions, tableaux de conjugaison et de déclinaisons, relevé des occurences (grec-anglais)), une traduction que je trouve élégante, la liste des mots les plus courants du NT ainsi qu'un tableau récapitulatif de conjugaison se trouvent ici, et enfin, plus général, du grec classique.

    Pour le reste, j'ai abandonné l'IS pour l'instant pour m'attaquer aux tableaux à remplir avant le 30 avril pour l'ACPR.
    Cet après-midi j'ai planché sur le classement des titres. Notre portefeuille est minuscule, six à huit titres (mais dix millions tout de même), entièrement composé d'OPCVM. Mais il s'agit de s'avoir si elles sont à revenu fixe ou pas, monétaires, diversifiées, par actions, etc. et de les classer selon cette liste que je ne résiste pas à copier/coller partiellement:

    Article R931-10-21 du code de la Sécurité sociale

    A.-Valeurs mobilières et titres assimilés :
    […]

    4° Actions des sociétés d'investissement à capital variable et parts de fonds communs de placement dont l'objet est limité à la gestion d'un portefeuille de valeurs mentionnées aux 1°, 2°, 3° et 3° bis du présent article, dans les conditions fixées par l'article R. 931-10-35 ;

    5° Actions et autres valeurs mobilières, négociées sur un marché reconnu, autres que celles mentionnées aux 4°, 6°, 7°, 10° et 12° ;

    6° Actions des entreprises d'assurance, de réassurance ou de capitalisation ayant leur siège social sur le territoire de l'un des Etats membres de l'OCDE. ;

    7° Actions des entreprises d'assurance, de réassurance ou de capitalisation autres que celles mentionnées au 6° ;

    8° Actions, parts et droits émis par des sociétés commerciales et obligations, titres participatifs et titres subordonnés émis par des sociétés d'assurance mutuelles, des institutions de prévoyance ou des unions d'une institution de prévoyance et des mutuelles, unions et fédérations régies par le code de la mutualité, ayant leur siège social sur le territoire de l'un des Etats membres de l'OCDE, autres que les valeurs visées aux 2°, 3°, 3° bis, 3° ter, 4°, 5°, 6°, 7°, 9° bis, 10° et 12° ;

    9° Parts des fonds communs de placement à risques de l'article L. 214-28 du code monétaire et financier, parts des fonds communs de placement dans l'innovation de l'article L. 214-30 du même code et parts des fonds d'investissement de proximité de l'article L. 214-31 du même code ;

    9° bis Actions des sociétés d'investissement à capital variable et parts de fonds communs de placement des articles L. 214-160 et L. 214-161 du code monétaire et financier, actions ou parts de placements collectifs relevant de l'article L. 214-154 du code monétaire et financier, actions ou parts d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières relevant de l'article L. 214-35 du code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure au 2 août 2003 ;

    9° ter Parts ou actions de fonds professionnels à vocation générale mentionnés à l'article R. 214-190 du code monétaire et financier ;

    9° quater Parts ou actions de fonds de fonds alternatifs mentionnés à l'article R. 214-186 du code monétaire et financier et des placements collectifs mentionnés au III de l'article L. 214-24 du même code ;

    10° Actions des sociétés d'investissement à capital variable et parts des fonds communs de placement, autres que celles mentionnées aux 4° et 9° à 9° quater, dans les conditions fixées par l'article R. 931-10-35 ;

    Les marchés reconnus mentionnés aux 2°, 3°, 3° bis et 5° sont les marchés réglementés des Etats membres de la Communauté européenne ou des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou les marchés de pays tiers membres de l'OCDE en fonctionnement régulier. Les autorités compétentes de ces pays doivent avoir défini les conditions de fonctionnement du marché, d'accès à ce marché et d'admission aux négociations, et imposé le respect d'obligations de déclaration et de transparence.
    Avouons que bien souvent je choisis au jugé et que cela m'amuse. J'ai opéré des choix différents de ceux de l'année dernière pour un ou deux titres (l'année dernière j'étais si en retard que j'avais fini les tableaux à Venise…). En gros, nous sommes en 4 ou en 9 bis. Je parie sur le fait que nous sommes trop petits pour être contrôlés, parce que je m'imagine en train de justifier mes choix: «Alors euh j'ai regardé le code ISIN sur internet, et il m'a semblé que le classement AMF voulait dire que…»

    Fin de week-end

    Samedi matin : recherche frénétique d'analyses médicales dans les papiers empilés dans deux ou trois endroits. Visite médicale de routine pour le plus jeune.
    => au retour, commencé à classer les piles (le truc, c'est que le classement s'accompagne toujours de réorganisation: c'est donc toujours plus long qu'un simple classement).

    Samedi soir: deux épisodes de The Wire qui se déroule à Baltimore. Exactement dans le quartier de Poe, j'en ai peur. Je me souviens exactement de la sensation que nous n'aurions pas dû être là.

    Dimanche matin, aviron; dimanche après-midi je me perds en allant, puis en revenant d'Orsay; puis sieste; puis ici un peu désespérée à regarder des photos de cabriolets d'occasion, à glander sur FB et me demander comment prendre pied dans cette semaine avec la version de grecque non commencée et les papiers à classer étalés (au lieu d'être en pile: c'est plus impressionnant) dans la chambre de ma fille que je squatte durant son absence mais qui doit justement rentrer cette semaine sans que nous ayons réussi à lui faire dire quand…

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui, mais ça n'allait pas très loin et comme je restais impassible cela s'est vite arrêté (à la différence de mon fils qui a pratiquement envoyé à l'hôpital un "petit" (un cinquième lui étant en troisième) qui s'était moqué de son prénom (en fait, il l'a envoyé à l'hôpital, pour examen. L'école a craint que les cervicales ne fussent touchées et a appelé les pompiers. Toute cette histoire était terrifiante (si l'enfant était resté tétraplégique…)).

    2/ Non. (Cf la blague de Dieu répondant à un suppliant: «Je veux bien t'aider, mais joue!»)

    3/ Oui (j'allais ajouter: «bien sûr». C'est le lot de nous tous, n'est-ce pas?)

    4/ Oui. Et le pire est que j'ai le nez sensible, j'éternue très facilement.

    5/ Jamais. Pas assez de sens (direction), pas de fil directeur, pas d'intrigue pour soutenir l'intérêt. (Un film doit raconter quelque chose en deux heures. Cela nécessite un contenu et un rythme très particulier que n'impose pas un roman, par exemple (ici, question 9, votre vie est-elle romanesque).

    6/ Non. Plutôt l'inverse: j'aurais dû adopter le mode baba cool au lycée, jupes longues et patchouli. (Mais j'étais si timide…)

    7/ Régulièrement, régulièrement… Oui, plutôt, entre le sport, les études, Facebook…

    8/ Non. Enfin si, je suis reconnaissante de vivre en démocratie et si cela était menacé, je m'investirais aussitôt (je crois: comment peut-on être sûr de ce qu'on ferait/serait en situation de crise?) Mais aujourd'hui, je vérifie simplement que cela fonctionne très mal dans un cadre qui me convient :-/

    9/ Plutôt oui, mais pas infernal.

    10/ Non. J'avais trop peur d'abîmer mes vêtements et me faire gronder. En réalité, je pense que je n'en aurais pas eu la capacité musculaire. Mais c'était un rêve, tous les héros de tous les livres, eux, grimpaient aux arbres, et j'aurais aimé en faire autant.

    Déclarer l'IS

    Dans la série "le monde ne cesse de m'étonner", j'ai découvert ce soir avant de quitter le bureau que nous devions télétransmettre notre déclaration d'IS (je rappelle que ce n'est que la deuxième année que les mutuelles 45 sont soumises à l'IS de droit commun, d'où mon inexpérience (l'année dernière j'avais mis la liasse sous enveloppe).

    J'ai passé du temps à farfouiller car je ne voyais nulle part l'équivalent de ce que nous saisissons en tant que particulier.
    Et pour cause: les entreprises doivent passer par des intermédiaires dont la liste est donnée (à partir de cette brochure, cliquez sur le lien "Solutions TDFC avec saisie en ligne"). Ça ne coûte pas très cher (entre cinquante et trois cents euros), mais j'ai quand même une impression de rackett: comment ont été choisies ces entreprises qui télétransmettent les déclarations? A qui appartiennent-elles?
    Et pourquoi cette solution? Pour répartir la charge sur des serveurs variés quand tous les comptables se mettront au dernier moment à remplir leur liasse?

    (Ce que j'aime aussi, c'est la copine qui me dit quand je lui parle de mes affres (car je vous raconte la fin, mais il y a eu des étapes): «t'as qu'à donner ça à ton comptable». Oui, enfin, que ce soit donné à n'importe qui, il faut bien qu'à un moment donné quelqu'un fasse le boulot, il ne va pas disparaître en passant de main en main. («Le comptable, c'est moi, je fais tout, sauf le ménage, et encore.»))

    Les Confessions de saint Augustin

    Il s'est assis à côté de moi à la station Etoile dans le RER A vers 9h10. J'ai d'abord cru qu'il lisait Rousseau, mais non, c'était St Augustin.
    Je me suis levée de façon à photographier son visage (à côte de lui, je ne voyais que le livre).


    Tess d'Urberville

    RER D, vers 9 heures. Je ne l'avais pas vue avant de m'asseoir.


    Jardinage

    Lorsque ma mère était venue m'aider à jardiner, elle s'était particulièrement occupée de déterrer les pissenlits en m'expliquant: «Il ne faut pas les laisser monter en graines, sinon il finit par y en avoir partout».
    Je n'avais pas osé lui dire que j'aimais les boules argentées des pissenlits.
    Et maintenant il y en a partout.





    Sinon, la raison pour laquelle nous ne tondons pas la pelouse, ce sont ces petites fleurs, des jacinthes sauvages. Je ne veux pas qu'elles soient coupées avant qu'elles fânent naturellement.





    J'ai découvert un véritable tapis de petits chênes. Je ne sais pas pourquoi il y en a tant cette année. Cela va être un crève-cœur de passer la tondeuse là-dedans.





    Et sinon, tout pousse chez nous. L'érable s'est planté tout seul, je me contente de repousser les branches hors du grillage en attendant qu'il dépasse la clôture.
    Le grand prunier est un mirabellier. Le petit donne des quetsches: nous avons dû jeter un noyau un jour, sans faire attention.


            

    Quotidien

    Une heure et demie de grec, une heure et demie de jardinage. Pris une (grosse) tige du rosier grimpant sur la tête, j'ai mal ce soir. Et le pied n'a pas très bien supporté la station debout si longtemps.
    Soufflé au fromage.

    Agacé ma mère en refusant de partager son angoisse: «Tu t'es occupée de trouver où dormir pour le mariage d'Alexis?» (dans le Lot le 31 mai). Euh non, on verra au dernier moment, peut-être, sans doute. Au pire nous irons dormir un peu plus loin, nous avons une voiture: «parce que tu comprends, c'est vraiment un endroit paumé, et c'est un week-end touristique».
    Un coup de google maps plus tard, il s'avère que c'est à dix kilomètres de Cahors. Mon dieu, mais quelle drama queen.

    Samedi saint

    Un samedi sans TG, sans marché: dormi jusqu'à 11h (11h11?). La grasse matinée est une rareté pour moi. (Je me souviens des enfants petits, quand je me levais avant eux pour avoir quelques minutes pour moi, pour rien, à boire mon thé en écoutant la radio avant que commence la journée, le grand rush pendant lequel il n'y a pas de temps pour penser).

    L'expérience Blocher, parce que c'est le film qui passe à Montgeron. C'est à la fois intéressant et décevant. Il faut dire que l'expérience en question est périlleuse: filmer le chef de file de l'extrême-droite suisse sans parti pris. Mais si l'on ne questionne pas, n'interroge pas, n'est-on pas déjà en train de sympathiser? Et si l'on questionne, interroge, n'est-on pas déjà en train de juger? Comment montrer sans parti pris; est-ce possible; est-ce souhaitable?
    Un film qu'il faut sans doute voir — en sachant qu'il laisse sur sa faim.

    En sortant, je me demande comment Lanzmann aurait traité un tel sujet.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1. C'est une bonne question. Que cela n'arrive jamais ou que l'on en soit débarrassé… Ni l'un ni l'autre, je crois. De fait je subis une sorte de paralysie qui fait que je crois que ça n'arrivera jamais, ce qui me permet de ne plus rien faire et d'arriver non préparée ou mal préparée au jour de l'événement, ce qui ne fait qu'empirer les choses.

    2. Non, sauf les cravates des messieurs (c'est ce qui me permet de savoir si j'ai déjà croisé l'homme en question dans la journée).

    3. Non, hélas. J'en ai trop à lire depuis mes cours. Quand le prochain thème arrive, il faut avancer, abandonner ce qui n'est pas fini.

    4. Les fleuves loin des centres urbains. Les arbres se reflétant dans les fleuves. Les ciels au dessus des fleuves.

    5. Pas vraiment. Une fois. Une grande boucle vers Versailles, à me demander si j'allais revenir à la maison. Le grand devait avoir cinq ans. Une de ces colères si immenses qu'elles sont de la tristesse pure, du désarroi intégral. Mais je ne me souviens de rien d'autre. Une histoire d'anniversaire d'enfants ou de paquet cadeau.

    6. Certains parfums (le parfum de l'huile prodigieuse de Nuxe me fait un bien fou). Les hauts talons. Les bas fantaisie.

    7. Je la trouve un peu trop douce mais elle plaît beaucoup au téléphone. Je regrette de ne pas mieux la comprendre et la maîtriser.

    8. Je n'en sais rien.

    9. Non.

    10. Oui ! J'essaie d'imaginer où je serais, ce que je ferais en ce moment, si internet n'était pas intervenu dans ma vie. En train de mourir d'ennui en tricotant? Est-ce que j'aurais suivi Hervé à Tours? Est-ce que je me serais investi dans le Secours populaire?
    Je ne sais pas.

    Le pied bleu

    Pour ceux qui ne connaissent pas, c'est (presque) le titre d'un album de Lucky Luke.

    Bon, rien à raconter sur cette journée. Je pourrais vous mettre une photo de mon pied jaune violacé, mais il paraît que c'est moche. (C'est moche).

    Donc rien. Je continue Döblin, Voyage en Pologne.

    Ah si : j'ai peut-être fait un coup de p*** à quelqu'un de la boîte: ayant reçu un message de la logistique me disant que ma commande serait honorée entre une et quatre semaines et qu'il était inutile de les relancer durant cet intervalle (c'est surtout cette phrase qui m'a agacée), j'ai fait suivre le message à mon chef en commentant que quatre semaines était envisageable, mais que c'était la limite. J'ai mis l'émetteur du message en copie.
    J'ai reçu un mail dans la journée pour me dire que ma commande était passée.
    Je ne sais pas si je suis contente ou embarrassée. Je ne souhaitais pas spécialement passer devant tout le monde, mais je ne pouvais pas me permettre de prendre du retard. Je ne pensais pas que cela aurait un tel effet.

    Selfie en pied

    Mon pied dégonfle bien, je suis contente de l'évolution. Je porte une attelle (le mot moderne semble être orthèse) ce qui pose quelques problèmes au niveau des chaussures.
    Mais c'est bien, c'est les vacances, il n'y a pas grand monde dans les bureaux et cela me donne un prétexte pour me promener en jean et basketts.

    Sauf évidemment qu'elles commencent à être un peu vieilles (printemps 2002) et que cela commence à se voir.


    Spécialité régionale

    J'ai oublié de transmettre l'info quand je l'ai eue: Niort est la ville des cougars (parole de recruteur qui s'en sert comme argument auprès des jeunes hommes pressentis pour travailler dans les mutuelles niortaises).

    Entorse ou presque

    Tombée dans la rue en allant prendre le RER. Entorse ou quasi. Je passe à la pharmacie à La Défense. Voltarène en compresse autocollante, c'est tout de même fantastique.
    Je boîte si bas que je me laisse convaincre d'aller déclarer un accident de trajet à l'infirmerie (important si je devais être arrêtée plus tard, paraît-il). A quatre heures et demie, radio (les cabinets de radiologie sont toujours aussi désagréables).
    Rien de cassé — je gambade presque de soulagement en sortant.

    Deux heures à tuer en attendant le dîner des anciens : My Sweet Pepper Land. Chic, il est encore possible de faire des westerns (des easterns), avec un shérif, une institutrice, une bande de malfrats locale, des chevaux et des montagnes déchiquetées (je ne me moque pas: ça fait plaisir de voir ressuscité ce genre éculé). Il me semble même avoir détecté un hommage à la musique de Dead Man dans les moments cruciaux.

    Dîner entre anciens Scienses-Po sur le thème de la littérature allemande (sur le principe du bookcrossing, si vous vous souvenez). Les gens ne se donnent même plus la peine de donner le change:
    — Et c'est facile à lire?
    — Ce n'est pas le terme. C'est austère. Moi j'aime bien.
    350 pages. Trop gros. (Il s'agit de Voyage en Pologne de Döblin).
    Sur les six personnes à table, je suis la seule à jouer le jeu (il faut dire que je viens pour ça (les livres), pas pour copiner ou enrichir le sacro-saint "carnet d'adresse") et à repartir avec Remarque en omnibus (les autres ne prennent rien, ne "cross" rien). Je ne lirai sans doute pas les quatre romans — mais un, je vais au moins essayer.

    Oubli

    Quatre jours m'ont suffi pour désapprendre à travailler.
    Vers la fin de la journée, j'ai au téléphone une dame née en 1939 présentant tous les symptômes de Doris (cf. Le Monde de Nemo). Aucune mémoire immédiate, quarante minutes de conversation. Elle comprend, mais elle oublie aussitôt. Je suis désolée de ne vraiment rien pouvoir faire pour l'aider par téléphone. J'essaie de lui faire noter des points de repère, mais elle oublie de regarder sa feuille…

    Nathalie Granger. Mazette. L'absurde sans second degré (ou presque: «Votre machine est une 008». Très tongue in cheek, dans ce cas. Après tout, peut-être que je me trompe complètement). Lorsque je regarde ce genre de film, je ne le regarde pas, j'essaie de reconstituer les spectateurs de l'époque dans la salle (mais bien sûr c'est impossible).

    Lisa va retourner à Berlin dans quelques semaines. Je n'ai pas l'impression qu'elle ait été très heureuse, très à l'aise, en France. Il faut dire qu'elle avait des collégiens en classe.
    J'apprends qu'il y a une cafétéria tout en haut de centre commercial Sonycenter à Berlin, au-dessus du musée du cinéma, et que de là-haut on domine tout Berlin.
    Elle m'apporte un magazine, Fluter, qui est envoyé gratuitement dans le monde entier à toute personne en faisant la demande. C'est un magazine né après la seconde guerre ayant pour ambition d'apprendre la démocratie aux Allemands. C'est un journal d'Etat pour l'éducation politique (en français, ça sonne très soviétique): "Magazin der Bundeszentrale für politische Bildung". Il est très critique envers les excès de la mondialisation.

    Elle lit Le Piéton de Paris de Léon Paul-Fargue (en allemand).

    Chili

    Chili con carne comme au bon vieux temps, il y a presque trente ans. Nous ne voyons pas le temps passer. Beaucoup bu, il faut le reconnaître (enfin, je parle de moi).
    Organisé la semaine prochaine par grosses masses.

    Killing saison 2, suite. Episodes 3 et 4.

    Cuisine

    Deux kilos d'oignons et huit poivrons en petits cubes. Cela prend des heures.

    Capitaine América: j'ai cru retouver le grand inquisiteur: l'idée que les hommes trouvent la liberté trop lourde à porter et sont prêts à l'abandonner contre la sécurité, mixée aux avertissements de Docteur Folamour.
    Cela arrive souvent de retrouver ainsi des transpositions des problématiques de grandes œuvres dans des œuvres grand public. Je suis toujours impressionnée de voir les œuvres américaines poser aussi clairement les questions de fond (manichéen, certes, mais au moins c'est clair): liberté ou terreur? (et ce, sans exposer les avantages de la liberté: en supposant simplement que l'aspiration à la liberté va de soi, ce qui n'est pas faux, mais est-ce si évident pour tous et à tout moment? Pas sûr).
    Pour le reste, le film est plaisant, même si Steve Rogers n'est pas mon type.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1. En voiture ?

    2. Peut-être. Avant j'aurais dit oui. Depuis quatre ou cinq ans je dirais non.

    3. Non. Mais je sais que faire quelque chose de particulier le vendredi soir allonge considérablement le week-end. Mais je ne tire pas de conséquence de ce savoir.

    4. Oui. J'en ai ramené une mug.

    5. Beaucoup, surtout l'hiver pour aller au bureau. J'ai froid. Il faudrait que je me rachète des robes mais j'économise. Le problème principal, ce sont les chaussures: je redoute de rester debout dans le RER sur des talons hauts. C'est très fatigant.

    6. Jamais ! J'ai retenu que nous étions 4% sans la télé (un enfant par classe, c'est courant finalement) et 1% à tricoter dans le métro. Je fais partie des deux.

    7. Un systématique occasionnel: bref, le plus souvent possible.

    8. Très rarement. Deux fois dans une vie, peut-être.

    9. Non, pas vraiment. Il faut être dans le jardin et que le vent soit favorable.

    10. Non, heureusement. Je serais très embarrassée pour eux.

    Ménage

    En fait, il s'agit davantage de tri et de rangement que de ménage. Journée décevante, je n'avance pas aussi vite que je l'espérais.
    Vidé l'armoire et jeté une pile de vieux tee-shirts. C'est toujours la même chose, les souvenirs qui remontent avec chaque vêtement, ce tee-shirt offert par l'ex d'un copain dans une maison aujourd'hui vendue…

    Vers le soir, j'empile ce qui reste au grenier. Il faudra le trier plus tard, et je ne sais pas quand.

    Killing saison 2. Je m'endors, ça ne va pas assez vite.

    Jeudi chômé

    J'ai pris quelques jours de vacances, d'une part pour me remettre de ma fièvre d'il y a deux semaines (je ne sais pas ce que c'était, mais je n'ai pas récupéré. S'y est ajoutée l'heure d'été, je suppose) d'autre part pour ranger la maison.
    Mais en fait, comme j'ai des cours tous les jours à Paris, cela ne m'en laisse guère le temps.

    Rangement le matin. Teinture pour cheveux. Je déteste ça, ça m'ennuie et surtout je crains que cela ne m'empoisonne au sens propre.

    Je vois Lisa. Elle m'amène le programme de la maison Heine. A noter le 1er mai une conférence sur l'Ukraine, le 27 Faye sur Heidegger (ce qui recoupe le cours d'hier). Ce sont des mardis, je ne pourrai pas y aller.

    Nebraska. J'ai rarement vu autant de vieillards dans un film. Sans spoiler, il est possible de dire que d'un certain point de vue ce film illustre que la foi fait advenir les miracles.

    Dernier cours d'allemand théologique. Une fois de plus j'ai découvert combien j'étais ignorante. Parfois je me dis que je serais tout de même beaucoup plus tranquille à ne pas bouger dans un coin plutôt qu'à m'intéresser à ce que je connais pas: car à chaque fois ce sont des pans entiers du réel, totalement inconnus la seconde précédente, qui s'ouvrent devant moi. C'est déstabilisant. (Mais comment parvenons-nous à nous comprendre avec si peu de références communes? ou tant de références non en commun? C'est un miracle que je ne m'explique pas (il y a une citation de Nabokov à ce sujet dans la partie commentaires de Pale Fire: "je voudrais que vous vous étonniez que ce soit compréhensible". (à peu près, de mémoire))1.

    Vélib. J'attends les compagnons de l'Oulipo devant le restaurant en commençant Béton de Thomas Bernhard. Ça a l'air vraiment bien. N'est-ce pas lecteur qui me le conseillait?

    Dîner. Dominique déchaîné parle de cinéma. Je note pour mémoire I want to go home et Week end.

    Ce soir deux mauvaises nouvelles, contradictoires: condamnation de RC, élection de Finkie.





    Note
    1 : ajout du 10 avril 2015 : référence précise ici.

    Mercredi

    Les journées passent trop vite. J'ai passé la voiture entre les rouleaux du lavage automatique et la peinture du coffre est partie. Vingt-et-un ans et trois cent mille kilomètres. Il va falloir se résoudre un jour à lui dire adieu.

    Vu Apprenti gigolo, tout en finesse même lorsqu'il exagère. Ce film tresse plusieurs sujets, la vulnérabilité, la moralité, le fanatisme, la jalousie, l'appartenance («Je n'ai jamais vu cette femme sourire comme ça. Ce n'est pas bien ce que vous faites.») Un sentiment d'inachevé en sortant, mais aussi des pistes de réflexion ouvertes.
    Sinon, Sharon Stone vieillit comme Deneuve (je veux dire que les visages vieillissent par famille, et qu'elles sont de la même). Et Woody Allen présente toujours le même amour de New York.

    Allemand. Nous évoquons Heidegger un instant (à propos de Dasein, que certains traduisent par "être-le-là", que j'entends musicalement "être le la" (notre prof est contre)). En Allemagne il a été très vite reconnu qu'Heidegger avait réellement adhéré à toutes les dimensions du nazisme, alors qu'en France, un groupe s'oppose à cette reconnaissance en remarquant qu'Heidegger n'a jamais tenu de propos antisémites (cf le récent dictionnaire Heidegger de Fédier). Comme cela correspond à ce qu'écrit son élève juif Löwith qui n'a pourtant aucune raison de le ménager (il était un ami de la famille jusqu'en 1933 pour être ensuite ignoré), je demande ce qu'il en est: en fait, Heidegger n'a jamais tenu de propos vulgairement insultants envers les juifs. C'était plus subtil: il soutenait que c'est le Dasein qui fait l'homme, et que le juif n'a pas de Dasein.

    Je rentre en voiture en écoutant les chants écossais de Beethoven. L'émission parle de William Blake et évoque l'un de ses poèmes sur les ramoneurs (des garçons petits qui restaient parfois coincés dans les conduits des cheminées). C'est drôle, je pensais à ce poème justement cet après-midi (un ramoneur sur le quai du RER B). Impossible de me souvenir où je l'ai lu commenté il y a peu.

    Réorganisation

    Matinée à cataloguer les livres achetés ou reçus depuis septembre. Partie en retard, arrivée en grec en retard. Je fais mentalement un plan de rattrapage pour avoir une chance de réussir à avoir la moyenne à l'examen fin mai. Je suis dans le pur bachotage. Cela fait un moment que j'ai décroché, depuis le subjonctif, à peu près (j'ai fait une erreur que je répète régulièrement: j'ai abandonné mon plan de travail parce que j'ai cru trouver une meilleure méthode dans un nouveau livre…: et j'ai donc abandonné mon plan de travail sans adopter la nouvelle méthode (parce qu'évidemment, à la reprendre au début c'était trop facile, donc j'avais l'impression de ne rien apprendre). Cela m'est arrivé très souvent dans le passé, un manque de patience devant des résultats qui ne se concrétisent pas assez rapidement. Cette tentation de trouver une façon d'aller vite sans travailler le fond… Malédiction!)

    La responsable du Cycle C (baccalauréat de théologie en formule "soir" (cycle A pour les étudiants à temps plein en journée)) est venue nous expliquer un réaménagement des huit ans de façon à conserver suffisamment d'élèves dans les cours et les TG. Il s'agit de mailler les promotions N-1, N et N+1 en fonction des cursus:
    On laisse de côté la première et la dernière années qui ont des statuts particuliers. Il reste des années qui vont par deux dont on peut imaginer qu'on puisse suivre indifféremment la 1 ou la 2 en premier :
    parcours biblique 1 et 2
    christologie et ecclésiologie
    agir chrétien et xx (je ne me rappelle plus).

    Normalement nous aurions dû suivre christologie l'année prochaine. Nous allons plutôt rejoindre les élèves de N+1 (actuellement en christologie) pour faire avec eux l'année d'ecclésiologie (en 2014-2015).
    Puis en 2015-2016 nous ferons la christologie avec les élèves de N-1.
    Et rebelote pour les deux années suivantes. Ainsi les cours et TG bénéficieront d'une assistance plus nombreuse. Ce projet nous a été présenté d'un point de vue pédagogique (émulation, dynamique de groupe, connaissance des élèves des différentes promotions) mais nous avons tous compris les économies de professeurs que cela représentait.

    Cours sur Kant avec une nouvelle professeur. Nous l'avions vue en septembre 2012 (oui, 2012), je ne l'aurais pas reconnue. Intéressante, passionnée. Que puis-je connaître, que dois-je faire, en quoi m'est-il permis d'espérer?, soit la vérité, le bien, le bonheur. (J'ai toujours une fascination pour ces formules ramassées, même si je sais bien qu'il faut s'en méfier — trop simplificatrices).

    Déception

    Donc conseil d'administration et approbation des comptes.
    Puis déjeuner avec le big chef RH du groupe. La question posée met en lumière les arbitrages en jeu: sachant que le groupe n'est plus riche, s'il dégage un peu d'argent à distribuer aux salariés, à quel domaine doit-il de préférence l'allouer: la santé, la retraite, la participation, l'intéressement,…?

    Je paie l'IS en ligne avant de partir en congés pour le reste de la semaine et j'ai la désagréable surprise de constater que la feuille de calcul de la CVAE en ligne ne donne pas le même résultat que celui que j'avais obtenu. Je ne comprends pas leur calcul (sachant que la mutuelle bénéficie d'une assiette dérogatoire). Zut, si j'avais su qu'elle existait, j'aurais utilisé cette feuille de calcul dès le début. Sauf que je ne sais pas si elle était accessible avant d'avoir payé l'IS… Bon, je verrai l'année prochaine.

    Je rejoins H. et O. au conservatoire. Examen de second cycle de flûte. O. est déjà passé, son professeur et H. sont confiants.
    Patatras, échec pour la deuxième fois (l'année dernière il l'avait présenté trop tôt, nous savions qu'il avait peu de chances, la déception était moins grande). Les explications du jury sont du type «trop scolaire», mais le professeur de flûte n'est pas convaincu, limite en colère: «ce sont aussi des choix esthétiques».
    Je m'inquiète qu'O. abandonne. A tort finalement, il veut continuer l'année prochaine. Il encaisse bien.

    Dimanche

    "Fun skiff" le matin (comme du skiff, mais un peu plus large). J'en suis ravie. Un instant il a été envisagé que nous sortions en double, mais l'autre rameuse a réussi à trouver une place en yolette. Comme je m'étonnais discrètement auprès d'un entraîneur de cette préférence pour la yolette, il a répondu: «Ah, les loisirs ce n'est pas pareil, ils recherchent la convivialité, le groupe…»
    Je recherche le geste technique parfait. D'ailleurs je suis plutôt contente de moi, je rame aussi vite seule qu'à quatre (il y a un rapport d'efficacité à trouver par rapport au poids du bateau).
    Parcouru 11,97 km, soyons précis.
    En parlant de geste technique, j'ai le plaisir de découvrir que les sorties hivernales m'ont permis de corriger mon défaut: je ne penche plus à babord.
    Maintenant je penche à tribord.
    (Blague à part, ce défaut étant beaucoup plus récent devrait être plus facile à corriger.)

    Après-midi à zoner, à regarder les interminables épisodes de la saison 1 de Killing. Le genre de série où la fin vous donne l'impression d'être sale dans une humanité pourrie.

    Samedi

    TG sur Kant dans la matinée. Sur quoi fonder les vérités transcendantales?

    En attendant H., je passe à la Procure. Je finis par avoir honte de tous les livres que j'achète et me dépêche de payer avant qu'il n'arrive.

    - Jean-Claude Michéa, Les mystères de la gauche. J'aime bien Michéa depuis son livre sur Orwell.
    - Judith Butler, Qu'est-ce qu'une vie bonne?
    - Charles Taylor, Les sources du moi, pour la dissert de philo, en remerciant Compagnon qui me l'a fait connaître.
    - Emmanuel Lévinas, Difficile liberté. Parce que lorsqu'on a un prof lévinassien, il faut au moins citer Lévinas en conclusion, même s'il ne l'a pas donné dans la bibliographie.

    Je retourne voir Dallas Buyers Club avec H. qui veut le voir.
    — Dieu, aide-moi.
    — Mais Il t'aide. J'ai le Sida, papa.
    Plus frappée encore que la première fois par l'illogisme absolu qui consiste d'interdire à des gens condamnés à court terme de prendre des médicaments au prétexte que ceux-ci sont mauvais pour leur santé!

    Encore une robe. Pas celle que je préférais au niveau couleur, mais la mieux au niveau forme. Or il faut toujours choisir la forme.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Les récits sous toutes leurs formes (livres, films, discussions), mais aussi les objets riches d'une histoire.

    2/ Je me voudrais docile (par gentillesse, pour ne pas faire de vagues, ne pas déranger), mais je crois que je suis révoltée. Enfin, imprévisible (même pour moi). Un ami dit «éruptive».

    3/ Oh oui. Ne serait-ce que la façon dont je vais mourir. La façon dont je vais me comporter face à mes parents et mes beaux-parents âgés. La façon dont je vais faire face à tout ce qui s'annonce difficile, exocentrique.

    4/ Dix ans d'équitation derrière mois. Je pense que je monte mieux que je ne pense !

    5/ Non.

    6/ Les précédentes. Pas d'anticipation, qui sait ce que l'avenir nous réserve ?

    7/ Fidèle mais je préfère en changer: je veux dire que je souhaiterais aller toujours chez le même (par cordialité, courtoisie, etc), mais au bout d'un moment il n'arrive plus à vous changer de tête, il vous fait toujours la même. Alors il faut changer de coiffeur.

    8/ Hmm. Plutôt. A vrai dire je ne les écoute pas beaucoup.

    9/ Plus vraiment, je crois. Ou peut-être concernant mon caractère. On me dit tant de mal de moi.

    10 et 11/ Oui et oui.

    12/ Jamais.

    Grrrr !!

    A huit heures du matin, je découvre un mail du CAC qui a annoté minutieusement les deux rapports que j'ai envoyés mardi soir pour relecture et m'annonce benoitement que «ils avaient vu que les chiffres des plus-values latentes ne collaient pas, mais comme cela n'avait pas d'incidence comptable, ils n'avaient rien dit».

    Hem. Certes. Mais cela a une incidence fiscale, les comptes doivent être approuvés en conseil d'administration lundi (le solde de l'IS se paie le 15 avril au plus tard), l'écart aurait pu m'être signalé il y a deux semaines (je me suis trompée de justif, j'ai pointé la valeur des plus-values à fin janvier et non pas fin décembre), et aujourd'hui j'étais en réunion toute l'après-midi. Agaçant.

    Enfin bon, la réunion était avec mon préféré, un homme qui a un charmant défaut de prononciation, il sozote.

    Coïncidence des vécus

    Je vois Hélène à midi, que j'ai rencontrée en Grèce l'été dernier. Je suis souvent surprise du miroir que me tendent les gens: elle se souvient que la première fois que je lui ai parlé, j'ai employé le mot "substrat". Mais dans quel contexte ai-je dit ça, et pourquoi s'en souvient-elle?

    — Et ton mari, il est content d'aller en Grèce cet été?
    Elle me prend par surprise:
    — Euh… je ne sais pas… (J'essaie de dire quelque chose de juste, qui corresponde à ce que je ressens.) Non, je ne sais pas vraiment… Au bout de vingt-six ans, j'ai l'impression de savoir de moins en moins comment il va réagir…
    Elle se met à rire de bon cœur.
    — Mais pourquoi tu ris?
    — C'est tellement rare ta réponse. Les gens veulent toujours avoir une réponse catégorique… Et puis (elle rit de plus belle), rajoute vingt ans, et je ne suis pas plus avancée avec le mien…

    Nous nous regardons, et nous rions de bon cœur, stupéfaites par la complexité de vivre ensemble, et que ce soit possible malgré tout, et d'avoir trouvé une occasion de le dire à quelqu'un qui sache de quoi nous parlons.

    Porte de La Villette

    Du haut du très haut immeuble, je découvre l'immensité verte du cimetière de Pantin. Jean Puyaubert est quelque part là, mais je n'aurai pas le temps d'aller chercher.

    Je passe emprunter des cours polycopiés de Jean Greisch. Je commence le Kant de Jaspers. Quel dommage que la lecture terrifiante d'Hegel m'ait éloignée si longtemps de Kant (je veux dire qu'Hegel m'a tant découragée que je n'ai plus jamais essayé de réellement lire un Allemand). Tard, toujours tout si tard.

    Epuisée, je dors une heure dans la voiture en attendant O. en cours de flûte.

    Trois piliers

    Fin des cours avec ce prof. Dommage, je l'aimais bien. Hume.

    «Il faut vous y faire, en philo, il y a trois piliers: Platon, Descartes, Kant.» (Cela me paraît trop simple pour être honnête. Mais Platon plutôt qu'Aristote, tant mieux.)
    Lui est lévinassien.

    Se comprendre à travers la barrière du langage

    Je décris notre maire à Lisa. Comme je le fais en allemand, je trouve des exemples représentatifs, c'est plus facile pour dépeindre l'homme : «il veut retourner au franc.»

    Il a également promis de doubler le nombre de caméras dans la ville. Commentaire sobre de H. :
    — S'il le fait, nous aurons plus de caméras que la ville de Lyon.

    Je crois que Lisa a compris.

    Il existe un terme pour "milieu défavorisé": bildungfern. Loin de tout appui pédagogique?

    Une heure de moins

    Journée sur FB, qui prouve une fois de plus ses pouvoirs bizarres. Si moi je garde mes amis même si je ne les vois plus et ne leur parle plus (ou grâce à cela?), d'autres parlent jusqu'à devenir des ennemis. A quoi bon tout cela, cela ne rime à rien.

    Une interruption pour aller voir Dans l'ombre de Mary, qui est un film sur l'éciture du film Mary Poppins, ce que je n'avais pas compris. Le générique de fin semble indiquer que l'incoyable revêchitude ou acâriatreté de cette femme n'est pas exagérée par le film. C'est étonnant un film de Disney qui accuse Disney de tous les maux dont les "rebelles" accusent Disney. Une lucidité qui fait elle-même partie d'un plan marketing, diront ces mêmes.

    Et sinon, horaires décalés => journée qui passe trop vite.

    Samedi

    Je continue les emplois du temps. Au moins ça me permet plus tard de retrouver la trace de mes journées. Bizarrement, raconter des anecdotes ne permet plus plus tard de retrouver la trame des jours (je veux dire le contenu réel des heures passées à vivre).

    9h30: marché avec H. (Yipeee! ça n'a l'air de rien, mais des années que je cherche à aller au marché avant midi! (la journée type, c'est plutôt se lever à huit heures et perdre absolument tout son temps dans le nothingness avant de s'apercevoir qu'il est presque midi. je déteste ça. Je déteste ne pas savoir où sont passées les heures de ma vie)).

    10h30: une heure et demie de ménage. Un jour je saurai pourquoi les joints de la salle de bain deviennent rose orangé. Produit pour nettoyer le lave-linge (c'est un concept étrange, ces produits qui servent à entretenir les lave-linge et lave-vaisselle: laver ce qui lave, c'est tout de même bizarre.)

    13h20: j'accompagne O. à l'école de musique et je prends le RER. Je veux voir I am Divine (cela ne passe que dans une salle UGC, il faut se dépêcher) et passer dire bonjour à Patrick Cardon aux Blancs-Manteaux.

    14h15: comme la séance n'est qu'à 14h55, j'erre dans la bibliothèque musicale des Halles et emprunte Béton de Thomas Bernhard.

    14h55: je suis décidément abonnée aux petites salles qu'UGC les Halles a ouvertes récemment (30 à 35). Le film est un documentaire réalisé avec soin. Je suis à la recherche de mon enfance et de ma jeunesse, j'essaie de me souvenir de ce que j'ai pu voir ou entendre, je regrette tout ce que j'aurais pu (j'aurais dû?) connaître si j'avais su. L'homme Divine est très attachant, en tout cas à travers ce film.

    En sortant je passe à la librairie allemande acheter Kritik der reinen Vernunft dont nous devons lire dix pages pour samedi prochain (le prof a tant répété que c'était plus clair, syntaxiquement plus clair, en allemand). De toute façon je n'ai pas grand chose à perdre, et puis le livre est très bien relié et pas cher du tout. (Mes premières recherches hier montrent que le vocabulaire est proche de celui que je vois en allemand théologique.) J'en profite pour acheter le tome V des Harry Potter et un livre pour mon autre nièce qui est en première (c'est sans doute une erreur, perdu d'avance, elle ne lira jamais ça. Mais sait-on jamais? Moi et mon espoir inétouffable quoi que j'en dise…)

    Je passe voir Patrick Cardon, lui achète quelques livres (il est spécialisé dans la réédition de textes anciens sur l'homosexualité).
    (J'ai rencontré Patrick à un colloque sur le kitsch. L'une des bizarreries de la vie (et qui prouve que le monde est petit, etc) est que la co-auteur de ce livre sur l'homosexualité au XVIIIe siècle suit les mêmes cours de théologie que moi (surprise de découvrir que Patrick était notre "ami commun" lorsque nous sommes devenues "amies" sur FB. Comme quoi l'univers catholique est un peu plus bariolé qu'on pourrait le croire au premier abord (plus exactement, plus tolérant, plus ouvert: pour suivre ce cursus de théologie, il faut remplir un dossier, écrire une lettre de motivation et passer un entretien. Les "bizarres", ceux dont on penserait qu'ils ne rentreraient pas dans le cadre (les divorcés, par exemple), ne sont pas rejetés. C'est quelque chose que l'on n'expérimente qu'une fois à l'intérieur: la tolérance, la bienveillance, est grande, ou en tout cas, "trouvable", alors que l'image renvoyée vers l'extérieur est souvent celle de la rigidité.))

    En parlant de petit monde, j'aperçois en arrivant aux Blancs-Manteaux un ancien collègue aujourd'hui à la retraite en train de discuter avec Patrick. Discrètement j'attends qu'il parte, je voudrais lui éviter la crise cardiaque en me voyant embrasser Patrick sur les deux joues. (Mais peut-être qu'il ne m'aurait pas reconnue, ou peut-être qu'il n'aurait pas fait de crise cardiaque: la vérité est que je ne l'appréciais pas beaucoup.)

    En repartant je passe devant La Belle Hortense (librairie-boutique de vin, ce qui est sans doute moins salissant pour les livres que librairie-salon de thé), j'achète une robe, un manteau, un haut (après un véritable sketch pour faire accepter les sommes par les deux cartes bleues. Comme je sais que j'ai l'argent, j'insiste. Nous essayons plusieurs combinaisons jusqu'à parvenir à trouver la solution. Heureusement que j'ai de la participation à débloquer le 15 avril). A travers la vitrine, j'aperçois une blondinette qui est la fille d'Aymeric (elle boude).

    Je rentre en vélib. Je suis fatiguée, les restes du virus. Encore un épisode de The Killing avant de se coucher.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non. J'ai simplement eu envie de faire une galerie de photos de visages de gardiens dans un musée où ils avaient tous des "gueules" extraordinaires.

    2/ Non, j'ai la conviction qu'il faut absolument éviter cela. Au mieux tout paraît beaucoup plus petit, au pire tout est saccagé.

    3/ C'est compliqué. J'ai grandi dans l'idée que comme mes parents attendaient un garçon, mon prénom n'était que le transposé féminin du prénom masculin correspondant.
    Puis à vingt-trois ans j'ai lu mon extrait de naissance intégral et j'ai découvert que pendant quatre mois je m'étais appelée France, qui devait donc être le prénom choisi par ma mère (puisque mon père était absent). Cela m'a paru un prénom féminin très générique, comme Marie (dans mon esprit, le plus absolu des prénoms féminins, le féminissime, c'est Marie).

    4/ Non. Mais j'ai une carte astrologique, dessinée par un supérieur hiérarchique que j'ai eu pendant trois mois.

    5/ Les arrivées. Je ne sais pas partir.

    6/ Non.

    7/ Oui. je me demande même si cela n'a pas été le cas avec mon mari (pas de blog pour le vérifier!)

    8/ Non. Ou oui : la maison était prévue pour être partagée, moitié pour les ouvriers rosiéristes, moitié pour le patron. Elle est restée entière mais présente une certaine symétrie.

    9/ Oui, dans les toilettes du lycée.



    Réponses apportées le 3 janvier 2015.

    C'est toujours ça

    Notre nouveau président du comité d'audit ressemble un peu à Mark Ruffalo.

    Trois tiers

    Un tiers garde-malade, un tiers au bureau, un tiers en allemand.

    Ce soir je suis fatiguée, plus fatiguée qu'hier soir.

    Journée dans les chiffres

    Absence qui tombait très mal. Ayant laissé la fièvre faire son œuvre, j'ai fini par prendre un doliprane vers six heures. Au matin plus de fièvre.

    Journée dans les comptes jusqu'au cou pour préparer le comité d'audit de vendredi (vous aurez compris que je suis en train de faire de vous des experts en gouvernance des mutuelles 45).

    Je calcule le fameux boni de liquidation et j'ai la surprise de voir arriver un mail de la CAC me disant qu'elle ne comprend pas ce que vient faire l'IS dans le calcul.
    Trois possibilités: je n'ai rien compris (ce n'est pas si grave, après tout je ne suis ni comptable, ni fiscaliste, ni juriste, j'ai juste un diplôme vendeur) ou elle n'a rien compris (c'est plus ennuyant, elle est CAC, donc expert-comptable) ou, malgré tout le plus probable, en bonne tête de linotte qu'elle est (elle est plutôt évaporée pour une CAC, mais cela a tendance à me rassurer car je me reconnais dans le profil), elle n'a pas fait attention.

    A suivre.

    Le lendemain

    Et donc le lendemain, je suis malade.

    Journée à lire Une place à prendre, de Rowling. C'est un hasard: à l'origine je l'avais emprunté au cas où cela intéresse quelqu'un à la maison (réponse: non, il est resté deux semaines sur le meuble de l'entrée), lundi midi la bibliothèque du CE était fermée, et comme souvent, je me suis mise à le lire machinalement pendant que je l'avais à la main.

    Je le finis dans la journée. C'est mauvais. Cela pourrait être un mélange de Robert Cormier (les adolescents) et d'Anne Fine (les pires sentiments qui sont en nous), mais sans atteindre l'excellence de ces deux auteurs dans leurs domaines respectifs. Trop de descriptions, trop d'explications, trop de méchanceté. Je me suis demandé si Balzac pouvait donner cette impression à ces contemporains, comment s'en rendre compte? Je ne crois pas, mais serions-nous aveuglés par l'étrangeté des mondes où nous pénétrons, les salons, les intérieurs bourgeois, les femmes de chambre, quels seraient les personnages de Balzac aujourd'hui? Plus ou moins ceux de Rowling, mais qu'en ferait-il?

    "Pourquoi c'est bon?" (Par quoi est-ce bon?) restera la grande interrogation de ma vie. D'où vient cette intuition quasi immédiate?

    L'article 235 ter X du CGI (code général des impôts)

    Préambule comptable : l'un des principes comptables est le "cut-off", qui prévoit de rattacher les charges et les produits (plus ou moins l'équivalent des dépenses et des recettes, pour ceux qui n'ont aucune notion comptable) à l'exercice de leur survenance. C'est ainsi que si vous recevez une facture annuelle qui court du 1er mai N au 30 avril N+1, vous êtes censé calculer prorata temporis la part qui revient à l'année N et celle qui revient à l'année N+1 (en supposant que votre exercice coïncide avec l'année civile) et utiliser des comptes comme "charges constatées d'avance" ou "produits à recevoir".

    Spécificité de l'assurance: en assurance de biens et de santé, l'assureur règle des sinistres et des prestations. Comme à la fin d'un exercice N il n'a pas connaissance de tous les sinistres ou prestations qu'il aura à payer (si vous avez un accident ou une grippe le 31 décembre, l'assureur ne connaîtra le montant qu'il devra débourser qu'en janvier, au mieux) au titre de cet exercice N, il constitue une provision appelée PSAP (provision pour sinistres à payer) qui repose sur une évaluation statistique de ce qu'il devra payer en N+1 pour des sinistres survenus en N.
    Evidemment, comme cela vient en charge, cela diminue le résultat, donc la base imposable. La tentation serait donc de gonfler les PSAP afin de diminuer le résultat et payer moins d'impôts.

    Le législateur dans sa grand sagesse a donc institué "la taxe sur les boni de liquidation": s'il se trouve à la fin de de l'année N+1 (puis N+2, etc, car certains sinistres graves ne sont "clos" que des années plus tard, après consolidation médicale) que vous avez trop provisionné par rapport aux sinistres que vous avez réellement réglés au titre de l'année N, vous êtes en "boni": il y a eu excédent de provision, vous avez trop diminué votre résultat par rapport à votre besoin réel, vous n'avez pas payé tout l'IS (impôt sur les sociétés) que vous auriez dû, vous devez donc acquitter une taxe sur les boni.

    Comme 2012 était la première année où les mutuelles 45 étaient soumises à l'IS, 2013 est la première année où elles sont soumises à la taxe sur les boni — si elles constatent un boni, ce qui est notre cas (pas étonnant vu la tradition "ceinture et bretelles" de la maison, mais passons).

    Je retrousse donc mes manches, cherche la méthode de calcul et la lis une première fois:
    La taxe est assise sur le montant de l'impôt sur les sociétés qui aurait dû être acquitté l'année de la constitution des provisions en l'absence d'excédent. Pour le calcul de cet impôt, les excédents des provisions réintégrés sont diminués, d'une part, d'une franchise égale, pour chaque excédent, à 3 % du montant de celui-ci et des règlements de sinistres effectués au cours de l'exercice par prélèvement sur la provision correspondante, d'autre part, des dotations complémentaires constituées à la clôture du même exercice en vue de faire face à l'aggravation du coût estimé des sinistres advenus au cours d'autres exercices antérieurs. Chaque excédent de provision, après application de la franchise, et chaque dotation complémentaire sont rattachés à l'exercice au titre duquel la provision initiale a été constituée. La taxe est calculée au taux de 0,40 % par mois écoulé depuis la constitution de la provision en faisant abstraction du nombre d'années correspondant au nombre d'exercices au titre desquels il n'était pas dû d'impôt sur les sociétés.

    Article 235 ter X du CGI
    Je l'ai relu une deuxième fois, j'ai souri, et effrayée, j'ai éteint mon ordinateur et je suis rentrée chez moi.

    Tout est perdu, fors l'honneur

    Maire réélu au premier tour avec 77% (mieux que Balkany), sans doute un siège pour "notre" tête de liste.

    Je vous donne une idée de l'ambiance dans le bureau de vote (où toutes les règles ont été scrupuleusement respectées: le résultat n'a rien de frauduleux, il correspond réellement à ce que veulent les habitants): conversation entre l'un des assesseurs titulaires (l'autre c'était moi) et la présidente du bureau :
    — Il va y avoir de l'abstention, c'est sûr. Un ami (un très bon ami, c'était mon témoin à mon mariage) m'a dit qu'il ne voterait pas parce qu'il n'y avait pas de liste FN.

    (Plus tard, cet homme m'a accusée de froideur: il n'y avait aucune discussion possible avec moi (remarquant Les Fables de La Fontaine à portée de ma main, il m'a dit tout à trac (tellement à trac que je n'ai pas compris tout de suite qu'il me parlait): «moi ce que je préfère, c'est "Le Laboureur et ses enfants"». Je lui ai lancé un regard vide et étonné: euh… oui, pourquoi pas, je suis censée répondre quelque chose à ça? (pensant que je n'avais pas de fable préférée, que ma préférée était celle que je lisais pour la première fois).
    Mais de quoi voulait-il que l'on parle, franchement? (En revanche, je peux vous écrire les grandes lignes de sa vie, il nous a raconté ses études, ses enfants, ses lectures (que de la littérature contemporaine, Rouaud,…, mais c'est bien, la lecture, ça détend), son (absence de) régime (mais il a de la chance il ne grossit pas) et sa détestation du sport.))


    Toutes les villes alentour semblent connaître le même sort, une droitisation inquiétante (quand on n'est pas d'accord: sinon, une merveilleuse unanimité, bien entendu).


    J'ai eu très froid et je n'arrive pas à me réchauffer.

    Journée

    - 6h : je continue le §56 et suivants des Prolégomènes. Plus facile ce matin qu'hier soir, trop épuisée. En fait, c'est même plutôt exaltant.

    - 8h : je prends la voiture. 8h10 je m'arrête dans une station essence, achète un bidon d'huile et le vide aussitôt dans le réservoir (d'huile).

    - 9h : trois heures sur Kant. Très intéressant, mais pour une raison que j'ignore le prof ne fait pas de pause et je ne tiens plus la dernière demi-heure. Ce qui est rassurant dans ces textes, ce qui me donne l'impression d'atterrir, toucher le sol, retrouver le sol, c'est que j'y retrouve des intuitions, des choses que j'avais déjà pensées et que je retrouve formalisées, au sens propre: non plus informes et vagues, mais ayant pris une forme.

    - 13h : chez les voisins pour un repas de fin de campagne et la préparation de l'entre-deux tours (s'il y a un deuxième tour: le maire sortant a été élu au premier tour trois mandats de suite). Interruption pour emmener O. au solfège à 13h30, puis aux scouts à 16h (week-end sous la tente, j'espère qu'il ne pleuvra pas trop).

    - 17h30 : fête du printemps au club de ping-pong. Et fête du jubilé du président: cinquante ans de ping.

    - 20h30 : deux épisodes de Killing. C'est lent mais pas désagréable. Ça change des Américains, pas le même style.


    Demain, je suis assesseur titulaire : une journée entière en bureau de vote de 7 heures trente à 23 heures. Ça ne me réjouit pas.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Répondu le dimanche 4 janvier 2015.

    1/ D'abord ma collection de Fantômette, puis celle des "Etalon noir".

    2/ Apprendre.

    3/ Oui, mais généralement on vient avec sa propre lecture…

    4/ J'en ai malheureusement une idée à cause d'une prof de gym qui s'est trompée en m'appelant au collège. La fille avec laquelle elle m'a confondue étant grosse et molle, j'en ai conçue une profonde amertume.

    5/ Aucune idée. Du thé à dix-sept ans, du café bien plus récemment.

    6/ Que j'ai perdu mon temps, le moral aussi fracassé que le bateau découvert coupé en deux (samedi 3 janvier 2015)

    7/ Non. Je sais qu'en hypokhâgne il m'appelait Raven derrière mon dos, à cause de mon imperméable noir.

    8/ A mon bureau.

    9/ L'aviron, normalement.

    10/ Tout ce qui grouille.



    Chez l'esthéticienne

    — Vous avez trois filles ?
    — Oui, ça fait beaucoup de poils !

    Crimée

    Je croise dans le livre de C. Mauriac l'évocation de de Gaulle n'utilisant jamais le nom d'URSS, mais toujours celui de Russie. Je me surprends de plus en plus souvent à utiliser soviétique à la place de russe.

    Cette histoire de Crimée me laisse perplexe. Si vraiment la population est russe à 80% (j'ai entendu 95%), il semble plus logique qu'elle soit rattachée à la Russie, et ma question serait plutôt pourquoi Khrouchtchev l'a-t-il cédée à l'Ukraine (flemme de chercher). D'un autre côté, céder à Poutine est d'une part exaspérant, d'autre part dangereux (omniprésence du souvenir des annexions d'Hitler dans les années 30).

    Cela me rappelle le mari musulman il y a quelques années qui voulait casser son mariage après avoir découvert que l'épousée n'était pas vierge: comment ne pas imposer à la femme de vivre avec ce con sans donner raison au mari? Comment permettre aux habitants de Crimée de vivre dans le pays qu'ils souhaitent sans donner raison à Poutine?

    Peu de choses

    Depuis que le RER a changé ses horaires (interversion des trains traversant Paris avec ceux s'arrêtant à gare de Lyon), j'arrive plus tard à la Défense et je ne peux plus aller à la messe du lundi ou du vendredi. Je tente donc celle du jeudi midi.
    Je n'avais jamais vu cette église (petite, presque une chapelle, la place a été surtout accordée aux lieux de rencontre plus qu'à l'église proprement dite) aussi remplie. Est-ce le midi, le Carême, la conférence qui doit avoir lieu ensuite, qui la remplit ainsi?
    A La Défense, l'assistance est composée majoritairement d'hommes entre trente et soixante ans. Ça change.

    Merveilleuse médiathèque de CE. J'y trouve Le Bal d'Ettore Scola. J'aime beaucoup Ettore Scola. Je voudrais revoir La Famille, aperçu un jour dans un gîte près de Narbonne (juin 2000, j'ai un repère), qui est dans ma mémoire peut-être déformante ce qui approche le plus l'étonnement de vivre dans un monde qui change tandis que nous ne changeons pas et nous nous souvenons de ce monde (de ces états successifs du monde) que nous pensions immuable. Les gens autour de nous considèrent que nous vieillissons, mais la réalité pour nous c'est que c'est eux et les lieux et les techniques qui changent.

    Allemand. Compte non tenu de la langue, le sens du texte m'échappe de plus en plus. Mais qu'est-ce que Thiessen a bien pu vouloir dire? A mêler forme poétique à fond philosophique, on jette le trouble sur toute interprétation: cette formule-ci, faut-il la considérer sur le fond ou supposer que l'auteur a voulu conserver une analogie de forme pour l'euphonie? (Thiessen utilise beaucoup les refrains.)

    Sombre histoire de chaussures de sport (la paire de Neuilly à la poubelle, la paire de Melun disparue, la paire "vie quotidienne" (la seule mettable, les autres étant destroy) restée au bureau (pour remplacer provisoirement la paire de Neuilly, si vous suivez)) qui fait qu'au final j'arrive en salle de sport sans chaussure dans mon sac et rentre à la maison (tant mieux).

    Compensation ratée

    Par politesse, je reste au bureau puisque le CAC est encore là et je rate le cours d'allemand (mais je crois qu'il est resté à cause du calme et de la tranquillité, et qu'il ne s'est pas aperçu que j'étais restée pour lui).

    Qu'importe, me dis-je, je vais rentrer chez moi plus tôt et aller voir Monuments Men qui passe dans ma ville.
    Eh bien, j'avais beau savoir que Clooney est un mauvais réalisateur, c'est tout de même très mauvais. Au début j'ai cru au croisement inattendu de La grande vadrouille et d'Ocean eleven (le syndrome "on est une bande de potes on fait un film") à la sauce américaine, mais c'est vraiment très vide et très lent.
    Je me demande quel est le but de ce film. Une visée pédagogique à l'usage des jeunes Américains, afin qu'ils aient vu deux ou trois tableaux dans leur vie?

    Fatigue

    Encore du quatre sans barreur : trois fois d'affilé, Noël!

    Pensées: au dégagé, renvoyer les mains, deueux troiois quaatre, descendre la main droite (babord) pour éviter de plumer, en faire autant à tribord pour éviter que le bateau ne penche, préparer sa pelle tribord de façon à la plonger sans mettre la main au fond du bateau, ce qui évite de surcompenser en relevant la main une fois dans l'eau (défaut identifié par Stéphane), appuyer sur les deux jambes en sentant la poussée se propager cuisses mollets talons (talons ou pointes de pieds? j'essaie les deux, d'un coup à l'autre), penser à tirer la main tribord horizontalement comme on ouvre un tiroir, ne pas plumer babord, et c'est reparti pour le coup suivant, deueux troiois quaatre, "recovery" disent les Anglais pour le "retour" qu'il faut ralentir sans buter sur l'avant de la coulisse en fin de course…
    ou:
    tenter de se détendre, regarder autour de soi, les arbres, les cormorans, oublier que l'on rame, espérer que le corps va savoir, instinctivement, si on l'oublie (et ce n'est pas si faux)
    ou:
    tenter l'exercice zen qui consiste à se dissoudre, ne plus faire qu'un avec la nage en cessant de penser.

    En tout cas, j'avais tort la semaine dernière d'accuser le vin de ma faiblesse: c'est l'aviron qui me rend comateuse. Il faudrait que je change de jour pour ramer, mais quand? Pas le lundi, pas le mercredi. Le jeudi je fais normalement de la salle le soir en attendant O. Le vendredi? Le problème du vendredi, c'est que si je me rate, il ne reste plus de jours à la semaine pour compenser.

    Le CAC est jeune, j'en profite pour l'informer et le former, lui montrer la réalité qui se cache derrière ses demandes scolaires. "Matérialiser les contrôles": oui, mettre un grigri en bas de pages qu'on ne lit pas. J'essaie de lui rappeler les finalités de ces contrôles (efficacité et lutte contre la fraude). J'espère que cela lui permettra de poser des questions sensées dans ses missions suivantes (je rêve (ce n'est pas qu'il soit bête, mais c'est qu'il n'est pas payé pour ça. Son boulot est de dérouler une liste de contrôles, de suivre une procédure.))

    La philosophie de Pascal. Le moi haïssable et le même moi appelé à la grandeur.

    Marie-Laure devrait me donner une méthode de calcul de la taxe sur les boni de liquidation. Ça y est, j'ai enfin un "réseau professionnel"! (Activer son réseau, ça me fait toujours doucement rigoler.)

    Je ne rate plus mon train car je vais gare de Lyon en Vélib.

    Journée morne

    CAC (commissaires aux comptes). Mon préféré n'est plus là.

    Pour mémoire : pic de pollution, circulation alternée.

    Lisa. J'explique la petite couronne et le "grand Paris".
    J'explique la campagne des municipales (Wahlkampf, combat du choix, campagne pour le choix?).
    Elle m'explique en allemand qu'elle aime les panneaux électoraux français: en Allemagne, l'affichage n'est pas réglementé et les affiches sont partout.
    Elle s'étonne que le vote pour les municipales ait lieu partout en France le même jour, ce n'est pas le cas en Allemagne.
    Je lui donne le programme des films sur Berlin au forum des images.

    Dimanche

    Ramé à la nage du quatre barré (pour la première fois au commande de la barre au pied). Ça tangue moins que la semaine dernière, mais je me demande si ce n'est pas comme dans les voitures: les passagers seraient moins secoués à l'avant qu'à l'arrière…
    J'ai accepté de participer à une randonnée au Bugey en septembre prochain — bien que j'avais décidé de ne plus participer à ce genre d'aventure: il leur manquait un rameur, je ne sais pas dire non (je ne souhaite pas dire non — quelque chose de superstitieux: si on me demande, c'est qu'il y a peut-être quelque chose qui m'attend). Je verrai bien si je m'intègre mieux à Melun qu'à Neuilly.

    Dormi. Dix minutes avant le repas, cinquante après, j'ai mal aux épaules et aux cuisses, depuis que C. m'a parlé de micro-déchirures des muscles, je crois pouvoir dire que je suis "déchirée". Ce que je ne comprends pas, c'est que ces impressions ne diminuent pas: je m'entraîne trop ou pas assez? (trop pas assez souvent?)

    Fini de tailler l'herbe de la pampa, largement éclairci le rosier grimpant qui n'a pas beaucoup fleuri l'année dernière. Je n'ai pas fini. Une heure et demie de jardinage par semaine… Allons, c'est mieux que rien.

    Le soir, encore des bricoles. Je n'en finis plus du quotidien (et que raconter ici?): couvrir le Clausewitz, la grammaire grecque, envelopper le cadeau pour Emma, changer les draps, préparer mon sac, choisir de ne pas emmener les affaires d'aviron, etc, etc. Résister à la frustration de n'en voir jamais la fin.

    Je lis Aimer de Gaulle.

    Paris

    Matin : visite guidée des jardins du Palais Royal en traversant la galerie Vérot-Daudat (le café du coin servait au tournage des Maigret) et en terminant par la place des Victoires. Nous apprenons qu'il est de tradition que les directeur et anciens directeurs de la Banque de France aient un appartement dans les arcades du Palais Royal.
    Je repère un chapeau orange que je reviens acheter après.

    Après-midi: Dallas Buyers Club. McConaughey est transformé, méconnaissable. Très bon film. Ce n'est qu'après que je découvre qu'il s'agit du réalisateur de C.R.A.Z.Y.

    En sortant, longue errance dans le quartier Montorgueil. Je cherche une fringue pour l'anniversaire (14 ans) de ma filleule. Je n'ai pas l'habitude et rien ne me plaît (sachant que ce qui compte pour elle, c'est l'étiquette. Le fait que ce soit moi qui offre compte aussi.) Je continue à pied rue de Turbigo, rue des Francs-Bourgeois, rue des Rosiers, désormais il fait nuit, des boutiques ont déjà fermé.
    Je trouverai in extremis mon bonheur au "Temps des cerises": je m'étais arrêtée lire sur la façade la plaque rendant hommage aux victimes de "l'attentat de la rue des Rosiers" (du moins c'est ainsi que je l'ai identifié: ce n'était pas sur la plaque, puisqu'elle est rue des Rosiers…)

    Je rentre épuisée par ce shopping mais personne n'a remarqué mon retard: H. travaille à la campagne des municipales.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Répondu le dimanche 4 janvier 2015.

    1/ De tous : la voiture, la brosse à cheveux, etc.

    2/ Non.

    3/ Oui, pour penser que ce blog disparaîtra dès qu'on cessera de payer l'abonnement.

    4/ Un marathonien, sans hésitation.

    5/ Oui, je suis curieuse.

    6/ Non, au grand désespoir de ma tante.

    7/ Oui. J'aime beaucoup Rome ou Venise pour cela.

    8/ Normalement non, mais c'est toujours possible.

    9/ Non, je ne crois pas. Mais je crois qu'au cours d'une même nuit, un rêve revient si je n'y ai pas accordé suffisamment d'importance (il me semble que cela arrive, car il me semble avoir plusieurs versions d'un même rêve au réveil. Mais comment être sûre?)

    10/ Moins souvent qu'avant : il y en a plus et ils sont plus lourds. Mais cela arrive.

    L'ANI (accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l'emploi)

    Colloque de deux jours pour "les mutuelles à taille humaine". L'inscription était si peu chère (120 euros) que je me suis demandée où était l'arnaque.
    En fait ce n'est pas une arnaque mais un montage promotionnel, une banque, un gestionnaire de produits financiers, un réassureur, etc, qui viennent faire connaître leurs produits.

    "L'ANI" signé l'été dernier prévoit que toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, devront souscrire un contrat de santé collectif pour couvrir leurs salariés (autrement dit, devront fournir une mutuelle — obligatoire le plus souvent — à leurs salariés).

    Un dispositif dit "ANI" existait déjà avant, il désignait le fait qu'un ex-salarié pouvait rester couvert par la mutuelle de son employeur dans les mêmes conditions que lorsqu'il était salarié (c'est-à-dire au même tarif, souvent très bas du fait de la participation de l'employeur) pour une durée ne pouvant dépasser neuf mois.
    Ce dispositif est étendu à partir de 2014: il devient gratuit pour celui qui quitte l'entreprise (ce qui veut dire que le coût est mutualisé pour ceux qui restent, ne vous faites pas d'illusion: rien n'est jamais gratuit, le coût est juste réparti différemment) qui peut être couvert jusqu'à un an tant qu'il touche des allocations chômage.

    Pour une mutuelle d'entreprise comme la mienne, une mutuelle "captive", cela a surtout des impacts sur l'équilibre financier: quel sera le coût de la couverture de ces personnes couvertes gratuitement, vont-elles beaucoup consommer, de combien faudra-t-il augmenter les cotisations pour financer les prestations de ces personnes qui ne paient pas? (Ce fut une grande partie des calculs de juillet puis décembre dernier).

    Ce que je n'avais pas compris, c'est que cet accord signe à plus ou moins court terme la mort des mutuelles 45: comme l'a résumé un intervenant, la clientèle "historique" des mutuelles 45, c'est-à-dire les individuels (les particuliers non couverts par une mutuelle d'entreprise) va fondre, il ne va rester que les indépendants, les retraités, les chômeurs et les étudiants.
    Il va donc falloir se lancer sur le marché des collectives (comprendre: «le marché des entreprises» (c'est un marché assez différent puisque vous ne connaissez pas la personne que vous assurez, c'est l'entreprise pour qui elle travaille qui est votre cliente)). Mais sur ce marché, les mutuelles 45 vont se trouver en concurrence avec de très grosses sociétés comme Axa, Generali, etc.

    Un bavard

    Le thème de la soirée était le Goncourt des lycéens. J'avais choisi Canines d'Anne Wiazemsky, pour rester dans la famille Mauriac, et j'y avais ajouté, parce que cela me paraissait léger, Penthésilée de Kleist traduit par Gracq, de toute beauté (le montage de la pièce est le sujet du livre d'Anne Wiazemsky).

    La disposition du restaurant était ainsi faite que je me suis retrouvée à une petite table avec un vieux monsieur. J'ai pensé à Paul, et je me suis dit que la preuve que je vieillissais était que les vieux messieurs rajeunissaient: Paul était de 1921, celui-ci de 1939.

    Il a été extrêmement volubile durant toute la soirée, regrettant le désengagement des jeunes face à la politique (l'abstention grandissante), s'insurgeant contre ceux autour de lui toujours en train de dénigrer la France et voulant me prouver qu'au contraire la France attirait les jeunes, etc, etc.(N'allez pas croire, j'aime bien les bavards quand ils sont intéressants, on grapille toujours des renseignements ou des anecdotes, et puis ils m'évitent de trop parler ou de faire des gaffes.)

    Je suis repartie avec un livre de Carole Martinez, Du domaine des Murmures, par politesse, sans avoir vraiment l'intention de le lire.
    Et puis je l'ai ouvert dans le RER.

    Erreur

    Ce n'était pas une bonne idée de voire un verre de vin avant mes cours — après avoir ramé le midi et presque rien mangé. Je me suis sentie mal toute la soirée.

    Le présent et le médio-passif des verbes en -mi (il n'y en a que cinq —et leurs composés— utilisés dans le Nouveau Testament). «La semaine prochaine nous verrons le futur; c'est très facile, et la semaine d'après l'aoriste, c'est une horreur.»
    635 mots représentent 87 % du NT. Dans un sens c'est décevant (quelle pauvreté) dans un autre c'est encourageant (il devient tout à fait possible d'apprendre cela par cœur).

    Kaos

    J'ai vu ce film il y a trente ans ou presque. J'ai attendu de le revoir toutes ses années, pensant qu'il y aurait, qu'il y aurait forcément, une rétrospective Taviani au Reflet un jour ou l'autre.
    Las.
    Il est désormais disponible en DVD, depuis 2006, et je ne le savais pas. Mais quand le paysage est l'un des héros principaux, il faut la salle de cinéma, il n'y a qu'elle pour donner de l'espace à l'espace.

    «Je suis né dans le chaos, non métaphoriquement, mais réellement, près d'une forêt qui s'appelle ..., ce qui veut dire chaos.»

    Impressions non triées. L'ouverture, les œufs dénichés, le corbeau moqué parce qu'il couve, le corbeau bombardé avec ses œufs faisant remonter Lacoon (cherchant des images de tragédies italiennes, ne trouvant que de la tragédies antique grecque ou classique française), le paysage râpé et la silhouette des femmes, taille serrée et jupe longue me ramenant à Sergio Leone, parenté évidente soudain des paysages et personnages de Sergio Leone (le début d'Il était une fois dans l'Ouest), la vie longue et le malheur et la cruauté et la compassion, le Pasolini de l'Evangile de Matthieu, y a-t-il une compassion spécifiquement italienne, peut-être est-ce pour cela que Tabucchi est si proche du Portugal (la saudad), et les yeux des morts, et Pirandello.

    Je me souvenais de ce film en noir et blanc, il est éblouissant de lumière sur fond jaune, blanc et bleu.

    Dimanche

    Ramé en quatre sur un bassin magnifique. Beaucoup de problèmes d'équilibre dans le bateau, y a-t-il d'autres sports où l'on ait soudain l'impression de ne rien savoir, de ne rien avoir appris, que tout a été inutile, et que tout ne sert à rien?
    Le problème, c'est que nous ramons trop souvent en yolette. Nous prenons l'habitude de la facilité, et tout retour à un bateau exigeant nous montre notre absence de progrès — je n'écris pas régression pour me laisser une lueur d'espoir.
    Mais soleil et gentillesse.

    Marché, une et demie de sieste, une heure et demie de jardinage (maudits escargots qui dévorent mes hortensias — vivement que nous ayons à nouveau des hérissons (ils nous avaient débarrassé des limaces) — je crois qu'il y a une taupe — j'ai mis cinq escargots en bordure de clôture de deux voisins — taillé la moitié de l'herbe de la pampa ), Un été à Osage City, un peu trop de situations sordides pour une seule famille (mais je crois que ce que l'on me reproche, c'est à peu près ce qu'on reproche à Barbara).

    Divine surprise

    Premier TG de philo ce matin. Je pensais avoir la même prof que l'année dernière, et par exception aujourd'hui, pour des raisons d'absence, une autre professeur ayant officié l'année dernière et s'étant fait violemment détestée par son groupe (un homme pondéré avait ainsi écrit sur la feuille d'évaluation de cette professeur: «Nous avons tous compris que Mme X. n'avait pas besoin de préparer les TG tant notre niveau était bas et que cela la dérangeait de se lever pour venir nous faire cours […]». (Plus tard quand je lui en ai reparlé, il m'a avoué que finalement il n'avait pas rendu la feuille rédigée en ces termes).
    J'allais donc en TG avec un peu d'appréhension.

    Je m'étais trompée, je n'avais pas compris et mal écouté: je change de groupe donc de prof cette année, ce qui fait que du même coup j'ai échappé à la remplaçante redoutée! Alleluia! Le professeur de cette année est mille fois plus intéressant que celui de l'année dernière; décidément la philosophie n'est intéressante que lorsqu'elle ressemble à une longue conversation, chaleureuse, malicieuse, tourmentée, sombre, vivante.

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    Agenda
    Acheté une robe et des chaussures orange. Regardé des chapeaux. Ai fait réactivé ma carte vélib qui n'était plus disponible depuis mon changement de carte Navigo.
    Only Lovers Left Alive. Film lent, envoûtant. Jarmush réussit le tour de force de maintenir une tension narrative dans un récit (une diégèse) languissant. Triste, calme, nostalgique, engagé. Beaucoup d'amour pour les livres, la musique, la nature. Oui, beaucoup d'amour dans ce film.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Des posters de chevaux. En terminale j'ai tout enlevé. Il n'y a plus rien eu.

    2/ Oui.

    3/ Oui. En particulier une de L'Homme de Rio: «Quelle aventure!»
    Sinon Les Tontons flingueurs, Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages, Shreck I et II, etc. Grosse culture geek à la maison.

    4/ Non, je n'aime pas. Hélas je cède à la tentation de temps en temps, plus pour le plaisir de mettre les autres mal à l'aise que par réelles convictions. Bref, des agissements de peste, il faut que j'arrête (résolution 2015).

    5/ Il me semble que oui, un peu plus qu'avant. Mais ce sont des situations dangereuses, je risque d'exploser à tout moment (encore durant les journées passées chez ma mère à Noël : failli hurler devant le visage fermé de ma sœur, je ne supporte pas cette façon délibérée de refuser la joie. Je n'ai rien dit mais je suis partie au plus vite.)

    6/ Euh… intellectuelle et spirituelle. Immatérielle, I presume.

    7/ Rarement

    8/ Septembre octobre s'il fait beau. La lumière est merveilleuse.

    9/ Oui, cela aurait fait 25 ans en décembre dernier.

    10/ Sans doute. Il me semble que durant mes années Sciences-Po tout le monde croyait que je sortais avec Patrick.



    Répondu le dimanche 4 janvier 2015.

    Aura moderne

    La lumière qui émanait du visage de la femme assise sur le siège en face de moi en diagonale n'était pas dû, comme je l'ai cru tout d'abord, au reflet de sa magnifique écharpe rose sur sa peau, mais, je l'ai découvert plus tard, à la lumière de l'iPad qu'elle lisait.

    Coups bas : apprentissage

    H. est sur la liste des municipales. C'est la deuxième fois. Le but serait d'obtenir qu'il y ait un second tour, notre maire étant élu au premier tour en réalisant le deuxième meilleur score de France après Balkany (je ne sais plus si ce classement est celui de 2009 ou de 2004). (Mais l'abstention est grande: élu au premier tour, mais avec 48% des personnes inscrites sur les listes, et non 75%, comme aime à le dire le maire).

    Petit à petit nous apprenons les trucs et astuces.

    Première démarche à accomplir: aller au commissariat déclarer un vol d'un lot d'affiches électorales. En effet, certains adversaires s'amusent à décoller des affiches adverses pour les coller ailleurs qu'aux endroits prévus par la loi pour ensuite se plaindre du non respect de la loi électorale (avec des conséquences différentes au cas par cas, visiblement).

    Ensuite, il faut posséder à fond le code électoral, soit afin de faire commettre un faux pas à l'adversaire, soit reconnaître ses faux pas.

    Exemple du premier cas : faire commettre un faux pas à l'adversaire.
    Ceci est un extrait d'un mail que nous a envoyé vendredi dernier "notre" chef de liste:
    «Ces derniers jours ont été focalisés sur le fait de finir de compléter notre liste *** pour la déposer en Préfecture cet après-midi. Nous avons évité 2 personnes, employés de mairie (qui le cachaient), envoyés par le maire en place afin de rendre nulle notre liste. Car un employé de la ville du lieu de l'élection n'a pas le droit d'être candidat sous peine de faire invalider la liste!»

    (Citons pour mémoire les intimidations du maire en place pour éviter que certaines personnes nous rejoignent, la non-reconduite d'un entraîneur de foot en CDD, etc.)

    Exemple du second cas : repérer les faux pas de l'adversaire.
    Extrait de mail reçu ce matin:
    «Le maire a organisé une conférence à la salle de spectacle du *** demain soir à 18h sur l'exposition ***. Or, en période pré-électorale, soit dans l'année qui précède l'élection (et les 6 mois), le maire de peut communiquer que sur les évènements habituels de la mairie. Il a interdiction de parler d'évènement exceptionnel. Or l'exposition "internationale" est "exceptionnelle" au sens du code électorale. J'ai donc porté réclamation à la Commission nationale des comptes de campagne avec un risque pour lui d'invalidation de ses comptes et même une annulation de l'élection en cas de score serré. En parallèle, j'ai également informé la Préfecture qui est garante du bon fonctionnement des élections. Un huissier est prévu d'intervenir demain soir afin d'en faire le constat. […] J'ai également écrit au Maire afin de l'informer de mes démarches et de lui signifier notre présence avec un huissier.»

    Ambiance… On se demande comment les deux équipes pourront ensuite travailler ensemble au conseil municipal.

    Descartes

    Toujours en philo, au lycée, en Deug, au centre Sèvres, Descartes est le rocher, le point de départ, celui que l'on ne contourne pas mais auquel on s'arrime (en philosophie antique il n'y a pas une telle unanimité : hésitation entre Platon et Aristote).

    Il reste qu'en lisant les Méditations métaphysiques (je doute de tout, mais pas de moi qui doute, car même si je suis trompé par un mauvais génie, il faut bien qu'il y ait quelqu'un à tromper, etc (j'en suis à la troisième)), la question qui me taraude à chaque fois que je recommence la philosophie revient en force: pourquoi les hommes philosophent-ils? Pour accéder à la vérité? Mais à quoi bon une vérité qui n'accroît ni le bonheur (ce qui me rend heureux) ni la bonté (le bien que j'apporte autour de moi)?

    Et puis cette "vérité" me paraît manquer d'envergure. Jamais il ne me serait venu à l'idée de dire que deux plus trois fait cinq est "vrai". Je dis: «c'est juste». Juste: es stimmt, cela résiste à la vérification (on laisse ici de côté l'aspect conventionnel des mots: ce qu'on appelle deux et ce qu'on appelle trois). Ce qui valide que ce soit juste, exact, c'est que lorsque j'utilise ce résultat comme fondement d'autres raisonnements, j'arrive de proche en proche à quelque chose qui coïncide avec la réalité: si deux et trois ne faisait pas cinq, les Portugais n'auraient pas pu cartographier le monde et nous n'aurions pas atteint la lune, nous serions passés à côté.
    C'est juste. De là à dire que c'est vrai… Ce n'est pas à ce genre de domaine que j'applique le mot de vrai. (Ici il faudrait que je réfléchisse. J'essaie. Processing.)

    J'ai découvert récemment quelque chose qui doit paraître évident à tout le monde, je suppose: qu'à un mot correspond plusieurs contraires, que le contraire du noir n'est pas le blanc mais toutes les autres couleurs. Quelle est le contraire de la vérité? l'erreur, le mensonge, la fiction? l'erreur manque la vérité de façon involontaire, c'est sans doute le plus difficile à déceler et corriger; le mensonge sait où se trouve la vérité, mais veut tromper: le pire d'un point de vue moral, mais moins grave que l'erreur du point de vue de la Vérité; quant à la fiction, elle est ailleurs, d'un certain point de vue, elle est toujours vraie, une licorne n'est pas fausse, ce n'est ni un mensonge, ni une erreur, simplement elle n'existe pas, vous n'en rencontrerez pas (ou vous pouvez comme Russel soutenir que que jusqu'ici nous n'en avons pas rencontrée), mais cela n'a aucune importance tant que vous n'utilisez pas la licorne comme fondement concret de vos actions quotidiennes (non pas l'idée de la licorne pour vous donner du cœur à l'ouvrage, mais le besoin de crins de licorne pour jouer du violon).

    Je me souviens avoir été déçue en commençant à lire Le discours de la méthode, quand j'ai découvert que ce qui me paraissait le plus intéressant, le plus digne d'intérêt, c'est-à-dire la mise au jour des principes qui permettraient de conduire sa vie droitement en toute occasion, avait été repoussé à plus tard: trop difficile, je laisse tomber pour l'instant, dit Descartes qui conseille de se conduire comme tout le monde et de ne pas faire de vagues (ce qui n'empêche pas d'avoir ses doutes): quelle déception. C'est cette partie-là qui m'intéressait.
    Peut-être est-ce celle-ci qu'il faut appeler, ou qui s'appelle, "sagesse".

    Donc question suivante: différence entre philosophie et sagesse? (non, les philosophes ne sont pas sages (ici pensée pour La philosophie comme manière de vivre: cela a sans doute été une ambition au début), du moins pas tous, du moins l'un n'implique pas l'autre: cela peut se trouver, mais il n'y a pas de lien de causalité entre l'un et l'autre, philosopher ne rend pas sage, c'est-à-dire apte à vivre sagement, heureux (pour soi) et bon (pour les autres).)
    Alors, pourquoi les hommes s'obstinent-ils à philosopher?

    Deux ans

    Cette fois-ci, j'ai perdu mon pass navigo qui avait deux ans et un mois. La carte a glissé de son armature en plastique qui ne la retenait plus. Trois cartes en vingt ans (ai-je encore quelque part une carte orange à coupon annuel? Il me semble que oui, il faudra que je la photographie quand je tomberai dessus), celle-ci fait augmenter la durée de vie des deux autres.

    «Vous allez avoir la nouvelle carte dessinée par Philippe Stark» m'annonce tout content l'agent RATP plutôt beau gosse dans le genre boule à zéro.
    Ou comment être à la pointe d'un progrès dont on ignorait l'existence.

    Melun

    Retournée à Melun pour la première fois depuis longtemps. Je suis profondément touchée par l'accueil qui m'est fait là-bas, j'y trouve une douceur dont je me demande si elle est due à l'éloignement de Paris; si c'est la Défense, l'environnement de travail ou de classe sociale, qui fait qu'à Neuilly, tout est imperceptiblement agressif, dans des rapports de pouvoir, de positionnement, dans la comparaison permanente…
    Est-ce que j'exagère? (non, je ne crois pas. Mais peut-être y suis-je plus sensible que d'autres.)
    Mais à quoi cela est-il dû?

    Sur l'eau. Toujours de nouveau l'émerveillement. Mais comment vit-on sans connaître ça, l'union de l'eau et du ciel entre les arbres?

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    Agenda
    - Je regarde Limitless pour endiguer mon laisser-aller. J'adore le moment où ayant pris une drogue qui déculpe ses facultés mentales, le héros… range son appartement! (Bon, pour endiguer mon laisser-aller, je ne me suis pas juste zonée devant un film de plus, j'ai pris les récurrents travaux de couture, boutons, ourlets qui se défont, accrocs, etc.)
    - Passage impromptu des beaux-parents. Je ne préviens pas H. parti en réunion pré-électorale, afin de ne pas l'obiger à choisir entre sa réunion et ses parents. Mes beaux-parents font des choix qui me paraissent toujours un peu étranges, comme prendre un hôtel à Courbevoie pour faire des courses dans un magasin d'usine alors qu'ils habitent près de Châlons.
    - Je télécharge le plus ancien des Wes Anderson sur l'Apple TV. Assez ennuyant durant les vingt premières minutes que j'ai regardées. (Tête brûlée. C'est drôle d'y rencontre Owen Wilson que je viens de voir dans la bande annonce de Minuit à Paris précédant Limitless. Ce n'est pourtant pas un acteur si courant).

    Deux fois Wes Anderson

    Nous sommes retournés voir en famille The grand Budapest Hotel (je dis retourner car j'y étais allée mercredi avec Patrick (d'ailleurs j'en profite pour lui dire deux mots du début : un écrivain, le premier narrateur, nous explique qu'il est inutile pour un écrivain d'avoir de l'imagination: dès qu'il est su qu'il raconte des histoires, les gens lui apportent leurs histoires.)

    Film beau, au sens premier: beauté des images, des décors, des costumes, des paysages, des hommes, de la jeune fille.

    Film drôle, ludique, allègre, Tex Avery ou Charlot dans un pays imaginaire, Zembla ou Zubrouwska ou Caronie.

    Histoire simple, un amour, un meurtre, un héritage, une évasion, mais tout cela très vivement mené, avec de nombreux rebondissements, à la fois logiques et imprévisibles.

    Une merveilleuse utilisation de la musique et de la poésie, une caméra fixe quand les sujets traversent (souvent) l'écran de gauche à droite et de droite à gauche, une image en travelling quand le déplacement traverse l'écran verticalement.

    Et puis, devant la brochette d'acteurs de ce film, on se dit que ce doit être une joie de travailler avec Wes Anderson, que tous doivent lui dire oui, même pour un tout petit rôle.



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    Agenda
    Passé à la Fnac. Didier Goux sur les tables. Acheté Pereira prétend (pour le prêter), Mathématiques congolaises, L'art du zen et du tir à l'arc.
    Fait l'erreur de nous éloigner des Halles pour dîner dans une brasserie =>rentrés bien trop tard, fatigués, une partie du bénéfice de la joie emmagasinée évaporée.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Répondu le dimanche 4 janvier 2015.

    1/ Non.

    2/ Non.

    3/ Un ficus, un scindapsus aureus (je viens de faire une recherche Google) et ma pseudo-bru m'a offert un mini-poinsettia à Noël (il faut que j'ajoute à mes résolutions de ne pas le faire mourir!)

    4/ Non : je ne suis jamais coiffée comme je le souhaiterais, et je ne sais pas ce que je souhaite.

    5/ Non.

    6/ Oui. C'est un don et une chance.

    7/ Les deux. Si je suis chez moi, j'y reste, si je suis sur les routes, j'y resterais volontiers.

    8/ Je crois, oui.

    9/ Pas à ma connaissance. Trépigner du pied en faisant trembler tous le sièges de la rangée?

    10/ Je crois que oui ! (smiley)



    Répondu le dimanche 4 janvier 2015.

    Neuf kilomètres de Velib

    J'ai pris le Vélib à Neuilly pour rejoindre le relieur dans le 18e. J'ai suivi les boulevards depuis la porte Maillot jusqu'à la rue de la Jonquière, observant le changement rapide de la population — du peuplement — des bords des boulevards (pensée pour un Langelot en passant devant les entrepôts des décors de l'Opéra: il me semble bien que dans un cas un camion s'y cache.)

    J'ai récupéré les Fables de La Fontaine que j'ai fait relier en maroquin noir pour en faire le frère des Lettres de mon moulin achetées il y a un an à Mulhouse.
    Si je vais à l'hôpital, pensez à me laisser ces deux livres.

    Par ailleurs, je suis dépitée d'avoir oublié Le Maître et Marguerite au bureau. Je voulais le faire relier. Il faudra que je revienne spécialement, et ce n'est pas si facile car c'est hors de mes parcours habituels.

    Décision

    En choisissant le prochain livre que je vais faire relier, j'ouvre Carl Schmitt: «Est souverain celui qui décide de l'exception».

    Je décide aussi sec d'accorder sa dérogation à l'ancien salarié qui nous a écrit une belle lettre.

    Doctrine de l'Eglise sur le suicide

    L'enterrement du suicidé a lieu demain, près de B**.

    — C'est à l'église, je me demande comment ils ont obtenu ça.
    — Tu sais, l'Eglise a quand même évolué sur le sujet. Par contre, tout est possible concernant le prêtre: Pascal m'a raconté une horreur dans de telles circonstances, un sermon terrible qui avait anéanti les parents.
    — Ah oui, genre Breaking the Waves… ?
    — Si tu veux… Bref, tout est possible, comme d'habitude, le pire comme le meilleur.



    Et comme j'écris cela plusieurs jours après, je peux dire que le prêtre a été "formidable" (sic).

    Rentrée

    J'arrive tard au bureau (je me suis rendormie après avoir arrêté le réveil — cela ne m'arrive jamais). J'ai oublié mes clés, ma collègue ne revient que demain; en attendant que le pompier de service m'ouvre (il est sur un autre site, c'est les vacances, nous sommes en sous-effectif (je me in petto que c'est le moment de faire brûler un bâtiment), je m'installe dans un bureau vide avec le courrier de vendredi à ouvrir: combien de lettres, deux cents, cinq cents? L'aspect artisanal de tout cela est ridicule, mais je sais qu'il me manquera, de par sa désuétude même: adieu à un temps qui n'est plus de notre temps (tout cela devrait disparaître cette année: adieu les chèques, vive les prélèvements!). J'ouvre les lettres, les trie (six tas) en écoutant les podcasts de Thomas Römer (oui, la modernité a quelques avantages): histoire de l'épouse qui se fait passer pour une sœur, la seule histoire racontée trois fois dans le Pentateuque.

    Au passage, je remarque un titre (je suis allée chercher la référence dans la bibliographie): Volkserzählungen aus Palästina, récits rassemblés par Schmidt et Kahle (si vous voulez écouter l'histoire tirée de ce recueil, allez à 44 mn 25. C'est très Mille et une Nuits/Borgès).

    Message sur mon répondeur depuis jeudi: quarante deux.

    Ida.
    Je rachète un paquet de cigarettes en sortant, le premier depuis plus d'un an, je pense. Pas grave, je ne le finirai pas.
    Je lis Harry Potter und die Kammer des Schreckens. Il me manque beaucoup de vocabulaire.

    Mrs Dalloway - 2

    RER D, vers 9h30. Un deuxième étudiant. Il commençait tout juste le livre et fronçait les sourcils.


    Week-end

    Week-end très difficile. Epuisement nerveux. Un suicide dans une toute petite équipe entraîne un très fort sentiment de culpabilité en chacun.

    O. est rentré du ski cette nuit. Il était dans une chambrée où chacun essayait de démontrer qu'il connaissait la cité la plus dangereuse. Comme l'a exprimé pudiquement O., «nous n'avons pas le même bagage culturel».

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Puisque je réponds le 11 janvier 2015, la réponse est oui: j'en ai reçue une à Noël. J'ai perdu la précédente je ne sais où, à l'automne 2014, et cela m'a profondément affectée. C'était une montre achetée à Hervé en 1989 pour laquelle nous nous étions endettés. (En fait, il ne l'a pratiquement jamais portée, elle n'était pas "son genre", mais comme nous ne sortions pas ensemble depuis longtemps, je suppose qu'il n'avait pas voulu le dire. Bref, j'ai décidé de porter cette montre en avril dernier (avril 2014) après avoir perdu celle que mon père m'avait donnée en 1986 (mais pourquoi perds-je mes montres?))

    2/ Les photographies d'Edouard Levé.

    3/ Non. La peau du coccyx quand je fais de l'ergonomètre !

    4/ Quelques-unes à la main, beaucoup au clavier. Quand je suis très fatiguée, mon écriture se décompose ("m'est" pour "mais", "tant" pour "temps", et des trucs bizarres que je ne comprends pas le lendemain.)

    5/ Oui. Enfin, des gens qui me détestent (sont-ce des ennemis?)

    6/ La neige et la nuit.

    7/ Non. J'ai du bon sens, ça peut servir à l'occasion.

    8/ Je profite du manque de piquant !

    9/ Oui ! Trop courtes !

    10/ Version originale le plus souvent.

    Affaire Vanneste

    Rendez-vous à la librairie allemande. Ajourni, Harry Potter tome 2, un livre sur les verbes, un autre sur les mots du monde moderne (les jeunes sont appelés "génération pratique", c'est amusant cet écart avec nos analyses françaises). Comment devenir allemand, écrit par un Anglais. Décidément, même sans colonie, les Anglais continuent d'adorer ne pas être chez eux et écrire sur le monde.

    J'avais posé une journée de congé pour aller au tribunal («— Tu sais quelle chambre c'est? — La même que d'habitude, celle de Flaubert ou Baudelaire.» Et je m'émerveille de tant de constance à travers les années.)

    Nous avons pris un café dans l'un des cafés les mieux protégés de la capitale,…





    …tant et si bien que nous avons failli ne pas pouvoir entrer dans la salle — comble, mais avec un peu d'obstination nous avons pu nous y installer, pour découvrir que la première affaire jugée était une plainte contre les propos de Vanneste.
    (Le début de l'audience a été pertubé par un incident à la fois comique et désagréable, assez confus pour l'assistance: apparemment il n'y avait pas de partie civile dans cette plainte, mais au dernier moment un homme a voulu que son association soit reconnue partie civile alors qu'il n'avait pas respecté les règles et délais pour ce faire, il a fini par être emmené hors de la salle par des policiers tandis que la présidente lui disait: «Ce sont les mêmes règles qu'hier, vous n'allez pas interrompre le tribunal tous les jours», à quoi l'homme a répondu quelque chose qui accusait la juiverie internationale de l'empêcher de parler: qu'est-ce que ce singe?)

    A suivi l'exposé des faits reprochés à Vanneste, avec projection d'une vidéo sur Youtube.
    Franchement, j'ose le dire parce que j'espère être à l'abri de toute accusation d'indulgence envers les homophobes, cette accusation ne tient pas la route. Je crois que le combat de certains homosexuels finit par ressembler au combat de certaines féministes: à protester contre tout et n'importe quoi, il perd de sa force, de son impact, il émousse notre capacité de mobilisation pour les vraies causes, en tout premier lieu celles qui mettent en jeu la violence physique.

    Pour résumer à peu près, Vanneste a donné une interview (ou fait une déclaration?) sur une chaîne Youtube (je crois) disant à peu près que les homosexuels sont narcissiques, qu'ils n'ont pas d'enfants et un double revenu (dinkies, double income no kids) ce qui les amènent à progresser vite dans les organigrammes, d'où leur omniprésence médiatique et politique, ce qui leur permet d'influencer (sournoisement?) la pensée du public. Or les citoyens ont besoin de dirigeants politiques qui leur ressemblent et qui aient les mêmes problèmes qu'eux (sous-entendu, pas d'homos riches sans enfants et sans problème).

    Entendre cela dans une salle de tribunal, avec tout le décorum, le silence, la mise en scène, adéquats, ne fait que faire ressortir davantage le ridicule des propos. Porter plainte contre ça? Mais cela mérite un éclat de rire! D'ailleurs l'avocat lui-même a commencé par dire qu'il connaissait des hétéros très narcissiques (ou citait-il Anatrella? je ne sais plus). Et amenez-moi un dirigeant politique hétéro ayant les mêmes problèmes que moi! Quand on sait la tête qu'ils font dans le métro, quand je pense à Ségolène Royal rallongeant avec un mois de préavis les vacances de la Toussaint, bousculant ainsi l'équilibre de familles ayant soigneusement calculé comment faire garder les enfants pendant les vacances…

    Incitation à la haine contre les homosexuels? Non, je ne le crois pas. Ceux qui haïssent les homos n'ont pas besoin de ça, c'est déjà trop raffiné, les autres vont juste secouer la tête, rire ou hausser les épaules. (Et aujourd'hui, dire qu'il n'y a qu'à donner la GPA aux homos, comme ça ils auront des enfants, problem solved, Vanneste sera content!)

    Enfin bref.
    Nous étions au tribunal pour assister au procès de RC, je mettrai un lien quand j'aurai écrit quelques mots sur le sujet. En attendant il y a le compte rendu de L'Express, qui rend bien compte de l'ambiance dans la salle.


    (Pour info, la buvette a fermé en avril 2014.)

    Dîner

    — Ce soir, je dîne avec des copines.
    — Quoi? des blogueuses?
    — Non.
    — Des rameuses?
    — Non.
    — Des oulipiennes?
    — Non.

    Et c'est vrai que je n'ai pas de copines, je n'ai que des copains. Je suis très misogyne, j'en ai peur.

    J'avais organisé un dîner avec trois amies rencontrées en Grèce, mais finalement ce fut un tête-à-tête, très intéressant, avec quelqu'un que je connaissais à peine:
    — Un soir, je ne suis pas rentrée chez moi.

    C'est impressionnant, comme déclaration. Elle raconte la lassitude de la vie conjugale, le mari pessimiste et bougon, insupportable: «il a arrêté de voir son psy car je crois que celui-ci lui a dit qu'il n'avait pas entièrement raison!»
    Maintenant elle fait des études de théologie (je plaisante, il n'y a aucun enchaînement logique), mais pas chez les dominicains, chez les jésuites.
    Elle me cite des choses que j'ai dites cet été. Je ne les renie pas, mais je suis soufflée: décidément, je parle beaucoup trop (mais en fait, quelle importance? au moins je ne trompe pas les gens sur mon compte.))

    A minuit passé, je rentre de la gare à pied, ma voiture n'ayant plus de batterie. Fatiguée (j'ai ramé à midi). Comme une môme, j'escalade les clôtures pour rentrer plus vite chez moi.

    Emotions contradictoires

    Appris un suicide, une mort, et une future naissance. Ai pu recommander (pour le suicide en entreprise) psya dont on m'avait expliqué l'intérêt le matin même (prendre en charge les équipes secouées par la nouvelle).

    (Comment le dire sans que cela sonne cyniquement: la naissance concerne des amis proches, tandis que je ne connais pas les morts directement, ce sont des amis ou des connaissances d'amis (je le note ainsi pour que les lecteurs qui me connaissent IRL ne s'inquiètent pas).)

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    Agenda
    J'ai demandé la différence entre les protestants orthodoxes et les protestants libéraux. La scission date du XVIIe ou XVIIIe siècle à peu près. Les premiers lisent la Bible à travers Calvin et Luther, les deuxièmes accordent davantage de place à la modernité, à la culture, à la politique. Les premiers sont appelés en Allemagne "alte reformierte kirche", en France protestants évangéliques (traduction d'"evangelischen Kirche", à ne pas confondre avec "evangelikaner Kirche" (et je me demande si les traductions des journaux font toujours la différence)) et les seconds protestants libéraux.
    Karl Barth était un "néo orthodoxe", un libéral ayant redonné toute sa place à l'Ecriture, en récusant le politique et le culturel.

    A. est rentrée d'Angleterre. Pluie dans les rues de Brighton mais pas d'inondation. Ferry retardé deux jours pour cause de tempête.

    Dans mon sac:
    - Fantômette et le trésor du pharaon que je lis machinalement en rentrant pour me détendre
    - Langelot et l'avion détourné
    - La terrasse de Malagar
    , de Claude Mauriac, que j'aurais dû terminé dans la journée
    - The Importance of Being Earnest and others plays de Wilde
    - Discours de la méthode que je pensais entreprendre à la fin de la Terrasse
    - L'islam que j'aime, l'islam qui m'inquiète de Christian Delorme, qu'on m'a rendu.

    Les Grandes Ondes (à l'ouest)

    A l'ouest? Comme dans "être à l'ouest"? En tout cas, si ce n'est pas le cas, ç'aurait pu l'être.

    Ce n'est pas un "grand" film, donc impossible de dire que c'est formidable, merveilleux, etc. Mais c'est drôle, joyeux, entraînant, avec une bonne dose d'absurdité qui représente malgré tout une certaine sagesse, vue de loin, en reculant pour avoir une vision d'ensemble. C'est un bon pastiche 2010 des années 70, quelque chose qui m'a fait penser au Jean Yann de Tout le monde il est beau, en moins caustique, plus farfelu. La bande-annonce est représentative.

    La Suisse, le Portugal, la drague, les seins nus (cela pour X qui se reconnaîtra), Marcel Pagnol, le mini-bus Volkswagen, le nagra, la révolution.

    La fin évoque en voix off les révolutions actuelles (il s'agit des protestations contre les conséquences économiques de la crise), et c'est une cruelle ironie d'apprendre ce soir justement les morts à Kiev (six morts durant la révolution des œillets au Portugal en avril 1974).


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    Vu Lisa au forum des Images. Il y aura un festival de films sur Berlin à partir du 1er mars.

    Photos de charme

    Peu de choses aujourd'hui. Il ne faut jamais, JAMAIS, écrire à ses clients. J'ai répondu au téléphone, à des questions idiotes (des questions qui n'en étaient pas), une grande partie de la journée. («— Sur le papier il y a écrit qu'il faut payer en deux chèques. Est-ce qu'il faut payer en deux chèques? — oui.» Silence. Je ne dis plus rien. «Ah. Ah bon. Excusez-moi de vous avoir dérangée.») Je deviens folle comme une vache exaspérée par des moucherons. (Et je suis seule, ma collègue est en vacances).

    Alors pour ne pas rester sur cette note morose je vous propose deux photos de mes archives, prises il me semble sur le boulevard Saint Germain en juin dernier, alors que nous efforcions d'arriver à la librairie polonaise avant l'heure de fermeture.




    Départ en colonie

    Samedi : je m'y suis prise si tard pour réserver cette semaine de ski que le départ ne s'effectue pas en train, mais en bus, ce qui m'inquiète beaucoup (le nombre d'accidents de bus… et l'accident de Beaune, jamais oublié (heureusement que j'ai ce blog, parce que je ne veux pas parler de mon angoisse autour de moi)).

    Mais comme j'écris cela dimanche (en regardant Wasabi, ce qui n'aide pas à la concentration), je sais qu'Olivier est arrivé. Il ne reste plus que le retour.

    Après les péripéties des dernières semaines, je n'ai plus confiance en rien et je vérifie tout: la taille de la combinaison, le nombre de chaussettes, les slips, la crème solaire… Pire que l'année dernière puisque je repère plusieurs vêtements non marqués: apparemment, l'année dernière je l'avais laissé faire sa valise sans rien vérifier (mais l'année dernière c'était des vacances quasi familiales, avec le CE de la boîte: toujours les mêmes enfants et les mêmes accompagnateurs, pas grand risque de perdre grand chose. Cette année c'est différent: UCPA).
    Je marque les gants avec des étiquettes tissées à l'ancienne (j'y ai toujours été attachée, j'ai passé des heures (des nuits) à coudre ces étiquettes au long des années, y compris sur les paires de chaussettes et les slips. Sans doute à psychanalyser: le soin du linge comme marque d'un amour qui ne peut réussir à se verbaliser (et si je m'étends ce soir, c'est sans doute que c'est plus ou moins la dernière fois que je couds ces étiquettes)) en regardant un film un peu déprimant, About Schmidt.

    Bus porte Bagnolet, à minuit. Nous rentrons, et je termine la soirée en usant mon inquiétude en regardant Le dernier roi d'Ecosse, coloré et fascinant.

    Engouement pour La Rabouilleuse

    Deux matins de suite dans le RER A : le 12 février en Pléiade, le 13 en folio chiffonné.


            

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non.

    2/ Non.

    3/ Mieux qu'avant. Comme je prévois de moins en moins, peu de choses sont "prévues", donc il y a moins d'imprévus.

    4/ Oui. On vieillit, ma pauvre dame.

    5/ Je le pense tout le temps. Je fais attention après deux, pour ne pas obtenir trois, attention en faisant le contraire d'attention: en me reposant, en me détendant, en essayant de changer l'atmosphère. La tension entraîne les incidents, les incidents sont signes qu'il faut se détendre, souffler, se reposer. (Dans les assurances, on sait que quelqu'un qui vient de divorcer ou devenir veuf aura probablement un accident de voiture. Ce n'est pas qu'il n'a pas de chance, c'est que le chagrin ou la fatigue rende distrait.)

    6/ Parfois, mais pas aussitôt, plutôt cinq ou six mois plus tard, à l'occasion d'une remarque qu'elle fait.

    7/ Non. Pas fait de puzzle depuis mon bac (je me suis rabattue sur le point de croix!)

    8/ Je crois que oui. En tout cas, je sens mes joues chauffer, sans savoir si elles deviennent rouges. En cas de grande émotion (colère ou timidité), je rougis du décoleté.

    9/ Non. Je ne crois pas que je vais gagner, donc à quoi bon ?

    10/ Mon chapeau orange !

    L'anniversaires de Gilles

    Mais enfin, Gilles ne peut pas avoir cinquante ans, nous avons à peu près le même âge!

    Ah mais euh, oui, finalement, peut-être…

    Cohérent

    J'aime dans l'apprentissage des langues les mots, les notions, qui n'ont pas d'équivalent d'une langue à l'autre.

    La prof protestante n'a pas su traduire spontanément "Magistère" (sous-entendu de l'Eglise catholique tel que défini dans Dei Verbum §10). L'étudiante allemande non plus. Cette notion ne leur sert pas souvent, je suppose.

    (Bon, je n'ai pas le courage d'expliquer, mais c'est plutôt amusant.)

    L'accident

    Après les péripéties des deux derniers retours en RER (je vous épargne et ne raconte pas tout), afin de ne pas tuer un innocent agent de la SNCF (et c'est vrai qu'ils sont innocents, je le sais bien), j'ai décidé ce soir de prendre un vélib.
    C'était la bonne solution: je suis arrivée gare de Lyon avec dix minutes d'avance.
    Et pourtant, j'en avais perdu cinq: en remontant des bords de Seine sur le pont Charles de Gaulle, je me suis trouvé bloquée en haut de la piste cyclable par un scooter. Il venait de se faire renverser par une voiture qui tournait et l'avait heurté de plein fouet de son aile avant gauche. Le conducteur du scooter gisait, pas tout à fait inconscient, incapable de bouger. Deux badauds regardaient, navrés, la conductrice de la voiture, en larmes, donnait des indications de lieu aux pompiers, tout était calme, un jeune homme est arrivé de nulle part et a commencé calmement à desserrer l'écharpe du blessé, la jugulaire de son casque (sans le retirer, bien sûr, je crois que maintenant tout le monde sait ça. Personne n'a essayé de bouger le blessé non plus.)

    Les pompiers sont arrivés, j'ai demandé à l'un des badauds de m'aider, j'ai dégagé mon vélib et je suis partie. Je n'avais pas un bon pressentiment.

    Le choc

    Je l'absorbe doucement, mais je suis très ébranlée.

    Appris ce week-end que le plus jeune cousin, mon cousin préféré, avait quitté sa femme pour une autre, deux cent mètres plus loin dans le petit village.
    Femme et quatre garçons, dont des jumeaux et un bébé né en mai.
    La stupeur m'étreint, comme elle paraît étreindre ses frères, sa sœur, et toute la famille. Il faut dire qu'il avait, ou qu'il a (que faut-il dire?) une femme si appréciée de nous tous, si parfaitement intégrée qu'elle paraît avoir toujours été là, et qu'à choisir entre elle et lui, en de telles circonstances, il n'est pas sûr que le sang soit le plus fort.

    Je ne m'en remets pas:
    — Peut-être qu'il va revenir?
    — Moi, à la place de sa femme, je ne suis pas sûr de le reprendre (répond H. avec logique).

    Mais, et les garçons?

    Et je regrette, je regrette que ma grand-mère ne soit pas encore là pour lui passer un savon. Il y a des choses qui ne se font pas, elle savait l'asséner avec vigueur, et nous l'aimions tous tant. Il avait fait son mémoire de fin d'études sur elle et ses souvenirs, me confiant «Je regrette d'être un garçon, elle en aurait dit davantage à une fille». Et tout cela, tout cela, ces principes, ces valeurs, ce monde où une parole vaut un verrou ou une pierre d'angle, jeté aux orties? N'y aura-t-il donc jamais rien qui tienne?

    Le troisième vœu

    En me mariant j'avais émis trois souhaits : un chat, une cheminée, un fauteuil à bascule.

    J'ai reçu aujourd'hui le fauteuil à bascule.


    Diderot

    Cinq à six heure sur L'Encyclopédie. J'apprends entre autes qu'elle a été caviardée par Le Breton, sans que l'on sache exactement quel est le nombre d'articles mutilés. Hevétius et Damiens lui ont fait beaucoup de tort, Malesherbes et Sartine l'ont sauvée.

    Minuit. J'avais malgré tout pensé faire autre chose de mon week-end.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    Réponses apportées le 11 janvier 2015.

    1/ A l'occasion, sans le chercher.

    2/ Je pense que je pourrais l'être, mais cela ne m'intéresse pas beaucoup.

    3/ Oui. Des dépendances par rapport à des personnes. C'est très dur, ça fait très mal.

    4/ Oui. Je n'enlève jamais de coordonnées de mon carnet d'adresse. Les morts y restent.

    5/ Oui, pour mes trente ans.

    6/ Passion peut-être pas, mais choix, oui : si mon prof de math avait été aussi bon et intéressant que ma prof de français, je serais sans doute devenue ingénieur.

    7/ Oui, dans la mienne! J'ai encore décapoté ce matin en revenant de Melun.

    8/ Oui. Autant j'apprends des mois plus tard ce que tout le monde sait depuis longtemps, autant je devine en toute innocence des situations cachées et pose des questions que je ne devrais pas poser (mais je n'ai pas conscience qu'il s'agit de situations cachées, j'ai l'impression qu'elles sont évidentes).

    9/ Plutôt, oui.

    10/ Pommes et boudin blanc.

    Avis de tempête

    Le téléphone bippe à six heures, moi qui pensais pouvoir dormir une heure de plus que d'habitude. Je regarde le SMS:
    — Est-ce que c'est vraiment une comme idée d'aller a l'école pas ce temps
    Je suis un peu ahurie. En voilà une question qui ne se pose pas. je réponds debout dans le noir près de la fenêtre, dans le flou de mes yeux sans lunette en espérant que le correcteur orthographique corrigera mes gros doigts.
    — Tu es sérieux? Oui, bien sûr (que c'est une bonne idée). Il ne faut pas se laisser abattre si facilement.
    — Je sais juste en entendant ce truc dehors, j'ai vraiment pas envie de sortir.

    Je le laisse à ses affres et je me recouche.

    Quelques lieux

    Premier cours d'allemand théologique à l'institut protestant boulevard Arago. Deuxième cours, en réalité, mais hier O. avait concert de flûte et je voulais y assister.
    Nous sommes quatre, la liste comporte huit noms. Deux hommes, deux femmes, deux catholiques, deux protestants, vingt, trente, quarante, cinquante ans, une jeune allemande très blonde aux yeux bleus. J'apprends que Tübingen est le grand lieu (actuel?) de la théologie en Allemagne.

    Nous étudions un catéchisme contemporain. Je ne dis pratiquement rien. Je suis à peu près, c'est plutôt facile, mais de là à m'exprimer sur des points de vue théologiques… je n'en sais rien, même en français. J'ai l'impression qu'il faut apprendre les épîtres aux Corinthiens par cœur, tout ce trouve toujours dans les épîtres aux Corinthiens (ceci est ou n'est pas une plaisanterie, à votre guise).

    Je prends un Vélib pour rejoindre H. à l'hôtel des grandes écoles au 75 de la rue du Cardinal Lemoine. Demain lui et une collègue de province ont un rendez-vous à Paris; il a pris lui aussi une chambre pour qu'elle ne se sente pas trop perdue. C'est un hôtel que j'avais repéré quand j'étais étudiante, pensionnaire chez les sœurs du couvent écossais au 63 (la toute petite fenêtre tout en haut à droite, c'était la mienne: la dernière chambre, celle que nous étions heureux d'avoir trouvée, Sciences-Po présentant le grand inconvénient (du moins à l'époque, aujourd'hui je ne sais pas) de donner la liste des reçus bien après la rentrée des autres écoles et universités: il fallait se loger dans ce qui restait).

    Velib le long de la prison de la santé, j'ai étalonné la boussole pour savoir à peu près dans quelle direction aller, ça descend presque, les rues sont étroites et vides, il fait nuit, ça va vite. Rue des Feuillantines, la librairie "Le Chemin des philosophes" est placardée d'affiches, vitrines désolées. Trop tard, trop tard, pourquoi ne suis-je pas repassée il y a quelques semaines, quand son image m'obsédait?

    Rue du cardinal Lemoine, 63, 71 ou 73, plaques à la mémoire de Larbaud et de Joyce. 75, hôtel, pension de famille en 1931, photos de clients sur le piano et les meubles, chambre petite, fleurie, sans télé, silencieuse. Par la fenêtre je contemple sans doute la pièce où fut fini Ulysses, mais laquelle?

    Nous ressortons, nous avions envisagé de dîner à la Table russe: fermée pour congés, à la crêperie bretonne de la rue de l'école de médecine: définitivement fermée (zut, je ne l'aurai jamais testée), au Bouillon Racine: complet. Nous échouons à côté, le petit Bouillon dont j'ai oublié le nom.
    Rarement nous nous serons autant cassés le nez à la recherche d'un restaurant.

    Le mot juste

    — Et il a dit quoi, ton philosophe ?
    — «Ce dont on ne peut parler, il faut le taire».
    — Il écrivait des brèves de comptoir, ton Wiggenstein?



    anecdote vécue piquée à P qui me l'a racontée à midi.

    Modestie

    — Tu as vu que dans le logiciel Pages il y a un modèle pour petite annonce, avec les languettes prévues pour le numéro de téléphone?
    — Oui, mais je n'ai pas réussi à m'en servir.
    — …?
    — Je n'arrive pas à écrire "jeune fille sérieuse".

    Une blague théologique de Jacques Higelin

    C'est Joseph qui dit à Marie : « QUOI !!??? »

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 16 janvier 2015.

    1/ Dans un premier temps la dégradation du visage (le regard des autres), dans un second temps la perte des forces physiques (l'agilité, la souplesse, etc).

    2/ Oui, sauf celles que je ne pardonnerais pas qu'on abîme ou perde (afin d'éviter d'en vouloir à vie à quelqu'un par ma faute).

    3/ Oui, la fin d'après-midi, quand il apparaît que ce qu'on voulait terminer ne le sera pas.

    4/ Oui, les transports !

    5/ Acheter une nouvelle flûte à mon fils. Et sans doute ma décapotable, pas raisonnable du tout.

    6/ Parfois, assez rarement (pour aider des touristes à Paris).

    7/ Rarement. Il faut vraiment que ce soit un classique auquel je reconnaisse une valeur indépendante de mon jugement.

    8/ J'ai dû avoir une gourmette en or, un bracelet en argent… je ne sais pas où ils sont aujourd'hui.

    9/ Je ne vois pas. L'eau, le chocolat? Le beurre, le sel?

    10/ Non. Tout a été perdu, cassé. Ou alors quelques livres? La Bible de Jérusalem ou les Proust en Pléiade offerts par mon grand-père? (A quel âge s'arrête l'enfance?)

    11/ Plus vraiment. Je l'ai fait énormément, je ne vivais que par listes. A un moment donné, j'étais si fatiguée que même cela je n'y arrivais plus. Maintenant je note quelques points, de temps en temps. Je barre, je jette.

    RER, le retour

    En décembre, nous avons appris que d'importants travaux allaient être réalisés à la gare de Yerres et qu'en conséquents les horaires allaient être bouleversés. D'autre part, le trajet pour aller à Paris allait prendre cinq minutes de plus (non ce n'est pas rien: l'enjeu est d'attrapper son train, de ne pas rater les correspondances, d'être à l'heure en classe, etc).
    Nous a-t-on dit, ou avons-nous spontanément déduit, que le trajet serait plus long de cinq minutes à cause des travaux? Et que donc, sous-entendu, le trajet reprendrait sa durée "normale" à la fin des travaux?
    Quoi qu'il en soit, pas du tout: les cinq minutes sont dues à une nouvelle gare, Créteil-Pompadour. Cela est ennuyant, mais un regard sur une carte démontre si bien l'intérêt de cet arrêt (l'étrange est qu'il n'ait pas existé plus tôt) au vu des transports et habitations environnants que j'en prends mon parti sans difficulté. (Mais cette carte que j'ai vue, je l'ai vue par hasard sur une feuille de chou en faisant des paquets à Noël chez Boulanger: nous n'avons eu aucune explication officielle, aucune information).

    J'en prends mon parti, mais les conséquences d'un arrêt de plus ne sont pas qu'un rallongement du trajet, c'est surtout moins de places assises au départ de Paris (les gens qui descendent à cet arrêt ne prenaient pas mon train auparavant, mais l'omnibus), et voyager debout, ça veut dire l'impossibilité de dormir, un voyage insupportable si on porte des talons… (Et encore, j'arrive à prendre des notes debout).

    Remarque en passant : d'autre part les trains sont supprimés autant qu'avant, mais il y a beaucoup moins d'explications à photographier, alors que j'ai cru remarquer que les photographes devenaient chose courante: un lien de cause à effet?

    Parenthèse poujadiste : temps de trajets rallongés, trains plus bondés encore, et augmentation du pass Navigo en janvier: que paie-t-on exactement, à quoi s'engagent les transports d'Ile-de-France quand on s'abonne pour un an? (Imaginez un restaurant qui vous servirait alléatoirement un repas, un demi-repas, un repas froid, un repas servi à deux heures alors que vous êtes arrivé à midi, et cela toujours pour le même prix, ou en l'augmentant.))

    Le soir, les horaires ont été décalés (2 et 32 au lieu de 8 et 38 gare de Lyon). Cela n'a l'air de rien, mais comme dans le même temps le passage entre la station Châtelet et la ligne 14 a été bouché (les travaux ont commencé il y a un an mais je n'ai pas l'impression que le projet prévoit de rétablir ce passage qui était très rapide) et que le RER D part de gare de Lyon au lieu de partir des Halles (gare de Lyon à 23h02 au lieu des Halles à 23h08, si vous avez suivi), il faut prendre le RER A entre Châtelet et gare de Lyon et j'ai beaucoup de mal à attraper mon train le mardi soir. Je le rate de trois minutes et j'attends une demi-heure dans le froid (nous attendons par dizaines une demi-heure dans le froid).
    Comme ce n'est pas suffisamment sadique, la SNCF (le RER D dépend de la SNCF) joue à mettre les trains en gare de surface (la correspondance ordinaire entre RER A et D n'est que de quelques volées de marches) c'est-à-dire avec les trains grandes lignes (je suppose que c'est à cause des travaux de mise aux normes), mais bien sûr, sinon ce serait trop facile, pas toujours dans le même hall: une fois dans le bleu, une fois dans le jaune, pour ceux qui connaissent (ça représente une centaine de mètres, pour ceux qui ne connaissent pas). Et bien sûr, cela n'est pas indiqué sur le quai du RER A, le voyageur le découvre en arrivant aux départs grandes lignes (or, comme vous l'avez compris, chaque seconde compte).

    Mardi, tandis que j'arrivais en courant à 23 heures devant le quai 17 (les deux mardis précédents, c'était quai C et G), le chef de gare a sifflé:
    — Ah non, vous n'allez pas le faire partir, ça suffit comme ça, les conneries.
    — Comment ? (Croyait-il m'intimider?)
    — Ça suffit comme ça, les conneries.
    — Comment ?
    — ÇA SUFFIT COMME ÇA LES CONNERIES.
    Il a laissé tombé, je suis allée m'assoir en soufflant comme une forge, et ce soir je suis retournée en salle car je n'ai plus aucune condition physique.

    Manon ne lâche pas le morceau

    Chaque fois que nous manquons un TG, nous sommes censés rendre le travail par écrit (ce qui est une puissante motivation pour être présent). L'année dernière, jouant sur la nonchalance de mon chargé de TG qui avait aussi peu envie que moi de s'embarrasser d'un travail écrit, j'étais parvenue à y échapper lors de mon absence du 9 février (2013). Mais mardi soir, Manon est revenue à la charge: il faut que je lui rende quelques pages sur le sujet du TG du 12 janvier dernier.

    Or le sujet porte sur Gadamer, Vérité et Méthode, Seuil 1976, p. 405 à 411… et le livre que j'ai emprunté (Seuil 1976) n'a que 346 pages.

    Bon. Je vais mener l'enquête auprès de mes petits camarades. (Le titre de ce billet reprend l'exclamation de l'un d'entre eux. Le contraste entre le doux "Manon" et le rustique "ne lâche pas le morceau" me remplit d'aise.)

    Il y a dix ans

    J'ai rencontré Guillaume sur le site de la SLRC, à l'automne 2002. Il y a dix ans, nous discutions faux ami et façon de traduire "versatile" quand j'eus l'idée de faire une recherche sur Google.

    Il y a dix ans, jour pour jour, je suis tombée sur Matoo et dans le monde merveilleux des blogs, non que les blogs soient merveilleux, mais à l'époque il n'y avait qu'eux, nous avions dix ans de moins, c'était sans fond, il devenait possible de regarder dans l'âme des autres et d'y trouver de la consolation.

    C'est à ce moment-là que j'ai pris le nom d'Alice pour intervenir chez Matoo (au départ je n'étais donc qu'une commentatrice, je n'ai jamais eu vocation à être autre chose que commentatrice, mes blogs doivent leur existence au fait que la SLRC m'a découragée): en 2004 l'affaire Camus était proche, je commentais beaucoup sur la SLRC, je craignais de mettre Matoo dans l'embarras si quelqu'un s'apercevait de mes mauvaises fréquentations.

    Annette

    En ouvrant ma boîte mail tard ce soir j'y ai trouvé une photo d'Annette.

    J'avais huit ans, c'était mon premier automne en France, ma mère est entrée dans la salle de jeu au sous-sol de la maison que nous louions en attendant la construction de la nôtre et elle m'a dit: «Annette est morte.»

    Je suppose qu'elle n'avait personne à qui le dire, personne à qui en parler.

    Annette était notre voisine de la maison d'en face à In*ezgane. Son prestige tenait à ce qu'elle avait eu des jumeaux, de faux jumeaux. Son mari avait un nom alsacien. Ma mère critiquait beaucoup leur façon d'éduquer leurs enfants, de ne pas les éduquer, en somme. C'était les mêmes critiques qu'elle proférait à l'encontre de ma tante Marion: trop de joie et de fantaisie dans ces maisons pour que cela convienne à son austérité maternelle. (Mais elle devait avoir raison sur quelques points malgré tout, car je me souviens que le fils aîné, âgé de trois ou quatre ans, s'était très gravement brûlé le palais en mettant une prise électrique branchée dans la bouche.)

    Annette est morte dans un accident de voiture, la poitrine défoncée par le volant. Sa petite fille est morte également. Je pense souvent à elle, chaque fois que je ne mets pas ma ceinture.

    Le plus étonnant dans tout cela, c'est que la photo (ancienne, accompagnée d'une actuelle de la famille) a été transmise à ma mère par ma sœur, qui a retrouvé sur internet le fils aîné et a pris contact. Tout m'étonne: que ma sœur ait pris la peine de le chercher et de lui écrire, qu'il lui ait répondu, qu'elle ait pris la peine de transmettre les photos à maman.
    Ma sœur avait six ans quand nous avons quitté le Maroc. De quoi se souvient-elle, qu'est ce qui lui est cher? Avait-elle des amis? Qu'est-ce qui l'a poussée à écrire? Autant de questions que je n'aurais jamais songé à poser.

    Le dernier fils

    Rencontre parents-profs.
    O. m'avait dit que la prof de français ne l'aimait pas.
    La vérité, c'est qu'elle a donné fin septembre un travail à faire en groupe. O. n'a rejoint aucun groupe et n'a rien fait. Est arrivé Noël et il n'avait pas rendu son devoir (la prof voulait une présentation originale (vidéos, etc) sur le thème des Lumières). La prof a accepté la rentrée comme dead line. O. n'a rien fait pendant les vacances, ne nous a parlé de rien.
    Comme il a été malade, la prof lui laisse une dernière chance avant le zéro: rendre un travail sur l'Encyclopédie.
    O. s'en fout. Si je n'avais pas été là ce soir, si je n'avais pas appris ces détails, je suppose qu'il n'aurait rien fait.
    Je l'ai vu mentir, à la prof ou moi-même, en présence de l'autre qui pouvait démentir ce qu'il était en train d'affirmer.

    Maintenant j'ai une présentation de L'Encyclopédie à préparer pour avant les vacances de février.

    Livres lus en 2014

    Même règle que l'année dernière : ne comptent que les livres lus du début à la fin. La date retenue est celle du jour de lecture de la dernière page. Je ne pourrai pas tenir un par semaine, j'aimerais atteindre deux par mois. J'ai déjà pris du retard.

    - 27 janvier 2014 : fin du tome 1 d'Histoire de la philosophie occidentale de Bertrand Russel, 2012, Belles Lettres. A. Chevrier m'a dit que c'était un livre très connu en Chine.

    - 19 février : Claude Mauriac, La terrasse de Malagar

    - 19 février : Georges Chaulet, Fantômette et le trésor du pharaon.

    - 1 mars : JK Rowling, Harry Potter und die Kammer des Schreckens

    - 2 mars : JK Rowling, Harry Potter and the prisoner of Azhkaban. Le problème avec Harry Potter, c'est que ça fonctionne comme le chocolat: on se dit qu'on va manger un seul carreau, et on dévore la plaquette.

    - 8 mars : Anne Wiazemski, Canines, parce que dans mes lectures à contraintes, il me fallait un Goncourt lycéen. Pas mon genre, envie de secouer l'héroïne en lui hurlant «mais réagis». L'auteur s'est-elle inspirée de moments de folie vécus, ou a-t-elle décrit des fantasmes?

    -10 mars : Kleist, Penthésilée, traduit par Gracq. Langue magnifique dans sa simplicité. La tragédie du malentendu.

    - 13 mars : Carole Martinez, Du domaine des Murmures. Je n'aurais jamais ouvert ça sans le club Sciences-Po. Ça se laisse lire, l'imitation d'un pseudo langage du Moyen-Âge est plaisante, surtout tenue si longtemps. Le livre se lit très vite, il est dispensable mais pas désagréable. (J'avoue que si je l'ai lu si vite, c'est que je n'avais pas envie de me replonger dans Descartes).

    - 25 mars : J.K. Rowling, Une place à prendre. Très dispensable. Je suis déçue, j'espérais au moins le trait vif d'Agatha Christie. C'est nettement moins bon.

    - 24 avril : Alfred Döblin, Voyage en Pologne.

    - 28 avril : Mark Haddon, Le Bizarre Incident du chien pendant la nuit. Bien. Sur l'autisme.

    - 29 avril : Thomas Berhardt, Béton.

    - mai : Erich Maria Remarque, L'étincelle de vie. Sortir des camps et n'avoir nulle part ou aller, ne connaître plus personne. Ruine et désert (non ce n'est pas le sujet de livre. Mais j'ai pris conscience de cela en le lisant).

    - juillet : Hervé Guibert, A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie.

    - 16 juillet : Eugène Satitzakaya, Fou trop poli, Minuit, 2005.

    - 30 juillet : Bernard Pouy, Samedi 14, poche Pocket 2014.

    - 9 août : Dostoïevski, L'Idiot, poche publié en 1968.

    - 18 août : Contes polonais traduits et adaptés par Agnieszka Macias, L'école des loisirs, 2007.

    - 20 août : Pape François, Evangelii Gaudium, Exhortation apostolique en conclusion de l'année de la foi, 24 novembre 2013

    - 21 août : San-Antonio, On t'enverra du monde, Fleuve noir, 1959. A. me l'a passé pour m'occuper sur le quai du RER (plutôt que Le Droit canonique : pas facile de prendre des notes debout). Premier San-A depuis une éternité. Pourrait servir d'illustration à un manuel sur les figures de style. J'avais complètement oublié l'intrigue (Berthe a disparu. No spoil.)

    - 25 août : Claude Mauriac, Aimer de Gaulle Grasset, 1978.

    - 31 août : Dominique Le Tourneau, Le Droit canonique, Que sais-je, 2002.

    - 3 septembre : Lieutenant X, Langelot et les crocodiles, bibliothèque verte. Sur un coup de tête au petit déjeuner.

    - 3 septembre : Joseph Brodsky, Vingt sonnets à Marie Stuart, Les Doigts dans la prose, 2012. Un livre important pour comprendre ce qu'est un parti pris en traduction.

    - 4 septembre : Marie-Hélène Lafon, Album, Buchet-Chastel, 2012.

    - 9 septembre : Jon Kabat-Zinn, Là où tu vas, tu es, JC Lattès, 2012. Seconde lecture. Pas arrêtée par les mêmes passages que la première fois.

    - 13 septembre : Mikhaïl Boulgakov, Récits d'un jeune médecin, Seuil. Bizarrement, certaines phrases, certains passages, m'évoquent la musique de Lettres de mon moulin. Le détachement de soi et l'intimité, je suppose, le récit anecdotique à la portée universelle. Et le ton, mais c'est peut-être dû à la traduction. Quelques incohérences dans l'utilisation des temps qui n'ont pas été "lissés" (application des règles de concordance), peut-être pour rendre le texte original.

    - 19 septembre, Karl Löwith, Max Weber et Karl Marx, Payot 2009 (1932)

    - 23 septembre, collectif, Un été avec Proust, éditions des Equateurs 2014. Emprunté lors du dernier "dîner littéraire". De bonnes analyses pour poser des jalons, amour déçu, attente, désir, possession, qui me fait comprendre pourquoi je n'aime pas Proust et pourquoi, au-delà des thèmes traités, il est incontournable et irrésistible (et ce que j'aime chez Proust, c'est vraiment sa phrase, ses mots, sa syntaxe, sa musique).

    - 25 septembre, Tabish Khair, How to fight Islamic Terror from the Missionary Position, Interlin Books, 2014. Drôle puis mélancolique. Un peu surprise que Guillaume m'envoie ça. De la difficulté de s'intégrer, du danger de s'intégrer.

    - 8 octobre, Ryszard Kapuscinski, Le Shah, 1982, Champs Flammarion 2010

    - 9 octobre, Friedrich Schiller, Marie Stuart, L'Arche, 1998. Je l'avais commencé début septembre, prêté avant de l'avoir fini. Je l'ai récupéré hier.

    - 25 octobre, Charles Palliser, L'héritage de John Huffman, Phébus, 1990

    - 26 octobre, Charles Palliser, Les faubourgs de l'enfer et Le destin de Mary, Phébus, 1990

    - 28 octobre, Charles Palliser, La clé introuvable et Le secret des cinq roses, Phébus, 1990

    - 1 novembre, Miljenko Jergović, Sarajevo Marlboro, eds archipelago books 2004

    - 6 novembre, Claude Mauriac, La marquise sortit à cinq heures, Albin Michel 1961

    - 6 novembre, Jack Kerouac, Satori à Paris, Folio (original 1966, Gallimard 1971)

    - 7 novembre, Antoni Casas Ros, Lento, 2014, Christophe Lucquin éditeur

    - 21 novembre, Patrick Modiano, Dora Bruder, 1997, Gallimard

    - 24 novembre, Patrick Modiano, Livret de famille, 1977, Folio

    - 25 novembre, Florence Aubenas, En France, 2014, édition de l'Olivier

    - 3 décembre, Daniel Ferrer, Logiques du brouillon, 2011, Seuil. Deuxième lecture.

    - 5 décembre, Patrick de Laubier, Mendiants de Dieu, 2013, Seuil. Parole et Silence

    A - 9 décembre, Honoré de Balzac, Une ténébreuse affaire, 1841

    A - 10 décembre, Honoré de Balzac, Le curé de Tours, 1832

    - 19 décembre, Epître aux Colossiens

    - 22 décembre, Eric Metaxas, Bonhoeffer, pasteur, martyr, prophète, espion, 2014, éd Première Partie (2010 aux Etats-Unis)

    - 27 décembre, Emmanuel Carrère, Le détroit de Behring, 1986, P.O.L

    - 29 décembre, Patrick Modiano, Quartier perdu, 1984, Gallimard, collection blanche

    A - 31 décembre, Honoré de Balzac, La fille aux yeux d'or, 1835. Il m'a fallu un long moment pour comprendre ce qui avait vexé Henri de Morsay. Le début est bon pour dégoûter de Balzac n'importe quel adolescent.

    Dimanche

    Journée dans les brumes, je décélère. Au programme maintenant pendant un mois, Claude Mauriac, en anticipation du colloque d'octobre.

    Samedi

    Devoir de grec (sur table), déjeuner chez Mariage, musée d'Orsay (trop tard pour voir autre chose que la galerie des Impressionnistes), un tour (en fait trois) de grande roue à la Concorde (la moitié de la tour Eiffel disparaît dans la brume), le roi du pot au feu, Les Palmes de M. Schutz (très bien: la différence entre la physique et la chimie, l'explication de la radioactivité (enfin, très drôle, aussi, surtout)).

    Retour à pied de la rue des Mathurins au théâtre de l'Odéon où est garée la voiture.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 16 janvier 2015.

    1/ Familier oui, intime non! (je veux parler des lapins ou des poules de la ferme de ma grand-mère: animaux domestiques, mais non animaux familiers, justement).

    2/ Je parlerais moins de style que de principes. Un refus de la mode qui change pour un classissisme qui surprend parce qu'il n'est pas à la mode et un goût pour les formes, les couleurs, les matières.

    3/ Non, je ne le pense pas.

    4/ En habitant chez mes parents : trois fois; depuis : sept fois (je compte les changements d'adresse).

    5/ Régulièrement. Par le jeu des translittérations, les gens pensent italien un nom polonais.

    6/ Moralement et financièrement, oui, physiquement, non!

    7/ Oui. J'accorde de l'importance à la couleur, je pense qu'elle est vecteur d'énergie.

    8/ Non.

    9/ A peu près (un peu rouillé).

    10/ Physiquement, non, mais le contexte, oui : mon grand-père ne sachant pas ma mère enceinte et ne connaissant pas mon existence, mon père ayant quitté ma mère, ma mère souffrant d'hyper-tension, moi née trop tôt placée en chambre chaude, ma mère sortant de la clinique me tenant dans les bras («Elle était tellement fière», dixit ma tante, source de mes renseignements : ma mère n'en a jamais parlé, elle pleure dès qu'on évoque de près ou de loin cette période).

    Mercredi

    Matinée à la bilbiothèque. J'ai trois heures pour préparer mon oral sur les synoptiques jeudi soir. Nous avons une listes de péricopes, j'ai choisi la triple tradition, et la plus courte, partant du principe que plus le texte est court, plus on est obligé de concentrerson exposé. J'ai donc choisi la parabole sur le sel. Pour rire (de vous ou de moi), je vous donne les trois passages (traduction BJ 1998):
    Mt 5,13 «Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel vient à s'affadir, avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens.

    Mc 9,50 C'est une bonne chose que le sel; mais si le sel devient insipide, avec quoi l'assaisonnerez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes et vivez en paix les uns avec les autres.»

    Lc, 14,34-35 «C'est une bonne chose que le sel. Mais si même le sel vient à s'affadir, avec quoi l'assaisonnera-t-on ? 35 Il n'est bon ni pour la terre ni pour le fumier : on le jette dehors. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende!»
    En fait, c'est surtout le contexte qui fait varier la tonalité de ces versets. "S'affadir" est une gentillesse, le mot grec est "devenir fou": s'agit d'une erreur de traduction entre l'araméen et le grec, ou d'une façon de dire que le sel perd ses qualités de sel?

    Déjeuner à l'Antre deux où le patron appelle "Général" un général, vieil habitué du lieu visiblement.

    Puis colloque "Eschatologie de la liturgie": cela consiste essentiellement à en chercher la trace dans les textes et les pratiques. Depuis ce jour de 1995 où j'ai lu le commentaire de Rosenzweig par Stéphane Mosès, l'eschatologie est la grande question.
    Je n'écoute pas très sérieusement, je griffonne pour mon oral, c'est plus fort que moi.

    Vêpres.

    Le soir, réunion pseudo-Cruchons ou néo-Cruchons. Au resto. Laurent malade est absent, Aline est montée de ses terres et Jérémy s'est libéré. Nous parlons de tous en évitant les sujets conflictuels. (Enfin non, le mot est mal choisi: il n'y a pas conflit, nous sommes tous d'accord, je crois, sur le fond sur la plupart des sujets (réserve de convention car je ne nous connais pas de désaccord idéologique profond), mais nous évitons de partir dans des débats stériles sur ce qu'il faut faire, aurait fallu faire, ce que nous aurions rêvé…)
    Il ne reste que le meilleur: les projets et le gossip.

    Projet : un dernier Cruchons à Chartres, avant la vente de la maison (et sa destruction par un promoteur. Cet effacement final de ce qui restait de son propriétaire dont les cendres sont dispersés dans le jardin me laisse en suspens, pleine d'attente: quelle vie romanesque, ce silence, ce vide, cette disparition. Charles, roman.)

    Gossips (au pluriel):
    — Il t'a unfriendé? Qu'est-ce que t'as fait?
    — C'est quoi cette histoire?
    — Eh bien il a imprimé des autocollants et il les colle dans les toillettes des mairies.
    — C'est pas possible !
    — Il les distribue gratuitement, en informant qu'ils ont coûté treize centimes à la fabrication.
    — Il faudrait acheter le stock.
    — Inutile, il en ferait d'autres…

    — Et vous savez quoi? Il se murmure que si Trierweiller est à l'hôpital, c'est qu'elle a fait une scène de ménage, elle a tout cassé y compris ce qui ne lui appartenait pas, qu'il y en a eu pour une fortune… Ils ont été obligés de la shooter, elle ne tenait plus debout, c'est pour cela qu'elle s'est retrouvée à l'hôpital.
    — Mais comment tu sais ça?
    — Ç'a été démenti.
    (Mais qu'est-ce qui rend plus crédible une rumeur qu'un démenti?)

    — Et ça va comment à La Réunion, après le cyclone?
    — Oh, ce n'était rien du tout. Ma mère m'a dit, de quoi on a l'air? Franchement, cette femme, elle aurait pu mourir d'une minute à l'autre. Et puis quelle idée de monter sur son toit au moment d'un cyclone!

    La dèche (et la honte)

    Frigo tellement vide, flemme tellement vaste, qu'au moment où le voisin qui est venu travailler à un tract à la maison (H. fait partie d'une équipe qui s'oppose à Dupont-Aignan) repart, nous nous invitons à dîner chez lui.

    ———————
    ajout le 23 septembre 2020 d'une remarque laissée hors champ jusque là:
    Nous avons découvert que Véronika était jalouse de la blonde sur la liste.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 16 janvier 2015.

    1/ Quelle est votre fleur préférée ?
    La pivoine.

    2/ Avez-vous déjà fait une déposition dans un commissariat ?
    Oui (hélas).

    3/ Aimez-vous assister à des spectacles de cirque ?
    Pas spécialement. J'ai toujours le cœur serré à l'idée qu'ils sont au bord de la faillite. On m'a sans doute trop répété que Jean Richard tournait dans Maigret pour financer son cirque.

    4/ Vous arrive-t-il
    souvent
    parfois
    jamais
    d’être dans la rue à 3h du matin ?
    Pratiquement jamais. Si je rate le dernier RER, il faut que je prenne le bus de 1h30 ou 2h30 gare de Lyon qui me laisse gare de Yerres. Ensuite je dois rentrer à pied. Cela ne m'est plus arrivé depuis que nous avons deux voitures (2006, environ).

    5/ Quel moyen de communication employez-vous le plus volontiers ?
    Le mail, internet.

    6/ Y a-t-il une chanson que vous écoutez souvent en ce moment ? Laquelle ?
    Non.

    7/ Dites-vous plus spontanément que vous êtes heureux, pas malheureux ou malheureux ?
    Heureuse.

    8/ Réfléchissez-vous généralement avant d'agir ou après ?
    J'essaie de réfléchir avant, surtout pour les décisions dont les effets seront irréversibles! (Bonhoeffer découvert récemment est une aide bienvenue désormais.)

    9/ Connaissez-vous le nom des rues du lieu où vous habitez ?
    Oui, à peu près.

    10/Trouvez-vous que votre vie est monotone ?
    Non. Il se passe toujours quelque chose, dieu merci!

    Caramba, encore raté

    Oulipo ce soir. Je suis souvent en retard mais j'ai pris des bonnes résolutions, donc je pars à six heures pour un trajet qui prend normalement quarante minutes.

    Las, dégagement de fumée, odeur de caoutchouc brûlé, tout est paralysé, ligne A, ligne 14… Je serai en retard.

    Je verrai malgré tout la fin de la première partie d'une pièce qui reprend W de Perec. Mises en scène pour ainsi dire en noir et blanc à base d'ombres chinoises.

    La prochaine fois se produira l'ensemble 101, collectif de chant contemporain dont Elisabeth chante les louanges. (Avis aux amateurs). Ce sera le 13 février à la BNF à 19 heures.

    Cadeau de Noël: à la séance de l'oulipo de décembre 2013, nous parlions cadeaux de Noël et quand j'avais dit que Le sexe des rimes était sur ma liste, Maurice (le célèbre M.) s'était exclamé: «Ah, mais je crois que nous l'avons en double. Je vérifie, et si c'est le cas, le deuxième est pour toi.» (Nous avions également évoqué, peu avant ou peu après, la mythique bibliothèque d'Alain, le combat de la musique et de la grammaire pour l'occupation de l'espace, histoire légendaire qui se transmet respectueusement entre nous.)

    Au retour, entre 23 heures et minuit, trains retardés, trains supprimés. Il y a eu un incendie sur la ligne B, crois-je comprendre.

    Wagon studieux

    Mercredi, seule : je pars plus tard.

    Dans le RER A debout, une personne lit La garçonne dans une édition de poche récente (je ne savais pas qu'il était réédité).

    Je m'assois. Ma voisine lit Le Gai Savoir (j'atrappe au vol une allusion à Epicure, dont Niezsche se dit proche: voilà qui ne m'étonne pas). En face de moi m'intrigue le titre d'un livre : Mathématiques congolaises d'In Koli Jean Bofane. Renseignements pris sur Google, il est possible que ce soit aux mathématiques ce qu'est La faim de Hoffman à Spinoza.


    2014-0115-mathematiques-congolaises.jpg



    (Première photo avec l'iphone. Ça va mieux.)

    Décompte d'hospitalisation suisse

    Pour un accident de ski qui a nécessité une radio et le soin d'une plaie.
    • Forfaits d'admission en urgence, service reconnu - quantité 1 - 58,92 CHF
    • Consultation, première période de 5 mn (consultation de base) - Q=1 - 33,74 CHF
    • Consultation, par période de 5 mn en plus (supplément de consultation) - Q=4 - total 134,97 CHF
    • Consultation, dernière période de 5 mn (supplément de consultation) - Q=1 - 16,87 CHF
    • Instruction du patient par le spécialiste pour lui apprendre à effectuer lui-même des mesures ou des soins, par période de 5mn - Q=1 - 35,93 CHF
    • Prestation médicale en l'absence du patient (y compris étude du dossier), par période de 5 mn - Q=2 - total 67,49 CHF
    • Anesthésie locale par injonction dans la peau, le tissu sous-cutanée ou la muqueuse: visage, cou, nuque ou mains jusqu'à 20 cm3 - Q=1 - 21,55 CHF
    • Traitement de plaie sans atteinte de structure complexes, visage, coup, mains (nuque et cuir chevelu non compris), premiers 3 cm - Q=1 - 154 CHF
    • Prise en charge non médicale de patients ambulatoires en dehors de la clinique de jour, patient ambulatoire, première heure - Q=1 - 46,72 CHF
    • Consultation de base/unité d'exploitation Institut de radiologie à l'hôpital - Q=1 - 119,50 CHF
    • Radiologie: crâne, vue d'ensemble ou partielle, premier cliché - Q=1 - 68,88 CHF
    • Radiologie: crâne, incidence spéciale, premier cliché - Q=1 - 154,49 CHF
    • Prestation de base technique O, salle de radiologie III, patient ambulatoire - Q=1 - 46,72 CHF
    Ma première réaction a été de rire : une telle précision dans les minutes et les centimètres, on dirait une facture d'avocat ou d'expert comptable. (J'aime bien le principe des minutes dégressives en coût: une appréciation fine de la mobilisation des connaissance nécessaire dans les premières minutes d'observation.)
    Ma deuxième a été de me dire qu'après tout, nous ne savons pas ce que nous payons en France: tout est codifié de façon a être incompréhensible: au moins ici c'est clair.

    Comment s'occuper au bureau

    Eh bien par exemple, quand on a un client qui habite rue des maîtresses gentilles, aller vérifier sur google l'aspect de la rue; en se disant que si c'est une rue ancienne aux hauts murs, il s'agit de la rue d'un ancien bordel, mais que si c'est une rue moderne, il s'agit sans doute d'institutrices.

    En l'occurrence, une rue de la fée et une rue du lapin vert dans le lotissement laissent supposer (ou espérer) que les noms ont été donnés par des enfants.

    César doit mourir des frères Taviani

    Parce que ce sont des Italiens qui jouent, la pièce semble écrite en italien et les acteurs paraissent parler de leur grand-père.

    Parce que les répliques de Jules César ne nous sont pas familières et que ce sont des mafieux ou des assassins qui jouent, on ne sait plus en entendant certaines répliques si elles font partie de la pièce, des dialogues du film ou si ce sont de véritables échanges entre les prisonniers, échanges pris sur le vif qui n'auraient pas été coupés au montage.
    Qu'est-ce qui est "vrai", qu'est-ce qui est faux? Rarement réalité et fiction se seront aussi étroitement mêlées (nappage, dirait RC). Et de quoi parle-t-on quand on parle de réalité? Le jeu est réellement toute la vie, puisque les acteurs n'ont pas d'autre vie que celle d'acteurs:

    — On reprend, ne perdons pas de temps.
    — Tu sais, ça fait vingt ans que je suis en prison, alors moi, perdre du temps…

    En ville

    Train à Austerlitz, brume, Blois, une toque avec de la fausse fourrure et une tortue cale-porte, anniversaire de maman, Sleepy Hollow (en français car nous avons cru à un défaut de sous-titrage: en fait il fallait cadrer l'image), Blois, quatre jeans, des cartes de vœux («Comment, trente euros de cartes de vœux?» Ça me fait rire quand je vois l'argent dépensé en films nuls qu'on pourrait emprunter), un Montblanc pour un anniversaire en avril.

    Blois s'améliore, un bar avec de la Guinness, un magasin Arthur pour les pyjamas, un magasin de chapeaux, un magasin d'antiquités fermé depuis le 31/12/2004 (neuf ans de poussière sur les objets exposés en vitrine)…

    Je vais louper la journée d'introduction à la philosophie demain, mais le titre porte sur l'herméneutique, et j'ai dans l'idée que je sais à peu près de quoi il s'agit. Pas grave. En revanche il faudrait que je commence à me préoccuper de mon oral du 23 janvier et de l'écrit de grec du 25 (ça va être sanglant, je suis dans les choux).

    Enquête

    Les question sont ici.
    Réponses apportées le 16 janvier 2015.

    1/ Chez vous, prenez-vous vos repas toujours au même endroit ?
    Au quotidien, oui, dans la cuisine. Salle à manger quand nous sommes plus de six.

    2/ Qu'avez-vous fait dont vous vous seriez pourtant cru incapable ?
    Prendre le RER matin et soir pendant vingt ans !

    3/ Avez-vous déjà écrit à quelqu'un pour lui signifier votre admiration ?
    A Anouilh à dix-huit ans.

    4/ Exceptées les heures de sommeil, passez-vous davantage de temps dans votre logement ou en-dehors ?
    Plutôt hors. Mais comme je ne dors pas beaucoup, cela revient à moitié-moitié.

    5/ Vos chaussures font-elles du bruit lorsque vous marchez ?
    Bruit de talons (oui) ou grincement et chuintement (non) ?

    6/ Lorsque vous utilisez un stylo, quelle en est la couleur de l'encre ?
    Bleue ou noire. Bordeaux pour mon plume (je n'ose en changer car mes correspondant s'y sont habitués).

    7/ Si vous en aviez la possibilité, aimeriez-vous voyager dans l'espace ?
    Trop tard, plus maintenant. Je crois qu'aujourd'hui j'aurais peur. J'ai vieilli.

    8/ Avez-vous déjà été obligé de vous présenter à nouveau à quelqu'un qui ne se souvenait pas vous avoir déjà rencontré ?
    Oh oui, mais cela me semble normal. J'ai moi-même tant de mal à associer nom et visage.

    9/ Préférez-vous vous lever ou vous coucher ?
    Me coucher. Quoi que. Ni l'un ni l'autre. Depuis quelques temps, ma difficulté à quitter un lieu s'est tranféré jusqu'au lit: ni le quitter, ni le rejoindre.

    Actualité

    J'avais dû lire en juillet ce qu'était une quenelle. Cela ne me servait pas à grand chose, à part ne pas mourir idiote et comprendre quelques allusions.

    Et puis finalement, c'est une connaissance qui devient utile.
    Perso, je n'aurais pas interdit les spectacles, j'en aurais saisi la recette pour payer les amendes en suspens. #astuce

    J'arrête

    Autre décision : j'arrête les cours de l'institut Goethe, c'est vraiment trop fatigant de courir avenue d'Iéna entre midi et deux heures sans avoir le temps de déjeuner.
    Et puis je suis gênée devant ma collaboratrice de rentrer à deux heures et demie.

    Je me sens soulagée, c'est donc une bonne décision.

    Café

    J'accompagne O. à son cours de flûte à Brunoy. Plutôt que m'endormir sur un fauteuil dans l'entrée de l'école de musique, je pars à la recherche d'un café.
    Il y en a un, encore éclairé, mais j'entrevois la patronne qui balaie et des chaises retournées sur les tables. Sur la porte est indiquée l'heure de fermeture: sept heures.

    Un homme grand barbe noire cheveux gris anorak gris bleu la soixantaine qui s'apprêtre à y entrer m'encourage:
    — Mais entrez !
    — Ça ne va pas fermer ?
    — Mais non, hein Solange, tu ne fermes pas?

    Il apparaîtra que le café ferme quand il n'y a plus de clients. Les tenanciers sont cambodgiens (je l'apprendrai plus tard en écoutant les conversations). Je fais un peu tache dans le décor asiatico-formica avec mes habits de bureau, mon manteau rouge et mon écharpe orange. Je compte ma monnaie (souvent je n'ai rien), demande le prix d'un crème (deux euros), je les ai, ouf. L'homme entré en même temps que moi a rejoint deux amis. Ils boivent du café, pas de petit blanc. Ils occupent les deux tables disponibles, sans chaise retournée dessus. Ils parlent à la cantonnade: « Faut pas avoir peur, Madame, on est pas méchant. Enfin, surtout moi, je m'appelle Jacques. Lui c'est Abdel, c'est déjà plus louche. »

    Je ne suis pas sûre qu'il avait tout à fait envisagé que je prenne ma tasse pour venir m'assoir au bout de sa table, puisque c'est la seule place assise disponible (une table rectangulaire pour quatre personnes): « Vous permettez ? »
    J'ai vingt minutes à attendre, j'écris des cartes de vœux ce qui leur permet de commenter, "Jacques" en biais par rapport à moi à la même table, les deux autres à la table d'à côté.

    Quand je me lève pour partir, je ne peux pas m'empêcher de dire : « A la semaine prochaine, même jour même heure».
    Je n'ai pas compris pourquoi "Jacques" m'a répondu : « Bonne mission ».
    (?? Il a cru que j'étais James Bond ? Auditeur chez Arthur Andersen? Consultant ? Il connaît la profession de consultant ? Il a cru que je venais espionner Brunoy vingt minutes tous les mercredis soir ?)

    Résolution :(

    Ce soir j'ai récupéré Kaos vu à sa sortie et que je rêvais de revoir.
    Maintenant il va falloir trouver le moment favorable pour le regarder… (J'ai également César doit mourir qui n'est passé que quelques jours à Paris au printemps dernier au MK2 Beaubourg en journée (pour ceux qui ne connaissent pas: cela signifie qu'il est à peu près impossible à voir sauf à poser une demi-journée de congé)).

    Résolutions

    - Regarder moins de films (en particulier les stupides, mais pas que)
    - Boire moins (non, je ne bois pas beaucoup. Mais boire moins, parce que cela coûte en efficacité)
    - Passer moins de temps sur FB
    - Lire plus et plus vite

    Souhait :
    Reprendre une certaine régularité sur Véhesse.

    Et sinon, allemand, grec.

    (Ben non c'est pas fun. Mais en fait, je n'ai pas très envie d'être fun.)

    Enquête

    Les questions sont sont ici.
    Réponses apportées le 16 janvier 2015.

    1/ Refusez-vous parfois des cadeaux qu'on vous offre ?
    Non.

    2/ Savez-vous associer un nom aux visages sur vos photos de classe ?
    Non. J'ai tout oublié, surtout le collège.

    3/ A quel âge vous êtes-vous senti mortel ?
    A trente-sept ans, à l'enterrement d'une amie qui avait trente-sept ans.

    4/ Croyez-vous qu'il soit possible d'aimer toute sa vie une même personne ?
    Sinon ce n'est pas de l'amour, si? Il faudrait se mettre d'accord sur ce qu'est l'amour.

    5/ Eprouvez-vous plus souvent de la déception ou de la satisfaction après avoir vécu quelque chose que vous attendiez impatiemment ?
    Je fais très attention à ne pas attendre trop impatiemment justement pour ne pas être déçue. Gare à l'ubris, le grand ennemi de l'homme.

    6/ La nostalgie est-elle un sentiment qui vous est familier ?
    Oui, mais moins, sans doute moins depuis mes cours de théologie. Comment expliquer cela (je ne le comprends pas moi-même), ces cours m'engagent totalement vers l'avenir. Plus j'étudie l'Assyrie il y a quatre mille ans et l'Eglise il y a quinze siècles, plus je me sens engagée dans le présent.

    7/ Dit-on de vous que vous êtes singulier ?
    Oui.

    8/ Pensez-vous l'être ?
    Oui (à force qu'on me le répète!)

    9/ Combien de clefs avez-vous sur votre trousseau ?
    Quatre.

    10/ Vous arrive-t-il
    souvent
    rarement
    jamais
    de faire une erreur en programmant votre machine à laver ?
    Très rarement. J'ai hélas abîmé des pulls auxquels je tenais beaucoup.

    11/ Trouvez-vous un intérêt à chacune de vos journées ?
    Oui. Au pire je prends un livre si vraiment cela a été "une journée pour rien".

    Journée couture

    Repassage, ourlets de pantalons, raccommodage, devant successivement Insaisissables (que je n'avais pas beaucoup aimé, mais A. voulait le montrer à I.), Fire with fire (un Bruce Willis sans Bruce Willis — et sans intérêt) et la Scandaleuse de Berlin, avec Berlin en ruines et Dietrich et l'Iowa dont nous avons contemplé la vacuité il y a deux jours dans le film Michael. Le marché noir ressemble aux descriptions de Primo Levi dans La Trêve.

    Ce qui est intéressant dans ces deux derniers films (La Scandaleuse de Berlin et Fire with fire), c'est qu'ils constituent des sortes de leçons d'instruction civique à l'usage des jeunes générations (thèmes : la justice (dans ses deux sens d'application du droit et de rétribution) et le respect des institutions). J'épate O. en prévoyant la fin de Fire with fire, j'essaie de lui expliquer les formalistes russes, les structures narratives du conte, l'application que l'on peut en faire dans la plupart des films commerciaux américains, mais je crois que j'échoue à l'intéresser… (remarque tongue in cheeks).

    A. est retournée à Lisieux avec son chat.

    Notes de lecture

    Agacée de constater que j'ai perdu une feuille de notes sur Russell. La question est, pourquoi prené-je ces notes, sachant que je ne les relirai jamais? L'important est plutôt de noter les pages qui m'intéressent en fin de volume, en une sorte d'index à utilisation personnelle, afin de retrouver rapidement les citations en cas de besoin.
    La prise de notes intégrale ralentit trop la lecture pour un intérêt infime.

    Mais c'est un parachute psychologique, une façon de me rassurer, que je vais avoir du mal à abandonner. Cela pourrait constituer une "bonne résolution" de l'année.

    Deuxième jour

    L'événement de la journée doit être d'avoir oublié de déjeuner parce que je recopiais ma version grecque.

    A part ça, rien, je crois.

    Films vus en 2014

    DVD et vidéos
    - 1er janvier - Robert Schwentke, Red, 2010; Dean Parisot, Red 2, 2013; Asger Leth, Dos au mur, 2012. Je recommande les deux premiers pour une soirée tranquille avec le sourire.

    - 2 janvier - Norah Ephron, Michael, 1996 - Comment dire? c'est nul et plaisant, avec de beaux paysages de l'Iowa (c'est vide).

    - 3 janvier - Louis Leterrier, Insaisissables, 2013 (que je n'avais pas beaucoup aimé, mais A. voulait le montrer à I.); David Barrett, Fire with fire, 2012 (un Bruce Willis sans Bruce Willis — et sans intérêt) et Billy Wilder, la Scandaleuse de Berlin, 1948.

    - 5 janvier - Paul Greengrass, La Vengeance dans la peau, 2007, pour faire plaisir à O. puis Robert Zemeckis, La mort vous va si bien, 1992, associés à des souvenirs précis (dont l'achat du manteau dont j'ai parlé ici).

    - 10 janvier - Christian Petzold, Barbara, 2012.

    - 11 janvier - Tim Burton, Sleepy Hollow, 1999. Avec O. qui l'a reçu à Noël. Je ne me souvenais plus qu'il y avait autant de morts, mais c'est après ce film que j'ai arrêté d'aller voir les Burton. La vierge de Nuremberg hante encore mes cauchemars.

    - 12 janvier - les frères Taviani, César doit mourir, 2012. Fiction et "réalité" étroitement nappées.

    - 17 janvier - Pascal Thomas, Le crime est notre affaire, 2008. Mauvais, dommage, j'aime bcp Frot. Mais mauvais.

    - 26 janvier - Dean Parisot, Red 2, pour la deuxième fois, mais pour la bonne cause.

    - 29 janvier - Margarethe von Trotta, Rosenstrasse, 2003. Les salauds ou les héros, quel autre choix pour filmer ce thème?

    - 1 février - Woody Allen, Manhattan. Une amie était fan de ce film à 17 ans, je ne l'avais jamais vu. Qu'est-ce que ça parle. Qu'en aurais-je pensé à 17 ans?

    - 15 février - Alexander Payne, Monsieur Schmidt, 2003. Ce film entre dans la catégorie des films, souvent américains, destinés à nous faire accepter et aimer nos vies médiocres et inutiles. Donc film sans doute pas inutile, mais qui me donne envie de ricaner avec cynisme.
    Kevin Macdonald, Le dernier roi d'Ecosse, 2006. Pas mal du tout. James McAvoy très séduisant avec ses yeux trop bleus. L'Afrique envoûtante et repoussante.

    - 16 février - Gérard Krawczyk, Wasabi, 2001. Un film vu et revu, du nawak pour se détendre.

    - 2 mars - Neil Burger, Limitless, 2011. Pour essayer de me remotiver. Couture, bouton, accroc, etc.

    - 8 mars - Costa-Gavras, Le couperet, 2005.

    - 10 mars - les frères Taviani, Kaos. Tellement simple et poignant. Cette âpreté de la vie et des paysages, cette façon d'accepter d'être broyé par la vie pour tirer sa dignité de cette façon d'accepter.

    - 12 mars - Wes Anderson, Bottle Rocket, 1996. Ennuyant. Où l'on comprend comment devient un bon cinéaste: en étant d'abord médiocre, puis en s'améliorant.

    - 21 mars - Gregory Hoblit, La Faille, 2007. Bon polar psychologique. Avec Anthony Hopkins et Ryan Gosling.

    - 6 avril - Soren Sveistrup, fin de Killing, 2011, regardé sur plusieurs soirées.

    - 18 avril - fin de la saison 2 de Killing. J'ai l'impression que le réalisateur a beaucoup regardé 24 heures chrono: accumulation de situations qui fait qu'on ne sait plus exactement si tout est cohérent. Noyade interne.

    - 20 avril - Joon-ho Bong, Snowpiercer, 2013. Pour le montrer à H. Mais cela ne lui plaît pas. Je ne comprends pas, cela ressemble tant à ce qu'il regarde.

    - 21 avril - Martin Brest, Le temps d'un week-end, 1992. Al Pacino en aveugle.

    - 26 avril - David Simons, Ed Burns, deux premiers épisodes de The Wire, 2002.

    - 8 mai - Commencé à regarder Black Mirror.

    - 1 juin - Eli Craig, Tucker & Dale fightent le mal. De retour du mariage d'Alexis. O. le voit pour la première fois.

    - 30 juin - Ettore Scola, Le Bal, 1984. Un peu déçue par rapport à mes souvenirs. Je me suis aperçue en cherchant les sous-titres que c'est un film muet.

    - 10 juillet - Martin Campbell, Casino royal puis Quantum of solace en bloguant. Je me suis endormie devant pour me réveiller vers quatre heures du matin sur le canapé.

    - 28 juillet - Gérard Oury, Le Cerveau, 1969. Paris en 1969, les voitures de 1969.

    - 29 juillet - Brad Bird, Protocole fantôme, 2011. Une envie venue d'un extrait vu l'après-midi à la Fnac (revoir Dubaï).

    - 30 juillet - J. Lee Thompson, Les Canons de Navarone, 1961. La Grèce, Grégory Peck et la responsabilité de celui qui dirige.

    - 4 août - Philippe de Broca, Le Diable par la queue, 1969. Tous les cinq (rare).

    - 6 août - Gilles Grangier, Le Cave se rebiffe, 1961. Tous les cinq, bis.

    - 8 août - John McTiernan, Basic, 2003. Pour le montrer aux garçons.

    - 8 août - Alfred Hitchcock, Fenêtre sur cour, 1954. Avec A. qui ne l'avait jamais vu en entier.

    - 10 août - Duncan Jones, Source Code, 2011. Vieilles ficelles mais pas désagréable.

    - 10 août - Paul Feig, Les Flingueuses, 2013. Drôle. Là aussi vieilles recettes. En cousant une pièce au pantalon de C.

    - 12 août - Neil Burger, Limitless, 2011. En bloguant, je le connais par cœur. Aussi pour comparer aver Lucy: ici l'idée d'utiliser ses capacités cérébrales à fond est traitée d'une façon crédible qui donne envie de tenter l'expérience.

    - 14 août - Robert Zemeckis, Qui a peur de Roger Rabbit, 1988. En fait je ne supporte pas ce film, il est trop imprévisible.

    - 15 août - Anne Fletcher, La proposition, 2009. Ça détend.

    - 16 août - Donald Petrie, Miss Detective, 2000, suivie de Miss FBI de John Pasquin en 2005. Le deuxième plus faible que le premier.

    - 17 août - Seth Gordon, Comment tuer son boss, 2011. Gentil mais bof. Nous parvenons à la conclusion que quelle que soit la catégorie, nous avons sans doute vu les meilleurs films.

    - 19 août - Lewis Gilbert, On ne vit que deux fois, 1964, avec O. qui rit devant un tel étalage de clichés sur le Japon («En 1964, ce n'était peut-être pas des clichés… Peut-être que ce film a répandu les clichés.» (comment savoir?)).

    - 21 août - Georges Lautner, Ne nous fâchons pas, 1966, pour C. qui ne l'a jamais vu. A. fait la tête quelque part dans la maison.

    - 23 août - Fred Schepisi, Six degrés de séparation, 1993 - Un film très étonnant, un charme vénéneux qui laisse désemparé. Will Smith merveilleux.

    - 24 août - Georges Lautner, Est-ce bien raisonnable?, 1981, gentil. Pour l'affolante jeunesse de Lanvin et Miou-Miou.

    - 2 septembre - David Lynch, Twin Peak, épisode pilote.

    - 13 septembre - Rainer Werner Fassbinder, Berlin Alexanderplatz, épisode 1. En cousant des badges sur la chemise scoute d'Olivier.

    - 14 septembre - David Lynch, Twin Peak, épisode 1.

    - 20 septembre - Twin Peak, 2.

    - 24 septembre - Twin Peak, 3.

    - 28 septembre - Twin Peak, 4 et 5. Seule, Hervé abandonne.

    - 30 septembre - Twin Peak, 6 et 7. Je me dis qu'à la fin de la série, vu le nombre d'incendies et d'assassinats, Twin Peaks sera rayé de la carte.

    - 1 octobre - Twin Peak, 8 (1 saison 2).

    - 3 octobre - Twin Peak, 9 (2 saison 2).

    - 10 octobre - Twin Peak, 10 (saison 2).

    - 11 octobre - Twin Peak, 11, 12 (saison 2).

    - 12 octobre - Twin Peak, 13, 14, 15 (saison 2).

    - 22 octobre - Twin Peak, 16 (saison 2).

    - 20 novembre - Steven Spielberg, La guerre des mondes, 2005. Saisissant. Très beau visuellement.

    - 20 novembre - Twin Peak, 17, 18, 19 (saison 2).

    - 21 novembre - Twin Peak, 20, 21 (saison 2).

    - 22 novembre - Roger Michell, Week-end royal, 2013.

    - 23 novembre - Twin Peak, 22 (saison 2).

    - 29 novembre - Twin Peak, 23 à 27 (saison 2).

    - 7 décembre - Claude Chabrol, Les fantômes du chapelier, 1982.

    - 7 décembre - Wim Wenders, Don't come knocking, 2006. Superbe bande-son.

    - 20 décembre - Star Treck, saison 1, disque 2, "L'imposteur"

    - 27 décembre - Rich Moore, Les mondes de Ralph, 2013.

    - 27 décembre - Phil Lord, La grande aventure Lego, 2014.





    au cinéma
    - 2 février à Yerres - Hayao Miyazaki, Le vent se lève, 2013. Romantique.

    - 10 février à Yerres - Jean-Marie et Arnaud Larrieu, L'amour est un crime parfait, 2014. Cela pourrait le Shame français, mais avec l'incapacité de traiter le sujet de façon austère: toujours le côté un peu kitsch, un peu théâtral, un peu psy, des scénarios français, comme si on avait peur d'être dépouillé, aride. Mais bien, malgré tout. Marion Duval magnifique dans les premières minutes.

    - 18 février - Lionel Baier, Les Grandes Ondes (à l'ouest), 2014. Bien, très bien même, dans le genre loufoque.

    - 24 février - Pawel Pawlikowski, Ida, 2014. Intense et épuré.

    - 26 février - Wes Anderson, The Grand Hotel Budapest, 2014 avec Patrick. Beau et amusant, réjouissant.

    - 1 mars - Wes Andersen, The Grand Hotel Budapest, 2014 avec H. et O. Le même plaisir, en ayant le temps de regarder davantage.

    - 8 mars - Jim Jarmush, Only Lovers Left Alive. Jarmush creuse ses sillons. Musique et errance. Baroque, précieux, étouffant. Et puis des annonces prophétiques: «La guerre de l'eau a commencé ou ils en sont encore au pétrole?… Detroit revivra, il y a de l'eau, ici.» Un film en colère, beau et sombre. La bande son est de toute beauté.

    - 9 mars à Yerres - John Wells, Un été à Osage County. Comme si on avait concentré tous les secrets de famille en un seul film: ça fait beaucoup.

    - 15 mars - Jean-Marc Vallée, Dallas Buyers Club, 2014. J'y allais en grande parti pour McConaughey qui m'avait beaucoup plu dans La Défense Lincoln: Dieu ce qu'il a maigri! Le film est bien, il m'a replongée dans l'angoisse diffuse (diffuse car j'étais loin de tout cela, tout en sachant qu'un ami du jour au lendemain pouvait être séropositif) de ces années-là, quand on comprenait mal ce qui se passait et comment lutter. (Pensé à Reagan, aussi, son silence et son inaction).

    - 19 mars à Yerres - George Clooney, Monuments Men, 2014. Mauvais. A peine un film.

    - 29 mars - Jeffrey Schwarz, I am Divine, 2014. Un documentaire réalisé avec soin. Interview d'amis, de parents, images d'archives. Beaucoup de tendresse et d'affection qui éclairent en nuance la timidité et l'extravagance d'un homme qui voulait tant être une grande vedette du cinéma.

    - 30 mars à Montgeron - John Lee Hancock, Dans l'ombre de Mary, 2014.

    - 5 avril - Jean-Marc Vallée, Dallas Buyers Club, 2014. Avec Hervé.

    - 9 avril - John Turturro, Apprenti gigolo, 2013.

    - 10 avril - Alexander Payne, Nebraska, 2013.

    - 12 avril à Yerres - Anthony et Joe Russo, Capitaine América, 2014. Pas mal, moins pire que je craignais.

    - 14 avril - Marguerite Duras, Nathalie Granger, 1972. Pffff…

    - 15 avril - Hiner Saleem, My Sweet Pepper Land, 2013. Un western musulman, sur les frontières orientales de l'Europe.

    - 16 avril - Steve McQueen, 12 Years a Slave, 2013. Avec O.

    - 17 avril - Cécile Telerman, Les yeux jaunes des crocodiles, 2014.

    - 19 avril à Montgeron - Jean-Stéphane Bron, L'expérience Blochet, 2014.

    - 21 avril - John Turturro, Apprenti gigolo, avec H. et C. dans une petite salle à Créteil.

    - 22 avril - Xavier Dolan, Tom à la ferme. Homophobie et symdrome de Stockolm

    - 25 avril - Camille Delamarre, Brick Mansions, 2014. Pour amateur de cascades et de corps à corps, indifférent au scénario. (Et dans ce cas, très bien)

    - 17 mai - Mathieu Amalric, La chambre bleue, 2014. Montage progressif très intéressant. Belles images de nu.

    - 21 mai - Rachid Bouchareb, La Voie de l'ennemi, 2014. Nul. (vu un peu par hasard, le film que je voulais voir avait commencé).

    - 13 juin - Jean-Pierre et Luc Dardenne, Deux jours, une nuit, 2014. Pas trop mon genre, mais bien pensé, sur le courage de vivre, les choix (garder une prime pour nourrir son bébé ou pour refaire sa terrasse, c'est le même geste mais pas le même choix).

    - 17 juin - Diao Yi'nan, Black Coal. J'ai pensé aux films noirs américains des années 40, tourné avec l'âpreté d'aujourd'hui.

    - 18 juin - Panos H. Koutras, Xénia. J'aurais aimé dire beaucoup de bien de ce film attachant, mais il devient vraiment trop n'importe quoi. Pour amateur d'Eurovision.

    - 30 juin à Yerres - Philippe de Chauveron, Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu?, 2014. On m'en avait des compliments avec raison. Les préjugés racistes sont systématiquement abordés. Plus intéressant encore, je trouve, la différence entre les femmes, qui vont faire le nécessaire pour que leurs enfants soient heureux à leur façon, même si ce n'est pas ce qu'elles auraient souhaité, et les hommes, qui veulent absolument que les choses se passent comme ils l'ont décidé. Finalement, c'est l'universalité de l'autoritarisme des chefs de famille qui est mise en scène, au-delà des couleurs et des religions.

    - 1 juillet - Clint Eastwood, Jersey Boys, 2014. Des longueurs. Il faut venir avec sa propre nostalgie, ses propres souvenirs, pour voir à travers ce film la naissance du rock'n roll etc.

    - 2 juillet à Yerres - Hossein Amini, The two Faces of January, 2014. Bien. Son défaut serait d'être trop classique, comme un exercice hitchcockien adroitement exécuté.

    - 8 juillet à Yerres - Doug Liman, Edge of Tomorrow,2014. Beaucoup aimé le montage, les expressions de Tom Cruise, la façon dont il tombe amoureux. Exactement ce dont j'avais envie, une bluette musclée. Cerise sur le gâteau, Cruise est pour ainsi dire immortel à la fin du film (même si cela n'est guère souligné). Revu le 9, me donnant l'impression du temps en boucle décrit dans le film (et encore le 11, avec H. cette fois-ci).

    - 29 juillet - Philippe de Chauveron, Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu? avec H. et C.

    - 2 août - Charlie Siskel et John Maloof, A la recherche de Vivian Maier, 2014. Un film qui vous remue. Une envie de voir ses photos en sortant. (Vu deux fois, une fois seule le matin, une fois avec H. l'après-midi).

    - 3 août - Alfred Hitchcock, La mort aux trousses, 1959. Sortie à cinq.

    - 5 août - Jonathan Glazer, Under the skin, 2014. Plus jamais ça.

    - 9 août - Luc Besson, Lucy, 2014. Dispensable. Deux nanars pour Scarlett Johansson, pas dans le même genre. (Sortie à cinq).

    - 13 août - James Gunn, Les gardiens de la galaxie, 2014. Recommandé, très beau et amusant. (Sortie à cinq).

    - 16 août - Charlie Siskel et John Maloof, A la recherche de Vivian Maier, 2014. Pour la troisième fois, cette fois-ci tous ensemble.

    - 22 août, Nuri Bilge Ceylan, Winter Sleep, 2013. Je n'oserai pas dire ailleurs qu'ici (un peu planquée) que cela m'a rappelé le mécanisme implacable de nos disputes.

    - 24 août - Patrick Hughes, Expendables 3, 2014. Entre amis. Verrons-nous dans trente ans les "jeunes" faire la suite en tant que "vieux"? Ce serait bien. Belle histoire d'amitié et d'estime, à l'écran certes, mais surtout derrière.

    - 25 août - James Gunn, Les gardiens de la galaxie, 2014. En VF, à la Défense. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, c'était inutile.

    - 8 septembre - Jeremy Saulnier, Blue Ruin, 2013. Je ne sais qu'en penser. C'est à la fois bien et déjà vu si souvent. ni décevant ni enthousiamant.

    - 12 septembre - John MacTiernan, A la poursuite d'Octobre rouge à la cinémathèque avec H. et A. qui le voit pour la première fois. Copie très sombre.

    - 15 septembre - Thomas Lilti, Hippocrate, 2014. Déçue par rapport à ce que j'avais lu dans les critiques de spectateurs. Tend vers le niais. Reda Kateb à suivre.

    - 19 septembre - Sergio Leone, Le bon, la brute et le truand. Pour l'anniversaire d'O.

    - 23 septembre - Matthew Warchus, Pride. Le pendant anglais et quasi optimiste de Dallas Buyers Club.

    - 1 octobre - Andrei Zvyagintsev, Leviathan. Job. Pourquoi Dieu protègent-ils les méchants?

    - 5 octobre, Alexandre Aja, Horns, fantastique adolescent.

    - 7 octobre, Hans Petter Moland, Refroidis, joyeux et sinistre.

    - 20 octobre, David Fincher, Gone Girl, 2014. Haletant jusqu'aux deux tiers, puis je ne me suis plus vraiment sentie concernée par ce jeu de séduction délétère. Du sado-masochisme psychologique.

    - 25 octobre, Éric Toledano et Olivier Nakache, Samba, 2014. Ça ne casse pas trois pattes à un canard. Gentil, mais aussi effrayant si l'on n'en considère que l'aspect documentaire.

    - 19 novembre, Andrzej Wajda, L'homme du peuple, 2014.

    - 26 novembre, Michaël R. Roskam, Quand vient la nuit, 2014. J'y suis allé parce que j'avais aimé Bullhead. J'aime également celui-ci, sa sobriété, sa timidité, sa brutalité souterraine.

    - 31 décembre, Cédric Jimenez, La French. Pour les assiettes et le papier peint. Sinon, trop long mais sympathique. On se dit avec une pointe de regrets qu'il existe une poignée d'acteurs français qu'on verrait bien jouer plus souvent.

    Premier jour

    Lever vers 9h30. Matinée et plus à glander sur FB et à reprendre tranquillement la liste de mes adresses, contacts et anniversaires sous… Excel, ce dernier changement de téléphone achevant de me convaincre que si l'on veut conserver la maîtrise de ce qu'on fait, les vieilles méthodes restent les plus sûres.
    Retour chez les voisins jusqu'à 17 ou 18 heures. Nous comparons les campagnes françaises (et la curiosité de leurs habitants): Sologne, Berry, Dordogne, Lorraine, Touraine,… Nous parlons également d'une pub des années 70 qui m'échappe, et l'on évoque Dali et le chocolat Lanvin: je n'en avais jamais entendu parler.

    Trois films: Red, Red 2, Dos au mur: les Red sont vraiment bons dans leur genre, avec des moments fugaces à la Audiard (genre Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages).

    Dernier jour

    Je trouve une infirmière à l'institut Vernes pour enlever les fils. Je suis contente, ce n'était pas gagné entre Noël et le Nouvel An.
    Je déjeune d'une palombe au réglisse à l'Antre deux rue Mézière (très bon le réglisse, un peu coriace la palombe). J'achète des gants oranges pour moi et des collants à paillettes pour A.

    Partie un peu tard du bureau, je ne sais plus pourquoi.

    Réveillon chez les voisins, H. a passé la journée aux fourneaux. Bavardage agréable, je ne sens pas la fatigue.

    2013 ou la dernière trahison

    2013 : trahison de R.
    2011-2012 : trahison de C.
    2010 : trahison de H.

    Pas de doute, ces dernières années ont été riches en enseignement.
    Je parle de "dernière" trahison car je ne vois plus bien qui pourrait me trahir. Je crois (mais sans doute me trompé-je) ne plus faire confiance à grand monde.

    Avant-dernier jour

    Déjeuner au Saint John Pub (à Neuilly) pour la première fois depuis les travaux. La déco a changé, il y a maintenant une série de photos de sportifs sur les murs, dont Borg à genoux et la célèbre photo de Carl Lewis.

    H. vient à Paris pour trouver du Tokay (mon vin préféré) et en profite pour aller voir Hunger games 2 (personne n'a voulu l'accompagner). Il me demande de le retrouver à 8h20 devant Gaumont Opéra.
    Je quitte le bureau suffisamment tôt pour tenter de me faire enlever les fils au centre Turbigo (l'idée était aussi de tester le centre de santé recommandé par notre organisme complémentaire). Mais j'ai oublié mon ordonnance et l'infirmière refuse d'agir. Je suis dépitée d'avoir perdue deux heures. Je vais attendre Hervé au Starbuck devant le Gaumont en continuant Bertrand Russel. Son admiration pour les mathématiciens grecs fait plaisir à lire, les approches de racine de 2, le calcul de pi,…

    H. me rejoint (plutôt déçu). Nous repartons lentement vers la Madeleine. Rue des Capucines, nous nous arrêtons dans un café appelé "Café Alice", déco moderne qui respecte le caractère de café parisien, cuisine correcte. Malheureusement quatre jeune filles proches de nous parlent très fort.

    Une journée de surf

    J'espérais bloguer, rattraper les billets en retard à travers les années (juillet 2010, août 2012, octobre 2013).
    Et puis… matin sur FB, marché, déjeuner très tard, leçon sur le fonctionnement de l'iPhone…

    H. a constaté avec étonnement que l'intégralité de mes podcasts en littérature ne tenaient pas sur l'iPhone. Il a également mieux compris pourquoi iTunes m'avait découragée circa 2007: tout est en vrac, mal regroupé. Dès qu'il ne s'agit plus de musique, iTunes perd tout repère. (Et en musique, c'est énervant cette façon qu'il a de confondre "artiste" (compositeur) et interprète.)

    Passé un très (très très) long moment à choisir une coque de téléphone sur Redbubble. J'en ai profité pour acheter le cadeau d'anniversaire de H.

    Le soir, impression d'avoir perdu ma journée (par rapport à mes ambitions du matin, c'est certain).

    Devoir de vacances

    Gvgvsse est en train de compléter un an de blog. Je ne comprends pas bien comment il arrive à être aussi précis tant de temps après quand je vois le mal que j'ai à remplir dix jours de retard. Mais il faut dire que j'essaie d'éviter les péripéties du bureau et les histoires tristes et mes lectures et…

    Bref, je ne sais plus que raconter parce que je ne sais plus si c'est intéressant, si c'est indiscret, si c'est obscène… Il faut juste ne pas se poser de questions.


    Journée sur FB alors que j'avais prévu de bloguer.

    Enquête

    Les question sont ici.
    Réponses apportées le 29 janvier 2015.

    1/ Non, et c'est d'ailleurs pour moi une question récurrente (ni obsédante, ni angoissante, mais réccurente : de celle à laquelle j'aimerais trouver une réponse).
    Dans Rome, la pluie, l'auteur dit qu'il faut se faire enterrer à côté des gens que l'on veut retrouver au jour de la résurrection pour vivre avec eux éternellement (je ne suis pas si sûre que ça de tenir à ressusciter, mais c'est une autre question). Cela m'a épouvantée: je ne m'imagine pas vivre avec qui que ce soit éternellement (je ne tiens à personne à ce point-là), et je ne voudrais certainement pas imposer ma présence à qui que ce soit aussi longtemps…
    J'ai une vision plus pragmatique: se faire enterrer auprès d'autres personnes de la famille afin que les vivants ne soient pas obligés de parcourir la France quand ils veulent déposer un chrysanthème… auprès de ma grand-mère paternelle? mais le cimetière est laid. Auprès du grand-père paternel d'Hervé (ce qui me paraîtrait le plus logique)? mais Hervé ne répond pas quand je lui pose la question. S'il meure avant moi (le plus probable), il faudra que je choisisse pour lui; j'aimerais bien qu'il me donne une indication. (Et donc une règle malgré tout, pour des raisons de tradition — j'aime beaucoup les traditions: me faire enterrer auprès de mon mari).

    2/ J'adore les études, je ne ferais que ça. Mais on ne gagne pas sa vie en faisant des études. Et puis mine de rien, sortir dans le monde réel permet de mieux comprendre ce qu'on apprend. Donc tant pis, pas d'études à vie. Mais presque.

    3/ Sud est de Paris pour quitter facilement la région parisienne quand nous allons chez nos parents. C'est également une ville proche du village de F. où nous avons passé un été en 1992, et c'est la maison de notre ancien coiffeur parti dans le sud (— Tu ne connaîtrais pas une maison à vendre? — Si, la mienne.)

    4/ Oui et non. J'ai des souvenirs très précis dont je m'aperçois parfois qu'ils sont très déformés. Je crois que nos rêves (oubliés par la conscience) interviennent puissamment dans nos souvenirs.

    5/ Oui, je travaille avec des dates d'effet.

    6/ Oui, des BD principalement, avant mon bac. Beaucoup de Yono Tsuno.

    7/ Non. J'évite le noir, qui me semble la pente de la facilité. Mais j'en ai, il me reste ce que j'ai acheté après la mort de ma grand-mère.

    8/ Oui, j'ajouterais bien «hélas», mais en fait c'est plus intriqué que cela.

    9/ N'importe quoi qui ne soit pas immobile. Lire m'est difficile (blancheur de la page). Marcher. Je n'aime pas beaucoup la mer, je n'ai rien à y faire. J'apprendrais bien des rudiments de voile.

    Des pieds et des mains

    Chaque année à Noël mon beau-père nous offre des places de théâtre à réserver via Cultival, et chaque année nous nous retrouvons vers le 20 décembre à devoir choisir une pièce en catastrophe avant la fin de validité des billets.

    Nous avons donc choisi, un peu au hasard, un peu à cause des deux lignes d'introduction dans L'officiel des spectacles, Des pieds et des mains.
    C'est une bonne pièce de boulevard, absurde et rythmée, avec une autruche (Clarence (c'est un mâle)), une superbe idiote (j'ai oublié son prénom: Dorothy?) et une impressionnante Miss Goebbels («Pas de lien de famille avec mon oncle le Dr Goebbels»).

    Mais ce qui m'aura le plus frappée, finalement, c'est que depuis que j'ai parlé cannibalisme avec JYP (lui adoptant la thèse que l'interdiction de la viande de porc est destiné à prévenir le cannibalisme, moi rétorquant que cette thèse montre surtout les fantasmes et les peurs de ceux qui l'émettent), les histoires de cannibales pullulent autour de moi (je n'en dirai pas plus, j'ai déjà trop spoilé).

    RIP

    Fin des vacances, je reviens après dix jours d'absence. RER et couloirs calmes.
    Je me mets au travail.
    Une heure plus tard, j'ai l'occasion de revenir sur la page d'accueil de l'intranet de la boîte. Elle a changé, une brève nous apprend la mort le 24 décembre du DRH parti à la retraite au printemps dernier. Il est enterré aujourd'hui dans les Vosges (impossible d'y aller, trop tard). Je suis ébranlée.

    C'était un homme qui était déjà en poste quand je suis entrée au G*n en 1996. Il était beau, blond aux yeux bleus dans le genre Robert Redford.
    Choc en le revoyant il y a deux ans, vieilli, boursoufflé: comment pouvait-il s'être laissé aller ainsi en ayant tant d'atouts naturels?
    — Mais que lui est-il arrivé ?
    — Un divorce difficile.
    (J'avais pensé à l'alcool, mais après cette mort H. me suggère de la cortisone.)

    Quand une partie des activités de mon ancienne société a été vendue en octobre 2012, l'autre partie a été dissoute dans une des entreprises du groupe (comprendre que les effectifs et les portefeuilles clients ont été repris tandis que juridiquement la société d'origine disparaissait). Bien entendu se posait le problème des doublons, de façon d'autant plus épineuse que les personnes étaient haut dans la hiérarchie. Un "plan de départ volontaire" (PDV) a été mis en place, proposant aux salariés d'anticiper leur départ à la retraite. C'est ainsi que "Robert Redford" est parti quelques mois ou années plus tôt qu'il n'aurait dû.

    Je ne peux m'empêcher de penser que ça l'a tué, qu'en lui enlevant ce qui l'obligeait à se lever tous les matins et lui donnait une structure, nous l'avons tué.
    (C'est idiot, je pourrais tout aussi bien penser qu'heureusement qu'il est parti plus tôt, qu'ainsi il a eu au moins quelques semaines de loisir.)

    Noël

    Mes parents et mes beaux-parents arrivent à midi. Comme nous avons paressé les jours précédents, le branle-bas de combat est sonné: ménage pour tous tandis qu'H. se met aux fourneaux. A l'heure dite tout est à peu près prêt, c'est l'avantage des ados sur les enfants plus jeunes.

    Journée sereine (commentaire qui paraît innocent mais qui représente des années d'évolution souterraine) qui se termine comme souvent désormais par des mille de belote: j'ai découvert en mon père un joueur averti, ce qui prouve qu'il doit jouer souvent au club de tennis quand sa santé ne lui permet pas d'aller sur le terrain.

    C. reçoit trois livres de blagues navrantes, du genre «Un poussin égale deux», ce qui alimente la conversation pendant de nombreuses minutes.

    Je souhaitais un iPod pour écouter mes podcasts et mes livres, je me retrouve un peu désemparée avec un iPhone. Je n'ose expliquer ce qui m'inquiète: que je m'y habitue trop et ressemble à tous ces voyageurs de RER le nez dans leur écran, que je cesse de lire, moi qui lis déjà si peu et si insuffisamment.

    Veille de Noël

    Je passe la matinée sur ma version grecque. Je vais lentement, je ne connais pas assez ma grammaire. Je travaille beaucoup moins que l'année dernière, il va falloir que je me reprenne.

    Nous déjeunons assez tard, et il est rapidement l'heure de partir à Paris pour aller voir le ballet de Prejlocaj Le Parc. C'est alors que je découvre que A. est venue avec pour tout manteau un misérable kway blanc pour chercher les champignons à l'automne (sous lesquels elle entasse trois pulls — elle profite également d'avoir maigri pour porter deux pantalon l'un sur l'autre, mais comment fait-elle?)
    Je lui dégotte dans mes armoire un manteau râpé que j'ai tant porté que je n'ai pas le cœur de le jeter. Elle le porte avec sa robe et ses Doc Martens, c'est très hype. Nous arrivons vers six heures place de l'opéra. Les grands magasins sont fermés, les rues désertées. Nous trouvons un magasin de chaussures ouvert, nous serons ses derniers clients. Nous achetons des chaussures à A., talons de trois centimètres, ce qui lui permet de se sentir sur échasses (tous ces détails sont destinés à ceux qui la connaissent IRL, qui peuvent imaginer la scène.)

    Quand nous sortons, des sirènes retentissent et nous voyons arriver plusieurs policiers à moto qui remontent le long de l'Opéra. Je commence à pester intérieurement contre cette démonstration de pouvoir qui doit accompagner le déplacement d'un ponte quelconque quand nous voyons passer… le père Noël en side-car, encadré par une vingtaine de gardes civils à moto.
    La farce est très bonne.

    Magnifique opéra (le bâtiment), spectacle parfait, avec Alice Renavand et Stéphane Bullion en vedette dans le pas de deux final.

    Le soir tard dans la nuit, alors que tout le monde est couché, je monte le sapin et place les cadeaux. O. m'a fait honte et m'a fait de la peine. J'ai vu dans ses yeux au moment où il allait au lit qu'il croyait encore au miracle, qu'il espérait encore qu'il y aurait demain quand il se réveillerait un sapin décoré et des cadeaux dans des chaussons dans tout le respect de la tradition.
    Alors je n'ai pas pu dormir, je me suis relevée, j'ai monté le sapin, j'ai cherché des chaussures et des chaussons dans la maison silencieuse et j'ai placé les cadeaux en me promettant de faire mieux l'année prochaine — et toutes les années à venir.

    Que faire pendant ses vacances ?

    Eh bien par exemple, passer deux heures chez Boulanger à faire des paquets cadeaux.


    ----------------------------
    Grâce à l'apple TV, montré à H. Margin Call et Inside Job. (Avis à ceux qui ne connaissent pas: il vaut mieux les voir dans l'autre sens).
    Il faut bien avouer que Blue Jasmine ne me fait ni chaud ni froid. Je peux tout au plus penser "bien fait". C'est un conte très moral que nous raconte Woody Allen. La sœur "pauvre" me rappelle le personnage d'Yvonne dans La Chinoise. Elles représentent la sagesse (une certaine sagesse, celle des innocents, celle qui s'ignore) mais aussi la résignation. Que les deux puissent se confondre me met en colère et me fait peur.

    CQFD

    Nous passons chez le marchand de fruits et légumes pour quelques commandes pour Noël. Il ferme le 24 au soir.
    — Et vous rouvrez quand? demandé-je avec l'espoir que ce soit le 31.
    — Jamais. Je change de vie, je pars au soleil, en Nouvelle-Calédonie.

    Tandis que nous nous éloignons, je commente, un peu bitch:
    — La Nouvelle-Calédonie? Bizarre, encore une histoire de femme.
    — Mais pas du tout! Sa femme est de Nouvelle-Calédonie!
    — …
    — Je te déteste.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 30 janvier 2015 — ma grand-mère maternelle aurait eu 99 ans.

    1/ Oui. Par par haine mais par remord, honte, lâcheté, pour que les personnes qui ont été témoins de mes plus grandes fautes ne soient plus là pour s'en souvenir.
    (Et aussitôt ce souhait me remplit d'effroi: non Seigneur, ne m'écoutez pas, ne m'exhaucez pas, ce serait pire encore!)

    2/ Oui. Détendre le corps, s'empêcher de bouger et surtout d'ouvrir les yeux (mais cela, je le pratique depuis plus de vingt ans, peut-être trente, donc c'est devenu automatique), puis attrapper une image agréable et laisser dériver ses pensées à la marabout-bout-de-ficelle, sans rien contrôler sauf si l'on "tombe" sur un sujet angoissant ou exaspérant: dans ce cas, reprendre le contrôle pour éviter ces sujets (là encore, je pratique cela depuis si longtemps que c'est devenu automatique). Souvent on pense «je ne m'endormirai jamais» et on se réveille dix minutes plus tard.
    Mais si je me réveille le week-end vers quatre heures du matin, j'allume et je lis: après tout, l'obligation de dormir est en grande partie due à l'organisation de la société, si l'on n'a pas de contraintes, il n'y a aucune raison de se forcer à dormir.

    3/ Sans doute souvent même si je n'ai pas d'exemple en tête. C'est simplement que j'allie une logique rationnelle à l'amour de la fantaisie. Donc si quelque chose n'est pas importante (logique), autant s'amuser (fantaisie).

    4/ Régulièrement. Mais aujourd'hui je lutte contre cette impulsion car je sais qu'il vaut mieux faire face aux situations avant qu'elles s'enveniment (philosophie du plombier) — mais il ne faut pas intervenir trop tôt: il faut saisir le rythme des choses, intervenir trop tôt ne sert à rien.

    5/ Oui, au hasard de vidéos amateurs. Et une phrase enregistrée pour l'anniversaire d'un ami aveugle.

    6/ Euh, genre patchwork pour femme au foyer? Un peu de tricot parfois devant la télé. (Ou alors ce blog (lol)).

    7/ Plutôt trente! Mais si je devais déménager pour être seule, beaucoup moins. Mon idéal reste la chambre de Cité U.

    8/ Oui, mais ce n'est pas inné. Acquis. Je l'ai appris en particulier à l'aviron: je suis une bonne rameuse, il est de ma responsabilité de prendre des décisions et de ne pas laisser ce rôle (pénible et exposant) à des moins qualifiés. C'est une question d'honnêteté, de rigueur. Et tant pis si je n'aime pas ça.

    9/ Non.

    10/ Non. Dialogue très récent:
    — Je n'arrive pas à reconnaître les gens de mon âge.
    — Tu les trouves trop vieux?
    — Oui.
    — J'ai le même problème.

    Retour

    O. revient de Florence.

    Je pensais que le train arrivait de Milan à 10h21, mais c'est à 10h11. Comme il n'y a des RER que tous les quarts d'heures, j'arrive en catastrophe gare de Lyon à 10h07. Train en provenance de Milan à 10h41 voie 25: les informations que j'ai seraient-elles fausses? Ont-elles été corrigées la semaine que mon fils était absent de l'école? Je téléphone à la maison puisque la feuille contenant les-dites informations est restée dans la cuisine. Y a-t-il précisé un numéro de train? Non.

    Je reçois à ce moment-là un SMS: «Nous sommes à Villeneuve-St-Georges». Deux SMS plus tard, je comprends que j'ai confondu les panneaux de départ et d'arrivée, et que le train arrive bien à 10h11 — à cela près qu'ayant pris trois heures de retard à Milan, il arrive… à 10h41 voie I.

    Bon. O. va bien, il ne s'est pas évanoui de faiblesse dans les musées, il a même l'air un peu moins maigre qu'en partant (ça doit être une illusion d'optique).

    Les langues

    J'ai de nouveau rendez-vous au forum des images avec Lisa. Elle prépare un devoir de fin d'étude, une sorte d'article de douze pages. Elle m'explique (en allemand) ce qu'elle doit encore faire pour devenir professeur.
    — Mais voulez-vous vraiment devenir professeur d'allemand en Allemagne? (J'aurais tendance à la tutoyer, mais pour des raisons pédagogiques, il vaut mieux que je la vouvoie — en allemand.)
    Elle n'en est pas si sûre. Nous comparons l'état de l'apprentissage de la langue vernaculaire (non, je ne sais pas dire "vernaculaire" en allemand) en France et en Allemagne, le problème de l'autorité, le remplacement de la "vieille génération" des instituteurs par celle qui a été formée après mai 68. Lisa s'est déjà heurtée à la protestation «Mais pourquoi voulez-vous que j'apprenne l'allemand, je le parle de naissance!». Dans certains lycées, les élèves sont notés sur tout, sauf sur l'allemand, afin de leur donner une chance.

    De mémoire, je lui retranscris quelques aberrations en français que m'a envoyées "lecteur" (un ami qui commente sous le nom de lecteur) récemment, et qui sont de pures retranscriptions phonétiques (de la part d'enfants CSP++, comme on dit en entreprise, ie milieu favorisé).
    Je vous en copierai quelques-unes quand je les retrouverai dans ma tonne de papiers à classer: ce qui m'étonne, c'est que même la coupure des mots n'est pas respectée, à croire que l'environnement, les mots sur les paquets de céréales ou les affiches, n'a pas réussi à imprimer une trace dans l'esprit de ces enfants. C'est vraiment bizarre.
    En tout cas, même déliquescence en Allemagne et en France, même si elle ne prend pas la même forme, du fait de la structure de ces deux langues (bon, mon allemand est trop limité pour que j'ai pu creuser davantage, mais ce n'est déjà pas si mal!)

    ******

    ( Dans la journée, j'avais repéré une formation pour du Perfectionnement en Expression Française. )

    ******

    Boseb, flameküche, Boseb, Lisa, Oulipo.
    A. est revenue de Lisieux.

    Inéluctable

    J'ai appris hier soir que mon père avait des soucis de santé — et donc, inévitablement, j'ai rêvé de la ferme de mes grands-parents. Cette fois-ci j'ai rêvé qu'il fallait qu'on la vide: découragement devant le capharnaüm des greniers.

    Au réveil, je me suis souvenue avec soulagement que c'était déjà fait.

    Deux jours à l'hôpital

    (C'était prévu, ne vous inquiétez pas.)

    Les infirmières sont jolies, souriantes et aimables.

    En deux jours, je pense avoir dormi autant qu'un chat. Et j'ai un peu avancé dans Russell (moins que je le pensais. Cette manie de prendre des notes ralentit considérablement la lecture).

    Le futur de l'édition

    Lettre reçue :

    «De mon côté, les affaires alimentaires sont plutôt satisfaisantes. La petite entreprise de "rewriting" va son bonhomme de chemin avec [noms de plusieurs maisons d'édition] et autres qui nous envoient, à mon associé et à moi, de bons gros manuscrits qu'il faut "lisser", "toiletter", préparer", c'est-à-dire, ni plus ni moins, traduire en français courant, qu'il s'agisse de romans (eh! oui!), d'essais ou de témoignages. L'honnêteté voudrait, désormais, que l'édition imite le cinéma et fasse figurer, après le titre et le nom de l'auteur, un générique complet de tous les participants à un livre.»

    Le dernier sapin de Noël

    L'année dernière j'ai acheté un sapin un soir en rentrant du boulot. Il a passé une semaine dans le salon et j'ai fini par le décorer en catastrophe avant Noël, cela n'intéressait personne.
    Hier, le sapin a été livré par les scouts. Je l'ai rentré, j'ai coupé le filet qui retenait les branches et leur ai laissé de la place pour s'étendre.
    Et maintenant j'attends. Si personne ne prend la peine de le décorer, c'en est fini des sapins à la maison: pourquoi s'ennuyer avec quelque chose qui n'intéresse personne?


    -----------

    Le soir, départ de O. pour Florence en voyage scolaire. J'ai insisté pour qu'il y aille contre l'avis de H., j'espère que cela va bien se passer.

    Accueil de réfugiés politiques

    Des amis devaient venir pour le week-end. Nous avions annulé au dernier moment par besoin de souffler.
    Mais les voisins sont venus chercher un DVD: ils avaient dix-huit ados chez eux et voulaient quelque chose pour survivre à la soirée. Ils sont restés jusqu'à minuit.

    Ce qui m'a impressionnée, ce sont les angoisses de monsieur: il avait vu Projet X et s'y voyait déjà (bilan le lendemain: deux dormeurs dans la baignoire et quelques vomissures).

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 31 janvier 2015.

    1/ Non. Mais les zoos et les réserves sont nécessaires, de plus en plus souvent on devrait les appeler des musées. Je suis triste de constater que certaines très belles photos d'animaux ont été prises en zoo, même si le cadrage tente de le dissimuler. Sans les zoos certaines espèces auraient totalement disparues. Reste-il suffisamment d'individus pour assurer la diversité génétique?

    2/ Je crois que oui, et je pense que c'est plutôt un bien, sauf pour la partie judgmental qui est un énorme défaut.

    3/ Une pelleteuse curant le fond de la Seine pont de Neuilly. J'aime la puissance domestiquée de ces gros engins paisibles. Il me font penser aux dinosaures herbivores.

    4/ Hum. En portant mon chapeau orange d'un air crâne? En disant un truc inattendu? (mais à qui et quand, je ne sais).

    5/ Déjà fait ! (c'est très agréable dans l'air, mais j'ai vraiment du mal à sortir de l'avion: le bruit, le vent relatif, on ne se rend pas compte de tout ça au cinéma.)

    6/ Moyen. Beaucoup internet. Je crois que je ne me mettrai jamais au téléphone (je ne parle pas du portable). Mais ce n'est pas une "nouvelle" technologie.

    7/ Non.

    8/ A peu près égal, je pense.

    9/ Le dernier en date, toujours. La Grèce, la traversée du Péloponnèse.

    A suivre

    A la machine à café je croise l'agent de sécurité qui stationne dans le hall. Pour dire quelque chose, je lui demande s'il ne s'ennuie pas trop (sous-entendu à ouvrir la porte à ceux qui n'ont pas de badge). Quelques phrases plus tard, après m'avoir parlé de mon chapeau, il me dit:
    — J'ai un blog, les gens l'aiment bien. Je vous donnerai son adresse.

    Rien dans les mains, rien dans les poches

    Jour de grève. Comme je me suis levée trop tard, je n'ai plus de train avant quarante minutes à Yerres, donc je décide d'aller à Villeneuve-St-Georges attraper le train vingt minutes plus tard.
    Le temps de dégivrer la voiture, je démarre (prudemment puisque je suis pressée) de façon à me retrouver dans un embouteillage qui fait que je sais que je raterai le train quoi qu'il arrive.
    Quand j'arrive finalement sur le parking et me gare, je me rends compte que j'ai oublié mon sac: pas de livre, pas d'argent, pas de passNavigo, pas de téléphone pour prévenir que je vais être horriblement en retard. Si en retard que je décide de ne pas retourner les chercher.
    On se sent un peu à poil avec juste ses clés de voiture.

    Je suis donc allée à la bibliothèque de l'entreprise le midi, ce qui m'a permis de me faire offrir fortuitement un "Garnier jaune" relié, le Diderot philosophique (il faisait partie de livres non répertoriés et la bibliothécaire m'a dit de le garder). J'ai lu Supplément au voyage de Bougainville dans le train bondé le soir (c'est un texte que O. doit étudier) ce qui m'a amenée à relire Supplément au voyage de Cook dont je n'avais aucune idée quand je l'avais lu en terminale que c'était un décalque de Diderot. C'est beaucoup plus drôle, mais il est vrai que Giraudoux avait moins à prouver.

    La loi c'est la loi

    Coup de fil de C. (majeur) qui a emmené son frère O. à l'hôpital pour sa visite de contrôle:

    — Tu as un fax? Parce que sans procuration, ils ne me laissent pas le ramener, il reste à l'hôpital.


    ---------------------
    Agenda : Soirée adaptation cinématographique avec les anciens Sc-Po. Je présente La Trève pour le plaisir de revoir Le voyage de Primo Levi.
    Je continue mon observation de moi-même en situation sociale. Dire ou ne pas dire ce qu'on pense, et comment le dire.
    Je ne suis pas sûre d'avoir été très douée ce soir.

    Une journée à l'hôpital

    Vendredi dernier, quarante de fièvre le matin.

    Samedi, rien.

    Dimanche, quarante de fièvre le matin.

    ************


    Lundi.
    Quand au petit matin, votre fiston qui vous a réveillé à cinq heures parce qu'il avait envie de vomir, vous avoue qu'il n'a pas dormi tant il avait mal au ventre et vous dit avec le petit sourire de celui qui sait que c'est ridicule mais qui ne peut pas s'en empêcher: «Je me sens mourant», vous vous dites que vous êtes peut-être en train de louper quelque chose.

    Direction les urgences à sept heures du matin, en train de visualiser l'opération pour une péritonite alors que nous l'avons bourré d'aspirine depuis une semaine et qu'il a bu toute la nuit…

    Urgences. Ah non, pas celles-ci, il a moins de seize ans, urgences pédiatriques (ce qui fait que l'infirmière plus petite que moi m'a demandé de le mesurer, elle ne pouvant atteindre le mètre quatre-vingt-dix de la toise).

    Prise de sang, attente des résultats, radio des poumons, tension à 8/5. Mais ce n'est pas une péritonite.

    Finalement, infection du poumon gauche (suffisamment développée pour que la douleur irradie le ventre) et déshydratation. Ils ont failli me garder mon bébé une nuit pour le perfuser, mais comme nous avions l'air sérieux, j'ai eu le droit de le ramener à la maison. Visite de contrôle mercredi.

    My Fair Lady

    Hier soir au Châtelet. Une très bonne soirée. J'ai été surprise de constater à quel point les musiques m'étaient familières.
    My Fair Lady, c'est l'une des œuvres que j'ai étudiées en anglais en hypokhâgne.
    Caroline Blakiston est particulièrement vraisemblable et élégante dans le rôle de la mère d'Higgins.
    Je me disais que nous pourrions tenter désormais une adaptation française, à base d'accent de banlieue.

    A la fin, alors que la salle s'est vidée mais qu'une vingtaine de spectateurs s'est réunie autour de la fosse, l'orchestre nous joue un pot-pourri des airs du spectacle. Est-ce une habitude du music-hall? C'est en tout cas très sympathique.

    En sortant, nous avons la chance de nous voir attribuée la dernière table de la brasserie d'à côté. Nous reconnaîtrons les chanteurs venir dîner en petits groupes d'amis.

    Symphonie espagnole

    La Concerts gais hier soir. Peut-être davantage concerts heureux que gais, tant le chef Marc Korovitch paraissait heureux d'être là, souriant, dansant, se démenant (je n'ai rien compris à sa gestique, je ne sais pas ce que repéraient les musiciens). Son sourire accompagnait la musique (oui, nous étions placés sur le côté), et c'était un plaisir de le voir autant que d'entendre les morceaux.

    Il est encore temps d'aller écouter la Symphonie espagnole de Lalo et la symphonie n°3 de Schuman demain 8 décembre à 18 heures au Temple des Batignolles (44 bd des Batignoles), jouées par de nombreux blogueurs (saurez-vous les reconnaître dans l'assistance?)

    Enquête

    Les questions sont sont ici.
    Réponses apportées le 1er février 2015.

    1/ Non. Tant mieux d'ailleurs. Je regrette juste de ne pas avoir une seule photo de moi enceinte (à quoi pouvais-je ressembler? Je n'en sais rien.)

    2/ Oui, trop. Un camarade de classe m'a touchée cette année: revenant d'Afrique où il avait organisé un centre de traitement contre Ebola, il s'est exclamé: «comment ai-je pu vivre un mois sans le rire d'Alice?» Cela m'a profondément réconfortée.

    3/ Je ne cuisine pas. Des pâtes ?

    4/ Oui, si j'en ai. Sinon je tiens une liste sur Amazon, mais seuls mon beau-père et un ami s'en servent.

    5/ La Grèce, été 2014 (une heure, c'est rien du tout).

    6/ Ce n'est pas l'impression de rajeunir, c'est l'impression que le temps n'a pas bougé. Ça, par exemple.

    7/ Non, mais mieux depuis que je me suis remise à ramer (mes jambes n'ont pas bronzé entre 1980 et 2010).

    8/ Non. J'ai des retraités au téléphone et tous se plaignent d'une dramatique baisse de revenus : «je ne m'attendais pas à ça après avoir travaillé quarante-deux ans.» Les gens ne se rendent pas compte de ce qui les attend.

    9/ La plupart, oui.

    10/ Non.

    Une journée à la maison

    O. a tant de fièvre (40° le matin) que je décide de rester à la maison. Je peine à trouver un médecin. La journée s'étend devant moi, vide. Mandela est mort. Je ne sais plus comment je l'ai occupée, à cela près que j'ai soudain découvert que j'avais complètement oublié la queue de bœuf mise à mariner sur la terrasse: quinze jours à tremper dans le vin rouge, elle ne paraît pas avoir faisandé. Je sors faire des courses (j'hésite à acheter un sapin, l'avenir prouvera que j'ai tort).

    Passage chez le médecin («Vous êtes végétarien?» devant la maigre carcasse de mon fils) qui le congédie avec du Doliprane et la recommandation de manger des kiwis. Comme j'ai parlé du départ à Florence dimanche (tout mon être est tendu dans le but qu'O. puisse y participer), le médecin prescrit un antibiotique «à prendre à partir de mardi si ça ne va pas mieux». Elle n'a pas tenu compte de mon insistance sur le fait qu'il y avait probablement une infection, qu'autant de fièvre au lever n'était pas normal, que c'était déjà le cas le week-end dernier… Toujours cette impression de ne pas être entendue au sens le plus littéral, comme si mes paroles ne résonnaient que dans mon crâne. Etrange solitude, étrange impuissance. Le problème des timides ou d'une trop grande confiance dans l'institution: elle est médecin, elle sait ce qu'elle fait, je ne vais pas déranger…

    Passage à la pharmacie, à la mairie (pour la carte d'identité à refaire: O. va partir en Italie avec un passeport périmé, coup de poker), retour à la maison, je prépare la queue.

    Le soir je dois croiser C. pour lui tendre son sac de sport sur un quai de métro, puis rejoindre Patrick pour dîner avant d'aller au concert de Zvezdo. Tout est minuté, je quitte la maison la queue mitonnant sur le feu, O. endormi la respiration enfiévrée.
    Je perds trois quart d'heure en aller/retour parce que j'ai oublié mon téléphone (pour une fois indispensable pour ne pas rater C. puis retrouver Patrick).

    J'arrive essouflée, nous dînons en courant. Concert joyeux.
    Patrick me ramène et me donne les livres qu'il a récupérés pour moi à Nantes. J'ai la joie d'y trouver troix Jérémias.

    - Sesbouë, La résurrection et la vie
    - Joachim Jérémias, Paroles de Jésus - Le sermon sur la montagne - le Notre-Père
    - Joachim Jérémias, Les paraboles de Jésus
    - Joachim Jérémias, Théologie du nouveau testament - I. la prédication de Jésus
    - Auguste Valensin, La joie dans la foi
    - François Mauriac, Vie de Jésus
    - Jean-Paul Marcheschi, Goya, voir l'obsur

    Il y a longtemps, au bac à sable

    — Dis, papa, pourquoi la dame elle est noire ?
    (Je regarde le petit garçon, je me demande ce que va répondre son père, dans ma tête tournoient les mythes (Dieu a soufflé sur quatre poignées de terre de couleurs différentes), la protection contre le soleil, le manque d'explications convaincantes. Que va lui répondre son père qui sera compréhensible par un petit garçon?)
    — Parce que ses parents étaient noirs.
    Le petit garçon, satisfait, retourne jouer.


    Pour mémoire: Mort de Nelson Mandela hier soir.

    Mauvais rêve

    Rêvé que je lâchais le bateau que je tenais au ponton. Il n'avait encore qu'une seule rame. Il s'écartait d'un ou deux mètres et coulait à pic. Quinze à vingt mille euros disparus sous mes yeux, pour un geste malheureux. Prévenir Vincent, vite. Mon assurance allait-elle accepter de payer?
    Remords lancinant.

    J'ai mis longtemps à sortir de ce rêve, à me rendre compte que c'était un rêve, plus longtemps encore à me dire que c'était totalement stupide, qu'un bateau ne coulait pas, il flottait.

    Etait-ce l'influence du récit de Vincent hier? Mardi, prétextant la décrue (mais comme chaque fois que l'eau monte ou descend, il y a beaucoup de courant), deux rameurs ont insisté pour sortir en bateau fin. Ils voulaient faire du skiff, Vincent a refusé, mais ils ont tellement insisté («il m'ont cassé les rouleaux», dixit Vincent, je ne connaissais pas l'expression) qu'il a donné son accord pour un double.
    — Un double double, ou un DC ?
    — Pas un double canoë, tu penses bien, messieurs voulaient sortir en skiff, ce n'était pas pour prendre un canoë. Bref, cent mètres plus loin, ils se sont retournés.
    — Woh, mais elle est froide!
    — Oui, sept degrés. Ils n'ont pas réussi à remonter dans le bateau, au bout de trente secondes ils étaient frigorifiés et commençaient à désespérer. (NB: cela signifie qu'on renonce à lutter, c'est ce qui peut arriver de pire) Heureusement j'avais prévu ce qui allait se passer, j'étais resté sur le ponton, je suis arrivé très vite. Ah, ils n'étaient plus fanfarons, belle leçon d'humilité!

    N'empêche, je suis frappée par la précision et la violence de mes mauvais rêves, ces derniers temps. (Non, ce rêve-ci n'est pas violent à proprement parler, d'autres le sont, qui concernent famille et amis.)

    Devinette théologique

    Quelle est la différence entre un train et un théologien allemand ?

    Le train qui déraille s'arrête, le théologien allemand qui déraille fonce de plus en plus vite.

    Dix-huit cartes postales

    Message personnel : elles sont toutes arrivées, la dernière samedi, malgré leurs timbres parfois étrangers découpés dans des magazines et collés à la colle (je suppose).
    Certains timbres n'ont pas été oblitérés, je pourrais les réutiliser.

    J'ai beaucoup aimé la faucille et le marteau du timbre vietnamien.

    Samedi

    TG le matin, l'Antre deux, puis Le dernier des injustes.

    Quand H. arrive au restaurant, il me dit que O., quinze ans, est si malade (fièvre) qu'il a hésité à le laisser seul.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 1er mars 2015.

    1. Oui. Plus exactement j'y suis attachée, ils font partie de cette catégorie dont il ne faut pas se demander si on aime ou pas, il faut y aller, parce que cela nous dépasse. Aller aux mariages, aux enterrements. Si possible aller aux remises de diplômes, aux célébrations. Tout ce qui est rite est important, la perte du sens du rite (fondre sa personne, sa personnalité, dans quelque chose qui tient à la communauté, à l'assemblée) me paraît grave; je crois que les rites manquent aux gens, que les gens manquent de rites, qu'ils en sont inconscients. Bien pire, ils sont persuadés d'être "au dessus ça". Peut-être qu'il faudrait leur dire que c'est les rites qui ont besoin d'eux.

    2. Oui, quand il y en a. Leur disparition est un grand regret, leur existence un grand réconfort. (Je pesne à elles, je visualise les images d'Hubble un peu n'importe où, n'importe quand.)

    3. Non. Je chante très peu.

    4. Très tard, vers quinze ou seize ans, en allant dormir chez une amie dont les parents étaient pharmaciens: mes parents étaient profs et n'avaient que des amis profs (l'horreur).

    5. Non. Ou à deux heures près! (Enfin, ça dépend des moments).

    6. Je ne suis pas habile, je suis pas patiente. Je prends le temps qu'il faut. Mais je ne le prends pas souvent! (Tricot, travaux d'aiguille).

    7. Les deux. Recevoir, peut-être, par paresse: c'est compliqué, d'offrir!

    8. Oui. Mais là tout de suite, aucun nom ne me vient. Mais définitivement oui. Je suis très sensible à la voix.

    9. Spontanément je dirais oui, mais en fait ce n'est pas si vrai. J'aime être couchée, mais je n'aime pas y aller.

    10. Lors du dernier Conseil d'Administration, un administrateur syndicaliste m'a dit que le procès-verbal du CA précédent était très bien. Cela m'a fait très plaisir et surprise car les rapports étaient tendus. Mais je crois que ma chute a changé quelque chose dans leur façon de me considérer (à quoi tiennent les choses!)

    Coup de chaud

    Le fils pas rentré, le téléphone à trois heures du matin, la tête qui réfléchit pendant que les jambes dévalent l'escalier: non, il n'a pas pris la voiture.

    C'était un fax.

    Chronique d'une mort annoncée

    Réunion ce matin avec mes "Dalton" (dit aussi (intérieurement) "la bande des quatre": ils sont quatre administrateurs qui préparent les conseils d'administration devant moi (avec les chiffres que je leur fournis: moi je suis salariée de la mutuelle, pas élue)).

    La mise à mort lente de cette structure vieillotte a été décidée de fait, même si tout le monde se regardait un peu gêné: une vieille dame de 1928, ce n'est pas si facile… Mais vraiment trop de contraintes et trop de frais pour un intérêt minime (les salariés se moquent d'avoir un contrat de santé ou une mutuelle, tout ce qu'ils veulent, c'est une complémentaire qui ne coûte rien et rembourse tout).

    Alors dans deux semaines nous ne proposerons pas d'augmenter les cotisations, le résultat de décembre 2014 sera très vraisemblablement négatif, nous puiserons dans les réserves, et quand il n'y aura plus de réserves (dans cinq ans? dix ans?), nous liquiderons la structure.

    A moins qu'il se passe quelque chose. Il se passe souvent quelque chose, il est rare qu'un plan se déroule comme prévu sur cinq ou dix ans.

    Onomastique

    Avoir un nom italien et avoir appelé ses jumeaux César et Alexandre.

    (Je regrette qu'il ne soit pas allé au bout de sa logique et qu'il n'ait pas appelé ses enfants Rémus et Romulus.)

    Trêve

    Lu La Trêve. Je le lis comme un manuel de management (les stratégies de pouvoir en entreprise, oui, ce sont bien les mêmes types humains que l'on retrouve) et de survie (des chaussures avant de la nourriture: je m'en souviendrai (de la même façon que j'ai un bout de terrain pour pouvoir planter des patates, conseil de ma grand-mère, renforcé par le soulagement de Jiri Weil (Vivre avec une étoile) quand il peut planter quelques carottes entre les tombes au cimetière où il est réquisitionné pour travailler)).
    Parfois je me demande s'il est tout à fait normal d'ainsi toujours me préparer au pire, mais en réalité, la réponse à cette question m'est indifférente.

    Lu La Trêve. Journée à lire, en grande partie au lit : très inhabituel.

    Vers le soir je sors pour aller chercher O. à Orsay; le matin marché. Cependant, c'est tout de même une journée essentiellement vide.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    Réponses apportées le 1er mars 2015.

    1/ Soit par la salle à manger de ma tante en train de me raconter les circonstances de ma naissance, soit par la cescription d'une photo noir et blanc où ma tante Marion et ma grand-mère sont à la Source (je suppose) et me tiennent dans leurs bras.

    2/ Dans l'ordre des dégoûts: olfactif, sonore, lumineux (sentir mauvais, être bruyant, être sombre); dans l'ordre du goût lumineux, olfactif, sonore.

    3/ Souvent quand j'étais jeune, rarement aujourd'hui (je me représente mieux les contraintes).

    4/ Non, très rarement. Quelques minutes à contempler autour de moi avant de me plonger dans un livre ou une lettre à écrire.

    5/ Aussi longtemps que j'ai à manger (et je peux manger n'importe quoi). (Mais si l'on m'approvisionne, je crois que cela n'a pas de limite.)

    6/ Oui, régulièrement voire souvent. Au total j'en suis étonnée et plutôt fière. On me choisit pour demander son chemin, mais aussi pour me demander si ça va. Une clocharde m'a offert une rose, un jour, sur un trottoir.

    7/ L'anticipation. Je considère l'urgence comme un échec.

    8/ Fenêtre (avec la désagréable surprise de se retrouver à côté du montant qui sépare deux fenêtres: remboursez!)

    9/ Pas vraiment, mais si quand même: Bachelard (parce qu'il a poursuivi des études veuf avec une petite fille et un métier de facteur), Ricœur, Thérèse d'Avila.

    10/ Non tant que je les comprends (parfois dans le bus des jeunes que je ne comprends absolument pas: ils parlent trop distordant).

    Chapitres de la chute au Théâtre du Rond-Point (chronique des Lehman Brothers)

    C'est tout simplement excellent.

    L'auteur, Stefano Massini, est italien, et je ne sais qui a traduit, mais il y a un grand plaisir des mots, une structure en forme d'épopée et de contes (des refrains, des reprises), le support de la tradition yiddish voire biblique (Noé), une grande efficacité de la mise en scène qui permet de suivre sans difficulté toutes les transformations des six acteurs qui tiennent successivement tous les rôles.

    L'histoire commence dans un minuscule magasin en Alabama dont la clenche de la porte coince un peu. Le magasin vend du tissu.
    Incendie (je spoile: je ne crois que vous irez le voir, et si je me trompe, connaître l'histoire n'est pas handicapant). Le magasin va fournir tout ce qui a brûlé (graines, outils agricoles, etc) aux villageois — et acheter d'avance le coton brut, la prochaine récolte à venir, aux propriétaires ruinés.
    Enrichissement sur fond d'esclavage. (C'est un constat, pas un jugement.)

    Usines à filer le coton dans le Nord. Prospection auprès des exploitants d'Alabama. Mariage. Guerre de Sécession. Installation à New York. Chemins de fer. Canal de Panama. «Ce que nous vendons, ce n'est plus du coton, c'est de l'argent.» Emballement et cauchemars. Jeudi noir. Suicides. Les deux cousins Lehmann, le politicien et le banquier. Leçon de marketing: «Normalement, une vente est un échange équitable. Désormais, nous devons faire croire à celui qui achète qu'il y gagne, et que le vendeur est perdant.»

    Le dernier Lehman meurt. Il y a longtemps que les rites de deuil juifs n'étaient plus suivis, mais maintenant il n'y a plus de Lehman pour s'en souvenir.
    La pièce résume le combat entre la banque et la finance par un match de ping-pong entre un Grec (directeur de la banque) et un Hongrois (patron des tradeurs), match de ping-pong dominé par le Grec transformé alors par le Hongrois en match de squatch qu'il domine.
    Dans la dernière scène, les directeurs attendent le verdict de l'Etat américain, la banque va-t-elle être renflouée? L'un d'entre eux murmure: «En 1929, nous n'avons aidé personne.»
    Le verdict tombe: la banque est en faillite.

    J'ai pensé à Blue Jasmine, à cette façon de pleurer sur soi-même après avoir concouru à sa propre perte.

    Vocabulaire

    Je suis debout dans le RER, au niveau de six places se faisant face trois à trois. Cinq jeunes filles révisent des noms en D, l'une donne le mot, les autres tentent d'en donner la définition, la première les aide. J'arrive au moment de "dépréciation" ou "déprécation", je ne suis pas sûre de bien comprendre, est-ce de l'anglais qu'elles révisent?

    Non, c'est bien du français: démotique, désaffection, déshérence, desidérata (toujours au pluriel, prend un "s"), désolation (au sens de "destruction"),…
    Je suis intriguée: sont-elles en première, et leur professeur de français a-t-il décidé de traiter le mal à la racine (avec un pincement au cœur, je me dis que cela aurait dû être fait il y a des années, au collège (mais leur sérieux me remplit d'espoir: quel professeur peut-il réussir à obtenir cela d'élèves de première? (car il n'y a aucun signe d'ennui ou d'exaspération parmi elles)); sont-elles en première année de fac littéraire?

    Au moment de quitter le wagon, je me penche vers la jeune fille au bord de l'allée:
    — Excusez-moi, mademoiselle, vous êtes en quelle classe?
    — En prépa orthophoniste.

    Lauréat

    — Aujourd'hui on a fait un concours de blagues nulles et j'ai gagné: «C'est l'histoire d'un type qui entre dans un café, et plouf!»

    Sortie

    Presque un mois sans ramer. Je n'ai qu'un midi de libre par semaine pour ramer, le moindre imprévu — une réunion, un jour férié — invalide ce jour. Déjà un mois, je n'ai pas vu le temps passer. Les arbres ont encore leurs feuilles, ils sont encore un peu vert, chaque année je me souviens de nouveau (j'oublie chaque année) qu'il est finalement logique que l'automne dure jusqu'en décembre.

    Un seul débutant par bateau, c'est déjà beaucoup trop! Le retour est pénible, il ne faut pas regarder les berges, le bateau progresse très lentement.

    La marque




    La feuille blanche présente des informations, le rectangle bleu des noms et le numéro du bureau.
    L'étiquette grise indique que les personnes du bureau acceptent que leurs chaises soient remplacées.

    Et chaque fois que je vois ce signe (répété sur de multiples chambranles), je pense à Ali Baba et aux juifs la nuit de leur fuite d'Egypte.

    Lectures

    Pas de boîte à livre à la bibliothèque Melville. Je me suis détournée pour rien. Ce faisant, j'ai commencé machinalement Sur la balance de Job que j'allais rendre sans l'avoir lu, j'ai donc deux jours pour lire trois cent cinquante pages (il a déjà été prolongé deux fois).

    Je suis un peu gênée de lire la Bible dans le métro, je me sens évangéliste fanatique.

    Journée catholique

    TG le matin, qui complète (pour ne pas dire remplace) le cours du mardi (le cours du mardi sur les synoptiques est très lent et peu fouillé, même s'il est amusant).

    L'après-midi, réunion des participants au séjour d'Inoï (sessions de juillet et d'août, anciens des années précédentes et potentiels participants futurs). C'est une idée un peu bizarre pour une semaine qui ne se veut ni une retraite ni un colloque, mais cela fait plaisir de revoir certaines têtes (j'ai oublié tous les noms sauf quatre. Heureusement que nous sommes étiquetés). Je regrette l'absence de Leonardo et Marc. J'en profite pour prendre précisément le nom et l'adresse des quelques personnes que je reverrais volontiers hors cadre. En effet, j'ai constaté que j'avais du mal à envoyer un mail sans raison particulière, sans but précis. C'est plus facile sur papier. Or nous avions les mails de tous (sans les noms en face, ce qui rend parfois l'identification douteuse), mais pas les adresses.

    J'entreprends La Genèse. Cela me fait sourire d'ouvrir une Bible à la première page. Cela ressemble au début d'un long voyage dont on entrevoit la fin quand on contemple la tranche du livre fermé. La dernière fois que j'ai fait cela, c'était en première. J'en lisais quelques paragraphes chaque soir, ça m'a pris deux ans. Je comprends mieux aujourd'hui l'impression brouillonne que j'avais éprouvée (et ma question informulée: mais que trouve-t-on de si extraordinaire à un texte aussi mal ficelé, aussi incompréhensible, aussi violent?); je ne savais pas à l'époque que ce n'était pas un texte réellement linéaire, mais plutôt tournant en lui-même. Je me souviens de la traversée des Nombres et du Lévitique comme d'une lecture aussi aride et pénible que si j'avais été moi-même en train de tourner dans le désert avec les tribus. Je me demande parfois si c'est un effet volontaire.
    Aujourd'hui j'espère la lire en feuilleté: un livre de la Bible, un livre quelconque. A priori, cela devrait demander trois ou quatre ans cette fois-ci.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 1er mars 2015.

    1/ Très rarement (en fait non). Il m'arrive de regretter de perdre mon temps parce que je préfèrerais être en train de faire autre chose.

    2/ Non. Mais je n'imaginais pas grand chose (que je resterais seule et que je marcherais sur la planète).

    3/ D'électricité.

    4/ Oui, quoique j'aime tant mon pays que je lui pardonne difficilement ses défauts. Je le voudrais meilleur.

    5/ Non, hélas. Il est arrivé que je me réveille moi-même.

    6/ Hier samedi. Oui, au déjeuner, nous avons raconté des bêtises, et pourtant nous n'étions que trois (la cuisine, lieu de toutes les hilarités). Aujourd'hui. Oui, voyons… En écoutant quelque chose à la radio, en lisant quelque chose sur FB (mais quoi ?)

    7/ Oui, depuis les tempêtes de 2000 et depuis que je me suis trouvée dans un pré avec un troupeau de chevaux pendant un orage. Ils se sont tous mis à galoper vers moi.

    8/ Je ne sais pas. Je pense que non, mais peut-être que oui. Le plus important n'est pas dit. Ce blog sert aussi à cela. C'est plus facile.

    9/ Il m'en reste une : deux lettres par an. Je ne l'ai pas revue depuis des années, je n'ai jamais vu ses enfants dont l'aîné a vingt-trois ans.

    10/ Parfois. J'ai des périodes. (La dernière est passée).

    Le groupe, passé et avenir

    Je suis allée écouter une intervention du patron du groupe à la maison des polytechniciens. Je voulais savoir ce qu'il racontait hors de l'entreprise: je suis rassurée, les discours interne et externe sont identiques. Ma seule surprise a été son insitance sur la communication: son coût pour relancer les marques (coût qui a pesé sur le bilan au moment de la crise financière (mais succès de "Cerise")) et sur l'importance d'une erreur de communication comme il s'en est produit cet été. La comm, nerf de la guerre (ou plutôt, déesse à ne pas monter contre soi: peut-être n'est-ce pas pour rien que dans Ulysse, Bloom travaille dans la publicité).

    Lors des questions, il a insisté sur l'importance des hommes, tout en faisant remarquer que choisir des individus n'était pas une science exacte. A ce propos il a rapporté l'anecdote suivante: «Vous savez, quand Franck Cammas a remporté la Volvo Ocean Race alors que personne ne s'y attendait, on l'a interviewé à deux étapes de la fin, on lui a demandé s'il était heureux. Il a répondu oui, mais que si c'était à refaire, il y avait cinq coéquipiers (sur onze) qu'il ne prendrait pas (ce qui mettait de l'ambiance pour les deux étapes restantes).»

    Ce qui m'est sympathique, c'est son attachement au mutualisme. Il a terminé son intervention par «Jamais les risques n'ont été aussi grands pour une rentabilité aussi faible», à quoi le présentateur a répondu en riant «C'est à cela que l'on reconnaît que vous n'êtes pas dans un groupe capitaliste, car avec de grands risques et pas de rentabilité, vous mettriez la clé sous la porte!»

    Ce fut le mot de la fin.

    Témoignage d'un bidasse

    — Les statistiques veulent qu'un livre rangé dans une bibliothèque a cinq pour cent de chance d'être lu.
    — Ça veut dire que les gens stockent sans lire.
    — Moi, je stocke pour ma retraite ou le jour où je me casserai la jambe. C'est Sophie qui m'a soufflée: elle stocke pour le jour où elle sera en prison!
    — Moi j'ai fait de la prison.
    — Moi aussi. Pendant mon service, j'ai fait de la prison pour avoir cabossé une voiture. J'y suis resté une semaine. Les autres demandaient à être deux par cellule pour ne pas s'ennuyer, moi j'ai demandé à être seul. J'ai lu Kawabata, Pays de neige, j'ai commencé Sur la route de Kerouac. Au service, je lisais Genet, Notre Dame-des-Fleurs. Je n'aurais pas eu le droit de lire L'Humanité, mais Genet, oui, personne ne connaissait.

    Retour sur un ancien chemin

    Retour sur au club littéraires des anciens Sciences-Po, ce club qui réunit des anciens au restaurant une fois par mois pour présenter un livre sur un thème imposé et repartir avec le livre d'un des participants (bookcrossing).

    C'est ici que j'avais rencontré Paul Rivière, il y a bien longtemps (septembre 2000. J'avais présenté Le Voleur de Bible. Par coïncidence, la dernière soirée à laquelle j'avais participé de façon régulière avait eu lieu le 11 septembre 2001 — marche dans Paris silencieux, sous le choc, pour rejoindre le restaurant. (Ce soir-là, Madame Bleu de Chine (comprendre l'éditrice de Bleu de Chine) intervenait).

    Ensuite, je n'y étais plus allée que sporadiquement, prise d'abord par mon Deug de philo, puis par la découverte de RC et le forum de la société des lecteurs.
    Cependant ce club est resté au long des années le prétexte des rencontres hebdomadaire avec Paul: il venait avec le thème de la prochaine rencontre, je proposais des auteurs, nous discutions. Les livres s'entassaient sur la table de restaurant en pile aussi haute que la bouteille.

    Je n'arrive pas à me souvenir exactement de ma dernière participation; avant la mort de Paul en avril 2010. Sans doute en mai ou juin 2009. Je sais que les derniers livres que j'ai présentés étaient Vies politiques d'Arendt (quel thème? l'actualité, la culture? je ne sais plus) et Les gommes (thème: la ville).

    Je reçois régulièrement les annonces des prochaines rencontres, et cette fois-ci, un peu par curiosité, un peu par ce que je me sens moins fatiguée que l'année dernière, je me suis inscrite. (Thème: "vos lectures non littéraires". J'ai présenté Souvenirs de Hans Jonas, m'apercevant en le feuilletant que beaucoup de noms inconnus en 2005 lors de ma première lecture (Bultmann, Löwith, von Harnack,…) me sont devenus familiers.)

    Le hasard fidèle à lui-même m'a placée en face d'une dame revenant de plusieurs années au Etats-Unis qui enseigne quelques heures à la catho. La conversation a glissé sur le cycle C et a amené la fameuse question: pourquoi la théologie?
    — La foi, sans doute. La montée de l'islam et la nécessité de "se connaître soi-même" pour répondre de soi et répondre aux autres. Et fondamentalement, c'est sans doute ce que j'aurais dû faire depuis toujours.

    Pourquoi la théologie? Avouons que je ne sais toujours pas ce que c'est: de quoi parle-t-on? C'était un moyen d'échapper à la littérature, qui me paraît artificielle et affectée dès que je m'y penche, et à la philosophie, qui d'une part me dépasse souvent et d'autre part me met en colère, tant il me semble qu'elle joue à l'apprenti-sorcier, diffusant des idées (que l'on pense des conclusions mais qui sont des hypothèses) mises ensuite en pratique dans les cent ou deux cents ans suivants, causant des milliers de morts. (Evidemment, on peut répondre que la religion ne fait guère mieux. La théologie est-elle la religion? Il y a une phrase de Schmitt comme quoi un théologien souhaite la mort de ses ennemis. Bref, à suivre dans les prochaines années).

    Un chose est sûre, c'est que cela me dirige où je voulais aller. C'est le chemin qui s'enfonce au cœur de mon obsession, s'il faut appeler ainsi une idée jamais absente, toujours présente: la destruction des juifs d'Europe. La question de Taubes demeure, «Que s'est-il passé?»

    Je quitte la soirée avec deux livres, un policier et une sorte de catalogue d'exposition (Le Coup de filet de Camilleri et Moi, Eugénie Grandet de Louise Bourgeois). Le problème avec ces soirées, c'est que vous vous retrouvez avec des livres qui n'entrent absolument pas dans votre programme de lecture (par politesse, vous les prenez: c'est atroce de présenter un livre que personne ne choisit ensuite).

    Zen

    Si méditer, c'est vivre au présent en ayant la tête vide, je suis en train de devenir un maître en méditation.

    Jamais deux sans trois.

    A. voulait prendre le train de neuf heures et demie et donc le RER à huit heures vingt. Un peu agacée, je lui ai fait remarquer que nous souhaitions dormir et que je ne voyais pas l'utilité de partir si tôt. Nous avons transigé et c'est son frère qui s'est levé pour l'emmener. Elle est partie avec sa chatte et ses bagages.

    A onze heures et demie, alors que je suis en train de terminer les divers rangements et vaisselles, A. téléphone : elle est à la porte, elle a oublié ses clés à la maison.
    Je suis impressionnée : électricité le 3 novembre, eau le 7 (oui, le jour de son anniversaire, eau coupée: nous pensions que celle-ci était comprise dans les charges mais l'agence s'était trompée), clés le 11. Une sorte de série parfaite.


    Elle laisse le chat et ses paquets chez la voisine, revient à Saint Lazare où nous lui apportons ses clés (arrivée du train à Paris à 15h15. Départ pour Lisieux à 17h35. Vers vingt heures, elle est enfin chez elle, avec sa chatte et de l'eau, rétablie pendant son absence).

    Blanquette de veau

    Fête familiale pour les dix-huit ans, plus une amie allemande venue de Hambourg (c'est toujours un peu étrange, ces gens qui traversent la moitié de l'Allemagne pour répondre à une invitation tandis que d'autres ne peuvent prendre le RER vingt minutes) et une amie de terminale.

    Quelques mille de belote, entre les jeunes (huit ans, deux fois quinze ans et dix-sept) et les moins jeunes (mon père, mon beau-père, mon benjamin et moi). La relève est assurée.

    Un peu surprise par le père de l'amie de terminale : il travaille dans les assurances, a fait de l'aviron en compétition et connaît la vie de Nabilla (et de Kim Kardashian: heureusement que j'ai Twitter et FB pour avoir une idée de qui sont ces braves dames). Mais comment a-t-il réussi à nous apprendre tout cela naturellement en dix minutes sur le pas de la porte (sachant que je n'ai rien dit sur l'aviron, même quand il en a parlé (trop de coïncidences me rend muette))?

    Branle-bas de combat

    Grasse matinée (c'est suffisamment rare pour que je le note) et après-midi à compter les assiettes, à vérifier le nombre de chaises que l'on peut mettre autour de la table, à préparer les lits de fortune et à faire le ménage.

    Comme d'hab, je me retrouve avec une allergie aux produits ménagers (le masque acheté au rayon bricolage ne sert à rien: j'aurai essayé (et puis c'était drôle)).

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 1er mars 2015.

    1/ Oui, deux chattes, mais une seule vit avec nous, l'autre a été emmenée par ma fille.

    2/ Pas ma signature de femme mariée. L'autre n'est pas franchement une signature.

    3/ Mes devoirs, du blog, du ménage, la sieste.

    4/ Oui.

    5/ Pas vraiment, sauf ma chambre de Cité U, à ma taille, complète.

    6/ Oui, sans doute. Hyper active, finalement.

    7/ Plutôt.

    8/ Une fois.

    9/ Non.

    Souvenirs

    En quatrième, H., mécontent du retard systématique de A. le mercredi pour aller au conservatoire, lui avait fait des reproches. Défense de A.: des troisièmes l'empêchaient d'emprunter l'escalier (très long et abrupt, genre Montmartre) permettant de rejoindre rapidement la ville à partir du collège, ou au contraire la poussaient dans les marches.
    H. s'était posté en voiture pour observer le manège et vérifier les éventuelles exagérations; il avait quasi littéralement attrapé par le col le meneur («Eh M'sieur, vous m'faites mal!») et l'avait traîné chez le proviseur adjoint.

    Il n'y avait plus eu de problèmes malgré mes craintes de représailles; mais un soir, en avril sans doute (il faisait jour), en rentrant du travail, j'avais trouvé dans le jardin la voiture le pare-brise arrière volé en éclats comme fracassé par une batte de base-ball. Nous avions porté plainte.
    Il n'y a jamais eu d'explication, mais le policier de garde nous avait dit que le plus probable, c'était «une vengeance de gamins». Toujours est-il qu'il n'était pas simple de trouver la bonne attitude: ne pas paniquer les enfants tout en prenant quelques mesures pour les protéger. Depuis cette époque, nous n'avons jamais laissé la maison vide lorsque nous partons en vacances.

    Et donc lorsque A. s'est fait voler ses clés au début de la troisième, cela pouvait être tout aussi bien une blague ayant pris des proportions involontaires qu'un acte de malveillance laissant présager une suite désagréable.

    Grâce à Dieu, il n'est rien arrivé et tout cela est loin, si loin qu'il a fallu que je fasse quelques recherches pour reconstituer la chronologie.

    Satisfaction et soulagement

    J'appelle H. :
    — Tu n'as pas oublié l'anniversaire de A. ?
    — Non, mais je n'ai pas réussi à la joindre.
    Silence retenu au bout du fil. Je reprends :
    — On a réussi, on a réussi !
    — C'est exactement ce que je pensais : ça y est, on a réussi !

    A. a dix-huit ans aujourd'hui. Difficile d'expliquer notre soulagement, cette impression d'avoir traversé l'Atlantique à la nage.

    Naissance
    Tout va bien, bébé très calme, qui arrêtera de pleurer quand je lui ajouterai une couverture (évidemment, elle est née en novembre).

    Première année de maternelle
    C'est une petite école, une classe par niveau, donc trois classes de maternelle. C. y a fait ses premières années, il est maintenant au CP.
    A. est entrée à l'école en septembre, un peu avant la naissance de son petit frère. La maîtresse des petits, qui est aussi la directrice, n'a pas le dessus avec elle et me demande de la reprendre l'après-midi.
    A Noël, elle me prend à part pour me confier d'un air grave et plein de componction: «Vous savez, A. me dit que son frère la bat».
    C., son frère, a six ans. La directrice l'a eu trois ans dans son école. Elle vit au quotidien avec la petite sœur. Et elle est capable de me raconter cela sérieusement?

    Deuxième année de maternelle
    Changement d'école. Premier jour en deuxième année de maternelle.
    A. ne veut pas faire la sieste. Elle s'échappe et sort dans la cour. Quelqu'un la croise, petite fille de quatre ans en culotte seule dans la cour déserte.
    — Qu'est-ce que tu fais là?
    — Tu n'as rien à me dire, ce n'est pas toi qui t'occupes de moi.

    Une seule année, celle de CM2, nous ne serons pas convoqués par l'instituteur ou le professeur principal. Elle se fera détester à l'école, en colonie. D'année en année au collège je craindrai davantage que cela finisse par de la vraie violence de la part de ses camarades et c'est avec soulagement que je la verrai prendre le chemin du lycée. Elle organisera la circulation et l'appel des secours dans son bus scolaire le jour où une élève fera une crise d'épilepsie (tandis que les adultes paniqueront. Elle avait treize ou quatorze ans). Elle provoquera le désarroi de la prof principale en première en refusant de signer son inscription au bac, prof qui la traînera chez la psy qui refusera de la voir après trois visites devant son manque de coopération (cela était déjà arrivé en troisième année de maternelle).
    Nous devons une très fière chandelle aux professeurs et aux élèves de son lycée, qui l'ont réconciliée avec ses contemporains, lui ont démontré que la terre entière n'était pas son ennemi.
    Et je garderai toujours de la rancune et de la tristesse envers tous les "adultes" (nos parents, la famille) qui nous jugeaient "trop durs" mais refusaient de s'occuper d'elle quelques heures. Parce qu'ils avaient essayé une fois et ne voulaient pas recommencer. Tous ceux qui baissaient les bras mais "savaient" que nous avions tort et qu'il fallait s'y prendre autrement.

    Et voilà. Elle a dix-huit ans. Yippeee, nous sommes libres!!!
    Et elle est radieuse, heureuse à Lisieux (mais si, c'est possible (la preuve)) et dans sa formation d'ostéopathie chevaline.
    Et moi, je n'en reviens pas que nous ayons tenu le coup.



    Bon d'accord, j'ai conscience que c'est ridicule, qu'elle était intelligente et en bonne santé, non fumeuse, non buveuse, non fugueuse, et que j'exagère. Mais nous en avons bavé quand même.

    Pour mémoire

    Achat d'un tapis pour cacher le trou du plancher. (Retour dans le RER avec mon tapis sous le bras. Assez lourd, c'est un tapis kazakh, rouge à points noués)
    La copine de C. dîne à la maison.

    Ontologie fonctionnelle

    «Il y a coïncidence entre la christologie ontologique et la christologie fonctionnelle : ce qu'il dit coïncide avec ce qu'il fait.»

    In petto je m'étrangle de rire : c'est la définition de la démarche qualité. Dommage que j'ai quitté le domaine, je pense que j'aurais eu du succès en annonçant que la qualité permettait à l'ontologique de coïncider avec le fonctionnel.

    Mayday

    Je passe rendre deux livres à la Catho — en en oubliant un au bureau.

    Je repars avec Médée de Corneille que O. aurait dû lire pendant les vacances et que j'ai complètement oublié de lui emprunter (enfin, il aurait pu se débrouiller à Yerres, on ne peut pas dire que cela l'ait tracassé) et avec un petit livre d'aphorismes de Jacqueline Rastoin réunis par ses enfants. Je n'aurais pas le temps de lire Boyarin d'ici le 16, mais ce livre, si.

    Je lis Médée en rentrant dans le RER, avec pour objectif de le résumer à O. car je suis sûre qu'il n'aura pas pris la peine de l'emprunter à la bibliothèque de l'école pour le lire dans la journée (c'est pour demain).
    (Gagné).

    Retour

    Fin des vacances. A. rentre à Lisieux.

    Elle téléphone au milieu du dîner. Elle a branché son téléphone déchargé dans le couloir. Il n'y a plus d'électricité dans son appartement. H. se frappe le front:
    — J'ai oublié! J'ai oublié de contacter EDF! Je les ai appelés, ça ne répondait pas, et j'ai oublié de rappeler.

    L'électricité a donc été coupée pendant les vacances. Plus de chauffage, plus de lumière.

    Elle va dormir chez une copine en attendant.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 1er mars 2015.

    1/ Plutôt, à condition qu'elles ne soient pas isolées mais prises dans un réseau, les unes renvoyant aux autres.

    2/ Plutôt aussi.

    3/ Trente-cinq ans, trente-huit ans? Quarante-et-un?

    4/ Je prépare autre chose, mets la table, vide le lave-vaisselle.

    5/ Le froid. C'est fini, je n'ai plus jamais réellement trop chaud longtemps.

    6/ Le mariage de Matoo s'il s'agit de beaucoup de soin. Sinon je fais attention tous les matins où je travaille.

    7/ Non. Odeur, impossible; bruit il faut que j'arrive à penser à autre chose. Il me faut une boule quiès.

    8/ L'obstination.

    9/ Peut-être.

    10/ Je n'aime pas être réveillée. Je souhaite me réveiller de moi-même, parce que je n'ai plus sommeil.

    Toussaint

    Comme A bout de souffle m'a beaucoup plu, je vais voir La Chinoise dont j'ai appris hier qu'il passait au Forum des Images.
    Très impressionnée par le montage, le miroir tendu aux spectateurs, le potentiel dévastateur de la moquerie qui a pourtant pu passer invisible (je suppose, je ne sais pas).
    Evidemment, Yvonne me fait penser à ma mère. La France dont elle parle, c'est celle dans laquelle j'ai grandi, années 60 et 70 gommées, inexistantes (comme le bol du café et les tartines du jeune homme "exclu" du mouvement à l'unanimité (tiens, ça me rappelle quelque chose (non rien)), ce bol jaune, ou la toile cirée jaune… (Je ne sais déjà plus.)
    Je regarde les travaux à Nanterre en me disant qu'il est dommage que personne ne filme les actuels travaux pour faire un parallèle.
    Ce qui me frappe, c'est l'autisme affectif de ces jeunes gens, leur totale insensibilité (ou: la façon dont Godard met en scène une totale insensibilité, poussée jusqu'à l'absurde dans la scène de l'assassinat). Cet autisme m'en rappelle un autre, vu récemment, mais je n'arrive pas à cerner cette sensation, à retrouver le lieu de l'association d'idée.

    J'achète un jean, car outre ma carte bleue, ma carte d'identité, un chapeau, j'ai perdu mon jean. (Comment est-ce possible? l'ai-je laissé dans les vestiaires de Melun? (J'y ai retrouvé mon tee-shirt «Savoir orthographier Kirkegaard san se tromper» la dernière fois. Commentaire de H.: «c'est pratique d'avoir des affaires dont personne ne veut»).
    Enfin, il (le jean) avait été acheté en 2001 ou 2002, à Blois. Il peut être considéré comme amorti.
    J'essaie donc le jean que me tend la vendeuse. Ça ne va pas. Je ressors, me dirige non vers les piles mais les cintres:
    — Et ça, qu'est-ce que c'est?
    — Ça? c'est un 501 coupé pour fille. (??!)
    J'essaie. Adopté aussitôt. Cela fait longtemps que je n'ai pas eu un jean à boutons, depuis la terminale, je pense. Pour la peine je prends un gros ceinturon, en réalité importable tant il fait une bosse énorme au niveau du nombril (je le porterai quand même).

    Seul défaut, le jean est vendu élimé.
    Qu'importe, je le reprise le soir-même en regardant Sherlock 2.

    Jeudi

    Pas d'aviron, j'ai été retardée par un salarié qui a fait du zèle en voulant précéder les négociations syndicales et se retrouve coincé entre la bonne caisse de sécu et la mauvaise mutuelle.

    J'ai compris il y a quelques semaines que je ne pourrai jamais être satisfaite de ce que je fais ici. Il restera toujours des loose ends. Comme m'a dit H. un jour, j'aurais dû être cordonnier: avoir fini une belle paire de chaussures, ça doit être satisfaisant. Ce soir, je me demande s'il arrivait à mes grands-parents de voir approcher l'hiver avec l'angoisse de ne pas avoir fini de labourer tous les champs nécessaires, de ne pas avoir ensemencé tout ce qu'ils voulaient ensemencer.

    J'ai donné rendez-vous à Lisa au bar du forum des images et elle se perd un peu en venant (elle a demandé à une passante où était la rue du cinéma qui lui a répondu que ça n'existait pas). C'est très calme. Nous corrigeons le mail que je dois envoyer à N. Stricker pour lui demander quel niveau d'allemand elle requiert pour assister à son cours (dans la brochure de l'IPT, elle recommande qu'on lui écrive en cas de doute sur ce point).

    Snowpiercer. Bien plus inventif que je n'aurais cru, à côté de quelques grands ressorts traditionnels du genre. Je recommande.

    Mrs Dalloway

    RER A, vers 10 heures.





    Le livre était chiffonné et semblait l'ennuyer profondément. Lecture pour la rentrée, sans aucun doute.

    Mal entendu

    — Ah non, après je lis La Genèse.
    — C'est de qui ?

    Et mon cerveau, petit soldat, de se mettre à chercher, tandis qu'une autre partie crie «nooonn, ne cherche pas». Processus contradictoire qui me coupe le souffle.



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    Agenda

    Un manteau pour O.

    Bibliothèque Melville (pas très pratique, cela me déroute) pour rendre un film. J'en profite pour repartir avec Löwith (ce qui retarde la lecture de La Genèse, puisque je me mets à le lire aussitôt. En effet, grande nouvelle, j'ai fini Beauchamp, L'Un et l'autre testament T1, sur lequel je peinais depuis deux mois. Si j'ai bien compris, Beauchamp cherche dans l'AT l'annonce de la nouvelle alliance après l'ancienne, celle de l'Exode (ce qui est différent de ce qui est souvent pratiqué, éclairer le NT par des références à l'AT, ce qui est beaucoup plus simple puisque les auteurs du NT connaissaient parfaitement l'AT.)

    Le film Jérusalem avec Nicole à La Géode. Un peu déçue, je pensais voir davantage de paysages (puisqu'on parlait de vision aérienne). En fait c'est surtout un film sur les trois religions qui se partagent moins d'un kilomètre carré, présentée chacune à travers une jeune fille. C'est sans doute un appel à la paix, mais qui insiste sur le mur de silence entre les communautés. Vivre ensemble sans se connaître, sans se parler, en s'ignorant. Cela n'est pas un message d'espoir.

    Médical, suite

    — Je suis venu inscrire ma femme sur ma mutuelle…
    — […]
    — …parce que vous comprenez, ma femme est enceinte, et le gynécologue, ça coûte 80 euros.
    — Mais elle en est à combien de mois?
    — Deux.
    — Deux? A deux mois, un généraliste suffit, vous savez.
    — On en a vu un, il a dit que tout allait bien, mais elle se sent fatiguée.
    — Oui, elle est enceinte. Il y a celles que ça fait vomir et celles que ça fait dormir.
    — Elle, elle dort.
    — Elle a tiré le bon numéro. Vous allez aller voir un gynéco, il vous dira que tout va bien, et il vous prendra 80 euros.

    Il est d'accord, il sourit timidement, à peine, je vois bien à son regard qu'il n'osera rien dire à sa femme. Elle a vingt-neuf ans, il a cinq ou six ans de plus, il ne lui refusera rien.

    Mais comme je suis quand même gentille même si je n'en ai pas l'air, je lui donne quelques adresses de praticiens et de centres médicaux qui lui coûteront moins cher.

    Médical

    Notre médecin généraliste se moque de nous.

    — Il m'a dit: «Vous êtes les seuls patients qui venez me voir quand la mononucléose est finie».
    — Et si nous étions allés le voir plus tôt, cela aurait changé quelque chose?
    — Rien. On ne peut rien faire contre une mononucléose, il faut attendre.

    (Ouf, ça me fait toujours un remords de moins. O. était continuellement malade depuis avril (rhume sur rhume, otites, etc, rien de grave, mais continuel). Après avoir essayé pas mal de perlimpimpins, du magnésium aux oligo-éléments, j'avais fini par vouloir qu'il voit notre médecin. Pas si simple: celui-ci était absent pendant l'été, il sera en retraite en janvier prochain, et il est surbooké au présent… Mais impossible d'aller voir un médecin au hasard pour expliquer que vous venez pour une succession de rhumes. Je les connais, ils ne vous prennent pas au sérieux, ils sont persuadés que vous êtes "une mère inquiète", impossible d'avoir une vraie discussion. Ça m'agace.)

    Chartres

    Il pleut furieusement tôt le matin, je songe aux rameurs de Melun qui fêtent les 50 ans du club d'aviron.

    Cruchons à Chartres, depuis combien d'années maintenant? Je pourrais chercher ici, mais j'ai la flemme, et qu'est-ce que cela changerait? Cruchons vidés de leur substance, sans lecture ou explication de texte, mais ç'avait déjà été le cas l'année dernière. L'annonce de RC en mars 2012 (si loin déjà!) aura vraiment tout fait voler en éclats.

    Gare de Lyon, Aline, Jérémy, Laurent, cela fait une éternité que je ne les ai pas vus, et cela fait vraiment plaisir. La pluie s'est arrêté, le soleil pointe. Le train bondé se vide après Versailles. Discussion à bâtons rompus, Eugénie-les-Bains (une chambre à Eugénie-les-Bains), le sous-titrage, la comtesse de Ségur, sa biographie («son mari venait la voir une fois par an et chauqe fois lui faisait un enfant», la comtesse et l'ancêtre des relais H), des nouvelles de Marie, etc.

    Chartres, étagères, bibliothèque, livres. Echanges, mes Camus trouve preneurs. J'ai amené des comtesse de Ségur et des Claude Simon, je repars avec un dictionnaire de grec, deux Daniélou dédicacés à François Mauriac et un Joachim Jérémias.

    Nous sommes là un mois plus tard que d'habitude, pas de repas sur la terrasse mais dans une petite pièce, ni cuisine ni salle à manger. («C'est une vrai Knoll?») Charcuterie, pain, vin, fromage («J'ai pris du petit Billy»). «Aline et la réunion Tupperware» («ça passe le temps»), en attendant «Aline et la réunion sex-toy», et un jour peut-être «Aline entre au Sénat». Les garçons s'appellent Garçon, ça tombe bien. Pigny, Orléans, Nîmes (ni Nantes ni Lyon). Le chien, ma tante, une relation gagnant-gagnant. La vanille n'est pas bourbon. Nous ne faisons pas la vaisselle. Je prends Notes sur l'oreiller au moment de partir («Prends ce que tu veux» : je fais très attention à ne pas entendre cette phrase).

    Puis la cathédrale, sans échafaudage pour la première fois depuis que nous venons (septembre 2009, j'ai vérifié). Le chœur, les colonnes peintes façon marbre, la statue de la Vierge, une impression d'Italie, loin de la cathédrale sombre que nous connaissons. Les vitraux au-dessus du chœur, Marie, la Visitation et l'Annonciation, Ezéchiel, Jérémie (avec une auréole si je me souviens bien), Jean-Baptiste, les grisailles des années 30, etc.

    Le goûter (après avoir acheté une carte d'Océanie), Massenet et Thaïs, Laurent qui écume pour Jérémie la crème de la crème parmi les cantates de Bach de Philippe… La passoire pour les nouilles, ce n'est pas une passoire pour ceux qui ne savent pas se servir des passoires, mais une passoires pour les nouilles. Ah. Je feuillette Comprendre Wagner, une BD en allemand… (L'allemand est très tendance, tout le monde semble faire ou refaire de l'allemand.)

    Retour debout dans le train, c'est fou tout ce monde, c'est la première année que c'est ainsi. Qu'avons-nous changé, la date, l'heure?

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 11 mars 2015.

    1/ Non. Mais je sais qu'il vaut mieux ne pas trop y tenir, juste faire ce qu'on a faire. Et parfois oser, oser poser une question, s'inscrire à un colloque, etc.

    2/ Je pense que non, mais j'ai l'impression d'être tout le temps en train de parler de mes rhumes et ma fièvre!
    Depuis qu'Hervé à eu une hépatite A, je m'arrête plus souvent un ou deux jours: j'ai compris qu'il ne s'agissait pas de démontrer son courage, mais de ne pas contaminer ses collègues (et la rame entière du rer!)

    3/ De l'ennui voire de l'angoisse: que se passe-t-il, que va-t-on me demander qui soit suffisamment urgent ou grave pour qu'on me téléphone?

    4/ En fonction de leurs horaires, bien souvent! et parfois du lieu (ma ville). Il y a les films que je veux voir depuis longtemps, ceux que tout le monde va aller voir (et donc cela fait un sujet de conversation), mes acteurs et réalisateurs préférés.

    5/ Rien, l'intérieur de ma bouche en esprit.

    6/ La marche, le vélo, le cheval, tout ce qui est sans moteur. Il me semble que c'est ce qui permet de prendre la mesure de l'espace.

    7/ Non, j'ai tout à fait l'impression qu'on ne prend pas assez soin de moi! (J'ai un peu honte de l'écrire, "faut pas se plaigner" disait ma grand-mère et c'est pitoyable. Est-ce faux?)
    Mais enfin, par rapport à juillet 2012, (le billet que je viens de mettre en lien), j'en souffre beaucoup moins. C'est moi qui m'occupe de moi (aviron, voyages, études) et c'est très satisfaisant. L'erreur était d'attendre cela des autres (d'un autre).

    8/ Les deux, aussi bizarre que cela puisse paraître. Parfois personne ne me voit, c'est comme si je n'existais pas, d'autres fois tout le monde se souvient de moi.
    Mais évidemment, dans la rue, je me fais remarquer chaque fois que je porte un chapeau, c'est-à-dire le plus souvent possible.

    9/ Pas vraiment. Quelques photos. Je voudrais avoir su que certaines heures étaient précieuses, les avoir vécues avec plus de conscience. Les photos ne permettent pas cela. Elles rendent le manque plus criant. Mais elles permettent la mémoire des visages.

    Râler

    Quatre opérations administratives à faire ce matin :
    - faire des photos d'identités
    - récupérer une nouvelle carte bleue puisque l'actuelle arrive à expiration
    - faire refaire les deux cartes d'identité perdues.

    Problème imprévu pour O. (le deuxième: le premier était d'avoir découvert qu'en cas de perte, une nouvelle carte coûtait vingt-cinq euros (sinon elle est gratuite)): parce que le passeport qu'il présente pour prouver son identité a expiré en juillet, il lui faut un extrait de naissance.
    Donc il faut rentrer à la maison, faire la demande, et revenir à la mairie un samedi ouvert (pas les deux suivants). Ça m'agace, je n'y peux rien, ça m'agace vraiment, ces gens qui n'ont rien d'autre à faire que me faire perdre mon temps dans des allers et retours stériles. Qu'est-ce que ça peut bien faire que le passeport soit périmé depuis deux mois s'ils ont la personne devant eux?

    En rentrant, O. commente: «trois opérations réussies sur quatre, c'est pas mal!»
    Et pleine d'admiration, je me dis qu'il faut vraiment que j'arrête de râler.

    Prévisions hydrométriques

    Bien que je sois arrivée scandaleusement tard au bureau, je suis tout de même allée ramer. Il y a déjà beaucoup de courant. L'hiver s'annonce difficile, les bassins de rétention sont pleins, nous nous prendrons toutes les crues de plein fouet.

    Enterrement

    Enterrement d'Hubert à l'église de St-Germain-en Laye. Tout a été tellement soudain, brutal. Nous, les quelques élèves présents, le découvrons, père et grand-père, investi dans sa paroisse. Nous l'aurons découvert sa vie au moment de sa mort.

    Ce que je connaissais de lui, c'était son attachement à la Bretagne et Ste-Anne-d'Auray, ses bons souvenirs de catéchisme d'avant Vatican II et nos disputes à propos du mariage pour tous. Nous entendions bien : la preuve, il était le seul avec qui j'osais me disputer à ce sujet.
    Il était celui qui m'encourageait à poursuivre en grec II (ce que j'aurais sans doute fait quoiqu'il arrive, mais c'était encourageant d'être deux à peiner pour la même cause (je veux dire deux de la même promotion du cycle C)).
    Nous revoyons son ami qui avait abandonné le cursus de théologie en début de cette année. Ils étaient si inséparables les années précédentes que voir Hubert seul depuis la rentrée nous donnait l'impression qu'il était orphelin.
    Maintenant c'est nous qui le sommes.

    Echange d'amabilités

    — Bonjour, je pourrais parler à Mme Rousseau ?
    — Bonjour Mme K.
    — Ah, c'est gentil, vous me reconnaissez ?
    — Oui, à votre façon de vous présenter.
    — Et comment est-ce que je me présente?
    — Justement, vous ne vous présentez pas: «je pourrais parler à Madame Rousseau».



    ——————————————
    Explication : elle souhaite parler à ma collègue parce qu'elle ne veut pas me parler.

    Opération

    L'orthodentiste avait recommandé depuis longtemps que les dents de A. soient arrachées. Cette volonté de perfection et de norme m'agaçait un peu; d'un autre côté, je me souvenais bien des douleurs des dents de sagesse («il faut le faire pendant que tu n'as pas mal, je t'assure. Je te garantis qu'on a toujours mal un week-end ou un jour férié, bref, un jour où les dentistes sont fermés»).
    Nous avions décidé d'attendre le bac, puis de retards en rendez-vous, la date avait été fixée aujourd'hui.

    En cas d'anesthésie locale, un solide petit déjeuner est recommandé, j'ai prévu d'arriver tôt à Paris pour éviter les bouchons, nous allons aux Editeurs dont j'ai repéré la carte. A. prend ses médicaments (le dentiste a forcé la dose car elle a avoué son anxiété: elle plane un peu) et nous nous rendons au cabinet.

    Le dentiste a du retard, nous attendons. En feuilletant un très beau livre sur l'art grec, A. a tout naturellement l'une des réflexions les plus païennes que j'ai entendues: «et dire qu'un jour, toutes nos cathédrales et tous nos tableaux auront aussi peu de sens que ces temples grecs…»
    J'en n'ai le souffle coupé parce que je peux parfaitement adopter son point de vue. Après tout, pourquoi pas; après tout, c'est déjà le cas pour tant de gens; après tout, je suis capable de prendre la distance nécessaire à ressentir comme vrai ce qu'elle vient de dire.
    Alors pourquoi m'accroché-je à l'idée que «cela ne sera pas»? Par peur, besoin de réconfort? Par conviction, entêtement?
    Non, à cause de cette présence du Christ que je peux ressentir au quotidien à tout instant. N'est-ce qu'un fantasme? (mais à cette question il n'y a d'autre réponse que notre décision de répondre oui ou non, je le sais. Mais d'où vient cette décision, qu'est-ce qui la fait pencher dans un sens ou un autre?)

    Je vais à la bibliothèque pendant l'opération. A mon retour, A. est un peu gonflée. Le dentiste souligne son courage: «cela a été très difficile, deux dents étaient coincées, il a fallu aller les chercher.»

    Sur le chemin du retour, je m'arrête au Forum des Halles pour aller chercher un livre sur les Pokémon qu'elle a commandé. Je la laisse dans la voiture (les anti-douleurs la rendent flageolante et je ne tiens pas à ce qu'elle attrape un microbe dans la foule) et j'y vais: elle y tient tant; je suis persuadée qu'elle guérira mieux avec son livre qu'à se morfondre au fond de son lit en redoutant qu'il soit vendu parce qu'elle n'est pas allée le chercher assez vite.

    Un choc

    Au moment de quitter le bureau je consulte mes mails. Je ne comprends pas bien, apparemment un de mes camarades de cours nous écrit pour nous apprendre la mort de son père.
    Il m'a fallu un moment pour comprendre qu'il n'était pas l'auteur du mail, mais l'objet, et que c'était sa mort qui nous était annoncée.

    «La mort vient toujours par surprise.» C'était la première phrase du sermon à la mort de la mère d'un ami.

    Cela faisait trois ans que nous étions dans le même TG, la célèbre phrase «c'est noté large» venait de lui car sa femme avait fini le cursus avec une mention TB. Cela me faisait rire.
    Il va me manquer.

    L'informatique pour la transparence

    La société L. vend des appareils à verbalisation électronique. Certaines villes en achètent, s'en servent quelques semaines, puis arrêtent et reviennent au traditionnel PV en papier.

    — Mais pourquoi?
    — Le maire s'aperçoit qu'il ne peut plus faire sauter les PV. Quand c'est électronique, cela part directement au centre de gestion à Rennes, il n'y a plus de passe-droits possibles. Alors quand le maire s'aperçoit qu'il doit répondre non à deux ou trois notables du coin qui ne payaient jamais leurs PV, il fait mettre les verbalisateurs au placard et retourne aux vieilles méthodes.


    Ce n'est pas la première fois que cela arrive. L'installation de planning et réservations informatisés de salles municipales dans l'une des plus grandes villes de France il y a quelques années avait rencontré une forte résistance: c'est alors qu'était apparu au grand jour (enfin, à la pénombre, il n'y a pas eu de scandale médiatique) tout un système souterrain de réservations payées de main à la main, permettant de favoriser ses amis et d'enrichir localement les gardiens des clés…

    Enquete

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 11 mars 2015.

    1/ Du miel.

    2/ La radio éventuellement. Ou Proust en CD.

    3/ Toute l'année (je note les idées quand j'en ai), une à deux semaines avant, deux mois si ce sont des cadeaux par correspondance, la veille ou l'avant-veille si j'ai des vacances, voire après pour les gens que je vois pas ce jour-là.

    4/ L'aviron

    5/ Assise.

    6/ Non. Les mauvaises valaient des engueulades ou le silence (mon père était un maître du silence).

    7/ Les deux, ça dépend des prétentions de ce qu'on me montre (prétentions au sens neutre: à quoi cela prétend-il, divertissement, œuvre populaire, grand art?) Plus la prétention est élevée, plus je suis critique.

    8/ S'il a beaucoup travaillé et que c'est raté, c'est encore pire. Je suis classique, c'est-à-dire que pour moi la perfection gomme l'effort, la perfection s'atteind quand l'effort et le travail ne se voient plus. Cela doit paraître facile.

    9/ Non. Aux fâcheux je donne mon numéro au bureau.

    10/ Jamais. Nous changeons éventuellement les meubles de place, tous les deux ou trois ans. Nous améliorons quelque chose tous les deux ou trois ans. Pas beaucoup de temps, pas beaucoup d'argent.

    Anniversaire

    Ma grand-mère aurait eu cent ans.

    Oulipo

    Soirée Oulipo. Je vais trop loin dans les couloirs (c'est agaçant, ces travaux interminables au niveau de l'entrée Est) et me retrouve nez à nez avec des statues de Romains et de sangliers, crus et cuits.

    Restaurant, honnête (moins bien que l'ancien), mais surtout très aimable, arrangeant. Je suis pour une prime à la gentillesse. Il faut encourager, favoriser, les gentils. (Ce n'est pas une boutade: je crois vraiment que c'est fondamental. On a trop tendance à accorder ce qu'ils veulent aux pénibles, pour s'en débarrasser: non.)

    Rires. Je me souviens avoir repéré des phrases pour les noter ici, mais j'ai tout oublié.
    Je confie mon soulagement de me retrouver avec des "bizarres". (Je discutais l'autre jour avec un co-? (camarade de cours du soir) sur nos stratégies envers notre entourage professionnel: dire ou ne pas dire que nous suivons un cursus de théologie.
    — Je ne le proclame pas, mais je ne le cache pas, si je dois partir plus tôt, par exemple.
    — Moi je le cache, je ne l'ai même pas dit dans ma famille. Au mieux je dis que je prends des cours de grec ancien.
    — Mais pourquoi?
    — Je suis fatiguée de l'étiquette de bizarre ou d'intello.
    (Oui, cela me fatigue beaucoup, cela me pèse.)

    Conclusion : une des personnes présentes à table essaie demain de glisser le mot tautologie en conseil d'administration pour voir si c'est un mot connu autour d'elle.)

    Dominique nous tient au courant des résultats de sa veille proustienne: édition de 26 lettres de Proust à sa voisine (j'aurais détesté avoir pour voisin ce célibataire sans contraintes voulant en imposer à tout son entourage), une édition fac-similée des épreuves de Combray corrigées par l'auteur (tirage limité, sortie prévue initialement aujourd'hui et repoussée d'une semaine) et le week-end de France Culture consacré à Proust.
    Je n'ai pas osé lui dire que Proust n'est plus au centre de mes préoccupations, que désormais je recherche le temps à l'origine (ou au commencement? (cela est presque une plaisanterie mais pas tout à fait)) et que j'ai entrepris d'écouter Römer systématiquement).

    Nous glissons sur le site Gallica : enchantement de tant de merveilles à disposition, désolation d'un outil si mal pratique, si peu adapté aux besoins, ne permettant pas les copier/coller, avec un moteur de recherche lamentable («Moi, j'utilise google en ajoutant "gallica" à la fin de ma recherche plutôt qu'utiliser le moteur de Gallica.»)
    GEF fait remarquer à juste titre qu'en censurant Google Books, la France pénalise les chercheurs français par rapport aux étrangers.

    Question

    — Alors, ce devoir de math ?
    Mes garçons : — Ça n'a pas marché très fort, mais toute la classe s'est plantée, alors…
    Ma fille : — Je me suis plantée, je suis nulle, je n'y arriverai jamais. Larmes, désespoir, drame.

    Question en forme de sondage : peut-on remplacer "mes" et "ma" par "les" et "la" ?





    Et sinon, rendu un livre abîmé à la bibliothèque (je pense qu'il s'est pris du café sur la tête).
    — Il était déjà comme ça quand vous l'avez pris? Je ne vois pas de note sur son état.
    — Oui, il était comme ça.
    — Parce qu'on demande aux gens de nous rembourser les livres abîmés.
    — Ecoutez, ce n'est pas moi qui ai fait ça, mais je veux bien le payer pour la collectivité. Mais dans ce cas, je le remporte avec moi!
    — Ah non, on le garde, on n'a pas le droit de vendre les livres.

    (Et à son avis, quelle est la différence avec le livre qu'on garde chez soi en le déclarant perdu?)

    Tristesse

    Tristesse à voir monter le FN en France inéluctablement. «Ce n'est pas si grave». Ben tiens. Evidemment qu'on ne va se mettre à trucider tous les Juifs ou tous les Arabes dans la demi-heure. Evidemment. Rien n'est jamais grave. S'accommoder de tout indéfiniment. Après tout, hein. Ce n'est pas si grave.
    Ce n'est pas le problème. Le problème est que le FN et son intolérance soient devenus le dernier recours, que plus un seul parti classique ne soit crédible, qu'il n'y ait plus rien que du vide, un vide intellectuel masqué par de l'agitation.

    Donc ce n'est pas si grave. Ils vont arriver au pouvoir, faire beaucoup de bêtises, placer leurs amis aux postes importants (comme tous les partis qui n'ont pas été au pouvoir depuis longtemps — ou jamais), lutter contre l'administration en place (qui est constituée de fonctionnaires qui ne dépendent pas du résultat des élections), être regardés de haut et de loin par l'Union européenne, puis échouer et repartir après quelques scandales — comme les autres.

    Pas si grave. Juste la mort d'une certaine idée de la France.

    Dimanche

    J'alterne déplacement/rangement/classement de livres et sieste, toute la journée. La fièvre tombe.

    Cinéma à Yerres. Elle s'en va. La France que je connais et que j'aime. Les routes entre Lisieux et l'Aigle, entre Saint-Etienne et Bourg-en-Bresse.

    Le soir, repas dont nous avons le secret, dans le genre souk sans logique, à la fois imprévisible et habituel.
    A. rit tellement qu'elle s'assoit près du lave-vaisselle et n'arrive plus à se relever. Quant à moi, rire me fait mal aux poumons et je suis à la limite de m'étouffer.

    Samedi

    Matinée de TG sur les Targums, pseudo-Philon, les Antiquités bibliques. J'aime ça.

    O. a cours de solfège à 13h30, ça nous plante tous les samedis, nous n'arrivons pas à caser un petit déjeuner et des courses dans la matinée. Moralité: quand j'arrive à la maison, H. et O. ont brunché, et je n'ai rien à manger. Je vais me coucher pour cuver ma fièvre.

    Vers cinq heures je commence les opérations de réorganisation de la bibliothèque (deux étagères de moins tandis que nous avons récupéré les mangas et les BD des enfants ainsi que la SF et les policiers que H. avait emmenés à Mulhouse: je ne sais plus quoi faire des livres). Je planque l'Encyclopédie Britannica en haut d'un placard en attendant que tout le monde l'ait oubliée pour m'en débarrasser.

    Cinquante ans d'un voisin, anniversaire surprise, j'ai tant de fièvre que je ne bois que de l'orangina. Nous ne connaissons personne, il fait plutôt froid sur la terrasse, je suis surprise par la jeunesse des enfants, de deux à douze ans, pour des gens qui ont plutôt cinq ou six ans de plus que nous. Beaucoup de familles recomposées, je n'ai pas l'habitude.

    A. revient de Lisieux (bloquée une heure aux Halles dans le RER). Nous sommes cinq pour la première fois depuis le 4 septembre (c'est O. qui me le fera remarquer. Tout cela doit lui peser un peu, je suppose).

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 28 mars 2015.

    1/ Voilà une bonne question! Pas la cuisine, c'est sûr. La bibliothèque… vous donnera une image de moi proche de mes blogs, je pense, elle ne correspondra pas à l'image qu'ont les gens qui vivent autour de moi sans rien savoir de mes cours, colloques, etc. Mes vêtements vous montreront surtout ma vie professionnelle.

    2/ Un problème de "mobilité groupe" au boulot qui dure depuis trois mois sans que je parvienne à comprendre pourquoi il y a tant d'anomalies. Chaque fois que quelqu'un vient nous voir, nous découvrons quelque chose de nouveau! J'ai envoyé un mail vengeur en faisant la liste des opérations de vérification à mener et en écrivant en capitales QU'IL FALAIT CORRIGER TOUT CELA AFIN DE POUVOIR PASSER A AUTRE CHOSE, AINSI QUE VOUS DEVEZ LE SOUHAITER AUTANT QUE MOI.

    3 / Oui, plutôt. Mais j'ai un ami qui a pris tant de photos de moi que j'en éprouve du malaise quand j'y pense.

    4/ Oui, mais il n'en a pas le temps.

    5/ Oui, pizza pour tout le monde, une fois par mois ou tous les deux mois.

    6/ Non. Je crois que ça perturbe ma mère. Ce n'est pas joli de l'extérieur, mais pratique de l'intérieur.

    7/ En cours à l'ICP. (Enfin, amis… des gens qu'on invite chez soi, avec qui on boit un pot, à qui on confie ses soucis? Qu'est-ce que c'est, un ami?)

    8/ Oui, en sachant qu'il y a une chance sur deux pour que je me trompe.

    9/ Non, je déteste ça. J'aime qu'il existe des mondes qui ne soient pas humains; ce n'est pas pour les rabattre sur de l'humain.

    10/ Oui, le plus possible, ce qui n'est pas si facile quand on travaille à la Défense !

    Rhume

    Et c'est à peu près tout pour cette journée. Récupéré des (extraits de) Targums (avec un dialogue d'arbres qu'il faudrait que je scanne pour M. Pic: quel arbre acceptera-t-il de servir de gibet à Haman? Tous se défilent, seul le cèdre accepte).

    Deuxième cours à l'Institut Goethe. Expérience de l'aphasie.

    Chassée du salon par le retour du fils prodigue, je squatte le bureau de ma fille. Où irai-je pendant les vacances prochaines?

    Le fils prodigue

    Deux figures me retiennent dans la Bible : celle du frère du fils prodigue qui ne se réjouit pas, celle de Jonas qui ne veut pas aller à Ninive car il désapprouve la mansuétude divine et ne veut pas se fatiguer à prêcher alors que Dieu est prompt au pardon.

    Autre figure: le père du fils prodigue.
    Il n'y a pas à tortiller, je suis plus rancunière.
    Ou : j'ai la mémoire plus longue, la méfiance à fleur de peau, d'autant plus à fleur de peau que je combats ma naturelle tendance à faire confiance.
    Ou : le fils prodigue ne paraît pas avoir fait montre de beaucoup de repentir.


    C. est accepté à 42. Cela ne parvient pas à me réjouir. Je l'ai vu abandonner trop de cursus aux environs de février-mars. Je commencerai à y croire un peu en juillet prochain.

    Deux cours d'allemand

    J'avais envoyé un mail à l'institut Goethe pour demander s'il était trop tard pour m'inscrire aux cours, et comme je n'avais pas de réponse, j'ai demandé à une connaissance FB si son amie allemande accepterait de me donner des cours particuliers. Elle a dit oui. Dans les heures qui ont suivi cette réponse, l'institut Goethe m'a contactée pour passer un test de niveau.

    Donc aujourd'hui en descendant du train je suis allée attendre dans un café l'heure du test d'allemand (dix heures) tandis qu'à midi je rencontrais pour la première fois Lisa. Je nous ai installées dans une petite salle de réunion de l'entreprise, je ne suis pas sûre que ce soit tout à fait autorisée (en fait je suis sûre que ça ne l'est pas).
    Dieu que je suis rouillée, c'est l'anglais qui monte aux lèvres, spontanément.

    Selon le test de l'institut Goethe je suis niveau b1. J'ai signé pour des cours jusqu'à fin janvier (un semestre) deux fois par semaine, le mardi et le jeudi, de midi et demi à deux heures. Ça m'arrange parce que ce sera invisible pour les enfants (je ne rentrerai pas plus tard) mais ça va me faire rentrer tard au bureau à l'heure du déjeuner.

    Dijon deuxième journée

    Patrick m'emmène voir "le puits de Moïse", qui est l'inverse d'un puits, puisque c'est un socle.
    C'était le socle d'un calvaire haut de sept mètres au milieu de la nécropole des ducs de Bourgogne. Il ne reste que le socle, avec six prophètes : Moïse, David, Jérémie, Zacharie, Isaïe et Daniel. C'est très beau, délicat et plein de force, restauré avec goût, sans couleur criarde comme il aurait pu être tentant de le faire.

    A midi nous perdons malheureusement un temps fou dans un restaurant qui m'a attiré par sa déco (des poils de vache). Nous n'en finissons plus d'attendre, c'est mortel.

    Siegfried et Le crépuscule des dieux.
    Siegfried est celui que je connais le mieux puisque c'est le seul que j'ai vu en entier. L'oiseau est joué et surtout chanté par cinq ou six enfants. C'est charmant et joliment faux (ou comme dirait ma fille, ils chantaient juste chacun séparément), j'espère qu'ils ne se feront pas démolir par la critique (Philippe me dit qu'il a entendu des commentaires du type «C'est un scandale» de la part de critiques "officiels" qui n'avaient peut-être pas tout à fait saisi avant d'être dans la salle que c'était un Ring raccourci). Cela me met en colère, ce n'est tout de même pas la faute des artistes si ces critiques sont inattentifs.

    Le Crépuscule me paraît de loin le moins bon des quatre, c'est coupé, très coupé, sans doute trop. C'est dommage, car étant la dernière représentation, c'est celle qui reste en tête. (Conseil: si vous montez une Tétralogie, commencez par travailler Le Crépuscule, il faut qu'il soit parfait, ce sera la dernière impression du spectateur.) Ici, les liens logique du récit ont disparu, il reste un château désert et en ruine, des personnages en pleine décadence, un Wotan en pleine dépression. On ne comprend pas qui est Hagen, on ne comprend pas la fin de Brünnhilde. Ce qui est clair, c'est qu'une page se tourne, ou plutôt, qu'un nouveau livre se commence, lu par un enfant.

    Je termine donc par des réserves, mais au global, j'ai pris beaucoup de plaisir aux quatre représentations, et, le plus important pour moi, les enfants aussi (qui ayant lu les livrets et les ayant retenus, commentent les coupes avec des mines de vieux Wagnériens, ce qui me fait beaucoup rire (intérieurement)).

    Dijon première journée

    Peur que quelque chose foire, que le RER ait un problème, que je perde les billets de train… je les vérifie vingt fois dans mon sac, vingt fois je ne les trouve plus…
    — Maman c'est bon, tu les avais il y a trente secondes. Arrête!
    Je suis contente qu'ils aient eu envie de venir.

    Arrivée à Dijon sous la pluie, je malmène tout le monde pour trouver l'hôtel, en fait c'est tout simple, je ne comprends pas les commentaires de Tripadvisor qui décrivait un chemin compliqué dans la vieille ville.
    La chambe est amusante (c'est une "suite"), toute de guingois sous les toits, pas une surface verticale ou horizontale. Un peu dangereux pour les grands.

    Crypte de Saint Bénigne. Encore les méfaits de la Révolution. Cela me stupéfiera toujours: quelle somme de haine accumulée, comment ou pourquoi cette rage de destruction? La crypte a été dégagée, des chapiteaux et des pierres remplacées. Difficile de savoir si cela ressemblait vraiment à cela, en tout cas le travail a été effectué avec soin et amour (c'est la même chose).

    L'or du Rhin et La Walkyrie. Cela n'a rien à voir avec Reims, ou du moins pas grand chose. La salle est immense (enfin, grande; immense par rapport à Reims), très agréable (je la préfère à l'opéra de Lyon, si noir); il y a beaucoup de monde dont une bonne partie parlant allemand.

    Le spectacle est très bon, netteté de la ligne instrumentale qui dialogue avec les chants ou les souligne sans jamais les couvrir; netteté des voix qui articulent, netteté du décor, avec une thématique autour du livre et de l'écrit (le savoir comme trésor?).
    Mention spéciale pour Siegmund/Siegfried (Daniel Brenna), Sieglinde (Josefine Weber) et surtout Brünnhilde (Sabine Hogrefe).

    Les coupes ne sont pas les mêmes qu'à Reims; j'ai l'impression qu'à Reims le récit, sa cohérence, la cohérence entre les personnages et leurs interactions les uns par rapport aux autres avaient été privilégiés, alors qu'ici ce sont les "blocs" musicaux qui me paraissent mis en avant, en particulier les duos (ou plutôt les dialogues). C'est une option sans doute meilleure d'un point de vue artistique, à condition de connaître les œuvres (donc de ne pas utiliser ce Ring réduit pour découvrir la Tétralogie).

    Pour le reste, le contenu du livret provoque toujours en moi la même répulsion. Il faudrait que je lise les livrets pour vérifier mes impressions, mais je suis frappée par la dimension punitive du sexe dans ces opéras, par l'importance de la pulsion de viol: Freia emmenée par les géants, Sieglinde mariée de force, Brünnhilde offerte à l'homme qui passe (avant que la sentence soit "adoucie"), Erda utilisant le mot "contrainte" (problème de traduction? "tu m'as contrainte…"), Brünnhilde parlant d'être "contrainte au plaisir et à l'amour" (demain, j'anticipe)… et cela se reflète dans les paroles de Wotan, qui voit l'acte sexuel comme une flétrissure que l'homme impose à la femme, ce qui suppose qu'il a de lui-même une bien piètre image… Freud était nécessaire de façon urgente.

    Mais ce qui me choque le plus, c'est la punition de Brünnhilde: Wotan punit la pitié (après avoir espéré peu de temps avant un enfant libre qui exécute ses désirs sans qu'il intervienne…). Cela n'arrive jamais, je pense, dans la tragédie antique, dans la Bible, dans les mythes, dans les épopées. La pitié est le geste sacré qui est toujours respecté. (J'ai cherché des contre-exemples: Antigone? Mais c'est un devoir de piété qu'accomplit Antigone, piété envers un mort, pas pitié envers un vivant). Sans doute va-t-on argumenter que ce que Wotan punit, c'est la trahison de sa volonté par sa volonté (un double de sa volonté, une autre lui-même). Mais cela veut simplement dire que Wotan punit sa propre pitié. Wotan n'a pas la grandeur qui permet la pitié, il est agité de calculs, il ne vit plus au présent, mais dans un futur qu'il craint et tente de prédire (pour l'éviter ou le faire advenir? Ce n'est pas clair, il y a une pulsion suicidaire chez Wotan, et c'est d'ailleurs ainsi que cela se termine). Qu'est-ce que c'est que ce dieu?

    Le vrai dieu, celui qui agit selon ce qui doit être, sans chercher à suivre un plan qui favorise ses propres intérêts, sans chercher à calculer les conséquences, qui réagit spontanément au courage de Siegmund et à sa déclaration d'amour ("garde ton walhala, je n'en veux pas sans Sieglinde") ou qui a pitié de Sieglinde et protége la vie sans défense, c'est Brünnhilde.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 27 avril 2015.

    1/ Ça m'arrive. Rien de particulier, vacances, famille, le plus souvent.

    2/ Non. Mais si c'est possible, j'essaie de ne pas la faire seule, de la même façon que j'essaie de participer aux corvées des autres ou de leur trouver des adjoints. A plusieurs, c'est moins une corvée.

    3/ Le soir si je pense à ce que je voulais faire et n'ai pas fait.

    4/ De temps en temps. Ça dépend de ce que je porte et de ce que je cuisine.

    5/ Oui, c'est un doudou!

    6/ Une heure ou des années (se sentir chez moi dans cette maison et non dans la maison du précédent propriétaire a pris des années).

    7/ Oui.

    8/ Je crois que oui, une fois, un peu contre mon gré, près de St Lazare. Je ne sais plus ce qu'on m'a dit, une histoire de maladie, je crois.

    9/ Plus je vieillis plus je ressemble à ma mère (c'est terrible de donner raison à un dicton).

    10/ Je le ferais volontiers mais je n'y pense pas!

    11/ Le soleil

    Vendredi

    - Trafic aérien au-dessus de La Défense à 8 heures du matin



    - Barbecue à l'aviron.

    - Runaway train. Les valeurs américaines, de la vitesse et de la neige. Quand j'entends Manny en cavale dire à son jeune complice qui rêve d'Accapulco et de jolies pépés: «—Tu trouveras un boulot et tu astiqueras et tu ne regarderas pas ton patron dans les yeux et quand il te dira que tu as mal astiqué dans le coin, tu ne répondras rien et tu frotteras le coin. —C'est impossible, je ne ferai pas ça, et toi, tu ne le ferais pas. —J'aimerais avoir le courage de le faire», je pense à Beauchamp, à la Loi et au décalogue.

    A. le soir à la maison. Le niveau sonore augmente brutalement. Mais c'est plus gai.
    Elle s'est moquée de moi parce que je ne prévoyais qu'un livre pour ce week-end (sur la liste que je prépare pour ne rien oublier: «Mets un "s" à "livre", maman».) J'ai refusé: c'est moi qui porte (et puis surtout, il est toujours possible que nous en achetions sur place. Cela, je ne le lui ai pas dit).

    Conjonction astrale, vous dis-je

    Saisi au vol en passant à huit heures devant le Relais H de la station Esplanade de la Défense:

    — En ce moment, qu'est-ce qui marche ? … Rien !

    CA

    Conseil d'administration. C'est bizarre, personne n'a l'air d'avoir l'instinct de la pertinence d'une extrapolation. On me demande des calculs extrêmement précis à partir de chiffres approximatifs. C'est un peu comme calculer Pi à six décimales près en mesurant la longeur d'une ficelle ayant entouré une boîte de conserve (mon premier calcul de Pi, en primaire. Je peux dire avec fierté que j'avais trouvé 3,14. Espérons que mes estimations du résultat de l'exercice 2014, en ayant entretemps fait bouger absolument tous les paramètres de façon indépendante, aura la même exactitude, ce ne sera déjà pas si mal. (De mes calculs va dépendre l'augmentation de cotisation de l'année prochaine. Comme c'est aussi moi qui prends au téléphone les gens qui pleurent, les conséquences concrètes de mes calculs bizarres vont m'apparaître très vite.))

    Mail laborieux à une potentielle prof d'allemand (j'ai décidé de faire dans l'efficace (du moins j'espère)). Ouh que je suis rouillée.

    Tard le soir, O m'annonce qu'il ne retrouve pas son portefeuille. Il contenait (ou contient) ma carte bleue et ma carte d'identité. Décidément, la période n'est pas faste.

    Notes

    Sortie en quatre de couple sans barreur avec trois seniors. Première fois que j'utilise des pelles-haches (c'est léger). La nage trouve que le bateau tombe à tribord à l'attaque, je trouve qu'il tombe à babord au dégagé. Je suis tordue dans les bateaux, je penche à tribord, c'est insupportable, incorrigible. Il faut que je fasse du skiff, mais maintenant ça attendra le printemps. Epuisée le soir, je m'endors quasiment en grec (les cours reprennent aujourd'hui, je ne serai pas là samedi pour la journée de révision.)

    Je lis Beauchamp, il me fait penser à Barthes, la même déconnexion des textes qu'il commente. Il plane.

    Journée pénible

    Ça doit être une conjonction astrale, il n'y a pas d'autre explication rationnelle.

    Ça a commencé par un coup de fil:
    — Allô? Je téléphone pour connaître l'état de mon contrat, parce que vous comprenez, pour la CNAV je suis morte.
    — …
    — La fille m'a annoncé ça sans ménagement, paf, "Madame vous êtes morte", sous-entendu, je n'allais tout de même pas en plus me plaindre.

    (Bon je sais, c'est drôle. Enfin non, mais oui, cette dame a du répondant, elle est affectée, mais pas abattue. Le pénible c'était avant et après.)

    Ça s'est terminé par un questionnaire à envoyer à l'ACP.
    Rejeté. Motif (je copie-colle): "Nous accusons réception du questionnaire 2012 sur l'application des règles de protection de la clientèle de votre organisme. Nos systèmes informatiques ne peuvent le prendre en compte car la version du logiciel Adobe Acrobate Reader utilisée par vos services semble être inférieure à la version 9.1 telle qu'indiquée dans notre instruction. Nous vous remercions de bien vouloir le remplir de nouveau avec une version logicielle supérieure et procéder à un nouvel envoi."
    Bref, j'ai tout transféré à la maison et à dix heures et demie, ouvrant mes mails, je me suis souvenue qu'il y avait encore cela à faire avant de dormir…

    Week-end désagréable

    Samedi: la journée commence mal par un rendez-vous oublié, puis tout cafouille lamentablement.
    Dérapage à partir d'une histoire de miel.
    Je ne fais rien de ce que j'avais prévu mais finis par me trouver une place dans la maison (depuis que j'ai le Macbook air et que le serveur a été installé à l'étage, je travaille dans le salon, sans bureau attitré). Je rattrape des billets de ce blog.

    Dimanche : journée de TG (l'une des raisons du dérapage d'hier: chaque fois que je m'absente le week-end, c'est le drame. Pourtant, je ne vois pas ce qu'apporte ma présence à la maison. Je dois être trop modeste. Les semaines à venir vont être pénibles car j'ai quelque chose pratiquement chaque week-end. Je n'ose même plus en parler.)
    — Que tu suives ce cursus religieux me glace. Chaque fois que j'écoute la radio je m'aperçois qu'on s'étrippe au nom de Dieu.
    Oui. Non. En fait la démarche entreprise est à l'inverse de ce mouvement: elle part du présupposé que c'est l'ignorance de et dans sa propre religion qui est à l'origine des excès. Mais bon. C'est un présupposé, ce n'est pas forcément juste. Tant pis.

    Journée de TG:
    - deux exposés magistraux devant l'ensemble de la promo. Nous apprenons enfin le débat au cœur de la crise du modernisme au début du XXe siècle: la remise en cause de l'écriture du Pentateuque par un seul auteur, Moïse. 1/ On aurait pu nous le dire clairement depuis longtemps, je suppose que cela fait partie des choses si évidentes qu'on ne pense plus à les exprimer explicitement; 2/ il est toujours étrange d'apprendre qu'on s'est étrippé (pour une fois c'est métaphorique) sur des questions qui sont aujourd'hui oubliées tellement leur réponse est devenue évidente.

    - deux rencontres en groupes constitués. Alors que c'est généralement un moment d'échange, ces premières réunions de l'année sont bizarrement agressives. Notre groupe issu de l'année dernière ayant fondu par suite de défections, nous nous voyons adjoindre cinq ou six personnes venues d'un autre cursus dont je n'arrive pas à déterminer si elles font un complexe d'infériorité ou de supériorité par rapport à nous. Comme me dirait drôlement un camarade à mi-voix: «Je ne m'assois pas à côté de la dame, elle est méchante.»
    Ça va me faire mon expérience spirituelle du semestre: laisser parler et me taire. (Ça c'est un exercice difficile! Tant mieux, il faut se donner des défis ambitieux.)

    - le moment le plus agréable, le pique-nique et le papotage. Nous sommes des engagés qui nous soutenons pour ne pas déserter avant la fin de la campagne. Stratégie de chacun en terme de cours flottants et langues anciennes, etc.

    - Le soir, regardé La Ligne verte.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Plutôt pas assez. Mais ce n'est pas un reproche.

    2/ Un an, un an et demie.

    3/ L'océan atlantique.

    4/ Les chats.

    5/ A la campagne.

    6/ Ils m'attristent plutôt.

    7/ Souvent.

    8/ Un Chopin ou un Tchaïkovski.

    9/ Non.

    10/ Non.

    11/ Oui.

    12/ Non.


    Répondu le 29 mars 2020, quatorzième jour de quarantaine.

    Deux films

    J'ai feuilleté L'officiel des spectacles en me demandant ce que Marc serait allé voir. C'est fou le nombre de films que j'ai notés: Annonces, Dans un jardin je suis entré sur le Moyen-Orient, Miele sur l'euthanasie, The Way sur Compostelle, Les Conquérants sur le Graal… Est-ce toujours comme ça et mon œil a changé (il voit ce qu'il ne remarquait pas), ou se passe-t-il quelque chose en ce moment?

    Annonces d'abord parce que j'ai peur qu'il ne passe pas longtemps. Où trouve-t-on, et comment, des femmes comme celles-ci, avec un telle bagage? Quatre alphabets, grec, arabe, hébreu, latin. Trois langues, hébreu, arabe, français. Le Liban: pas d'anglais. Des souvenirs de filiation. Tout tourne autour de la maternité, mais une maternité sans les pères, ce qui me met mal à l'aise. J'aurais été très malheureuse de ne pas avoir de père.
    Presque à la fin apparaît Barbara Cassin. Elle dit que Lyotard lui a dit qu'elle s'occupait des Grecs pour ne pas s'occuper des Juifs. Elle redit cette phrase que j'aime tant: «En Grèce, vous pouvez croiser un dieu, c'est même assez courant». (Ou alors je viens de trouver par hasard le film qu'évoquait Marc?) Elle dit une chose qui ne m'avait jamais effleurée: que les dieux grecs mettaient les femmes enceintes tout le temps (voilà qui inscrit Marie dans une lignée, c'est bizarre de penser ça. Les dieux grecs pour moi sont tellement païens. Deux lignes qui ne se rencontrent pas). elle parle d'en-thou-siasme, être habité par un dieu, et cela me fait plaisir, parce que c'est le commentaire de mon chargé de TG l'année dernière me concernant: "enthousiaste".

    Le film ne dure qu'une heure. En sortant j'étudie L'officiel et m'aperçois que j'ai juste le temps de voir Les Conquérants au Mk2 Hautefeuille.
    Ce film m'a amusé, il m'a plu. Rien d'extraordinaire, il tourne autour une idée loufoque — retrouver et déplacer le graal porte malheur. De bons moments sur les terrains de foot (citation de Marcel Gauchet de l'entraîneur à son équipe, si si. Autre citation: «Vous êtes là pour créer du lien. Celui qui n'a pas compris ça n'a rien à faire ici»), des paysages basques, un beau sein (pour les amateurs). Une chose un peu étonnante, c'est que le graal est totalement déconnecté de sa dimension chrétienne. A côté du collier africain porte-bonheur, ce n'est qu'un talisman de plus, sans histoire (je veux dire sans récit). C'est étonnant d'évacuer ainsi la foi pour ne garder que la magie, comme si la magie était moins dangereuse (à évoquer) que la foi. J'y vois un retour aux superstitions, mais je suppose que la plupart des gens y voient un progrès.

    Problème de RER. Je lis L'interprétation de la Bible dans l'Eglise en souriant (de surprise) d'y découvrir un exposé des différentes méthodes de lectures, dont la sémiotique greimassienne, que ma professeur d'hypokhâgne refusait de nous expliquer comme "trop compliquée". (J'ai encore dans ma bibliothèque une étude par le Groupe d'Entrevernes — jamais lu.)

    Hantée

    Pour me détendre, changé la terre et le pot de deux plantes. La femme de ménage était moyennement contente (j'avais utilisé un grand sac poubelle pour protéger la moquette.)

    Comité financier à 14h30 à Paris dans des étages désertés (l'immeuble sera quitté définitivement demain soir, nos interlocuteurs sont dans les derniers sur le navire), je rentre tôt.
    Mardi en passant à la bibliothèque Audoux, j'ai feuilleté sur une table Une année à Treblinka de Jankel Wiernik. Je suis tombée sur le passage où les fosses du début sont rouvertes pour que les corps en décomposition depuis plusieurs mois soient brûlés. Jusqu'ici, je n'avais lu cela que dans Le Livre noir d'Ehrenbourg et Grossman, et malgré toute ma confiance et mon admiration pour Grossman, je ne pouvais m'empêcher d'espérer que ce n'était pas entièrement vrai, que Grossman avait exagéré, ou rêvé, ou extrapolé… Mardi soir, en rentrant à minuit, j'ai rouvert Le livre noir pour vérifier si Grossman indiquait Wiernik dans ses sources (non). L'extermination me hante, je résiste au désir de me remettre devant Shoah, cette pulsion me tient depuis La Chute, et surtout depuis le témoignage de Frau Junge.

    Je regarde Sophie Scholl, emprunté mardi. Les dernières minutes, le couloir vers la guillotine, la guillotine (je croyais qu'elle avait été décapitée à la hache: adaptation pour le film?). Je pense à Dostoïevski décrivant la dilatation du temps vécue par le condamné à mort, encore deux rues, encore un coin à tourner, encore une rue…

    Miscellanées geek

    - Fierté : quand il s'est agi d'attribuer un personnage de la Guerre des étoiles à chaque membre de la famille, je me suis vue identifiée… à R2D2. (Dans les sept nains je suis Atchoum.)

    - Inquiétude : j'ai enfin compris ce qui me déplaît dans la piscine de 42: elle me fait furieusement songer à On achève bien les chevaux, ce film qui hante mes cauchemars.

    Songe

    «Si vous voulez lire le Targum de Babylone en araméen, il existe l'édition xxx, un peu ancienne, mais excellente.»

    Ce qui soutient le rêve, c'est qu'elle est sérieuse, elle paraît réellement imaginer que deux ou trois d'entre nous allons lire le Targum en araméen.





    Ce matin la chatte était là en train de réclamer, comme si de rien n'était.

    A la recherche du salon de thé introuvable

    AC vient de St-Brieux. Comme elle va ensuite au Vésinet, je lui donne rendez-vous chez Ladurée à Madeleine (croisement des lignes 1 et 12).

    Elle m'appelle alors que je suis en train de sortir du métro à Concorde: le salon de thé est fermé. Je songe à Angelina, je n'y suis jamais allée, mais AC est désorientée (plus de dix ans qu'elle a quitté Paris) et ne sait plus où sont les arcades de la rue Rivoli. Je vais donc à sa rencontre et lui propose à brûle-pourpoint le Crillon.

    Translation jusqu'au Crillon (son sac est lourd): fermé, en travaux.
    Je propose alors Angelina ou Hédiard ou Fauchon.
    — Je ne peux pas choisir puisque je ne connais pas.
    — Qu'est-ce que tu préfèreras raconter? (parce qu'après tout, quand on va dans ce genre d'endroit, ce n'est pas simplement parce que la pâtisserie est bonne, c'est aussi ou surtout pour y être allé.)

    Elle choisit Hédiard. Je lui rappelle que c'est là qu'elle m'a appris en 2006 qu'elle était enceinte de son dernier, mais elle ne s'en souvient plus (je m'en étais voulu après coup d'avoir montré plus de surprise que d'enthousiasme).
    Nous entrons, tournons parmi les étals, les accès à l'étage sont barrés, nous nous renseignons: le restaurant a fermé définitivement il y a trois mois.

    Nous échouons chez Fauchon, orange pressée et nectar de poire, «je trouve ce rose très laid».

    Rose

    Cet escargot a tant dévoré mes rosiers que sa coquille a des teintes roses.

    Journée active

    A six heures trente, débarras de la chambre d'O. car son lit doit arriver à dix heures (je l'ai appris hier soir tard: il était prévu dans l'après-midi, je pensais avoir le temps).
    A sept heures trente, départ pour Saint Lazare. A. repart à Lisieux. Elle aurait pu prendre le RER, je ne suis pas sûre qu'elle y gagne en voiture, mais bon. Je n'aime pas l'idée de la laisser repartir en RER, j'ai l'impression de l'abandonner trop tôt.

    Reste de la journée à laver la voiture (un lavage par an, la pauvre) et finir de m'occuper des rosiers. Trié les vers de terre de la terre que j'emporte au bureau pour rempoter deux plantes vertes. Question: combien de temps vit un ver de terre? Si j'en ai oublié un, combien de temps vivra-t-il en pot, comme un poisson en bocal?

    Le lit est livré. O. l'attendait depuis mi-août (il s'agit de caser son mètre quatre-ving-dix dans un deux mètres et non plus dans un mètre quatre-vingt), mais la malignité classique de la vie veut que ce soir, il dorme sous la tente dans un sac de couchage.

    Relevé du compteur d'eau. Véritable élevage d'escargots sous la planche qui protège la fosse où se trouve le compteur.

    H. revient défait de la pharmacie: il a pris ma voiture, la chatte dormait sur la plage arrière, il ne l'a pas vue, elle s'est échappée dans un jardin voisin quand il est revenu de sa course. C'est à trois cents mètres de la maison, mais bécasse comme elle est, il est à peu près certain qu'elle ne saura pas revenir seule, surtout qu'elle s'est enfuie paniquée.
    Quinze jours, c'est le délai pour la revoir ou pas.

    Soirée de rentrée scoute. Il fait très doux sous les arbres, beaucoup plus qu'il y a deux ou trois ans. C'est l'occasion de voir des photos des vacances des garçons.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui.

    2. Oui. A droite.

    3/ On me la pose alors que c'est la personne qui la pose qui prépare le repas.

    4/ Peut-être. Plutôt un lieu: la ferme de ma grand-mère.

    5/ Non. Je ne fais pas assez attention.

    6/ Peut-être le goût. Ou l'ouïe.

    7/ Oui. Mais il me manque des connaissances sur la façon de se tenir à table ou faire la conversation.

    8/ Non, par discrétion.

    9/ Par période.

    10/ Oui. Mais plutôt la chaleur, désormais.


    Répondu le 29 mars 2020, quatorzième jour de quarantaine.

    Mauvaise journée

    - Je consulte mes mails perso en arrivant au boulot. Je découvre que l'aîné n'a pas tenu des engagements pour lesquels il avait eu des mails de rappel le 11 septembre (il est si peu fiable que je suis en copie) et pour lesquels il m'avait assuré avoir fait le nécessaire une semaine plus tard quand j'avais posé la question. La date d'échéance est demain… Je sais qu'il va m'assurer qu'il ne peut ABSOLUMENT pas se dégager aujourd'hui pour faire ce qu'il avait promis de faire il y a deux semaines. Mensonges et fuite une fois de plus. Que les autres se débrouillent. Et le plus honteux, c'est que les autres finissent par si bien anticiper ses lâchages qu'ils se sont déjà débrouillés, devant son silence pendant quinze jours ils ont déjà fait le travail, sans attendre de découvrir son manque de parole (je l'apprends par SMS un peu plus tard). Il n'y a plus guère que moi pour encore vouloir y croire. Je suis très profondément démoralisée.

    - Période des lettres recommandées pour les mauvais payeurs. Les gens sont étonnants, plutôt que payer et se taire, ou ne pas payer en attendant la résiliation, ils téléphonent pour expliquer qu'ils n'ont pas payé, mais que c'est de notre faute (ils ont raison: si nous ne leur réclamions pas d'argent, ils ne nous en devraient pas).

    - Appel de la RH pour obtenir une liste de retraités. Comme j'avais refusé de la donner au CE (c'est pour supprimer des avantages à des retraités au prétexte que leur société d'origine a été vendue), celui-ci est passé par la RH. Je descends expliquer mon point de vue (je n'ai pas de fichier des retraités, je n'ai qu'un fichier des retraités ayant adhéré à la mutuelle, nuance; c'est donc ceux qui ont fidèlement adhéré à la mutuelle de leur ex-entreprise qui vont être pénalisés, et non ceux qui sont partis sans se retourner. Paradoxe et injustice), mais je sais que je vais devoir céder. Et le pire, c'est que je ne peux même pas dire au CE ce que je pense de leur attitude parce que cela sera pris comme l'opinion de la direction et non la mienne propre, et cela provoquera des tensions syndicales.

    - Je dois aller chercher une freebox chez un chocolatier de Puteaux (oui, oui). Je découvre en arrivant devant le magasin qu'il est fermé entre treize et seize heures. Je rentre bredouille.

    - Deux heures. Coup de fil de la responsable du groupe scout qui veut savoir pourquoi O. ne se réinscrit pas. Je tombe des nues: «Comment? Mais il n'en a jamais été question, il a beaucoup aimé le camp». Et comme c'est envers les scouts que l'aîné n'a pas tenu ses engagements, j'en suis quitte pour boire la honte de trouver des excuses à un dadais de vingt-et-un ans (rien à faire, je me sentirai toujours responsable). Il ne pourrait pas être orphelin, que je me repose?

    - Morceau de bleu dans cette journée grise: le type qui doit nous installer une nouvelle version de logiciel comptable depuis le 5 juillet passe enfin. (J'ai découvert avec retard qu'il fallait systématiquement mettre sa chef en copie pour qu'il réponde et travaille). Il vient en traînant des pieds, nous explique que "ce n'est pas son travail". Quand il repart, j'enregistre notre licence sur le site adéquat, ce qui me permet de découvrir qu'il y a une mise à jour à télécharger depuis le 24 juillet (donc il va falloir trouver quelqu'un dans le labyrinthe qui ait les droits administrateur pour nous l'installer, ou rappeler celui "dont ce n'est pas le travail").

    - Au moment de partir je passe à la machine à café et décide, pour me détendre de cette journée de m***, de m'installer de l'autre côté du paravent, sur les tables hautes, plutôt que boire mon gobelet à mon bureau. Fatalitas, je croise l'un des représentants du CE présent lors des conseils d'administration de la mutuelle.
    — Il faudra que je vienne vous voir, j'ai des problèmes de remboursements de pharmacie qui concernent mars, il s'agit de quelques euros mais c'est pour le principe.
    Chaque fois que je le vois, je pense à l'URSS. Il me fait ressentir pourquoi ou comment l'URSS a été possible.

    - Je repasse chez mon chocolatier. La freebox que je rapporte tenait dans une boîte à chaussures, celle que j'emporte est une lourde valise de 70x40x40. Je me traîne jusqu'au métro pour découvrir qu'il y a des problèmes de RER.

    - Tard le soir, C. à qui j'avais demandé de passer remplir ses engagements coûte que coûte (c'était avant de savoir que d'autres avaient pallié sans heurt son incurie) téléphone pour demander si dans ces conditions, il est encore nécessaire qu'il rentre. Je fais répondre qu'il peut même ne plus rentrer du tout.

    Bonne journée

    A midi je passe à l'institut protestant de Paris pour donner ma feuille d'inscription et savoir quand commencent les cours: soulagement, ce sera en janvier. Encore trois mois pour faire des progrès.

    C'est l'anniversaire d'O., nous avons rendez-vous au My Canh, son restaurant préféré (84 rue Baudricourt), sa sœur va lui faire la surprise d'être là (venue exprès de Lisieux), C. viendra aussi, et peut-être son parrain. Officiellement, il s'attend à un repas en tête à tête avec peut-être son frère.

    Je passe à la bibliothèque Melville. Le Löwith que je venais chercher (Ma vie en Allemagne avant et après 1933) n'est pas en rayon, ou il est mal rangé (il est indiqué présent sur le catalogue en ligne)). Bien qu'on soit à un quart d'heure de la fermeture, un bibliothécaire va très gentiment me chercher Sur la balance de Job (à propos des Frères Karamazov, référence trouvée dans Taubes).

    My Canh. Repas très geek et très gai, très décousu aussi (je m'en voudrai beaucoup dans les jours qui suivront de ne pas avoir pris une photo de mes trois enfants réunis pour les quinze ans du plus jeune. Mais je ne pense jamais aux photos.) C'est la première fois que nous revoyons A. depuis qu'elle est a Lisieux, elle a un peu maigrie, ça lui va bien, elle est radieuse, heureuse. C'est très rassurant (l'expérience de son frère en Suisse qui avait glissé dans la dépression, ne vivant que la nuit et ne se nourissant plus, nous a laissés traumatisés.)

    O. raconte une blague du prof de math. Je la connaissais depuis longtemps (2001, j'ai un point de repère) et je désespérais de la retrouver dans le détail, donc je la note ici:
    Un mathématicien, un statisticien et un biologiste survolent un hangar. Deux personnes entrent dans le hangar, trois en ressortent.
    Le biologiste dit: — La population augmente, ils se sont reproduits.
    Le statisticien dit: — Pas du tout, la population est stable, en moyenne deux personnes et demie sont entrées et ressorties.
    Le mathématicien dit: — Si une personne entre dans le hangar, il sera vide.

    Allemand

    A midi ramé en quatre de couple. Chaque fois que je remonte en bateau fin (je veux dire dans autre chose qu'en yolette, le bateau des débutants et des "loisirs"), je comprends à nouveau les souvenirs de mes treize ans, les sorties infernales qui vous faisaient descendre de bateau en vous sentant nul et plus mauvais que tout: l'équilibre est difficile à trouver, le bateau tangue, et pour tout dire, c'est un peu inquiétant (mais je n'avais pas peur à treize ans. j'aimerais retrouver cette inconscience).
    C'est pour cela que je me suis inscrite à Melun: pour pouvoir faire du skiff au printemps et faire des progrès.

    Alea jacta est. Le directeur (la directrice) a signé mon inscription en allemand, je n'ai plus qu'à transmettre la feuille à l'institut protestant.
    Je ne sais pas quand commencent les cours: en octobre, ai-je cru comprendre d'après le site. Ce n'est pas très clair.

    Aujourd'hui c'est l'anniversaire de Jacqueline, c'est aussi celui de Roman (de Roman Roi) et la saint Renaud.

    Rencontres

    Après le bureau je passe à la catho pour éclaircir cette histoire d'allemand: suis-je oui ou non inscrite en allemand théologique? J'ai le vague espoir que non, plus le temps passe plus je me dis que c'est de la folie.

    Dans le métro, Marc s'assoit à côté de moi sans tout d'abord me voir, puis sourire et salutations. (Nous devons nous revoir le 16 novembre pour la récollection d'Inoï). Je le quitte au bout d'une station.
    Dans la rue je croise Sophie Ramond sur un Vélib, et je me dis que décidément, la vie est beaucoup plus hébraïque et mésopotamienne qu'on ne le suppose habituellement.

    La secrétaire ne sait pas grand chose mais est pleine de bonne volonté. Elle me fait remplir une feuille: le directeur de l'université n'a plus qu'à contresigner.
    J'espère que je n'ai pas fait une bêtise. Au pire je vais me ridiculiser, ce qui est désagréable mais pas très grave.
    Mais quand même.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui, et je la remets en place.

    2/ Je ne l'ai jamais su.

    3/ Oui. Enfin, surtout pour partir en dehors de la foule.

    4/ Plus maintenant. J'enlève dix ans face aux plus jeunes parce que je vois le choc dans leurs yeux en découvrant qu'ils n'étaient pas nés. Ils ne comprennent pas comment c'est possible parce que je ne ressemble pas à leur mère ou leur grand-mère.

    5/ 53 ans.

    6/ Pas vraiment. Quelques minutes en me réveillant.

    7/ Une phrase de Conrad : «Facing it, always facing it, that's the way to get through. Face it.» sur fond d'océan en noir et blanc.

    8/ Le jardin. Avant mon arbre bien aimé, maintenant le ciel.

    9/ Non.

    10/ Non. Sans doute le 14 ou 15 mars 2020, avec nos deux enfants à dîner, en racontant une bêtise quelconque. Nous rions beaucoup ensemble. Nous nous disputons beaucoup et nous rions beaucoup.


    Répondu le 29 mars 2020, quatorzième jour de quarantaine.

    A belles dents

    J'entreprends un traitement de blanchiment des dents.

    — Vous avez raison de faire ça maintenant. Dans quelques mois ce ne sera plus possible.
    — Ah ?
    — Oui, L'Union européenne a interdit ces produits.
    — Vous voulez dire qu'il faut se dépêcher de s'empoisonner ?





    Moulage des dents, confection de gouttières, huit pipettes de produit. Dormir avec les gouttières tant qu'il y aura du produit, soit une quinzaine de jours.

    Logique des organisations

    — Vous êtes bien installées?
    La question me plonge dans un abîme de perplexité. Dans ma tête j'entends H. et C. me crier «small talk, small talk», mais c'est plus fort que moi, je ne vois l'intérêt de répondre que sur le fond:
    — Nous sommes bien installées dans un endroit sombre et triste.

    Nous avons déménagé ce week-end, et la pièce est l'équivalent d'un local aveugle éclairé de lumière jaune toute la journée. Mais nous avons pu conserver tous nos meubles (les archives de la mutuelle depuis les années 60 (mais les procès verbaux des conseils d'administration depuis 1928 (j'aurais dû être archiviste, ces vieilleries me tiennent réellement à cœur))) et nous ne sommes pas trop serrées, nous avons de la chance par rapport à beaucoup.

    J'ai ouvert une rangée de boîtes d'archives pour les inventorier, j'ai trouvé des dossiers sur l'organisation annuelle des vaccinations anti-grippales entre 1983 et 1989 et des appels à don du sang pour les rhésus négatifs (J'ai jeté, quand même!). J'ai déplié et mis sous verre (j'ai volé un sous-verre dans le bureau d'à côté) une grande affiche en noir et blanc représentant un jeune homme bouclé aux yeux clairs, «De vous à moi je donne mon sang», appel de mai 1989. Aucun des immeubles cités sur l'affiche n'appartient plus au groupe: Pillet-Will, Chauchat, Drouot, Providence… Je songe à ce livre prémonitoire acheté en novembre 1996 (j'avais commencé à travailler au Gan en août):
    J'ai entendu dans un demi-sommeil l'astrologue radiophonique me conseiller d'éviter de sortir de chez moi et, si possible, de ne rien faire ce jour-là. J'ai bu mon café, pris le métro, un rien hagard en effet, et suis arrivé vers les 9 heures 30 à la GAL, Générale d'Assurances Limousines, premier assureur français. Premier assureur français à l'époque, car c'est au passé que je cause.
    Comme tous les matins (j'essaie d'être un homme d'habitudes), je suis passé par le service de presse jeter un œil sur les grands panneaux qu'ils confectionnent quotidiennement, avant que nous autres, les lève-tard, nous ne débarquions: ça ressemble à des dazibaos, ce sont des collages des quelques articles intéressants parus dans la presse du jour. Rien de formidable ce matin-là. La GAL n'a pas été vendue pendant la nuit aux Américains (les salariés sont informés en lisant leur journal un beau matin, c'est bien connu; mais je plaisante, la GAL ne peut être vendue). Rien, donc.

    Anne Matalon, Petit Abécédaire des entreprises malheureuses, incipit, ed Baleine, juillet 1996
    La dernière phrase fait référence à la vague d'OPA hostiles de la fin des années 80 (la grande époque Tapie. C'est aussi l'arrière-fond de Pretty Woman).
    Le G** a été vendu en 1998 à Gr**pama.
    Je n'ai pas appris que G** eur*courtage était vendu en lisant le journal, mais par intranet. Cela n'existait pas en 1996.

    C'est dans ce livre que j'ai vu moquer pour la première fois "le rapport d'étonnement" ou la différence entre un chef hiérarchique et un chef fonctionnel: ouf, il n'y avait donc pas que moi qui avais envie de me moquer…

    Vécu une bizarrerie de cet ordre de ce matin. L'un des responsables du déménagement passe dans notre bureau pour s'assurer que tout va bien.
    — Oui, oui. Simplement, je suis surprise, le ficus devait rester au douzième, nous en étions convenus, c'était mieux pour lui, pour la lumière…(Un ficus superbe, de deux mètres de haut.)
    — Si vous le bougez, si vous en parlez, il va être jeté.
    — Comment?
    — Oui: avec le déménagement de l'immeuble X. (un immeuble a été vidé et ses salariés viennent ici, d'où les espaces restreints: il faut se serrer), nous avons résilié l'un des contrats de jardinier, donc toutes les plantes qui sont dans ce type de pot sont jetées. Donc si vous voulez le garder, ne dites rien. Vous pouvez même l'emmener chez vous, je vous y autorise.

    La guerre du pain

    — Non, parce que tu comprends, j'aurais du pain aux graines demain au petit déjeuner si je me lève avant C.
    — Si c'en est à ce point-là, prends la demi-baguette et monte-la dans ta chambre pour la nuit.

    Actualités

    En ce moment, ça se passe ici ou ici ou encore ici.

    Mes cours ont repris la semaine dernière avec Yara Matta. C'est un pur bonheur difficile à transmettre. C'est un tissu de références et de citations croisées, non plus des allusions obscures et déstabilisantes à des textes en akkadien, égyptien ou assyrien, mais une circulation rapide dans les textes du Talmud, Targum, etc. Circuler de versets en versets via un mot ou un thème lors d'un commentaire rabbinique s'appelle "faire un collier".
    Et tandis que Yara Matta nous explique le contenu des offices à la synagogue et leur évolution, la similitude avec la liturgie latine éclate (deux lectures, introduction d'un psaume après 70 (concile de Yabneh), une homélie). Cela ne semble pas avoir deux mille ans mais cinquante ou dix, c'est hier ou aujourd'hui. La liturgie comme immobilisation du temps, éternité. Nos deux traditions si proches sont sœurs et la douleur de la destruction des juifs d'Europe remonte, tant de haine tant de siècles, à l'image des nombreux frères ennemis de l'Ancien Testament, et tout cela alors que nous sommes les mêmes, nés des mêmes récits.
    Il y a une douleur et une joie dans ces cours, dans ce cycle de théologie, que je ressens très profondément mais que je ne sais pas exprimer. La façon dont le temps boucle, de l'an zéro aux années 1940, est pour moi une évidence. Nous vivons après la fin du monde, ou d'un cycle.

    Deux références:
    La traduction du Targum du Pentateuque (Torah en araméen) en français par Roger Le Déaut
    et Ephraïm Urbach, Les sages d'Israël, qui, selon les termes de Yara Matta, est «à lire l'été. C'est un gros pavé mais très agréable à lire, qui couvre la période des Tanaïm jusqu'au 5e siècle».

    La main verte

    Retour au bureau.

    Cet été je me suis appliquée. Pendant l'absence de ma collègue, j'ai emmené son bonsaï à ma mère pour qu'elle lui change la terre et lui taille les racines. Verdict sans appel: «Mais il manque d'eau, il n'a pas de racines! Il faut mettre le pot à tremper une fois par semaine; ne touche pas au bolduc, je l'ai mis pour tenir le tronc le temps qu'il fasse des racines».

    Le bonsaï fait de petites feuilles, quelques-unes. Et pendant que j'y étais, j'ai mis à tremper les deux autres plantes vertes (dans la poubelle, l'une après l'autre) une fois par semaine. Elles vont beaucoup mieux. Et j'ai arrosé amoureusement l'orchidée — celle qui s'était obstinée à faire une fleur cet hiver après un premier bouton cassé par un buveur de cidre — à l'eau d'Evian (c'est-à-dire qu'un peu par paresse, j'ai utilisé la petite bouteille que ma collègue avait laissée sur le meuble).

    Ce que je ne savais pas, et que j'ai appris ce matin, c'est que cette bouteille contenait du vinaigre blanc.

    La Seine

    Cet été, j'ai compris que si j'allais systématiquement à l'étage dans le RER, c'était pour voir la Seine à Villeneuve-Saint-Georges, où parfois passe une péniche qui passera à La Défense — combien d'heures plus tard?





    Belle sortie à Melun sur le matin — avec un débutant dont personne n'avait saisi avant d'être sur l'eau que c'était sa deuxième sortie… Il a souffert.

    Un baptême

    Baptême de Clémence à deux pas de mon bureau de la rue Washington (en 2003). Chapelle du couvent des Dominicains, j'arrive en retard, je me suis encore trompée d'heure. (Mais de toute façon, je n'aurais pas pu être à l'heure, j'avais rendez-vous avec L*D* à 9h30. C'est peut-être mon désir qui m'a fait croire que le baptême était à onze heures et non à dix, mon désir d'assister à ce baptême qui suit ce mariage.)

    Construction de logements sociaux dans la rue du faubourg Saint-Honoré: encore des scandales en perspective.

    Et pour L*D*, j'hésite.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ L'égalité d'humeur

    2/ Oui, de dos. J'ai été très vexée («ah bon, je ressemble à elle ?!! (c'était en cinquième!!))

    3/ Oui !!

    4/ Une ou deux en théorie. Je préfère dire que je les lis.

    5/ Les miens.

    6/ Non la plupart du temps.

    7/ Je n'ai pas l'impression.

    8/ Je n'essaie même pas.

    9/ Ça dépend des dangers. Avec une pointe de colère, je peux affronter beaucoup de choses.


    Répondu le 29 mars 2020, quatorzième jour de quarantaine.

    Lisieux

    Installation de A à Lisieux. Mis deux heures à faire Yerres - Anthony, sans comprendre l'origine du bouchon.

    Rien de notable par ailleurs. La France est toujours aussi belle.

    Vidé la camionnette assez vite, fait quelques achats: deux poubelles (une grande,une petite), deux tabourets (Batman et Superman), deux vinaigres (vin ordinaire et balsamique, quel luxe pour une étudiante), de l'huile, du savon, du produit vaisselle, une balayette, une pelle, un balai, une bassine pour elle, une bassine pour moi (pour baigner mes plantes au bureau), un pot (idem), des graines de fleurs à planter sous les arbres (de la folie: il faut bêcher à dix centimètres de profondeur, quand aurai-je le temps de faire cela?) et des graines de fleurs à planter au printemps, du miel de fenouil (pour moi), de la noix de muscade et un steak.

    Pris des photos —avant, après. Le studio est bien, j'ai peur qu'elle est froid, qu'elle se sente seule. Elle vaque à ses affaires en faisant des listes de projets qui font sourire quand on a connu sa nonchalance à la maison. Mais après tout, pourquoi pas?
    Le jardin donne presque sur les jardins de l'évêché. Vue de la fenêtre:



    Rentrés en passant par l'Aigle pour dîner au restaurant Le Dauphin (enfin, la brasserie accolée au restaurant, qui bénéficie de ce fait de la même recherche culinaire).

    Retour infernal en se rapprochant de Paris, toutes les routes paraissent se fermer devant nous (avec évidemment formation de bouchons). Nous sommes soulagés d'arriver.

    Et voilà. Moins une.

    Rentrée (bis)

    Rendez-vous chez le dentiste, pour moi et pour O. Je ne suis pas venue depuis au moins sept ans, date de l'informatisation du cabinet. Le dentiste sort des morceaux de tartre de mes gencives, j'ai l'impression d'être un vieux lavabo encrassé.

    J'accompagne O. qui entre en seconde (mon dernier entre au lycée. Les années heureuses, le lycée, à venir). Nous déjeunons rituellement chez Wajda découvert il y a quelques années grâce à PZ. Je ne sais pas si c'est un effet de crise, mais c'est vide.

    J'ai rendez-vous avec lui à la sortie des cours pour qu'il choisisse des lunettes et un chapeau. En attendant, je vais au cinéma, profiter du festival Lino Ventura au Despérado.

    Et en attendant le début de la séance, j'explore l'étal du bouquiniste mitoyen.
    - Kafka, Le procès
    - Kafka, Le Château (il manque des pages à mon poche)
    - John Cooper Powys, Autobiographie, parce que c'est un auteur favorie de Patrick
    - Esprit, décembre 1962: mort de Louis Massignon, un article sur le mur de Berlin, un article d'Althusser, la crise de Cuba, la guerre d'Algérie, un article sur Char, un autre sur Godard
    - Mercure de France, avril 1965, Michel Butor, Denis Roche, "le parti pris des mots" par Genette et et et… "Dix poèmes de Mao Tsö-tong"
    - Petite Chronique d'Anna Magdalena Bach
    - Albert Simonet, Touchez pas au grisbi (à cause des Tontons flingueurs)
    - Limonov, Histoire de son serviteur, parce que cet auteur est étrange, mais pas désagréable.

    Dernier domicile connu: Paris des années 70, rue des couronnes, Marlène Jobert qui court, qui volète, derrière Lino Ventura durant tout le film, le malaise d'une société toute entière face aux puissants (la police qui devrait protéger la société n'est elle-même pas à l'abri des puissants), la fin sans espoir, pas d'issue.

    Petite digression à propos de la première mission de Marlène Jobert, appât à pervers dans les cinémas. La première fois que j'ai connu ça, c'était dans ces cinémas permanents des boulevards qui n'existent plus (1985?). C'était Il était une fois la Révolution. Je ne sais plus ce que j'ai fait, mais je sais que je n'ai jamais fui (quitté la salle) devant ce genre d'attitude.
    Cela m'est arrivé à nouveau lors d'Essential Killing et deux films plus récents. Ça me fait rire, je n'ai plus l'âge, on voit bien que les salles sont obscures. C'est étrange, on comprend tout de suite que l'attitude de notre voisin n'est pas saine, mais cette compréhension est intuitive, instinctive, très difficile à étayer sur des faits matériels. Généralement c'est un homme qui s'assied dans le siège à côté de vous alors qu'il y a de la place ailleurs — en tout cas suffisamment pour laisser une place d'écart, comme il est coutume. Puis le coude prend trop de place. Mais est-ce qu'il prend vraiment trop de place, ou est-ce une illusion, de la paranoïa? Qu'est-ce qu'un coude normal? On ne se souvient plus, on n'a jamais fait attention.
    Désormais je simplifie: soit je demande «Pourriez-vous me laisser un peu de place? votre coude me gêne», soit si mon sac le permet (sil est souple), je le mets sur l'accoudoir en tampon et je m'installe. L'homme met entre trente secondes et trois minutes à changer de place. Généralement il quitte la salle, me confortant dans mon diagnostic: je n'étais pas paranoïaque, le film ne l'intéressait pas.

    Je récupère O.
    Vélib. Choix de lunettes, d'un chapeau, de chaussures. Les deux premières emplettes prennent une heure chacune (confusion devant le choix), la dernière dix minutes (le magasin ferme).

    Nous rentrons en restant sur la rive gauche de la Seine. Mon idée était de montrer à O les quartiers que j'aime tant, les friches industrielles que j'ai tant suivis durant les grèves de 2009 avec C. Mais tout s'est beaucoup construit. Pont du Port à l'anglais. Je dis à O: «Tu vois, il y a quelque part un idéal de vie qui consiste à habiter ces maisons [meulières minuscules] en allant prendre son café tous les matins au café», je songe à San-Antonio ou Auguste Pichenet, il répond «je comprends» et je sais que c'est vrai.

    Dans les petites rues de Villeneuve-Saint-Georges je manque d'écraser un chat roux. Je pile, je cale. Un Arabe hilare me félicite pouce levé, un autre me dit «fallait l'écraser». A la maison, H est furieux, le camion est chargé, A n'avait pas préparé grand chose.

    Rentrée

    Accompagné A chez l'ORL (bouchon d'oreilles) puis allée au cinéma en attendant "ma" rentrée.

    Razzia sur la schnouff. Paris vieux vieux vieux.

    Déchiré ma robe en faisant du Vélib. Accroché le volant avec une épingle à nourrice. Personne n'a rien remarqué, j'en serai quitte pour faire du raccommodage.

    Premier cours avec Yara Matta. Troisième année, plaisir et peur. C'est devenu une telle source de joie que je redoute l'événement qui m'obligerait à m'arrêter.

    Débarras

    Quatre allers-retours à la déchetterie, j'en ai fini pour ces vacances. Ce qui m'ennuie, c'est la perpective des petites araignées noires qui vont courir dans la voiture (elles étaient logées sous les pierres meulières du quatrième voyage).
    Une ampoule a éclaté (je l'ai lavée dans mon whisky, pour faire cowboy). Je ne sais pas quoi faire. Je devrais me mettre devant un DVD en bricolant quelque chose; mais si je regarde un film que je ne connais pas, il faut que je tricote (pour suivre l'histoire), et j'ai les mains trop abîmées pour tricoter. (Il faut que je regarde les DVD que j'ai empruntés).

    Demain c'est la rentrée. Je suis contente d'être en vacances pour ma rentrée.

    Image du troisième aller-retour (la couleur des feuilles donnent une idée de l'époque où ces branchages auraient dû être évacués).







    Les branches étaient moins gênantes que le carton de samedi que je devais soulever avec le dos de la main en même temps que je passais les vitesses.

    Dimanche

    Donc ramé ce matin à Melun. Joie d'un bassin large, d'une nature omniprésente. Pas de péniche ce mois-ci, l'écluse (de Bois-le-Roi) est en travaux. Je me demande si c'est valable pour les week-ends ou tous les jours: cela représenterait un sacré manque à gagner pour les mariniers.

    Accueil spontané très chaleureux. Cela me touche toujours beaucoup, peut-être parce que je me souviens de ma première arrivée dans un club d'aviron.
    Au niveau des bateaux, je ne peux que noter par contraste tout le travail que Vincent a accompli à Neuilly (jeux de pelles clairement identifiés pour chaque bateau, par exemple).

    Le club va fêter ses cent ans.
    — Pour les cent ans, la mairie pourrait nous offrir un ponton, un ponton extra-long comme à Lagny. (Conversation tandis que nous attendons pour mettre le bateau à l'eau.)
    — On aurait dû en avoir un il y a quelques années. La mairie l'avait prévu, un ponton de vingt-cinq mille euros. Et puis le président de la piscine de l'époque, comment il s'appelle déjà, l'entraîneur de Manaudou…
    — Lucas?
    — oui, c'est ça, Lucas: il s'est fait des chèques pour vingt-cinq mille euros et la mairie n'avait plus d'argent pour notre ponton.



    HVCAO

    Résumé

    Journée déchetterie. Gravats et pots de peinture. Et cartons d'emballage. Chic, de la place pour ranger.
    Ce soir tout me gratte. Encore deux ou trois allers-retours à prévoir lundi (demain j'essaie de ramer, je l'écris ici dans l'espoir que ce ne soit pas un vœu pieux car je ne me fais pas beaucoup d'illusion sur moi-même).

    Nous sommes à nouveau cinq pour quelques jours. C. a perdu cinq kilos en une semaine de camp scout. Chanson pour laver la vaisselle dans la joie.

    J'ai fait quelques vérifications et retrouvé A l'ombre des jeunes filles en fleurs 1 et 2… en cassettes. 2000, 2001? A l'époque il n'y avait pas d'iPod, et j'avais un baladeur cassette. Un autre temps.

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.

    1/ Introvertie.

    2/ Oui. Je le cache mieux.

    3/ Plutôt.

    4/ La musique. Les souvenirs sans larmes des gens courageux (comme les récits d'Alexiévitch).

    5/ Non.

    6/ Je ne crois pas. Ou alors sur la SLRC.

    7/ Pas spécialement. Durant leurs études.

    8/ Encore moins.

    9/ Non.

    10/ Non.

    11/ Oui et non.

    12/ Je l'ai déjà pratiquée.

    13/ Non.

    14/ Pas tout à fait.



    Répondu le 28 mars 2020, treizième jour de quarantaine.

    Comme d'habitude

    Une semaine sans écrire (je vais rattrapper donc ça ne se verra plus dans quelques temps) et je ne sais plus qu'écrire. Il ne faut pas arrêter — ou arrêter totalement.

    Commencé à m'occuper des rosiers, creusé un trou, enfin compris le principe: pioche et pelle, pioche pour réduire la terre en morceaux, pelle comme une cuillère.
    Chaque fois que je vois des tombes creusées dans les western (huit dans Lone Ranger, des centaines dans Le bon, la brute et la truand) je songe aux heures et aux ampoules pour les creuser dans la réalité.

    Ça se confirme, les journées sont trop courtes: les travaux de fond dans la maison et le jardin — et le sommeil à rattrapper — ne me laissent pas les deux ou trois heures de lecture quotidiennes que j'espérais.

    Notre plombier portugais a tout réparé, mais la machine à laver n'est pas rebranchée.

    J'écris devant The Social Network: «je n'ai pas torturé le poulet, I didn't hurt chicken!».

    Grammaire et CD

    Mi-août, nous avons enfin commandé un nouveau lit à O., son mètre quatre-vingt-dix (et demi!) ne tenant plus dans son lit actuel. Il doit être livré fin septembre. Aujourd'hui nous avons tenté d'aller chercher l'armoire assortie: las, il y aura aussi trois semaines d'attente (l'avantage, c'est qu'elle sera livrée).
    Nous avons trouvé avec difficulté des étagères à CD. Ce n'est plus du tout d'actualité.

    L'après-midi, pendant que H. et C. montent deux étagères sur trois, j'explore la grammaire de Jean-Nicolas Wagner que j'ai fini par commander après la fin de non recevoir de la bibliothèque de l'ICP (j'espérais qu'il pourrait la demander à la BNF). Le texte est arrivé dans ma boîte mail, cela n'a pris que trois ou quatre jours et non trois ou quatre semaines.
    L'écart avec la pédagogie actuelle est un abîme, quand j'aurai fini de copier Alibaba, il faudra que je réfléchisse à la façon de présenter les règles de grammaire, qui sont souvent de longues suite de mots répondant à une règle particulière. La façon d'énoncer les règles a beaucoup changé, il faudra que je les transcrive en "XXIe siècle".

    Remplissage des étagères, nous exhumons des CD qui n'ont pas dû voir le jour depuis dix ans. Je constate avec dépit que je n'ai plus les coffrets 1 et 2 d'A l'ombre des jeunes filles en fleurs. A qui ai-je bien pu les prêter?

    Grain de sable

    Panne d'électricité vers onze heures. Impossible de renclancher le compteur. Nous avons d'abord cru à une panne dans le quartier (vérification chez un voisin: non) puis une goutte tombée sur la tête de O. nous a obligés à nous rendre à l'évidence: la baignoire fuyait au-dessus de l'arrière-cuisine, c'est-à-dire au-dessus du compteur électrique, mais aussi du firewall, de la boîte ADSL, etc.

    Nous avons tout débranché , tout mis à sécher, rebranché l'urgent (internet pour O qui n'arrive pas à télécharger League of Legend jusqu'au bout).

    Bon. Plus de lave-linge, un réseau sur deux (celui non protégé) et la perspective de casser le carrelage de la salle de bain.
    Enfin, je préfère que cela arrive pendant que nous sommes à la maison.

    Le museum d'histoire naturelle

    En traversant le pont d'Austerlitz, je suis frappée une fois de plus par la vue magnifique que nous avons sur le bâtiment du Jardin des Plantes. Le contraste est fort avec son état au début des années 70, comme il apparaît à la fin du Magnifique (le film de Broca) que nous avons regardé hier.

    Otite d'O.

    Frau Junge

    Regardé l'interview de Traudl Junge, la secrétaire d'Hitler (Dans l'angle mort) et le début de celui d'un des gardes du corps encore vivant, Rochus Misch (il s'agit d'un DVD joint à celui de La Chute) en équeutant des haricots beurre (je n'aime pas les haricots beurre).

    Le contraste entre ces deux personnes est très impressionnant. Frau Junge se souvient de tout avec précision, elle a beaucoup réfléchi, elle exprime des regrets et des remords de son insouciance. Selon ses propres mots, elle a beaucoup de mal à se pardonner.
    Rochus Misch ne répond pas à certaines questions, n'emploie pas certains mots. Quand on lui demande «Quelle était l'atmosphère du bunker les derniers jours?», il répond que le bunker était très petit, que ce n'était pas un lieu pour vivre. C'est d'ailleurs l'une de ses phrases favorites. Est-ce dû à son âge? Concernant la mort des enfants de Goebbels, il n'emploie jamais les mots "mort" ou "poison", malgré l'intervieweur qui reprend à chaque fois ces mots dans ses questions.

    La Chute ou Frau Junge font naître la pitié: tout cela paraît effectivement si pitoyable. Me vient le désir, le besoin, de re-regarder Lanzmann. Neuf heures. Pas le temps, et surtout pas pendant les vacances, avec des témoins. Je regarde ça seule, la nuit, comme une prière, ou presque. Une longue lamentation.



    HVAO

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.

    1/ Euh… cette question me déstabilise.

    2/ Le jeudi.

    3/ Non. Une impression de karma, de rire ou sourire du destin.

    4/ Serviable mais pas aimable. Je rends service.

    5/ Oui.

    6/ Les anniversaires peut-être.

    7/ Oui, hélas. Je n'y arrive pas.

    8/ Oui. Surtout en fonction des critères d'aviron. Etre légère et tonique.

    9/ Oui.

    10/ Non.

    11/ Non si c'est à quelqu'un qui est capable d'en présenter.

    12/ Non.

    13/ Oui, même si je n'ai pas d'exemples qui me viennent à l'esprit.

    14/ Zut ou Put** (j'aime l'écrire avec des astérisques).



    Répondu le 28 mars 2020, treizième jour de quarantaine.

    Mais que lit-elle?

    L'année dernière, lorsque j'avais un peu de temps avant les cours (donc plutôt le mercredi avant le cours sur l'islam), je prenais un tartare à la brasserie d'à côté, et comme souvent je n'en pouvais plus de mes livres, je lisais les Astérix mis à disposition à côté du bar. J'aimais bien, ça me détendait et me permettait de réviser (les enfants sont très forts en citations).

    Une étudiante, une dame de troisième année, qui buvait régulièrement une bière en attendant le cours sur l'islam (ce cours dit "flottant" était accessible à toutes les années) me dit un jour en fronçant le nez:
    — Tu lis ça? Moi quand j'ai du temps, je préfère lire autre chose.
    J'étais un peu vexée, mais bon, je n'avais pas à me justifier de lire Astérix.

    Une autre fois, elle m'exposa sa déception devant les sujets des dissertation de philosophie. Je posai des questions sur la bibliographie de troisième année:
    — Pendant l'été, ils nous recommandent de lire Les frères Karamazov! Tu te rends compte? Ils auraient pu tout de même nous donner autre chose.

    Et maintenant que je m'apprête à le lire (car la recommandation tient toujours), je m'interroge: mais que lit-elle, que lisait-elle, par plaisir ou volonté? Ni Astérix, ni Dostoïevski, je suis intriguée. (Trop tard, elle a déménagé à Marseille, je ne pourrai pas le lui demander.)

    L'enterrement des enfants de moins douze ans

    Comme je fais des tableaux Excell toute la journée, je n'ai pas grand chose à raconter. Je vais donc reprendre de vieilles amorces de billets que je n'avais pas menés à terme à l'époque.

    Celui-ci date de février dernier. Lors d'une formation, j'ai appris qu'une loi remontant au début du XXe siècle interdisait de souscrire une assurance sur la tête d'un enfant de moins de douze ans (article L132-3 de la loi du 13 Juillet 1930).

    En pratique, cela signifie que si vous êtes assureur et concevez un contrat obsèques "famille" (destiné à couvrir les frais d'obsèques lors du décès de n'importe quel membre de la famille souscriptrice), vous devez absolument penser à écrire que les enfants de moins de douze ans sont exclus du contrat. (Ce n'est pas un exemple pris au hasard: récemment, une société d'assurance ayant omis, par négligence ou ignorance, de spécifier cette restriction dans ses "conditions générales" (ie. la description du contrat et de ses garanties) a dû payer une énorme amende proportionnelle au nombre de contrats vendus.)

    Je vous laisse imaginer la tête des personnes en train de lire cette clause restrictive: d'une part, une famille "normale" prend ce genre de contrat en pensant à la mort des parents et non des enfants, et c'est le genre de phrase qui vous ramène brutalement à la réalité; d'autre part, une fois digérée cette réalité, le bon sens fait s'exclamer: «Mais pourquoi pas les enfants?» (et in petto: «Ces assureurs, il faut toujours qu'il trouve un moyen de vous entuber»).

    En réalité, c'est une loi qui a été votée à la suite d'un scandale survenue chez une nourrice qui tuaient les enfants sous sa garde pour toucher les assurances décès.

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.

    1/ Oui.

    2/ Pas vraiment. Mais j'aime ça.

    3/ Aider les gens. Réussir à aider.

    4/ Ça m'est égal, mais maintenant qu'on pose la question ainsi, les deux me plaisent.

    5/ Je ne sais pas. J'espère que non car cela me fait penser à ma tante.

    6/ Oui. Du rouge. Maintenant pour cacher les cheveux blancs.

    7/ Non.

    8/ Je ne connais pas assez de chansons.

    9/ Non.

    10/ Oui, à l'ancienne, façon grand-tante dans la Recherche.

    11/ Aucune.

    12/ Oui.

    13/ Quand j'y pense, mais je n'y pense pas souvent.



    Répondu le 28 mars 2020, treizième jour de quarantaine.

    Winston

    Quand nous étions à Agadir, nous passions tout notre temps à "L'Hacienda", un hôtel à bungalow pas loin de l'oued entre In*zgane et Agadir (à l'époque, c'était une zone de terrains vagues autour de l'aéroport, il paraît qu'aujourd'hui tout est construit). Il y avait une piscine, des orangers, des cours de tennis et un club d'équitation (ma récompense quand j'avais bien travaillé, c'était une balade à cheval de deux heures qui permettait d'atteindre la plage. Comme j'étais excellente élève et que mes parents n'avaient pas envie de me l'accorder car ils trouvaient que deux heures, c'était beaucoup pour mon âge (six ou sept ans), ils avaient choisi le pire critère: mes notes en écriture. J'ai dû faire deux balades en tout et pour tout).

    Bref, "ce que je voulais dire, c'est que" il y avait un cheval blanc qui s'appelait Winston. Il avait tourné dans un film et savait se coucher sur commande. Il s'appelait Winston car il avait été dans ce film la monture de Churchill.

    Le cheval de Lone Ranger lui ressemble beaucoup, en plus fantaisiste.

    Lude

    Je lis Taubes dans le métro, La théologie politique de Paul. La transcription du colloque et la traduction rendent admirablement le ton alerte, caustique, passionné, du professeur.
    Quand j'arrive p.74 à «Je pourrais me référer à l'allégorèse alexandrine, étudiée par Jean Pépin», je ferme le livre, j'enlève mes lunettes, et je ferme les yeux pour ne pas me mettre à pleurer.

    C'est la même sensation que des années plus tôt à Versailles, le soulagement, la re-connaissance, tout va bien, il ne faut plus avoir peur. Le livre de Jean Pépin, c'est celui que j'avais acheté pour mon anniversaire en 2006, en même temps que les Cahiers de la nuit surveillée consacrés à Rosenzweig. Alors que je savais parfaitement pourquoi j'achetais les Cahiers, je n'avais pris le Pépin que par confiance dans le libraire.
    Eh bien voilà. Le livre a trouvé son explication.

    Prélude

    Je me souviens de la première fois que j'ai mis les pieds à la bibliothèque de Versailles. J'étais en hypokhâgne, je venais chercher des livres pour la première dissertation de philo de l'année («Pour philosopher, faut-il lire les philosophes?»). Je ne savais pas ce qu'était l'hypokhâgne, je ne savais pas qu'elle préparait un concours, au bout d'une semaine j'avais compris qu'il n'y avait plus de math ni de physique du tout, je venais de passer une année très dure en terminale C avec une prof de physique qui me méprisait parce que j'avais eu une bonne note au bac de français (je vous jure que c'est vrai. Si j'avais pu prévoir cela, j'aurais menti sur la-dite note) et une stagiaire de math qui ne m'avait donné aucune chance (avec le prof titulaire je crois que cela se serait passé différemment), dans un état dépressif latent non diagnostiqué (mais avec 8/5 de tension en février (ce qui n'a amené strictement aucune réaction de la part de ma famille. Je me souviens du médecin qui a repris ma tension trois fois, stupéfait. Mais ce n'était pas notre médecin de famille, il était stomatologue, il n'avait rien fait ou dit)), nous avions rempli tous les dossiers possibles pour que je n'aille pas à la fac et j'étais prise en hypokhâgne, à trois semaines du bac les cours avaient cessé pour permettre les révisions, j'avais alors descendu systématiquement toutes les annales disponibles, stupéfaite de découvrir à quel point c'était facile et comme j'aurais pu avoir une année agréable si je m'en étais rendue compte plus tôt (mais le propre d'un dépression, c'est bien de ne plus permettre ce genre de lucidité), j'arrivais à Versailles en hypokhâgne et c'était un autre monde.

    J'ai ouvert la porte de la bibliothèque de Versailles, j'ai avancé de quelques pas sur le parquet dans la salle dorée, et debout à la hauteur de la table des revues, je me suis mise à pleurer.

    Bibliothèque Audoux

    L'année dernière (année scolaire : 2011-2012), j'avais acheté beaucoup de livres, en partant du principe que puisque nous étions cinquante, ils seraient tous empruntés quand j'en aurais besoin.
    Cette année, nous avons eu davantage de bibliographies, donc des choix plus étendus, et j'ai pris l'habitude de vérifier systématiquement la disponibilité des livres via les catalogues en ligne, à prendre à la bibliothèque de Paris ce qu'il était possible, à sauvegarder mes listes dans "mon compte", bref, à faire des bibliothèques des outils de travail.
    J'ai découvert au passage que les livres n'étaient pas empruntés: étais-je la seule à travailler? à connaître l'importance des bibliographies? ou les autres s'étaient-ils mis à leur tour à acheter, découragés, me laissant le champ libre?

    Toujours est-il qu'en revenant de Grèce je me suis inscrite à la partie "vidéo" et j'ai réservé des DVD (la plupart était sortie, les DVD font davantage recette que les livres). (L'intérêt des réservations, c'est que vous êtes prévenu par mail quand le livre ou DVD est disponible).

    J'arrive bibliothèque Marguerite Audoux, j'erre un peu, feuillette un livre de Marc Rastoin sur table, récupère mon DVD, Yeshayahou Leibovitz, nul n'est prophète en son pays, je passe au guichet le faire enregistrer…
    Je ne sais pas ce qui s'est passé. Le bibliothécaire est-il un passionné de Leibovitz, agit-il toujours ainsi parce que c'est de son métier qu'il est passionné, toujours est-il qu'il me demande:
    — Vous savez que nous avons ses livres, aussi?
    Je balbutie — Euh non, je ne les ai pas vus sur le catalogue. (Depuis, j'ai compris pourquoi: l'auteur est orthographié "Leibowitz".)
    Il écoute à peine — Si, si, en bas, rayon judaïque, vous connaissez?
    — Heu non, c'est la première fois que je viens. (C'est faux, j'étais venue écouter ici une amie de Marie Borel, Oscarine Bosquet.)

    Je fais un tour pour trouver l'escalier, je descends, j'erre encore (comprendre: je regarde ce qui s'offre), quand soudain un homme jaillit avec un livre et me le fourre d'autorité dans les mains: «Tenez».
    C'est le bibliothécaire de l'accueil. Il est descendu plus vite que moi, par un autre chemin, il me tend une étude sur Leibovitz.
    Je l'ai prise.

    Donc dans mon sac:
    Olivier Hirschbiegel, La Chute
    Emil Weiss, Yeshayahou Leibovitz
    William Boyd, La vie aux aguets
    Yeshayahou Leibowitz, La foi de Maïmonide
    Yeshayahou Leibowitz, Les fondements du judaïsme
    Yeshayahou Leibowitz, Corps et esprit
    Jean-Marc Joubert, Leibowitz : Une pensée de la religion
    et mon Taubes, La théologie politique de Paul

    Rendez-vous pour voir Témoin à charge. Aussi bizarre que cela puisse paraître, je n'avais jamais vu Marlène Dietrich jouer.

    Fatigant

    — On a essayé des lits toute la journée, j'chuis crevé !

    Promenade en Touraine

    Passage par Moncontour que Balzac rêvait d'acheter, visite de Saché dans un village merveilleusement à l'écart, silencieux (un état de tranquillité qui me rappelle Cirey). De Blois à Tours les villages changent, la brique solognote disparaît au profit de la pierre blanche de Touraine. Je crois que je préfère ma Sologne moins solennelle. Saché quant à lui (ou à elle? château ou maison?) est tout à fait mon genre. La sérénité gagne même les enfants qui s'installent sur les sièges mis à disposition dans la tour comme s'ils devaient y vivre le restant de leurs jours.

    Détour (vite, vite) pour apercevoir la château d'Azay-le-Rideau: surprise, tandis que sur les cartes postales il apparaît toujours sur un fond de nature, il est si bien serti dans la ville qu'on ne l'aperçoit qu'avec peine.

    Passage dans les nouveaux locaux de H. Son immeuble s'appelle Amelia Earhart, j'en suis enchantée. J'avais beaucoup résisté à l'achat d'un tee-shirt au musée de l'air et de l'espace à Washington, voilà qui me fait regretter de ne pas avoir cédé.

    Le tourisme noir

    Après Le Berry républicain, extraits d'un article de La Nouvelle République.
    Entre génocides et tsunamis le tourisme a ses adeptes.

    […] Depuis quelques années, des tour-opérateurs emmènent les touristes sur ces théâtres de catastrophes, partout à travers le monde.

    Se fondant au milieu de ces curieux fascinés par la mort, le photographe Ambroise Tezenas a sillonné le globe pendant quatre ans pour réaliser sa série de clichés Dark Tourism. Ou tourisme noir. Le déclic, il l'a eu au Sri Lanka, en 2004, au moment du tsunami. «J'ai passé une semaine à Telwatta après le déraillement d'un train qui avait fait 1.700 morts », se souvient-il. Quelques mois plus tard, « je suis tombé sur un article disant que le train était toujours là et que des touristes venaient se faire photographier devant».
    Comme Telwatta, des dizaines de lieux figés par une catastrophe ont été pris d'assaut par les touristes ces dernières années. Et plus encore par les tour-opérateurs, qui ont flairé un nouveau marché. L'agence britannique Disaster Tourism propose ainsi depuis 2010 des «séjours catastrophe » sur mesure. En juillet, elle s'est empressée d'envoyer un groupe à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne, après l'accident de train qui a coûté la vie à 79 personnes. Son site internet s'adresse aux personnes ayant épuisé «leur forfait de vacances banales».

    D'autres sociétés font défiler des photographes amateurs sur l'île du Giglio, en Toscane, où gît l'épave du Costa Concordia. Les plus téméraires se rendent à Fukushima, malgré la radioactivité ambiante. Dans la province chinoise du Sichuan, le gouvernement propose des excursions au milieu des ruines laissées par le séisme de 2008. Aux États-Unis, des «Katrina tours» sont organisés à la Nouvelle-Orléans depuis après le passage de l'ouragan en 2005, tandis que Ground Zero est entré dans les guides touristiques.

    Ces sites fascinent d'autant plus qu'ils ont acquis une certaine célébrité. «L'attirance pour le macabre grandit proportionnellement à l'intérêt croissant que lui portent les médias et les productions cinématographiques», écrit ainsi le père du concept de dark tourism, le sociologue britannique John Lennon. A sa sortie, La Liste de Schindler, le film de Steven Spielberg, aurait ainsi fait bondir de 15% les entrées au camp d'Auschwitz.

    […]

    Dans l'Hexagone aussi, Verdun ou Oradour-sur-Glane font recette. Plus récemment, des centaines de curieux ont afflué sur les côtes vendéennes après la tempête Xynthia, qui avait fait 29 morts en 2010. Une société a même envisagé de créer un train touristique pour sillonner les zones noires. Le projet a dû avorter face aux critiques. Preuve que la France n'est pas encore prête à s'ouvrir au tourisme noir.

    Chloé Bossard

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non, surtout depuis qu'une avocate nous a raconté qu'un client lui a avoué avoir forgé une signature qu'un graphologue a reconnu authentique.

    2/ Régulièrement.

    3/ Oui. Mais je ne l'écoute pas assez.

    4/ Je sais ce que c'est.

    5/ Non. Quelques frottements.

    6/ Un repos. Je peux me laisser aller une heure et demi.

    7/ Les derniers.

    8/ Il n'y en a pas. Mais j'irais s'il y en avait.

    9/ Je fais ce genre de recherches tous les trois ans. Ça me fait peur.

    10/ Oui, en réunion, sur l'ordi, etc

    11/ Oui. Cela me met très mal à l'aise.



    Répondu le 28 mars 2020, le treizième jour.

    Vendredi

    Matin :
    Je vais dire du bien pour une fois: les guichets de la SNCF de La Défense sont un modèle de gentillesse et de compétence.

    Midi :
    — Le mieux que j'ai vu, c'est un formulaire avec une case à cocher pour "Je certifie que je suis bien vivant".
    — Et il y avait une case à cocher si tu étais mort?

    Soir :
    Je rejoins les enfants à Austerlitz. Départ pour Blois.

    Jeudi

    Frances Ha. J'aime pas les boulets, Madame Bovary, La maman et la putain, Frances Ha. J'aime pas les boulets, les gens qui gâchent leur vie, qui font n'importe quoi. Ça me gonfle. Je retiens une phrase: «je ne suis pas bordélique, j'ai mieux à faire».

    Fini le rangement et le ménage. Vu le nombre d'araignées aspirées, nous devrions être envahis de moustiques.

    Trois jours

    - dimanche
    Journée bizarrement active : je sais que nous avons avancé sur un certain nombre de points, mais je ne saurais pas dire lesquels et j'ai l'impression de n'avoir rien fait.
    (Ah si, je me souviens: le gros du week-end a consisté à remettre d'aplomb l'ordinateur des enfants (copie de disques durs, tripes à l'air etc) et à récupérer les données du serveur qui devait être débranché depuis Pâques ou mai. (Ordinateur en panne une semaine avant les grandes vacances, O. à son habitude n'a rien laissé paraître mais je le savais affreusement déçu: à quoi bon des vacances si ce n'est pour jouer à WoW douze heures par jour?)) Commencé le repassage devant Laura dont je gardais un souvenir émerveillé.
    Ma fille me fait rire à dévaliser mentalement la maison "pour s'installer" (comprendre: meubler son studio). Il y a du regroupement de livres en perspective puisque qu'elle veut me piquer deux étagères (bon bon bon).

    - lundi
    A force de ne rien demander pour ne pas donner de faux espoir j'ai tout compris de travers et nous sommes arrivés en retard à Cloyes (dire en retard est un euphémisme: tout était fini).
    Malgré tout, nous avons vu la maison du notaire que Zola décrit au début de La terre. Cette sensation de la littérature qui devient quotidienne, qui s'incarne dans le quotidien, je l'aurai vraiment découvert tard dans ma vie. Ça change tout, quelque chose gagne en épaisseur, atterrit dans le réel (mais qu'est-ce que le réel? Non non, je ne vais pas m'embarquer là-dedans (je lis Valensin et le passage (ou pas) de l'idéalisme à l'existentialisme)).
    Je suis reconnaissante aux enfants de m'avoir accompagnée sans protester.
    Repassage tard dans la nuit (disons: jusqu'à l'aube). Mes beaux-parents prennent possession de la maison vendredi prochain et j'aimerais qu'elle soit présentable, ce qui n'est pas un mince défi. (Tant pis pour le jardin, à l'impossible nul n'est tenu).
    Je continue le grec et l'allemand, doucement.

    - mardi
    Un pastis en écrivant ces lignes. Après une semaine à cinq, nous sommes de nouveau trois depuis lundi.
    J'ai vu Danielle à midi, ma collègue de galère en 2012. Elle avait un tee-shirt blanc, c'était la première fois que je la voyais avec autre chose que du noir (elle est veuve depuis cinq ans, après avoir accompagné son mari le long d'une maladie interminable). Elle fait des projets, elle va mieux, cela m'a fait plaisir (et m'a rendue jalouse, car ce n'est pas moi qui suis là pour constater qu'elle va mieux, ce sont d'autres collègues qui l'accompagnent désormais. L'être humain est bizarre).

    Aujourd'hui c'est l'anniversaire de Paul Rivière.

    Trois jours

    - jeudi
    Coup du fil du matin, chagrin.

    Ramé le soir à Melun, bassin superbe, mais il ferme quinze jours: raté pour mes beaux projets.
    Il y a un piano en libre service à la gare de Lyon, une vieille dame y joue quand j'y passe, droite comme un i. Elle est remplacé par un jeune homme. Ah, quelle bonne idée, enfin!

    - vendredi
    Passage en coup de vent aux bibliothèques Malraux et de l'ICP. Je m'inscris en médiathèque, visiblement les DVD sont beaucoup plus demandés que les livres.
    Insaisissables en famille. Un peu décevant malgré tout, le jeu sur le cinquième cavalier aurait pu être beaucoup plus développé.

    - samedi
    Gare Montparnasse, courses, sieste, rien fait de la journée.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Je tiens ce blog. Je mets les choses plus perso, ou qui ne cadre pas avec l'unité du billet, en zone invisible.

    2/ Souvent je ne sais pas, mais ça arrive.

    3/ Ses opinions, sa façon d'envisager la vie

    4/ Des motifs? Oui, mais je ne suis pas capable de donner des exemples. L'un des enjeux est de briser ses répétitions.

    5/ Non. J'ai trop peur perdre. Je ne sais pas perdre. J'ai l'esprit d'équipe.

    6/ Je ne crois pas. Sauf si ça devenait infernal (je n'ai pas d'expérience en cela).

    7/ Oui, mais je le cache. Je le cache le plus possible.

    8/ Oui. Sauf quand je fais du sport: trente secondes, une minute, c'est très long.

    9/ Je ne sais pas. L'amour est un domaine que je ne maîtrise pas, je ne sais pas ce que ça veut dire.

    10/ L'oignon ou l'échalote en train de frire.

    11/ C'est ce que nous faisons en ce moment: treizième jour de quarantaine.

    12/ Uniquement des bonnes personnes (lol).

    13/ Ça peut arriver.

    14/ Non. De moins en moins.

    15/ Non non non. J'en profite.



    Répondu le 28 mars 2020, treizième jour de quarantaine.

    Deux jours

    -mardi : repris mes habitudes d'été en prenant une carte au club de sport de Yerres. Mais cette année je n'ai pas l'intention de faire de muscu, juste d'aller me faire cuire à l'étouffé le soir au sauna (j'aime beaucoup cela). Le club d'aviron de Neuilly est fermé l'été, je vais essayer d'aller à Melun.
    Passé beaucoup de temps sur le site du centre Sèvres à rêver sur ce que je pourrais suivre en plus discrètement (17-19h, ça ne se verrait pas, non?)

    - mercredi : vu Fraternellement: y a-t-il une "esthétique hispanique", j'ai l'impression de toujours retrouver cette tension extrême entre des personnages prêts à s'entretuer (Mes chers voisins) ou tout au moins à profiter des faibles (Les vieux chats). Bref, un film intéressant, dont on découvre sans surprise au générique de fin qu'il s'agissait à l'origine d'une pièce de théâtre.
    J'ai trouvé le Memento de grammaire allemande de Jean-Nicolas Wagner à la BNF. 40 euros pour un pdf, ça me paraît beaucoup. Pourrais-je le consulter sur place, réaliser ce vieux rêve d'obtenir enfin un accès à la BNF? (Chaque fois jusqu'ici j'ai été refoulée vers d'autres bibliothèques; c'est ainsi que j'avais obtenu une carte de la bilbiothèque historique de Paris à une époque où il fallait justifier de ses recherches pour pouvoir y entrer (aujourd'hui c'est plus facile, ils ont dû s'apercevoir qu'il n'y a pas de horde déferlante prête à investir la-dite bibliothèque: l'heure est à la séduction plutôt qu'à la répulsion)).


    Note pour les amis IRL : studio loué à Lisieux.

    Trois jours

    - samedi sous tension. H. a très mal supporté mon séjour en Grèce. Ce n'était pourtant pas la première fois que je m'absentais, Chantilly en 1998 (les jésuites, déjà), Cerisy en 2008… Ces cours de théologie sont-ils si envahissants, ou se sent-il envahi?
    — Je n'aime pas ce que tu es en train de devenir.
    Cela m'intrigue. Je n'avais pas l'impression de changer, juste de changer de lectures, oui. Et de lire plus, oui. Mais sinon, rien de particulièrement neuf. Comment être objective?

    J'achète Paris-Match avec George en couverture.
    Nous récupérons O. brûlé par le soleil.

    - dimanche plus doux. Je ne fais rien, un peu dormir peut-être. Coup de fil à ma mère (que je n'ai pas appelée depuis longtemps (un mois?) je le reconnais) empli de silences significatifs (—Qu'est-ce qu'il y a? Ça va pas? —Rien, ça va… soupir, reniflement. Prudente, je change de sujet.)

    Retour de C., nous sommes cinq pour la première fois depuis longtemps. Il a l'air un peu traumatisé par son camp:
    — A quoi reconnaît-on un anim de 6-9 ans?
    — ?
    — Si tu mets la musique de Oui-Oui dans une foule, c'est le seul à chanter.
    Oui, il a l'air traumatisé.

    - lundi. J'arrive au bureau, pas de badge, pas de clé. J'étais motivée pour revenir, aucun doute.
    Ostéopathe. (Le mal à l'épaule est désormais handicapant). Il passe une heure à remettre des trucs droits. Il est doué mais il parle tout le temps, est-ce pour dissoudre l'angoisse des patients? (Mais moi, les manipulations ne m'angoissent pas). Il m'explique très très entre autres que la base de la queue chez le mammifère est un centre de l'équilibre et que beaucoup de choses se jouent au niveau du sacrum.

    Gold. J'ai d'abord pensé à Dead Man à cause de la musique. Puis à Aguirre quand l'indien dit «La forêt mange les chevaux» (et que les deux films soient allemands, est-ce significatif?). Des paysages grandioses, une histoire relativement prévisible au fur à mesure qu'elle progresse.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non. Ou oui, par sous-groupes : le lieu où je les ai rencontrés.

    2/ Je rêve de revenir en Cité U : pas de ménage, pas de course, pas de cuisine…
    Je redoute les appartements à cause de la copropriété. Pas mon truc.

    3/ Pas plus haut que quatre, pour ne pas dépendre de l'ascenseur, mais cependant sans être plongé dans le noir… (ce qui dépend de l'entourage).

    4/ Honte? Non, j'était plutôt gênée parce qu'il me semblait que ce que je pouvais en dire ou penser ne correspondait pas à ce que les gens voyaient.
    Et aujourd'hui, non.

    5/ Non. Surtout avec les moyens de communication actuels. Mais c'est surtout que je ne pense pas compter beaucoup pour eux, et qu'il est donc inutile de trop y penser : Inch Allah.

    6/ Non. Normal.

    7/ J'ai peur de ne pas trop savoir ce que c'est. Pendant des années j'aurais dit l'amitié.

    8/ Oui.

    9/ Oui. Peur d'être habillée trop court ou trop moulant.

    10/ Oui. C'est une façon de se tenir droit et de regarder les gens dans les yeux.

    11/ En fonction des croisements de RER ! Dans un café que je connais.

    12 / L'absence de cours d'eau.

    13/ Non. Nous allons faire plus que perdre la mémoire: nous allons être effacés des mémoires. Il faut s'y résoudre.



    Répondu le 3 janvier 2015

    La presse chez ma tante

    Je lis Paris Match, toutes dates confondues, les trente ans de la mort de la mort de Grace de Monaco, le mariage de William et Kate, la naissance de George, les deux mille jours des Kennedy au pouvoir…

    Je lis Le Berry républicain du jour.
    Georges le croco

    Le Territoire du Nord de l'Australie a offert un crocodile au fils de Kate et William portant le même prénom, George. Le reptile est né le jour où Kate a officialisé sa grossesse.

    Les espions qui venaient du Nord

    Ils sont séduisants, courageux, intelligents, vertueux et patriotes. Ils maîtrisent plusieurs langues, semblent immortels. «Ils», ce sont depuis quelques années les improbables héros du cinéma sud-coréen: les espions nord-coréens.

    Holywood les dépeint en terroristes sans pitié menaçant les Etats-Unis. Mais, pour le cinéma sud-coréen, ce sont des hommes d'action dont les conflits intérieurs symbolisent le drame politique dont la péninsule coréenne est le théâtre depuis la fin de la guerre en 1953.

    […] c'est «la diplomatie du rayon de Soleil», menée par la Corée du Sud de 1998 à 2008, pour encourager les contacts entre les deux frères ennemis, qui a encouragé les cinéastes sud-coréens à présenter les Nords-Coréens de façon plus empathique.
    Hier agresseurs froids et maléfiques, ils endossent, désormais, le costume d'agents à visage humain, hantés par le régime sanguinaire dont ils sont les sicaires. Ces films, qui il y a vingt ans, auraient été impensables, connaissent un grand succès auprès des jeunes Sud-Coréens qui n'ont aucune mémoire des horreurs de la guerre.

    Depuis 2010, une dizaine de ces productions a été programmée dans les salles obscures en Corée du Sud (ou sont en cours de tournage) avec, à l'affiche, de grands acteurs. Kim Ki-Duk, le réalisateur de Pieta, Lion d'or à Venise, prépare actuellement Red Family (Famille Rouge), sur la vie d'un groupe d'espions passant pour une famille ordinaire du Sud.
    Le Nord est une «inspiration idéale», souligne le critique Kim Sun-Yub. C'est un pays si mystérieux, si peu connu, que l'imagination se substitue souvent à la réalité. La mort du dirigeant Kim Jong-il, en décembre 2011, a aiguisé l'intérêt des cinéastes, affirme Jang Cheol-Soo, auteur de Secretly, Greatly, qui a fait 6,9 millions d'entrées depuis sa sortie en juin. «C'est un sujet qui peut s'adapter à plusieurs genres — films d'action, thrillers, films d'amour et même des comédies.»

    Note : Un peu par hasard, je vois ma sœur pour la première fois depuis Noël; elle vient chercher sa chienne avant de rentrer chez elle. Au moment de se séparer, elle me dit :
    — Bon, eh bien, à… . Elle hésite.
    — Noël, complété-je.
    — Justement non, parfois on se croise sans se voir.
    Dans ce cas, cela peut signifier un an de plus.

    Les chiens

    Nous partons deux jours chez ma tante. La transition est rapide.
    J'y découvre le chien de Patrick et celui de ma sœur («Ah bon, elle a un chien?»), un teckel de trois mois que ma mère a refusé d'accueillir chez elle par crainte que son berger allemand ne l'agresse (c'était bien la peine de le faire dresser).

    Bref, l'ensemble de la journée est centré sur les chiens, dramatiquement. «Il va lui faire mal», «elle va faire pipi», «il faut la sortir», «il faut la rentrer», «il faut cacher sa balle», «il faut lui donner sa balle», etc.; c'est la démonstration de ce que peut être un amour étouffant.
    D'autre part, l'anthropomorphisme est poussé jusqu'à la nausée.

    Fin

    Je me lève tôt pour finir le Mahabharata. La moralité de ce livre, c'est un peu «Fais ce que doit, advienne que pourra». Cela me fait penser aussi (je ne devrais pas le dire) au quatre lois de la robotique d'Asimov (hiérarchisation des devoirs envers soi, les autres, le monde). Je me demande si Asimov avait des connaissances en religion hindouiste.

    Messe coupée — ou plutôt enflée, grossie — d'une heure de solitude pour relire cette semaine, en repasser les heures et en dégager ce qui nous reste, ce qui nous a touché. L'idée est ensuite de l'exprimer à voix haute devant l'assemblée (sans obligation, comme toujours: mais presque tout le monde dira quelque chose, à part une poignée, dont moi). La difficulté de l'exercice, pour moi, est de trouver le juste rapport à la parole: je ne sais pas être simple, je suis toujours en train de me demander ce qu'on pense de moi, trop judgemental, comme disent les Américains (j'aime bien ce mot que je ne sais pas prononcer). Peur aussi de mes émotions (le simple fait de chanter en groupe me fait pleurer, alors…).

    Je note trois interventions qui m'ont marquées: une que j'aurais pu cosigner qui disait à peu près «j'ai découvert qu'il était possible de ne pas être d'accord sans être contre; c'est fatigant d'être toujours contre», d'autres très émues qui ont évoqué de la famille présente ou absente et attendue ou espérée (et je me suis demandée soudain si je pouvais inviter ma sœur à venir, à une session où je ne serais pas ("bien sûr", allais-je ajouter — Dieu qu'il nous est difficile de nous croiser, de nous parler)), et celle du père Gabriel jésuite en Grèce disant «j'étais cafardeux en arrivant; ça m'a fait du bien de discuter avec des gens qui vont bien». Je me suis sentie toute ragaillardie, utile, j'ai pensé à la maxime de Rémi «il faut être heureux ne serait-ce que pour montrer l'exemple» (Prévert, je crois), j'ai pensé à Thérèse «chaque fleur a sa place et sa valeur», j'ai pensé qu'il fallait être heureux d'être heureux.

    Typiquement, Maurice cite durant l'homélie la maxime d'un jésuite «crois en Dieu comme si tout le cours des choses dépendait de toi, en rien de Dieu. Cependant mets tout en oeuvre en elles, comme si rien ne devait être fait par toi, et tout de Dieu seul» en commentant un peu par plaisanterie (ou pas?) «je laisse Marc donner les références»… ce que s'empresse de faire Marc, à l'amusement stupéfait et habitué de l'assemblée (je comprends mal le nom, mais je note mentalement les précisions de Marc, Valadier, jésuite hongrois, et une fois rentrée je trouve le commentaire de Valadier sur Hevenesi (voir également celui-ci)).

    Bref, tandis que j'écris cela une semaine après (le 31 juillet (je décante lentement)), je me dis que ce qui me reste, c'est la façon de vivre ensemble. A me méfier de moi-même (de mes paroles trop vives, qui dépassent ma pensée parce qu'elle jaillissent avec plus de passion que je ne leur accorde d'importance) et des autres (ma paranoïa), je m'isole trop. «Vivre en communauté» a dit Amal lors de sa messe, oui, c'est sans doute le défi pour moi. Me supporter et supporter les autres.
    Ici, j'ai eu l'impression que nous étions des coussins, des matelas. Imaginez un flipper où tout serait moletonné: la balle deviendrait lente, rebondissant sans bruit. Ici, peu à peu (ça s'est fait au fur à mesure, tout le monde était si attentif à ne blesser personne que la confiance a monté doucement), toutes les discussions ont perdu leur côté balle de flipper folle pour s'amortir entre les uns et les autres. Il est vite devenu évident que les plus brusques, les plus abrupts, étaient simplement les plus fatigués ou les plus blessés. Il suffisait qu'ils soient mis en confiance. Le processus m'a paru extrêment rassurant.
    D'une certaine façon, j'ai tort d'être surprise: n'est-ce pas ce que nous avait dit Maurice le deuxième jour: «si vous avez besoin d'un accompagnement, nous sommes là, les pères jésuites, mais pensez aussi aux autres, vous êtes baptisés, nous partageons tous un sacerdoce baptismal», et d'une certaine façon, c'est ce qui s'est passé. Mais ma surprise, c'est que "ça marche", c'est que ces mots ésotériques aient une application concrète invisible dont nous pouvons constater les effets.
    (Question: est-ce possible ailleurs? Hum, la particularité d'un tel groupe, c'est que chacun est là volontairement, empli de bonne volonté.)

    Souvenirs: l'écoute si attentive de H, les robes bleues et la blondeur de S, E et l'aviron (j'espère qu'il va reprendre), la joie de vivre de L, la musique et les chants si naturels à beaucoup (je les envie), mes chauffeurs si attentionnés et discrets, JM en train de me raconter les maisons tri-générationnelles en Grèce (— Mais ils ne s'engueulent pas? Moi, je ne pourrais pas! — Si, tout le temps, mais ils se supportent. En France, on ne supporte plus rien), N m'aidant à déchiffrer le gothique, M tripatouillant les cadavres mais dégoûtée par une guêpe, C future citeuse folle (j'en suis sûre!), B quatre ans à Blois, J amoureux, G jardinier (Les clématites, c'est délicat), etc. etc.

    Thème : mondialisation et religion

    Au petit déjeuner, mes oreilles qui traînent entendent Maurice raconter son expérience du Rwanda dix ans après les massacres auprès des réfugiés (je raconte très à peu près, j'étais à la table d'à côté), le sang qui avait monté si haut dans une église (sans doute construite en amphithéâtre, sinon je ne vois pas comment c'est possible) qu'on voyait encore la marque du niveau sur la pierre de l'autel, l'histoire d'un homme qui avait fait mourir sa fille à la façon d'Antigone pour pouvoir réintégrer son village (je suis arrivée au milieu de cette histoire, je n'ai pas entendu le début, mais j'ai cru comprendre que ce que Maurice essayait d'expliquer, c'est que pour cet homme qui venait de sacrifier sa fille à la société, il n'y aurait rien d'exceptionnel dans le sacrifice de Jésus: «Qu'est-ce que je peux apporter à cet homme?»), «religion, sacrifice, orgie, tout cela est lié, c'est évident, tous les missionnaires le savent, la religion, ça commence par l'anthropologie et Levi-Strauss» (je mets des guillemets, mais bien entendu, c'est moi qui rapporte de mémoire.)

    9h47 : les cigales commencent.

    Je dois avouer que je décroche pendant une intervention étrange sur "mondialisation et religion" (comment quelqu'un qui nous a expliqué il y a trois jours que le temps n'est pas celui des horloges peut-il être autant dans le court terme et dans la défense de l'Occident? Je n'ai jamais compris qu'un défenseur des valeurs occidentales ne soit pas heureux de les voir se répandre. Mais de toute façon ce n'est pas clair, on ne comprend pas s'il craint qu'elles nous soient "piquées" (sic) ou qu'elles ne soient plus reconnues).
    Beaucoup de gens dans l'assemblée sont agacés mais décident de ne pas trop le manifester. Cette sagesse, cette façon de vivre ensemble, ce refus conscient de la stigmatisation est instructif et me fait réfléchir, c'est presque la leçon de cette intervention.

    Puis intervention d'Amal qui parle du christianisme en Inde, de la façon d'aborder les mystères.
    Il évoque Roger Haight (Boston) - écrit condamné par l'Eglise («Il sera peut-être publié après sa mort…») mais je n'ai pas bien compris pourquoi. La façon de concevoir l'un et le multiple, la trinité, est difficile à reprendre ici. Lisez plutôt les livres de Michael Amaladoss.

    Au dessert, Leonardo royal passe de table en table et sert la glace en se plaignant:
    — Les filles m'ont laissé ça à faire, ça me casse les bras! (Il est dans le groupe des jeunes, ça lui va comme un gant.)
    — Normal que tu serves la glace, tu es italien!
    — Leoardo, pourquoi es-tu devenu jésuite?
    — Je ne sais pas, mais maintenant que j'y suis, je me sens chez moi.
    (Quelques jours plus tôt, il avait évoqué le choc de la rencontre de Teilhard de Chardin.)

    Je relis et complète ces notes.
    Je voudrais juste pouvoir interroger (et surtout écouter) Marc tout en ayant peur d'être envahissante (ce qui entraîne le paradoxe que je me tiens à distance).
    Je pense à Mireille qui il y a bien longtemps disait sa crainte de voir disparaître la foi du charbonnier, à notre ami Bernard Gallière, jésuite, qui pensait dommageable que certains ne deviennent jésuites que par attrait intellectuel, à Maurice en train de dire dans le bus «Nous ne devons pas devenir une élite arrogante» (il parlait de la position d'une Eglise catholique devenant minoritaire en France); bref, tous ceux qui redoutent une religion de tête et non de cœur.
    Mais rien à faire, la forme de pensée de Marc me plaît, entièrement tournée vers l'étude et les citations («l'homme qui cite plus vite que son ombre»), avec néanmoins un goût des films et des romans policiers (il faudrait que je vérifie ses connaissances en Tolkien, Star Wars et Douglas Adams).
    Après tout, cela aussi est de l'amour (amour des textes, d'une langue, d'un peuple, curiosité pour le monde, attachement, désir de comprendre).

    J'ai de tels coups de soleil après la journée d'hier que je préfère ne pas me baigner. Je reste au centre à écrire les cartes postales que j'ai enfin trouvées. Puis sieste sous les pins (j'adore regarder le ciel à travers les pins). J'avance dans le Mahbharata, nous partons demain, il faut que je le finisse.
    Les autres préparent la veillée de demain, je me sens totalement incapable de faire quoi que ce soit, mais Guy a proposé que notre groupe lise à plusieurs voix "En attendant les barbares" de Cavafy, ce qui me fait bigrement plaisir.

    Rencontre à quelques-uns avec le père Konditis qui nous parle de la Grèce. L'un des problèmes fondamentaux serait une absence de contrat social, la méfiance des citoyens pour l'Etat, depuis toujours (ce n'est pas dû à la crise, mais la crise l'amplifie). En contrepartie, les gens s'entraident.
    Finalement, on dirait que de nombreuses structures qui semblent si naturelles à un Français depuis Napoléon ou Louis XI restent à mettre en place. L'immigration est proportionnellement très importante, car les Turcs laissent passer volontairement les personnes. Les ressources économiques sont peu importantes, l'agriculture a diminué car l'euro rend les importations plus attractives, le secteur industriel est faible, il reste la marine («cinq officiers grecs, vingt marins philippins», résume le père Konditis) et le commerce international. Tout cela a l'air bien mal engagé.

    Dernier soir, remerciements et distribution de cadeau, apéro, dîner, veillée (cœurs de pierre, épitaphe chantée en grec classique, Cavafy, "Complainte du phoque en Alaska", coudre un bouton, kairos, pastèque, chèvre qui frissonne et moustique mystique).

    Philippe Lefebvre sur Samuel ou Joseph


    PS:
    N'empêche, «—What time is it? —Kairos, kairos!», est sans doute le meilleur résumé de la session voire de la vie (de la façon dont nous devons vivre). Cette boutade est un trait de génie.

    Corinthe

    Ciel très couvert ce matin. Après quatre jours de chaleur et de ciel bleu, je comprends le désarroi de mes coreligionnaires il y a une semaine: je veux du soleil!

    Ce matin, notre groupe est de service: mettre les couverts à disposition, sortir le beurre et la confiture, etc.
    Il y a un problème de plomberie (tuyau bouché à cause de trop de débris), il n'est pas possible de faire la vaisselle dans la cuisine.
    Décision de crise une fois de plus (c'est merveilleux, cette façon sans heurt de gérer l'imprévu en continu pour un groupe de cinquante et un emploi du temps à respecter): assiettes en carton, gobelets, deux grands bacs remplis au tuyau d'arrosage sur une table, et allons-y pour une vaisselle de campagne. Grâce au soleil d'hier, l'eau est quasi tiède.

    Nous partons à Corinthe sur les traces de Paul. Dans le bus nous avons une présentation de Paul et de Corinthe, la "New York" de l'époque, le carrefour de toute la Méditerranée, de l'Orient et l'Occident. C'est très intéressant mais j'aurais aimé un peu de silence, je commence à souffrir du manque de temps personnel: impossible de lire ou d'écrire tranquille plus d'un quart d'heure, dans la journée je passe mon temps à prendre des notes, le soir je m'endors sur mon livre ou sur le clavier.
    Je copie-colle une partie de mes notes

    Marc nous présente Paul à partir de la présentation que Paul fait de lui-même en Philippiens 3.
    Paul vient de Tarse, capitale de la Cilicie. C'est un pharisien (fils de pharisiens, ajoute Luc dans les Actes): groupe extrêmement attaché à la loi avec lequel Jésus discutera souvent. Mouvement laïc (hors des prêtres) attendant un renouveau spirituel; de la tribu de Benjamin (ce qui explique le prénom rare de Saül : Paul a une gde conscience de sa généalogie. Très peu de juifs s'appellent Saül à l'époque de Jésus, car ce premier roi a mal fini.)

    Un théologien américain a dit que la gde question, l'unique question que pose Paul à ses contemporains c'est : «What time is it?», changement de période, changement des temps.

    Paul appartient au 1% des hommes les plus instruits de l'Empire. Connaissance littéraire et philosophique, réseau de famille dans tt bassin méditerranéen. Luc nous dit qu'il est citoyen romain. Statut extrêmement rare dans l'empire.
    Comment cela est-il possible? Hypothèse: à Corinthe, Paul réside chez Aquilla et Priscille, marchands de tentes et déjà chrétiens (ce n'est pas Paul qui les convertit). Paul avait le même métier qu'eux, or un métier s'apprend en famille. Donc hypothèse : la famille de Paul (marchands juifs de Tarse) a peut-être rendu service aux armées grecques (en les fournissant en tentes et en acceptant des délais de paiement) et l'Empire en retour leur aurait accordé la nationalité romaine.

    Les lettres de Paul sont les documents les plus anciens du Nouveau Testament que nous possédions. Sa première lettre date de 49-51 (1Thessalonissiens). Paul ne se déplace que dans les grandes villes de l'Empire (Ephèse, etc).
    Pourquoi le voyage à Corinthe est-il capital? Parce qu'il permet la datation des voyages de Paul. Paul y est jugé par Gallion qui était là mi-51, mi-52 => cela permet de dater toute la chronologie de Paul.
    Gallion était beau-frère de Sénèque (il existe une fausse correspondance Sénèque/Paul très réaliste. Malgré tout il est possible que Paul ait été en contact avec Sénèque à Rome).


    Corinthe.
    Ville très florissante dans l'Antiquité à cause de ses ports.
    Conquise. Révolte en -150 contre les Romains qui l'ont complètement ravagée. Elle est restée vide pendant cent ans. Puis les Romains l'ont reconstruite et transformé en colonie latine pour les soldats quittant le service (dons de terre, cf Le Domaine des dieux. Ville romaine, les inscriptions retrouvées sont en latin, pas en grec.
    Un port, Cenchrées, mettait en relation la Syrie, l'Egypte et toute l'Asie; un autre, Léchée, vers l'Occident.
    5e port le plus important de l'empire. Donc races et origines très mélangées d'où la difficulté pour Paul de conserver la cohésion des Corinthiens.
    Jeux isthmiques. Ciment pour l'identité.
    Montagne en cuvette qui recueille l'eau: permet d'accueillir des garnisons importantes.

    Importance pour Paul d'aller à Corinthe: pour Paul, les ports étaient importants car en évangélisant les juifs des ports, il faisait de ceux-ci des évangélistes quand ils se déplaçaient. Ce n'était pas un hasard, c'était une méthode.

    Incise de Catherine. Nous sommes passés devant Eleusis. Les mystères d'Eleusis sont très mal connus. Culte à Demeter et Coré, dans lesquels les femmes avaient sans doute bcp d'importance. Cela peut peut-être expliquer pourquoi Paul dit aux femmes de se taire dans les assemblées: il fallait se distinguer des mystères d'Eleusis qui pouvaient en apparence ressembler au christianisme (grande intériorisation, peut-être ou sans doute).

    Pour donner une idée de l'atmosphère du port : «il n'est pas permis à tt le monde d'aborder à Corinthe» (proverbe latin = vie de patachon.), ou "corithinsein", se prostituer.

    Leonardo Vezzani nous explique le contexte des lettres aux Corinthiens. Nous possédons deux lettres. Les exégètes les plus prudents parlent de quatre, mais il y en a eu peut-être davantage.

    Première lettre aux Corinthiens: nous savons qu'il y en a eu au moins une avant. Les pb de mœurs sont tjrs présents dans les lettres aux Corinthiens. La première lettre disparue était écrite contre les impudicités et a soulevé plus de pb qu'elle n'en a résolus.
    => donc qq'un a demandé à Paul de réintervenir.
    1Cor: les mœurs, les rapports entre la virginité et le mariage, la communauté, la question de la viande aux idoles. Reflets d'une vie très compliquée à Corinthe.

    A la suite de quoi Paul est contredit en assemblée. Il écrit alors une troisième lettre dite "la lettre des larmes" pour expliquer qu'il est blessé.
    La troisième lettre serait la deuxième partie de la deuxième que nous avons. 2Cor 11-13 serait cette lettre des larmes.

    On lui donne raison et le fauteur de trouble est expulsé de l'assemblée.
    Paul écrit alors une quatrième lettre (le début de la 2Cor) il remercie et demande de l'argent pour les pauvres de Jérusalem. Paul cherche à montrer que les communautés païennes convertis au christianisme sont liées aux communautés.

    Il fallait également combattre les "super-apôtres" qui demandaient une conversation au judaïsme avant de se convertir au christianisme.

    Comme première approche de Paul, Leonardo recommandera plus tard, en petit comité, le livre un peu romancé (mais citant ses sources) de Dobraczynski L'épée de Dieu. (Ce nom me rappelait quelque chose: c'était celui de l'auteur du roman sur Jérémie).

    A Corinthe, nous montons à la stèle qui présente l'hymne à l'amour de Paul en quatre langues (grec ancien, anglais, russe ou vieux slavon (je ne sais pas), français). Personnellement c'est un texte que je supporte mal car il n'apporte aucune solution: «Si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien». OK, je veux bien, mais alors, si on n'a pas l'amour, qu'est-ce qu'on fait?

    J'en profite pour acheter des cartes postales (enfin: ça ne laisse plus beaucoup de temps pour les écrire) et une paire de chaussons pointure 46 (avec des pompons).

    Puis site du vieux Corinthe. Endroit précis où s'est tenu Paul face à Gallion. C'est tout de même un sentiment étrange, le Nouveau Testament qui prend corps géographiquement.

    Quelques explications en marchant, je rapporte un passage:
    Les juifs disposaient d'un statut particulier qui les dispensaient du culte à l'empereur => cela couvrit les chrétiens tant que les chrétiens ne furent qu'une sorte particulière de juifs. Cela devint difficile à partir de 73 et de la révolte des juifs.

    Ici, Maurice fait une parenthèse inattendue et émouvante (pas qu'au sens affectif, mais: mouvant, remuant, la raison): il prend la parole et évoquant le statut juridique des autochtones dans l'Empire romain, il fait un parallèle avec l'absence de statut (ou de statut clair ou de statut efficace) des populations réfugiées en Europe. Il évoque le sort des déplacés, ces derniers ayant un statut très fragile (ou pas de statut, je ne sais plus) auprès de l'ONU. Un déplacé est chassé de son village et de sa terre, mais dans son propre pays. Ce n'est pas un réfugié. Il cherche généralement à se rapprocher des camps de réfugiés, pour survivre.
    Maurice a travaillé au Rwanda dans le cadre des JRS (service jésuite aux réfugiés) et milite pour qu'un déplacé trois ans durant change de statut et prenne celui d'otage, ce qui est souvent la réalité des guerres locales.

    Nous reprenons le bus pour aller pique-niquer dans le jardin d'un hôtel qui nous accueille gratuitement et met sa pelouse et sa piscine à notre disposition. Nous débarquons dans un coin de paradis. Pique-nique, baignade, intervention sur Actes 17 (le discours de Paul à Athènes: décomposition des outils rhétoriques. Ce discours servi de modèle à tous les échanges à venir entre théologiens et païens dans les siècles à venir) puis sur les Upanishad (cent huit viennent d'être traduites en français, le livre est énorme).

    Pour la première fois je ne prends pas de notes, je crois que je commence à saturer.

    Messe sur la pelouse, les prêtres dos à la mer. C'est magnifique. Nous intriguons un peu quelques touristes qui s'approchent puis repartent. Je suis un peu gênée d'être ainsi dans l'exhibition, je songe aux prières des musulmans qui font couler tant d'encre (mais enfin, nous sommes dans un coin reculé proche de la petite chapelle dans l'enceinte de l'hôtel, les orthodoxes ont souvent cela sur leur terrain. Il paraît que cela aurait une raison fiscale.)

    Plus tôt, un Grec aux allures de Picasso grandi de vingt centimètres a longuement conversé avec Maurice au milieu de la pelouse. Je pensais qu'il s'agissait du propriétaire qui nous accueille (je dois avouer que je n'en reviens pas. Je n'imagine pas un hôtelier en France accueillir qui que ce soit gratuitement pendant la haute saison sur un site aussi beau). Mais pas du tout, c'est un médecin (client?) ayant repéré que nous étions français et venu dire à Maurice que «les Grecs étaient gentils». «Mais je le sais!» a répondu Maurice.
    Cet épisode me fait de la peine, les Grecs se sentent-ils tellement rejetés?

    Homélie de Marc, jour de Sainte Marie-Madeleine. De mémoire, quelques phrases marquantes:
    La foi est toujours une question de corps, ma grand-père, ma mère, mon curé, mon chef scout…
    Le point commun de Marie-Madeleine et de Paul: ils pourraient être ce treizième apôtre dont on parle toujours sans savoir qui il est. C'est un peu comme les tribus d'Israël, le compte n'est jamais juste: onze, douze, treize, quatorze…
    La remarque de Celse contre les Chrétiens: «"cette religion fondée sur les racontars d'une femme hystérique" : oui, et nous en sommes fiers». (Je note cette phrase à cause de sa folie objective. Cette folie, je l'aime.)

    Nous rentrons. Je suis fatiguée, j'aurais besoin d'être un peu tranquille, de pouvoir lire, écrire, perdre du temps.

    Le soir, concert de Jean-Pierre Arbon. Il nous présente sa première chanson en nous expliquant qu'elle a obtenu le prix des Jeux floraux, mais que lorsqu'il a été invité à aller le recevoir, l'organisateur lui a demandé d'en chanter une autre, parce que, a-t-il fini par avouer après moult circonvolutions, il y avait "péter" dans la chanson primée. (Le titre : "être et avoir été". Evidemment, une fois sur Google, j'ai fouillé. Le blog de l'homme vaut le détour.)

    PS : le futur futur futur roi d'Angleterre est né (il devrait régner vers 2060, je ne le verrai sans doute pas. Le temps presse.)

    Thème : le juste persécuté

    J'ai pris du retard ce matin, Marie vient me chercher dans ma chambre. Puis je remonte changer de chaussures. Puis je reviens reposer ma clé: bref, démarrage difficile.

    Tout est de plus en plus gai, joyeux. Au petit déjeuner, je m'empiffre de Nutella (alphabet latin sur le pot pour le nom de la marque) avec Leonardo, sj, pendant que les autres se moquent de nous.
    Une preuve s'il en était besoin que c'est une nourriture du diable, les guêpes qui sont devenues très envahissantes au petit déjeuner depuis deux jours ne s'intéressent absolument pas au Nutella qu'elles n'identifient pas comme de la nourriture (ça fait peur).

    Leonardo à qui j'explique mes «problèmes épistémologiques» («Vous n'avez pas suffisamment saisi les enjeux épistémologiques», appréciation sur ma dissert: oui, j'avoue) me recommande L'écriture vive d'Elisabeth Parmentier.

    Deux conférences sur le thème du juste persécuté.
    Une première de Marc qui nous illustre le glissement dans la Bible du prophète persécuté (un homme n'ayant pas de vertu particulière envoyé par Dieu auprès d'hommes ayant la même foi que lui) au martyr (un homme juste persécuté par un pouvoir politique ou religieux ayant des croyances différentes).
    Marc est un grand amateur de films et il nous en cite à foison. Voilà plusieurs fois qu'il revient sur Sophie Scholl les derniers jours: «— Pourquoi, vous qui avez grandi dans les jeunesses hitlériennes, vous êtes-vous retournée contre Hitler? — Parce que toute vie est précieuse».

    La deuxième conférence porte sur la mort de Socrate (-399) et sur le choc qu'elle a constitué pour la cité: elle démontrait l'échec de la démocratie et que la tradition qui associait la vertu et le bonheur se trompait (cf. Hésiode, Les travaux et les jours. Ce choc fut ressenti d'autant plus brutalement que la philosophie était vécue en communauté (cf. Pierre Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique?). Tandis que j'écoute Catherine dans une jolie robe rouge lire et commenter des extraits du Criton et du Phédon dans le chant des cigales, je me dis que ce doit ça, le commentaire philosophique, et qu'il faudra que je m'en inspire l'année prochaine.

    Ensuite temps en commun pour partager. Je suis étonnée de la variété des réactions parmi nous six sur un sujet comme celui-ci [le juste persécuté]; j'aurais pensé qu'elles seraient extrêmement prévisibles. (Finalement, me dis-je en écrivant cela, cette technique de la "réflexion/partage" correspond un peu à ce que nous faisons quand nous tenons des blogs personnels).
    Je rapporte deux réactions ici, parce qu'elles sont totalement opposées: l'un d'entre nous se sent persécuté, l'autre se pose la question «qui persécuté-je?».

    Ensuite, intervention de Theodoros Konditis, sj, qui nous présente l'Eglise orthodoxe: des rites, une foi, une Eglise.
    L'Eglise catholique représente moins de un pour cent des croyants en Grèce, et jusqu'il y a deux ou trois ans, la religion était indiquée sur les papiers d'identité (la Grèce a dû payer trois amendes à l'Union européenne avant que cela ne cesse). Il n'y a pas de conversion de catholique vers l'orthodoxie et inversement.

    Je copie-colle une partie de mes notes:
    L'orthodoxie est une douceur dans le monde dans la mesure où elle cherche à accueillir toute chose. Une approche lente sans trop de lois, sans trop de jugement. L'essentiel est d'embrasser tout en offrant tout à Dieu. Tout est louange.

    C'est aussi un malaise dans l'histoire. Malaise des blessures qui n'ont pas cicatrisé. Deuil sur la perte de l'empire byzantin. Plainte qui se poursuit. Crée un malaise, une difficulté à collaborer avec les autres.
    Malaise aussi à cause de la modernité. Modernité dans les relations humaines, avec les Etats, etc: l'orthodoxie a du mal à digérer la science, la liberté de conscience. Malaise dans l'histoire donc une méfiance, même à l'égard de ceux qui sont très bien intentionnés envers l'orthodoxie.
    C'est parfois frustrant. Mais en même temps une liberté personnelle des prêtres (popes?) qui peuvent tisser des liens.

    Déjeuner. Je prends deux ouzos un peu trop tassés. Béatrice et moi arrivons tard à table parce que nous discutions de la date de Pâques (elle m'expliquait le malaise qu'elle avait ressenti à Jérusalem ou à Ramallah devant les juifs et les musulmans à voir Pâques fêter deux fois à quinze jours d'intervalle: comment les Chrétiens peuvent-ils être crédible dans ces conditions?)

    Projection par morceaux d'Œdipe sur la route de Bauchau, à peu près incompréhensible (l'ouzo, je pense). Sieste. Départ en bus pour le monastère orthodoxe d'Hosios Meletios. Visite du réfectoire et de l'église. C'est un petit monastère installé ici depuis très longtemps. A la question «Pourriez-vous nous raconter la façon dont vous vivez ici», la sœur répond que la vie monastique est mystère, mais qu'une chose est sûre, «si vous entrez ici par dégoût du monde, vous ne tiendrez pas quinze jours».

    Maurice nous apprend qu'il a passé un an chez les bénédictins (les bras m'en tombent) et nous raconte une journée en monastère et commente le début et la fin de la règle de saint Benoît: «Ecoute… alors tu parviendras». J'ai surtout retenu que dix fois par jour, il fallait abandonner ce qu'on était en train de faire pour prier ensemble («si vous êtes en train de réparer un moteur, c'est toute une organisation pour avoir le temps de prendre une douche»). Voilà quelque chose que je n'avais pas du tout envisagé et qui pour moi est une idée de l'enfer, moi qui supporte si mal d'être dérangée sans arrêt à la maison et qui rêve de tranches de trois à quatre heures sans être interrompue.
    Cela me conduit à deux conclusions: 1/ je n'aurais pas pu être moniale 2/ j'y penserai désormais quand je serai dérangée. (Quand j'ai fait part de cette réflexion à une sœur (non cloîtrée, rien à voir), elle me répondra, stupéfaite: «Mais ils ne le vivent pas du tout comme ça!»: je n'en doute pas une seconde, ma réaction instinctive ne traduit que ma frustration et mon impatience. («Qu'est-ce que vous désirez le plus?» Eh bien…)

    Anecdote saisie par mon oreille indiscrète (dédicacée à Guillaume): la collection de patristique grecque avait été descendue à la cave de l'université de Bordeaux. La professeur a demandé à ses élèves d'aller chacun à leur tour demander un volume différent à la bibliothèque. Quand les bibliothécaires furent fatigués de descendre à la cave et de se tromper de volume — car ils lisaient mal le grec — la collection fut remontée dans les rayonnages accessibles aux étudiants.

    Retour en marche silencieuse (huit kilomètres) dans le soleil qui n'en finit pas de se coucher. Ici en Grèce il n'y a jamais de silence, les grillons remplacent les cigales dès qu'il fait noir. Ils ne se taisent qu'à l'aube: silence troublé alors par le vent qui fait trembler la Grèce comme une vaste voilure.

    Une demi-heure avant l'arrivée, la file des marcheurs se regroupe, un peu perdue: quel chemin prendre? Je reprends la marche avec Sophie et Leonardo et nous papotons. Comme je me suis exclamée «Trompons-nous ensemble!» quand il s'est agi de choisir un chemin (je voulais simplement dire que le plus important était de ne pas nous séparer), Leonardo rit et nous raconte la préparation de son ordination: «Le maître de cérémonie (ce n'était pas le terme, je traduis le principe) nous a expliqué ce qu'il fallait faire, debout, assis, étendus sur le sol. C'était compliqué, on n'a rien compris, alors il nous a dit: «Ecoutez, ce n'est pas grave, l'important c'est que si le premier se trompe, vous fassiez tous la même chose; ainsi personne ne s'apercevra de rien.» Sophie et moi rions de bon cœur, Leonardo nous explique que les jésuites ont la réputation d'être nuls en liturgie: «En Espagne on dit "Perdu comme un jésuite pendant la Semaine sainte"». Nous dévions, le rite, les enfants de chœur, le corps, l'importance du décorum, «la liturgie doit vous happer», «les églises baroques sont construites pour permettre une représentation théâtrale».
    Sophie et Leonardo s'engagent sur le chemin de l'architecture lorsque Leonardo nous apprend que Saint André du Quirinal était "son" église, qu'il dormait dedans ou à côté pendant sa formation à Rome.

    Je termine avec Sophie à discuter de latin, j'essaie de lui expliquer mon incapacité à apprendre le latin (j'ai quand même recommencé trois fois, et la première fois pendant six ans), nous parvenons à la conclusion que cela a sans doute la même origine que mon incapacité à entendre le rythme (sur un morceau de rock, par exemple). A suivre. (Mais moi, je sais depuis que j'ai entendu Enrico Mazza que je souhaite apprendre le latin avec un Italien.)
    Il est tard, tout le monde est passé à table sous le pin, et comme à midi nous n'avons plus de place. Nous nous débrouillons. Encore de l'ouzo.

    Puis célébration selon le rite syro-malabar (avec fleurs et flamme). Quand je pense que j'ai entendu ce mot pour la première fois en octobre dernier…

    Le Guilloux: L'esprit de l'orthodoxie russe et grecque
    Maurice Joyeux, Séjour en bénédictie dans la revue Christus, avril 2005



    Thème : le souffrant

    Déjà le quatrième jour. Temps de "reprise" sur les trois premiers jours, c'est-à-dire que nous sont posées deux questions (j'ai oublié la première, mais la seconde est «qu'est-ce que je souhaite vraiment?», question qui me laisse toujours muette mais à laquelle l'esquisse de réponse varie lentement), nous y réfléchissons dix minutes seuls puis nous nous retrouvons en groupe pour "échanger" (entre guillemets car je crois que c'est du jargon catho. Mais peut-être que c'est du jargon de "team management"). Evidemment, nous disons ce que nous voulons, il n'y a aucune obligation de parler.

    Je ressors de ces trois jours la liberté de parole et l'abandon progressive de mes préventions: en toute honnêteté, j'avais peur de venir ici, car si je me retrouvais parmi des «Manifs pour tous», qu'aurais-je eu de commun avec ces gens? Qu'aurais-je eu à leur dire?
    Mais tout est beaucoup plus nuancé que cela, je suis rassurée, il est possible de parler — ou de se taire — sans s'étouffer d'indignation, je m'en suis aperçue dans le bus ou au petit déjeuner.
    A ma grande surprise, pour des raisons différentes, chacun évoque la bienveillance de l'assemblée; apparemment chacun est arrivé un peu en repli, un peu méfiant (pas forcément à cause de ce qu'il avait peur de trouver, mais aussi à cause de situations difficiles en France), et est soulagé devant la non-agression généralisée.

    Les conférences reprennent; comme d'habitude je vous livre des bribes et je note ici quelques références pour les avoir à disposition à tout moment.

    Conférence d'Amaladoss. Karma et réincarnation. (Amal, comme nous l'appelons, intervient sur la religion hindouiste, vous l'aurez compris).
    Je vous livre une parenthèse sans rapport avec le cœur du sujet mais qui m'a fait rire: «Nous on dit : la chatte porte ses petits, le petit singe s'accroche à sa mère: Dieu est-il du côté du singe ou du côté du chat? C'est ce qu'on dit à propos des dominicains et des jésuites: les dominicains sont du côté des chats, les jésuites du côté des singes.» (J'aurais tendance à penser que c'est à chacun de nous de nous demander si nous sommes petit chat ou petit singe).

    Marc intervient sur le serviteur souffrant dans les quatre chants d'Isaïe.
    (Gustav Janouch : Conversations avec Kafka
    Question de Janouch : Et le Christ?
    Réponse de Kafka: Le Christ, c'est un abîme empli de lumière sur lequel il ne faut pas se pencher.)

    Je passe sur l'exposé de Marc riche de références interbibliques. Je note ce qui me frappe: ce que paraît chercher Marc en fin d'exposé, c'est de quelle façon, par quel moyen, la part humaine de Jésus a-t-elle réussi à comprendre et à discerner ce qui était attendu de lui. Marc cherche la réponse dans les Ecritures et l'histoire juive, et c'est une question, effectivement, vertigineuse.

    Catherine Broc-Schmezer nous présente Œdipe à Colonne et en profite pour nous expliquer la structure d'une tragédie (rôle du chœur, etc…).

    Sieste sous les pins, plage.
    Dîner à la table du père Gabriel. Nous parlons de la Grèce, il confirme que les Grecs ont beaucoup consommé, emprunté, qu'on les y a poussés dans les années 80 et après, et qu'ils ont tout de même une certaine tendance à rejeter les responsabilités sur les autres (l'Europe, l'Allemagne, la crise, etc).

    Messe dans la nuit, j'observe les insectes. Maurice nous raconte une histoire vécue dont je vous donne la conclusion : «il nous a dit: "j'ai appris un mot, c'est "miséricorde": ça veut dire être tiré de sa misère par une corde». (Il s'agissait d'un jeune défavorisé insupportable qui avait fini par tomber dans une crevasse et avait dû en être sorti par les autres).

    Delphes

    Nous quittons Inoï à huit heures et demie. Nous avons une guide, Française installée en Grèce depuis trente ans.
    Dans le bus, exposés sur la pythie et sur Delphes.

    Passage dans la ville d'Arachova à 900m d'altitude. Des mûriers poussent le long de la route: la culture de la soie a été très présente au Moyen-Âge. Aujourd'hui la culture a disparu, il reste les mûriers. Les devantures présentent de façon incongrue des articles de sport d'hiver: on skie sur les flancs du Mont Parnasse. Je regrette un peu de ne pas pouvoir faire de shopping.

    Sanctuaire de Delphes (explications détaillées de la guide avec Denys en contrechant), musée — petit, avec des pièces que nous connaissons tous (je veux dire que nous les avons dans l'œil tant nous les avons rencontrées dans nos livres d'école).

    Le site archéologique a été donné en concession perpétuelle aux Français.
    A la fin du XIXe siècle, les archéologues avaient déterminé que le temple de la pythie se trouvait sous le village de Kastri mais les villageois refusaient d'abandonner leur maison. Un tremblement de terre (en 1871?) détruisit le village et la France proposa de le reconstruire à ses frais… à quelques centaines de mètres. En contrepartie elle obtint l'exclusivité des fouilles et la concession du site.

    Nous déjeunons sur la plage d'Aspra Spitia, un village entièrement construit par Péchiney, église comprise, à l'époque où ce groupe avait une aciérie à quelques kilomètres (maintenant exploitée par des Grecs et des Suédois).
    Je nage longtemps pour la première fois. On perd pied très vite, à deux ou trois mètres de la plage. L'eau est si bleue qu'il faut admettre que les cartes postales ne sont pas retouchées.

    Après Delphes, le pique-nique et la plage, deux heures d'intervention sur… je ne sais plus trop, logos et promesse, quelque chose de ce genre. Je retiens (j'écris volontairement sans reprendre mes notes) que le mystère de l'homme est le temps, qu'il n'y a pas coïncidence du commencement et de l'origine (l'exposé est donné par un prof de philo), que notre temps est désormais fabriqué par des machine (les horloges (cela me rappelle Attali, Histoires du temps)) et que la promesse est un commencement placé dans le futur.
    Interprétation intéressante du péché originel: ce qu'a acquis Adam en mangeant du fruit défendu, c'est la liberté, et comme il n'est pas envisageable que Dieu ne nous ait pas souhaité libre, et que donc Il avait sans aucun doute l'intention de nous la donner, le péché d'Adam, c'est d'avoir précéder la grâce, d'avoir pris ce qui lui aurait été offert: kairos, il ne faut ni devance, ni précéder, mais être dans le moment.

    Le retour en bus fut musclé.
    Dans l'après-midi, nous avions traversé un village dont la totalité de la population (220 personnes) avait été exécutée en représailles de l'assassinat d'un gradé allemand pendant la seconde guerre.
    La Grèce a résisté spontanément à la tentative d'invasion de Mussolini. C'était une résistance non organisée, qui donc ne pouvait pas dénoncer ses réseaux mais avait très peu de moyens. Cette résistance fut telle qu'elle obligea Hitler à intervenir et retarda d'autant son attaque de l'URSS — ce qui fit que l'hiver russe le ratrappa, etc. Plus tard tandis que je remontais de la plage à l'église avec Leonardo, il me dit que les Italiens se jugeaient responsables de l'occupation très dure de la Grèce par les Allemands, à quoi je répondis que ce qu'on nous apprenait à l'école en France, c'est que grâce ou à cause de cela, Hitler avait attaqué l'URSS trop tard: sans cela, nous serions peut-être tous en train de parler russe… (miracle et mystère de l'histoire de la culpabilité)).
    Cependant, les Allemands n'ont jamais payé de dommages de guerre à la Grèce, car à la sortie de la guerre, l'occident avait si peur qu'elle passât du côté des communistes qu'elle ne lui a pas versé un centime afin d'éviter que l'argent revienne un jour à Staline — puis il y eut la dictature, puis l'Europe… bref, tout un passé douloureux qui peut expliquer que le Grec se sente aujourd'hui deux fois floué face à l'Allemagne.

    Retour musclé disais-je: discussion entre deux jésuites, celui ne vivant pas dans le pays soutenant qu'il était fondamental que chaque Grec (chaque homme) conserve l'idée qu'il avait prise sur son destin, même de façon infime, et celui vivant en Grèce et ayant servi au JRS (service jésuite aux réfugiés) répliquant que le sentiment d'impuissance de certains étaient compréhensible et qu'on ne pouvait pas donner abstraitement des règles de comportement à des gens dont on savait qu'ils avaient faim («aujourd'hui on a faim en Grèce», mots qui me glacent).

    Au passage, j'apprends que le kyrie (se reconnaître pécheur) doit être pris dans un sens théologal et non moral, (???!!), ie. comme un constat devant Dieu (ou une instance plus haute que soi (qui doit pouvoir être sa propre conscience)) et non comme un jugement ou (et) une condamnation.

    Au dîner, comme Marc avait parlé de Taubes le premier jour et que j'ai cru reconnaître un passage sur l'eschatologie dans le bus, je l'interroge et obtiens le nom de Boyarin à ajouter à ma lente constitution d'une bibliographie.
    Concernant l'économie, il nous parle d'un jeune économiste, Gaël Giraud.

    Par ailleurs, je découvre que je pourrais connaître Marc depuis très longtemps: nous étions à Sciences-Po exactement les mêmes années. Mais il n'allait pas à l'aumônerie — tandis que c'est à cette aumônerie (où j'allais par instinct de survie, j'étais très seule et socialement déracinée dans cette école) que j'ai découvert que les jésuites existaient encore: j'en étais resté à leur expulsion de France par le roi — et c'est là également que je me suis entichée d'eux, de leur façon de concilier liberté et obéissance.

    Jacob Taubes
    Yeshayahou Leibowitz
    article de Cécile Rastoin carmélite sur le gender («Vous avez lu Judith Butler? Lisez Judith Butler.»)
    Daniel Boyarin, Border Lines (en français, c'est le sous-titre qui est traduit: La Partition du judaïsme et du christianisme)
    Agamben, Le Temps qui reste
    Badiou, Saint Paul : la fondation de l'universalisme
    Gaël Giraud et Cécile Renouard, Vingt propositions pour réformer le capitalisme
    Joseph Cedar, Footnote film qui commence par des juifs discutant de Boyarin
    Amos Gitaï, Kadosh

    Thème : les mythes

    En me penchant sur mon balcon, j'aperçois à contre-jour deux jeunes chouettes perchées sur un pilier. Elles m'observent avec une curiosité égale à la mienne. Je pensais que les chouettes étaient nocturnes, que font-elles là?


    2013_0718_chouettes.jpg


    Mais je sui contente, j'ai vu deux jeunes chouettes de Minerve sur mon balcon.

    Il fait meilleur, 23°.
    Nous prenons notre petit déjeuner au centre, il y a un quart d'heure de route à partir de l'hôtel.

    Matinée sur l'Odyssée (l'intervenante chante littéralement le début, je n'avais jamais entendu cela, c'est magnifique et enchanté (pour la petite histoire, la traduction utilisée par Astérix est celle de Bérard. Belle remarque sur la tendresse physique que permettent les corps soulignée lors de la rencontre d'Ulysse avec l'âme de sa mère)); sur le rapport de la Bible aux mythes (grecs de préférence) et sur le Mahabharata (au-delà de la non-violence, au plus haut est la compassion).

    Pas de plage (je me suis trompée dans l'heure du rendez-vous). Sieste puis lecture. Je continue le Mahabharata.
    Célébration.

    Dîner glaçant à la table d'un cancérologue jamais à cours de conseils pour ne pas attraper (est-ce le mot) de cancer (j'ai une résistance pathologique à l'idée que nous sommes responsables de notre cancer. J'ai l'idée que cela "arrive", et qu'il est possible, parfois ou souvent, de l'expliquer. Mais il y a aussi des cas incompréhensibles, je ne vois pas l'intérêt de culpabiliser les gens en leur disant qu'ils l'auraient évité en faisant ceci ou cela). Heureusement (pour mon moral) nous avons à table un jeune jésuite italien un peu malicieux qui sourit parfois sans intervenir.

    Soirée musicale (épitaphe en grec ancien chantée en chœur, musique indienne, influence de la musique indienne sur la musique occidentale: Maurice Delage, Messiaen, Steve Reich, musique répétitive, chansons de Jean-Pierre Arbon).
    Albert Roussel a voyagé en Inde, le voilà encore plus églogal que prévu.

    Premier jour

    Ce matin (6h30), connexion internet intermittente, gratuite et rapide, qui déconnecte toute les trente secondes. Amusant. J'arrive à rédiger la moitié du billet d'hier mais pas à le poster.

    Donnée inattendue : il y a énormément de vent, des nuages et il fait presque froid. Rendez-vous à 7h45 à la réception de l'hôtel pour retourner au centre Manrèse prendre le petit déjeuner. Le fait de ne pas dormir sur place m'oblige à penser à tout ce dont je pourrais avoir besoin pendant la journée. Je suis un peu embarrassée au niveau des vêtements, je ne suis pas sûre d'oser me mettre en short (de sport, le seul que j'ai), ce qui est pourtant le plus pratique s'il fait vraiment chaud. On verra bien.

    A la réception, je retrouve les autres qui dorment ici. Ils sont affolés, ils n'ont jamais vu un temps pareil, ils ont au mieux prévu un gilet dans leurs affaires. (Ouf, je ne m'étais pas trompée dans le contenu de ma valise, c'est le temps qui est inattendu.) Il bruine par instant. La voiture indique 16°, la brume descend bas sur le flanc des collines.

    Au centre, c'est l'embarras: habituellement tout se fait dehors sous un patio: les repas, les interventions, la messe, où s'installer? Nous petit déjeunons dans une grande salle devant la cuisine, quelques téméraires tentent l'extérieur en rentrant à chaque fois que les gouttes se font plus grosses. Deux ou trois tables présentent des livres, apparemment mis à disposition. Sur un coup de tête, avec l'impression de me tromper, je prends le Mahabharata par Jean-Claude Carrière en Pocket. Il est moins impressionnant (moitié moins épais) que l'autre version sur la table dans la collection "Spiritualité vivante". Ce n'est pas très sérieux de ma part (je veux dire que ça m'étonnerait que Carrière ait traduit à partir de l'original) mais tant pis, je veux juste connaître l'histoire (la diègèse, dirait Ricardou dirait etc.) et finir le livre vite, celui-ci est d'une écriture alerte, très agréable. (Plus tard je comprendrai d'où venait cette impression de me tromper: c'est l'épopée de Gilgamesh que je souhaitais lire.)

    Mots d'accueil de Maurice Joyeux, sj. Je picore dans les notes que j'ai prises.
    - ceci n'est ni une retraite ni une université d'été. Discutez ensemble, découvrez-vous. Temps de vacance, de disponibilité, temps physique, aussi: «c'est très physique, la Grèce».
    - résister à la démesure (grand thème de la Grèce ancienne, encore vrai aujourd'hui), consentir au tragique en refusant la dramatisation.
    - philoxenia. Accueil de l'étranger, de l'étrange, même; y compris à l'étranger en nous-mêmes.
    - Malraux en 1959 lors de l'inauguration du son et lumière de l'Acropole: «Nous avons tous une Grèce en nous».
    - François, qui se dit évêque de Rome «non pas pour se réduire, mais pour se concentrer».
    - les fruits : ça se cueille au bon moment. Kairos («car le temps, ce n'est pas que chronos qui bouffe ses enfants»). (Evidemment, je pense à Taubes.)

    Intervention de Marc Rastoin, sj, sur les rapport de la Bible avec le monde hellénistique. Cela recoupe beaucoup de ce que j'ai vu cette année.
    Très vivant. Insiste sur l'importance de la Septante. Rappelle l'hypothèse d'Albert de Pury qui veut que la Bible massorétique dans ses trois parties Torah/prophètes/autres écrits réponde au programme d'enseignement grec Homère/Hésiode/tragiques grecs.

    Les topoï, lieux communs: le juste récompensé, le méchant puni, le testament, etc.
    «Vous savez, Nurith Aviv (dans un film, je n'ai pas noté lequel) disait que la Grèce, c'est un lieu où quand vous rencontrez quelqu'un, ça peut être un dieu. Dans la Bible, ce n'est pas comme ça. A la rigueur, ça peut être un ange.»

    Un nom: Erich Gruen, un livre: Il y a des Dieux de Frédérique Ildefonse

    Michael Amaladoss, jésuite et indien, nous fait une présentation de l'Eglise catholique en Inde et nous parle des syro-malabar et des syro-malankara (scission des jacobites (!?)). Spécificités de l'Eglise syriaque. Place des symboles.
    St Ephrem, père syriaque. A trouver pour feuilleter:
    traduction française de St Ephrem: L'œil de lumière par Sebastian Brock
    odes de Salomon (de Salomé?): texte très hérétique. style très spécial. 42 poèmes. (en anglais. pas traduit en français. Après recherche, je pense que cela doit être The Odes and Psalms of Solomon Published from the Syriac Version).

    Il fait toujours aussi mauvais, vent, pluie et froid. Nous déjeunons à l'intérieur (du jamais vu, paraît-il).
    Puis sieste, puis plage à Porto Germano (sur la côte il y a du soleil). Mer bleu sombre dans le camaïeu bleu des montagnes. Je lis le Mahabharata.
    Messe.

    Le soir, projection morcelée du Mahabharata de Peter Brook.

    Je me couche dès que rentrée à l'hôtel, pas le courage de copier Alibaba ou de continuer mes lectures, etc.

    Départ - Arrivée

    Je suis arrivée très tôt à l'aéroport, par peur du surbooking (à la suite d'une erreur, je n'avais pas confirmé en ligne).
    Tout s'est bien passé. J'ai passé ma journée à lire Auguste Valensin, à l'aéroport, dans l'avion, à l'aéroport.

    Temps magnifique sur la partie de l'Europe que j'ai survolée, les montagnes des Vosges se devinent par les vallées, les Dolomites, molaires grises, sont impressionnantes. Peu avant Trieste, deux cours d'eau ont la couleur du sable (tant la couleur du sable qu'il faudra que je vérifie qu'il s'agit bien de cours d'eau quand j'aurais une connexion stable (voilà)). Ils s'élargissent en partant vers l'ouest alors que l'Adriatique est à deux pas. Bleu de l'Adriatique, îles de l'Adriatique (je songe aux souvenirs émerveillés de Paul Rivière), maisons éparpillées de la Grèce (Athènes compte cinq millions d'habitants, plus de la moitié de la population grecque).

    La compagnie Aegean airline me ravit, elle fonctionne à l'ancienne: musique douce au décollage et à l'atterrissage, bonbon au décollage, hôtesses de l'air en bleu marine…
    Je suis à côté d'une vieille Anglaise qui lit un roman d'amour sur une lectrice (c'est le mot, je crois?), elle me fait penser à Agatha Christie partant en Mésopotamie. L'avion a moins de charme, décidément. J'ai failli venir en car, pour le voyage. Mais il n'y avait pas de départ tous les jours, il fallait partir vendredi, j'ai renoncé — déjà que H. supporte mal cette absence. Je pars coupable.

    Athènes, bus (réservé à notre groupe), centre Manrèse à Inoï (prononcé Inouï, les vignes). Ce qui me frappe à Athènes (l'aéroport, je n'ai rien vu d'Athènes), c'est le vent. Les cyprès penchés confirment qu'il doit être constant. Il fait bon. Nous roulons une heure dans la montagne — ce n'est pas loin, mais le bus est lent, la route étroite et en lacets. Je déchiffre à peu près naturellement les panneaux (je suis contente), mais ne distingue plus le gamma du lambda majuscules. (J'apprendrai plus tard que le B se prononce "v" et le "H" davantage "i" que "è"). Des oliviers, un quart de bâtiments qui tombent en ruines, un quart de maisons immobilisées au milieu de leur construction. Le reste est pimpant, repeint. Toujours le sud me frappe par ses teintes jaune et rouille. Terre rouge, oliviers, champs jaunes. Beaucoup d'oliviers, pas très hauts mais certains très gros, anciens. Nous sommes une cinquantaine, la plupart de mon âge ou plus, une poignée de vingt ans, une poignée de couples.

    20 h. Apéritif (deux ou trois ouzo), repas sous le pin, quelques explications. Nous sommes répartis en groupes de six, à la fois pour le "service" (nous devrons aider à tour de rôle à servir et desservir, nous occuper de la vaisselle) et pour les discussions suite aux exposés des intervenants. Il ne faut jeter aucun papier dans les toilettes, les tuyaux sont trop étroits, il faut utiliser la poubelle. Ne pas gaspiller d'eau, douche courte.
    Repas. Je suis à la même table que quelqu'un qui a terminé le cycle C l'année dernière. Nous avons des étiquettes avec nos prénoms, j'espère que chacun portera la sienne le plus longtemps possible durant la semaine, car associer têtes et noms me reste toujours aussi difficile.

    Je découvre que certains ne dormiront pas sur place mais à l'hôtel à Villia, à une dizaine de kilomètres vers l'ouest. J'en fais partie. Je le regrette un peu (j'anticipais déjà les balades dans les collines), mais j'ai une chambre seule (je pensais être à deux), silencieuse, et le lit est excellent. Tant mieux, je vais pouvoir travailler (pensé-je en imaginant déjà des heures d'ordinateur et de courrier, tout en sachant très bien que je vais dormir — parce que je n'ai plus envie de tirer sur la machine).

    Avant de me coucher je vérifie le wifi par acquis de conscience. Pour la première fois depuis que j'ai ce portable, il n'y a aucun réseau recensé autour de l'hôtel, rien n'apparaît dans la fenêtre "afficher les réseaux disponibles". Ce vide est une surprise et une curiosité.

    Préparatifs

    Dimanche : dormi une grande partie de la journée après avoir déposé O. à la gare de Yerres à 7h15.

    Lundi: rangement, ménage, jardinage, lessive, bibliothèque, achat de tongs (cassées pendant le jardinage) et d'anti-moustiques, valise. Je prends un sac de sport, il n'est pas très lourd, j'espère ne rien avoir oublié important. Je n'emmène que deux livres, Auguste Valensin et Autour de Platon (plus Alibaba), mais on m'a assuré que je n'aurais pas le temps de lire. Je vais là.

    Le sens de l'honneur et du devoir

    Nous avons fini par voir Les sept samouraïs à Montreuil, où j'ai découvert qu'étaient programmés pour l'été Grease et Les Avengers: yeah!!

    Film assez différent de mes souvenirs (un peu lointains) des Sept mercenaires: pas de tension ou de rivalité entre les samouraïs, un aspect farce qui m'a fait songer à Shakespeare.

    En sortant, A. exprime son incompréhension devant le geste de la femme de Rikichi, préférant mourir que retourner avec son mari.
    — C'est parce qu'elle a honte. Elle a été violée par les bandits, elle est déshonorée.
    — Mais pourquoi? C'est pas de sa faute.

    De même elle ne comprend pas l'attitude de Shino tout à la fin.

    La même me disait il y a quelques semaines à propos de Vacances romaines: «C'est pas un film, il n'a pas de fin, pas de happy end, rien.
    — Tu sais, les happy end, il faut les abandonner à partir d'un certain âge. Mais si, c'est une très belle fin, ils ne sont pas du même monde, elle a des responsabilités, elle représente plus qu'elle-même, elle se sacrifie par sens du devoir et conscience de sa place, et lui le comprend très bien, il l'a toujours su.»
    Evidemment, je ne l'ai pas convaincue.

    Dans le même temps je songe au prince des Asturies et à son épouse et je me dis qu'il ne serait plus possible de tourner Vacances romaines. Est-ce que pour autant mille à deux mille ans de récits sont devenus incompréhensibles?
    Ce qui me fait sourire parfois, c'est de me dire que la culture musulmane telle qu'elle subsiste encore aujourd'hui en Occident est sans doute la plus à même à comprendre "naturellement" certains textes de la littérature occidentale.


    Pour mémoire:
    Appris que la maison de mon oncle était en vente. Encore du passé qui devient définitif. J'en suis très affectée.

    Relier ses livres

    Passé récupérer le petit Taubes chez la relieur (les horaires sont plus variés qu'annoncé sur le site). Je lui laisse mes Fables de La Fontaine (édition scolaire Hatier des années 50) pour qu'elle me le relie à l'identique des Lettres de mon moulin trouvées à Mulhouse en février: que les deux piliers de mon enfance soient frères jumeaux.

    Apparemment cela va coûter une petite fortune. Ce n'est pas grave. Ce qui m'ennuie, c'est plutôt que je ne peux assurer l'avenir de ces livres: où iront-ils, qui prendra soin d'eux, à quoi bon les aimer ainsi?
    La relieur m'a demandé: «Alors, ils s'en sont rendus compte, que vous aviez des livres reliés dans votre bibliothèque?»
    J'ai été interloquée une seconde, puis je me suis souvenue que j'avais dû lui dire que je pouvais bien faire ce que je voulais avec mes livres, personne ne s'en rendrait compte à la maison. Et c'est le cas. La bibliothèque est mon manteau de cheminée à moi (allusion à La lettre volée).
    Finalement, le surprenant, c'est qu'elle se soit souvenue de ma remarque.

    J'étais venue en vélib de Saint Lazare (Saint Lazare/Caulaincourt, ça monte), je repars en vélib pour gare de Lyon, un peu au pif, en me guidant au soleil (le garder dans le dos). De Caulaincourt à République (boulevard Barbès, avenue Magenta), pratiquement pas un coup de pédale, pente douce sur une piste cyclable sur les trottoirs très larges. Il fait beau, pas trop chaud, les gens sont gais.

    H. m'a appelé vers 17 heures pour s'inquiéter de mon RER, il avait appris l'accident de train à Brétigny. Gare de Lyon à 20 heures, l'annonce était «A la suite d'un incident technique, aucun RER C ne circule». (Je prends le D).

    J'ai commencé Auguste Valensin (recueil de notes, fragments de journal, etc, mis en ordre par Henri de Lubac et Marie Rougier) après mon orgie de livres vite lus qui m'a reposée. Jean me l'avait chaudement recommandé et les premières pages me donnent l'impression de comprendre pourquoi: interrogations sur la façon d'apprendre, sur les raisons d'apprendre, sur l'humilité, l'arrogance, etc. Je trouve par exemple ceci:
    Il faut faire à fond ce qu'on fait. Le travail rapide n'est pas le travail hâtif. Il faut d'abord aller lentement, assurer les degrés… Par exemple, si j'avais bien à fond étudié Platon, de façon à le savoir, j'y aurais mis plus de temps , mais maintenant je mettrais moins de temps pour savoir Aristote, le comparer à Platon, et ainsi de suite: on met de moins en moins de temps pour approfondir. Je m'en aperçois bien pour l'allemand, que j'ai fait selon la bonne méthode: je paraissais aller lentement quand j'appenais Alibaba… j'étais tenté de cesser… les autres me devançaient… mais je suis avant eux tous: Alibaba que j'ai lu lentement me permet de lire Zeller vite. Or si sensée que cette réflexion paraisse, en pratique on s'y tient difficilement et je m'y tiens mal malgré mes résoutions.
    Auguste Valensin, p.36
    Evidemment, lui écrivait cela à 25 ans, pas à 46. D'une certaine façon c'est reposant: je peux travailler en abandonnant toute idée de compétition ou de réussite, il est trop tard, tout ce que je fais ne peut être qu'en soi, pour soi, il n'y a pas d'autre enjeu que l'avoir fait. Mais cet état d'esprit n'est pas si facile à conserver, par moment le cerveau panique.

    Je retiens Alibaba ou les Quarante voleurs, par Wagner: histoire renfermant toutes les racines allemandes et toutes les règles et exceptions de la grammaire allemande dans l'ordre grammatical (Poussielgue, 1902). Opuscule de 36 pages, précise la note de bas de page.

    Monstres Academy

    Ce n'était pas le film que j'aurais aimé voir avec O., mais ça lui faisait plaisir, alors pourquoi pas.

    Rites et traditions des campus américains, cela m'a fait pensé à Hit Girls (! je suppose qu'il est rare que les mêmes personnes voient ces deux films), dans l'ensemble c'est assez ennuyant (mais O. a aimé).

    Cependant, il aborde un sujet que j'ai rarement vu évoqué en littérature ou dans des films: le fait que le travail ne fait pas tout, il faut aussi des aptitudes (généralement, le sujet est traité dans l'autre sens: un personnage avec aptitudes qui ne travaille pas). Il s'agit donc d'un dessin animé où le personnage principal échoue. C'est inhabituel (le spectateur attend jusqu'au bout le coup de théâtre qui permettra le happy end. Il n'y a pas de coup de théâtre. La fin est réaliste, sans coup de théâtre, mettant en avant ce que rend possible le travail).

    Curieusement, je venais de finir un livre qui abordait à la marge le même sujet: Paul Fournel racontant son amour pour Anquetil: «J'avais dix ans, j'étais petit, brun et rond, il était grand, blond et mince et je voulais être lui.» (Anquetil tout seul, Points Seuil, p.12) Pour Paul Fournel non plus, il n'y aura pas de coup de théâtre. Il y aura déplacement, il découvrira la littérature.

    Privés de Kurosawa

    J'avais asticoté O. pour qu'il me rejoigne à Paris pour aller voir Les Sept Samouraïs. Il avait fini par accepter, in extremis. Rendez-vous rue Champollion pour la séance de 17h20.
    J'arrive la première et découvre que je me suis trompée: c'était 20h20, la séance de 17h était à 17h05. Trop tard pour ce film dans cette salle, je cherche des films visibles (ie, susceptible de plaire à O.) à 18h, je trouve un autre Kurosawa au Grand Action ou un "film noir" à l'Action Christine. Je donne le choix à O. quand il arrive, il choisit le Kurosawa.
    En arrivant devant l'Action Christine, je découvre que j'ai interverti les cinémas.

    Il y passe également un festival Jerry Lewis, et O. préfère cela à un film noir. C'est ainsi que nous avons vu Un galop d'enfer. Plaisant. J'ai toujours peur du genre comique, certains films ou séries me mettent très mal à l'aise. Jerry Lewis est attachant car gentil, benêt.

    Vocabulaire

    J'ai offert à Noël à mon beau-père Loin des villes proches des gens, le livre tiré du blog du docteur Borée. Il me l'a laissé après lecture pour que je le lise à mon tour. J'en fais une lecture décousue, éparpillée. Ce week-end je suis tombée sur la définition de "fatigué":

    Là où vous vivez, je ne sais pas. Mais dans la ville où j’ai grandi, quand on dit « Je suis fatigué », ça veut dire qu’on est fatigué.
    Par là, on signifie généralement à son interlocuteur qu’on manque de sommeil. Parfois, il faut l’entendre comme une fatigue physique, un besoin de récupération. Parfois, enfin, un manque de dynamisme et d’énergie.
    Ici, non.
    Enfin… pas toujours.
    Ici, la traduction la plus proche possible de « Il est fatigué », ce serait « Il n’est pas bien ».
    Admirez la précision.
    A vrai dire, ça peut aller de « Il-a-un-petit-coup-de-pompe-mais-rien-de-bien-méchant » à « Il-est-carrément-en-train-de-claboter ».

    Dr Borée, Loin des villes, proches des gens, éditions City, 2012, p.27
    Ça m'a fait rire. Je connais d'autres mots comme ça, par exemple "courageux". Courageux, c'est celui qui n'a pas peur de travailler, celui qui n'est pas paresseux. C'est aussi celui qui ne se laissera pas abattre par l'adversité. «Il n'est pas courageux» est un jugement sans appel qui vaut condamnation. Ce serait une bête, il n'y aurait plus qu'à l'abattre, et on sent bien que l'envie n'est pas loin: que faire d'un "pas courageux", comment résistera-t-il à la vie?

    Il y a aussi les mots qui n'existent pas, comme "s'amuser". Le plus proche est le "va jouer dehors" adressé aux enfants dont le vrai sens est "arrête de traîner dans mes jambes". Par ailleurs, jouer n'est pas s'amuser, que ce soit aux boules, à la belote ou au tarot. Jouer est sérieux, nécessite de l'application et suppose une progression. S'amuser n'existe pas; "l'important c'est de se faire plaisir" (comme je l'entends régulièrement à l'aviron) est une phrase qui me paraît toujours ironique, au second degré, il faut que j'observe soigneusement le locuteur pour me convaincre qu'il n'est pas en train de se moquer, d'imiter un gimmick qu'il trouve ridicule: eh non, il est sérieux. J'en reste toujours un peu perplexe: comment, ils viennent s'amuser, pas s'entraîner, progresser, s'améliorer? (qu'il y ait du plaisir dans tout cela est un by product qu'on n'évoquera jamais, par pudeur, ne serait-ce qu'à cause de la dimension doucement masochiste de ce plaisir (qu'est-ce qu'on en bave!))
    Et c'est pourquoi, à cause de formatage et de vocabulaire, je suis non miscible avec des rameurs ayant commencé l'aviron adultes.

    Week-end

    - Samedi
    Star Treck en famille. Un peu décevant. Puis des courses (aux Halles un samedi, une idée de l'enfer, mais de toute façon avec les départs en vacances, ce n'était pas plus idiot qu'ailleurs). Chaussures de montagnes, chaussures de bateau, anti-moustiques, lampe frontale, machine à laver le linge, thés.
    Il fait enfin beau.
    Départ demain à l'aube de C. pour sa colo jusqu'au 17. Je ne serai pas là à son retour, et il repartira en mon absence. Nous avons malgré tout réussi à nous quitter sur une dispute.

    - Dimanche
    FB, marché, sieste pendant que H. passe la terrasse au karcher avec André, apéro de 17 heures à barbecue tard dans la nuit.

    Nuances

    — Ça a l'air d'être un rigolo.
    — Oui, il est fun mais il n'est pas drôle.


    ------------------
    Pour mémoire : A. a son bac.
    Sortie en quatre sans barreur avec Emmanuel. J'ai blessé Pascal.

    A Rochechouart

    Impossible de me souvenir exactement de l'origine du projet, une engueulade, un regret, en tout cas le rendez-vous était pris depuis longtemps: «ne sois pas jaloux, Jacques, nous allons venir te voir.»

    Et c'est ainsi que nous partîmes de bon matin pour Rochechouart voir un ami FB (deux, finalement) inconnu IRL.

    En passant à Vierzon j'émets le souhait de passer devant la ferme de mes grands-parents (la dernière fois dois remonter à 2003), nous nous trompons de sortie et nous nous retrouvons, pas tout à fait par hasard, à Brinay. Les fresques sont là, et les rosiers au dehors, et les beaux manoirs, ou maisons de maître, ou "châteaux". Tout est si calme et si bien entretenu sous le ciel gris et la bruine qui hésite.
    A la sortie nous discutons avec une dame du village, qui nous dit tout de go en réponse à une question: «Cela appartenait à la baronne de Neuflize qui a vendu ses propriétés à ses manants».
    Aucune hésitation dans l'utilisation du mot, très naturel. J'en suis enchantée, impression de glisser vers Proust et Balzac.
    Nous apprenons au passage que des cars emplis de Japonais parviennent jusqu'à ce coin reculé du Berry, j'en suis enchantée: les Japonais auront vu un coin de la vraie France, c'est tout de même autre chose que le boulevard Haussmann.

    Nous reprenons la route. Vierzon, la ferme donc (et en passant l'église bizarre où furent enterrés mes grands-parents). Les marronniers de la ferme n'ont pas été coupés (j'aavais rêvé qu'ils étaient coupés, j'avais rêvé aussi qu'il y avait eu un glissement de terrain au ras de la ferme, etc, etc); il y a des volets en plastique aux fenêtres de l'étage, nous ne voyons pas le bas de la maison caché par le portail, je ne veux pas m'approcher pour ne pas déclencher l'aboiement des chiens. Mais tout paraît à peu près inchangé, je suis rassurée. La mare est est très verte, mais visiblement inutilisée. Nous repartons. Il paraît qu'il devrait y avoir une ligne entre la Chine et Châteauroux, que des investisseurs chinois voudraient s'installer à Châteauroux. Si cela devait se passer, je me demande combien de temps ils résisteraient à la loudeur de la législation française. La Souterraine, déserte, (un sandwich), Le Dorat, magnifique collégiale à l'extérieur rébarbatif mais l'intérieur très équilibré. Ici se trouvent les reliques de saint Israël (saint Israël?) et saint Théobald. Cependant la collégiale s'appelle saint Pierre-aux-liens. Nous montons un peu dans la ville. Elle paraît à l'écart du temps, inchangée, pas d'enseigne moderne en plastique, pas de parabole, une impression d'années 50 ou 60. En vitrine chez un commerçant, une affiche annonce fièrement un concours international de tone de moutons (six nations) pour le week-end prochain (nous ne serons plus là). Il bruine par moments.

    Bellac sous le soleil. Nous trouvons sans peine la maison de Giraudoux, dont l'harmonie dans les verts est gâchée par une pancarte rouge vif maison des illustres. Je découvre ce label créé par Frédéric Mitterrand et je me dis que 1/ RC est décidément beaucoup plus lu et écouté qu'il ne le croit dans les cercles intellectuels et politiques (ce qui explique d'ailleurs qu'il n'ait pas "le succès de Dieudonné": on attend/attendait autre chose de lui) 2/ si tous ces hommes de pouvoir ou d'influence avaient confié un musée ou une galerie à RC, le gâchis aurait été évité (il en sont donc partiellement responsables). Enfin bon, c'est trop tard.
    Nous tournons dans Bellac à la recherche d'un monument aux morts que nous ne trouverons pas. Eglise, pancarte du lieu où fut écrit «La mouche du coche», monument dédiée aux six héroïnes de Giraudoux (nous n'identifions qu'Electre).
    La vilel est jolie, pimpante, en travaux: elle prépare le festival de théâtre et d'autres festivités.

    Prochaine étape Mortemart. Château des ducs. Mais nous sommes venus chercher autre chose, les éditions Rougerie. Le cafetier les connaît, nous indique l'adresse. Pas de plaque, aucune indication sur la maison. Les visiteurs ne sont pas désirés. Nous sonnons. Un chien aboit. Personne, ou personne qui souhaite être vu. Il est déjà tard, nous devons être à six heures à Rochechouart, il faut partir (d'autres détours que j'ai oubliés nous tentaient, trop tard, trop tard).

    Rochechouart, j'ai un choc en apercevant le château, il est magnifique, l'archétype des châteaux forts, mais sans le côté mal dégrossi.
    Jacques, Annie, Sun. Apéro au Morgon et au boudin aux châtaignes (un régal, j'en aurais bien ramené à la maison (mais il fallait aller à saint Yrieix (je crois) pas le temps, pas le temps). Conversation à bâtons rompus, Rochechouart est construit sur une métorite ce qui a des conséquences sur la réception du téléphone, cigares (ce n'est pas un peu dangereux, la cigarette, quand on est branché sur oxigène?)
    Repas au restaurant, retour, Annie nous accueille à Surris, c'est en Charentes et non plus en Haute-Vienne, Annie est la Charentaise la plus fervente que j'ai jamais vue (mais je n'en n'ai pas vu beaucoup).

    Paradoxe spatio-temporel

    A : — Et donc en conclusion de ma dissert j'ai dit que bien que Rousseau parle comme Yoda…
    V : — Plutôt l'inverse, non? Yoda parle comme Rousseau?
    O : — Ça dépend. Après tout c'est dans une galaxie lointaine…

    Dernier cours

    Dernier cours ce soir. Un pique-nique improvisé est prévu à partir de 19 heures, mais je préfère aller au cinéma (c'est aussi ce que je faisais le mercredi avant les cours d'islam).

    Broken city, très bien.

    A la fin du cours, nous avons la surprise d'entendre O.Artus nous dire : «C'était la première fois que j'enseignais en Cycle C, je suis admiratif que des laïcs ayant une vie professionnelle s'investissent ainsi en théologie, je vous félicite.»
    Nous le remercions. (Mon opinion est que c'est un grand timide, tenant ensemble beaucoup d'humilité et une grande assurance.

    Un monde qui tourne peu rond

    Aviron. Tee-shirts pour les quatre fils de Léopold. La Valse des caïmans de la troupe Green Paradise. Pièce déjantée et "fait maison", choix très éloigné de l'année dernière qui était lui-même très différent de celui de 2011.
    Intéressant renouvellement, je me demande ce que sera leur choix l'année prochaine.

    En sortant, un viet à Bellevile, à recommander (pièce minuscule, décoration inhabituelle (pour un viet), cuisine présentée avec soin).

    H. revient de Tours. Il est hagard. Il me raconte sa semaine : «En fait, ce n'était pas très différent de la pièce. Je reçois un mail d'un inconnu, "J'arrive lundi, il est inutile de prévoir une voiture de fonction. Je viens avec trucmuche, il est d'accord, nous serons deux, la passation des connaissances est assurée". J'appelle Benoît, "C'est qui ce type, t'as embauché quelqu'un sans m'en parler? — Mais non pas du tout". Le type avait pété les plombs, comme nous avions racheté le produit sur lequel il travaillait, il avait décidé de venir travailler chez nous. On a reçu des mails toute la semaine; vendredi il s'est excusé comme s'il se réveillait.»

    Plus tard :
    — Elle nous a dit que son mari avait acheté un ballon. Nous, on a commencé à délirer, ah ouais, cool, les passes dans le salon…
    — …
    — mais en fait c'était un vrai ballon, un Zeppellin.

    Et un collaborateur à l'hôpital, un divorce pour cause d'indiscrétion FB (le triste de l'affaire, c'est le bébé de six mois), un prototype de puce perdu, un logiciel qu'on n'arrive pas à installer («Je te jure, ils étaient trois spécialistes, pendant trois heures devant l'écran, ils ont tous, je dis bien tous, cliqué sur "non" quand la fenêtre posait la question "Voulez-vous installer ce logiciel?" Il était temps que la semaine se termine.»)

    Matinée déroutée

    Comme l'école du plus jeune est en travaux, il doit passer le brevet des collèges dans un établissement inconnu, près de République. Je l'accompagne mais ne peux juger de la dalle mouillée de la nouvelle place puiqu'il pleut.

    (Révision deux jours avant au cours du dîner:
    Moi: — Tu dois te relire trois fois, en te consacrant à chaque fois sur un contrôle particulier, lesquels?
    O. — L'accord du sujet et des verbes
    Moi: — Oui
    O. — L'accord des groupes nominaux
    Moi: — Qu'est-ce que tu veux dire?
    O. — Le féminin, le pluriel, les adjectifs
    Moi: — Oui. Et?
    O: — Euh…
    Moi: — les é "é" et les é "er". Quel le truc?
    O: — On remplace par dormir ou endormir.
    Moi: — OK.
    Moi: — Et j'en ajoute un dernier, contrôler futur et conditionnel. Comment tu fais ça?
    O. — …
    Moi: — En changeant de personne: il fera, il ferait.
    C. — Ou alors, tu vérifies si tu peux mettre un subjonctif imparfait derrière. Si oui, c'est du conditionnel.)

    Je m'inscris à l'ICP pour l'année prochaine. Soudain j'ai peur, l'année me fait peur, le programme m'effraie, j'ai l'impression que je n'y arriverai jamais. Je demande à m'inscrire également en allemand théologique à l'institut protestant (il existe un partenariat), je ne suis pas sûre qu'ils me prennent et s'ils acceptent, je ne suis pas sûre d'avoir le niveau.

    Deux examens médicaux, tout est normal, je n'en ai jamais douté (je suis venue ici il y a un mois avec une question, j'ai écopé de trois examens sans rapport avec ma question mais leur permettant de m'inscrire dans leur foutues petites cases "prévention", et je repars avec ma question à laquelle personne n'a essayé de répondre. Je ne pense pas revenir avant six ans, à quoi bon? Ils n'écoutent pas, leurs préoccupations ne recoupent pas les miennes.)

    Bibliothèque. Beauchamp. Le soir La marque des anges.

    Racines

    Invité récemment dans un talk-show de la télévision tchèque, j'ai cité le poète polonais Norwid —"la Pologne, ce n'est que de la mémoire et des tombes"—, ce qui a provoqué un éclat de rire chez le public praguois du Théâtre Semafor, où l'émission était enregistrée, comme s'il s'agissait d'une bonne blague. On croyait sans doute que j'avais préparé cette plaisanterie pour la fin. Or il s'agit d'une vraie citation, et qui en dit long sur les Polonais.
    […] Durant les siècles de l'histoire polonaise, nous avons passé le plus clair de notre temps à lutter pour notre liberté, à défendre notre patrie en mourant par milliers. Par conséquent, les Polonais sont bien meilleurs pour célébrer les enterrements et les défaites que pour fêter les succès.

    Mariusz Szscygieł, Chacun son paradis, p.208 (Actes Sud, 2012)


    L'étrange quand je lis cela, c'est que j'ai l'impression que cela fait davantage référence à la famille de ma mère qu'à celle de mon père. A croire que c'est peut-être une chose qui les a rapproché, souterrainement.

    Une exposition et une librairie

    Vu les Macchiaioli, très agréables (sans compter le plaisir de revoir les tableaux de l'Orangerie). J'aime particulièrement les petits tableaux très allongés peints sur bois. J'essaie d'imaginer le monde en croisant les photos noir et blanc et les tableaux colorés du XIXe siècle, (un jeu commencé depuis une visite à Auvers/Oise et le film diffusé à côté de la chambre de Van Gogh), mais c'est difficile: pas de doute sur les fleurs, le soleil, le ciel, les arbres, mais les tissus, étaitent-ils si blanc, si bleu, si rouge?

    Puis nous allons à la la librairie polonaise, je veux trouver des Szscygieł il n'y en a nulle part, nous remontons la rue Bonaparte, photos de Marie Curie et Einstein à 1800 euros dans une galerie ça me tente, nous trainons à la Hune qui a presque pris la place du Divan (il y a longtemps) (pas de Szscygieł), il ne pleut pas.

    Nous arrivons à la librairie polonaise dix minutes avant la fermeture. Nous ne connaissons aucun nom présent sur les étagères, ou presque. C'est impressionnant, un peu vexant. Exaltation d'un monde à découvrir, c'est l'appel du large version librairie. (Comprendrons ceux qui savent). Les deux Szscygieł parus aux éditions Actes Sud sont en pile: «Il était là le premier juin, il est resté toute la journée.» Pincement de regret? Non, pas vraiment, en fait je ne tiens pas à croiser les auteurs, je n'ai rien à leur dire.
    Nous achetons quatre Szscygieł, trois Gottland et un Chacun son paradis.

    Un an

    D'une AG à l'autre : un an que je suis dans ce poste. J'en ai encore pour quelques mois avant de me lasser, c'est varié.

    La seule chose qui m'ennuie, c'est que nous allons déménager et passer du plus beau bureau de l'immeuble à l'un des pires, très sombre et orienté au nord. Tenir quatre ans, c'est environ le temps qu'il s'est toujours écoulé entre deux déménagements depuis que je suis dans ce groupe.

    Remise des prix

    Des catégories un peu inattendues (prix de l'amitié, prix du CDI, etc).

    Claude a reçu le prix de la bibliothèque pour la variété de ses lectures et de ses centres d'intérêt. Cela me fait tellement plaisir pour tant de raisons différentes, à commencer par sa tendance à se dénigrer et à se comparer à ses frères.

    Je suis contente, c'est la pianiste qui accompagnait la pièce de théâtre à la façon d'un film muet qui a été récompensée dans la troupe (cela a dû être difficile de choisir!).

    Plaisanterie entre apprentis exégètes

    O. Artus pendant le cours: «Wénin a fait le choix d'une lecture totalement synchronique et souvent psychanalytique, mais il ne faut jamais oublier qu'il connaît la Bible en hébreu par cœur.»

    A la sortie, nous nous interrogeons:
    — Ce n'est pas de la fausse modestie de la part d'Artus?
    — Non, lui est spécialiste du Pentateuque, pas de la Bible en son entier.
    — Ah oui, ce doit être ça : lui ne connaît que le Pentateuque par cœur, en hébreu, en hittite et en akkadien.

    Sud immobile

    Dans le bus, Jean-Pierre, breton, me confie ses réflexions sur le sud.

    — Je suis restée chez ma belle-mère à Nîmes quinze jours et à la fin, je m'ennuyais. C'était toujours bleu. Le sud ne change jamais, le ciel est toujours bleu, la mer est toujours à la même place, le matin on sait à quoi va ressembler la journée. J'avais envie qu'il se passe quelque chose.


    Et cette réflexion fit apparaître devant mes yeux Turner et Gauguin, Monet et Matisse, mouvement et immobilité, «mais c'est bien sûr!», tout s'expliquait.

    Le Lot

    Ramé toute la journée dans une harmonie de verts, vert des pentes et vert de la rivière.

    Temps couvert le matin, moins couvert l'après-midi. Coups de soleil. Au fur à mesure de la journée, je me souviens qu'après la dernière randonnée de ce genre (sur la Seine?) je m'étais dit que je n'en ferais plus. Et je me souviens de la raison: le côté colonie de vacances pour adultes n'est vraiment pas mon truc, je n'arrive pas à entrer dans cette ambiance, je suis toujours à un poil de protester ou de me moquer.
    Et je suis déçue que nous soyons moins attachés à réaliser "un beau bateau" qu'à prendre des photos en se plaignant du temps:

    — Mais pourquoi? C'est intéressant la pluie, c'est différent.
    — Oui, mais c'est moins beau pour les photos.

    Voyager pour photographier est hors de mon champ de pensée.

    Cahors

    Rendez-vous à 10 heures à Neuilly. Descente à Cahors pour deux jours d'aviron.
    Je dors, je lis et je conduis, dans cet ordre-là.

    A l'arrivée, interloquée par les réactions de mon compagnon de route, qui s'esbaudit sur Cahors comme s'il n'avait jamais vu une ville de province française. («Et c'est bôôô», songé-je à Coluche, Dominique et Olivier). Et de râler contre le temps «parce que c'est moins beau sur les photos».

    Fête de la musique (oups!). Cadurciens charmants, restaurant qui nous ouvre sa terrasse (il était complet) après avoir constaté en quelques coups de fil que nous ne trouverons pas de table pour huit dans tout Cahors.
    Je bois beaucoup, et le Cahors ne fait pas mal à la tête.

    Films vus en 2013

    Au cinéma
    Comme je commence cette liste le 19 juin, elle n'est ni dans l'ordre ni exhaustive.
    Je donne ma critique en ayant conscience de davantage me définir que définir les films.

    - Christopher McQuarrie, Jack Reacher - avec Tom Cruise - C'est mauvais.

    - Ben Affleck, Argo - Travail consciencieux. Suspense et histoire. Impression de revivre un morceau d'enfance.

    - Kathryn Bigelow, Zero Dark Thirty - embarrassée. Est-il normal de nous montrer cela? Cela ressemble à de la propagande. Et la mort de Ben Laden reste à mes yeux un assassinat (j'aurais préféré un tribunal).

    - Tommy Wirkola, Hansel et Gretel - un conte steampunk. C'est surtout que je trouve Gemma Aterton irrésistible.

    - Sam Raimi, Le Monde fantastique d'Oz - cette fois-ci, c'est Mila Kunis qui est très jolie.

    - Dustin Hoffman, Quartet - déçue. Sans intérêt. Le meilleur moment est le générique de fin.

    - Justin Zackham, Un grand mariage - Pourquoi suis-je allée voir cette bouse? En réalité, je n'aime pas les comédies américaines. Elles se ressemblent toutes.

    - 13 avril - Philippe Godeau, 11.6 - A voir absolument. Le film (français) qui aurait dû devenir célèbre (critique sociale, force de caractère et ironie d'un homme. Décapant).

    - John Moore, Die Hard IV - Nooonnn!!!

    - Jeff Nichols, Mud - Bof, j'avais préféré de loin l'excellent Take Shelter.

    - Margarethe Von Trotta, Hannah Arendt - une introduction comme une autre si vous ne connaissez ni le sujet ni l'auteur. Dans le cas contraire, dispensable, mais dans le cas contraire, vous aurez envie de voir un film sur Arendt.

    - Jason Moore, Hit Girls - Pourquoi pas. Mais bon.

    - Nicolas Philibert, La maison de la radio - j'aurais aimé être sans réserve. Mais pourquoi si peu d'explications? Le concept de Microcosmos a ses limites, je suis fatiguée de le voir appliqué systématiquement.

    - Steven Soderbergh, Effets secondaires - sans intérêt.

    - Wong Kar-Wai, The Grandmaster - j'ai beaucoup aimé. Romantique et mélancolique dans un sens qui me convient.

    - Ann Hui, Une vie simple - même acteur. Un film qui sonne juste.

    - Gus Van Sant, Promised Land - ennuyeux et peut-être nécessaire (dommage qu'il soit ennuyeux). J'aime les paysages au cinéma (Tu l'as déjà dit, Charles).

    - Joseph Kosinski, Oblivion - SF avec Tom Cruise. Un bon film commercial comme savent en faire les Américains. L'amour triomphe des méchants. La justice triomphe du mal.

    - Juan Solanas, Upside Down - plein de bonne volonté. Mais vraiment trop sucré, trop incohérent et trop prévisible. (sans compter que physiquement, cela ne tient pas la route: pour qu'il y ait gravité, il faut que les masses tournent, on ne peut donc établir des immeubles entre les deux.)

    - Shane Black, Iron man III - Pas vu le II. Meilleur que le I. A voir, je crois.

    - David Lean, Le pont de la rivière Kwaï - Incontournable.

    - Germinal Alvarez, L'autre vie de Richard Kemp - Polar légèrement SF tout à fait honnête.

    - Nicolas Winding Refn, Only God forgives - Bon, très bon, même (mais je comprends qu'on en n'ait peu parlé : plutôt dérangeant).

    - Jan Ole Gerster, Oh Boy - Le meilleur vu cette année.

    - Barry Levinson, The Bay - Fort. Une catastrophe écologique tournée à la façon de Cloverfield (l'histoire d'amour en moins). A voir. Si les cinéastes américains commencent à s'emparer de ce sujet, nous nous en sortirons (je crois beaucoup aux films américains comme instruments de propagande).

    - 24 juin - Mohamed Hamidi, Né quelque part - les scènes de groupes drôles, joyeuses, les scènes centrées sur un acteur plus maladroites. Evite les trop gros clichés, ne moralise pas. C'est déjà ça. Film pas très bon en tant que film, mais pour lequel il est possible d'être indulgent sans se sentir démagogue.

    - 27 juin - Sylvain White, La marque des anges - Miserere. Dommage que la bande son ne soit pas davantage soignée, il y avait pourtant matière. C'est un bon polar; ce qui m'agace, c'est le manque d'attention aux détails. Il n'est pas possible qu'une danseuse classique professionnelle habite dans un tel taudis avec Depardieu dans de tels vêtements. C'est agaçant ce manque de cohérence. Deuxième film en peu de temps avec éclatement des tympans (L'autre vie de Richard Kemp).

    - 1 juillet - Allen Hughes, Broken City - Très bon polar noir, de facture classique. Particulièrement recommandé aux amoureux de New York (pour tenter de reconnaître les différents lieux).

    - 2 juillet - Chris Wedge, Epic: La Bataille du royaume secret - Très joli.

    - 6 juillet - J.J. Abrams, Star Treck - Into Darkness - Mon premier Star Treck. Je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi impulsif et affectif; c'est presque une apologie du cœur contre la raison. L'intrigue est mince.

    - 8 juillet - Marc Forster, World War Z - Ils m'agacent à la fin avec leur "il faut protéger ma famille". Film sans intérêt. Pourquoi continué-je à aller voir ce genre de truc? Parce que je sais que de temps en temps il y en a un bon, et que celui-là vaut le déplacement (ex: les Bourne avec Matt Damon). Il faut que je développe mon sixième sens pour détecter les bons.

    - 9 juillet - Alain Resnais, France, L'année dernière à Marienbad - Dormi une partie de la séance. Noté malgré tout les répétitions (comment ne pas les remarquer!) et les transformations qui inversent les dialogues des personnages, font passer les mêmes phrases de l'un à l'autre. L'invention de Morel est-elle une source de la diégèse ou de la mise en scène?

    - 10 juillet - George Marshall, Un galop du diable - Le charme de Jerry Lewis est son innocence.

    - 11 juillet - Dan Scanlon, Monstres Academy - Ennuyant. Cependant, pour une fois, un film sur les vocations qui échouent non par manque de travail, mais par manque de dispositions naturelles. C'est rare.

    - 27 juillet - Tobias Lindholm, Hijacking - Pas mal. Pas de défaut objectif mais pas non plus enthousiasmant. Un film sur l'attente, l'attente qui dure, sans autre événement que l'attente… Pensé à (pensée pour) la famille enlevée en Afrique avec des jeunes enfants.

    - 29 juillet - Thomas Arslan, Gold - Dead Man par la musique, Aguirre par la folie qui naît dans et par la nature. Des paysages grandioses, une histoire relativement prévisible au fur à mesure qu'elle progresse. Difficile d'écrire "plaisant" pour ce film austère, mais quelque chose de cet ordre malgré tout.

    - 31 juillet - Javier Gorleri, Fraternellement - Y a-t-il une "esthétique hispanique"? j'ai l'impression de toujours retrouver cette tension extrême entre des personnages prêts à s'entretuer (Mes chers voisins) ou tout au moins à profiter des faibles (Les vieux chats). Bref, un film intéressant, dont on découvre sans surprise au générique de fin qu'il s'agissait à l'origine d'une pièce de théâtre.

    - 2 août - Insaisissables - Scénario trop en surface, pas assez travaillé, trop simpliste après avoir donné l'impression (l'espoir) d'un deuxième ou troisième degré.

    - 8 août - Noah Baumbach, Frances Ha - Le film new-yorkais qui veut avoir l'air new-yorkais. Le film intelligent qui veut montrer qu'il est intelligent dans sa fantaisie. Tout cela m'ennuie. Je me suis ennuyée. C'est en fait l'exact inverse de Oh boy: un personnage a priori aimable qu'on se prend à détester.

    - 12 août - Claire Denis, Les salauds - Je me suis ennuyée pendant, j'ai été écœurée à la fin. Tout est illogique, ce n'est plus de la suspension d'incrédulité qu'il faut au spectateur, c'est la perte de tout bon sens ! (le médecin qui constate qu'il faudrait recoudre et réparer le vagin d'une mineure ne lance aucune alerte ? l'oncle auquel on dit ça ne cherche pas une explication à tout prix? C'est quoi ces gens? ou alors c'est un conte. Mais qui rime à quoi?). Par ailleurs trop de gros plans m'évoquent toujours Gulliver chez les géants et sa descriptions des pores de la peau.

    - 13 août - Billy Wilder, Témoin à charge - Allez-y.

    - 16 août - Gore Verbinski, Lone Ranger - Une bonne surprise. Une bande-son intelligente, de belles cascades ferroviaires.

    - 19 août - Joss Whedon, Les Avengers - Chic, je l'ai enfin vu au cinéma. Et je l'ai enfin vu en entier, je me suis toujours endormie quelques minutes (différentes à chaque fois) devant le DVD. J'aime beaucoup Mark Ruffalo.

    - 20 août - Neill Blomkamp, Elysium - Très dispensable (une proposition de C. Nous n'avons pas dit non.) Je vais faire lire Le Meilleur des mondes et 1984 aux enfants.

    - 24 août - Ferzan Özpetek, Magnifica Presenza - Film tendre, tout en douceur.

    - 25 août - Billy Wilder, Sept ans de réflexion - Marilyn un peu trop idiote, le tout un peu trop léger, mais de bonnes répliques. Indispensable une fois.

    - 3 septembre - Henri Decoin, Razzia sur la chnouf (1955) -

    - 4 septembre - José Giovanni, Dernier Domicile connu (1970) - Paris en 1970 (22 rue des couronnes), et Marlène Jobert comme un moineau courant, voletant, derrière Lino Ventura. Un film triste, sans espoir.

    - 10 septembre - Claude Sautet, Classe tous risques (1960) - Ambiance familiale, monde sans pitié et trahison. Belmondo et Ventura.

    - 27 septembre - Nurith Aviv - Annonces (2012) - Mais où et comment trouve-t-on des femmes pareilles?

    - 27 septembre - Xabi Molia, Les Conquérants (2013) - C'est bien. Logique, drôle (Marcel Gauchet cité aux footballeurs…), beaux morceaux de France, pas de pathos, pas de "message", sauf qu'il faut continuer.

    - 4 octobre - Andrei Konchalovski, Runaway Train - Beaucoup aimé.

    - 11 octobre - Denis Villeneuve, Prisoners - Fort.

    - 13 octobre, avec H. à Yerres - Emmanuelle Bercot - Elle s'en va - Catherine Deneuve joue mal, le jeune garçon joue bien, c'est un plaisir de retrouver Claude Gensac. Le deuxième personnage principal est la France, les routes de France. J'ai aimé.

    - 16 octobre - Sharon Bar-Ziv, Room 514 - Trop elliptique, trop de choses, d'allusions, de non-dits, que je n'ai pas compris. Je remarque que les distances spatiales acceptables entre les personnes semblent bien inférieures à celles qu'on respecte en France.

    - 18 octobre - Woody Allen, Blue Jasmine - Bof. Plus que bof. La seule chose qui pourrait m'intéresser est le coup de théâtre de la fin, l'aspect "karmique" de la situation (qui me rend encore plus insupportable cette femme, incapable de supporter ce qu'elle a elle-même provoqué. Capricieuse, c'est précisément le mot. Capricieuse. Cela m'intéresse aussi peu que la jalousie.)

    - 25 octobre - Marc Boreal, Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill. Vu ce film par erreur, je n'avais pas compris que c'était un dessin animé. Ce n'est pas mal du tout, charmant, mais bon, un peu déçue, j'aurais préféré voir autre chose.

    - 26 octobre - Albert Dupontel, 9 mois ferme - Excellent, jamais trop poussé tout en restant dans l'extravagance Dupontel.

    - 31 octobre - Bong Joon Ho, Snowpiercer - Heureusement surprise. Le début a un air de Ferme des animaux (la révolution), nous avons ensuite Prométhée (le feu), une remontée vers le paradis perdu, et je ne spoile pas davantage. Ecologique dans son genre, qui pose le problème vital de l'écosystème.

    - 1 novembre - Jean-Luc Godard, La Chinoise (1967) - Film indécidable.

    - 8 novembre - les frères Coen, Inside Llewin Davis - Le pendant masculin de France Ha. A croire que le passage n'est plus de l'enfance à l'âge adulte, mais de l'âge adulte à l'âge adulte. On s'ennuie.

    - 11 novembre - Alfonso Cuarón, Gravity - Dans le genre palpitant, je préfère Stallone combattant le Vietcong avec un cure-dents. Mais bon, pourquoi pas. C'est vrai que s'agissant de paysages à couper le souffle, je préfère Hubble. De l'espace comme la mer: l'aide n'a pas de frontière, chacun doit assistance à un navire en détresse.

    - 14 novembre - Christophe Offenstein, En solitaire - De très belles images, mais je suis déçue. Un solitaire sans solitude, un film qui manque d'âpreté, qui n'est pas assez dépouillé. Il est réduit à un téléfilm. Je songe à Gordon Pym (épuisement de toutes les péripéties possibles) et à Conrad (Souvenirs, barrer son bateau à l'oreille (le vent dans la voilure), la mer sans gratitude, féroce, dangereuse).

    - 30 novembre - Claude Lanzmann, Le dernier des injustes. Lui aura droit à une entrée sur VS, quand j'aurai le temps.





    DVD et vidéos
    Liste commencée pendant l'été.

    - 5 août - Otto Preminger, Laura

    - 5 août - Alfred Hitchcock, Agent secret

    - 5 août - Don Siegel, Evadé d'Alcatraz

    - 17 août - Oliver Hirschbiegel, La Chute - Un film plutôt mauvais, en fait, qui ne vaut que parce qu'on sait que la secrétaire a été témoin à 25 ans: nous voyons quelque chose qui a dû se passer à peu près comme ça. Nous touchons un reflet de la vérité. Il faut maintenant que je regarde l'interview de la vieille dame.

    - 18 août - Jonathan Lynn, Mon voisin le tueur - un film familial que nous connaissons par cœur. «— J'essaie de faire souffrir le moins possible. - Moi aussi.» «Vous avez tué dix-sept personnes et vous trouvez que ma femme n'a pas un bon fond?»

    - 21 août - les frères Wachowski, Bound - vidéo d'une qualité lamentable, mais film beau (par la beauté d'une actrice) et éprouvant. La première fois que je l'ai vu, c'était en rentrant de l'enterrement de mon grand-père, mars 1997. Mais qu'avions-nous fait des enfants? Je ne sais plus.

    - 22 août - Joseph Cedar, Footnote - C'est très fort: une enquête philologique inattendue (je veux dire qu'on ne l'attendait pas, au bout de trois quart d'heure de film). Bande-son magnifiquement adaptée.

    - 26 août - DVD accompagnant La Chute: interview de Traudl Junge, la secrétaire d'Hitler (Dans l'angle mort) et début de celui d'un des gardes du corps encore vivant, Rochus Misch.
    Philippe de Broca, Le Magnifique en famille (à cause de Sept ans de réflexion) puis L'As des as (Gérard Oury) pour faire plaisir à A. Je crois que je ne peux plus regarder de fiction sur le sujet, surtout en ayant vu l'interview de la secrétaire d'Hitler le matin même.

    - 27 août - Mike Newel, Donnie Brasco - Palpitant. Le problème, c'est que devant les DVD je bricole, donc je ne suis jamais totalement concentrée.

    - 28 août - Clint Eastwood, Impitoyable

    - 30 août - David Fincher, The Social Network

    - 31 août - Henri-Georges Clouzot, Quai des orfèvres

    - 1 septembre - suite du DVD accompagnant La Chute: fin de l'interview de Rochus Misch et début de celui de l'aide de camp Bernd Freytag von Loringhoven.

    - 8 septembre - Emil Weiss, Yeshayahou Leibowitz - Il faut que je le transcrive. C'est difficile d'écouter un film en hébreu.

    - 12 septembre - Jean-Luc Godard, A bout de souffle, partiellement (j'ai dû aller chercher Olivier).

    - 13 septembre - Henri-Georges Clouzot, Le Corbeau

    - 14 septembre - John Sturges, Les Sept Mercenaires - Je dois avouer que j'ai toujours eu un béguin pour Bronson (Belmondo était ce qui approchait le plus Bronson en version française) puis Stanley Kubrick, Docteur Folamour.

    - 15 septembre - fin d'A bout de souffle - C'est vraiment très beau, visuellement très beau, + charme de l'accent de Jean Seberg. Evidemment cœur serré à regarder Jean Seberg. Je me souviens de l'annonce de sa mort, entendue à la radio. Peut-être était-ce à cause de Romain Gary et de La vie devant soi, dont l'anecdote m'avait tant frappée.

    - 20 septembre - Pablo Giorgelli, Les Acacias - Mais comment ont-ils fait avec le bébé ? C'est bien.

    - 22 septembre - Robert Thalheim, Et puis les touristes - ce film si tranquille, tellement "en retrait de la main", m'impressionne toujours autant. Il représente pour moi toute la soif de la jeunesse de l'est et l'atonie de celle de l'ouest.

    - 26 septembre - Marc Rothemund, Sophie Scholl, les derniers jours (toujours Marc qui me poursuit).

    - 29 septembre - Frank Darabont, La ligne verte (1999).

    - 4 octobre - John Huston, Le Faucon Maltais (1941).

    - 6 octobre - Alain Berbérian, La Cité de la peur (1994). avec O. qui voulait le regarder parce que ces copains en parlent tout le temps. C'est nul mais c'est fait pour.

    - 8 octobre - Fabián Bielinsky, Les 9 Reines (2000). Je l'avais vu à Toulouse quand je passais le DEUG de philo, je voulais le montrer à H. J'aime bien ce film.

    - 20 octobre - James Cameron, Terminator II (1991). Une moitié après la dispute (Olivier avait commencé à le regarder sans nous). Le meilleur des Terminator, assurément. Le premier film de ce genre (genre actions) que j'ai vu (à Aubervilliers, enceinte de Clément). Le premier d'une longue série.

    - 25 octobre - Jonathan Mostow, Terminator III (2003). C'était donc dans celui-ci que se trouvaient les cascades en camions qui m'avaient tant marquées.

    - 28 octobre - Thomas Carter, Coach Carter (2005). La version du Cercle des amis des poètes disparus pour Noirs et pauvres. Pas désagréable.

    - 30 octobre - François Truffaut, La sirène du Mississippi (1969). Je me souvenais de ce film, il était resté gravé en moi plus de vingt ans, le début («votre mensonge est plus beau que le mien») et la fin (la disparition dans la neige).

    - 1er novembre - Guy Ritchie, Sherlock Holmes, 1 (2009) et 2 (2011), matin et soir.

    - 3 novembre - Jim Sheridan, Dream House (2011). Sans doute le film dans lequel David Craig a rencontré sa femme. Un film intéressant, après un début agaçant car incompréhensible.

    - novembre - Barry Levinson, You don't know Jack (2012). Avec Al Pacino, mon préféré. Le film est peut-etre bon, mais il me gêne plus qu'il ne m'emballe.

    - 9 novembre - Matthew Vaughn, Layer Cake (2004). Comme le Snatch, c'est-à-dire bien moins bon que le premier du genre, Arnaques, crimes et botanique. Daniel Craig ressort par sa netteté, sa façon de tenir son dos. Musclé finement, c'est dommage qu'il est été alourdi pour les James Bond.

    - 11 novembre - Kung Fu Panda (2008). Le film que les garçons acceptent de voir vec nous après le départ de tout le monde.

    - 21 novembre - François Truffaut, Le dernier métro (1980). L'art du cadrage à quelques minutes de la fin, les images de l'hôpital, de Depardieu blessé. C'est à peu près tout, un film sur le cinéma, assez convenu, avec de bons acteurs.

    - 28 novembre - Davide Ferrario, Le Voyage de Primo Levi (2008). Le film est plus récent que je pensais et "grâce à" la crise, on peut penser que cela n'a pas beaucoup changé. Voir le film juste après avoir vu le livre n'est pas une bonne idée, il manque trop de détails, d'anecdotes. Je ne me souvenais pas de l'intervention de Wajda. La place Ronald Reagan et le boulevard Jean-Paul II à Cracovie

    - 8 et 9 décembre - Claude Lanzmann, première partie de Shoah

    - 9 décembre - Francisco Rossi, La Tregua. Italien sous-titré italien! Décevant. Pas si mal, mais décevant.

    -13 décembre - The Big Bang Theory - Une bonne partie de la saison 4. Je commence à me détendre.

    - 17 décembre. suite de la saison 4 et début de la 5. Toute la matinée en commentant sur FB.

    - 20 décembre. suite de la saison 5.

    - 21 décembre - Brad Furman, La Défense Lincoln (2011). Premier film avec l'Apple TV.

    - 22 décembre. J. C. Chandor, Margin Call (2011) et la moitié d'Inside Job (Charles Ferguson, 2010)

    Livres lus en 2013

    Comme je commence cette liste le 19 juin, elle n'est ni dans l'ordre ni exhaustive.
    Je ne compte que les livres terminés, lus jusqu'à la dernière page, et non ceux abandonnés par manque de temps ou ennui vague, ou parce qu'ils s'agissait de recueils d'articles dont je n'ai lu que quelques-uns (Jacques Ellul sur Qohélet, la correspondance d'Hammett, la biographie de La Fontaine par Orieux, Introduction à l'Ancien Testament, etc.)

    Plus ou moins dans le cadre de l'ICP
    - Israel Finkelstein et Neil Asher Silberman, La Bible dévoilée
    - Thomas Römer, Dieu obscur
    - Robert Michaud, Qohélet et l'hellénisme
    - Christian Delorme, L'islam que j'aime, l'islam qui m'inquiète (la préface commence par une évocation de l'église Sainte-Anne d'Agadir. Comment voulez-vous que je résiste à cela?)
    - Gerschom Scholem, Jonas, la lamentation et le judaïsme (j'espérais qu'il y aurait Jonas dans les sujets de dissert d'exégèse: non. Mais l'argumentation de ce livre m'a permis de trouver un angle pour Tamar et Juda).
    - Initiation à la lecture d'un texte biblique
    1 juillet - Pierre Claverie, Petit traité de la rencontre et du dialogue
    8 juillet - Paul Beauchamp, Parler d'écritures saintes
    8 août - Auguste Valensin, texte établi et présenté par Marie Rougier et Henri de Lubac
    22 août - Jacob Taubes, La théologie politique de Paul
    24 septembre - Fedor Dostoïevski, Les Frères Karamazov (dans la Pléiade, oui)
    30 octobre - Paul Beauchamp, L'un et l'autre Testament T1 (je n'en pouvais plus de le lire, il a fallu m'accrocher)
    14 novembre - Jacqueline Rastoin, La Torah sculpte le Christ

    Parce que je deviens dingue à ne lire que des livres imposés
    - Janwillem van de Wetering, L'ange au regard vide (après Amsterdam)
    - Agatha Christie, La romancière et l'archéologue (en contre-poison de La Bible dévoilée)
    - Christopher Isherwood, Mr Norris change de train (je cherchais un autre Isherwood)
    - Martin Hirsch, La lettre perdue (j'avais aimé son approche pragmatique lors d'une conférence)
    - Lewis Mumford, Hermann Melville (il y a longtemps que je devais le lire. Motivée par Arrowhead cet été. L'un des traducteurs est Patrick)
    - David Safier, Maudit karma (offert par ma sœur)
    - Séverine Hiboi-Arneld, Un hurluberlu dégingandé et une demi-portion (sur le handicap. Ecriture énergique, remarques pleines de bon sens)
    - Mary McCarthy, En observant Venise (pas lourd à emmener dans ses bagages)
    - Mariusz Szczygieł, Gottland (nom irrésistible (livre incontournable))
    - Kurt Vonnegut, Abattoir 5 (depuis le temps que je devais le lire)
    - Dashiel Hammett, Le Faucon de Malte (maintenant je comprendrai peut-être quelque chose au film (quel romantique, ce Spade))
    24 juin - Mariusz Szczygieł, Chacun son paradis (où est évoquée très en passant la fille de Milena Jesenska)
    25 juin - Ben Hecht, Je hais les acteurs (je cherchais les souvenirs d'un auteur africain que j'avais feuilletés, est-ce que son nom commençait par H? Impossible de me souvenir).
    27 juin - Józef Hen, Le joueur de ping-pong (à la librairie polonaise en achetant des Szczygieł à offrir)
    8 juillet - Jacques Theillaud, …le pivert nu et les tomates vertes…
    9 juillet - Dr Borée, Loin des villes, proche des gens
    10 juillet - Marie Ndiaye, La Sorcière
    11 juillet - Paul Fournel, Anquetil tout seul
    24 juillet - Jean-Claude Carrière, Le Mahbharata
    2 août - Jaddo, Juste après dresseuse d'ours
    4 novembre - Corneille, Médée (livre emprunté pour O.)
    7 novembre - Jakob Arjouni, Mehr Bier
    14 novembre - Andrea Camilleri, Le coup de filet (inutilement compliqué et sentimental. Sans grand intérêt)
    15 novembre - Karl Löwith, Ma vie en Allemagne avant et après 1933 (l'intérêt de ce livre est d'avoir été écrit en 1940. Aperçus sur Heidegger.)
    24 novembre - Primo Levi, La Trêve, pour le présenter au prochain dîner Sciences-Po avec le Voyage de Primo Levi
    12 décembre - Diderot, Supplément au voyage de Bougainville (la bibliothècaire du Gan m'a offert le "Garnier jaune" relié. Lecture imposée pour Olivier)
    12 décembre - Jean Giraudoux, Supplément au voyage de Cook (quelle gaité, quel plaisir)

    Les "Ecoles des loisirs" lus à Bois-le-Roi
    - Marie-Aude Murail, Le tueur à la cravate
    - Marie-Aude Murail, Simple
    - Anne Fine, Journal d'un chat assassin
    - Anne Fine, Mauvais rêves
    - Anne Fine, Un ange à la récré
    - Robert Cormier, A la brocante du cœur

    The Bay

    J'y suis allée à cause de Chasepeake Bay, bien sûr.
    C'est un film qui mérite d'être vu, construit avec soin, que son affiche, orientée "film d'horreur" va desservir. Dommage, je le regrette vraiment.

    L'aspect "terreur" est tamisée par le fait que c'est une survivante qui raconte. La technique "caméra à l'épaule" fait penser à Cloverfield. Les indices sont donnés peu à peu puis liés les uns aux autres. Le suspense est entretenu en nous avertissant de la mort prochaine des uns et des autres. Les détails sont soignés, comme les taquineries du savant contre l'accent français de sa collègue.

    Sinon bien sûr il y a quelques incohérences (les symptômes changent à travers le temps, et il me semble impossible de remplir la baie d'eau de Javel!) Mais ça n'a pas d'importance.

    ---------------------------

    Agenda :
    Le soir je rejoins A. à l'hôtel vers Alésia (épreuve de math à 8 heures demain, nous ne prenons pas le risque qu'un dysfonctionnement du RER lui fasse rater son bac) et nous dînons dans un petit restaurant, Le Maine Bar (2 rue des plantes), à la déco vieillote (vieilles affiches, carrelage petits carreaux) et aux plats soignés (genre carpaccio de tomates aux écrevisses).

    Pas d'ordinateur, je m'endors comme une masse à neuf heures et demie.

    Leonard Cohen

    J'avais pris les billets en décembre sur un coup de tête.

    Ce fut très impressionnant, car il était clair que le public et lui étaient venus se dire adieu, se voir une dernière fois. L'atmosphère était à la ferveur et c'était très émouvant.

    Sinon : une voix très grave et des musiciens extraodinaires.

    Oh Boy

    Noir et blanc. Plastiquement beau, de plus en plus beau au fur à mesure que le film avance.

    Ce n'est pas un film rationnel, ce n'est pas un film sentimental. C'est un film qui émeut en touchant l'affect, pas les sentiments (quelle est cette nuance, je ne sais).

    Je spoile un peu, mais ça n'a guère d'importance.
    C'est l'histoire d'un type qui voudrait boire un café.
    Le héros est un looser: cela fait deux ans qu'il glande à Berlin en prétendant travailler son droit. Son père s'en aperçoit et lui coupe les vivres. Début de l'errance.
    Il ne sais rien faire, mais il est bien élevé et poli, ne profite jamais d'une situation et ne repousse personne (toutes les faiblesses d'une bonne éducation non soutenue par une situation sociale, pensé-je) : par conséquence les gens se confient à lui.

    A un moment donné, il commence à dire: «Parfois je trouve les gens bizarres, et puis je me dis que comme ils sont tous bizarres, ce doit être moi qui suis bizarre». La confidence est interrompue, mais nous spectateurs dans la salle avons envie de nous précipiter à travers la toile pour le rassurer: «Non je t'assure, tu es le seul "normal", les autres sont vraiment bizarres, tu ne rêves pas».
    Histoire allemande en filigrane, le film sur le nazisme bourrés de clichés, le vieil homme qui revient à Berlin après avoir passé sa vie à l'étranger et raconte ses souvenirs: «Et je chouinais, tu sais pourquoi? Parce qu'avec tout ce verre je ne pourrais plus faire de vélo.»

    Un très beau film sur la rencontre, les rencontres, ce mystère que demeure l'autre qui ne peut sortir de son corps pour se dévoiler pleinement (et pourtant, tentative: voir le spectacle de danse).

    Bois-le-Roi dernière

    Qui ici connaît les R.A.B., et surtout les dernières R.A.B.?
    Dernières Rubriques-à-brac, c'est par là que j'ai commencé à lire les Rubriques-à-brac, par la fin (le tome 5, je crois), et chaque fois que je dis adieu à quelque chose, je pense «Dernières R.A.B».

    Dernier après-midi à la bibliothèque de Bois-le-Roi. Je l'aurai vraiment beaucoup aimée. Small is beautiful. L'année prochaine, si tout va bien, A. sera à Lisieux.

    J'ai été bien inspiré de la prendre en photo, car la moitié gauche du vantail a disparu, le trottoir a été goudronné noir brillant sur un mètre cinquante de large, et bientôt une rampe d'accès sera construite au niveau du perron pour permettre aux poussettes de passer.

    Pathologie professionnelle

    Conversation dans les vestiaires :

    — Et toi, comment ça va ?
    — Ça va mieux. J'ai une AG à organiser, et comme je suis nulle en organisation, j'ai eu de sérieux problèmes de délais…
    Elle m'interrompt, paniquée, une main sur le cœur :
    — Me dis pas ça ! Je suis juriste, j'défibrile !


    Sinon, vu un très jeune cygne sur le dos de maman cygne (ou papa: comment savoir?). C'était la première fois.

    Nervosité

    Grève sur la ligne D. Les gens sont agressifs comme je ne les ai pas vus depuis longtemps, eux qui avaient tendance à rire et plaisanter pour supporter les "bêtises" de la SNCF (c'est vraiment comme cela que je le ressens: des bêtises, des caprices d'enfants gâtés; et les plaisanteries comme cette âme "bien française" dont parle autant Proust que San-Antonio). Est-ce le mauvais temps, les mauvaises nouvelles, la crise, certains se seraient écharpés («Monsieur, vous appuyez sur mon bras»). Un instant à gare de Lyon, j'ai cru que quelqu'un allait être écrasée par la foule, j'ai entendu crier.

    Puis rien.

    Le pire, c'est que je sais que si un tel drame survenait, toute grève serait suspendue pour quelques semaines.

    Mise sous pli

    Huit mille mises sous pli à la main (! oui je sais, jamais je n'aurais imaginé que ce n'était pas mécanique), je passe les détails. Ç'aurait dû partir vendredi dernier au plus tard.

    Nous continuons demain. (Ma tête quand ayant dit «Si c'est un problème de livraison, je prends un taxi et j'arrive», je me suis entendu répondre «A Limoges?»: trois jours de perdu pour un appel d'offre pour l'impression de huit mille enveloppes T (obligatoire, c'est dans les procédures), suite à cet appel d'offre choix d'un imprimeur en Charentes (oui, Limoges n'est pas en Charente, je sais. Je ne raconte que ce que j'ai constaté ou entendu), trois jours ensuite à cause d'une livraison totalement fantaisiste où il est impossible de démêler les responsabilités du fabricant de celles du transporteur (de sacrés menteurs, en tout cas)).

    Ce qui fait plaisir, c'est que toutes les entreprises adhérentes à la mutuelle ont répondu présentes quand j'ai appelé au secours (littéralement: un mail aux RH intitulé "appel à l'aide"): elles ont toutes détaché quelques personnes une demi-journée. La solidarité fonctionne encore, tout n'est pas perdu.


    J'ai embauché mon fils aîné une demi journée.
    — Mais tu es responsable, pourquoi tu fais ça?
    — Parce que nous ne sommes que deux à la mutuelle, et que quand on est planté et qu'on fait appel à tous, il faut montrer l'exemple.


    Sans transition: lire le billet d'Elisabeth sur les fleurs et plumes de la Belle Epoque.

    Suite

    Je suis en train de maigrir au rythme où j'ai grossi, deux cents à trois cents grammes par semaine. C'est bien. Ce que je ne sais pas, c'est à quel poids de stabilisation cela va me mener. On verra bien, nous n'en sommes pas encore là.
    L'intérêt principal de cette façon de manger, c'est que la quantité n'est plus un problème. Il n'y a pas de restriction sur la quantité, même si le réflexe de contrôle reste bien ancré. Il faut juste surveillé quoi, pas combien. Quoi: pas le blanc, le beige: farine, céréales, riz, pommes de terre. Mais le saucisson, oui, et même la peau du poulet dont je me suis privée toutes ses années "parce que c'est mauvais pour la santé". Et la salade de poulpe. Je remplace le pain par de la salade quand je suis à la maison (pour le fromage).
    Et je n'ai pas faim. Ce que je pensais être de la faim "psychologique", que je comblais en buvant des litres de thé, était de la vrai faim. Et quand j'ai envie de manger des noix de cajous ou des pistaches, j'en mange (heureusement qu'il n'y en a pas au bureau). Et des petites sardines à l'huile. Bref, le bonheur. Et donc je mange plus tranquillement, plus lentement, avec plaisir. Combien de temps cela va-t-il durer, vais-je vraiment maigrir ainsi? C'est dur à croire. Mais il faut aussi se muscler.

    J'ai abandonné les exercices Nerd fitness, trop contraignants. Je vais me contenter des pompes, que j'aime bien.

    Concernant le kung-fu, la fièvre est retombée.
    D'une part je me dis que cela va me prendre du temps. En réalité c'est un faux problème, parce que je ne fais rien aux heures où se déroulent les cours de kung-fu (rappelons que l'idée est un cours en cachette en 2013-2014, puis si cela me convient, deux cours l'année suivante): je ne lis pas, je ne travaille pas. Je ne lis pratiquement que dans le RER (mais j'ai gagné en vitesse de lecture cette année. L'important en fait, c'est de couper FB. Ce truc ronge la vie.)
    D'autre part je me dis que cela me fera rentrer tard un soir de plus et je culpabilise vis-à-vis d'Olivier. Le plus simple serait peut-être de le mettre dans la confidence. Est-ce déloyal de rendre complice son enfant de quinze ans? Il me semble que oui.

    Astucieux

    Nous avons mis les enfants dans un lycée privé parisien.
    Avantages: une vie plus douce, plus policée (exemple: effarement de nous parents quand ils nous ont déclaré avec satisfaction qu'ils pouvaient laisser leur sac dans la cour sans surveillance sans qu'il soit vandalisé: pour eux cela tranchait avec ce qu'ils avaient connu jusqu'alors (mais nous n'étions pas au courant: eux pensaient que c'était normal et n'en avaient jamais parlé)) et des adultes omniprésents pour prendre soin d'eux (c'est vraiment le terme: je suis très impressionnée par l'accompagnement (ie, plus que de "l'encadrement") dont les enfants bénéficient, je n'ai jamais connu ça).
    Inconvénient: beaucoup de transport, une heure de "pendulation" matin et soir tandis que la plupart des élèves habitent à dix minutes du lycée. La politique en fait de retard le matin est stricte depuis trois ou quatre ans car de plus en plus d'élèves arrivaient en retard pendant les vingt premières minutes du premier cours de la journée.

    Ce matin A. reste à la maison pour la semaine de révision avant le bac (déjà! c'est incroyable, je n'ai rien vu venir).

    Je dis à O. : — Dépêche-toi, ce matin, on ne pourra pas dire que c'est à cause de A. que nous sommes en retard.
    — De toute façon, j'ai trouvé le truc: quand j'arrive en retard à huit heures, je dis que je suis désolé, que nous sommes partis en retard de la maison, à sept heures au lieu de sept heures moins le quart. Les profs me regardent et me laissent entrer.
    — Toi et tes yeux de Chat potté!
    — Je ne fais que dire la vérité.

    Malveillance

    Nous avons dégagé le chêne. Le tronc fait huit à dix centimètres de diamètre. A la base, un coup de scie, sur la moitié de la surface, remontant à six mois ou un an.
    Le plus probable est que le père de notre voisin qui déteste les arbres (il les a tous fait couper à son fils quand ils ont construit sa maison il y a dix ans, y compris un magnifique chêne de trente à quarante centimètres de diamètre qu'il était sans doute illégal d'abattre) a profité de notre absence pour saboter notre jeune chêne en se disant que celui-ci finirait par tomber (ce qui était terriblement dangereux).

    Aujourd'hui c'était la fête des voisins. Je n'y ai pas participé (journée Pentateuque), mais il paraît que le père a soigneusement évité le regard de H. et n'a pas dit bonjour à A.

    Nous ne dirons rien parce que nous aimons bien notre voisin et que nous ne voulons pas l'embarrasser (nous sommes sûrs que son père ne lui a rien dit). Mais c'est triste.

    Samedi

    Un peu sonnée après l'examen de grec, beaucoup plus difficile que celui de janvier (j'ai oublié de dire que nous ne faisons que de la version, ce qui permet aussi de comprendre comment nous parvenons à faire en un an ce qui en prend plusieurs à la fac).

    Je rejoins H. devant La Procure. Malgré mes réticences (car je sais comment cela va se terminer), il insiste pour que nous traversions le marché de la Poésie.
    J'ai la surprise et le plaisir de découvrir un stand entier (ou presque) consacré à Maurice Carême.
    Nous croisons Bernardo. Nous passons de stand en stand. Je ne veux m'arrêter nulle part parce que je sais que la vie est si dure pour ces éditeurs que je me sens une obligation d'acheter quelque chose.
    Il est tard, je n'ai pas le temps de m'arrêter au stand de Fata Morgana, ni à celui des Editions de la salle de bain voir s'il y a des Pranchères ou des Régniez pour compléter mes collections. Je repasserai demain.

    Et donc (quand je disais que je savais comment tout cela se terminerait):
    - Maurice Carême, La bille de verre;
    - Maurice Carême, Le jongleur;
    - Marie Borel, Le léopard est mort avec ses tâches;
    - Michel Clavel, De ma main gauche (je n'avais pas compris que c'était à prendre littéralement!);
    - Jacques Roubaud, Ma vie avec Lacan (un récit si minimaliste qu'il illustre qu'avoir un nom permet d'être publié!);
    - David, Psaumes pénitentiels (Orphée : bilingue hébreu);
    - William Carlos Williams, Asphodèle (Orphée, bilingue anglais);
    - Jean Richepin, La Chanson de gueux (Orphée);
    - Lewis Carroll, Jabberwocky et ses huit traductions de la première stophe publié au Castor astral (j'en prends deux, un pour offrir).

    Sieste (deux heures contre cinq la semaine dernière: en progrès).

    Orages. Durant le dîner je regarde par la fenêtre et remarque une poutre en travers du portique. J'essaie de comprendre et découvre avec horreur que notre petit chêne s'est déraciné. Il s'était planté seul et avait poussé à un endroit imprévu, nous n'avions pas eu le cœur de l'arracher quand il avait un an. Il devait en avoir sept ou huit, je craignais que notre voisin nous le fasse arracher quand il menacerait de son ombre son potager.
    Problem solved. Mais que s'est-il passé? Trop de pluie? Des racines peu profondes? Du vent?
    Nous avons le cœur gros. J'étais heureuse d'avoir un chêne qui s'était planté de lui-même chez nous. Une impression enfantine d'élection.


    Blagues mathématiques

    Constante et Exponentielle sont dans un bateau. Constante crie :
    — Au secours, on dérive !
    — C'est pas grave, répond Exponentielle.

    Un Cosinus s'est égaré dans une soirée pleine de Sinus. Il est tout seul, personne ne s'occupe de lui, il se sent triste. Au bout d'un moment, se sentant abandonné, il décide de partir.
    Alors un Sinus le rattrape et lui dit gentiment: "Reste, on va t'intégrer".

    Doc gyneco

    Bon. Bizarrement parler de tuyauterie intime me gêne davantage que "montrer mes fesses sur internet".

    Comme je suis profondément convaincue que notre santé est d'abord de notre responsabilité (et que ce n'est que lorsqu'elle devient hors contrôle qu'il est urgent de consulter), je n'ai pas tendance à la confier à une personne extérieure mais plutôt à suivre quelques repères, mon poids, la chute des cheveux, la fatigue, etc. Comme nous avons le même médecin depuis dix-huit ans, il établit les certificats pour le sport en me voyant un an sur trois en faisant confiance à mon appréciation entretemps.

    Bref, tout cela pour dire que cela faisait cinq ans que je n'avais pas vu de gynéco et que je me suis fait engeuler (enfin, décembre 2008: quatre ans et demie).

    Comme je rencontrais un nouveau médecin (j'ai laissé tomber la précédente dont le manque d'écoute était la cause de mon manque d'assiduité), il a fallu constituer un dossier: antécédents médicaux, grossesses, accouchements… (Il paraît que je suis «très nature». Je dirais plutôt: non-interventionniste. Ne pertubons pas ce qui marche (en croisant les doigts: «pourvou que ça doure».))

    Les questions m'ont amenée de fil en aiguille à raconter que du côté maternel, ma mère, une tante et ma grand-mère se sont fait enlever l'utérus pour cause de fibrome. Je l'avais plus ou moins oublié, c'était un souvenir auquel je ne pense jamais.
    Et j'ai brutalement pris conscience que ma mère avait deux ans de moins que moi aujourd'hui quand elle a été opérée.
    Cela m'a fait un choc.

    Enfin

    Enfin un coup de soleil après un déjeuner en terrasse.

    Sinon, gros fail au bureau. Les envois qui devaient être terminés vendredi soir ne le seront que dans une semaine (la mise sous pli est entièrement manuelle! J'étais à mille lieues d'imaginer cela). Nous serons hors des délais légaux. Je me sens vraiment stupide à ne pas m'être méfiée davantage.
    Il ne reste qu'à attendre le 25 juin pour me faire descendre en flammes. Bon. Quand le vin est tiré, le lait versé, etc.

    Vu mon "chargé de TG". Ça me rappelle ce que mes amis en math sup appelaient "aller à confesse". J'en suis ressortie avec un conseil de lecture: Joseph et ses frères de Thomas Mann "pour cet été".

    Je passe à Malraux (la bibliothèque), il n'y a pas le tome (de l'histoire de Joseph) qui m'intéresse. Je prends Abattoir 5.

    Retour en Vélib, bords de Seine depuis Bastille jusqu'à gare de Lyon, les berges gardent la marque de la décrue en cours (marques blanches sur les pierres puis plus vertes ou marron plus près de l'eau).

    Sur l'eau

    La Seine descend. Les retenues d'eau en amont sont pleines (lac du Der, etc), il va falloir les vider je suppose, nous allons avoir beaucoup de courant plusieurs jours encore.

    Vincent a fini par autoriser les sorties, uniquement en yolette, aller retour dans le petit bras de l'île de la Jatte. C'est tout à fait exceptionnel, normalement nous descendons (sens du courant) par le grand bras (où passent les péniches) et remontons par le petit.

    De loin j'ai aperçu une cane et deux ou trois canetons. Tous les cygnes de l'automne ont disparu, peut-être sont-ils retournés en Angleterre (la légende veut qu'ils viennent des parcs anglais, partis quand la reine a demandé qu'on ne les empêchât plus de voler). Ou il y avait trop d'eau pour qu'ils puissent nicher et couver (est ce qu'un cygne niche?).

    Je n'ai pas d'ampoule mais le dos ankylosé. Dès que j'aurai un peu de temps il faudra que je me fasse remettre d'aplomb une ou deux vertèbres.

    Clément est parti à Londres en bus.

    La blague du dimanche

    Elle a sans doute circulé sur FB sous forme de dessin, mais comme je suis coupée de tout ça, je la raconte à l'ancienne:

    Un homme et une femme sont au lit.
    Un homme ouvre la porte et la femme s'exclame:
    — Ciel, ton mari !

    Concert ce soir

    J'aurais dû écrire ce billet hier mais il n'est pas trop tard pour les Parisiens: ce soir à 17 heures au temple des Batignolles (à cent mètres de la place de Clichy), deuxième concert des concerts gais. J'y étais vendredi soir et je vous le recommande (je suis toujours embarrassée quand il s'agit de parler de musique, car je ne sais pas en parler, justement).

    Le programme se concentre sur le XXe siècle et j'ai regretté de ne pas y avoir emmené O dont c'est le thème en histoire de l'art au brevet des collèges.

    - Ouverture de La Fiancée du Tsar de Rimski-Korsakov
    - Pelléas et Mélisande de Fauré
    - Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy
    - Concerto n°1 pour violoncelle de Saint-Saëns

    En sortant, zvezdo me confiait qu'il avait rencontré nombre des instrumentistes via les blogs: klari (j'ai longtemps cru que c'était le pseudo parce qu'elle jouait de la clarinette (elle ne joue pas de clarinette)); son voisin de pupitre (que sans connaître j'avais autrefois repéré grâce à ce billet), etc (sans compter les blogueurs de l'assistance: Philippe, Joël, (moi), et tous ceux que je ne connais pas.)

    Comment connaître l'âge de son charcutier

    — Vous auriez du saindoux?
    — Oui. Il ramène un bloc blanc sous film plastique, 5x10x12 cm. Vous en voulez combien?
    Moue dubitative — Ça dépend, ça se conserve bien ?
    — Ça? C'est immortel, c'est Highlander!
    — Hum, vous avez de bonnes références… Mais vous êtes trop jeune pour connaître ça!
    Offensé — Mais non, pas du tout, je suis né en 1984 in petto je décide de ne pas lui dire que c'est l'année de mon bac, je connais même Goldorak.
    — Goldorak, en 84? Ah non, ça devait être Alvator… Ou alors après tout je n'en sais rien, c'est justement le moment où j'ai arrêté d'avoir la télé c'était des reprises.
    — Mais si, je regardais le club Dorothée!

    Bref, j'ai pris la moitié du morceau.

    Agenda

    Début de journée par une distribution de tracts (il y a peu d'occasions où l'on se sente aussi exposé au regard que lorsqu'on tracte). Je donne un coup de main par amitié, mais aussi parce que quelque chose m'échappe: qu'est-ce qui peu bien pousser notre maire, le bien connu Dupont-Aignan, à vouloir installer un centre Leclerc à la gare de Yerres, alors que pendant toutes ces années il a travaillé à transformer la ville en Neuilly de l'est? Soudain, il veut ce centre commercial, qui outre des problèmes de délinquance (maires, écoutez: ne jamais mettre un centre commercial trop près d'une gare, c'est statistiquement prouvé) et de circulation, va tuer tous les commerces du centre (les commerces non alimentaires ont déjà du mal à survivre à Yerres qui possèdent une dimension de ville dortoir non négligeable)?
    Pourquoi diable fait-il cela? Qu'est-ce que cela cache? Est-il en train de se dire "après moi le déluge" en songeant au futur non-cumul de mandat, quand il restera député et abandonnera son siège de maire? (je songe à la fin d'Après la guerre des chocolats, mais comme personne ne connaît, mon allusion va tomber à plat).
    Je serai (sans s) désolée de voir toutes les boutiques du centre devenir des agences immobilières et des cabinets d'assurance.

    Journée à régler des problèmes d'intendance au dernier moment, à me dire (une fois de plus) «Mais pourquoi tu ne t'y es pas mis plus tôt?» (réponse: parce que j'avais peur de ne pas y arriver (évidemment, ça devient beaucoup plus facile en attendant que l'échéance soit à peine tenable)) et à constater avec toujours le même étonnement et la même gratitude qu'il y a des gens prêts à me trouver des solutions (c'est leur métier? oui, et alors? il y a des gens qui font très mal leur métier tout en étant mal aimables).

    Le soir Oulipo. J'arrive très en retard à cause d'un appel de la CAC au moment où je partais (eh zut, je vais devoir revoir le rapport de contrôle interne) et le vigile refuse de me laisser entrer. «C'était pas mal» (rires), paraît-il.

    Retour à notre pizzeria qui n'est plus une pizzeria. (J'étais absente la dernière fois, mais il paraît que le restaurant à côté du MK2 est catastrophique). Défaut: la musique. Pour le reste, c'est correct, mais je regrette l'ancien patron. Je pense à Baudelaire: «la forme d'une ville…»

    (Et surtout, pas d'accent à Perec !)

    Thèse

    Lundi dernier cours de grec. A mon étonnement et mon émotion, la prof nous remercie: nous avons été des élèves formidables, surtout pour une année de thèse. A quoi nous lui répondons très sincèrement que c'est elle qui a été formidable, que jamais nous n'aurions deviné qu'elle était en fin de thèse si elle n'y avait fait allusion une fois.

    Je suppose que ses remerciements tiennent aussi au fait que les élèves de l'année précédente ont passé leur temps à se plaindre, tant et si bien que beaucoup d'élèves de ma promotion, effrayés, ont décidé de ne pas faire de grec durant leur cursus (durant les huit ans du cursus, nous devons valider deux langues parmi trois, latin, grec, hébreu. Valider une langue, c'est suivre des cours pendant un an et réussir les examens. Bien sûr, il est possible de se perfectionner ensuite deux ou trois ans dans une même langue, voire plus. (L'ennui de cette façon de faire, c'est que nous absorbons une quantité incroyable de grammaire en un an. Cela n'est possible que parce que nous travaillons sur des corpus étroits, le NT en latin et en grec, la Torah en hébreu.))

    Comme je ne peux pas laisser de commentaire sur wordpress sous le nom d'Alice (un bug), je rends ici hommage à ce billet, petit manuel de survie à l'usage des thésards dînant en famille, qui doit pouvoir être étendu à d'autres situations sans attendre d'être en thèse.

    Perso, je ne rencontre pas ce problème: les non-lecteurs de ce blog ne savent pas que "je fais de la théologie" (c'est tout de même un grand mot pour un peu de philo et d'exégèse biblique).
    A Noël, j'ai glissé que je faisais du grec ancien (dans l'espoir (déçu) d'éveiller la curiosité de ma filleule et de susciter une vocation). Je l'ai également avoué à une rameuse, et cela lui a vraiment fait un choc (pourtant, du grec ancien, ce n'est pas si bizarre, si?). Elle a eu l'air si surprise, me répétant «Du grec ancien, ça alors, mais pourquoi? Ah mais oui, pourquoi pas, ça alors») que je n'ai pas jugé utile d'en dire plus.

    Aussi lourd qu'un âne mort

    Journée de transition bibliophore, je rends des livres en bibliothèque. Je réorganise mon sac au petit déjeuner, je sors mes livres et tout le monde rit au fur à mesure que je plonge la main et la ressort, la plonge, et la re-ressort, la replonge, et la re-re-ressort…

    - David Fulmer, Rampart street. Je l'avais pris pour H. mais il n'a pas attisé sa curiosité, donc je le rends.
    - La Création dans l'Orient ancien, à rendre dans une autre bibliothèque (TG d'hier).
    - Michel Younès, Pour une théologie chrétienne des religions, à rendre (TG de samedi).
    - deux lexiques de grec (le même lexique, mais avec cinquante ans d'écart entre les éditions: très différents en pratique) (pour notre dernier cours: ce soir c'est le dernier cours de l'année).
    - le Nouveau Testament en grec.
    - Denis Dupont-Fauville, Saint Hilaire de Poitiers, théologien de la communion (pour le lire!)

    Au retour, j'ai rendu quelques livres et j'en ai acheté deux autres.

    - Denis Dupont-Fauville, Saint Hilaire de Poitiers, théologien de la communion
    - Paul Ricœur, L'herméneutique biblique (traduit de l'anglais, ah tiens)
    - Curzio Malaparte, Viva Caporetto!, un peu par hasard parce qu'il était sur une table de la librairie. Premier livre de Malaparte, première traduction en français, trois fois saisi et censuré, récit sur la première guerre mondiale
    - les deux lexiques de grec
    - le Nouveau Testament

    Le soir un homme me dit gentiment en sortant du RER à minuit :«Vous devriez mieux fermer votre sac» (tip: ce sac ne ferme pas, il a une forme de cabas, je l'ai choisi pour cela). Je le regarde, contemple sous ma main qui tient les poignées les tranches des livres et imagine la tête de celui qui découvrira ce qu'il vient de me voler. Je pars vers le parking en soupirant un peu.

    Matin

    Matinée de TG sur Genèse 1-3. Que de passions et d'emportements.

    Je reste stupéfaite de découvrir que dans ce texte pourtant assez court, beaucoup de versets sont comme oubliés, occultés, dans l'imaginaire collectif: le repos du sabbat a fait passer au second plan la description d'un monde végétalien, il y a deux arbres dans l'Eden, un arbre de la connaissance et un arbre de vie (j'avais toujours pensé que c'était le même), etc., etc.

    Nous finissons inévitablement par buter sur la question de la liberté et je me dis avec amusement que le péché originel, après avoir été honni pendant des siècles, est en passe d'être accueilli comme le don de la liberté: sacré XXe siècle, il aura vraiment tout retourné!

    Sur le chemin du retour je prends un Vélib; de Bastille au pont d'Austerlitz dans les jardins du bord de Seine rive gauche selon mon itinéraire favori je croise le début de la manif pour tous. Je suis à deux doigts de crier aux enfants que je vois «Si on veut vous mettre devant, refusez, n'y allez pas!», mais je me retiens.

    Je veux essayer de tenir un Véhesse "léger", parce qu'après tout, il est tout de même rare que je n'ai pas lu chaque jour quelques lignes de quelque chose: pas un jour sans une ligne lue, c'est ce qui pourrait s'approcher le plus de la vérité me concernant. Et je n'ai pas vraiment le temps de tenir un Véhesse "lourd", et puis je crois que cela me gonfle, je parviens à m'ennuyer moi-même.

    Fail

    L'un des défauts des Vélibs est que le panier pour contenir les sacs griffe le cuir. Comme j'avais l'intention de prendre un vélo entre l'île de la Cité et la rue d'Assas, j'ai vidé mon cartable au dernier moment avant de partir pour prendre un sac moins fragile.

    Ce faisant, j'ai oublié dans ma précipitation (vite, vite) ma carte navigo et mes lunettes: problème pour prendre le RER, bien sûr, mais aussi impossibilité de prendre un vélo puisque mon pass Vélib est sur ma carte navigo (tiens j'y pense, ce nom de "navigo" est-il lié à la devise de Paris? Si oui, quelle élégance dans les détails).

    Et surtout j'ai passé une journée très difficile: sans lunettes, je peine désormais beaucoup.

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    Lecture du jour : l'amitié selon le Siracide
    Livre de l'Ecclésiastique 6,5-17.

    La parole agréable attire de nombreux amis, le langage aimable attire de nombreuses gentillesses.
    De bonnes relations, tu peux en avoir avec beaucoup de monde ; mais des conseils, n'en demande qu'à un seul entre mille.
    Si tu veux acquérir un ami, acquiers-le en le mettant à l'épreuve ; n'aie pas trop vite confiance en lui.
    Il y a l'homme qui est ton ami quand cela lui convient, mais qui ne reste pas avec toi au jour de ta détresse.
    Il y a l'homme qui d'ami se transforme en ennemi, et qui va divulguer, pour ta confusion, ce qui l'oppose à toi.
    Il y a l'homme qui est ton ami pour partager tes repas, mais qui ne reste pas avec toi au jour de ta détresse.
    Quand tout va bien pour toi, il est comme un autre toi-même et commande avec assurance à tes domestiques;
    mais si tu deviens pauvre, il est contre toi, et il se cache pour t'éviter.
    Tes ennemis, tiens-les à distance, mais avec tes amis sois sur tes gardes.
    Un ami fidèle est un refuge assuré, celui qui en trouve un a trouvé un trésor.
    Un ami fidèle n'a pas de prix, sa valeur est inestimable.
    Un ami fidèle est un élixir de vie que découvriront ceux qui craignent le Seigneur.
    Celui qui craint le Seigneur orientera bien ses amitiés, car son compagnon lui ressemblera.

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    Agenda
    Gratté la gelée sur le pare-brise ce matin à sept heures (ce qui ajouté à mon changement de sac n'a pas contribué à nous mettre en avance).
    Dernier cours d'allemand de l'année. Je ne reviendrai pas, sauf si mon inscription en allemand théologique l'année prochaine est refusée. Il va falloir que je fasse de la grammaire cet été.
    Après-midi en bibliothèque sur Genèse 1-3 (les deux récits de la création, les sept jours et l'Eden).
    Re-regardé Real Steel en me faisant la réflexion que nous, Américains compris, adorons les histoires de David et Goliath, et que ce que les Américains ne saisissent peut-être pas, c'est qu'aux yeux du monde, ils sont Goliath.

    La peur

    Pour continuer sur le billet précédent:

    Il y a quelques années, en 2006 sans doute, un kiné nous avait dit qu'à partir d'un certain âge, une femme ne pouvait avoir le ventre plat à moins de littéralement s'affamer. Une autre solution était l'opération esthétique.
    Cela m'avait été ensuite confirmé par une chirurgien esthétique.
    Puis H. a suivi quelques mois les techniques Weight Watchers (2010?) et en est revenu avec la nouvelle décourageante que pour ne pas grossir une femme de 50 ans ne doit rien manger.

    A l'approche de la ménopause, je ne me sentais plus le courage de tous ces efforts: à quoi bon? Après tout, quelle importance, j'en ai marre d'être toujours sous contrôle. J'en étais à envisager soit la silhouette de Simone Signoret, soit la chirurgie esthétique (soit les deux).

    Et voilà que j'ai la perspective de pouvoir manger sans grossir, voire même de maigrir (ce n'est pas tant pour "plaire" que pour pouvoir entrer dans mes habits que je conserve longtemps et que j'aime. Il y a même deux tailleurs, un rose et un noir, achetés quand j'avais vingt ans, que j'aimerais vraiment remettre. Ça ne tient pas à grand chose, mais ce grand chose paraît/paraissait inatteignable).
    Quelle libération (si ça marche. Mais pour l'instant je perds trois cents grammes par jour (même si je sais qu'il est tout à fait stupide de se peser tous les jours). Trois cents grammes de quoi, mystère: eau, air, graisse? (je penche pour eau, mes chevilles me paraissent particulièrement fines)).

    Tout cela en arrêtant tout ce qui est céréales (y compris le riz), farines et féculents, en réduisant au minimum (ie, finir ce qu'il y a dans le frigo) les laitages et en mangeant des légumineuses avec modération.
    Je suis davantage hésitante à incorporer à mes nouvelles habitudes des plantes qui ne sont pas de chez nous, comme la farine de noix de coco qui sert à tout: j'ai l'impression que cela revient, par une lubie d'occidental, à une fois de plus piller les ressources de pays lointains.

    La joie

    Je réalise que j'ai eu faim si souvent. Je n'ai plus faim, ou plutôt, le fait de savoir que je pourrai manger si j'ai faim est tellement soulageante, ça change tout. Cela me donne de la joie, me rend optimiste.

    Les infos sur France Inter et France Musique

    Sur France Inter à six heures et demie durant le petit déjeuner (citation à peu près, de mémoire):
    Un homme s'est suicidé dans Notre-Dame pour protester contre le mariage gay. Dans une lettre, il a appelé à d'autres actions inédites et spectaculaires.

    Sur France Musique à sept heures en voiture:
    L'écrivain Dominique Venner s'est suicidé dans Notre-Dame à 78 ans. Les raisons de son acte ne sont pas très claires mais pour Marine Le Pen il est évident qu'il s'agit d'une opposition au mariage homosexuel.

    Je médite trois secondes sur l'information que j'aurais eu en n'écoutant qu'une seule radio (la veille, l'ouragan qui a détruit une ville des Etats-Unis avait occupé le temps d'antenne sur France Inter, tandis que c'était l'actualité internationale (la Syrie) qui prenait cette place sur France Musique. Evidemment, la comparaison n'est pas juste, peut-être qu'à sept heures, heure de plus grande écoute, France Inter fait moins dans l'anecdotique. A vérifier).

    Trois jours

    Mouillés.

    - samedi. Rien de notable. J'emprunte un Gaston en allemand à la bibliothèque, mais hélas, pas de "Rhôgnutdju" qui permette d'avoir une idée de la traduction. H. plein de bonne volonté décide de tondre (quand j'arrive chez moi je songe à Houellebecq dans La carte et le territoire disant au narrateur: «Vous reconnaîtrez ma maison, le jardin n'est pas entretenu»); il est sauvé par la pluie.

    - dimanche. Messe de Pentecôte dans une église comble du fait des premières communions. Le prêtre confie la lecture de l'Evangile à un pasteur dans l'assistance (je suppose que c'est un parent des premiers communiants), j'ai une pensée pour Vatican II et tout ce qu'il a rendu possible. Prêche: «J'étais hier à la cathédrale d'Evry où une centaine d'adultes entre vingt et quatre-vingts ans faisaient leur confirmation. Il y avait un homme de quatre-vingts ans qui faisait sa première communion». Pensée pour les conversions à l'islam qui font couler de l'encre. (Pour ceux qui ne le savent pas, la confirmation est le sacrement qui confirme le baptême: le catholique adulte confirme qu'il accepte les engagements que ses parents et parrains avaient pris lors de son baptême.)
    Frites à la patate douce : pas bon (sucré) mais source de rires. Chute brutale de C. sur la terrasse trempée et gluante (noire, une sorte de moisissure due à l'eau qui ne s'écoule pas, les maçons ont oublié de la construire très légèrement en pente) dans l'après-midi. Il en sera quitte pour boîter. J'espère que la main n'est pas cassée. Mes beaux-parents arrivent trop tard pour que nous les entraînions voir The Grandmaster que j'avais envie de revoir.

    - lundi. Matinée grecque, à essayer de démêler le passif du moyen, les verbes actifs au futur moyen, les verbes moyens à l'aoriste en thé, etc. Il faut bien reconnaître que je mélange un peu tout. Examen le 8 juin.
    Upside Down. N'y allez pas.
    Nous récupérons O. trempé et épuisé. Il vient de passer trois jours sous la tente et sous la pluie («Le problème de Jambville sous la pluie, c'est que ce n'est plus que de la gadoue. Celles qui étaient en Uggs ont pleuré» (Comme je trouve ces bottes mochissimes, j'ai pensé: «Bien fait!»)). Il a des brûlures et des ampoules aux mains. Il s'endort devant le feu.

    Engouement surprise

    Tous les matins nous écoutons France Musique dix minutes, entre la maison et la gare du RER.
    Ce matin, quelques secondes de Wagner, la chevauchée des Walkyries.

    — J'aimerais bien voir ça, j'aime bien Wagner.
    — Oui, moi aussi j'aime l'opéra.
    — Comment? Ça vous intéresse? Mais j'y vais en octobre, à Dijon, la Tétralogie raccourcie sur un week-end. Vraiment, ça vous intéresse? Mais fallait prévenir!
    — On ne peut pas te prévenir, tu ne dis rien.
    — Ben oui, j'ai l'habitude que vous vous moquiez de moi. Bon, je vais voir s'il reste une place.
    — Deux, et moi?
    — Toi tu seras à Lisieux, je te rappelle. Lisieux-Dijon, on fait plus simple sur un week-end.
    — Si, c'est faisable, je ne travaille pas le vendredi après-midi.
    — Parce que tu as déjà ton emploi du temps de l'année prochaine?

    Bref, ils viennent.

    =======================
    Agenda : premiers pas dans la bibliothèque BOSEB Soulagement : ma bibliographie consiste en des articles et non des livres, c'est plus court (c'est important car les documents sont consultables sur place, et il est difficile pour moi d'être là entre 9h et 19h). J'ai l'impression que ma dissertation risque d'être un exposé des diverses thèses sur le sujet. J'ai sans doute intérêt à l'écrire avant de lire les articles, puis à l'enrichir ensuite, si je veux être un peu personnelle.

    Se promener dans les rayonnages est amusant (Eléments d'écriture égyptienne sacrée). A ma table deux dames aux cheveux très blancs copient des lettres sur des feuilles à grands carreaux. De loin cela ressemble un peu à de l'arabe, en plus anguleux. J'aperçois la tranche du manuel qu'elles consultent : c'est de l'akkadien.

    Dans l'autre bibliothèque, j'ai emprunté sur le présentatoirs des nouvelles acquisitions un livre au titre irrésistible: Saint Hilaire de Poitiers, théologien de la communion (ce n'est pas la seconde partie que j'aime, mais le nom. Grégoire de Naziance, Isidore de Séville, il y a une vraie jouissance du nom.)

    Pot durant l'avant-dernier cours d'allemand.
    Hit girls, dont la bande-annonce m'avait plu. Il y a du mou dans le récit, mais on rit. Skylar Astin a un visage sympa mais un nom impossible.
    Un fil à la patte par la troupe de théâtre de l'école (sans O. parti à Jambville pour trois jours). ces lycéens sont toujours aussi extraordinaires.

    Je lis le livre de Christian Delorme, prêtre en région lyonnaise : L'islam que j'aime, l'islam qui m'inquiète.

    Bilan de la semaine

    Résultat de mon expérience:
    - Ne rien faire d'autre au travail que travailler. J'ai passé une semaine à glander sur internet parce que je commençais mes journée en faisant une demi-heure de grec. Moralité : ne rien faire d'autre que travailler au travail. Il vaut mieux que je réduise mon temps de travail et que je rentre plus tôt chez moi.

    Des projets, des envies, des rêves

    J'ai commencé un test paléo depuis lundi (je veux dire que je vais essayer sur un mois).

    Premier entraînement Nerdfitness mardi (lundi aviron, ou plutôt ergo car la Seine est à nouveau en crue). Il s'agit à la fois d'essayer (est-ce que par hasard cela donnerait des résultats?) et de me remettre en forme pour la descente du Lot le 23 juin. J'en suis à 65 kg, trois kilos pris depuis janvier, mon poids devient incontrôlable et j'ai faim.

    J'ai acheté le livre de Mark Sisson.

    Et ce matin j'ai tourné sur les sites de kung-fu (mot impropre). Je crois que je vais m'inscrire là à la rentrée en cachette pendant un an. (Je dirai que j'ai un cours à l'ICP.) Puis si ça marche je prendrai deux heures de cours en 2015. Je me sens tellement maladroite, gauche, j'ai l'impression que mon corps échappe au contrôle de ma tête, non pour réagir vite instinctivement, mais pour rester immobile et raide.
    Et je trouve que je tombe trop souvent dans les escaliers, je me tords trop souvent les pieds. Il y a des gaines de myéline à constituer ou reconstituer.
    L'endroit pour commencer.
    Le rêve: perfectionnement en Bagua Zang (dans plusieurs années, on verra. D'abord une heure par semaine l'année prochaine).

    Virgin ou la civilisation

    Ce qu'il faut lire est ici (je me souviens qu'emmenant mon fils de huit ans à une séance de cinéma à dix heures où le petit déjeuner était offert, je l'avais prévenu du comportement des adultes, car je me disais qu'il serait sans doute choqué de voir les gens se ruer pour un petit pain au chocolat gratuit).

    Une histoire simple : faut-il interdire ce film au plus de 50 ou 60 ans?

    Ou plus généralement à toute personne ayant un être aimé en train de vieillir, et finalement de mourir?

    Le film débute par quelques minutes qui montrent la vie quotidienne, puis c'est l'accident cardiaque et l'entrée en maison de retraite.

    C'est à ce moment-là que j'ai entendu derrière moi: «Je me demande si c'est un film pour nous», et en tournant un peu la tête, j'ai aperçu deux femmes élégantes aux cheveux blancs.

    Choc de l'entrée en maison de retraite, description qui rejoint les témoignages directs que j'ai reçus; puis, toujours concordant avec ce que j'en connais, les habitudes, les plis, les amitiés, l'apprivoisement réciproque, ce monde totalement étranger qui devient quotidien.
    C'est bien sûr aussi, ou surtout, la gratitude d'une famille pour une femme qui a vécu à son service pendant soixante ans.

    J'ai pensé à Kieslowski, surpris d'être apprécié hors de Pologne, qui disait qu'il avait compris un jour qu'avoir mal aux dents ou être amoureux, c'était la même chose partout sur terre, et qu'il était donc possible de faire des films pour les hommes partout sur terre.
    Ce film montre que vieillir prend des formes très similaires dans les villes occidentalisées.

    A la fin du film, les deux femmes derrière moi reniflent. Elles parlent de France Inter, qui selon elles aurait raconté n'importe quoi en n'ayant vu que quelques minutes du film. Je ne comprend pas si elles regrettent de l'avoir vu ou pas, elles sont profondément touchées par la relation entre les deux personnages principaux, la vieille domestique et le garçon qu'elle a élevé et qui était son préféré.
    In petto je me dis que si ce film décrit un miracle, ce miracle est le sentiment de reconnaissance de cet homme envers la vieille femme, cette façon naturelle d'envisager un bienfait comme le retour naturel, spontané, inévitable, d'un bienfait («elle a pris soin de moi, je prends soin d'elle»).

    Non, la gratitude ne va pas de soi. Comment se nomme le contraire d'oublier, le fait de continuer à penser à quelqu'un (non, pas se souvenir, se souvenir, c'est penser à quelqu'un dans une situation ou un état passés), le fait de continuer à prendre soin et se préoccuper même lorsque cette personne n'est plus là au quotidien? Comment s'appelle le contraire de "Loin des yeux, loin du cœur"? C'est cela, l'amour?

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    Agenda : dernier cours sur l'islam, un peu houleux. La prof rappelle que la première condition du dialogue est l'écoute (non, elle ne parle pas des chrétiens et des musulmans, mais des élèves de la classe).
    Je me rends compte que le dialogue inter-religieux ne m'intéresse pas vraiment: ce n'est pas la religion de l'autre qui m'intéresse, mais l'autre, la personne, sa vie, ses soucis, ses rêves. Sa religion par contrecoup, mais pas en objet premier.

    Oblivion

    Pas le moral ce matin, tant et si bien que je passe du temps sur les sites paléo (je découvre des sites en français, belge et québécois (des recettes, youpi! le problème ce sont les ingrédients introuvables en France et le temps passé à convertir les unités de mesures). Ce qui me plaît, c'est le côté expérience. Ce qui me donne confiance, c'est la phrase "Essayez un mois, vous verrez bien": cela sonne juste. J'ai un souvenir précis de mon adolescence quand je faisais du sport jusqu'à avoir des voiles noirs sur les barres asymétriques et je sais très bien ce que je ne veux pas revivre. Donc je peux me permettre les expériences, je sais que si cela ne fonctionne pas, je le saurai très vite. Et inversement.

    Et toujours parce que je n'avais pas le moral, je suis allée voir Oblivion à midi. C'est un film qui se laisse regarder, avec tous les ingrédients de la science-fiction (le pouvoir des livres (Ray Bradbury), les envahisseurs, la terre inhabitable (une pensée pour Wally, avec la fleur dans une boîte de conserve), la valeur du sacrifice (un petit côté Armaggedon)). C'est également un film terriblement américain, destiné au public américain: la nostalgie, c'est le Rockfeller Center, le football américain et la casquette "NY". (Mais les livres, ce sont lais de l'ancienne Rome (Macaulay) ou Conte de deux cités, entraperçu sur un dos (Dickens, comme dans Au-delà)).
    J'aurais une réflexion d'ordre générale, mais pas maintenant, je ne veux pas spoiler.

    En tout cas, ce film m'a remonté le moral; peut-être parce qu'il met en scène ce paradoxe sans cesse mis en scène: nous, individu ou humanité, sommes toujours sur le point d'être détruits, par des forces intérieures ou extérieures à nous-mêmes, mais nous possédons des forces de résistance insoupçonnées et inconscientes, intérieures ou extérieures. (Pourquoi et comment ces forces? Ce sera mon étonnement perpétuel.)
    Nous sommes indestructibles, en dépit de nous-mêmes.

    J'aime bien Tom Cruise. Il me fait de la peine et attise ma curiosité, pourquoi lui dans une secte? Quelle faiblesse interne, quelle blessure?

    L'ensemble, paléo + cinéma, a été très mauvais pour ma productivité de la journée.

    Quarantaine

    En rentrant samedi m'attendait un tout petit livre, En quarantaine de Jacqueline Harpman, accompagné d'une carte postale: «je voulais te donner ce petit texte qui me semble fait pour toi».

    Je l'ai lu ce soir en rentrant sur le quai du RER. L'auteur raconte comment elle fut mise en quarantaine au lycée (personne, élèves ou professeurs, n'avait le droit de lui parler pendant quarante jours) après avoir démontré son illogisme à une amie capable simultanément de faire pleurer le lycée sur ses angoisses de sœur d'un soldat au front (nous sommes en 1942) et de défendre dans une dissertation Péguy louant la beauté de mourir pour la patrie («Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés»). L'amie vexée alla se plaindre à la directrice en déformant les propos et l'auteur fut mise en quarantaine après avoir ressenti physiquement l'impossibilité de s'excuser, puisqu'elle était dans la vérité.
    A la fin de la quarantaine, ses camarades de classe ne comprirent pas pourquoi désormais c'était elle qui ne leur parlait plus.

    Qu'on m'envoie ce texte avec les mots "il me semble fait pour toi" est assez mélancolique mais plutôt rassurant: non je ne suis pas folle, ce que je vois et ce que je vis est vu par mon entourage.

    Je m'interroge parfois sur mon effrayante capacité à me disputer ou simplement à me détacher des gens. J'ai l'impression d'être un serpent qui avance en laissant ses mues derrière lui: pourquoi ? Trop brutale, trop franche, pas assez gentille? (Oui.)
    D'un autre côté, je sais aussi que n'importe laquelle de ces personnes pourraient venir me demander un service: si c'était dans mes capacités, je le rendrais sans même réfléchir, cela me paraîtrait totalement normal (d'où d'ailleurs ma difficulté à envisager que cette sensation de normalité, "chose qui va de soi", ne soit pas universellement partagée).

    J'ai cessé de m'interroger sur tout cela. Il y a eu plusieurs étapes dans cette acceptation de la solitude. Il y a eu le jour où une amie m'a dit (nous parlions de nos années de collège): «Ce que les autres n'acceptent pas, c'est que nous n'ayons pas besoin d'eux». Et cela m'a paru très vrai: avec nos livres, nos passions, nous sommes autonomes, perdus dans nos pensées, ailleurs.

    Et puis il y a eu ce texte de Paul Graham:
    Alors si l'intelligence elle-même n'est pas un facteur de popularité, pourquoi les enfants intelligents sont-ils toujours impopulaires? La réponse, je crois, c'est qu'ils ne veulent pas vraiment l'être.
    Si quelqu'un m'avait dit ça à l'époque, je lui aurais ri au nez. Etre impopulaire à l'école ça rend les enfants malheureux, certains au point de se suicider. Me dire que je ne voulais pas être populaire, ç'aurait été comme dire à quelqu'un mourant de soif dans un désert qu'il ne veut pas d'un verre d'eau. Bien sûr que je voulais être populaire.
    Mais en fait non, pas assez. Il y avait quelque chose que je voulais plus: être intelligent. Pas seulement pour avoir des bons résultats à l'école, même si ça comptait, mais pour concevoir des fusées, ou pour bien écrire, ou pour comprendre comment programmer un ordinateur. D'une façon générale, pour faire des grandes choses.
    A l'époque, je n'ai jamais essayé de séparer mes désirs et de les peser l'un vis-à-vis de l'autre. Si je l'avais fait, j'aurais vu qu'être intelligent était le plus important pour moi. Si quelqu'un m'avait offert la possibilité d'être le gosse le plus populaire de l'école, mais au prix d'être d'une intelligence moyenne (laissez-moi croire que je ne l'étais pas, voulez-vous), je ne l'aurais pas saisie.
    Ce texte, que j'ai découvert en 2009, a été une révélation: tout cela n'était finalement qu'une question de hiérarchies dans ce qui comptait le plus pour moi, l'important pour ne pas être malheureux était d'en avoir conscience.
    (Lisez la fin du texte : c'est une analyse dévastatrice de la fonction de l'école jusqu'au bac comme une gigantesque garderie.)

    La carte postale se termine par cette phrase que j'aime beaucoup: «les Mille et une Nuits ne semblent pas faits pour traverser les siècles».

    Au détour d'un bois

    Je m'étais proposée pour accompagner les enfants à Jambville, où ils montent les tentes scoutes pour le Frat du week-end prochain. (Cette famille devient de plus en plus catho, pauvre H. qui ne s'y reconnaît plus! (Entre nous, moi aussi j'en suis très étonnée, cela n'en prenait absolument pas le chemin. Mais avoir la possibilité de dormir sous la tente et de posséder son propre couteau de poche en convertirait plus d'un (version ado de "Paris vaut bien une messe").))

    Je pensais faire l'aller-retour dans la matinée, les laissant se débrouiller pour revenir en RER, peu encline à me faire bloquer dans les bouchons de retours de vacances. Bien entendu, une chose en entraînant une autre, je me suis retrouvée à tenir les piquets centraux des tentes de huit.
    (Il faut bien reconnaître que cette gigantesque organisation m'impressionne, moi qui ne suis même pas capable de prévoir le café pour une réunion de quinze personnes).

    J'ai un peu déambulé dans le parc immense pendant que se montait la table (rondins et ficelles, table pour onze).
    Et je suis tombée nez à nez avec Sullivan.


    Dernier jour

    Seuls ce matin. Messe de l'Ascension à Saint Marc puis direction le cimetière.
    Depuis que H. a changé d'entreprise en 2010, il photographie les tombes pendant ses vacances («je vous jure que c'est vrai, Madame»). Quand il a fini de mitrailler les enfeux (parce que nous nous décomposons moins vite du fait des antibiotiques ingérés (pas uniquement par médicament, surtout par les aliments), des problèmes de place apparaissent dans les cimetières français et nous nous dirigeons vers une solution de type enfeu), je réclame d'aller voir la tombe de Brodsky.
    — Je veux voir si ça a changé.
    — Ça n'a pas changé : les morts sont toujours morts.

    En quoi il se trompe, le rosier a beaucoup grossi entre 2009 et 2013. Et le nom de Brodsky a été officiellement ajouté au panneau indiquant les tombes célèbres.






    Je me rends compte qu'il est enterré dans la parcelle évangélique. Un Russe évangéliste, qu'est-ce à dire?

    Nous repassons chez l'imprimeur — dont c'est l'anniversaire. Il nous avoue qu'il choisit ses clients, que lorsqu'un Américain entre en disant «I want», il se trouve souvent que ce qu'il "want" est impossible, Gianni Basso est vraiment désolé.
    Quelle tête de mule et quel sentimental.
    Bref, nous papotons. Nous lui disons notre surprise et notre gratitude à voir les Vénitiens si serviables (pas souriants, parfois revêches, mais serviables, prêts à aider dans le besoin) devant la foule.
    — Nous avons l'habitude. Et puis tout Vénitien est en représentation.
    N'empêche. Nous lui expliquons que ce qu'a fait H. ce matin, s'installer en terrasse au Florian non ouvert pendant que les serveurs balayaient, est absolument impossible à Paris.

    Après-midi. Je passe les détails. En déambulant le soir, nous passons par hasard près de la statue de Paolo Sarpi que j'ai rencontré le matin dans McCarthy. La coïncidence me fait plaisir car je n'aurais pas osé demander partir à sa recherche.
    Devant le casino (là encore, hasard: nous cherchions un traghetto qui n'existe pas ou plus) je photographie la plaque commémorant la mort de Wagner (pour Philippe).

    Nous dînons derrière San Giacomo dall Orio. J'observe la façon dont les gondoliers s'aident des jambes pour prendre de l'élan contre les murs. La ville elle-même fait partie du système de propulsion des gondoles. (Plus tôt, sur le vaporetto entre Celestia et Fondamente Nove, j'avais observé deux garçons en double scull sur la lagune. Une envie de bateau ne me quitte plus depuis que je suis ici, avoir ramé à Venise m'a perdue pour les piétons. J'envisage d'apprendre le kayak ou de passer le permis bateau (est-il possible de louer un bateau moteur? est-il possible de ne pas causer d'accident en circulant sur les canaux sans y avoir grandi?). Bref, je rêve.)

    Nous rentrons dans la nuit. A toute heure des gens errent, perdus, avec ou sans carte à la main. Les rires des filles se font plus aigus, l'alcool aidant. La marée est haute.

    Une journée dans les îles

    Les Carpaccio aux esclavons, Torcello, Burano, soleil et ciel bleu (sieste sous les pins), spritz place sainte Marguerite. La vie prend son rythme.

    Cet homme repeignait sa maison au pinceau. Il m'a donné l'envie d'en faire autant. Ai-je une échelle assez haute? (Il me semble que oui.) Combien de temps cela prendrait-il? (Le drame de ma maison, c'est que nous l'avons achetée blanche, mais que le propriétaire l'a repeinte en jaune entre le compromis de vente et notre emménagement. Je voudrais une maison blanche.)





    Je lis Mary McCarthy (croisée dans Hannah Arendt il y a quelques jours, c'était de grandes amies) et cela me fait rire.

    «Je vous envie d'écrire sur Venise», déclare le nouveau venu. «Je vous plains», dit celui qui sait de quoi il retourne. Une chose demeure certaine; la sophistication, cette sophistication contemporaine qui impose de se démarquer, d'être paradoxal, de renverser les données, s'avère impossible à Venise. Et avec le temps, c'est ainsi que jaillit la beauté du lieu. On abandonne la lutte, on se soumet à un sentiment traditionnel, on accepte le fait que ce que l'on est sur le point de dire, de ressentir, a non seulement déjà été dit par Goethe ou Musset, mais était également sur les lèvres du touriste de l'Iowa débarquant sur la place Saint-Marc, flanqué de son épouse avec une fourrure piquée d'une broche. L'Autre, cet ennemi existentiel, est ici semblable à soi-même.

    Mary McCarthy, En observant Venise, p.18 (petite bibliothèque Payot, 2003)

    J'ai un problème de timbres. Le buraliste de Burano me dit «finito» et je suppose qu'il n'en a plus. Mais celui pas très loin de la place Saint Marc me dit qu'il n'en vend plus et qu'il faut aller à la poste et je ne suis pas très sûre de ce qu'il faut comprendre: les buralistes sont-ils tous en rupture de stock ou n'en vendent-ils plus par changement de réglementation?
    Demain c'est l'Ascension, la poste ne sera pas ouverte.

    Journée ensoleillée

    Il fait très beau, avec un peu de vent. Après avoir cherché un médecin, notre ami décide d'aller aux urgences à l'hôpital afin de faire au plus simple (à ma question: «Crois-tu avoir besoin d'autres médicaments que ce que nous pouvons acheter librement en pharmacie?» il a répondu oui, ce qui rendait légitime la démarche). Il en ressort que l'on peut librement circuler dans l'hôpital, qui est très vaste et ressemble au reste de Venise (je veux parler des maisons ocres et des volets verts et de l'herbe haute). Ce serait une façon d'aller très vite des Fondamenta Nuove à San Giovanni et Paolo, mais évidemment guère civique.
    Dans les jardins de l'hôpital, une fontaine rassemble une colonie de tortues de Floride. C'est curieux.





    (Il apparaîtra, mais nous n'en doutions guère, que notre ami avait paniqué un peu vite.)

    Pendant qu'il est à l'hôpital avec sa femme, H. et moi retournons chez Gianni Basso. Comme il nous dira en riant «les gens reviennent pour vérifier que je n'ai pas disparu». J'ai un peu honte car il a raison (mais je suis rassurée, son fils est plus souriant, plus détendu: peut-être a-t-il constaté en quatre ans que les idées bizarres de son père (pas de fax, pas d'internet) constituent le meilleur marketing pour son activité d'imprimeur traditionnel. Quoi qu'il en soit, les commandes continuent d'affluer du monde entier.)

    J'en profite pour entraîner H. vers magasin repéré lors de mon passage pour la Vogalonga. Il s'agit de vêtements fabriqués par des détenues et la vitrine est de toute beauté.
    En fait j'étais persuadée que rien ne m'irait (habits fait à la main, je n'ai pas la taille mannequin, etc.) mais il s'avère que la vendeuse a le jugement sûr (cela m'impressionne toujours, ces vendeuses qui vous jaugent au premier coup d'œil et paraissent avoir un mètre-ruban dans le cerveau) et que deux clientes charmantes sont dans le magasin, dont l'une parlant très bien français: pour faire court, je ressors avec une robe et une veste.

    Porter une robe fabriquée par une détenue ne me laisse pas entièrement tranquille: suis-je en train d'aider quelqu'un ou en train de profiter de sa faiblesse? Et qu'a-t-elle fait pour être en prison? (Oui, oui, je sais que cela n'a aucune importance, j'ai la robe. Mais si on ne peut plus rêver sur les objets, à quoi bon?)

    Cette capacité à rêver à partir de rien finit d'ailleurs par me paraître essentiel pour visiter Venise: après déjeuner, nous entraînons nos amis à San Pietro. C'est l'un de mes endroits préférés à Venise, même si je sais que c'est trop venteux pour que je puisse jamais y vivre. Peut-être sommes-nous entrés un peu trop vite dans l'église saint Pierre, peut-être n'aurions-nous pas dû y entrer (derrière moi, un ado d'une quinzaine d'années est en train de dire à ses parents: «Vous allez payer pour ÇA? Mais on a déjà vu la même chose dix fois!» Impavides, les parents paient et entrent avec lui. A leur place, je l'aurais laissé dehors).
    Toujours est-il que lorsqu'on ne rêve pas, lorsqu'on ne se projette pas dans le passé, lorsqu'on ne se laisse pas émerveiller par l'idée que c'était la cathédrale de Venise avant Saint Marc, ou que l'on ne regarde pas le trône de Saint Pierre à Antioche en songeant aux Actes des apôtres ou à Corto Maltese ou en philosophant que c'est étrange, cette sourate du Coran sur un trône de Saint Pierre, eh bien oui, ce n'est pas grand chose, cette église, une église de plus, et c'est ce que paraissent penser nos amis.
    Je suis déçue de leur manque d'enthousiasme. Je regrette de les avoir fait payer pour entrer là, à quoi bon?

    Une glace plus tard, nous rentrons. Les places sont envahies d'enfants qui jouent au ballon, l'école doit être finie, il y a des poussettes et des petites filles. Je me glisse très vite dans l'église qui a vu le baptême de Vivaldi, pour une fois ouverte alors qu'elle est toujours fermée. Les autres m'attendent devant, sans curiosité.
    Comme elle est toujours fermée, je pensais qu'elle était délabrée, mais ce n'est pas le cas. Elle paraît simplement "très fouillie", elle est petite et semble liée à un saint russe qui m'a paru Jean-Baptiste, s'agit-il d'un jumelage avec une église russe? Je n'ai pas osé passer trop de temps à chercher à comprendre; la différence d'alphabets était un obstacle de taille.

    Je n'ai même plus envie de forcer (un peu) nos amis à entrer à Saint-Georges des esclavons alors que nous passons devant. J'aime trop Carpaccio, je préfère venir le voir seule ou avec H.; vu la taille des deux pièces, cela me prendra trois quart d'heure n'importe quand dans la journée.

    Ils rentrent se reposer à l'appartement, H. et moi prenons le vaporetto et allons nous installer en terrasse place sainte Marguerite. Cartes postales, lecture et soleil, deux spritz bitter plus tard je suis un peu ronde. Il y a quelque chose de fétichiste dans notre façon d'envisager cette ville, nous passons notre temps à revenir aux endroits aimés. Il y a un quartier que nous ne connaissons pas, que nous n'avons jamais exploré: S. Croce. Nous l'avons toujours évité, il faudra un jour combler cette lacune.

    Lundi

    Grand calme ce soir, encore. J'ai enfin compris que nous étions dans la rue (calle) de Saint Georges des Esclavons : loin de tout canal, de tout chemin de transit d'un point à un autre de la ville — et donc grand calme.
    Les cloches viennent de sonner minuit.

    Palais des Doges (pas d'accès à la salle des Cartes, ma préférée, occupée par l'exposition Manet). Un homme cherche le Jérôme Bosch qui était là il y a quatre ans (je lui assure qu'il n'a pas rêvé), il a changé de place, mais est-il encore au palais?
    Musée de l'Académie, il me semble que des salles sont rouvertes depuis mai 2011. Le plancher gondole, il y a des fissures, j'ai l'impression que le sol se dérobe sous le poids des bâtiments.
    Mes souvenirs sont terriblement peu fiables.
    Il pleut un peu, ce n'est pas gênant. Je n'ai plus rien envie de rien visiter, juste d'être là.





    Nous achetons un parapluie, il arrête de pleuvoir.

    Sieste longue dans Venise pluvieuse. L'un d'entre nous est malade, a de la fièvre.

    Trouvé une erreur dans la liasse fiscale (trop tard), envoyé le dernier fichier à l'ACP, vu Iron Man 3 (italien non sous-titré), mangé des pâtes cuites dans une minuscule casserole avec très peu d'eau.

    Pemier jour

    Réveillée tôt, la fenêtre est en face du lit, elle est ouverte. Silence impressionnant et les cris des oiseaux. La fenêtre donne sur un jardin, en se penchant on aperçoit le clocher de l'église des chevaliers de Malte.
    Je passe la matinée à compléter le tableau d'hier matin. Mon but est de tout envoyer dans la journée. J'aurais cinq jours de retard.

    Après-midi peu efficace, errance. Deux églises. Le splendide carrelage de Santa Maria della Salute est caché par un tapis rouge. Tant pis. Tout me paraît différent dans la crypte, une fois de plus.

    Cela ne va pas être facile de faire un programme cohérent pendant cette semaine. Je voudrais aller à Saint François du désert. Je vais faire un caprice de fille.

    Sinon il se dessine que nous irions voir Iron Man 3 en italien. Lol.

    Samedi en courant

    Matinée sur le plus gros des tableaux (des onglets multiples qui nécessitent de remplir dix mille fois les mêmes chiffres. Aucune formule n'est prévue, j'en ajoute quelques-unes): si j'ai décidé de le remplir à la maison, c'est que j'y dispose d'un écran de trente pouces, pratique pour afficher en grand plusieurs tableaux.
    Hélas, je n'ai pas terminé à midi. Il faudra que je continue à Venise sur mon écran onze pouces.

    Un enfant à aller chercher gare du nord à deux heures, un autre à Roissy à trois heures, nous partons d'Orly à six heures et demie.

    Je prépare ma valise. Je n'emporte pas de livre mais mes cours de grec: comme à Amsterdam, j'ai une version à rendre à la rentrée. Ce voyage à Venise intervient dans un contexte étrange: si j'avais eu le choix, j'aurais préféré une ville que je connais moins bien (Rome, Naples, la Toscane, Tarente), mais nous sommes invités par des amis auxquels nous allons plus ou moins servir de guides. Je pars en sachant que cela va être une semaine peu libre (je veux dire que je ne vais pas l'organiser comme je le ferais naturellement). J'espère en profiter pour réussir à travailler un peu, invisiblement tôt le matin comme c'est ma spécialité. «Je m'efforce de profiter des vacances jusqu'au dernier moment pour terminer mon travail»: je chéris cette phrase de Scholem qui me fait rire.

    The Lebanese Rocket Society

    Rangé, classé, pris le parti de remplir les deux tableaux que je devais envoyer le 30 avril au plus tard demain matin.

    The Lebanese Rocket Society: un documentaire repéré dans la rubrique "nouveaux films" de L'officiel des spectacles. Dans les années 60, un professeur de mathématiques qui rêve de fusée décide d'en construire avec les moyens du bord. Le film commence sur l'impossibilité du film: la disparition des archives dans la guerre ou dans l'abandon (une archive présente dans des centaines de bobines de films d'actualité non indexées est comme perdue), l'absence de souvenirs de la population.
    Puis les deux journalistes rencontrent les protagonistes de l'époque et le récit prend corps. Dommage qu'ils n'aient pas eu une cuiosité de scientifique car ils ne posent aucune des questions que j'aurais posées au professeur Manoug Manougian qui travaille aujourd'hui en Floride (quels calculs? quels échecs? quelles pistes suivies?). Nous apprenons simplement qu'en l'absence de carburant au Liban, il décide avec ses étudiants de le fabriquer lui-même avec ce qu'il trouve à l'université. Les premières fusées sont construites avec des tubes trouvés dans le commerce.

    Le film met en tension les recherches passionnés d'un groupe de jeunes gens, l'intérêt à peine dissimulé des militaires… et les questions que se posent les nations proches ou lointaines.
    Puis survient la guerre entre Israël et l'Egypte, le départ et le retour de Nasser, etc. Ici quelques images nous remettent dans le contexte de James Bond ou de SAS. Le groupe d'étudiants et de professeurs doit arrêter ses recherches, trop ambigues.

    L'étonnant, c'est que personne ne s'en souvient. Ce fut pourtant une grande affaire dans les années 60, rassembleuse de la nation libanaise; un timbre avait même été émis: un appel à témoignage au cours d'une émission de radio ne reçoit aucun écho. Tout le monde est-il mort ou émigré? Cette disparition de la mémoire à si courte échéance est impressionnante.

    Le film se termine par une utopie en dessin animé qui dure cinq minutes (mais qui paraît beaucoup plus long): ce qui se serait passé si la Lebanese Rocket Society avait prospéré. Pour un Français, cela gâche un peu le film, mais je suppose que c'est le moteur du film: la nostalgie, "ce qui se serait passé si…", le désir d'un Liban heureux, uni et paisible.

    Pour tous ceux qui ont fait des études d'ingénieurs, pour ceux qui aiment l'histoire et les documentaires et ceux qui aiment le Liban. Cela devrait faire beaucoup de monde.

    Bon appétit

    Derrière moi à la cantine (il faut dire: "restaurant d'entreprise"), j'entends:
    — Bon appétit.
    — Bon appétit, ô ministres intègres !
    — C'est pour Cahuzac que tu dis ça?

    Plus tard l'effet sera un peu gâché par l'échange suivant:
    — C'est de qui déjà? Rabelais?
    — Pantagruel?

    C'est amusant, ce transfert d'appétit à Pantagruel. Quelque chose s'est enraciné plus profondément que la connaissance scolaire.
    J'aime dans Kill Bill II la méchante qui se réjouit d'avoir l'occasion de se servir de gargantuesque.

    Trois enterrements et une naissance (ou conversation avec ma mère)

    Lundi j'appelle ma mère que je n'ai pas eu au téléphone depuis son retour de vacances.
    De plus en plus souvent je téléphone plutôt qu'écrire alors que j'ai horreur de cela. La raison en est paradoxale: c'est pour ne pas donner de nouvelles. Elle ne sait rien de mes études en théologie, rien de mes blogs, rien de mes lectures, et je n'ai pas envie de parler des enfants car la situation m'attriste. Or si j'écris, il faut bien que je trouve un sujet; alors que si je téléphone, c'est elle qui parle, problem solved.

    J'ai donc appris en quelques minutes la mort de la tante Paulette (que j'aimais bien, elle venait de Brantôme (les deux propositions apposées n'ont pas de lien causal)). Elle avait plus de 90 ans, c'était dans l'ordre des choses (commentaire de ma mère: «Il ne reste plus beaucoup de belles-sœurs de mémé» (tandis que ma tante m'avait dit trois jours avant «Il ne reste plus qu'un frère et une sœur» (sur treize, note de la rédaction))); puis celle d'une petite-cousine de papa «à 56 ans, tu te rends compte, c'est jeune, elle était en fauteuil roulant depuis plusieurs années, je n'ai jamais bien compris quelle était sa maladie»; et enfin celle d'une fille de Marila: « Tu te rappelles de Marila? (évidemment que je m'en souviens), eh bien elle avait une fille, tu sais, en 81, on lui envoyait de la bouillie (en Pologne, NdR), eh bien elle s'est mariée le 6 avril et elle s'est tuée en voiture le 8!»
    Ma mère de conclure: «Tous ceux qui étaient au mariage se sont retrouvés à l'enterrement».

    Quel était le mot qu'utilisait Compagnon? Shadenfreude?

    Et moi de me demander in petto quel sort poursuit désormais la branche maternelle de mon père.

    Ma mère continue (ou fait des incises, je m'y perds):
    — Oui, on a été au courant par le cousin qui fait des recherches généalogiques. D'ailleurs ça le désespère que ça n'intéresse personne de notre côté. Parfois il me dit «il n'y aurait pas un fils de Joseph que ça intéresserait, L., par exemple?»
    — Tu sais, L., ses enfants sont trop petits, entre l'aîné et les jumeaux, ça m'étonnerait qu'il ait le temps de faire autre chose pendant quelques années encore.
    — Surtout qu'ils en attendent un quatrième, encore un garçon.

    Et voilà comment j'apprends les grossesses dans ma famille. Cela me fait toujours un peu de peine de voir que les naissances sont moins un sujet que les morts.

    (Pour mémoire, l'un des jumeaux a un nom proustien: Céleste.)

    Hannah Arendt (le film)

    Que des dialogues, bien sûr, avec l'accent allemand parlant anglais.
    Je me demande si l'appartement d'Arendt donnait ainsi sur l'East River.
    Je ne sais pas s'il est possible de rendre le scandale de l'époque. Hannah Arendt a perdu tous ses amis dans cette affaire. Toutes les correspondances s'interrompent à ce moment-là (je feuilletais l'autre jour celle d'Arendt-Scholem: elle s'arrête en 1963). Le film illustre cela avec Hans Jonas et Kurt Blumenfeld.

    L'idée développée est que ce qui nous rend humain est la pensée. Eichmann et ses pairs ont cessé d'être humain car ils ont cessé de penser. Ils se sont contentés d'appliquer des ordres.
    Cela me paraît faux : Heidegger n'a jamais cessé de penser, cela ne l'a pas empêché d'errer.
    Ni l'intelligence ni la culture ne protègent du mal (dans son application quotidienne: la méchanceté) ni de la bêtise.

    Ce qu'essaie d'articuler Hannah Arendt, c'est la médiocrité d'un homme avec l'efficacité et l'atrocité du système mis en place. Un taylorisme poussé à l'extrême, finalement. Chaque artisan intervenant dans la construction d'une cathédrale ne devait pas être bien malin non plus. Ce qui manque à l'artisan ou à Eichmann, c'est le recul pour juger de l'ensemble.
    Mais si Eichmann ou les autres avaient eu ce recul, auraient-ils agi autrement? Je ne le crois pas, au moins pour la majorité d'entre eux.1
    Qu'est-ce qui rend humain? L'attention à chacun, individuellement. Le refus de traiter une personne selon la catégorie où on la place.

    Crime contre l'humanité: j'ai compris soudain qu'il ne s'agissait pas de crime contre "l'humanité, communauté d'hommes", mais crime contre "l'humanité, ce qui constitue la qualité d'homme, la qualité d'appartenir à l'humanité"; crime de déni d'humanité.
    La particularité de ce crime, c'est qu'il s'applique autant au bourreau qu'à la victime: le bourreau dénie la qualité d'homme à la victime, mais ce faisant il se la dénie également. En ne sachant pas reconnaître un pair, il pert la qualité de pair. En un sens on juge le bourreau pour quelque chose qu'il s'est infligé à lui-même.
    Peut-on juger un homme comme un homme quand il s'est lui-même retiré la qualité d'homme? Sa seule place ne serait-elle pas le zoo? Mais si nous décidions cela, deviendrions-nous comme lui, en lui niant sa qualité d'homme?



    Note
    1 : Je triche un peu en disant cela, car je suis persuadée que malgré leurs dénégations, ils étaient au courant. Si même les personnes enfermées dans les ghettos de Hongrie étaient au courant, comment les dignitaires berlinois ne l'auraient-ils pas été? Je crois que c'est Himmler qui avait vu les Einsatzgruppen à l'œuvre et disait à tout dirigeant allemand: «N'y allez pas, n'allez pas voir ça» (la référérence est à retrouver dans Raul Hilberg).

    Image

    Six mois plus tard, je ne suis pas bien sûr d'assumer mes lunettes de soleil Guess roses dans un étui panthère. Ça fait un peu pouffe sur le retour.

    Le pont de la rivière Kwaï

    Matinée sur des sites de… teeshirts : spreadshirt, redbubble, I' m voting tea party, woot, 80stees, ça me fait rire (un rien m'amuse).

    Commencé à écrire sur Tamar (je me suis aperçue que j'avais perdu ma dissert de l'année dernière sur tradition et révélation. Il faudra que je fouille dans ma clé USB sur laquelle je sauvegarde de temps en temps en vrac, générant quantité de doublons qui font que je n'ose plus l'ouvrir).
    Cette deuxième année représente de grands progrès sur la maîtrise du temps, avec plus de rigueur et de discipline, à tel point que j'ai entendu H. regretter le temps où je perdais mon temps sur internet!!! (comme quoi tout est possible, même l'incroyable. Contexte: je me plains de tout perdre et de tout oublier. Il me répond: «Normal, tu fais trop de choses. Moi: —Tu plaisantes, j'en fais beaucoup moins, plus de blogs, plus de FB, j'ai beaucoup concentré mes activités. H: —Justement, surfer et glander, ce n'est pas fatigant.»)

    Le pont de la rivière Kwaï. Je ne l'avais vu qu'une fois en cassette vidéo, j'en gardais un souvenir flou (deux images, "le four" du camp et le jardin paradisiaque du commandement britannique). Quelle perfection dans la construction narrative, tout le nécessaire, rien que le nécessaire, au moment qui convient.

    Dîner chez Jaffar. Nous sommes clients depuis longtemps. Lorsqu'il avait fermé en 2010, j'avais cru que les charges avaient tué un petit restaurant de plus: j'ai la surprise de découvrir qu'il est recommandé par un journal de Chicago!

    The Grandmaster

    Je ne sais si ce film trouvera son public (comme on dit): ceux qui attendent du kung-fu seront en partie déçus, ceux qui aimeraient ce film n'iront peut-être pas le voir (le "peut-être" porte sur le nom du réalisateur, Wong Kar-Wai, qui, je le suppose, a ses fidèles).

    Beauté des images, ellipses. Comme pour une oreille européenne tous les noms se ressemblent, le spectateur est totalement perdu au bout d'une demi-heure et démêle les fils grâce à son habitude des récits: nord, sud, la gradation des épreuves, le méchant prétentieux, la fille liée par sa condition de femme qui s'en délie en se liant par un vœu plus contraignant, et l'histoire en marche qui broie les histoires individuelles. J'ai eu le temps de penser à Autant en emporte le vent avant que la musique d'Il était une fois l'Amérique me ramène sur les traces d'une fresque plus contemporaine.
    C'est un film de patience et un film sur la perte, sur la mémoire et la tradition perdues.

    Lassitude

    Coup de fil à 18h. Le plus jeune exclu une journée du collège pour bagarre (ayant entraîné le port d'une minerve, tout de même). C'est arrivé vendredi il y a huit jours, il n'avait rien dit.
    Cela après avoir eu au téléphone la fiscaliste qui a découvert une retraitement imprévu (en notre faveur, encore heureux) et avoir perdu le mot de passe pour répondre à l'enquête drees (je l'ai changé puis je l'ai oublié).
    De toute façon j'oublie tout en ce moment. Et je perds tout (la montre que mon père avait gagnée au tennis et qu'il m'avait donnée en août 1986. A l'époque il n'y avait pas de bracelet de couleur pour des montres pareilles.)
    Bref, pas eu le temps d'aller voir Hannah Arendt à 16h30 comme je l'espérais.

    Et H. qui ne rentre pas. Revient à travers les années la peur de l'accident de voiture.
    Je vais me coucher.

    Jeudi

    Temps magnifique (''for the records''. Je suis encore traumatisée par le temps de l'année dernière. Pauvre Félix.)
    Je ne peux pas en profiter pour ramer, car j'y suis allée hier après presque trois mois d'interruption et j'ai la peau du pouce arrachée.

    Fini la liasse fiscale, yapluka la faire relire. (Je le rapporte ici parce que c'est tellement satisfaisant de remplir cela de A à Z. La dernière fois que j'avais joué à ça, c'était en 1993, et je n'avais droit qu'au 2059A. Et aux tableaux de conso de l'actif immobilisé. Pas glop, un rouage dans un grand tout. Maintenant je suis le grand tout, mouahahah.)
    Et la DAS2.
    Demain, enquête à remplir pour la [Drees|http://www.drees.sante.gouv.fr] (dernier jour): il est conseillé de prévoir trois heures… (WTF!!! Ce n'est pas comme si c'était la période de l'année la plus blindée en échéances administratives diverses. Mais enfin, j'espère en profiter pour dessiner des courbes démographiques.)


    Finalement Tamar (Genèse 38) et pas les Lamentations de Jérémie pour la dissert de fin d'année. A condition que j'obtienne l'autorisation d'entrer à la bibliothèque de troisième cycle, seul endroit où se trouvent les livres et revues sur le sujet (chic chic chic! j'adore les endroits où je ne suis pas censée mettre les pieds).

    Vacances. Deux semaines sans rentrer de cours à minuit. Perspective reposante.



    --------------------
    Pour mémoire : Clément est admissible à la piscine de free.

    Promised land

    Pas un grand film, mais des questions mélancoliques.

    L'agriculture peut-elle faire vivre une région, une région peut-elle vivre sans industrie?
    Faut-il fuir la terre, la campagne, la brûler au nom des besoins en ressources naturelles? («Mais où irons-nous, tous?»)
    «Nous savons pourquoi vous êtes là: parce que nous sommes pauvres.»
    «Les temps ont changé.»

    Matt Damon prend le bus. Je parcourrais bien les Etats-Unis en bus. Maintenant je sais que les films donnent une image fidèle des paysages américains.
    Pensée pour les petites usines électriques ("plants") sur les bords de magnifiques petites criques bleues du Massachussets, ou pour la centrale nucléaire sur la crête.
    Le rapport des Américains à l'environnement n'est pas le nôtre, mais le pays est si grand qu'on a l'impression qu'il en restera toujours des pans intouchés.


    J'ai repris une carte UGC. C'est la seule chose qui me permet de me reposer.

    Besoin de vacances

    A quoi reconnaît-on un besoin de vacances? Au fait de décider de compléter dix jours de blog pendant le cours sur Qohélet (oui, le cours intervient après le TG, ce n'est pas heureux); et après avoir fini Gottland, de ne rêver que de reprendre Maudit Karma reçu en cadeau samedi.

    Aujourd'hui, j'ai cité Charles d'Orléans dans une réponse à un client («Je suis de tous maulx bien garny, Autant que nul qui soit en France»); je me suis retenue d'utiliser La Fontaine, "La Lice et sa Compagne", dans une autre.

    J'ai emprunté un roman polonais sur Jérémie, Les Montagnes de la nuit de Dobraczynski. En le voyant arriver (c'est le charme de la communication en bibliothèque: on ne sait absolument pas ce qu'on commande), j'ai cru à un vieux Signe de Piste. Je ne suis pas bien sûr de le lire mais ça n'a pas beaucoup d'importance. Cela me fait plaisir de le feuilleter.

    J'ai découvert dans le catalogue de la bibliothèque qu'il existait un Jérémie par Stefan Zweig.

    L'homophobie libérée

    La loi va passer, les enfants de couples homosexuels vont continuer à aller à l'école, de nouveaux enfants de couples homosexuels iront à l'école.

    Mais avec "l'homophobie décomplexée" (approuvée par l'Eglise, je commence à sentir la colère monter en moi (jusqu'ici ce n'était que la honte)), ces enfants vont courir des risques de plus en plus grands.
    Et quand ils se seront fait agresser, les antis diront que c'est la faute de leurs parents homos, je suppose.

    Ce n'est pas possible d'être aussi con.
    J'ai plein d'analogies Godwin qui remontent, et c'est pour ne pas faire du Godwin que je me retiens. Mais comme disait Todorov (introduction de Face à l'extrême), les problèmes moraux rencontrés pendant le nazisme étaient les mêmes que ceux de tous les jours. C'est la conséquence des décisions prises qui était radicale, qui menait à la vie ou la mort.
    Mais le choix, accueillir ou rejeter, aider ou dénoncer, voir ou fermer les yeux, est le même tous les jours.

    Oral

    Déstabilisée ce soir après un oral d'AT avec O. Artus.

    Je ne sais absolument pas ce que j'ai fait, ou plutôt je le sais: à la question «Quelle est votre critique de ce livre?» (Dieu obscur de T. Römer), je me suis jetée à l'eau et j'ai parlé de ce qui me préoccupe depuis quelques temps, pour des raisons de logique: j'ai répondu qu'il me manquait le lien entre ce genre d'exégèse et Dei Verbum. (En d'autres termes, comment peut-on réduire un texte biblique aux influences assyriennes voisines et à un discours de propagande royale, tout en bouleversant la datation de la diégèse en fonction des découvertes archéologiques, et parler encore d'inspiration divine?)

    Réponse: «l'Eglise a mis cinquante ans après Dei Verbum à mettre au point la méthode qu'elle a donnée avec Verbum Domini, nous réfléchissons maintenant à l'inspiration, j'étais hier au Vatican en commission sur le sujet.»

    Gloups. Ça fait bizarre de s'entendre répondre cela.
    Sa dernière question a été: «A l'origine, vous êtes littéraire ou scientifique?»
    C'est la troisième personne à me poser cette question depuis que j'ai entrepris ce cursus. Qu'est-ce que cela peut bien changer pour eux? Et si cela n'est pas perceptible, la réponse a-t-elle un sens?

    Lisieux

    Traversée de la région parisienne entre six et neuf heures du matin. Pas une bonne idée. Des champs autour de Massy, toujours étranges. En retard, déplacement du rendez-vous, café au lait à Evreux, je dors dix minutes.

    Proust, Sodome et Gomorrhe deuxième partie, La Raspelière, toponymie, la visite des Cambremer. Que c'est drôle et méchant et finement observé. Je note une citation sur le tricot à ajouter à mon billet sur Ryan Gosling et une citation de Leibniz qui me fait penser à mon année à l'ICP (beaucoup de raison, peu de foi): «Un philosophe qui n'était pas assez moderne pour elle, Leibnitz, a dit que le trajet est long de l'intelligence au coeur.»

    Crêperie, blagues Carambar (— Pourquoi ta sœur est toujours au téléphone? — Parce qu'elle veut garder la ligne).

    — Ça veut dire quoi, aliénation?

    Je prépare mon oral de demain pendant que A. passe son entretien.

    Puis basilique de Lisieux, histoire de France, verveine, tilleul, miel, confiture de tomates vertes, Histoire d'une âme en MP3. Je fais l'erreur de ne pas acheter de cartes postales parce que je pense avoir le temps de m'arrêter ailleurs. Ce ne sera pas le cas.

    Au lieu de rentrer directement, je passe par Deauville et Trouville1 puis Honfleur. Je veux montrer ces villes à A. mais aussi je veux passer par le pont de Normandie.

    Nous rentrons. Je redors dix minutes sur une aire d'autoroute. Même Proust ne réussit plus à me tenir éveillée. La voiture tient vaillamment le coup, ce n'était pas évident, elle doit avoir trois cent mille kilomètres.



    Note
    1 : A. est la plus innocente du monde. A des camarades de classe qui annonçaient fièrement qu'elles allaient à Trouville, elle avait répondu: «c'est quoi cette ville si perdue qu'elle s'appelle Trou?»

    Les premières victimes des musulmans

    Cours assez triste ce soir. Que de malentendus et de rendez-vous ratés depuis deux cents ans.

    La professeur est agitée d'une colère (avant j'aurais utilisé "indignation") contenue : «Les premières victimes des musulmans, ce sont les musulmans.» (non pas tous contre tous, mais une poignée contre tous. Cela me fait tellement penser aux bolcheviks ("les minoritaires", ça m'a toujorus impressionnée) ou aux SA.)

    Que de déceptions chez les musulmans, des espoirs des Lumières à la réalité de la première guerre mondiale.

    Mawdudi théorise un islam englobant, qui doit couvrir tous les domaines de la vie. Il est à l'origine du mythe d'une loi musulmane parfaite et cohérente (c'est lui qui est à l'origine de la Sharia'h telle qu'on la comprend en Occident). Il s'agit d'une pensée très moderne, qu'on pourrait appeler un "totalitarisme musulman" (nous sommes dans les années 30).

    Saïd Qutb, frère musulman qui a passé dix ans les prisons de Nasser reprend l'idée de Mawdudi1 mais pose que l'Etat islamiste doit être instauré par une Révolution permanente. Nous sommes dans un esprit de guérilla, dans les années 70-80. djihadisme.
    apothéose: 1979, révolution iranienne ; années 80 en Afghanistan.
    s'essouffle à la fin des années 80. Iran pas la panacée, populations s'essoufflent. Il y alors polarisation des mouvements => 1997 Ben Laden, Al Qaida (il faut faire peur: violence de plus en plus aveugle, de plus en plus nihiliste).

    Pour mémoire, le mot djihad veut dire effort. Il y a le grand djihad (lutte intérieure contre ses passions) et le petit djihad (lutte armée).



    Note
    1 : A l'origine, les frères musulmans n'étaient pas violents.

    Boucle d'or

    Comptes approuvés en conseil d'administration malgré des problèmes de quorum. Ça avance malgré tout, même si je ne sais plus bien ce que je fais (pas de café aujourd'hui durant les réunions; visiblement j'ai dû remplir les formulaires de commande mais oublier de les envoyer. Je hais l'intendance.)

    J'ai l'impression d'être dans Boucle d'or et les trois ours: tout comme dans une grande boîte d'assurance, mais en petit: une petite chaise, une petite assiette, un petit lit: un petit rapport de gestion, un petit rapport de solvabilité, un petit dossier ACP. C'est plutôt amusant; ce qui m'empoisonne la vie, ce sont les échéances.

    Demain encore une réunion, un comité financier ("Comment elle s'la pète", comme dirait Danielle croisée dans un ascenseur (elle me manque)): mais non, je ne me la pète pas, un tout petit comité financier, vous dis-je, mais comme un grand, qui dérange trois personnes en asset management. Boucle d'or, vraiment.

    O. a réussi à me faire regarder cinq ou six épisode de Big Bang Theory (saison 4). Le problème, c'est que comme c'est en anglais sous-titré anglais, je ne peux pas écrire des billets en même temps (beaucoup de billets d'Alice sont écrits devant des films que j'ai déjà vus).
    Pourtant ce soir j'avais prévu soit de dormir, soit de préparer mon oral d'AT de vendredi prochain.

    2572

    Le télépaiement était en carafe (serveur down?); pour le premier paiement d'IS de la longue vie de la mutuelle, je suis allée déposer un chèque à la trésorerie rue de Londres (oui, un peu loin de la Défense. Mais le siège social (qui n'est qu'une adresse sans bureau) n'est pas à la Défense (ce qui fait que le courrier officiel met deux semaines à nous parvenir — quand il nous parvient).
    Il fallait accompagner le chèque d'un formulaire 2572, je l'ai rempli sur place en multipliant le montant du chèque par trois dans la case "base".
    2572? Jamais entendu parler.

    Le soir, grec. Je suis dans les choux. Puis Job. Décevant. Frustrant. Je suis fatiguée de ces analyses littéraires et historiques qui tournent autour des textes sans jamais (ou très peu) s'attacher au sens. Mais à quoi cela sert-il?
    Ce que j'aime dans Job, c'est le pari avec le diable. Un pari entre Dieu et le diable: oui, la condition humaine pourrait résulter de cela, cela ne me surprendrait pas.
    («Pas le diable, le diable, c'est une création tardive. Faites attention, il faut lire le texte, ici Satan n'est qu'un invité parmi d'autres à la cour d'un grand roi».
    Comprenez-vous ce que j'appelle frustrant? Je me fiche que ce soit le diable ou satan, ce qui m'intéresse, c'est le pari. Job a-t-il fait gagner Dieu? Ce n'est pas très net).

    Repos

    Matin: Qohélet 8.
    Qohélet me fait penser à la phrase d'Alphonse Allais: «Ne nous prenons pas au sérieux, il n'y aura pas de survivant».

    Après-midi: sieste et Big Bang Theory (fin de la saison 3). Il fait beau.

    L'immoraliste d'André Gide




    Pour Fabrice Pic.

    Ligne 4 direction Châtelet vers 17 h 30. Le livre était considérablement annoté, à la façon dont on ajoute des traductions au-dessus des mots qu'on ne connaît pas dans un texte en langue étrangère.

    Une journée bien remplie

    C'est l'anniversaire de H. Nous avions prévu de nous retrouver le midi après mon TG et de passer l'après-midi à Paris.

    Sauf qu'en arrivant à l'école à neuf heures, je m'aperçois que je me suis trompée d'horaire: le TG est à deux heures de l'après-midi. Je téléphone en catastrophe à la maison (H. dort encore). Puis j'ai une matinée à tuer. (Je ne me décide pas assez vite, un aller-retour de loose aux Halles, les films ont déjà commencé, trop tard. Je reviens à Odéon.)
    Café "les éditeurs". Il fait beau, des gens petit-déjeunent en terrasse. Je lis le Coran et le dossier que la prof nous avait distribué lors du premier cours.

    Puis je vais voir 11.6. Très bon film, taciturne. La volonté froide et incompréhensible d'un homme, son humour et sa rage, aussi. Quel dommage qu'il n'ait pas davantage de bouche-à-oreilles. Peut-être fait-il un petit peur, un vrai Robin de Bois, qui remet le système en cause et se venge des patrons. il ne faudrait pas que cela donne trop d'idées.
    François Cluzet choisit très bien ses scénarios. Mon père est une femme de ménage était également très intéressant dans ce qu'il disait de la société française.

    Après-midi de TG. Absolument passionnant. Intervention d'un jeune professeur qui nous explique l'islam de l'intérieur, dans sa version pieuse et recueillie, à la recherche de la paix intérieure. Un soufi sunnite.
    Je ne résume rien (déjà que lui a condensé six ans d'études en trois heures) mais donne cette simple indication: islam "i" minuscule désigne la religion, Islam "I" majuscule désigne l'ensemble de la culture et de la civilisation développées autour de la religion.

    La Maison de la radio

    Grand plaisir durant ce film — et frustration.

    Que des gros plans, pas de recul, une difficulté pour se situer dans l'espace pour le spectateur, pas de noms (sauf durant le générique, mais alors en vrac), pas de point de repère.
    Oui, une frustration à la mesure de la joie éprouvée, de l'étonnement devant les chanteurs, les drôles de bricoleurs, les kilomètres de couloir, les micros, etc.


    Le matin, j'étaits passé au Virgin (ouvert avant huit heures à la sortie du RER de la Défense) pour acheter le Coran dont j'ai découvert hier soir que j'en avais besoin demain pour le TG sur l'islam. Je choisis la traduction de Malek Chebel parce que la prof nous a dit de préférer les traductions faites par des musulmans.
    A la caisse, je prends le dernier Emmanuel Todd et hervé Le Bras parce qu'il contient beaucoup de cartes de la France. Etonnant, à ce que je comprends en lisant la presse, cela semble un hommage aux valeurs du catholicisme enracinées au plus profond des consciences.

    A la librairie de l'église de La Défense j'achète Un huluberlu dégingandé et une demi-portion parce qu'il dégage une énergie communicative. Pourtant il ne s'agit pas d'un sujet facile: le handicap moteur cérébral.

    De la suite dans les idées

    Parce que j'ai trouvé son nom en note de bas de page, je vais chercher au grenier un livre acheté il y a longtemps et que je n'ai jamais osé lire parce que je n'étais pas sûre que c'était un "bon" livre (je veux dire un livre dont l'auteur est reconnu comme sérieux par mes professeurs).
    Mais maintenant qu'il est légitimé par une note de bas de page, je vais chercher Nouvelle Introduction à la Bible de Wilfrid Harrington. (En relisant la quatrième de couverture, je me dis que je n'avais tout de même pas choisi n'importe qui: un dominicain de l'école biblique de Jérusalem. Je n'avais pas pris de risque.)

    En l'ouvrant, je m'aperçois que je l'ai acheté en décembre 1989 à Strasbourg. Je découvre l'un de ces petits cartons grands comme des cartes de visite que j'utilisais au lycée pour résumer mes cours. Sur ce petit carton, j'avais commencé à mettre ce livre en notes.
    Ce sont exactement les notes des cours d'AT de cette année, la chronologie des royaumes du Nord et de Juda.

    Et je me souviens que je me désespérais de ne pas arriver à retenir cette chronologie.
    J'ai au moins la satisfaction qu'elle me paraisse désormais à peu près naturelle. Au bout de trois ou quatre livres (trois ou quatre couches de peinture croisées, comme je le pense en moi-même), il finit par rester un dépôt.

    Vocabulaire

    Sharia'h, c'est à l'origine le chemin qui permet de mener le bétail à la source, la voie qui abreuve.

    Cahuzac ou Depardieu ?

    Finalement, qui est répréhensible? La grande geule ou le fraudeur?

    Je suis en train de constater avec dépit que l'argent gagné en plus ne nous rendra pas beaucoup plus riches. Enfin, justement, je n'avais pas du tout l'intention de devenir riche, je voulais dépenser, je me faisais une joie à l'idée de dépenser, de pouvoir entretenir la maison, changer les fenêtres, repeindre la façade, rien de franchement mégalo, rien que du très ordinaire. Mais avec le nombre de parts qui diminue (les enfants grandissent) et les études de ceux-ci, il va falloir une fois de plus remettre cela à plus tard. Tant pis. Mais je suis déçue, j'y ai cru un instant.

    Le paradoxe, c'est que la façon la plus simple pour un citoyen ordinaire de défiscaliser ses revenus, c'est (pour le moment) de les placer en assurance-vie: argent bloqué huit ans. Quand je pense que je compare l'argent au sang de l'économie, que je suis persuadée qu'il faut qu'il circule, que c'est la stase qui fait la stagnation…

    Le dialogue et la rencontre

    J'ai commencé le Pierre Claverie ce matin (malheureusement j'ai dû le rendre à la bibliothèque avant de l'avoir fini alors que je pensais le faire prolonger. Mais il était réservé).

    Il est très bien, si ce n'est son style oral un peu déroutant. Il commence par «Ne prenez pas de bonnes résolutions, ça ne marche pas. Ne pensez à rien, promenez-vous, décrispez-vous» (il s'agit du prêche d'une retraite). J'ai pensé à Emerson, Thoreau, les livres de self-help américains et leur naïveté, la sagesse antique et les traditions orientales. Tout cela se croise, en surface c'est-à-peu près la même chose, c'est l'épaisseur d'expériences et de calme, les références utilisées, la façon dont tout cela a été ruminé, au sens quasi propre — mâché, régurgité, ravalé — qui fait la profondeur de certaines réflexions tandis que les autres restent doucement hippies (mais pas si différentes dans leur message).

    L'une des dernières phrases lues avant de rendre le livre (à peu près à la moitié) est celle-ci: Pierre Claverie rapporte une réflexion entendue un jour: «Croire que parce que vous êtes quelqu'un de bien il ne vous arrivera rien de mal, c'est comme croire que le taureau ne vous attaquera pas parce que vous êtes végétarien.»

    Pierre Claverie raconte la façon dont le fait de vivre en culture musulmane l'oblige à prendre conscience de ses propres présupposés culturels invisibles. Son récit ne dit que rien que nous ne sachions, ce sont les illustrations qu'il donne qui sont savoureuses et frappantes.

    A travers lui j'ai retrouvé l'impression que m'avait laissé le Coran quand je l'avais lu en terminale: un Dieu extrêmement lointain, coupé des hommes. Les musulmans ont un Dieu intouchable, éloigné, les juifs ont un Dieu avec lequel ils se collettent (ça me plaît beaucoup, j'aime la lutte de Jacob, Moïse qui refuse la mission, Jonas qui râle parce que Dieu est trop miséricordieux), les chrétiens ont trouvé un moyen terme, le leur (s')est incarné, c'est plus facile pour la rencontre (mais bien plus compliqué pour la théologie).

    De fil en aiguille

    Parce que je ne suis plus chez FB, Ruth s'inquiétait, et donc je lui ai donné l'adresse de ce blog. Elle a trouvé la catégorie "Etats-Unis 2012", qui en fait ne contient pas tous les billets à propos du voyage: elle ne contient que les billets relus et terminés.

    En pensant à Ruth qui ne lit pas le français, j'ai donc passé une partie du week-end à alléger mes photos (beaucoup trop lourdes à l'affichage), à en ajouter quelques-unes et à espérer finir les deux billets manquants (concernant Washington). Mais je n'ai toujours pas fini, et c'était une erreur, car je suis en retard sur des choses beaucoup plus importantes. Enfin, ce qui est fait est fait.

    Inconfort

    Cela faisait des jours que je remettais un coup de fil à mes parents, et ce soir je reçois un mail : ils partent en Afrique du sud demain matin.

    Cela me fait culpabiliser (ne pas leur avoir téléphoné avant) et me déstabilise (des parents ne devraient-ils pas prévenir leurs enfants de leur absence? (non, un mail la veille à minuit, ce n'est pas "prévenir")).

    Entre deux eaux

    Je ne sais plus trop quoi écrire ici. La tête dans la fiscalité au bureau, dans Melville dans le métro, dans Qohélet en bibliothèque.

    Je ne sais pas si ce blog a jamais été très intimiste, mais j'ai l'impression qu'il le devient de plus en plus, et ça me gêne, je ne sais pas comment me saisir de ça ("to handle", quelle traduction?), le tenir sous contrôle.
    Raconter des anecdotes ou décrire des scènes est tout de même moins dangereux, fait moins courir le risque de devenir niais.

    Cours

    Histoire de l'Islam. Ecriture du Coran en partie interractive, sous forme de dialogues: les personnes autour de Muhammad (Mahomet) posait leurs questions à Dieu par l'intermédiaire du prophète (pratique!), ce qui fait que l'un des premiers travaux d'exégèse consiste à reconstituer le contexte (la question posée) dans lequel a été délivré chaque verset ou chaque sourate1.

    L'idée m'amuse, je pense à ce texte d'Origène Contre Celse qui permet de reconstituer un livre que nous n'avons plus.





    Note
    1 : En passant, il est tout à fait faux de dire qu'il n'y a pas d'exégèse coranique. Il est probable que cette idée fausse provient du débat (ou absence de débat) entre les tenants du Coran parole créée ou Coran parole incréée. Aujourd'hui, les derniers (parole incréée) imposent le silence aux premiers, qui souhaiteraient utiliser les outils modernes de l'exégèse occidentale, ce qui conduirait sans doute à la possibilité d'une interprétation adaptée au monde contemporain (l'esprit contre la lettre). (Je résume cinq minutes d'un cours de "découverte", donc tout ce que j'écris peut être le point de départ d'une recherche, non la possibilité d'affirmations péremptoires (prudence, prudence)).

    La réalité dépasse la fiction

    Il y a quelques années, j'avais mis une demi-minute à comprendre l'absurdité d'un article de journal parlant de "graines de bonsaï" un premier avril…

    … ce qui fait que j'ai soigneusement photographié ces paquets de graines à Amsterdam, attendant mon heure.


    Pâques

    Le monde fantastique d'Oz. Assez lent à démarrer, une trame narrative parfois trop lâche (incohérences ou manques de détails pour lier deux événements), mais de très jolies images, des couleurs très vives, un héros aux multiples défauts, prétentieux et séducteur, trois sorcières, rouge, verte, blanche, la rouge incontestablement la plus jolie.

    En mineur (mais nous pourrions aussi dire que c'est le "message" du film si nous voulions à toute force qu'un film ait un message), c'est une ode à la science, plus précisément au cinéma: le magicien, c'est Edison.
    (Et je songe à Lewis Mumford, qui lie Moby Dick à la science, qui le définit comme l'alliance de la science et de l'imagination rendue possible par le XIXe siècle.)

    La fin m'a laissé une étrange impression, j'ai pensé "C'est ainsi que naissent les religions", mais aussi "il ne faut pas désespérer Billancourt", en voyant Oz, la sorcière, la poupée de porcelaine, le majordome et le projectionnisme se mettre d'accord pour ne pas dévoiler la vérité afin que le peuple conserve sa confiance et sa force quand les méchantes sorcières reviendront «car elles reviendront», dit Oz, ce qui nous prépare déjà à une suite. (Ozimandias, ça commence aussi par Oz (pour ceux qui connaissent The Watchmen)).


    Le soir, encore un disque de The Big Bang Theory. J'avance dans la saison 2. Penny évolue, elle résiste, elle est le regard extérieur sur ce groupe endogamique de chercheurs. Je crois que ce qui me tient dans cette série, c'est l'amitié entre les quatre garçons qui survit à toutes leurs brutalités de langage, à leur franchise asociale.%%% Les réalisateurs sont tout de même très allumés.

    Trois tiers

    Matinée sur Römer (il ressemble un peu à Luchini (je suis contente de constater que la lecture de Dieu obscur m'avait suffi à déduire qu'il était protestant)).

    Après-midi à Bois-le-Roi. Je dépose encore quelques livres dans la boîte destinés aux livres qu'on souhaite donner.
    Le seul problème de la bibliothèque de Bois-le-Roi, c'est que je retombe dans ma vieille addiction pour les livres de L'école des loisirs, ça se lit vite et me repose. Simple, de Marie-Aude Murail.

    The Big Bang Theory saison 2, épisodes 6 à 12.

    Vendredi Saint

    Pas de messe le Vendredi Saint (je ne le savais pas).

    Ce qu'aura vraiment changé mon cours d'allemand du vendredi matin, ce sont les deux heures de bibliothèque avant. Deux heures, ce n'est rien, mais ça change tout, deux heures tranquilles entre les livres à réfléchir, à songer, à me perdre. Il fait très beau aujourd'hui.

    Je circule entre les rayons, enregistre du regard des usuels (s'ils sont "usuels", c'est que nous devrions tous les avoir tous lus, non?), constate une fois de plus que les livres de la bibliographie ne sont pas empruntés (tant mieux pour moi (c'est tout de même très mystérieux, suis-je la seule à utiliser la bibliothèque?)), cette fois-ci une grande partie de la bibliographie n'est pas accessible aux étudiants de mon niveau (les livres sont dans une autre bibliothèque qui ne nous est pas ouverte à moins d'une dérogation par notre professeur — je ne vais pas me faire remarquer à ce point-là), je photocopie quelques pages de la Septante (notes sur la traduction de l'hébreu au grec), chapitre 8 de L'Ecclésiaste.

    Travail avec la concordance. "Devenir" n'apparaît jamais dans Qohélet.
    Je pense à C. qui m'a dit hier soir, à sa classique façon étourdie (ce garçon ne pense-t-il jamais à ce qu'il dit? C'est étonnant, de ne pas apprendre la prudence à ce point-là): «jouer à un jeu flash c'est inutile, mais pas plus que de faire de la théologie»; j'y pense en me disant que j'ai échangé le mépris de mes parents contre l'indifférence de mes enfants et que cela m'est désormais, à moi aussi, très largement indifférent.

    Tout aussi inutile? Oui, certes, mais je doute que le néant dans lequel on fond et se fond en jouant à un jeu flash apporte autant de bonheur apaisé que la sensation de rejoindre une pensée millénaire, à la fois à sa source et dans l'étendue de temps qui a séparé cette source du moment présent, cette conversation ininterrompue de penseurs commentant l'indicible: «Qui est comme le sage? Qui sait expliquer quelque chose?»

    Allemand (cours). Libanais (restaurant). Bureau. Je continue à résorber du retard en attendant mardi de me mettre sérieusement à calculer le montant de l'IS et rédiger la liasse fiscale (je dois contacter l'huissier pour organiser les votes à l'AG. Je ne sais pas ce que je dois lui demander. Réserver les salles, commander le café (ce que j'aime le moins dans mon boulot: commander le café. Tout ce qui est intendance me submerge)).

    Je sors tôt et vais voir Queen of Montreuil. (Je devrais peut-être reprendre une carte UGC, finalement.) La fin est un peu bâclée (trop rapide), mais il y a de beaux moments. Jeu sur les langues. Désarroi du veuvage. (Ça m'agace, cette obligation que nous aurions de nous consoler vite. Quand sera-t-il officiellement reconnu que la dernière chose que souhaite une personne en deuil, c'est se consoler vite? Nous avons le droit d'avoir du chagrin longtemps, zut à la fin!)

    Qohélet 7, 23

    Travail en bibliothèque avant le cours sur l'islam (cours qui nous exhortera à sortir de notre vision arabo-centré de l'islam: les Arabes ne représentent aujourd'hui qu'un quart environ des musulmans).

    Travail sur Qohélet 8 dans la concordance de la Bible de Jérusalem (BJ) (concordance: relevé dans la BJ des occurrences de chaque adjectif, substantif, verbe, classés par ordre alphabétique. Citation des versets).

    C'est ainsi que je trouve ce verset qui me plaît beaucoup: «j'ai dit: "je serai sage", mais c'est hors de ma portée!»

    Anomalies domestiques

    Après les journées rangement, j'avais pris une journée pour faire le ménage.

    Tant mieux, puisqu'à quatorze heures H. me téléphone de Tours pour me dire qu'il sera là ce soir avec un collègue et que le collègue dormira à la maison parce qu'il n'y a plus une chambre d'hôtel de libre dans la région parisienne.
    Dans un monde normal, le collègue (subordonné) aurait pris le train tôt demain matin.
    Nous ne sommes pas dans un monde normal.

    Bon, je vais de ce pas cuisiner une pintade au chou.

    Guère encourageant

    Evidemment, nous encourager à lire Pierre Claverie («Lisez-le, il a des pages formidables sur le dialogue») pour découvrir en quatrième de couverture «La rencontre et le dialogue ont profondément marqué la personnalité et l'existence de Pierre Claverie, évêque d'Oran, assassiné en 1996»1
    m'a donné envie de rire, parce que j'ai très mauvais esprit2.

    Cela va dans le sens de cette sensation intérieure de vivre une période du genre des années trente: malgré les hommes de bonne volonté, le pire pourrait bien se produire; mais après le pire, il faudra reconstruire, comme toujours. Et c'est alors que le travail des hommes de bonne volonté prendra son sens.

    Mais peut-être ai-je l'esprit trop porté au noir.





    Notes
    1 : Petit traité de la rencontre et du dialogue
    2 : "Rire jaune?" me propose un ami. Non, rire sardonique, diabolique, parce qu'il me semble voir là, très précisément, l'œuvre du diable (dia-bolus, celui qui divise), parce que je sais que de ce genre d'événement, cet assassinat, certains concluront que le dialogue est inutile, que c'est la guerre (éventuellement civile) qu'il nous faut, et vaincre, et écraser; tandis que j'en tire la conclusion inverse, l'urgence de dialoguer avec ceux qui le souhaitent, dans la conviction que ceux qui souhaitent simplement vivre en paix avec leurs voisins, élever leurs enfants, rire et croire en leur Dieu, sont plus nombreux que les fauteurs de guerre — mais hélas discrets, silencieux, polis, bien élevés, et donc invisibles. Notre tâche, ensemble, est de devenir visibles, de ne pas céder la place à un petit nombre qui parle à notre place, bien plus fort que nous, les paisibles. Nous ne devons pas laisser une minorité mener sa logique de violence — mais l'histoire montre que généralement cette conclusion n'est atteinte que dans un deuxième temps; dans un premier temps la violence l'emporte. Peut-on, pourrait-on, apprendre à faire l'économie de cette première étape? Est-il possible de sauter par-dessus une marche de l'escalier? Je n'en sais rien, à vrai dire je n'y crois pas beaucoup. Mais il me semble de notre devoir d'essayer, de ne pas baisser les bras. Il est trop facile de baisser les bras, de ne pas combattre (combattre la violence: l'image même montre combien l'idée est difficile à concevoir et à mettre en œuvre).

    Les conséquences de la manif pour tous

    Mes beaux-parents sont arrivés trois quart d'heure en retard au restaurant pour fêter les 70 ans de ma belle-mère en famille.


    (Tout cela me fait penser à une phrase de Michel Evdokimov lors d'un colloque sur "la réception de Vatican II, cinquante ans après". Parlant du schisme avec l'Eglise orthodoxe, il a dit la voix pleine de regrets: «le schisme a provoqué la rupture du lien de charité. Nous avons commencé par nous détester, puis nous avons justifié cette détestation par des arguments théologiques. Il faut retrouver l'amour.»
    Mille ans environ pour arriver à ces paroles. En voyant la "manif pour tous", je ne peux que songer à cela: nous sommes en train de rompre (ou l'Eglise a d'ores et déjà rompu) le lien de charité.

    Ryan Gosling est quelqu'un de très bien

    «Pour me détendre, j'ai un passe-temps bien à moi: je tricote. J'ai découvert le tricot sur le tournage d'un film en 2007. Des grands-mères qui jouaient des figurantes m'ont enseigné cet art, et j'ai trouvé ça très relaxant. Aujourd'hui, dès que je suis un peu stressé, pour me calmer, je sors mes aiguilles et ma pelote de laine. Ça m'apaise.»

    Ryan Gosling cité dans la revue One n°80, mars-avril 2013


    Les bienfaits du tricot sont confirmés par Proust: «il [Cottard] lui répondit que j'étais trop émotif et que j'aurais eu besoin de calmants et de faire du tricot.»

    Les canapés

    Vous traversez l'espace des salons et tu penses à tout ce qu'il t'a raconté: le canapé, c'est la mort de l'homme, etc. Et combien tu as été prise au dépourvu lorsqu'il t'a démontré comment tu passerais de ton petit convertible utilitaire et étudiant à un vaste salon de cuir, parce que afficher sa réussite est inévitable.

    Thierry Beinstingel, Ils désertent, p.113
    J'ai ri, parce que nous avons un canapé en cuir. Mais il n'est pas le signe de notre réussite, plutôt de celle de mes parents: nous l'avons récupéré quand ils voulaient en changer au bout de dix ans (il en a vingt aujourd'hui).

    Cette évocation de convertible m'a rappelé une autre histoire: la réaction de ma grand-mère devant le choix de notre premier canapé. Elle nous avait donné de l'argent pour cet achat lors de notre emménagement à Paris, et pensant lui faire plaisir, je lui avais conscienceusement envoyé une photo du canapé que nous avions choisi: un Togo vert vif.
    Lors de notre visite suivante, elle me demanda:
    — Alors ton canapé, il est comment?
    — Mais tu le sais, je t'ai envoyé une photo!
    Elle a marmonné à sa façon: —Ah bon…
    Et j'ai compris qu'elle avait espéré avoir rêvé, que je lui répondrais que je m'étais trompée de photo ou que nous avions changé d'avis, qu'elle ne pouvait admettre qu'il soit vert, et qu'il ne soit pas convertible "parce que c'est pratique".

    Peut-être que nous "afficherons notre réussite" avec notre prochain canapé. Le cuir de l'actuel commence à partir en miettes sur les accoudoirs (quand je regarde notre intérieur de bric et de broc, je me dis qu'il ne fait pas du tout "adulte (qui affiche sa réussite)", tout est posé là en fonction de ce qui compte (les livres et l'ordinateur, le bois pour la cheminée), et le reste part à l'abandon, les murs gris comme si nous fumions trois paquets par jour et la peinture qui craquelle et les fils d'araignées (que j'aime bien, en fait: tout fil me rappelle "les fils de la Vierge" de la première page des Lettres de mon moulin (mais je les enlève quand même)).
    Je ne suis pas pressée d'en changer, de toute façon je ne m'assois jamais dedans.

    Est-ce l'effet d'une phrase de mon autre grand-mère?
    Mes grands-parents avaient changé leur canapé et ses fauteuils inusés par un autre canapé de velours à grosses fleurs avec une paire de fauteuils. Une fois les meubles livrés, j'ai demandé à ma grand-mère du fond d'un fauteuil:
    — Tu ne les essaies pas? Ils sont très confortables.
    — Oh non, je ne m'assois jamais.

    Avec un choc, j'ai réalisé alors (j'avais moins de vingt ans) que je n'avais jamais vu ma grand-mère assise ailleurs que sur une chaise dans la cuisine pour le tilleul vespéral. Sinon, elle était debout.
    J'y ai souvent pensé au moment de la mort de notre chatte. Je ne m'asseyais jamais parce que je ne voulais pas qu'elle s'installât sur mes genoux parce que je savais que dans quelques minutes je me relèverais (les enfants) et que cela me ferait de la peine de la déloger, ou que je n'en aurais pas le courage et que je resterais assise entraînant un retard dans toutes les tâches à accomplir.
    Mais ces tâches étaient-elles si importantes? (Ce n'est pas rhétorique, je n'en sais vraiment plus rien.) Ma chatte est morte et cela faisait des mois que je ne l'avais pas prise sur les genoux.

    Histoire atroce

    Ma tante me donne des nouvelles de mon professeur d'histoire-géo de terminale, du nouveau drame (le troisième) qui le frappe (la phrase cliché convient hélas trop bien).

    Elle enchaîne sur une famille de voisins ou de collègues (je suis d'une oreille distraite) qui se suicidaient en masse à chaque génération (je songe à Wittgenstein, mais ne dis rien: elle ne le connaît sans doute pas, et puis mes souvenirs sont imprécis).

    — Tu sais comment le beau-père s'est suicidé? Il s'est coupé la main.
    Je ne réagi pas parce que je ne comprends pas. Elle précise:
    — Il s'est coupé la main à la hache et s'est vidé de son sang.

    Clôture du bilan

    Hier, raté le cours de grec (le passif) et la moitié du cours sur les "douze petits prophètes" à cause de la commissaire aux comptes (mais on s'est bien amusé, si je puis dire). Les mutuelles sont soumises à l'IS pour la première fois en 2012 (eh oui, avant elles ne l'étaient pas), il faut donc faire un "bilan d'entrée en fiscalité", c'est encore le genre d'opérations qu'on ne rencontre pas bien souvent dans une vie, je suis contente de connaître ça.

    Quatrième le jour de présence du certificateur, un jeune homme ma foi plutôt charmant. Nous sympathisons au dessus des PSAP (provisions pour sinistres à payer) et des cadences de règlement.

    J'apprends que si la prescription en santé est de deux ans (et trois mois), celle qui concerne les frais hospitaliers est de dix.

    Et à part ça… c'est à peu près tout. Demain soir, début de sept cours sur l'Islam (jusqu'au 15 mai).

    Encore de l'amour

    Elle est venue dimanche dernier. Elle s'approchait derrière le carreau de la cuisine et nous regardait. Je ne lui ai rien donné, nous avons des chats, il ne fallait pas qu'elle devînt familière.
    Elle était très jolie, crème, avec des ailes noires, marron et blanches.

    J'ai pensé à elle quand il a neigé, avec inquiétude: avait-elle survécu? Mercredi, elle est apparue pendant mon petit déjeuner. J'étais si soulagée que j'ai craqué: j'ai enlevé la neige sur le barbecue et placé un gros morceau de beurre sur la grille.

    Elle était de nouveau à la fenêtre ce matin. Elle ne mange pas le beurre, elle vient nous voir. Elle a tapé deux fois au carreau, j'ai fini par ouvrir, pour voir, en me disant que c'était de la folie, que si elle entrait, je ne saurais pas la faire sortir. Elle n'est pas entrée, elle est restée sur la grille à me regarder.
    La photo a été prise avec mon mauvais téléphone. Je devais être à trente centimètres de la fenêtre, elle a gardé la pose tout le temps où je me suis approchée.

    Dans la série t'es folle

    H. vient de me le rappeler (en secouant la tête: «tu es complètement folle»): la semaine dernière, à la banquière qui nous demandait: «Que voulez-vous?», j'ai répondu «Qu'on nous aime». (Mais ce n'était pas si fou, et ça n'a pas si mal marché (je veux dire qu'elle a compris ce que je voulais dire (ça intervenait après une bonne demi-heure de conversation): ne pas être ennuyés pour des détails, être contactés pour les pépins importants).

    (Et ce même jour, j'ai découvert (je veux dire: j'ai réellement compris) — vous allez rire — que les banquiers aimaient l'argent (la pauvre, elle était toute déconfite que nous n'ayons aucune velléité d'économie ni de placements).)

    Retour sur une vie (psychanalyse)

    Cette planche de BD, dans le contexte d'un week-end orageux (orage dont j'espère que l'explication se trouve dans des médicaments mal dosés), m'entraîne dans des souvenirs que je ne mettrai pas tout de suite en ligne, pour ne pas qu'ils soient lus par trop de lecteurs.

    Je n'avais jamais pensé au prince charmant, ma mère m'ayant suffisamment répété que j'étais insupportable pour que je sois persuadée que je serais seule (et cela me convenait très bien. Il n'y a pas longtemps sur FB en lisant deux femmes se pâmant sur des histoires de pirates ("j'en étais amoureueueuse quand j'étais petite!!!"), je me suis rendue compte que j'avais toujours été le pirate ou le mousquetaire, jamais la femme du pirate. Le conjugal n'a jamais été instinctif chez moi.)
    (Aujourd'hui, en faisant le compte des reproches de mon mari, je me dis que ma mère devait avoir raison.)

    Le travail? J'en avais une définition négative: ne pas être prof (le métier de mes parents). Pas ingénieur parce que cela me faisait peur (comment ça construire des ponts? mais je ne sais pas faire ça, ça va s'écrouler), pas médecin puisque ma mère, toujours elle, avait décrété que j'étais trop égoïste, alors… Ma mère (éternellement: on se demandera après pourquoi je me méfie autant des femmes) avait repéré que dans les classements de L'Etudiant, Sciences Po apparaissait à la fois dans les fac et les grandes écoles.
    Et c'est ainsi que je me suis retrouvée à Sciences Po.

    J'imaginais surtout que je marcherais. Mon idée du futur, c'était un sac à dos, droit vers le soleil levant, vers Vladivostock. Jusqu'à la mer. Je rêvais sur un fleuve ou une région, le Iénisseï pierreux (j'ai toujours eu un faible pour les régions désertiques au nom magnifique: les îles Kerguélen, rêve d'enfant).

    J'aime beaucoup la pub sur la formation continue qui passe en ce moment au cinéma: un petit garçon demande à son père «Et toi, tu veux faire quoi plus tard?»

    Je n'ai pas abandonné l'espoir, mais je ne sais pas l'espoir de quoi.

    Silence

    Mon père était un homme silencieux, voire taciturne. Il ne se plaignait pas, expliquait peu, aurait aimé nous aider mais ne savait pas franchir le mur que nous dressions devant lui.
    Une année, je devais avoir treize ans, désapprouvant ma conduite (je crois que le prof d'allemand avait eu des mots très durs sur mon bulletin à cause de mon comportement, insolence etc), il ne m'a pas parlé pendant plusieurs semaines.

    Ce mutisme commence à me tenter. Entre les reproches de mon mari et le mépris de mes enfants (parce que je fais un boulot d'employée de bureau sans prestige), je n'ai plus rien à dire. Je n'ai plus envie de ne rien dire.

    Je vois que je n'arriverai pas à me faire comprendre, personne n'adoptera (quelques minutes) mon point de vue pour essayer de comprendre ce que je dis; et je n'ai pas envie, plus envie, de faire l'effort inverse, il me semble l'avoir trop fait.
    Nous en sommes donc arrivés à ce moment où nous n'avons plus envie de faire aucun effort.

    Et cela me laisse parfaitement insensible. Pas indifférente, non, fataliste. Advienne que pourra, je ferai avec. De toute façon, c'est le cas depuis toujours.

    J'ai un petit peu peur

    Ce n'est pas que j'ai fait une bêtise, c'est que j'ai fait quelque chose qui ne se fait pas (quelque chose de bien, hein, c'est pour cela que ça ne se fait pas).

    En ce moment nous recevons les chèques des retraités (Non, nous ne proposons pas le prélèvement. Oui, nous y songeons (je songe surtout aux centaines de RIB qu'il va falloir saisir en machine. Sujet de réflexion pour juin ou juillet).)

    Un homme a joint une carte de visite à son chèque (nous jugeons de l'éducation ou du milieu social aux lettres reçues: les étiquettes autocollantes des fondations pour la recherche sur le cancer, pour la nature, pour médecins du monde, les demi-feuilles blanches pliées en deux pour protéger le chèque et le coupon retour, les quelques lignes d'accompagnement de ceux qui jugent impossible d'envoyer un chèque sans un mot d'accompagnement, même s'il ne dit absolument rien ("Vous trouverez ci-joint deux chèques en règlement…" etc.)). A côté de la signature, en bas de carte, cet homme a ajouté "J'ai 90 ans!"
    Et il a répété ces mots sur le coupon-réponse à nous retourner avec le chèque, avec le même point d'exclamation.

    Il avait l'air si content d'avoir atteint 90 ans, comme une bonne farce ou un exploit. J'ai montré la carte autour de moi, cela me faisait rire, me changeait des râleurs ("Trop cher!" (nous devons être à la moitié du prix du marché)) ou des déprimés ("J'attends la fin, qu'est-ce que vous voulez faire à mon âge?"). Cela me faisait du bien à l'âme.

    Hier je lui ai envoyé des fleurs ("pour votre anniversaire"). J'ai signé de mon nom, en ajoutant "mutuelle ***".
    Au dernier moment, j'ai modifié le jour de livraison, j'ai choisi mercredi, jour où ma collègue est absente: s'il téléphone pour remercier, il tombera sur moi.
    Mais s'il écrit et que ce n'est pas moi (le plus probable) qui ouvre la lettre?
    Je vais passer pour une folle. Evidemment vous, lecteurs, avez l'habitude. Mais je suppose que mes collègues de travail nourrissent encore quelques illusions à mon sujet.

    Ce billet non pour que vous exclamiez que "c'est gentil de ma part", mais pour partager mon inquiétude. Je suis un peu stressée. Et pour partager mon regret que les pulsion de gentillesse soient bizarres, qu'il faille les cacher. J'espère qu'il va appeler mercredi et que personne ne saura rien et qu'il n'ira pas le dire à d'autres retraités. Sinon, j'ai bien peur de me faire enguirlander par le conseil d'administration ("Mais tu te rends compte, si cela se sait, ils vont tous attendre des fleurs!" ou "Et tu as payé sur tes deniers? Mais il ne fallait pas!" (version optimiste)). Et de penser à tout cela m'attriste. J'ai agi en sachant tout cela, en sachant que la raison voulait que je ne fasse rien, en envoyant la raison au diable. Mais l'expérience prouve que la raison a toujours raison, et je ne m'y fais pas. En fait ce n'est pas la générosité que je recherche, mais la fantaisie, la surprise, un peu de gaîté. En cela, le conseil d'administration aura(it) parfaitement raison: la fantaisie n'a pas sa place dans le monde professionnel.

    (Pas de panique, le plus probable est qu'il ne se passe absolument rien.)

    La grande question

    RER D 18 heures, en face de moi un peu en biais, une jeune fille au téléphone vient de décrocher (ce terme ne convient plus du tout). Elle écoute un instant et demande calmement, mi-amusée mi-fataliste:

    — Mais comment fait-il pour être aussi con ?

    Anxiété

    J'y suis confrontée quotidiennement. Evidemment, ce sont souvent les personnes à la retraite qui appellent, elles ont avant tout envie de parler à quelqu'un, et comme je suis bavarde, elles tombent bien.

    Mais parfois les gens m'interloquent: est-il vraiment si important de prendre une mutuelle du 1er janvier au 1er septembre pour le fils de 22 ans afin de ne pas avoir de "trou dans la couverture" entre la fin du précédent contrat et la possibilité de revenir "chez nous"?
    — Ecoutez, quelle est la différence entre payer cinq cents euros pour une mutuelle de façon certaine et payer cinq cents euros pour une hospitalisation qui n'aura sans doute pas lieu? Le reste, les six ou sept euros d'une consultation pour une grippe, vous coûtera beaucoup moins cher qu'une mutuelle.

    On dirait que plus personne n'envisage de payer directement ses soins de santé (et que plus personne n'envisage de ne pas être malade).

    Mais pourquoi les salariés sont-ils si inquiets? Pourquoi ne se réjouissent-ils pas de cette invention merveilleuse qui est la sécurité sociale, et de notre niveau de vie, notre alimentation, l'eau potable au robinet (quel luxe: laver la voiture à l'eau potable)?
    Les dents, les lunettes, une chambre seule: une mutuelle sert à ça, essentiellement. Les dents, les lunettes : ça peut bien attendre quelques mois, ça peut bien attendre le 1er septembre.

    Ou alors, ou alors… Peut-être que nous sommes dans la superstition: prendre une mutuelle pour ne pas être malade comme on prend un parapluie pour ne pas qu'il pleuve. Cela revient cher de la superstition.







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    Ajout le 14 mars 2015 : l'anxiété comme mode de domination politique et sociale.

    Si tu es mauvais à l'école, c'est que tu es malade

    Cette époque est vraiment bizarre (espérons que l'existence de cette journée est la preuve que cette tendance à la médicalisation finit par être considérée comme abusive et ridicule).

    Par ailleurs, et sans aucun rapport, allez contempler le mur d'Elisabeth (je signale en particulier cela à EF).


    Pour mémoire : un nouveau pape ce soir: François. Jésuite et argentin et François, trois premières.
    (Un moment j'avais espéré que ce soit Mgr Zen. Mais je ne sais même pas s'il faisait partie des éligibles — ou des électeurs.)

    Neige

    La femme en face de moi est dans le RER depuis six heures et demie du matin (il est huit heures et demie). J'ai de la chance, je n'y reste qu'une heure, le temps de prendre des notes dans La Bible et sa culture (c'est étrange d'apprendre par imprégnation la chronologie des dynasties assyrienne et babylonienne. Une chose est certaine: je travaille beaucoup plus que l'année dernière. Le soir, après une journée de comptabilité (clôture des comptes) et de lecture (biblique), j'ai l'impression d'avoir la cervelle en fromage blanc).

    Le soir, ce sont les bus qui manquent. Il a neigé toute la journée.

    Pagaille. Mais dans l'ensemble, les vacances font que tout cela n'est pas très grave: moins de monde qu'en temps normal, et les enfants au chaud à la maison.

    Le bon, la brute et le truand une fois de plus, parce qu'O. est devant quand je rentre. Je me couche bien trop tard.

    Cendrillon

    La Cerentola à Garnier : une délicieuse soirée, une jolie et émouvante Cendrillon (j'ai la faiblesse d'aimer que les chanteurs ressemblent à leur rôle), des sœurs ridicules, un père méprisable. Tout est parfait.

    Retour à la normale (?)

    Pour la première fois depuis des semaines, je me retrouve à mon bureau — rangé et épousseté — pour taper quelques lignes. Depuis que j'ai ce portable, je m'installe le plus souvent dans mon lit ou devant un film — évidemment je n'écris pas les mêmes choses.

    Réveillée ce matin sur un mauvais rêve: devoir de grec, tout le monde a fini, je suis seule dans la salle, la feuille du sujet est coupée en deux, il me manque le bas, je ne sais pas ce qu'il faut faire, quelles sont les questions.
    (Je ne fais que des mauvais rêves en ce moment, qui font peser une inquiétude sourde sur les journée. Lundi dernier, René.)

    J'ouvre Taubes au hasard parce qu'il traîne dans la cuisine (la voix de cet homme, même à travers la traduction, est extraordinairement proche (il faut dire qu'en l'occurence il s'agit de transcription de conférences, ce qui ajoute à la proximité). J'ai hâte de réussir à le déchiffer en allemand: est-ce qu'il en sera de même (ou sera-ce mieux?), ou la langue constituera-t-elle un obstacle? — Je le redoute mais je n'y crois pas):
    Je dirais qu'il existe deux modes du philosopher (pardonnez-moi d'être dogmatique, mais la discussion va bientôt se terminer et je m'en sortirai indemne). Il y a tout d'abord le mode antique, qui dit au fond ceci: la vérité peut difficilement être atteinte, elle n'est accessible qu'à quelques-uns, mais elle existe toujours. C'est, en gros, le problème de Platon et d'Aristote. Il existe un autre mode du philosopher, que j'appellerait celui qui est passé par le Christ. Hegel dit que la vérité ne peut être atteint que difficilement et qu'elle doit parcourir toute l'histoire, mais qu'ensuite la vérité est là pour tout le monde.1

    O. revient du ski et est proche de la brûlure au second degré sur le menton (ça croûte).
    Clément revient de son stage de BAFA, enchanté.
    Repas animé ce soir après cette semaine si silencieuse, une histoire de banane dans l'oreille et de pompe à essence (— Oui, ça me rappelle la blague du type qui va tout nu à un bal masqué. "T'es déguisé en quoi?" lui demande un copain. "En pompe à essence").






    1 : Jacob Taubes, La théologie politique de Paul, p.119 (Seuil, coll. Traces écrites)

    Deux films

    Hansel et Gretel : un conte délicieusement steampunk, de beaux héros, une histoire linéaire à la façon des contes, quelques secondes de Belle et la bête, le tout en une heure et demie, sans longueur ou délayage: parfait (seul défaut: la 3D, enfin, les lunettes).

    Zero Dark Thirty: ce film me met mal à l'aise comme tous les docufictions dont on ne sait plus très bien ce qui est vrai et ce qui est faux (la femme obstinée du film était-elle une jeune femme rousse, un vieux noir bossu, ou une équipe, comme je tendrais à le croire?). Il rend très bien le temps qui passe et le vide du temps qui passe, sa longueur, les indices minuscules auxquels il faut se raccrocher, la tentation de l'abandon, l'abandon insidieux, de fait, et il rappelle les attentats survenus en dix ans (combien d'arrestations silencieuses depuis la récupération des archives dans la maison de Ben Laden? Pas d'attentat majeur depuis cette date, il me semble).

    Chez Aline

    J'ai fini sa bouteille de whisky, j'ai bu la canette de Guinness qu'elle avait prévue pour moi, j'ai caressé le chat et j'ai emporté ses livres.

    Merci Aline!

    Platon : Le Phédon




    Ligne A vers la Défense, autour de 8 heures. Notez que le livre est déjà bien avancé. Poche, collection Garnier Flammarion.

    Je suis ton père

    Non, ce n'est pas une citation tirée de Star Wars, mais du dernier Die Hard. (Comment dire: moins nul que ne le dise ceux qui l'ont détesté, mais pas bien bon, faut l'avouer (ma justification: accompagner ma fille au cinéma après sa journée d'appel civique. Parce qu'après Die Hard 4, je n'avais pas l'intention de voir jamais les suivants). Manque de soin dans les détails, l'histoire ne tient pas la route, mais ce n'est pas vraiment cela qu'on vient voir.)
    La citation en entier: «Je suis ton père, ne l'oublie pas.»

    C'est avec Le Roi Lion que cette obsession américaine du père m'était soudain apparue comme une évidence, de Top Gun à The tree of Life (sans compter le prochain Ryan Gosling).

    A venir, une histoire de zombie amoureux (il faut croire que Twilight a donné l'envie d'explorer le filon). Ça a l'air fun (Warm bodies!!)

    Modernité

    Bénédiction du pain. L'élévation (ce mot mystérieux prononcé par la tante Léonie: «Mme xx a dû arriver très en retard à la messe. Est-ce qu'elle est arrivée après l'élévation?»). J'ai les yeux fermés, je tente de me concentrer, je veux dire de ne pas laisser vagabonder mon esprit comme il le fait dès que j'arrête de le surveiller.
    Un téléphone sonne. Le prêtre interrompt le rite. Les sonneries continuent. Je suppose que le prêtre attend que le fauteur de trouble éteigne son appareil pour reprendre la bénédiction du vin. Ça dure. J'ouvre les yeux.
    C'était le téléphone du prêtre.




    A la fin, après l'envoi, il présentera ses excuses.

    J'ai peut-être parlé un peu trop vite

    Une jeune femme m'appelle à la demande du président de la mutuelle. Elle a travaillé sur la mise en conformité de sa filiale avec les recommandations de l'ACP concernant les réclamations clients. Elle doit me transmettre des documents, dans la mesure où la structure que je dirige ne nécessite qu'une mise en place allégée de ce dispositif et que je peux copier ce qu'elle a fait en taillant dans la masse.

    Nous prenons rendez-vous téléphonique pour la semaine suivante. Je lui demande alors:
    — Pouvez-vous me rappeler votre nom? Il ne s'affiche pas sur mon téléphone.
    — H* König.
    — Comme le dessinateur de BD?
    — Je ne connais pas, on me dit plutôt comme le maréchal. Mais merci, je regarderai ce soir.

    En raccrochant, je me dis que j'ai peut-être fait une erreur.

    (Elle ne m'en a pas parlé la semaine suivante. Entre nous, mon homonyme proposé est exact, alors que Kœnig n'est qu'approximatif).

    Des nouvelles de mon supermarché

    Trois ou quatre jeunes gens dans l'allée centrale, au niveau du rayon animalerie. L'un en revient et annonce aux autres, éberlué:
    — Dis donc, il existe de la nourriture bio pour chat.

    (Je ne l'ai pas trouvée.) Les rayons ont été déplacés, les rayons chats et chiens ne sont plus dans la même allée. En revanche, le rayon chat est en face de celui "nourriture pour oiseaux".

    Des nouvelles de Notre-Dame

    Les cloches ont disparu de la nef ce matin. Dommage, j'aimais leur présence chaleureuse, leur lumière douce.

    Nous sommes désormais une soixantaine à suivre la messe de huit heures. Est-ce le départ de Benoît XVI, le Carême? Il y a trois fois plus de monde qu'en octobre, les habitués et les autres (j'ai une question du type "lumière dans le frigo": les habitués sont-ils là les autres jours aussi ou seulement le vendredi?)

    Une grande bannière représentant Benoît XVI et proclamant "Deo Gracias" a remplacé celle qui annonçait l'entrée en carême au niveau de la Vierge du pilier.

    J'ai ébouillanté mon livre avec l'eau du thé. J'ai honte, il était neuf quand je l'avais emprunté à la bibliothèque.

    Ce soir, c'est les vacances. Pas pour moi, pour les enfants, mais je les vois arriver avec soulagement (les vacances, pas les enfants), la contrainte des horaires imposés disparaît.

    Quelques bribes

    Pâtes en catastrophe à neuf heures, fatigue, excitation.

    Lecture de cartes postales (comme nous allons chercher le courrier une fois par semaine, cela permet d'avoir tous les tomes d'un coup):
    "J'ai pris une nappe au lieu d'un drap. Je dors dans une nappe."
    1/ Ça fait un peu linceuil.
    2/ Ça change de l'utilisation classique des draps comme nappe.

    "A cinq heures, j'ai craqué, j'ai acheté un énorme pain aux raisins. Est-ce que c'est péché?"
    Définitivement, oui. Surtout pendant le Carême.


    Commentaire sur la journée:
    "Les filles de ma classe ont des conversations passionnantes après le sport: «Regarde, j'ai les mamelons gelés!»

    Recherches sur la Palestine et ses environs

    La lecture de Clarel de Melville (le déchiffrage patient, plutôt) m'amène à me constituer une bibliothèque de liens (je n'arrive pas à déterminer ce que peut être "the Urn" du Christ: urne, tombeau, châsse? Autel? Pas de photo, tombeau doit être le plus probable. Comme toujours, j'utilise beaucoup Google Images).

    des photos de Jérusalem
    le tombeau du Christ à 360°
    l'oasis de Ferian (blog très intéressant, dommage que je ne lise pas l'italien
    (prière musulmane devant la cathédrale de Milan)
    des nuances de vert
    un lexique d'hébreu pour identifer certains lieux
    ou encore des cartes (à noter les précisions sur les températures du jour: il ne fait pas si chaud!)

    Osée et Argo

    Le matin, Osée. Deux heures d'hébreu, en fait; conséquence d'avoir un professeur bibliste (la fleur, le taureau, le ventre maternel, la compassion, quelques millimètres de différence entre je et il, un jambage plus ou moins allongé).

    Comment s'appelle les mmmh du cèdre du Liban? Pas les feuilles, pas les aiguilles, c'est autre chose, nous dit le professeur1. (Au secours, monsieur Pic!).
    Le Liban, le paradis. Pleurer le Liban.

    Puis Argo, in extremis, j'avais abandonné l'espoir de le voir.
    Film haletant. Images des années 70 (j'aime). Souvenirs des otages, mais aussi du shah, avant, dans Paris-Match, avec les images de Beyrouth et de Jackie Kennedy. Je lisais au bord de la piscine parmi les orangers mes premiers récits de torture.
    Mea culpa américain, la vérité est dite en début de film, rappelée une ou deux fois dans les dialogues.


    Film haletant, disais-je.
    — Tu crois qu'ils vont s'en sortir?
    — Tu sais, l'époque a besoin de mythes, pas d'échec. Je ne crois pas qu'ils auraient tourné en ce moment un film sur un échec américain en Iran2. (Le lendemain, l'oscar viendra appuyer mon analyse).





    1 : S'est-il trompé? Je ne trouve rien en ce sens sur Google. Songeait-il à un autre arbre? Il décrivait quelque chose de palmaire, de palmé.
    2 : Il aurait fallu un Kubrick pour cela, pensais-je en me souvenant de Dr Folamour.

    Résumé

    Lire, dormir, travailler. Il ne se passe pas grand chose, je ne vais tout de même pas vous parler de "mes" adhérents (au téléphone: «Je vous parle sans mes dents, vous me comprenez quand même?»).

    Allez signer une pétition pour un vieil Arabe au Mali, j'ai l'impression que comme d'hab, c'est parti pour les vengeances personnelles ou de principe (pas de hiérarchie entre les deux).

    Lundi: le cours d'AT (sur les prophètes) est donnée par une prof allemande qui prononce très mal (sans doute la comprendrions-nous mieux en anglais, mais tous ne comprennent pas l'anglais (je me comprends)). La révolte gronde parmi les étudiants (deux heures à 20h30 après une journée de boulot et avant une journée de boulot, c'est fatigant; si c'est pour ne rien comprendre…) Je suis embarrassée, ils n'ont pas tort, mais je les souhaiterais plus indulgents.

    Mardi: je vois mon responsable hiérarchique le matin (comme il appartient à la holding, nous ne sommes ni dans la même entreprise, ni sur les mêmes lieux. Autant dire que nous ne nous voyons pas souvent.) Il me parle de la clause de désigantion.
    Comment expliquer cela? Comme l'Etat est en train de réduire le périmètre couvert par la Sécurité sociale (c'est progressif, mais souvenez-vous de cette phrase dans cinq ou dix ans), il essaie de faire que tout le monde soit couvert par un contrat de santé (tout le monde = les salariés, le reste ne paraît pas exister aux yeux de l'Etat français). Donc les entreprises vont être obligées de proposer un contrat de santé (dit "mutuelle" par abus de langage: ce contrat peut être vendu par une mutuelle ou une société d'assurance, le mot plus exat est "complémentaire") à leurs salariés (c'est déjà partiellement le cas). Cela va être mis en place par des accords interprofessionnels. Les sociétés d'assurances se battent pour que ce marché reste ouvert: obligation de souscrire un contrat de santé, mais possibilité de choisir ce contrat (en d'autres termes, elles défendent la possibilité d'entrer en concurrence et de remporter des marchés).
    Or l'accord (ou les accords) qui va être signé prévoit que le contrat de santé soit désigné dans la convention de branche. (Pourquoi bafouer ainsi le jeu de la concurrence? Ces accords sont signés par les syndicats, qui peuvent espérer en échange de sa désignation un financement de la part de l'organisme choisi…)

    Mercredi. Je passe rendre un livre à la bibliothèque Beaugrenelle. Elle est hors de mes chemins habituels et je m'étais promis de n'y rien reprendre. Je repars avec un policier grec (plutôt mauvais, d'ailleurs).

    Jeudi (hier). Pas le courage d'aller ramer malgré le soleil et la décrue. (Ce matin je découvre dans un mail que les sorties avaient été annulées à cause de cette même décrue — et le vent du nord. Culpabilité apaisée.)
    Le soir H. passe me prendre à La Défense. Il me raconte des anecdotes sur le ministère où il a passé la journée, fait une remarque sur la décrépitude des lieux, la peinture qui part en lambeaux.
    Dîner "dans un couscous", échanges sur l'absurdité de certaines décisions prises (plus on s'approche du pouvoir, plus on pense qu'on va comprendre qui décide quoi, et surtout pourquoi, et plus c'est l'inverse qui se produit. Je ne comprends pas comment tout cela est en mesure de fonctionner, quelque chose m'échappe, que ce soit en entreprise ou concernant l'Etat.)

    Vendredi: 10h28. Je termine ces lignes en bibliothèque. Il me reste une demi-heure pour faire mes exercices d'allemand. Un peu court.

    Manger du cheval

    C'est toujours mieux que de manger de la vache enragée. Unanimement autour de moi personne ne comprend tous ce foin. Tant que la viande n'est pas avariée...

    Je songe à ce passage de Souvenirs où l'oncle de Joseph Conrad raconte qu'il a mangé du chien, ce qui me faisait penser à mon grand-père (polonais) qui s'enorgeuillissait d'être capable de reconnaître dans tous les cas de la viande de cheval — pour refuser de la manger.


    ''Pourquoi les chevaux se sont-ils cachés chez Findus?
    — Because they can't find us'' (répondent les chevaux).

    Un monde nouveau

    Je m'absente cinq jours et quand je reviens, il fait jour le matin à huit heures quand j'arrive à La Défense (mais la Seine est toujours aussi haute).

    Bilan

    Samedi : True Gritt, Sherlock Holmes 1 & 2, une partie d'Il était une fois l'Amérique, interrompu par La Dame de fer (Merryll Streep impressionnante, mais film totalement décousu qui n'arrive pas à captiver).

    Dimanche : Fin d'Il était une fois l'Amérique. Saison V de The Big Bang Theory.

    Dimanche. Je lis La lettre perdue de Martin Hirsch (deux heures), j'y croise en début de livre le Lignon, vu la veille chez La Fontaine (L'Amour est mort, le pauvre compagnon Fut enterré sur les bords du Lignon) et dans les dernières pages l'une des phrases du film La Dame de fer: il faut choisir en être quelqu'un et faire quelque chose. (Hirsch donne la source mais je ne m'en souviens plus.))

    Trois jours

    J'avais prévu deux jours de rangement (mercredi, jeudi), une journée de cours (hier).
    Je ne suis pas allée en cours, et j'ai encore tout le classement des papiers à faire. Une première revue hier soir m'apprend que j'ai dû ranger à un moment donné le plus facile (les factures, bulletins de salaire, etc). Il me reste le plus compliqué, les articles, les notes prises lors de colloque, etc. Ce n'est pas ranger qui est difficile, c'est classer de façon si logique qu'on retrouve spontanément ce qu'on cherche même quand on ne sait plus où on l'a mis (la seule définition du rangement) — c'est aussi savoir ce que l'on possède, et cela, c'est bien plus difficile. Chaque fois que je rouvre un classeur ou une boîte je retrouve des articles que je ne savais pas avoir conservés — et dans l'ensemble je suis assez contente de moi: je suis fiable, je perds peu.

    Concernant les notes prises en colloque ou en cours, le constat est moins satisfaisant: tout ce qui n'a pas été transcrit aussitôt est pratiquement inutilisable. Comment relire aujourd'hui, deux ou trois ans après, ces notes sur Finnegans Wake, par exemple? Je range, je mets dans des boîtes, éloignant d'autant les probabilités de les recopier dans mon blog (l'intérêt que ce soit dans le blog, c'est que ce soit à disposition à tout moment): notes pratiquement perdues, sans grand espoir d'être jamais relues, et je résiste à la tentation de les jeter, songeant mélancoliquement aux héritiers en train de regarder avec désespoir ces monceaux de papier: classement vertical. Et la rage me prend de tout jeter — mais je ne le fais pas.

    J'y retourne, j'espère que cela prendra moins qu'une journée.


    Je mets des films en fond sonore, des films que je n'ai pas vraiment besoin de regarder: Ne nous fâchons pas, Burn after reading, Jerry Maguire, This is the place.

    Tentative toujours recommencée

    J'ai parfois l'impression que je vais passer les dix ans à venir à mettre au point une routine, une routine automatique qui permette d'oublier le quotidien pour se concentrer sur l'étude — et non se consacrer à l'invariant des jours.

    J'ai partagé mon bazar en quatre quarts. Je ne suis pas tout à fait venue à bout de mon deuxième quart ce soir au moment où j'écris. J'espère que j'aurai tout fini demain soir. Je n'en peux plus de tant de désorganisation. Je n'ai pas le temps de gérer le désordre, il me faut un quotidien auto-rangé, auto-nettoyant. A la recherche du taylorisme quotidien. Impossible mise au point.

    Carte de vœux

    — Tu as raison de faire du grec, ça vaut mieux que prendre du Tranxène !

    Le pape s'en va

    J'ai pensé à Jean-Paul I, à mon incrédulité en apprenant sa mort.

    J'ai pensé au départ de Steve Jobs et à Frédéric II, à je ne sais plus quel général des Jésuites auquel le pape avait refusé de démissionner malgré sa maladie.

    Je pensais que le refus de la contraception et de l'euthanasie par l'Eglise catholique était lié à la conviction qu'il ne fallait pas s'opposer à la nature, à l'œuvre de la nature comme dessein de Dieu, souffle de l'Esprit Saint. Dans cet esprit, le vieillissement étant le terme naturel de la vie, n'était-il pas cohérent, ne serait-il pas cohérent, de le laisser faire son œuvre sans s'y opposer, sans prendre la décision de se dérober? (Je pensais que c'était ce qui sous-tendait l'attitude de Jean-Paul II, par exemple: la soumission au temps comme décision de Dieu.)

    Ici, quelques paroles désenchantées, qui évoquent ce blog dont je donne le lien au moment où il ne servira (sans doute) plus. (Que va faire le pape? Entrer au couvent? Et quel sera son titre? Redevient-on "civil" quand on a été pape? Ou est-ce comme ministre?)

    Mulhouse

    Restaurant La Fourchette[1] (des ours en peluche à foison et des fourchettes pendues au plafond, épées de Damoclès pour de faux un peu effrayantes malgré tout — excellente cuisine), collection d'Anne Sclumberger actuellement exposée à la fondation Fernet-Branca à Saint-Louis, il y a de la neige dans les champs, un passage dans un "magasin de livres" à Mulhouse (un magnifique tout petit Lettres de mon moulin relié de cuir noir et Léonie d'Aunet, Voyage d'une femme au Spitzberg (je feuillette au passage deux tomes de souvenirs de d'Orgeix datant des années 50)).

    Nous sortons trop tard de la librairie, trop tard pour acheter des œufs, samedi soir 18h30, tout est fermé.

    Lincoln : être obligé de faire voter un amendement sur l'esclavage avant de négocier la fin de la guerre, car la déclaration d'émancipation des esclaves de 1863 ne faisait qu'opérer une sorte d'expropriation des "rebelles" — et donc n'ôtait pas leur qualification de "biens" aux esclaves, qui le seraient redevenus avec la fin de la guerre. Emanciper les esclaves avant de terminer la guerre, terminer la guerre pour éviter des morts inutiles, deux exigences contradictoires (car si la paix était signée, l'urgence de reconnaître l'égalité des droits des Noirs s'évaporait, ne serait-ce que par peur de l'inconnu, de cette société à construire — voter la fin de l'esclavage, c'était aussi espérer mettre fin à la guerre) mises en tension par le film.

    Notes

    [1] 1 rue de Landser à Schlierbach

    Cours d'allemand

    Question:
    — Quel est le peintre en bâtiment le plus célèbre d'Allemagne?
    Subodorrant le piège, je propose:
    — Hitler?

    Oui. "Anstreicher" a pris une nuance péjorative dans certains contextes.
    C'est drôle, je n'avais pas retenu qu'Hitler avait été peintre en bâtiment. Je pense à Jean Gabin dans La Traversée de Paris, en train d'expliquer «peintre…» petits gestes du poignet à l'appui, et non «peintre» grands gestes du bras de celui qui utilise un rouleau.

    Anstreicher: streichen: étirer, étaler, comme j'ai entendu tant de fois «Tire bien sur ton pinceau».

    Qu'en faire?

    Hier Patrick m'a fait un étrange cadeau : l'année 2011 de ce blog repris dans un livre, "les mois à l'endroit".

    Sensation étrange. C'est plaisant, c'est flatteur, je découvre que j'aime me relire et j'ai honte de cette complaisance; en même temps j'ai aussitôt des envie de corrections, ou plutôt d'ajustements, des précisions de contexte à apporter qui me semblaient inutiles sur le blog, éphémère par essence.
    Qui dit quoi à qui dans quelles circonstances, cela paraît soudain beaucoup plus important dès que c'est imprimé. Il devient plus important d'être compris.

    Mais que faire de cet objet? Je ne peux pas le faire lire à ceux qui ne connaissent pas le blog (et un livre non lu, c'est triste. J'ai toujours prêté mes livres, moins pour les lecteurs que pour les livres, pour qu'ils sortent des étagères, qu'ils respirent — parfois j'emprunte un livre à la bibliothèque uniquement pour qu'il sorte), et il est inutile de le faire lire à ceux qui lisent ce blog (et pour le coup ce serait bigrement prétentieux).
    Impression étrange d'avoir dans les mains un objet absolument inadapté — et j'en suis embarrassée car j'en suis l'auteur.



    Il y avait d'autres cadeaux:
    - Les psaumes traduits (adaptés?) par Paul Claudel
    - … le pivert nu et les tomates vertes… et Oulipotages de Jacques Theillaud (un ami FB)
    - la correspondance Hawthorne-Melville que je n'avais pas trouvée cet été : D'où viens-tu, Hawthorne?

    La gare de Vigneux

    J'ai un souvenir de la gare de Vigneux, celui de ma dernière cuite (en date), ma deuxième, donc, la première datant de 1989 — je venais de trouver du travail, c'était un soir de chili con carne et de tequila rapido, août ou septembre 1989 à Talence.

    Décembre 2004, sans doute le 6, la saint Nicolas. J'avais dîné avec R., peut-être à la Coupole ou à l'une des brasseries proches. Nous avions bu une bouteille, il pleurait un ami qui s'était suicidé en septembre, et moi une amie morte en novembre.
    Je me souviens avoir refusé un dessert mais demandé une autre bouteille de vin.
    Et je me souviens l'avoir bue pratiquement seule et très vite, trop vite, le temps qu'il mange son dessert.

    Sans doute m'a-t-il raccompagnée en taxi à la gare de Lyon, je ne m'en souviens pas mais c'était le genre de choses qu'il faisait.

    J'étais ivre morte. Bizarrement je ne me souviens de rien et j'ai des souvenirs très précis par flash. Je sais que je suis tombée de tout mon long, parce que je me souviens du ciment froid contre ma joue, mais cette image, je ne l'ai reconstituée que le lendemain en tâtant des zones douloureuses — pommette, genou,… — et la sensation du ciment froid sur ma joue.

    Je suis montée dans le train, je me suis endormie, mon téléphone a sonné, H. s'inquiétait, il était aux alentours de minuit. Je l'ai rassuré, j'arrivais (à l'époque nous n'avions qu'une seule voiture, il devait venir me chercher à la gare). Je me suis rendormie, réveillée quand le train s'arrêtait — à Vigneux.
    Je m'étais trompée de train.

    Je suis descendue du train, j'ai appelé H., très ennuyée. Et je l'ai attendu. J'avais un grand manteau bleu ciel, tricoté main, j'étais assise sur les marches, je pleurais comme un veau: «elle est moooorrrte». Il faisait très froid, un jeune grand noir tout désemparé tentait de me consoler: «faut pas pleurer, Madame». «—Qu'est-ce que tu fais là? Tu ne rentres pas chez toi? —Je dors dans la rue, Madame, mais faut pas pleurer». Et je le regardais sans rien dire, il ajoutait encore à ma désolation, avec sa gentillesse et la perspective qu'il passe la nuit dehors par ce froid.

    H. est arrivé, nous sommes partis, à un feu rouge j'ai ouvert la portière et j'ai vomi la bouteille de vin.
    Nous sommes rentrés, H. ne me fit pas un seul reproche et n'en reparla jamais.

    Erreur d'aiguillage

    Le train s'arrête à Vigneux. Il est onze heures et demie. Tous les wagons descendent vociférer sur le quai.
    Erreur d'aiguillage. Nous sommes partis vers Corbeil-Essonne au lieu de Melun.
    Il est très tard, il y a un train toutes les demi-heures, les gens sont fatigués et furieux. Les trois agents SNCF sur le quai n'en mènent pas large.

    Finalement, le conducteur décide de continuer jusqu'à Juvisy, de changer de voie et de retourner à Villeneuve-Saint-Georges pour reprendre le chemin de Melun.

    Nous traversons la Seine deux fois. Train fantôme glissant dans la nuit. J'aime l'idée mais je ne suis pas rassurée à l'idée de ce train circulant sur des rails où il n'est pas prévu.

    La paix, les morts

    Guillaume me fait découvrir le monument aux morts de Biron. Quelle idée étonnante.

    Il faut se battre tôt pour ne pas souffrir tard.
    Des monuments pour ceux qui font la paix.
    Depuis qu'on m'appelle "le Macaroni" je ne m'occupe plus de rien.

    Félix et Déborah à la maison pendant trois mois chacun. Je n'étais pas très à l'aise. Des mots qui échappent, une mythologie (La grande vadrouille, par exemple), l'accent allemand caricatural que l'on prend pour rire pour prononcer certains mots… (c'est toujours moi qui me retrouve à expliquer ce que personne ne souhaite expliquer.)

    Félix visite Chenonceau, cela lui plaît, il paraît étonné, surpris.
    — Il n'y a pas de château autour de chez toi, tu n'en visites jamais?
    — Chez moi, il n'y a rien.
    Je me mords les lèvres: il vient de Hambourg. (Je sais pourtant que j'ai tort d'être gênée, lui vit cela naturellement; il est trop jeune sans doute pour que tout cela représente quelque chose pour lui; et les Allemands assument leur histoire. Mais c'est plus fort que moi. J'ai tout de même arrêté l'allemand où j'excellais alors que j'ai toujours été médiocre en anglais quand j'ai découvert les camps, vers quatorze ans. Aujourd'hui je le regrette, je m'y remets lentement, un peu grâce à Kafka, beaucoup grâce à Döblin.)

    Chandeleur

    Après-midi tranquille. Je fais du grec, il n'y a personne (ou presque) dans la bibliothèque (les salles du premier étage).



    Le soir, crêpes.

    Largo Winch à la française

    Soit un dirigeant d'une PME d'une cinquantaine de personnes.
    Il a déjà fait de la prison pour ne pas avoir payé ses PV (ce qui représente une belle somme de PV et un refus de se présenter devant les tribunaux).

    La semaine dernière, une lettre recommandée est arrivée contenant un avis de saisie sur salaire. Motif: plus de deux cent mille euros d'impôts impayés en dix ans.
    (Problème résolu dans la semaine, par prêt, emprunt, facilité de paiement et autres.)

    Vendredi, un huissier s'est présenté pour saisir des parts de la société.
    — Mais pourquoi?
    — Il y a quelqu'un d'autre à qui il devait de l'argent?
    Oui. Il a perdu lors d'un procès contre un ancien associé; et fait exceptionnel, le premier jugement était exécutoire en dépit de l'appel. Somme à payer: deux cent mille euros encore.

    Il est possible que le dirigeant endetté puisse sortir cette somme d'une manière ou d'une autre. Le problème, c'est qu'elle sera alors saisie par les impôts.

    Question: l'entreprise est-elle en danger?

    Vide

    Ce soir, petit coup au cœur en arrivant à la maison: portail fermé, je suis la première (il est sept heures à peine).
    Je compte sur mes doigts, un au conservatoire, l'autre en cours de physique, le troisième dont je ne sais même pas s'il rentre… (mais je ne savais pas non plus qu'il ne serait pas là).
    Je fais la cuisine, je range, j'attends. Cette maison n'est pas souvent vide. Les chats tournent en rond.



    Aujourd'hui ma grand-mère aurait eu quatre-vingt-dix-sept ans. J'aurais dû téléphoner à ma tante.

    Ramer à Amsterdam

    Avec retard je récupère des photos, dont celle-ci prise au centre d'Amsterdam.
    C'est un bateau très lourd, comme vous n'en verrez pas en France: un bateau large, dit canoë français, qui est déjà pataud et réservé aux débutants ou aux conditions de navigation difficiles, mais avec en plus un barreur, ce qui se comprend dans les caneaux étroits d'Amsterdam, puisque l'aviron se pratique en reculant.

    Deux rameurs, un barreur, un bateau large : la lourdeur incarnée, mais le plaisir d'être sur l'eau.


    Ragots

    Entendu à table, au restaurant d'entreprise. Ces jeunes gens appartenaient sans doute à un cabinet de commissaires aux comptes.

    — Oui, tu n'es pas très bon en ragots.
    — Oui, j'oublie qui, j'oublie quand…
    — et même quoi…

    Quelques réflexions

    J'ai un peu hésité, mais finalement je vous donne le lien vers mes notes de ces trois jours.

    La nature de mon hésitation est de plusieurs ordres. Le premier et le plus bête, au sens de primaire, naïf, spontané, est la peur de transformer ce blog-ci en blog de grenouille de bénitier, ou tout au moins d'en donner l'impression (parler publiquement de foi est un peu mon coming-out, dans la plupart des milieux que je fréquente, y compris ma famille, c'est au mieux une bizarrerie, au pire le signe d'une stupidité avérée (ou encore "une aliénation", selon d'autres)).

    Le deuxième est plus compliqué. J'aime ces colloques. J'y rencontre dans un espace restreint une concentration d'intelligence et de savoir comme je n'aurais jamais rêvé qu'il en existât, dans une atmosphère exaltante qui ne respire jamais l'ennui. (C'est en fait bien plus exaltant que les colloques en littérature ou en philosophie: est-ce parce que cela aborde des domaines que j'ignore totalement; est-ce dû à la personnalité des intervenants, qui ne se battent pas pour une chaire universitaire (ou tout au moins pas principalement, puisqu'ils sont pour la plupart prêtres, moines, religieuses); est-ce dû à leur foi, comme je n'ose pas l'écrire; ou encore parce que par nature de nombreux domaines sont touchés en un seul mouvement, histoire, linguistique, philosophie, théologie?)
    Et la question qui insiste discrètement au fond de mon crâne, c'est: mais quel rapport entre toute cette intelligence, toute cette recherche, et la foi? Ne s'agit-il pas de purs exercices, dans un but épicurien ("se faire plaisir") ou défensif (prouver aux non-croyants qu'un croyant n'est pas juste un imbécile qui a abandonné tout sens critique)?

    La dernière question qui me taraude est: comment font-ils? Comment font-ils, de nombreux d'entre eux, pour planer ainsi et retourner le lendemain en paroisse? Comment font-ils, mais je connais la réponse, ils sont entrés dans les ordres pour servir, c'est une affaire d'humilité. Mais tout de même…
    Et dans la même question, parce que ce n'est pas une question différente pour moi, car elle touche à la personnalité de ces personnes: sont-ce vraiment les mêmes, les mêmes catholiques, qui vont défiler contre les homosexuels? Comment est-ce possible, après avoir été immergés dans les Evangiles comme ils le sont?

    (Je dis bien contre les homosexuels, et non contre le mariage homo. Au début je pensais que les homos étaient un peu parano, que ce n'était pas contre eux que les gens défilaient, mais simplement parce qu'ils pensaient que la reproduction étant sexuée, il était logique que les couples qui se marient soient hétéro (et il me semble possible de penser cela sans être homophobe). Mais plus le temps passe, plus je lis des réactions (le troll chez Matoo (c'est important, parce que concernant les autres témoignages, il est toujours possible de se dire que les journalistes les ont choisis: là, il s'agit d'un troll "naturel", venu de lui-même), et plus il faut se rendre à l'évidence, il s'agit bien d'homophobie. Et je vois revenir l'assocoiation homosexualité/pédophilie qui m'effare, me navre et me met en rage. A ce compte-là, nous ne devrions jamais confier nos filles à des professeurs masculins.)

    Bro

    — La sister a un compte facebook.

    Allégorie et typologie

    Peut-être que j'arriverais à apprendre le latin si le professeur est italien: cela devient alors une langue qui se parle (de toute façon, il me vient le soupçon que ce n'est pas une langue morte du tout, mais plutôt un langage secret entre initiés).

    Comment donner des rudiments bibliques à vos paroissiens: faites-leur lire les péricopes du Lectionnaire arménien de Jérusalem (non, je plaisante. Enfin non, c'est réellement la réponse donnée à cette question!)

    Vêpres, laudes, office du midi: depuis que j'ai lu La réforme liturgique du métropolite Cyprien de Kiev, mon esprit vagabonde dans le désert entre le Ve et VIe siècle. C'est tout à fait particulier de répéter un geste en sachant que des milliers de personnes l'ont répété à travers des centaines d'années. On est comme dépossédé de soi pour entrer dans un soi plus grand qui nous dépasse.

    Encore un colloque

    J'avoue: je les choisis purement sur leur titre: "Pour une herméneutique de l'euchologie", c'est totalement irrésistible.

    Notre liturgie porte au plus profond d'elle-même des traces des Pères de l'Eglise: cela a du mal à m'étonner après trois jours de colloque sur l'Eglise orthodoxe en octobre dernier et la lecture de La réforme liturgique du métropolite Cyprien de Kiev.
    C'est l'assistance qui m'étonne toujours. En moi la question de l'appartenance: est-ce que je leur appartiens vraiment? Est-ce que je souhaite vraiment leur ressembler? Et si je le souhaite, le puis-je?
    Je ne sais répondre à aucune de ces questions.

    Pas grand chose

    Rien, rien de rien. De la neige. Flâné à la bibliothèque du CE. Pris la biographie de La Fontaine par Orieux, comme si j'avais le temps de lire ça. Deux ou trois cartes de vœux. Les noms de Dieu. Ça m'agace, les attributs de Dieu m'indiffèrent, qu'Il soit parfait et infini, que l'un sans l'autre soit possible ou impossible, m'indiffère totalement.
    Seule remarque qui me frappe: Platon mettait le Bien au-dessus de tout et lui subordonnait l'Être (et être infini était une imperfection), les philosophes chrétiens mettent l'Être au-dessus du Bien (je travaille des textes autour de Ex 3,14 «je suis celui qui suis»).

    Melville

    Quelques notes de cours sur l'AT (Ancien Testament) me font me demander s'il existe un commentaire systématiquement biblique ou bibliste de Melville.

    Notes
    Ps 74 v13: toi qui fendis la mer par ta puissance qui brisas les têtes des monstres sur les eaux, toi qui fracassas les têtes de Léviathan pour en faire la pâture des bêtes sauvages

    Gn 1 utilise le mot «luminaire» pour dire soleil et lune, c'est le même terme (en hébreu) pour les lampes de la Tente de la rencontre (Ex 35, 8, 14; Lv 24,2; Nb 4, 9, 16)
    La citation du Psaume se réfère naturellement à Moby Dick (ou plutôt l'inverse ; elle fait peut-être partie des citations reprises en exergue du livre), la deuxième m'évoque Clarel, les lumières tremblantes qui reviennent dans les premiers chants, étoiles ou flammes. Combien d'autres résonnances dont je n'ai pas conscience? 150 chants, 150 psaumes. Coïncidence? Kinbote et Saussure veillent sur moi.

    Le soir la neige a fondu dans les rues, il en reste sous les bancs.

    J'ai raté un cours de grec au moment de la mort de ma grand-mère et je n'ai jamais vraiment repris le rythme depuis. Examen samedi, ce qui m'inquiète, c'est le temps (je veux dire la durée de l'épreuve, pas la météo!).

    Neige

    Le chat me regarde d'un air accusateur.

    Fin de partie

    Déconnexion de mon compte FB.

    Retour au travail dans le silence, la seule façon de travailler, en fait.

    Vendredi latin

    Après-midi latin (conférence). Je me dis que si j'avais eu cet ordinateur à l'époque de Compagnon, j'aurais pu taper en direct (y a-t-il du wifi au Collège de France?) Bon évidemment, je n'aurais pas pu donner les références précises des citations (le vrai plus de mes notes sur Compagnon, c'est ça: j'ai référencé toutes les citations à partir de mes Pléiades).

    Le soir il commence à neiger. Bibliothèque Beaugrenelle. Je récupère un livre "pour public motivé".

    En bas de la pente la voiture ne tourne pas. Elle ne freine pas non plus. Je choisis un arbre pour arrêter ma course (lente), je serre le frein à main, la voiture dérape et s'arrête. Je repars lentement dans la bonne direction.
    Il y a trois centimètres de neige fraîche.

    Dans l'ordre à partir de 17 heures

    - Je constate en rangeant mon bureau que j'ai peut-être travaillé un peu plus que je ne le pensais. Tant mieux.

    - J'ai rencontré JA au bistrot d'Eustache. J'avais reçu un mail de sa part pendant que j'étais à Amsterdam. Il était très inquiet car nous savons quelque chose sur sa vie privée qu'il ne veut pas qui se sache. Il n'a toujours pas compris que nous ne sommes pas lui et que nous ne diffusons pas des informations personnelles sur les blogueurs.
    D'une part je lui ai assuré que je ne signerai pas de "paix séparée" (autrement dit je ne laisserai pas tombé JYP et Emmanuel) ; d'autre part je lui ai proposé de mettre fin à tout ça non pas en mettant les billets (hors de question) mais en les anonymisant, en remplaçant les noms par des initiales de façon à échapper à Google.
    Il a refusé.

    - La porte arrière gauche de la voiture ne fermant plus (le taquet gelé ne redescend pas), j'effectue le trajet de la gare à la maison en la tenant de la main gauche glissée derrière le siège du conducteur, passant les vitesses et tenant le volant de l'autre main. Il est dix heures et demie, il reste de la neige sur les trottoirs, les rues sont désertes. Au fur à mesure du voyage, la très fine couche de glace à l'intérieur de l'habitacle fond, me permettant de voir un peu de la route.
    A l'arrivée, talc sur les joints des portes, eau chaude et tournevis pour descendre le taquet (fermer la porte est primordial pour ne pas décharger la batterie).

    - Rentrée avec C. rencontré par hasard sur le quai du RER. H. arrive de Tours quelques minutes après nous, et O. en vélo du ping-pong quelques minutes encore plus tard. Le lendemain A. me dira: «Je ne savais pas que je devais passer la soirée seule hier». Oups.

    Un peu de pub à destination des anxieux et tendus

    J'ai envoyé A. chez David pour une séance de shiatsu. La connaissant, je me dis ou disais que ce serait sans doute plus utile ou efficace que le psy, avec le même résultat: dénouer des tensions, des résistances.

    (Je testerais bien aussi, mais je suis timide. Il a conseillé, paraît-il, une séance à chaque changement de saison. Bon, je verrai en mars ou en avril.)

    Mardi neigeux

    J'étais allée au club dans l'idée de faire de l'ergo, mais finalement nous avons sorti une yolette. Courant rapide, beaucoup d'eau, impression de ramer sur un coussin. Il a commencé à neiger cinq minutes après le début de la sortie, le temps de tester notre motivation.
    Le plus dur (et le plus dangereux), c'est l'eau glacée qui rend le ponton glissant et mouille les chaussettes.
    Toujours pas de douche chaude.

    Coup de fil de l'assurance. Cette fois-ci c'est bon, la voiture part à la casse avant la fin de la semaine *soupir*.

    Les aoristes réguliers en sa (révision).

    Lundi bizarre

    Journée vraiment bizarre, entre chaud et froid, entre assurés mécontents ou ravis, entre notes bonne ou médiocre, entre bonne et mauvaise nouvelles.

    J'ai l'impression que je me suis grillée auprès de mes camarades de la catho à expliquer qu'il était hors de question que j'aille défiler contre le mariage homo, que je n'étais pas d'accord avec eux (« Comment, tu ne crois pas que c'est important, un père et une mère, pour un enfant ? » (Evidemment, j'ai répondu en exagérant mes positions, en faisant de la provocation, c'est plus fort que moi. En réalité, je ne sais pas ce qui est important pour un enfant (à part de l'attention, mais en donne-t-on jamais assez ? Ou trop ? Le dit-on trop, ou pas assez ?). Tout me paraît foirer, quels que soient les efforts qu'on y met. Mais je dois être découragée. En tout cas, ne comptez pas sur moi pour venir brandir mon couple (marié à l'église) avec enfants (baptisés) comme exemple à la face du monde. J'ai trop conscience de tous ses dysfonctionnements. Mais ce doit être constitutif de toute œuvre humaine. (Le même soir, à propos de la Bible : « Vous ne trouverez pas un héros sans défaut dans la Bible. Tous ont quelque chose à se reprocher. » Dans un sens c'est rassurant. Eloge de l'imperfection, combat avec l'ange. Boîter.)))

    Le soir, C. qui avait disparu depuis quatre jours (un peu à la manière des chats qui partent traîner) réapparaît. Il partirait —peut-être— en Islande. L'anglais du mail est bien trop chantourné pour permettre une certitude, sauf une: ce ne sont pas des Américains qui écrivent ainsi. (Comment ne pas être compris à force d'être poli.)

    Ce qui me fait penser que j'ai vu la professeur de français de O., qui m'a appris un défaut que j'étais loin de soupçonner: O. écrit chantourné, justement. « Il faudrait qu'il se dise qu'on écrit pour être compris. » Et je me dis que O., le diplomate de la famille qui a appris à naviguer à vue dans le champ miné que constitue n'importe quel repas chez nous (trop de taquineries (mais de belles parties de rire quand ça ne tourne pas au drame)) ne doit plus savoir appeler un chat un chat.

    Bibliothèque de Bois-le-Roi, II

    Une caisse était posée devant la porte avec une affiche : "livres donnés par nos lecteurs pour nos lecteurs". Que des biographies. J'ai pris tout ce que je pouvais mettre dans mon cartable, honteuse d'emporter presque la moitié des livres et souhaitant le dissimuler.

    Donc :
    - Guislain de Diesbach, Madame de Staël, parce que Patrick m'en a rapporté un digest de Coppet ;
    - Dirk Van der Cruysse, Madame Palatine, princesse européenne, parce que Laurent m'a dit que c'était elle l'auteur d'un cri qui m'avait particulièrement marquée (« Pas le couvent, pas le couvent ! ») (ce livre est énorme) ;
    - Jean-Pierre Poirier, La véritable Jacqueline Auriol : Voler pour vivre, parce que Jacqueline Auriol et Hélène Boucher sont mes héroïnes depuis toujours (et puis il y a des photos) ;
    - Frédérique Lebelley, Duras, le poids d'une plume, parce que ça me plaisait d'avoir un autre avis que celui de Laure Adler (même si, Duras l'ayant relu, ce ne doit pas être biaisé du tout. Mais cela m'amuse).

    J'ai laissé le récit de Catherine Allégret sur Montand et Signoret (pour ma mère), parce que décidément, plus rien ne tenait dans mon cartable.

    Je me suis inscrite. Ils m'ont précisé que l'inscription pour les enfants était gratuite. J'ai répondu que c'était moi qui lisais les livres pour enfants, que j'adorais ça (pourquoi ne puis-je jamais m'empêcher de me présenter comme simplette ? Sur le coup ça m'amuse, mais après je me plains qu'on me prenne pour simplette. A corriger).

    Travaillé sur la Bible (les occurrences du mot mashiah, "frotté d'huile", dans l'AT). Pas fini, il va encore falloir me lever très tôt cette nuit.

    Fini L'Ange au regard vide.

    Les lecteurs (ou pas) de ce blog

    Il y a ceux qui vous lisent. Vous les rencontrez, vous ne les connaissez pas, ou peu, et ils vous posent des questions sur des sujets dont vous ne leur avez jamais parlé (et pour cause), et soudain la lumière se fait en vous : « Mais ils me lisent ! Vraiment ! avec attention ! et ça les intéresse suffisamment pour qu'ils s'en souviennent ! »
    Et là, vous vous sentez infiniment touchée, reconnaissante, (flattée) et embarrassée : vite, vite, vous rembobinez dans votre mémoire tout ce que vous avez écrit pour tenter d'estimer tout ce que vous n'auriez jamais confié avant des mois à un inconnu, parce que vous n'avez pas été élevée comme ça… et vous abandonnez, trop de mots, trop de billets, trop de sincérité, ce mot dont vous avez appris à vous méfier avec RC et Nabokov et contre ou avec lequel il faut vous battre certains soirs.

    Il y a ceux que vous connaissez un peu plus, que vous croisez par hasard et qui vous pose une question qui fait qu'il faut bien vous rendre à l'évidence: ils ne vous lisent pas, malgré leur proclamation d'attention. Mais ceux-là, vous les fréquentez depuis si longtemps que, même si le pincement de déception ne s'efface jamais tout à fait, ils vous ont rendue philosophe, ils vous ont appris à sourire de vous-même, de votre prétention, de votre besoin d'attention; et en fait, c'est à les fréquenter que vous avez oublié que certains vous lisaient ou vous liront, cf la première catégorie.

    Il y a les autres, ceux qui ne connaissent pas ce blog, à qui vous le donneriez bien à certaines heures, par affection ou par flemme (la paresse de leur raconter votre vie), et vous résistez, parce qu'en vérité, vous avez aussi peur qu'ils fassent partie de la première catégorie (« je ne vais pas raconter ça, il y a X qui me lit ») que de la deuxième (« c'était bien la peine que je raconte cela, X ne l'a pas lu »).

    Ça en jette, quand même

    — Oui, je n'ai jamais eu le moindre problème quand je corrigeais Ricœur pour Esprit.

    Bibliothèque

    Pas grand chose. Bibliothèque de Paris avenue Parmentier. A chercher les livres de mes bibliographies, je vais connaître toutes les bibliothèques de Paris.

    Il fait nuit. Ce n'est pas drôle (par opposition à mes sorties en Vélib de l'été 2009 ou 2010, déjà de bibliothèque en bibliothèque). Pour aller chercher les livres je suis motivée. Mais ensuite, pour les rendre, je suis souvent en retard. Pas envie de me déplacer, de me détourner de mes trajets pendulaires.

    Le plus ancien n'est pas celui qu'on pense.

    Cours sur l'Ancien Testatment (AT). Je me méfie de cette exploration rationnelle de l'histoire et de la géographie, mais il faut bien reconnaître que cela donne une autre force aux textes, un maillage humain très solide. Chaque ligne entre en résonnance avec toutes les autres de façon très intime.

    « On peut tout trouver dans la Bible. Si vous cherchez suffisamment, vous trouverez de quoi justifier n'importe quelle position. Attention à une lecture fondamentaliste. »

    Les juifs ont rejeté les textes écrits directement en grec pour ne conserver que les textes hébraïques; épris de retour aux sources, les Réformés en ont fait autant. L'ironie, c'est que les manuscrits les plus anciens que nous possédons sont écrits en grec, tandis que les textes hébreux sont du Xe siècle, et vocalisés (manuscrits "massorétiques")1.

    Tristesse d'apprendre que le Codex d'Alep (910-930), qui contenait tout le texte de l'AT, a brûlé en partie en 1947 lors d'émeutes anti-juives.



    Note
    1 : Avec les Manuscrits de la Mer morte, cela n'est plus vrai : ils sont plus vieux que les textes grecs. Je me place ici à l'époque de Luther.

    Amsterdam, la ville où vous apprendrez à faire vos créneaux

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    Je n'ai pas élucidé la façon dont le conducteur sortait de voiture. J'ai suggéré que les Amstellodamois ne conduisent que des voitures anglaises (avec le volant à droite), et je me suis fait traiter de tête de linote. Quand je disais que personne ne comprend mon humour.

    Pour le reste, j'aime beaucoup cette ville: les villes avec peu de voitures sont vraiment mes favorites.

    Une vraie journée de touristes

    Musée Rijksmuseum. Pas de queue. Nous mettons deux minutes à comprendre les chiffres sur la façade, 98 23 14 : jours, heures, minutes avant l'ouverture du musée rénové.
    En attendant nous avons droit à une version réduite, quelques salles, Rembrandt, Vermeer, bien sûr, mais aussi de très beaux objets et meubles. Et une horloge très amusante et résolument moderne.

    Dans la tradition "mangeons pour guérir", nous faisons un grand détour pour trouver un restaurant vietnamien — qui sera fermé, bien entendu. Mais enfin, cela nous aura permis de voir le temple bouddhique d'Amsterdam. Nous mangeons donc chinois, une soupe que nous n'aimerons pas (boulettes de viande et côtes de blettes) mais qui ne nous pèsera pas sur l'estomac.

    Musée de l'Hermitage pour voir les Van Gogh accueillis ici pendant la rénovation du musée du même nom. Pas de queue (nous avons acheté nos billets devant le Rijksmuseum). Très beaux tableaux, les Tournesols et les Iris sont ici. L'exposition est organisée en thèmes (cinq: la nature, la jeunesse, l'influence japonaise, et je ne me souviens plus). Copie étonnante d'un tableau japonais, vergers au printemps, Bible, tête de mort fumant (elle est ici). Tous les tableaux sont d'Amsterdam, c'est une exposition entièrement domestique qui m'a beaucoup plu.

    Puis dans le même musée exposition dite des "Impressionnistes", mais "de la seconde moitié du XIXe siècle français" serait plus exact. C'est d'ailleurs très intéressant, rythmé par des coupures de journaux expliquant les évolutions de la mode dues aux transports en commun (finies les robes à crinoline), le salon des refusés, l'invention du tube de peinture (1841) qui permet aux peintres de sortir de leur atelier, etc.
    Cela donne l'impression étrange de se promener "chez soi", d'Haussmann à Versailles en passant par Montgeron ou les plages de Normandie. Soudain je comprends que la peinture du XIXe siècle a été française comme celle de la Renaissance a été italienne et celle du XVIIe hollandaise (oui, cela ne m'était jamais venu à l'esprit avant d'être à l'étranger).

    Café et pâtisserie dans un coffeeshop en contrebas de la route; vautrés dans des canapés nous commentons les arrivants (nous essayons de deviner leur nationalité — de jeunes Russes ressortiront en découvrant (sans doute) qu'il n'y a pas d'alcool, d'un couple dont je dis "Lui a l'air très amoureux", H. répond "donc français", ce qui me fait rire (est-ce vrai? très amoureux donc français?)), dans la grande tradition des petits vieux sur leur banc ou des vieilles derrière leur rideaux.
    L'intonation de la langue néerlandaise est le même que celle de l'américain, et les mots de la cuisine viennent du français sans traduction.

    Le soir Einstein on the beach puis pub irlandais.

    Une vraie journée de vacances

    Ce matin H. est malade à son tour, avec tout le caractère d'une intoxication alimentaire, (la soupe aux pois d'hier midi? C'est la seule chose que nous ayons mangé en commun, sachant que j'en avais également mangé dans un autre restaurant le mercredi soir, ce qui expliquerait que j'ai été malade plus tôt? (une épice de la soupe que nous ne supportons pas? L'idée m'amuse, ça change des gens malades en allant sous les tropiques)).

    Quoi qu'il en soit, nous nous recouchons après un petit déjeuner symbolique (et encore du Coca). Une heure plus tard, je suis en pleine forme et je me mets à mon devoir de grec (en utilisant le logiciel Antisocial pour ne pas utiliser FB).
    H. dort, tout est extrêmement silencieux, nous sommes sous les toits, il fait gris, je suis tranquille. Je suis bien.
    Bref, je termine ma version. Depuis combien de temps ne m'était-il pas arrivé de terminer un devoir en avance? Cela m'a suffisamment inquiétée pour que je demande à H. de photographier le sujet, pensant qu'en bonne logique qu'il devrait arriver quelque chose à mon devoir, mes papiers, mon cartable, etc. (je suis une traumatisée de la loi du chaos).

    Vers dix-sept heures (il fait nuit) nous sortons pour passer à la pharmacie1. Elle est minuscule, il faut prendre un ticket comme à la SNCF ou à la Sécu, il y a dix personnes devant nous. Y aurait-il pénurie de pharmacies à Amsterdam? C'est long, je lis le livre de Samuel, et quand c'est notre tour, c'est long encore (prendre notre adresse, en France, à Amsterdam… La jeune fille parle beaucoup moins bien anglais que celles croisées jusqu'ici).

    Nous rentrons et fouillons dans les DVD laissés dans le patio. Un thé, un œuf à la coque, du miel. Nous regardons The Shadow, effrayant en effet, mais pas pour les raisons prévues par le réalisateur (qu'est-ce que c'est que ce navet? Gengis Khan télépathe dans le New York des années 30).
    Tous les DVD sont-ils traités ainsi, c'est-à-dire jamais doublés mais sous-titrés? Cela impliquerait que toute la population sache très bien lire (l'une de mes théories est que si les films en banlieue sont en VF, c'est que tout le monde n'y lit pas suffisamment vite le français pour suivre des sous-titres).

    H. retourne dormir et je mets la saison 3 de 24 hours que j'ai déjà vue il y a longtemps. Anglais sous-titré anglais (il n'y a rien d'autre). Je comprends par bribes puisque j'écris en même temps, mais ça n'a pas grande importance.


    Note
    1 : Cela n'a rien à voir avec nos mésaventures alimentaires, il s'agit d'un médicament indispensable au diabète de H. qui vient à manquer.

    Flâneries

    Beurre de cacahuètes. Je sais que je ne devrais pas, à chaque fois j'en reprends puis je me souviens de la raison pour laquelle je me suis dit que jamais plus (beuuuuhhh…).

    Nous croisons quelques instants le landowner, le temps qu'il nous expose ses observations sur la consommation des Européens au petit déjeuner: les Italiens ne mangent rien, les Allemands ne mangent que du pain brun (complet? est-ce que le mot recouvre la même réalité?), les Français plutôt du blanc, il est inutile de donner du bon pain à des Anglais car ils font tout griller (« chez nous, on ne fait griller que le pain trop dur » partage-t-il son désarroi, désireux d'avoir notre avis sur ce mystère anglais).

    Pris notre temps pour tout et fait demi-tour devant les files d'attente trop longues. Marché, pris le bateau (à ne pas faire, cela revient trop cher pour le trajet accompli. Mais c'est amusant de voir les éraflures sous les ponts: c'est vraiment étroit), déjeuné dans un petit pub même si je n'ai pas très faim.
    Maison Rembrandt (Rembrandt a fait faillite ? Décidément, nul n'est à l'abri !), maison d'Anne Franck, entre les deux, quartier "lumières rouges": cartes postales degusting et quelques filles en vitrine. Choc, toujours: l'image de la pute dans ma tête est celle des filles des films d'Audiard, des femmes adultes un peu vulgaires un peu sarcastiques, pas celle de jeunes filles jolies et menues qui me donnent envie de crier « Ne leur faites pas de mal, laissez-les sortir ! »

    Maison d'Anne Franck, la file est longue mais nous avons tourné les talons déjà tant de fois que cette fois-ci nous attendons. Je n'aime pas beaucoup l'idée de cet argent amassé sur le journal d'une adolescente morte en camp, mais la visite démontre un respect profond des personnes et de l'histoire. Des quatres personnes qui ont nourri et protégé les huit qui se cachaient, la dernière est morte en 2010. Les pièces ont été reconstituées, meublées, photographiées, puis vidées: elles se visitent nues. Des modèles réduits et des plans permettent de comprendre comment s'agençaient les pièces. La famille a été arrêtée en août 1944, après le débarquement en Normandie, quand il était évident qu'Hitler avait perdu. Quel est le fou haineux qui l'a dénoncée ? Mystère.
    (Il faudrait que je relise le Journal. A treize ans il m'avait paru insipide, mais sans doute qu'aujourd'hui j'aurais davantage conscience de certaines particularités, à commencer par cette contrainte: qu'écrire quand on vit enfermée?)

    (Petite surprise en fin de visite: un Oscar, la statuette, sous une vitrine: celui de Shelley Winters, obtenu en 1959 pour le meilleur second rôle dans Le journal d'Anne Franck. Je suis émue, je ne pensais pas voir un jour un exemplaire de cette statuette de si près, sans obstacle.)

    Retour. Arcades, échoppes de masseurs où l'on s'installe sur des canapés pour se faire masser bras, jambes, dos, dans la boutique même, à la vue des passants (les Hollandais ont l'air peu effrayés de s'exposer, si j'additionne la façon dont on peut voir l'intérieur des appartements ou des bureaux quand on passe dans les rues et ce genre d'échoppes. Cela me semble une façon efficace de lutter contre le qu'en dira-t-on: « je n'ai rien à cacher, maintenant fichez-moi la paix »).

    Tram (je le note, car savoir utiliser les transports en commun me paraît une clé des villes). Nous n'avons remarqué aucune pharmacie de la journée et finissons par nous faire expliquer par un commerçant où est la plus proche de la chambre. L'enseigne bleue est très claire (pas quelque chose d'inattendu que nous n'aurions pas identifié comme "Apotheke"), je suis presque sûre de ne pas en avoir vu aujourd'hui. Etrange. Elle est fermée, on verra demain. J'ai très mal au ventre depuis l'attente devant le musée Anne Franck, je ne me sens pas très bien, nous achetons du Coca et des sandwiches et rentrons à l'appart.

    Je suis malade, je m'endors aussitôt, il ne doit même pas être vingt-et-une heure. So much for mes velléités de grec.

    Amsterdam

    A Roissy nous avions été arrêtés quatre kilomètres avant l'aéroport, cette fois-ci le TGV s'arrête peu avant Shiphol dans une grande odeur de brûlé. Je suppose que ce sont les freins, mais plus tard une annonce parlera d'une avarie au moteur.
    Nous attendons. Je trie des photos, les renomme. Je perds la notion du temps.
    Quarante minutes plus tard nous repartons lentement, nous nous arrêtons. Minutes immobiles. Annonce («Grâce au travail admirable de notre mécanicien nous pouvons repartir» (ce qui doit être vrai)). Le silence dans le wagon est impressionnant. Le train roule, s'arrête, repart, lentement. Les gens font des plans (descendre à Shiphol pour prendre un taxi?), le train accélère, nous avons plus d'une heure de retard, tout semble redevenu normal, nous arriverons à Amsterdam à qinze heures au lieu de treize heures trente.

    Il fait gris mais doux. Taxi jusqu'au bed and breadfast. "Adrian" (je suppose, puisque c'est le nom du B&B) nous demande si nous étions dans le train qui a pris feu. What? Il nous explique que les Hollandais ont la passion des feux d'artifice et que certains ont fait partir des pétard dans un TGV qui a pris feu… Voilà qui explique pourquoi aucune motrice n'est venue nous remorquer, il y avait urgence ailleurs. Peut-être même que le moteur n'était pas touché, mais plutôt le secteur électrifié, ce qui expliquerait pourquoi nous nous sommes remis à rouler plus vite à partir d'un certain moment… enfin bref, nous ne saurons jamais.

    Le choc de la maison dans laquelle nous entrons, ce sont les escaliers. Je tombe immédiatement amoureuse de ces escaliers impossibles, verticaux, presque des échelles, chaque marche permettant de ne poser que la plante des pieds. On comprend que la Flamande valse à cent ans si elle a monté et descendu toute sa vie des escaliers de ce genre.
    Je pense aux échelles de meunier, ce qui correspondrait assez bien aux moulins du pays; notre hôte (landlord) penche pour une explication plus maritime: les architectes des maisons étaient des constructeurs de navire, ils ont pensé les escaliers des habitations comme ceux des coursives. Il est bavard (je pense à Philippe qui n'aime pas les B&B pour cette raison. Bah, c'est un peu ennuyant, mais c'est aussi amusant. J'aime autant savoir comment les gens vivent que visiter les musées. Les meubles passent par les fenêtres, et depuis quelques temps, les brancardiers n'ont plus le droit non plus d'utiliser les escaliers: les gens sont évacués par échelle de pompiers. Fun! (Je me demande s'il faut expliquer par les escaliers que les accouchements ont lieu si souvent à la maison en Hollande!)

    Qu'avons-nous appris encore? Que si le vélo était si populaire, c'est peut-être parce que la reine Wilhelmine aimait faire du vélo («Elle se sentait sans doute libre, plus libre que dans ses landaus conduits par des cochers», nous confie notre hôte dont la projection psychologique me fait rire intérieurement), que c'était donc un moyen de locomotion aristocratique «tandis qu'en Turquie par exemple, c'est méprisé, parce que résersé aux pauvres, alors que chez nous c'est noble», et que les immigrés doivent apprendre la langue… et à faire du vélo, «ce qui lutte contre l'obésité». Cette dernière précision m'impressionne: apprendre à faire du vélo, signe d'une volonté d'intégration… Voilà qui est très fort, et un moyen comme un autre de lutter contre le tchador.

    La chambre est au dernier étage, à côté du patio aménagé en cuisine/salon. Le frigo est rempli (lait, œufs, charcuterie, salade) à notre disposition; livres, DVD, la confiance règne (je suis si fatiguée de la méfiance française institutionalisée que je note la confiance partout où je passe. C'est sans doute ce qui me manque le plus au quotidien, cette douceur de faire confiance à ces contemporains).

    Nous sortons, aller-retour dans la ville, il fait nuit, guirlandes de Noël, canaux. Je propose d'aller voir Jack Reacher. La caissière passe à l'anglais avec beaucoup de naturel, elle nous demande où nous voulons être assis, les places sont numérotées (ceci au titre des little differences). Tous les films sont en VO sous-titrés, et elle nous le dit avec une telle assurance que j'ai l'impression que c'est la règle, même pour la télé: le doublage en néerlandais serait-il inconnu?

    C'était une erreur. Enfin, si le but était de voir un bon film, c'était une erreur. En revanche, s'il s'agit d'établir la liste des erreurs à ne pas commettre (la caméra qui s'arrête trop longtemps, le héros impassible, etc), cela peut être utile. On dirait un Clint Eastwood raté.
    Dans le contexte de la tuerie de l'école du Massachussetts, ce film prend une autre dimension. Je suis surprise que sa sortie n'ait pas été différée.

    Il y eut un soir et il y eut un matin.

    Couchée 23h, achevée par le champagne.

    Après la recette du grog au whisky (irlandais) (un tiers de whisky, deux tiers d'eau chaude, citron, miel, clou de girofle), la recette champenoise de mes beaux-parents: faire chauffer un demi-litre de champagne, le boire et se coucher (méthode des vignerons).
    (Non, non, pas de panique, je n'ai pas sacrifié de bon champagne, je l'ai bu "normalement". Mais le résultat a été le même: je suis allée me coucher.)

    Ce matin je vais mieux.


    En résumé, l'important est de faire transpirer. Pour les alcooliques anonymes, savoir qu'on obtient le même résultat avec une soupe phô bien épicée.

    2012

    Année complexe. Cette fin ne ressemble absolument pas à son début.


    Des pistes, des débuts de chemin à emprunter, et la tentation d'abandonner, parce qu'on n'y arrivera jamais, trop long, trop difficile, trop inaccessible. (Mais pour faire quoi? Attendre? Se rendre compte dans quelques mois qu'il faut s'y remettre, parce que de toute façon il n'y a rien d'autre à faire, rien d'autre qui m'intéresse, rien d'autre qui vaille la peine, que tout le reste m'ennuie?)
    Et puis en ce moment, l'attente.



    Les rapports entre l'amour et l'humiliation, entre l'humiliation et l'humilité. L'amour comme abandon de l'orgueil. L'amour comme impuissance à faire ce qu'il faut pour les autres, parce qu'on ne sait pas ce qu'il faut, et parce qu'on ne peut pas le faire, et parce qu'ils n'en veulent pas. Et peut-être parce qu'on n'en a pas tout à fait le courage, ou l'envie, malgré ce qu'on essaie de prétendre.

    Négatif : la peur et la flemme. Constantes.
    Positif : je crois que la colère m'a en partie abandonnée.

    Ordinaire

    Matin gare de l'est pour récupérer A. qui revient de Hambourg.

    Vitres à l'eau claire (et non au produit à vitres). Résultat mitigé. Doigt écrasé par une porte.
    Traduction.
    Classement des DVD. Poussière des étagères (ça n'a l'air de rien, mais ce n'est pas rien).
    Soupe de légumes.
    The Bourne legacy. Film téléchargé, anglais sans sous-titre. Un peu dur. De toute façon je n'avais déjà pas compris grand chose quand il était sorti. Mais maintenant je sais que la biologiste est la femme de Daniel Craig. Est-il réellement possible qu'elle soit née en 1970?

    Dernier jour de travail en 2012

    Skyfall le matin pour la quatrième fois (le 3 novembre, le 8 décembre en attendant O. en formation secouriste; le 15 décembre après l'oral de philo, aujourd'hui avant d'aller travailler. Je suis droguée à la nostalgie de ce film, à la couleur de la ville en ruine et de la lande écossaise, au passage brutal du mot "ombre" à l'image de la mer sous un soleil éclatant.

    Repris Clarel. Puis travaillé jusque tard. Problèmes de RER pour rentrer.
    Starbuck.

    Bonne pour le service

    Visite médicale au travail.

    J'ai trop parlé, dit ce que j'avais sur le cœur quand elle m'a parlé de "prévention" (cette façon des médecins de se réfugier derrière ce qu'ils connaissent pour vous faire peur tandis qu'ils s'effacent quand vous avez besoin d'eux). Je n'aurais pas dû, il m'en est resté comme un goût de gueule de bois pour la journée.

    Vaccin contre la grippe, un peu tard dans la saison, mais j'avais raté la vaccination en son temps (un peu compliqué avec mon statut à cheval sur trois entreprises). Fièvre ce soir, en regardant la saison 2 de The Big bang theory.

    Retour

    Partie sans téléphone, sans montre, sans livre.
    Horaire de RER de week-end, un RER de supprimé, quarantes minutes d'attente.
    Pas de livre, temps pur perdu.

    Le soir, Bond se marie avec la demoiselle de Chapeau melon et bottes de cuir (Au service secret de sa Majesté, je crois). George Lazenby ressemble au San Antonio sur les couvertures des vieux San-Antonio. Je n'aime pas ce genre.

    J'ai lu un peu autour des Bond tournés avec Daniel Craig. Il est stupide de vouloir à toute force expliquer qu'ils se passent "avant" les autres, à quoi bon, qui a besoin de ce genre de justification?
    Les Bond sont la démonstration éclatante qu'un film nous montre autant l'époque où il est tourné que les scènes qu'il filme. Si aujourd'hui il n'y a plus de gadgets technologiques, c'est que nous avons tous tous les gadgets technologiques dont peut avoir besoin Bond: un iPhone remplacerait la photocopieuse de 1969 et le GPS la carte embarquée d' Opération Tonnerre. Dans le même mouvement, nous abandonnons le héros plastique genre "Ken de Barbie" pour quelqu'un qui a des sentiments qui en font à la fois la fragilité et l'intérêt: qu'est-ce que cela nous dit de notre époque?

    Incongru

    Mon fils, tout fort au milieu du salon encombré par mes parents, ma sœur et mes nièces:
    — Papa, t'a déjà donné du sperme?



    (Bon, je dois être la seule à avoir entendu, mais ça m'a fait un choc, dans une maison où les bébés naissent dans les choux.)



    (Le contexte: je venais d'avoir un "big hug" des deux garçons, et je disais, faisant référence au film Starbuck: «ça manque d'enfants».)`

    Et à part ça, ou ça compris puisque ça n'a pas eu de conséquence, Noël s'est bien passé. Très bien, même, moins de tension que d'habitude, presque pas de tension. Tant mieux, j'espère que nous y ariverons encore la prochaine fois.

    (Apparemment ma mère ne parle plus à mes tantes. Enfin, peut-être, ce n'est pas très clair, puisque le sujet est tabou. «Pas une histoire d'argent», mais que se passe-t-il après la mort de mémé? Bizarre, on verra bien. Ma mère qui reproche à mon père de casser trop de vaisselle; mon père, que je soupçonne d'être très affecté par la mort atroce de son cousin, qui n'écoute ni son chirurgien ni son kiné après son opération de la hanche; ma sœur, divorcée, qui vient seule avec ses filles parce que ma mère refuse de voir son actuel ami (non, elle ne me l'a pas dit, elle l'a dit à un cousin en juillet 2011, je l'ai entendu parce que j'étais près) et qui —à quarante ans passés— lui téléphone (à son ami) dès que mes parents s'absentent… C'est compliqué une famille, ça donne finalement une idée assez juste de la radicale impossibilité de comprendre les autres — mais de devoir vivre au mieux avec eux.)

    Les mangeoires

    En écoutant la lecture de l'évangile de Noël (Saint Luc), je me disais que finalement je devais être l'une des rares de mon âge à avoir un souvenir de mangeoire, un souvenir chaleureux, dans l'odeur des vaches, des chèvres et le bruit des traits de lait dans les seaux.

    Mon souvenir le plus ancien d'une messe de Noël est un sermon qui étrangement racontait un conte: il n'y a pas de chat dans la crèche car le jour de la naissance de l'Enfant il ne put s'empêcher d'attrapper et tuer un oiseau. Je ne me souviens plus comment se terminait ce sermon, le chat fut-il plus tard pardonné? C'était il y a longtemps, à Sainte-Anne, à Agadir.

    Ensuite, rentrée en France, toute mon enfance, la quête de la messe de minuit fut destinée à l'entretien de la deux-chevaux du curé. Une année, au grand émoi des villageois, un Saint-Cyrien en grande tenue assista à la liturgie, faisant se retourner toutes les dames.

    La vie IRL pour les nuls

    — Il faut que je me mette à faire dans la vraie vie ce que j'ai fait sur internet: il faut que j'arrête de plaisanter. Comme personne ne comprend mon humour, j'écris mais je ne valide pas, j'écris et j'efface. Avant je mettais des smileys, mais comment met-on un smiley dans la vraie vie?
    — Maman! Un smiley dans la vraie vie, ça s'appelle un sourire !!!



    (Mais bon, quel intérêt de raconter une grosse bêtise ou une fine plaisanterie en souriant? Ne pas sourire, c'est faire confiance à vos interlocuteurs, savoir (croire) qu'ils vont comprendre que c'est une grosse bêtise ou une fine plaisanterie; et même penser qu'il est impossible que vos interlocuteurs ne s'en rendent pas compte; et il est toujours un peu décevant, pour ce que vous pensez d'eux et ce que vous découvrez qu'ils pensent de vous, de s'apercevoir qu'ils ne voient pas la grosse bêtise ou la fine plaisanterie, ou n'y croient pas, qu'ils ne vous en pensaient ou ne vous en pensent pas capable, en un mot, qu'ils ne vous font pas crédit.)

    Contretemps

    Vu sur un pull en vitrine :

    Do Winter
    Do Spring
    Do Summer
    Donot Fall


    Journée très speed, dont un aller/retour cauchemardesque à Roissy sous la pluie et un avion raté à cause de soixante centimètres d'eau dans un creux sur une bretelle d'accès d'autoroute (une demi-heure de bouchon à quatre kilomètres de l'aéroport. Embarquement clôturé quarante minutes avant le décollage pour cause de navette vous emmenant à l'autre bout des pistes. Nous sommes arrivés quinze minutes trop tard.)
    On recommence demain pour un avion à sept heures vingt. Quand je pense que je me disais que j'allais me détendre et dormir après le décollage de cet avion…

    Par ailleurs l'hiver sera rouge.

    Enthousiasme

    Messe de 8 heures à Notre-Dame (j'ai beaucoup de temps le vendredi en attendant mon cours d'allemand. J'aime Notre-Dame et son éclairage intime, sa chaleur. Etre ici tôt le matin pour une célébration donne l'impression d'être au cœur du monde, non seulement dans l'espace, mais dans le temps).

    Nous sommes plus nombreux aujourd'hui, plutôt quarante que vingt, dans le chœur fermé derrière l'autel (nous occupons les stalles sculptées).

    Au moment de la lecture, flottement imperceptible, personne ne semble prévu, alors l'homme qui le visage fermé nous donne accès au chœur en s'assurant d'un regard que nos intentions sont pieuses monte la marche devant le pupitre et se met à lire.
    Cantique des Cantiques. Il lit avec enthousiasme, il proclame.
    Fin du passage. Il enchaîne avec le Livre de Sophonie. Je suis un peu surprise, non seulement nous n'avons souvent droit qu'à une lecture, mais s'il y en a deux, la deuxième devrait être une lecture du Nouveau Testament. Sa voix monte sous la voûte, emplit l'atmosphère.
    Je regarde les prêtres. Le plus âgé ne bronche pas, le "nouveau" (je ne l'ai jamais vu) non plus. Le troisième se penche très discrètement sur le côté et demande à un fidèle son missel. Je le vois vérifier les lectures du jour. J'ai envie de rire. Il rend le missel.

    L'autre a fini le livre de Sophonie. Il enchaîne avec la lecture du psaume, nous invite à dire le refrain. Je retiens mon souffle, et s'il continuait, s'il lisait la suite du gros livre devant lui, avec la même joie, le même enthousiasme? Il y a comme un vent de folie sous la nef, quelque chose est hors de contrôle.

    Le prêtre âgé se lève, s'avance vers le pupitre à pas lents et dignes, il va lire l'Evangile. A regret, l'autre lui cède la place.

    Tant pis.

    Pour Dominique

    A propos de Proust et Visconti: voir ici en particulier dans les commentaires.

    Et le blog d'EF.

    Entraînement

    La Seine est en crue et il pleut.
    Je secoue ma flemme et je vais faire de l'ergo (ergonomètre = rameur). J'oublie de prendre un souku et comme d'habitude je m'écorche la peau au niveau du coccyx (proéminant depuis une chute de ski de fond vers douze ou treize ans): une semaine à m'assoir en réprimant (ou pas) un "aïe".

    Au moment de partir, un important groupe de jeunes gens arrivent, sweat noir, armes jaunes que je n'identifie pas. J'interroge Vincent du regard: «C'est Polytechnique», me répond-il avec une moue significative.
    Comme j'ai l'habitude du sentiment bien français envers les étudiants et diplômés des grandes écoles, l'X, l'ENA et Normale Sup en tête — mélange de complexe d'infériorité, d'envie et de méfiance envers les meilleurs de la classe —, je n'y accorde pas d'attention particulière, quand je me souviens brusquement d'une anecdote racontée par Vincent quelques semaines plus tôt.

    Ayant accepté pour rendre service de remplacer l'entraîneur habituel des X, il leur avait préparé un programme d'entraînement progressif accordé à leur niveau. Le leur ayant exposé, il s'était entendu répondre: «Non, nous ne ferons pas cela, nous avons voté démocratiquement et nous avons choisi de… (etc)».

    En racontant cela ici, je me demande si ceux qui me liront saisiront la bêtise de cette réponse, son manque de pertinence, son absolue méconnaissance de ce qu'est le sport, sa lente austérité et sa nécessaire humilité[1]. C'est dommage de faire de l'aviron sans avoir cette intuition fondamentale. L'eau se chargera de la leur apprendre mais ils ne vont pas progresser très vite (les mêmes l'année dernière avaient déclaré à leur entraîneur qu'ils voulaient participer à je ne sais plus quelle épreuve oxfordienne. Entre découragement et amusement, Constanza (ancienne championne roumaine) avait conclu: «Ils ne se rendent pas compte, c'est vingt kilomètres d'entraînement tous les jours, pas dix une fois par semaine.»)

    Notes

    [1] au moins à notre niveau. Je ne comprends pas exactement ce qu'il en est des grands footballeurs qui paraissent dans le caprice permanent. Peut-être est-ce leur bulle de décompression. Mais enfin, il s'agit d'un autre monde.

    La flamme

    Aujourd'hui j'ai acheté une lampe tempête pour l'allumer à la flamme ramenée de Bethléem dans l'église de Yerres samedi dernier mais ce soir l'église était fermée.

    L'idée d'une flamme ramenée de Bethléem me semble à la fois merveilleuse et déraisonnable. Beaucoup d'énergie dépensée pour un pur symbole.

    Dimanche je me disais que le feu est l'une de ses rares choses qui se partage sans diminuer: allumer une bougie à une autre bougie ne diminue pas la flamme de la première. Symbole de la chaleur et de la lumière. Et d'autre chose encore.

    Apocalypse

    Je ne sais pas ce que je trouve le plus dommage: que la fin du monde nous fasse rire, ou que certains la prennent au sérieux.

    Pour suivre quelques fins du monde et quelques mondes d'après la fin.

    Ecrire pour sa vieillesse

    […] mais ce sera sans doute pour son amusement qu'il sèmera dans les jardins de l'écriture et qu'il écrira, si jamais il écrit. Amassant ainsi un trésor de souvenirs pour lui-même, quand la vieillesse oublieuse sera venue, et pour tous ceux qui marcheront sur ses traces, il prendra plaisir à voir pousser les plantes délicates de ses jardins, et, tandis que les autres recheront d'autres divertissements et d'adonneront à des banquets et autres passe-temps du même genre, lui, répudiant ces plaisirs, passera sans doute sa vie dans l'amusement dont je viens de parler.

    Platon, Phèdre, traduction d'Emile Chambry, p.168 (Garnier-Flammarion 1964)

    Je ne suis pas sûre de comprendre: cela veut-il dire que dans trente ans je passerai mon temps à relire ce blog (mazette!), ou que j'y écrirai plus longuement?

    Graffiti

    Dans les toilettes du sixième étage, celles de la bibliothèque de théologie, un unique graffiti au feutre. (C'est un peu flou, mais le jaune du mur ne permettait pas l'utilisation du flash dans un endroit si étroit.)


    Des liens

    Un vrai pub pour hobbits (merci Caféine)

    un jeu sur amiga (je me demande ce que nous avons fait du nôtre — aucun souvenir)

    le pétrole du Kazakhstan (cela doit concerner Zvezdo)

    un film de zombies tourné dans les locaux du Cern

    une ode au mariage

    le divorce homosexuel en Israël fait avancer "la cause" du divorce pour tous

    Grothendieck, génie des maths

    un blog de pharmacien

    architecture soviétique et sciences-fiction

    remontez (ou descendez) jusqu'à trouver le tweet qui commence par 1 : l'Iliade en 140 tweets

    et last but not least, ne ratez pas les aventures du Pape sur Twitter.

    Fin

    Voici ce que j'avais écrit le 6 juin 2006[1]:

    Ceci est mon dernier billet.
    Cette date est choisie depuis le 6 juin 2006.
    Je n'espérais pas avoir assez de souffle pour tenir jusqu'ici, mais je suis têtue (finalement).

    Au revoir et merci.

    Mais finalement non. Depuis septembre 2011 (la théologie), je sais que je vais essayer de tenir huit ans de plus (juin 2019).

    Notes

    [1] Il suffit de regarder le numéro du billet pour voir qu'il date, je crois que les actuels dépassent 2000 (mais ça ne veut rien dire, parfois je réutilise de vieux billets jamais publiés)

    Chapeau, jeune homme

    Fini la Tactique du diable achetée hier. Tout cela n'est pas très sérieux, je serais censée travailler sur Phèdre à fond jusqu'à samedi. Tant pis (déjà passé une micro-évaluation vendredi midi. C'est l'aspect étrange du cursus. A nos âges… Il y en a un qui a abandonné, il n'est présent qu'en auditeur libre, il ne veut pas écrire les dissertations et passer les oraux. Il est médecin, «passer des examens me gonfle». Mais il y a dans la soumission aux règles un exercice spirituel, aussi.)


    RER. Deux banquettes de trois places en vis-à-vis, nous sommes trois, assis en quinconce comme il se fait naturellement (cela préserve l'espace pour les coudes et les jambes (pour ceux qui penseraient que voyager en transport en commun n'implique pas une adaptation et des rites)). Je suis au milieu.

    Le jeune homme en face à ma gauche près de la fenêtre a un visage petit, blanc, un visage de porcelaine un peu trop immobile, inexpressif, des lunettes carrées à monture noire épaisse, de gros écouteurs, une touffe de cheveux presque au carré, presque bouclée. Il porte un blouson d'aviateur et une sacoche de cuir brun à reflets rouges, magnifique d'usure.
    Son téléphone sonne. Il soulève un écouteur, se penche en avant et se met à parler doucement. Je ferme les yeux. Au début je crois qu'il s'agit d'ingrédients de cuisine. Il se tait, il écoute.
    — Tu es malheureuse?
    — …
    — Il te manque?
    — …

    Sa voix reste égale, presque un murmure. Qui est-ce? Une amie? Sa sœur?
    Peu à peu, c'est lui qui va parler, qui va occuper toute la conversation.
    — Ecoute, en ce moment il est blindé de boulot. Si vraiment il te manque, dis-lui, mais pas maintenant, c'est inutile, il ne sera pas à l'écoute, il travaille. Il faut que tu attendes un mois, qu'il ait davantage de temps.
    — …
    — Ecoute, ne t'en fais pas. Tu as peur qu'il te remplace? Il ne faut pas avoir peur. Soit il travaille tant qu'il n'a le temps pour rien d'autre, soit il croise quelqu'un qui lui plaît et tu seras fixée, tu sauras que c'est inutile d'insister.

    Les yeux fermés, je souris à peine intérieurement, c'est plutôt de la mélancolie, cette voix si apaisante qui prône le bon sens, a-t-elle la moindre chance d'être entendue? Comme il est patient, croit-il qu'il peut la convaincre (moi non, j'imagine l'autre bout du fil, le cœur qui bat, le désespoir et l'impression que le sol se dérobe, et toutes ces paroles qui glissent, qui glissent, ne comblant rien du vide) ou ne fait-il que ce qu'il pense devoir faire, par devoir, par tendresse, parce qu'il faut essayer, donner sa chance à l'improbable, je m'endors je crois, puisque je me réveille. Il parle encore.

    — … Si vraiment tu te sens trop mal, va voir une amie, mais pas pour ressasser, hein. Pour parler d'autre chose.

    Je ne sais plus comment il termine. Il se redresse, se renfonce dans son siège, remet son casque, et sort un folio de la poche de son blouson. La rose tatouée de Tennessee Williams.

    Une motivation inattendue

    O. doit faire un stage en entreprise d'une semaine. A ma grande surprise, il a décrété qu'il voulait le faire en librairie.
    J'ai donc demandé à Julien s'il prenait des stagiaires au Tumulte des mots: réponse oui.

    Nous sommes passés faire signer la convention de stage. Le libraire pose une ou deux questions («Pourquoi la librairie?»), je m'éloigne un peu pour que O. réponde sans se sentir surveillé, j'entends «…bordel…» à plusieurs reprises, mais qu'est-il est en train de raconter?

    En sortant, je lui fais une remontrance: «N'utilise pas le mot bordel comme ça, voyons: bazar, capharnaüm si ça t'amuse, ou désordre même si c'est plus faible… Mais qu'est-ce que tu as dit?
    — Il voulait savoir pourquoi je voulais venir en librairie, j'ai dit que la librairie de Yerres était toujours en bordel, alors je voulais voir comment on organisait tout ça, comment on s'y retrouvait.


    So much pour la vocation littéraire. (J'espère que O. n'a pas été déçu, Le Tumulte des mots est très bien rangé. J'espère qu'on lui fera déballer et classer beaucoup de cartons.)

    Première neige

    8h, messe à Notre-Dame (l'église est bien chauffée); 9h, bibliothèque rue d'Assas (Platon, Phèdre, le père Caffarel sur la prière); 10h30 achat de Dc Martens aux Halles; 11h15, chapeau à la Cerise sur le chapeau; 12h, allemand (raté la première heure. Préparé aucun devoir à la maison); 14h, vingt-deux siècles de littérature grecque en trois heures et quart (professeurs qui ne lisent pas leurs notes, alleluia); 18h, bibliothèque Mouffetard (trois livres en retard); 18h45, salon du livre à l'EA.


    Dans mon sac, le matin :
    Platon, Le Banquet et Phèdre, GF 1964 (traduction Emile Chambry)
    Léo Strauss, Sur une nouvelle interprétation de la philosophie de Platon (à rendre à Mouffetard)
    Friedrich Nietzsche, Introduction à la lecture des dialogues de Platon (à rendre à Mouffetard)
    Auguste Diès, Autour de Platon (à rendre à Mouffetard)

    Le soir :
    Platon, Le Banquet et Phèdre, GF 1964 (traduction Emile Chambry)
    Henri Caffarel, La prière, rencontre avec Dieu
    Platon,Phèdre, GF 1989 (traduction Luc Brisson)
    Jacob Taubes, En divergent accord : à propos de Carl Schmitt (rendu par Patrick)
    Michel Rocard, Mes points sur les i : Propos sur la présidentielle et la crise (pour H.)

    Mercredi

    Peu de choses à raconter. Commencé et laissé tomber un billet destiné à démontrer que la nationalisation, c'est le mal. Casino royal encore[1]. Une purée mousseline ratée (pas par moi), c'est vraiment mauvais mais c'est une source de rires inextinguibles.



    Dans mon sac, le matin (je pensais passer à la bibliothèque Mouffetard, puis j'ai changé d'avis):

    Platon,Le Banquet et Phèdre, GF 1964 (traduction E. Chambry)
    Léo Strauss, Sur une nouvelle interprétation de la philosophie de Platon (à rendre rue Mouffetard)
    Friedrich Nietzsche, Introduction à la lecture des dialogues de Platon (à rendre rue Mouffetard)
    Yves Courrière, Sur la piste du lion (à rendre à la bibliothèque du CE)
    Jean Barraqué, Debussy, (à rendre à la bibliothèque du CE)
    Aglaïa, autour de Platon. Mélanges offerts à Monique Dixsaut (à rendre)

    Le soir:

    Platon,Le Banquet et Phèdre, GF 1964 (traduction E. Chambry)
    Léo Strauss, Sur une nouvelle interprétation de la philosophie de Platon (parce que j'irai à Mouffetard vendredi)
    Friedrich Nietzsche, Introduction à la lecture des dialogues de Platon (parce que j'irai à Mouffetard vendredi)
    Jean-Marc Potdevin, Les mots ne peuvent dire ce que j'ai vu (rendu par Patrick)
    Leonardo Sciascia, Actes relatifs à la mort de Raymond Roussel (offert par Patrick)
    Aglaïa, autour de Platon. Mélanges offerts à Monique Dixsaut (je voulais le laisser au bureau en attendant de passer à la bibliothèque, mais j'ai prolongé le prêt à distance).

    Notes

    [1] Bond sort de l'eau comme Bo Derek Ursula Andress. La musique utilisée durant les scènes romantiques de la dernière partie vient d' Out Africa, ce qui pour moi court-circuite le film.

    La blague du mardi

    Si Hitler s'était appelé Pepito, on aurait dit "Hi, Pepito".

    Opulence

    J'ose à peine l'écrire (superstition), mais pour la première fois depuis que j'ai vingt ans, nous avons assez d'argent chaque mois pour que je ne vive plus dans l'inquiétude (comprenons-nous: inquiétude née de la conscience que le moindre imprévu, panne de la chaudière ou accident de voiture, nous plongerait dans les dettes. Manque d'argent suffisant il y a deux ou trois ans pour repousser les achats de vêtements. Je n'ai compris ce que cela avait représenté pour les enfants que lorsque le plus jeune a constaté avec satisfaction l'année dernière: «On voit que nous avons de l'argent, quand il y a besoin d'un jean, on l'achète». Grande honte ou petite, je vous assure, à entendre ça (Et pendant ce temps, 2008 ou 2009, Venise ou Cerisy. Oui oui oui: engagements pris avant, réservations un an ou plus à l'avance. Inquiétude)).

    Fin de l'inquiétude, j'espère pour quelques mois au moins, c'est si reposant et libératoire.

    Dimanche

    7h50 - Gel sur la voiture au point que je pense ne pas pouvoir partir (silicone sur les joints).

    9h - L'analogie, que peut-on dire de Dieu, (peut-on en dire quelque chose?), la théologie négative.

    13h - Un anniversaire, un après-midi de tarot. (J'ai gagné, mais il faut dire que les autres avaient des réflexes de joueurs de belote. Chez moi, le tarot, c'est comme l'allemand, dès que je m'y remets, certains réflexes reviennent.)

    20h40 - Casino royale. Je deviens sentimentale en vieillissant, je vais finir par aimer les films avec de jolies jeunes femmes sur les poitrines puissantes des hommes amoureux. (Ou alors c'est la lecture du Banquet qui m'influence.)
    (Badinage. James Bond badine.)

    Bibliothèque de Bois-le-Roi

    Plutôt qu'aller faire les courses, je vais à la bibliothèque. Tout est minuscule à Bois-le-Roi et paraît immobilisé dans le temps. La bibliothèque est au premier étage d'une de ces maisons classiques, tuiles, murs gris, encadrement des fenêtres en briques rouges. Un grand panneau en bois à la peinture verte écaillée annonce "Bibliothèque municipale".
    Le rez-de-chaussée est consacré la semaine à l'accueil des très jeunes enfants. Je m'attends à de vieilles collections poussiéreuses qui permettent de retrouver des auteurs oubliés (genre Vialar), mais non; l'intérieur semble beaucoup plus grand que l'extérieur, ce n'est pas moderne dans un sens agressif, mais pratique, utilitaire, lumineux. Les livres destinés aux enfants occupent un bon tiers de la place, les livres démodés datent des années 80 (Sulitzer: qui se souvient de Sulitzer?); dans la dernière pièce (il y en a trois) tout au fond je déniche le rayon littérature, française et étrangère. Yourcenar est reléguée ici, les auteurs anglais et américain sont séparés (c'est assez rare), Mario Rigori Stern est présent mais pas Primo Lévi (peut-être classé ailleurs, en histoire ou roman ou biographie?), il y a les deux tomes d'Isabelle Eberhardt. Pourquoi Gertrude Bell n'a-t-elle pas connu la même fortune?

    J'ai commencé le dernier Cormier, mais je ne peux l'emprunter, je n'ai ni chèque ni justificatif de domicile (il faut dire qu'à l'origine, je pensais travailler le grec et la philosophie médiévale).
    Je dois attendre 17h30, la bibliothèque ferme à 17 heures, je termine au café.

    De quelle couleur est le blanc ?

    Comme le temps passe vite. Ce billet aurait dû intervenir tout de suite ou peu après celui-ci. En effet, j'avais eu la surprise en cherchant la couleur évêque (enfin, je ne savais pas qu'elle portait ce nom, j'ai cherché "violet" et "mauve" dans google images et pris ce qui me convenait le mieux) de découvrir l'existence de la couleur cuisse de nymphe émue alors que je pensais que c'était une invention de Louÿs (vérification faite, chez Louÿs, il s'agit de "cuisse de nymphe calmée").

    Il ne faut pas confondre "cuisse de nymphe émue" et "cuisse de nymphe" (nous avertit Wikipédia). Je découvris alors les teintes de blanc et leurs noms.

    Courbatures

    Depuis mes sorties en skiff de septembre, j'ai changé légèrement mon coup d'aviron sur le retour (et la sortie de l'eau également). J'ai trouvé une façon de dégager le cou des épaules durant le retour qui donne l'impression de tenir l'équilibre du bateau avec une ligne imaginaire horizontale reliant le milieu des deux omoplates.

    La conséquence inattendue est que j'ai des courbatures dans les muscles qui constituent l'arrondi des épaules. Les deltoïdes, viens-je d'apprendre sur internet.

    Retour aux fondamentaux

    Je ne lis plus, je ne blogue plus, je regarde avec O. des vieux films qu'il na jamais vus. Vieux films dans tous les sens du terme, car ce sont souvent encore des cassettes. Cela donne un certain charme aux Indiana Jones, l'image déformée, un peu pixellisée, sur le grand écran plat prévu pour des supports plus modernes.
    Mais pour Usual suspect, c'est plus gênant.

    C'est très agréable de regarder ce film à côté de qulequ'un qui le découvre.

    Si vous avez des minutes de votre vie à perdre

    Le web inutile (mais pas sans intérêt. Enfin, un certain intérêt.)

    Week-end musical

    Samedi, une après-midi à écouter Philippe Bernold donner des conseils aux élèves du conservatoire.

    Je retiens l'idée d'énergie:
    — Quand tu joues, il ne faut pas qu'on ait l'impression que tu t'ennuies, qu'on se dise "Oh la pauvre, il faut qu'elle joue". Ce que tu dois transmettre, c'est de l'énergie.
    In petto, je me dis que c'est toujours vrai dès qu'on est face à un public.

    Et à propos de la sonate à 2 flûtes en sol majeur de Wilhem Friedemann Bach : «ce n'était pas destiné à être joué en concert, encore moins en concervatoire et encore moins en conservatoire supérieur! C'était destiné à être joué par deux amis le soir, près de la cheminée. Alors regardez-vous, échangez des coups d'œil, ayez l'air de continuer une discussion.»

    De la musique de chambre comme «conversation», il aura beaucoup insisté. Autre piste: «si vous voulez comprendre la forme sonate, choisissez un compositeur mineur, les grands la transforment aussitôt, elle n'est jamais pure chez eux.»



    Ce matin, Si vous voulez vivre longtemps, vivez vieux, à Montreuil. Beaucoup de monde pour un dimanche à 11 heures.
    Nous avons beaucoup ri, voir ici pour un vrai compte rendu.
    Beaucoup aimé le logo en forme de poire. Il me plaît.

    Le début de l'exposé sur la vie d'Erik Satie commence à peu près ainsi:
    «Erik Satie est né à Honfleur le 17 mai 1866, comme Alphonse Allais. Enfin, Alphonse Allais n'est pas né en 1866, mais à Honfleur, le 20 octobre 1854, comme Rimbaud, mais lui, à Charleville-Mézières. Oui, Rimbaud et Alphonse Allais sont nés le même jour la même année, alors qu'Erik Satie et Arthur Rimbaud ne sont nés ni la même année, ni dans la même ville, ce qui leur fait au moins deux points communs.»

    Première Gymnopédie. Je la connais très bien, sans que je parvienne à retrouver l'origine de cette connaissance. Image de photos noir et blanc, de neige, où ai-je entendu, souvent, cette première gymnopédie? Servait-elle de thème dans une lecture de Modiano? Je ne sais plus.
    Mais quelle douceur de commencer dimanche avec elle.

    Mon fils me surprend

    O. s'est acheté un chapeau blanc aux Etats-Unis. Il le porte et ils se voient, lui et son chapeau, puisqu'il mesure 1,85m à 14 ans.

    Lui qui était très soucieux du regard des autres, attentif à s'habiller comme les autres, à se fondre dans la masse, à ne pas se différencier (ne pas avoir la télé et être en CHAM, ça suffit comme bizzareries) m'a expliqué il y a peu de temps que depuis qu'il a son chapeau, ça lui est devenu égal. Quand on le regarde, il se dit que c'est à cause de son chapeau et il le supporte sans broncher.

    Mardi, il avait oublié son chapeau.

    Mercredi, quai du RER:
    — Et ton chapeau, tu l'as oublié?
    — Mais non, mais il est blanc, tu comprends…
    — ??? Euh...
    — Mais si, à cause de mémé…

    Bref, j'ai compris qu'il portait le deuil.

    Des perturbations dans la force

    Dîner avec R, mais pas en tête à tête. Finalement cela aura moins duré que je ne pensais. Ce n'est pas de la réconciliation mais de l'observation prudente. Prudence dans le choix des mots, conversation minée. La question que je me pose, entièrement théorique, est de savoir si je compte autant pour lui que lui pour moi.
    Mais cela ne lui donne pas le droit de faire n'importe quoi.
    Au contraire.

    Je rentre pour apprendre qu'en gare de Yerres, une adolescente en a poussé une autre sous un train. Je n'aurai pas eu l'occasion de m'inquiéter, je suis rentrée trop tard.
    J'apprends aussi que nous avons été déboutés en appel dans l'affaire des métabalises. Cela ne m'étonne pas. J'avais oublié que le délibéré était rendu aujourd'hui. Je n'y pense plus très souvent. Il faudra que je cherche pourquoi.

    La fin du monde? c'est dépassé

    Le billet s'intitule à peu près : De quoi diable parler avec votre cousin zarbi devenu adulte ? et propose quelques sujets pour la table de Thanksgiving. Je pense que cela pourrait servir à Noël.

    Donc:

    Dans son dernier livre, le pape affirme que Jésus est né "plusieurs" années plus tôt que ne le suggère le calendrier actuel. Nous serions maintenant aux environs de 2017. En quel sens cette hypothèse affecte-t-elle les calculs du calendrier maya?

    Magique

    La France, le pays où l'on peut en toute liberté de conscience décider de ne pas appliquer une loi sans que ce soit illégal.

    Chaque jour je me réjouis car le monde m'étonne.



    Et sinon je lis Ceux qui passent : peut-être devrait-on prévenir les préfets qu'«en toute liberté de conscience» ils ne sont pas obligés de faire raser les camps de migrants.

    Camping

    Fuite sous l'évier de la cuisine (découverte dimanche comme il se doit). Lavé la vaisselle de deux jours dans la baignoire. (A tout prendre, je préfère avoir de l'eau et pas d'évier qu'un évier et pas d'eau.)

    Ma grand-mère maternelle

    Je crois que Six feet under m'a appris à faire les oraisons funèbres. J'ai l'impression un peu perturbante que désormais je vais être chargée de celles de la famille.

    Je ne me sens pas le goût d'écrire ici celle que j'ai prononcée aujourd'hui, parce que je l'ai prononcée, justement (ce qui est dit se dissout). Un jour peut-être.

    Une page se tourne.

    Mariage interdit

    Appris un peu par hasard ce week-end que je n'avais pas le droit d'épouser mon beau-père (c'est la loi).

    — Et bientôt, tu n'auras pas le droit d'épouser ta belle-mère non plus.

    Relecture du passé

    Appris au détour d'une conversation que mon pénultième chef était surnommé "fifilles" (à prononcer mains en avant qui gigotent, bave aux lèvres).

    Une fois encore, je n'avais rien remarqué, ou si peu.

    La confusion des sentiments

    Appris que l'abominable homme des blogs était passé à la télé pour la journée de la gentillesse.

    1/ c'est intensément réjouissant comme illustration du fonctionnement de la télé.
    2/ je préfère le savoir là que sur Canal Académie ou dans les cahiers de l'Herne. Amuseur public, c'est davantage sa place.
    3/ je suis rassurée sur son état: il n'est pas en train de dépérir.
    4/ je suis inquiète des nouveaux moyens de nuire qu'il va découvrir là (et en particulier de nous nuire, bien entendu).
    5/ et puis malgré tout, le sentiment d'une injustice, le sentiment que ce monde manque de rectitude. Cependant, je crois vraiment que "si tu t'assois au bord de la rivière, tu verras passer le corps de ton ennemi". Attendons calmement.

    Menaces sur le mariage

    Gleeden, «le premier site de rencontres extra-conjugales pensé par des femmes», actuellement en affiche de 4x3 m dans le métro.

    Le prof de philo était habillé en bleu

    Chaque fois que je le vois il me paraît un peu plus âgé que dans mon souvenir (c'est la troisième fois) (mais comme j'avais commencé par vingt-cinq ans, il est encore jeune), un peu plus fatigué (si pâle et les traits si tirés) et très doux. Contrairement au précédent habité par l'ardeur de son sujet, celui-ci glisse plutôt vers la contemplation. L'un paraissait en transes, l'autre translucide, éclairé par une bougie intérieure.

    Ce soir il portait un pull irlandais bleu pétrole qui iradiait différemment son visage. J'ai eu autrefois une prof de philo que je trouvais à son meilleur en col roulé violet, couleur évêque.

    Mariage gay

    H. a licencié un collaborateur. Motif officiel: refus d'obéir aux ordres.
    Motif détaillé qui ne sera pas exposé davantage à moins que cela ne soit nécessaire (inspection du travail, prud'hommes, etc): refus de travailler aux adaptations nécessaires d'un logiciel suite à la possibilité de se marier pour les homosexuels. Ses convictions religieuses le lui interdisent, argue le collaborateur.

    Personne ne me demande mon avis, mais je vais quand même le donner (c'est un peu le principe du blog).
    Tout sonne faux dans ce que je pense, parce que mes convictions sont réactionnaires et mes conclusions progressistes. Entre les deux interviennent mes amis, mes connaissances, des cas particuliers qui font que je suis prête à reculer sur tous les fronts.

    Je suis bien embarrassée, je trouve cette histoire de mariage stupide, parce que rien à faire, le mariage reste pour moi un instrument historique d'oppression [1] et je trouve étrange de le désirer.
    D'un autre côté je sais que Matoo en rêve défend l'idée pour des raisons d'égalité de droits, et l'idée de voir Matoo et Colin en smoking blanc comme le Capitaine et le Lapin (non, ils ne sont pas en smoking blanc, j'ai fantasmé ou confondu) en train de se jurer fidélité et assistance (et c'est peut-être le tout du mariage: assistance, plus encore que fidélité: vieillir ensemble, le plus difficile, le plus important, ce qui fait que tout cela est une aventure et non pas un encroûtement) me réjouit et je ne vois pas très bien au nom de quoi le leur refuser.

    Mariage

    Il faut bien entendu distinguer mariage civil du mariage religieux.

    Concernant le mariage civil, j'entends certains dire que le PACS existe. Certes, mais il est faux de croire que cela donne les mêmes droits que le mariage. Je ne vais pas faire la liste des différences juridiques parce que je ne les connais pas, mais rien n'empêche une entreprise privée de faire une différence entre ses clients mariés ou pacsés ou en union libre.
    Je peux citer mon propre métier. Je travaille dans une mutuelle de santé qui intervient en surcomplémentaire pour les salariés de sept filiales du groupe, la complémentaire étant assurée par le régime de branche. J'ai eu la surprise d'apprendre que cette complémentaire, qui couvre tous les salariés des sociétés d'assurance, n'accorde aucun droit aux Pacsés. Seul le conjoint marié[2] est reconnu et remboursé de la même manière que le salarié cotisant.
    D'autres citeront des circonstances douloureuses, par exemple les conjoints homosexuels ne pouvant accéder au lit de leur ami hospitalisé au motif «qu'ils ne font pas partie de la famille». (J'espère que cela a tendu à disparaître avec l'expérience du sida.)
    Etc, etc. Si le mariage est une façon élégante et rapide de résoudre d'un coup tous ces dysfonctionnements, allons-y. Je songe qu'il sera accompagné de son cortège de tristesses, divorces et désillusions, mais peut-être est-ce inévitable.

    Concernant le mariage religieux, je ne peux parler que du mariage catholique. (Les protestants s'y opposent moins, car chez les réformés le mariage n'est pas un sacrement. Les autres religions je ne sais pas.)
    L'Eglise est contre et je ne le discute pas. J'accepte sans discuter, comme j'accepte que les femmes ne puissent pas administrer les sacrements ou devenir jésuites, que les divorcés soient excommuniés, etc, etc. (Finalement être catholique, c'est souvent s'entendre dire non, et c'est sans doute structurant aussi.) Accepter ou ne pas se dire catholique, puisque c'est justement cette acceptation qui définit une appartenance (ce qui ne veut pas dire qu'une fois le porte-parole de l'Eglise ou de l'évêque rentré dans ses appartements, la discussion ne reprend pas et que le travail d'articulation autour du mot "amour" ne bat pas son plein).
    Ce qui me fait sourire, c'est que l'Eglise se retrouve face à son ambiguïté en ce qui concerne le mariage: ce qu'elle veut régir en réalité, c'est qui s'unit à qui[3] et combien de petits catholiques (le plus possible) sortiront de cette union — un enjeu de pouvoir, en somme; mais ce dont elle nous parle désormais quand il s'agit de mariage, c'est d'amour, le mariage comme sacrement étant censé représenter l'union de l'Eglise et du Christ: quand deux personnes viennent lui dire qu'elles veulent se marier devant le Christ parce qu'elles s'aiment, au nom de quoi peut-elle le leur refuser?

    Un prêtre rencontré lors d'un colloque fin octobre à qui je faisais remarquer qu'il s'agissait de mariage civil et que l'Eglise n'était pas concernée m'a répondu:
    — Mais quand ils auront le mariage civil, ils voudront le mariage religieux!
    — Et alors?
    — Et alors ils mettent en danger la famille!
    — Ah non, ma famille n'est pas du tout mise en danger par le mariage homo.

    (Cette idée m'a parue extravagante, et en y réfléchissant je me suis dit que c'était plutôt le contraire. Enfin non, il ne s'agit ni du contraire ni du mariage, mais la fréquentation d'homos, seuls ou en couple, enrichit ma famille et lui permet de faire cette expérience fondamentale: on ne peut rien dire, rien savoir d'une personne avant de la rencontrer et de se faire sa propre opinion, qui ne dépend ni du sexe, de la couleur, de la religion, de l'âge, de la préférence sexuelle, mais de "parce que c'était lui, parce que c'était moi".)

    Tout cela pourrait faire croire que je suis pour le mariage religieux gay. Mais non, pas vraiment. En réalité, j'ai une vraie difficulté à réfléchir au mariage. Je trouve qu'il n'a aucun sens si le divorce est autorisé. En fait je ne suis pas sûre d'être favorable au mariage hétérosexuel non plus. Si, mais avec réserve. Je demande des quotas. Les mariés se rendent-ils comptent de la galère (sens premier, bateau avec des rames) dans laquelle ils embarquent? N'y allez pas, vous êtes fous!

    Adoption

    Là, c'est beaucoup plus simple: c'est oui. J'ai exactement la même position pour les couples homosexuels que pour les couples hétérosexuels (oui, je parle de couple. Adopter un enfant quand on est célibataire (à moins de situations très particulières qui régularisent des situations anciennes, des situations de fait) me paraît une mauvaise idée. C'est dur, on a besoin d'être deux, ne serait-ce que pour confronter ses réactions ou ses opinions. Répondre à «Et maintenant, que faire?» est plus facile à deux.)

    J'avais été frappée par la phrase: «Adopter, c'est donner des parents à un enfant, pas un enfant à des parents».

    Oui à l'adoption d'enfants nés ou déjà conçus, non à la procréation assistée. A quoi bon mettre au monde des enfants supplémentaires? Pour avoir le sien, le vôtre? Mais cela est la plus grande tromperie, la plus grande illusion. Ce ne sera jamais le vôtre, il sera toujours lui, il vous échappera toujours. A tous ceux qui s'imaginent "leur" enfant comme un prolongement d'eux-mêmes, je demanderai s'ils ont l'impression d'être le prolongement de leurs propres parents.
    (Et puis ce sujet-là fait ressortir mon côté féministe: la PMA, c'est se servir du corps des femmes pour faire de la recherche, avec leur consentement plus ou moins inconsciemment contraint (quand on vous demande au moment du prélèvement d'ovules, alors que vous êtes déjà sur la table d'opération: «Ça ne vous dérange pas qu'on en prélève un peu plus pour des couples stériles?», que voulez-vous répondre? Et que dire des femmes stimulées hormonalement alors que c'est l'homme qui est stérile ou hypofertile? (Combien de cancers chez ces femmes-là?) Et quel est le statut des embryons congelés? (un sacré casse-tête juridique, mais je ne peux que frissonner en imaginant des embryons issus de moi être utilisés pour des expériences scientifiques.))

    Mais bien entendu, une fois encore, l'amitié me fait taire: comment ne pas être heureuse pour Rémi et sa fille Julie née en septembre?

    Notes

    [1] Pourquoi s'être mariée alors? Question très compliquée, mais certainement pas pour des raisons sentimentales ou symboliques. La réponse contenant le plus d'exactitude serait "pour quelque chose de l'ordre du pari de Pascal". Mais laissons mes névroses de côté et poursuivons.

    [2] Vous aurez compris que ce masculin ne fait qu'appliquer la grammaire française et couvre les deux genres du genre humain.

    [3] J'ai trouvé ce terme moins violent que "qui baise avec qui", mais c'est bien de ça qu'il s'agit.

    Une rencontre

    Dix heures et demie, les Halles, je suis en retard pour mon cours d'allemand, je vais prendre la ligne 4, pas à la station les Halles mais à Chatelet en prenant le couloir de la ligne 14; il faut connaître l'astuce car la direction "porte d'Orléans" n'est pas indiquée dans le couloir. Direction réservée aux initiés.

    Contre le mur du couloir de la ligne 14 je remarque une très jeune femme asiatique, menue, en manteau gris et toque noire à la Audrey Hepburn. Elle se tient au mur, elle titube, j'hésite, je m'approche, que vais-je pouvoir faire, il n'y a rien pour s'assoir (c'est le lieu où arrivent les immenses tapis roulants des Halles, pour ceux qui connaissent):
    — Ça va? Vous voulez de l'aide?
    Elle me sourit, elle est toute pâle, elle me répond en français mais je ne comprends pas très bien, son accent est fort, elle parle de Louvre, je crois.

    Oui elle a mangé quelque chose ce matin, elle ne comprend pas ce qu'elle a, elle paraît se ressaisir, j'aimerais la conduire jusqu'aux quais, en général il y a de quoi s'y assoir. Je finis par comprendre que c'est la ligne 14 qu'elle veut prendre, la station Pyramide, deviné-je. Elle s'accroche à mon bras, elle ne pèse rien, elle est si menue, elle sourit bravement, elle est pâle. Il lui faudrait du sucre, je n'ai rien sur moi, pas un seul de ces petits gâteaux que je récupère quand je prends un café au café.
    Non, elle a mangé, du riz et des gâteaux (du riz au petit déjeuner? C'est une idée d'asiatique, ça!), elle ne comprend pas. Une inspiration me vient, je crains un peu de la choquer:
    — Vous n'êtes pas enceinte? pregnant?
    L'idée semble atteindre son cerveau au ralenti. Ses yeux s'arrondissent, sa bouche sourit, la lumière éclaire son visage comme si elle comprenait enfin (ouf, elle n'est pas choquée):
    — j'ai oublié… le mois dernier… le bébé…
    (Elle a oublié quoi? sa pilule? Elle a fait une fausse-couche le mois dernier? Elle a oublié qu'elle est enceinte? Non, ça, ce n'est pas possible, elle paraît trop surprise.)
    Je suis soulagée, la nouvelle n'a pas l'air de la catastropher, elle semble heureuse, j'ai envie de rire:
    — Vous savez, ça arrive…

    Je l'accompagne sur le quai de la 14, lui trouve un siège.
    — Reposez-vous avant de partir.
    Elle est confuse, a peur de m'avoir mise en retard:
    — Si vous tombez dans le métro (je fais avec les mains le geste de s'évanouir avec grâce), il y aura les pompiers… firemen… beaucoup de monde, beaucoup de bruit… Reposez-vous. Je peux vous laisser?
    Elle dit oui, elle est encore sous le coup de la nouvelle, je l'abandonne, lumineuse sur le quai.


    Je me demande si elle était vraiment enceinte, si mon intuition était juste. C'est dommage, je ne le saurai jamais.

    Gender study

    — C'est facile: un tentacule comme un testicule.
    — Hum, je ne suis pas convaincue. A partir de maintenant je dirai une testicule, ça sonne pas mal.

    Le procès de Charlotte Corday à l'Epée de Bois

    Rendez-vous à Vincennes, je sors devant le château, je ne sais plus à l'angle de quel carrefour je dois les retrouver. Heureusement j'ai mon téléphone:
    — Prends à l'est.
    — Mais il fait nuit, comment veux-tu que je sache où est l'est?

    Discussion à bâtons rompus. Pessoa en livre de voiture comme il y a des livres de chevet. De quoi avons-nous parlé dans la voiture, Prague déjà? Je ne crois pas.

    Soupe, tarte salée, assiette de fromage, une bouteille pour trois. Le foyer de ce théâtre est très chaleureux, lambrissé, j'ai un coup de cœur pour cette pièce.

    Nous parlons lectures. Aragon et Drieu La Rochelle, lire Gilles en même temps qu'Aurélien, histoire d'une bagarre de rue entre Aragon et ?? Cocteau??, deux folles brune et blonde, et la foule qui se met à parier (dans Gilles).
    — Mais Aragon, c'était tout de même un salaud, un sacré menteur.
    — J'ai eu la chance de le lire dans l'édition de ses œuvres dans les années 70; il écrivait des préfaces démesurées, c'était complètement fou, quatre cents pages de préface pour une vingtaine de pages comme Le Paysan de Paris.
    — Celui que j'aime bien, c'est Breton, il ne s'est jamais compromis.

    — Dans les années 70 je voyageais en Ukraine (je n'avais même pas vraiment conscience d'être en Ukraine). J'avais acheté le Monde à Varsovie. Je laisse ma voiture quelques instants, et quand je reviens, un homme me dit: «J'aimerais Le Monde».
    — Vous parliez en quelle langue?
    — En français, il parlait un français parfait, en Roumanie aussi, d'ailleurs. Je lui fais remarquer qu'il y a des poules sur la nationale et il me répond: «Ici, les poules sont libres.»
    — C'est génial! Je me souviens quand j'ai pris le transsibérien de m'être arrêté dans un hôtel paumé de Bouriatie, et la femme qui le tenait parlait un français parfait. Nous avons raté beaucoup d'occasions il y a une dizaine d'années; c'est comme au Vietnam…
    — Oui, nous étions aimés… Nous n'avons pas été à la hauteur de l'amour qu'on nous portait.

    Se joue à l'Epée de Bois Cyrano de Bergerac.
    — Un de nos désaccords.
    Je suis surprise. Je ne m'en souvenais pas. Cyrano ne serait pas une grande œuvre? Mais quelle importance? Les trois mousquetaires non plus, et pourtant je défendrai toujours d'Artagnan. D'Artagnan ou Cyrano donnent une ardeur que ne donne pas Mallarmé, c'est important aussi. «— Et c'est? — Mon panache.»

    Biographie de Casement par Vargas Llosa (Le rêve du Celte). Voyage d'étude, enquête, comment dire sans être anachronique, au Congo belge. Horreur, "le musée des mains coupées" à Bruxelles, on estime à dix millions les morts congolais («ce qui est beaucoup avec les moyens de l'époque»); c'est suite au rapport de Casement, indépendant, non-belge, que le Congo cessa d'être la propriété personnelle du roi.
    — Il connaissait très bien Conrad. Sa fin fut dramatique. Il est parti en Allemagne au début de la [première] guerre mondiale et a été débarqué sur le sol irlandais juste avant le soulèvement de Pâques. Les Anglais ont fait un massacre et Casement a été condamné à mort. Conrad et Shaw ont refusé de signer la pétiton qui demandait sa grâce.

    Pièce de Benoît, Le procès de Charlotte Corday. Plus tragique, plus violente, moins psychologique, moins nuancée que dans sa première mouture de 2009.

    Encore un verre dans une brasserie de Vincennes. Le temps passe trop vite, beaucoup trop vite. Les serveurs commencent à ranger vers minuit, nous plaisantons avec eux, «on travaille demain» nous disent-ils. Je ne réponds pas que moi aussi, et plus tôt qu'eux.

    Grec ancien

    Je suis en train de tomber dans le grec ancien.

    H. se moque parce que c'est du faux grec, évidemment, la Septante, ce n'est pas Eschyle. Et encore, même pas la Septante, mais le Nouveau Testament.

    En attendant je m'amuse bien. Les trajets en RER en sont raccourcis. J'aime la façon dont le doute remonte de strate en strate, douter d'une construction, douter du sens d'un mot, douter de la graphie correcte du copiste… et remplacer les mots, proposer l'ajout ou le retrait d'une syllable, recréer le texte, mettre cinquante ans à stabiliser une hypothèse à force de discussions entre savants.

    Quel travail, quelle ascèse. Tout ce qui approche de la folie me plaît, cet irrationnel le plus pur sous couvert de scientificité.


    Philo. Ce soir Saint Augustin. De Trinitate. J'ai l'impression de tomber en enfance, je revois ma première année de catéchisme, tout cela est tellement naturel, tellement immédiat que j'en deviens perplexe. Je devrais faire une recherche, il devrait être possible de retrouver les pères blancs qui faisaient le catéchisme à Agadir. Je donnerais ma main à couper qu'ils étaient imprégnés d'augustinisme.

    Encore

    Encore un changement d'ordinateur. Depuis mars je travaillais sur deux portables, ayant reçu en cadeau un MacBook Air auquel je me suis beaucoup attachée: exactement la bonne taille pour mes mains, le bon poids pour mon sac, les bonnes dimensions pour la discrétion, le rêve. J'ai pris l'habitude de l'emmener partout, alors que l'autre a toujours été beaucoup plus fixe car plus lourd.
    Les fichiers sur lesquels je travaillais étaient dans deux dropboxes synchronisées avec le portable principal qui conservait également mes photos et iTunes.

    C'est fini, tout a été rapatrié sur le "petit" (dit bien évidemment "my precious") et le grand va être vendu. Il va falloir que je m'habitue à Lion. Je perds le compte des ordinateurs que j'ai eus, mais j'espère que celui-ci va durer (Je les use. Ils paraissent inusables, juste suceptibles d'obsolescence, mais je sais que je les use. Je les sens s'essouffler progressivement sous mes doigts, se mettre à souffler et perdre souffle.)

    (Dans l'autre sens nous venons de remplacer le téléphone de la maison par un téléphone filaire: fatigués de courir après les récepteurs abandonnés dans les étages, fatigués des batteries déchargées, fatigués de mal entendre. J'ai réussi à trouver un câble RJ9 de cinq mètres, fil en spirale.)

    Skyfall

    Un James Bond qui m'a beaucoup plu.
    Normal, dit PZ, ce n'est pas un James Bond. Et effectivement, les Bourne sont passés par là, Skyfall est un film construit et non une suite de situations liées par un lien ténu. Recentrage sur les personnages, ce n'est plus le monde qu'on sauve, c'est M. qu'on juge. («Avez-vous médité sur vos péchés?») Mais toujours pour la gloire de l'Angleterre.

    Un Bond psychanalytique et un méchant excellent.

    Je veux voir Q à poil, je veux savoir si c'est un faux maigre.
    (Et pour énerver James Bond (une colère toute intérieure), il suffit d'abîmer son Austin Martin.)

    Le français a la cote, entre Looper qui commence en français (ou presque) et la mère de James Bond qui est française. Ça change d'il y a quelques années après la guerre d'Irak, quand le traître n'était plus allemand, mais français.

    Tendance actuelle: les "vieux" n'ont pas envie de passer la main, ou tout au moins pas sans que la jeune génération rende hommage au travail accompli et reconnaisse que leurs méthodes ont/avaient parfois du bon.

    Pont

    Je fais semblant de me plaindre de devoir aller travailler, mais en réalité j'aime beaucoup ces jours de pont. Tout est calme, l'entreprise silencieuse, partout est assurée une permanence mais les gens ne sont pas débordés: jour idéal pour téléphoner et demander des explications sur des mécanismes et des processus mal maîtrisés, pour avancer sur des sujets un peu délicats.

    Journée perdue

    Très classiquement, rien fait de ce que j'aurais dû faire. Cela va devenir gênant.

    Vu Un après-midi de chien (référence incompréhensible en français: "dog day", c'est le contraire d'un froid de canard, c'est une chaleur de chien (quelle expression en français?)) sur les conseils de Jack Krick rencontré à Philadelphie. Le visage poupin d'Al Pacino, la sueur ruisselant sur les acteurs. Mariage gay, mais oui (1972), et hold-up pour payer l'opération d'un transsexuel. On ne fait pas plus dans l'actualité.

    Vu quelques minutes du premier Star Wars, mais qui ne ressemble plus du tout à mon souvenir, maintenant brillant et coloré sur un grand écran plat, à l'époque pixellisé et fumeux sur les murs du salon, cassette projetée via un énorme projecteur emprunté aux militaires (chut). Trop brillant, trop propre, trop parfait, rendez-moi mon vieux film!

    Looper

    Je ne sais pas trop quoi en penser. Hyper violent par instants, quasi romantique à d'autres, impression de voir l'ancêtre de L'Armée des douze singes ou de Blade Runner.

    Amusant de constater que pour choisir un Bruce Willis jeune, ils ont cherché un acteur ayant la même courbe de nez.

    Amour, sacrifice, rédemption. Mythe irréductible, visiblement.

    Au film, il manquera pour devenir lui-même mythique une musique personnelle, un reminder comme une signature.

    Six mille de belote

    Beaux-parents à la maison. Pas de grec, pas d'allemand, pas de révision/écriture d'un article qui devrait être rendu depuis longtemps.

    Mais du ménage (c'est un point positif, il n'est fait que sous la contrainte) et de la belote.

    Pas de jeu (et je joue de plus en plus mal (sachant que je n'ai jamais très bien joué; cela ne m'intéresse pas assez pour que je mémorise les cartes et en déduise ce qui reste à chacun, comme cela doit se faire)).

    Pendant une interruption (téléphone), O. joue sur son téléphone, R. continue deux pages de son PD James, je feuillette Souvenirs de la forêt noire de Frédéric de Towarnicki derrière moi dans la bibliothèque. Mathématiques; Platon qui voulait aller au-delà, les trouvant trop restreintes ou trop restrictives (intéressées par la fin et non l'archê, l'origine); Descartes qui aurait voulu atteindre en philosophie la rigueur mathématique (mais Platon employait-il la notion de philosophie dans le sens actuel? Non). Exactement ce que je suis en train de lire dans Ricœur, ça me fait plaisir.
    Je commence à comprendre (il serait temps) ce que c'est qu'un cours: c'est une cartographie, un guide de voyage. Cela peut vous éviter de faire le voyage. Ce que je lis actuellement peut m'éviter de lire Platon (et visiblement "tout" Platon, car les différents thèmes sont appréhendés différemment de livre en livre), comme un guide peut donner une idée d'un lieu sans voyager.
    Mais si je voulais vraiment savoir ce que j'en pense, il faudrait me déplacer sur place, il faudrait explorer par moi-même. Il faudrait lire Platon.
    Je crois que je vais me contenter du guide. Dans le temps qu'il me reste, je ne peux plus me consacrer à la lecture totale que de quelques-uns.
    La chance que nous avons, c'est que certains guides sont si bons qu'ils deviennent à leur tour destination en eux-mêmes. Ricœur sur Platon, c'est Ricœur (angle du langage, on ne se refait pas).

    Dimanche et lundi, perdu un mille, gagné un mille.
    Ce soir, perdu les deux.

    La blague du week-end

    — Vous savez pourquoi les croque-morts s'appellent croque-morts? Ils mordaient l'orteil des morts pour vérifier s'ils étaient bien morts?
    — Euh, oui.
    — Eh bien un jour, on leur a amené un cul-de-jatte et depuis, ça s'appelle les pompes funèbres.




    Fêté les soixante-dix ans de mon beau-père en grand comité. Je suis contente, j'y tenais, c'est un homme soupe-au-lait mais extrêmement disponible et serviable à qui l'on ne dit pas assez merci.

    Désirs ou souhaits

    — J'en ai marre de ma tête. Je voudrais retrouver ma tête d'avant.
    — Je ne sais pas si la tête d'avant existe.



    Je viens de découvrir que le cours d'allemand que je voulais suivre a lieu à l'Institut protestant de théologie. (Aller chez les protestants: quelle horreur!) D'un autre côté la description du cours présuppose "un bon niveau d'allemand", donc ce que je fais par erreur cette année (une remise à niveau) n'est pas inutile, c'est le moins que l'on puisse dire.

    A la manière d'Obaldia

    De Sophie, assise à côté de moi lors de la pizza oulipienne:

    «Cherche homme brillant qui ne me fasse pas d'ombre.»

    Dans ma cuisine, onze heure du soir

    «Enfin, peut-être qu'il y a une solution. Mais il faudrait que p=n/p, et ça, personne n'y croit.»

    Un rêve

    Cette nuit j'ai rêvé de RC.

    Nous étions en voiture sur une nationale, les nationales de notre enfance, pas encore transformées en "quatre voies". Deux chats persans caramel se tenaient sur la route immobiles, nous fixant de leur nez écrasé.
    Nous les dépassions et je convainquais H. de revenir en arrière pour les déplacer, les enlever de la route où ils allaient se faire écraser et provoquer un accident.

    Quand nous atteignîmes les chats, RC était sur place avec Pierre, pour les mêmes raisons que nous je suppose. Il avait une barbe longue de plusieurs centimètres, totalement sauvage, qui lui donnait l'air fou de certains Russes du XIXe siècle.

    Fin du rêve, rien de plus.

    D'autres langues que la mienne

    Sostiene Pereira.
    Ligne 12, lundi 17h25.
    J'ai aimé cet homme qui m'a semblé être Pereira en train de lire Pereira.




    RER D, lundi 7h12. Je n'ai pas compris le titre. De Victor Hugo, deniz işçileri.




    D'après Google, ce sont les Travailleurs de la mer.

    Eh bien en fait...

    Je croise l'assistante sociale dans l'ascenseur. Elle remarque mon sac de sport:
    — Ah, vous allez ramer ?
    — Hmm..
    — C'est bien, au moins, vous, quand vous ramez, vous avancez.



    Je n'ai pas osé lui dire qu'à l'aviron, on recule.

    Fin de week-end

    Fin de partie. Définition du week-end: moment très occupé où l'on ne fait rien (où rien n'est fait, rien n'avance).

    Une tarte aux pommes, une potée au chou, le marché, les courses (au marché on achète de quoi manger; les courses, c'est pour le fond, le lait ou les boîtes chat), lu debout dans un Carrefour Market un magazine détaillant la vie d'Elizabeth II et de ses enfants (comme le temps passe), failli l'acheter pour envoyer les cartes postales de la fin à Patrick, mais ce n'étaient pas mes photos préférées de Kate, avec le chien du régiment irlandais ou en joueuse de hockey, appris à l'occasion des choses très utiles, comme le fait qu'à la prochaine génération tous les héritiers de trônes européens étaient des hommes sauf Victoria de Suède, mais qu'à la génération suivante c'était l'inverse, engueulé avec un restaurateur, copiné avec un autre, oublié un chapeau (pas le mien mais c'est embêtant quand même), dormi sur un parking (ça devient une habitude), avancé dans Clarel, joué un mauvais tour à mon beau-père passé à l'improviste à la maison (enfin non, H. le savait mais avait oublié de nous prévenir) et qui devait s'attendre à ce que nous fêtions son anniversaire (nous lui fêtons dans deux semaines avec toute la famille mais il ne le sait pas: embarrassée d'imaginer sa déception), reçu un mail très étrange d'un rameur qui me fait craindre pour l'avenir du club tel qu'on le connaît aujourd'hui, retrouvé une blouse de chimie, cousu une étiquette nominative dessus, taillé une barbe. Et quelques broutilles.

    Quelques nouvelles

    Inattendu : la bibliothèque de l'entreprise possède l'édition des œuvres complètes de Sade reliée de cuir noir et tranche dorée ("édition du cercle du livre précieux", 1966).

    J'emprunte un mince volume d'Isherwood, Octobre. (C'est pour lire en déjeunant, je ne veux pas me promener à la cantine avec Diès, Autour de Platon).

    J'ai mal à l'épaule depuis des semaines. D'abord j'ai cru que c'était un nerf pincé (douleur très vive mais intermittente, tapie), puis une déchirure musculaire. Nous en sommes à soupçonner l'articulation (je rame sans problème, j'en paie le prix dans les heures qui suivent).
    — Mon père a eu mal à l'épaule pendant des années. On lui a fait des infiltrations, rien n'y a fait.
    — Il a toujours mal?
    — Non, un jour c'est passé, on ne sait pas pourquoi.

    Bon. Je vais attendre encore un peu, alors. Je voudrais juste savoir ce que j'ai, et je suis tellement persuadée que la médecine ne sera pas capable de me le dire (en revanche elle saura me faire perdre du temps en examens mutiples) que je n'ai pas envie d'aller la consulter.

    Moisson de la journée

    Un polycopié de Clarel (introduction et notes incluses), Les Falaises de marbres (quatorzième édition de 1943 !!) et d'énormes chaussons Guinness qui ont rendu jaloux nos voisins de table. (A celui qui voulait me les piquer, il a fallu que j'explique qu'il avait les pieds trop grands, ce qui était sans doute un mensonge car ils (les chaussons) me paraissent extensibles.)



    R est entré au PI. Cela me met le moral dans les chaussettes, d'un autre côté je suis curieuse de voir combien de temps il va résister à leur bêtise.

    Sans pitié

    Dans l'ascenseur, quelques femmes :

    — Pourquoi, tu ronfles?
    — Ah non, depuis que je ne fume plus je n' ronf'e plus.
    — Moi c'est Mohammed… j'lui dis "tu ronfles!", i'm dit "mais non j' ronf'e pas!" Alors je l'ai enregistré, comme ça j'ai une preuve!




    In petto je me suis dit que les progrès technologiques avaient des applications inattendues. Nous n'aurions pas fait cela avec les magétophones et les micros de papa. Trop compliqué. Est-ce que tout devient trop simple?

    La fille aînée de l'Eglise

    Il y a deux ou trois ans j'avais été un peu choquée d'apprendre que si le mercredi restait libre, c'était que ce jour était réservé au catéchisme, et qu'un préfet qui souhaitait utiliser le mercredi à l'école primaire devait en avertir l'évêque: comment, c'était cela la séparation de l'Eglise et de l'Etat? D'un autre côté, cette influence occulte de l'Eglise m'avait fait sourire: ah, j'avais été stupide de ne pas m'en douter.

    Ce matin en écoutant la radio j'apprends simultanément qu'il y aura école le mercredi matin et que nous manquons d'aumôniers musulmans dans les prisons. Pas de doute, les temps changent.


    (Qu'on ne se méprenne pas: je préfère des croyants d'une autre religion que des non-croyants, parce qu'il me semble avoir ainsi davantage de chances d'échapper à un monde entièrement tourné vers la consommation et l'étourdissement par les sens. (Et qu'on ne se méprenne pas bis: je sais aussi parfaitement que les amis les plus humanistes, les plus généreux, les plus réfléchis, que je côtoie sont aussi très souvent les plus délibérément athées1 et que ce que je viens d'écrire ne supporte pas l'examen de la réalité (ma réalité: celle qui m'entoure). Peut-être que cela veut simplement dire que nous, croyants, croyons mal, insuffisamment.)


    Note
    1 : Mais comme le dirait une professeur, un athée a des convictions, ce n'est pas un indifférent, un tiède, un sans-opinion, un gloubiboulga (sic) de convictions new-age. Même les vrais athées tendent à disparaître.

    Alsacienne

    Réunion pour la terminale de A.

    Cette école qui m'a rendue si heureuse me donne maintenant envie de pleurer, je me retiens d'aller voir P*nafieu ou O*sini pour plaider: "faites quelque chose!"

    (Je me rends compte que je vis la paresse, la lâcheté et l'indifférence de C. comme une maladie contagieuse, je n'ai qu'une envie, me tenir loin de lui pour ne pas être contaminée. Je ne crois pas qu'il va changer. Il apprendra peut-être à ne pas le montrer, mais je ne crois pas qu'il va changer.)

    Pourtant il me semble encore que j'ai eu raison d'inscrire C. ici, de lui donner cette chance, même s'il n'en a rien fait.
    Même si je me dis que la situation actuelle est une punition pour mon orgueil et mon ubris, une leçon d'humilité qu'il me faut endurer avec patience, je reste convaincue que je devais le faire.
    Que vaut ce sentiment d'avoir agi droitement face à des résultats mauvais? Faut-il remettre en cause l'intuition initiale et cette impression de bien agir? Ou faut-il juste se dire qu'il faut attendre, que l'histoire n'est pas écrite jusqu'au bout?

    Apprendre le grec

    Nous sommes nombreux, il manque des chaises, il ne faut pas arriver en retard.

    Ce qui m'ébahit le plus, ce sont les étrangers présents. Pour nous, Français (de langue maternelle française), cela présente un avantage certain, car cela se traduit à l'occasion par de la grammaire comparative.

    Anecdote: le Grec qui proteste contre la prononciation du grec ancien (réponse du professeur: «Vous pouvez prononcer intérieurement comme vous le souhaitez, vous avez un travail de décodage à faire, mais vous n'êtes pas obligé de rencoder» (apprendre le grec ancien en France quand vous êtes étranger: apprendre à traduire vers une langue qui n'est pas la vôtre (est-ce que cela rend le thème plus facile?))).

    Question: est-ce mon passé de germaniste ou le souci de (l'orthographe de) mes enfants qui me rend les cas si naturels? J'ai l'impression de n'avoir jamais cessé de les utiliser, alors que la prof nous annonce: «Vous allez vous rendre compte que vos problèmes seront souvent des problèmes de grammaire française.»
    Non. Au moins un problème que je n'aurai pas.
    En revanche, latin oblige, la présence d'article m'étonne. Je m'en passerais bien.

    Doxa et épistémé

    C'est très étrange d'avoir en face de soi quelqu'un qui semble considérer que les mathématiques relèvent de l'opinion et qui défend ses erreurs comme un avocat défendrait une cause.

    Un peu désespérant, en fait.

    Fini la couture et le rangement des cours de l'année dernière. Retrouvé la liste des livres à lire à la Toussaint. Un peu ennuyée, j'ai la septième édition du Nouveau Testament en grec, dois-je acheter la vingt-septième, celle que nous recommande la prof? (Oui c'est l'appareil de notes qui change. Mais je ne pense pas m'en servir de sitôt.)

    Quelques photos américaines autour de l'aviron

    Aux Etats-Unis, j'ai été surprise d'avoir autant d'occasion de photographier des objets en rapport avec l'aviron. Est-ce une caractéristique de la Nouvelle Angleterre, qu'en est-il en vieille Angleterre?


    A Mystic Seaport, il y avait cette affiche dans la cabane qui permettait de louer des barques :




    Dans le "hall of Fame" etaient exposés de nombreux objets autour de l'aviron et l'histoire de l'aviron (dont un skiff suspendu au plafond).
    J'ai pris la photo d'un porte-voix impressionnant et d'une affiche imaginant l'aviron du futur:







    Sur les murs de Washington, j'ai trouvé une affiche à deux pas du bâtiment des archives, il me semble. Je n'ai pas bien compris à quelle manifestation ou quel musée cette affiche faisait référence:




    Enfin, à Philadelphie, je n'ai pas pris de photo du bassin ou de rameurs, mais au petit déjeuner, le jour de notre départ, j'ai photographié une photographie sur les murs du fast-food:




    L'aviron est une activité importante à Philadelphie, on trouve au musée de la ville des tableaux d'Eakins sur le sujet.

    Résumé

    Hier : journée de réunion, à réfléchir à la façon dont nous allons d'abord nous passer d'informatique pendant six mois, puis à la façon dont nous allons la remettre en place.

    Aujourd'hui : journée à rattraper ce que je peux de retard («le temps ne se rattrape jamais» dit mon père un soir de Noël quand j'avais six ans. (Et j'avais alors entrepris un raisonnement par récurrence pour parvenir à la conclusion qu'il avait raison)). Coup de fil à Danielle, mon ancienne collègue, qui est en train de mourir d'ennui. Journée des erreurs, il me semble en savoir moins aujourd'hui qu'il y a trois mois. C'est toujours une période troublante, même si cette phase est connue.

    Mon beau-père a soixante-dix ans aujourd'hui. Je n'arrive pas à accepter que nos parents vieillissent.

    Sortie en skiff

    Comme d'habitude il a fallu que je me force pour quitter le bureau et aller ramer. Je sais d'expérience qu'il faut absolument que je tienne cet engagement avec moi-même, c'est le moment où j'en ai le plus besoin entre mon nouveau poste, la philosophie antique et le grec. C'est le moment où glisser entre ciel et eau devient très important, remet tout à sa juste dimension et à sa juste place (un héron a surgi d'une péniche).

    Sortie en skiff, toujours aussi instable. Mais il me semble avoir compris quelque chose durant une centaine de mètres, quelque chose qui tient à la décontraction des épaules, à une façon de les laisser tomber.
    Plus tard, il m'a été impossible de retrouver ce geste. Mais je sais maintenant ce qu'il faut chercher. C'est un grand progrès.

    Si fatiguée (par l'aviron?) que j'ai dormi une heure dans la voiture sur le parking du RER avant de rentrer à la maison.

    Philosophie et littérature

    Quand nous étudions Phèdre je pense à Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes, Le Banquet me rappelle Ravelstein, et ce soir, tandis que le professeur s'emballe sur Aristote et nous présente la substance en prenant une table comme exemple (de ce qui est là, ici et maintenant), je songe à la table de cuisine de Promenade au phare.

    Ma pensée vagabonde, je n'en reviens pas de tout ce qu'il faut connaître avant de pouvoir comprendre quelques bribes, entrevoir quelques éclats (Ça va tout de même beaucoup mieux qu'il y a quelques années, je me rends compte que j'ai accumulé un substrat de connaissances non négligeable: je dispose de suffisamment d'éléments pour commencer à créer des liens entre eux. C'est une sensation très plaisante). Je m'endors sur Leo Strauss (un de mes préférés, il me fait rire) dans son attaque de Wild (Sur une nouvelle interprétation de la philosophie politique de Platon); son art de distinguer toujours plus finement entre les concepts m'emplit d'admiration, je sais maintenant que ce genre de choses sera toujours hors de ma portée: je comprends tant que je lis, j'oublie dès que j'arrête de lire (exemple: les différences entre philosophie classique et philosophie moderne).
    Tout ce que j'entreprends ces derniers temps n'a pas grand sens finalement, toute cette activité, toute cette agitation. Mais au moins j'aurai appris à jouer de la flûte avant de mourir.

    La devinette du week-end

    — Connaissez-vous la différence entre filer à l'anglaise et filer à la juive?
    — … ??
    — Eh bien, filer à l'anglaise, c'est partir sans le dire, filer à la juive, c'est dire qu'on part sans partir.

    La taxe M*lloir

    — Lui, tous les ans c'est la même chose: il se réveille quand il reçoit la lettre recommandée et il est à peine aimable.
    — On devrait imputer les frais d'envoi des lettres recommandées aux récidivistes.
    — Mais on ne peut pas: qu'est-ce qu'on en ferait comptablement?
    — On les passerait en profits exceptionnels. On appellerait cela la taxe sur les cons.
    — Ah! Mais on va devenir riches!


    Bourne l'héritage: sans grand intérêt cinématographique (une cascade en moto dans les rues de Manille, puisque chaque Bourne se distingue par une poursuite dans une ville différente); prépare le Bourne suivant, dans lequel nos deux héros survivants devraient logiquement se rejoindre pour sauver Pam d'un procès infâmant (je spoile le film suivant).
    L'actrice a sans doute fait de l'athlétisme à un bon niveau, elle court avec un style étonnant.
    A noter: l'évolution "philosophique". Nous sommes passés d'un embrigadement comportemental à base d'amnésie à une modification génétique (par utilisation d'un virus qui n'est pas sans rappeler le fonctionnement de celui du sida (et donc plutôt un rétrovirus)).


    Morne fin de soirée: O. s'est fait voler son téléphone (un vieil iPhone, deuxième génération, souvenirs) au théâtre, A. a oublié son chapeau au cinéma.

    Témoignage

    A nouveau un sifflement monstrueux jaillit. Les nouvelles générations occidentales ne connaissent pas ces sifflements si caractéristiques: il n'était certainement pas fortuits, il faut que quelqu'un ait voulu donner aux bombes une voix qui exprime toute leur soif et leur menace.

    Primo Levi, Lilith, p.12-13 (Liana Levi, 1987)

    Ma grand-mère m'avait parlé des attaques aériennes durant l'exode, Paul est le seul qui m'ait parlé du hurlement des avions et de la panique que ce bruit à lui seul provoquait. (Mais peut-être que je me répète, il me semble l'avoir déjà écrit. Envie de laisser ici le nom de Paul, de temps en temps (qui n'est pas son nom, mais puis-je réellement laisser son nom ici?)).

    La carte vitale du centenaire

    Il nous téléphone parce qu'il ne fait pas bien la différence entre la sécurité sociale et sa mutuelle. Sa carte vitale est désorientée depuis qu'il a eu cent ans en juillet, elle ne fonctionne plus.
    Je lui dis d'appeler le 3646. Il comprend mal, il entend 3648.
    «Il va tomber sur un disque», me dit ma collègue. Je lui conseille de se faire assister par quelqu'un, son pharmacien par exemple. Mais son pharmacien est déjà celui qui s'en est débarrassé en le renvoyant vers nous. J'ai le cœur serré. Je ne comprends pas comment une société qui n'a que le mot "vieillissement" et "seniors" à la bouche peut avoir entièrement basculé du côté du téléphone. Avec l'âge, la plupart d'entre nous deviennent sourds, le téléphone, ce n'est pas le plus pratique. Et la touche étoile et le code confidentiel, c'est déjà agaçant à trente ans, alors à quatre-vingts ou cent…
    Ça m'agace et ça me peine.



    Acheté des boutons pour le manteau rouge à L'entrée des fournisseurs et pris un goûter au Loir dans la théière avec A. On dirait que les patrons ont changé. La tarte meringuée est monstrueuse.

    La philosophie est amour

    Ce soir le prof a glissé dans ce que j'aime et que je ne sais pas nommer: serait-ce l'ivresse? Cette sensation, vers une ou deux heures du matin, quand on écrit depuis plusieurs heures, et que l'on commence à décoller, à dire (écrire) ce qu'on n'oserait jamais écrire si l'on était tout à fait sobre, tout à fait reposé et serein, le moment où l'exaltation (et dans la mesure où l'examen consiste en un oral, je commence à envisager sérieusement de boire un peu avant d'y aller) a gagné. (L'année dernière, j'ai vu Daniel Ferrer glisser vers cet état («cette tache de café sur le manuscrit a vu l'œil de Balzac et elle nous regarde»; et j'ai pensé que peut-être les grands professeurs étaient ceux qui atteignaient ce plan en état de sobriété.)
    Ce soir donc, notre professeur de philosophie s'est mis à planer par instants (sur Platon).

    De mémoire quelques mots: «Ce qui vous fera réussir vos études de philosophie, ce n'est pas l'intelligence, c'est l'amour. Si vous n'avez pas l'amour (je prends des accents pauliniens qu'il n'avait peut-être pas. Lui est brésilien, accent et infimes accidents de syntaxe compris), vous abandonnerez dès que cela deviendra difficile. L'autre ennemi de l'amour, c'est la curiosité. Le curieux ne s'intéresse qu'à ce qu'il ne connaît pas (serait-ce la définition du donjuanisme?), dès qu'il commence à connaître un peu, il passe à autre chose. C'est l'amour qui permet de tenir dans le temps.» (Ce n'est pas tant le fond du discours qui était étonnant, car il est connu; mais le moment où il est intervenu, la force de conviction, l'évidence avec lesquelles ces quelques mots ont été prononcés.)

    Chartres au soleil

    Un rendez-vous plus tardif que les années précédentes. Effectif réduit cette année, il reste les inconditionnels, et la conversation roule autant (davantage?) sur Nadine de Rothschild (comment ça danseuse? Je la croyais cousette) que sur RC (avec suspens et décision demain, si j'ai bien compris).

    Petits plats dans les grands grâce à la jeune fille de la maison (quand ça change, ça change). Etagères et livres, livres et étagères.

    La cathédrale de Chartres, transfiguée par la mise au jour d'un enduit couleur sable. Cela change totalement le jeu de la lumière et des couleurs, c'est très impressionnant. Rosaces peintes découvertes pendant les travaux.
    Explications (enfin) à propos de la grille déposée à droite de l'entrée: elle servit un temps à fermer le chœur après la disparition du jubée.

    Régression

    Semaine à lire (parcourir, plutôt, sauter d'un épisode à l'autre très vite) les trois derniers tomes d'Harry Potter. Je mets en œuvre la même tactique que devant une plaquette de chocolat: inutile de résister, et puisque je vais la manger, autant le faire vite, le plus vite possible, qu'on en finisse et qu'on puisse passer à autre chose. (Juillet 2007, y a-t-il écrit dans le dernier tome, jour de retour du stage de planeur. Bouffée de regrets intenses, quel gâchis.)


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    Ajout le 21 septembre 2015 :
    C. m'a donné hier ses notes, après que je lui ai dit que j'allais l'accompagner à la fac pour les voir (il soutenait qu'elles n'étaient pas envoyées par la poste, mais affichées dans les couloirs). Ce n'est même pas nul, c'est inqualifiable. Impression de deuil, où est passé mon bébé, celui qui me souriait sur la table à langer, celui que j'avais l'impression de si bien comprendre, où est passé le petit garçon qui faisait la fierté de sa maîtresse de grande maternelle? Qu'ai-je fait, me suis-je trop confiée à lui (oui, sans doute, j'en ai tant de remords), l'ai-je trop gâté? Comme je regrette de lui avoir laissé la mezzanine, d'avoir aimé les choses bizarres, fun. Tout ce que je n'aurais pas dû faire. Comme je regrette. Comme j'ai été fatiguée, absente. Qu'ai-je fait?

    Caricatures islamistes

    En tant que croyante, je n'aime pas le blasphème et les caricatures.

    En tant que catholique, je trouverais fort de café qu'on ne se moquât pas de l'Islam sous prétexte que les intégristes posent des bombes et massacrent, alors qu'il y a longtemps qu'on ne se gêne plus pour se moquer d'à peu près tout dans ma religion, depuis qu'elle est devenue à peu près inoffensive, en fait (à quoi on me rétorquera que dans le cours de l'histoire, les cathos… [etc]: certes, mais ce n'est pas de ma faute, et c'est tout de même de ma foi qu'on se moque, c'est-à-dire quelque chose qui n'est jamais si loin d'un affect ou d'une affection).
    Donc je remercie solennement Charlie hebdo de ne pas céder à la peur. (J'aime beaucoup cet ancien dessin dans lequel Dieu Mahomet constate: «C'est dur d'être aimé par des cons». C'est un très bon résumé.)

    Que penser de la décision de la France de fermer ses établissements publics dans certains pays? Lâcheté ou responsabilité? Je penche pour la deuxième interprétation, malgré tout: une obligation de protéger ses ressortissants, et une façon d'aider les gouvernements des pays en question en ne laissant pas de prise aux attaques.

    Achat de yoyo

    Je me suis souvenue qu'aux Etats-Unis, O. cherchait un yoyo dans toutes les boutiques de souveuniirrs où nous passions.

    Trouvé une adresse rue Hermel, c'est très discret, au fond d'une cour. (Au passage, je découvre que le yoyo a l'air technique).
    La rue Hermel est aussi la rue d'un bibliothèque municipale, j'étais venue chercher ici des références à des lettres de Proust du temps où j'assistais au cours de Compagnon. J'en ressors avec deux Vernant, mais c'est une erreur: Vernant m'agace, je n'arrive pas à le lire.

    Dans cette bibliothèque, La Jeunesse de Pouchkine est indiquée "en réserve". Pas le temps de le demander. Des machines permettent d'enregistrer les livres que l'on emprunte. Je n'aime pas ce genre d'évolution.

    Au total une bonne soirée à trois.

    Déstabilisée

    Le temps est passé si vite. Je savais que A. devait partir vers le 20; en fait c'est aujourd'hui, à deux heures. J'en suis toute décontenancée: elle n'a rien dit ce week-end, rien dit hier, juste écrit sur le tableau l'heure et la date de son train de retour. Somme-nous des parents si absents? J'en suis retournée.

    Comité financier à onze heures. Curieux.

    Demain c'est l'anniversaire de O. Je passe dans les BDtèques de la rue Saint-Jacques et du boulevard Saint-Germain (tiens, Valérian est sorti en œuvres complètes. Les nôtres sont si abîmés.) Rien ne me convient pour lui.
    Inévitablement je me retrouve à la librairie Compagnie. J'achète le Ricœur sur l'être et l'essence chez Platon que je n'avais pas pris dimanche dernier (trop abrutie, trop fatiguée, mais depuis je ne pensais qu'à lui) et Socrate de Thibaudet (un posthume, 2008: ça alors!). Je reconnais dans ces achats une déformation de mes années d'étudiante, quand j'avais l'illusion inconsciente qu'acheter un livre allait me permettre de le "posséder", d'en posséder le contenu, sans le lire, sans l'étudier. Le danger revient; le besoin de se rassurer, je suppose.

    Dimanche

    Journée d'étude. Ciel bleu, métro vide, messe au soleil dans la cour. Seconde apologie de Justin. Il y a toujours un moment où le découragement me gagne, où je me dis que tout cela est inutile, trop de choses à connaître, pas assez de temps, c'est ridicule.
    Le pire est toujours la tendance à se comparer, à se laisser impressionner par les questions des autres et leurs références. Ne pas regarder sur les bords, travailler avec des œillères, ne pas se laisser effrayer.

    C'est amusant, la jolie professeur italienne, le jeune homme en converses, respectivement philosophe et bibliste. L'apparence, disait l'autre.

    Paris est plein à cinq heures, mais que font donc tous ces gens dans les rues un dimanche? Je passe en librairie, il ne reste que "L'écume des pages" boulevard Saint-Germain; au café de Flore les gens se rengorgent d'être regardés, il y a sans doute là une ou deux célébrités mais je ne connais personne. Etrange théâtre ou zoo, nous les regardons attendre d'être regardés, et nous avons un peu honte de leur attente et d'y répondre. (Est-ce la définition du snobisme?)

    Je rentre épuisée; les enfants sont en train de faire le ménage \o/, je lis Harry Potter V en prenant un bain.

    Palpitant

    L'événement palpitant de la journée doit être que j'ai fait la sieste.

    Et je ne comprends rien aux quelques pages de Rahner que je dois lire.

    Ah oui, et nous avons mangé du maïs doux avec les piques achetées au musée de Philadelphie (épi encore dans leurs feuilles (pas trop de feuilles) cinq minutes au micro-ondes).

    Que devient Cavanna ?

    En quittant la rame j'aperçois un gros homme avec la moustache de Cavanna (en gris et non en blanc).

    Peut-être parce que je lis Pereira prétend, peut-être parce que ma grand-mère est en train de mourir, je me demande «Que devient Cavanna?»

    Je ne l'ai jamais lu, j'ai feuilleté Les Ritals (peut-être) chez un ami en mai 2002[1], où le livre côtoyait un livre de Maurice Thorez. J'aime surtout la tête de Cavanna. Je l'ai croisé une fois ou deux sur le boulevard Saint-Germain et j'ai trouvé qu'il ressemblait à ses photos.

    Je me souviens du papier qu'il avait écrit au moment du 11 septembre 2001 dans Charlie-Hebdo, dans lequel il évoquait ses souvenirs de Berlin pendant la guerre: nettoyer après les bombardements. Je me demande si j'ai conservé cet article quelque part, il faudrait que je cherche.

    Arrivée ici, j'ai ma réponse: Parkinson.

    Notes

    [1] Facile, c'était ses dix ans de mariage

    Confidence

    J'essaie de m'habituer au grec. Les cours commencent en octobre et j'ai peur (les étudiants de l'année dernière ont été terrifiés et terrifiants). Donc une demi-heure tous les soirs après m'être brossée les dents (pas de rapport, j'essaie juste de mettre au point des réflexes de pavlov, des triggers, comme disent les Américains). Alphabet, écriture. J'écris si large que je prends des feuilles entières. Et je ne sais pas positionner les lettres sur les lignes puisque je n'ai pas de modèle. Il faudra que je pose la question à Nicole.

    J'essaie aussi de lire à voix haute le Nouveau Testament ramené par Jean. C'est plutôt amusant. J'anônne. Je retrouve la difficulté de lire des lettres que l'on identifie pas spontanément. Mes souvenirs d'apprentissage de la lecture étaient ceux d'une déconcertante facilité: pas de résistance (mes souvenirs sont très souvent faux).

    Notes

    Vendredi, formation de débutants à l'aviron:
    — Et est-ce qu'on a des courbatures?
    — Ça dépend, vous faites déjà un peu de sport?
    — Oui.
    — Alors normalement non, sauf si vous sortez avec un équipage d'un niveau très supérieur au vôtre. Vous aurez plutôt des petits bobos, des ampoules, des griffures aux mains, des bleus, des écorchures derrière les mollets…

    C'était peut-être un peu prétentieux: aujourd'hui ramé (dans un bateau expérimenté), je me suis sentie amollie tout l'après-midi. Friction de Foucaud, remède de grand-père que je m'applique sur les jambes après m'être enfermée dans mon bureau.



    Dernière séance de kiné:
    — Au revoir, c'est un peu triste à dire, mais j'espère qu'on ne se reverra pas.
    (C'est d'autant plus triste qu'il est craquant). (Sauf s'il vient ramer, je crois que je lui ai fait envie avec mes récits de Seine.) (Evidemment, nous en avons parlé car il s'est rendu compte de quelque chose lors d'une séance de kiné après une sortie en bateau: mains brûlantes, peau décollée en amorce d'ampoules.)

    Notes

    Que raconter? Je ne vais tout de même pas raconter les péripéties du bureau. (L'autre jour, un adhérent de 80 ans m'a raconté comment il avait perdu un œil à huit ans, à cause d'une épine de rose. «Et j'ai fait rentrer ma fille au Gan en 1970, vous vous rendez compte? A l'époque, il suffisait d'aller voir le directeur du personnel, ça s'appelait comme ça à l'époque, et de lui dire: «j'ai ma fille qui voudrait travailler…» Ce monsieur est féru d'internet, il a commencé la micro dans les années 80 (etc, etc: confident ne fait pas partie de nos attributions officielles, mais j'aime bien, même si c'est souvent un peu triste.))

    Le plaisir ici, c'est la bibliothèque au-dessus de la cantine: déjeuner tard, puis rester dans la bibliothèque jusqu'à ce qu'elle ferme (14h30).
    Aujourd'hui j'ai bien cru que j'allais y être enfermée.
    J'étais passée voir s'il n'y aurait pas quelques Vernant ou Dumont sur les présocratiques (c'est étonnant ce qu'on trouve dans les fonds des bibliothèques d'entreprises, car ils sont très peu "désherbés", on y trouve des trésors), je me suis retrouvée à feuilleter (rayon histoire) Le Monde de pierre, ce qui m'a entraînée au rayon littérature à la recherche de Primo Levi (la dernière fois que j'avais cherché, je n'en avais pas vu, et cela me paraissait difficile à croire).
    Et j'ai donc trouvé Lilith que j'ai commencé à lire debout (je ne peux rien emprunter avant d'avoir rendu les Tolkien) — et j'ai donc failli me faire enfermer.

    Et maintenant Lilith m'accompagne. J'aime beaucoup Primo Levi, pour tous ses autres livre que Si c'est un homme (de celui-là, je ne cite régulièrement à mon fils que l'importance de se raser quand on veut garder prise sur sa vie).

    Cours

    Un peu décroché au milieu des atomistes. Il est possible que le feuilleté à la saucisse de Meurteau et l'excellent verre de Bourgogne ingérés avant y aient une part de responsabilité.

    Boire ou étudier. Dormir ou bloguer. Fumer ou ramer. Quelques choix parmi d'autres (et pendant ce temps, lire Hadot, la philosophie comme mode de vie (et non comme discours) et la sagesse comme idéal).

    Chance

    Samedi, dimanche: temps radieux et douceur d'automne.

    Deux mille de belote, perdus tous les deux. Evidemment, je suis avec C, et celui qui a de la chance, c'est O.
    Ce qui n'empêche pas H. de s'exclamer l'une des rares fois où j'ai du jeu:
    — Mais tu as une chance de cocue!
    — Tu es le mieux placé pour en juger.

    N'empêche, c'est triste d'avoir aussi peu de jeu durant deux mille de belote.


    Engueulade avec R, prévisible: c'est pour cela que je n'ai pas appelé dimanche midi mais dimanche soir. Combien de temps cette fois-ci? Six mois, un an, toujours?
    Mise au point avec les enfants — sans doute inutile comme les autres, mais au moins cette fois, ils connaissent exactement le fond de notre pensée. Tout cela est sans issue autre que le temps qui va passer; et le savoir (qu'il y aura une issue mais qu'il ne sert à rien de vouloir l'atteindre avant l'heure) est une bizarrerie de plus.
    Deux ourlets et trois boutons en regardant Mr & Mrs Smith.
    Une tarte à l'oignon.
    Ma mère me donne des nouvelles de Daniel et de ma grand-mère entrée à l'hôpital hier (c'est ma tante qui m'inquiète). Un peu de gossip: l'un des traders impliqués dans le scandale du Libor est le fils d'une lointaine connaissance à eux.

    Fun informatique

    Si je me mets à travailler sérieusement, je ne vais plus avoir grand chose à raconter, moi!

    Finalement je suis embauchée par la boîte B, ce qui fait que j'ai été radiée de A et que toutes mes habilitations si durement acquises sont à rouvrir. C'est allé plus vite que la dernière fois, mais il faut que je recrée tous mes favoris pour la troisième fois puisqu'on ne m'avait pas prévenue et que je ne les avais pas sauvegardés. (La deuxième fois c'était en rentrant de vacances puisque pendant mon absence on avait changé mon unité centrale — sur la précédente était installé SAS dont avait besoin la collègue dont j'ai repris le poste, et comme l'entreprise n'achète plus de nouvelle licence, il fallait qu'elle récupère physiquement son ancien poste.)

    Neuvième séance de kiné

    On papote. (Kiné méthode douce: massage du doigt, de la peau, du bras… Très peu "d'exercices". Il faut dire que je ne vois pas bien ce que seraient des exercices pour un doigt. Je continue à avoir mal, le nerf est engoncé dans des fibres ligamentaires. Cela reste très supportable, voire oubliable. Mon objectif est que mon doigt ne s'ankylose pas, il doit me servir encore cinquante ans.)

    — Ah oui, le G*n… Ça ne va pas fort en ce moment.

    Je suis surprise qu'il soit au courant: non seulement cela me paraît très peu médiatisé, mais en outre c'est plutôt Gr**pama qui est cité que le G*n.

    — J'ai plusieurs patients du G*n. Quand les entreprises ne vont pas bien, les gens non plus.

    Lundi : rentrée

    Ah tiens, le blog est revenu, après vingt-quatre heures de black-out. Il faudrait que je songe à le sauvegarder.

    Lundi soir donc, rentrée en deuxième année. Combien étions-nous l'année dernière, cinquante?[1] Nous ne sommes plus que trente-deux. Les abandons peuvent être dus à des raisons familiales ou professionnelles, ou au découragement devant l'investissement personnel que représente le cursus. C'est très exigeant, nous nous en sommes rendus compte peu à peu.
    J'avais bien noté en juin en voyant passer le groupe des huitièmes années qu'ils me semblaient très peu nombreux, une douzaine peut-être (et très sérieux, voire compassés, bien plus sérieux que nous: finirons-nous (ceux qui finiront) comme cela?).

    Il y avait une dissertation de théologie à rendre en juin, j'avais réellement peiné dessus, mais sans accorder beaucoup d'importance à la note, car certains répétaient avec conviction que "c'était noté large".

    Je découvre éberluée à la rentrée que cette façon large de noter est très particulière: soit vous avez une bonne note, soit il vous est demandé de refaire votre devoir (avec la possibilité intermédiaire que ce ne soit pas demandé mais "suggéré"). J'imagine le coup de bambou d'apprendre en juillet que vous devez réécrire durant l'été dix à quinze pages sur "tradition et révélation" ou "Pourquoi Ponce Pilate apparaît-il dans le Credo?"
    En grec, c'est l'hécatombe, certains n'ont pas validé leur année de quelques points et doivent recommencer (pour ma part je commence cette année).

    Bref, le passage en année supérieure n'est pas conditionné par les notes, mais vous n'avez pas la possibilité d'être mauvais: vous recommencez jusqu'à être au moins passable.

    Notes

    [1] (Non, quarante-cinq).

    Rangements

    Sur le front C.,nous glissons de Manon Lescaut au Contrat de mariage (la fin, quand Paul part aux Indes tenter de reconstruire une fortune dilapidée). Ah les colonies, c'était quand même le bon temps pour trouver une solution aux problèmes domestiques.

    L'une des conséquences collatéralles est que les mangas et les DS ont été virés de la maison, direction les sous-sols d'un ami compatissant. Pauvres A et O:
    — Mais on n'a rien fait, nous!
    — C'est vrai, et ce n'est pas une punition. Nous cherchons juste ce que nous avons fait de travers, pour que cela ne se reproduise pas.

    Le positif, c'est que je récupère deux étagères (les meubles, pas deux rayonnages) pour mes livres, et j'en avais bien besoin (non, il n'y avait pas deux étagères de mangas, nous avons viré d'autres choses!).
    Le négatif, c'est que je n'ai pas eu le temps de mettre de l'ordre dans tout mon fatras en une journée. Je vais donc commencer l'année (demain, reprise des cours) avec une maison non rangée.
    "Je n'aime pas".

    Visite à ma grand-mère

    — Nous n'avons plus de congélateur. Quand nous avons voulu changer le vieux, la vendeuse nous a prévenues qu'avec le nouveau gaz utilisé, il fallait que la température de la pièce où se trouvait le congélateur soit supérieure à dix degrés. Nous, dans la laiterie, il gèle parfois, l'hiver.
    — Elle nous a suggéré d'installer un radiateur dans la pièce…
    — …pour tenir chaud au congélateur.




    L'état de ma grand-mère s'est profondément dégradé en six mois. Elle ne tient plus sur ses jambes mais l'oublie et se lève; elle tombe et se blesse, mes tantes l'attachent dès qu'elles doivent s'éloigner (pour aller chercher le courrier par exemple). Elle ne comprend plus ce qu'on lui dit, ce qui n'est pas nouveau (il y a longemps qu'elle est sourde), mais on ne comprend plus ce qu'elle dit, ce qui est tout à fait neuf et très étonnant quand on a en mémoire sa forte personnalité. Mes tantes sont épuisées.

    Starbuck

    Si nous sommes rationnels, nous nous demanderons où sont passées les mères (mère des enfants de l'avocat, mères biologiques des enfants de Starbuck).

    Si nous sommes intello, nous noterons la réflexion sur l'identité et l'acceptation de soi-même, de "no soy David Wozniack" à "je suis David Wozniack", en passant bien sûr par la quête des enfants pour connaître leur origine.

    Si nous sommes sentimentaux, nous noterons le rôle fondamental de la famille.

    Si nous avons juste envie de passer un bon moment, nous nous contenterons de rire de bon cœur devant autant d'absurdité et de gentillesse, "une source infinie de bonheur", l'histoire d'un looser qui veut devenir ange gardien: «J'avais entrepris d'essayer de réussir ma vie, je ne pensais pas que ce serait aussi taf».

    (comprendre "dur" = tough (ah oui, parce qu'en plus, c'est québécois, et j'aime ça.))

    L'aîné

    Il a raté son année d'études à la fac en France, après avoir abandonné son école en Suisse l'année dernière. (Et encore, je ne savais pas encore qu'il ne s'était même pas présenté aux examens.)

    Il a eu un accident avec la voiture et n'a même pas pris la peine de la nettoyer avant de l'amener à l'expert («Mais tu m'avais dit de ne pas trop en faire!» (je l'aurais tué)) et n'a pas fourni les justificatifs d'entretien à l'assurance pendant notre absence. (Moralité: la voiture passe à la casse).

    Lui trouver un logement et un emploi.
    Qu'il passe le BAFA scout, qu'il réussisse au moins quelque chose!

    L'horreur, c'est de devoir me dire qu'H. avait raison, que nous n'aurions pas dû faire ce que nous avons fait pour ce gosse. Je n'arrive pas à le ressentir, il me semble normal d'avoir fait tout ce que nous pouvions pour lui (conséquences positives: Claude est entrée l'Alsacienne et Hervé s'est remis au travail).
    (Ai-je péché par orgueil, à mettre mon fils à l'Alsacienne? J'étais juste heureuse de lui donner ce que j'aurais aimé avoir, cela me paraît légitime. Qui donnera des pierres à son fils qui réclame du pain? (Mais Hervé n'était pas d'accord avec ça. Mais lui-même a-t-il jamais mesuré tout ce que son père lui avait donné alors qu'il était en train de rater sa première année à l'Enserb, ou même en sup et en spé? En voyant Clément pleurer hier sur Emma, je me rappelais Hervé amoureux en train de pleurer sur Angelina. Mais je ne peux pas le dire à Hervé, il ne le reconnaîtra jamais).
    J'ai peut-être péché par orgueil? Oui, aussi. Mais pas que.)

    Mais maintenant c'est le temps de la justice et non plus de la charité.
    Que devons nous faire?

    L'indulgence coupable des mères

    Finalement, ma tante et H. avaient raison. (Je n'en doutais pas vraiment —disons que je pensais que leur opinion se défendait sous un certain point de vue—, mais finalement quel que soit l'axe de vue choisi, ils ont raison.)

    Quelques secondes avant de comprendre

    En fait, j'ai même failli ne rien remarquer — adresse dans la base de données :

    6, rue Gustave Flobaire


    Exceptionnellement, j'ai corrigé.

    Expendables 2

    Les dialogues, c'est pas son truc, à Stallone.

    Film entièrement destiné à ceux qui ont vu les autres, les Terminator, Die Hard, etc. Film nul et émouvant parce qu'il ne nous déçoit jamais: exactement ce qu'on attendait, les situations mélo avec beaucoup de testostérone (ah, ce côté fleur bleue des gros bras), les invraisemblances qui permettent à chacun de retrouver tous les autres à tout moment avec une facilité déconcertante (tout ce petit monde passe son temps à tomber du ciel, par avion ou par pur effet de montage cinématographique), et quelques phrases cultes («Ça suffit, tu es déjà "be back" suffisamment souvent, à mon tour!» ou «Mais c'est une pièce de musée! — Nous sommes tous des pièces de musée»).

    Church, le personnage de Bruce Willis, s'appelle Chapelle en français.

    Je ne spoile pas l'arrivée de Chuck Norris.

    Et rappelons qu'il n'y a pas d'effets spéciaux dans tout ça: c'est tourné «à l'ancienne» (traduction de classics dans les sous-titres) de bout en bout, hôpital compris pour les acteurs. (C'est ce qui m'avait impressionnée pour Expendables 1: apprendre que les acteurs y allaient de bon cœur, portaient leurs coups, en un mot n'étaient pas tout à fait raisonnables, voire totalement frapadingues.)


    Défaut majeur: UGC les Halles doit croire que nous sommes tous sourds, la bande-son est diffusée vraiment trop fort.

    Daniel

    Un peu de mal à absorber le choc, l'idée.

    J'ai téléphoné à mon père ce matin. Daniel, le cousin de mon père amputé des jambes, a été retrouvé mort calciné dans sa grange début août.
    Il n'y allait jamais. Ses béquilles étaient hors de la grange. L'autopsie n'a découvert aucun traumatisme. L'enquête suit son cours.

    C'était la seule famille de mon père en dehors de son frère.

    Je n'arrive pas à comprendre cette nouvelle. Mes yeux de huit ans le revoit, déjà obèse quand il avait une trentaine d'années. Il était gentil mais sans grand intérêt pour mes huit ans. J'essaie de le revoir, de voir en lui rétrospectivement quand je le regardais ce destin, cette mort. Mais non. Ce n'est pas possible, pas lui, une mort si atroce et si romanesque.
    Je me souviens des colères de ma grand-mère contre sa sœur, elle l'accusait avec raison d'être folle de tant nourrir son fils —et si mal— et de faire son malheur en le gardant près d'elle à tout propos, lui faisant manquer l'école au moindre rhume.
    Ma raison bloque.

    Mariage en Beauce

    (ou presque. Forêt d'Orléans, ça sent la Sologne.)

    Entendre un sermon de mariage commencer par «J'ai passé de nombreuses soirées avec les fiancés autour d'une pizza. D'ailleurs Elise, j'ai une nouvelle carte de fidélité, rappelle-moi de te la donner, je crois que la tienne est pleine. Et il y a une nouvelle pizza, avec du reblochon, "parmentière", je crois.» : check.

    Bu du rhubar'bulle pour la première fois et parlé de Congar (que nous sommes sérieux).

    J'ai essayé de me souvenir comment j'avais connu la mariée. Je crois qu'une recherche sur Simone Weil m'avait menée au blog qu'elle tenait à l'époque. Aujourd'hui les présentations incluent les pseudos FB («Aaaah, c'est toi!»). (D'ailleurs le sermon a également évoqué la toile.)

    C'est beau le XXIe siècle.

    Retour à la maison

    On pourrait croire que trois semaines sont un délai suffisant pour laver sept à huit serviettes de toilette et déposer un chèque à la banque.

    Apparemment non.

    (Je passe sur le reste.)

    Ghost Dog pour recaler le décalage horaire.

    Long Island

    Une heure et demie de Tétris: vider la voiture de tous les sacs accumulés (le linge sale, les chaussures, les achats divers) et répartition entre les cinq valises et les cinq bagages à main. Les deux problèmes sont les objets fragiles et les objets lourds, principalement les livres. Nous mettons ceux-ci dans les bagages à main en escomptant qu'ils ne seront pas pesés.

    Une journée sur Long Island, du sud au nord, d'abord vers Patchogue, puis au nord, Oster Bay, sur la Golden Coast, aux portes de New York.

    Le sud est plus frais, plus venteux, agréable. Bateaux à moteur, ferry vers les longues bandes de plages qui soulignent Long Island. Très peu de monde, quelques traces de ce qui doit être une intense activité balnéaire en été. Mais c'est bientôt la rentrée, nous sommes seuls dans le restaurant sur le parking au bord de l'océan, nous déjeunons tranquillement de moules et crabes.
    La serveuse est jolie, sportive, bronzée, avec des yeux verts cerclés de sombre. Elle répond «pas de problème» à chaque fois que nous disons «merci», ce qui me paraît peu académique. Chip m'a expliqué que le premier week-end de septembre était le Labor day, et que les cours ne reprenaient qu'après afin de permettre aux étudiants de se faire encore quelques pourboires durant ce week-end festif.

    Oyster Bay au nord est une surprise, il fait très chaud et humide, exactement le temps de Manhattan: moi qui pensais que la chaleur était due au goudron et béton de la ville, je me trompais, c'est la latitude qui veut ça. Octobre, c'est en octobre que je voudrais revenir, pour voir ce qu'il en est de l'été indien.
    Quelques pas sur le port, parc Theodore Roosevelt inauguré en 2004, nous n'aurons pas vu son mémorial à Washington mais la ville où il est mort. (Deux Roosevelt pour deux guerres, je l'avais oublié, ou n'y avais jamais fait attention.)
    Puis arboretum de Planting Fields, très calme, aéré. Petits panneaux sur les arbres, des dizaines d'érables de variétés diverses, aux feuilles rouges comme le prunus, au tronc qui pèle comme le bouleau, au port tombant qui fait reconnaitre une variété utilisée pour les bonsaïs… Les chênes, les ormes, sont énormes, magnifiques. Allée s'ouvrant dans les fleurs à hauteur d'épaules, petite maison de conte de fée, gros manoir néo-gothique anglais, décor sortie d'un film ou d'un rêve.





    Retraversée vers l'aéroport, repas à six heures (! mais c'est l'heure américaine, c'est notre huit ou neuf heures habituel qui est décalé) pour passer le temps, l'avion est à minuit moins cinq.
    La voiture se rend très vite, trop vite, j'ai un pincement au cœur, trois milles miles ensemble.

    Les contrôles sont beaucoup plus simples qu'à l'aller (je ne sais plus combien de fois nous avons dû montrer notre passeport à Roissy, cela devenait un gag). Les bagages à main sont pesés: erreur d'appréciation, nous sommes larges pour les valises, mais mon sac de livres fait sept kilos, celui de A. cinq (il y a aussi tous ceux qu'avait emmenés Déborah, une quinzaine de centimètres de livre de poche. J'ai un peu triché pour mon sac, dans la confusion (à cinq nous prenons de la place et du temps) j'ai enlevé le plus gros des Emily Dickinson, l'ai posé sur un sac de sport à mes pieds et l'ai recouvert de la jupe de ma robe longue pendant que nous faisions passer les bagages à main. Cela n'aurait sans doute pas fait une grosse différence. L'employée ne nous a pas fait payer de supplément.

    De Philadelphie à Long Island

    Comme chaque fois que nous n'avons rien de particulier de prévu, l'heure de réveil est naturelle: entre neuf et dix heures, et comme j'ai plutôt mal dormi (le thé? l'idée du boulot qui me travaille depuis plusieurs jours?), j'en fais autant plutôt que reprendre mon blog.

    Petit déjeuner à deux pas, à recommander chaudement par opposition au Denny's sur le même parking. Nous prenons la route en direction de Trenton (il n'y a rien à Trenton, a dit Jack, mais ce lieu était cité par le film sur la guerre d'Indépence à Mont Vernon. Nous avons abandonné la 95, nous suivons à peu près le Delaware, plus ou moins (je me souviens du nom de Bristol). Les maisons sont opulentes.

    Nous traversons le Delaware dans un sens pour atteindre Trenton.
    Nous traversons le Delaware dans l'autre sens. Bouchon. Tout s'explique quand nous avançons: le pont est extrêmement étroit et la circulation est alternée. La chaussée est constituée d'une sorte de treillis, j'imagine les ponts militaires ainsi (c'en est peut-être un), je suppose que le treillage évite que l'eau stagne et le pont gèle.
    Nous dépassons la voiture clignotante qui bloque la voie de gauche pour apercevoir un noir en train de peindre la rambarde au rouleau. Un autre lui fait la conversation (c'est très utile quand on travaille, ça donne du cœur à l'ouvrage), trois autres les regardent (en rang d'oignon) et deux se chargent de la circulation. Cool.

    Rive droite du Delaware. Et comme nous l'avait dit Jack, c'est vraiment très joli, entre le fleuve, les maisons aux (très) vastes pelouses tondues et les sous-bois.



    Nous retraversons (aller-retour) le Delaware à "Crossing Washington", pour le plaisir de la reconstitution historique («Allez, imaginez-vous en hiver en train de traverser de nuit sur des barques parmi les glaçons»), sur le même type de pont très étroit et comme je franchis la ligne jaune un quart de seconde devant la voiture qui arrive en face à trente mètres (nous roulons à quinze miles à l'heure pour ceux qui veulent faire des calculs), son conducteur me regarde d'un air furieux et affolé. Je crois que des voies si étroites les paniquent totalement.

    Nous arrivons à New Hope et nous ne comprenons pas: au milieu de nulle part, cette ville (ce village) aligne les boutiques "hippies", longues robes et artisanat pour touristes. Nous traversons le Delaware pour voir Lambertville (beaucoup plus pincée, j'échaffaude l'hypothèse que les gens habitent ici et travaillent en face), retraversons pour reprendre notre route, nous trompons entre deux routes de campagne («Euh, vers le sud-ouest, c'est pas bon» (la voiture comporte une boussole sur le tableau de bord. C'est très pratique: «Et là, je vais à droite ou à gauche? — Plutôt au nord, je pense»), faisons un large détour parmi les champs de maïs genre La mort aux trousses, reprenons notre chemin.
    Désormais nous croisons des hôtels et des pontons à kayacks, nous sommes arrivés dans une région destinée aux vacances et sport d'eau (la Pennsylvanie que nous avons vue: ski dans les Appalaches, kayack sur le Delaware. Aucune idée de ce qu'il y a entre les deux.)

    Arrêt à Frenchtown (pas tout à fait par hasard), il est quatre heures, nous mangeons dans une pizzeria. Je suis frigorifiée par mon iced tea, je sors avant les autres, me promène un peu. Le soleil est déjà bas, il fait doux, un magasin s'appelle "Rive gauche", j'hésite à acheter un parapluie représentant la Tour Eiffel (mais les valises vont être suffisamment problématiques sans cela), "the Yellow Dog" vend des accessoires pour chiens, des cafés sont fermés, ça sent l'automne et la fin des vacances, il y a fête au village le deux septembre, avec concours de costumes pour animaux de compagnie.

    Traversée définitive du Delaware. Plus de forêt. Champs, maisons, magasins, la circulation s'intensifie. Nous devons rendre la voiture demain à midi, nous décidons de dormir dans Long Island: même s'il y a des bouchons, il n'y aura pas de pont à traverser.
    Sept heures moins dix. Bouchons ou quasi bouchons. Verrazano bridge. Magnifique vue sur Manhattan. Magnifique vue sur la mer.



    Long Island.
    Arrêt à Canarsie Pier. Les toilettes les plus sales du voyage, mais des pêcheurs le long des balustrades, des cerfs-volants contre le ciel et des avions qui semblent devoir les toucher. Carillon entêtant, sans doute une baraque à frites, de celui qui accompagne les meurtres dans les films d'Hitchcock.

    Motel et MacDo, après quelques péripéties. Daredevil à la télé, avec toujours les pubs exaspérantes.

    Philadelphie

    Matin : musée de Philadelphie. Petit déjeuner dans une rue proche, dans une toute petite échoppe chinoise ou japonaise qui nous enchante après l'expérience désastreuse d'hier soir.

    Exposition Arcadia, qui aurait pu s'intituler "Les Baigneuses". Tout cela manque un peu de couleurs vives à mon goût, mon préféré est Franz Marc.
    Nous nous séparons, rendez-vous à une heure et demie dans le hall. Art moderne, art contemporain (de grands Towmbly illustrant L'Illiade). J'erre dans les collection de mobilier anglais, je découvre Romney, ailleurs Eakins, et un Goya, des Manets marins, un très beau Renoir (dans la réalité, elle paraît bleue, j'aurais juré que sa robe était bleue. Ce doit être les rideaux). Je m'y perds, entre un Picasso qui ressemble à Toulouse-Lautrec, un Van Gogh qui ressemble à un impressionniste, un Toulouse-Lautrec presque classique.

    Cafétéria, hors de prix; boutique de souvenirs pour la deuxième fois (la première, c'était après Arcadia). Errance, perte de temps ou détente à regarder les gadgets et admirer l'inventivité des marketteurs (nous achetons des piques pour tenir les épis de maïs, ustensile découvert chez Ruth).

    L'objectif suivant était les manuscrits de la Mer morte exposés à l'institut de Benjamin Franklin, mais nous abandonnons devant le prix de l'entrée (37 dollars). Nous errons encore plus longtemps dans la boutique aux souvenirs, il y a vraiment beaucoup de gadjets, des T-shirts rébus (œil, cœur, pomme, pi), etc.

    Quartier de la signature de la déclaration d'Indépendance. Je suis impressionnée par une cloche offerte par la Grande-Bretagne à la ville en 1976 pour le bicentenaire de cette déclaration (j'imaginais les Anglais plus rancuniers).

    Se garer demande de décrypter des panneaux qui annoncent à peu près (en abréviations): autorisés deux heures entre huit heures du matin et six heures du soir du lundi au vendredi, trois heures entre vingt heures et une heure du matin le vendredi soir, quatre heures le samedi et le dimanche avant sept heures du soir. Bref, la logique semble d'être de permettre aux habitants de se garer quand ils rentrent chez eux, mais nous avons un peu de mal à déchiffrer et démêler les abréviations («On est quel jour?» «Il est quelle heure?») en quinze secondes en passant.

    Nous allons jusqu'au bout de Chesnut street. Un parc avant le pont raconte l'histoire de la famine en Irlande.
    Pot en terrasse pour attendre l'heure d'aller rejoindre Jack. Il me reconnaîtra et viendra s'assoir avec nous dix minutes avant notre rendez-vous.
    Resto chinois avec une carte qui évalue les plats épicés par une note de 1 à 10.

    Retour bizarroïde ce soir encore, à la recherche d'une station service (et la première trouvée est fermée). Nous finirons par interroger des fumeurs devant un pub («Mais non, tous les buveurs de bière ne sont pas méchants»), instructions précises après quelques secondes de réflexion, sans eux nous ne l'aurions jamais trouvée. (Je pense que nous avions de quoi rentrer, mais à condition de trouver notre chemin sans hésitation, ce qui était loin d'être assuré (nous utilisons un iPhone qui ne fait pas toujours la différence entre les routes et les tunnels.))
    Un bonheur n'arrivant jamais seul, l'arrêt à la station nous permet de localiser une entrée sur la 95 (on pourrait imaginer également que ce n'est pas par hasard que la station service se trouve là, mais bon).

    De Baltimore à Philadelphie

    Première réveillée, je tape sur mon blog le plus longtemps possible. Comme tout le monde se plaint d'être fatigués, je laisse dormir. De toute façon, de moins en moins de choses sont prévues pour la fin du voyage, deux visites à Poe à Baltimore et Philadelphie, et finalement une rencontre avec un vieil "ami" Facebook, de l'époque où Gunther intervenait beaucoup, je pense (aujourd'hui, je n'accepte plus beaucoup d'amis totalement inconnus). Il restera un Australien et Red Shuttleworth à rencontrer.

    Hier soir, nous avons donc dépassés Baltimore d'une dizaine de miles. J'insiste pour faire demi-tour et aller sur la tombe de Poe.
    La highway est mauvaise, les voitures en mauvais état, tout est miteux et pauvre. Les maisons sont basses, d'un seul étage, mitoyennes, à l'anglaise ou comme dans les corons. Pas de végétation. Nous passons dans un quartier grec (panneau indicateur à l'appui), approchons de la ville.

    «This year thousands of men will die from stubbornness.» J'aime bien cette pub sur le bord de la route rencontrée pour la première fois en quittant les chutes du Niagara (c'est en fait le nom de la ville, Niagara Falls).

    Parking. Galerie marchande. La première enseigne que nous voyons est un Cheesecake factory:
    — Regarde, comme dans Big Bang Theory!
    — Quoi? De quoi tu parles?
    — Mais si, tu sais bien, c'est l'endroit où travaille Penny.

    Et comme il est onze heures et demie, nous déjeunons dans un Cheesecake factory sur le port. En face de nous se trouvent des pédalos, dont de merveilleux pédalos en forme de dragons. Nous déjeunons (très bien) en décidant qui feraient du dragon (quatre places) et qui pédaleraient (deux des quatres places).





    Hélas, tous nos plans minutieusement élaborés tomberont à l'eau (ou plutôt pas) car la passerelle d'accès nous sera fermée au nez: le bateau à moteur (celui qui justement aurait dû nous récupérer si nous tombions à l'eau) est en panne. Déception.

    Dans notre dos, l'immeuble de The Examiner: — Ah tiens, c'est le journal de la fin du Diable s'habille en Prada.

    Nous partons pour la tombe de Poe, guidé par l'iPhone.
    — Le cimetière devrait être ici.
    Je suis arrêtée à un feu rouge. Hôpital en diagonal à gauche, hauts immeubles massifs (nous sommes en plein centre ville), briques rouges à droite, briques rouges à gauche.
    — Mais si regarde, c'est une église, le cimetière est autour!

    C'est minuscule, en plein cœur de la ville, exactement l'inverse du cimetière découvert hier soir dans mes phares. Cette situation a elle seule valait le détour. La tombe se situe tout de suite à l'entrée, sorte de monument plutôt vilain. Poe la partage avec sa femme Virginia et sa tante qui l'avait accueilli quand il s'était fait renvoyé de West Point. Mais en avançant dans le minuscule cimetière envahi de lierre (très joli contre la brique rouge), nous découvrons tout au fond la première tombe de Poe, à côté de celle de son grand-père. Celle de l'entrée a sans doute été érigée quand Poe est devenu connu.

    Etape suivante, la maison de Poe, ou plutôt celle de sa tante. Maintenant je veux la voir, je veux voir sa situation même si selon internet elle sera fermée (mais après tout, nous ne sommes pas "à l'abri d'un coup de chance"). Ce qui m'intrigue (ou plutôt ce qui me laisse présager de ce que nous allons voir) ce sont les dernières lignes du site donnant des indications de lieu: «Note: Use caution when parking in an urban environment. Common sense dictates that you lock your car and keep any valuables out of sight» (Soyez prudents quand vous vous garez en environnement urbain. Le bon sens recommande de fermer sa voiture et de ne pas laisser d'objets de valeur en vue): c'est évidemment toujours vrai, mais habituellement on ne l'écrit pas.

    Effectivement, en s'éloignant de la tombe, nous quittons très vite les hauts buildings administratifs. Maisons basses mitoyennes comme elles sont de règle ici, quartier noir, pauvreté (mais pas de tags ou de vitres cassées, ce n'est ni sale ni délabré; c'est pelé sous la chaleur, personne ou presque dans la rue, pas de végétation sauf de l'herbe trop haute dans les arrières-cours, cela donne un sentiment de solitude, d'éloignement, comme si l'on avait glissé dans une autre réalité. A quoi tient une impression d'opulence? A quelques coup de pinceau, des rideaux aux fenêtres, un air pimpant dont je n'arrive pas à déterminer la cause.)

    La maison est à un angle de rues, face à un terrain vague. C'était donc la maison de la tante de Poe, minuscule si l'on compte qu'au moins quatre personnes y vivaient (la tante, sa fille et sa mère, Poe). Personne dans les rues, des voisins bruyants se disputent dans une maison mitoyenne, porte ouverte (il fait très chaud). Briques rouges.
    Fermée.

    Nous partons pour Philadelphie.
    Pour une fois nous arrivons tôt, nous prenons un motel à quatre heures de l'après-midi à Essington, près de l'aéroport. (Deux jours: nous n'aurons pas à faire et défaire les valises demain matin, cela repose). A. et O. préfèrent rester ici, nous partons faire un tour à Philadelphie avec Déborah.

    Surprise, Love de Robert Indiana au détour d'un buisson, sur une place.
    Nous errons, achetons une carte mémoire pour appareil photo dans un magasin indien dont un mur entier est tapissé de boîtes de bâtons d'encens et un autre de bouteilles d'essence de parfum (la mémoire de l'odeur me prend à la gorge); dans une vitrine des poudres de perlimpimpin pour bander plus longtemps (une corne de rhinocéros sur l'un des paquets qui ressemble à des paquets de tabac à priser).

    Voiture. Avant de rentrer, j'émets le vœu de voir le boathouse row signalé par le guide vert (et soudain je comprends que "row" veut également dire "rang" ou "en file", tandis qu'à Mystic Port l'homme des barques avait utilisé "crew" («Oh, you crew»), c'est-à-dire "équipe": very appropriate). Le plan d'eau est magnifique, paisible, serein, des doubles glissent sur l'eau, la route le suit et semble quitter la ville très ville (je veux dire que nous ne sommes plus en milieu urbain, mais que d'un point de vue administratif, ce doit être encore Philadelphie).
    Il est temps de faire demi-tour et de rentrer. Mais c'est moi qui guide et H. qui conduit, et cela sera notre perte: je ne suis jamais très inquiète, partant du principe qu'on finira bien par rentrer («We are lost, we are French!» ont appris à crier les enfants en chœur quand je conduis) tandis que H. aime la précision et rentrer directement en suivant les instructions de l'iPhone.
    Les gens conduisent vite, plus vite qu'on ne l'a jamais constaté en ville; je n'ai qu'une crainte, c'est de prendre une route qui nous fasse traverser le Delaware sur le Whitman Bridge. Je ne comprends pas ce qu'indique l'iPhone, je donne une indication un quart de seconde trop tard, nous nous retrouvons à rouler vers le nord, de l'autre côté du plan d'eau. C'est très beau, mais étroit, eau d'un côté, roche de l'autre, impossible de faire demi-tour.

    Demi-tour malgré tout au niveau du zoo. Errance, visiblement les routes que nous voulons atteindre sont en tunnel dont nous ne trouvons pas les entrées. Nous finissons par croiser un panneau indiquant l'aéroport (ce n'est pas si facile, il n'y a qu'une seule route, puisqu'il faut réussir à monter sur un pont, un autre pont que le Whitman (d'où ma crainte de me tromper). Tant qu'on ne monte pas sur ce pont, l'aéroport est hors de portée). Nous rentrons, il fait nuit.

    Il y a un Denny's à côté du motel. Nous nous réjouissions de pouvoir tester les repas après les petits déjeuners.
    Grave erreur (ne jamais vendre la peau de l'ours): trois quart d'heure d'attente (ce fut si long que j'étais résolue à aller voir en cuisine et à m'en aller si je découvrais qu'aucun plat n'était en préparation contrairement aux promesses répétées de la serveuse. J'étais en train d'y aller quand les plats sont arrivés) et une nourriture détestable (pour ma part un goût atroce d'huile trop utilisée).
    Nous partons dormir, laissant H. faire la peau de l'assistant gérant.

    Triste constat

    — Ce ne sont pas les fourchettes qui manquent, ce sont les neurones.

    Des tombeaux

    Pour compenser le petit déjeune d'hier, nous avons trouvé un Denny's. D'est au sud, nous avons traversé des quartiers résidentiels de petites maisons en bois ou brique rouge. Que des noirs dans les voitures, et nous serons les seuls blancs dans le Denny's. J'arrive à faire sourire la serveuse en m'extasiant sur le chocolat au lait, qui est un chocolat viennois selon les normes françaises (mais ordinaire selon les normes allemandes, d'après Déborah).

    Mount Vernon. Le charme de cette maison réside entièrement dans sa situation, qui domine un coude du Potomac. Rien en face, rien autour, je songe à la Seine aux environs d'Héricy, une Seine deux ou trois fois plus large.
    Une terrasse le long de la façade ouest regarde le fleuve. Des chaises y ont été installées; leur dos délimitent un couloir le long des portes de la maison pour les visites organisées.
    La maison est très simple, avec cinq chambres d'amis destinées à accueillir la multitude d'invités qui venaient rendre visite à Washington.

    Tombeau, ponton sur le Potomac, film sur la guerre d'Indépendance. Les différentes entrées de musées sont généralement gratuites pour les enfants de moins de douze ans, et nous ne voyons aucun adolescent. Tous ces musées et reconstitutions historiques forment les enfants à l'histoire et à la fierté nationale, il y a dans tout cela un léger parfum de propagande qui finit par nous faire sourire au bout de deux semaines d'endoctrinement.

    Il pleut. Retour à Washington. Mémorial Roosevelt (Franklin Delano) intégré au paysage, blocs de pierre comme jetés, cascades, évocation de la crise et du New Deal puis de la seconde guerre mondiale (WW II), une statue de Madame et, plus inattendue, une de son chien (il paraît qu'il est très connu: pas de moi).
    Mémorial Martin Luther King. J'ai la surprise de voir 2010 sur la statue. Nulle part la phrase «I have a dream», peut-être que nous ne l'avons pas vue. Ou qu'elle n'y est pas. La statue est taillée dans une tranche de bloc rocheux poussée en avant, laissant plusieurs mètres derrière elle les deux autres parties de blocs ainsi créées. Le tout est monumental, je songe à RC expliquant que nous, Français, ne savons plus faire de monument car nous n'avons plus la fierté de notre pays.
    Mémorial Lincoln, un peu plus loin. (Problème de parking: nous nous sommes garés innocemment devant une bouche d'incendie, il faut laisser 10' de part et d'autre, dit not contravention de cinquante dollars (10': quelle unité? des pieds? Il me semble qu'en pieds, c'était OK.) Dire de Lincoln qu'il a «sauvé l'union» me semble exagéré, il a forcé l'union serait plus exact (dans cette remarque sudiste, il y a l'influence de Ruth sur moi, je le sais). D'ailleurs c'est assez étonnant de réussir à obliger des gens à rester ensemble. Comment est-ce possible?

    Voiture. Je conduis, O. pilote, nous nous perdons (les indications me parviennent tard et je les comprends encore plus tard), nous suivons un torrent vers l'ouest, nous atteignons ce qui doit être un centre nautique (je vois des kayaks), je prends la première à droite. Quartier des ambassades, je prends vers l'est. Nous mangeons au Pain quotidien (comme à New York), les enfants préfèrent le Subway en face. C'est très bon, avec le même défaut qu'en France: la musique trop forte, et donc des clients qui haussent la voix. (C'est ce que j'aime ici: le silence des restaurants).

    Arlington. Deux petites plaques autour des époux Kennedy, un garçon mort après quelques jours, et une fille sans nom, "daughter": mais qui sont-ils?

    Il est presque sept heures. Nous renonçons à voir le Mémorial Theodore Roosevelt. Direction Baltimore en traversant Washington vers de nord-est. La ville se délite, immeubles bas, maisons, espacés, de plus en plus espacés, et très vite la forêt.

    Baltimore est à une heure, la circulation assez serrée, une marmote suicidaire grignote debout sur la bande d'arrêt d'urgence.

    Baltimore, il fait nuit, je roule tout droit. La chaussée fait des vagues, je n'ai jamais vu ça. La voiture roule et tangue, ça me fait rire mais les passagers protestent. Je n'y peux rien. Quartiers chauds, port, je prends à droite quand j'aurais dû prendre à gauche à un carrefour en Y, Fayette street devient de plus en plus en plus étroite, jusqu'à arriver à un stop, dans mes phares des tombes, à quelques mètres de l'autre côtés du grillage. La rue ne continue qu'à gauche, il y a juste la place pour la voiture.
    A droite le cimetière, à gauche perpendiculairement des rangées de maisons mitoyennes, presque des cabanes. Elles sont placées dos à dos, une allée miteuse sépare les jardins qui permettent juste de garer une voiture (mais comment arrivent-elles jusque là? Tout est si étroit). Un chat maigre erre dans l'allée.

    Je propose de dîner dans un Longhorn, cela remonte le moral des troupes toujours bas dès que la fatigue tombe. Dix miles de Baltimore, à Rosedale. Gâteau au chocolat. Tout va mieux.

    Hiiii, on a vu les jambes d'Obama !

    Journée du parfait touriste, je crois.

    1 - Petit déjeuner désastreux
    Nous avons attendu très longtemps des plats arrivant dans le désordre et ne respectant pas le descriptif des menus. H. était furieux, les enfants gênés.
    Je cite Starbuck: «Chaque jour tu recules les limites de l'incompétence. Tu ne livres pas la viande, tu la promènes.»

    2 - Musée de l'aéronautique et de l'espace
    Aviation civile, aviation militaire, conquête spatiale.
    Il y a beaucoup plus de monde aujourd'hui qu'hier, des familles avec enfants, de très jeunes enfants (moins de dix ans). Tous les musées et les reconstitutions historiques que je visite ici me laisse la même impression: celle d'une gigantesque propagande, "la fierté d'être Américain", la fierté d'être pionnier, la fierté d'avoir construit cette nation, la responsabilité de continuer.< br /> Les avions sont un domaine porteur: héroïsme, découvertes, prouesses technologiques: comment ne pas être fasciné? Les enfants font du simulateur de vol — lanceur de roquettes inclus, je ne commente pas le fait que le garçon se vante d'avoir descendu seize avions tandis que les filles un, mais je n'en pense pas moins.

    L'avion de Wright: Wright était allongé sur la voilure, faisant exactement contrepoids avec le moteur installé symétriquement par rapport à l'axe de l'avion. Pas intérêt à grossir. Comme les photos sont sur l'autre blog pour des raisons camusiennes, je vous livre ici un témoignage de l'élégance parisienne (qui rappelle un peu «Il n'y a que maille qui m'aille»).





    Pierre de lune à toucher dans le hall d'entrée (je ne l'ai pas fait, mais c'est étrange de se dire que cela vient d'ailleurs que de la terre). < br /> Dans le hall également, des urnes pour recueillir les dons. Très intelligemment, des billets de tous les pays sont visibles dans une partie transparente, sorte de présentoir (mais pas présentés, justement, mis en vrac, comme s'ils venaient d'être glissés dans la fente, alors que celle-ci n'est pas connectée avec la partie présentoir. Il faut un peu de temps pour comprendre que tout cela est du marketing, car les billets sont fascinants.
    Un peu surprise de trouver une carte postale d'Obama dans le magasin du musée, à côté de celles du Capitole: il faut supposer que la photo représente l'institution et non l'homme ou le parti, ce qui ne me semble plus concevable en France.

    Film sur la réparation de Hubble. Je me souviens parfaitement du moment où il a été annoncé qu'Hubble était myope: on avait fondé tant d'espoirs dans ce qu'il pourrait voir, et c'était tellement bête, cette erreur de calcul dans l'épaisseur de la lentille (j'ai toujours pensé que ce genre d'aventure devrait rassurer les gens qui ne font rien dans la peur de faire une erreur).
    Il y a eu plusieurs opérations de correction et de maintenance: lui mettre des lunettes, remplacer des pièces, ajouter de nouvelles caméras au fur à mesure que l'on découvrait ce qu'Hubble pouvait nous montrer et ce qui l'arrêter (traverser certains gaz, etc).
    Nous voyons l'entraînement des astronautes en piscine, leur sourire au moment du départ puis dans la navette (non pas comme s'ils risquaient leur vie mais comme si on leur faisait le plus beau des cadeaux).
    Une phrase me marque: «Nous ne sommes pas capables de comprendre ce qu'Hubble nous montre». Et en effet, des millions de petits points lumineux envahissent l'écran, qu'y comprendre? Il faut sélectionner une zone, se concentrer sur un point, pour réussir à organiser ce que nous voyons.

    3 - repas chez MacDo
    C'est le fast-food attaché au musée. Le service est d'une efficacité remarquable. Nous faisons des progrès dans la rapidité de nos choix (nous avons beaucoup tatonné dans la compréhension des menus, les tailles imposées, celles qu'on pouvait choisir (regular (normal) est medium, la taille par défaut).
    Il existe une black plate et une white plate que je n'ai jamais vues ailleurs. Je découvre le "chicken select", très bon. Comme d'habitude, je sursaute en buvant mon café "frappé", il est si froid que cela provoque une douleur très vive dans la poitrine et dans les sinus (je me fais gronder parce que je bois trop vite, mais j'ai beau m'appliquer, ça ne change rien. Mais comment font les autres?)

    4 - Les archives nationales
    Pour une fois nous acceptons de faire la queue, qui avance vite (il y a vraiment plus de monde le week-end). Tout est gratuit, partout boisson et nourriture sont interdites, nos affaires sont passées au rayon X et nous passons dans des portiques, je laisse pour la journée le bracelet en or que je porte depuis mon bac (cadeau de ma mère qui savait que j'aimais les trois ou quatre bracelets qu'elle portait toujours depuis le Maroc) dans mon sac, il est vraiment trop difficile à enlever.
    La population est variée, nous sommes frappés depuis le début de notre voyage par le nombre d'Indiens à pois: des Américains ou des touristes?

    Film de propagande pour nous expliquer que les archives "nous" (peuple américain) appartiennent, elles sont garantes de la vérité et de notre passé, c'est à nous de prendre la peine de les interroger. (L'affaire des comptes suisses est citée, apparemment une simple recherche en 1996 a permis à une femme de tomber sur des listes auxquelles elle ne s'attendait pas. Nous est présenté aussi l'histoire des Américains d'origine japonaise internés en camp pendant la guerre; ils ont obtenu réparation (sous Reagan, crois-je me souvenir. Je fais remarquer aux enfants en sortant que tous les pays en ont fait autant: mon grand-père polonais a été interné dans le Massif Central, les aviateurs réfugiés en Angleterre ont eu beaucoup de difficulté à faire admettre qu'il n'étaient pas des espions)).

    Salle d'exposition de la déclaration d'iIdépendance", du Bill of Rights. C'est aussi le lieu de l'enregistrement des brevets. L'impression qui se dégage de tout ceci est qu'il s'agit d'apprendre aux visiteurs qu'ils ont une histoire.

    Une autre exposition nous apprend que les immigrés chinois ont été systématiquement photographiés dès 1878, puis les Japonais. Les immigrés non-asiatiques étaient moins, ou pas, photographiés.

    5 - L'ancien hôtel de la poste
    (Je traduis old post office building).
    La mère de Déborah nous l'avait recommandé comme un lieu permettant de surplomber tout Washington. Nous mangeons une glace au rez-de-chaussée en faisant les andouilles





    6 - La Maison blanche

    7 - Le tombeau de Jefferson
    (Jefferson Memorial)

    Washington - la bibliothèque et le Congrès

    Tout est dans le titre.

    Nous sommes à l'hôtel près du terminus de la ligne orange, à New Carrolton. Nous mettons quelques minutes à déterminer s'il nous faut des billets ou un forfait journée, pour finalement opter pour des billets qui ne sont pas des billets, mais plutôt des sortes de Monéo que l'on charge du montant que l'on souhaite, et qui se décharge à chaque passage dans les portillons.
    En effet, il n'y a pas de prix fixe de billet, il varie en fonction des jours de la semaine et des heures creuses ou de pointe. (Une autre façon de gérer les heures de pointe est à l'œuvre sur certaines highway: la file la plus à gauche est réservée aux voitures contenant deux personnes ou plus. Il s'agit de favoriser le covoiturage.)

    Bibliothèque du Congrès. En arrivant je suis amusée par les sacs transparents longs comme des sacs à pain destinés aux parapluies mouillés.





    L'intérieur est splendide, nous repérons côte à côte dans des cartouches mitoyens Poe et Whitman, ce qui nous fait deux sur deux, les enfants sont ravis (il faut encourager les troupes). Nous déambulons. Nous sommes très fiers de nous être entendus répondre qu'en tant que Français, nous n'avions pas besoin de participer à un tour (visite guidée), qu'il nous suffisait de nous promener, notre culture générale suffirait (n'empêche que je n'ai reconnu Estienne que parce que Dolet était à ses côtés) et que certains noms (Petit, il me semble, par exemple: qui est Petit?) ne me disent rien.

    En exposition, LA une Bible de Gutemberg. 1455. Je n'en reviens pas. Elle se compose de trois tomes, exposés tour à tour (tous les six mois) pour ne pas exposer les mêmes pages à la lumière trop longtemps. Température contrôlée, lumière basse fréquence, photos strictement interdites, lutrin absorbant également le poids du livre pour ne pas abîmer la reliure. Vendue en 1930 par l'Autriche.
    — Mais comment peut-on vendre ça? Tu crois que c'est la crise des années 30 qui les y a obligés?
    — Je ne sais pas, mais tant mieux, ça lui a permis d'éviter la guerre et les bombardements.

    Nous voyons la salle de lecture de la galerie surplombante, entièrement vitrée pour ne pas déranger les chercheurs (la salle est pratiquement vide).

    Nous voyons deux expositions, une sur l'exploration des Amériques et ses conséquences avec des cartes magnifiques.
    Je reste interloquée devant trois globes successifs, le premier aux environs de 1507, le suivant vingt ans plus tard: sur le premier l'Amérique est une longue bande de terre, sur le deuxième, la forme générale du Nord et du Sud est donnée, leur rattachement par un isthme, le décalage selon la longitude (l'Amérique du Sud plus proche de l'Europe ou de l'Afrique), la baie du Saint Laurent bien dessinée. Travail extraordinaire en si peu de temps avec les moyens de l'époque.%%% — En vingt ans les Espagnols ont cartographié le monde.

    L'autre exposition concerne les livres qui ont donné forme à l'Amérique ou qui ont formé l'image de l'Amérique aux yeux du monde extérieur. Jusqu'au aux années 1920 je connais pratiquement tout et j'en ai lu un tiers ou la moitié, ensuite cela devient plus difficile. Je constate avec amusement que certains me sont connus grâce au blog de tatouages que j'aime bien.

    La dernière salle expose les livres vendus par Jefferson à la bibliothèque après sa destruction par les Anglais. Un tiers sont d'origine, un tiers sont des dons de la BNF, un tiers provient de divers achats et donations (la bibliothèque a de nouveau brûlé dans les années 1850).

    Pas d'accès à la salle de lecture, mais on peut la contempler d'en haut, à partir d'un balcon, sans faire de bruit. Je n'arrive pas à reconnaître le décor de Quand l'esprit vient aux femmes. Je lis le nom des bustes tout en haut sous la coupole mais je les ai oubliés (Moïse, il y avait sans doute Moïse, ce serait trouvable sur internet).

    Un tunnel relie la bibliothèque au Congrès. Pas le temps de finir. Je mets cela en ligne en attendant, parce que je finis par douter de pouvoir rattrapper mon retard. Il faudrait d'autres vacances pour tenir mon blog.
    Je reprends le 7 avril 2013. Les anecdotes vont être moins précises, tant pis.


    Je me souviens qu'il fallait jeter tout liquide contenu dans les sacs à dos entre la bibliothèque et le Congrès. Finalement, il n'y aura qu e dans les monuments officiels de Washington que nous aurons droit à des mesures de sécurité telles qu'on les connaît à Paris.
    Nous déjeunons au sous-sol dans un self qui ressemble beaucoup à celui du Met. En catastrophe au milieu du repas nous allons acheter un tee-shirt souveuniir à O. qui a aspergé son tee-shirt blanc de sauce bolognaise. Comme toujours nous avons froid, la clim est insupportable.

    Tout est gratuit, il suffit de s'inscrire, de prendre un ticket, d'attendre le guide qui se chargera de notre groupe. C'est très bien organisé, à la fois efficace et bon enfant, sans nervosité.
    Nous attendons dans un vaste hall, je regarde les statues, hommes politiques, Américains célèbres, Indiens. Je contemple avec plaisir la statue d'Anne Keller (j'ai songé à Matoo (moi je connais le livre depuis mes années de collège — pas le film (plus tard notre guide nous dira que cette statue constituait deux premières: la première statue d'enfant au Congrès, et la première statue d'handicapée)) et celle de Sacagawea dont j'avais entendue parler quelques jours auparavant par Ruth: c'est l'Indienne qui accompagna l'expédition de Lewis et Clark; Ruth avait émis l'idée que nous allions voir la statue à eux dédiée, mais le projet n'avait pas abouti.





    La visite commence par un film qui raconte l'histoire du Capitole, la décision de le construire, les incendies qui l'on détruit, la construction de la coupole ininterrompue par Lincoln pendant les années de la guerre de Sécession. Comme le résumera O. en sortant (ce n'est pas si facile pour lui, il n'a qu'un an d'anglais derrière lui): «Si je comprends bien, ils employaient des esclaves pour construire le Capitole pendant qu'ils faisaient la guerre contre l'esclavage».
    Oui, il a bien compris.

    Nous montons dans les étages, passons près d'une étoile blanche dans le sol qui porte bonheur si l'on met le pied dessus.
    Nous visitons la salle aux statues dans laquelle je repère Webster. Six mois plus tard je me souviens surtout de deux choses: notre guide ne pouvait concevoir la vie sans la climatisation et bénissait chaque jour le sénateur ou le représentant (j'ai oublié son nom) qui avait décidé de climatiser le Congrès («Vous imaginez! Travailler ici sans clim!» Et l'on sentait que toute son admiration allait à ces vaillants pionniers, ou encore «Vous pouvez visiter la coupole et monter dans la galerie (tout là-haut sous le plafond), il suffit de s'inscrire quelques semaines à l'avance, mais attention, il n'y a pas d'ascenseur ET PAS DE CLIM». Et l'on sentait qu'il en transpirait rien que d'y penser); et deuxièmement, il vouait une admiration sans borne aux films patriotiques de Clint Easwood.

    Il nous indique qu'il faut écrire à son député pour visiter la salle des représentants. Nous sommes désappointés, mais H. décide de ne pas se laisser décourager et aborde le bureau des visites: si les Américains doivent écrire à leur représentant, que doivent faire les étrangers?
    Réponse: rien, ils peuvent entrer immédiatement (!!!)

    Pour entrer dans la salle des représentants, il faut de se débarasser de tous ses objets, téléphone, appareil photo, mais aussi portefeuille, papier d'identité, sac à mains, tout ce dont on ne se sépare pas volontiers aux mains d'inconnus. Les objets sont recueillis dans des sortes de grandes boîtes à chaussures en échange de ticket de vestiaire (cela m'a marqué, d'une part parce que le sentiment de nudité est assez étrange, d'autre part parce qu'un homme sortira paniqué de la salle des représentants: ticket perdu, aucun moyen de prouver son identité, et la perspective que toutes ses affaires aient été récupérées par un autre).
    La salle est plongée dans la pénombre. Au ras du plafond des portraits, parfois surprenants (Moïse, Napoléon 1er, Hammurabi, Saint Louis, Maïmonide). Nous nous asseyons sur des sièges et écoutons des explications qui ne m'ont guère marquées.

    Je ne sais plus où nous avons dîné le soir. Mais je me souviens m'être dit à un moment: «Mais nous sommes dans un hôtel pour Noirs!», non seulement parce qu'il n'y avait que des Noirs, ce que je n'aurais sans doute pas spécialement remarqué, mais à cause de leurs réactions: ils avaient l'air surpris et très heureux, l'un d'entre eux dans l'ascenseur m'a demandé d'où nous venions.
    Je me suis dit qu'il devait y avoir des codes non écrits qui devaient désigner ces hôtels, codes et signes auxquels nous étions ou serions totalement imperméables en tant que non initiés.
    Mais il s'agit d'une supposition gratuite.

    De Virginia Beach à Annapolis

    Je ne sais plus très bien ce qui était prévu ce matin, peut-être de partir de partir à onze heures. Quoi qu'il en soit, Ruth est venue nous chercher à huit heures et nous avons passé la matinée à prendre le petit déjeuner à papoter en terrasse d'un hôtel en regardant les dauphins (je n'aurais jamais pensé qu'ils s'approchaient si près des côtes).
    Les enfants sont restés à la plage pendant que nous allions faire un tour à l'ARE que H. voulait voir. (C'est à cause de Cayce que je me suis retrouvée à Virginia Beach en 1984: j'avais écris que je souhaitais visiter le centre). Le bâtiment présente un étrange mélange de recherches sérieuses (études des "lectures", travail de recension, hôpital adjacent) et de parfum de charlatanisme ou de naïveté.

    Retour à la maison. Les enfants sont déjà douchés, nous mangeons des restes de pizzas d'hier (il en restait deux entières), je retourne une dernière fois dans "ma" chambre que je ne reverrai jamais puisque la maison va être vendue, nous partons tard, à deux heures passées.

    Direction le pont de Chasepeake Bay, l'une des sept merveilles du monde moderne. Le pont se transforme en tunnel en deux points, afin de laisser passer les bateaux. Nous regardons les cargos se suivre, étonnés par leur nombre.

    Je n'arrive pas à trouver le nom de l'immense presqu'île comme un doigt pointé vers le bas qui délimite Chasepeake Bay[1]. La remontée du doigt est interminable, il doit y avoir ici de très belles plages, sauvages et désertes, il n'y a presque aucune habitation, je repère l'indication de deux églises catholiques.
    Nous nous arrêtons pour prendre de l'essence. Les cartes postales en vente me permettent de situer précisément la région des poneys sauvages dont nous avait parlé Chip hier: les poneys Assateague, juste avant que le doigt ne rejoigne le poing fermé.

    La remontée de la presqu'île nous prend quatre heures à 55 miles à l'heure, qui deviennent 45 à l'abord des villes, de plus en plus nombreuses dans le poing. De la pêche et du tourisme nous passons à l'agriculture, champs de maïs et d'une plante verte et feuillue d'une quarantaine de centimètres que nous ne parvenons pas à identifier de la voiture: pommes de terre? (Nous envisageons un moment de nous arrêter pour tirer dessus, mais je ne sais pas très bien ce qui se passerait si l'on nous trouvait à déterrer les patates…)
    Cambridge, direction Annapolis, plein ouest, ponts, le soleil descend, c'est magnifique.

    Le centre historique d'Annapolis, tout en briques rouges, a beaucoup de charme. Mais après deux tentatives infructueuses (un hôtel, un distributeur de billets), une consultation de l'iPhone, un passage par le port, absolument délicieux mais sans une place pour se garer, nous abandonnons: nous sommes fatigués, tout a l'air cher et upper class. Nous sortons de la ville, trouvons un hôtel sur une aire d'autoroute et allons tester les hamburgers de Wendy's (très bonne salade aux myrtilles. Je me demande par ailleurs si je ne bois pas un peu trop de jus de cranberries.)

    Le soir, H., qu'Annapolis intéressait surtout par l'école navale, découvre que seuls les Américains peuvent la visiter.

    Notes

    [1] la Péninsule de Delmarva, voir le commentaire de Gv.

    Williamsburg et Virginia Beach

    Déception à Williamsburg, un peu par notre faute (partis beaucoup trop tard de chez Ruth, nous avons longtemps bavardé autour du petit déjeuner), arrivés presque à midi à Williamsburg, payé une fortune les billets pour la journée, pour découvrir que la plupart des "attractions" (toujours sur le mode jeu de rôle en 3D) se terminaient à dix-sept heures... eh bien sûr nous avons pris le temps de manger colonial dans l'une des auberges, ce qui a encore diminué notre temps utile. Je crois que cela énerve passablement Déborah. Moi aussi. Williamsburg m'a beaucoup déçue, sans doute parce que j'en avais un souvenir idyllique, venue ici dans le petit matin il y a plus de vingt ans.
    Tant pis. Nous ferons mieux une autre fois, nous nous organiserons, nous partirons plus tôt, nous mangerons plus vite. Ou nous ne reviendrons jamais.

    Toujours en vertu de mes souvenirs, nous avons tenté de trouver une statue de Pocahontas. Las, l'i-phone nous a conduit… au débarcadère d'un bac permettant de traverser un lac, ou un bras de rivière (tout est très vert, très irrigué, nature luxuriante). Nous avons fait demi-tour tant bien que mal, paniqués à l'idée d'être obligés de rester sur le bateau, de traverser la rivière, de devoir revenir, d'être en retard ce soir, de… (galope, galope l'imagination paniquée).

    Peut-être avons-nous aperçu Pocahontas de loin. Une fois de plus c'était un parc historique (je n'ose écrire d'attractions), et il était fermé. Peut-être celui de Jamestown. Ruth cherche à démontrer que ses ancêtres faisaient partie des premiers colons de Jamestown: «C'est encore plus prestigieux que les descendants du Mayfloyer», nous dit-elle.

    Nous apercevons une biche et deux faons tachetés de blanc; trop loin, pas de photo.

    Direction Virginia Beach, c'est loin, sans doute parce que cette journée fut décevante.

    Rendez-vous dans la maison où j'ai passé un mois il y a vingt-huit ans. Elle est vide, Ruth et Chip attendent que le marché immobilier remontent pour la vendre. En attendant ils font des travaux. Le jardin est impeccable, il doit y avoir un jardinier qui passe. Comme d'habitude, je suis impressionnée par l'absence de clôture, de volets: qui laisserait sa maison vide ainsi sans protection en France? Y a-t-il des alarmes? Ou sont-ce les voisins qui surveillent le quartier?
    En nous attendant Ruth et Chip ont gonflé des matelas pour les enfants, nous dormirons dans le seul lit de la maison. Avec un pincement, je montre aux enfants ce qui fut ma chambre; c'est la dernière fois que je la vois, je suis revenue juste à temps.

    Nous avons rendez-vous à Virginia Beach le soir. Soirée pizza chez la fille de Ruth. Elle a deux ou trois ans de moins que moi. Quand j'étais venue à dix-sept ans, elle semblait bouder, un peu jalouse de l'attention que me portait sa mère — qui me consacrait absolument tout son temps. Au milieu de mon séjour, elle s'était retrouvé aux urgences: mononucléose, grande faiblesse et grande fatigue, et j'avais culpabilisée d'avoir tant accaparé sa mère, et d'avoir mis sur le compte de la bouderie ce qui était peut-être la marque de sa fatigue (mais c'était peut-être malgré tout de la jalousie, puisque j'étais pour un mois la fille idéale, qu'on pouvait emmener dans tous les musées et maisons des environs sans que mon enthousiasme diminuât).

    Mais tout cela est loin. Soirée pizza, beaucoup trop de pizzas du fait de l'angoisse maternelle de Ruth. Kara vit avec un musicien dont la fille travaille comme serveuse à Los Angelès (elle n'a pas trouvé d'emploi avec son diplôme de marketing; Chip pense qu'elle devrait poursuivre ses études). Elle téléphone tous les jours à son père, et celui-ci revient excité et désespéré: «Vous savez ce qu'elle m'a demandé? Si je savais qui était Neil Young!! Si je sais qui est Neil Young?»
    Sa fille croise beaucoup de stars, Georges Clooney a très bonne réputation, il laisse des pourboires royaux.

    Les enfants s'endorment sur le canapé. Il est tard.

    Richmond

    Musée de la Confédération

    H. est gêné par le caractère partisan de ce musée qui est une ode à la gloire de l'armée conférée, je suis émue par le soin quasi-religieux avec lequel nous sont présentés l'uniforme de Lee, son lit de camp, des objets ayant appartenu aux différents généraux (j'ai oublié tous les noms), le sabot d'un cheval blanc légendaire pour les faits accomplis (mais lesquels? J'ai oublié aussi): reliques amoureusement conservées, nostalgie, robes des dames, vêtements de veuvage, famine, incendie… Comment ne pas penser à Autant en emporte le vent?

    Le soir Chip nous dira sa fierté d'homme du sud, «Je ne peux que condamner l'esclavage, et je ne peux pas regretter cela, mais je regrette ces hommes, leur élégance morale, leurs façons de vivre…»
    Nouveaux riches contre aristocratie de vieille lignée, nord contre sud, bourgeoisie contre noblesse, le capitaine de Borodino contre Saint Loup.



    Musée Edgar Poe

    Le plus grand musée Poe, annonce fièrement le tract. Si c'est réellement le cas, c'est effrayant: une petite pièce plus des objets. Il faut dire que Poe bougeait beaucoup, plus encore que Joyce: neuf lieux d'habitation en treize ans de présence à Richmond.
    J'apprends que Poe s'était enrôlé comme soldat, et qu'il avait acquis en deux ans le grade de sergent-major, grade le plus haut qu'un engagé pouvait atteindre, généralement en dix-sept ans. Devant ce succès, Poe s'inscrit à West Point, mais n'ayant pas les moyens financiers d'y rester, il s'en fit renvoyer.
    Je ne savais pas qu'il avait cette fibre militaire.

    Il épousa sa femme quand elle avait treize ans, elle mourut à vingt-quatre (sa mère et son frère sont morts à cet âge), il mourut deux ans après, en 1849 (né en 1809: je me souviens que Poe est l'un des exemples donnés par Humbert Humbert, avec celui de Byron. Et puis bien sûr Annabelle Lee).

    Poe n'a pas habité là mais dans la mesure du possible les meubles présentés l'ont connu. Tout est rassemblé là aussi avec un soin infini, l'histoire des objets nous est racontée (ainsi nous voyons sa canne parce que Poe l'a laissée chez un ami quelques jours avant sa mort, emportant par erreur celle de l'ami qui la conserva à titre de souvenir après la mort de Poe. D'héritage en héritage, elle parvint à un descendant qui en fit don au musée ou à la fondation). (Malheureusement les photos sont interdites à l'intérieur (parce que le musée ne possède pas tous les copyright, nous explique-t-on) et il n'y a pas de carte postale disponible pour compenser cette interdiction (ce qui est pour moi incompréhensible: à quoi bon interdire les photos si ce n'est dans le but d'en retirer quelque argent?)

    On nous informe que le mur du jardin contient des briques du bâtiment qui abritait le journal où travailla Poe, que les tessons de verre en haut du mur reproduisent un dispositif décrit dans William Wilson… (Photos ici) Là encore, une disposition de l'ordre du sentiment religieux est à l'œuvre. Au total, c'est un minuscule musée à visiter pour le soin infini que l'on sent mis à toute chose, mais aussi parce qu'il donne le sentiment que la vie de Poe était moins lugubre qu'on tend à se l'imaginer (il faut se souvenir que Poe est l'inventeur de la mise en scène de sa propre vie à des fins de promotion littéraire), entre sa femme vive et gaie, ses collègues journalistes, ses années militaires.



    Soirée

    Le soir repas de fête avec Ruth, Lucy et leurs maris. Chip m'impressionne par son calme et sa gentillesse. Nous rions beaucoup et racontons beaucoup d'anecdotes. Dans les années 90, nous avions hébergé Ruth et Chip chez ma sœur à Paris et ils ont conservé un souvenir émerveillé de... un yaourt au citron laissé dans le frigo par ma sœur!
    Jeux de mots, prononciation, souvent lorsque se présente un problème je tends à ma précipiter sur mon ordinateur. Je suis tout de même très accro.

    Quand j'avais quitté Ruth en juillet 1984, elle avait pour projet d'apprendre le russe, parce que, m'avait-elle dit, elle voulait utiliser un autre alphabet que le nôtre. (Elle mettait ce désir sur le compte d'être née au Japon).
    Elle l'a fait, et visiblement a passé plusieurs semaines en URSS (à l'époque) pour parfaire son russe.

    Elle nous raconte un souvenir extraordinaire: elle était à Moscou lors du coup d'Etat contre Eltsine en août 1991. Les rues étaient bordées de chars, son avion partait le jour même, elle a pris un taxi avec ses amies, elle pensait «nous n'y arriverons pas, nous allons rester ici», le taxi roulait, tout était silencieux, les chars bordaient la route, ils sont arrivés à l'aéroport.
    — Bien sûr, nous n'avions pas le droit de prendre les chars en photo. J'ai fait semblant de pendre une amie et Natalia en photo, je leur faisais signe de la main de se serrer, en fait je cadrais le char derrière elle.

    Et je pensais qu'elle était follement téméraire, que c'était un coup à finir dans les geôles soviétiques.

    Monticello, la maison de Jefferson

    C'est la deuxième fois que je la visite, l'impression n'est pas aussi vive que la première, mais cet endroit est absolument délicieux. Jefferson a construit sa maison comme d'autres se taillent un vêtement: entièrement sur mesure, au point que le lit fait un pouce de plus que lui.

    Le domaine était entièrement autosuffisant, le cuisinier avait appris la cuisine française en suivant Jefferson à Paris. Le domaine me fait songer à Cirey et Voltaire. L'esprit des Lumières souffle ici, entre l'écriture de la Déclaration d'Indépendance (tous les hommes sont créés égaux et ont droit à la vie, la liberté et la recherche du bonheur) et les recherches scientifiques en physique ou en botanique.

    Jefferson mourut accablé de dettes et le domaine fut vendu, y compris ses six cent esclaves. Il fut acheté par des admirateurs de Jefferson et remarquablement entretenu; tout ici est pratiquement d'origine, sauf les quelques livres exposés (la bibliothèque de Jefferson est à la base de la bibliothèque du Congrès à Washington).

    Lafayette et Jefferson se sont rencontrés à Monticello. La légende veut qu'ils aient vidé toutes les bouteilles du domaine en dix jours.





    Pas de carte postale, trop tard. Les musées ferment à cinq heures, parfois à six, ici nous avons le droit de nous promener dans le jardin jusqu'à sept parce que c'est dimanche, mais la boutique est fermée lorsque nous rentrons.

    Nouvelles locales

    Expression non politiquement correcte apprise au petit déjeuner:
    There are feathered-Indians and dot-Indians (les indiens à plumes et les indiens à point). Et si vous le pouvez, grattez les indiens à point pour vérifier si vous avez gagné quelque chose.

    Explication du panneau «You cannot afford D.U.I»: c'est «Driving under influence», alcool ou drogue.

    Nouvelles lues dans un journal trouvé sur le siège arrière de la voiture de Chip:

    Everglades City, FLA.
    Wally Weatherholt, âgé de 63 ans et capitaine d'un hydroglisseur, a tenté d'attirer un alligator avec des chamalows afin de permettre aux touristes de faire une photo de choix. Quand il a commencé à frapper l'eau avec les sucreries, un alligator a surgi et lui a arraché la main gauche. L'animal a été abattu et une tentative de greffe a échoué. Weatherholt risque une amende ou la prison pour avoir nourri l'alligator.

    Wilmington, N.C.
    La police poursuivait Travis Keith Glaspie pour de nombreuses infractions. Au cours de son arrestation, Glaspie stupéfia les hommes de Wilmington les plus endurcis en arrachant presque l'oreille du K-9 Maxx[1] avec les dents. Glaspie en fut quitte une morsure de chien dans la cuisse et une accusation d'agression sur un animal des forces policières, tandis qu'il fallut quinze points de sutures pour réparer l'oreille de Maxx.

    source:Blue Ridge Outdoors, august 2012

    Notes

    [1] K-9: ca-nine, canine, une unité militaire entraînant des chiens, par extension un chien policier

    La (longue) blague du week-end

    Deux mille-pattes s'en vont bras dessus, bras dessous, bras dessus, bras dessous, bras dessus, bras dessous,...

    De New Stanton à Charlottesville

    Breakfeast en self-service, cette fois j'essaie le porridge à la cannelle. Acceptable. Le micro-ondes est une pièce de collection.

    Sud-Est, Est. Je suis fatiguée d'entendre la voiture peiner, ma boîte de vitesse me manque. 65 miles en descente dans les virages sans rétrograder, je n'y arrive pas, cela m'effraie. Et la direction assistée est trop assistée, le volant n'est pas assez lourd, je n'ai pas l'impression de tenir les roues. Tout cela me démoralise, j'ai l'impression de non assistance à voiture en danger, elle peine et je ne peux pas l'aider. Je laisse le volant (et j'écris: hier j'ai conduit, je n'ai pas écrit).
    Les oiseaux ont changé (aux chants: on ne les voit pas), les grillons sont toujours aussi présents. Plus de circulation, plus de Harley, la température s'élève peu à peu.

    Traversée du Potomac (fleuve de Washington D.C.). Peut-être parce que nous sommes dimanche, peut-être parce qu'il fait beau, nous croisons beaucoup de bikers en Harley (je ne suis pas sûre que ce ne soit pas un pléonasme), dont une femme ayant derrière elle un chien portant des lunettes de soleil roses.



    Pause déjeuner. Martin au McDonald, cheveux blancs, nous écoute patiemment passer commande et nous demande si nous sommes français ou belges. Plus tard, il réussira à s'éclipser de sa caisse pour nous dire qu'il est allé à Paris il y a cinq ans et nous prévenir d'être prudents sur la route: nous allions changer d'Etat et les limitations de vitesse étaient plus strictes en Virginie.

    Parc national de Shenandoah, les cent miles les plus au nord de la Skyline drive, rien que le nom fait rêver (mais nous n'irons pas dans les montagnes bleues).



    Un ours, trois biches, des chipmunks (Tic-Tic et Tac-Tac), un cerf, des MacMahons (papillons), des fleurs.
    Au pied des chutes d'eau d'Hollow creek, à huit cent mètres de la route au bout d'un chemin très escarpé un bel exemple de... De quoi? Tolérance, intégration, melting pot? Indiennes en sari et puritaines en bonnets de tulle.

    Virginie, il fait bon, le soir tombe. Nous sortons au bout de cinquante miles et non cent, la randonnée jusqu'aux cascades a pris beaucoup plus de temps que prévu et je ne veux pas arriver trop tard chez Ruth.

    Soirée comment dire? Soirée souvenirs. Photos, moi à dix-sept ans à Virginia Beach, moi à trente-et-un an sur la Tour Eiffel (J-179 avant l'an 2000, c'est noté sur la photo (c'est la dernière fois que j'avais vu Ruth)) que je n'avais jamais visitée avant d'y accompagner Ruth... Les enfants sont séduits par sa gentillesse (et O. par le fait qu'elle chasse les écureuils au pistolet à eau (pour protéger ses oiseaux)), et moi je n'en reviens pas d'avoir autant de chance. Tout ça parce qu'à dix-sept ans, quand il a fallu écrire une lettre de présentation pour les familles d'accueil, j'ai écrit quatre pages au lieu d'un quart... Et j'ai été envoyée chez Ruth.

    Trois biscuits chinois

    O: «Dieu vous aidera à surmonter toutes les difficultés.»

    H: «Gardez les pieds sur terre quelles que soient les flatteries de votre entourage.»

    moi: «Vous trouvez de la beauté dans les choses les plus ordinaires. Ne perdez pas cette faculté.»

    Des chutes du Niagara à New Stanton

    Lever neuf heures au lieu de sept heures pour compenser le coucher tardif, et petit déjeuner chez Denny's. («Il y a Denny's à deux pas», nous avait indiqué la jolie rousse comme une promesse de plaisirs inouïs, et comme cet atout était également proclamé sur la pub du coupon, nous étions curieux de voir ce qui faisait rêver cette jeune femme.)
    Quand nous poussons la porte vers dix heures (il nous a fallu un peu de temps pour réorganiser les valises (basiquement vider un sac de sport dans les autres pour avoir moins de volumes à tétriser dans le coffre)), nous sommes surpris de découvrir une salle pleine: est-ce comme cela tous les jours, ou un week-end réussi commence-il par un breakfeast chez Denny's?
    L'ameublement est celui d'un fast-food, mais ce n'est pas un fast-food: on s'assoit comme au restaurant, on consulte la carte et on commande.

    Et ça vaut le détour; nous consommons suffisamment de calories pour tenir la journée (et tant mieux, car c'est à peu près ce qui va nous arriver).
    Je laisse tomber le menu "pancakes aux fraises" (aucune envie de manger de la glace à la vanille et de la chantilly avec mes œufs brouillés) et prend le "new" menu "pancakes aux myrtilles". Un peu lourd pour un estomac français normalement constitué, on mange avec la sensation qu'on ne le devrait pas, mais basta, demain (et même aujourd'hui) nous serons loin, profitons.
    La preuve que ''Denny's'' est grand, c'est qu'il ne sucre pas les boissons à priori. (Le sucre semble être aux Américains ce qu'est le piment dans d'autres parties du monde.) Je remarque une fois de plus des plats où seuls le blanc d'œuf est utilisé dans l'omelette, le cholestérol semble plus redouté que de diabète.

    Nous prenons la route à onze heures, ce qui est bien trop tard pour ce que nous avons prévu de faire. Je viens d'écrire à Ruth que nous arriverons à Charlottesville demain soir, et que ce soir nous serons au-delà de Pittsburgh (avec une "h", précise wikipedia, à ne pas confondre avec Pittsburg).

    Routes 219 puis 119, plein sud. Pennsylvanie. Nous entrons dans la forêt des Alleghanys, ou quelque chose comme ça. Pour résumer, nous aurons sur une distance Paris-Poitiers ou Paris-Bordeaux (la vitesse réduite à laquelle nous roulons pertube mon appréhension des distances qui n'est déjà pas excellente) une densité de peuplement qui ressemble à celle entre Lamotte-Beuvron et Vierzon (pour ceux qui connaissent).
    Les maisons apparaissent de loin en loin au bord de la route, forêts. Des acres sont à louer, apparemment la région (du moins les particuliers) vit de la vente du bois et des sports d'hiver. Ce n'est que vers la fin de la journée que nous atteindrons davantage de prairies, de vastes étendues gazonnées tondues à la Suisse.

    Nous nous arrêtons vers deux heures dans une station-service après Salamanque, presque à la frontière de l'Etat de New York et de la Pennsylvanie. Nous cherchons une carte, mais il n'est pas prévu de souhaiter descendre vers le sud par cette route: les cartes concernent les comtés du nord. L'employée, une dame très ridée, est née à Maastricht (Car dès que nous disons que nous venons de France (en réponse à «Haï gaïs, where d'you come from?», les connexions européennes affluent: j'ai un frère, un oncle, l'année prochaine nous allons, l'année dernière ma fille…)). Ce n'est que bien plus tard que je ferai le lien avec l'occupation américaine en Allemagne.

    Les routes du sud de l'état de New York sont mal entretenues, oui, «adopt a highway», car elles sont abandonnées. "Rough road" indique une bretelle d'accès à une quatre voies, et la chaussée est pleine de cicatrices, de pansements de goudron, il y a une fente entre les deux files dans laquelle apparaît de l'herbe ou de la mousse.

    Les panneaux me plaisent beaucoup: «Chasseurs de dindes, soyez sûrs de votre cible avant de tirer» (à prendre au premier degré), «Buckle up for the next million miles» (Attachez votre ceinture durant le prochain million de miles) et aussi, plus effrayant «Blessé dans un accident? Appelez le 888-8888», pub pour un avocat.
    Ah, et le pictogramme "ours", nous faisant rêver à une traversée de grizzlis devant le pare-choc…

    Sept miles avant Punxsutawney, un pictogramme sur un panneau nous enjoint de faire attention aux carrioles tirées par des chevaux (vitesse limitée à 55 miles) et "sur comme la mort" nous arrivons derrière un cheval au grand trot conduit par deux enfants. Ils se garent le plus possible mais je ne suis pas pressée de les doubler, nous les prenons en photo. Amish (malgré tout ils se modernisent car le soir à l'hôtel je trouverai une affichette publicitaire pour leur artisanat.

    Punxsutawney. Qui a deviné pourquoi nous avons fait ce détour? La première chose que nous voyons en arrivant est une gigantesque marmotte (qui ressemble à un castor) sur un surpermarché.

    Deux déceptions: cela ne ressemble pas du tout au film et tous les magasins de souvenirs (souveuhnirrr) sont fermés (il est quatre heures un samedi). Petit tour sur internet à partir du wifi du McDo local: le film n'a pas du tout été tourné ici, mais dans une ville de la région des grands Lacs.
    Oui, nous sommes là à cause du Jour sans fin, et quand les enfants le comprennent enfin, ils sont absolument navrés par tant de bêtises (les ados qui vous expliquent comment vous comporter rationnellement me laissent toujours perplexe).
    Deux satisfactions: la caissière du supermarché, après avoir murmuré rêveuse «Je n'ai jamais eu de clients venus d'aussi loin» nous indique l'endroit où trouver la marmotte (nous ne savions pas qu'il y en avait une) près de la bibliothèque municipale (et la pelouse centrale ressemble enfin au film) et au grand désespoir des enfants nous nous photographions près de la statue d'une marmotte géante.

    Voir Punxsutawney et mourir (d'ennui). Ce ne doit pas être drôle de grandir ici (6000 habitants, une ville jugée digne de figurer sur la carte Michelin 930 des Etats-Unis comme seule grande ville à des miles à la ronde). Et c'est plutôt laid.

    Ensuite le paysage devient plus plat et moins boisé. Les maisons sont entourées de prairies plutôt que de pelouses, et nous croisons régulièrement des animaux écrasés (deux biches ou chevreuils, des ratons-laveurs). A Burrell, nous avons la surprise de voir surgir entre deux lignes de crêtes trois immenses cheminées, plus hautes que les deux tours de refroidissement de la centrale nucléaire qu'elles surplombent («Quatre tranches», dit H.). L'ensemble est inmanquable, installé en hauteur dans le paysage.





    Pittsburgh. Notre projet était d'y dormir et de visiter le musée Warhol demain (à l'origine cet après-midi, mais la route a été beaucoup plus longue que prévu), mais tous les hôtels sont complets: convention aéronautique, nous explique une réceptionniste, nous ne trouverons rien à quinze miles à la ronde.
    Nous consultons les enfants, seront-ils très déçus de manquer les Warhol? Non, je ne suis même pas sûre qu'ils aient vraiment identifié Marylin au MoMa (ces quelques visites dans les musées me font constater une fois de plus à quel point leurs livres scolaires manquent d'images mythiques, de Monet, de Warhol, de pas de l'homme sur la lune, de visage d'Henri IV ou François Ier, de choses que l'on est tout heureux de découvrir soudain dans la réalité).

    Tant pis pour Pittsburgh. Nous devons être à Charlottesville demain soir, je l'ai dit à Ruth, et je veux prendre une section de la skyline drive. Hôtel ou motel à vingt miles à l'est de Pittsburgh, le jeune homme de l'accueil nous fait une réduction «parce que c'est nous», je me demande si c'est vrai car c'est la deuxième ou troisième fois que cela nous arrive (est-ce notre accent français?), j'ai l'impression d'être dans un système SNCF où le prix dépend du remplissage de l'hôtel (bref, la chambre est à soixante-cinq dollars contre cent trente-neuf affichés, soit vingt de plus que le taudis d'hier).

    Celui-ci nous plonge dans Barton Fink:





    Les filles ne veulent pas manger, je sors avec H. et O. rejoindre à pied (à pied!) le restaurant chinois à cent mètres.
    Intriguée, je choisis des "wallnut shrimps" (crevettes aux noix), plat que je n'ai jamais vu en France. (J'aime bien comparer les cuisines étrangères dans les pays étrangers. Naïvement je pensais qu'elles étaient toute pareilles, que manger indien en France ou en Suède était la même chose: et bien non). Le plat est décrit comme crevettes à la mayonnaise avec des noix, mais je me dis que ce doit une autre définition de la mayonnaise.
    J'avais tort. Crevettes frites par deux de façon à former un cercle, recouvertes de miel puis de mayonnaise, avec des noix confites qui se décomposent sous la dent.
    C'est atroce. Je ris aux larmes. «Pauvres bêtes, Astérix» (Astérix et les Bretons).
    — Ils auraient mieux fait de continuer à tenir des blanchisseries!
    — «Dès que j'aurai fait assez d'économies j'ouvrirai un restaurant».
    — C'est dans quoi, ça?
    Le 20e de cavalerie.
    Je gratte la mayonnaise et par politesse, je mange les deux tiers du plat.

    J'insisterai même pour laisser deux dollars de tip, car je ne voudrais pas qu'ils se doutent d'à quel point c'est mauvais.
    Mais j'ai sans doute tort, ils ne doivent pas manger leur cuisine. Ils devraient essayer, une fois.

    — «Avec du miel?»
    — «Il y a même de la graisse d'urus».
    — Ah mais oui, tu as raison, c'était une orgie! (Astérix en Helvétie, pour ceux qui ne connaissent pas.)

    Rentrée à l'hôtel, j'écris des cartes postales en regardant Men in Black II. Je n'ai plus de timbres.

    Les chutes du Niagara

    Il fait frais — en fait il fait bon, une vingtaine de degrés. J'ai oublié de dire qu'hier nous avons suivi l'Hudson durant plusieurs miles, c'est un fleuve puissant dès sa source. La région est très verte, très humide. Les maisons sont toujours en bois, comme sur la côte, mais leurs couleurs varient tandis que dans le Massachussets elles étaient grises. Nous avons traversé quelques villes pimpantes (Dalton City, Williamsburg) donnant une vague impression de décors (trop de films vus, décidément. Hier un camion s'est calé derrière nous pour profiter de notre vitesse constante puis s'est arrêté à la même aire que nous: Duel), le reste du temps les maisons sont éloignées les unes des autres. Nous croisons des schoolbuses jaunes et vides et nous nous demandons où ils vont, si éloignés de tout à des heures aléatoires.

    Le motel où nous étions hier soir résume mon impression depuis celui de Sandwich: tout est conçu pour les voyageurs au long cours qui ne rentrent pas chez lui. Les chambres (moyenne gamme) proposent un fer à repasser, un frigo (et un seau à glaçons — mais la vie sans glace leur est inconcevable), un radio-réveil, un four à micro, une télé, une cafetière, mais le tout utilitaire, pratique, pas spécialement moderne, donnant parfois l'impression qu'il s'agit de l'ameublement de seconde main d'une maison secondaire aménagée avec les appareils un peu usés qui finisse leur vie ici tandis qu'ils sont remplacés par des neufs dans la maison principale. Sur fond de moquette brun rouge et de papier peint uni ou à fleurs, tout cela est curieusement chaleureux, ni intime ni impersonnel, bienveillant.
    D'autre part les motels proposent des machines à laver en libre service. Il semble acquis que vous pouvez vivre dans votre chambre quelques jours, y faire la cuisine (au micro-ondes), votre lessive, repasser, etc.

    Le ciel est blanc. Il est 10h23. Il pleut depuis le matin, adieu tongs, basketts pour tout le monde. Je retourne à l'écriture des billets en retard (trois, il me semble). En face de nous un bouchon impressionnant est en train de se former (plusieurs miles), nous avançons en croisant les véhicules qui vont se prendre dans la nasse. Impossible de les prévenir. N'écoutent-ils pas la radio?
    La faune change, marécages, roseaux, les arbres sont moins haut. Premiers "vrais" champs cultivés (je veux dire d'une taille conséquente, et non coincés entre deux forêts), maïs et sans doute céréales. Pas de bétail. Depuis un moment déjà, à mon grand bonheur, les granges sont rouges.

    Nous réservons sur une aire d'autoroute une visite organisée des chutes pour l'après-midi: quatre heures de promenade. L'intérêt à priori est d'avoir des billets coupe-file pour échapper à une foule grouillante (en réalité nous aurons beaucoup de chance: où sont passés les gens, il y avait peu de monde) et des explications. Nous devrions être en groupe de vingt maximum, nous ne serons que cinq, ce qui fait que cela se transformera en visite personnalisée.

    J'admirerai la progression dans l'élaboration de la visite: d'abord les gorges en aval des chutes, où l'eau atteint plus de 60 km/h (j'y vais prudemment avec les chiffres, car entre le fait que je ne les comprends pas avec suffisamment de sûreté et le fait qu'il faut convertir mentalement des miles en kilomètres, puis se souvenir du tout, j'ai toujours peur d'exagérer). Ici se trouvent les rapides les plus rapides du monde. Le lit fait ensuite un coude de cent trente cins degrés et à l'endroit du coude l'eau a creusé une vaste piscine circulaire appelé "the whirpool": la vitesse de l'eau, sa température et le changement de direction produisent à cet endroit deux courants circulaires en sens opposé, très dangereux.





    Sur la rive canadienne, un téléphérique permet de passer au-dessus de cette marmite infernale à l'air paisible.
    Plus bas, l'eau rejoint le lac Ontario, puis le Saint-Laurent, qui représente vingt pour cent des réserves d'eau douce du monde. Ensuite les îles en amont de la chute: île de la chèvre et îles des trois sœurs. L'eau qui arrive du lac Erié se sépare ici, vingt pour cent passe du côté américain et quatre vingts du côté canadien, où la falaise est en forme de fer à cheval.
    Nous ne voyons plus la rivière dans son état naturel, nous ne voyons que trente à cinquante pour cent de l'eau qui devrait couler ici: le reste est détourné dans des turbines souterraines, des côtés américain et canadien, pour produire, en ce qui concerne le côté américain, neuf mégawatts (gigantesque statue de Telsa sur l'île, devant l'arc de triomphe qui rest de la première usine installée ici au dix-neuf siècles). La quantité d'eau prélevée varie entre le jour et la nuit, l'été et l'hiver: en un mot, il en est prélevé davantage quand il y a moins de touristes. De même, l'eau est rejetée loin en aval, où sont installées les centrales hydrauliques, de manière à ne pas abîmer le site.

    La falaise est composée d'une couche meuble et d'une couche plus dure, par-dessus, ce qui fait que l'eau creuse d'abord la couche meuble, créant une caverne, jusqu'à ce que le toit de cette caverne s'effondre. Lorsque toute l'eau se déversait, la falaise reculait ainsi d'un mètre cinquante (five to six feet) tous les ans, maintenant, avec les prélèvements d'eau, c'est plutôt trente centimètres (one foot). Dans les années soixante, un rocher de deux cents tonnes s'est ainsi effondré du côté américain, et les ingénieurs de l'armée sont venus dégager les rochers et reconstituer l'angle droit de la falaise afin que l'aspect spectaculaire de la chute ne soit pas affecté (je n'arrive pas à imaginer comment il est possible de travailler au-dessous d'une eau aussi puissante. Voilà une expérience qui doit être riche d'enseignements). C'est également l'armée qui à cette occasion a établi certains des ponts entre les îles.

    Le parc sur les îles a été aménagé par le même architecte que celui de Central Park qui a voulu en préserver l'aspect naturel, et les abords sont peu abîmés. Il s'agit ici du plus vieux parc naturel (zone protégée) des Etats-Unis créé en 1887 (? à vérifier) par expropriation des propriétaires privés qui possédaient les terrains le long de la rivière et faisaient payer les visiteurs pour la vue.
    Cela explique l'aspect très différent des rives américaine et canadienne: au Canada les immeubles sont construits (presque) au bord de la rive. La brume d'eau est si dense qu'elle s'élève jusqu'à moitié de leur hauteur.
    Le guide nous a déposé au nord du parc et laissé vingt minutes pour arpenter les îles des trois sœurs. En amont des îles, l'eau est encore à son plus haut, mais en étant obligée de se séparer (il faut supposer que la roche au niveau de l'île est très dure, sinon, pourquoi et comment ces îles? Sans doute étaient-elles beaucoup plus vastes il y a des centaines d'années), elle commence à acquérir de la vitesse. Ce qui est impressionnant, c'est la quantité d'eau, pas réellement sa vitesse dont on ne parvient pas à avoir une conscience claire. Trente secondes d'ici aux chutes, or il doit y avoir une centaine de mètres.





    Progression toujours, nous sommes enfin admis à voir les chutes, la chute canadienne en l'occurrence, à partir de l'île de la chèvre. Bruit et bruine, vapeur intense qui fait que l'arête de la chute n'est pas parfaitement visible (des immeubles canadiens on ne doit rien voir). Puissance de l'eau. Ce n'est pas tant beau qu'effrayant. L'eau est verte et blanche, le rocher transparaît au niveau de l'arête, on dirait une vaste avancée de roche noire, plate et mince scintillant sous l'eau transparente et verte.
    Ce qui est difficile à saisir, à concevoir, c'est que cela ne s'arrête jamais. D'où vient toute cette eau? Pas de pitié, pas de repos, machine à broyer perpétuelle, avec remous, éclaboussures et allégresse, force joyeuse.
    (Que faisaient les Indiens ici? Ils ne pouvaient pas traverser (où alors l'hiver? Les petits bras peuvent-ils geler et permettre le passage?). Je regretterai d'avoir posé la question au guide qui expliquera que cet endroit fut longtemps interdit aux Blancs. Les chutes étaient leur dieu et il lui sacrifiait une vierge de temps à autre, en l'abandonnant en amont sur un canoë (d'où le nom des bateaux: the Maid of the Mist).

    Fin des explications théoriques, passage aux attractions touristiques: la grotte des vents (qui n'est pas une grotte, nous dira le jeune homme dans l'ascenseur qui nous descend au pied de la falaise. (Beaucoup d'étudiants ici, je pense, à l'air infiniment las et prisonnier. Mais c'est peut-être moi qui projette mon inconfort à passer en vacances devant ces jeunes gens à l'air triste)). On nous distribue des sandales dans une sorte de polystyrène (exactement la matière qui sert aux boudins pour apprendre à nager, les "frites").
    — Tu crois que nous pourrons les garder?
    — Ils jettent systématiquement les couverts et les assiettes, jeter des sandales ne doit pas les gêner.
    (Il aura raison. Ça va faire très chic, des sandales "Niagara Falls" sur mon ponton d'aviron à Neuilly).
    Sandales, donc, et poncho jaune imperméable (entièrement recyclés, eux, à déposer dans des poubelles dédiées). Promenade sur des pontons à flanc de falaise, au pied puis à environ un tiers de la hauteur de la chute américaine. Nous sommes trempés comme si nous étions passés sous la douche. La violence de la chute devient une évidence en la voyant et l'entendant frapper les rochers à quelques mètres sous nos yeux.
    Le ponton est détruit au début de chaque hiver et reconstruit après le dégel. Le froid fait éclater la structure interne du bois. Il est couvert d'algues par endroit (toujours cet émerveillement devant la vie obstinée dès qu'une circonstance favorable se présente dans un environnement hostile). Je contemple l'un des pieds posés sur le rocher qui tremble sous la puissance de l'eau. Comment cela peut-il tenir une saison entière, avec en outre le poids des touristes?

    Fin en apothéose avec un tour en bateau au pied des chutes canadiennes. Poncho bleu. Inattendu: le vent. Au pied des chutes, une partie de l'arête est invisible tant la brume d'eau est importante. Pluie et vent. (Un fou a tenté de franchir les chutes en jet ski dans les années cinquante: il avait l'intention d'ouvrir un parachute une fois passé l'arête de la falaise. Je pense aussitôt que la portance de l'air n'est pas suffisante, mais le problème ne s'est pas posé: sous le poids de l'eau dans l'air, le parachute ne s'est pas ouvert.) Ce que je n'arrive pas à imaginer, c'est la descente ensuite, dans les gorges que nous avons vues au début. Une partie de soi est attirée, à envie de savoir: et si on essayait, pour voir, pour savoir, tandis que l'autre raisonne, mais ça ne va pas la tête, on t'a dit ce qu'il en était, as-tu vraiment besoin de vérifier? (réponse: oui), tandis qu'une troisième voyage, imagine le sentiment de vertige, de perte, d'impuissance…

    Ce qui m'impressionne le plus finalement, ce sont les hommes. L'attraction sur le bateau existe depuis le milieu du XIXe siècle, elle se faisait en bateau à vapeur (!). Dans les années cinquante, l'un des bateaux a pris feu pendant les réparations de l'hiver, il n'en est resté que quelques morceaux dans lesquels ont été taillés des "nickels" devenus de rares objets de collection (ils sont fous ces Américains). La ligne appartient à une seule famille.
    Dans les années vingt, les touristes passaient derrière la chute (the Briddal Fall, une "petite" chute à côté de l'américaine, séparée par une langue de terre) visiter la grotte naturelle derrière le rideau d'eau (je pense à Tintin et il me semble comprendre l'origine de tous les romans où l'entrée de la chambre au trésor se trouve en arrière de la chute), mais la grotte s'est effondrée et elle n'existe plus.

    Le soir nous revenons pour le feu d'artifice tiré le vendredi et le dimanche de la rive canadienne et du motel au feu d'artifice, nous avons longé l'usine électrique, magnifique dans la nuit (je ne suis pas sûre qu'il était prévu qu'un touriste se trouve là («Vous ne devriez pas être ici», mais confier l'iphone à O. permet des trajets inattendus).





    Nous avons trouvé un motel miteux (pas toujours une bonne idée, les coupons). J'ai failli dire à H. de laisser tomber en apprenant que les coupons n'étaient pas valables le vendredi et samedi, qu'il fallait du cash car la machine à carte bleue était out (mais y en a-t-il jamais eu une?) et en lisant sur le comptoir "No refund" au gros feutre noir. Mais la demoiselle était rousse avec des taches de rousseur (— Mais pourquoi vous avez pris les chambres, alors? — Parce que la demoiselle était rousse. — Non mais, tu crois vraiment que ça compte? — Bien sûr que je le crois.) et au fond tout cela me fait rire et j'étais curieuse de voir les chambres.%%% Pas de moustiquaire, pas de shampoing, un climatisateur asmathique, de la rouille, des rideaux pendouillants que j'ai fermés avec ma pince à cheveux (impossible de ne pas les fermer, nous sommes au rez de chaussée, fenêtre sur cour, pas de volet). Je pense que tout est propre, mais tout est jaune, et la rouille donne toujours l'air un peu sale.
    Oui, cela me fait rire et me serre le cœur. J'essaie d'imaginer la vie ici. Les quartiers que nous avons traversés paraissent très pauvres, les plus pauvres depuis le Queens. Pourtant c'est une région riche, entre l'agriculture et l'électricité. Visiblement tout le monde n'en profite pas.
    Ou n'est-ce que le froid qui abîme les maisons et donne cette impression d'abandon à tout?

    Amherst et Arrowhead

    Je tape en voiture. C'est très pratique. Je suis installée au milieu à l'arrière et la clim me souffle sur les genoux, la sortie d'air est camouflée autant que possible par une casquette. Je suis en jean, j'ai découvert hier que les peaux collaient trop pour être trois en short côte à côte sur le siège arrière (jusqu'ici j'avais presque toujours conduit, préférant que ce soit H. qui prenne la responsabilité du pilotage: en cas de problème il proclame que la carte est fausse (ce qui peut être vrai), tandis que si je pilote je me plains de ne rien comprendre à la carte (et c'est sans doute que la carte est incompréhensible, mais il me reste toujours un doute).
    Le problème de cette place arrière est qu'elle est légèrement surélevée, ce qui fait que j'ai le rétroviseur en face des yeux. Mais à part ça, ce n'est pas mal comme place.

    Nous roulons depuis huit heures du matin vers l'ouest. Nous avons traversé (ou contourné, selon les interprétations: suivi la route) Concord, où se trouve le cimetière de Sleepy Hollow (Emerson, Thoreau, Alcott, Hawthorne sont enterrés là (les "transcendantalistes")). Le paysage change lentement, nous montons, nord des Appalaches.

    Surprise en sortant de la voiture: nous avons regagné les degrés perdus à Boston et Gloucester, il fait aussi chaud qu'à New York, avec la même impression d'humidité.

    Excellente visite de la maison d'Emily Dickinson, avec la même question du guide que celle que nous avons eu hier aux Sept pignons: «Qui connaît Emily Dickinson?» Nous sommes deux à lever la main (quel motif guide la visite des autres? Cela m'intrigue). La visite s'appuie sur des poèmes et des lettres d'Emily Dickinson, présentée comme le poète (en passe d'être reconnu) le plus important des Etats-Unis (pensée pour Whitman), dont la maison attire des visiteurs du monde entier (il est émouvant d'imaginer des gens du monde entier converger vers Amherst au nom d'Emily Dickinson, comme il est émouvant d'avoir vu des Argentins, des Australiens ou des Japonais trouver la route de Cerisy, guidés par un instinct mystérieux et sûr (je songe aux saumons remontant les cours d'eau, aux anguilles traversant l'Atlantique: quel instinct guide les intellectuels amoureux?))

    Le père d'E. Dickinson avait promis à sa future épouse "un bonheur rationnel" (a rational happiness).

    Et tandis que j'écris cela midi est passé, nous avons déjeuné et repris la voiture. Nous roulons vers Pittsfield. Nous continuons de gagner peu à peu en altitude, le bleu du ciel devient très pâle; parfois la route atteint un plateau — prairies et maisons, toujours en bois —, puis monte encore entre les arbres tandis que des montagnes se dessinent devant nous — des montagnes basses, impression de Vosges.

    Emily avait un frère aîné et une sœur puînée. Enfant, elle habita une maison près du cimetière, et la guide de commenter: «Elle voyait au moins un enterrement par jour (death by the window), ce qui a sans doute impressionné sa nature sensible d'enfant».
    Personne ne sait exactement pourquoi elle se mit à s'habiller en blanc, mais la guide remarque en riant que c'était une option plus hygiénique que le noir, car les taches se voient aussitôt. Dans le même temps elle ne sortit plus de la maison. Il faut dire que sa robe ressemblait plus ou moins à une chemise de nuit et était loin des jupons et corsets requis par l'habillement féminin en société. Elle intriguait ses voisins qui cancanaient, elles s'en moque dans ses lettres (mais je n'ai pas compris les lettres-poèmes; dès que la syntaxe se désarticule, je me perds à l'oral).

    Nous ne possédons que les lettres envoyées par Emily Dickinson, car sur son lit de mort elle a demandé à ce que celles qu'elle avait reçues soient détruites. Concernant ses poèmes (sa famille et ses amis savaient qu'elle écrivait, ce n'était pas un passe-temps mais une occupation à plein temps, elle envoyait des poèmes, elle en offrait pour les anniversaires), sa sœur dut faire un choix, car E. Dickinson n'avait émis aucun souhait. Finalement les lettres furent rassemblées et les poèmes publiés, avec beaucoup de difficultés car il en existait de multiples versions.

    Une salle est destinée à montrer la façon dont E. Dickinson travaillait au cours des mois, reprenant un poème, ajoutant une croix et une sorte de note de bas de page lorsqu'elle songeait à un autre mot possible: elle ne choisissait pas, ce qui a reporté sur les éditeurs la responsabilité d'établir la version "définitive" (''qui évidemment dans ses conditions n'existe pas. Il existe une édition annotée qui présente toutes les notes et versions possibles. C'est un livre de référence universitaire qui coûte une fortune (pense la guide qui nous en donne le prix que je n'ai pas compris)'').
    Nous sont montrés aussi l'absence de titre des poèmes (les 1775 poèmes sont référencés par leur premier vers), l'usage des majuscules, des tirets, de la ponctuation en général, des fausses rimes (assonances).
    Je suppose que la guide doit être doctorante. Je n'ose pas discuter. Il va être temps que je prenne de vrais cours de conversation en anglais (Echange: conversation sur Proust en français contre conversation en anglais sur Joyce, Pound ou Melville.)

    L'association a plusieurs projets: reconstituer la bibliothèque d'Emily Dickinson dont elle possède l'inventaire en faisant appel à tous les bibliophiles qui trouveraient par hasard (ou pas) un de ses livres chez un bouquiniste ou une vente par lot (cela s'est déjà produit et elle en a déjà récupérés) et remonter la serre (E. Dickinson était une botaniste éclairée) dont elle possède les panneaux de verre d'origine et les plans.

    Dîner après avoir dépassé Albany. Orage. Nous venons de perdre dix degrés, de trente à vingt. Nous suivons l'Hudson (prise de conscience que nous sommes exactement à la vertical de New York (ça y est, je me souviendrai de quel côté est la rivière: ouest de Manhattan): le Massachussets est l'État qui déborde à l'Est de la verticale de l'Hudson). Panneau: Utica 48 miles.





    Le pare-brise de la voiture est propre: où sont les insectes?

    J'achète des livres, les poèmes, les lettres (édités par Johnson, puisque ''Travers Coda'' indique que c'est lui qui a établi la première édition respectant l'utilisation des tirets), une biographie.

    Il ne pleut plus. Ciel dégagé, soleil couchant.





    Ensuite direction Arrowhead près de Pittsfield pour voir la maison de Melville (pour des photos d'Arrowhead (et autres sites littéraires et artistiques), voir ici). Je suis un peu déçue de ne pas y trouver la correspondance Melville-Hawthorne que j'attendais là après mon échec aux Seven Gables hier. La visite guidée commence dans vingt minutes, nous discutons avec l'homme au comptoir. La conservation de la maison dépend entièrement des visiteurs (elle reçoit parfois un legs) (à Déborah qui me dit que les tee-shirts sont chers, je réponds que c'est un moyen de soutenir l'association) et le caissier trouve la saison bonne pour l'instant: 64 visiteurs hier, un jour de semaine.

    La visite m'apprend des détails que je saurais sans doute si j'avais lu la biographie traduite par Patrick (celle de Mumford) et je culpabilise un peu.
    A l'horizon, au nord, le mont Greylock est presque invisible dans la brume de chaleur. Nous apprenons que le père de Melville était riche, que sa femme était hollandaise, et que Melville comme sa femme avaient des héros de la guerre d'Indépendance dans leurs ancêtres. L'un d'entre eux a participé à la Boston tea party.

    Le père de Melville est mort ruiné, et Melville dut travailler à onze ans. Il fit plusieurs métiers, dont celui de garçon de ferme chez son oncle Thomas dans la région d'Arrowhead, ce qui explique que Melville songea à cette région quand il fut devenu célèbre et riche après la publication de Typee. (Sans doute paya-t-il la maison deux fois son prix tant il était anxieux d'acquérir Arrowhead, qui était alors une petite ferme en activité.)
    Il n'y avait alors aucun arbre sur le terrain car le bois était vendu pour faire du charbon, et les pins que nous voyons, plus que centenaires, ont été plantés par Melville (une photo montre les pins plus petits que les hommes).

    Melville arriva dans la ferme avec le manuscrit de Moby Dick qu'il déclarait alors terminé. Mais il y travailla encore un an et l'on pense que l'influence d'Hawthorne, qui habitait à quelques miles et qu'il rencontra au cours d'une promenade, l'amena à remanier profondément le manuscrit.
    C'est sa femme qui se chargeait de mettre ses brouillons au propre, il y eut sans doute des erreurs de transcription que nous ne pouvons retrouver car il ne reste aucun manuscrit. Sans doute Melville les a-t-il détruits, car dès qu'il avait fini un livre il s'en désintéressait, laissant sa femme et sa sœur s'occuper de la relecture et de la publication. Les généticiens travaillent aujourd'hui à partir de l'édition américaine, considérée comme plus fiable que les éditions anglaises.

    Les romans suivants furent des échecs et une dizaine d'années après, Melville dut revendre Arrowhead à son frère. Sa femme, sa sœur et un homme de loi (j'ai oublié son nom) furent des soutiens constants tandis que sa mère lui enjoignait de trouver "un vrai travail", ce qu'il fit pendant les dix-neuf dernières années de sa vie. Il mourut oublié et ce n'est qu'en 1923, après que sa dernière fille, Fanny, eut donné le manuscrit de ''Billy Budd'' à un critique, que son œuvre commença à être lentement réévaluée.

    La maison ne comprend presque rien ayant appartenu à Melville; elle a été transformée après sa vente: puisque Melville était un écrivain raté, il n'y avait aucune raison de conserver quoi que ce soit en particulier.

    Je découvre qu'il est possible de soutenir les baleines en payant pour une plaque d'immatriculation particulière. Le mont Greylock est à une demi-heure, mais à cette heure-là la route doit être fermée (??). Il est le point le plus haut du Massachussets.

    Au moment de partir, un homme sur le parking nous voyant cartes déployées nous donne quelques indications:
    — Vous voulez la route la plus rapide ou des lieux intéressants?
    — La plus rapide, nous avons déjà fait beaucoup de détours, nous venons d'Amherst.
    — Ah oui? Qu'avez-vous visité?
    — La maison d'Emily Dickinson.
    — Ma femme y travaille.
    J'ai vraiment l'impression que tous ces gens sont des universitaires bénévoles.

    Nous dînons dans un fast-food sur la route 90. En sortant j'aperçois une sorte de journal gratuit, HotelCoupons. Comme un ami nous avait prévenu que le couponing est pratiquement une monnaie parallèle aux Etats, je l'attrape en passant.
    C'est ainsi que nous dormons dans un hôtel entre Utica et Rome, à Oriscany.

    D'après Google Maps, nous sommes à trois heures et quart des chutes du Niagara. Tout le monde nous dit que c'est plus beau du côté canadien, mais je ne crois pas que nous puissions traverser la frontière avec la voiture de location. Pour une raison que j'ignore, l'étude de location de maxi-camping-car m'avait appris que les loueurs l'interdisaient formellement.

    H. me dit qu'il ne montera pas dans les bateaux qui s'approchent des chutes: l'année dernière l'un d'entre eux c'est retrouver sous la chute et les passagers sont tous morts. De même, il y a trois semaines, un homme s'est assis sur la balustrade de sécurité et est tombé en arrière: mort. (Je précise que c'est H. qui veut voir les chutes.)
    C'est un point qui contredit l'idée que l'on se fait des Américains qui seraient "tout sécuritaires": nous constatons plutôt l'inverse, vos actes sont de votre responsabilité, vous êtes prévenus de ce qui peut vous arriver, et ensuite, à vous de choisir votre comportement (par exemple, j'ai été surprise qu'on ne vérifie pas mon permis de conduire: mari et femme peuvent conduire, je suppose que si je conduis sans permis, c'est mon problème. De même, les piscines ne sont pas surveillées dans les hôtels, c'est écrit en gros, les consignes sont affichées, et ensuite, à dieu vat.

    Dans la voiture

    Première voix: — Bump !
    Deuxième voix: — Aïe !
    Première voix: — Ah oui.
    Explication: «Bump» est le mot lu à haute voix par le conducteur intrigué, mot inscrit sur de gigantesque panneaux orange fluorescent (couleur post-it, dit H.). «Aïe» est le cri du passager surpris par le soudain décroché des roues sur la chaussée déformée. «Ah oui» est le constat satisfait du conducteur qui vient de comprendre la signification du panneau: dos d'âne ou nids de poule.

    Panneau sur le bord de la route signalant des locaux à louer: «Si votre bureau était ici, vous seriez arrivé» (ce qui m'évoque «Les nouvelles vont vite» du Chat consultant un plan et lisant «Vous êtes ici» (cf. également, pour une référence plus littéraire, l'oncle dans Tristam Shandy «Où avez-vous été blessé? — Ici.»))

    Dans un autre genre, j'adore «Adopt a highway» (adoptez une autoroute), qui me rappelle une émission politique au moment des élections en France dans laquelle un commentateur expliquait que pour le reste des Européens, Sarkozy était socialiste (et que l'élection de Hollande ne changerait donc pas grand chose à l'équilibre à l'intérieur de l'Union européenne): je crois qu'un Français ne peut pas réellement se rendre compte de ce que signifie la non-intervention de l'Etat. Pas un magasin ou un fast-food qui ne nous propose de "supporter" une cause ou une famille (ce matin en prenant des doughnuts, une affichette proposait d'assister à un concert de soutien à une famille dont la maison a été ravagée par les flammes en juillet (photo à l'appui), tous les musées ou maisons que nous avons visités proposent de devenir membre de leur association (ce qui existe également en France, certes, mais moins systématiquement: le Louvre ou l'association des amis d'Eugénie de Guérin, mais pas Chambord ou Chenonceau)).

    "Do not pass": il est interdit de doubler (ça n'a l'air de rien, mais nous avons mis un certain temps à comprendre ce que cela signifiait. (Non ça n'a pas d'importance de ne pas l'avoir compris plus tôt: à part sur les autoroutes, où chaque file avance à son allure et où il ne s'agit pas véritablement de doubler, je n'ai vu personne doubler, et comme nous imitons les mœurs autochtones, nous n'avons jamais doublé non plus). J'aime bien leurs panneaux en noir sur fond crème.

    Lecture à haute voix (partage de connaissances).
    Statistiques : plus de la moitié des Américains habitent à moins de trois minutes d'un McDo.
    55% des Américains exposent quotidiennement un drapeau; 20% ne possèdent pas de drapeau.
    7,5% des pommes de terre cultivées aux Etats-Unis servent à McDo qui emploient 7% des salariés américains.
    Les McDo sont identiques dans le monde entier. Particularités locales: de la bière en Allemagne, du vin en France, des salles séparées pour les hommes et les femmes en Arabie saoudite, pays où les McDo ferment quatre fois par jour pour la prière.
    (source: Die 101 wichtigsten Fragen - Amerikanische Geschichte de Christof Mauch)

    Ecrit entre Gloucester et Concord.

    Brume matinale

    5h50. Nous avons prévu de partir tôt et le réveil sonne dans dix minutes, mais je sens que les humeurs vont être maussades: cette nuit, à une heure du matin, nous avons eu droit à la goudronneuse et au rouleau compresseur devant le motel pendant une heure, avec lumière clignotante et bipbip lancinant des engins de chantier. Visiblement, pour ne pas gêner la circulation, les routes sont refaites la nuit. C'est prévenant pour les conducteurs, mais infernal pour les habitants. (Evidemment, nous ne sommes peut-être pas censés dormir la fenêtre ouverte (que nous avons fermée pour l'occasion), mais comment résister à du véritable air marin quand nous pouvons échapper à la clim? Surtout que toutes les fenêtres sont dotées ici de cette invention merveilleuse qui m'avait déjà enthousiasmée il y a vingt cinq ans: la moustiquaire.)

    Brume matinale sur la mer. Ce matin nous partons vers l'ouest, direction les chutes du Niagara (dix heures de route, à peu près. Nous allons passer près de Buffalo. Pensée pour mes amis oulipiens (regret de n'être pas venue là avec eux), et pensée pour le travail accompli par l'université de Buffalo).

    Salem et la maison aux sept pignons

    Il fait beau et doux et propre. Nous décidons de rester ici une nuit de plus pour souffler, faire une pause, laver le linge, nous reposer.
    J'ai repéré l'adresse d'une laverie automatique, la propriétaire de l'hôtel m'a indiqué comment y aller, nous décidons de laisser les enfants à la piscine (avec moult recommandations de ne pas être trop bruyants, trop envahissants, trop éclaboussants — bref, de représenter dignement l'Europe).

    La laverie automatique est installée dans une des maison en bois typique de l'endroit. Elle est à l'inverse de ce que nous trouvons en France: personalisée, décorée, prévue pour l'attente. Une grande table et des chaises sous une télé un peu bruyante (nous baisserons discrètement le son), des tableaux et objets évoquant la Sicile, deux ou trois romans à l'eau de rose et des Mickey parade, des toilettes et de grandes baies vitrées.

    Nous convertissons un billet de vingt dollars en quarters (cela nous rappelle toujours Langelot qui prétend que le quarter est la clé de la vie américaine), les pièces dégringolent, nous avons l'impression d'avoir gagné à Las Vegas, le bruit est épouvantable, nous sommes un peu confus.
    Acheter de la lessive dans un autre appareil (je commence par me tromper et acheter de l'adoucissant), mettre deux lessives en route (vous décrivez le linge et la machine choisi le programme pour vous).
    Nous nous installons sur la table et pendant qu'Hervé finit un travail qu'il doit envoyer au plus tôt, je commence à jouer avec mes quarters, m'étant aperçu que certains portaient le symbole d'un Etat des Etats-Unis. Au total, nous en avons récupéré une vingtaine ce matin, et le reste du voyage nous essaierons d'en obtenir d'autres. Au-dessus de nos têtes, Tommy Lee Jones et Meryl Streep font la promotion de leur dernier film et ça a l'air très drôle.
    Nous sommes bien ici, je pourrais passer mes vacances ici, des vacances sur un autre rythme, calme et bleu pâle.

    Après-midi à Salem pour visiter la maison aux sept pignons, de Nathaniel Hawthorne. Ma prof d'anglais m'avait offert le roman et c'est pour elle que j'y vais — mais aussi pour Melville, et pour RC qui m'a appris le premier les relations entre ces deux auteurs.

    En attendant le début de la visite, soleil sur les briques :




    En réalité, il s'agit de la maison de la cousine ou de la tante (je ne sais plus très bien). Dans le jardin a été apportée et reconstruite la maison natale d'Hawthorne (pour que cela soit plus facile à visiter — ou pour diminuer les frais de l'association Hawthorne?). La guide joue avec une maquette pour nous expliquer comment compter les pignons; il n'y en avait que deux quand Hawthorne a écrit son roman, sa tante a fait ajouter les autres.
    En entrant dans le grenier, j'ai un "pang de recognition", j'ai déjà vu ce lieu en rêve. C'était la chambre des esclaves, et une fois encore, on nous fait remarquer combien leurs conditions de vies étaient inhumaine, glaciale en hiver, étouffante en été (sous-entendu, ce n'était pas beaucoup mieux qu'au sud).
    Par la fenêtre, la vue sur la baie est magnifique, l'eau très bleue et les voiliers très blancs.

    Ce que je lis de la vie d'Hawthorne sur les murs me laisse une impression ambivalente, il est écœurant à force d'avoir tout eu, bonheur familial et succès littéraire, et pourtant tout cela donne l'impression d'avoir été construit sur le sable, tout s'est effondré après sa mort, sa famille n'a pas su continuer à vivre dans ce bonheur dont il se réjouissait tant. (Ceci sont des impressions et des souvenirs de visite à confronter à une véritable biographie, bien entendu.)

    J'erre longtemps dans la boutique de souvenirs, hésitant à prendre une tasse noire à l'extérieur, rouge à l'intérieur et un A gothique également rouge peint sur le noir. La boutique me déçoit un peu, insuffisamment littéraire, pas de correspondance Hawthorne-Melville ainsi que je l'espérais, pas d'études sérieuses, d'œuvres complètes; en revanche beaucoup d'allusions aux sorcières et à Halloween.
    J'achète malgré tout Grandfather's Chair qui paraît couvrir la période des pionniers à l'Indépendance, soit recouper ce que nous venons voir entre Plimoth Plantation et Boston.

    Ensuite H. nous emmène prendre une glace dans ce que Yelp décrit comme le meilleur glacier des environs. C'est une baraque de confiseur, et j'ai l'impression que le jeune homme en train de faire cuire des pommes d'amour derrière la vitre dans une chaleur épouvantable me lance un regard triste de prisonnier sans espoir.

    Gloucester. Nous ne trouvons pas de carte routière, mais du produit contre les coups de soleil, les enfants ont cuit à la piscine ce matin. La femme qui tient la supérette est toute heureuse d'apprendre que nous voulons aller aux chutes du Niagara, qu'elle aime beaucoup.

    Nous terminons la journée dans un restaurant mexicain. Le repas est si épicé que ma fille ne mange pratiquement rien; mais H., toujours fanfaron, demande des sauces supplémentaires. La serveuse lui en apporte, et, le regardant dans les yeux, articule lentement:
    — Now, I want you to be very careful with that.

    (H. n'arrivera pas à les manger.)

    Matin frais

    6h30. D'erreurs de route en déviations (l'idée était de s'éloigner de Boston pour éviter les motels trop onéreux), nous nous sommes retrouvés à Gloucester, où il fait frais, où les tables sont couvertes de rosée (ça n'a l'air de rien, mais c'est une première). Tout le monde dort dans la chambre et je me suis éclipsée. (C'est amusant le prix des motels: entre deux chambres dans un motel miteux où il faut prendre le petit déjeuner dans un fast-food à côté et une chambre dans un hôtel bien plus agréable dans laquelle le propriétaire propose d'ajouter un lit (les chambres possèdent toujours deux grands lits et les filles dorment ensemble) et le petit déjeuner est inclus (évidemment, adieu alors aux pancakes aux myrtilles, il s'agit de buffet où il faut tout faire soi-même (mais on peut alors s'amuser avec les machines et les sachets inconnus), le prix de revient est à peu près le même.) Je suis en train d'écrire au soleil au frais au bord de la piscine.

    Et j'ai du wifi. Le soir il est inutile d'y compter: tout le monde tire dessus, la connection est si mauvaise que j'abandonne (et de toute façon hier soir nous étions bien trop fatigués. Nous nous endormons comme des masses, je me demande ce qui nous fatigue autant. Le décalage horaire est désormais absorbé.)

    Je vais essayer de compléter les deux jours précédents avant que tout le monde ne se lève (ou que ce portable n'ait plus de batterie).

    Boston

    Au petit déjeuner je teste le peanut butter en petit pot unitaire (meilleur que chez nous, plus pâteux). Il faut vraiment aimer le goût de la cacahuète, le vrai, celui des cacahuètes décortiquées, ni grillées, ni salées.
    Il y a un moule à gaufres mais nous ne voyons pas de pâte. Ce n'est que plus tard, en voyant les gauffres impeccables d'un jeune cadre dynamique qui petit déjeune à ma gauche que je trouverai le distributeur: on se verse la quantité de pâte nécessaire dans un gobelet, on la répartit dans le moule, on attend, on retourne à mi-cuisson. Drame entre le frère et la sœur, elle squatte l'appareil pour deux sets de gauffres ratées, il réussit les siennes bien qu'un peu trop craquantes.
    Toute la vaisselle est jetable, au bout d'une semaine ma fille ne supporte plus les couverts en plastique. Tout ce peuple en marche gobelet à la main est assez étonnant, mais il faut dire que conduire une automatique laisse une main et un pied libre: comment s'occuper? Manger ou téléphoner.

    Boston. Il fait chaud mais ce n'est pas la moiteur de New York. La ville me plaît au premier regard (1), la hauteur de ses immeubles (moyenne), l'harmonie de ses proportions, ses briques rouges, le style anglais (victorien?) des maisons autour du parc central.

    Une différence avec New York, c'est que des enfant se baignent dans les fontaines. Je n'ai pas compris que personne ne le fasse à NY, est-ce illégal, ou simplement que les gens sont trop obsédés par l'hygiène? (J'ai vu plusieurs fois des mères recommander à leurs enfants de ne pas toucher les rampes d'escalier ou les poignées de porte, ouvrant elles-mêmes les portes avec les coudes).




    Nous suivons tout simplement la ligne rouge à travers Boston. Elle est peinte en partie, mais parfois ce sont les briques des trottoirs elles-mêmes qui sont rouges, décolorées par le temps et l'usure. Je me demande depuis quand existe cette ligne. Je pensais qu'elle avait pour but de canaliser les touristes (ce qui n'est pas bête, grande économie de moyens pour une efficacité maximale), mais elle paraît si ancienne que ce fut peut-être à l'origine un hommage à l'histoire de Boston(2). Je découvre cette ligne sur place, c'est H. qui s'est documenté avant de venir à Boston. Nous ne ferons que trois étapes, toutes à pied.

    En passant, nous visitons le cimetière de Granary (tombe des parents de Benjamin Franklin, et non la sienne, comme je l'avais compris par erreur) où sont enterrées les victimes du massacre de Boston et Mother Goose(3).
    Nous voyons également à deux pas la première école publique des Etats-Unis, transformée aujourd'hui en bureaux. Un panneau explique que ce fut le premier bâtiment historique sauvé ainsi, en le réhabilitant pour l'utiliser à d'autres fins que celle prévue à l'origine (drôle de façon de préserver un bâtiment, mais après tout, pourquoi pas?)

    Park Street Church: je retiens qu'elle a servi comme dépôt de poudre pendant la guerre de 1812(4) d'où son surnom de "Brimstone corner". Samuel Francis Smith y a écrit un nombre incalculable d'hymnes et chants, dont le premier hymne américain. C'est également la plus ancienne radio évangéliste (même si je ne sais plus très bien ce que cela signifie: la première au monde? la plus ancienne à diffuser encore aujourd'hui?)

    Old South Meeting House. Des statues des personnes importantes, des vitrines et Old South Meeting House expliquant les événements ayant mené à la "Boston tea party" sont disposées autour des stalles. Je découvre l'origine du "Tea Party", qui n'était pour moi qu'un ramassis d'extrémistes. Cela ressemble un peu au Front national qui a récupéré le nom du Front national de la Résistance.
    Parmi les statues je découvre également Phillis Wheatley, qui réussit à être femme, noire, esclave née en Afrique et poète publiée au XVIIIe siècle. Comment une telle chose est-elle, fut-elle, possible?
    J'achète mes deux premiers livres du voyage, un contenant des anecdotes sur l'histoire des Etats-Unis, un sur des citations inhabituelles de Benjamin Franklin (le genre de truc qui doit traîner sur internet en des milliers de versions, mais éparpillées). Et un T-shirt "Boston tea party". Déborah fait la moue, me dit que c'est ambigu; je lui réponds que ça m'est égal, que je me fiche de l'opinion des autres et que de toute façon personne ne connaît ce parti en France.
    De façon plus générale cette église semble avoir joué un rôle dans l'histoire de chaque révolte ou protestation (contre l'esclavage, par exemple).

    The Old State House. Le "massacre" de Boston a eu lieu devant ce bâtiment. Massacre est un bien grand mot, cinq à huit hommes tués par des soldats anglais qui ont paniqué dans l'atmosphère surchauffée de la ville (j'ai sans doute l'air peu compatissante, mais dans le cimetière il semblait que les victimes étaient des dizaines, femmes et enfants compris).

    A midi, déjeuner au Quincy Market, en deux équipes, car nous en tenons définitivement pour le homard tandis que les enfants préfèrent les hamburgers ou les pizzas. Promenade, ça parle français dans les allées, souvent des Canadiens. Il fait chaud mais plus doux malgré tout, il est sans doute plus facile pour un Européen de s'adapter à cette ville qu'à toute autre. (Il faudra que je lise Les Bostoniens.)

    Rien à voir à Faneuil Hall qui, selon le même principe que l'école ci-dessus, a été transformé: c'est l'équivalent d'un vaste marché couvert spécialisé dans les gadgets et souvenirs pour touristes.

    Retour vers la voiture garée en sous-sol au sud ouest du parc, je réussis à convaincre de pousser jusqu'à la bilbliothèque (arguments clé: «Il y aura du wifi et des chaises»). H. a quelques obligations professionnelles, les enfants jouent sur leurs écrans, je déambule dans le bâtiment monumental. J'ai la surprise de rencontrer plusieurs fois Jeanne d'Arc, la première fois dans l'escalier, puis dans les salles de l'étage (je ne sais pas trop ce qu'elles sont, ni si nous avons vraiment le droit d'être là).





    La dernière visite est pour Trinity Church (entrée payante pour moi, je n'ai pas un cent, les enfants se cotisent avec la monnaie restante de leurs sandwiches).

    Nous quittons Boston, traversons Salem, nous perdons, cherchons un hôtel. Le soir tombe, nous avons peur que les hôtels soient très chers, c'est si joli au bord de la mer.


    1- T-shirt vu à Mystic Seaport sur un jeune homme pas mal du tout: «si vous ne croyez pas à l'amour au premier regard, croisez-moi une seconde fois».
    2- La Freedom Trail.
    3- Je croyais que les Contes de ma mère l'Oye étaient la traduction de ces comptines: erreur, erreur, mais pas la seule erreur, car apparemment il y a deux Mother Goose, une Mary et une Elizabeth, souvent confondues. (Je découvre tout cela sur internet après le voyage).
    4- Plus tard au cours du voyage, je comprendrai qu'il s'agissait d'une "guerre du wiskhy" menée contre les Anglais (et donc l'aide des Français!). Le fort de Niagara Falls célèbre les deux cents ans de cette guerre.

    Plimoth Plantation

    Petit déjeuner plus rudimentaire que les jours précédents (forfait de sept dollars pour nous cinq). J'essaie le jus de cranberry en libre service. Nous sommes visiblement au pays de la cranberry (canneberge: grosse airelle des marais, dit le guide du routard) et j'aime beaucoup ça. O. est malheureux, pas de chocolat au lait.

    Les enfants auraient bien profité de la piscine encore ce matin, mais elle n'ouvre qu'à neuf heures et nous voudrions être à Boston ce soir (ce n'est pas ce que j'ai écrit dans le billet précédent: je n'étais pas au courant). H. a prévu de voir Plimoth Plantation, Déborah aussi, je ne sais pas ce que c'est: il s'agit du camp des premiers pionniers débarqués du Mayflower en 1620.

    Comme hier à Mystic River, il s'agit de toute une zone transformée en musée. La visite commence par un film qui nous explique ce que nous allons voir: la rencontre de deux peuples ("two peoples": j'apprends que "people" peut prendre une s).
    Le film est sous-titré en anglais, et j'ai alors supposé que plutôt que de trancher dans le choix des langues, il s'agissait d'une solution élégante pour aider les étrangers à comprendre (c'est efficace, O. avec son unique année d'anglais derrière lui en est la preuve); mais l'expérience de la télé le lendemain à la laverie automatique semble montrer qu'il s'agit plutôt d'un sous-titrage pour les sourds, qui aiderait aussi les latinos (et autres) à apprendre l'anglais (ce n'est pas incompatible).

    Une tribu de Wanapatoags était installée là, mais le siècle précédent l'avait fait disparaître (les maladies importées ont ravagé la moitié de la population indienne) et les pionniers se sont installés exactement au même endroit. Le site de Plimoth Plantation présente un campement indien, plus loin le village des pionniers et plus loin encore un bâtiment destiné à montrer le travail artisanal de l'époque, poterie, couture, tricot, menuiserie (et j'ai la surprise de lire sur un panneau explicatif: «vous pensez peut-être que l'artisanat et les activités manuelles sont des hobbies, mais à l'époques, il s'agissait d'activités vitales pour la survie». Se pourrait-il réellement que les visiteurs américains aient une vision purement industrielle des productions humaines? Je n'arrive pas à y croire, ils ont forcément eu une grand-mère ou un arrière grand-oncle qui travaillait de ses mains).

    Le film nous explique que tous les guides/acteurs présents dans le village indien sont de véritables indiens. Nous sommes invités à poser toutes les questions que nous voulons aux personnes que nous rencontrerons (mais nous sommes prévenus que les pionniers exposent les idées de l'époque, qu'il ne faudra pas être choqué par exemple par leur refus de la tolérance religieuse: de sont des Puritains (et que cet avertissement soit nécessaire me fait sourire)).
    Nous sommes très loin des "animations" à la française genre Provins, où ce qui est favorisé est le spectacle et l'agitation, le bruit et le mouvement. Ici il s'agit de reconstitution et de démarche didactique, ce que O. résume d'un mot: «c'est comme un jeu de rôle en trois D».
    C'est très naturel, très efficace en matière d'apprentissage, non intrusif (puisqu'il n'y a que des réponses à des questions); le seul problème en ce qui me concerne c'est que je suis aussitôt dans le "méta": quelle est la formation des acteurs, quels sont les présupposés d'une telle méthode, etc.

    Village des indiens: un Iroquois (aaahhahh, la coiffure n'est pas leurs cheveux, mais une coiffe sans doute en crin de cheval coloré, très souple, maintenue je ne sais comment) nous explique la structure de la tente, très impressionnante («c'est construit comme un navire de guerre, c'est très solide. Il y a quelques années une tempête a détruit quatre ou cinq maisons de pionniers, il a fallu faire un appel aux donateurs, mais dans le village indien nous n'avons eu aucun dégât»). Il nous raconte que les systèmes indiens repose sur le matriarcat, que les personnes âgées venaient vivre avec leurs enfants dans une seule grande hutte où il faisait si chaud que les enfants sortaient nus jouer dans la neige pour se refroidir.
    Lui vit encore en tribu, pas aux Etats-Unis où c'est désormais interdit en hiver, mais au Canada, qui protège mieux les modes de vie traditionnelles.

    Village des pionniers, tellement moins intégré à la nature, entouré de palissades, aussitôt défensif. Le contraste est saisissant, tout ici à l'air maladroit, mal adapté. C'est drôle de se dire que c'est ce mode de vie qui a prévalu, alors qu'il semble bien moins rationnel et confortable. (Les pionniers n'ont-ils jamais été tentés de vivre comme les indiens? Mais ils venaient avec leur foi, pour ne pas dire leur fanatisme.) Il est difficile de faire le lien mental entre cela et Manhattan. Quatre siècles.

    Le site de ce village est magnifique, en pente douce avec la mer au pied. Quelques maisons, les meubles et les animaux sont venus avec les hommes, sur le Mayflower. Dans un premier temps, le cordonnier et le maréchal-ferrant ne faisaient qu'entretenir et remplacer ce qui s'usait. (Dans les ateliers un menuisier et une couturière continuent à fabriquer à la main ce qui est utilisé par les acteurs dans le village.) Il fait très chaud, mais dans les maisons obscures, un feu brûle dans les cheminées. Une femme nous explique qu'elle a chaud parce qu'il fait chaud, mais pas à cause de sa jupe en laine, qui la protège au contraire de la chaleur du feu. (J'ai mes doutes.) Le tablier en lin n'est là que pour protéger la jupe, car il se lave plus facilement. (Elle se moque drôlement de la robe d'été d'une fillette, genre de t-shirt un peu long, en disant qu'elle se demande si elle a subi un naufrage pour se promener ainsi en guenilles, mais qu'elle ne veut pas la juger, car elle ne la connaît pas).

    Repas au "centre", menu indien traditionnel à base de courgettes et maïs. C'est bon. Premiers achats de tee-shirts du voyage. Il en existe un qui montre trois ou quatre indiens armés avec la légende suivante: «Milice anti-terroriste depuis 1492». Cela me plaît beaucoup, je trouve cela insolent et bien vu, mais porter cela en tant qu'étrangère me dérangerait, j'aurais l'impression de faire la leçon à mes hôtes. Tant pis.

    Puis visite d'une réplique du Mayflower à Plymouth même. C'est minuscule, on dirait une boîte à chaussures. Plus de cent pionniers là-dessus, auxquels il faut ajouter les hommes d'équipage (une trentaine de personnes), les meubles, les animaux… Une idée de l'enfer, il devait vraiment falloir de bonnes raisons pour décider de quitter l'Europe ainsi.
    Nous discutons avec un homme plus âgé sur le pont: le navire est en état de naviguer, mais cela coûte extrêmement cher en assurance. De plus il faut loger l'équipage à l'hôtel le soir, il n'y a pas (plus) le droit de dormir sur le navire. A Plimouth même, l'ancrage est gratuit car l'association assure en échange la surveillance du port.

    Pierre (rocher) des pionniers gravée de 1620 à quelques pas du port. Un panneau explique l'histoire de cette pierre, c'est-à-dire qu'il explique une mise en scène historique conçue plus de cent ans après.

    Nous avons fini vers quatre heures, et comme nous avons un peu de temps, nous allons baguenauder dans un centre commercial: O. ne supporte plus ses cheveux, il lui faut une coupe. Que ce soit à cause de mon accent ou de son désamour des coupes militaires, la jeune coiffeuse ne lui fait pas la coupe en brosse attendue mais le massacre allègrement (pas grave, ça repoussera), des achats pour H (son short ne tient plus), des sandales pour eux deux, un chapeau de paille pour Déborah, un chapeau blanc pour O., le tout en solde, au quart du prix qu'on le trouverait en France.

    Le soir, repas dans un steakhouse, le Longhorn de Pembroke. Portions trop importantes hélas, O. ne termine pas son gâteau au chocolat, qui consiste en DEUX portions d'un gâteau qui ressemble à une forêt noire sans les cerises (il faut dire qu'il a fini les assiettes de sa sœur et de Déborah: s'il avait su, il se serait économisé).





    Fin du repas mystérieuse: une voiture de police sur le parking (le gyrophare clignote dans la nuit, éclairant de rouge et de bleu les vitres du restaurant), une femme inquiète fait des va-et-vient de la caisse aux toilettes, un homme armé d'une serpilière se dirige vers les toilettes, chargé également d'une pancarte à poser sur le sol «attention glissant sol mouillé».
    Deuxième voiture de police, puis ambulance (le tout silencieux: pas de remue-ménage dans le restaurant, pas d'exclamation, pas de sirène). Nous échaffaudons des hypothèses, je penche pour une overdose (vomissures et évanouissement), les enfants sont plus gores ou plus tragiques, ils en tiennent pour l'égorgement ou le suicide et du sang partout.
    Mais nous ne voyons aucun corps sortir. Y a-t-il une porte de service?





    Nous avions comme plan de refaire ce qui nous avait si bien réussi hier: demander au serveur un conseil pour la nuit. Mais nous sommes dans un centre commercial sur une route passante et non plus aux abords d'une petite ville où tout le monde se connaît; les renseignements sont inexistants. Il est tard, ou plutôt il fait nuit (il n'est pas si tard que ça), le premier hôtel est plein, nous avons peur que les prix explosent si nous nous rapprochons de Boston, nous prenons la dernière suite dans un Confort Inn à Rockland, assez cher lui aussi.

    Planification globale

    7 h. Tout le monde dort malgré le réveil qui a sonné assez bruyamment. Je tire les rideaux, comptant sur la lumière naturelle pour les réveiller, et les laisse dormir, moitié par bonté d'âme, moitié par auto-protection: je ne tiens pas à avoir quatre bougons dans la voiture (ce n'est tout de même pas de bol d'être du matin dans un monde où tout le monde semble du soir. Surtout que l'heure semble calée sur le soleil, à huit heures et demi le soir il fait noir.)

    De toute façon, selon mes premières évaluations, nous ne serons qu'à onze heures à Boston, il faudra y dormir.
    Nous devons voir des amis à Charlottesville, idéalement vers le 12 août car l'un d'entre eux recommence ensuite à travailler. Donc il faut estimer à la louche, prendre notre temps mais ne pas trop en perdre. (Tout le monde répète tant que les Etats-Unis c'est grand et que nous, Européens, n'avons pas la notion des distances, que je crains de faire une erreur d'estimation (ou tout simplement de prendre les miles pour des kilomètres, même en sachant que ce sont des miles.))

    La mer sur les côtes du Massachussetts fait comprendre cette impression d'opulence tranquille des films qui se passe en Nouvelle-Angleterre:


    Mystic Seaport et Sandwich

    Pancakes au sirop d'érable au petit déjeuner («— Qu'est-ce que c'est, des "texan toasts"? — C'est le moment de le savoir: tu en prends et tu verras.» Mais elle n'est pas aventureuse.)

    Ce qui m'étonne le plus, c'est que la température ne chute pratiquement pas pendant la nuit. Pas de fraîcheur de l'aube.

    Arrêt à Mystic Seaport, dont le nom dit quelque chose à H. Tout un ensemble de maisons sont consacrées à la pêche et aux bateaux du 19e siècle: dernier baleinier conservé (en fait il a été dégagé de la boue en 1973 dans laquelle il s'enfonçait depuis son abandon dans les années 20); les prospectus annoncent qu'on peut le visiter et c'est vrai — mais sur cale, il est en pleine réfection.
    Un guide (un homme simplement posé là sur le pont supérieur du navire, très loup de mer d'extérieur (un nez en patate creusé de caverne, extraordinairement loup de mer, il ne lui manque que la pipe (mais ça ne plaisante pas, pas de cigarettes dans toute la zone, y compris dans les rues à l'entrée du site (ce qui fait que les abords sont généralement beaucoup plus propres qu'en France, sans mégot omniprésent))) et qui ne nous adresse la parole que si nous lui parlons) nous explique que le navire a été tiré de l'eau en 2008 pour quelques travaux qui devaient durer un an et demi, mais devant l'état de la coque qu'ils avaient alors découvert, les travaux duraient depuis trois ans et demi.

    Mais au lieu de fermer le chantier au public, ils l'exposent et l'expliquent, c'est passionnant. Travail des charpentiers, des menuisiers, réalisation des voiles, des cordages, des clous, des tonneaux, explication du dépeçage de la baleine, et plus qu'à Melville que j'ai lu il y a trop longtemps, je songe à Chatwin et au ''slug'' et au Miroir de la mer de Conrad.

    Ici se trouve également une école de voile, et un magnifique voilier, le ''Joseph Conrad'', se visite et sert de bateau école aux enfants de dix à quinze ans. (Dans les hangars, des barques et des voiliers historiques, dont celui qui a appartenu à Franklin Roosevelt dans lequel il fit sa dernière sortie la veille de son attaque de polio. C'est tout un imaginaire d'enfants dépeignés et souriants sous des voiles blanches qui remonte à la mémoire.)

    Homard au déjeuner à la cafétéria (si si), nous prenons "soda à volonté" et j'en profite pour tout essayer ("Dr Pepper" sent à mon avis l'amande amère, mais à la réflexion ce doit être de la cerise, un type de cerise.)

    Puis petit tour de barque avec O. et Déborah, on est toujours aussi bien sur l'eau, il y a du vent. Les Américains me font rire, ils comprennent gentiment les deux ou trois mots que vous baragouinez en oubliant toute syntaxe, et enchaînent en parlant ordinairement, sans ralentir ou vous faire grâce des mots complexes ou se demander si vous allez comprendre. A ma grande surprise, je me rends compte qu'ils ont raison, on s'en sort très bien, et sans doute mieux, ainsi. On s'habitue et on progresse.

    La maison 54 est un "Hall of Fame" consacré à l'aviron. Si je comprends bien, ce serait ici que les premières compétitions, ou entraînements, d'aviron du continent américain auraient eu lieu ici (cela me semble étrange, Yale et Havard sont proches, certes, mais pas tant que cela. Enfin, je n'ai pas le temps de lire plus ou de comprendre mieux. Je remarque un livre consacré aux Kelly, et je me souviens avoir expliqué à mon kiné que le père de Grace Kelly avait été champion olympique (je suis en train de le convertir à l'aviron et il voulait savoir si c'était une discipline olympique). Je récupère une adresse de blog: hear-the-boat-sing.

    Vers le soir nous rejoignons Sandwich sur Cape Cod. Le cap a été aménagé dans les années 30 par des jeunes hommes entre dix-huit et trente ans (à vérifier, j'écris de mémoire à partir d'un panneau trouvé sur une aire de repos) qui recevaient trente dollars par mois de l'Etat (mais ils ne touchaient que cinq dollars, le reste était envoyé à leur famille). (Je me dis que nous ne sommes pas si loin des camps de travail d'Hitler: aux mêmes maux les mêmes remèdes.)

    Nous marchons le long du canal, voyons un homme remonter, écœuré, une raie («Mais qu'est-ce que je vais faire avec ça? Il n'y a rien à manger là-dedans» (En me retournant, j'ai la surprise de constater qu'un homme s'est arrêté pour fournir une recette de cuisine)), un chien genre loulou de Poméranie (beaucoup de poils) échapper à sa maîtresse et entrer dans l'eau sans une once d'hésitation, une barge passer poussée par un pousseur… Il fait plus doux de quelques degrés, nous avons tous des coups de soleil. On est bien.





    Salade de cranberries et amandes pour moi (mais c'est terrible ces serveurs qui commencent par «Puis-je vous servir quelque chose à boire?» alors que vous avez à peine eu le temps de vous assoir et de reprendre vos esprits. Que faut-il répondre? Car ils ne prennent pas la commande mais disparaissent vingt minutes pour aller chercher sodas et verres d'eau)), délicieux, puis motel recommandé par le serveur : piscine inattendue pour un prix raisonnable, les enfants sont ravis.

    En route

    Récupéré la voiture. Ces Américains n'ont peur de rien: "enjoy!", et ils se barrent, et je me retrouve à devoir sortir la voiture (une Chrysler 300) dans la cinquantième rue, avec un camion garé en face occupant la moitié de la rue et un van blanc à moitié engagé à ma droite dans le parking dont je veux sortir (ce qui fait que je dois le contourner pour prendre la rue en sens unique à droite).
    Je n'ai jamais conduit d'automatique. La voiture m'indique que je dois appuyer sur le frein en passant sur "D", je mets un certain temps à le comprendre, j'avance, je bloque la rue, les taxis klaxonnent, la voiture hoquète (ce n'est que plus tard que je comprendrai qu'elle ne peut pas caler), un black un peu affolé m'aide un instant («— Are you all right? — No, I'm French, I never drive automatic!» (j'ai ouvert la vitre sans vraiment m'en rendre compte)) à prendre le virage entre le camion et le van blanc. De hoquets en klaxons (ils ont le klaxon facile, ces New Yorkais), j'arriverai à l'hôtel.

    Direction Long Island, le but est la maison natale de Walt Whitman. Bouchon dans le quartier chinois, j'ai compris qu'il ne faut pas que je me serve de ma jambe gauche, sinon je débraye, c'est-à-dire que je freine avec le pied gauche en accélérant avec le pied droit, ce qui explique les hoquets de la voiture. Sinon, elle est extrêmement agréable, une impression de vaisseau spatial, elle flotte, elle est légère, elle tourne court, les rues sont larges, il y a de la place, ça change tout.
    Nous passons sur Brooklyn Bridge, en travaux. Je comprends enfin pourquoi on parle d'un magnifique point de vue du milieu du pont: il y a une voie piétonne au centre, entre les voies pour voiture. Je n'ose imaginer la chaleur (il est 1 p.m., le soleil cogne sur bitume, le pare-brise est brûlant).
    Brooklyn, le Queens, quartiers tranquilles, puis friches industrielles, casses de voitures, autoroute, cimetières, golf, hôpitaux; trop tard, nous n'y arriverons pas à temps (4 p.m.), nous continuons.

    Le musée est encore ouvert, il ouvre une heure plus tard le samedi, miracle.
    Nous visitons une maison minuscule guidés par un jeune homme enthousiaste. Je suis impressionnée par les catastrophes qu'a affrontées la maison: un ouragan ou une tempête (j'ai compris son nom, Anne, mais pas l'année (j'ai des problèmes avec les chiffres)) a noyé le rez de chaussée et le plancher n'est plus d'origine, à l'étage les vitres ont été cassées par une tornade, et une pièce attenante a brûlé.
    La maison est minuscule et plaisante, avec une jolie pelouse close par une palissade en bois.

    — Connaissez-vous l'expression mad as a heater hatter?
    — Oui, c'est de Lewis Carroll, "le chapelier fou"*.
    Le jeune homme est interloqué, il ne nous comprend pas, puis rit quand il a compris:
    — En fait, la technique de fabrication des chapeaux utilisait du mercure, ce qui empoisonnait les chapeliers qui devenaient fous.
    (Et je suis stupéfaite et enchantée de découvrir que Carroll n'avait pas inventé l'expression, mais l'avait utilisée au premier degré.)

    Long Island, autoroute dans l'autre sens, nous prenons la direction Cape Cod, deux péages successifs, magnifique vue sur Manhattan au loin dans la brume à partir de Throgs Neck Bridge. De l'autre côté, Manhasset Bay est piquetée de voiliers, c'est magnifique.

    Soirée une fois encore cinématographique, motel de Terminator ou de No Country for Old Man près de Milford sur la 95 (sortie Post Road North), burger dans un steakhouse avec une dizaine d'écrans passant cinq ou six chaînes (dont les JO et du baseball), des photos noir et blanc de baseball et football américain et du rock en fond sonore. Et le meilleur hamburger que j'ai jamais mangé.





    Et comme je n'en suis plus à un cliché près, NCIS passe à la télé quand nous rentrons.


    * en français dans la conversation.

    Moma etc

    Matin. Du mal à me lever, à me déplier, courbatures. Quand je pense que je suis la plus en forme des quatre. Je ne sais pas si A. va pouvoir marcher aujourd'hui, elle paraissait avoir la plante des pieds très échauffée. J'ai du mal à m'apitoyer après qu'elle m'eut dit le premier jour: «Ah mais je comprends pourquoi j'ai du mal à marcher, ça fait trois semaines que je ne bouge pas» (cf mes billets énervés de juillet).

    Hier 3 août.

    Nous avions donné rendez-vous aux enfants à 8 heures dans le hall. En arrivant, nous croisons O., presque affolé (ce n'est pas dû tout son genre de perdre son sang froid, il est très flegmatique):
    — Déborah s'est enfermée dans la salle de bain depuis une demi-heure, je n'ai même pas pu aller pisser!
    Il a l'air abasourdi et dépassé par cette action incompréhensible. Je lui propose les clés de notre chambre, il les refuse courageusement:
    — Non, elle a terminé maintenant, j'étais juste descendu vous prévenir.
    Nous les attendons, j'en profite pour poster deux billets écrits hors ligne.

    Plus tard, je commenterai: «Moi qui comptais sur la ponctualité allemande!» À quoi il répondra, toujours logique: «Mais elle, elle était à l'heure.» (Et je me suis demandé si nous pouvions tirer une morale de cette phrase.)

    - Sud de Manhattan pour voir le mémorial du 11 septembre. Palissades, chantier. Déjà très impressionnant, vertige "à l'envers" en regardant vers le haut. Une petite église, très vieille, Saint-Paul church, je suppose que tout le monde la connaît, l'a vue à la télé à l'époque. Pas moi. J'aurais bien erré entre les tombes penchées, je n'ai pas osé le demander à mes compagnons de voyage («Encore une église!» finit par être traumatisant à la longue.)
    Je regrette de ne pas m'être renseignée, de ne pas avoir mieux préparé ce voyage. Pour visiter il faut réserver (911memorial.org). Nous n'avons pas réservé.

    - Nous sommes à deux pas de la poste centrale. Immeuble monumental, climatisé (chaque passage dans un bâtiment permet de se rafraîchir un peu, il fait déjà très chaud), inauguré par Roosevelt. La salle des casiers poste restante est très old fashion. J'achète des timbres (aucune idée de l'endroit où ils s'achètent ordinairement, mais il faut dire que je n'ai pas demandé et ne suis entrée nulle part).

    - Rendez-vous au MoMa avec le reste de la famille de Déborah (famille tuyau-de-poêle un peu étonnante). Désormais nous sommes neuf, ce qui ralentit le mouvement, avec les besoins ou désirs de certaines auxquelles personne n'ose dire non, par politesse. Nous nous séparons, je fais une équipe avec H. et O., nous abandonnons A., de mauvaise humeur depuis que j'ai inspecté son sac et l'ai délestée d'un kilo de bagage (livres de grammaire anglaise, plusieurs bouteilles d'eau d'un demi-litre (je ne lui en laisse qu'une), etc).
    Mes impressions du MoMa sont mitigées. De beaux Picasso, les célèbres Demoiselles, des Van Gogh, etc, etc. Mais finalement assez peu de Warhol, par exemple. Ils doivent être ailleurs, à Chicago ou Los Angelès. Et pas d'Edward Hopper, moi qui espérais tellement en voir (oui, je sais, il suffisait de se renseigner: mais ils n'auraient pas été là davantage). Je photographie Rebus, pour des raisons églogales (Travers coda).
    Des variations, des peintres et sculpteurs dont je n'ai jamais entendu parler, ou pas souvent*. Tout cela est très gai, joyeux, met de bonne humeur et laisse interrogatif. De l'art? Vous êtes sûr? Mais ce n'est pas très sérieux, non?





    Mais s'il s'agit de dire quelque chose de l'homme d'à la fois intemporel, éternel, universel, et de très ancré dans le temps, dans une époque, pourquoi pas?
    Dans la salle des minimalistes, j'essaie de donner quelques pistes à O. sur le point atteint aujourd'hui (l'année prochaine, histoire de l'art au brevet des collèges, mais je doute qu'il aborde l'art contemporain).

    Les pièces qui marquent le plus sont finalement celles des expositions temporaires, mais on n'a pas le droit de les photographier. Je ne vois pas de catalogue (sans doute vais-je trop vite, il y en a sûrement).

    - Tour de l'île de Manhattan en bateau. Nous apprenons que la meilleure vue possible, et gratuite, sur le mémorial du 11 septembre, est le "jardin d'hiver" (winter garden), une construction entièrement vitrée sur le bord de mer.
    Le commentateur est d'un nationalisme ou d'un chauvinisme échevelé (ton emphatique: «Et si vous êtes américain, vous devez venir vous recueillir ici, où tant d'Américains sont morts»; «Et si vous êtes New Yorkais comme moi — combien de New Yorkais ici? Levez la main. … A New York sont parlées toutes les langues de la terre; d'où que vous veniez il y a forcément quelqu'un qui parle votre langue…» son enthousiasme m'amuse mais agace les deux Américaines à côté de moi que j'entends commenter.
    De la mer, on se rend compte que les immeubles à l'extrême sud sont vraiment serrés. C'est un miracle qu'il n'y ait pas eu davantage de gratte-ciels touchés le 11 septembre. J'ai des questions soudain, que s'est-il passé juste après, est-ce que les gens qui vivaient là sont revenus y dormir? Y a-t-il eu des journées de deuil? Tout a-t-il continué? Je ne me souviens plus. Je regrette de n'avoir jamais vu les tours.
    Quais abandonnés, activité portuaire disparue, l'activité immobilière gagne. De l'autre côté de l'île, à l'ouest dans le New Jersey, les immeubles sont en expansion (n'y a-t-il pas de marée haute?)) Etrange mélange de ce qu'on sait être la plus grande richesse et cette impression d'abandon ou de chantiers.

    - Retour. Il faut remonter toute la 42e rue. Nous attendons le bus. Il est à cinquante mètres de l'arrêt, franchit trente mètres en vingt minutes. La chaleur est à couper au couteau. Nous partons à pied. Explication deux blocs plus loin: la police a bloqué un carrefour. Les piétons envahissent la chaussée. Je m'attends à des sirènes, à une explication: rien. Nous marchons. Chaleur.
    Sieste.
    - Mac Do (je ne retrouve plus ce que j'aimais tant il y a vingt ans. Etait-ce des milk-shakes? Il me semble que oui. Ils ont dû être remplacés par les smoothies. Et il n'y a plus les distributeurs de sauces que j'aimais tant, au goût différent des sauces en Europe).
    Il fait nuit. Les trottoirs sont pleins. Beaucoup de femmes sont sur leur trente-et-un. C'est vendredi. Je pense à Sex and the City. Les téléfilms donnent une image fidèle.
    Rockfeller Center la nuit. Le fleuve ou la mer (je confonds un peu tout) est tout proche. Brume. Guirlandes des ponts. Je crains et souhaite l'orage. La chaleur au sol m'évoque 2003 (cette impression de se mouvoir dans une piscine d'air chaud), la différence étant la présence de vent léger: l'air n'est pas immobile. Note pour plus tard: revenir en octobre, sans doute: "l'été indien" doit avoir une signification.


    * Une belle variation de Marcel Broodthaers sur Oscar Wilde, Lewis Carroll, etc.

    Le bruit et l'odeur

    5h51. Je ne peux pas me rendormir. Pas de wifi dans la chambre (bizarrerie: wifi gratuit dans le hall, quatorze dollars dans la chambre), je tape hors ligne, on verra plus tard.

    Hier 2 août.

    Les enfants ont dormi plus tard que je ne l'aurai cru. L'hôtel est au cœur de Manhattan. Sorti avec H. Impression de se trouver dans un film, le décor est tellement connu. Après les soucoupes de ''Men in black'' aperçues hier du taxi, c'est le square de l'un des Bourne (l'adresse codée qu'il donne à Pam) que nous rencontrons par hasard (quartier Tudor). Grand Central Station, je suis étonnée par la constellation au plafond, H. la connaît par ''Kapax'', je reconnais le décor d'une flashmob vue sur Youtube. C'est un peu comme partir à la recherche de souvenirs qu'on n'aurait pas vécus: aucun dépaysement et aucune impression de réalité. L'odeur est étrange, celle d'une chaleur étouffée, ça ressemble à la pomme de terre cuite à la vapeur.

    Perdu un peu de temps dans la matinée à attendre Déborah (la jeune Allemande qui a passé trois mois chez nous en 2010 et qui va rester avec nous pendant le reste du voyage). Puis direction Central Park, à pied. Début d'une longue errance. (Non, nous n'errons pas, nous savons où nous allons et il est très simple de se repérer. "Ce que je veux dire, c'est que" nous n'avons aucune notion des distances (finalement, la seule façon de connaître véritablement l'échelle d'une carte est de marcher, j'ai l'impression que d'une ville à l'autre deux cents mètres ne représentent pas la même fatigue)). Il fait très chaud (30°? +32, diviser par 5, il me semble (oui, bon l'iphone doit pouvoir le faire, mais c'est plus amusant comme ça)). Nez en l'air à apercevoir le faîte des immeubles. Il y a du monde, mais les trottoirs et les rues sont si larges que cela ne donne aucune impression de précipitation. Peut-être parce que c'est l'été, peut-être à cause du péage pour entrer dans cette partie de Manhattan (ou dans tout Manhattan? aucune idée), il n'y a pas d'embouteillage. Fluide. Je suis frappée par le niveau sonore, je l'appellerai presque du silence. Les bruits se dissolvent dans l'espace (le volume de l'espace entre les immeubles, la formidable aération de cette île ouverte sur la mer par tranches, rue après rue (d'est en ouest: les rues; du nord au sud, les avenues). Même sans vent, même avec la chaleur accumulée par le goudron, l'air ne stagne pas tout à fait. Les bruits ne se concentrent pas). (Et pourtant, dans la chambre au 41e étage, ce qui frappe, c'est le bruit incessant, la rumeur de la rue, des travaux, du vent, de la clim. Paradoxe.)
    Saint Barth. Est-ce l'église de L'Avocat du diable?

    Central Park, trop grand, nous voulons atteindre le Met, la troupe est un peu découragée par la distance et la chaleur. Là encore, quel silence dans ce parc, tranquillité, écureuils gris, statue d'Alice in Wonderland, inévitablement.
    Déjeuner à la cafétéria du Met, au sous-sol. Les assiettes se paient au poids, quelle exactitude (je suis pour).

    Nous avons trois heures pour visiter le musée avant sa fermeture, nous avons choisi nos impératifs: impressionnisme pour H. et l'aile américaine pour moi. Nous confions la carte à O. qui aura acquis à la fin de la journée une aisance impressionnante dans cet immense musée sur deux étages, une mezzanine et un "grenier poutres apparentes" (reconstitution d'intérieurs coloniaux, très beaux. Le seul endroit où je verrai la pancarte aborrhée "ne pas toucher" sur un lit et un berceau).
    Le classement/regroupement dans ce musée ne va pas de soi, nous trouverons des Matisse ou des Picasso à trois endroits très éloignés (le premier je ne sais pas, le deuxième dans Europe fin du XIXe début du XXe, le troisième dans les contemporains et les modernes), c'est comme si les conservateurs s'étaient dit qu'ainsi, même le visiteur distrait arriverait bien à en voir un ou deux.

    Quiétude de ce musée, ombres en croisillons dans les patios, silence malgré un public nombreux, impression d'un musée réconcilié avec ses visiteurs, belle lumière d'après-midi et éclairage naturel, explications près de chaque tableau, le sujet, le contexte de la peinture (dans le sens sujet du tableau et geste de peindre), toujours et uniquement en anglais, mais normalisées, se présentant toujours sous la même forme, un beau travail systématique très utile.






    Je repère un très beau Brueghel l'ancien sur la moisson (j'aime beaucoup Brueghel (et je me demande pourquoi ce sont les tristes scènes d'hiver que l'on retient surtout)), tombe par hasard sur Orion aveugle (il est là! une photo! (j'ai hérité de l'appareil de ma fille qui a un mode "musée", sans flash et sans bruit. Whaouh, ça c'est pensé (le mode qu'il me faut pour le métro. D'ailleurs, il y aurait une belle galerie de portraits à faire avec les têtes des gardiens de ce musée, toujours très particulières dans leur forme ou leur expression))), des Manet que je ne connaissais pas sur la corrida. Je rencontre par hasard dans une petite salle où des fraises (fruits) dans l'encadrement de la porte ont attiré mon attention des Vermeer dont un avec des bleus somptueux (Vermeer que nous reviendrons voir en fin de visite à la demande de Déborah qui les cherche, abandonnant H. et A., épuisés, à la cafétéria).

    A traverser le musée de long en large pour atteindre ce que nous voulons voir et ce que nous avons oublié de voir, nous avons ainsi une bonne vision des collections du Moyen-Âge et de la Renaissance. Mais d'où viennent ces tableaux, ces statues? En Europe, c'est facile, pillage, héritage, mariage, mais ici? Achetés, offerts par des donateurs (une gigantesque fresque italienne représentant Saint Christophe: donation!).
    — Mais c'est incroyable. Qu'est-ce qu'ils sont riches, qu'est-ce qu'ils étaient riches.
    — Tu sais sur quoi s'est construite cette richesse…
    — Non.
    — Sur l'esclavage.
    Hum. J'ai mes doutes mais je me tais. Je pense surtout au travail et au courage de cette nation pour laquelle j'ai beaucoup d'admiration. Mais bon. Une explication n'exclut pas l'autre. Et dans les salles traversées, la reconstitution de salons XVIIIe siècle doit beaucoup aux riches familles anglaises, c'est certain (je reconnais ailleurs une copie de Louis XV enfant rencontrée à Versailles il y a quelques semaines. Je n'approfondis pas dans quel cadre elle se trouve là (reconstitution d'un intérieur français?)

    Si je venais souvent au Met, je passerai beaucoup de temps dans l'aile américaine. Je ne connais presque personne à part Wilson Homer et Sargent, mais j'aime cet endroit, cette poursuite d'art qui copie l'Europe (un peintre pastiche très visiblement Renoir) et finira par produire totalement autre chose, Rauschenberg ou Jasper Johns. Je tombe en arrêt devant les œuvres d'un sculpteur, Augustus Saint-Gaudens.

    Le musée ferme à cinq heures et demie, nous sommes mis dehors manu militari à cinq heures et quart, même la boutique de "souvenirs" est fermée, mince, mes cartes postales!
    Goûter au Pain quotidien (est-ce que ça vaut vraiment la peine de venir si loin pour retrouver ce que j'ai fréquenté en haut de la rue Montorgueil en 2003? Ça me fait rire.), le serveur pas bête et sans doute rendu prudent par la nullité en calcul mental de ses contemporains a ajouté au stylo bille ce que représente quinze et vingt pour cent de la note, afin que nous puissions choisir ce que nous lui laisserons puisque le service n'est pas compris.
    Le fond sonore est de la musique classique, mais trop forte, et les conversations se mettent à monter. Pour la première fois de la journée, je retrouve le niveau de bruit de Paris.

    Métro, un peu de repos (soins des pieds, changement de chaussures!), métro, quartier chinois et Little Italy.
    Quartier chinois: ah oui, quand même. Quand je pense qu'on se plaint de l'arabisation de Saint-Denis. Ici, même Mac Donald est sous-titré en chinois. Les immeubles sont plus bas, le soleil se couche (crépuscule que par des jeux de lumière on ne sait pas bien attribuer à notre droite ou notre gauche), de gros sacs poubelles s'entassent sur les trottoirs (il ne doit pas y avoir de chiens errants. Pas de rats, de mouettes, de goélands? (non, à part les moineaux et les canards de Central Park, pas vu d'oiseaux)). New York pue, elle pue la chaleur et les poubelles, et aussi, par endroits, l'odeur forte d'une trop grande quantité de viande crue (y aurait-il des frigos, des bouchers, en sous-sol?) La chaleur, c'est aussi celle des milliers de climatiseurs dont les cubes blancs débordent des fenêtres, c'est une chaleur qui malaxe les odeurs des appartements et des boutiques.

    Dîner à Mulberry street (quartier de la Huchette, en gros, pour ce qui est de l'animation). Pensée joyeuse pour Matoo quand le serveur nous propose du poivre. La clim est si forte que nous gelons tout le repas, les filles ne savent plus comment se couvrir.
    — Je n'aurais pas dû me mettre en short.
    — Je te rappelle que dehors il ne fait pas tout à fait la même température.

    Le métro est plus bruyant le soir, et si les quais font vraiment leur âge, les rames sont propres. Avec leur banc unique le long des fenêtres, elles sont conçues pour favoriser la circulation des gens (et non le fait qu'ils soient assis).
    Ce métro est davantage un RER ou un train, puisque plusieurs lignes empruntent les mêmes quais.

    New York

    6h53, rez-de-chaussée de l'hôtel où le wifi est gratuit. Je pense à cette vieille pub pour le savon Zest, dans laquelle un petit garçon très excité réveillait ses parents à six heures un dimanche: «Aujourd'hui on va au zoo!»

    J'ai vu le soleil se lever, j'ai hésité sur la conduite à tenir, je suis là à écrire. Sortir, marcher? Dans un sens j'ai peur de "voler" les autres, dans un autre j'ai l'impression de pouvoir faire tellement de choses vite vite, discrètement… Bon, on verra demain.

    Pour l'instant repérer les quelques adresses qui me manquent (que nous n'avons pas revues/révisées (pas le temps, pas le temps)) avant de partir. Je sens que je vais être insupportable, il faut que je me calme.

    (L'hôtel n'a pas d'étage 13, les légendes sont respectées, tout va bien.)

    Repassage

    Repassé en regardant des films, ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps. L'Avocat du diable, (Charlize Theron toute jeunette, Al Pacino mon favori. Un peu déçue que le scénario ne respecte pas la règle des vieilles légendes européennes: pour triompher du diable il faut l'entraîner à jouer ou parier, puis le battre à son propre jeu en trichant ou en appliquant les règles dans un sens inattendu: l'inventivité de ces histoires m'a toujours enchantée), Soleil levant (ah tiens, c'est de là que vient «Si tu t'assois au bord de la rivière tu verras passer le corps de ton ennemi»), One million dollars baby (beau film. J'aurai dû aller le voir au cinéma, je regrette).

    Quatre jours

    Quatre jours pour descendre la pile à laquelle je n'ai pratiquement pas touché (bien entendu) et m'occuper des rosiers (visiblement ils n'aiment pas la pluie).

    Ah oui, et puis revoir notre itinétaire, un peu.

    Bon, et j'abandonne librarything, pas le temps, je ferai ça quand je serai en maison de retraite (et puis classer mes photos aussi (j'espère que je ne serai pas aveugle)). (Moi je ne prépare pas ma retraite, je prépare ma maison de retraite).

    Dernier jour

    Stress maximal en pensant à ce qui n'est pas fait (entre le rapport à remettre à l'autorité de tutelle dont on a eu connaissance lundi (lettre de relance qui s'est perdue entre les différentes adresses du groupe) et qui devait être remis le 30 juin (et qui ne correspond pas à notre activité (mais ce n'est pas tout à fait le moment de se mettre à dos ladite autorité de tutelle)), les tables de transco à préparer (changement de système informatique en janvier. Mais est-ce vraiment urgent? Le choix du nouveau système est-il vraiment arrêté? Y a-t-il des informaticiens dans la maison en été? Entre travailler pour rien dans l'urgence et empêcher les autres d'avancer parce qu'on n'a pas fourni à temps les éléments…), le bilan prévisionnel dont on m'a parlé mardi après-midi (lui attendra fin août, je crois) et les demandes des adhérents (on verra ça en fin de journée).

    Regret du temps perdu (était-il raisonnable d'aller ramer? de prendre des pots? d'acheter des livres? de faire sept séances (sur dix) de kiné? Trop tard, trop tard, trop tard).

    Bon, je ne vais pas aller ramer. (La dernière fois, je me suis arraché un beau morceau de peau, de toute façon, je ne sais pas comment j'aurais fait.)

    Etourderie

    Utiliser ses (deux) chéquiers pour caler le pied de la table en terrasse est une possibilité, à condition de penser à les reprendre quand on part.



    (Et sinon, si vous avez besoin de cours pour préparer le bac de français, contactez-moi, j'ai une adresse.)

    Journée

    Une de ces sorties qui me fait penser que ce n'est pas la peine que j'insiste, que je n'y arriverai jamais.
    Exercice, pelles au carré, rien n'y fait. Mais comment ramais-je en double quand j'avais treize ans? Je me souviens que je sortais du bateau furieuse, que j'en voulais au monde entier et surtout à moi-même, bien sûr (mais comment s'éloigner de soi-même quand on ne se supporte plus?). Ça n'allait pas.

    Passée le soir chercher vingt-cinq fascicules de la Bible de Jérusalem édités dans les années 50. Je voulais vérifier la numérotation des psaumes par rapport à la liturgie orthodoxe, et comme je l'avais compris, elle est alignée sur la numérotation de la Vulgate, et non la numérotation hébraïque retenue par les Bibles que je possède.
    J'aime bien la Bible en fascicules, ça redevient humain, accessible. Les tomes sont tachés de rouille mais ne sentent pas l'humidité.

    Soit dans mon sac:
    vingt-cinq fascicules bibliques;
    Ty-Puss d'Ella Maillart (c'est un cadeau de Patrick pour A.);
    Le Temps presse de Jacob Taubes (parce qu'il était au bureau et que j'en ai besoin demain matin);
    La réforme liturgique du métropolite Cyprien de Kiev de Job Getcha (que je lis (non, pas totalement par folie, mais pour m'imprégner du vocabulaire))
    Petit abécédaire des entreprises malheureuses d'Anne Matalon qui était dans un placard de mon ancien bureau et que je ramène à la maison.

    Le Mur de Jean-Paul Sartre

    Moins en transit qu'en attente. L'un des premiers jours de beau temps. Villeneuve-Saint-Georges, sortie côté Seine.





    Pour mémoire: passée dire au revoir aux informaticiens du projet de mon précédent poste (les macarons étaient pour eux, ils ont été formidables), rendez-vous l'après-midi à Paris pour un point (c'est facile, tout est urgent et nouveau, il faut que je revête mon masque sérieux, il est temps (ou que j'enlève celui de clown, en fait je ne sais plus lequel des deux est un masque)), deux Guinness + du vin espagnol (qui ne me fait pas mal à la tête; décidément il y a quelque chose dans le vin français). Basculement dans la santé de H.

    Le jour et la nuit

    Rendons justice aux enfants: gros effort de ménage pendant ces trois jours. La chasse aux puces est ouverte: chaque année c'est pareil, sous prétexte que notre chatte vers la fin de sa vie n'attrappait plus de puces (trop coriace?) nous négligeons de traiter les deux plus jeunes que nous avons à présent. Et ensuite il faut des mois pour s'en débarrasser, je soupçonne d'ailleurs que des œufs survivent d'une saison à l'autre.
    A tout instant je regarde mes jambes, ressentant des piqûres imaginaires. L'important est de ne pas se gratter (les démangeaisons surviennent et durent longtemps après la piqûre). J'ai découvert que le Synthol (ça fait du bien quand ça fait mal) anesthésiait la douleur.

    Coup de soleil en terrasse hier («Quand ça change, ça change.»)
    Acheté des macarons sur les Champs. (La boutique est installée sous une tente. Je ne me souviens plus de la date de l'incendie.)
    O. a dû prendre un coup de chaud: nous avons reçu un coup de fil nous demandant l'autorisation de lui donner de l'aspirine (!).
    Je suis en train de grossir sans avoir le courage d'enrayer le processus.

    T'as voulu voir Vesoul

    Depuis qu'il a été bloqué plusieurs heures à Vesoul par des manifestants CGT, H. voulait voir Vesoul. Donc c'est chose faite (statue de Daumier qui ne manque pas d'humour devant le Palais de justice. Elle me fait penser à Christophe et la Famille Fenouillard). Impossible d'atteindre en voiture le clocher que l'on voit en haut de la colline, il faut traverser le bois à pied. Pas le temps, ce sera pour une autre fois.

    Il fait beau.
    Je m'amuse avec le régulateur de vitesse.
    Après Vierzon et Vesoul, avec de la chance la prochaine fois ce sera Honfleur.

    Todtnauberg et Freiburg

    Arrivée à Mulhouse hier. Flâné dans la ville ce matin, puis Todtnauberg à travers la Forêt noire (avec dans la tête «Heidegger protège de la débauche»); la "hutte" qui est un chalet ne se visite pas, elle appartient aux descendants; puis Freiburg. Des chorales donnent la sérénade à chaque coin de rue, un peu surprenant de voir sortir de l'ascenseur du parking des chanteurs de l'armée rouge, casquette incluse (c'est-à-cela que nous les avons reconnus).

    Les lunettes roses

    J'ai acheté des lunettes roses.

    En récupérant mercredi soir mes lunettes de soleil de vue (nouveaux verres sur vieille monture), j'ai compris que j'avais eu le coup de foudre pour les lunettes roses essayées en riant il y a dix jours (alors que les nouveaux verres sur la vieille monture étaient déjà commandés).

    C'est bien les lunettes roses, on voit la vie en rose. Seulement c'est toute une affaire, la monture est courbe, le verre est teinté "modèle" (???): au moins trois semaines de fabrication, je ne serai pas là quand elles seront prêtes, je ne les aurai qu'en septembre, après les vacances.

    Tant pis.
    J'ai retrouvé ce que ça me rappelle: «Mon âne, mon âne, a bien mal à ses yeux. Madame lui a fait faire une paire de lunettes bleues.»

    Ma mère a déclaré ma chambre zone sinistrée

    Voici l'occasion de traduire un billet d'un blog qui reprend des lettres curieuses ou émouvantes.

    En 1984, un élève de cinquième nommé Andy Smith présenta la requête suivante au président Ronald Reagan :

    Aujourd'hui, ma mère a déclaré ma chambre sinistrée. Je souhaiterais bénéficier d'une aide fédérale afin d'embaucher une équipe pour nettoyer ma chambre.

    Reagan répondit par la lettre suivante.

    (Source: Reagan: A Life In Letters)

    Andy Smith
    Irmo, Caroline du sud
    11 mai, 1984

    Cher Andy:

    Je suis désolé de répondre avec tant de retard à votre lettre mais comme vous le savez j'étais en Chine et je n'ai trouvé votre lettre qu'à mon retour.

    Votre demande de bénéficier du fonds d'assistance aux victimes de sinistres a été dûment enregistrée mais je dois souligner un problème technique: c'est l'autorité qui déclare le désastre qui doit déposer la requête — dans le cas présent, votre mère.

    Cependant, ce point mis à part, il me faut faire état du problème plus grave du niveau des fonds disponibles. Il s'agit d'une année de catastrophes naturelles, avec 539 ouragans déclarés à la date du 4 mai et davantage à venir, de nombreuses inondations, des feux de forêt, la sécheresse au Texas et plusieurs tremblements de terre. Ce à quoi je veux en venir, c'est que les fond disponibles se tarissent dangereusement.

    Puis-je vous faire une suggestion? Notre administration, persuadée que le gouvernement intervient dans de nombreuses affaires qui seraient mieux traitées au niveau local par des volontaires, a lancé un programme d'initiative du secteur privé, appelant la population à développer le bénévolat pour résoudre la plupart des problèmes locaux.

    Votre situation paraît d'origine naturelle. Je suis convaincu que votre mère avait toutes les raisons de proclamer votre chambre zone sinistrée. En conséquence, vous êtes en excellente position pour lancer un programme supplémentaire de volontariat qui viendra s'ajouter aux trois mille déjà en place dans le pays: félicitations !

    Mes hommages à votre mère.

    Bien à vous

    Ronald Reagan

    Mal à l'aise

    Pété un boulon à la poste de La Défense (j'ai pris quelques photos pour Flickr mais pas réussi à les récupérer sur mon téléphone hier soir).
    Chaque fois que j'y vais, quelqu'un est en train de se faire vendre un Chronopost vingt-trois euros sous prétexte que cela arrivera le lendemain (on ne leur dit pas qu'il faut que ce soit posté avant midi, onze heures, dix heures…) Avant, il suffisait d'un à deux francs cinquante, nous n'avions pas de promesse, mais cela arrivait le lendemain.
    (Ce n'est pas pour cela que j'ai pété un boulon, mais parce que l'automate me demande, quand je veux acheter un timbre (une vignette), si "j'accepte les conditions générales de vente", et comme j'ai une enveloppe contenant deux livres qui s'est perdue, j'ai demandé à voir ces conditions (non seulement je paie pour des lettres qui n'arrivent pas, mais en plus on insinue que c'est de ma faute: je n'ai pas "respecté les conditions générales de vente". Manque de bol, le type derrière son comptoir panique, il ne les a pas, elles sont en ligne, il ne peut pas les imprimer, etc, etc.).
    En face, sous le Cnit, tous les guichets sont fermés, un automate est en panne, une affiche m'annonce que la poste est à mon service (c'est ce que j'ai pris en photo. Mais tout marche si mal que ce sont des vidéos qu'il faudrait.)

    Lu Une sale rumeur d'Anne Fine (parce que je suis allée rendre iWoz et Limonov). Je sais pourtant qu'il ne faut pas lire Fine, personne n'a une vision plus méchante, plus désespérante des rapports humains. Mais elle m'a fascinée autrefois en décrivant le divorce comme la dissolution du passé (la perte des souvenirs communs, l'absence de quelqu'un pour se souvenir ensemble) (dans les Confessions de Victoria Plum? Je ne sais plus) et je la lis chaque fois que je tombe sur un de ses livres.

    En rentrant, pris une photo de ce que je vois en franchissant le seuil de ma maison. Home sweet home, j'aperçois la moitié de la table de la cuisine, deux tasses, des fruits, tout exactement dans l'état où je l'ai laissé le matin (sachant que je mets les fruits en évidence sur la table pour qu'ils soient mangés: tout ce qui n'est pas sous leurs yeux est oublié (tout reste rangé dans le frigo est destiné à la poubelle au bout de quatre jours de purgatoire)). («Mais maman, pourquoi tu as toujours l'air exaspéré?»)
    Ma fille a passé la journée ici. Elle est en peignoir (elle a quitté son pyjama à dix-sept heures, cafte son frère), le linge mouillé est dans la machine, elle n'a pas rangé la table (ah si, elle a mis le lave-vaisselle à tourner (mais sans le vider ensuite): effort de la journée, mettre de la lessive dans un compartiment et appuyer sur un bouton). Que me disait-elle hier qui m'a serré le cœur, car je sais qu'elle a raison? «Soit on s'engueule, soit tu es distante».
    Oui, distante. Pour ne pas l'engueuler, c'est exact. On allume les pare-feux qu'on peut.

    Plus tard, avant de monter, je dérange A. sur l'ordinateur: «Tiens, je t'ai pris Proust en poche au CE». Je vois ses épaules s'affesser, ça fait un an qu'elle proclame qu'elle veut lire Proust, elle l'a commencé dans la Pléiade en janvier (contre mon avis, c'est bien trop dur pour elle), ce qui lui a permis de ne rien lire d'autre pendant quatre mois. Elle n'est jamais venue à bout de Du côté de chez Swann, et j'ai apris mi-mai qu'en fait ce tome était une lecture imposée par la prof de français. Je lui ai conseillé vingt fois d'abandonner la Pléiade et de le prendre en poche, moins décourageant. Las.
    Aujourd'hui je l'ai trouvé au CE, je le lui ai ramené. On ne sait jamais. (La fille des "on ne sait jamais". Ce n'est même pas une question d'espérer. Keep pushing, voilà tout. Faire sa partie. Est-ce que cela à un sens? (Je ne veux pas dire localement, au niveau de mon cas particulier, mais au niveau du principe? Ou est-ce juste bête, vaguement pathétique et stupide dans son obstination aveugle?)[1])

    Je mange des céréales, me fais un thé, vide le lave-vaisselle en papotant aviron avec C., abandonne la cuisine. Qu'ils fassent ce qu'ils veulent, qu'ils mangent ce qu'ils veulent. Après tout, ils sont en vacances, et pas moi.



    O. est parti en camp scout (il n'a pas plu, il n'a pas plu!) en oubliant ses tongs (les lui envoyer ou pas, telle est la question (ô la poste)), C. a testé le club d'aviron .

    Notes

    [1] Mais bien sûr, il n'y a pas que ça. C'est aussi minimiser les remords sur ce qui demande le moins d'efforts, tandis que courent ceux nés de la paresse et de l'égoïsme, tout ce qu'on aurait dû faire ou qu'on se demande si on aurait dû le faire et si on l'avait fait en serait-on là (qu'a-t-on raté? Mais on le sait, ce qu'on a raté, ou on croit le savoir, et l'on sait aussi qu'on referait la même chose (ou qu'on ne ferait toujours pas ce qu'on devrait faire (enfin qu'on devrait peut-être faire, qu'on aurait peut-être dû (car après tout, qu'est-ce que ça changerait, aurait changé?), par paresse, oui, ou découragement, à-quoi-bonisme. Mais malgré tout, on essaie encore un peu, par sursaut, par réflexe, parce qu'on ne sait jamais) (et on se dit qu'on est en train de réécrire les romans d'introspection psychologique du XIXe siècle et que… bah…))).

    Configuration inédite

    Seule avec les deux garçons, tous les trois dans le salon. L'un mange du gâteau au chocolat en faisant beaucoup de bruit, la pendule fait tictac, le dernier se concentre devant un jeu sur l'iPad oublié par son père. Je bois mon thé.

    Un we

    Vendredi soir. Soirée galère. Presque concert sous la pluie à Versailles, nous abandonnons avant le début qui tarde (vingt minutes de retard, la pluie goutte du parapluie sur mon genou), nous partons, en arrivant à la grille nous apprenons que le concert est annulé, tant mieux, nous sommes partis avant la cohue (Même sans la pluie j'aurais été très déçue: qu'est ce donc que cette conception de concert classique en plein air où les chaises ne sont pas installées en amphithéâtre, mais à plat?)

    Samedi journée, pique-nique chez les voisins, samedi soir, R. à la maison (un peu surpris de l'animation du dîner), dimanche les D.

    Samedi matin au lit, avant même de me lever, douleur aléatoire et intolérable dans l'omoplate droite, un nerf pincé sans doute, genre sciatique. Très handicapant car survenant par surprise et faisant hurler à chaque fois (c'est discret). Etirements selon les instructions du kiné, glaçon, mouvements prudents. Cela semble disparaître peu à peu dans l'après-midi; dimanche matin je teste précautionneusement mes muscles avant de me lever. Tout est redevenu normal, tant mieux, mais je suis tout de même un peu peinée de constater que personne ne me demandera comment va mon dos (keep a stiff upper lip).

    J'ai reçu une carte postale

    2004-2012. Première carte postale en huit ans :

    «Tu vois je fais quelques progrès: j'ai trouvé une carte (camusienne), un timbre, ton adresse et une boîte postale. Mais pas l'inspiration: M. me coupe le souffle.»

    Mon nouveau bureau

    Il est au dernier étage d'un cube, vitré sur deux côtés, est et sud. Il est très lumineux, même par temps de pluie. Et j'ai vue sur la tour Eiffel et un petit morceau de Seine. (Sur la photo, une péniche passe. L'eau est aussi verte que les arbres.)




    Dans les toilettes, le novlangue fait rage. J'ai l'intention d'enlever discètement cette affiche et de la remplacer par le numéro de téléphone seul.




    Le rez de chaussée (rez de dalle, comme on dit) est au quatrième étage. Je retrouve au premier étage la bibliothèque de 1996. J'y avais emprunté mon dernier Bradbury (La solitude est un cercueil de verre), Madame Bovary et Cervantès en cassettes audio, et découvert Lawrence Block.
    J'ai vérifié: Le fil de l'horizon est disponible (introuvable en librairie malgré la mort de Tabucchi). J'ai emprunté le journal de Kafka parce qu'il était placé devant les livres trop serrés sur l'étagère pour lui laisser de la place et l'édition 1972, la première, du Seigneur des Anneaux chez Bourgois, plus confortable à lire que les livres de poche.

    J'aime beaucoup les bibliothèques. Je réfléchissais qu'à une époque, c'était finalement le moyen le plus sûr de trouver les livres épuisés.

    Inquiétude.

    Hier. Réunion dans la tour que je voyais de ma cuisine il y a vingt ans. Etrange. Le quartier s'est appauvri, je crois, s'est "typé" encore davantage (odeur écœurante de la viande à l'étal du boucher, il n'y a pas en vitrine ma pâtisserie préférée dont j'oublie toujours le nom), mais j'ai l'impression qu'il est en passe de modernisation: friches en chantier, appartements neufs à venir, l'ambiance pourrait changer. Après tout, nous sommes à une porte de Paris.

    En sortant, je suis impressionnée de contaster l'écart entre ce que j'ai compris et retenu de la réunion, et ce qu'ont compris mes collègues. Je n'ai entendu que ce que je voulais entendre, elles n'ont entendu que ce qu'elles craignaient.
    Est-ce dû à mon manque de connaissances sur le sujet, ou à une incapacité à écouter et surtout à croire désormais ce qui se dit?
    Je crains que ce soit le cas.

    Fin d'après-midi soirée

    Un départ un discours une coupe de champagne kiné (mon kiné a un sourire désarmant de petit garçon (je parle trop)) je reviens des clés dans mon sac je n'ai pas fermé la salle vide mais il reste du champagne une coupe Petit Broc un verre de blanc personne des gambas au poivre très bonnes une ou deux surprises bus RER voiture tisane à la sauge plus miel. «Il est temps Frodon» dans mon dos et musique affligeante.

    Le défi du week-end

    Descendre ces piles (plus quelques annexes qui ne sont que broutilles).


    Mauvaise humeur

    Coup de blues hier vers 17 heures quand commence à tomber la pluie. Nous devons aller voir le soir le spectacle de feux d'artifice à Versailles. Cela fait plusieurs semaines (en avril, en mai?) que j'ai réservé les billets en retenant une date la plus éloignée possible en espérant que le temps aurait le temps de s'améliorer, s'améliorerait forcément, d'ici juillet.
    Las.

    Pauvre Félix: dix semaines en France, et pratiquement dix semaines de pluie.

    Est-ce parce que les sièges étaient mouillés, parce qu'il faisait froid, parce que la pluie de l'après-midi m'avait abattue (alors que vers le soir le ciel s'était bien dégagé), parce que j'étais déçue de ne jamais réussir à me faire comprendre des enfants (il faudrait m'y résoudre et passer à autre chose, ce serait plus constructif) ou parce qu'H. m'avait dit que Sophie Marceau était très jolie avec ses quarante-sept ans (quarante-sept ans? Mais c'est très très vieux! Sophie Marceau a quarante-sept ans? Mais alors je suis très très vieille!!), toujours est-il que le spectacle m'a affligée.

    Et pourtant certains feux sont très beaux, la finesse des fusées dorées retombent en gouttes vraiment jolies. L'ensemble des feux relève d'une parfaite maîtrise, sans doute la pointe de la technologie en la matière, et c'est d'autant plus dommage que l'ensemble soit gâché par sa conception-même, qui glisse du sophistiquée au vulgaire à force de manque de goût.
    D'abord les jardins étaient fermés, défigurés par des barrières (lire le billet "Talcy" ci-dessous), une fois de plus nous étions des consommateurs et non des invités, hors de question de faire un pas à côté hors des sentiers battus (il y a deux ans, H. m'avait fait un récit enchanteur de la soirée qu'il avait passée dans les jardins avec les enfants avant le spectacle: finie cette formule élégante); ensuite la musique était trop forte, et surtout le jeu des bateaux sur l'eau vaguement comique et ridicule. Il faudrait peut-être prendre en compte que les spectacteurs ici ne sont pas ceux de Disneyland (ou alors, y aller carrément: Smoke on the Water, comme me murmurait Clément à l'oreille, et abordage de bateaux pirates, au moins ce serait drôle et inattendu. Mais Louis XIV version fée Clochette…)

    Bon, j'étais de mauvais humeur. Mais je ne vous encourage pas à aller vérifier si j'exagère ou pas, ce serait cher payé.

    kiné

    Deuxième séance de kiné pour mon doigt. A l'opposé de ce que j'attendais: tout en détente et en étirements, avant tout ne pas faire mal.

    C'est drôle d'avoir quelqu'un qui fait attention à vous, qui n'est là que pour ça, qui est payé pour ça. Soudain je me dis que payer une pute ne doit pas être très différent.

    (Je suis embarrassée qu'il soit plus jeune que moi. Cette phrase a-t-elle ou non un rapport avec la précédente? Je crois que je suis lasse et un peu malheureuse. Faire simplement attention à ne devenir ni amère, ni aigrie.)

    Confusion

    Quand j'entends boson de Higgs je comprends grognon de Bluxte.



    (Appris la mort il y a une semaine de Robert Sabatier. (On ne me dit jamais rien). Pas lu depuis trente ans, mais ça me fait de la peine.)

    Le projet Laramie

    C'est une drôle d'histoire, le moment où un fait divers cesse de planer dans les hauteurs mythologiques pour redevenir réel: le reportage d'une troupe de théâtre revenu plusieurs fois dans une petite ville (26000 habitants) au milieu de rien (du vent qui rend fou) pour rencontrer des gens qui connaissaient la victime ou les meurtriers, pour rendre compte ensuite des relations existant entre les différents personnages et pour redonner une dimension incompréhensible au fait divers: comment deux jeunes hommes (deux jeunes bouseux) ont-ils pu battre à mort un troisième et surtout l'abandonner là dix-huit heures, partir continuer à vivre en sachant qu'il allait sans doute mourir (et d'abord de froid) s'il n'était pas trouvé à temps (il n'a pas été trouvé à temps). Cette question théorique devient terriblement concrète quand les interviews des habitants de la ville qui connaissaient la victime et les agresseurs, des professeurs, des amis, des serveurs de bar, lui donne corps.

    Puis la troupe a monté les entretiens en une pièce en reprenant d'une part tous les points de vue sans commentaire (très important: sans commentaire. Il y a montage ET représentativité, mais pas de commentaire, de conclusion pré-pensée. Au spectateur de réfléchir, même si bien sûr il est prévenu (sans cela il ne viendrait pas voir cette pièce)) et d'autre part des éléments tirés des procès. Le tout donne une impression de reportage télé.
    Par la magie du théâtre la parole reprend corps et tout redevient étrange. Vingt-six mille habitants, c'est la taille de ma ville, à peu près. Tout est bizarre: pourquoi ce fait divers-là a-t-il pris tant d'importance, alors qu'il n'était pas le premier? La taille de la ville? L'âge des protagonistes? Le lieu géographique? Ou peut-être la radicale gentillesse et inoffensivité de Matthew Shepard, décrit comme petit et souriant, face aux bouseux mal dégrossis?

    Qu'est-ce qu'un crime "haineux"? Ou plutôt, qu'est-ce qu'un crime non haineux? Veut-on dire que lorsque qu'on tue pour voler, ce n'est pas par haine? Veut-on parler de crime gratuit par opposition à un crime non gratuit? (et donc? l'un serait plus justifiable que l'autre? dangereuse idée). Je suppose qu'il doit s'agir de combler un vide juridique ne permettant pas de poursuivre avec suffisamment de sévérité certains actes sur lesquels on ne sait pas mettre de mots. (Du droit comme la nécessité des définitions).

    Pensé à Six feet under (un épisode me semble directement inspiré par Shepard), à Mangez-le si vous voulez ou à Brokeback Mountain.

    C'est jusqu'à samedi, au théâtre Confluences par la troupe Green Paradise qui à neuf acteurs jouent un nombre impressionnant de personnages en changeant de casquette ou la place des chaises, en présentant chacun en voix off, comme le ferait un sous-titre sur un écran télé. Efficace mise en scène. Dépêchez-vous, c'est jusqu'à samedi.

    Informatique et vocabulaire

    Rien de particulier. Commencé Travers Coda.

    Je m'amuse des problèmes de connexion informatique: soit une entreprise A détachant un salarié à une entreprise B (et qui doit donc travailler dans le système informatique de B), sachant qu'à terme son contrat de travail sera repris par C (A disparaît et B ne peut embaucher puisqu'elle mène un plan de départs volontaires), combien de temps faudra-t-il pour que les applications indispensables au travail du salarié détaché soient disponibles avec les identifiants adéquats?

    En attendant nous nous débrouillons entre clés USB et impressions d'écran. «La bite et le couteau», ai-je spontanément lâché devant mes deux collègues ébahies qui m'ont fait répéter le premier mot trois fois pour être sûres d'avoir bien entendu. (Je crois que je leur ouvre des horizons stylistiques. J'ai un peu honte, mais elles rient de bon cœur. Alors…)

    Mariage gay

    — Moi, je suis contre le mariage gay: il va falloir refaire les logiciels d'état-civil, comme d'habitude les décrets vont sortir au dernier moment et on va se faire engueul** par les mairies parce que ça ne marchera pas.
    — Je ne vois pas ce que ça change: il suffit de faire sauter quelques contrôles pour autoriser les "Monsieur" avec "Monsieur" et "Madame" ou "Mademoiselle" avec "Madame" ou "Mademoiselle", non?


    Personnellement, en tant que femme, j'ai beaucoup de mal à comprendre qu'une institution qui a été si longtemps source d'oppression et l'est encore puisse être objet de désir. Ça me dépasse. (Pas de mariage, pas d'enfants: à peu près ce que l'hétéro blasé envie à l'homo, tandis que l'homo progressiste souhaite enfants et mariage. Ah làlà, on n'est pas sorti de l'auberge).

    Talcy

    Nous rentrons à deux voitures. H. prend l'autoroute, je lui annonce que je vais passer par Chambord, prendre l'autoroute à Mer et sortir à Artenay pour remonter par la N20.
    Mais arrivée à Mer, je vois le panneau Talcy. La tentation est trop forte, il y a longtemps que je voudrais voir ce château, je me déroute.

    Grande déception. Exposition "Dames blanches pour châteaux noirs" (je devrais peut-être leur envoyer un exemplaire de L'ABC du gothique), toutes les pièces sont plongées dans l'obscurité, avec des lanternes magiques, des bandes son sinistres, des projections angoissantes. C'est un joli château de pierres grises, très simple, avec de belles salles, des tapisseries, du mobilier, des tableaux: en temps ordinaire, il doit être facile de rêver ici. Mais pas aujourd'hui: on ne voit rien mais on entend beaucoup, impossible d'y échapper. Je suis très déçue. Je pense à l'administration sage de Chenonceau.

    Je remonte sur l'autoroute à Mer. Je manque d'avoir deux accidents, le premier lors d'un ralentissement brutal sur l'autoroute (puis trois quart d'heure pour faire les six kilomètres qui me permettent de sortir à Orléans Nord: pour la peine je prends la route de Saint-Lyé-la-Forêt plutôt que la N20. Cela fait un moment que je ne l'avais pas empruntée et je constate une fois plus qu'il ne faut jamais quitter le réel des yeux: dès qu'on a le dos tourné, il change. Les ronds-points se sont épanouis, un pont passe au-dessus d'une autoroute (j'ai été un instant désorientée, ne comprenant pas comment je pouvais passer au-dessus de la A10 à cet endroit: ce n'était pas la A10); le second avec une camionnette de gendarmes en sortant d'une déviation pour travaux à Méréville (j'étais en train de vérifier la direction qu'indiquait le panneau de déviation, et au moment de repartir, je vois une masse sombre devant la voiture: je pile, c'était la camionnette venant de ma droite, qui a pilé aussi. Les gendarmes m'ont regardée, je les ai regardés (mais pas très fixement, juste un peu blanche (ne jamais regarder un gendarme dans les yeux, il vous demande aussitôt vos papiers (pour une fois tout était en règle contrôle technique compris, mais je n'ai aucune idée d'où est la carte grise))), quelques secondes, temps suspendu, que va-t-il se passer, (et dans ma tête le souvenir qu'il ne faut pas avoir d'accident avec ou contre "l'Etat", c'est infernal au niveau assurance (mais là pas de problème puisque j'aurais été indiscutablement en tort)) ils sont repartis.

    (Et toujours cette façon de remonter le temps, quelle précision pour arriver à cet emboutissage manqué, et si je n'avais pas visité le château, et si je n'étais pas sortie à Orléans Nord, et si je ne m'étais pas perdue dans Saran… Quelques secondes plus tôt ou plus tard… Et que ce soit le cas de chaque seconde… Ma raison ne suit pas.)

    Chenonceau

    Très beau château, cela va sans dire, mais également d'une merveilleuse administration. Au milieu de la visite (qui s'effectue seul, avec audioguide ou fascicule si on le souhaite), je me tourne vers H. et lui dis: «ce n'est pas possible, ce château n'appartient pas aux monuments (Monuments) nationaux».

    Je me renseigne à la sortie: effectivement, le château appartient à la famille Menier (le chocolat).

    Comment dire? Il s'agit de détails accumulés, à commencer par le parking ombragé, agencé en places de stationnement séparées par des haies (tout est vert, et non pas blanc, comme ces terrifiants parkings de cailloux des châteaux de Chambord ou de Blois par exemple), il n'y a pas de panneaux désagréables sur les meubles (une barre vissée sur les fauteuils indique discrètement qu'il ne faut pas s'y assoir, mais le visiteur n'est pas pris pour un délinquant en puissance dans les cuisines où rien n'indique qu'il ne faut pas toucher les casseroles en cuivre), il n'y pas de gardien qui s'ennuie dans chaque pièce (s'il y a des caméras, elles sont bien cachées, et tant mieux), les bouquets de fleurs sont magnifiques, les plaquettes expliquant chaque pièce sont disponibles dans une dizaine de langues (dont asiatiques et russe, alors qu'au musée de Cluny ou à Orsay sont royalement proposés l'anglais et l'espagnol), tout est serein, non agressif. Je n'ai pas cette impression d'être l'ennemi à surveiller que j'ai dans certains endroits.

    Le Cher, les barques, de magnifiques tableaux, une histoire qui croise celle des rois de France, une exposition sur les années qu'y passa Rousseau… Je ne recommanderai jamais assez chaleureusement ce château.

    Sainte Chapelle

    Que c'est dur de faire lever les enfants à neuf heures du matin. Des zombies.

    Il faut être au lycée avant onze heures pour que A. rende ses livres de français et géographie (une fois de plus son sac pèse une tonne (au moins un pack d'eau de six bouteilles qu'elle trimballe toute la journée) car elle a tenu mordicus à emmener les livres qu'elle présente en "œuvre intégrale" pour son oral l'après-midi, bien qu'elle ait les extraits étudiés en photocopie (on ne discute pas avec A. On ne convainc pas A. Va pour le pack d'eau.)

    Nous l'abandonnons. Direction la Sainte-Chapelle — à Vélib. Seul défaut, je ne peux pas commenter à Félix les rues de la ville qui défilent.

    Trop de monde devant Notre-Dame que j'espérais visiter aussi: moi, je ne fais pas une heure de queue pour visiter un monument, je n'y tiens pas à ce point-là (et je suis incrédule: tous ces gens là devant moi y tiennent à ce point-là? Mais pourquoi? Qu'est-ce qui compte pour eux, qu'est-ce qui est si important pour eux dans Notre-Dame?)
    J'explique à Félix que si vraiment il veut visiter Notre-Dame, il faut venir à la messe de huit heures, puis déambuler dans l'église. Alors il n'y a personne ou presque. Les journées de ces jeunes gens commencent vraiment trop tard.

    Sainte Chapelle. Malgré le temps gris, toujours le même miracle. Je remarque avec amusement que la restauration dees vitraux est financée en partie par Velux (c'est idiot à dire, mais ça me touche. Je ne pensais pas que l'entreprise Velux était suffisamment importante pour faire ce type de mécénat, et je n'aurais pas imaginé une entreprise que j'associe aux constructions contemporaines de moyenne gamme investir dans la Sainte Chapelle. Oui, ça me touche.)
    J'aime cet endroit. Je me souviens du choc la première fois que j'y suis entrée, les peintutres de la salle basse, les vitraux de la salle haute. Je ne savais pas que cela existait. J'en connaissais le nom, une ou deux photos. Mais je ne savais que cela ressemblerait à cela. (Dix-huit ans, interne à Versailles, ou dix-neuf, à Paris, je ne sais plus: je visite systématiquement tous les monuments, tous les musées, indiqués par un guide que j'ai perdu depuis.)

    Vélib, dossier carte imagin'R àla Bourse (au Châtelet il n'y en avait plus), japonais sur un vœu exprimé par O. (le meilleur japonais de Paris (Hokkaido, 14 rue Chabanais). J'y suis venue par hasard en 1996 quand je travaillais rue Pillet-Will. J'ai l'impression qu'il est devenu très connu, il ne désemplit pas, mais il n'a pas changé: le même cuisinier, les mêmes serveurs, quelques cheveux gris en plus. En goûtant les gyozas, je me dis que non seulement ça n'a pas changé, mais leur cuisine est devenue encore meilleure), Vélib, ICP pour m'inscrire en allemand (deux heures l'année prochaine. "Université du milieu de vie", brrrr!), A. nous a prévenus qu'elle ne passait pas son oral avant 15 heures, Vélib, Décatlon près de la grande bibliothèque, tongs et t-shirts, A. a fini, nous en avons pour une heure pour rentrer, je suis rattrapée par la fatigue, pas sûre de tenir sur un vélo et je pense aux kilomètres qui m'attendent: nous prenons le bus. Je dors.

    Sortie de Paris épouvantable. Nous arrivons à neuf heures à Blois. J'abandonne mon projet de rejoindre mes parents sur les bords de Loire où ils vont observer les castors.

    Saint Denis

    J'avais prévu aujourd'hui de visiter Chantilly et Saint Denis, puis lorsque O. m'annonça la bouche en cœur qu'il voulait aller à son cours de flûte à 15h30, place des Vosges et Saint Denis; finalement nous n'aurons eu le temps que de visiter Saint Denis.

    Il faut dire que le matin nous avions une heure bloquée par une visite chez l'ophtalmo, O. et moi. La myopie d'O. augmente (l'ophtalmo: «oui, votre vision a un peu bougé, vous verrez mieux ainsi», l'opticien: «dis donc, ça a beaucoup bougé, ça va vous changer la vie!»). Quant à moi, je pensais que cette fois-ci j'aurais une nouvelle correction car je ne peux plus lire sans lunette (ou difficilement et pas longtemps, cela devient difficile par exemple de déchiffrer très rapidement une phrase dans les livres de mes voisins de transport (fondamental pour en identifier au moins le genre)), mais la conclusion de l'ophtalmo, fort logique quand on réfléchi à ce que je viens d'écrire, a été: «vous avez découvert que d'optionnelles, vos lunettes sont devenues indispensables. Mais il est encore trop tôt pour changer.» J'ai réclamé des lunettes de soleil, j'en ai profité pour prendre des verres progressifs, à la fois pour commencer à m'y habituer et parce que c'est indispensable à l'aviron. (L'opticienne aurait bien voulu me vendre des lunettes de vue, arguant que vu ma correction, je ne devais plus voir de loin. Je suis restée impassible. «Bon, alors je vais éviter de me trouver devant vous lorsque vous conduisez!» Cela m'énerve. D'abord je trouve cela impoli, mais surtout, j'ai beaucoup de mal à supporter que quelqu'un conteste par la théorie la réalité de mon expérience: si je le vis, c'est que c'est vrai, au moins pour moi, non? Sans compter que dans ce cas particulier, c'était validé par un ophtalmo.)

    Saint Denis. J'aime beaucoup cette basilique, un peu désolée, un peu abandonnée au milieu des immeubles des années 1970 (mais comment a-t-on pu laisser construire de telles horreurs autour de cette église? Il fallait être tombé sur la tête (mais enfin, tout cela est réversible, rasable. L'important est de préserver l'essentiel, toujours). J'aime ce lieu où le mythe se matérialise. Le tombeau de Dagobert. Mais comment peut-il y avoir un tombeau de Dagobert? Et Du Guesclin, si petit, et Frédégonde (pensée pour Robbe-Grillet, ce doit être dans les actes du colloque de Cerisy, et Henri Martin. Enfin peut-être[1]) et ces transis, Louis XII et Anne de Bretagne, les rois nus, morts et mortels, la chair vaincue mais espérante (je n'ai jamais vu de transi ailleurs qu'à Saint-Denis, et l'humilité que représente l'idée-même de ces statues me transporte de surprise.

    Et puis la Révolution, le saccage, la violence (s'attaquer à des vivants, à la rigueur, mais à des morts: cela m'est rigoureusement incompréhensible. Tout mort me devient sacré, il n'est pas un squelette exposé, momie ou marin de La Pérouse, qui ne m'emplisse de gêne), la reconstitution tant bien que mal des tombeaux, la réaffectation des restes, le cœur embaumé de Louis XVII, les listes de noms, tout me touche.

    Notes

    [1] Non, Robbe-Grillet parle de Brunehaut, p.312 du tome 1 des actes du colloque de 1975.

    Ecole des Beaux-Arts

    14 rue Bonaparte. Nous traversons la cour, nous entrons dans le bâtiment.

    Nous sommes venus voir l'exposition minimaliste de Naoki : «je n'ai pas osé faire trop de pub, car c'est très pauvre, j'ai voulu que cela ressemble à des choses jetées là».

    Couverture de survie, imprimée, jetée à l'envers:



    I am as much connected to the world as the lizard: sitting still in a high tower, is ther someone else human I sense not, I am still a spot on the floor evident. To spot a lizard and cause a disturbance will not affect presence
    I. Rid your mind of all thoughts
    2. Reject all dogmas
    3. Determine needs




    Au centre du bâtiment, une vaste cour intérieure couverte d'une verrière (destinée à protéger les statues autrefois entreposées là). Les murs sont repeints en ocre avec des décors de feuillages ou de fruits dans le style palais italien. C'est magnifique de fraîcheur et de surprise.

    La guerre des Roses et Les femmes du bus 678

    Hier.

    Pour évacuer un peu de ma frustration et de ma violence, je regarde La guerre des Roses, l'un des films les plus violents que je connaisse, une histoire de divorce qui n'est pas une bluette sentimentale, malgré un début trompeur, très "Harlequin". C'est un vieux film, je spoile.
    Elle s'aperçoit un jour que son mari lui téléphone des urgences en se pensant à l'article de la mort que cette annonce ne la plonge pas dans la tristesse mais dans le soulagement (ce qui est très violent, certes, mais franc, objectif). Elle décide de divorcer.
    Le mari profondément blessé refuse de quitter la maison. Il en obtient le droit grâce à une loi qu'exhume son avocat. Suit une guerre des tranchées dans les pièces et les couloirs.
    Chacun rivalise de mesquineries et d'humiliations pour décourager l'autre, mais avouons que la femme est bien plus salope que le mari.
    Concernant le mari, ce qui est parfaitement mis en scène, c'est sa radicale incapacité à admettre que sa femme ne veut plus de lui: c'est impossible, au fond d'elle elle doit l'aimer encore, cette conviction guide tous ses actes, il ne peut admettre qu'elle veuille être seule, tranquille, débarrassée de sa présence.

    Aujourd'hui.

    Je vais voir Les femmes du bus 678 et je retrouve cette même lutte pour avoir la paix. Laissez-nous tranquilles, laissez-nous vivre, oubliez-nous.
    Nous sommes en Egypte et le contexte est évidemment très différent, beaucoup plus physique, brutal et généralisé à la société entière (alors que La guerre des Roses illustre un cas particulier).
    Trois femmes, une pauvre avec enfants, une mariée d'une famille aisée et une fiancée d'une famille plutôt aisée également, subissent ou ont subi un harcèlement sexuel ou des violences sexuelles (dans le bus, sur un stade de foot, dans la rue). Il s'agit pour elles de savoir comment se défendre alors que personne n'est prêt à les aider, que leur famille fait pression pour éviter le scandale.
    (En voyant ces trois femmes, je pense à Marx et à la lutte des classes, ou plutôt au Tiers-état: comment une population aussi hétérogène, avec des contraintes et des ressources si différentes, peut-elle faire front commun? Scène dans laquelle la plus pauvre, voilée, accuse la plus riche d'être à l'origine, par sa tenue libre et ses cheveux détachés, du harcèlement universel des hommes.)
    Ici, comme dans Il était une fois en Anatolie et dans une moindre mesure dans Une séparation, c'est un policier qui a le rôle du sage, celui qui comprend, se tait, mais essaie de protéger qui doit l'être et de favoriser la justice et la droiture.

    Je reste émerveillée par la façon dont ces films du Proche ou Moyen-Orient (Une séparation, Les femmes du bus 678) mettent en scène les rapports homme-femme, la façon dont ils comprennent et montrent ces femmes lassées qui un jour disent non, à la présence, aux rapports sexuels, à la pression continuelle. Elles partent ou elles restent, mais elles disent non. Elles sont entendues ou pas, comprises ou pas (plutôt pas, sauf par une poignée d'hommes attentifs; c'est bien l'attention à l'autre qui est au centre du débat (dans La guerre des Roses, le manque d'attention du mari avant le divorce est caricatural)), mais elles disent non. Elles veulent être tranquilles, ne pas être dérangées dans leur corps, ne pas être surprises par l'intrusion d'un autre corps dans ou sur leur corps (car il s'agit tout simplement de cela: de la surprise d'une main étrangère ou d'une main non désirée qui se pose sur vous: insupportable, comment ne pas le comprendre?)

    En Occident, ou tout au moins en France, nous sommes persuadés d'être loin de ce schéma. Or c'est faux. L'idée inconsciente de la plupart des hommes, c'est que les femmes ont beau proclamer leur désir d'indépendance, elles ne souhaitent que l'homme (cf. Rousseau et son idée d'une femme soumise à un désir irrépressible). J'en veux à toute la peinture occidentale, tous les Fragonard et tous les Watteau, à toutes les Pompadour et toutes les maîtresses royales (le tableau Mademoiselle O'Murphy me dégoûte, mais je n'ai pas tout à fait le droit de le dire: je vais faire rire, je le sais; il faut que je sois prête à supporter ces rires et ces airs supérieurs sans rien avoir à répondre: si ce que je dis n'est pas compris, qu'ajouter?), qui sont peut-être à l'origine de cette idée culturelle: la femme au fond d'elle-même, même quand elle ne le sait pas, est toujours consentante, comme Mme Rose est dans l'esprit de son mari forcément amoureuse, même inconsciemment.
    C'est faux.

    Interprétations

    Mon doigt cassé réparé reste déformé. J'ai mis mon alliance à la main droite.
    — Comme les Polonais, dit ma mère;
    — Comme les religieuses, dis-je;
    — Comme les protestants, dit H.

    Mais en fait, je ne sais pas si une seule de ces interprétations est juste.

    Divers

    - Dépouillé toute la journée des bulletins dans le cadre d'un scrutin de liste (fastidieux).
    - K. vient de comprendre que je m'en vais. Le premier juillet.
    - Vincent m'a accordé mon aviron d'argent en me faisant remarquer que je n'avais pas assez travaillé. J'ai honte.

    Le rasta émacié qui a croisé mon regard sur le quai du RER gare de Lyon m'a saluée d'un «Ça va ma sœur?» J'ai souri: «Oui ça va, merci.» (Je crois que j'avais l'air bien partie après l'aviron.)

    Les années 80

    Porto m'a amené à lire La décennie de François Cusset. Cela me rend triste et m'écœure, même si je sais déjà tout cela.

    Ce que le Centre d'étude des Revenus et des Coûts (CERC) nomme dans son rapport de 1990 «le tournant des années 80» se résume alors aisément: c'est le creusement brutal des inégalités de revenus, les «fruits de la croissance» allant pour les deux tiers aux revenus du capital au détriment des revenus du travail (l'année-charnière ici encore est 1983), si bien que «le nombre des ménages les plus pauvres s'accroît deux fois plus vite que la population».

    François Cusset, La décennie - Le grand cauchemar des années 1980, p.169
    - mai 1981. Jour de régate (compétition d'aviron). C'est le soir, j'attends mes parents dans le hangar à bateaux, je suis assise sur un seau. Castor arrive, m'annonce hilare: «la gauche a gagné». Je reste de bois, j'ai quatorze ans, on ne parle jamais de politique à la maison, j'ai le vague sentiment que mes parents ne seront pas ravis. Castor dégrisé me lance avec mépris: «Tu es de droite?»

    - septembre 1984. J'arrive en hypokhâgne à Versailles. Sur les trottoirs, les premiers SDF font leur apparition. Moi qui m'étais demandé en 1975 ce qu'on faisait des mendiants en France… (étaient-ils parqués dans des hospices?)
    (Ils n'ont jamais disparu.)

    - 1996. Je travaille au Gan, mon amie à l'UAP. Ces deux entreprises sont en vente. Elles vont donc disparaître, mathématiquement. L'Etat était actionnaire majoritaire depuis leur création en 1968 par fusion de sociétés d'assurance nationalisées en 1946.

    - 2012. Après que le Gan a été au cours des années coupé en trois (Gan assurance, Gan eurocourtage, Groupama Gan Vie), une partie (Gan eurocourtage) est vendue à Allianz par son racheteur de 1996 qui manque de fonds propres. (En 2008, c'est AGF, une autre nationalisée de 1982, qui a été fondue dans Allianz)1.

    D'autres chemins auraient peut-être mené aux mêmes résultats, ou à des résultats voisins, ou pires. Mais j'ai une pensée pour tous ces salariés balottés d'une boîte à l'autre, en silence, dans la peur d'être virés, les moins qualifiés restant les plus fragiles, bien entendu.
    (Mais bon, travailler dans l'assurance, cela fait moins pleurer que dans l'industrie automobile (et dans un sens, c'est normal, un bureau c'est moins fatiguant que la chaîne, no contest (Mais… (bref, je suis écœurée.))))



    1: mise à jour en décembre 2012: Gan eurocourtage est partagé en trois, entre GGVie, Allianz et Helvétia. Dépeçage.

    Encore !

    Et hop, encore deux robes, dans le même magasin (je rentre, je choisis, j'essaie, je choisis, je paie, je pars).

    J'expliquais l'autre jour à mon coiffeur (en réponse à une vieille dame qui se plaignait de la mode) qu'il fallait conserver ses vêtements longtemps, cela permettait de vieillir moins vite: les gens s'exclament: «Oh, tu n'as pas changée!» alors qu'en réalité, c'est votre robe qui n'a pas changé depuis dix ans. (Cette théorie a beaucoup plu à mon coiffeur.)

    Mais je crois qu'il est temps que je renouvelle ma garde-robe avec des choses un peu plus sérieuses, au moins professionnellement.



    Avouons que ce genre de billet est surtout destiné à être relu dans deux ans, quand je me demanderai: "Mais quand ai-je acheté ces robes?"

    Yes !

    - Mardi j'apprends que je reste dans le groupe (vexée je suis).
    - Mercredi je repère une annonce dans le site d'annonces internes au groupe.
    - Jeudi je téléphone et envoie un CV.
    - Vendredi on me téléphone pour me donner rendez-vous;
    - lundi je passe un entretien;
    - mardi j'ai le poste.

    Je suis fière de moi.

    (Bon, c'est pour aller travailler dans l'une des formes les plus anciennes d'entreprises, les mutuelles de santé "45" (comprendre: 1945, issues directement des utopies de la Résistance). Que des exceptions, des trucs bizarres, ancrés dans l'histoire1, des logiciels obsolètes, des élus, etc. C'est quand je vois que j'ai envie de ça, de ce foisonnement têtu, que je mesure que je ne supporte plus "la conformité". Rien n'y est plus étranger. Et soyons lucide: le monde normatif d'aujourd'hui va tout faire pour faire disparaître ces dinosaures. Résistons. Et allons y faire un tour avant qu'il ne soit trop tard.)



    1 : Le statut du retraités d'avant 2006 n'est pas le même que celui d'après 2006, le groupe a la particularité de dépendre pour partie du régime général de la Sécurité sociale, pour partie de la MSA (la sécu des agriculteurs), donc les poly-pensionnés… etc, etc.

    Dimanche

    Jour de fête du club. Je ne participe pas, je vais juste pique-niquer le midi, le temps de photographier un T-shirt.



    Après-midi en salle de sport. Je tente de l'inédit, cardio, sauna, cardio; à ma grande surprise le cœur bat plus lentement (ou plutôt il reste stable sans monter) lors de la seconde série (après la demi-heure de sauna) alors que j'avais mis un niveau de difficulté plus élevé (c'est l'intérêt des machines: elles mesurent (ce qui me donne envie de faire des expériences, on ne se refait pas)).

    Rangement (enfin).

    Deux films de L'inspecteur Harry en bloguant ou mettant de l'ordre dans mon ordinateur. Cela fait un mois que j'attendais ça.

    Planté des graines de volubilis. Je fais un trou, me bats contre les pierres, m'étonne qu'une pousse réussisse à percer cette terre collante et me demande quel instinct pousse les plantes "vers le haut" (Oui, je sais, la pesanteur (la pression, me dit H., qui croît au carré de de la distance: moins de pression vers le haut)), mais tout de même, c'est magique.

    Thierry Roland

    C'est drôle, j'avais failli écrire un billet avec ce titre cet hiver. Il était venu signer des autographes au CE, j'avais pensé à un cadeau de Noël pour mon père, ou pour ma tante qui a le défaut supplémentaire d'aimer le foot.
    J'y avais renoncé, j'avais eu peur d'être trop familière, d'en quelque sorte lui sauter au cou, tant il fait partie de mes souvenirs, comme Max Meynier, par exemple. (Et le film de 18h du dimanche soir sur TF1, toujours interrompu à 19h par mon père qui regardait Stade 2. J'ai mis des années à connaître la fin du Corniaud.) Qui reste-t-il? Bouvard, bien plus que Drucker. (Comme tout cela est vieux. Obligée de googler "Jean-Pierre Pernaut" en lisant La carte et le territoire. Tenir le siècle à distance, comme c'est facile.)


    Dernier TG. Une année, plus que deux cours. En neuf samedis nous avons réalisé une sorte de miracle, à se battre sur des sujets inattendus (ce n'était pas les sujets, qui étaient inattendus, non, au contraire, fort convenus (le sacré, la tolérance, les Actes des Apôtres), mais justement, le fait de se battre et débattre avec tant de passion, d'enthousiasme). Nous sommes tous vivants après avoir frôlé l'épuisement et la noyade («ravie de l'année, ravie que cela se termine» a résumé une participante: c'est tout à fait ça), un peu surpris de constater notre plaisir à être ensemble.
    RK m'a dit à part quelques mots gentils sur ma façon de désamorcer les tensions dans le groupe, j'en suis surprise et réconfortée.


    Trois heures de désherbage à la serfouette. J'hésite un peu à couper un chardon d'un mètre vingt, référence poétique oblige. Mais bon. Certaines plantes tissent des réseaux de racines si serrés qu'elles emmènent avec elles des nappes de terre. Il faudrait qu'il cesse de pleuvoir quelques jours, que cela sèche et se désagrège, je ne vais tout de même pas mettre de la terre à la poubelle.

    Danielle craque

    … et cela me fait plaisir, car cela prouve que je ne suis pas folle. Quand vous êtes la seule à protester contre des agissements et une situation qui ont lieu au sein d'un groupe, il y a toujours un moment où vous vous demandez si vous êtes folle, complètement parano, si le problème, finalement, ce ne serait pas vous, dans la mesure où vous êtes la seule à protester.

    Imperturbablement, malgré la vente, mon patron aidé de son consultant unique et favori a lancé un «plan de continuité d'activité», ce qui consiste à peu près à décider comment continuer à travailler si les bâtiments brûlent ou si les deux tiers des salariés meurent dans une épidémie. Il refuse de prendre en compte le fait que les équipes vont être fondues dans une organisation plus grande tandis que nos locaux ne seront plus ceux-ci (ce qui a tout de même son importance quand on commence à compter les imprimantes et les téléphones).

    Le consultant et Danielle (ma collègue) vont à cet effet interviewer les patrons de service. Je suis émerveillée par la courtoisie de tous ces managers, interloqués par l'obstination de mon patron (ils sont un niveau hiérarchique plus bas, mais n'en dépendent pas) mais aimables avec Danielle et P. [le consultant], se permettant tout au plus de faire remarquer que puisque tout cela ne servira à rien, ils vont répondre rapidement car ils ont d'autres chats à fouetter (ce qui dans un contexte de rachat peut se comprendre).
    Danielle me raconte le consultant, ses questions, sa façon d'écouter un manager lui expliquer très précisément son métier et ses contraintes, et de reprendre imperturbablement après vingt minutes de discours: «Alors, je mets 50 ou 60 dans cette case?»

    Danielle exaspérée en sortant d'un entretien me dit: «J'ai pensé à ma grand-mère. Elle était d'une famille bourgeoise, elle avait des domestiques. Un jour, une petite bonne, Angèle, lui demanda:" Madame, est-ce que je peux ouvert la fenêtre?" Et ma grand-mère de commencer à lui expliquer, grammaire, conjugaison, l'importance de l'éducation, etc. Au bout de vingt minutes, ma grand-mère termine, et Angèle demande: "Mais Madame, vous ne m'avez toujours pas dit si je peux l'ouvert".»
    Et Danielle de conclure: «Quand je vois P. répondre à J. [le manager], qui vient de lui expliquer son boulot pendant vingt minutes, je pense à Angèle, dit-elle, prenant une petite voix sotte: mais madame, est-ce que je peux l'ouvert?»

    Et moi je ris, soulagée de constater que je n'avais pas rêvé, j'avais bien vu ce que j'avais vu et mes conclusions, bien que rapides, étaient adéquates.

    Salle de sport

    Je m'étais promis d'y revenir dès que j'aurais davantage de temps, en amenant F. et O. à leur cours de ping-pong (les deux salles sont mitoyennes).
    En fait ce que je déteste le plus dans le sport, c'est avant et après: préparer son sac (ne rien oublier), vider son sac (mettre à sécher, mettre à laver, ne rien oublier). Finalement c'est un peu ce que je déteste pour tout (la cuisine, "l'élevage" des enfants tant qu'ils sont petits): préparer, faire les courses, penser à toute l'organisation matérielle, avec l'ennui de ces tâches sans fantaisie, mais aussi la peur d'oublier quelque chose, de ''manquer'' à quelqu'un, de décevoir, de ne pas être à la hauteur. Parfois je me dis que cela devait être (ou est encore) une bonne planque, moine (sauf pour les cuisiniers), nourri logé, juste à copier, et je me souviens de mon frémissement d'horreur dans les hospices de Beaune dans les cuisines reconstituées (avec légumes en cire et mannequins), à imaginer cette vie d'épluchage de légumes et de vaisselle à l'eau qu'il fallait préalablement chauffer dans des marmites (ou laver à l'eau froide, à la scoute? Dans un hospice?) J'ai une horreur profondément ancrée des tâches ménagères répétitives (alors que j'aime les travaux d'aiguille, le jardinage, tout ce qui est "gratifiant", en un mot, dont le résultat dure quelques jours ou quelques semaines).

    Bon, reprenons. Sport, donc, enfin juste les machines cardio, je ne viens que pour transpirer, pour le reste je compte sur l'aviron (encore faudrait-il y être assidue).
    Puis sauna, ce que je préfère, je ne viens en salle que pour ça, autant l'avouer; j'aime sentir perler la sueur aux endroits qui ne transpirent jamais (les tibias, par exemple). Sans doute ai-je en tête deux souvenirs, un Sarsky et Hutch où ils font un concours à celui qui produira une goutte de sueur le plus vite (je me demande si ce n'est pas dans l'épisode pilote), et un voisin de mes parents qui aimait son couscous très épicé et nous disait: «il faut que la sueur perle sur le front» (qu'il avait fort dégarni).

    P.A.

    Petite Annonce : puisque je reste dans le groupe, je consulte les annonces internes. C'est amusant, cela ressemble aux annonces immobilières, on se projette, on rêve. (J'ai postulé ce soir pour quelque chose que je n'ai jamais fait alors que j'ai l'impression de le maîtriser parfaitement: sensation bizarre et sans doute trompeuse).
    N'empêche, j'ai beau me dire que c'est à cause de mon âge et de mes diplômes, je suis vexée de devoir rester dans le groupe tandis que mes deux collègues (53 et 57 ans, formées sur le tas) vont partir à l'aventure.

    Futur

    Ah ben zut, je retourne à la maison mère. Ou plutôt dans une grande filiale. Bon. D'un autre côté, c'est plus cool pour tout le reste (les absences, les vacances, les cours,…)


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    Je me rends compte trois ans plus tard que c'est elliptique. J'explique: mon entreprise étant vendue (à A**ianz), chaque salarié était soit "vendu" avec elle, soit réaffecté ailleurs dans le groupe. J'ai appris ce jour-là que j'étais dans le second cas.

    Sujet de maîtrise

    Quand K. m'a soumis un sujet dont la problématique revenait à peu près à: «Comment la directive Solvabilité 2, en voulant protéger les assurés d'une éventuelle faillite des sociétés d'assurance, précipite la faillite de celles-ci» (par les charges et contraintes qu'elle fait peser sur elles), je lui ai dit que c'était tout à fait passionnant mais tout de même dangereux.

    Après réflexion, une fois que je lui ai eu démontré ce que signifiait ce qu'elle avait écrit (elle ne s'était pas rendu compte de la conclusion logique de son plan), elle a décidé de prendre quelque chose d'un peu plus conventionnel, du type "la régulation des sociétés d'assurance".

    («Avant 2000? Mais c'est beaucoup trop loin!» Je tape rapidement sur Google: «K, il va falloir t'y faire, les premières lois d'encadrement des sociétés d'assurance datent de 1938.») Je lui ai sorti l'un de ces livres que le groupe aime tant, avec des images en noir et blanc de l'après-guerre, les casiers en bois remplis de dossiers, la vie avant l'informatique. Cela l'étonne autant que si je lui montrais une plume et des parchemins. Je l'aime bien parce qu'elle m'écoute raconter ce qu'on m'a raconté (les feuilles de papier carbonne, les papiers pelure jaune et bleu, plus tard les fiches perforées, les pools de secrétaires qui codifiaient les perforations, le bruit infernal des machines à écrire dans les bureaux de vingt ou cinquante (et on se plaint des ''open space'')) sans marquer d'impatience, avec une pointe de scepticisme dans la surprise.

    Tensions

    Week-end très dur d'engueulades. Trop de tensions, entre les bilans comptables d'association et les disserts non rendues.

    J'emmène les enfants à Sainte-Geneviève-des-Bois, je fais le marché, la cuisine, et la matinée s'est dissoute dans le thin air absolument sans trace, inutile.

    Gazon à La Défense

    Bon. Dans un sens c'est lamentable, dans l'autre c'est vert. Et puis il y avait du soleil, il ne faut pas bouder son plaisir.
    Il y avait de la bière gratuite, je n'ai même pas bu (de la blonde, bof).

    Rendez-vous

    Rendez-vous avec la RH. J'allume des pare-feux. Je ne veux nuire à personne, mais je voudrais éviter qu'on me nuise. Le contexte est tout de même délicat.

    Discussion à bâtons rompus qui se termine par: «Dommage que vous ne soyez pas venue plus tôt». (J'y avais songé, mais avec ma nonchalance habituelle, mélange de flemme et de fatalisme, j'y avais renoncé. Il a fallu un nouvel éclat mardi en réunion, et l'occasion de travailler avec une personne de la RH qui m'a encouragée à prendre rendez-vous, pour que je fasse la démarche).
    Oui, trop tard, tout est signé aujourd'hui, je crois.

    Une explication

    Déjeuner avec R. J'ai imprimé quelques billets d'Alice parce que cela m'a semblé plus rapide pour lui expliquer la situation, plus dépassionné, aussi, sans doute.
    Il lit (j'aime bien regarder lire les gens qui se concentrent vite, ils disparaissent littéralement devant vos yeux, ils s'effacent) et sourit.
    Il fait partie d'un jury d'agrég, il me raconte les pressions qu'il subit de la part de certains pontes pour que leurs poulains réussissent le concours:

    — Non mais tu te rends compte? Et il est professeur d'éthique!
    — Mais comment fais-tu pour te taire, pour ne pas exploser? Je n'y arrive pas, je me dis qu'il ne faut pas réagir, mais je n'y arrive pas.
    — C'est que tu n'es pas une femme de pouvoir.

    Mon doigt

    (Juste pour mémoire, car je n'ai pas grand chose à dire en cette journée consacrée à la lecture de Houellebecq): trois séances de rééducation par semaine pendant trois semaines.

    De la rééducation pour un doigt ? (l'annulaire gauche, je le rappelle).
    Et où vais-je caser cela?

    Même plus besoin du RER pour perdre mon temps dans les transports

    Pour avoir confondu A86 (qui officiellement doit être la A186) et la Francilienne, j'ai fait un détour d'une quarantaine de kilomètres (pour faire bonne mesure, quand j'ai voulu sortir de ce guêpier, j'ai pris l'autoroute A10 dans le mauvais sens, vers Orléans: demi-tour au péage de Dourdan, 1,60 € pour quitter l'autoroute, 1,60 € pour la reprendre) pour aller de Yerres à Massy.
    Nous avons avalé du riz cantonnais en courant (15 mn tout compris) au lieu de manger calmement une pizza.
    Mais tout cela n'est pas grave, nous avons quand même assisté à Un Américain à Paris.


    Ah oui, et puis j'ai commencé La Carte et le territoire. Je m'amuse. C'est reposant après les lectures des dernières semaines. (Le Dictionnaire critique de théologie c'est passionnant aussi, mais pas le même genre.)
    Et j'ai fini la peinture de la yolette.


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    Mise à jour le 10 juin 2015
    (ajout de ce que j'avais laissé hors ligne, sans doute pour ne pas paraître passer mon temps à me plaindre).

    Craqué parce que JPL [le consultant] présente comme un succès ce que nous faisions il y a cinq semaines, y compris mettre dans les FDCP ce qui était déjà déposé, ce qu'il nous avait interdit de faire en mars !!

    Encore disputée avec MonBoss en réunion. Je sais que j'ai tort sur la forme, cela met en cause son autorité (mais enfin, ce sont des réunions de travail, entre nous, sans personne extérieure au projet), je devrais me taire, je devrais me taire, je devrais me taire. La prochaine fois je mets deux boules quiès et non une (c'est ce que j'ai trouvé pour que les conn*** m'affectent moins (c'est utile les cheveux longs)). Il me vient le soupçon que si tout le monde reste tout le temps si calme, c'est que personne n'écoute. Les gens ont une grande capacité à se perdre dans leurs pensées, à être ailleurs en paraissant présents. Il faut que j'apprenne cela. (Pris rendez-vous avec la RH, ça ne peut plus durer. Je pense à Matoo et à ma "souffrance au travail": il ne faut pas exagérer, ce n'est pas cela, mais la situation est stupide, je veux croire encore qu'il s'agit simplement d'un malheureux concours de circonstances et j'aimerais que nous en sortions tous deux avec un minimum de casse.)

    Demain

    Demain je reprends ma vie en main.
    Aujourd'hui j'écris juste dix pages que j'aurais dû écrire pendant les vacances de Pâques si j'avais été un peu plus organisée.

    A fronts renversés (une fois de plus)

    Quand je suis entrée en hypokhâgne, je venais d'un bac C, d'une famille de matheux. Un ami de mes parents s'était exclamé spontanément en apprenant ce que j'allais faire l'année suivante: «Quelle déchéance!».
    Quelques semaines plus tard, je regardais muette une de mes camarades de classe (l'une des plus sottes (ce qui est peut-être une explication, je m'en avise)) dire gravement: «N'oublions pas que nous sommes l'élite de la France».

    J'ai l'impression de revivre la même situation. Entourée en temps normal de philosophes m'assurant que seule la philosophie conduit à la vérité et qu'entre foi et superstition l'écart n'existe pas (cf. Leo Strauss), je me retrouve dans une salle où chacun semble persuadé que le théologien est "mieux" que le philosophe.

    Bon.

    (Jean-Luc Marion parle de: urgence kérygmatique // délai herméneutique. Ça me plaît.)



    (Front renversé encore: débat entre un théologien et un philosophe, c'est le philosophe qui est prêtre).

    Comment pourrir les vingt ans d'un jeune homme

    Il y a vingt ans, ma tante (vieille fille sans enfant) ne m'avait pas parlé pendant un an parce que j'avais accouché à la maison. Peut-être que si je ne lui avais pas envoyé une carte d'anniversaire en avril suivant nous n'aurions plus eu aucun contact.

    Cela lui aurait évité d'envoyer un chèque de quatre cents euros à mon fils pour ses vingt ans en lui donnant une foule de petits renseignements sur sa vie quotidienne et en glissant incidemment parmi eux «J'aimerais bien avoir un ou deux coups de fil par an; sinon je considèrerai que tu as "rompu les ponts" avec moi. Cela me fera de la peine mais tant pis.»
    (Sur le fond elle n'a sans doute pas tort, à cela près que que c'est plutôt contre-productif. Il faut savoir que C. ne peut pas toucher à la télé parce qu'il a cassé la télécommande quand il avait sept ans et qu'elle lui dit quand elle le voit qu'«il lui fait peur» parce qu'il fait un mètre quatre-vingt-cinq et elle moins d'un mètre cinquante.)

    Désarçonné, choqué parce qu'il ressent comme du chantage moral1 (du moins je le suppose, puisque pendant ce temps j'étais à Porto), C. montre la lettre à son père qui, fatigué par sa semaine mais aussi par vingt-six ans de ce genre de relations2 et formaté par notre vieille éducation qui veut que nous respections nos aînés, se met à chapîtrer C. sur son égoïsme et autres défauts (apparemment ce fut un panorama large et complet de tous les défauts qu'il trouve à tout le monde sauf à lui-même, dans la grande tradition proustienne3).

    — Merci beaucoup, charmant anniversaire.
    Désorienté par cette semaine de quatre jours, H. pensait être jeudi et l'avait oublié.


    Notes
    1 : C'est une vieille coutume familiale.
    2 : date à laquelle nous nous sommes rencontrés
    3 : «Et à la mauvaise habitude de parler de soi et de ses défauts il faut ajouter comme faisant bloc avec elle, cette autre de dénoncer chez les autres des défauts précisément analogues à ceux qu’on a. Or, c’est toujours de ces défauts-là qu’on parle, comme si c’était une manière de parler de soi, détournée, et qui joint au plaisir de s’absoudre celui d’avouer. D’ailleurs il semble que notre attention toujours attirée sur ce qui nous caractérise le remarque plus que toute autre chose chez les autres.» A l'ombre des jeunes filles en fleurs Noms de pays: le pays (Je lis Proust comme une histoire de famille.)

    Porto

    Journée de flâneries (la mer, le tramway, Sébastien, Henri le navigateur qui n'a peut-être jamais navigué, la numérotation des rois d'Espagne et du Portugal, les statues de gens que je ne connais pas) et surtout d'un temps incroyablement long (quatre heures?) passé à table à discuter à partir de RB par RB (beaucoup digressé, malgré tout).

    Les skiffs sur le Douro, très beau fleuve, si étal, donnent envie de ramer, là, tout de suite.

    Je n'ai pas les bonnes chaussures. La ville peut se faire incroyablement abrupte. Beaucoup d'immeubles sont très abîmés, mais le carrelage reste bleu. Nous avons tant discuté que les églises sont fermées. Vers le soir avec la nuit qui tombe, coup de blues.



    En rentrant, un mail me sert le cœur.

    Les années 80 à Porto

    Passé une partie de la nuit à finir mon intervention de la journée. Beaucoup coupé, c'est beaucoup trop long, et je ne suis pas sûre de réellement répondre à la question.
    Il y a toujours cette impression un peu étrange d'être en train de mentir parce qu'on ne dit pas tout.

    Comme toujours, les personnes bilingues me remplissent d'admiration. Et il s'agit de littérature, ce qui signifie que nous ne pouvons être dans l'à-peu-près en ce qui concerne la langue.

    Noémie nous raconte un colloque en Iran («Mais qu'est-ce que je fais là?»), la peur, mais aussi l'étonnement, le voile comme parfait vêtement pour ne pas être touriste, pour être libérée des regards, la loudeur du manteau, les gestes empêchés,…
    Une Chinoise docteur en littérature française en ayant travaillé sur l'ironie (y a-t-il quelque chose de plus culturel que l'ironie?), un Espagnol doctorant travaillant sur Romain Rolland (détail curieux: Romain Rolland n'est pas réédité en France mais disponible en Allemagne), une professeur qui nous parle de Jean Muno (mais qui est-ce?), Noémie préparant sa thèse sur Hervé Guibert.
    A lire aussi sans doute, François Cusset: La décennie - le cauchemar des années 80.

    (Je suis un peu embêtée, parce que j'ai eu le malheur de parler de ce blog et que je ne voudrais pas vexer ceux que je ne vais pas citer alors que j'écris sans désir d'exhaustivité (sinon je reprendrai le programme). Mais enfin, l'expérience prouve qu'il n'y a pas à s'inquiéter, au final, bien peu lisent.)

    Les organisateurs ont vraiment bien fait les choses et au déjeuner José était très gai en bout de table. (Mais de quoi parlait-il? En tout cas la bouteille était vide.)

    Bénédiction

    — Bonne journée maman; bon vol, ne meurs pas !


    Mais c'est quoi cet enfant aussi stressé que moi?

    La compréhension comme saisie du réel

    Je suis en train de comprendre que l'essence de l'amour est réellement la capacité à pardonner, et c'est bizarre, parce que c'est écrit partout et que je commence juste à le comprendre vraiment, à le ressentir: oui, c'est le seul critère. ("Si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien", combien de fois cette phrase de Saint Paul aux mariages m'a fait grincer des dents en me disant qu'elle ne servait strictement à rien: si je n'ai pas l'amour, qu'est-ce que je fais? C'est cela qui serait utile de savoir).
    (Il faudrait définir le pardon et je n'en suis pas capable. Ebauchons: la capacité à faire confiance une fois de plus, une fois encore.)

    Cette remarque déconnectée de tout; non il ne m'est arrivé aucune catastrophe, et non, je ne sais pas pourquoi je commence à comprendre ça maintenant. (Et oui, un peu hésité à écrire cela, mais après tout, c'est important, donc autant le noter ici.)

    Je monte une marche

    Parfois quelqu'un vous demande si vous voyez la vie comme un cercle ou comme une flèche. Je la vois comme les grandes marches des podiums permettant d'accéder à un plongeoir.

    Fête de famille: les enfants qui avaient dix ans quand je les ai vus la première fois vont être pères (deux naissances d'un coup). Je viens de monter une marche.

    Dix minutes

    Peinture encore à midi. Puis apéro.

    Je n'aurais peut-être pas dû raconter qu'à une époque de grande fatigue j'allais dormir dans les armoires (1996). Ils ont fait une drôle de tête.
    Personne ne se rend compte du peu de place que prend un corps humain; oui, nous tenons dans les armoires à dossiers, il suffit de s'y asseoir, et de dormir (il y avait des rangées d'armoires vides à mon étage, en attente d'affectation).

    — Et personne ne te cherchait ?
    — Tu sais, dix minutes, c'est rien, si ça dure réellement dix minutes. Tu passes plus de temps à la machine à café ou à sortir fumer.

    Peinture




    Comme je ne peux pas ramer (à cause de mon doigt), je peins. J'allais écrire «ça me détend», mais j'ai bien peur que rien ne me détende. Disons que ça me change les idées, penchée sur ma baguette à peindre en blanc, à main levée, sans protection; je songe à René, à son métier d'ébéniste, à ses 80 ans, au fait que je me demande si oui ou non nous allons les lui fêter, comme promis, il y a deux ans, mon esprit s'évade, la Seine est en crue, le courant est puissant, je songe à la Loire à l'automne.

    «Eminence Révérendissime»

    …Ça fait tout de même un choc la première fois que l'on entend cela (je ne connaissais pas l'existence de cette formule).
    Vu et entendu le cardinal Zen ce soir. La situation en Chine n'est guère brillante pour les libertés, et visiblement elle se dégrade: par exemple, la torture qui avait disparu des prisons il y a quelques années réapparaît.

    Ce qu'il a pu nous dire est assez bien résumé ici. Ce qui est impressionnant, c'est le contraste entre le calme du corps, les cheveux blancs, et la vivacité de l'expression, l'emportement au fur à mesure qu'il expose la situation et ses convictions. Profonde révérence envers le pape et beaucoup de reproches à faire à la congrégation pour l'évangélisation, considérée comme trop prompte à trouver des compromis.

    Québec, Afrique, bande dessinée, latin, quatrains : quelques blogs.

    Embruns suit les événements au Québec.

    Ici, des nouvelles du monde avec analyses et cartes (voir la montée de l'extrême-droite en Europe).

    Plus gai, des nouvelles de la bande dessinée (enfin, deux morts récents, tout de même (Moebius et Sendak)) et plus largement de livres aimés.

    Un blog pour —apprendre? — réviser? le latin ou tout simplement lire des traductions d'Horace.

    Enfin, un quatrain quotidien donnant une forme fixe à l'air du temps («contrainte molle dure à tenir», l'esprit du blog est donné).




    Encore plus tard:
    Et un peu d'études de jeux video via Very Serious Geek

    Un Allemand à la maison

    «Félix voudrait regarder Chelsea-Bayern de Munich.»

    Et c'est ainsi que vous vous retrouvez avec un peu de surprise avec un ado hystérique devant un écran internet. (Ado tout à fait posé par ailleurs, le foot provoque d'étranges réactions.)

    Mais le pompon, c'est de découvrir cette photo, dont j'ai cru qu'elle était un montage:



    Je me demande si Hollande préfère le rugby.

    (Autre titre possible: "Humain, trop humain". Mais c'est plutôt rassurant.)

    Moonrise Kingdom

    Moonrise Kingdom : drôle, beau, inattendu, enlevé, émouvant, stylisé… Et la musique.


    Ma serviette 42 est arrivée. Elle est très discrète.

    Flemme

    Journée à lire, ou plutôt survoler, Trilogie berlinoise de Philip Kerr prêté par une collègue.

    Déçue: j'avais cru en le voyant qu'il était écrit par un Allemand, il s'agit en fait d'un polar américain avec tous les tics de langages (la comparaison incongrue comme figure de style imposée, cela me faisait rire à seize ans et m'impressionnait («quelle imagination!»), aujourd'hui cela m'ennuie profondément (exemple: «la cigarette dans sa main ressemblait à une dent plantée dans un jambon»)). Cependant, j'ai l'impression que tous les détails historiques ont fait l'objet d'une recherche poussée.

    Je suis stupide aussi: si je veux une atmosphère à la Friedrich Glauser, je n'ai qu'à lire Friedrich Glauser.

    Recherche: livre écrit par un Allemand dans les années trente ou quarante, chantant la gloire du régime et le bien-être apporté: parce qu'il y a bien dû y avoir des gens satisfaits, non? Il ne peut pas y avoir eu que des gens déçus, appauvris, amers? Ou bien si; dès 1934, il était trop tard pour protester, revenir en arrière? Les gens heureux n'ont-ils pas écrit d'histoires? Ou ces livres-là seraient-ils censurés?

    Les vieux chats

    (J'ai résilié ma carte UGC illimitée: je la rends à la fin du mois. Mon idée était d'aller ramer davantage, mais avec mon doigt…)

    Film chilien ou argentin. Un vieux couple, la fille de madame (pas de monsieur) hystérique, l'amie de la fille (donc lesbienne) plus posée, plus raisonnable.
    Drame, la fille veut obtenir quelque chose de sa mère (no spoil), la mère ne veut pas, mais elle est par ailleurs en train de perdre la tête.
    Fantastique actrice que cette vieille dame, rien ne nous permet de savoir quand elle est elle-même ou quand elle a une "absence", comme elle dit. Mystère d'un visage muet: que se passe-t-il derrière le mur de la peau? Interrogation sans réponse.

    Un peu trop de gros plans, dommage.
    J'aime sortir du cinéma américain aux corps et aux décors si souvent identiques y compris dans leur diversité (c'est sans doute cela qu'on appelle une "esthétique").

    Towel day

    Programme du jour de la serviette vendredi 25 mai 2012 (des explications ici).

    Cette année j'ai commandé ma serviette.



    ajout le soir: vu Babycall. Film fantastique. On en sort secoué, mais aussi avec l'impression vague d'avoir été floué: la tentative de démêler ce qu'on vient de voir ne donne pas satisfaction. Visage mobile de l'actrice aussi contrasté que le ciel, du sourire à l'angoisse.

    Rumeurs du monde (financières)

    Margin Call (quelques problèmes, j'avais pris un billet pour Le Prénom, j'ai changé d'avis devant la salle, me suis installée dans celle de Margin Call, l'ouvreur m'a poursuivie dans la salle quasi-vide, j'ai refusé de sortir, j'ai eu droit à un sermon à la sortie… Pfff.)

    Margin Call. Film honnête, brochette d'acteurs connus, Kevin Spacey sort de ses rôles de salaud pur dans lesquels il semble s'être spécialisé dernièrement. Le plus appréciable dans ce film est sans doute son manque de manichéisme, il s'agit juste de sauver sa peau en décidant qui sacrifier — et en en informant honnêtement les sacrifiés (oui, cela fait une différence).

    Quelques remarques morales (as opposed to techniques ou esthétiques):

    - un plaidoyer pour les traders: «Nous permettons aux gens de vivre au-dessus de leurs moyens, de s'acheter les voitures qu'ils ne peuvent pas se payer. Ils ne veulent pas s'en souvenir. Si nous nous trompons1, ils se moqueront de nous, mais si nous avons raison, ils nous haïront.»
    (Emission sur la Suisse, paradis fiscal, sur France Inter dimanche matin. J'en entends des bribes: «Pourquoi les pays occidentaux ne font pas pression sur la Suisse, puissance moyenne, pour arrêter la fuite des capitaux? Parce que les hommes d'influence de chaque pays participent à cette fuite.» (cf. la chute du gouvernement Herriot en 1932.

    - opposition finance / monde réel: construire un pont / jouer avec un ordinateur: qu'est-ce qui est le plus utile? (cf. remarque ci-dessus et ce film).

    - «Quand on est le premier à atteindre la porte, cela ne s'appelle pas de la panique.»

    - «Nous n'avons pas le choix». Voilà qui me choque. Est-ce dans l'éthique protestante, dans les valeurs américaines? je ne crois pas (je suis sûre que non). J'ai cru un moment que ce n'était que des paroles consolatrices destinées à un personnage. Mais elles sont répétées à plusieurs reprises.
    Nous avons le choix, mais le choix droit nous fait ressembler au père de Sebastian Haffner1 dont l'attitude honnête le condamnait au ridicule: avoir sa conscience pour soi mais paraître (être) un loser, il y faut beaucoup de courage, de principes, ou la foi.


    Je n'ai pas d'idée précise sur les relations économiques, mécaniques, entre la crise américaine et la crise de la dette grecque, mais regarder un film où les personnages décident en toute conscience de précipiter le monde dans la crise pour sauver leur peau ne manque pas de sel quand on appartient à une société en train d'être vendue suite aux pertes dues à la dépréciation des obligations grecques. Une envie de rire ou sourire, relativisons (cf. la longue litanie des crises financières égrenée par Jeremy Irons.).
    Je repense à 1991, à mon collègue dont le voisin cadre supérieur ne parvenait pas à retrouver du travail, il me semble n'avoir jamais vécu que dans un pays en crise (trois millions de chômeurs un peu après mon bac), apprenant parfois avec surprise deux ans après que deux ans avant, le pays connaissait une période de prospérité (comprendre: 2% de croissance). Apprendre cela me donnait toujours l'impression d'être, d'avoir été, flouée: pourquoi ne m'avait-on pas dis pendant la prospérité que nous étions prospères?


    Note
    1 : dans le fait que ces traders sont en train de tout vendre à perte pour sauver ce qui peut l'être; précipitant ainsi la faillite de tous les autres.
    2 : «Enfermé dans la devise "Un fonctionnaire prussien ne spécule pas", il n'acheta pas d'actions. Je considérais cette attitude comme la marque d'un esprit étrangement borné, surprenante chez cet homme — un des plus intelligents que j'eusse connus. Aujourd'hui, je le comprends mieux. Rétrospectivement, je puis ressentir un peu du dégoût que lui inspirait "cette monstruosité", et l'aversion irritée qui se dissimulait derrière une platitude: ce qu'il ne faut pas faire, on ne le fait pas. Malheureusement, les conséquences pratiques de ces principes élevés dégénéraient parfois en farce.» Histoire d'un Allemand

    Cinq jours

    Dimanche : lever 7h30, marché pour faire faire un casse-croûte aux garçon par le charcutier portugais, un instant de confusion en ayant cru que le gazoil était néfaste à une voiture diesel, Bruyère-le-Chastel pour une réunion scoute, re-marché pour nous cette fois, (je rentre les autres se lèvent), déjeuner, sieste, quelques images de ''M.A.S.H'', j'ai trouvé mon plan1, yapluka remplir, cépagagné.

    Samedi : lever 7h30, les Halles à 10 heures, deux paires de chaussures pour O., passage chez le charcutier, nous rentrons, les autres sont debout depuis une demi-heure. J'ai presque fini les années Tel Quel par RC, très intéressant. Communion de Vladimir. Quand nous rentrons à deux heures du matin, les enfants partis une heure avant nous attendent dans leur voiture, ils n'avaient pas de clé de la maison.

    Vendredi : j'obtiens quelques renseignements sur notre sort prochain. Prévoir une annonce dans les formes fin juin, une décision définitive en septembre (trois options: partir avec le racheteur, retourner à la maison-mère, être licencié lors d'un plan social. Question: si je devais en profiter pour me reconvertir, que choisir?)
    Mon boss est rentré de vacances. Suite à des échanges vifs avec le consultant, je devais recevoir un savon, mais une urgence a surgi. J'ai donc reçu un appel au secours (d'où les renseignements obtenus: j'ai papoté pendant le sauvetage que j'effectuais, ou plutôt le sauvetage a consisté à papoter).
    Mais ce n'est que partie remise (pour le savon, je veux dire).
    (Je n'ai pas racheté de cigarettes.)

    Jeudi : pas de souvenir.

    Mercredi : premier véritable jour de mai. Une heure de bavardage sur un banc dans la cour de l'ICP au lieu de travailler en bibliothèque. C'était bien. Beaucoup parlent d'abandonner. Trop dur, trop lourd.


    Note 1 : dissertation de théologie de première année en Cycle C.

    Peut-être que je n'aurais pas dû prendre ce pseudo, peut-être que je devrais oublier Lewis Carroll, bien plus redoutable que Kafka

    Lundi. Rendez-vous à 9h45 pour une visite de contrôle de mon doigt.
    — Vous avez la radio?
    — Euh non, je n'y ai pas pensé. (Mais de toute façon, on veut voir l'état du doigt maintenant, pas il y a deux semaines.)
    — Alors on ne peut rien faire. Vous avez une voiture? (Non je n'en ai pas. H. m'a amenée. Mais de toute façon c'est stupide, je n'irai pas chercher cette radio.)
    — Non. Et je ne vais pas chercher cette radio en RER.
    — Alors vous pouvez repartir.
    Je ne réagis pas beaucoup. Je ne dis rien, je dois commencer à m'en aller mentalement, mais je n'ai pas encore bougé. Je vais partir sans rien dire, sans prendre un autre rendez-vous, sans plaider, elle le sent, je crois. Elle reprend:
    — Allez au service de radiologie pour qu'ils vous réimpriment un compte rendu. Droite, droite. (Ai-je pensé "Salope"? Je ne crois pas. J'aurais dû.)

    Droite, droite. Trois secrétaires, une ligne de confidentialité, elles sont rapides et efficaces, ça se passe plutôt bien.
    — Je viens chercher une copie du compte rendu pour mon doigt. Ça date du 23.
    Mon nom, ma carte vitale…
    — Mais il y a deux radios… Le pied aussi?
    — Oui ça c'est le soir. Le doigt c'est le matin.
    — Vous n'avez pas récupéré le pied. Et vous ne l'avez pas réglée. Je vais vous la faire régler.
    Carte vitale, carte bleue, je récupère la radio de mon pied, le compte rendu de la radio de mon doigt. Je retourne au guichet de la "chirurgie des membres supérieurs".

    — Très bien. Installez-vous, on va vous appeler.
    Il est dix heures vingt.
    Je lis Vigiles.
    Plus tard (un peu plus tard), un homme en blouse blanche vient me chercher (il avait déjà passé la tête plusieurs fois dans la salle d'attente pour demander: «Des points de suture à enlever? Des pansements à refaire?») et m'installe dans un petit bureau. Il y a une grande peinture de voiture de course des années 20 au mur. J'étudie les posters, l'inflammation du canal carpien, c'est très intéressant, en anglais.
    Je reprends mon livre.

    Plus tard je passe la tête par la porte: m'a-t-on oubliée? (Non, ce n'est pas de l'impatience. je n'ai pas raconté ici que dans la soirée du lundi 23, les urgences m'ont oubliée: j'ai passé une radio du pied, puis ils ont littéralement oublié de m'appeler pour la suite. Je ne disais rien, persuadée qu'il ne fallait pas déranger des gens en train de traiter la souffrance humaine, qu'il y avait des cas plus grave que le mien… Quand nous nous sommes renseignés à minuit, il est apparu que j'avais été oubliée…)

    Au moment où je passe la tête, une jeune doctoresse arrive, pimpante et chaleureuse (non, l'homme en blanc était l'infirmier, pas le médecin)).
    — J'ai cru qu'on m'avait oubliée.
    — Non, je suis juste en retard.
    Je lui tends le compte rendu.
    — Vous avez fait une radio aujourd'hui?
    — Non.
    — Il nous faut une radio.
    Elle se lève, je la suis, elle va voir la secrétaire: «Il me faut une radio»; la secrétaire : «Allez passer une radio, puis revenez». (Toujours pas pensé «connasse», juste «C'est bien ce qu'il me semblait, aussi.» J'ai été élevée dans le respect du corps médical, des gens qui se dévouent pour les autres…)

    Droite, droite, les secrétaires, je viens faire une radio de la main, allez attendre au fond, on va vous appeler.
    Je lis Vigiles.
    Peu à peu les sièges se vident, chacun passe. Je reste seule. De nouveau, m'a-t-on oubliée? Comment se fait-il qu'il n'y ait personne d'arrivée après moi?
    Non, mon tour vient.

    Le technicien radiologue est en blouse verte. Il est asiatique, barbe pointue, et je ne serais pas surprise qu'il eut une natte (il n'en avait sans doute pas).
    — J'enlève mon attelle? (Je sais qu'on va me la changer, de toute façon. Je n'attends que ça, d'ailleurs: un pansement propre.)
    Il prend une voix doucereuse, comme s'il parlait à un enfant de cinq ans qui comprend mal. Ma parole, il se moque de moi:
    — Non, les scientifiques ont réfléchi, l'aluminium est un métal, mais ils ont mis au point un métal qui laisse passer les rayons, c'est formidable, non?
    Je me fige. Pourquoi ai-je parlé? Je suis muette, immobile, je ne réagis pas. Suis-je condamnée aux cons en ce moment? Karma? Conjonction astrale? Ou ils sont tous comme ça et d'habitude je leur échappe, miraculeusement?
    — Ça n'a pas l'air de vous faire plaisir.
    Visage immobile. Main immobile. Je ne réagis pas. Je place ma main en suivant ses ordres.
    — Voilà. Retournez devant les secrétaires pour attendre le compte rendu.
    — Merci.

    Je retourne en salle d'attente.
    J'attends.
    Je lis Vigiles.
    Radio, compte rendu, carte vitale, carte bleue. Il est midi moins le quart. Je regarde le compte rendu, sur lequel il est très exactement écrit: «radio de contrôle».

    Je retourne au premier guichet. La secrétaire a changé. La moutarde commence à me monter au nez. Je tends ma radio:
    — A quoi cela sert-il de donner rendez-vous à 9h45 si c'est pour n'avoir toujours vu personne à midi? J'ai prévu de travailler cet après-midi, j'ai des rendez-vous à la Défense.
    — Je sais Madame, il nous fallait une radio. Vous serez la personne suivante.

    Je lis Vigiles, mais c'est effectivement très vite mon tour.

    La doctoresse regarde la radio, commente:
    — Ils n'ont pas enlevé l'attelle?
    — Non. Je l'ai proposé au technicien mais il a refusé. Il m'a donné des explications sur l'aluminium comme si j'avais cinq ans.
    — Ils ne prennent aucune initiative.
    Peut-être que ma remarque l'a amenée à penser que j'étais humaine, qu'on pouvait me parler. Elle m'explique ce qu'on ne m'avait pas expliqué, il s'agit moins d'une fracture que d'une entorse, une entorse si brutale que le tendon a arraché un morceau d'os. Elle a beaucoup de charisme et un beau sourire.
    Elle enlève l'attelle. Le sparadrah colle, c'est difficile.
    — Je peux le faire si vous voulez.
    — Pourquoi, vous n'avez pas confiance?
    La réponse m'atterre. A quoi est-elle confrontée au quotidien, pour me répondre ainsi alors que je propose de l'aide?
    — Non, c'était juste pour aider.

    Le doigt est très raide, j'arrive à peine à le plier. Très enflé, aussi.
    — On va faire un pansement en se servant du majeur comme attelle. On va libérer l'articulation pour que vous puissiez plier le doigt.
    — C'est amusant, quand on m'a mis l'attelle, on m'a expliqué qu'il fallait tendre le doigt pour qu'il ne reste pas plié, et maintenant c'est l'inverse, je n'arrive plus à le plier.
    — Ne vous inquiétez pas, ça va revenir. Il est beaucoup plus facile de rendre souple un doigt gardé droit que de remettre droit un doigt gardé plié…
    — Oh mais je vous crois. C'est très intéressant, quand on pense au temps qu'il a dû falloir pour mettre au point la méthode… (Je songe à ceux qui ont gardé des doigts pliés, et ceux qui ont gardé des doigts droits, avant qu'on ait compris le bon timing… Elle sourit, elle a l'air contente que ça m'intéresse.)
    — Je vous prescris de l'élastoplaste 3 cm. (Suivent des instructions). Vous gardez le doigt attaché un mois, nuit et jour. Et quand vous reviendrez, faites une radio sans pansement.

    Elle m'accompagne au secrétariat. Rendez-vous le 6 juin à 9h45.
    Je paie. Carte vitale, carte bleue.
    — Et la radio?
    — Il vous faut une radio?
    — Oui.
    — Eh bien, allez prendre rendez-vous pour la radio.

    Droite, droite. Rendez-vous à 8h45 le 6.

    Je sors. Je prendrai le RER de 13h à Boussy-Saint-Antoine, un peu déprimée par le fait qu'il n'y ait qu'à partir du moment où j'ai parlé sèchement à la secrétaire que j'ai obtenu un peu de considération.
    Je hais les gens qui ont besoin d'être maltraités pour devenir polis et efficaces.

    Hamlet

    Vendredi soir, représentation d'Hamlet. Après Le Misanthrope de l'année dernière, je ne l'aurais manqué pour rien au monde.

    Hamlet était joué par une jeune fille dont le style et l'allure me rappellent Inès de la Fressange. Excellents Hamlet, Claudio et Ophélie.

    J'écoute le texte, je m'étonne toujours autant du succès de cette pièce si décousue, je me demande dans quelle mesure Shakespeare n'a pas profité de ce prétexte pour nous servir ses thèses sur la vie (en prétextant la folie…), mais aussi de quelle troupe d'acteurs il se moquait, et quelles étaient ses opinions ou croyances religieuses en ces temps troublés; je reconnais au passage l'exergue de L'Aleph, «un espace infini dans une coquille de noix». (Et l'importance du songe, toujours. Est-ce que tout cela n'est pas un rêve d'Hamlet, un cauchemar?)

    Je pense à Pierre Bayard qui m'a fait découvrir l'histoire de John Dover Wilson qui me donne envie de pleurer chaque fois que je la lis. (En 2006, en 2006, je ne pouvais pas savoir que ce nom était si églogal).

    Les liaisons dangereuses

    Il ressemblait à Edward Burns, un acteur très mon genre. Photo sans flash, jamais très bonne, hélas.
    Ligne 12 vers 18h30.


    Le chic

    Lu dans Cosmopolitain de ce mois-ci.
    C'est une fille qui explique ses trucs et astuces pour bâcler les corvées afin de ne pas perdre de temps: porter des pulls pour ne pas repasser, etc.
    Elle termine par:

    «Il paraît que j'ai une collègue qui ne se vernit que les deux orteils qui dépassent des chaussures ouvertes. Alors là je dis: total respect.»

    Déception

    J'ai cru que nous étions vendredi soir.

    Effervescence

    Journée à essayer de travailler (+ crumble à la rhubarbe + identification de Martin Kluger). Commencé à utiliser Travers Coda. Saisie d'une sorte d'effervescence, cela va profondément changer la façon de travailler. Le référencement des références multiplie les croisements (sachant que sont reprises les références dans Journal de Travers, ô bénédiction).

    Bribes

    Je découvre à midi que je ne devrais pas être là. Quand le médecin des urgences avait dit «Je vous arrête jusqu'au 30», j'avais pensé «Il exagère, me faire reprendre lundi alors que mardi est férié», mais consciente qu'il allait passer sa nuit à soigner des blessés dans des états bien pires que le mien, je n'avais pas protesté.
    C'était 30 inclus.


    Plus tard.
    — L'exposition Degas se termine quand? Ma vie est tellement con que je n'en sais rien.
    — Je ne sais pas non plus, c'est le genre de truc que je lis sur les murs du métro. Tu n'as qu'à regarder.
    Rire confus: — Moi dans le métro je ne vois rien, je pense au refinancement de la dette sociale.
    (Et le pire, c'est que je sais que c'est vrai).


    Vers 17 heures, je feuillette Paris-Match, un numéro de février peut-être.
    «Adjani adore Zahia».
    Je regarde Adjani. Quelle bouche laide, à force de toutes se faire bricoler (je viens de voir Carla sur une autre couverture), elles vont réussir à nous donner le goût de vieillir nature.
    Je regarde Zahia. Blonde, l'air modeste, yeux noisettes, des seins dont on se demande là aussi s'ils sont entièrement naturels et une cambrure qui me fait mal pour elle. Mignonne.
    Je regarde les photos, un truc kisch avec des fleurs et elle à poil, c'est une artiste? Ah non, c'est du Pierre et Gilles, ça y ressemble bien. Mais qui est cette Zahia?
    Je lis un peu, les photos ne suffisant pas: pas possible, c'est la Zahia de Ribéry! Mazette, quel chemin parcouru.


    18h55. Je démarre la voiture, le présentateur de France-Musique est en train de déclarer: «Marguerite Dura' aurait dit…» (Mais plus tard il remerciera Emmanuel(le) Rause (Mais peut-être est-ce réellement Rause et non Rose?).)

    Vendredi

    Matin: déchetterie puis un bœuf mode à l'ancienne (pied de veau inclus).
    Après-midi: un violoncelle pour Félix qui va passer dix semaines à la maison et l'aquarium de Paris. Belleville, rue de la Villette. Quel beau quartier que je ne connais pas. Trocadéro, photo de la tour Eiffel, parfaits touristes, c'est amusant. (J'ai oublié de parler de mon plaisir hier à contempler Paris du haut de Beaubourg. Une voix chante au fond de moi: «Nous n'avons pas été bombardés, nous n'avons pas été bombardés.» Je fais part de mon allégresse à mon compagnon, qui me répond: «Oui, c'est grâce à Pétain, c'est totalement oublié, ce qui est plutôt injuste.» (Et je pense à Rome: qui prendrait la responsabilité de faire bombarder Rome? Rome, la ville indéfendable.))

    J'ai mal partout, je suis bien plus mal en point qu'au début de la semaine. Je suis toute courbaturée, et un peu démoralisée par ce que j'explique dans mon précédent billet.


    2020 jour pour jour, je raconte : ce jour-là, A et moi avons libéré les blattes dans la déchetterie. J'ai longtemps eu peur qu'elles n'envahissent tout à la façon des écrevisses américaines.

    Jeudi

    Musée Grévin, expositions Albers et Matisse à Beaubourg. Variations encore. Je songe à cette expression devenue mythique à la maison: «Pour faire de jolis pots, il faut faire beaucoup de pots»..
    L'intrigant est que les tableaux sur un même thème sont souvent (toujours) peints la même année, il n'y a pas comme chez Degas une évolution s'étendant sur une longue période (pour une même composition, je veux dire): comme si Matisse voulait aussitôt nous montrer plusieurs visions intérieures.

    Découvert à mon grand désarroi une nouvelle catégorie d'électeurs du FN: après les extrémistes par conviction, les ouvriers et catégories sociales délaissés, je découvre "l'intellectuel qui fait le malin", qui veut envoyer "un signe" pour signifier que la situation devient incontrôlable dans les écoles, les facs, les banlieues, etc, bien persuadé que "de toute façon le FN ne passera pas".
    Certes. Il faudra un jour que je copie certains textes de H.G. Wells du début du XXe siècle (anéantir tous les jaunes): les idées dans l'air rendent certaines idées tolérables, il n'y a pas de neutralité en la matière.

    Qui sont ces gens ?

    Hier, H. s'est fait voler son iPhone par un pickpockett. Comme c'était un téléphone d'entreprise, il a aussitôt été remplacé par un autre, plus avancé, à qui l'on peut parler et qui vous répond (chaque fois je pense aux lois robotiques d'Asimov):
    — Tu te rends compte? Je lui demande le temps qu'il va faire demain, il me répond «Il va pleuvoir demain». Et après-demain? «Le temps pour après-demain n'est pas sûr.» Tu te rends compte? Il a rapproché la deuxième question de la première, il a fait un raccourci sémantique pas du tout évident, ça c'est de la technologie, on n'est plus dans de l'informatique de gestion…

    Sa curiosité le console un peu de sa perte (parce que malgré tout, il est malheureux de ce vol, comme chaque fois que nous sommes confrontés à la méchanceté du monde). Il fait des tests:
    — Appeler ma femme.
    — Je ne sais pas qui est votre épouse. (La voix est un peu mécanique. Elle continue:) d'ailleurs, je ne sais pas qui vous êtes.

    Je montre mes fesses sur internet (enfin, au moins une)

    Normalement avec un tel titre je devrais exploser mes statistiques. (J'en ai profité pour retourner voir les photos de paréo chez Matoo: las, la plupart des blogs ont disparu. Nous nous étions bien amusés).

    Et donc



    Autoportrait au bleu aurait sans doute été moins vendeur. (Je ne dois pas être très normale, j'ai toujours aimé les bleus. Je trouve ça curieux, et j'aime voir leur couleur évoluer vers le jaune et le vert.)

    Repos

    Dimanche soir minuit, après avoir fini d'écrire ici, je suis tombée dans l'escalier. Un doigt cassé (l'annulaire gauche, pas très gênant sauf pour taper), des bleus impressionnants, une entorse (toute petite, je ne m'en suis rendu compte qu'en revenant de la Défense le soir, d'où deux passages aux urgences, matin pour le doigt, soirée pour l'entorse. Assez pour m'arrêter, mais sans doute pas assez pour m'empêcher de courir la capitale avec les garçons jeudi et vendredi prochains. A suivre).

    Fini Elégies pour quelques-uns et lu la moitié de Roman Roi aux urgences.

    Désemparée

    Matinée aux urgences. C. m'accompagne, il conduit.
    — C'est bon, tu peux me laisser, tu ne vas pas attendre toute la matinée, je rentrerai en RER.
    — Maman, arrête. Il faudrait que tu acceptes qu'on s'occupe de toi.
    Les larmes montent. Je sais qu'il ne faut surtout pas attendre cela.



    Après-midi à La Défense. J'avais un rendez-vous, il s'avèrera que j'aurais pu m'abstenir de venir.

    Je suis absente depuis mercredi dernier. K. m'accueille avec embarras :
    — Il y a du nouveau.
    — Quoi? Grave?
    — Non… Lisez vos mails.

    Elle m'explique en quelques mots. Mon patron a attendu que je sois partie, et le mercredi a envoyé des ordres auxquels je m'opposais depuis des mois. Mon projet est mort. Cet après-midi il est venu prendre de mes nouvelles. J'étais en train de regarder le site UGC. Il m'a serré la main.
    — Ça va?
    — Oui.
    — Qu'est-ce que vous vous êtes fait?
    — Je suis tombée.

    Ce qu'il vient de faire, c'est d'entériner qu'il ne veut pas que je travaille. Je me battais pour travailler, pour faire avancer le projet alors qu'il insistait pour le partager entre trois autres personnes sur lesquelles il n'a pas autorité hiérarchique et débordées de travail par ailleurs. Il a donc envoyé son mail. Je ne sais pas trop ce que je vais faire. Poser des journées de vacances les jours de réunion jusqu'au mois de juillet. Chercher un autre job? Ce qu'il faut savoir, c'est que mon patron ne nous suivra pas lors de la vente de l'entreprise. En effet, en tant qu'appartenant à la direction générale, il est salarié non de la filiale, mais de la maison-mère. Comme il a soixante ans, il ne sera sans doute pas racheté par les repreneurs mais repartira dans la-dite maison-mère, d'où son comportement: il multiplie les signes d'allégeance vers cette maison, tandis que je me battais pour sortir le projet du formalisme imposé par elle, et pour demander aux opérationnels des actes utiles pour la filiale quel que soit le futur.

    Je ne me sens même pas réellement en colère, plutôt en deuil. J'aurai essayé. Mais ai-je réellement fait de mon mieux? Sans doute pas, je ne me suis pas assez expliquée, pas assez patiemment. Je m'en veux un peu, vaguement, même si je me dis que les intérêts de mon chef, qui cherche juste à se protéger pour les mois à venir divergent trop des intérêts de la boîte. Je ne sais pas ce que je vais faire. Bloguer, lire. J'ai dit à K. qu'elle pouvait ramener ses documents au bureau et travailler à son mémoire de fin d'études.


    Cela a-t-il un rapport? Alors que j'avais marché normalement jusque là, une violente douleur dans le pied droit me fait boîter en rentrant chez moi. Je décide (exceptionnellement, pour tenter d'être raisonnable, à l'encontre de toute la tradition héritée de ma grand-mère paternelle) de retourner aux urgences. Nous en sortons à minuit, ils ont oublié de regarder ma radio, ils m'ont oubliée, cela fait trois heures que nous aurions dû être sortis, et de toute façon je n'ai rien, une toute petite entorse de rien du tout, j'ai honte d'avoir créé tout ce remue-ménage pour si peu, pour rien ("accepter qu'on s'occupe de moi": tu parles, c'est inutile, ça ne marche pas, la preuve: il n'y a rien, pas de problème. Je ne vais tout de même pas m'en plaindre, non?).

    Une journée de perdue en perspective

    (Je ne suis pas très sûre du "e" à "perdue".)

    Assesseur, titulaire et suppléant (c'est bizarre mais c'est comme ça). Tout ça pour payer notre remords de n'avoir pas aidé D. dans sa campagne. Seule consolation, je vais boire beaucoup de mauvais café aujourd'hui (je n'en bois presque plus au bureau). Et peut-être tricoter, ça dépendra de l'abstention. Je n'ose pas emmener cet ordinateur, je ne voudrais pas être cause que les élections soient annulées dans un bureau. (Je ne suis pas tout à fait sûre de pouvoir lire RC après ses prises de positions officielles. Quoi qu'il en soit, je vais couvrir le livre que j'emmène.)

    8h-22h, au mieux.


    commentaire du soir
    Il est 22 heures 10, je suis rentrée depuis vingt minutes, nous avons fait vite.
    J'étais assesseur, donc, et j'avais demandé à l'être dans le même bureau que celui de 2008, car j'avais remarqué que le bureau où je vote est bien moins intéressant: tout le monde semble né dans la commune d'à côté. Or ce que j'aime, ce sont les lieux de naissance qui me font rêver, la variété d'une page à l'autre.
    Malheureusement, j'ai découvert que le bureau auquel j'avais été affectée à ma demande avait été divisé en deux, et que la population que j'aime dépendait du nouveau bureau.
    Il restait dans le mien la rue habitée par mon maire, candidat aux présidentielles, d'où le plaisir relatif de voir le bureau envahi par des caméras une demi-heure en fin de matinée. Flux et reflux. (Pour tout dire, et peut-être à tort, j'ai pensé à Tlön. Je me suis dit que c'était le genre de chose qui lui plairait (pas forcément de passer à la télé, mais au moins de m'y voir: ça le ferait rire). (Ah, et j'ai aussi pensé que si l'abominable homme des blogs l'apprenait, il allait se f** de ma gueule, et qu'il serait intéressant de voir la forme que cela prendrait cette fois-ci). Et je me suis dit que je n'avais pas la télé. Mais qu'il y avait Youtube. Mais que c'était assez vain.
    J'avais oublié FB.

    La Fontaine à Château-Thierry

    Pélerinage au musée La Fontaine, cet auteur étant celui le plus cher à mon cœur parmi les classiques. (Tout m'est prétexte pour faire des kilomètres et suivre les Demeures de l'esprit: la présence du jeune Allemand, le bac de français de ma fille qui étudie La Fontaine en classe…)

    RC parle d'une promenade agréable sur les remparts, je dirais plutôt qu'elle serre le cœur (a-t-il été indulgent ou la situation s'est-elle beaucoup dégradée?) Toute une partie de la ville au delà de la Marne mais encore dans la ville et non à sa périphérie n'est que barres d'immeubles; sur les remparts eux-mêmes se dresse une palissade en bois apparemment destinée à protéger un spectacle de fauconnerie, et surtout un chalet en bois est en cours de construction.

    J'en appelle à votre expertise: que peut bien être un casteloscope?





    Le musée en lui-même est mignon, si l'on oublie qu'il s'agit de La Fontaine, il est possible de songer à un décor de Balzac. Les éditions des Fables sont nombreuses et de tous âges, les murs illustrent de nombreuses fables dont j'avais oublié le détail (une lice? Apparemment il s'agit d'une chienne de chasse. Et cette morale: «Ce qu'on donne aux méchants, toujours on le regrette.» Je suis contente de le voir écrit.)

    J'ai photographié comme je pouvais (flash, vitrines, livre à peine entrouvert) un exemplaire japonais et un algérien:


    Bateau-mouche, musée d'Orsay.

    Tout est dans le titre. Bateau-mouche un peu miteux, je trouve. Il me semble (souvenir vague) que j'ai dû prendre un billet pour les bateaux-mouches seule, en arrivant à Paris. Tous les hôtels particuliers étaient nommés, avec date et architecte, et j'étais désespérée de ne pouvoir les enregistrer au fur à mesure.
    Aujourd'hui seuls les principaux monuments sont indiqués, et chaque phrase est répétée en plusieurs langues (anglais, japonais et ??).

    Tout cela consiste à revenir sur ses pas, mais des pas quasi effacés. Orsay. Je me souviens d'avoir visité Orsay peu après son inauguration, inauguration qui suivait l'exposition impressionniste de l'hiver 1985 au Grand palais. (Oui je m'en souviens: c'était la première fois que j'allais voir une exposition).
    Et puis une exposition Pompon. 1992?[1] Je me demande si ce n'était pas lors d'une soirée privée. C'est amusant d'écrire cela, cela donne l'impression d'une expérience très longue qui en réalité n'existe pas, comme le prouve d'ailleurs l'écart entre les dates.

    Le musée d'Orsay d'aujourd'hui ne ressemble plus guère à ce qu'il était, même si je ne m'en souviens que confusément, ne serait-ce que par la manie de découper les grands volumes en petites boîtes pas trop éclairées (pour ne pas abîmer les tableaux? Mais les scènes d'opéra ou de théâtre ne sont pas éclairées non plus, nous assistons à une préciosité de la pénombre.)

    Mais je ne me souvenais pas d'autant de tableaux, non, je suis sûre qu'il y avait bien moins de tableaux, de tableaux connus, aimés, presque des compagnons de vie tant ils m'ont accompagnée dans les livres de classe, dans diverses illustrations ou iconographies dont j'ai à peine conscience[2]. Intérêt des "boîtes" dans les grands volumes: cela multiplie les murs pour accrocher des tableaux.
    (Je choisis les Pivoines de Manet. (La galerie des impressionnistes n'est pas dans la pénombre, elle bénéficie d'un bel éclairage zénithal)).

    (J'ai oublié d'essayer de retrouver le petit meuble de Jean Puyaubert cité dans le journal 2006, je crois.)

    Degas, Akseli Gallen-Kallela.
    Grand souci de progression et de rapprochement dans l'exposition Degas, fascination de la variation, les quelques toiles d'autres peintres sont très judicieusement choisies. La provenance de certains dessins (très souvent américaine) me fait sourire: Degas à Kansas city, vraiment?
    Akseli Gallen-Kallella résonne évidemment avec les Demeures de l'esprit du nord. Très bonne surprise que ces toiles, ne serait-ce que par leur variété de style, de sujets, de couleurs. J'aime beaucoup le visage rougi par le feu de l'homme en face de la cheminée.

    Merci à Pierre.



    PS: je me suis flambée la frange et les sourcils au calvados en préparant un lapin à la normande.

    Notes

    [1] 1994 me dit Google.

    [2] Les enfants ne reconnaissent rien. Je m'étonne. Rentrée à la maison, je vérifie dans leurs livres de cours: pas un Monet, pas un Renoir, pas un Degas. Ni Millet, ni Fantin-Latour. Rien, aucune image destinée à devenir familière.

    La pluie

    Je suis plutôt contente d'avoir un prétexte de pouvoir "faire" Paris comme si j'étais touriste, comme si je n'avais qu'à courir de musées en églises en jardins en ruelles en…
    (En réalité ça ne se passe pas exactement comme cela: au bout d'un musée, tout le monde déclare forfait, alors qu'on pourrait encore aller au musée Picasso, visiter le jardin d'acclimatation, traverser le Père-Lachaise, jeter un œil à la Sainte-Chapelle, entrer dans deux ou trois librairies, et…)

    — Maman, c'est quoi l'emploi du temps de demain?
    Ils n'ont peur que d'une chose, c'est de mes idées et de mes envies. Leur rêve: tranquilles devant l'ordinateur. Pas pour rien que je n'ai pas prévu de passer toutes les vacances avec eux. Je sais que cela les ennuie plus qu'autre chose (Alors pourquoi le faire? Je ne sais pas, parce que je pense que je le dois, je suppose. Et puis on ne sait jamais. On ne sait jamais quoi? Je ne sais pas, imagine que ça leur plaise, qu'ils aient un coup de foudre? (Histoire d'une fille qui croyait aux épiphanies.)
    Tant pis, j'irai seule — un jour.)

    Arrivé à trois heures vingt devant les catacombes. Queue. Un gentil organisateur nous prévient aimablement qu'il y en a pour une heure d'attente et que le guichet ferme à seize heures.
    — Bref, inutile d'attendre?
    — Ça dépend. Si un groupe scolaire de cinquante sort, la file va avancer d'un coup. Attendez dix minutes, vous verrez bien.

    Nous attendrons jusqu'à moins dix. Pluie. Elle devient battante, un homme nous prête gentiment un parapluie, le jean colle aux cuisses, le tissu des basketts est transpercé. A moins dix, j'évalue qu'il n'y aura plus de miracles. Nous rendons le parapluie et filons au musée de Cluny.
    — Tu sais à quelle heure il ferme?
    — Non, mais c'est pas grave, au pire il y a une librairie à côté. (J'avoue, pure provoc, pour m'amuser. Ça marche.)
    — Ma-man ! (scandalisé-exaspéré-non dupe).

    Le musée a bien changé depuis la dernière fois (quand? Je ne sais plus, huit ou dix ans). Il est plus moderne, plus au goût du jour je suppose, mais je regrette les statues en bois du rez-de-chaussée, certaine Vierge en bois d'origine d'Allemagne du nord ou de Flandres, un peu renfrognée ou maladroite, que j'aimais beaucoup.
    Il y a toujours la même surprise à être plongée hors du monde tout en pouvant le contempler par les fenêtres. (Et le plaisir inverse surtout, du boulevard pouvoir regarder les fenêtres et imaginer ce qu'il y a derrière.)

    Il ne pleut plus. Nous sommes secs.

    Ecole de médecine, coupole de l'Académie dans l'enfilade de la rue Mazarine, rue de Seine. Au 6, en face du square grande photo de Gide photographiée pour F. Pic (à venir). Ponts des arts, j'égrène les toits, cadenas, cadenas, cadenas, cour carrée. — C'est quoi? — Saint-Germain-l'Auxerrois, vous voulez entrer? — Nous, on veut juste rentrer à la maison.
    Nous rentrons.


    Le soir même, je lis les lignes suivantes:
    Tu souffrais de mal de cœur en voiture, c'est vrai, mais tu ne paraissais pas autrement impressionné, de toute façon, par la villa Carlotta. La semaine suivante, tu n'as même pas voulu mettre pied à terre, à Frascati, pour entrer dans le parc de la villa Aldobrandini. Est-ce que j'ai lu dans Stendhal qu'on pouvait deviner la façade, par temps clair, depuis le sommet des escaliers, à la Trinité-des-Monts? Mais il n'y a plus de temps clair. A Ravello, tu refusas de marcher jusqu'à la villa Cimbrone. Nous n'irions pas ensemble à Paestum. Dans l'Orne, un dimanche d'automne, je n'ai pas pu visiter le haras du Pin: tu voulais être à Paris pour dîner, ne pas trop rouler la nuit, rentrer pour rentrer, me semblait-il, alors qu'il ne s'agissait jamais pour moi que d'une fatalité navrante, à repousser toujours autant qu'il se pouvait.

    Élégies pour quelques-uns, p.24

    Si vous êtes geek, votez Bayrou

    J'allais voter tranquillement Bayrou sans faire suer personne, parce que c'est celui qui m'agace le moins; celui qui me paraît le plus raisonnable et le plus sensé.

    Et puis mon fils a trouvé ça (enfin, je ne sais qui lui a dit que) : allez sur le site http://bayrou.fr/. Avec les flèches de déplacement, tapez deux fois la flèche haut, deux fois la fèche bas, puis gauche droite gauche droite, puis les touches b puis a.
    Attendre quelques secondes.

    Et donc la raison n'empêche pas le farfelu (si tant est que Bayrou soit au courant). En tout cas, avec un entourage pareil, il est probable qu'il ne conconctera pas un Hadopi 3 ou 4.
    Bref, si vous êtes geek, que vous croyez en 42, votez Bayrou !

    Les jours à venir

    Plus d'anecdotes à raconter (si l'on excepte le fait d'avoir découvert que le marathon empêchait d'être à l'heure gare de l'Est quand on vient de la gare de Lyon en voiture et que donc Félix, le jeune Allemand que nous accueillons pour trois mois, a failli nous attendre longtemps (mais nous sommes réactifs et motivés)), plus que du temps à organiser, des tâches à ne pas oublier, selon les deux axes fameux, l'urgence et l'importance.

    Donc là tout de suite ce matin pour mémoire (autant le noter ici qu'ailleurs), dans la mesure où je vais être à la maison cinq jours (enfin, à la maison: pas au bureau):
    - préparer le TG du 5 mai
    - lire les deux Roman
    - préparer Porto (idéalement première rédaction finie fin avril)
    - appeler Pierre
    - prendre rendez-vous chez l'ophtalmo
    - mettre à jour Véhesse pour vendredi.

    Faire une liste des monuments à visiter puisque Félix, au contraire de Déborah qui connaissait mieux Paris que nous, n'a rien vu (c'est plus facile).

    Elégie pour quelques-uns semble épuisé (pas grave, je l'ai trouvé quand même. C'était le dernier qui me manquait dans la liste des ouvrages paru dans les années 80).

    PS: Henri est mort. J'aurais du mal à expliquer qui il était, un petit-petit-cousin de ma mère, peut-être (une arrière-grand-mère en commun avec elle, je crois). Il habitait dans la maison mitoyenne de celle de ma grand-mère, j'ai passé du temps avec lui quand j'avais six ou sept ans. Je lui aurais donné un peu plus de soixante ans, il en avait plus de quatre-vingt (m'a dit mon père). Je ne vois décidément pas les gens vieillir, immobiles dans mon souvenir.
    C'était un homme doux et gentil, peut-être un peu simple, qui aurait trouvé une place très naturelle dans Les semailles et les moissons.

    La blague du week-end

    — Je ne sens plus mes pieds !
    — Moi si, mais j'ai un bon nez.

    Véritable phrase prononcée véritablement au cours d'une conversation qui semblait "normale"

    — Je ne suis pas en état de ressembler à une pompe à vélo.

    Fail

    «Aujourd'hui on devait avoir un cours sur la contraception, mais il a été annulé parce que l'intervenante est tombée enceinte.»

    Don Giovanni à la Bastille

    J'ai bien aimé, cela va sembler étrange, la vulgarité de la mise en scène. Don Giovanni est vulgaire. C'est un homme vulgaire, si vulgaire que l'histoire en perd de sa crédibilité: que peuvent bien trouver les femmes à un tel rustre?


    Pour le reste, je n'en peux plus. Je n'en peux plus de toute cette pénombre, de tout ce noir. Orlando Furioso noir, Wagner noir, Bartok noir, et même Le Mariage de Figaro noir. Aaaaahhh, qu'on me donne de la lumière, des couleurs ou même du gris, mais de la lumière!
    Je suis trop fatiguée, cela me fatigue trop, de regarder tous ces spectacles dans la pénombre. L'effort est trop grand, cela me gâche mon plaisir. (Et je me dis que si le souvenir de la philarmohie de Berlin est si doux, c'est aussi à cause de cette lumière dorée, chaude et douce, qui donnait envie de rester là pour toujours.)



    Direction musicale Philippe Jordan
    Mise en scène Michael Haneke
    Décors Christoph Kanter
    Costumes Annette Beaufaÿs
    Lumières André Diot
    Chef de choeur Alessandro Di Stefano


    Don Giovanni Peter Mattei
    Il Commendatore Paata Burchuladze
    Donna Anna Patricia Petibon
    Don Ottavio Saimir Pirgu
    Donna Elvira Véronique Gens
    Leporello David Bizic
    Masetto Nahuel Di Pierro
    Zerlina Gaëlle Arquez

    Philosophie quotidienne

    Entendu dans le RER :

    «Je préfère être fatiguée le lundi matin que fatiguée le vendredi soir.»

    Ma fille, cette spécialiste de Flaubert

    «Aujourd'hui, dans cette île, s'est produit un miracle.»
    C'est l'impression que j'ai ce soir.

    Hier soir, la rumeur courait durant la représentation que ma fille avait décrété qu'elle n'irait pas passer l'oral blanc du bac de français organisé avec beaucoup de soin par l'école qui fait appel à des professeurs étrangers à l'établissement pour une meilleure "mise en condition".

    Comme c'était une rumeur, nous n'étions pas censés l'avoir entendue, et ce matin, j'ai donc fait comme si de rien n'était, contrôlant son look (qui mélange parfois les codes…) et ce qu'elle emportait dans son sac, lui souhaitant bonne chance. (Oui, je materne, mais j'ai des raisons).
    J'ai passé la journée dans l'angoisse d'un coup de fil m'apprenant qu'elle avait fait un caprice ou un scandale (beaucoup de bruit quoi qu'il en soit).

    En fait, elle s'est finalement présentée à l'épreuve (après avoir échangée son passage à 14h30 contre celui d'une amie à 18 heures); et elle a passé son temps à papoter sur Madame Bovary avec une professeur spécialiste du sujet, faisant état de sa lecture de l'article de Nabokov sur ce livre, de sa connaissance de l'édition raturée de Madame Bovary (une édition amusante car elle pousse à ne lire que ce qui est barré), de sa sensibilité au mouvement et à la couleur, au dynamisme des passages pris unitairement par contraste avec l'immobilité du tout…

    WTF?
    (Vous n'imaginez pas mon soulagement, je l'imaginais déjà renvoyée de l'école.)

    Le Mariage de Figaro de Beaumarchais

    Le spectacle m'a beaucoup plu, et le théâtre en lui-même aussi: j'ignorais que la Comédie française était en travaux, le chalet en bois de pin qui la remplace est plein de charme, je ne me lassais pas de caresser les poutres poncées.

    Je suis sortie de la pièce emplie d'admiration pour Beaumarchais. Je comprends de moins en moins ce qui s'est passé au XIXe siècle. Quelle chute. Quel courage au XVIIIe siècle pour donner des droits à ceux qui n'en avaient pas. Je trouve cela bouleversant. Qu'attend-on pour faire une chaîne classique, une chaîne des Lumières, en arabe, à l'intention du Maghreb ou de l'Arabie, une anti-Aljezirah, quelque chose qui souffle la voix de la liberté de penser par soi-même et d'être heureux?

    Buffet froid de Bertrand Blier

    Ça fait longtemps que je voulais le voir — parce que mes parents étaient partis avant la fin un été que nous étions à la Baule. Il passait hier au cinéma de ma ville; j'ai été seule dans la salle durant dix minutes avant le début de la séance, puis une femme est arrivée. Buffet froid ne fait pas recette le jour de Pâques.

    J'aime voir la Défense déserte. La station n'a guère changé, ce ne sont plus les mêmes rames et les sièges ne sont plus rouges mais verts RATP.
    Je n'ai pas reconnu la tour dans laquelle se passe l'action. J'ai entraperçu un panneau "Brie-Comte-Robert" "Boissy-Saint-Léger", ce qui nous entraîne loin de la Défense.
    J'aime beaucoup les papiers peints et la tapisserie "Le corbeau et le Renard" au-dessus du lit, en deux pans symétriques.

    — Je vous présente l'assassin de ma femme. (L'inspecteur et l'assassin se serrent la main)

    — Vous n'avez jamais tué personne, vous?
    — Si, si, quelques erreurs de diagnostics…

    Carole Bouquet a l'air folle, les yeux étrangement décentrés.

    Mes parents devaient attendre Les Tontons flingueurs à cause de Michel Serrault et Bernard Blier. Ça a dû leur faire un choc.

    Facebook change de look

    Cela fait un moment que cela a commencé, c'est comme une lèpre qui gagne de proche en proche les comptes de chacun.

    Je suis entre deux eaux. Désormais je vois ma page en mode "journal" tandis que les autres voient encore l'ancienne version. (La bascule définitive aura lieu le 14 avril et je suis invitée à la demander avant. Non.)

    Ce changement de présentation est l'occasion de voir ce que privilégie FB: c'est bien simple, tout ce qui compte le moins pour moi. Il reprend en priorité tout ce qui présente des interactions avec les autres membres FB, et parmi ceux là les membres français. Il reprend des photos et des conversations que j'aurais tout aussi bien pu partager sans FB, par mail, dropbox et à travers les blogs.
    En revanche, j'ai perdu la plupart de mes liens (dans la présentation N-2, il y avait une catégorie "liens" dont je me servais un peu comme d'un delicious. Elle a donc disparu entre le N-2 et le N-1 (en même temps qu'apparaissait l'obligation de classer ses amis selon les catégories définies par FB et non plus selon les siennes, et que la plupart des groupes étaient archivés). Le passage de N-1 à N entérine la disparition non seulement de la catégorie liens, mais encore de son contenu que j'espérais dans les limbes (un espoir reste: que FB ne puisse faire la récupération brutalement, et que tout soit récupéré petit à petit.)

    Il reste que cette patiente collecte de liens ainsi que les quelques mots échangés avec les "amis" au-delà des mers, personnes que je n'ai jamais vues et que j'espère rencontrer un jour, représentent à mes yeux l'intérêt de FB. C'est pour eux que je ne quitte pas cette application qui apporte plus de problèmes quelle n'en résoud. Et ce sont eux qui aux yeux de FB ont le moins d'importance.

    C'est ce qui m'énerve dans ce truc: il passe son temps à décider à ma place, et il ne décide pas comme moi. Il croit vraiment qu'avec son journal il va retracer ma vie, et que lorsque j'aurai quatre-vingt ans je lui serai reconnaissante et que mes arrières-petits-enfants iront sur FB pour avoir une idée de la vie de mémé quand elle était (plus) jeune?

    FB est un peu mégalo et complètement à côté de ses pompes.
    Ou alors vraiment destiné aux personnes qui ne savent pas s'exprimer par écrit.

    2 days in New York

    Film dispensable là encore. C'est amusant, alors qu'il m'a semblé moins insupportable que 2 days in Paris, je me sens beaucoup moins indulgente. Les hystériques, très peu pour moi. Quand on ne supporte pas sa famille, on la tient à distance.

    Quelques questions amusantes/intéressantes: vendre son âme ne porte pas à conséquence. Ou bien si?
    Les dialogues de Mingus avec Obama.

    Mais enfin, ça ne suffit pas à sauver le tout. C'est pénible et franchouillard.

    (Pourquoi être allé le voir? Les horaires correspondaient, et puis après Le skylab, je voulais voir comment Julie Delpy évoluait.)

    Le creux (au creux de l'estomac)

    — Et aujourd'hui il y a un chemin de croix à 15 heures. Tu sais ce que sait, je crois que Jacqueline t'y avait emmenée une fois quand tu était petite.
    — Je ne sais pas. C'est comme le FRAT? Ou le pélerinage à Chartres, c'est ça, un chemin de croix?

    Ce qui me pèse le plus, c'est cette impression de n'avoir rien transmis, rien, rien, rien. Des milliers de mots en vain. Parfois je choque, on me trouve égoïste ou je ne sais quoi quand je choisis de partir seule faire quelque chose qui me plaît en laissant ma famille derrière moi. Mais à quoi bon? Je vois ces jeunes parents se consacrer avec passion à l'éducation, à la "culture" (dieu que je hais ce mot) de leurs bambins, je les regarde avec curiosité: est-ce que vraiment ils y croient? Et si par hasard eux obtenaient un résultat? (C'est peut-être moi, juste moi, qui suis très nulle; c'est le plus probable.)

    Des nouvelles de mon entourage

    Suzanne est revenue lundi, contrairement à mes prédictions pessimistes qui repoussaient cela après les élections.

    Un étudiant des cours du lundi, militaire, part en Afghanistan.

    Le service après-vente de l'Apple Store, quelque chose du trombone de Microsoft Office

    Le Trombone, pour mémoire.


    Applestore du Carroussel du Louvre.

    — Vous avez un rendez-vous?
    — Euh non, pourquoi, il faut un rendez-vous?
    — Ah oui, c'est comme chez le médecin, il faut prendre un rendez-vous.
    — Ah je ne savais pas, mon problème est tout simple.
    — Qu'est-ce qu'il y a ?
    — Le chargeur ne marche pas. C'est bien le chargeur, j'ai testé la batterie à la maison avec d'autres chargeurs.
    — Il va falloir prendre un rendez-vous.
    — Mais vous ne pouvez pas au moins vérifier que c'est bien ça qui ne va pas?
    Il hésite.
    — Oui bon d'accord.

    Il s'en va. Le temps passe. Je n'ose prendre un livre, car je crois que si je ne croise pas ses yeux de temps en temps je vais disparaître de sa mémoire. De loin je le vois discuter avec un grand black à propos de ce qui paraît être un iPhone. Est-ce qu'il a pris un rendez-vous? je suis à deux doigts d'aller poser la question mais je me dis que ce ne serait pas de la plus haute diplomatie. Un autre vendeur passe, je lui fais part de ma peur d'être oubliée, il va se renseigner, revient, je ne dois pas m'inquiéter.
    J'attends.
    Le premier vendeur revient
    .
    — Alors qu'est-ce qu'il y a?
    — C'est un ordinateur tout neuf acheté il y a une semaine, et le chargeur ne marche pas.
    — Il va falloir prendre un rendez-vous.
    — Mais vous ne vérifiez pas mon diagnostic? Vous voulez la facture?
    Je commence à farfouiller dans mon sac, il m'arrête, grand seigneur:
    — Non non, on ne travaille pas comme ça.

    Il branche le chargeur, essaie le connecteur, tâtonne, vérifie l'absence de faux contact, prend un autre chargeur, vérifie qu'il s'allume aussitôt.

    — Ah oui, c'est le chargeur, il va falloir prendre un rendez-vous.
    — Mais vous ne pouvez pas le changer tout de suite? Comment je fais sans chargeur?
    — Vous en achetez un, vous prenez rendez-vous, et on vous le remboursera.
    — Vous plaisantez.
    — Non, il faut prendre un rendez-vous.
    — Mais je ne veux pas acheter de chargeur; je n'ai pas confiance.
    — Alors il faut prendre un rendez-vous.
    Je commence à trouver cela vraiment drôle à force d'être stupide.
    — Bon, allons-y.
    — Votre nom? dit-il en s'emparant de son iPad.
    — Euh... Vous ne m'avez pas proposé d'horaires. Vous avez besoin de mon nom pour accéder aux plages horaires? Elles dépendent de mon nom?
    — Non, chez Apple on ne fonctionne pas comme ça. J'ai besoin de votre nom pour prendre un rendez-vous.
    Je m'empare de l'iPad, je tape mon nom. Nous sommes lundi, les premiers rendez-vous sont dans une semaine. Il note quelque chose dans la zone de texte libre, je lis.
    — Vous n'avez pas précisé que c'est un MacBook Air, si vous voulez préparer la pièce — car j'essaie comprendre, et la seule explication sensée que je vois à ce délire, c'est qu'il y ait gestion de stock, préparation de la pièce pour échange standard, etc.
    — Non, c'est inutile, on a la pièce en stock, vous savez.
    — Mais alors, pourquoi on ne l'échange pas tout de suite?
    — Parce qu'il faut prendre rendez-vous.
    — Et vous trouvez normal de déranger quelqu'un deux fois pour un échange de pièces qui prend dix minutes?

    Je n'ajoute pas que nous sommes en train de dépasser les dix minutes et que s'il m'avait échangé le chargeur tout de suite, je serais partie depuis longtemps. C'est trop difficile à expliquer à quelqu'un qui veut absolument me faire revenir alors qu'il pourrait règler mon problème immédiatement. Mais je ne comprends pas, je ne comprends pas, je ne comprends pas.

    — Ah, je ne sais pas pourquoi on vous a fait venir la première fois…
    — La première fois, c'est celle-là. La deuxième, ce sera lundi prochain. Qu'est-ce que vous allez faire lundi prochain, pourquoi me faites-vous revenir?
    — Ne vous inquiétez pas, on ne fera rien, on changera le chargeur.
    — Mais alors…

    Je pars, ahurie.

    PS. Apple a confirmé mon rendez-vous. Youpi.

    mise à jour le 8 avril : problème résolu en passant hier à l'Applestore de Carré Sénart. Sans rendez-vous.

    Deux artisans

    Je suis en train de dépenser avec très peu de remords l'argent du ménage à des futilités.
    • et samedi, vieux rêve, des (enfin une) reliures.
      Un peu étonnée de me trouver tant de points communs avec la relieuse. Discussion à bâtons rompus sur la peau de chèvre, les bibliothèques en trompe l'œil, Le Contrat de Westlake, les charges qui étouffent l'artisanat (avec ce maudit calcul de charges sur les années N-2 qui condamne toute personne faisant une "bonne année" à mourir de faim les deux années suivantes: du travail indépendant comme bénévolat), la couleur du papier («vous choisissez le cuir, je choisis le papier» (ça m'a fait rire)), l'obsession de laisser les choses en ordre pour le cas où l'on viendrait à mourir brutalement afin de ne pas pénaliser ceux qui resteraient? (Cela ne m'a pas réussi de me faire passer pour organisée. Sûre comme la mort, j'ai oublié dans la boutique ma pochette contenant mes papiers et ma carte bancaire. J'y retourne ce soir.)>*

    Réunion d'AH

    — A votre avis, pourquoi vous êtes là? Parce que certains d’entre vous deviendront des théologiens. Pas tous, mais quelques-uns. En France, les théologiens seront des laïcs, c’est un enjeu théologique et ecclésial. Qui fait de la théologie en France? Pas les prêtres diocésains, ils sont débordés, et les religieux, ils ne sont jamais là. Hop à Haïti (elle fait des grands gestes des mains), hop à Singapour. C’est pour cela que vous êtes formés.

    Ce n'est pas ce que vous croyez

    1/ "D'apparence musulmane", assise à côté de moi ce matin.


    Fier d'être arabe et chrétien


    2/ Je m'assois sur le lit d'un inconnu après y avoir déposé quelques billets.


    (Je viens de trouver chez un libraire "à domicile" un texte de RC que je ne qualifierai pas de rare mais d'inconnu.)

    Quelques liens

    Ça ne s'arrange pas : plusieurs jours sans même pouvoir arriver devant cet écran. Voici quelques liens thésaurisés avant de compléter les jours précédents (de dimanche à ce soir):

    l'odeur des livres en bouteille

    quelques pas de danse au ralenti

    des raisons d'être optimiste

    des portraits d'artistes, de savants, de chanteurs…

    450 films libres d'accès (Wells, Lang, Tarkovsky, le premier court-métrage de Lynch, etc)

    un projet obsessionnel en blanc (dédié à Guillaume) qui aime les obsessions (je le comprends)

    le dessin technique d'une brique de lego

    des ordres de grandeur démographiques: équivalence entre la population de mégalopoles et celle de quelques Etats d'Amérique

    un peu de bisounours israëlo-iranien (irénisme, dirais-je à ma collègue en manque de gros mots)

    l'histoire de la page de Google (conte pas du tout moral, l'incompétence récompensée)

    le hashtag #jenaipasportéplainte : contre le silence qui suit un viol

    un jeune blog qui raconte des histoires d'enfance, et qui m'intrigue, parce que les histoires sont assez longue: va-t-il tenir le rythme?

    trajet de la Comté au Mordor (ne faites pas comme mon fils, regardez les lieux traversés)

    écouter des auteurs (anglais) morts (pastiche en anglais).

    Les abeilles solitaires

    J'ai découvert leur existence aujourd'hui, grâce à une collègue qui en a dans son jardin. Elles font des trous dans la terre, pondent, s'en vont. Pas de ruche, pas de reine.
    Les jeunes abeilles sortent en août.

    Parsifal

    Saississant Parsifal (mise en scène de François Girard), j'ai pensé à la chambre interdite de Barbe-bleue, on patauge dans le sang, les filles-fleurs ont des airs d'héroïnes de manga, la faille s'ouvre sur la lave brûlante d'un volcan?

    Il n'y a vraiment que l'opéra pour offrir de telles mises en scène, apocalyptiques. Magique.

    «Ici le temps devient espace.» Adrogué.

    Pourquoi associe-t-on Nietzsche à Wagner, alors que c'est de Freud qu'il faudrait parler?



    Et puis le plaisir des traditions wagnériennes que l'on découvre («en être ou pas»):

    — Mais pourquoi ces applaudissements si hésitants à la fin du premier acte? Tout le monde était sous le choc?
    — Normalement on n'applaudit pas à la fin de cet acte. Et puis ils se sont souvenus qu'ils n'étaient pas à Bayreuth? (Wagner ne voulait pas que Parsifal soit joué ailleurs qu'à Bayreuth.)

    — Il faudrait le voir un Vendredi Saint.
    — Il suffit d'aller à Munich.


    Plus tard encore, en interrogeant un choriste, nous apprendrons que l'eau était à 23°, ainsi que le prévoient les conventions collectives.


    Dans le train du retour, nous apprenons la mort de Tabucchi.

    Dans le TGV

    Ma voisine en face finissait Pynchon («Ah? Il y en a qui finissent Pynchon?)






    celle à côté de moi lisait Le Crabe aux pinces d'or en chinois, dans un format présentant deux cases côte-à-côte par page (??!):




    (J'ai donc pu remarquer que le chinois ne se lisait pas comme les mangas, en partant de la "fin" (ou alors la mise en page d'Hergé est aussi étrange pour un Chinois que celle d'un manga pour un Français).

    Mon precious

    H. m'a offert le plus petit des Macbook Air. A priori je vais pouvoir abandonner papier et crayon. Et si vraiment je peux avoir du wifi partout, je crains que H. ne tarde pas à le regretter?
    (C'est très amusant de mettre au point la synchronisation de deux ordinateurs à base de dropbox et d'evernote. Il va falloir que je me perfectionne. Le ménage sur le grand frère devient plus que jamais urgent.

    Deux embarras

    RC a encore fait des siennes1. Le concernant, ça m'est un peu égal, ça fait un moment que j'ai accepté l'idée qu'il ferait systématiquement tout pour saboter ses chances d'être lu (y compris peindre!). A croire que porter le nom d'un Nobel n'était pas un handicap suffisant.

    Me concernant, cela m'ennuie beaucoup plus. L'idée de devoir me justifier me fatigue d'avance. Donc tant pis. Honni soit qui mal y pense et basta.

    ***


    Ramé. J'ai un peu honte, tout le monde me salue par mon prénom, je ne me souviens de personne, à part deux ou trois noms. Il faudrait que j'ai un trombinoscope pour réviser avant de venir. Je me souviens de ce que les gens racontent, de leur passion pour la mer, de leurs petits-enfants, du club où ils ont appris à ramer, je ne me souviens pas de leur prénom. C'est très embarrassant.





    Note
    1 : octobre 2018, j'ajoute une note de bas de page : ce jour-là, il a annoncé qu'il appelait à voter Marine Le Pen aux prochaines élections présidentielles. Je l'ai appris par un sms de Matoo qui disait en substance: «Mais pourqoi ne se contente-t-il pas d'être une pd sympa de gauche?»
    C'est bête, juste au moment de la parution du dernier tome des Eglogues.

    Rencontre pizzaio-oulipienne

    "Non" n'existe pas en japonais. Mon père avait causé une vive émotion en demandant à des Japonais si ce train allait bien à Kyoto. Il les a vus blanchir, pris entre l'angoisse de contredire un étranger et celle de le laisser se tromper.

    Les Japonais voient la France comme le pays d'Edith Piaf, d'Albert Camus, bref, une France en noir et blanc qui n'existe plus. Quand ils arrivent à Paris et qu'ils voient les rues sales, le métissage, etc, c'est un choc. Ceux qui sont en groupe s'en sortent, mais pour les autres, il existe une cellule d'aide psychologique à l'ambassade. Certains d'entre eux ont créé des associations qui vont nettoyer les rues…

    En arabe, il n'y a pas réellement de différence entre bon et beau et raisonnable. Traduire que quelqu'un est beau et méchant est difficile, ils ont recours à des périphrases comme "beauté diabolique".

    — Comment va Michèle Grangaud?
    — Pas très bien, je crois. Tiens, j'ai vu un article de son frère dans le Figaro. Il fait partie de ceux qui n'ont pas quitté l'Algérie et il ne comprend pas pourquoi tant sont partis.
    — Hum? Mon père était médecin, il comprenait l'arabe, et quand il passait sur son vélo, il entendait "Ne tirez pas, c'est le marabout des protestants!" Ce n'était pas très rassurant. Il a perdu un petit frère en jouant avec une bombe dans le jardin (Est-ce que je me trompe? Comment pouvait-il être petit garçon en train de jouer, puis médecin sur son vélo? Même huit ans de guerre ne couvre pas la possibilité d'une telle évolution. Ou alors il y avait des bombes bien avant la guerre.)

    Retour sur le spectacle de ce soir. Nous discutons avec Valentin Villenave, le compositeur. Nous le félicitons.
    — L'okapie nous a beaucoup plu.
    — J'avais noté "a la poulenca" car Poulenc était connu pour ses rythmes impossibles. Nous l'avons joué deux fois plus lentement que prévu, et je crois qu'il valait mieux qu'on lise les paroles avant.
    — C'était très compréhensible. A cette vitesse-là, Jeanne [Carillon] articulait parfaitement.
    — J'ai adoré Si tu t'imagines.

    Et Dominique m'a amené le tome II: la princesse revient et elle n'est pas contente.

    Lassitude

    Ce week-end à Montpellier, j'exprimais mon apaisement à être dans une ville sans omniprésence policière, sans fouille et portique à l'entrée de l'opéra ou du musée?

    Je suppose qu'on va avoir droit une fois de plus à des contrôles renforcés, des militaires dans les couloirs du RER. 1986, 1995: ça ne s'est jamais arrêté, jamais arrêté.
    Et pourtant, les terroristes manquent singulièrement de gniak: ce serait si simple, un beau carnage un jour de grève, sur les quais bondés… («Ne vous séparez pas de vos bagages, signalez-nous tout paquet abandonné…»)

    Enfin bon.

    Coïncidence

    Bon. La citation du jour était «nous sommes tous des petits Samuel»1. Au moment de l'écrire, j'ai pris conscience que ce n'était pas le moment, qu'elle serait mal interprétée vu le contexte 2.
    (Mais dans quelque temps, quand on ne saura plus ce qui c'est passé le jour de ce billet, elle pourra redevenir un commentaire de la Bible, un commentaire de la vocation de Samuel).


    Note:
    1: signifiant que nous sommes tous appelés.
    2: assassinat de trois enfants et un adulte devant une école juive à Toulouse par Mohammed Merah.

    Efficacité facebookienne

    — Quoi? Deux semaines de pokes et elle vient coucher chez toi, de Lorient? Alors que moi ça fait un an et demi que je poke un mec à quatre rues de chez moi??!

    Einstein on the beach

    Peignée avec une fourchette parce que j'ai oublié mon peigne (depuis le temps que je rêvais d'essayer: "se peigner avec une fourchette"). Failli me prendre la pomme de douche sur la tête. Heureusement que je me tiens toujours à distance prudente en attendant que l'eau chauffe.

    Errances encore. Arrêt à la librairie "Les cinq continents": belle librairie thématique, partie cartes et guides, et surtout partie littérature, livres classés par pays. Passionnante.
    Visité un peu par hasard la pharmacie et la chapelle d'un hospice (les dames de la Miséricorde? quelque chose comme ça.) Rue de la vieille intendance, n°9, n°3. Journal d'un voyage en France. Magnifiques façades.

    Musée Fabre bien trop tard. Visite lente d'abord, puis au pas de course, puis précipitée. Pas le temps, pas le temps. Tant pis.

    Einstein on the beach. C'est un ballet, en grande part. Très belle mise en scène (mise en espace?), très graphique. Performance (je veux dire: exploit) des musiciens et des chanteurs (combien de temps le violoniste joue-t-il la même chose? Quarante minutes? Comment est-il possible de ne pas tétaniser? Et je serais curieuse de comprendre comment les chanteurs réussissent à savoir à quel moment ils doivent changer de mots (après avoir répété le précédent une centaine de fois)). Obsédant et mélodique, aussi beau à l'œil qu'à l'oreille, mystérieux aussi. Sur le principe de la variation, les changements s'opèrent sous nos yeux sans qu'on les voit: mais à quel moment a-t-elle ramassé ce coquillage? Mais d'où vient ce foulard? Discours engagés aussi, qui n'ont rien perdu de leur force, de leur pertinence.

    Maintenant je voudrais voir A letter to queen Victoria.

    A Montpellier

    Chambre jolie, conception étrange du petit déjeuner (nous laisser vendredi matin deux baguettes chacun pour l'ensemble du week-end:???)

    Harira au Mogador, rue d'embouque d'or.

    Cathédrale Saint-Pierre, école de médecine, jardin botanique (nous savons qu'il y a un Washingtonia, mais il n'est pas gracile, et de toute façon nous ne l'avons pas trouvé.) Larbaud, Valéry, Gide, le tombeau de la fille de Young, le Peyrou, il fait plutôt froid, une librairie de mangas. (Plus tôt, trouvé pour un euro le livre de mademoiselle Staline. Et acheté le Travers Coda du Gibert Montpellier).

    Le soir, La dame en noir, pour voir Daniel Radcliffe, bien sûr (et puis les horaires correspondaient, et puis nous savions où était la salle). Par contamination on m'attribue d'autorité un billet senior. Le premier billet senior d'une longue série, à n'en pas douter.
    A la fois sans intérêt et pas mal. Cela m'a évoqué vaguement Le Tour d'écrou. Radcliffe est seul à l'écran la plupart du temps.

    Retournés au Mogador. Le patron, surpris en nous voyant entrer: "Vous avez oublié quelque chose? — Non, ça nous a plu, alors on revient." (Petite salle calme (le midi) et bonne cuisine marocaine). La bouteille de gris m'achève.

    Vous pouvez vous recoucher

    Douzième (!!) journée du sommeil.

    Rendre le monde plus fou

    A bas la société de consommation


    Je traduis un article trouvé sur twitter:

    Cette lettre a été envoyée par un grand magasin anglais d'Oxford à l'une de ses clientes:

    Chère Madame Murray,

    Bien que nous apprécions à leur juste valeur vos visites régulières et l'usage de votre carte de fidélité, le directeur de notre magasin envisage de vous interdire, à vous et à votre famille, l'entrée de nos magasins, à moins que votre mari cesse ses excentricités.

    Vous trouverez ci-dessous une liste de ses méfaits commis durant les derniers mois, tous attestés par les caméras de surveillance:
    - le 15 juin, a pris 24 boîtes de préservatifs et les a distribuées au hasard dans les caddies de clients quand ceux-ci regardaient ailleurs;
    - le 2 juillet, au rayon articles ménagers, a réglé les sonneries des minuteurs de façon à ce qu'elles se déclenchent l'une après l'autre à cinq minutes d'intervalle;
    - le 14 août, a déplacé un panneau "attention, sol glissant" sur une zone moquettée;
    - le 4 octobre, a utilisé l'objectif d'une caméra de sécurité comme miroir pour se curer le nez;
    - le 3 décembre, a parcouru tout le magasin en regardant autour de lui avec méfiance et en fredonnant audiblement le thème de "Mission impossible";
    - le 18 décembre, s'est caché entre des vêtements suspendus en criant «Attrapez-moi, attrapez-moi!»;
    - le 23 décembre, s'est enfermé dans une cabine d'essayage, puis a crié très fort: «Il n'y a pas de PQ ici».

    Veuillez agréer nos sincères salutations,

    Le directeur du magasin

    Repéré par Derrick Soo


    Le livre des questions (version pas très sérieuse, j'en ai peur)


    J'aime beaucoup le septième livre. (Surprise de voir apparaître ici Roger-Pol Droit…) J'aime bien l'idée aussi de voir la tête de gens dans le frigo (livre 3) : 241543903(ceci est la raison (enfin, l'une des) pour laquelle j'aime les Américains: cette façon de s'amuser ensemble sans avoir besoin de savoir qu'ils ne seront pas seuls à agir ainsi, sans avoir peur du ridicule… (Et ça y est, je viens de comprendre ce que c'est qu'un "MEME".))

    Mardi déprimant

    Les mardis sont le pire jour de la semaine. Dans un sens, il est assez instructif d'essayer de comprendre comment le "pilotage d'un projet" a réussi à si parfaitement démotiver un groupe de personnes de bonne volonté, entreprenant et joyeux.

    Si seulement on ne me posait pas de question, si seulement on me laissait traverser les réunions hebdomadaires en silence. C'est terrible ces gens qui veulent absolument votre avis, puis se mettent en colère s'il ne va pas dans leur sens. Que souhaitent-ils, une approbation formelle? Je ne sais pas faire cela, le saurais-je que je ne le ferais pas. Question d'honnêteté vis-à-vis de moi-même. «Romantisme!», comme disait X plus ou moins en forme d'insulte.

    Pour le reste la situation est curieuse: mon entreprise est en vente, le groupe qui la possède ne donne aucun renseignement à la direction générale, mon patron, qui en fait partie, est vexé comme un pou et (de ce fait?) fait un déni de la vente («SI l'on est vendu, répond-il à mes objections dans le cadre du projet. Mais si on ne l'est pas?»), on apprend par la presse la ''short-list'' des repreneurs éventuels, puis quelques jours plus tard la proposition du management d'une solution indépendante (comprendre: un montage financier avec quelques grosses sociétés de réassurance qui éviterait de faire disparaître notre enseigne du marché).

    Ce matin au café je discutais avec un salarié embauché en 1981, un autre en 1983:
    — Un jour on a vu arriver Attali à la cafeteria: «Je peux payer un café en liquide? — Ah non, il faut des tickets. — Et comment on achète des tickets? — Mmm, la vente, c'est le lundi.» Après il en faisait acheter par sa secrétaire, il venait de temps en temps. A l'époque, les directeurs faisaient le tour des bureaux le matin.
    — Et l'on touchait chaque année une dotation pour une blouse… Aux archives, j'avais une blouse et deux paires d'espadrilles.

    J'aime bien les entreprises. «Rien de ce qui est humain ne m'est étranger», ou plutôt tout ce qui est humain m'intéresse.

    Evidemment, c'est tout un ensemble!

    «Le père de Lubac (jésuite) fait partie de ceux qui pensent qu'il faut tenir la contradiction.» (entendu il y a quelques semaines (2012), remémoré hier à la faveur d'un extrait des Nouveaux paradoxes).

    "Faut-il résoudre la contradiction?" est un sujet de dissertation de philosophie que j'avais eu à traiter en 1985 à l'issue d'un cours sur la Phénoménologie de l'esprit.
    Plus tard, (1997), j'ai découvert que la professeur de philo auteur de ce sujet intervenait au centre Sèvres, faculté jésuite de Paris (c'est d'ailleurs à cette occasion que j'ai rencontré Hervé Legrand, cf billet de la semaine dernière) (et donc j'ai compris hier un angle d'attaque possible du sujet).
    Cette professeur nous faisait étudier Ricœur…

    Ces quelques lignes sont destinées à ceux qui pensent que je me disperse: c'est peut-être vrai, mais de mon point de vue, je fais l'inverse: je rassemble, je noue et renoue les fils, je tente de faire apparaître des motifs dans les fils épars.

    Difficile adaptation

    Cours le matin (en retard, en retard), "confesse" (comme on disait en prépa) l'après-midi (c'est assez drôle, quand on y pense (mal à l'aise, impression d'avoir cabotiné)), La taupe ensuite (très bien. J'avais peur de ne rien comprendre, mais très bien, juste assez peu bavard pour qu'il reste de l'indécidable).

    Atmosphère détestable quand je rentre, je sens que les week-ends de mars vont être durs. (L'agenda se charge. Combien de personnes à table au repas suivant, combien de personnes à dormir à la maison, ça varie tout le temps, au gré du sport, des scouts, des films, de l'oulipo, des rendez-vous professionnels, j'aime bien ce tranquille va-et-vient, les gens qui se croisent sans obligation, H. ne supporte pas ça, il est si peu à la maison qu'il faudrait que tous soient là quand il est là.)

    Retour

    Dure reprise. Je perds mon temps une partie de la matinée, l'après-midi est plus active, j'ai un peu peur d'avoir trop parlé (trop dit la vérité: d'un autre côté, on risque bientôt de me reprocher un "malheur" (comprendre: dysfonctionnement) que les équipes elles-mêmes auront mis en place malgré nos recommandations inverses. C'est drôle, la mécanique humaine. Etrange à observer. Quand je m'ennuie trop en réunion, ou que l'illogisme de tout cela m'entraîne vers l'exaspération, je me dis que je devrais juste décrire, décrire, juste peindre).

    RV au Saint Eustache avec Hervé et un de ses collaborateurs.

    Ce qui vient avant, c'est la poule.

    J'erre à la Procure (je voulais voir si par hasard ils auraient Soi-même comme un autre en grand format tant le poche est calamiteux (pas de marge: comment voulez-vous lire un livre sans marge?)

    Je feuillette quelques pages d'une revue, Les cahiers Croire, je ne sais plus lequel, "Le courage" ou "La fragilité", et à propos de l'estime de soi je tombe sur cette historiette décrivant un dessin:

    Un poussin regarde autour de lui d'un air étonné. Il est entouré des morceaux de la coquille qu'il vient de briser. Une poule le regarde, mi-sévère, mi-bienveillante:
    — Tu as vu ce que tu as fait ?


    Tour prend pion en D9 avec Jérémy. J'ai enfin compris pourquoi je confonds la rue de Tournon et la rue de Seine: l'une finit où l'autre commence. Trouvé un atlas des religions chrétiennes en bibliothèque. Je n'aurais jamais pensé que c'était si compliqué.

    Aération des préjugés

    Les 50 ans de Vatican II.

    — Où étiez-vous le 11 octobre 1962 ?

    La question est revenue comme une antienne, les réponses ont été variées, plutôt drôles. Ce qui me fait rire, c'est de contacter le décalage entre mes préjugés et la "réalité" (enfin, réalité? une autre manière d'envisager les choses). Pour moi, Vatican II était quelque chose d'un peu zazou, hippie (une participant dira drôlement: «Soyons clair: Vatican II N'EST PAS responsable de mai 68», et c'était drôle, tant tout ce qui avait été dit avant le prouvait (l'ecclésiologie, la réforme de la liturgie, l'étude biblique, le subsistit (beaucoup aimé le subsistit),…); il se contentait de se moquer ou de se défendre d'un préjugé de société que sans doute personne ne partageait dans la salle — sauf moi, vaguement: la fin du latin, de l'autorité, de la pudeur et de la retenue, etc, etc?)

    Hervé Legrand intervient en fin de journée. C'est pour lui, c'est à cause de son nom, que je suis venue: quinze ans après, 1997 peut-être, en mars c'est sûr. C'était aux Fontaines, le centre jésuite vendu depuis à Cap Gemini, je crois.

    Déjeuner au O'Neil dont j'ai le plaisir de constater qu'il a bien tourné: c'était un lieu bruyant, plutôt touristique, attractif, c'est devenu un restaurant de quartier, calme, bienveillant, au service rapide et à la musique discrète (du jazz, principalement).

    Le soir, la Russie au Centre Sèvres avec Patrick. Chronologie de la résistance d'une certaine classe de la population qui s'appuie sur le droit et l'humour pour contrer ce qu'elle désapprouve.

    Une semaine

    Lundi je récupère un billet de concert chez Zvezdo (merci Zvezdo!).

    Mardi je vais au concert. Matthias Goerne chante Le Voyage d'hiver. Formidable puissance d'évocation, petit piétinement comme s'il prenait son élan avant de se lancer dans une phrase particulièrement puissante.

    Mercredi je mange dans un bouiboui turc avec R. après un épisode bruyant dans un taxi conduit par un noir (c'est le noir qui était bruyant, nous avons cru qu'il ne se tairait pas).
    — Je finis par être inquiète sur mon compte. Tu crois que c'est normal que je me fâche avec tout le monde?
    Il rit: — Il faut dire que tu es particulièrement éruptive.
    Une heure après être rentrée de chez sa grand-mère, ma fille est embauchée pour aller faire du cat-sitting chez une amie pendant trois jours.

    Jeudi je bois un litre et demie de Guinness avec JM. Silence de la maison quand je rentre, je suis seule, la maison est bien trop grande.

    Vendredi cruchons. Nous sommes sans doute repassés sur les mêmes fils, mais cette fois-ci j'ai tout démêlé de façon certaine et irréversible.

    Samedi je suis censée écrire une dissertation. Je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à m'obliger à écrire un mot après l'autre. Gare de Lyon à 18h49. (O. rentre de colonie de ski).

    Dimanche. Chocolat et charcuterie. Ça y est, je me souviens des ennemis (ou amis) du cholestérol. Toujours pas écrit la dissertation. Columbo.

    Il faut que j'écrive chaque jour. C'est une erreur d'arrêter. C'est tellement tentant de ne pas avoir de sommeil en retard.

    Fortitude

    J'ai découvert ces photos grâce à l'un de mes blogs favoris.

    J'ai mis un moment à comprendre de quoi il s'agissait.
    C'est merveilleux. Terrible et merveilleux. If… de Kipling à l'échelle d'un peuple.


    Cela me rappelle quelque chose qui m'a touchée dans La Colline aux coquelicots: l'évocation simple, sans commentaire, d'un père disparu à la guerre, d'une mère morte des radiations nucléaires. Aucun commentaire, ces événements ne nécessitent ni explication, ni regret exprimé, ni compassion visible. Il faut vivre, prendre des décisions, continuer. La compassion s'exprime par des actes et non des mots. L'action se déroule en 1963, le pays prépare les jeux olympiques de 1964.

    Equipement

    Finalement ce n'était peut-être pas le yaourt. Le ganglion gauche est si enflé qu'il déforme (légèrement, n'exagérons pas) le cou (depuis mercredi matin, avant le yaourt. Au début j'ai cru que c'était une réaction aux cigarettes de la veille).

    Deux nuits de suées, ce soir j'ai enfin obéi au médecin un peu goguenard qui m'avait conseillé en octobre dernier d'acheter un thermomètre. Comme d'hab je passe de l'insouciance à la trouille, pourvu que ça se soigne à coups d'antibiotiques, je n'ai certainement pas le temps de m'arrêter maintenant. (H. théâtral m'a promis «une chance sur deux pour que tu finisses à l'hôpital». Ça a beau me faire rire, ça m'impressionne un peu. (Et puis ça me flatte: chic, pour une fois ce serait moi la vraie malade (mais je sais très bien que non, je détesterais cela. Mais me le faire miroiter me donne envie.)))

    Pfu, trop compliqué. Au lit.

    (Pour le reste, pas grand chose. Le Miroir de la mer, Bullhead, la mélancolie du destin des hommes.)

    Un yaourt de trop

    Deux tee-shirts et une paire de draps trempés. J'ai cru que c'était la grippe, mais il manquait des symptômes. J'ai pensé que c'était une allergie, mais tout de même, les gâteaux Gerblé doivent être hypoallergènes, non?
    Après une nuit à me débattre dans des rêves insensés et des draps mouillés, la lumière se fit: le yaourt qui traînait depuis deux semaines dans mon armoire, mangé avant de partir du bureau.
    Toutes choses égales par ailleurs, c'est très intéressant: j'ai commencé à grelotter de fièvre dix minutes plus tard.

    Ce matin, ça va. Pas un courage immense, mais ça va. Envie de rire, en fait, devant l'absurdité de la situation (je me suis fait dûment sermonnée quand j'ai avoué ce qui était sans doute à l'origine du mal).

    Lecture

    Entre le boulot et la famille, pas grand chose de léger à raconter.

    J'ai tant de lectures contraintes en perspective (je n'ai que cela, en fait) que je rêve de quelque chose de facile, de court, et cependant "d'utile", car j'ai trop peu de temps pour me permettre les lectures inutiles (ie, ne servant pas un but précis). Bruce Chatwin ferait l'affaire, mais je n'en ai pas sous la main.

    Alors je prends Le Miroir de la mer.

    Week-end

    J'ai enfin déballé le sac de livres amené par Patrick mi-janvier. Sous des livres de théologie, j'ai trouvé des trésors datant de 1977 (des inédits de Robbe-Grillet, des interviews de Claude Simon, etc), le petit Celse, une très jolie édition du Chat Murr en allemand: merci beaucoup Patrick, tu devais te demander pourquoi je ne t'en n'avais pas parlé, c'est que je n'avais pas encore vu.

    Pour le reste, plomberie remise à neuf et révisée. Apparemment il ne sera plus possible de démonter la porte des WC et de la sortir de la pièce: entre les étagères de poches et le nouveau (minuscule) lavabo, il n'y a plus la longueur de diagonale nécessaire (en même temps, quelle importance, qui veut démonter la porte des WC?)

    Point de non retour

    Entretien en tête à tête avec mon chef. Dialogue final:

    Je : — C'était juste une remarque un peu nostalgique puisqu'on va le perdre maintenant que nous sommes vendus…
    Lui: — Vendus? Nous sommes en vente, nous ne sommes pas vendus!
    Interloquée devant son ton: — Mais enfin, c'est la même ch…
    — Nous sommes vendus, nous sommes foutus, je ne peux pas accepter cela!
    ??? — Mais enfin, pas du tout, c'est la troisième fois que je change d'entreprise sans en changer; alors vous savez, je ne m'en fais p…
    Il me coupe la parole: — En temps que cadre, vous avez un devoir de réserve! Vous n'avez pas à diffuser des bruits de couloir et alimenter les rumeurs!

    J'ai quitté son bureau très en colère. Depuis quand parler en tête à tête avec son supérieur hiérarchique d'un sujet sur la place publique consiste à alimenter les bruits de couloir?

    Après une nuit, je me sens détachée et amusée. Je ne sais pas ce qu'il rencontre comme problèmes mais visiblement il est bien plus inquiet que moi, même si je ne comprends pas pourquoi (il est à quelques mois de la retraite).

    Mais j'ai bien compris: ne plus donner mon donner avis même s'il me le demande («C'est un germain breton mais il ne faut pas le secouer trop fort même s'il le demande»): tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

    Calme

    J'ai repris SFU saison 5. Un disque par soir en tricotant. C'est drôle comme des événements qui me semblaient s'être étendus sur plusieurs épisodes n'apparaissent qu'en un seul. Que le souvenir déforme.

    Conduite de projet

    Démoralisée. J'ai l'impression de vivre 1984, non seulement les instructions et orientations sont modifiées en permanence, ce qui serait encore compréhensible et acceptable (il est normal qu'un projet évolue en fonction de problèmes non anticipés au début), mais surtout l'antériorité est effacée, c'est l'amnésie permanente, ce qui fait qu'il n'est plus possible (il est interdit) d'expliquer l'état d'une situation par son histoire, les étapes de sa mise en place.

    (Comme je m'en plaignais à la maison, H. a répondu d'un lapidaire "C'est pour cela qu'il y a des comptes rendus". Oui, mais tout n'est pas noté dans un compte rendu, on note les objectifs, pas la façon dont on pense s'y prendre pour les atteindre. Or la façon de faire a parfois des conséquences sur les décisions ultérieures. Tout cela m'affecte beaucoup trop.)

    Cette après-midi

    Un héron tentait de pêcher les poissons rouges dans le bassin aux Ernest sous l'œil attentif des élèves.

    Qui a besoin de parler ?

    Lors de la réunion parents-professeurs de ma fille il y a une semaine, nous avons eu la surprise d'apprendre que la professeur de biologie ("SVT") avait envoyé notre fille chez la psychologue scolaire, interloquée que celle-ci refuse de signer les papiers d'inscription au bac. En effet, A. est tétanisée de peur à l'idée de passer le bac, tétanisée par la peur de l'échec, tant et si bien qu'elle refuse d'apprendre ou même de considérer toute chose nouvelle qu'elle ne comprend pas immédiatement. L'idée de travail, de progrès acquis durement, lui est étrangère (mais cela est vrai pour les garçons également, pour d'autres raisons.)

    Nous tentions depuis une semaine de joindre la psy de façon à savoir quelle conduite nous devions adopter (en effet, nous sommes censés n'être au courant de rien puisque A. a demandé à ce que nous ne soyons pas avertis). Je voulais savoir en particulier si nous devions prendre rendez-vous avec quelqu'un en dehors de l'école.

    J'ai eu la psy au téléphone aujourd'hui.
    J'ai un peu honte.
    Je crois qu'il n'y a que moi qui ai parlé, (ça tombe bien puisque A. veut que nous soyons laissés à part. En fait la psy la voit demain, mais cela lui a échappé, elle n'avait pas l'intention de me le dire), je me suis en quelque sorte effondrée («je vois que cela vous affecte profondément»). J'ai dressé le tableau familial, la malédiction maternelle du matriarcat (ma mère et ses deux sœurs vieilles filles, ma mère ayant deux filles, ma sœur divorcée ayant deux filles), mon impression de voir se précipiter en ma fille tous les défauts des femmes de la famille (moi compris, mais aussi ma belle-mère), mon chagrin à n'avoir jamais été soutenue par les "adultes" autour de moi, tous trouvant toujours des excuses pour nous trouver trop durs («elle est petite», «ça passera», «c'est l'adolescence») (cependant refusant de prendre ma fille en vacances) et aucun pour s'apercevoir de la difficulté de décider que faire, et pour ma part, du remord et de la culpabilité (mais ça je ne l'ai pas dit), est-ce que je suis assez présente, ai-je envie de l'être davantage? (Non, la réponse est non. Mes livres, mes études,…)

    Dimanche

    Après-midi crêpes.

    Découvert tardivement (déjà cinq saisons, oui, tardivement) The Big Bang Theory (en anglais: je n'ai pas trouvé de version sous-titrée, et la version doublée est insupportable).

    Les clins d'œil de Chuck Lorre.

    Vivent les plombiers européens

    Mon plombier portugais est philosophe.

    Autour d'un café, à neuf heures du matin (il y a longtemps que nous sommes levés, le réparateur Miele est passé à sept heures et demie (véridique). Verdict: le lave-vaisselle de vingt ans est mort, usé et recuit. Il est étrangement rassurant de savoir qu'il existe encore des réparateurs qui se déplacent et identifient les pannes à l'oreille), mon plombier portugais répond à une de mes remarques:
    — La vie est une somme d'ennuis destinés à nous faire progresser.

    Plus tard, je l'entends répondre à H. qui avoue sa peur à l'idée de casser le mur pour mettre à jour la canalisation des WC sans doute horizontale (j'allais écrire "trop horizontale"), ce qui ne permet pas à la pesanteur de jouer son jeu et entraîne des bouchons récurrents:
    — Il ne faut pas avoir peur. Il faut résoudre le problème, c'est tout.


    (Mon autre plombier est polonais.)

    Nutella

    […] L'autre raison, c'est que ces douceurs gastronomiques, à la fois addictives et régressives, sont avant toute chose «rassurantes». Pour Patrick Avrane, elles prennent «le contrepoint de l'anxiété de l'époque». Un même goût, partagé par le plus grand nombre, «ça fait cohésion et ça rassemble».

    […] Même recette, même pot, même étiquette au fil des années. «En période de crise, tout ce qui fait croire à une stabilité a du succès», relève encore Patrick Avrane. […]

    Stéphane Leblanc, "Nutella, phénomène littéraire", in 20 minutes.fr

    Et ce titre…

    Ce n'est pas que ce soit forcément faux, mais cela me déroute tant de voir des gens écrire cela sérieusement, en s'attribuant une expertise X ou Y.
    (Il faut que je l'avoue, je commence à rêver de "mon" consultant. Il sort ce genre d'évidences avec le même aplomb, et les gens applaudissent. WTF??)


    (Aaarghhh, finalement c'est trop beau pour être vrai: deux recherches Google plus tard, je m'aperçois que le mystérieux psychanaliste Patrick Avrane a écrit un livre sur l'imposture.

    Que le monde est beau, bien-aimé, et cohérent.)

    Surnom

    — J'avais un ami que j'appelais racine de deux, parce qu'il était irrationnel mais qu'il n'était pas transcendant.

    Anniversaire

    Fidèlement, Patrick m'a souhaité mon anniversaire, en s'excusant de n'offrir (presque) que "des livres utiles".
    Tant mieux, tant mieux, je n'ai pas de place pour les livres inutiles, et cela fait autant d'argent économisé.

    - RC, Roman Roi
    - Dictionnaire critique de théologie sous la direction d'Yves Lacoste
    - Dictionnaire des théologiens (avec les timbres extraordinaires de l'enveloppe d'envoi)
    - Peintures murales de la France gothique avec une introduction d'Yves Bonnefoy

    + Témoins de la Parole de la Grâce = un sac plutôt lourd.

    Sauvez l'ACBB, le club d'aviron de l'Ile de Monsieur

    C'est le club qui vend un calendrier intéressant (pour certains), et plus sérieusement, celui qui a organisé la traversée de Paris.

    La mise en place des navettes fluviales du Pont d’Issy au Pont de Saint Cloud va entraîner sa disparition : impossible de maintenir une activité avec un passage toutes les 10 minutes (1 trajet dans chaque sens toutes les 20 minutes, soit un passage toutes les 10 minutes).

    Si vous voulez réagir, il faut donner votre avis ici avant le 3 mars 2012.
    Si vous habitez l'Île de France et utilisez les transports en commun, vous êtes concerné par cette concertation (il n'est pas nécessaire d'être riverain): le prix de votre titre de transport tiendra compte de ces investissements.


    Argumentaire contre le projet à individualiser
    (Si vous êtes pour le projet, je vous laisse trouver vos arguments tout seul).

    1/ Fermeture des Activités nautiques
    La mise en place de Voguéo entraînera l’arrêt des activités nautiques;
    le licenciement de 15 salariés des clubs;
    la fin de la pratique des 900 rameurs, 500 kayakistes, 150 voileux, dont environ 600 jeunes de 10 à 25 ans;
    la fin de la pratique des scolaires (1500 élèves / an);
    la fin de la pratique des personnes liées du Conseil Général 92 (1500 à 2000 personnes / an).

    2/ Déficit structurel :
    Le Stif admet qu'il est impossible d'équilibrer le projet. Le déficit prévu atteindrait 50 % des coûts de fonctionnement (estimés à 25 millions € pour 10 millons € de recettes).

    3/ Le CG92 et les communes du Syndicat Mixte ont investi 45 millons € dans la base nautique en 2007 (pour la fermer en 2013??!).

    4/ Le trajet ouest entre la Tour Eiffel et le Pont de Suresnes est parallèle au tramway T2. Il ne présente pas d'intérêt en terme de transport public puisque les temps pour faire ce trajet seront 2 ou 3 fois plus longs que le tramway.
    Quand on utilise Voguéo, on se rend compte qu'il est surtout utilisé par les touristes (mais le Stif, ce sont les Franciliens qui le paient).

    Motifs

    Tandis que certains s'enthousiasment pour les hystériques (Melancholia, Millenium, A Dangerous Method), je m'interroge sur la figure du solitaire errant (Drive, Shame, Detachment) accompagnant la femme interdite (ou à protéger — est-ce la même chose?) (la jeune mère, la sœur, la très jeune fille).

    Detachment : j'ai pensé à Taxi Driver dans une violence plus feutrée (mais il y a si longtemps que j'ai vu Taxi Driver que c'est peut-être totalement idiot).

    Allumer un feu

    Allumé deux kleenex pour vérifier si oui ou non la cheminée dans ma chambre est utilisable.

    Expérience non concluante. Tant pis, je continuerai après dîner. Je prépare mon feu, une boîte d'œufs, des brindilles, un plateau de fromage en osier, une planche, une bûche, le tout calé en pyramide dans le coin de la cheminée.

    Dîner. Bortsch et conversation.

    — Ça sent le brûlé, non?
    Oui, ce sont les kleenex. Mais sait-on jamais…
    Je monte.

    Tout l'étage est envahi par la fumée. Les kleenex mal éteints ont allumé les brindilles. La preuve est faite que la cheminée est bouchée. Le feu flambe, j'ouvre les fenêtres de part et d'autre de ma chambre (en pensant que le courant d'air, c'est justement ce qu'il faut éviter en cas d'incendie (mais enfin, le feu est dans la cheminée)), je descends chercher de la litière pour chat (ce qui ressemble le plus à du sable) et j'éteins mon feu.

    Il faut aérer toutes les pièces de l'étage. Les literies vont sentir le feu de camp pendant des semaines.

    Surtout, je voulais faire du feu parce qu'il faisait froid. 15° dans ma chambre, très mal chauffée par manque de radiateurs.
    10° après aération.
    Fail.

    Mort d'une puce

    J'utilise une carte intégrale depuis 1994, peut-être 1993. A l'époque la carte orange était encore orange et la carte intégrale consistait en un coupon annuel.

    Je ne sais plus quand j'ai reçu la carte Navigo telle qu'elle se présente aujourd'hui: 2003, 2004?

    Quoi qu'il en soit, elle est morte ce matin: fin d'émission des signaux, impossible de franchir les portillons[1] (ce qui fait que je m'interroge sur l'énergie contenue dans ces puces: je pensais que "carte passive" signifiait que l'effort de lecture était fourni par le lecteur (et que donc la carte ne contenait pas d'énergie). Mais peut-être que cela ne veut pas dire ça. Et peut-être que ce n'est pas une puce passive.)



    Notes

    [1] Remplacement immédiat à gare de Lyon, photo prise sur place, ce qui me laisse toujours rêveuse (Dieu que de progrès technologiques minuscules et constants, je pense à l'échec industriel de l'URSS, je pense à Klemperer à la fin de son journal, retrouvant une malle d'affaires épargnées par la guerre: «Comme nous étions riches». Comme nous sommes riches.)

    Feuilleton

    Je tiens un concept, .

    Cette fois-ci, nous avons appris une minute avant l'arrivée de la rame qu'il n'y aurait plus de métro en direction des Halles pour une durée indéterminée suite à un voyageur malade dans une voiture.
    Ressortir de la station Saint-Placide, remonter la rue Notre-Dame-des-Champs, prendre la station du même nom ligne 12, descendre à Madeleine, prendre la ligne 14, il est 23h02, je n'aurai pas le RER de 23h08.
    En arrivant gare de Lyon, je constate que le RER est de retour sur son quai habituel (et non au départ sur les grandes lignes). Il est 23h12, pour une raison incompréhensible, un RER est annoncé à 21 (au lieu de 38: est-ce que le 08 aurait été annulé?) Quand le RER arrive, il stationne cinq à dix minutes (31 au lieu de 38, c'est toujours ça).
    Je m'endors si profondément que lorsque j'ouvre un œil au premier arrêt, le voyageur en diagonale sur les sièges d'en face m'informe charitablement: «Villeneuve-Saint-George. Vous allez où? Je vous réveillerai.» (Détail curieux, avec un look un peu SDF (moins l'odeur), il transporte dans un de ces grands sacs de course réutilisables toute une collection de cassettes vidéos enregistrées de films de Gene Kelly. Les tranches sont annotées avec soin, des photocopies en noir et blanc des affiches sont collées sur les cassettes.)
    Dernière anomalie: le train ne s'arrête pas sur le quai habituel en gare de Yerres.

    (Vous aurez compris que ce qui m'intéresse, c'est la variation).

    Sur ma voiture un peu de poussière blanche, un désir de neige. Et un PV, placé sur la carte annuelle d'autorisation de stationnement de 2009 collée contre le pare-brise.

    Retour en enfance

    Je ne souffre pas d'insomnie, mais je n'arrive plus à me coucher. Je n'ai pas envie de me coucher (ni de me lever, d'ailleurs).

    Dimanche

    Fini la deuxième manche, retrouvé mes pelotes de laine.

    Une terrine de queue de bœuf, des joues de porc aux lentilles, du bortsch.

    Une demi-saison de SFU (la 4e).

    Cette année le sapin va "passer" janvier.

    Samedi

    Vendredi soir Bartok, samedi matin le discours de Paul aux Athéniens, samedi après-midi La Colline aux coquelicots.

    Bibliothèque verte ou rose (Paul-Jacques Bonzon), très grande beauté du dessin, des arrières-plans, les carreaux de la paillasse dans la cuisine, le gros plan sur le brûleur de la cuisinière, les beignets de poisson qui cuisent, la mer, les arbres, le feuillage des arbres. Je n'aime pas les visages des mangas, ces expressions qui se résument à deux ou trois, larmes, sourire, rire et cri (ça fait quatre).

    Bof

    J'ai découvert Retour de l'URSS de Gide. On aurait pu me dire que ça valait 1984.

    Je dors.

    Mauvaise journée, pleine d'inquiétudes et de nervosité.

    Et demain, ennui. Peut-être fun, remarquez: que signifie participer à une "convention groupe" quand sa filiale est à vendre? J'ai le projet de photographier deux ou trois collègues que je ne reverrai sans doute pas.

    17° dans cette chambre qui est trop vaste pour être chauffée par un seul radiateur.

    Les sept mercenaires ou Les douze salopards?

    Rame

    Ramé pour la première fois depuis longtemps. Beaucoup de courant. Bruine. Les oiseaux vont par deux. Beaucoup de cormorans. Courbatures. La capsulite qui rôde dans l'épaule droite (version gentille, avec des répits (visiblement je fais beaucoup plus d'efforts le week-end, en semaine, ça va) n'est pas affectée par le mouvement d'aviron. Un peu décontenancée qu'un rameur de soixante ans dise à un rameur de trente à qui je viens de faire un compliment sur son dégagé «Tu te fais draguer». Est-ce bien raisonnable, est-ce vraiment la question? Rien à faire, cela n'arrive pas à me faire rire parce que c'est vraiment trop décalé par rapport au sujet, à l'ambiance, au sport, à ce qui m'intéresse, etc. Rien à faire, le cul perpétuel m'ennuie. Comment quelque chose de si prévisible réussit-elle à me surprendre à chaque fois?

    Divers

    Parlez-moi de vous : bon film tourné "à l'ancienne" (un peu ce qu'est devenu Troyat pour la littérature). J'aime beaucoup Karine Viard en phobique et control freak (comment dit-on en français?). Une représentation valable de certains intérieurs de banlieue bourrés à craquer.

    L'alcool fait monter une désespérance qui donne envie de boire encore davantage.

    Je vais aller écrire des cartes de vœux en regardant La guerre des Roses. Ou Les chèvres du Pentagone. Enfin bref, n'importe quoi sans importance et pas trop long qui me permette d'écrire.

    Deux paires de gants.

    . Il y a deux semaines, je suis arrivée aux Halles à 22h48 (à peu près), je suis descendue sur le quai du RER D pour m'apercevoir qu'il était désert et en déduire qu'il fallait que j'aille gare de Lyon, j'ai aperçu une rame de RER A sur un autre quai (tous les quais sont parallèles, tous les trains sont visibles d'un quai à l'autre) et j'ai couru à perdre haleine pour avoir cette rame — le RER D part à 23h08 de gare de Lyon.
    J'ai réussi à monter dans la rame du RER A. Quand elle a démarré, j'ai compris qu'elle allait dans le mauvais sens. A Auber j'ai aperçu (de nouveau) une rame qui arrivait dans l'autre sens, j'ai couru, je l'ai eue (c'était beaucoup plus facile). L'enjeu était toujours 23h08.
    Gare de Lyon, je suis montée d'un étage pour prendre le RER D. Quai désert. Un panneau expliquait que suite à des travaux sur la ligne D, les trains partaient des grandes lignes ("gare de surface").
    J'ai couru, remonté un étage, traversé la gare, monté un escalier, un deuxième, tenté de déchiffrer le panneau central (sans mes lunettes, et avec, c'est en train de devenir compliqué).
    Je suis arrivée sur le quai pour voir s'éloigner les phares arrières de la dernière rame.
    J'ai attendu une demi-heure et je suis rentrée à minuit passé.

    Le même soir, j'ai laissé une paire de gants dans une salle. J'y suis retourné le lendemain, le samedi et lundi suivant, et encore aujourd'hui: rien. Je suppose que comme j'ai perdu les deux à la fois, ils ont fait l'objet d'une adoption...
    Je suis triste car c'était un cadeau de Paul Rivière.




    . Il y a une semaine je me suis appliquée. J'ai pris le RER A aux Halles dans le bon sens, je suis directement montée en gare de surface et je me suis installée à 23h03 dans un RER direction Melun, après avoir profondément vexé un employé de la SNCF parce que je me suis mise à rire quand il a qualifié d'exceptionnelles les perturbations actuelles (ce fut ainsi d'octobre en décembre, déjà, avec une interruption à Noël, d'où ma naïve confiance le lundi précédent).
    J'attendais que le train parte à 23h08. Il n'est pas parti. J'attendais et j'attendais — jusqu'à ce que j'entende des passagers discuter et que je me précipite hors de la rame au moment où les portes se fermaient (des passagers m'ont aidée en retenant les portes): je m'étais trompée, c'était un direct Melun. Je n'étais pas montée dans le bon train.
    J'ai attendu une demi-heure et je suis rentrée à minuit passé.

    . Ce soir je me suis appliquée mieux. J'ai eu le train de 23h08.
    Et ma collègue m'a offert une paire de gants, un peu plus beurre un peu moins crème. C'est vraiment gentil.

    J'espère que c'est la fin d'un cycle. Depuis trois jours je ne fais que des mauvais choix et il me faut m'y reprendre à plusieurs fois pour tout.

    ***

    Deux heures pour commenter Ac, 2, en reprenant les sources vétérotestamentaires et en effleurant la tradition juive — le soupçon (la certitude) vient qu'une vie à plein temps n'y suffirait pas et que c'est folie de tenter l'aventure à coup de deux heures par semaine. Dans ces moments-là, je mets vite des œillères à mon âme: surtout ne pas penser.

    Déjeuner geek

    — Que dit un homme complexe quand il rencontre une femme réelle?
    — Voulez-vous aller danser?

    Eclats de rire général autour de la table.

    — On a beau dire, mais si on rationalise, tout cela finit dans un plan cul.

    Programme

    D'autre part, il y a les onze livres de RC durant les années 80 à caser avant mai, ce qui fait (ferait idéalement) quatre en février, quatre en mars, trois en avril (enfin, dix en réunissant les Tricks).

    1989 L'Élégie de Chamalières (Sables)
    1988 Élégies pour quelques-uns (P.O.L.)
    1988 Tricks (P.O.L.)
    1987 Journal romain (1985-1986) (P.O.L.)
    1987 Roman Furieux (Roman Roi II) (P.O.L.)
    1985 Notes sur les manières du tips (P.O.L.)
    1984 Chroniques achriennes (P.O.L.)
    1983 Roman Roi (P.O.L.)
    1982 Été (Travers II) ; Jean-Renaud Camus et Denis Duvert (Hachette)
    1982 Notes achriennes (P.O.L.)
    1982 Tricks (Persona)
    1981 Journal d'un voyage en France (Hachette)
    1980 Buena Vista Park (Hachette)

    Je m'aperçois qu'il n'y en a que deux que je n'ai jamais lus. Bonne nouvelle.

    Pas lu une ligne aujourd'hui (vendredi 20). Feuilleté Mercanton, Sam Slote (sur le silence chez Mallarmé, Dante et Joyce) et Roland McHugh (un petit livre sur sa découverte de FW). Cela donne des envies de traduction. J'aime les livres avec des photos de personnages.

    Journée Wake

    Voir ici.

    Pour le reste : acheté un escarpin en chocolat. Récupéré un sac de livres.

    Demain je dors. Ce soir je n'en ai pas envie.

    Argument imparable

    — Comme j'avais oublié mes lunettes, j'ai couru dans les couloirs avec mes lunettes noires…
    — Je ne vois pas le rapport entre tes lunettes et courir.
    — J'étais pressée, c'est le jour où je donne des fruits à mes blattes et j'avais oublié.
    — Tu sais, elles n'auraient pas vu de différence à un jour près.
    — Mais si, les fruits, ça leur fait plaisir!

    Acheté en novembre à Nantes

    A Nantes se tient une kermesse de la paroisse dans laquelle sont dispersés les bibliothèques des prêtres décédés au cours de l'année. C'est assez mélancolique.

    Un ami nantais m'avait choisi des livres un peu à l'aveugle, puisque je n'ai pas grande idée de mes besoins. Ils sont parfaits, ce sont des livres de fond de bibliothèque.

    Code de droit canonique (latin-français)
    Nouveau testament (en grec)
    Concile Vatican II, constitutions, décrets, déclarations (français et latin)
    — Congar: Jalons pour une théologie du laïcat
    — Congar: Vraie et fausse réforme dans l’Église
    — Congar: je crois en l’Esprit saint
    — Saint Augustin: Commentaire de la première épître de saint Jean (bilingue)
    — Auguste Valensin: Textes et documents inédits



    Par ailleurs, reçu Témoins de la Parole de la Grâce de Philippe Bossuyrt et Jean Radermakers.

    Vice soigneusement dissimulé

    — Quand on me demande si j'ai fait les soldes, je n'ose pas répondre que je garde mon argent pour acheter des livres.
    — Tu as raison, il vaut mieux pas.


    (Dieu que certains livres épuisés coûtent cher.)

    Cruautés (?)

    Une semaine sans écrire ici alors que je ne suis pas en vacances (comprendre: loin d'une connexion internet)$$Et donc du 11 au 16, les billets sont écrits après celui-ci.$$. Cela n'était jamais arrivé depuis le début de ce blog. Le temps est plein comme un œuf; d'autre part je privilégie les moments familiaux au détriment de cet ordinateur. Ce n'est pas une résolution de nouvel an, c'est juste un fait.

    Formation lamentable aujourd'hui. Tant pis. Nous sommes grands (comprendre: adultes), polis et de bonne volonté, longtemps nous avons répondu et participé; mais à partir d'un moment, lassés, nous nous sommes tus. L'après-midi fut longue, surtout pour la formatrice je suppose, mais je n'ai même pas ressenti l'habituel pincement de compassion et de culpabilité que je ressens dans les situations semblables.

    Formation à l'encadrement des apprenants (comprendre: les étudiants travaillant en alternance. Je n'utilise jamais ce mot qui me fait penser à "mal-comprenants"): «Il y a quelques années nous avions des armées mexicaines de CDD et d'intérimaires, aujourd'hui nous avons des armées mexicaines d'étudiants en alternance.»

    — Il y a l'incompétent inconscient, l'incompétent conscient, le compétent conscient, …
    — Mais qu'est-ce qu'on fait avec un incompétent inconscient ?
    — On le recadre, on lui fait comprendre ce qui ne va pas…
    — Oh mais pour lui tout va très bien. Tout va toujours très bien…



    Le soir, après cette journée énervante (en ce moment je lis Martimort qui utilise "énervant" dans son sens étymologique), "notre" consultant arrive dans mon bureau pour me faire un résumé de la journée (il ne sait pas que j'en ai déjà eu un à midi par ma collègue préférée qui l'a si bien allumé en réunion (réunion à laquelle je n'assistais pas du fait de ma formation) que désormais je dois passer pour une modérée: merci Danielle!).

    Il insiste pour me montrer un schéma powerpoint qu'il vient de finir. Avant d'obtempérer, je retourne dans le dédale des dossiers et sous-dossiers pour lui démontrer (une fois de plus) que c'est parce que nous avons pris le projet à l'envers par rapport à la méthode préconisée que nous sommes maintenant face aux problèmes actuels (ce consultant me rappelle mon cousin urgentiste qui disait des obstétriciens : « ils sont incapables de laisser un accouchement se dérouler normalement. Il faut qu'ils interviennent, c'est plus fort qu'eux ».)

    Je regarde le schéma, atterrée, n'osant pas éclater de rire. Je songe: « Seriously ? », qui est devenu le mot de mon aîné.
    Je décide de dire la vérité, tout de même; après tout il est presque à son compte, il faut tout de même qu'il prenne conscience de ce que pensent des gens "normaux" de ce genre d'usine à gaz :
    — Hum, je suis désolée, je ne le dirai jamais en public, mais ce genre de schéma… hum… c'est un gag, vous n'êtes pas sérieux, c'est exactement ce genre de schéma qui tourne sur facebook…
    — Mais pourquoi vous dites ça ?
    Je ne peux pas le lui expliquer. C'est au-dessus de mes forces. C'est tellement puéril, appliqué, cela ressemble tellement au schéma du parfait consultant, le truc imbitable que personne dans son bon sens ne regardera ou n'utilisera, qui ne sert qu'à faire un slide pour meubler le temps en réunion et impressionner les gogos…
    — Je ne sais pas… Peut-être que je me trompe ? Il est possible que ce genre de schéma vous permette de passer auprès de certaines entreprises, mais je pense qu'il vous bloque l'accès à d'autres.

    Après son départ, un peu ennuyée (ai-je été trop catégorique? aurais-je tort?), j'envoie le schéma à H. avec une seule phrase « Sondage : qu'en penses-tu?»
    Comme prévu il est pire que moi.
    Pour vous faire une idée :

    puzzle.jpg


    (Ou vivrais-je trop parmi les geeks? cf. le powerpoint karaoké et une explication plus sérieuse, plus flippante (mais peut-être trop sérieuse justement pour une banale vie de bureau) du danger d'analyser la vie à travers Powerpoint.)

    Règle d'humilité

    « Un exégète n'écrit pas de commentaires au début de sa vie. Certains n'en ont même jamais écrits. »

    Dimanche

    Matinée... eh bien je ne sais plus. J'ai peint en blanc une bande de ciment de deux centimètres de large qui attendait depuis deux ans dans la salle de bain. Il faudra deux ou trois autres couches. Le ciment boit. Pour le reste je ne sais plus.

    Après-midi rangement, toujours, perpétuellement. J'ai remarqué que je ne peux ranger qu'à la lumière naturelle. Dès qu'il fait nuit, je n'y arrive plus, je perds toute motivation. Alors film et film. J'ai perdu mes explications de tricot que j'avais recopiées à la main avec tant d'attention.

    Retour vers le futur I et Expendables. Les explications de Stallone concernant le film sont impressionnantes, ces types se tapent vraiment dessus et les bombes sont de vraies bombes ? « Nous adorons ça mais le corps fatigue, il encaisse jour après jour. J'ai dit à ?? vas-y, tape de toutes tes forces, et je me suis retrouvé trois jours à l'hosto. A la fin c'était presque un gag, je connaissais toutes les infirmières par leur prénom, "Et comment ça va Belinda ?" »

    Exégèse

    Matinée en TG, à travailler sur la conversion de l'eunuque dans les Actes des apôtres. Il est sans doute temps de dire que je me suis inscrite en licence de théologie: plusieurs années à la catho, des cours le lundi soir et huit ou neuf demi-journées le samedi.
    Depuis le temps a pris une autre dimension. Il est plein. Il ne déborde pas, mais il est plein. Soudain j'ai juste le temps de faire ce que je souhaite faire. J'ai assez de temps — à condition de ne pas me disperser, à condition de concentrer mes forces, à condition de faire des choix. Le temps a ralenti et devient solide.
    Après un trimestre je me dis que c'est de la folie, comment réussir à lire vraiment ce qu'il y a à lire, j'aimerais tant pour une fois fournir un travail dont je puisse être satisfaite, qui ne soit ni de l'esbrouffe, ni une imposture.
    On verra, on verra.
    Je lis ce que je peux. Ce qui est désespérant, c'est qu'un livre en cours doit être abandonné quand le prochain sujet devient brûlant. On se dit qu'on le terminera pendant les (grandes) vacances, mais rien n'est moins sûr (j'ai déjà prévu Libera, la biographie d'Henry James et Gordon Wood sur la création des Etats-Unis).


    En revenant de Chartrette, nous écoutons une belle émission sur Colette.

    Meilleurs vœux

    11h30, je papote dans le bureau de Danielle. K. passe la tête :
    — Vous savez la nouvelle ?
    — Quoi, on est vendu ? dis-je en boutade.
    — Oui, allez voir sur l'intranet.

    L'intranet annonce que nous sommes mis en vente.

    Déjeuner. Les vœux de l'entreprise sont prévus à 13h. Chacun pense aux directeurs : bel exercice d'équilibre qui les attend.

    Ils s'en sortiront honorablement, devant une salle bienveillante.
    L'histoire est la suivante: ce que nous appelons "les fondamentaux" (le ratio sinistres à primes, la qualité du portefeuille clients) ne sont pas en cause, ils sont mêmes excellents au niveau de notre entreprise d'assurance, et sains au niveau du groupe.

    Les sociétés d'assurance ont l'obligation légale de mettre en face de leurs engagements (le règlement des sinistres en cours et à venir) un portefeuille d'actifs réparti selon des règles très précises. Or le groupe a fait trois choix qui se révèlent tous les trois désastreux avec la crise:
    1/ il a acheté au prix fort de nombreuses entreprises à l'étranger: la valeur de ces entreprises s'est beaucoup dépréciée et nous devons prendre en compte cette dépréciation potentielle d'actifs ;
    2/ il conserve en portefeuille une quote-part inhabituellement élevée d'actions (dont celles de la Société Générale), et là encore il faut enregistrer une dépréciation (les nouvelles normes prudentielles (qui ne sont pas encore entrées en vigueur) imposent un pourcentage réduit d'actions dans la composition du portefeuille et la prise en compte immédiate des moins-values potentielles$$ce qui prouve une méconnaissance du cycle long de l'activité d'assurance (conséquences: la vente massive d'actions par les entreprises d'assurance a accéléré la chute des cours et favorisé l'arrivée de fonds de pension étrangers dans le capital des sociétés françaises (non que cela me préoccupe, mais j'en connais qui n'aiment pas cela$$);
    3/ la dette grecque, bien sûr, et les dettes souveraines en général (notons que ma société ne voulait pas d'obligations grecques, mais que le groupe lui en a affectées d'office malgré son refus répété: c'est le groupe qui choisit nos placements; c'est le groupe qui est noté par les agences de notation et toutes les filiales, dont nous sommes, en subissent les conséquences; et c'est le groupe qui nous met en vente aujourd'hui.)

    Tout cela fait que le portefeuille d'actifs, avec ses moins-values potentielles, ne couvre plus (ne couvrait plus avant une intervention en chevau-léger de la CDC) les engagements du groupe, d'où l'obligation de dégager de l'argent frais.

    Ajoutons pour faire bonne mesure que ces vœux sont également les premiers qui célèbrent notre fusion avec une autre filiale à qui le groupe a imposé ce "mariage de raison" (au printemps dernier, bien avant ces rumeurs de vente qui datent de fin octobre): les voilà en train de s'adapter à cette fusion en se préparant à une vente…
    Je songe à une vente aux esclaves. Nous sommes vendus parce que nous sommes les plus profitables, et pour rendre la société plus attractive encore, notre portefeuille d'actifs a été nettoyé de la dette grecque: autrement dit nous sommes désormais et de loin la plus belle filiale du groupe (résultat technique + portefeuille d'actifs).

    Le mot de la fin restera à notre directeur général, qui déclarera devant le représentant du groupe venu nous expliquer ce que je viens d'écrire (et que nous savions déjà): « Pierre L. nous a dit que le groupe regrettait de devoir nous vendre, j'attends de vous que vous travailliez à rendre notre société encore plus rentable pour que dans quelques années il le regrette encore davantage. »
    C'est fou ce que l'on souffre toujours de se sentir mal-aimé, même lorsqu'on est une société.


    Discours, puis petits fours, piste de danse, etc. A chaque fois c'est l'occasion de constater une certaine solitude. Je n'ai rien à dire, je ressens un certain malaise avec la plupart des gens: mais comment font les autres, de quoi parlent-ils, comment trouvent-ils des sujets de conversation? %%% Je crois que je ne saurai jamais faire et j'évite d'y penser pour ne pas ressentir une certaine panique, une certaine désolation de l'âme.


    Je pars tôt et je vais voir The Darkest Hour.
    Ce n'est pas tout à fait assez noir pour mon moral bas. Mais j'avais envie de voir Moscou et je vois Moscou. Enfin, un certain aspect de Moscou. Film d'action et d'apprentissage. Les enfants, si vous voulez survivre face aux extra-terrestres, surtout apprenez bien votre physique amusante et feuilletez le manuel des Castors juniors.
    Les Russes, le Russe, sont russes à n'en plus pouvoir; tous les clichés de l'Américain décrivant le Russe sont là (pas bien éloignés des clichés français ce me semble puisqu'ils me sont familiers, et cela me fait rire), et ce Russe est encore en train de défendre Stalingrad…
    L'important face à l'ennemi est de rejoindre sa terre, son pays: même si l'on doit se battre contre un ennemi commun, il est importun de le faire de chez soi.


    Oulipo, Ousonmupo, c'est inégal.
    Je récupère en cachette (il n'en reste qu'un que j'avais réservé) la Vida tragique d'En Guilhem de B. de Maurice (Chamontin). A suivre.

    Progrès

    — Si vous êtes sages, demain j'achète du polystyrène.
    — Ouaiaiaiiis!!!

    Renversé mon verre de riesling dans mon chausson. C'est ennuyeux j'espérais le boire.

    Plus de douleurs dans les articulations ce soir.

    Illumination

    Dédié à Guillaume.

    Mon amie Agnès est professeur d'histoire en lycée technologique. Lors d'un voyage à Berlin, elle fait visiter je ne sais plus quel musée à ses élèves et explique devant la photo de Jesse Owens que Hitler aurait refusé de lui serrer la main.

    C'est alors que les yeux de Jennifer se dessillèrent et qu'elle dénonça outrée:
    — Mais Madame, c'est pas bien, Hitler, il était raciste!

    Week-end

    Faust "j'ai eu honte" Alagna mais oui il a des scratchs, et il chante elle mime, et paf, la chemise s'ouvre ? Mais est-ce qu'il est poilu ? Oui, non, les avis divergent, il le serait mais il se serait rasé, vendre des tableaux, à quel prix, comment assurer un revenu régulier, éviter la tempête, ne pas bouger, ne pas la provoquer, Le grand Remplacement, dormir une demi-heure dans la voiture, L'Attente de Dieu à voix haute dans la cuisine, le Carrefour markett de Chartrettes, galette chez les voisins, mais si on mâchait des chewing-gums de colle, plus maintenant c'est interdit, et la languette de la colle Cléôpatra, c'était terrible la languette cassait toujours, toi tu es un traumatisé de la languette, un bain, un Que-sais-je, du rangement, des mails, je n'y arrive pas, The Queen, je n'ai toujours pas commencé, en retard, en retard, en retard.

    A partir de mardi soir, je range.

    Paradoxe temporel

    J'ai quelque chose à faire pour le 10 janvier.
    Je n'ai pas commencé, ou pas vraiment, même si j'y pense depuis les vacances de Noël.
    Je sais que ce sera fait.
    Je suis tellement persuadée que ce sera fait qu'il en devient inutile de s'y mettre, puisque cela sera fait.

    Cela ressemble à Harry Potter 3, quand il explique que s'il a été capable de produire un patronus, c'est parce qu'il s'était vu produire un patronus et donc se savait capable d'en produire un: Harry produit un patronus à un instant t parce qu'il s'est vu produire ce patronus pendant qu'il s'observait à partir d'une boucle parallèle du temps?

    Sauf que chez moi cela produit un effet inverse: Harry a pu produire son patronus, moi je ne me mets pas au travail.



    ----------------------

    Six ans plus tard, janvier 2018, j'explique : il s'agissait du premier contrôle de connaissance de toutes les années à venir dans mon cursus de théologie. En l'occurence il s'agissait d'un oral d'histoire. Nous devions choisir un sujet qui couvrait la période du catholicisme de Luther à la Révolution. En songeant à certaines allusions lues dans L'autorité contre les lumières, j'avais choisi comme sujet "le gallicanisme". J'avais commandé un livre de Martimort, Le gallicanisme de Bossuet, que je n'ai pas pris le temps de lire (un livre magnifiquement relié sans doute dans un atelier tenu par des religieuses). J'ai saboté ma préparation d'oral. Je ne savais plus du tout travailler, m'imposer des horaires, avoir une idée de la forme, de la composition, à atteindre. Ces six ans de théologie (vus de janvier 2018) m'auront servi au moins à cela : apprendre à me mettre à travailler à temps pour rendre compte à des maîtres sérieux (par opposition à pipoter au dernier moment face à des dirigeants incompétents).

    Des films

    . Bruegel, le moulin et la croix. Une Passion, non en Israël occupé par les Romains, mais en Hollande occupée par les Espagnols. Une grande réussite "plastique" (quel mot utiliser? Je ne sais pas.) Une grande réussite pour un film qui n'est pas un film.
    Rutger Hauer. Ah, Rutger Hauer… Tears in the rain for ever.

    . Le Havre. Un film pour les amateurs de Kaurismaski, ceux qui le connaissent déjà bien. Les autres seront désarçonnés. C'est un conte de Noël, dépouillé, stylisé, une épure. Le temps fond, le commissaire demande une bouteille de vin de 2005, mais le dernier taxi… une Peugeot des années 1950? Daroussin se promène dans le film à la manière du héros des Gommes, et les montants de la rampe d'escalier de l'hôpital sont peints en rouge. (Je veux bien être damnée si aucun hôpital de France porte si loin le souci du détail.)
    Compositions et couleurs d'Edward Hopper, dialogues de Carné, lumière et personnages de Kaurismaki.

    . A Dangerous Method. Qu'est-ce qui est dangereux? La psychanalyse, ou le fait de coucher avec une patiente? Ce film m'a déçue de la même façon que m'ont déçue le Nietzsche de Cavani ou le Cavafy et le Wiggenstein de je ne sais plus qui. J'en attends trop, sans doute, et je sors en ayant terriblement peur de prendre pour vrai un détail fictionnel.
    Keira Knightley est formidable; et ne serait-ce que pour le plan nous montrant Jung invité chez Freud se servant du gigot de façon indécente tout en dissertant sur le sexe (avant déplacement de la caméra), il vaut la peine d'être vu.

    Les films qui m'ont marquée en 2011: Incendies, de très loin, Il était une fois en Anatolie, Essential Killing et de la tendresse pour Shame.
    Une mention spéciale, à part, pour ''The Social Network''.


    PS: et pour mettre un peu de gaieté dans ces films sombres, Faites le mur, grand éclat de rire.

    Non violence

    — P** n'est pas disponible pour la réunion RPCA1. Je ne veux pas y aller, je vais leur coller deux baffes. J'avais pensé à vous (il me regarde), mais vous êtes pire que moi… Alors bon, tant pis.


    Diffusion de l'organigramme après la fusion avec G** Transports. Enfin, seulement la première page, le reste n'est pas arrêté (ils n'y réfléchissent que depuis mars dernier). Aucune importance, tout le monde s'en moque et attend l'annonce que nous sommes vendus malgré les démentis de la maison mère. Et le lieu du déménagement (ou emménagement). 2012 va être intéressant et curieux.


    Note
    1 : responsable du plan de continuité d'activité"

    Bathmologie malsaine

    Donc

    1/ Les blogueurs & twitteux & Facebookeux se moquent : "… et surtout la santé".
    2/ Ça me donne envie de protester, parce qu'il n'y a pas de quoi se moquer, pour avoir vu H. très malade, je me souviens du moment où le futur se ferme, impossible de travailler, plus d'argent, plus de projet, la peur ?
    3/ Puis je me rends compte, à mon ébahissement, QUE TOUT LE MONDE au bureau dit "et surtout la santé", du même ton que mes blogueurs, mais très sérieusement.
    4/ Je commence à comprendre les moqueries et l'agacement.
    5/ Sauf que dans le même temps, la mère d'une collègue (ma collègue préférée) et le frère d'un ami très cher sont en train de mourir.
    6/ et donc ?

    Story of my life

    — Mon pauvre ami ! Vous êtes la perpétuelle victime de l'esprit querelleur de vos contemporains. Hein ! On vous cherche, on vous provoque, on vous persécute ! Une sorte de fatalité. C'est bien ça ?





    — Alors qu'est-ce qu'on fait? On continue dans la grâce?
    — On va aviser. Mais aviser dans le calme, à tête reposée. Faut se méfier de nos nerfs.

    Vingt ans

    Vu Louise. Dans vingt ans elle aura vingt ans. Moi qui avait l'impression qu'il n'y avait aucune différence entre quarante-quatre et soixante-quatre ans, je me dis maintenant qu'il y a le temps que Louise ait vingt ans.
    Merci Louise !

    Et sinon vu Hairspray en comédie musicale : «A toi la moumoute, à moi le bœuf en croûte!» Très bonnes traductions, très bons chanteurs/danseurs.

    Les risques

    — Pourquoi ça ne m'arrive pas, à moi?
    — Parce que tu es tiède. Parce que tu ne te mouilles pas, tu ne t'engages pas. Alors il ne t'arrive rien.

    Me revient une phrase, il me semble qu'elle est de Coluche: «Ma mère me disait quand je quittais la maison: "fais attention, surtout qu'il ne t'arrive rien!". Mais quand tu es gosse, ce qui peut t'arriver de pire, c'est qu'il ne t'arrive rien.»

    Suzanne

    C'est la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers, vécue IRL, à cela près que Suzanne n'est plus étudiante.

    Elle était embauchée en CDI depuis septembre, après un master en audit et finances. Elle travaillait dans l'équipe du projet. Le 15 décembre, la RH lui a appris qu'elle ne devait pas se présenter le lendemain. Motif: sa carte de séjour était arrivée à expiration. Il fallait attendre son renouvellement.

    Suzanne n'est pas revenue. Elle attend. Elle ne risque pas l'expulsion, elle prend ça avec philosophie, rend visite à ses frères en Belgique et en Allemagne (elle est camerounaise). Elle se prépare à emménager dans un appartement procuré par le CE de l'entreprise. Elle n'est pas payée. A-t-elle droit au chômage dans un cas comme celui-là? Débat entre nous.

    Je n'y peux rien, je n'y suis pour rien, mais j'ai un peu honte.

    Six jours

    Vu deux films, tricoté une écharpe, lu un demi-livre. C'est déjà beaucoup plus que d'habitude.
    Ecrit aucune carte postale ni carte de v?ux, ce qui est tout à fait inhabituel.
    Rêvé sur des catalogues de tricot en me disant que ce n'était pas raisonnable. René Girard à l'?uvre: ma nouvelle collègue tricote beaucoup.
    Malade à force de poils de chien. «Pourtant, les poils de chien sont très peu allergènes». Certes, mais je soupçonne qu'à défaut d'être nicotinisés, les poumons de mes parents sont poilus.

    Je n'ai rien de particulier à raconter, mais j'ai beaucoup de billets ou sujets en retard. Je fais une liste, j'essaierai de les traiter au fur à mesure.
    - Suzanne le 28/12/11
    - Le Havre, A Dangerous Method le 05/01/12
    - Khodorkovski, Benjamin, L'exercice de l'Etat
    - Les Suisses
    - Le voyage à Venise
    - Petit déjeuner vénitien le 2 janvier 2012
    - Atteindre Tarente
    - 2 août 2011
    - 3 août 2011
    - 4 août 2011
    - 5 août 2011
    - 6 août 2011
    - 7 août 2011
    - 8 août 2011
    - 9 août 2011
    - 10 août 2011
    - L'Inde
    - Le Brésil
    - Réussir sa vie
    - L'anniversaire de Matoo
    - une réponse à Parapluie
    - Des photos de lecteurs, que je n'ai pas osé mettre au fur à mesure parce que j'ai eu peur de ne remplir mon blog que de cela et que cela soit "tricher" (comprendre: "trop facile") le 30/12/11

    Trois jours

    Bof, pas vraiment envie d'en parler. Cinq poubelles de papier sorties de la chambre de ma fille hystérique. L'une des plus grandes surprises à voir les enfants grandir, c'est de découvrir la résurgence de traits de caractère d'un membre de la famille à l'autre, alors qu'il paraissait entendu que seuls les traits physiques se transmettaient. Et voilà que la collectionnite aiguë, la peur de jeter (les tickets de métro, les devoirs rendus, les crayons cassés, les papiers de bonbons, …), ressurgit une génération plus tard.
    Et pendant ce temps-là je n'ai rien rangé de mon propre bordel — et maintenant départ pour la famille — et donc retour dans le bordel non traité. Frustration, c'était bien la peine de prévoir des vacances un peu larges.

    Seule éclaircie, ça, qui me fait rêver. Avec ça.

    Ah, et puis si: à part le souffle au cœur, je n'ai que le coutumier manque de globules rouges et de fer, mais des globules blancs extra-strong (tout le monde s'en fout ou va trouver cela très "impudique" (comme disent les anti-blogueurs), mais il se trouve que je souffre d'une forme particulière d'hypocondrie: je suis tellement persuadée qu'on trouvera quelque chose si on cherche que je refuse de chercher (syndrome Dr Knock, je pense)). Donc je l'écris, ça me fait plaisir car j'avais peur.

    Go ouest

    Je déteste tant les détails…
    Je mets tout ici, au fur à mesure, pour que cela me soit accessible à tout moment.

    Les passeports valables selon leurs dates.
    L'autorisation électronique de voyage : ESTA (ils sont gentils, c'est traduit).

    Les lieux (copier/coller tronqué d'une conversation FB)

    Denis: Je serais vous, je partirais de SF, remonterait la côte vers le nord jusqu'à Eugene puis plein est par Boise, le Wyoming, le Dakota du sud (très beau, vu d'avion), jusqu'à Mineapolis, Chicago, Cincinnati, l'Ohio, la Pensylvanie et NYC.

    Patrick: Eugene me semble indispensable… mais, M. Denis, il ne manque pas une certaine bibliothèque disparue à voir dans l'Arkansas, ou l'Indiana?

    Moi: J'espère rencontrer Shuttleworth (cf mes amis FB), donc remonter jusqu'à l'état de Washington (enfin, il me semble que c'est Washington, il faut que je vérifie).

    Patrick: Shuttleworth, vérification, est à Moses Lake, donc pas loin (relativement) de Vancouver.

    Ne pas manquer l'immeuble de Blade Runner.

    Ça ne tiendra jamais en trois semaines et encore, j'ai laissé tomber Moses Lake.

    Et comment et où louer un mobile home pour six personnes? Ici. Il y en a pour une petite fortune. (Mais économie des chambres de motel).

    Aller/retour New York, c'est ce qui coûte le moins cher. Mais alors, comment retraverser dans l'autre sens? Le train me fait envie, compter trois jours, prévoir 10 à 11 heures de retard au total.

    — Ça sera comme une traversée en voilier, tous dans dix mètres carrés.
    — Tu es folle, on va tous se taper dessus au bout d'une semaine.

    Il faut beaucoup de courage pour réaliser ses rêves malgré les oiseaux de mauvais augure, dont on sait bien qu'ils ont plutôt raison.

    Go ouest. J'ai envie.

    Un peu de sexe

    Bon, à la Guillaume, je ne garantis rien : séance de sexe intense avec.

    Humour policier

    L'un des chevaux de la brigade de police montée de ma ville s'appelle "Non violent". (J'ai tenté une photo, mais il faisait trop mauvais).

    (Et sinon, j'ai un souffle au cœur. (— Ça veut dire quoi? — Ça veut dire que l'aorte est légèrement rétrécie, et que le sang au lieu de faire Chtomp-feu fait Tchou-ifff.) Ça me fait rire jaune; quand j'étais au collège et au lycée je considérais que les élèves qui ne faisaient pas de sport sous prétexte de souffle au cœur n'étaient que des tire-au-flanc. Je crois de plus en plus au karma.)

    Thérèse Desqueyroux et le Zéro et l'Infini

    Métro ligne 1 vers 18h30. J'étais debout contre le strapontin, tournée vers les sièges. Il s'est trouvé deux lecteurs, un debout à gauche, une assise à droite.


    Thérèse Desqueyroux:




    Le Zéro et l'Infini :

    Panique tendance folie (ou: ça devient n'importe quoi)

    Dans ma boîte mail ce matin un message du secrétariat du collège:

    Madame, Monsieur,

    L'envoi d'un message concernant la présence d'un véhicule aux abords du collège a déclenché une vague de panique. Nous vous remercions de votre collaboration mais nous vous demandons de ne pas signaler systématiquement la présence de ce type de véhicule. En effet, cela gêne le travail de la police. D'autant plus que, après enquête, les faits ne sont pas avérés.

    
    
    

    Cordialement,

    
    
    

    Le secrétariat

    Voila qui me rappelle la fin de cet article de Libération il y a quelques jours, quand un homme est mort (crise cardiaque) simplement parce qu'il ne plaisait pas aux parents d'une école maternelle:

    La rumeur a fait un mort lundi à Brest. Un retraité de 65 ans, ancien ouvrier de l?arsenal, soupçonné à tort de pédophilie par des parents d?élèves de l?école maternelle Auguste-Dupouy du quartier de Bellevue, un quartier populaire à la périphérie de Brest.
    [?]
    Mais pour une mère, la mort du retraité est «un mal pour un bien», car il lui faisait peur et «n?avait rien à faire à côté des écoles».

    Pierre-Henri Allain, Libération, La mort d?un marginal taxé à tort de pédophilie, 1er décembre 2011

    Je ne veux pas savoir ce que cette mère va apprendre à ses enfants.
    Je déteste cette société de la peur.

    Ring Saga

    Tétralogie raccourcie à Reims en un week-end. Très bien. Formidable, émouvant, clair.

    Surprise par les livrets que j'avais volontairement omis de lire: quelle confusion, quelle absence de morale, tous les contrats sont rompus, tout est faux, trahi, retourné. Vengeance et malédiction, quête du pouvoir. Tout ce à quoi je suis habituée, et qui finalement vient tout droit du catholicisme, n'est jamais une solution: le renoncement, le pardon, la rédemption par l'amour (non, Brünnhilde n'accomplit pas cela: avant de mourir, elle met le feu au Walhall). A croire que le luthérianisme protège moins bien de l'amoralisme que le catholicisme (omniprésence de la tension sexuelle, tout le temps —tout ce qui est amour-sentiment broyé ou étouffé par le besoin de pouvoir ou de sexe. On est loin de la tragédie grecque (où la tragédie naît de la volonté de respecter des principes, parfois contradictoires, et non de leur bafouement) ou de l'Iliade, sans doute pas très morale non plus (distinction bien-mal, schématiquement), mais attachée à l'honneur, l'amitié, la fraternité, la parole donnée, l'amour). Bizarre, bizarre. Comment un tel livret a-t-il traversé la tête d'un Allemand du XIXe siècle?

    Brünnhilde blonde et frêle (enfin, musclée malgré tout, qui porte sa voix avec ses bras). La critique n'a pas toujours été tendre avec Piia Komsi, mais Philippe de l'escalier fait remarquer qu'il s'agit d'un parti pris intéressant (à vrai dire il paraît séduit): une walkyrie différente, la préférée de son père, celle qui désobéit, n'a pas à ressembler aux autres walkyrie. Et puis cette formation orchestrale très légère permet l'intimité, le chant n'a pas à se projeter par-dessus les instruments. Brünnhilde gagne en émotion.

    Dans une formation de dix-neuf musiciens, la musique est parfaitement claire, détachée, compréhensible. Vient le moment où je cherche les sous-titres quand personne ne chante. Vient le moment où les chanteurs disparaissent pour ne plus être que leur voix.
    Quatre représentations en trois jours, et la troupe est devenue familière, nous retrouvons des visages, des habitudes, il semble que la semaine pourrait se continuer ainsi, entre vieilles connaissances.

    Quel froid dans le théâtre. Pas étonnant que les chanteurs soient souffrants.
    — La costumière se fournit chez Décathlon.
    — Tiens, après les survêtements, c'est cuir. Demain ce sera fourrure.
    La flûtiste ne sourit pas beaucoup.
    Ils ont dû prendre des cours de judo pour apprendre à tomber, ils vont finir par se faire mal.

    — Siegfried est vraiment bon, c'est le meilleur que j'ai entendu.

    — Je ne comprends pas. Pourquoi Fricka ne protège pas Sieglund comme elle voulait protéger Freia? C'est pourtant la même violence.
    — Oui, mais les liens du mariage sont sacrés.
    — Mais un lien ne vaut rien s'il est obtenu par la violence.
    — C'est une femme blessée et jalouse.

    — Si tu prends du maroille, je change de table.

    — Mais tu fais comment?
    — Il s'absente souvent pour aller écouter Wagner, pendant ce temps, je mange du maroille.
    — D'autres prennent des amants ?
    — Ce n'est pas incompatible?
    — Le pouvoir aphrodisiaque du maroille?
    — Mais enfin, il n'y a pas que le sexe dans la vie!

    — Vivant Denon, Point de lendemain. C'est très "in bed with"!

    Et puis les faux et le mont du Sinaï.

    Lauren Lauren

    Bal des débutantes 2011 à l'hôtel Crillon

    Toutes vêtues de robes de haute couture et parées de joyaux Adler, elles on valsé pour la bonne cause, en l'occurence la Feed Foundation engagée contre la malnutrition et créée par Lauren Bush — nièce de l'ex-président américain —, qui avait participé au bal des débutantes de Paris en 2000 et qui a eu la bonne idée d'épouser le fils de Ralph Lauren, devenant ainsi Lauren Lauren…

    Le carnet de Stéphane Bern, Figaro madame de cette semaine.

    A noter que les garçons sont plus beaux que les filles.
    Et les filles de Bruce Willis sont bien vilaines, les pauvres.

    Prédiction

    Pas aujourd'hui que j'écrirai… ni demain… ni vendredi, ni ce week-end: donc à lundi, avec de la chance.

    Bananes flambées

    L'année où le siège du Crédit Lyonnais a brûlé à Paris, un dépôt de bananes a également brûlé, au Havre.
    Malheureusement, ce dépôt était mitoyen des archives du Crédit Lyonnais, et le feu s'est étendu. Les archives ont brûlé aussi.

    Pas de bol.

    Les essais de Michel de Montaigne

    Vendredi (hier), quai de la ligne 1 à La Défense.

    C'était un vieux livre de poche à la tranche verte. Comme il était couvert d'un papier blanc, il m'a fallu m'approcher pour lire le titre en haut de page, qui était indiqué exactement ainsi: Les Essais de Michel de Montaigne.



    Printemps arabe

    J'ai écouté Dominique Moïsi nous apprendre, à la fois confus et fier, qu'il était le premier à avoir utilisé l'expression "printemps arabe", et qu'il la regrettait, car elle était trop européo-centrée.
    En effet, il s'agissait d'une référence au printemps des peuples de 1848.
    Cela m'a fait sourire, je me demande combien de personnes avaient fait le lien, en tout cas pas moi.

    Moïsi a dressé un portrait assez triste de l'Amérique, une Amérique qui a oublié "la forêt Asie", toute obsédée qu'elle était de "l'arbre Moyen-Orient", une Amérique qui a envie ou besoin d'être relayée par l'Europe le temps de faire une pause: «ses infrastructures sont dans un état lamentable».

    Red runners

    Jeudi dernier, après une conférence sur l'Europe, encore une conversation entre nanas:

    — Alors ça y est, vous les avez reçues?
    — Non, parce que tu comprends, ils les livrent le vendredi, et donc elles arrivent un samedi, et comme la dame du laboratoire en a peur, on ne peut pas les faire arriver à l'école; il faut que l'un d'entre nous les reçoivent chez lui, et qu'on les amènent ensuite. La mère de Sarah est d'accord pour l'amener un matin en voiture, donc elles vont arriver chez Sarah, il faut qu'on téléphone pour demander si exceptionnellement ils peuvent livrer le jeudi pour qu'elle les amène le vendredi.
    — Tu veux dire que vous n'avez toujours pas commencé? Mais il se termine bientôt votre TPE?
    — Il y a encore quatre semaines avant Noël, et puis tout janvier. On a rédigé tout ce qu'on a trouvé comme doc… *silence, sourire embarrassé* Simplement il y a un problème…
    — Quoi?
    — L'école ne veut pas les garder pendant les vacances de Noël…— là, je le sens mal — est-ce que je pourrais les garder à la maison?
    — Tu veux qu'on garde des blattes pendant les vacances de Noël ??!!!
    — Ben oui, l'école n'en veut pas. Mais elles sont toutes petites, et elles ne grimpent pas aux vitres, on les a choisies exprès pour ça. Elles sont rouge vif, ce sont de toutes petites blattes.
    Oh mais alors ça change tout, si elles ne grimpent pas au vitres... Evidemment, suis-je sotte, ELLES NE GRIMPENT PAS AUX VITRES, nous sommes sauvés.
    — Et tu veux les mettre où? Dans le salon je suppose? dis-je en matière de plaisanterie mais déjà épouvantée par sa réponse.
    — Euh… j'avais songé à les mettre derrière le lave-vaisselle…
    Oui, chez nous, le lave-vaisselle en panne est dans le salon depuis plusieurs semaines. Notre vie est trop spirituelle pour s'arrêter à ces détails pratiques.
    — Pourquoi pas dans la cabane? Ou dans la chaufferie?
    — Dans la cabane? Ah oui, on pourrait essayer.
    — Sauf que dis-je réfléchissant à voix haute elle risquent d'avoir froid.
    — Si elles ne sont pas bien, on les mettra dans la chaufferie pour qu'elles soient plus confortables.
    — Oui, tu as raison il faut que tes blattes soient confortables. (WTF???)
    — D'ailleurs, il va falloir qu'on demande aux parents s'ils ont un drap noir.
    — ???
    — Oui, elles n'aiment que le noir, faut qu'on entoure l'aquarium.
    Ah mais oui, naturellement, ou avais-je la tête?
    — Tu veux savoir combien elles peuvent avoir de descendance?
    — Non.
    — Et puis, c'est increvable. Si tu leur coupes la tête, elles vivent encore une semaine. Et il ne faut pas les stresser, sinon elles expulsent leurs oothèques. Toi, tu les écrases, tu crois que c'est fini, mais en fait, elles ont expulsé leurs oothèques, et quelques jours plus tard tu te retrouves avec…
    — Non, je ne veux pas savoir.

    Plus tard dans le RER:
    — Mais qu'est-ce que vous allez faire comme expériences, avec vos blattes?''
    Elle rougit un peu.
    — Tu ne veux pas savoir.
    — Mais si!
    — En fait elle se comportent comme les hommes, elles n'ont pas de cycle, elles baisent n'importe quand.
    Je la contemple en silence, abasourdie.
    — Vous allez regarder fucker des cafards?
    — Oui, elles ont une parade de deux heures, qui évolue avec le niveau de leurs phéromones [NB: c'est le sujet du TPE: les phéromones, pas les blattes]. On va les observer, les filmer…
    — Ça va être pratique, dans le noir.
    — Sous de la lumière rouge. Enfin, si on a beaucoup de chance, parce qu'on a TPE une fois par semaine, il faudra que ça tombe bien.

    Etc., etc.

    Le stratège

    Ce film a tout pour ne pas plaire en France, à commencer par le baseball, qu'on ne comprend pas et qui ne nous est pas expliqué (question, par curiosité: est-ce que les scènes hachées, découpées, montrées de façon sporadique au rythme d'un zapping, sont immédiatement compréhensibles à un Américain? Autrement dit, quelle part de film nous échappe-t-elle parce que nous sommes Français / Européens?)

    Le rythme est lent, il n'y a pas d'histoire d'amour (pas de femme), le personnage principal, qui refuse d'assister aux matches pour ne pas s'attacher aux joueurs qu'il risque de vendre ou d'échanger du jour au lendemain, n'est même pas particulièrement sympathique.

    L'approche non plus n'est pas sympathique: gagner en faisant des analyses statistiques, et non en ayant le culte du développement physique, du style, de la technique. Est-ce que cela peut réussir? Peut-on nous, spectateurs, souhaiter que cette approche-là réussisse?
    (Mais l'autre face de cette approche est plus acceptable moralement: il s'agit de se battre pour chaque point, il s'agit d'être efficace, régulier, il s'agit d'abandonner l'esbrouffe, le style, et de regagner ses bases (???) avec le plus de régularité possible.)

    Pourquoi parler de "morale acceptable"? Parce que lorsqu'on va voir un film sur une équipe de loosers coachée par Brad Pitt dans un film américain, on se dit que forcément, l'équipe va gagner, pour que la morale américaine attachée à l'effort et au mérite sorte vainqueur.
    Mais il faut aussi que l'image du baseball soit intacte: est-ce qu'un baseball statistique est une image acceptable?

    Je ne vais pas spoiler. Mais ce n'est pas un film sur le baseball, c'est un film sur les rêves: que voulons-nous vraiment? Qu'est-ce qui compte?

    Cours familier de philosophie politique

    Pierre Manent, métro ligne 1, hier soir.


    Occupation nocturne

    Fouillé les poubelles à minuit pour retrouver un papier (un refus de subvention dû à une absence de fonds) vieux de trois mois, jeté le matin-même en considérant qu'il ne servirait plus (reçu dans l'après-midi un coup de téléphone me réclamant d'urgence le compte rendu devant permettre le virement de la subvention — compte rendu bien entendu non rédigé puisqu'il était la contrepartie de la subvention inexistante). #administration #logique #WTF

    Mardi

    Je fais passer des entretiens. Non, pas d'embauche, plutôt quelque chose comme des interviews: que faites-vous, comment, pourquoi, récupérations des procédures, etc. Cartographie des risques.
    Cet après-midi, pour la première fois, cela s'est plutôt mal passé (le genre de personne qui sait tout sur tout et se plaint de ne pas être invité aux réunions d'information). J'ai trouvé la parade. Comme je voyais qu'il lisait tout ce que je notais, je me suis mis à noter mot pour mot ce qu'il disait, entre guillemets, genre: «non, ça ne peut jamais être faux, c'est des maths, c'est forcément juste».
    Il s'est un peu calmé.

    Ma collègue m'a fait remarquer que j'avais provoqué un blanc en réunion en utilisant le mot tautologie. Elle me parle de sa mansuétude. Je lui propose de remplacer "Bisounours" («elle est très bisounours, Alice» est une phrase qu'elle affectionne) par "irénisme". Je sens que nos réunions de projet vont avoir de plus en plus de gueule.

    A vendre ou pas à vendre? Croyez-vous davantage un démenti ou l'absence de démenti?
    L'absence de surprise sera la même. En attendant, tout le monde écoute BFM en allant au bureau (sauf moi, mais on me raconte l'essentiel).

    Je continue Congar. Je tombe des nues. C'était quelque chose, l'avant Vatican II. On dirait un roman policier, ce n'est que délations et coups fourrés, qui à dit quoi à qui, rumeurs et censure. Je lis éberluée des choses comme: «Régime invraisemblable: policier, autocratique, totalitaire, crétin. Car ce qui me frappe le plus, c'est le crétinisme, l'invraisemblable indigence en intelligence, en caractère. Le système a fabriqué des serviteurs à son image» (Yves Congar, Journal d'un théologien, p.233) (Il s'agit de Rome et du Saint-Office, pour faire court).
    Mazette! Je sais bien que ce n'était pas destiné à la publication, mais tout de même!

    Comment réussir à se rendre compte de ce qu'était ce monde? Je repense à L'ange et le réservoir de liquide à freins: «Quatre à avoir bénéficié un an de l'enseignement de l'ancien catéchisme, du latin et des mathématiques traditionnelles, ces trois piliers de la sagesse disparus d'un coup sous les effets conjugués, quoique non concertés, d'Edgar Faure, de Mai 68 et du Concile.» (p.261)

    Yves Congar est un homme selon mon cœur, entre sa façon de s'insurger contre les wagons réservés et vides dans un train bondé, et celle de s'interroger sur les dessous de son apparente soumission: obéissance ou lâcheté?:

    Parfois, ces dernières semaines, je me suis interrogé. Je me suis demandé si, dans l'espèce de simplicité, d'absolu et d'entièreté de ma soumission, il n'y avait pas une solution à trop bon compte, une fuite, malgré tout, facile, hors du combat. [Mon attitude est foncièrement, vraiment et intégralement celle-ci: Qu'ils fassent ce qu'ils voudront! Rendez-vous au Jugement dernier, devant le Véridique. Je leur abandonne toute l'histoire, je n'attends que la Parousie, or ils n'ont pas la Parousie!] Ne suis-je pas dans la situation de quelqu'un engagé dans la Résistance, mais un peu lâche et craintif au fond, et qui, arrêté très tôt, a un certain sentiment de soulagement et presque de satisfaction d'être ainsi retiré, pur et avec les honneurs de la guerre, d'un combat difficile où il laissait désormais les autres se débrouiller comme ils veulent. Je ne voudrais pas être cet homme-là; j'ai une certaine propension à l'être. (Opus cité, p.269-270)

    Tout me parle ici, même le rendez-vous au Jugement dernier.



    (Parapluie, je n'oublie pas que je te dois une réponse.)

    Samedi ordinaire

    Mais qu'est-ce que j'ai pu faire aujourd'hui? Traité mes mails une partie de l'après-midi, fait la sieste, les courses… Et ce matin? Je ne sais plus.

    Hier vu quelques minutes (bien plus de minutes que cela n'était raisonnable) de Crazy stupid love. Réellement stupide, mais en plus d'avoir un beau sourire, Ryan Gosling a un beau corps. Il me fait penser à un Steve McQueen du XXIe siècle. La difficulté va être de trouver des scénarios et des réalisateurs qui lui permettent de faire une belle carrière.

    Une première étape de franchie

    Gagné au pénal contre JA. Il y a encore pas mal d'étapes avant d'être sortis de cette histoire (d'autres procédures, un appel possible), mais c'est déjà un grand soulagement.

    Il faudrait que je retourne ramer. J'ai la flemme (une histoire de chaussures, de talons, sur le gravier enrobé du parvis de la Défense. A quoi tiennent les choses.)

    Bon, encore une machine à étendre et je vais me coucher. Ou je traduis Hamburger. Je ne sais pas.

    Les digital mums

    Spéciale dédicace à M. Cendres.

    Certaines agences ont opéré une classification très précise des digital mums. KR Media et WebMediaGroup définissent ainsi quatre catégories de mamans connectées, en fonction de leurs comportements sur le Web, de leurs usages d'Internet et de l'opinion qu'elles ont de ce média.

    La "Practical Digital Mum" (18 % des digital mums) utilise la toile pour trouver des informations pratiques: offres d'emploi, annonces immobilières, etc.
    La "Shopping Digital Mum" utilise principalement Internet pour les achats de la vie courante (alimentaire, produits ou services) ou pour effectuer des démarches administratives, déclarer les impôts, consulter des plans, cartes/itinéraires. Elle sollicite particulièrement les sites à forte notoriété pour leurs achats. Cette catégorie représente 26 % des digital mums.
    La "Social Digital Mum", qui représente environ un tiers des digital mums, est très présente sur les réseaux sociaux mais achète deux fois moins via Internet que les "Shopping Digital Mum". Pour cause, elle consomme essentiellement du contenu média (TV, presse et radio) et utilise Internet pour son côté pratique et ludique.
    La "Social B Shopping Digital Mum" (23 % des digital mums) est le profil type de la maman souvent connectée qui participe activement à des tchats, forums. Très présente sur des sites communautaires, elle est friande du Web 2.0 (enchères en ligne, sites de vente collaboratifs, etc.). 73 % de ces mamans souhaitent acheter encore plus de choses sur Internet. Elles lisent et s'expriment via le Net et restent sensibles aux actions des marques sur le digital.

    Marketing direct n°150 - octobre 2011

    Journée dans un état second

    Une boucle d'oreille perdue, chambre fermée à clé pour que la femme de ménage ne passe pas l'aspirateur, dormi sur la moquette, une fois de plus désespérée en réunion (mais qu'est-ce que c'est que ces mots qui paraît-il veulent dire autre chose que leur valeur faciale? (si votre pièce de deux euros est réputée en faire trois soixante quinze, c'est un peu dur à avaler)), après-midi dans la stupeur, Barbe-bleue magnifique, surprenant, dîner, rentrés, retrouvé ma boucle d'oreille.

    Juste pour moi, pour ne pas ne pas écrire

    Journée pleine et vide. La suite est pour mémoire, pour moi seule. (Cela risque d'arriver de plus en plus souvent, j'en ai peur. Ça passera.)

    ? Je ne lis qu'utile. Ça horrifie les enfants: «Tu ne lis jamais pour le plaisir?»
    Nous rions.
    ? Ils ne peuvent pas comprendre.
    ? Non, ils ne peuvent pas. Mais c'est vrai que je lis toujours avec une raison. Je ne lis plus jamais sans raison.
    ? [?]

    Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale, direction Monique Canto-Sperber. Ce n'est pas ce que je cherchais mais ça tombe bien. Et Martimort. Un peu gros mais ça devrait aller.

    Marie Tudor et Elizabeth Ière. Qu'est-ce que c'est qu'être reine quand votre mère a eu la tête coupée? Vivre dans la peur ou dans la vengeance.
    Le concile de Trente, un concile provincial méditerranéen.

    Il est 1h39. J'ai encore trois cents mots à écrire ? et je ne sais pas lesquels.


    4h34 : fait.

    Dans les marges

    En tout ceci [les balbutiements des rencontres œcuméniques en 1946] , Rome ne peut ni prendre une initiative, ni donner une permission officielle, et il ne faut pas demander de telles choses. Mais il faut que des initiatives soient prises à la périphérie. Si de telles initiatives ne sont pas prises, on n'avancera jamais.

    Yves Congar rapportant les paroles de Mgr Arata, Journal d'un théologien, p.91-92

    C'est amusant de trouver ici un de mes modes d'action le plus spontané: la discrétion, la marge. «Si tu ne veux pas qu'on te l'interdise, ne demande pas l'autorisation» est un vieux conseil, un leitmotiv de toujours.

    Je lis ce livre sans m'arrêter sur les mots inconnus (deux ou trois par page), sans retenir les noms qui foisonnent, sans comprendre les allusions.
    Ce sera amusant de le relire dans dix ans.

    Anniversaire

    Mon grand-père aurait eu cent ans aujourd'hui. Je vais me coucher.

    Pffff....

    Il va me rester deux heures et demie de sommeil. Fait vraiment suer.

    Il était une fois en Anatolie

    Je m'étais dit qu'au pire, je verrais de beaux paysages (enfin, beaux: de larges paysages, de gauche à droite de l'écran, des pans d'horizon).
    Ce n'était pas faux, à cela près que la moitié du film se passe la nuit, et que ce que l'on voit, ce sont des phares de voiture. Variations sur un champ, une fontaine, un arbre.
    La nuit crée le huis clos, dans les voitures, dans les maisons.

    Les thèmes sont ceux d' Une séparation. La famille, le couple, la vérité, la vérité bonne à dire, celle que l'on va taire ou amortir, par charité, par impuissance devant la cruauté de la condition humaine. «Ceux qui paient, ce sont toujours les enfants.»

    «Tout le monde a ses raisons», encore et encore.

    Plans fixes sur les paysages comme des tableaux, plans fixes en intérieur comme des photos. Personnages plus bavards que des personnages de Tarantino (si, c'est possible. Mais en turc, pas en anglais: il faut s'accrocher!)

    Beau film.

    L'Iliade, suite sans fin

    La colère d'Achille: je pensais que cela signifiait sa fureur au combat, mais en fait, c'est sa bouderie et son ressentiment. Je commence à être vraiment curieuse de découvrir ce qui le convaincra de revenir au combat. (Il vient d'autoriser Patrocle à conduire les Myrmidons au combat.)
    (Car de L'Iliade je ne connais que deux épisodes: la mort d'Hector et le cheval de Troie, qui nous furent racontés par une institutrice de CE2 (elle avait raconté aussi l'histoire d'Adam et Ève, et celle de Marathon.))

    Que de précisions anatomiques dans la description des coups mortels.

    Profession de foi

    Je l'ai fait s'installer dans la cuisine pendant que j'épluche les légumes. Lecture à haute voix, j'interromps régulièrement pour préciser un point ou vérifier la compréhension du vocabulaire:

    — «… C'était un mercredi, le plus beau jour de la semaine, car nos jours ne sont beaux que par leur lendemain. Tout en marchant, mon père me dit: — Crapaud, j'aurai besoin de toi demain matin. — Pour quoi faire? — Tu le verras bien. C'est une surprise. — Moi aussi, tu as besoin de moi? demanda Paul, inquiet. — Bien sûr, dit mon père. Mais Marcel viendra avec moi, et toi du resteras à la maison, pour surveiller la femme de ménage, qui va balayer la cave. C'est très important. — Moi, d'habitude, dit Paul, j'ai peur d'aller dans la cave. Mais avec la femme de ménage, je n'aurai pas peur.»
    — Pourquoi il dit "nos jours ne sont beaux que par leur lendemain"?
    — Je ne sais pas.
    — C'est quel jour, le lendemain?
    — Jeudi.
    — Avant, jusque dans les années 50 je crois, c'est le jeudi qu'on ne travaillait pas.[1] Il était content de ne pas aller à l'école le lendemain. Et pourquoi le père dit à Paul qu'il va surveiller la femme de ménage?
    — Parce que c'est très important?
    — Non. Paul est petit et il est toujours dans leurs jambes. C'est pour s'en débarrasser, mais de façon gentille, sans le faire pleurer. Le père invente un faux travail.

    Il rit de l'astuce. Je l'abandonne à une lecture silencieuse. Mon but est simplement d'éveiller sa curiosité: non, l'auteur n'est pas tombé sur la tête, si quelque chose est bizarre dans le texte, illogique ou incompréhensible, c'est qu'il doit y avoir une raison. (Plus tard il sera horrifié et ravi du massacre des fourmis (nous lisant soudain à haute voix les passages réjouissants), plus tard encore je lui expliquerai les cabinets au fond du jardin, la planche en bois et le journal découpé en carrés, lui rappelant pour stimuler son imagination nos affres quand nous n'avons pas eu d'eau pendant quatre jours un hiver).
    Il termine le livre dans la journée.

    Le livre traîne, je le ramasse, le feuillette.

    Mon père secoua tristement la tête, et soudain, d'une voix furieuse, il s'écria:
    — Voilà! Voilà l'intolérance de ces fanatiques! Est-ce que je l'empêche, moi, d'aller manger son Dieu tous les dimanches? Est-ce que je te défends de fréquenter ta sœur parce qu'elle est mariée à un homme qui croit que le Créateur de l'Univers descend en personne tous les dimanches, dans cent mille gobelets? Eh bien, je veux lui montrer ma largeur d'esprit. Je le ridiculiserai par mon libéralisme. Non, je ne lui parlerai pas de l'Inquisition, ni de Calas, ni de Jean Huss, ni de tant d'autres que l'Église envoya au bûcher; je ne dirai rien des papes Borgia, ni de la papesse Jeanne! Et même s'il essaie de me prêcher les conceptions puériles d'une religion aussi enfantine que les contes de ma grand-mère, je lui répondrai poliment, et je me contenterai d'en rigoler doucement dans ma barbe!
    Mais il n'avait pas de barbe, et il ne rigolait pas du tout.
    Cependant, il tint parole, et leur amitié ne fut pas troublé par les quelques mots qui leur échappaient de temps à autre, et que leurs femmes vigilantes escamotaient aussitôt par de grands cris de surprise, ou des éclats de rire stridents dont elles inventaient ensuite le motif.

    Marcel Pagnol, La gloire de mon père, p.61-62, Presses pocket 1976.

    Ce passage me laisse songeuse. Est-ce pour cela, que j'ai dû lire en sixième, (et tant d'autres auteurs de la même veine, catéchisme républicain) que j'ai si longtemps tu le fait que j'étais catholique et croyante? Je n'en parlais jamais, et d'autant moins que j'étais dans une filière "scientifique": oui, le prêche du père de Marcel avait porté, comment croire et faire des mathématiques et de la physique, comment expliquer la différence entre la superstition et la foi (objectivement, de l'extérieur, sans la foi, quelle différence?) et finalement et surtout, pourquoi expliquer, cela ne regardait personne, et puis c'était si étrange, il n'y avait aucune raison de croire plutôt que ne pas croire, ou inversement (après tout, pour moi cela avait été immédiat, dès la première seconde en entrant à la "mission" d'Agadir, et cela ne pouvait s'expliquer).

    Il m'a fallu beaucoup de temps pour découvrir que des gens "très bien" (comprendre: ni des fanatiques ni des grenouilles de bénitier) étaient croyants, encore plus longtemps pour m'apercevoir que l'Église, à tort ou à raison, occupait une place fondamentale dans le monde actuel, et à partir de là, mais sans doute davantage à cause des questions sociales et politiques posées par le foulard dans les années 80, pour comprendre et admettre que la religion n'était pas un épiphénomène à rejeter dans les sphères du privé, mais bien un élément structurant de la vie en commun (cf. Schmitt et "toute politique est une théologie", la croyance en un homme fondamentalement bon ou mauvais régissant les choix d'une organisation de société).

    Ce matin je termine la préface de Michel Gros à De la tolérance de Pierre Bayle (presses pocket 1992).

    … l'intolérance n'est pas la réponse à un désordre, elle est le désordre, elle est le désordre.
    Toutefois, cette première réponse, pragmatique, est sous-tendue par un principe plus essentiel: à l'égard de leur conscience, «les hommes ne dépendent pas les uns des autres, et n'ont ni roi, ni reine, ni maître, ni seigneur sur la terre; il ne faut donc pas blâmer un prince qui n'exerce point de juridiction sur les choses que Dieu ne lui à point soumises[2]» En d'autres termes, c'est la dimension transcendante de la conscience qui la fait échapper à toute dépendance terrestre. (p.33)

    Et au moment de m'enthousiasmer pour ces quelques phrases, je songe à Imre Kertész et Être sans destin. Non, finalement, ce n'est peut-être pas une bonne idée, ou pas une idée suffisante, la conscience de chacun comme seule limite et seul frein…

    Mais alors quoi? Toujours me revient à l'esprit cette phrase de l'évangile à propos des bons et mauvais fruits: "vous reconnaîtrez les prophètes à leurs fruits"[3].
    (Je suppose qu'on pourrait alors reculer la discussion d'un pas, en essayant de définir le bon et le mauvais fruit. Curieusement, il me semble n'avoir jamais rencontré ce type d'arguties, comme si la différence entre bon et mauvais fruit allait, elle, enfin, de soi.)

    Notes

    [1] En fait, 1972, je viens de vérifier.

    [2] Commentaire philosophique, pp.263-264

    [3] Matthieu 7.15. Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. 16 Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons? 17 Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits.

    Le pont

    Monet à l'Orangerie en famille (une première). Collection permanente, exposition sur les peintres espagnol (bien).
    Déjeuner en terrasse dans le jardin des Tuileries. Courses diverses dans la foule parisienne, ce que j'évite, habituellement.

    Rare

    Aujourd'hui, j'ai lu un livre.

    Ne riez pas, c'est exceptionnel, suffisamment pour que je le note ici.

    Ma héros, mon modèle

    « Casimir! Les valoches !»

    Quand je serai grande, je veux être Léontine.

    Pour les cruchons, quelques répliques de Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages.
    (Ce site est un régal.)

    Anna Karenina en turc




    Vendredi soir, après les cruchons
    Je l'observais, il était à soixante ou cent pages de la fin. J'étais inquiète pour lui, de ce qu'il allait lire.

    Wagner c'est… c'est puissant, non ?

    Projet : aller voir en groupe Stéphane Bern dans Celles qui aimaient Richard Wagner.

    Cosplay: les garçons habillés en Louis II, les filles en Arielle Dombasle.

    Si vous voulez participer, laisser un mot dans les commentaires, je vous tiendrai au courant.

    Politiquement incorrect

    Conversations entre assureurs

    — Je viens d'une boîte américaine. Les mails étaient filtrés, il leur a fallu du temps pour comprendre que insurance se disait "assurance", et chaque fois que nous écrivions "ass", nous recevions un mail en anglais nous avertissant que nous utilisions des mots non autorisés et qu'une récidive entraînerait des sanctions…
    — Ils lisaient vos mails? Et la CNIL ?
    — Bah…



    Un peu pas écrivable, j'ai hésité, mais je tente (conversation à quatre ou cinq):

    — J'ai regardé l'émission sur Hitler hier, j'ai été choquée d'apprendre qu'Hugo Boss avait dessiné les uniformes des SS. Et Ford qui offrait cinquante mille dollars à Hitler pour son anniversaire…
    — C'est comme Allianz qui assurait les camps de déportations…
    — Oui. Vous imaginez la visite de risque? Vos chaudières m'ont l'air un peu en surchauffe, là…
    — Est-ce que vous avez correctement sprinklé vos bâtiments?

    L'aîné - florilège

    • 15 octobre 2011
    Dispute avec Clément qui me dit "qu'il se demande s'il veut aller aux Etas-Unis cet été". Je lui dis que ce n'est pas un choix et qu'il y en a marre qu'il obtienne toujours ce qu'il veut sans que nous n'ayons rien en retour.
    Au fond de moi je sais qu'il faut qu'il vienne mais aurai-je le courage de le lui imposer?

    Il me répond alors que "je n'ai pas le choix". Nous sommes dans la voiture pour aller faire les courses. J'arrête la voiture: "Tu descends ou tu t'excuses". Il s'est excusé.

    • 16 octobre 2011
    Hervé m'apprend que C. n'a pas apporté le disque dur à Rhotull alors que je l'avais rappelé à C. tous les jours de la semaine. => C'est bon, il viendra aux US avec nous, ça suffit1.

    • 22 octobre 2011
    Tandis que je reçois le courrier de l'Alsacienne pour le voyage des premières à Berlin de A., C. murmure: "je regrette de ne pas y être allé". (Je ne dis rien mais quitte la pièce, furieuse2.) (Je vais inscrire A d'office.) (Mais à la réflexion, avait-on l'argent à l'époque?)

    • 26 octobre 2011
    Clément tire la tronche ce matin.
    moi: — Tiens, Daniel [le voisin] a encore changé de voiture?
    C : — J'en sais rien.
    Ça me fait sourire, sa mauvaire humeur cyclothimique m'exaspère donc je souris: — On dirait Claude.
    — Oh mais va te faire foutre! J'en ai marre à la fin.

    J'abandonne la voiture, moteur allumé, que je conduisais, et je vais prendre le bus (il est 7h20).


    Note
    1 : note en janvier 2017 : des années après ça paraît une étrange punition! Il s'agissait simplement qu'il soit avec nous et arrête d'en faire à sa tête, sans jamais nous prendre au sérieux.
    1 : parce qu'à l'époque il avait catégoriquement refusé d'y aller malgré mon insistance.

    Décrire le monde

    Hier, attendant un livre, je musais dans le sous-sol de la bibliothèque de Sciences-Po: tous les grands classiques de la philosophie politique et de l'économie, en accès direct, consultables sur place, quatre ou cinq rangées d'étagères remplies de livres tranches contre tranches (étagères perpendiculaires au mur, livres sur deux épaisseurs). Un moment j'ai été tenté d'évaluer combien de jours représenterait leur lecture intégrale, mais le vertige m'a pris, frustration et fatigue confondues, j'ai préféré abandonner.

    Ricardo ou Pareto? Je voulais lire l'un des deux, mais je ne sais plus lequel (plutôt Pareto, je pense, car en regardant leurs biographies, il me semble avoir lu Ricardo il y a bien longtemps, en même temps qu'Adam Schmidt). J'aime cette écriture. C'est si simple au début. Cela ressemble à la physique: c'est si simple au début. On a l'impression qu'on va tout comprendre. Arrivé à Schumpeter et Samuelson, le découragement gagne (mais avec la théorie des jeux appliquée à l'économie, qui modélise l'illogisme du comportement humain à partir d'enquêtes et d'études statistiques, l'intérêt renaît (la "rationalité" économique est vraiment une hypothèse aberrante, je ne comprends pas qu'elle ait pu être utilisée si longtemps en étant si manifestement inadaptée)).

    Je m'égare. «Ce que je voulais dire, c'est que» je suis tombée en arrêt devant la production de Raymond Aron. Combien de mètres d'étagère, deux, trois? Même en comptant les volumes en double, c'est énorme. J'ai ouvert les tomes reprenant les articles parus dans le Figaro. Papier bible, trois tomes, "huit cent cinquante six articles", me dit Amazon.
    J'ai pensé à François Mauriac. Où sont passés les "plumes" de la presse? Y en a-t-il encore, que je ne saurais reconnaître? Les seules chroniques à la fois sérieuses et personnelles seraient-elles toutes désormais des billets de blogs? Mais peut-on comparer cela au prestige, au savoir, à la connaissance d'un agrégé de philosophie trempé par la guerre ou d'un prix Nobel de littérature? (Je sais, les titres ne sont pas un vaccin contre la bêtise. Mais tout de même…)

    Dimanche

    Matinée sur la "tolérance". Passionnant (Thomas More, l'édit de Nantes, Locke, Voltaire, Bayle).
    Tarte aux poires. Bord des larmes. Sieste. Suède et googlemaps. Ecrire est trop long, je me sens dépassée par la quantité. Habemus papam. Sommeil.
    Rien fait de la journée, d'une certaine façon.

    Une voix

    Je suis tombée amoureuse d'une voix, celle qui fait les annonces vers 18 heure sur le quai du RER D aux Halles. J'ai fait un sondage (sur trois personnes), c'est apparemment la même voix qui officie gare de Lyon, elle doit prendre en charge toute la longueur des lignes A et D dans Paris, et peut-être la B.

    Comment ont-ils recruté ce jeune homme (je ne peux imaginer qu'il ait plus de trente ans, il y a quelque chose de juvénile dans la tessiture), sur quels critères, à partir de quels tests? Vocabulaire, syntaxe, intonation, tout est parfait, et lorsqu'il commence à dire des choses aussi bizarres que: «Ligne D, je ne peux vous dire quand vous aurez un train pour la gare de Lyon car je n'en sais rien. Tous les trains sont bloqués depuis 17h40. Si vous souhaitez vous rendre à Melun, je vous invite…» (etc), je me sens rassurée: quelqu'un est en train de nous dire la vérité et essaie de nous proposer une solution.
    Effet incroyable de cette voix: toute autre m'aurait fait rire sardoniquement, celle-ci m'apaise. Et lors de mon sondage (très scientifique, effectué au petit déjeuner), j'ai eu la surprise de découvrir que les trois sondés avaient tous les trois repéré cette voix, et l'aimaient tout autant que moi.

    Et je songe à "la Voix" dans V pour Vendetta.

    L'Inde

    Tableau plutôt inquiétant de l'Inde ce soir par Mira Kamdar; tant de richesses mises sous le nez de tant de pauvres (La petite fille aux allumettes démultipliée par la télévision). Mais finalement Slumdog millionnaire montrait très bien tout cela.

    — L'Inde est la plus grande démocratie du monde. Chaque fois qu'il y a des élections en Inde, ce sont toujours les plus grandes élections jamais organisées, puisque la population étant en croissance , il y a toujours plus de monde qui vote.

    Andouilles

    Je propose qu'on envoie des andouillettes AAAAA au comité de direction de Moody's.

    Jour faste

    Nous avons raté le RER de 7h06, et le train de 7h12 était un "court", c'est-à-dire avec moitié moins de wagons que la normale. Après être restée un moment à tanguer dans les escaliers menant au premier étage, je suis allée m'établir dans le couloir du rez-de-chaussée afin de pouvoir lire sans tomber.
    Et c'est alors que je l'ai vue, "ma" Princesse de Clèves:







    Et le soir, dans un RER en retard, Gilberte lisait Un amour de Swann.







    Maintenant, il me faut un lecteur de Camus.

    Saint Joseph

    Des notes en vrac, vite, de mémoire. (En réalité il y en a huit pages manuscrites).

    — Il est le patron de la bonne mort, ce qui va sans doute vous étonner.
    — Pourquoi devrions-nous être étonnés?
    — Parce que la bonne mort n'est pas ce qu'on envisage aujourd'hui. A l'époque [XVIe au XVIIIe siècle], c'est celle qui vous permet de vous préparer, celle qui ne survient pas brutalement.



    Durant le Moyen-Âge, le pauvre est une figure du Christ. Mais à partir de 1520, dans les pays du Nord, va se produire une évolution, il va devenir louche, facteur de troubles et être marginalisé. D'abord il s'est produit un rattrapage démographique suite à la peste noire, et nous sommes dans un pays plein, que l'on parvient tout juste à nourrir (et je songe à L'Oeuvre au noir). D'autre part nous assistons à une évolution de l'aumône. Jean-Louis Vivès écrit le De subventione pauperum, il plaide pour une organisation de l'aide et la fin (du moins la raréfaction) de l'aumône individuelle, inefficace (l'aumône individuelle était destinée à assurer votre salut: le pauvre priait pour vous).

    Une définition du bon et du mauvais pauvre apparaît: le "bon" pauvre, c'est le pauvre malade ou le pauvre honteux, celui qui voudrait travailler mais ne le peut pas, celui qui a honte de sa misère; le mauvais pauvre, c'est le paresseux (et je souris en pensant que cette distinction avait de l'avenir devant elle).



    Avant la révolution de l'imprimerie, il y a eu la révolution du papier, quelques années avant.

    Première Bible (catholique) traduite intégralement en français : celle de Lefèvre d'Etaples en 1532. Publiée en petit format, destinée à la pastorale, pour les fidèles. Une transformation de l'Eglise chrétienne était sans doute en cours, la Réforme est venue interrompre le processus et l'histoire a pris un autre cours.

    Dans la série des explications qui n'expliquent rien

    — «Aussi improbable que du Metallica dans une playlist de Maïlé Çaillllrus»… C'est quoi Maïlé Çaillllrus?
    — Une horreur. M,i,l,e,y C,i,r,u,s.
    — Ah, Milé Cirus…
    — Maillley Çaïrus. Elle est à la musique ce qu'Attila est au jardinage.

    (J'ai quand même fait une recherche.)

    Discussion

    Ça marche !

    Je n'en reviens pas. Une dizaine d'inconnus réunis autour de treize textes. Et ça marche: il est possible de discuter, possible d'avancer, de découvrir le texte à travers les yeux de son voisin. Je n'aurais pas parié un kopek là-dessus.

    Il me reste à déterminer les conditions du succès: un maître du jeu, qui sache résumer ce qui vient d'être, ouvrir de nouvelles pistes et faire respecter la parole de chacun, jusqu'au bout.


    Appris : au XVIe siècle, on apprenait à lire, pas à écrire (d'où les croix sur les contrats: on savait les lire, pas les signer).

    La faim dans le monde

    Des notes de mémoire, presqu'une semaine après (j'écris le 19 octobre): qu'est-ce qui reste?

    Vibrant plaidoyer de Sylvie Brunel en faveur des agriculteurs, y compris en France.

    On avait faim en France en 1945. Courbe de croissance de la population comparée à la courbe de la production agricole. Comment avons-nous évité la famine? Par une révolution technologique (tracteurs, engrais ("produits phytosanitaires), remembrement (révolution du foncier)).

    Aucune agriculture ne peut se développer sans des politiques protectionnistes (et je pense à la Suisse…). Ce qui manque à l'Afrique de ce point de vue, ce sont des volontés politiques.

    Sylvie Brunel donne des chiffres, bat en brèche quelques préjugés:
    - Un tiers des personnes souffrait de la faim quand nous étions 3 milliards, il y en a 17% aujourd'hui mais nous sommes 7 milliards.
    - L'Afrique est un pays riche en terres, la preuve, des pays comme la Chine ou l'Allemagne (!) y louent des terres cultivables.
    - Cependant, beaucoup trop de terres échappent aux paysans sous prétexte de réserves naturelles (ex du Kenya), les touristes viennent voir "les big five": lion buffle rhinocéros guépard éléphant.
    - Aucun agriculteur ne veut produire pour se nourrir: il produit pour vendre (et acheter). D'où l'importance des volontés politiques. Les agricultures naissantes doivent être protégées.

    J'apprends avec stupéfaction qu'en France, être vert serait être pour la forêt contre les prairies: ???

    Plaidoyer pour que nous étudiions objectivement les OGM sans les rejeter par principe. Remarque sur les carburants verts: les paysans pauvres y sont favorables, ces carburants (1% de la production) représentent des revenus. (En fait, Sylvie Brunel nous a mis en garde contre une boboïsation/romantisation de l'agriculture: non, les agriculteurs ne sont pas là pour faire plaisir à quelques citadins qui n'ont jamais fait pousser une tomate.)

    — Certains veulent qu'on plante du sorgho. Mais qu'est-ce que vous faites avec du sorgho, hein? Un épi de maïs, c'est mille cinq cents utilisations.

    Trois P : la paix, la pluie, les prix.
    Cinq F: feed, forest, food, fuel, fiber

    Ordre de grandeur

    Parole d'assureur:

    — Non, mais les incendies de la Saint-Sylvestre, on est à des années-lumières de ce que coûte un retour de week-end !

    42

    Vendredi soir, en allant aux cruchons, dans un des nouveaux wagons du RER B (je le note, ça fera un point de repère quand nous nous demanderons: «Mais quand donc la ligne B a-t-elle changé de wagons? Tu te rappelles, les wagons sales à lumière jaune?»)

    Donc voilà, la lumière est blanche.

    Quelques instants plus tard, cet homme s'est mis à rire tandis qu'il avançait dans les dernières pages du Dernier Restaurant avant la fin du monde, deuxième tome de la série de Douglas Adams.



    Malade

    Matinée au lit. Je lis le dernier tome du journal de Julien Green, Le grand large du soir. C'est un peu trop sentencieux pour me plaire, mais cet homme est impressionnant, il a croisé tout le monde. Et il est la preuve que l'on peut rester lucide jusqu'au bout.

    J'ai l'intention de m'atteler à mon dossier d'histoire l'après-midi, mais O. regarde Le bon, la brute et le truand derrière moi. C'est irrésistible. Je m'endors dans le canapé près de lui. Quel film antimilitariste, ou pacifiste. Quel beau film sur la pitié, le cigare donné à Paco, les larmes du musicien, le sourire du capitaine mourant en entendant sauter le pont et les dernières bouffées du soldat.

    Malade

    Mon médecin est rentré mais il ne peut pas me prendre. Trop de monde. Il présente des excuses, sa voix est blanche.

    Institut Arthur Vernes, six heures. Consultation sans rendez-vous. Nous sommes au moins six ou sept à attendre, je ne sais dans quel ordre, posés au hasard sur les chaises. Le silence est profond, impressionnant, comme si nous étions oubliés du monde tandis que la nuit tombe. Cela dure une heure. Je finis Sesbouë et je m'endors.

    Virus grippal. Ce n'est pas la grippe, ce n'est rien en fait: dormir et boire. Je sais bien que c'est une réaction à jeudi.

    Visite de la bibliothèque sous les toits. Dans la journée elle doit être admirable. J'en profite pour vérifier que JA n'est pas référencé dans la revue Études. (Ouf. Parfois la Terre se remet à tourner sur son axe.)

    Histoire. Les peurs de l'Occident. «A fame, a peste, a bello, liberanos Domine.» Je m'ennuie doucement, je me dis que ce doit être nécessaire, ce doux ennui, nécessaire aux courses de fond, pas de précipitation. L'Occident toujours en guerre, au XVIe et XVIIe siècle, la paix une exception, les armées sous la protection d'un saint (et je me dis que nous ne sommes pas si loin de L'Iliade et des dieux de l'Olympe), la victoire comme une justification, la défaite comme une malédiction, un grain de blé en donne cinq, il faut en garder un ou deux pour les semences, et encore c'est une bonne année, si un grain en donne deux, c'est une catastrophe.

    (A une époque, il courait le bruit que c'était une question à l'oral de l'ENA: combien de grains sur un épi? J'avais posé la question à mon père, qui avait pris le problème logiquement: un épi mesure quatre à cinq centimètres, chaque grain mesure sept à huit millimètres, ils sont attachés sur quatre rangs… Bref, nous arrivions à un nombre entre vingt et trente. A vérifier.)

    Les sorcières, l'astrologie, le purgatoire, les limbes,… une jeune noire, dont je ne sais si elle vient des Dom ou d'Afrique, pose plusieurs questions: visiblement elle n'arrive pas à imaginer que l'Occident ait pu être aussi "attardé". (Et j'ai un peu honte, je me demande ce qu'elle a appris, je me dis que "nous" n'avons pas été honnêtes.)

    Je savoure ce que je n'ai finalement jamais connu: un professeur qui lit des thèses, et qui est donc au courant des dernières recherches. Ses affirmations ressemblent à des lieux communs, mais chaque question provoque des précisions bien au-delà de ce que nous attendions.

    Empreinte

    — Vous avez bien dormi ? nous a-t-il été gentiment demandé avant le procès.

    Avant oui, mais depuis, non. La nuit suivante, pas dormi (le vin? la tension?), la nuit d'après, malade, cette nuit, des rêves me ramenant encore et encore dans cette chambre de tribunal où nous avons passé un après-midi à écouter des histoires de camions volés, vendus, inclus ou non dans des inventaires, d'interdiction pour des mari et fils d'entrer en contact avec leur épouse ou sœurs, les craintes d'un avocat futur papa redoutant une audience après l'accouchement.
    Je passe mes nuits dans cette pièce de chêne clair, au papier rouge et doré (j'ai cru un moment qu'il s'agissait de pochoirs, mais sans doute pas), dont le plafond à caissons reprend les fleurs du Quinconce.

    Le retour du fils prodigue

    Il a grandi, il a mué (c'est étrange), et il m'étonne à parler français avec tant de fluidité après dix semaines en Allemagne.

    Un peu étonnant

    — Mais comment voulez-vous que je travaille si je ne comprends pas ce que je dois faire?
    — Il suffit de travailler mal.

    Steve Jobs (1955-2011)

    C'est bizarre, tout le monde le connaît à présent, à cause (ou grâce) à l'iPod et l'iPhone. Quand l'iPod avait connu le succès, j'avais ressenti la même impression que lorsque Umberto Eco était tombé dans le domaine public avec Le Nom de la rose.

    Mes souvenirs de Steve Jobs, c'est le Newton et le lancement de NeXT. Je devrais sans doute le mettre dans l'autre sens, d'ailleurs, NeXT France ayant précédé le Newton. Mais si l'on excepte le lancement de NeXT à la Défense , cela n'a compté qu'après (dans ma vie, je veux dire).

    Le Newton, ce sont des week-ends de solitude avec C. qui savait à peine marcher, pendant que H. allait développer des "applis" chez et avec un ami. Evidemment, vu les ventes du Newton en France, cela ne nous a pas rendu «rêches et célibres», selon notre expression de l'époque. (Je me souviens d'un dessin, d'une pomme en train de tomber sur la tête de Newton, avec une bulle: «Soit je rebondis, soit c'est le grand splash.» La pomme n'avait pas l'air très rassurée.)
    Sans doute cette solitude m'a-t-elle fait souffrir davantage que je ne le pensais (en fait je n'avais pas conscience de souffrir, je considérais tout cela avec bienveillance, amusée d'être perpétuellement trompée avec l'informatique (je n'ai jamais accepté un portable dans mon lit, comme quoi la symbolique doit être plus profondément enracinée que la boutade pourrait le laisser croire)), car lorsque l'iPhone a commencé à connaître le succès que l'on sait et que H. a évoqué l'idée de "développer des applis" pour lui, j'ai explosé. J'ai dit non, surprise moi-même par la violence des sentiments qui remontaient, et que j'ignorais jusque alors (entre les deux dates, il y a douze à quinze ans).

    NeXT, c'est différent. Nous n'avions pas les moyens d'en acheter, et pourtant, je ne sais combien de NeXT il y a eu à la maison, plus ou moins en pièces détachées, les uns servant de donneurs d'organe aux autres. H. était en extase devant leur système d'exploitation, régulièrement je l'entends soupirer «l'informatique n'a fait aucun progrès depuis le NeXT, quand on l'allume, on voit que tout y était». Je n'ai jamais compris pourquoi il ne s'était pas lancé à corps perdu dans l'aventure. La peur de réussir ou la peur d'échouer ou la peur d'être déçu par ce qu'il aimait profondément? (et le savoir aigu que Steve Jobs avait un caractère impossible, dictatorial). J'aurais dû lui poser la question à l'époque, je regrette de ne pas l'avoir fait.
    J'ai été heureuse d'apprendre un jour que NeXT était le père d'internet (enfin, ne disons tout de même pas trop de bêtises dans un domaine que je ne maîtrise pas: la machine qui a porté le premier réseau internet, cf. le lien donné plus haut).

    Il me reste aussi un T-shirt. Je ne l'ai pas jeté, même si franchement il est dans un état lamentable.




    J'ai pensé à «Roll the dice. Mourning will commence at dawn».

    Transmission des valeurs

    Si votre fille termine sans sourciller un devoir d'anglais (écrire un mail à une amie au Kenya, d'après ce que j'ai compris) par « I will be back», il est possible que vous ayez réussi à transmettre quelque chose.

    1984

    Quai du RER D aux Halles hier soir.



    Tri

    Jeté le carton de ramettes de papier qui nous servait d'armoire à pharmacie depuis une quinzaine d'années (l'anté-pénultième déménagement, je crois). Jeté une poubelle de médicaments périmés, avec des dates de péremption oscillant de 2004 à 2008.
    Maintenant notre stock tient dans une boîte à chaussures (Smecta, Vick, aspirine et doliprane. Et des pommades contre les piqûres de moustiques, les coups de soleil, les courbatures).

    Je fanfaronne, mais c'est que j'ai la perception aiguë de la fin de ma vie (au sens long du terme, en années et non en jours), quand les pilules et cachets seront devenus mes compagnons quotidiens. Alors pour le moment? profitons-en, profitons-en.

    Longue haleine

    Nous sommes quarante-cinq. Combien seront encore là dans huit ans? Je n'ai encore jamais passé autant d'années avec un groupe, ni avec des camarades d'université, ni avec des collègues de bureau.

    Petit matin à La Défense

    Derrière le bouquet de bambous où je me suis arrêtée lire quelques dernières lignes avant d'entrer au bureau, j'entends la conversation téléphonique d'un Arabe, grand, sec, mal rasé, la trentaine.

    — Ah bon? C'est pas une fille du bled?
    — …
    — C'est pas une fille du bled? Elle est pas réservée depuis vingt-six ans?

    Stachkou

    Mon grand-père s'appelait Stanislas.

    Quelle surprise de découvrir son surnom soudain transcrit, et son orthographe: «la femme de ce satanique Stanislas Przybyszewki, "Staczu"» (Demeures de l'esprit - Danemark Norvège, p.190).

    «Stachhhkou!», c'était le cri de ma grand-mère à l'heure des repas, retentissant dans la cour de la ferme appelant mon grand-père en train de scier, découper, souder, dans son atelier, odeurs de fer chaud et de graisse de tracteur, étincelles jaillissantes, mon grand-père tenant devant lui son antique masque de soudeur (nous ne devions pas regarder, mais comment ne pas regarder des étincelles jaillissantes? feu d'artifice à portée de main).

    (Et lorsque je pense à ce cri, je pense aussi à «Les enfants, où sont les enfants?», trouvé chez Colette, qui traduit si bien l'inquiétude perpétuelle que nous tombions dans le puits.)

    Fascination

    Je ne comprends pas la fascination (fascination-contemplation, non fascination-adhésion) de certains pour le spectacle de la méchanceté et de la bêtise à l'œuvre. Sadisme par procuration, masochisme de sentir le malfaisant appartenir à notre commune humanité, et donc nous lui ressembler, ou lui nous ressembler?

    La traversée de Paris 2011

    Sur l'eau à six heures et demi, il fait encore nuit. Je suis à la nage. Le parcours fait trente kilomètres, j'en ramerai vingt environ.

    Il a fait un temps magnifique, nous ramons tranquillement, l'île Seguin et les usines taguées, l'immeuble de TF1, le pont du périphérique, pas beaucoup de voitures, très vite les monuments s'enchaînent sans interruption, je n'avais jamais pris conscience à quel point tout est proche. Le fait d'être sur l'eau change la perspective, droite et gauche se fondent, il y a toujours quelque chose à voir sur une rive.

    Mirabeau, Grenelle, la statue de la Liberté, le pont de Bir Hakeim («le pont le plus souvent filmé au cinéma». Mes compagnons de galère paraissent bien connaître Paris, l'un d'entre eux avouera plus tard qu'il parcourt la capitale à la recherche des statues équestres («C'est la première statue équestre jamais commandé à une femme. Tout le monde n'a pas le goût de ce domaine artistique particulier et bien délaissé, mais, moi qui l'ai très fort, […]» (Demeures de l'esprit - Danemark Norvège, p.63))), la tour Eiffel, (je la verrai surtout au retour, s'éloignant contre le soleil levant), le palais de Tokyo, le zouave du pont de l'Alma a les pieds au sec, (mais finalement il n'y a pas beaucoup de place sous les ponts, comment font les péniches quand le niveau monte? (et je me souviens des bateaux extra-plats destinés à passer sous les ponts si bas de Zürich)), grand Palais, petit Palais, l'Assemblée nationale, on aperçoit la pointe dorée de l'obélisque, l'orangerie, le jardin des Tuileries, à quel niveau se situe Orsay, n'empêche on savait construire des gares à cette époque (mais alors à quoi servait la gare d'Austerlitz?), quelle est cette statue rive gauche qui paraît commander la passerelle, tout le reste m'est si connu que je vois à peine (au retour, le portrait sans visage de Marie-Antoinette qui couvre la Conciergerie, la cour de Cassation où je suis venue écouter Rémi en colloque), je vois s'éloigner le pont des Arts et ses cadenas brillants dans le soleil qui se lève (ne pas oublier que nous ramons en reculant, donc dos au soleil pendant la première partie du parcours), la vue de Notre-Dame est inoubliable, nous sommes dans une vallée encaissée, les remparts s'élèvent jusqu'à la statue de Charlemagne, les habitants des péniches sortent en pyjama nous regarder, il y a longtemps que les bateaux se sont égayés, les plus rapides dépassant les autres, puis les distances se sont équilibrées et stabilisées, nous sommes doublés à plusieurs reprises par une yolette de diablotins qui hurlent «Jambier» sous les ponts («En fait ils ne rament pas, ils font des essais accoustiques») et qui doivent s'arrêter souvent puisqu'ils nous doublent plusieurs fois (ils ont de très jolis ailes noires), l'hôtel de ville apparaît exactement dans la trouée entre les deux îles, nous faisons demi-tour après l'île de la Cité.

    Non, la "traversée de Paris" ne traverse pas Paris.

    Retour. Le soleil monte, Paris s'éveille, nous sommes bien. Les deux rameurs derrière moi font un faux mouvement, je reçois une pelle (rame) dans le dos, je perds l'équilibre, je suis à plat dos dans le bateau, la tête hors du plat bord, je sens la yolette basculer, un instant je me vois glisser à l'eau à plat dos tête la première, quelle situation étrange, allons-nous nous retourner, une yolette ne peut pas se retourner, on aurait l'air con, la situation se rétablit, je me redresse, je n'ai rien compris à ce qui c'était passé, ni le quoi ni le comment, mais je ne suis pas tombée à l'eau.

    Dans le bateau, un homme travaille à l'organisation des transports maritimes (j'ai oublié le terme exact). Il m'apprend un peu de vocabulaire et des dictons, en particulier «fortune de mer», l'équivalent d'impondérable ou de force majeure sur terre, et que je trouve magnifique, et «en mer, le doute profite à la nature».

    Je rentre à trois heures et je me couche.

    Samedi doré

    Vaisselle.
    Lessive.
    L'Iliade. Cette terreur des Atrides de voir leurs navires (leurs nefs creuses) brûler. Les Troyens ne cherchent pas à les repousser à l'eau, mais au contraire à les piéger sur place en détruisant leur flotte. Curieux.

    Partie en retard donc en voiture. Arrivée en retard au club. Démontage des bateaux. Chargement.
    Club de l'ACCBB aviron (incidemment, celui du calendrier («Ah oui, tu vas pouvoir leur dire: "Mais oui, je vous connais, vous êtes à poil dans ma cuisine"»)), pelouse douce aux pieds, montage des bateaux, temps splendide.

    Périphérique, je dors, je m'endors au volant.

    Les Liaisons dangereuses

    Nouveau téléphone. Mauvaise lumière du RER B que les Parisiens connaissent: insuffisante et jaunâtre. J'ai un peu hésité à mettre la photo en ligne, mais la jeune fille avait l'air si concentrée, et le livre de poche si ancien? (Un instant j'ai cru qu'elle lisait La Princesse de Clèves, ce qui aurait été fantastique. Tant pis.)



    (Ce matin un lecteur d'Une vie bouleversée, mais il se levait pour sortir quand j'ai découvert son livre en m'asseyant devant lui. Dommage.)

    Troy Davis

    Ce n'est pas parce qu'il y a doute sur sa culpabilité que Troy Davis ne doit pas être exécuté.

    Il ne doit pas être exécuté parce que «Tu ne tueras point». Un État de droit doit être capable de dominer cette pulsion qui est finalement celle de la facilité, désarroi devant les monstres ou loi du talion, conception archaïque de la justice.

    Bonne pour le service

    Mon médecin a eu un accident. Je ne sais pas lequel, le répondeur indique un retour prévu en octobre. (J'espère que ce n'est pas grave. Bon exemple de ces attachements/inconnaissance: au bout de seize ans de visites régulières plus ou moins semestrielles, peut-on prétendre connaître son médecin?)

    J'avais besoin d'un certificat médical pour l'aviron.
    J'ai choisi un médecin 1/ sur son nom 2/ chez qui il soit simple d'aller à partir de mon bureau.

    Conversation courtoise et brève qui se termine par:
    — Vous ne me semblez pas très médecin, vous !
    Large sourire: — Moins j'en vois, mieux je me porte, par définition.
    — Deux entraînements par semaine… Vous êtes en pleine forme.
    — Oui!



    PS: dimanche, je serai sur l'eau à six heures du matin pour la traversée de Paris.

    Bof

    La collection des photos de lecteurs est gravement compromise: mon nouveau téléphone fait du bruit et active le flash sans me demander mon avis quand il prend une photo. Il me reste à trouver de la pâte à modeler pour boucher les hauts-parleurs.

    Coup de blues ce soir: un relevé d'informations m'indiquant que H. a travaillé 64 trimestres sur les 166 nécessaires à sa retraite, et C. qui m'annonce que «il va s'ennuyer cette année». Et ce foutu téléphone… Bah.

    Faire la vaisselle

    Classiquement : deux bacs d'eau chaude autant qu'on peut la supporter, du liquide vaisselle dans l'un («si, c'est utile: ça dégraisse, chasse les odeurs, tue quelques bactéries»).
    Laver les pièces une à une — d'abord les verres (le moins sale), puis les bols, les couverts et les assiettes, enfin les plats — les mettre dans le bac de rinçage en essayant de ne pas y mettre de mousse du même geste (je ne savais pas qu'il était possible de mettre autant de mousse dans un bac de rinçage simplement en y mettant des verres et des assiettes qu'on venait de laver («Non, on ne rince pas à l'eau courante. Mais arrête, on voit bien que tu n'as jamais fait la vaisselle sans eau courante. Si tu tirais ton eau du puits, tu serais plus économe.»))
    Sortir les pièces au fur à mesure, et avec douceur, sans choquer la vaisselle, sinon des éclats de porcelaine ou de faïence se détachent des assiettes et des bols («et encore, l'évier est en plastique. Avec les éviers en grès, il faut faire attention, sinon tu exploses littéralement tes assiettes»).
    Oui, c'est celui qui lave qui sort la vaisselle du bac de rinçage, celui qui essuie ne doit pas se mouiller les mains. Et oui, vers la fin, avant de passer aux grosses pièces, tu peux changer ton eau de lavage, ou vider ton bac de lavage et laver les casseroles et plats au fur à mesure en les remplissant d'eau avec une giclée de liquide vaisselle.

    J'ai appris à R. à faire la vaisselle. Pour sa part, il a appris à H. qu'il ferait des ravages chez les bears (non mais lol). Et bien sûr, il a remarqué mon calendrier. («Mais non, il ne le verra pas…»).

    On s'est bien amusé. ( «Il détestait le poisson, alors je choisissais toujours des restaurants à poissons…» «Je suis sorti avec un rugbyman qui s'appelait Momo…» «Le pompier m'a passé un joint et m'a dit: "à demain"» «Tu as peur d'une rupture de la chaîne du froid?» «En Suisse, si tu es juriste ou américain, ils ne t'opèrent pas, tu perds en espérance de survie», etc.)

    Les mariés de mai

    Il ne semble pas que la consécration du mois de mai à Marie (début XVIIIe siècle) ait été une initiative visant à christianiser les manifestations folkloriques de cette période de l'année. Mais elle fut peut-être une réaction contre la croyance assez répandue que ce mois est un temps néfaste — durant lequel on craignait par exemple de se marier sous peine de malheur[1].

    Jean Delumeau, Monique Cottret, Le Catholicisme entre Luther et Voltaire, p.346

    Je me suis mariée en avril. Lorsque j'avais évoqué une date en mai, ma mère avait paru scandalisée: «Tu ne trouveras jamais un prêtre pour te marier en mai! C'est le mois de Marie, et d'ailleurs, se marier en mai porte malheur.»
    Et de m'énumérer, en sûre chroniqueuse du malheur, trois ou quatre mariages célébrés en mai, tous terminés par des divorces ou des veuvages prématurés. In petto je m'étais demandé si ses origines berrichonnes jouaient (la Mare au diable) dans ces superstitions qui choquaient mon esprit catholique tout en impressionnant cette partie de nous qui aimerait tant croire à la magie (après tout, il y a des exemples… on a beau savoir qu'ils ne sont qu'un prélèvement sur le réel, sans aucune valeur statistique… ce sont des cas avérés… et donc…)

    Je trouve aujourd'hui une explication au tabou du mariage en mai: un tabou d'avant la consécration à Marie, maintenant imputée à cette consécration… Je ne suis pas sûre que l'Eglise ait gagné à cette assimilation. Et je me demande si les prêtres refusent réellement de marier en mai. (Il ne me semble pas. Il suffirait de regarder les registres.)

    Il n'y a pas longtemps encore, quelqu'un m'ayant parlé d'un mariage en mai, je me suis demandée si ce mariage avait ou allait bien tourné/er (mais je me suis tue).

    Notes

    [1] M. Louis, Le floklore et la danse, Paris, 1963, p.143

    Petit plaisir

    J'avais repéré un imperméable il y a une semaine (bon d'accord: un trench (kaki, pas noir)).
    Je l'ai acheté.
    J'espère qu'il va pleuvoir.

    Des nouvelles du front

    J'ai (enfin) IE 8 au bureau, ce qui me permet de consulter et mettre à jour Google agenda (quel progrès).

    Je repère quelques collègues: celle qui lit Le portrait de Dorian Gray en anglais, celui qui tient un livre Gallimard poésie (Jacottet) tandis qu'il discute dans le couloir (à croire que c'est son interlocuteur qui vient de lui passer, mais je n'ai pas eu le temps d'observer la scène), celui qui a la réputation d'être un puriste et ne supporte pas les anglicismes (week-end, interview...)

    Je suis confrontée à l'homophobie ordinaire, celle des discussions de collègues. Quand je sens que c'est parti pour me déplaire (me faire de la peine), je proclame au milieu de la conversation «j'ai beaucoup d'amis homos, je les aime beaucoup», mais c'est surtout pour ne pas écouter la série de clichés que je sens poindre. Les homosexuels ont l'air de beaucoup choquer ma jeune collègue (condamnation morale), ce qui me surprend autant que du sexisme chez un jeune collègue: rien à faire, dans mon bisounoursisme, j'imagine toujours que ces attitudes sont celles des générations précédentes, qu'elles n'existent pas, n'ont jamais existé, chez les plus jeunes que moi.

    Ça n'a rien à voir, je m'en rends compte régulièrement, mais mon préjugé (mon espoir) a la vie dure.

    Dentifrice

    La chatte miaule devant le frigo, feignant le désespoir:

    — Mais enfin, tu ne vas pas donner de la pâtée à ce chat. Elle n'a pas faim, elle vient de manger une souris.
    — Mais si, c'est pour avoir meilleure haleine.

    Euh...

    — Quelle heure il est… Juste 21 heures 03… Bon j'y vais, on peut faire naître une licorne à 21 heures 11 et 8 heures 11, à condition d'avoir deux parents licornes de la même race, et dans ce cas on a une chance sur six d'avoir une licorne (j'en ai déjà une).

    des liens

    De la musique :
    - un blog anglais consacré aux compositeurs français (mais pas que) ;
    - un Ring condensé (Saint-Quentin-en-Yveline, pourquoi ne pas faire simple pour une fois?).

    Fabrication des sacs d'école Barbie.

    Du pétrole :
    - un blog
    - un livre.

    Du tricot :
    - je l'ai sans doute déjà posté, mais c'est toujours une surprise ;
    - plus sérieux, les points au tricot.


    et les archives des télévision américaines du 11, 12, 13 septembre. La première vidéo (par exemple) de la liste nous montre les programmes habituels jusqu'à la vingtième minute, puis les images trop connus et le bavardage des journalistes, commentant sans rien savoir ni comprendre, obligés de meubler l'antenne de paroles qui n'expliquent rien.

    Philosophie du temps

    — C'était vraiment urgent de faire ça ?
    — Parce qu'il faut qu'elle soit urgente pour qu'une chose soit faite ?

    Chartres, troisième édition

    Le noyau des fidèles et quelques nouveaux.

    Le portail nord, raffiné, précis, méticuleux. Je reste abasourdie de la précision des allusions à l'Ancien Testament. J'ai oublié l'histoire de Saul (que je confonds avec Esaü) et celle de Gédéon. Je confonds Elie et Elisée et je ne connais pas vraiment la différence avec Isaïe. J'aime profondément les statuts colonnes et le songe des rois mages.

    Nous avons fini de descendre (en fait nous avons fini en juin) dans les profondeurs du chapitre III, désormais nous remontons.

    Laurent nous initie à l'art de la vision par les trouées lors des voyages en train.

    Salomé

    Bien folle.
    Et il ne faut pas la regarder: elle rend fou.

    Hérode et Pilate, deux types qui ont failli s'en sortir et qui ont manqué de courage (aller voir ça tandis qu'on lit des explications sur le jansénisme et l'augustinisme… Enfin bon.)


    Deux charmants messieurs à mes côtés, un très vieux, allemand, très élégant, l'autre jeune, anglais, ravi d'être là avec son amie et le disant le plus naturellement du monde.

    Incompréhension

    Journée en réunion. Fébrilité.Ce qui me gêne, c'est de ne pas savoir ce que pensent réellement les autres. Si je pouvais être sûre que personne ne prend tout cela (trop) au sérieux, que nous sommes tous en train de jouer notre rôle avec plus ou moins d'habileté, je pourrais prendre beaucoup de plaisir à cela. Ce qui me tue (à petit feu), c'est de ne pas savoir si certains prennent vraiment tout cela au premier degré, et si oui… comment font-ils? Comment peut-on réellement prendre cela au sérieux, penser que cela a vraiment de l'importance, alors que cela n'apporte rien à personne, que cela ne fait que répondre à des exigences législatives? (exemple: «Nous ne ferons qu'un audit de conformité» signifie «nous vérifierons que la procédure existe, mais nous ne vérifierons pas qu'elle est adaptée, et encore moins qu'elle est appliquée». Mais à quoi, à qui, cela peut-il bien servir? Je les regarde, je songe à Lewis Carroll et Borgès, nous décrirons le monde jusque dans ses moindres détails, notre monde sera entièrement décrit dans nos tiroirs, dans nos armoires, et parce que nous l'aurons décrit et circonscrit, nous croirons le dominer et le maîtriser. Et je songe au Titanic. Décidément, j'ai du mal, cette rentrée ne passe pas. J'ai passé trop de temps au grand air.)

    Efficace

    Pas grand chose à écrire. A la maison je range et je jette. (Je fais de la place pour les futurs livres). Atmosphère de fin de règne au bureau, et ce n'est pas réjouissant. Je retourne ramer; en fait je ne pense plus qu'à ça. Cela libère beaucoup d'énergie, je ne tiens plus en place, j'ai du mal à rester assise une après-midi entière (d'ailleurs je ne reste pas assise).

    Je fais des visites éclair à des blogs de self-help, parce que je m'ennuie ou que je n'ai pas envie de faire ce que j'ai à faire (je ne me leurre pas. Je sais bien que ce qui me manque, c'est le désir).
    Je suis tombée sur ce billet, qui me réjouit (je traduis le billet, mais pas les liens, débrouillez-vous (de toute façon je doute que qui ce soit de "mes" lecteurs se lance là-dedans (dommage, ce serait drôle))).:

    La liste de conseils la plus brève du monde

    - Je veux perdre du poids. Mange moins et bouge plus.

    - Je veux ausi être en forme. Mange moins de cochonneries et davantage d'aliments sains.

    -Je veux des abdos. Mange TRÈS sainement et soulève de la fonte, comme Saint.

    - Je veux prendre du muscle et du poids. Soulève de la fonte, mange suffisamment de protéines, et augmente ta prise de calories.

    - Je veux des résultats. Note tout. "Ce qui est évalué s'améliore".

    - Ai-je besoin de m'inscrire en salle de muscu? Nope.

    - Je n'ai pas le temps de m'entraîner. Mais si, tu l'as.

    - Je n'aime pas [tel aliment diététique]. N'en mange pas. Mange davantage d'un aliment diététique que TU AIMES.

    - Je n'aime pas [tel exercice de muscu]. Alors ne le fais pas.

    - J'aime beaucoup [tel exercice de muscu]. Parfait, répète-le davantage.

    - Est-ce que je devrais prendre [tel complément alimentaire hors de prix]? Non, dépense l'argent économisé en choisissant des aliments plus sains.

    - [Tel exercice de muscu] me fait mal. Revois ta position ou choisis un autre exercice qui fait travailler le même groupe de muscles.

    - Je ne suis pas motivé aujourd'hui. Maintenant tu l'es.

    Sous le signe de l'Amérique latine

    Ce matin, les réductions dans Jean Delumeau (suite du Catholicisme entre Luther et Voltaire); à midi la Bolivie dans Blackthorn (n'importe quel film avec des (beaucoup de) paysages panoramiques réussira à me séduire, qu'importe le scénario); ce soir le Mexique sur France Musique.

    A la déchetterie

    Samedi neuf heures et demie. Je suis l'une des premières à la déchetterire, c'est la première fois que j'y viens. C'est assez propre, une décharge en plein air, mais triée. Bizarrement cela m'apaise; moi qui ne peux appuyer sur une touche de mon portable sans imaginer quel métal rare entre en jeu, de quelle mine il provient, exploitée par combien d'enfants, je me sens un peu consolée à l'idée que tout ce qui est ici va servir, resservir, échapper au moins marginalement au grand gaspillage.

    Je me fais probablement des illusions. Mais que faire d'autre?

    Tout cela n'est pas très catholique.

    « Elle fait dans le spirituel, tendance bouddhiste Christian Bobin. »

    Bibliographie (devoirs de vacances)

    J'ai perdu le 18 juin la bibliographie donnée pour préparer l'année de théologie, mais ce soir je retrouve des notes prises de mémoire à la fin d'un numéro de Communio dès que je m'en suis rendue compte:

    - Jean Delumeau et Monique Cottret, Le Catholicisme entre Luther et Voltaire
    - Jésus collection Que sais-je?
    - Daniel Marguerat: Le Dieu des premiers chrétiens
    - Bernard Sesbouë, Christ, seigneur et fils de Dieu
    - François-Xavier Durrwell, Jésus fils de Dieu dans l'Esprit saint

    Confusion

    Il fait beaucoup plus noir que d'habitude. Et j'ai l'impression d'être plus bas. Je me rendors. Ou je ne me suis pas réveillée, je ne sais pas. Je pense trop peu pour paniquer. Il fait vraiment noir. Je tâte, il y a des murs tout proches, de tous côtés. Je me rendors ou je rêve que je me rendors si j'avais rêvé que je me réveillais. Mais tout de même c'est étrange. Je me remets à tendre les bras, des murs, surface nue, froide et non glacée, quelque chose de doux, mon lit?
    C'est alors que je touche quelque chose qui bouge, en plastique.
    Ça y est, je sais. Ce n'est pas le matin et je ne suis pas dans mon lit. S'il fait si noir, c'est qu'abrutie par un demi-litre de rosé après une nuit sans sommeil, je suis allée me coucher en boule dans les toilettes, sur ma serviette d'aviron. Je n'ai pas dormi les dix minutes habituelles, mais près d'une heure, d'un sommeil de pierre.

    œcuménisme

    En attendant l'heure d'aller à l'anniversaire de Matoo[1], je mangeais une omelette en lisant le numéro de Communio sur Barth et Balthasar. Je faillis m'étrangler en lisant ces quelques mots, que je relus plusieurs fois:

    Et, l'index dressé, il [H.U. v. Baltasar] ajoute cet avertissement: «Que l'on n'espère pas régler en un tournemain les questions soulevées… Le fait d'avoir, à l'époque de la Réforme, pratiqué la théologie à coups de marteau n'a fait que rendre définitif le schisme. Travailler à sa résorption est un rude labeur, exige une prudence redoublée, de la douceur et beaucoup de patience[2]

    Manfred Lochbrunner, "L'incroyable histoire de la genèse du livre de H. U. v. Baltasar", in Communio XXXVI, p.25

    Travailler à sa résorption? Certains envisageaient, envisagent, sérieusement de réunir catholiques et protestants, de les fondre de nouveau en une seule Eglise? Je n'étais pas plus surprise que si l'on avait voulu me démontrer que des jumeaux étaient en réalité une seule personne.
    Je sais que cela sera incompréhensible pour la plupart d'entre vous, mais en cette seconde, le monde changea subtilement de couleur: je venais d'envisager la réconciliation de deux visions du monde qui me paraissaient absolument irréconciliables. Ainsi donc, il devenait probable que rien n'était irréconciliable? Et cette réconciliation supposait de résoudre une infinité de détails, et le plus extraordinaire était de découvrir que certains étaient prêts à s'atteler à cette tâche (s'y étaient déjà attelés) sans peur, sans céder au découragement, sans même envisager d'être découragés.

    Ce soir dans le bus, je rencontre la même idée, moins impressionnante car sur le mode du regret et non du possible. Des années de guerre, des milliers de morts, parce qu'un concile a eu du retard, deux ou trois papes ont manqué de courage:

    Si un parlement de la Chrétienté catholique s'était réuni avant la condamnation des thèses de Luther (1520) et l'excommunication de celui-ci (1521), ou même peu après ces graves décisions, il est probable qu'on aurait pu faire l'économie du schisme. Rome refusa de prendre l'initiative salvatrice. Aussi bien déclarait-on dans l'entourage de Léon X et de Clément VII qu'aucun concile ne pourrait revenir sur une solennelle condamnation doctrinale. Mais une prise de position théologique par une assemblée œcuménique aurait été capable d'éclairer les indécis et de fortifier les hésitants. Le refus du concile permit au Luthérianisme de se répandre, au nouveau culte de s'organiser, aux frontières religieuses de se préciser et au fossé de s'élargir entre confessions chrétiennes rivales. […]
    Réuni vingt-cinq ans trop tard, le concile manqua l'objectif majeur qui aurait dû être le sien: la réunion des Chrétiens.

    Jean Delumeau et Monique Cottret, Le Catholicisme entre Luther et Voltaire, pp.68-69

    Notes

    [1] En juin, ça date.

    [2] H.U. v. Baltasar, Karl Barth, p.9

    Helvétiques

    Pendant des années, je n'ai pas acheté Les Helvétiques parce que je voulais le trouver en noir et blanc, pour ne pas déparer ma collection.

    Aujourd'hui je me rends compte qu'il n'existe et n'a toujours existé qu'en couleur. Que j'ai été bête. Toutes ces années de perdues. Et je me dis qu'il faut que je retourne en Suisse, que je n'ai pas vu Grandvaux, ni la collection de papillons de Nabokov, ni la tombe de Borgès.

    Point de vue

    — Et ils ont même fait un film le dernier jour!
    — Tu veux dire que tu vas être sur internet? Tu vas être célèbre?
    — Ah non alors, j'ai tourné le dos quand ils me filmaient, pas question que ma figure s'étale partout sur internet!
    — Partout, relativisons… Comme ça ce sera ton cul, ce sera beaucoup mieux!

    Révérence

    Steve Jobs s'en va. Ce n'est pas la première fois. Mais j'ai l'impression que ce sera la dernière.





    Il y a 555 ans : première Bible imprimée.

    Super 8

    1979, l'Ohio, des enfants, un accident, un secret, l'armée du côté des méchants contre les gentils civils. Un mix de Starship Troopers et de Retour vers le futur.

    Histoire classique, délicieusement tournée, surtout au début: des enfant de douze ou treize ans en train de tourner un film super 8, avec le rêve qu'il soit sélectionné pour un festival. Il m'a semblé voir s'incarner le rêve du cinéma, l'essence du cinéma: le scénario, les répliques écrites au fur à mesure, les acteurs de fortune, le maquillage, les éclairages, le réalisateur («ben quoi, je dirige!») tyrannique ayant des idées précises («on va mettre une fille qui t'aime comme ça le spectateur sera ému et aura peur pour toi»: l'essence du cinéma, vous dis-je), à l'affût de toutes les opportunités pour obtenir les meilleures images pour "son" film, le réalisateur rond comme un Hichtcock ou un Welles.

    Puis le suspense, l'intrigue romantique et romanesque, le chevalier contre le dragon, un conte de fée SF comme on en voit de temps en temps, toujours imperceptiblement nostalgique («Qu'est-ce que c'est que ça? — Un walkman, vous voulez essayer? — Si les jeunes se promènent maintenant avec leur chaîne stéréo dans les oreilles, on file un mauvais coton, c'est moi qui te le dis!»).

    Un film soigné et sans prétention, un bon moment.

    Occupation

    Aujourd'hui, j'ai trié des mails.

    Et hier?
    Aussi.




    ( lointain écho )

    Guerre et Paix

    RER A, entre les Halles et la Défense, vers neuf heures et demie.


    Nos voisins

    A. est partie à Firfol (stage d'équitation) ; H. est revenu de Lausanne après avoir déménagé C.

    Apéro chez des voisins que nous ne connaissons pas.

    Ils nous racontent leur découverte de O. sur leur paillasson quelques semaines plus tôt:
    «J'ouvre la porte, et je vois un garçon que je ne connais pas qui me demande si je peux m'occuper de ses chats pendant trois jours et me tend des clés. Je me dis «Dis donc, ils ont confiance», je lui dis: «Attends», j'abandonne mes amies dans mon salon et je l'accompagne chez lui pour qu'il m'explique où sont rangés les boîtes, etc.»

    Oui, c'est ce que nous avions découvert fin juillet tandis que nous roulions vers l'Aveyron: les enfants nous ont appris avec satisfaction que "la mère de Violette", "qui est très gentille", s'occupait des chats.
    — Mais on ne la connaît pas !
    — Mais si, elle est très gentille, t'inquiète pas maman. (tinkiètpamaman)

    Et nous, morts de honte à l'idée de cette dame inconnue que nos enfants avaient enchaîné à nos chats, lui avons ramené quelques souvenirs culinaires du Périgord, et en retour nous avons été invités à prendre l'apéro, ce qui doit se faire chez les gens civilisés je suppose, mais en dix ans nous ne l'avons jamais fait bien qu'entretenant de bons rapports avec tous nos voisins: l'art de l'esquive.

    Il est courtier en assurance, et donc ne voit pas la vie exactement par le même bout:

    — Oui, et ce qui a fait beaucoup de mal aux garagistes, ce sont les limitations de vitesse et les radars: moins d'accidents, moins de tôle froissée. J'ai vu des réparateurs, sur six bancs, deux d'occupés! Et plus de pièces dans les casses... Et les croque-morts… Ça ne se sait pas, mais la profession a réclamé de l'aide au gouvernement, des compensations… Chute du volume d'activité! [1]




    Notes

    [1] Une rapide recherche sur internet ne m'a pas permis de trouver confirmation. Il faudrait chercher: si quelqu'un a cette curiosité…

    Lars von Trier : le nouveau Paco Rabanne

    Ce que je savais de Lars von Trier, dans l'ordre de mes vues / visions / visionnages (quel est le mot adéquat?) avant de voir ce film:
    Breaking the Waves fascinant, Element of crime le meilleur, Dancer in the Dark exaspérant dans son pathos larmoyant et ses erreurs de logique.

    La première partie de Mélancholia m'a amusée (le personnage de Charlotte Rampling m'évoque quelques souvenirs personnels: communauté de folie), mais plus le temps passait plus il ralentissait, et le film devenait franchement ennuyeux (un beau verger avec des pommes, une balançoire, que c'est beau, et le cheval qui ne passe pas le pont, et le contraste entre la blonde et la brune,…: un catalogue de clichés), je n'arrivais pas à voir ma montre, j'hésitais à sortir quand j'ai eu envie de rire en voyant Kirsten Dunst allongée à poil près de l'eau (je vous l'ai dit: cliché sur cliché, dans tous les sens du terme) (s'est-elle fait refaire les seins?)

    Imaginez à peu près ça (mais nue) :







    Et ça continue, d'illogisme en invraisemblances (et pendant ce temps je pense à Pournelle), pour finir comme un mauvais tee-shirt.





    Arrghhh.

    Lecture avec dictionnaire

    Question : comment utiliser un dictionnaire quand on n'a pas l'habitude des caractères utilisés, qu'on n'a aucune idée de l'ordre dans lesquels ils seront classés, quand on parvient à grand peine à les différencier ?


    Ligne 14 entre les Halles et Madeleine peu avant midi, assise en face de moi :



    Far West, Berry profond (extrême centre)

    Ma tante (la sœur de ma mère) me fait rire :
    — Elle nous disait tout le temps qu'elle ne savait pas comment elle grossissait qu'elle ne mangeait rien. Mais on a finit par savoir le fond de l'affaire: elle buvait un à deux litres de lait entier par jour qu'elle allait chercher à la ferme. Alors j'ui ai dit: «Mais enfin, Roselyne, le lait, c'est avec ça qu'on engraisse les veaux!…»

    Ma tante me fait peur. Je n'arrive pas à faire la part de l'irritabilité, de la paranoïa, et du véritable harcèlement. Quand elle parle de sa vie, j'ai l'impression d'être arrivée dans un de ces westerns où une bande de blancs-becs terrorisent les paisibles habitants d'un minuscule village.

    Les adolescents sur leur mobylette, qui discutent jusqu'au milieu de la nuit, c'est agaçant, mais elle a le sommeil très léger et habite à côté de la place («Le Plassis») où ils se réunissent: faut-il prendre ses jérémiades au sérieux?
    Mais les filles de treize ans qui s'amusent à déplacer les fleurs et les plaques sur les tombes et à les mélanger, la boîte à lettres de ma grand-mère arrachée et abandonnée à deux cents mètres de là sur la place, les tuiles de la salle des fêtes jetées à bas du toit (et l'adjoint au maire qui refuse de porter plainte de peur de ne pas se faire réélire)?
    Personne ne dit rien, les plus faibles craignent les représailles, les plus forts rient que ce n'est pas bien grave.
    Ma tante est dans un état de nerfs lamentable, résignée et exaspérée.

    — Tu ne peux pas aller dormir chez mémé? Tu seras plus loin de la place, tu ne les entendras pas.
    — Oh tu sais, maman, je m'en occupe déjà toute la journée, alors le soir… Elle fait un geste de la main pour montrer qu'elle en a "jusque là", au niveau du cuir chevelu.
    — Mais qu'est-ce qu'on peut faire, alors?
    — Rien. Il n'y a rien à faire.

    J'ai tout de même insisté pour qu'elle aille déposer une main courante. La boîte aux lettres arrachée, c'est un acte réel, concret, pas une interprétation de vieille dame acariâtre. Il n'y a qu'une poignée d'enfants dans le village. Il serait facile de faire faire quelques travaux d'utilité publique aux coupables.

    Ce qui m'étreint, ici, c'est l'ennui de ces adolescents entre treize et dix-huit ans. Qu'est-ce que je peux faire? Ch'ais pas quoi faire.

    Action !

    mercredi: Fame
    jeudi: Le Milliardaire => A. déteste et s'ennuie.
    vendredi: Crocodile dundee => découvert que A. aimait les films d'action. Les films ont beaucoup changé depuis le 11 septembre 2001. Toujours ce tressaillement en voyant les tours.
    samedi: Terminator 2
    dimanche: Piège de cristal
    lundi: 58 minutes pour vivre (heureusement qu'on a encore un magnétoscope).
    mardi: Die hard 3.
    mercredi: La mémoire dans la peau

    Le reste du temps, classé des livres, trié des vêtements, écouté L'Iliade avec beaucoup de surprise. Quelle structure intéressante et inattendue.



    Ma tante au téléphone:
    — Oui, tes parents vont au Mans chez des amis, enfin non, des gens rencontrés en voyage et avec lesquels ils vont repartir.
    — Si mes parents vont les voir deux jours et partent avec eux, je pense que tu peux les appeler des amis.
    — Mais je ne sais pas qui c'est, je ne les ai jamais rencontrés, moi.

    (Sur le coup, je l'avais trouvée vraiment bizarre, comme si elle était chargée de certifier l'honorabilité des rencontres de mes parents (Tout ce petit monde a plus de soixante ans). Mais en écrivant ces quelques lignes, je me dis qu'elle a peut-être craint que je pense que c'était des amis à elle. Mais même ça, c'est bizarre. (Flora et Céline, mes tantes me font penser à Flora et Céline).

    Et je me suis fait une déchirure musculaire à la cuisse droite. Une pas grave, de celles qui empêchent d'enchaîner les marches d'un escalier. En peignant la clôture. Je ne comprends pas ce qui a pu provoquer ça.

    Première couche

    — Je me sens bizarre… une sensation pas désagréable, mais bizarre…
    — Tu es fatigué, imbécile !
    (citation approximative des Dalton se rachètent)

    Peint toute la journée parce qu'il faisait beau. Moi qui pensais que muret et poteaux iraient plus vite que le grillage… («Mais enfin non; c'est tout de même proportionnel à la surface!» Oui bon, j'avais pas réfléchi.)
    J'ai si mal aux mains que je peux à peine taper.

    J'ai réussi le raccord de mon bronzage aviron: j'ai un V sur les pieds, j'ai peint en tongs exprès (pas pour avoir un V, pour bronzer des pieds (on rame en chaussures)).

    J'ai envie de faire un titre à la Didier Goux: «Les insectes sont des cons». Et d'ajouter: surtout les gendarmes (un gendarme à demi-peint en blanc avec de la peinture à l'eau survit. Je ne sais pas combien de temps). L'insecte ne paraît pas sensible aux odeurs (mais peut-être à la couleur).

    Et sinon pas grand chose. Demain la seconde couche. Si j'arrive à me lever malgré mes courbatures (peint accroupie, les talons à plat, une bonne partie du temps).

    (Pensées vagabondes, Vierzon toujours. Dans le travail, la rumeur de la ferme. Il y avait toujours une poule pour chanter, une vache pour meugler, les outils de mon grand-père pour vriller l'espace. Ici, voisins. Un peu gênée des bêtises que nous racontons, tout s'entend si bien. Nous racontons toujours des bêtises.)

    PS: Par exemple je raconte ce twitt (qui correspond un peu à notre quotidien) : Au tel : "mon chat a vomi une souris entière, et elle ne bouge pas, il faut faire quoi ?" Ben... #NePasRepondre "Lui dire de mâcher ?"

    Fail

    — «Ma petite théière remplit à peine six tasses»... c'est une phrase mémotechnique pour se souvenir... de quoi, déjà? J'ai oublié.

    Rapporté

    (Mulhouse) des leggings à trous ("découpe au laser"); Que sais-je? Histoire de la Pologne; Que sais-je? Les guerres de religion; Stevenson, Othon; Romain Gary, Ode à l'homme qui fut la France; de l'encre Mont-Blanc bordeaux; (Bâle) un mobile; (Zurich) Fritz Senn, Joycean Murmoirs; des chaussures de tennis camouflées en chaussures de ville (streetwear?); (Saint Gall) La bibliothèque abbatiale de Saint-Gall; un tapis de souris; (Appenzell) du fromage (à consommer tout de suite et sous vide, pour emporter); du miel; des fruits secs dans du miel (mon vice); (Vadouze) des bâtons de marche en fibre de carbone; (col du Julier) de la viande des Grisons; du pain des voyageurs (pain extrêmement nourrissant fourrés aux fruits secs (nous ne le savions pas, nous l'avons découvert en le découpant. C'est l'équivalent du lembas elfique (en plus lourd))); (Soglio) du shampoing (par besoin, si, si (et il est très bien)); de la crème de marron; (Rarogne) de l'eau de la fontaine sous l'église dans une bouteille d'Appfelshorle; Rilke, Das Studenbuch; (Sierre) Rilke, Poésie aux éditions du Seuil; Rilke - Tsvetaïeva - Pasternak. Une amitié russe / Russische Freundschaften; (le long de la route valaisienne) des abricots; de la confiture de cerises; de la confiture d'abricots; (Neuchâtel) des chocolats dans la pâtisserie Suchard; François Mauriac, Blaise Pascal et sa sœur Jacqueline (parce que je n'arrive pas à lire la biographie que je possède); André Maurois, À la recherche de Marcel Proust (parce que Pascal dit toujours que c'est le meilleur livre sur le sujet); Václav Havel, Interrogatoire à distance; Pouchkine, La dame de pique et La fille du capitaine; (Mulhouse) un manteau rouge; un sweat Chaperon rouge; une robe sorcière; un maillot de bain; (Colmar) un tirage des cochons de Schongauer, un jeu de cinq aiguilles n°3.

    PS: J'avais emmené un assortiment de livres correspondant aux différents auteurs que nous devions croiser durant le voyage; la prochaine fois j'emmènerai vide le sac dédié aux livres.

    Rentrée

    Ongles et franges coupés (penser à prendre un coupe-ongles, une lime, des ciseaux, la prochaine fois).
    Trois lessives (rouge, foncé, blanc).
    Le marché.
    Un crumble à la rhubarbe.
    FB beaucoup trop vite (on dirait que les accents circonflexes ne s'affichent plus), les mails... je ne suis pas sûre d'avoir le courage.

    10

    Colmar, Bartoldi, bras hors de la tombe, deux chevaux hollandaise, lac, lac, lac, Plombière, la Saône à Châtillon, Bourbonne-les-Bains.

    9

    Achats, Guebwiller, Colmar, le musée Bartoldi est fermé, la cathédrale, la Vierge au buisson de roses, le musée, Kayseberg, les Cascades, Mulhouse.

    8

    Le Rhône, Nabokov, un tracteur, (un kebab), Neuchâtel, le Doubs, Mulhouse.

    7

    Simplon, Valais, Rarogne, Sierre, Chandolin, abricots, confitures, Evian.

    6

    Lac majeur, lac d'Orta, R., Domodossola. Le serveur de la trattoria La Motta drague A. devant nous, elle rougit.

    5

    Coire (Chur), Tiefencastel, le col du Julier, Saint-Moritz, Sils-Maria, la presqu'île, Maloja pass, Soglio, l'orage, le lac de Côme.

    A l'hôtel Saligari, on nous indique gentiment l'hôtel Maloga, un peu plus loin.

    4

    Triesenberg - Vadouze - Triesenberg.
    Premier aperçu des "carpostal". Malbun.
    Triesenberg.

    3

    Saint-Gall.
    Appenzell.
    Triesenberg

    2

    La collection ne se visite que le premier dimanche de chaque mois. La cathédrale de Zurich. Charlemagne.
    Les chutes du Rhin.
    Le lac de Constance.
    Saint-Gall (hôtel, restaurant).

    Zurich

    La première journée du colloque commence à neuf heures et demie. C'est le jour de la fête nationale suisse, tout est fermé; j'ai conseillé à H. d'emmener A. au zoo et sur le lac, je m'inquiète un peu de leur journée, j'espère qu'ils ne vont pas trop se disputer.

    Mon anglais est une catastrophe. Les mots m'échappent, je veux dire des choses trop compliquées, j'accentue mal, je ne fais pas la différence entre les i "i" et les i "aï", ce qui change complètement l'aspect d'un mot. Ce n'est que bien plus tard dans la journée que je prendrai conscience que je suis la seule dans la salle à n'être ni de langue anglaise, ni professeur de littérature anglaise. La prochaine fois que je prends ce genre de risque, je prends des leçons intensives de conversation trois mois avant.


    Fritz Senn présente l'atelier. Le récit de la journée est ici.



    A l'heure du déjeuner, dans la cuisine, la conversation a roulé très naturellement sur le petit-fils, Stephen, grand empoisonneur de la vie des Joyciens, Fritz Senn suggérant que les jeunes femmes présentes le courtisent et l'épousent (ce qui suppose qu'il devienne d'abord veuf) afin d'en hériter: ainsi les droits nous seraient acquis (la grande question reste celle de l'accès aux manuscrits: la loi est beaucoup moins claire qu'en ce qui concerne les ?uvres imprimées).
    «Stephen Joyce vit au mode génitif».
    «Il a dit un jour à (? Gabler) qu'il était inutile d'espérer sa mort, car sa femme "was a well-trained bitch".»


    ***



    Je quitte les participants le soir pour ne plus les revoir, avec un sentiment mêlé: tandis que je ne me sens pas déplacée dans les colloques ou à Cerisy, ici j'ai beaucoup trop de complexes pour me sentir à l'aise. Mon anglais est vraiment trop hésitant, et j'ai trop conscience (j'ai trop le souvenir de mes professeurs) de mes fautes que je ne sais pas identifier. J'ai l'impression de parler petit nègre, ce qui n'aurait pas grande importance dans un congrès d'affaires, mais me paraît absolument déplacé dans un colloque littéraire, comme si je me promenais en guenilles lors d'une soirée de gala.
    Dommage. Je sais qu'ici j'ai rencontré des gens avec qui j'aurais pu rêver, m'échapper dans des anneaux parallèles de réalité insoupçonnée des mortels (à quoi bon la science-fiction? Prenez n'importe quels passionnés et vous obtiendrez mieux).

    Retour à l'hôtel. H. et A. sont là, plutôt fatigués par leur journée au zoo, H. prétendant qu'on y voit plus d'humains que d'animaux. Je réussis à les faire ressortir, je veux aller à l'endroit où se rencontrent la Sihl et la Limmat, place où venait rêver Joyce (et ''Finnegans Wake'', si plein de fleuves et de rivières). Le parc qu'il faut traverser pour y parvenir est magnifique, arbres séculaires, les bateaux mouches sont très plats, platissimes, afin de passer sous les ponts bas sur la Limmat. Le soir tombe, H. me regarde désespéré en découvrant que je ne l'ai traîné là que pour des raisons joyciennes.



    Nous repartons. Nous avons décidé d'aller voir le feu d'artifice de la fête nationale sur le lac. Nous avons la longueur de la presqu'île à parcourir (en toute rigueur ce n'est pas une presqu'île, mais puisque c'est le terme utilisé à Lyon?), mes compagnons sont fatigués, nous parcourons la Münstergasse, aucun restaurant ne nous convient, tout est terriblement bruyant, c'est la fête.

    Nous finirons par choisir, un peu à la tête des personnes en terrasse, un restaurant espagnol, la Bodega espanola, qui nous enchantera, tant par la jovialité du serveur que par la qualité de la cuisine. A. nous quitte, part en éclaireur, attirée par des feux d'artifice amateurs.

    Il fait nuit. Nous avançons jusqu'au pont sur la Limmat à l'endroit où elle rejoint le lac. Il y a beaucoup de monde, mais moins qu'on ne nous l'avait annoncé. Nous attendons, contemplant les yatchs emplis de touristes, cherchant à déduire de leurs mouvements le lieu d'où va être tiré le feu d'artifice. Rien ne se passe, ils s'approchent, repartent. Nous interrogeons nos voisins, nos voisins nous interrogent, des informations contradictoires circulent, il paraît que cette année il n'y aura pas de feu d'artifice officiel, nous refusons d'y croire tout en sachant au fond de nous que c'est la seule explication valable à la faible densité de la foule, aussi mal renseignée que nous.

    De guerre lasse, passé minuit, nous rentrons en tramway, épuisés.

    Bad Säckingen, Zürich, une soirée chez les Joyciens

    Nous sommes partis avec retard, j'allais dire bien entendu, nous sommes incapables de partir tôt. J'avais rendez-vous à 18 heures à Zürich, à l'institut Joyce. Nous décidâmes de nous rendre directement à Zürich sans repasser par Bâle (ce qui avait été envisagé si nous étions partis plus tôt) et de ne pas prendre l'autoroute. Nous avons donc suivi et traversé le Rhin plusieurs fois, le Rhin fidèle compagnon au long de ce voyage (nous ne le savions pas encore, mais j'écris avec retard, je reprends la série des billets suisses à partir du 30 août).
    J'ai beaucoup de mal à me faire à l'idée d'un fleuve qui coule vers le nord. Pour moi c'est contre nature; un fleuve coule vers l'ouest ou le sud.

    Nous traversons la frontière avec un peu d'appréhension, je mets au point la tenue du parfait touriste qui passe la douane: une carte routière sur les genoux du passager avant, qui a ordre de l'étudier avec attention (à quel moment nous demandera-t-on si nous avons acheté quelque chose, et je répondrai: «des livres et des cartes postales»?).

    Il est midi passé, nous roulons en Allemagne, je suis un peu perdue dans les limitations de vitesse donc je me cale derrière les voitures autochtones. 80 km/h apparemment. Une certaine tension règne, je crois que nous commençons à avoir faim. Dans l'axe de la route se dressent deux tours, deux clochers à bulbe dans le lointain, je décide de les rejoindre.

    Et c'est ainsi qu'à cause de deux bulbes, nous avons découvert par hasard Bad Säckingen, son église au nom merveilleux (Saint Fridolin!) et son pont couvert, le plus long pont en bois couvert d'Europe.
    Il fait beau, traversée du pont, dans un sens (retour en Suisse!), dans l'autre… Repas en terrasse, commande un peu à l'aveugle. Je mange un croque hawaïen, que je croyais une invention de ma tante (jambon, fromage et… tranche d'ananas). Je prends une bière locale, ce qui me confirme que je ne les aime pas. (Il me faudra plusieurs jours avant de penser à prendre du vin blanc, tout simplement).

    Zürich, hôtel. Nous sommes fatigués, je suis stressée, rencontrer des Joyciens en ayant un niveau d'anglais aussi faible que le mien est vraiment impressionnant (je parle très mal: beaucoup de fautes avec un accent épouvantable (ou plutôt des accents: je dis tout de travers).

    Six heures, j'ai rendez-vous à sept heures, je pars, anxieuse et le cœur en fête, comme si on m'avait un beau cadeau de Noël, un présent inespéré en m'acceptant avec tant de gentillesse et de simplicité à ce colloque de Joyciens chevronnés. La crème.
    Je suis en avance mais la fondation est fermée, je m'installe sur une place proche et je lis (Joyce par Jean Paris), les cloches se déchainent, c'est dimanche, ça dure. Ce n'est que plus tard que je découvrirai que j'aurais pu entrer, que la porte s'ouvrait d'elle-même devant les arrivants.
    Buffet, je me présente à mes voisins, nous nous serrons sur les tables de travail, je suis embarrassée car j'ai l'impression de prendre la place de certains qui sont debout.

    Nous discutons, je baragouine, Joyce et Nabokov, «tu aimes les écrivains anglais difficiles, si je comprends bien», mais pour moi le plus difficile c'est Henry James, ne pas se souvenir des noms, ou ne pas associer les noms et les visages est vraiment un handicap, j'explique à mon voisin qui s'inquiète de FB que mes enfants jouent plutôt à WoW (mais comment ça se prononce? ouho?) De guerre lasse je prends une feuille, j'écris, World of Warcraft, shaman, healer... J'ai oublié le mot qui signifie "multiples joueurs en ligne".
    Le nom de Daniel Ferrer est un sésame.

    Fritz Senn me pose quelques questions, je ne sais si c'est par intérêt ou par politesse (quelle importance? Mais je suis incapable de ne pas me poser la question.) En apprenant que mon hôtel est près de "l'église italienne" (comprendre Liebfrauenkirche), il me dit: «Ah oui, Joyce a assisté à la messe du Vendredi Saint dans cette église», et je pense à Gv et HLG se promenant l'un sous la conduite de l'autre à Vienne ou à Prague (impossible de retrouver le billet).

    Cirey et Bâle

    En route pour Mulhouse. Potentiellement j'avais prévu trois arrêts en fonction des Demeures de l'esprit, mais nous sommes partis si tard que j'ai choisi le plus lointain, Cirey, partant du principe que nous aurions toujours le temps de voir les plus proches de chez nous.

    Nous avons joué à notre jeu habituel, qui consiste à choisir les plus petites routes possibles sur la carte Michelin («Tu veux une jaune ou une blanche?»), nous enfonçant dans le paysage, dans les labours, dans la forêt, refusant d'écouter les panneaux voulant nous ramener sur des routes plus importantes («J'ai peur, qu'est-ce qu'on va faire si on croise une voiture? — Ne t'inquiète pas, il n'y a personne.» (Et non, il n'y a pas grand monde).

    Visite de Cirey, visite obligatoirement guidée, il faut en attendre le départ une demi-heure. Les billets sont vendus par une femme rogue, devant qui nous émettons l'idée d'attendre au café du village: «Au café? mais il est fermé depuis trente-sept ans!»

    Nous nous promenons dans le parc en attendant:
    — Dis donc, qu'est-ce qu'elle est mal aimable!
    — Normal, elle était amoureuse du cafetier, il est parti, elle est restée vieille fille.
    — C'est vrai?

    Le château est beau, émouvant. J'aime le décor des chambres, le théâtre me rappelle celui de Nohant. Ce château a eu de la chance, il a été très peu abîmé pendant la guerre car l'officier allemand qui l'occupait espérer le recevoir pour reconnaissance des services rendues. Dans la cuisine où pendent les jambons et trônent les confitures, je reconnais une maquette du château de Fénelon. J'interroge la guide: les deux châteaux ont le même propriétaire, les Salignac-Fénelon.
    Je suis un peu déçue de ne trouver aucune œuvre de Voltaire en vente dans la pièce qui sert de billetterie.

    Nous rejoignons l'autoroute, toujours par des petites routes. En voyant le manque d'intérêt de A., je comprends que cela ne représente rien pour elle, n'évoque aucune sensation: ni la fraîcheur sous les arbres, ni le vent sur le visage, ni le bruit des insectes ou des oiseaux et leur soudain silence quand on fait craquer une branche, ni les odeurs, chaudes ou fraîches, animales et végétales et terreuses, si variées. Je regarde à travers la vitre et je sens tout cela, et remontent Genevois et Alain Fournier et Marcelle Vérité et L.N. Lavolle…
    Est-ce réellement perdu, cela va-t-il disparaître avec nous, nous, la dernière génération à avoir eu des grands-parents à la ferme, à avoir promené les chiens plutôt que joué à la Gameboy?

    Nous quittons l'autoroute pour prendre la N.19; à Port-sur-Saône, H. veut nous faire découvrir son marchand de khebab favori, j'ai l'impression de jouer une "présentation de la famille". Mais la Saône est jolie, je ne savais pas qu'elle passait par ici.
    Il est trop tard pour s'arrêter à Vesoul, ville bizarre construite autour d'une colline intacte: est-ce un espace protégé? ou privé?

    Nous arrivons à Mulhouse à la nuit noire.

    Le lendemain, lèche-vitrine dans Mulhouse, nous achetons quelques livres d'occasion. Au musée historique de la ville, grosse pierre de douze kilos qu'on attache au cou des calomniateurs. Hélas, je n'ai pas le temps d'acheter la carte postale correspondante, le musée ferme, l'heure c'est l'heure.

    Bâle, le musée de Bâle, merveilleux, sans doute le plus beau que j'ai vu, et la cathédrale: une plaque pour la tombe d'Erasme, dans une cathédrale désormais protestante, j'en suis retournée pour lui.
    Et le Rhin.
    Bâle vue trop vite, mais nous reviendrons un jour, c'est si près de Mulhouse.

    Projets

    Le temps de rien, valises non bouclées, et même pas ébauchées.

    La voie cruelle me fait pleurer de regret, quel gâchis: «L'Afghanistan, cette Suisse orientale» (1939).

    Aujourd'hui Voltaire à Cirey et lundi, institut Joyce, une journée entière! Il va falloir parler anglais…

    Mais pour le moment ranger un peu. Tout le monde dort encore. Puis les réveiller, faire les valises, partir. Se hâter lentement, je sais faire. Je n'ai pas de jeu de quatre aiguilles n°3. Mais j'ai retrouvé un sac à livres à broder que je pensais perdu.

    De retour

    Peint la clôture (à trois, plutôt fun), fait des machines, mangé des treets («Des M&M's, maman!»), lu Ella Maillart.

    C'est à peu près tout.

    Ah si : et préparé des listes.

    Deux châteaux

    Fénelon et Hautefort.

    Je préfère le premier.
    (Sequoia est le surnom d'un indien Cherokee qui mit au point une transcription alphabétique de sa langue pour faciliter les rapports de sa tribu avec les Blancs (panonceau au pied de deux séquoias à Fénelon). Cela m'a rappelé Bruce Chatwin).

    Hautefort, entre l'incendie de 1968 et les tempêtes de 1999, semble susciter beaucoup d'amour et attirer les catastrophes.
    Relu les pages sur Bertan de Born et Ezra Pound dans Les Demeures de l'esprit avec un plaisir et un étonnement toujours neufs. («Les Kirghizes lisaient Fénelon en sanglotant»... «c'est presque aussi fou mais nettement plus sportif».)

    Bruine. Je tricote de la layette dans la voiture. Ça faisait longtemps.

    La France se quadrille d'autoroutes et je ne m'y habitue pas, même si c'est pratique. Ce nœud si proche de Vierzon…
    Je vais être une vieille dame hors du monde qui aura refusé de prendre en compte tout ce qui lui déplaît. (Ah tiens, ça me fait penser que les timbres sont passés à soixante centimes mais que les nouveaux timbres ne sont pas imprimés : seuls les Mariannes sans valeur faciale sont disponibles).

    La famille

    Nous fêtons les soixante-dix ans de mon oncle (le frère de mon père). Avant le départ, je fais réviser l'arbre généalogique (j'ai une fille qui confond les deux (les quatre) côtés de la famille, ce qui met ma mère en transes, elle qui a une conception très possessive de la famille (tous les défauts génétiques viennent des autres branches que la sienne): donc je fais réviser pour éviter les incidents diplomatiques).

    — A., la petite blonde ?
    — Tu sais, des petites blondes, ce n'est pas ce qui va manquer.

    Depuis la dernière fois que nous nous sommes vus, quatre enfants sont nés. Tous blonds. Les yeux bleus sont plus aléatoires.


    Les souvenirs m'assaillent. J'ai été très malheureuse de quitter le Maroc à huit ans, et mes parents m'avaient promis que nous retournerions à Agadir aux grandes vacances suivantes. Nous nous mîmes en route... et nous nous arrêtâmes chez mon oncle, dans l'Aveyron.
    Je n'ai jamais su si c'était prémédité, si l'on m'avait menti, en d'autres termes; ou si réellement mon père était trop las pour continuer jusqu'à Agadir.

    J'errais dans la maison de mon oncle, en chantier, dont seul le rez-de-chaussée était habitable, avec ma tante si fantaisiste qui venait d'avoir un quatrième bébé, j'étais triste, je lisais ce qui me tombait sous la main, je ne sais plus comment je m'occupais, j'avais trois ans de plus que le plus âgé de mes cousins et c'était un monde, surtout que je lisais depuis longtemps.


    Cette tante divorcée est de nouveau présente, à la mode de ces familles recomposées dans lesquelles les deuxièmes épouses acceptent les premières, ce que je n'ai jamais compris et ne comprendrai jamais, mais ce qui me réjouit et me console, car j'avais bien cru ne pas revoir, ne jamais revoir cette tante par alliance, puisque cette alliance était brisée.


    Tandis que je discutais avec un cousin adepte de «Le passé est le passé», je pensais «Un homme qui dort tient en cercle autour de lui» et je prenais soudain conscience que je n'avais pas besoin, je n'avais jamais eu besoin, de dormir pour cela: tout (enfin, tout ce que je n'ai pas oublié) est toujours en cercle autour de moi, sans profondeur, immédiatement présent. J'ai toujours pensé qu'il en était ainsi pour chacun, et que cette affirmation de rejeter loin les souvenirs n'étaient qu'une pose ou un vœu pieux — mais finalement, peut-être pas. Comment savoir?


    Mille-pattes

    Acheté cinq paires de chaussures d'un coup pour la même personne:

    - des basketts "tout venant" pour tous les jours (et comme il prend la même paire depuis quatre ans, j'ai l'impression étrange que les chaussures grandissent avec lui);

    - des basketts pour le handball (la paire la plus chère des cinq, et à mon avis pour des raisons purement marketing, parce qu'entre volley, hand, ping-pong, je vois mal pourquoi ce ne sont pas les mêmes chaussures: je soupçonne que nous payons l'étiquette);

    - des tongs (rouges assorties au maillot de bain);

    - des bottes en caoutchouc (pour la pêche ("pour milieux humides" (lol — j'adore les précisions sur les petits panneaux));

    - des water shoes (chaussons d'eau? pour sports aquatiques (? sports d'eau? sports mouillés, sports mouillants?)


    Récompense: il m'a offert une glace sur son argent de poche.

    Matin

    Il fait si froid que les oiseaux ne chantent pas. Fini de ranger un étage (ou persque). Il reste l'aspirateur à passer. Ceci est ma pause.

    Reçu hier le dossier d'inscription pour un cycle de huit ans. Ça fait un peu peur, il ne faut pas y penser. (Ai-je une photo d'identité récente dans mon bordel? Comment le savoir vite puisque c'est le bordel?)

    Fini Le Temps immobile 3. La fin exactement contemporaine de ma première rentrée scolaire en France. Impression qu'on m'explique (enfin) mon enfance, la rumeur de la radio, mes parents (jamais de politique, jamais de sexe) échangeant des regards en entendant parler de Franco (exactement comme ils commenteront la maladie de Tito en février 1980: «la Yougoslavie va éclater à sa mort»).

    A peu près

    Pieds gelés, bateau moteur sur la Seine sous la pluie deux heures, j'ai froid.

    Knacki purée, un thé à la menthe.

    Une bonne nouvelle, une revue, une plaquette, une carte postale.

    Commandé L'Illiade et L'Odyssée en MP3 (car hier A. a confondu Archimède et Œdipe (WTF?) (par ailleurs la question n'était pas facile: citer un prénom avec l'e dans l'o (je n'en connais qu'un second: Œnone))). C'est très agréable à écouter, je le sais parce que je possède la deuxième partie de L'Odyssée en cassettes, données par Paul Rivière.




    (Attente terminée. Et réponse favorable (mais pourquoi avais-je si peur?) Envie de pleurer de soulagement.

    - et le 15 juin. Non, je ne raconte pas le 15 juin, mais ce soir je suis soulagée: j'ai enfin reçu une réponse positive (je crois, mais oui, positive. J'en parlerai un jour, forcément, mais pas maintenant. Je suis juste trop contente pour ne pas le noter.))

    Harry Potter

    Premier film vu à Stockholm en novembre 2001, dernier film aujourd'hui.

    La première fois que j'ai rencontré RC en chair et en os, j'avais l'ordre du Phénix dans mon cartable, il était sorti deux jours plus tôt (juin 2003).

    Le suivant reste associé à un été très froid (et une espèce de châle avec manches acheté sur internet, bien chaud (désormais à la mode, six ans après)), et à la coïncidence entre l'attentat de Londres et le début du livre (Le prince de sang mêlé, juillet 2005, un été très gris, très triste).

    Et le dernier au retour de C. d'un stage de planeur. Il avait acheté Le maître de Plieux à Brive-la-Gaillarde... Je lisais Les Reliques de la mort en attendant le train, ce qui explique peut-être que j'étais un peu déconnectée du réel.

    Fini.

    Vendredi 15

    Aménagé (de façon non préméditée, parce que H. veut «que je fasse lire O.», comme si c'était quelque chose qui se décrète), une étagère de livres à lire selon cette liste, c'est-à-dire que j'ai passé une heures à réunir les livres que nous possédons déjà sans avoir besoin de rien acheter (évidemment, ce sont les moins "drôles", les plus classiques, ceux qui se trouvent assez naturellement dans n'importe quelle bibliothèque si l'on excepte Les aigles décapités provenant d'une lecture scolaire d'un aîné ou Les bébés de farine, rescapé des années où j'achetais des livres pour enfants (très bon livre). (La grâce au désert fait partie de la liste, chic!)).

    Mon but est moins «de faire lire» que de démontrer qu'un effort minime et régulier permet d'abattre beaucoup de travail: un livre par semaine, cinquante-deux livres en un an, sans s'en apercevoir (bon évidemment, je triche, tous ne se lisent pas avec le même effort).

    J'ai pu constater que j'ai perdu toute crédibilité aux yeux de ma fille depuis que je lui ai avoué que je n'ai pas lu plus de la moitié de la bibliothèque:
    — Tu as trouvé tous ces livres aussi vite?
    — Euh oui. Je ne comprends pas où elle veut en venir. Ce n'était pas très difficile.
    — Ah bon. Je ne pensais pas que tu savais ce que tu avais puisque tu ne les lis pas. Je la contemple, décontenancée. Il faudrait que je lui explique que non seulement je sais quels livres j'ai dans ma bibliothèque (Quoique... en ces temps de classement et chambardement, j'ai mis la main sur un Pages choisies de Descartes annotées par Paul Valéry dont je ne me souviens absolument pas), mais qu'en plus je me souviens du lieu de leur achat (ou du don ou du cadeau) et de son motif (parfois très irrationnel, là n'est pas la question)). (Oui, ce tome de Fanny vient de chez ma grand-mère, et ce papier rose est celui qui servait à envelopper les fromages qu'elle fabriquait.)

    Un peu surprise qu'on conseille La vie devant soi à des enfants de treize ans. Un certain nombre de nuances va leur échapper, euphémisme («Madame Rosa se défendait à Alger»: O. ne va pas comprendre, et ne va même pas s'apercevoir qu'il ne comprend pas). Et les fautes de français aussi, les barbarismes d'un petit Arabe... Je me souviens de mon émerveillement à constater la gradation dans la langue, qui devient de plus en plus maîtrisée au fur à mesure que l'enfant grandit.

    Mis quelques livres en carton (des tables de trigonométrie, des livres de mathématiques appartenant à mon oncle ou même à mon grand oncle (un Lavisse s'arrêtant après la guerre de 1870, promettant la paix sans oublier ces centaines de milliers de Français en exil de leur patrie...)), prévu d'en donner d'autres, dégagé de la place. Conservé une France et une Europe physiques à portée de main dans les étagères, avec l'espoir toujours déçu de lire ces livres de géographie (durant les voyages en voiture, peut-être?)
    Le drame de classer les livres, c'est qu'on les feuillette et donc on les lit (ces Contes du lundi... cette page sur le chauvinisme des Bavarois... ça a l'air très intéressant...)
    Retrouvé mon gros Rilke (tout la prose en un volume aux éditions du Seuil) que je me désespérais d'avoir perdu, pensant même l'avoir vendu dans un accès de fanatisme (genre «désormais je lis en allemand»), sagement à sa place: mais comment ai-je pu ne pas le voir?

    Vers le soir, karchérisé la clôture, côté jardin, côté rue (demain peinture!) Les herbes folles ont envahi la place occupée par la haie de thuyas coupée à l'automne. J'ai désherbé une bande d'un mètre sur douze, débrousaillé plutôt, à la bêche ou à la pioche. Avantage de l'aviron : pas d'ampoule.

    Relu en passant, je ne sais plus quand, Les lettres de mon petit frère de Christophe Donner, achetées par moi, pour moi, il y a bien longtemps. Surprise par la dédicace, A Hervé Guibert. Décidément, il existe bel et bien un sixième sens, un cercle magique.

    Ah oui: et trouvé une réponse pour les enfants qui me demandent «Mais à quoi ça sert, de lire?»
    Ça sert à appartenir à une société secrète dont les membres se reconnaissent entre eux et dont le lien de fraternité est invisible aux autres, à ceux qui n'y appartiennent pas .
    C'est un vrai club secret (et ça, c'est une idée qui va plaire à O., surtout quand C., après une seconde, reconnaît: «C'est pas faux», et que A. sourit.)

    Nabokov dans la Pléiade

    La photographie du jour est dédiée à Dominique, qui m'a envoyé une page du Nouvel Obs circa 1999 donnant toutes les indications pour s'habiller en Nabokov chasseur de papillons.

    Nabokov en chasseur de papillons - Nouvel Observateur


    Ce jeune homme lisait à trente ou quarante centimètres de moi, debout dans le RER A (la photo est prise de trop près).
    J'ai eu du mal à identifier le livre, son index s'étant déplacé sur le titre au mauvais moment (Roi, dame, valet, ai-je fini par déchiffer en haut de la page 176. Le volume avait été débarrassé de sa couverture protectrice en plastique).


    jeune homme lisant Nabokov en Pléiade dans le métro



    Pour la peine je crée une nouvelle catégorie.

    (Plus tard, dans le RER D, l'homme à ma droite commençait La Dame de Montsoreau en folio (j'ai eu du mal à identifier le livre car il lisait la préface). Je me suis dit que cela ferait trop de photos pour une journée (et puis j'étais mal placée)).

    Souvenirs économiques

    Je me souviens qu'on prédisait la catastrophe aux Etats-Unis circa 1986 (le Japon allait devenir propriétaire du pays); à la même époque on parlait dette du Tiers-Monde et hyperinflation en Amérique du Sud. Cette dette s'est évaporée (mais où, quand, comment?), l'économie américaine est repartie (dans les années 2000, avant le krack actuel).

    A l'époque toujours, ce n'est pas la mondialisation qui était à la mode, mais "la dématérialisation des produits financiers" (l'informatique, quoi, on s'esbaudissait sur le Matif). Des nostalgiques faisaient circuler des photos des emprunts russes.

    Nous étions jaloux de l'Allemagne (la RFA) et de "son cercle vertueux". En 1986, première cohabitation, première chaîne de télévision privée, fin du contrôle des prix et de l'autorisation administrative du licenciement (je ne garantis pas l'année à un an près, je ne vais pas vérifier. Je parle d'un "air du temps").

    Carte : Niveau d'endettement des différents pays européens.

    Volubilis

    A Berlin, le musée Emil Nolde vendait des graines des fleurs du jardin du peintre. J'en ai rapporté à ma mère et j'en ai planté.

    Ça me fait plaisir de les voir matin et soir.


    Le retour du grand n'importe quoi

    Je n'ai même pas la possibilité de faire lire Manon Lescaut à C. C'est dommage, c'est pourtant instructif. Amusant comme j'ai détesté ce livre dès la première seconde. Récrivons-le en imaginant des Grieux aussi menteur que Manon est inconstante: qu'est-ce que cela donnerait?

    Au fond ça m'est un peu égal. J'ai suffisamment de projets pour moi-même. Qu'il se débrouille.

    Une solution élégante au complexe d'Œdipe

    — Moi je n'ai jamais connu mon père. Ma mère l'a dévoré avant ma naissance.

    La mante religieuse dans Kung Fu Panda II

    Gauche ou droite ?

    A quelle séance des cruchons la majorité des présents (ou tous? il me semble que c'était tous) s'est déclaré de gauche?

    Les lignes de Claude Mauriac que je lis ce matin font remonter en moi toutes les raisons pour lesquelles je ne me déclarerai jamais plus de gauche:

    - mon dégoût de Mitterrand;

    - mon écœurement devant toutes ces personnes de gauche qui ont des comportements de droite (école privée, voiture luxueuse, banlieue chic) mais qui s'autorisent à vous faire la morale sur ce qu'il est possible de dire ou ne pas dire (ceux qui vous interdisent de dire un mot contre les banlieues (ie, qu'il est inadmissible qu'on accepte des zones de non-droit) mais vous demandent s'ils peuvent garer leur voiture dans votre jardin, parce que c'est plus sûr que la rue une nuit de Saint Sylvestre);

    - ma tristesse devant ces enfants abandonnés, cette (ces) génération sans recours, à laquelle on n'a rien appris, sous prétexte de ne pas la brusquer, de ne pas la traumatiser, (et à mon avis, aussi par manque de courage, car il en faut, du courage, pour être dur quand il est tellement plus facile de passer pour un bienfaiteur magnanime).

    Et puis bon gré mal gré, il est probable que je me sente plus à l'aise du «mauvais côté», toujours, que ce soit en politique ou ailleurs, parce que lorsque je ne partage pas totalement les opinions du côté où je me range sans qu'il soit viscéralement le mien, je souffre moins que lorsque qu'il me faut assister aux bêtises de gens que j'aime profondément. Il est plus facile de pardonner à ses ennemis, le sentiment de déception ou de trahison est moins profond. (Et ceci, bien sûr, est un peu lâche, aussi: après tout il s'agit d'éviter de souffrir.)

    Liens suisses

    Nabokov a légué ses papillons au museum de Lausanne.

    Fondation Joyce: unhurried reading (c'est bien mieux que close reading);
    le Schnebelh;
    Saint Gall;
    casa Nietzsche;
    Soglio;
    fondation Rilke;
    espace Ella Maillart;
    Amiel et Nabokov;
    Gustave Roud;
    centre Robert Walser

    Pas de poussière mais de la patine

    Sortie en skiff

    Sortie en skiff aujourd'hui, pour la première fois depuis... (1982?) Je pensais en riant intérieurement que le garçon qui m'aidait à descendre mon bateau ne devait pas être né quand j'ai ramé en skiff pour la dernière fois.

    J'avais oublié combien ce bateau est léger. Une plume.

    Mon bateau de prédilection était le double-scull, mais après une saison, René m'avait passée au skiff. Je me souviens qu'à Montsoreau, je me suis retournée quinze mètres après le départ de la course. J'avais visité le château avant la course. Ai-je lu Dumas avant ou après? Plutôt avant.

    Nous ramions le long de la Loire, les week-ends se passaient en déplacement pour les compétitions, Montsoreau, Laval, Chatellerault, je connais les villes par leur bassin (ou plutôt je m'en souviens quand je les traverse en voiture) (et je me souviens que j'ai appris l'élection de Mitterrand assise sur un seau dans le hangar à bateaux où j'attendais mes parents un dimanche soir).

    Nos bateaux avaient des noms de châteaux, Chenonceau et Chambord pour les deux yolettes, Cheverny, Ménars, Talcy, Château-Gonthier, combien de fois plus tard ai-je reconnu des noms en passant par hasard dans des villages de Sologne et de Beauce. Ô saisons, ô châteaux.

    A Blois, les sorties les plus longues nous menaient devant le château de Ménars. Personne n'imagine la beauté de la Loire à l'automne dans le froid et le soleil couchant.

    L'éducation sentimentale

    RER A, ce matin en face de moi.

    Pour Patrick qui ne voit jamais de lecteur (ce sont les vacances, ce n'est pas une lecture imposée).


    Musculation

    Emmené A. en salle de sport. Elle a moins râlé que je ne le redoutais, le sport est décidément euphorisant.
    Je mange trop.

    Culture

    Cosi fan tutte au palais Garnier. L'histoire me met mal à l'aise même si je sais que ce genre de jugement est déplacé et anachronique.
    Décor à la Claude Le Lorrain pour les extérieurs et Greuze pour les intérieurs.
    Despina est la plus remarquable ce soir (quelle chance pour une chanteuse d'avoir un physique qui corresponde à son rôle, qui permette un jeu vraisemblable.)

    Sils-Maria

    — Et si vous visitez Sils-Maria, vous comprendrez pourquoi Nietzsche est devenu fou. Moi rien qu'une semaine suffirait à me rendre dingue!

    Manque de Sarah Kane

    Vite vite, j'écris ce billet bien que je sois en retard, parce qu'il ne reste que trois représentations.

    Parce que j'avais lu rapidement quelques mots sur Sarah Kane, je m'attendais à un texte difficile. Je n'ai pas été déçue : pas "d'histoire" (de diégèse dirait Ricardou dirait Camus), des bribes, de la douleur, de l'amour qui se croise, des corps qui ne se croisent pas.
    La mise en scène très sobre et très simple (chacun sur ses rails dans sa couleur) ordonne du mieux qu'elle peut le texte et lui donne littéralement un sens, une direction, et déjà en faisant le choix de dialogues contre des monologues.

    Allez-y, c'est très intéressant. (Si le lien ci-dessus n'est pas rétabli, voici l'adresse : Comédie de la passerelle, 102 rue Orfila, métro Gambetta ou Pelleport, à 21 heures, le 30 juin, les 1er et 2 juillet)

    J'ai les chevilles qui enflent

    Ou plutôt j'ai les chevilles enflées. C'est hideux, douloureux, c'est la conséquence inattendue de mon coup de soleil sur les jambes.

    Souku, affolantes et détresse.

    Souku : c'est ce que j'ai entendu. Il s'agit en fait de "sous-cul", épaisseur de mousse taillée en forme du siège de coulisse afin d'amortir la dureté du bois. Le club qui organisait la randonnée en a offert un à chaque participant.





    Affolantes : ce sont les magnifiques maisons qui bordent la vallée de la Seine en amont de Melun. Elles ont été construites par de riches industriels à la fin du XIXe siècle, elles étaient souvent destinées à leur maîtresse.


    Détresse : rien à faire, je n'ai pas beaucoup de points communs avec un groupe, même si c'est l'aviron qui nous réunit. Ma crainte, c'est le mot que je vais prononcer qui va provoquer un blanc dans la conversation. Je reste sidérée de constater combien nous avons tous besoin de parler de nous-mêmes, avant tout. Il me semble que ce besoin croît avec l'âge.

    Brûlée

    Héricy - Moret-sur-Loing aura été plus difficile que Venise, finalement.
    J'ai les jambes brûlées.


    La Seine le soir :



    Demain je vous expliquerai peut-être ce qu'est un souku, mais pas maintenant, je m'endors.

    Apéritif

    Un bateau avait le cidre, un autre les verres, le troisième les chips.
    Il fallait être motivé car vous constaterez que ce genre d'embarcation n'est pas propice aux rapprochements.


    Vocabulaire de marine

    «Il n'y a que deux cordes sur un bateau: celle de la cloche et celle du pendu.»

    Les autres cordes prennent le nom générique de bouts ("boute"), sous réserve d'un nom plus spécialisé. Et l'on me cite les écoutes, les haubans, les aussières, les drisses...

    Les rameurs adultes se divisent grossièrement en deux catégories: ceux qui ont fait de l'aviron enfant et ceux qui aiment la mer, pour qui c'est une façon de retrouver les éléments, l'air et l'eau, en ville.
    J'apprends du vocabulaire et des coutumes. Ça m'amuse, je vais bientôt pouvoir relire Moby Dick.

    La librairie "Le Bal des ardents"

    Rue neuve à Lyon, entre les Cordeliers et l'hôtel de ville.


    L'entrée :



    Un jour je me déciderai à utiliser un appareil photo (mais alors je n'aurai plus d'excuse pour faire d'aussi mauvaises photographies).

    Au-delà de l'aspect pittoresque (de l'entrée et des salles voûtées, du présentoir de cartes postales Plonk et re-Plonk), c'est une vraie librairie, c'est-à-dire soucieuse de son fond, ne se laissant pas déborder par les nouveautés et les offices.

    RAS

    Aviron presque sous la pluie. Sans doute un peu trop forcé.

    Petit cygne.

    Départ à la retraite d'un directeur

    Je n'aime pas les départs, jamais.
    Et puis c'était un homme que j'aimais bien. Toute la direction générale va partir dans les années à venir, je me sens déjà orpheline (j'aime qu'on me raconte des histoires, les histoires de l'entreprise. Quand tout le monde sera plus jeune que moi, qui me racontera des histoires?).
    Premier discours, niveau groupe; deuxième discours, niveau entreprise; réponse du futur retraité, tout cela si rituel que cela console, avec juste ce qu'il faut d'anecdotes pour mesurer le chemin parcouru (dans l'assurance, notre pain quotidien est le malheur, nous avons donc des souvenirs).

    Ce qui m'a fait sourire, c'est le récit des origines: comment cet homme "publiciste" (comprendre " étudiant le droit public) était-il "tombé" dans l'assurance?

    «J'avais fini ma maîtrise, je préparais divers concours dont celui de directeur des hôpitaux, je faisais du vélo dans les environs de Marly quand je suis arrivé devant le site de Drouot, absolument magnifique. Alors je suis entré; la secrétaire, très aimable mais un peu dépassée, sans doute une stagiaire d'été, a appelé le DRH, qui a cru que j'avais plus ou moins rendez-vous avec lui… Il était en train de plancher sur un plan de formation de jeunes embauchés, cela m'a intéressé et… […]
    Comme dirait mon ami Patrice qui n'a pas pu venir ce soir, on n'est jamais à l'abri d'un coup de pot. J'aurais pu mal tomber, dans la banque, qui sait (rires d'effroi dans la salle), ou dans l'immobilier… (Etc.)»

    Presque

    Presque fait de la barbe à papa.

    L'anniversaire de Matoo

    Marina Tsvetaeva (1892-1941) : La maison de Vanves, poèmes inédits
    Lettres atlantiques : Saint-John Perse, T.S. Eliot, Allen Tate, 1926-1970
    Döblin, Voyage en Pologne
    Thomas Clerc, Sachs

    Film The Tree of Life. Il n'y a que deux manières de faire son deuil, dans la nature ou en Dieu, par la nature ou la grâce.

    Bibliothèque de Beaubourg. J'y oublie la bibliographie que j'avais reçue à l'ICP quelques jours plus tôt.
    Dans les rayons je feuillette un livre de dialogues Karl Barth / Urs von Baltasar : la théologie et la joie. Voilà qui est de bon augure.

    Je feuillette Communio sur l'œcuménisme en attendant l'heure d'aller à l'anniversaire (dans un bar corse).

    Bar. Rencontre de vieux blogueurs, des noeuds dans l'éther. Lady Gaga. Je pars au moment où je devrais rester.

    La devinette du week-end

    Que font les petits champions ?

    Bloomsday

    Je ne suis décidément pas très efficace quand il s'agit de déchiffrer les carnets de Finnegans. Passé mon temps à feuilleter Pound (Je rassemble les membres d'Osiris) et Mercanton (Les heures de James Joyce). Un peu honte.

    Belles photos de Claude Simon. La librairie 1 place Paul Painlevé (le square rue des écoles entre le musée de Cluny et la Sorbonne) est rouverte après trois ans (le vendeur de coussins à Dame à la licorne n'a pas survécu), avec un nouveau propriétaire. Le fond a l'air plus classique qu'avant. Trouvé les ''Lettres à sa fille'' de Calamity Jane aux éditions Tierce. Désormais je possède les deux préfaces.

    Et un catalogue Portraits de la pensée.

    Deux cent cinquante six écrous

    Remonté les huit yolettes entre midi et deux, huit portants par yolette, quatre écrous par portant. Que de souvenirs dans le simple fait de visser et dévisser des boulons. Je ne pensais pas refaire cela de ma vie, je pensais ne jamais remonter (ou démonter) de bateaux. Mais je reviens toujours sur mes pas, et la fin de la journée l'a encore prouvé.

    Ecoutez la première minute (entendre une cornemuse sur l'eau au petit matin en face de Saint-Marc… Une envie de rire et de pleurer tout à la fois).



    ————————————— Agenda
    Entretien avec Mme Cholvy à l'institut catholique pour le cycle C. Evoqué tous mes souvenirs, de Saint Augustin à Agadire à Stanislas Lalanne à Versailles.

    Retour

    On s'habitue bien aux vacances.

    Bilan: un bronzage camionneur, quelques coups de soleil mais rien de grave, une douleur incompréhensible dans la cheville droite, qui passe quand je marche vite mais me fait perdre l'équilibre à l'arrêt.

    Pas envie de me coucher.

    Le chat du rabin: ça ne commence pas vite, ce n'est pas très épais, mais c'est amusant.

    Nous sommes devenus des experts en déchargement de semi-remorque : huit yolettes transbordées sur une remorque à bateaux en une heure et demie.

    Du 10 au 14 juin, Vogalonga

    vendredi 10 juin : journée libre dans Venise. (arrivée vers midi)
    samedi 11 juin: rendez-vous à 14 h parking à bateaux
    dimanche 12 juin : courses / remontage des bateaux
    lundi 13 juin. petit déjeuner vénitien. le soir, train
    mardi 14 : matin, arrivée à la maison. Après-midi, Le chat du rabin, soir démontage de la remorque avec Clément (je l'ai amené pour qu'il donne un coup de main à descendre les bateaux de la remorque).

    Petit déjeuner vénitien

    Dernier matin, je reprends le train ce soir. La journée sera perdue bêtement, comme chaque fois qu'on voudrait faire tant de choses et qu'on a la faiblesse de ne pas partir seule mais d'attendre que les autres soient 1/ prêts 2/ se décident. Tant pis. (Rageant tout de même de rater une visite de l'Arsenal. Zut alors.)

    Je prends mon petit déjeuner avec Luisa, Danielle. Plus tard arrive Pascal, mince, élégant, souriant, hésitant. Il a entre quarante et cinquante ans, quelques cheveux grisonnants, c'est le diplomate de l'équipe, celui qui s'entend avec tout le monde, que tout le monde salue et invite (car il y a quelques frottements, entre "les anciens d'école", "les CE" et "les loisirs").

    Luisa est australienne. Elle a environ vingt-cinq ans; avec ses taches de rousseur et ses épaules carrées, elle respire la santé et la gentillesse. Nous parlons de sport, je lui fais des compliments sur la puissance de son coup d'aviron:
    — Je m'entraînais avec l'équipe universitaire masculine de Sydney, c'est pour ça.
    — Et tu faisais du surf, aussi?
    Elle fait quelques fautes, très peu, avec un peu d'accent et de timidité.
    — Oui, un peu.
    — Mais il n'y a pas de requins?
    — Si, il y en a. Il y en a même plus qu'avant, à cause de l'écologie: le port est nettoyé, l'eau est plus propre, et avec le réchauffement climatique, l'eau est plus chaude, il y a plus de poissons qui viennent dans la baie et ça attire les requins.
    — Il y a eu des morts?
    Elle réfléchit: — Non, l'année dernière, pas de morts, juste deux accidents. Il y a un surfeur qui a perdu les deux jambes, elle fait le geste de ramper sur les coudes: Mais il revient surfer elle mime des applaudissements et tout le monde "Yeaeahh!" sur son passage à la plage.
    Pascal est un peu choqué (voire beaucoup): — C'est tout de même beaucoup moins sexy…
    Spontanément, je pense au moignoning de Matoo et à cet ami qui me disait de son copain roux: "il n'a jamais eu peur de rester seul car il savait qu'il était sur une niche". Sans trop réfléchir j'interviens:
    — Ça dépend: il n'y en a peut-être pas beaucoup qui aiment ça, mais pour celles qui aiment ça, il est seul sur le marché.
    Les yeux de Pascal s'agrandissent. Il évalue et soupèse mes paroles, des horizons s'ouvrent devant lui:
    — Je n'avais jamais pensé à ça sous cet angle, avoue-t-il vaguement épouvanté.

    Proust : un miroir

    Il faut, du reste, ajouter qu'on ne peut imaginer combien, d'une façon plus générale, M.de Charlus pouvait être insupportable, tatillon, et même, lui si fin, bête, dans toutes les occasions où entraient en jeu les défauts de son caractère. On peut dire, en effet, que ceux-ci sont comme une maladie intermittente de l'esprit. Qui n'a remarqué le fait sur des femmes, et même des hommes, doués d'intelligence remarquable, mais affligés de nervosité? Quand ils sont heureux, calmes, satisfaits de leur entourage, ils font admirer leurs dons précieux; c'est, à la lettre, la vérité qui parle par leur bouche. Une migraine, une petite pique d'amour-propre suffit à tout changer. La lumineuse intelligence, brusque, convulsive et rétrécie, ne reflète plus qu'un moi irrité, soupçonneux, coquet, faisant tout ce qu'il faut pour déplaire.

    Proust, Sodome et Gomorrhe, p.1090, Pléiade Clarac

    Partage

    — Moi je sais faire la tarte aux navets
    — Moi je vais apprendre à mettre les quenelles dans un four pas assez chaud…
    — Et moi les frites !
    —Mais qu'est-ce que vous faites ?
    — On se partage ton héritage culinaire.

    Une langue encourageante

    — Comment on dit fail en allemand ?
    Les deux correspondants allemands (12 et 14 ans) se consultent et délibèrent :
    — Il n'y a pas de mot pour ça.
    — Mais si je fais un salto arrière et que je m'écrase ?
    — Tu feras mieux la prochaine fois.

    Congés

    Du mal à appeler cela des vacances, mais oui, je ne vais pas travailler. Qui veut des rouleaux de sopalin et du coca, j'ai du rab. Vaisselle, Proust, Joyce, le chat du rabin ou Pirates des Caraïbes IV, à moins que je n'enrôle mon fils, opéra de Massy, deux Allemands, finir Carl Schmitt quand même, avant de finir Ulysse même remarque, démonter les bateaux, Mantes, clé de dix (en racheter une), maillot du club (pourvu qu'il y ait ma taille), train pour Venise, une journée de solitude et de tranquillité. Vacance.

    Particularité, sans doute

    Evidemment, il est difficile de juger soi-même de ses particularités. Mais j'ai l'impression que notre façon de vivre dans le silence est assez inhabituelle: ni télé, ni radio, peu de films, peu de téléphone, pas de MP3, rarement de la musique.
    (Réflexion suite à la vision de six minutes de Youtube pour ne m'apercevoir qu'à la fin que j'avais coupé le son, et qu'il y avait une musique "d'ambiance" sur les images que je venais de voir).

    Peut-être une idée de la barbarie. Ou de la solitude. Ou de la sérénité.

    Avertissement

    Ce n'est jamais trop le moment de m'emm***, mais en ce moment, le niveau de patience est particulièrement bas («Qu'on se le dise et répète», comme on disait dans le 45 tours de Cendrillon de mon enfance.)

    La journée que je n'ai pas envie de vivre

    Régulièrement, tous les deux ou trois ans.




    spéciale dédicace
    (Je mets cela en ligne en 2015. A l'époque, par charité, je l'avais laissé hors ligne. Benoît fut le surnom de C. pendant quelques temps. Il s'agit d'un sketch, mais je ne sais pas de qui.)

    — Huhuhuhuuu… Salut p'pa!
    — Bonjour Benoît… tu t'réveilles?
    — Ouai, pourquoi?
    — Il est 19h30 Benoît.
    — Bon ben j'ai la journée devant moi.
    — Benoît j'aimerais te parler
    — Cette année?
    — Oui, […] tu penses pas qu' il serait temps que tu trouves du… TRAVAIL?!
    — Oh les mauvaises vibrationnnns ! Oh l'agression dès l'matinnn!
    — Ecoute je ne t'agresses pas Benoît […] Simplement, qu'est ce que tu veux faire dans ta vie?
    — …
    — Réfléchis, prends ton temps… c'est important, qu'est ce tu veux faire dans ta vie ?
    — … … … Duuuu miel ! … Wééé c'est cool LE MIEL!
    — Parfait mon fils […] t'sais ça se fait pas comme ça du miel… Pour faire du miel il faut des? pour faire du miel il faut des? des? Soufflez pas il va le trouver tout seul. Hein hein bravo madame… Il va trouver tout seul! Pour faire du miel il faut des? des?
    — Des pots.
    — Oui il faut des pots, il faut les avoir c'est bien Benoît… il faut des pots, bien, bien ! mais avant il faut des ab ? des ab ? Bzzzzzz ? tain mais enfin réfléchis Benoît!
    — J'suis a fond !
    — Faut des ABEILLES Benoît!
    — Tss ça j'le savais en plus !
    — Allez, combien il t'en faut au départ ?
    — Ben deux ... un bourdon et puis sa meuf.
    — Nan, nan il t'en faut au moins 100 000 !
    — 100 000 abeilles ?! dans ma chambre…

    Machisme, paraît-il

    Ce repas post-électoral m'avait totalement écœurée et passablement désorientée (j'avais écrit "triste" pour ne pas écrire "dégoûtée").
    J'ai l'habitude des écoles d'ingénieurs et des clubs de sport. Le langage cru, les plaisanteries stupides, j'y suis habituée. Mais comment dire, ce n'est pas (ou rarement, sauf cas particulier) malsain. C'est franc, parfois de mauvais ou de très mauvais goût, mais tout le monde sait à peu près ce que nous sommes en train de faire, c'est-à-dire en train d'utiliser des codes, de les retourner et de les re-retourner. Mais ce sont toujours des codes, et personne ne se sent atteint dans son être. Et parfois il arrive que la conversation débouche sur un vrai sujet, sur une vraie curiosité.

    Ce soir-là, le soir de ce repas, j'avais une vague envie de vomir. Car on avait parlé de gens, de vrais gens, j'avais entendu calomnier d'un air gourmand des inconnus. Soit ce qui était dit était vrai, et il fallait faire quelque chose, soit c'était faux, et c'était ignoble (ne me demandez pas de quoi il s'agissait, j'ai oublié aussitôt. A vrai dire, je n'ai cru à rien. C'était juste malsain et pas amusant du tout (car à quoi bon parler cul si ce n'est pas pour rire ou s'instruire?))
    Tron est à Draveil, pas très loin de chez moi. Le responsable de la section Modem de ma ville est une femme d'une trentaine d'année. A l'époque, elle nous a confié assez vite que les hommes politiques, passés un certain âge, imbus de leurs privilèges, semblaient absolument ne pas pouvoir imaginer qu'on ne se sente pas honorée de céder à leurs avances. Et cela même dans un parti plutôt obscur, sans grand pouvoir. Soupir.

    Machisme à l'Assemblée. Que dire?

    Je me souviens d'un soir où je lisais dans le RER le genre de livres que je lis quand je ne lis pas des bibliothèques vertes. Un élu Modem de la communauté d'agglomération, un homme courtois et bien élevé, me croisa par hasard, regarda mon livre, et me dit: «Ah vous lisez? C'est bien» d'un air heureusement surpris.

    La défense Lincoln

    Bon film comme je les aime, sérieusement construit, sans temps mort. Le titre fait penser à une parade aux échecs, et c'est un peu ça, chaque mouvement ou parole étant destinées à produire plusieurs effets simultanés et généralement contraires, sans que les personnages ne devinent les manipulations en cours (le spectateur, si — mais avec retard).


    ———————————————
    Agenda
    Pris rendez-vous pour passer un entretien pour le diplôme de théologie. Emue.

    Bizarre

    En parcourant mes billets mis en ligne en revenant de Venise, je me rends compte qu'ils ne permettent absolument pas de savoir ce que j'y ai fait, ils ne rendent rien de la chair des jours.
    Bien sûr c'est volontaire, mais tout de même, c'est étonnant de tenir quotidiennement quelque chose qui n'est pas un journal de faits, mais un journal de pensée, ou même pas (car cela supposerait qu'il y ait "pensée" et continuité dans le fait de la noter), juste des lignes, en fonction des envies et de la volonté, de la volonté de cacher le plus souvent. Pourquoi écrire tous les jours avec la volonté de cacher?
    Disons que ce n'est pas une volonté initiale, c'est plutôt une volonté résultante, résultant de ne pas trop montrer les mauvais moments, une volonté de glisser. RC prétend que c'est justement quand tout va mal qu'il faut tenir son journal. Peut-être, mais un blog n'est pas un journal, il est en ligne, il est lu, ou susceptible de l'être.

    Ne restent je l'espère que la fantaisie, le farfelu, le rire, quelques coups de gueule, un peu de publicité pour les spectacles ou les sites aimés. Et la bizarre constatation que deux ans plus tard on ne retrouve rien de ce qu'on aurait aimé avoir noté parce qu'on ne s'en souvient plus.
    Tant pis.

    Conversation entre nanas

    — On a acheté des fringues, puis on est allé manger une flameküche chez O'Neill en attendant l'heure de la pièce.
    — Je vois, une discussion entre nanas…
    — Tout à fait. Elle m'a expliqué la courbe de von Koch. «Tu sais ce que c'est que le Flocon de von Koch? Javais compris le Faucon de Folcor et je croyais à de la SF…
    — Non.
    — C'est une figure au périmètre infini mais à l'aire finie. J'ai un triangle équilatéral, et sur chaque côté j'ajoute des triangles équilatéraux dont la hauteur fait un tiers de la hauteur du grand triangle. J'ai appelé SO l'aire du grand triangle et (etc…). Et quand je suis allée voir ma prof, elle a détruit cinq heures de calcul en trois minutes: «alors tu sais que l'aire des petits triangles est égale à un neuvième du grand… — Mais pourquoi madame? — Mais si, tu as vu l'année dernière que s'il existe un rapport k entre les hauteurs de deux triangles, le rapport entre leurs aires est de k au carré, donc l'aire de ta figure totale…» (etc).


    J'ai fait un tour dans l'un de mes blogs préférés.
    Billets citant la courbe de Koch.
    La construction du Flocon est disponible sur wikipédia.

    Quatre films

    Trois de ces films ont été choisis sur un critère exogène: proximité de la salle et heure de la séance.

    - Le complexe du castor : parfaitement dispensable, un navet, je crois. American Beauty sans la dimension Lolita (je ne suis pas en train de dire que c'est la dimension Lolita qui rendait American Beauty intéressant, mais que voir Le complexe du castor est inutile: on l'a déjà vu).
    Un moment j'ai cru (presque espéré) que nous allions glisser vers du Foerster, mais même pas.
    Seul plaisir: Kung Fu. Je pensais que Petit Scarabée était oublié aux Etats-Unis. (Jodie Foster a tourné dans l'un des épisodes quand elle avait cinq ou huit ans.)

    - Minuit à Paris : encore un film sur un écrivain. Je vois ce film comme la suite ou le pendant de Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu. Woody Allen essaie de nous apprendre à vieillir — ou d'apprendre à vieillir.
    Comment ne pas se perdre dans le passé, que ce soit le sien (tentation du vieil homme dans le film précédent) ou celui d'une génération (Minuit à Paris)? Le thème me touche peu, ayant plutôt tendance à ramener le passé au présent que faire basculer le présent dans le passé, mais tenter de mettre en scène cette difficulté à accepter le temps, à accepter de vivre dans le flux, est courageux et difficile. Pour quelque chose de si difficile, ce n'est pas si raté.
    Bluffée par la beauté des acteurs, avec une mention toute particulière pour Hemingway et Zelda (Alison Pill).
    Et sans connaissance technique particulière, j'ai été sensible à la pellicule utilisée, différente, comme fumée: une façon de faire du sépia en couleur.

    - Mon père est femme de ménage : Une bonne surprise. Sans doute un mauvais film d'un point de vue du cinéma (je veux dire un film qui aurait pu être un téléfilm), mais un très bon témoignage sur la société: la France, une certaine France, de 2011, est représentée dans ce film. C'est peut-être La Boum d'aujourd'hui (pas de slow, rien pour rêver).
    C'est un film sans méchant, c'est un film à base de scènes, comme autant de sketches, avec de bons dialogues. Il est construit autour d'une famille, et plus particulièrement d'un garçon, de son brevet des collèges à son bac. Cela ne se passe pas en Seine-Saint-Denis, mais dans le Val-de-Marne, les quatre amis sont blanc, juif, arabe, noir, et ce que montre bien le film, c'est la façon dont la violence, la bagarre, peut éclater à tout moment, sous n'importe quel prétexte, et qu'elle paraît absolument normale aux enfants: ce n'est pas une anomalie. Il me semble aussi que seul un réalisateur s'appelant Saphia Azzedine pouvait se permettre des blagues aussi racistes.
    C'est sans doute un film sur les classes sociales: la barrière, c'est l'argent, ce n'est ni la couleur, ni la religion. (La jeune fille, avec ses tâches de rousseur, est très jolie.)
    Le père croit encore que bien travailler en classe permet d'avoir un meilleur métier, une vie meilleure, il se bat pour ça, et cela m'a émue, de retrouver cette foi qui animait mes parents et qui me paraît avoir totalement disparue. (J'ai sans doute tort, si ce film dit vrai).
    Mention spéciale pour la sœur, stupéfiante de bêtise, plus vraie que nature. Ça c'est une actrice!

    - Je n'ai rien oublié. Je l'ai sans doute choisi pour Depardieu. J'ai beau lui en vouloir de devenir obèse sans retour, j'aime sa façon de jouer. Le film est bon, une bonne intrigue, de beaux décors, un peu violent, un peu mélancolique et un peu incohérent. Ce genre de film qui ne prétend pas démontrer quoi que ce soit sur l'art de faire des films me réconcilierait presque avec le cinéma français.

    Traumatisme

    Une histoire dédiée aux premières hontes de Fcrank.

    Une collègue nous raconte que, son beau-père étant inventeur, elle avait pris l'habitude de répondre à son fils quand il demandait: «Qu'est-ce qu'il fait, papa? — Inventeur, comme papy.»

    Et comme le petit garçon s'étonnait:
    «— Mais y bricole jamais! Qu'est-ce qu'il a inventé?
    — Mais si, tu sais bien, il a inventé l'eau tiède.»

    Bien entendu, on demanda un jour en classe à l'enfant: «Qu'est-ce qu'il fait, ton père?»

    Elle fume pas, elle boit pas, mais elle cause.

    Ma mère, récit de H. sur Skype : «elle parle à ton père, à ses voisins, aux amis de ton père (l'un d'entre eux est venu déjeuner), au chien, au chat, à moi, à ses plantes, aux oiseaux (liste non exhaustive). Une chose est sûre, elle ne s'arrête jamais sauf quand elle tricote ou fait du point de croix.»

    C'est drôle, je ne me souvenais pas de ça.

    Towel day : rendez-vous aux arènes de Lutèce

    Pour les 10 ans du Towel Day le Grand Ordre de la Serviette organise un événement inoubliable sur Paris.

    LE PROGRAMME COMPLET :

    1- Combat de serviette

    2- Lancer de serviette

    3- Course à la serviette

    4- Tir à la Serviette

    Entracte — défilé de belles serviettes

    Pièce "La Serviette" du fameux poète latin Plaute (254-184 av JC)

    Remise des coupes, médailles, diplômes (enfin ce qu'on trouvera!) aux grands vainqueurs des susdites compétitions.

    Rendez vous à 19h30 aux Arènes de Lutèce (dans le quartier latin), un somptueux endroit, idéal pour un towel day ensoleillé. Après on ira finir la soirée dans un pub du coin à boire des cacahuètes et manger des bières (ou l'inverse - à voir).

    Hitch

    Hitch, encore cette semaine au Lucernaire. La pièce représente l'interview légendaire de Hitchcock par Truffaut. Elle intervient au moment du montage des Oiseaux.

    J'attendais quelque chose de didactique, un poil ennuyeux mais riche d'enseignements, et ce n'est pas du tout cela. C'est un jeu sur les langues et les accents (c'est à la fois agréable, naturel et fatigant), avec des acteurs prenant la peine de ressembler à leurs personnages. J'ai découvert une Madame Hitchcock (je ne savais même pas qu'il y avait une madamde Hitchcok) drôle, fine et intelligente, un Hitch farceur fuyant le sérieux comme tout Anglais qui se respecte, et un Truffaut emprunté au point d'être raide, et cependant non dénué d'impolitesse.

    La pièce met en scène un jeu entre la vérité et le mensonge, l'être et le paraître; bref, elle prend la peine d'être la démonstration de ce qu'elle évoque par instants, entre une réplique potache de Hitch et une question sérieuse de Truffaut.

    Invraisemblance: vous refuseriez, vous, de dîner avec Hitchcock s'il vous invitait?

    J'ai retrouvé quelques phrases célèbres, la qualité du film et la qualité du méchant, Marylin Monroe sans mystère, son sexe sur le visage… (je ne vois pas très bien la différence qu'il semble établir avec BB: BB, le sexe sur la peau tout entière?)

    La main au collet

    Nous sommes allés voir le film au cinéma, avec l'arrière-pensée pour ma part de leur donner quelques éléments pour comprendre la pièce de théâtre de demain.

    Je ne sais plus si j'avais déjà vu ce film, peut-être le début, les images du chat sur les tuiles.
    Grace Kelly est magnifique, c'en est presque douloureux. Tant d'élégance et de style, où cela a-t-il disparu? (Et la course poursuite, bien sûr, ne peut aujourd'hui que nous faire penser à sa mort.)

    Visionnage sur fond de drame, C. a le cœur gros.

    Après le film, dîner dans une brasserie place de la Sorbonne. On dirait que tous les garçons ont trop bu.

    Vieille blague et illumination syntaxique

    Johnny et Laetitia se retrouvent après une séparation de quelques jours. Ils font l'amour, et Laetitia, dans un élan amoureux, s'exclame:
    — Oh Johnny, tu m'as manqué!
    — Fallait pas bouger, salope!

    Et soudain, je découvre qu'il y a deux façons d'accorder "manquer".

    La langue pardonne peu

    Mardi matin, ma collègue m'a déprimée. Depuis le 9 mai elle a sous sa coupe une jeune stagiaire beurette en master d'économie en formation en alternance. La jeune fille est destinée à répondre au téléphone sur des sujets très variés et à écrire des lettres. Ma collègue trouve qu'elle parle mal, qu'elle écrit mal, que ce n'est pas possible…

    J'en parle à la jeune fille qui est presque au bord des larmes. Elle a effectivement une élocution que je qualifierais de "sombre", sa voix devient plus grave sur les consonnes, ce qui les fait disparaître. Et elle fait des fautes étranges, se trompant de pronoms dans les phrases, parlant très facilement à la troisième personne…
    Mais enfin, il n'y a pas péril en la demeure.
    «Je me suis sentie nulle… Je suis pourtant major de ma promo…» me dit-elle en parlant des remarques de ma collègue.
    J'ai le cœur serré. Elle n'était pas préparée à cela, elle découvre cette discrimination sociale et la prend de plein fouet.
    Je dis à ma collègue, vieille fille: «Tu vas le trouver où, ton mouton à cinq pattes? K. est polie, bien élevée, elle s'habille avec réserve, elle est motivée. Qu'est-ce que tu veux de plus?»

    J'ai ramené au bureau un guide de bon usage, à la fois de savoir-vivre et d'écriture. Et un petit livre bleu, un manuel pour apprendre la rédaction datant des années 40 et destiné aux enfants de 6e et 5e de ces années-là.

    Initiation à l'aviron pour les enfants début juillet

    A Neuilly, au pied de la Défense, sur un bras calme de la Seine. Métro ligne 1.

    Les enfants naissent dans les choux

    Quatre garçons à la dérive dans le couloir :
    — Qu'est-ce que vous faites là?
    — Ils sont déjà trop alors ils nous ont virés.
    — Bon allez venez.
    — Mais y a que des filles!

    Et effectivement, elles sont treize, quatre qui bricolent (travaillent), les autres qui papotent. Douze ou treize ans. Les garçons s'installent au bout de la table et commencent à cancaner à qui mieux mieux avec les pipelettes; j'écoute avec surprise, ce n'est que classement de beauté et question sur les tailles de soutien-gorge. Oui je suis surprise, car rien n'indique par ailleurs que la puberté ait commencé, ni leur physique poupin ni leur regard franc. Garçons et filles papotent, mais je ne comprends pas bien d'où leur vient leur intérêt, si ce n'est de par convention.

    L'un d'entre eux fait une allusion lourde de sous-entendus, et sans même y penser je réponds avec un peu d'ironie. Antonin me regarde et dit, provocant et accusateur, pensant m'embarrasser:
    — Mais Madame, vous en savez des choses!

    Je suis debout, il est assis, contre-plongée, visage angélique boucles brunes dents baguées regard clair, il est adorable, gentil, souriant. Je réponds doucement:
    — Tu sais, s'ils ont des enfants, c'est que les parents savent deux ou trois choses…
    Il me regarde, ses yeux chavirent, pensifs, il bafouille sous le coup de la surprise:
    — Je n'y avais jamais pensé…

    Kermesse (dimanche dernier)

    Peu de livres, très peu de livres, et en fort mauvais état. Je trouve des Rouge et or souveraine. Je les achète pour les "sauver". Je ne me lasserai jamais des bibliothèques Rouge et or.

    - Alain Bombard, Naufragé volontaire, en poche (la dernière fois que je l'ai eu, c'était en bibliothèque verte);

    - Anthony Buckeridge, Bennet et les grenouilles, toujours dans l'espoir de faire lire le petit dernier

    - Lieutenant X, Langelot et le plan Rubis, parce que je les achète, parce qu'une Libanaise m'a contacté sur FB à cause de Langelot;

    - Aranka Siegel, Sur la tête de la chèvre, épuisé. J'ai le tome 2, La grâce au désert, je les ai lus tous les deux entre 1992 et 1994, à la bibliothèque de Levallois-Perret, à l'époque où je ne lisais plus que des policiers et des livres pour enfants. Deux livres magnifiques (une adolescente juive hongroise en 1942);

    - Charles Dickens, Olivier Twist, en bibliothèque verte, abrégé (oui je sais. Honni soit, etc);

    - Frances Burnett, Petite Princesse'' et ''Le petit lord Fauntleroy, en rouge et or souveraine, donc;

    - Philippe et Jacques Mahuzier, les Mahuzier au Canada, parce que je ne peux pas laisser échapper un Mahuzier.

    Fin de week-end (fin de partie)

    C. manque son train pour la Suisse et nous annonce dans le même élan qu'il veut rester en France. Ça tombe bien, je manquais d'un jardinier.

    Le dilemme

    Règle : tout nouveau film projeté directement à l'UGC Orient-express est une bouse. Je le sais, mais j'essaie (c'est le côté catho, la croyance au miracle, le désir d'être sauvé: et si cette fois, cette unique fois, ça allait marcher (mais dans la réalité ça ne marche jamais (mais j'essaie encore…))) .

    Et en regardant ce film verbeux pleins de bons sentiments, je me disais 1/ que Winona Ryder vieillissait mal 2/ que si ces films ne m'apprenaient rien sur le cinéma, ils m'apprenaient sans doute beaucoup sur une certaine Amérique qui n'a pas dépassé la comtesse de Ségur et Dickens. Non, ce n'est pas "rafraîchissant", c'est juste agaçant.

    Le Fou, de et par Benoit Lepecq

    Benoît encore, à une heure ingrate (15 heures); il avait de la chance j'étais en réunion à deux pas du théâtre de la Pépinière, je suis partie au milieu des conférences sur la CNIL…

    Spectacle en deux dimensions, sans le son et la lumière, et m'a frappée cette fois un aspect Charlie Chaplin, s'ajoutant à Rimbaud et Artaud qui viennent spontanément à l'esprit.

    Ce spectacle est une merveille d'intelligence (et donc de poésie), tant du point de vue du texte que de l'interprétation.

    Hypocondrie philosophique

    De même que certains pensent être malades chaque fois qu'ils ouvrent un livre médical, je crois tenir une description valable du monde chaque fois que j'ouvre un livre de philosophie.

    (Pour me consoler de ce travers, je me dis qu'il est difficile de lire sans croire, au moins le temps de la lecture.)

    Exemple :
    Le pouvoir essayait de compenser l'impuissance à laquelle il s'était lui-même condamné en multipliant les vagues promesses tendant à substituer à la démocratie politique la démocratie sociale, celle-ci étant présentée comme la démocratie idéale, celle qui devrait exister et dans laquelle l'éthique règlerait mieux les difficultés que l'autorité et la puissance.

    Julien Freund en préface de La notion de politique, p.16
    J'ai l'impression que Freund parle de l'école.

    Bruxelles

    - Albert Lavignac, Le voyage artistique à Bayreuth, parce que Daniel Ferrer le cite souvent;

    - Luis Borgès, L'auteur et autres textes, un livre neuf, bilingue (je n'apprendrai jamais l'espagnol, mais qu'importe), parce qu'un Borgès, pourquoi pas, ce n'est jamais perdu, c'est du fond de bibliothèque;

    - Michel Mesnil, Kenji Mizoguchi (Seghers 1965), parce qu'il y a bien longtemps on m'a emprunté (je sais qui) le Mizoguchi aux éditions du Cerf (et le Louise Brooks) qu'on ne m'a jamais rendu;

    - Lorand Gaspar, Histoire de la Palestine, (1978), parce que depuis que j'ai lu Le Figuier, je ne laisse jamais passer un livre Maspéro. Et puis Gaspar, Gaspard de la nuit, Gaspard des montagnes, Gaspard le rat…;

    - Albert Mahuzier, à la poursuite des Gorilles, (dédicace de l'auteur), parce que je ne connaissais que Les Mahuzier en Afrique de Philippe Mahuzier, et que visiblement c'est le livre père, à tous les sens du terme, et que ces Mahuziers m'ont autant accompagnée que les Signes de piste;

    - Jacob Boehme, Confessions, et si je dis que c'est parce que je sais que je le confonds avec Boecke, un personnage d'Hugo Pratt dans Fable de Venise, qui comprendra?

    - Maître Eckhart, Conseils spirituels, parce que parce que, Alain de Libéra et Urs von Balthazar et ma prof de philo et toute la vie qui précipite…, et la couverture qui me semble être exactement une carte postale envoyée par Philippe;

    - Charles Péguy illustré par Nathalie Parain, Cinq prières dans la cathédrale de Chartres, Sainte Geneviève, Jeanne d'Arc, à cause d'un retour de plieux.

    L'inconvénient de tout ceci, c'est qu'ayant été acheté le matin, il a fallu le porter le reste de la journée dans mes déambulations au sud de Bruxelles.


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    Agenda
    Thèse de Tristan Storme
    Failli manquer mon TGV au retour

    Constat

    J'en viens à me demander si je je ne devrais pas faire comme à vingt-trois ans, c'est-à-dire me vieillir, (enfin là c'est assez simple, il suffit que je me laisse blanchir et que je laisse pousser ma frange) et arrêter de faire l'andouille.
    J'ai peut-être trop cru à Conseils à un jeune Français partant pour l'Angleterre, ou alors ça ne vaut pas si l'on reste en France (ah oui, ça doit être ça, sinon les conseils auraient été inutiles, suis-je bête.)

    Je ne sais pas. J'hésite. J'ai toujours adoré les faux signes, mais ce n'est amusant que s'ils sont reçus comme faux signes, au moins par quelques-uns. Dans mon esprit, c'était même une façon de distinguer ces quelques-uns. Mais je commence à être découragée. (D'un autre côté, je me dis que je regretterai peut-être ces lignes dans dix ans. D'un troisième côté, je commence à trouver tout cela suffisamment ridicule pour totalement l'oublier (ou l'occulter?) : oui «Honni soit qui mal y pense» commence à acquérir toute sa profondeur.)

    Déco

    Dans ma cuisine, il n'y a pas de calendrier de pdblogeurs, mais un calendrier de rameurs (à l'origine cela devait être un cadeau de Noël, mais il est arrivé en mars, j'ai donc décidé de le garder).


    Inconscience

    «Qu'est-ce que la théologie?» Ce matin dans le métro, j'ai été assez embarrassée de me souvenir que j'avais posé cette question (qui me travaillait depuis longtemps) tout à trac en mars 1997 au dominicain Hervé Legrand au cours d'un déjeuner durant un séminaire au centre jésuite des Fontaines.
    Mon Dieu… (Et encore plus embarrassée, maintenant que je viens de faire une recherche google sur son nom. Heureux les simples d'esprit…)

    (Il a répondu par une boutade et nous sommes passés à autre chose.)



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    J'ai rencontré Taubes sur le mur FB de Jean-Yves P., en novembre 2009, à l'occasion de la parution en français d'Escatologie occidentale je suppose. J'ai aussitôt su que c'était un homme pour moi (pourquoi? sans doute à cause des quelques mots d'accompagnement de Jean-Yves), de même qu'entre Benjamin, Strauss, Scholem, il m'a suffi de quelques lignes pour savoir que c'était Scholem qui serait le mien.

    Je lis En divergent accord et une fois de plus je suis surprise de me rendre compte que tout aurait pu avoir lieu beaucoup plus tôt: Nolte ou Kosselleck, la querelle des historiens allemands, j'en avais eu connaissance en 1995, mais je n'avais pas compris que c'était là qu'il fallait creuser, que c'était le chemin que je cherchais. Je ne l'avais pas reconnu.
    1996, inscription à une série de cours de Paul Corset sur Maïmonide, cours que je n'ai pas pu suivre, raisons familiales. J'aurais rencontré Brague, forcément, dans le parcours. (Il faudrait que je ressorte ce cours: le professeur me l'avait très gentiment envoyé quand je lui avais expliqué pourquoi je ne pouvais pas être présente. Je ne l'ai jamais lu.)

    (Comme Hervé Legrand était drôle. J'aurais pu l'écouter des heures, il fait partie de ces gens qui vous emmènent en promenade quand ils parlent et vous font découvrir des paysages ou des contrées. Comme je lui avais fait une remarque quelconque sur son humour, il m'avait répondu que ce n'était pas toujours très bien compris autour de lui, qu'on le prenait parfois trop au sérieux, ce qui m'avait laissé interloquée.)
    Je me souviens qu'au cours du même repas avaient été évoqués les problèmes posés par un jeune prêtre présent au colloque, et visiblement assez mal dans sa peau. «Manque de formation», avait diagnostiqué Hervé Legrand (ce prêtre avait interrompu des études). Cela rejoignait le jugement du prêtre sur le fils dans Mamma Roma, film que j'avais vu peu auparavant, et la coïncidence des opinions m'avait impressionnée: il n'y a pas de raccourci, tout le chemin est à parcourir (mais il est élastique ou en accordéon: parfois il s'allonge ou rétrécit brusquement. Cependant le phénomène est totalement imprévisible).

    Quinze ans pour trouver une entrée possible du labyrinthe. Combien de temps me reste-t-il pour m'y perdre et cependant ne pas errer?

    La lecture de ce tout petit livre me donne envie de rire et pleurer, parce qu'il rallume l'espoir.

    Décolletés

    Je me suis d'abord dit que Tristan rendait un hommage à BHL, puis en regardant une photo d'un ancien directeur du Cevipof dont la salle portait le nom, que c'était sans doute une façon traditionnelle d'aborder la philosophie politique.




    Georges Lavau, directeur du CEVIPOF
    de 1967 à 1975

    Grelots

    J'ai acheté des sandales qui font un bruit de bracelets entrechoqués quand je marche.
    Salammbô.

    Nuit de lundi à mardi

    Rangement, ou plutôt ramassage et jet(age): les tas sur le bureau étaient auparavant sur le plancher, mais pas en tas, étalés sur deux ou trois mètres carrés (j'ai abîmé des papiers en roulant dessus avec ma chaise). Dormi si ridiculement peu que je n'ose pas l'avouer. Bon, j'y retourne (je veux dire : dormir)…






    (ajout cinq ans plus tard : cette nuit-là, je cherchais le carnet de santé de Clément qui en avait besoin pour prouver qu'il avait eu la varicelle et pouvait aller en cours. Je ne l'ai pas trouvé et pour cause: il l'avait avec lui à Lausanne.)

    Bilan du week-end

    — Tu crois qu'on aura des vacances, un jour?
    — Tu veux dire un truc où on se repose? Tu rigoles!
    — Non, je veux dire un truc où on fait ce qu'on n'a jamais le temps de faire.

    Bilan de la semaine

    - Mardi Ulysses (de Joyce) et la musique, les dernières découvertes à ce sujet, la pointe de la recherche due à la découverte d'une source il y a deux ans environ.
    Puis Guinness.

    - Jeudi Oulipo : nous avons dit beaucoup de bien de La Syllabe et l'écho d'Alain Chevrier. Et pour répondre à une question que nous nous posions, oui, le livre est réimprimé (éclats de rire à apprendre que Chevrier est classé parmi les auteurs pornographiques à cause du Sexe des rimes).

    - Vendredi Marcheschi, une lecture de Camille morte et une projection du très intéressant Vers la flamme.
    Plaisir de voir Rémi en pleine forme. Donc (pour ne pas oublier) enterrer la sculpture marcheschienne avec les cendres de Rémi, en Grèce (lieu à repréciser), et boire une bouteille de rosé à sa santé (l'enterrer elle aussi ayant semblé dommage)).
    Le reste du temps nous avons parlé culture et civilisation, bien sûr.

    - Samedi Le Misanthrope (admirablement joué à un tarif défiant toute concurrence), avec un plaisir très vif, à la fois à cause de la jeunesse, de la beauté, du professionnalisme de ces acteurs en herbe, et à cause de l'impression de découvrir Molière, la profondeur de Molière (frappée par les résonnances avec La Fontaine: il faudra que je vérifie la chronologie, les influences possibles, et dans quel sens.)

    Bilan professionnel des deux derniers mois

    J'ai pris un poste au débotté, pour rendre service, pour remplacer une collègue absente d'abord pour quelques jours et finalement hospitalisée d'urgence. J'ai eu droit à une heure de mise au courant par la personne qui avait d'abord assuré l'intérim, puis roule Mimile, avec ses mots de passe et mes souvenirs de l'application informatique datant de 2001 (ce qui fait un peu peur concernant l'évolution des systèmes de gestion), je me suis débrouillée, mettant tout le monde à contribution, même les clients («Je ne sais pas très bien quoi vous répondre, lisez-moi la lettre que vous avez reçue,…», «Appelez tel numéro, rappelez-moi dans trois jours si vous n'arrivez à avoir personne (c'est les vacances), j'essaierai de trouver une autre solution...», etc), faisant finalement ce que j'aime, la seule chose qui me paraisse réellement utile sur cette planète: faire jouer la solidarité et l'entraide pour trouver des réponses, pour faire en sorte que le monde aille mieux, soit mieux "huilé".
    (Et ma foi, ça ne marche pas si mal: une fois que tout le monde est convaincu que votre but est bien de trouver une solution et non de jouer à la patate chaude, ça ne marche pas si mal. Les gens sont plutôt de bonne volonté.)

    Ma collègue est revenue jeudi pour deux jours, de façon à pouvoir repartir une semaine en vacances (! : apparemment il n'est pas possible légalement d'accoller ses vacances à un arrêt maladie aussi long (et être en congés plutôt qu'en arrêt maladie lui permet une plus grande liberté de mouvements)). Elle avait prévu de "débriefer" mon travail pendant deux jours, alternant les «Tu as fait un super boulot» tout à fait déplacés et me mettant mal à l'aise par leur flatterie exagérée et les «tu ne pouvais pas le savoir, mais…» Et certes, je ne pouvais pas le savoir.

    J'ai tenu tout jeudi, presque tout vendredi… et j'ai craqué à une demi-heure de la fin, quand pour la dixième fois elle répétait devant une pile de dossiers: «C'est super, la pile a bien descendu».
    — Non je n'ai pas fait un super boulot. J'ai fait le boulot, c'est tout. J'ai assuré l'urgence, j'ai mis tout le monde à contribution, certains vont être soulagés de te voir revenir parce qu'ils ont tenu deux mois et je ne sais pas si les services auraient pu supporter plus. Mais je trouve extraordinaire de débriefer deux jours mon travail de deux mois quand j'ai eu droit à un quart d'heure pour prendre ton poste. (Encore heureux que je ne l'ai pas tenu comme toi, cela serait franchement vexant pour toi), et non, je ne considère pas que descendre cette pile de dossiers ait la moindre importance: si je n'y ai pas touché pendant deux mois, c'est que ce sont des dossiers "morts", le problème est résolu, il n'y a plus qu'à classer tout cela, et cela ne présente aucun caractère d'urgence.

    Elle revient lundi prochain, jour où arrive une stagiaire destinée à l'aider. Mais bien sûr, elle va avoir «tellement de travail», est-ce que je pourrais recevoir la stagiaire? Bon, oui, évidemment (et honnêtement, oui, cela me fait sourire, mais ce n'est absolument pas un problème). Sauf qu'elle me demande tout à trac, au milieu de vendredi après-midi:
    — Et quel est ton programme lundi avec la stagiaire? (Euh… rien. J'ai appris il y a trois heures que j'allais l'accueillir et je ne t'ai pas quittée une minute: non, je n'ai pas préparé de programme):
    — Je n'en ai pas. Ne t'inquiète pas, je peux parler une journée de notre activité, ce n'est absolument pas un problème (songeant avec un peu désespoir que c'est ce à quoi j'ai été formée, en fin de compte: pouvoir parler en toute situation, pouvoir faire face et tenir, donner le change. Cela me désespère de si bien maîtriser ces ficelles.)


    Post un peu con, prétentieux et auto-je-ne-sais quoi, j'en ai conscience. Désolée mais ça soulage.

    Et précision : ma collègue travaille très bien, c'est une grande professionnelle. Je lui reproche juste de se donner un peu beaucoup d'importance.
    La personne du bureau voisin, qui entend les conversations, me regarde en souriant:
    — C'est drôle comme on devine ce que pensent les gens à travers une paroi de bureau, me disait-elle vendredi avant que je ne finisse par exprimer ma pensée.
    — Bah, ce n'est qu'une question de style, tentais-je de répondre avec désinvolture, c'est la différence entre les classiques et les modernes: ceux qui ont à cœur de donner l'impression que tout est facile et qu'ils ne travaillent pas, et ceux qui ont besoin d'exposer la sueur.

    Maintenant ça suffit

    Quand je lis par-dessus l'épaule de mon voisin «X., 57 ans, quatre enfants, s'est immolé par le feu devant son ancienne agence Telecom», je n'ai pas du tout envie de compatir.

    J'ai envie de lui donner deux claques ou trois. Ça me met en rogne. On ne se suicide pas à 57 ans avec quatre enfants quand on travaille chez France Telecom. Au mieux ou au pire on fait la grève de la faim dans le bureau de la DRH (Direction des Ressources Humaines). Mais qu'est-ce que c'est que ces histoires ?

    Liens

    Citation de twitter:
    «@tomgara: Mubarak made Ben Ali look classy, Gaddafi made Mubarak look benevolent, and Assad might just make Gaddafi look like a gentleman.»
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    Japon
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    Twitter et la masturbation (admirez la précision des fourchettes statistiques)
    Les objets de masturbation autorisés par Cambridge
    Des statistiques
    • Mariage princier
    Version dansante
    Version porno
    La liste des invités
    • N'importe quoi (dans la tradition des nanards de l'été)
    Bande-annonce
    Un tumblr qui recueille des titres de journaux (envoyez vos trouvailles) dont les croix nazies sur les gâteaux
    Un parfum de livres à venir par Lagerfeld
    La femme qui n'aimait pas le sport (et donc choisissait ce qu'il y a de plus con pour bien se persuader d'avoir raison de ne pas aimer).

    Pina de Wim Wenders

    Sensible comme toujours aux voix et aux langues. Première musique.
    Sensible sans doute davantage aux musiques, aux souvenirs, au temps qui passe, qu'à la danse. Le cycle et la flèche.

    Allégresse dit-il (en italien, il me semble). Mais le sous-titre traduit "joie". Et je pense "exultation", le pas suivant.

    Qu'est-ce qu'un problème technique? «Continue à chercher».
    Woolf ou Joyce arrêtés plusieurs mois à cause de problèmes "techniques": mais de quoi parle-t-on? (Car nous ne voyons jamais que les solutions.)
    En croisant les gens à la Défense (surtout dans les escalators), je m'étonne souvent que des sacs de chair ressentent des émotions, paraissent si tourmentés, si malheureux (au téléphone).
    En regardant le parvis des fenêtres, je me demande comment traduire cet afflux de vie ? ce n'importe quoi un peu vide et si plein, ce Cnit voile de béton en réfection et la plaine d'autrefois et le dernier rempart de Paris en 1870 et les porte-monnaies roses HelloKitty dans les vitrines et l'odeur du MacDonald ? le plus immédiatement possible, avec le moins de mots possibles. Je songe à Bergson et à sa pointe du présent.

    Violence conjugale

    J'ai rendez-vous avec "lecteur". Quand j'arrive (en retard (mais pas beaucoup)), je vois un petit papier griffonné sous le cendrier.
    Plus tard, au cours de la conversation, il me le tend et m'explique:

    — Le couple qui est parti… tu l'as vu (oui, la soixantaine, peut-être… je n'ai pas fait très attention… J'ai juste pensé en voyant lecteur en conversation avec l'homme que c'était une nouvelle version de Tlön, un "liant" (ce qui m'étonnait un peu de la part de lecteur, solitaire. Mais liant et solitaire, non, définitivement, ce n'est pas incompatible, ce n'est qu'une façon d'être tranquille, de se tenir en repos, quelque chose de pascalien)), eh bien, l'homme parlait beaucoup, il racontait un film, et elle, elle ne l'écoutait absolument pas et ne faisait même pas semblant, elle regardait ailleurs, elle se désintéressait. A un moment l'homme a insisté sur quelque chose qui lui avait paru remarquable dans le film, et elle a été obligée de répondre. Tiens (il me tend le papier), j'ai noté l'échange, imagine cela dit très tranquillement:

    Elle : — Bof, rien de nouveau sous le soleil.
    Lui : — Mais il n'y a jamais rien de nouveau sous le soleil, ma chérie. Toi par exemple, tu es ma troisième femme, pas très nouvelle sous le soleil, hein?

    Bonne fête Tournesol !

    Aujourd'hui c'est la saint Tryphon.

    (Il n'y a qu'une semaine que j'ai réalisé que le capitaine portait le nom d'un poisson (avec une faute d'orthographe).)


    Discussion avec un négociant de poissons en gros à Rungis: «Les gens sont fous. Sogerès, xxx, etc, ne veulent plus de poisson du Pacifique. C'est du poisson congelé depuis six mois!!»
    et
    «L'Atlantique est divisé en six zones de pêche, le Pacifique en deux, la 61 au nord et la 28 au sud: quand on ne veut plus de poisson de la 61, ça fait la moitié de la planète.»




    Note explicative cinq ans plus tard : Fukushima avait eu lieu un mois avant.

    Peut-on se garer sur les places de livraison à Paris ?

    Un billet un peu comme le billet sur la TVA : pour rendre service.


    J'avoue qu'il m'a fallu un peu de temps pour trouver la différence entre les deux photos.


    Départ en colonie

    discussion à bâtons rompus en allant prendre le train :

    — ...
    — Ouh la! Papa Freud va avoir du travail !
    — C'est qui ?
    — C'est le père de psychanalyse.
    — Qu'est-ce que c'est, la psychanalyse ?
    — Tu t'allonges sur un divan et tu dis du mal de ton père et de ta mère.
    — Ouh lala, va y avoir beaucoup de choses à dire ! dit-il, ravi.
    — C'est bien ce qui me fait peur. dis-je, pas si rassurée.

    liens

    • Japon
    Semaine Japonaise à l'ENS du 26 au 29 avril 2011. (Attention, certains ateliers nécessitent de s'inscrire au préalable.)




    - des bateaux
    - une analyse des risques de catastrophes naturelles au Japon publiées en mars 2010. (Traditionnellement quand il s'agit de prospectives je recommande les analyses des sociétés de réassurance (l'assurance cherche à ne pas perdre d'argent, et non à en gagner: elle n'a pas la même vision du risque)).
    - la fission.

    • un lien geek
    histoire et actualité des jeux vidéos.

    • divers
    - un rapport sur la prostitution
    - un récapitulatif des meilleurs blogs économiques (anglais)
    - Isidore, plateforme des sciences humaines et sociales du CNRS
    - des documents sur Lacan
    - les Cantos de Pound.

    *dessins
    œuf dur, la disparition des télécommandes, addict au feutre, fromage bleu, cœur.

    Doute

    Dans la vitrine il reste deux gâteaux.

    — Qu'est-ce que je vous sers ?
    — Je vais prendre le gâteau aux fruits.
    — Celui aux fraises ou celui au chocolat ?

    Souvenir

    Je me retrouverai dans cette ténèbre lactée d'un soir de lune, tel que je suis toujours en ces heures-là, attentif au ruissellement de la Hure, à cette calme nuit murmurante, pareille à toutes les nuits, à cette même clarté qui baignera la pierre sous laquelle le corps que je fus finira de pourrir. Ce temps qui coule comme la Hure et la Hure est là toujours et sera là encore et continuera de couler... Et c'est à hurler d'horreur. Comment font les autres? Ils n'ont pas l'air de savoir…

    François Mauriac cité par Claude Mauriac, Les Espaces imaginaires, p.495
    En lisant ses lignes, je retrouvais exactement la sensation de certaines conversations avec Paul.

    Il est enterré à Sèvres, je l'ai appris en allant poser la question à Saint-Sulpice en février. Il a été enterré très vite, le 16 avril.
    Le 17, je passais au pied de son immeuble, ignorante.

    Je n'aime pas

    - ceux qui tiennent des blogs violents et cyniques, se moquent à longueur de blogs des femmes, des invertis, des fumeurs, des gros, des suants, et qui si l'on ne rit pas vous disent "décidemment tu n'as pas d'humour" et lorsqu'on répond avec autant de violence qu'eux, parce que oui, on se faisait une certaine idée des hommes, une idée de solidarité et de fraternité et que l'on ne peut s'empêcher de remarquer qu'on est déçue, qu'ils ne sont pas à la hauteur, vous disent, eux sans rire et sans penser qu'ils pourraient avoir un peu d'humour: "tu aboies trop fort";

    - ceux qui vous jugent, vous disent que vous partez en torche, écrasent votre parole en décidant de ce que vous avez le droit de dire ou pas (sans manquer de vous féliciter parce que tel post est inattaquable (comme si c'était un hasard: pour ta gouverne il est en ligne depuis février!) ou parce qu'ils découvrent que trois ans auparavant vous êtes restée de marbre devant les inepties d'un crétin (comme si un crétin pouvait m'atteindre (mais que j'explique que quatre ans auparavant j'ai été atteinte, non, rien à faire, ils ne veulent pas l'entendre, ça ne colle pas avec l'idée qu'ils désirent se faire de la situation)), vous demandent votre avis alors qu'ils ont déjà décidé ce qu'ils feront et se contenteront d'insister jusqu'à ce que de guerre lasse vous laissiez faire (quitte à attendre que le truc plante pour avoir enfin la possibilité d'expliquer comment fonctionnent des tags (mais inutile de tenter d'expliquer avant, avant tout ce que vous pourrez dire ne comptera pas; votre parole, votre être, n'a pas de valeur, tant que les faits ne vous offrent pas une brêche dans leur certitude d'avoir raison)), et qui après vous avoir censurée, avoir fait retirer un de vos commentaires, sont capables de glousser dans un mail: "Oh désolé, je suis allé répondre à Tartempion sur le mur FB de Trucmuche, c'est plus fort que moi".

    J'appelle cela (dans les deux cas): le monopole de la violence. Eux ont le droit d'être violents, de vous écraser de leur mauvais goût ou de leur jugement ou de leur décision, mais qu'on s'avise de répondre à hauteur, et l'on aboie, on est tout à fait déplacée et incontrôlable (remarque (puisqu'il faut toujours tout mettre en évidence et que rien ne va jamais de soi): si je ne me contrôlais pas, je ne serais pas en train d'écrire une note anonyme compréhensible par dix personnes, inindexable par Google)).

    Remarque en passant

    C'est drôle d'opposer le courage à la peur.
    Je l'opposerais plutôt à la paresse. Le grand ennemi, c'est la paresse.


    Remarque en lisant Mark Twain.
    «Quand vous êtes en colère, comptez jusqu'à quatre, quand vous êtes très en colère, jurez». Putain de bordel de merde, certains n'ont jamais honte.

    Sur le quai

    Deux loulous, jeunes, un très menu, lunettes, pull à rayures blanches, roses et bleues, l'autre arabo-portugais, mal rasé, sac à doc fuschia foncé passent devant moi qui sors de la rame. Ils sourient un peu en échangeant des regards entendus, je saisis une phrase au vol sans savoir de qui ils parlent:
    — Mad' Moisell', comment Èll mAt'! Elle lâche pas l'affaire! Même moi j'regarde pas comme ça! dit le plus grand, admiratif et incrédule, au plus petit.

    Les théologiens souhaitent-ils la mort de leurs ennemis? me demandé-je en descendant du train, évoquant le regard féroce de B. lorsqu'on aborde certains sujets, toute onctuosité jésuite soudain abandonnée.
    — Mad' Moisell', comment Èll mAt'!!

    Hmm.

    Deux blagues pour ce week-end

    Arafat va très mal, il est probablement en train de mourir. Il obtient l'autorisation de se faire soigner en France. Il arrive semi-comateux, n'a conscience de rien. Quelques heures plus tard il se réveille dans un lit d'hôpital:
    — Où suis-je ?
    — A Villejuif.
    — Aaaahh!
    Il s'évanouit. Plus tard, au réveil:
    — Et qui me soigne?
    — Le professeur Israël.
    — Arghhh!
    Il tombe dans le coma. Quelques jours plus tard alors qu'on pensait qu'il n'y avait plus d'espoir il reprend conscience, tente de regarder par la fenêtre:
    — Quel temps fait-il?
    — Maussade.
    Il meurt d'une crise cardiaque.



    Jean-Marie Le Pen revient tranquillement d'un meeting, les rues sont désertes. Il aperçoit un arabe, vérifie que personne ne regarde, le vise et l'écrase. Cependant, pris d'un doute, il recule, descend de voiture vérifier que l'arabe est bien mort. Il aperçoit une liasse de billets dans la poche du cadavre. Il tend la main pour s'en saisir et… c'est alors qu'une nuée blanche envahit la rue:
    — Voyons Jean-Marie, sois raisonnable, on ne peut pas avoir le beur et l'argent du beur.



    (Message personnel pour C.: 40 ans de Jérôme entre Yves et Michel).

    Dérive

    Hier, 19h35 - J'arrive que le quai du RER A à la Défense, un peu plus bondé que normal. Une rame est arrêtée de chaque côté du quai, portes ouvertes, pleine, attendant de démarrer. Les écrans indiquent que les pompiers interviennent à Fontenay, que le trafic est interrompu entre Vincennes et Fontenay.
    Peu m'importe, je descends aux Halles.

    Alors les hauts-parleurs annoncent que les trains ne partiront pas: le trafic est interrompu sur toute la ligne. Aussitôt je reprends les escalators, me faufile dans les portillons pour passer dans la zone du métro (il est possible de sortir du métro sans ticket, tandis que pour sortir du RER il faut utiliser le ticket qui a permis d'entrer et les contrôleurs guettent souvent. Or je n'ai pas de ticket, je n'ai pas mis mon manteau et j'ai oublié ma carte navigo dans sa poche); je calcule le meilleur itinéraire pour rejoindre Paris en prenant en compte que le millier de personnes contenu dans les rames va prendre ces mêmes escaliers et faire les mêmes calculs.
    Je choisis de prendre le train jusqu'à Saint-Lazare, cette possibilité est souvent oubliée par les usagers du RER. Je fraude encore. Je préviens les enfants de dîner sans m'attendre, je ne sais pas à quelle heure je rentrerai.
    J'attends. J'achète des mars. Je mange un mars. Pas de cigarette.

    Train. Il fait beau, comme prévu il y a de la place, je suis assise, je m'endors.
    «Gare Saint Lazare», la voix traverse l'épaisseur de mes rêves, mouvement de panique et déception, je pensais être chez moi, mon sommeil ayant enregistré le bruit du train: quand le train s'arrête, je suis chez moi. Non, je suis à Saint Lazare. Je descends des escaliers, je remonte sur un quai parallèle à notre arrivée, j'aperçois des contrôleurs en bout de quai, ils semblent contrôler ceux qui prennent le train (et pour cause: j'ai changé de quai par le tunnel souterrain, je ne suis plus sur le quai d'un train que les passagers quittent (ce n'était pas pour frauder mais pour éviter la foule, gagner du temps)), je ne prends pas le risque, je fais demi-tour, je descends, sors rue de Rome, prends la ligne 14, note au passage dans le hall une rangée de barrières grises gardées par cinq ou six agents de la RATP sans comprendre ce qu'ils protègent ainsi (y a-t-il des travaux, un accident?)
    De l'autre côté des portillons, encore des contrôleurs, assez loin. Mais j'ai des tickets métro, j'en ai acheté un carnet en constatant que je n'avais pas ma carte, les tickets de métro permettent de sortir de l'enceinte du RER dans Paris (zone 2) (mais pas à la Défense: zone 3. A quoi reconnaît-on un Parisien? Il sait que le RER de la Défense est en zone 3 et le métro en zone 2. Régulièrement il délivre des prisonniers du RER innocemment entrés dans le RER en zone 1-2 (c'est-à-dire dans Paris) et ne pouvant plus en sortir à la Défense (alors que s'ils avaient pris le métro ils n'auraient pas eu de problème) (astuce pendant que j'y suis: il y a souvent des contrôleurs à la sortie du RER à la Défense (ben tiens: après ce que je viens d'expliquer vous comprenez pourquoi), si vous n'avez pas de billet pour sortir, passez dans la zone du métro au niveau du palier intermédiaire, entre la très longue volée d'escaliers qui vient du quai du RER et la plus courte qui arrive au "raz de dalle".))

    Je monte dans la rame, ne sors pas mon livre, rêvasse. Est-ce que je vais jusqu'à gare de Lyon, comme il est très simple avec la ligne 14 (le changement est très rapide), ou est-ce que je m'arrête aux Halles (changement nettement plus long)? J'opte pour les Halles, toujours en partant du principe que beaucoup de personnes bloquées à la Défense arriveront directement gare de Lyon: il s'agit de les court-circuiter en prenant le RER en amont.
    Dans les couloir je croise des policiers, ça fait beaucoup d'uniformes pour un seul soir, mais que se passe-t-il?

    Je franchis les portillons, j'entends «la circulation du RER B est interrompu en direction de St-Rémy-les-Chevreuse et Robinson. Ça m'est égal, mouvement de joie, absence de pitié, schadenfreude, le D circule.
    L'accès de l'escalier qui descend sur le quai du D est barré par une bande de plastique rouge et blanc. J'ai joué j'ai perdu j'aurais dû rester dans le métro 14. Bande de menteurs, vous aviez dit le RER B! Je m'apprête à passer dessous mais une grosse dame genre juive pied noir me précède en maugréant. En se penchant pour passer sous la bande elle manque de tomber je la vois dévaler, dévaler, les marches de l'escalier... Elle se reprend, nous descendons les marches. Le quai est désert, au loin quelques uniformes sont en train d'évacuer les dernières personnes, le panneau indique "ZUCO 02mn", c'est mon train, ma direction (parmi les multiples branches possibles), j'espère que les uniformes ne nous ont pas vues, ou qu'ils vont venir lentement, deux minutes...

    Je m'assois.

    Ils sont là, un blanc un noir en bleu marine.
    — Vous ne pouvez pas rester là Madame, on évacue le quai.
    — Ça m'est égal, je veux me suicider sous une rame. La Chute. La Chute, mais sans arme, juste pour voir.
    — Oui, mais pour l'instant, vous ne pouvez pas rester là.
    —Non. j'en ai marre. Je monte le ton, j'ai dans l'oreille les blackettes hystériques, j'essaie de leur ressembler juste assez, pas trop mais suffisamment. Déjà à la Défense il n'y avait plus de train et maintenant ici… Ma voix tremble naturellement, j'aime bien l'effet. Je sens le souffle qui manque, le coeur qui se serre, les manifestations du stress. C'est bien. C'est ce qu'il faut. J'en ai marre.
    Le noir insiste:
    — Il faut partir.
    — Je ne partirai pas sauf si vous me portez. Est-ce qu'il en a le droit? Est-ce qu'il oserait? Image nuptiale de seuil franchi, les escaliers royaux du RER D… Curiosité. Ulysses déteint.
    — Je ne vous porterai pas Zut mais on peut vous amener un fauteuil… Vous pourrez vous reposer avec des petits gâteaux? Jane Austen maintenant, de la porcelaine à fleurs et des langues de chat.
    — Je ne veux pas partir. Je veux exploser. Boum! Geste de mains. Je ne veux plus de tout ça. Laissez-moi. Longtemps je me suis dit que j'allais être arrêtée pour agression sur un agent RATP. Maintenant je me dis que je vais finir à Sainte-Anne. Repos. Rémi viendra me voir avec Bernard et ils me raconteront des anecdotes psychiatriques. Nous rirons. Le Maître et Marguerite.
    Le blanc cède, conciliant, se tourne vers son collègue:
    — Viens, on va la laisser.
    Le noir insiste:
    — Il n'y a plus de train, madame. Ils ne s'arrêtent plus.
    Une rame arrive, ralentit. Va-t-elle s'arrêter? Jusqu'où sont-ils butés, jusqu'où voudront-ils avoir raison, les ai-je suffisamment convaincus que je perdais la tête pour qu'ils ne veuillent pas avoir raison à tout prix?
    Le train s'arrête. J'en rajoute une petite couche s'il ne me laisse pas le prendre, je perds entre une demi-heure et une heure, le suivant ne s'arrêtera sans doute pas, il faudra que j'aille reprendre le métro.
    — C'est mon train, putain. J'ai des enfants. Vous allez m'empêcher de le prendre?
    Ils s'écartent.
    — Allez-y.

    Je monte.
    Train.
    Soleil. Le ciel est presque du même bleu que les toits en zinc. Cités ouvrières. J'essaie d'imaginer avant, avant les maisons, ou même avec les maisons des années trente, les rangés de maisons identiques. Il en reste quelques-unes.

    La fin du monde (avec l'accent écossais): qui veut danser le rigodo, le rigodo, le rigodon?
    Je suis heureuse de ne pas avoir abandonné dans les boeufs du soleil.

    Les enfants sont gentils, ils prennent soin de moi. Ils m'appellent pour savoir où je suis, j'arrive à Villeneuve, en concluent que je ne suis plus loin: «On te prépare à manger aussi, alors». Jambon-pâtes, ça me fait rire (mais avec du pesto). Ma fille me surveille, me gronde parce que je me couche trop tard (je n'ai plus le courage de me coucher, ça m'ennuie, les gestes m'ennuient. Beaucoup de gestes m'ennuient (mais je ne lui explique pas cela)) et me réveille le matin. Je ne proteste pas, c'est étrange cette impression que quelqu'un assume la vie à ma place.

    Aujourd'hui, matin - Voiture grise, celle qui est accidentée, car le pneu de la blanche m'inquiète. En arrivant en vue du quai, nous savons que quelque chose se passe mal. Les trains de 7h06 et 7h21, c'est-à-dire ceux qui vont dans le nord, sont supprimés. Cela signifie que les autres trains sont plus pleins, bien sûr, qu'on ne peut pas s'assoir, mais surtout que lorsqu'on a une correspondance aux Halles, il faut prendre la ligne A (ou 1 ou 14 en cas de problèmes…) entre gare de Lyon et les Halles. Un changement de plus dans ce chaos, un risque de plus de mise en satellite dans le grand n'importe quoi.

    The Company Men

    Film étrange, sans réelle colère, non, simplement descriptif. Les effets de la crise sur la vie des cadres supérieurs américains.
    J'ai eu l'impression de regarder une transposition contemporaine des Raisins de la colère.

    Il faut être raisonnable (c'est une citation)

    — Et si je trouve du travail, c'est un motif valable pour l'assurance annulation de mon voyage?
    — Ecoutez Mademoiselle, je ne connais pas les contrats annulation, je vais vous donner le numéro de notre prestataire spécialisé. Mais tout de même, ça m'étonnerait que ce soit pris en compte. Je vais vous expliquer pourquoi: le principe de l'assurance, c'est de vous couvrir en cas de tuile (si vous me permettez ce mot), en cas de tuile imprévisible: l'assurance ne peut pas jouer si vous êtes à l'origine de l'événement, et de toute façon, trouver du travail n'est pas un événement imprévisible.
    — Ah...

    "Théâtre des passions" (1697-1759) à Nantes

    - Antoine Coypel, Athalie et Esther. Il aurait fallu relire Racine avant de venir. Soudain frappée par le profond anti-antisémitisme de ces tableaux (je songe à Bernanos) et confuse de cette pensée anachronique.

    - Une petite fille blonde à l'écharpe Burberrys (huit ans?) contemple Médée montant dans son char tiré par des chiens ailés, les cadavres de ses enfants à ses pieds. Elle est accompagnée d'un frère plus petit et d'un frère de la même taille qu'elle. Ils sont beaux, sérieux et méditatifs.
    — Pourquoi elle a tué les enfants ? demande l'un d'eux.
    Ils se regardent, regardent le tableau, quelque chose leur échappe.

    - En voyant ce tableau, j'ai aussitôt pensé à Salambô. Heureuse de ne pas m'être trompée. Etonnant comme l'image formée par la lecture est restée vivante vingt ans plus tard.

    No comment

    « C'est dans les vieilles peaux qu'on fait les meilleures soupes. »

    Liberté, liberté chérie

    «On peut rire de tout lors du Carnaval. De tout, sauf du Président Sarkozy. Les organisateurs du Carnaval d'Angers l'ont appris à leurs dépends, la grosse tête du président dans une cage dorée, installée dans le quartier du Lac de Maine pour la promotion de la fête a été saisie par la Procureure de la République d'Angers et ses initiateurs mis en examen.» (Source)



    À comparer avec Düsseldorf. (Le sujet n'est pas le même, mais il me semble que ce char de carnaval n'est plus possible en France. Je me trompe peut-être.)

    (Not a fish, comme dirait un ami.)

    Futilités

    - Oublié mon badge.
    - Mal connecté mon téléphone => pas chargé => pas pu prendre en photo le train supprimé de 7h06 alors que pour une fois nous avions six minutes d'avance (très précisément).
    - Et donc acheté des basketts (streetware?) pour rentrer à pied le soir puisque je n'avais ni voiture ni téléphone.
    - Mais ça s'est terminé plus tôt que je ne le pensais=> il y avait encore un bus.
    - Donc j'ai acheté des basketts pour rien. M'en fous, je les ai payées avec les chèques cadeaux du CE pour le Noël des enfants.



    -----------------
    Quatre ans plus tard (2015), je trouve cette notation dans la partie cachée du blog: «Tristesse sans fond».

    Pour parler de mathématiques

    J'avais commencé un billet sur Incendies, mi-février, qui parlait de Beyrouth et de l'influence de Jackie Kennedy sur mon goût pour les robes droites sans manche. J'ai abandonné, trop de pathos.

    Ce billet en hommage à John Milnor me permet d'y revenir cependant, pour citer deux moments, citer de mémoire, tout de travers, mais citer malgré tout.

    Premier moment : discours d'un homme qui dit à peu près : «Pour le commun des mortels, les mathématiques sont le monde de l'exactitude, de la précision. Vous allez entrer dans un monde où rien n'est certain, vous passerez des nuits à chercher votre chemin. Bienvenue dans le monde de la solitude, bienvenue dans le monde des mathématiques pures.»

    Deuxième moment, un jeune notaire libanais et un vieux notaire canadien discutent:
    — S'ils nous avaient confié tout ça, on n'en serait pas là!
    — La profession de notaire n'existe que depuis mille ans, Simon.
    — C'est bien ce que je dis. Si on avait été là depuis le début, depuis Noé,…

    L'honneur des notaires, de la profession de notaire. Ce n'est pas si courant de trouver un hommage à cette profession.

    C'est très à peu près. Et non, ce n'est pas l'essentiel du film. L'essentiel du film, je ne sais pas bien ce que c'est. Une tragédie grecque puissance dix. Sans morale. Il n'y a pas de morale dans les tragédies grecques. Juste soi-même à reconstruire comme on peut. Vivre avec la vérité, alors que cela aurait été si simple dans le mensonge. Le rôle de la jeune fille. Antigone.

    L'amiante

    Bon j'avoue, je travaille le week-end. Mais c'est passionnant.

    En effet, en France, l'Etat a tardé à prendre en compte les questions de santé et de sécurité au travail. La silicose n'a été reconnue comme maladie professionnelle qu'en 1947 alors que l'Organisation internationale du travail dans la foulée de grands pays industrialisés (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne?) l'avait inscrite dès 1934. Il en a été de même concernant l'amiante. Ainsi, les juridictions administratives du fond ont établi que la première description des lésions de fibrose pulmonaire chez les travailleurs de l'amiante date de 1906. Dès 1931 la Grande-Bretagne avait pris des mesures tendant à réduire l'exposition professionnelle à ce minéral tandis qu'en 1946 des recommandations avaient été faites aux Etats-Unis par l'American College of Governemental Industrial Hygienists visant à limiter l'inhalation. En France, si un décret du 31 août 1950 a classé l'asbestose au tableau 30 des maladies professionnelles, il a fallu attendre un décret du 17 août 1977 pour que la concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée pendant une journée de travail par un salarié soit limitée à deux fibres par millilitre. Par ailleurs, une directive communautaire du 19 septembre 1983 qui réduisait de plus de la moitié le taux de concentration autorisé n'a été transposée que le 27 mars 1987, tandis qu'une seconde directive communautaire du 25 juin 1991 qui réduisait encore le taux de concentration autorisé n'a été transposée que par le décret du 6 juillet 1992.

    La France utilisait ainsi encore au début des années 1990 autant d'amiante que les Etats-Unis, l'Allemagne et la Grande-Bretagne réunis. Il a fallu attendre le décret n°96-1133 du 24 décembre 1996 pour que soient interdits à quelques exceptions près (tenues ignifugées des pompiers, garnitures de freins automobiles), la fabrication, la transformation, la mise en vente et l'importation de l'amiante.

    Le juge administratif a donc condamné l'Etat du fait de ses carences dans la prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante. (CE, Assemblée, 3 mars 2003, Ministre de l'emploi et de la solidarité c/ Consorts Bo, et CE, Ass. 4 mars 2004, Ministre de l'emploi et de la solidarité c / consorts Bourdignon, Botella, Thomas, Xuereff (quatre espèces).
    Et quelques pages plus loin :
    Comme on le sait, la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789 proclame non seulement que « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. » (article 15) mais également que « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. » (article 14).
    Et là, je crois rêver :
    On peut observer enfin que la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a consacré le principe de la sincérité des comptes publics.
    Et avant 2008 ? o_O

    Vie quotidienne #resistance

    Prendre des photos, c'est maintenir à distance, c'est éviter de se laisser envahir.

    Moyen-Âge

    Il a plus de 7000 euros sur son compte. Je suis à moins 1600 sur le compte joint et mon compte en propre. Quand je demande une participation aux frais du ménage, j'obtiens la réponse suivante : «Mais ton salaire ne suffit pas? Montre-moi les comptes!» J'attends mon intéressement pour rembourser la réserve puis j'arrête de verser quoi que ce soit sur le compte joint.

    L'homme de chez Lanvin





    Une affichette précise le prix des différents vêtements et assessoires (la rose autour de la cheville est un tour du cou). Les prix vont de deux cents à cinq cents euros (de mémoire, c'est l'ordre de grandeur).

    La dernière ligne indique Caleçon en soie sur mesure et comme prix Nous consulter.

    Que fait la Halde ? (bis)

    Normalement vous deviez avoir droit à un billet aboyeur (ce n'est que partie remise), mais j'ai rencontré Patrick Cardon sur le quai du métro Hôtel de Ville.

    Dialogue entre Hôtel de ville et gare de Lyon :
    — Tiens, je devrais m'acheter des collants résilles comme ça, je n'en ai plus.
    — Ce ne sont pas des collants, ce sont des Dim-up.
    Nous sommes sur des strapontins. Neuf heures et demi. Bon d'accord j'ai un peu bu mais pas tant que ça (deux cocktails à base de gin). Et je sais qui est Patrick. Je remonte rapidement le bas de ma robe pour lui montrer la lisière du bas. Ce n'est que quelques secondes plus tard que je verrai la mine effarée et réjouie des quarancinquantenaires (féminines) sur les strapontins d'en face. Tant pis pour elles, honni soit qui mal y pense, je ne vais pas leur expliquer qui est la comtesse de Flandres.
    — Oh! mais il faut en acheter deux alors!
    — Ça tombe bien, ça se vend par paire.
    — Mais c'est de la discrimination vis-à-vis des unijambistes !

    Monsieur Indestructible

    Vous souvenez-vous du métier de M. Indestructible? Il travaille dans une compagnie d'assurance, dans un box tel que nous les montrent les téléfilms américains, box dont sa musculature déborde de toutes parts, et dans une scène il explique à une petite vieille quels circuits compliqués il faut emprunter pour espérer obtenir une réponse de la compagnie.
    (Et son patron de remarquer: «C'est curieux, comment font-ils, on dirait qu'ils ont compris le fonctionnement de notre maison», jusqu'à ce que le manège de M.Indestructible soit découvert et qu'il se fasse licencier.)

    Je suis en train de me transformer en M. Indestructible.

    Censure anti-moderniste

    Ma professeur d'anglais de seconde m'aimait beaucoup. (Elle avait même envisagé de m'envoyer un an aux Etats-Unis, au grand effarement de mes parents (quand j'y suis partie pour un mois en 1984, ma grand-mère m'a prise à part pour me recommander de ne pas me droguer et pour essayer comme elle le pouvait (c'est-à-dire en utilisant que des périphrases) de me mettre en garde contre la traite des blanches. Pendant ce temps-là, l'organisme avec lequel je partais nous recommandait de ne pas nous mettre seins nus sur les plages (attitude français scandaleuse) et nous racontait que certains Américains entraînaient gentiment leur hôte français dans la cuisine pour leur faire découvrir... leur frigo): ce genre de séjour leur était totalement inconcevable. Passons).

    Cette professeur ne suivait pas le programme mais nous faisait travailler sur des extraits littéraires. Je voulus lire l'œuvre intégrale dont un extrait m'avait plu. Comme je n'avais aucune idée d'où trouver cela (mais était-il réellement possible, en 1981, à Blois, de trouver des livres en anglais, quand recevoir un livre d'un éditeur français commandé en librairie prenait deux à trois semaines?), je lui avais demandé si elle possédait l'ouvrage: pouvait-elle me prêter The 42nd Parallel de Dos Passos?
    Elle fronça le nez, me dit que ce n'était pas ce qu'elle me recommandait et m'apporta... The Mill on the Floss, de George Eliot, que je lus, même si j'étais dépitée de me voir ainsi imposés ses goûts.

    A la fin de l'année, elle m'offrit The House of the Seven Gables. J'ai tenté de le lire en 1984 (je me souviens de la date car je me souviens des circonstances), je n'ai pas dépassé la page 60. Je devrais peut-être réessayer.

    Deleuze

    Le livre posé à côté d'elle, c'est Mille Plateaux, emprunté à la bibliothèque.


    Vieillissement de la population et idées fausses

    Il est fréquent d'expliquer la croissance des dépenses de santé par le vieillissement des populations européennes mais le récent rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) constate que
    de la double vérité que les personnes âgées ont une consommation individuelle de soins plus élevée que la moyenne, et que leur nombre relatif augmente dans la population française (la part des «plus de 75 ans» va, par exemple, presque doubler d'ici à 2050), on tire souvent la déduction que le vieillissement de la population est un facteur important, voire dominant, de l'évolution des dépenses de santé.

    Cette déduction est inexacte.

    Car la cause strictement «démographique» de l'évolution des dépenses — au demeurant aisément mesurable compte tenu de la relative sûreté des prévisions démographiques — ne pèse que pour une fraction très minoritaire de l'évolution des dépenses. Tout simplement parce que le vieillissement moyen d'une population est un phénomène forcément très lent : l'âge moyen de la population française, aujourd'hui un peu plus de 40 ans, ne s'accroît que d'environ 2 mois par an.

    Les différentes études disponibles convergent donc vers un effet démographique de quelque 0,7 points de croissance moyenne par an des dépenses de santé dans les vingt prochaines années, au sein duquel la déformation de la pyramide des âges — c'est-à-dire le « vieillissement » proprement dit — pèse pour 0,4 à 0,5 points : soit de l'ordre du dixième de la hausse moyenne annuelle de la consommation de soins et de biens médicaux.

    […] C'est bien la hausse individuelle de la dépense de santé à tout âge, et pour toute la population, qui est le principal facteur de la croissance des dépenses dans le temps.
    sachant que le HCAAM constate qu'il ne peut répondre à la question de savoir si l'âge est ou non «un facteur aggravant de cette croissance».

    avis du HCAAM adopté le 22 avril 2010, ''Vieillissement, longévité et assurance maladie''

    Centrale

    Pour avoir grandi à trente kilomètres d'une centrale, je trouve un peu étonnante l'agitation française actuelle : nous avons toujours su que s'il y avait un incident nous serions contaminés. Nous n'avons jamais cru au risque zéro. Et nous savions que c'était le prix d'une certaine indépendance énergétique. Et je crois que c'était accepté avec un certain fatalisme.

    (Mais nous n'étions pas sur une faille sismique.)





    Note le 21 mars 2015 : le contexte était l'accident de Fukushima survenu le 11 mars.

    Histoires de chats - légendes familiales

    Mes parents sont arrivés à Inezgane en septembre 1968, comme coopérants. Ils étaient professeurs de mathématiques et physique. Un jour mon père a ramassé un cadavre de chat sur le bord de la route, l'a attaché à un arbre et l'a dépouillé comme un lapin. Les arabes qui passaient le regardaient avec effarement, qu'allait-il faire, manger le chat?
    En réalité il était tout simplement en train de se procurer une peau de chat pour ses cours sur l'électricité statique.
    (Je n'ai pas vu cela, ce n'est pas un souvenir. Ce dont je me souviens, c'est mon père en train de raconter cette histoire avec son petit sourire embarrassé d'être le point de mire de la conversation).

    L'été nous rentrions en France. La chatte et la chienne restaient à Inezgane, nourries par la fatime (la bonne). Une année, quand nous sommes revenus, la chatte Minouche, une angora de gouttière blanche et noire, souffrait d'une profonde blessure au cou. Après plusieurs semaines à tenter de la soigner, mes parents ont abandonné tout espoir. Leur éducation paysanne les poussait à achever la chatte: on ne laisse pas souffrir un animal.
    Mon père a mis la chatte en joue avec la carabine, la chatte l'a regardé droit dans les yeux, mon père n'a pas pu tirer.
    Dans la semaine qui a suivi, elle a commencé à guérir.

    Hiver 1997. Ma chatte Framboise a un terrible abcès à la joue. Le vétérinaire le crève en trois endroits, fait couler le pus, me confie la bétadine.
    Tous les matins je me lève une demi-heure plus tôt. Je prends la chatte, je rouvre les entailles, je fais couler la bétadine dans l'entaille du haut en soulevant la peau afin qu'elle s'évacue par les entailles du bas en entraînant le pus et en nettoyant la plaie. Le vétérinaire m'a dit que certains préféraient laisser mourir leur animal plutôt que faire eux-mêmes ce genre de soins (mais je ne vois pas bien où je prendrais le temps ou l'argent d'emmener la chatte tous les jours chez le vétérinaire).
    Ça dure. Au bout d'un mois je n'en peux plus de ce soin à jeun le matin, de l'odeur écœurante de la bétadine, de mon chat qui ne guérit pas, de cette demi-heure prise sur mon sommeil. Je me souviens de Minouche.
    Je mets Framboise sur la table, je la regarde dans les yeux: «Je n'arrive plus à te soigner. Maintenant il faut que tu guérisses, je n'y arrive plus.»
    Elle a guéri.

    Jeunes filles courage

    True Grit et Winter's Bone : dyptyque américain.


    Quand je passais les étés à la ferme, je suivais ma grand-mère partout: à la laiterie quand elle remplissait les faisselles, parmi les clapiers pour nourrir les lapins, dans la pièce où elle moulait le grain pour les poules... Elle me parlait, elle m'expliquait, elle me racontait (un jour elle avait déclenché la colère de ma mère en lui disant : «Il faut parler à Alice» (mais ce n'est pas ma mère qui me l'a dit, c'est ma grand-mère)).
    Le samedi matin, il y avait le marché à Vierzon. Les jours précédents étaient fébriles: hécatombe de poulets, pintades, canards, lapins. Je suivais ma grand-mère dans la vacherie (non, on ne disait pas l'étable) et je la regardais pendre les bêtes par les pattes avant de saigner à mort les volailles dont elle tranchait l'artère du cou ou les lapins qu'elle énucléait. Puis il fallait plumer. Je n'avais pas le droit de le faire, ma grand-mère avait trop peur que j'arrache la peau en même temps que les plumes, mais je restais là et j'attrapais les poux rouges des poules qui ne survivent pas sur la peau humaine (pas la bonne température?) mais ont le temps de démanger avant de mourir.
    Les lapins eux étaient dépouillés, deux incisions sur les pattes arrières et ma grand-mère tirait sur la peau d'un coup sec, la retournant comme un pull-over. La chair apparaissait étonnamment rose, dépourvue de graisse. Les lapins étaient vidés sur place, je ne sais plus ce qu'il advenait des entrailles, les chiens ou les poules? Je ne sais plus.
    Les poulets étaient vidés plus tard dans la cuisine, avant la cérémonie de la gazinière qui consistait à brûler rapidement les dernières traces de plume dans la flamme.

    Noël 1992. H. m'a ramenée une dinde de Rungis. Je dois la vider. Je me souviens vaguement de quelques images, je sais qu'il faut faire deux incisions, tirer sur l'œsophage, ne pas éclater la poche de bile près du foie sous peine que la volaille soit inmangeable. Je ne sais plus.
    J'appelle mon père et je vide ma dinde en suivant les instructions de papa au téléphone (j'ai appris ce soir-là qu'il est beaucoup plus facile de vider la volaille tout de suite après sa mort mais que ne pas les vider permet de les garder plus longtemps).

    Sauvez les grillons : fumez !!

    Métro Champs-Elysées Clémenceau, quai en direction des Halles. J'apprends que l'interdiction de fumer a été fatale aux grillons de métro, qui se nourrissaient en grande partie de tabac (!?)
    Et j'apprends qu'il existe une Ligue de Protection des Grillons du Métro Parisien: «Elle revendique [...] la limitation en durée et en fréquence des grèves de la RATP qui ont pour conséquence de faire chuter dangereusement la température dans les galeries du fait du non fonctionnement des trains, l'assouplissement de la loi Évin qui interdit désormais le tabac dans le métro et par conséquent prive les grillons d'une source importante de nourriture : les mégots.»


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    Agenda
    Vu Théorème 13 rue de l'université à Sciences-Po.

    Carte postale

    Carte postale à détacher à l'intérieur du dernier Fluide Glacial.

    Trois mecs à poil autour du dernier numéro :
    — 'Tain les gars c'est la dernière fois que je bosse pour Fluide
    — T'as raison !
    — Chez les indés, au moins, on pouvait garder le slip…

    Commentaire de A.: «Je n'oserais jamais envoyer ça à quelqu'un.»

    Urgence

    Imaginez que votre fiscaliste est à l'hôpital pour deux mois, que son supérieur est absent pour deux semaines, et que vous restez le seul interlocuteur lors d'un contrôle fiscal… sans connaître ni la fiscalité, ni les méthodes de classement du fiscaliste hospitalisé, sinon ce serait tricher.

    C'est un peu ce qui m'arrive (j'ai transposé en fiscalité pour que ce soit compréhensible pour tout le monde).

    La nuit je rêve d'uniformes de pompiers. Un rapport?

    Au téléphone je rappelle quelques principes d'assurance: une assurance est un contrat (lisez au moins les exclusions, même si vous ne lisez pas tout) qui prévoit des conditions d'exécution (il faut des preuves, des justificatifs, toujours).
    Et une assurance couvre un aléa: quelque chose de soudain, de non-prévisible. S'il n'y a pas risque mais certitude, ce n'est pas de l'assurance.

    Orlando furioso

    Le décor m'a fait penser à cette photo prise de la vitrine de Baccarat place de la Madeleine en 2009 .



    Oui les décors ressemblaient à cela, miroirs et noir et blanc, en plus sombres. Costumes dans toutes les nuances du gris au noir. Ce matin au réveil j'ai compris que cette mise en scène était vraiment fatigante: difficulté à identifier les différents personnages. Confusion volontairement entretenue? J'aimerais en être persuadée.

    Pour le reste (l'essentiel, malgré tout), un pur enchantement.
    Je recopie le commentaire de Philippe[s]: «De retour d'Orlando furioso : distribution, orchestre et direction remarquables à tous points de vue, mise en scène sombre et confuse (avec quelques belles images et un deuxième acte plus réussi).»

    Stable

    Quand je suis fatiguée je vais chez l'ophtalmo. Il me dit que ma vue n'a pas changé alors je me dis que je suis fatiguée.

    Responsabilité

    — C'est déjà terrible de donner la vie, mais alors la mort !

    Variations

    Un peu trop de sujets pour que je me souvienne: Zarka, Gauchet, Parsifal à Bruxelles, les Cahiers du cinéma (mieux vaut être maoïste que tiède, il reste au moins quelques illuminations), Balibar et Jean-Marc Ferry, le long orgasme inatteignable de Tristan, le café "La jetée" à Tokyo, quel est votre Hitchcock préféré (euh...), Balzac/Flaubert/Proust/Joyce et même Céline, FB unique pour chacun et la boîte Rouet de Pranchère ou la publicité invisible, le catholicisme, Combes, Vatican I et Vatican II, le voile, Brigitte Bardot, le répondeur (ou plutôt le non-répondeur) de Brigitte Bardot...

    Ce n'est pas encore le printemps mais on s'en approche.





    C'était le jour de l'une des auditions de JA, mais laquelle? Une de celle que son avocat a fait repousser, sans doute.

    Raffiné

    Au bistrot, la serveuse, la cinquantaine, cheveux très courts blond platine à un homme d'une trentaine d'années assis au bar, calvitie naissante, cheveux un peu trop longs comme en couronne:

    — T'en as combien des femmes au bureau? J'espère que tu vas leur faire une bise dans le cou !
    — Mmmm ???
    — C'est la journée de la femme.
    — Ah putain c'est vrai merde !

    Les deux chiennes

    A l'Hacienda, il y avait deux chiennes berger allemand. L'une était très douce, amie de tous les touristes, placide, l'autre était méchante, inapprochable, dangereuse. Un jour la chienne "gentille", qui s'appelait Wappy, du nom d'une ville du nord, fut renversée par une voiture et blessée à la hanche. La blessure s'infecta, on parlait de "bols de pus" retirés de la plaie, on crut qu'elle allait mourir. Cela dura des semaines. On la sauva.

    Je me souviens de ma mère disant: «Si c'était l'autre qui avait été blessée, il n'aurait pas été possible de la soigner. Elle serait sans doute morte.»

    Tout bien pesé

    La raison comme instrument pour soumettre les sentiments et les sensations au mieux m'ennuie, au pire m'exaspère.
    La seule façon de vivre qui m'est concevable est la raison au service des intuitions et des emportements (je dirais bien au service du cœur, si je n'avais peur de paraître nunuche).

    Onze ans de catéchisme : c'est fini

    Le catéchisme est organisé ainsi dans notre ville : les enfants d'une même école et du même âge constitue un groupe (six à douze enfants); leurs parents à tour de rôle le reçoivent, tous les quinze jours, pour "animer une réunion", eux-mêmes ayant été préparés à cette "animation" par une réunion le soir au presbytère.

    Les enfants sont donc ballotés d'un foyer à l'autre, expérimentant des leçons de catéchisme aux styles différents, en fonction de la foi et de l'instruction religieuse des parents qui les reçoivent. Cela dure cinq ans (CE2 à 5e), nous finissons (nous, les parents) par connaître les enfants de notre groupe, par établir des relations un peu particulières car nous abordons des sujets souvents personnels en essayant de bloquer le moins possible la parole (sans compter les "temps forts" où tous les enfants du même âge se trouvent rassemblés, et les "pélerinages", que j'appellerais plutôt "sorties", à Chartres ou Longpont ou Evry…)

    Je profite de ces réunions pour expliquer tout ce que je peux en fonction des textes que nous lisons (ah oui, très peu de coloriage ou de découpage avec moi, je suis mal à l'aise avec ça), de la culture générale, en somme. Je dois être épouvantablement pénible, mais j'aime bien cela (pas être pénible, mais raconter).

    Aujourd'hui j'ai montré un torchon en lin, rugueux, épais, découpé dans les draps de ma grand-mère (origine de la discussion: le saint Suaire (—Vous savez ce que c'est que du lin? les petites fleurs bleues, les «habits de drap» («quand vous lirez Balzac et Zola»), la soie, la laine, le coton arrivé en Europe que très récemment)); j'ai raconté l'astuce de Pénélope (origine: l'explication du mot linceul); j'ai expliqué ce qu'était un bœuf et le sort des mâles en agriculture et l'agressivité des mammifères non castrés (origine — Vous savez qui était Marie-Madeleine? — Jésus était son client? me répond Jérémy avec un sourire qui montre qu'il sait qu'il est en train de dire une petite provocation. (Où a-t-il entendu cela? En tout cas, comme d'hab quand il s'agit de sujets abordant de près ou de loin le sexe, je joue franc jeu, en me disant que c'est peut-être la seule fois où un adulte leur explique franchement, en quasi tête-à-tête, deux ou trois réalités.) — Possible, mais ça m'étonnerait. Il a dit quelque part dans les Evangiles que si on ne pouvait s'empêcher de faire l'amour il fallait se marier, mais que sinon il valait mieux vivre en eunuque volontaire. Et comme j'imagine que Jésus suivait les conseils qu'Il donnait… Vous savez ce que c'est qu'un eunuque? (Non.) Et un castrat? (Oui, vaguement, par rapport à la musique). — Et un bœuf? (silence autour de la table.) — Vous connaissez la différence entre un bœuf et un taureau? (Silence. Non, ils ne savent pas. Douze ans. Une de ces questions qui n'existent pas, que personne ne songe à poser. Mais je suis tout de même surprise. Je me lance dans une digression sur l'agriculture, en espérant qu'ils n'iront pas trop raconter ce que je fais durant les cours de catéchisme.))

    J'aime bien la réaction des enfants, si généreux et si stricts, si moraux, en même temps. (Question: «qu'auriez-vous fait à la place du père du fils prodigue, lui auriez-vous donné sa part d'héritage?» Sondage autour de la table: la réponse unanime est non. J'ai envie de rire, ils argumentent, ils sont si sérieux, si pleins de bon sens. Ils m'impressionnent, déjà si jeunes, ils sont loin de la folie que suppose l'Evangile (mais d'une certaine façon ils ont raison, à l'usage cette folie ne donne pas d'excellents résultats…))

    J'aurai animé deux à quatre réunions par an depuis 2000. La dernière a eu lieu aujourd'hui. Je suis un peu triste. J'aimais bien cela, il me semble qu'on leur explique si peu de choses, que le monde leur reste si étranger, qu'il y a tant de choses à partager.

    La devinette du samedi

    Qu'est-ce qu'un combat entre un petit pois et un haricot vert ?








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    Agenda
    Confirmation de Claude.

    Cadeau

    Morne journée, épuisée surtout, et je me retrouve par un de ces hasards qui sont tellement ciblés que je n'y crois plus à répondre aux réclamations des clients, moi qui ai horreur du téléphone (on dirait que tout le monde autour de moi s'est fait enlever ou est en train de se faire enlever un disque entre les vertèbres sacrées).

    Mais ce soir un cadeau m'attendait dans ma boîte aux lettres. Merci Vincent !

    Paul

    J'ai étouffé des sanglots durant le générique de fin, ce qui paraîtra absolument invraisemblable à ceux qui verront le film. C'est cet invraisemblable même qui m'a submergée, ce sentiment aigu, que j'éprouve de plus en plus souvent, de l'incommunicabilité du monde, ou plutôt du ressenti du monde. Ce film n'a rien d'extraordinaire mais reprend et fond trente ans de mythes geek, les doux dingues nés des comics et de Stars War et de Spielberg et de Tolkien et de D&D et d'internet… Il y a trente ans, les geeks n'existaient pas. Point d'étape, synthèse provisoire.

    Enfin bon. En attendant c'est très drôle, raisonnablement vulgaire et sentimental (je veux dire pas trop, sans aller jusqu'à l'écœurement), et les yeux et la peau de Paul sont admirables. Admirables aussi les routes de l'Ouest américain, un côté Duel plus que Men in black, à mon sens, avec toujours ce léger vide, ce certain vertige, devant ces routes si droites dans ces paysages austères.

    No spoiler.

    Mots-clés

    Avocat, saucisse/aligot, Ulysses (j'ai reconnu Dickens, je suis fière de moi), Chagall (non, une invitation "personnelle" ne signifie pas que je vais être seule dans le musée), Guinness, résumé de Demolition man (j'aimerais vous mettre la vidéo mais je ne sais pas faire), voiture, dinde aux légumes, et puis je ne sais plus. Dormir je crois.

    Gris

    Journée de réunions. Aquarium. Brume. L'horizon disparaît. Brume. Sieste de dix minutes sur la moquette. J'ai si mal aux yeux.
    Mon moral remonte vers le soir après un bel exposé sur notre activité. Il y a si peu de hasard. Il y a des séries, des signes annonciateurs, des profils…

    Qu'est-ce qui me rend si anxieuse, au point de tomber en léthargie? Est-ce d'avoir posté toutes ces lettres, d'avoir invité ma famille comme je ne l'ai jamais invitée? Je me souviens de la carte de ce cousin surpris qui disait, à propos d'une réunion de l'été 2003: «Alice nous a montré qu'elle savait sourire».
    Qui peut comprendre cette phrase aujourd'hui? Même si je ne peux plus réellement comprendre qui j'étais enfant, comment j'étais, même si j'ai toujours l'impression d'exagérer, de déformer, ce genre de phrase me rappelle cependant que je n'ai pas rêvé.
    Et inviter les témoins de cette enfance incompréhensible me terrorise.

    Colère ce soir. Elle a bullé toute la semaine, à se faire péter les vaisseaux sanguins des yeux (sens littéral) sur sa Gameboy, et maintenant elle me présente à signer un bulletin lamentable qu'elle a conservé dans son sac durant les quinze jours de vacances.
    J'ai l'impression d'être dans un téléfilm de TF1.

    Dimanche

    Enveloppes, adresses, il m'en manque. J'aime le mot "suscription".

    Analyse linéaire d'un passage de Laurent Gaudé. Je fais travailler à mon idée, à l'ancienne. Je ne suis pas bien sûr que ce soit cela qu'il faille faire. Mais le moyen de faire autrement si l'on veut être à l'écoute d'un texte? C'est sans doute le plus difficile: expliquer que le texte parle, et qu'il faut faire attention, juste faire attention, pour l'entendre.
    Exercice spirituel.

    La bataille de Pharsale

    — Je ne peux pas lire ton livre. Je n'y comprends rien.
    — Bon, amène-le. (dont acte). Vas-y, lis à haute voix et arrête quand tu ne comprends pas.
    — Ben la première phrase : «Tous les pouvoirs tombés accusent de leur chute les complots de leurs adversaires ou les intrigues de leurs successeurs.» Je me mords les lèvres pour ne pas rire. Oui évidemment, je ne m'étais pas rendue compte... Les "pouvoirs tombés", ça veut dire quoi?
    — Les pouvoirs, ça désigne les gouvernements, les rois, les empereurs. Et tombés, à ton avis?
    — …
    — C'est la perte du pouvoir, par la révolution, la guerre, etc. Les pouvoirs tombés, ce sont les gouvernements qui ont perdu le pouvoir.
    — "accusent de..." C'est pas français, accuser "de".
    Je ne comprends pas ce qu'elle veut dire. Le "de" la gêne, mais pourquoi?
    — Comment se construit le verbe accuser ?
    — Qu'est-ce que tu veux dire ?
    — Manger quelque chose, plus complément direct; pleuvoir est intransitif, il n'accepte pas de complément, il pleut; offrir… on offre quelque chose à quelqu'un, complément d'objet direct, complément indirect… Comment se construit le verbe "accuser" ?
    — Euh, accuser quelqu'un de quelque chose ? Mais il a fait une faute, il a inversé les deux compléments !
    — Mais non, c'est ça la littérature. L'inversion est sans doute dû au fait que le complément d'objet direct est très long. Alors, ils accusent qui? (réponse balbutiée) et de quoi?





    Commentaire à la relecture quatre ans plus tard: il s'agissait de la première phrase de Histoire des deux Restaurations. Le titre du billet est une référence à la version latine corrigée par le père dans La bataille de Pharsalle.

    Toutes les façons de faire dix ne sont pas égales

    — Par exemple vous pouvez positionner l'alerte dans dix jours. Attention, le logiciel compte en jours de la semaine, dix jours sept plus trois, pas cinq plus cinq. »

    True Grit

    Diptyque avec ''No country for old men'' (le récit de la fin, du vieil homme saigné à mort par les Indiens). ''No country'' était noir et consacré au mal, ''True Grit'' en est le négatif.

    J'aime l'amour des frères Coen pour l'Amérique et leur façon de vouloir rendre l'épaisseur de l'Histoire, la mettre en forme dans la géographie, lui faire occuper l'espace. A chaque film j'ai l'impression d'une leçon de patriotisme: «Fils, voici un morceau de l'histoire des Etats-Unis, médite et comprend ce que nous fûmes et ce que nous sommes.
    La fin me fait penser à Flaubert («ils voyagèrent»): «un quart de siècle est une longue période», puis sans transition «j'ai quatre-vingts ans maintenant».
    Et ''Lettres à sa fille'' de Calamity Jane.

    Sinon il ne se passe rien. Ça bavarde. Ce serait presque le sujet du film: l'attente du moment où les rodomontades seront confirmées ou infirmées par les faits. Il faut aimer les chevaux.


    (Mais la fin, la "première" fin, comment ne pas penser au Roi des Aulnes?)

    Abolir le hasard

    La plupart des personnes jettent les dés moins fort si elles espèrent un petit nombre et très fort si elles souhaitent un 6.

    "Les pièges de la décision" in Managéris, 1er novembre 2010

    Comment vas-tu ?

    A. m'a appelée. Elle voulait des nouvelles, ma carte de vœux, sombre et morose, bizarre, l'avait inquiétée. Elle en avait parlé avec sa mère, à qui je présente également mes vœux, qui avait eu la même impression.
    Interloquée, j'ai essayé de savoir quels mots, quelles phrases, avaient bien pu leur donner cette impression. Mais elle n'avait pas la carte sous les yeux et n'a pas pu me répondre.

    Est-ce que sont les lieux ou les heures auxquels j'ai écrit qui ont transparu (ennui d'amphithéâtre, de convention professionnelle, fatigue des fins de journée quand je tâchais de terminer les cartes qui manquaient encore)?

    Ou suis-je plus lasse que je ne le pense, l'écriture révélant au-delà de sa mise en scène (ne pas se plaindre, rester factuelle quand on raconte des événements tristes, se tourner légèrement en ridicule, introduire des anecdotes vraies et vivantes pour faire sourire) un mal-être dont j'aurais à peine conscience?

    Je ne sais pas. Je sais que si j'ai du mal à écrire ici en ce moment, c'est justement parce que je sais qu'un lecteur peut lire plus de choses que je sais que je n'en écris, et que comme je ne sais pas ce que contient cette part involontaire, je n'ose pas me lancer dans des billets plus longs ou plus personnels.

    Tête en l'air

    C. arrive à Lausanne et nous téléphone : il a oublié ses clés à la maison. Il me reste à les lui poster.

    Transes

    — On ne reste pas pour le voir décoller ?
    — Mais non, ce n'est pas la peine, ça t'évitera de le voir exploser.

    C'était destiné à me faire rire. Cela ne m'a pas fait rire. J'ai pensé à l'Espagne (quand je l'ai engueulé il s'est avéré qu'il ne connaissais pas cet accident) et l'effroi m'a saisie.

    Quelques heures plus tard, en rentrant à la maison:
    — On allume la radio pour savoir s'il y a eu un accident?
    — Ecoute, s'il s'était passé quelque chose, le téléphone serait en train de sonner.
    — Ah oui, tu as raison.

    Cette parole m'a enfin tranquillisée. Mais la terreur a laissé son empreinte en moi.

    Beyrouth

    Incendies, formidable film.

    Une soirée

    Jérémy et le mystère des bananes islandaises, titre à considérer pour une bibliothèque verte.
    Thaïs, Massenet, Anatole France (il faut lire Anatole France) et Pannard. Barrès, Céline, Bloy.

    Jérémy a l'air reposé et en forme. Et j'ai l'impression qu'on s'ennuie un peu en Islande.
    Ah oui: et le grand geyser islandais est empli de savon pour paraître spectaculaire. Préférez les petits si vous voulez de l'authentique.

    Crépuscule sans trépied. Pas de cigarettes. Beaucoup de bouteilles.

    Et j'oubliais, une discussion sur les traducteurs/traductions de Pouchkine.

    Et des toasts, beaucoup de toasts, à Romain Duris, à la tapisserie de Bayeux, à l'évêque de Coutances, à nous,....

    Pensées pour Afchine harcelée par ses jeunes étudiantes.

    L'année climatérite de deux participants s'achèvera en juin, mais il reste des doutes sur combien font 7 fois 9 («Mais je sais faire, je suis ingénieur!»). En revanche Marie calcule très bien de tête (235,70 que divise 7).

    La branche cruchons et la branche oulipienne se sont rencontrées.

    Les taupes de Facebook

    Ce billet sera peut-être un peu difficile à comprendre pour ceux qui n'ont pas de compte FB, d'un autre côté ils ne sont pas très concernés, donc ce n'est pas grave.

    Je vais expliquer la technique de la taupe sur FB.
    Un inconnu vous demande en "ami", et comme ses centres d'intérêt vous paraissent proches des vôtres, ou qu'il "partage" des amis avec vous, vous l'acceptez. Dès lors, il accède à l'ensemble des messages que vous publiez sur votre mur même si votre profil est très verrouillé (ie, inaccessible) pour les gens qui ne sont pas vos "amis".
    Puis il désactive son compte FB, qui devient dès lors invisible, comme détruit (mais il n'est pas détruit: il suffit d'indiquer à FB qu'on veut récupérer son compte pour pouvoir le rouvrir, exactement dans l'état où on l'a laissé).

    La taupe réactive son ou ses profils quelques minutes de temps en temps pour venir espionner les dialogues et activités des personnes qu'elle surveille. Entretemps, comme elle est la plupart du temps hors ligne, les personnes ont oublié qu'elles l'ont en ami. Il est très difficile de se débarrasser de la taupe, car il faut être en ligne au moment où elle réactive son compte et profiter de ces quelques instants pour la "supprimer de ses amis".

    Taupes recensées à ce jour (je mets des * pour éviter les rechercherches Google) : S*eintisse P*ierre (avec usurpation du nom de Ludivine Cissé en adresse mail), H*éléna R*ibeiri, J*ules S*oerwein. Si vous avez ces noms-là en amis, faites des copies de la liste de leurs amis (pour prévenir ceux que vous connaissez), puis essayer de vérifier qu'il s'agit de véritables personnes (on ne sais jamais ;-) avant de les supprimer de vos amis.

    Rémanence

    En discutant jeudi soir après l'Oulipo, je me suis rendue compte que si je lisais si peu, ou du moins si peu de romans, c'est que cela bouleversait ma vie pendant des jours. Pendant des jours je vis en transes, impressionnée d'images n'ayant rien à voir avec ce qui m'entoure, rendant mes réactions incompréhensibles à mon entourage sans que j'ai le courage de les leur expliquer.
    Ne plus lire, c'était plus simple. (Et je ne comprends pas les lecteurs boulimiques, ceux qui vous annoncent fièrement qu'ils lisent un livre par jour: mais si cela leur fait aussi peu d'effet, quel intérêt?)

    Les films m'impressionnent moins. Cependant, depuis vendredi, je marche dans la taïga et surtout je déambule dans un temple bouddhiste dévasté par les communistes. Même Pushing Daisies n'a pu effacer ce temple et j'erre dans les ruines.

    Pushing Daisies

    Je découvre la série très tard, bien trop tard puisqu'elle a été interrompue en 2008. C'est vraiment très déjanté et très réjouissant.

    Homonymes

    — Tu as vu, j'ai un tee-shirt Foucault !

    M., plutôt surprise, vérifiant qu'elle a bien entendu :
    — Jean-Pierre ?

    Vendredi

    RER à Villeneuve-le-Roi (c'est-à-dire à la campagne, friches industrielles, chantiers. J'aime.) Nous avons atterri là un peu par hasard, en partant du principe qu'il fallait traverser la Seine.

    Ramé en pointe et en tee-shirt (un jour je vous ferai un cours de vocabulaire mais pas ce soir, trop fatiguée). Un feu roule dans mes os de l'épaule au coude. Ce n'est pas douloureux, juste brûlant. J'ai l'impression que mes bras vont tomber, sont tombés, et tandis que les unijambistes ont mal à leur jambe absente, je ressens l'absence de mes bras présents.

    Vu Les Chemins de la liberté. Pensé à Train de vie et au Voyage de Primo Levi. Pensé à l'un de ces exploits que racontaient les Sélection du Reader's Digest de mon enfance: deux marins rescapés d'un naufrage dans le Pacifique ont survécu en se relayant sur un bout de bois, l'un nageant pendant que l'autre se reposait sur la planche. Cela a duré des semaines. Quand on leur a demandé comment ils avaient réussi un tel exploit, l'un d'entre eux a répondu: «Une fois que vous commencez, vous ne pouvez plus abandonner, vous êtes obligé de continuer».
    (Qu'en tirer comme morale? Qu'il ne faut pas commencer? Ou que les entreprises à plusieurs ont davantage de chances de réussir?)

    Vies parallèles

    La femme en face de moi lisait La vie matérielle de Marguerite Duras.
    La femme derrière moi (je l'avais repérée quand nous étions toutes les deux debout) lisait La vie sexuelle de Sigmund Freud.

    Duras et Freud.





    Les deux en enfilade pour preuve de leur présence dans un même wagon, un peu flou parce que le train bougeait.

    Résumé

    - Réunion absconse sur l'informatique, la fraude interne et la sécurité. J'ai des courbatures suite à la sortie d'hier, j'ai beaucoup de mal à rester assise. Je m'endors. Je m'agite pour ne pas m'endormir.

    - Une pinte et demie de Guinness et des livres. Je suis rentrée si tard au bureau que certains en partaient quand j'y suis revenue. (Aveu embarrassant).

    - Reçu l'Anthologie de la poésie française de Gide en Pléiade. A première vue, c'est une source importante des citations qu'on trouve dans Journal d'un voyage en France, et plus tard dans Théâtre ce soir.
    Importance aussi de «Salut, ô belle nuit» de Chénier.

    - De belles photos de ce week-end.

    - Vexé ma fille en lui disant qu'elle avait inventé l'anti-dopage.



    Dans mon sac, le soir (j'ai les coudes douloureux depuis deux mois):
    - James Joyce, Ulysses
    - Sergueï Eisenstein, MLB
    - Jean Echenoz, Jérôme Lindon
    - Félicien Marceau, Balzac et son monde
    - Claude Mauriac, Qui peut le dire ?

    Mou, si mou

    J'ai appris ce soir que ma fille prenait des anti-stress avant d'aller en cours de sport.




    C'est à peu près inutile puisqu'il s'agit d'un placebo homéopathique que je lui avais acheté pour maîtriser sa panique l'année dernière à l'approche d'un examen de piano qu'elle avait mal travaillé (elle ne sait pas que c'est un placebo). Mais tout de même, de l'anti-stress avant le sport...

    Programme

    Matinée avec une quarantaine de gosses (12 ans). Fait. Il reste l'après-midi crêpes en club de sport, la leçon de catéchisme et la pièce sur Foucault.





    Ensuite c'est lundi.

    Ponts et Chaussées

    C'est étrange de revenir en formation continue dans un bâtiment dans lequel j'ai pénétré pour la dernière fois (et la seule, d'ailleurs) à l'occasion d'une nuit étudiante.
    Il y a combien d'années? 1987, sans doute. J'avais dû attendre le premier métro et j'avais découvert la population des travailleurs de l'aube que je n'avais encore jamais rencontrée.

    Parfois je me soupçonne de ne choisir conférences et autres manifestations qu'en fonction des lieux qu'elles vont me permettre de pénétrer, ambassade d'Irlande, salle de la bibliothèque Richelieu, ancienne école des Ponts et Chaussées...


    Vent du large

    Mon chef, commençant à lire le programme du cycle de conférences auquel je lui demande l'autorisation de m'inscrire au titre de la formation continue:

    — «Panorama des relations euro-asiatiques depuis le 18e siècle»? Ah oui, ça aère!




    Il a gentiment accepté, même si le rapport avec mon poste est plutôt lointain.

    Le point de vue du prêtre

    «Pour un bon mariage, il faut qu'il pleuve. Comme ça tout le monde rentre dans l'église et on commence à l'heure. Sinon ça papote, eh bonjour tante Ursule, vous avez fait bon voyage, on prend une demi-heure de retard.»

    Noël pas tout à fait fini, Pentecôte en vue

    J'ai écrit les dernières cartes de vœux (non qu'il n'en manque encore deux ou trois, mais tant pis), enveloppé les deux derniers cadeaux de Noël (mais je ne les pas envoyés, poste fermée: demain), pas encore démonté le sapin.

    J'ai réservé trois nuits d'hôtel à Venise pour la Vogalonga 2011.

    Andromaque

    Magnifique Andromaque cette après-midi, avec une mention spéciale à Léonie Simaga en Hermione.
    Je ne me rends pas exactement compte de la part qui reveint à la mise en scène, à l'interprétation ou au texte, mais il s'agit bien plus des tourments d'Hermione déchirée entre son amour et son amour-propre que de ceux d'Andromaque entre l'amour pour son fils et sa fidélité à Hector.

    Fils d'Achille, fils d'Agamemnon, fille d'Hélène, tous disparaîtront, dans la mort ou la folie. Il ne restera, ô paradoxe, que le fils d'Hector.

    Ulysses taché

    Mon Ulysses porte la date du 11 septembre 1998.
    A cette époque-là, le Bouillon Racine servait des tartines de banane écrasée avec du beurre salé.
    Je commandais une tartine, une tasse de chocolat, et je lisais.
    Ce jour-là, j'ai commencé Ulysses. Et j'ai éternué.
    Mon Ulysses est taché de chocolat, une grosse tache sur la tranche, des petites taches sur les pages 4 et 5 .

    Décontenancée

    Messe à La Défense. Saint Thomas d'Aquin. Prêche: "nous avons un devoir d'intelligence".

    Au rez de chaussée sous la nef, le hall d'accueil propose une minuscule librairie. J'erre devant les titres, et finis par choisir Le château intérieur de Thérèse d'Avila.

    Une très vieille dame courbée, sans doute bénévole, encaisse et note les références des achats dans un cahier à souche: «Ça y est, vous avez choisi? (Et prenant le livre et l'examinant) Ah oui, ce n'est pas tout jeune, mais on peut toujours s'y plonger.»

    Senso

    Senso, pour des raisons églogales évidentes. «La saison commence à La Fenice» doit venir de là.

    Venise comme je l'ai vue en 1986 et comme elle n'existe plus, maintenant qu'elle est repeinte et pimpante.
    Des intérieurs comme des décors d'opéra, des extérieurs dans la même tonalité que les fresques de la villa de campagne.


    Je passe à la librairie Compagnie. L'émotion parmi les livres est plus grande qu'autrefois. Elle grandit. D'une certaine façon, lire me devient de plus en plus difficile, car chaque mot sur la page m'étonne. Ce n'est même plus «qu'est-ce qu'un nom?» mais «qu'est-ce qu'un mot?», comment se fait-il que ces signes aient un sens? (Et que je sois de plus en plus attachée aux versions bilingues n'est pas un réflexe de puriste, mais un besoin de rêver.)

    J'étais venu chercher le Tristan Storme mais il n'est plus en rayon. Patrick a raison, il faut acheter quand on hésite. Je repars avec
    - Parménide de Heidegger
    - L'eschatologie occidentale de Jacob Taubes
    - La logique sans peine de Lewis Carroll
    - Loin de Byzance de Joseph Brodsky
    - la querelle des universaux d'Alain de Libera

    Un jour je lirai tout cela. Un jour je fermerai les portes et je lirai ma bibliothèque.


    ajout le 29/01
    J'écoute Sodome et Gomorrhe. Les remarques du narrateur à propos de la lettre de M. de Charlus à Aimé me semblent assez bien résumer Senso, avec la comtesse en M. de Charlus.

    [...] il [Aimé] reçut une lettre fermée par un cachet aux armes de Guermantes et dont je citerai ici quelques passages comme exemple de folie unilatérale chez un homme intelligent s’adressant à un imbécile sensé. [...] Elle [la lettre] était, à cause de l’amour antisocial qu’était celui de M. de Charlus, un exemple plus frappant de la force insensible et puissante qu’ont ces courants de la passion et par lesquels l’amoureux, comme un nageur entraîné sans s’en apercevoir, bien vite perd de vue la terre. Sans doute l’amour d’un homme normal peut aussi, quand l’amoureux, par l’intervention successive de ses désirs, de ses regrets, de ses déceptions, de ses projets, construit tout un roman sur une femme qu’il ne connaît pas, permettre de mesurer un assez notable écartement de deux branches de compas. Tout de même un tel écartement était singulièrement élargi par le caractère d’une passion qui n’est pas généralement partagée et par la différence des conditions de M. de Charlus et d’Aimé.

    Service minimum

    Ce blog vit dangereusement en ce moment. Rien à écrire, rien envie d'écrire, rien de court surtout, et pas envie d'y consacrer le temps de quelque chose de long.

    - Lundi : Le fou, de et par Benoît Lepecq. Emerveillée par ce travail.

    - Mardi : il suffit que je m'intéresse à quelque chose pour qu'elle disparaisse, m'étais-je dit un jour en voyant que les blogs que je me mettais à lire régulièrement devenaient aussitôt silencieux. Hier, j'ai constaté le même phénomène à propos d'Helena Rubinstein dont je cherchais les produits depuis quelques jours: ils ne sont plus (ou très mal) commercialisés en France.

    Soir : Les réunions de préparation aux séances de catéchisme me glacent le sang (et cela me glace le sang: quelle prétention de ma part). Surtout ne pas faire lire les Ecritures, pas la moindre parabole, «ça va ennuyer les gamins», préférer les résumés, voir une seule phrase «ah tiens, c'est une bonne antisèche». Qu'est-ce que les enfants auront appris? il faut vraiment croire que l'Esprit souffle où il veut. (Non je ne suis pas en train de dire que la foi est pure affaire de raison et d'éducation. Mais oui, c'est indispensable malgré tout.)

    Nous avons évoqué «L'ouvrier de la onzième heure», parabole qui me fait rire (à cause de la tête de ceux qui veulent absolument une justice divine à l'image de la justice humaine: il y a un os. Rassurant d'ailleurs, que les textes aient pu traverser les siècles sans être caviardés malgré tout ce qu'ils contiennent d'humainement choquant. Enfin, cela ne fait pas si longtemps que tout le monde sait lire).

    Histoire contemporaine

    A l'occasion de la soirée organisée pour fêter les quarante ans de Marie-Mère, j'apprends que Régis Debray a été otage trois ans en Bolivie. Comme Ingrid Betancourt en Colombie alors? Ah bon.

    Au-delà

    Film lent mais rythmé, impressionnantes images du début (et vraissemblance de la bande-son, du grondement sourd de la terre ou de l'océan en colère), belles images de Mélanie (Bryce Dallas Howard) qui quelques secondes rappellent Audrey Hepburn... ou Carla Bruni..., cette idée géniale des confidences quand le regard est tu, etc.
    Le sujet joue sur une corde trop sensible pour que j'ai envie d'en parler (Qui dans la salle n'a pas perdu un être cher? Prédominance des cheveux blancs à la séance de 16h30), mais il faut reconnaître une grande maîtrise, une immense maîtrise, qui évite tout sentimentalisme. Deux sujets se chevauchent, la question lancinante de la vie après la mort (y a-t-il oui ou non quelque chose après la mort, et si oui, quoi?), et celle plus quotidienne de la vie, comment vivre quand on est différent, ou seul, ou malheureux? Comment faire, vers qui se tourner?

    Liste des références à Dickens.

    La mélancolie de l'abstème

    — Tu ne bois que de l'eau ? Tu sais que tu ne feras jamais carrière dans le groupe ?
    — Je sais oui. Aucun espoir d'évolution. Un jour j'ai bu un verre de Salvétat, j'ai été augmenté d'un pouyem…

    Il avait les yeux bleus et lisait Kerouac.

    — Tiens, j'ai encore photographié un jeune homme ce matin.
    — Toi, tu vas mal finir !



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    Finalement

    Trois pintes de Guinness plus tard, une seule certitude : le cœur ne vieillit pas.

    Elégance footballistique

    Ce matin dans le RER L'Equipe déployée par mon vis-à-vis me permet de contempler le pull bleu négligemment jeté sur les épaules de Waldemar Kita. Je songe aux cravates calamiteuses de Raymond Domenech et je me demande si cela influence les résultats d'une équipe.

    Grande vérité

    Huit heures du matin dans le RER, elle doit avoir seize ans :

    — Plus tu fous rien et moins t'as envie de faire quelque chose.

    Thomas Hampson chante les Kindertotenlieder

    — Tu ne vas pas faire la bise à Thomas Hampson? me demande Gv, taquin.
    — Hum, ce n'est pas mon genre.
    (Et au moment où j'entends ces mots, je me rends compte de leur possible ambiguïté).

    Vincent, j'ai été très heureuse d'avoir été présentée à HLG. Même s'il m'a déjà oubliée à l'heure qu'il est, cela m'a fait très plaisir, bien plus que ne l'aurait fait une bise à ou de Thomas Hampson.

    Le choix du carrelage

    Nous avions sélectionné sur internet des carreaux de station de métro (blancs, biseautés, avec une frise noire) ou quelque chose de provençal qui m'évoquait un peu l'affiche de l'exposition Willy Ronis de cet été.

    Finalement ce sera de minuscules nœuds bleus sur fond blanc, très Petite maison dans la prairie.

    Le pilier de Paul Claudel

    Notre-Dame de Paris, huit heures du matin. L'éclairage entre les piliers est diffus, parfait, sans rien de la dureté des spots utilisés parfois dans les églises (je n'aime pas que les églises soient trop lumineuses. Ni trop sombres.) La cathédrale devient intime, resserrée.
    Ma récente lecture de Claude Mauriac me pousse à rechercher "le pilier de Paul Claudel" (c'est en fait "Notre-Dame du Pilier" qu'il aurait fallu chercher, mais je ne le savais pas). Spontanément je le cherche au même endroit que "le pilier de Péguy" à Chartres (le pilier comportant une plaque commémorant son pèlerinage), mais celui de Claudel est de l'autre côté, à droite du chœur à la croisée des transepts. Le lieu est signalé par un pavé gravé]. Ce pavé se trouve au pied d'un pilier sur lequel est aujourd'hui clouée une plaque à la mémoire de Mgr Lustiger. Le texte en commence ainsi: «Je suis né juif et je porte le prénom de mon grand-père Aron»…


    ———————————————
    Agenda (ajouté en 2018) :
    Furieuse contre la bibliothèque de Sciences-Po qui veut un justificatif de domicile alors que je paie ma cotisation d'ancienne élève par prélèvement depuis des années. J'y ai oublié mes gants rouges. Carnets de Finnegans Wake avec l'équipe de Daniel Ferrer. Passé en librairie. 3e tome de Mme de Sévigné en pléiade. Bière avec Patrick jusque tard dans la nuit.

    André Tubeuf

    A midi, je suis allée écouter une conférence de Tubeuf sur Mahler à l'opéra Bastille.














    Et je n'ai rien osé mettre en ligne à l'époque car j'étais intimidée par mes potentiels lecteurs. J'écris et mets en ligne le 13 janvier 2018, sept ans plus tard.

    Une existence tragique

    A., quinze ans :
    — Mais je ne veux pas porter de lunettes !
    — Tu pourras peut-être avoir des lentilles, si tes yeux ne sont pas trop secs.
    — Ça m'étonnerait, j'ai trop pleuré, il ne me reste plus de larmes.

    Les livres

    Hier, vu L'histoire sans fin.

    Je me suis un peu fait avoir, l'idée était de voir en allemand un livre que nous lisons en allemand… finalement il était en VF.

    De beaux personnages (le dragon, l'homme de pierre (je veux dire: de beaux effets spéciaux, de belles marionnettes)), un héros un peu niais et un doublage catastrophique (ceci n'aidant pas cela).

    Cette histoire est une ode à la lecture et aux lecteurs. Elle parle de ce moment dans l'évolution d'un lecteur où celui-ci s'identifie encore aux personnages.


    Vient un jour où ce qui le tient, c'est la communauté d'esprit avec l'auteur. Le lecteur part à la recherche d'amis et de héros, de gens à qui il aimerait ressembler, mais ces amis ne sont plus les personnages (qui entretemps sont souvent devenus des idées ou des sensations, les livres lus n'étant plus les mêmes), mais les auteurs — d'où sans doute d'ailleurs cette attirance vers les correspondances, journaux ou autobiographies: l'auteur est alors immédiatement accessible, bien plus que dans un ouvrage de philosophie ou un roman (et pourtant, comme Kantorowicz est proche).

    Typographie

    Le début de cette vidéo m'a fait rire. Je me souviens très bien d'une période où nous ne pouvions attendre le bus sans qu'une affichette n'attire le regard de H. : « Oh, regarde cette police… » Moi j'aimais bien. (Ce n'était pas la typographie que j'aimais, mais la folie douce, l'obsession. Aujourd'hui encore, j'ai droit parfois à : « Ah non, pas ce film, il est nul, c'est sûr: tu as vu la typo de l'affiche ?)

    Pour info: vers la fin, cette vidéo raconte les origines de la police Comic sans.


    Peut-être est-ce la raison pour laquelle un soir de novembre, station Franklin Roosevelt, bloquée par la neige/les accidents de circulation, je ne trouvai rien d'autre à faire pour tromper mon ennui que de photographier ces quelques renseignements :

    2010_1201_station_franklin.jpg


    Cela m'avait fait rire un peu jaune. Sur une ligne capable de nous transporter: si seulement…

    Invité surprise

    J'ai essayé d'être à l'heure au Raspail vert pour Philippe[s] qui nous avait prévenus devoir partir tôt.
    Quand je suis arrivée, RC était là.
    Je finis par ne plus très bien savoir comment séparer mes vies entre FB, Alice et VS (c'est plutôt bon signe, je pense). Je vais garder le plus technique pour VS et raconter ici toujours cette légère détresse de savoir que je parle trop que combat une sorte de détermination à ne rien changer quand "il" est là parce qu'il n'y a pas de raison.

    Deuxième partie de soirée, après le repas, plus calme, commentaires de RC qui parle doucement, amenant une sorte d'apaisement dans la palpitation des explications qui échappent, insaisissables.

    La Palatine (« Pas le couvent ! », c'était la Palatine, merci Laurent!), Theilhard de Chardin, Péguy, tout ce qui unit élève, des rires, Camus et Drouet échangés contre Madame Royale… « Mais c'est une imposture, vous n'êtes pas du tout sérieux! ? Nous l'avons toujours dit! »

    Guet-apens

    Straub, O somma luce.
    Enregistrement de Varèse coupé par des sifflets. Enregistrement au théâtre des Champs-Elysées, pas fait attention à la date.
    Trois "pièces", jeu du soleil, jeu de la lumière, aveuglement. Cependant, je doute de l'intérêt de mettre du texte sur des plans fixes et répétitifs à l'heure de Youtube.
    M'enfin bon.
    Il fera partie de ces films intermittents qui finissent par peupler mon sommeil parce que j'ai essentiellement dormi pendant leur projection. Des films rêvés plutôt que vus.

    Trahison, pas de Guinness au James Joyce. Je pensais l'appartement désert, il s'ouvre sur un verre de porto et du Mozart. Rougets et galette des rois, la première de l'année. Pas de Kantorowicz dans la bibliothèque. Perruque blonde et tee-shirt de geek (presque ce que j'étais venue chercher, il ne me manque plus qu'une veste à paillettes. Personne n'a une veste à paillettes?)

    J'assiste impuissante à deux désarrois.


    ---------------------

    janvier 2018 : j'éclaire quelque peu. J'avais rendez-vous au pub avec OG. Il m'a raconté son dilemme amoureux. Puis nous sommes allés chez lui (chez son père) car il devait me prêter des éléments de déguisement. J'ai été invitée à dîner.

    L'autre désarroi est celui de H. : "son" patron, LG, celui de l'entreprise d'Evry rachetée cet été par l'entreprise de Mulhouse, démissionne. Il part aux Etats-Unis. H. va se retrouver seul face à B. Il a l'impression (est-ce une impression ?) d'être trahi : LG a vendu et s'en va.

    Je vais me coucher

    Fatiguée.
    Je rêve de blogueurs. (Si si. Je ne donne pas de noms pour ne pas faire de jaloux, mais j'aime bien).
    Deux réunions aujourd'hui, une sur les "reco"1 et l'autre sur Saint-Sulpice de Favières, "la plus belle église de village de France"2.
    J'ai mal aux yeux.
    Ce matin j'ai conduit trois kilomètres en tenant la portière qui ne fermait pas à cause du froid.
    Je crois que c'est tout pour cette journée passionnante.


    Note
    1 : recommandations des commissaires aux comptes sur la clôture des comptes
    2 : sortie prévue avec les enfants dans le cadre de l'aumônerie

    Autre chose apprise pendant les vacances

    Je n'avais jamais remarqué que mon pub préféré, <a href="/dotclear/index.php?2006/10/15/152-boire-de-la-guinness-a-paris">le Bugsy</a>, se trouve rue Montalivet : c'est la rue du salon Verdurin (ce qui n'est finalement pas très étonnant si l'on considère que les parents de Marcel Proust habitèrent rue de Surène, au-dessus de l'actuel pressing (d'après l'ex-libraire de la rue d'Anjou), et que l'hôtel de Guermantes se tenait sur le boulevard Malesherbes (enfin je crois)).

    La blague du week-end (pour Patrick et Maud (et pour Aymeric, un jour))

    — Ma fille, il faut qu'on parle. Il est temps d'avoir quelques explications sur comment on fait les bébés, tout ça…
    — D'accord papa. Qu'est-ce que tu veux savoir ?

    bilan 2010

    Trois cent quinze billets.
    Finnegans Wake.
    Bovino et Berlin.
    Une certitude désormais: j'aime l'Italie comme je pensais ne jamais aimer un autre pays que la France.

    Count your blessings : je remercie plus particulièrement les cruchons et les oulipiens dont la bonne humeur et l'érudition me surprennent et m'enchantent à chaque nouvelle rencontre. Ils sont une inestimable source d'énergie et de gaieté.

    (Commentaire des enfants à Noël: «les amis de maman sont très gentils» ? ce qui m'a fait plaisir.)


    Meilleurs vœux à tous, je nous souhaite de nombreuses rencontres IRL, car après tout, «un blog, ça sert à se faire des amis».

    Hiérarchie

    — C'est fou, quoi qu'il arrive, on comptera toujours moins que le chien.%%% — Ça m'est égal maintenant. J'ai été jalouse en première ou en terminale, quand tout ce cirque a commencé, à la mort du chien précédent. Le chien précédent, c'était le mien.


    Ça m'est égal? Est-il bizarre dans ce cas que ce soit à cela que je pense quand je me dis que je ne sais qu'écrire à propos d'hier? Fini Kråkmo. Discuté avec Rémi: «Tu ne regardes pas assez TF1.» Certes.

    Faites le mur !

    Stupéfaction et ravissement.

    Je ne sais que dire sur ce film qui n'en dise pas trop. Au début j'ai pensé que c'était "simplement" un film sur des barges, des fin gelés, des obsessionnels qui à force d'obsession avaient réussi à faire quelque chose, selon le principe que n'importe quoi beaucoup et longtemps répété finit par devenir quelque chose.
    Shepard Fairey était sympathique, Banksy carrément bon, c'était du street art, un film intéressant.
    Et puis, à vingt minutes de la fin, le film se met à déraper sévère.

    C'est l'histoire d'un type qui achetait des ballots de vêtements usagés pour cinquante dollars et revendait les pièces taillées un peu différemment quatre cents. Aujourd'hui il en fait autant avec "de l'art".
    C'est l'histoire d'un type qui du jour où il eut une caméra entre les mains ne la lâcha plus («I respect passion»: je ne sais plus qui prononce cette phrase, peut-être Shepard Fairey ou Obey).
    C'est l'histoire d'un type qui découvrit le street art grâce à son cousin, Space Invader, qui se trouva là au bon moment et qui... (no spoiler).

    Je n'arrive pas à me souvenir du mythe dans lequel le créateur est de toute part dépassé par sa créature: pas Pygmalion, pas Frankenstein, mais quelque chose de ce genre, sachant que la créature, c'est O'Reilly, de La Conjuration des imbéciles.

    Il faut aller voir ce film, pour l'accent frenchy de Thierry Guetta, pour l'histoire du street art (il est plus dangereux d'évoquer Guantanamo à Disneyland que de peindre des îles de rêve sur le mur israelien)... et pour la dernière partie.

    Rien n'est très clair dans la conception de ce film: qui l'a fait (qui filme à partir du moment où ce n'est plus Guetta, s'agit-il de reconstitution après coup, "après l'histoire, quand on sait comment elle s'est terminée, ou tout a-t-il était filmé sur le vif?), pourquoi, qui sont les voix narratrices... Thierry Guetta, dans son rôle d'O'Reilly, semble y participer de tout son cœur. C'est la dernière étape (en date) de l'art contemporain.

    Et Banksy est un extraordinaire artiste.



    ajout le 31 décembre : Bon, zut, en y réfléchissant un peu, ce n'est pas tout à fait ce que je pensais (il suffirait de faire quelques vérifications Google mais je n'en ai pas envie). D'un point artistique c'est sans doute encore mieux, un film ayant plus de portée, mais je ne peux m'empêcher d'être un peu déçue: c'est moins méchant ainsi.

    Papiers peints

    A midi : fondue au fromage. Malaaades...

    Mudac: musée du design et d'art contemporain.
    Amusant.



    PS: Le Monde de la Jungle.
    Hier : Là-Haut et Le Monde de Nemo

    Mixing my references

    — C'est le bateau qu'on a pris pour aller à Evian.
    — Ah bon? Qu'est-ce que vous avez fait à Evian? Vous avez bu de l'eau?
    — Non, on a mangé une pizza.



    Vevey par le train. Il fait très froid.

    Passer la douane

    Vendredi soir 24 décembre, vers cinq heures du soir.

    Abrutie par une à deux heures de conduite dans des conditions épouvantables (50 à 70 km/heure entre Pontarlier et la frontière suisse derrière des automobilistes plus que prudents, pluie gelant sur le pare-brise, impossible à chasser avec les essuie-glaces, nuit tombant), j'interprète mal le geste de la douanière suisse qui souhaite que je m'arrête et j'avance. Mécontente, elle nous fait signe de nous garer:
    ? On s'arrête quand un douanier demande de s'arrêter.
    Nous n'essayons même pas de nous expliquer.

    Elle est jeune, blonde et pas contente. Elle demande à voir le coffre. H. descend.
    ? Vous avez de l'alcool ?
    ? Oui, deux bouteilles de champagne, nous allons fêter Noël avec notre fils. Ah, et deux bouteilles de rouge, nous venons de Beaune.
    ? Et là-dedans?
    ? Ce sont des bouteilles de jus de fruit.
    ? Ouvrez !
    H. s'exécute. Ce sont des bouteilles de jus de fruit achetées le matin même à un producteur au marché de Beaune.
    ? Vous avez de la viande?
    ? Du foie gras. (H. montre. Je suis au volant, nous suivons les gestes au bruit. Je pense que devant l'innocence de notre coffre, avec ses deux valises et ses cadeaux de Noël soigneusement enveloppés, la jeune douanière commence à regretter de nous avoir arrêtés.)
    ? Pas de viande rouge ?
    ? Non.
    ? Et ces herbes, qu'est-ce que c'est ?
    ? Du persil, et des mandarines, nous sommes passés au marché ce matin.

    In petto, j'admire le sang-froid de H., qui n'a mis aucune ironie dans sa réponse. La douanière nous laisse repartir.



    Ce n'est que deux jours plus tard, en racontant l'incident, que nous découvrirons que le sang-froid de H. n'avait rien de méritoire: l'allusion à l'herbe lui avait totalement échappé (et nous avions des champignons: cèpes et champignons de Paris...)

    Si la douanière ne s'était pas laissée entraîner par son mécontentement et s'était contentée d'appliquer les règles de base de son métier, elle aurait eu de quoi nous refouler en France: nous avions oublié les papiers d'identité des enfants. Elle ne nous les a pas demandés.

    Marque-pages

    «Attends, je sauvegarde ma page», dit-il en glissant une carte dans son livre ouvert.

    Dilemme

    Si je ne me lève pas et ne finis pas le billet que je veux mettre en ligne depuis une semaine, je vais m'en vouloir et être de mauvaise humeur.
    Si je me lève, je n'aurai pas assez dormi et je serai de mauvaise humeur.

    C'est à peine un dilemme en fait : puisque le résultat sera le même, autant se lever, ça évite les regrets. Mais ça augmente les risques de se faire gronder (les engueulades, pour être précis).

    Piège

    Quand je pensais que X. était gentil, chacune de ses inattentions était un coup au cœur, la sensation d'une trahison.
    Maintenant que je pense qu'il est d'un égoïsme inconscient et constant, chacune de ses attentions me fait brûler de culpabilité.

    Il me faut sortir de cette logique manichéenne, mais comment faire?

    Suite de l'étalage

    Quand on ne peut plus raconter le personnel parce qu'il est privé ni l'amical parce que ce n'est pas autorisé, il ne reste plus grand chose à raconter. Le RER et la neige, peut-être? (Ce n'est même pas que j'ai peur de lasser "mes" lecteurs, c'est que je m'en lasse moi-même (enfin pas de la neige, j'aime bien).

    • aller

    RC, Kråkmo

    • retour

    RC, Kråkmo
    RC, Travers
    Lewis Mumford, Herman Melville
    Michel Clavel, Le petit livre à offrir à un amoureux des mots
    Jacques Perry-Salkow, Anagrammes
    Jacques Perry-Salkow et Frédéric Schmitter, Mots d'amour secrets
    Michel Francesconi, La vitesse à laquelle nous oublions est stupéfiante
    Lieutenant X., Langelot contre six
    Agatha Christie, Death in the Clouds

    Incohérence très peignée

    Neige. Le trafic de livres s’intensifie.

    Je sais que ce genre de billet est un poil "obscène", comme dirait un auteur que je pratique. Mais bon, le côté improbable de cette liste, son incohérence ou demi-cohérence, m'amuse. Chaque livre est là pour une raison précise, mais le total est étrange.

    • Aller

    - Monica del Soldato, Pasta, alle Rezepte
    - Gershom Sholem & Leo Strauss, Cabale et philosophie
    - Joseph Malègue, Augustin ou le Maître est là
    - un paquet cadeau
    - un futur paquet cadeau
    - Erik Neveu, L’idéologie dans les romans d’espionnage
    - Gérard de Villiers, Le Gardien d’Israël
    - Gérard de Villiers, La Panthère d’Holywood
    - Gérard de Villiers, L’ordre règne à Santiago
    - RC, Kråkmo

    • Retour

    - RC, Kråkmo

    De Jacqueline de Romilly à Leo Strauss

    A la mémoire de Jacqueline de Romilly.

    C'est parce que j'étais en train de lire Jacqueline de Romilly que j'ai choisi Leo Strauss quand il s'est agi de soutenir les éditions de l'éclat. [1]
    Et à cause de Gershom Scholem, bien sûr.

    Donc jeudi soir, sous la neige, protégés par un sac en tissu de la librairie portugaise:

    • Gershom Scholem & Leo Strauss, Cabale et philosophie
    • Leo Strauss, Le discours socratique de Xénophon suivi de Le Socrate de Xénophon
    • Leo Strauss, Sur "le Banquet"
    • Leo Strauss, Socrate et Aristophane

    Notes

    [1] (La méthode pour commander n'est pas très claire. Voir ici les librairies amies ou utiliser Lekti-ecriture.)

    Impossible à admettre

    Je n'arrive pas à accepter de ne pas avoir le droit (au sens juridique du terme) de dire la vérité.
    Cela m'affecte profondément.

    Fragments

    — Vous lisez votre Langelot un crayon à la main?
    — Oh oui, vous savez, c'est difficile.

    — Vous reprendrez bien un peu de momie avec votre jus de criquet ?

    — « Quand la guerre est déclarée, la vérité est la première victime. » Arthur Ponsonby (1928)

    — C'est dommage, tu ris trop, tu es floue.

    — Je ne vais pas empêcher de courir un cheval qui a envie de courir.
    — Merci! [rires.]

    — Je peux vous demander pourquoi vous avez commandé vos livres de philo dans une librairie portugaise?

    — C'est quoi, ces cravates au mur?
    — C'est la tradition, on coupe les cravates.

    — On a moins de chance d'être le Proust du XXIe siècle que de gagner à l'Euromillion. (D'ailleurs j'ai mon billet dans mon sac).

    Lois

    - Si vous emportez un parapluie il ne pleuvra pas ;
    - Si vous allumez une cigarette sous la pluie, un taxi vide se présentera ;
    - Si je mets mes chaussures rouges très hautes je resterai debout dans le RER.



    Ce matin j'ai mis mes chaussures rouges, je n'ai pas pris de parapluie.

    Beuh

    — Ah oui au fait, mon adresse est "impasse des bœufs", entre la rue des Bouchers et la rue des Tanneurs.
    — Mais c'est horrible! pauvres bêtes... (Vraiment une impasse.)
    — Quand j'ai commandé mon lit et que j'ai donné mon adresse pour la livraison, la caissière m'a demandé d'épeler "beu". «— "Beufe", j'ai dit. — Ah, beufe!» Elle était soulagée.
    Rires. Après coup, je me demande si elle s'est demandé s'il s'agissait de beu. Est-ce possible?
    — Et à Carrefour, pour le frigo, quand j'ai donné mon adresse, j'ai surveillé l'écran pendant que le vendeur la tapait. Il m'a demandé : «— Vous avez peur que je ne sache pas l'écrire?»



    PS: "Pauvres bêtes", citation d' Astérix chez les Bretons:
    — ... sinon je vous fais jeter aux lions, bouillis à la menthe!
    — Mais c'est horrible!
    — Oui, pauvres bêtes...

    Statistiques et projets

    — Vous préférez aller voir Harry Potter ou Henry V? (choix dicté par des contraintes compliquées, en particulier des horaires serrés. Sinon, c'était Le Guépard d'autorité.)
    Les yeux de O. brillent de plaisir devant un bonheur inespéré (oui, je pense qu'il n'y croyait plus) : — Harry Potter !
    A. furieuse : — Ni l'un ni l'autre !
    — Hum, 50% de satisfait (un "s" ou pas? (une "s" ou pas?)), ce n'est pas si mal. Quand vous étiez petits, on considérait que si l'un de vous trois était content, c'était déjà très bien.
    — Un tiers... Finalement, maintenant qu'on n'est plus que deux, ça augmente la satisfaction! Et réfléchissant...: Et quand je serai tout seul...
    — Et quand tu seras tout seul je te traînerai partout où j'aurai envie d'aller.
    — Noooonnn !!!



    Harry Potter et les reliques de la mort I : tout de même étonnant qu'on ne voit jamais la cape d'invisibilité (je me comprends...). De très beaux paysages. Un peu surprise que personne ne se soit avisé que le plus bel atout de Daniel Radcliffe était son sourire, et qu'obstinément il ne sourit jamais depuis trois ou quatre épisodes. Avec O., je fais des paris sur la scène sur laquelle va s'interrompre cette première partie. Combien de personnes dans la salle qui n'ont pas lu le livre, qui ne sont pas capables de compléter ce qui manque, ou d'enregistrer les variations avec le texte? (C'est d'ailleurs très instructif: qu'est-ce qui est indispensable, qu'est-ce qui peut être transformé, qu'est-ce qui peut être oublié? Souvent le "sentimental", l'enterrement de l'œil de Folœil ou le cadeau du faux pendentif à l'elfe de maison.)

    Evocation

    Chaque fois que je me souviens des Souvenirs de Conrad, il me semble revoir mon grand-père. L'humour anglais ajouté au mutisme polonais, cela devait être quelque chose. (L'idée a quelque chose d'irreprésentable).

    Journée fructueuse

    Sk†ns m'a appris comment entretenir mes DocMartens.

    Ça ne va pas en s'améliorant

    Ne le répétez pas, mais si je n'entendais rien hier au téléphone, c'est que j'avais saisi l'appareil à l'envers (le micro à l'oreille, l'écouteur à la bouche : je m'en suis rendue compte en raccrochant furieuse contre ce téléphone qui ne marche jamais, rendez-moi mon téléphone avec fil, etc.).

    Panneau Passage




    Ce panneau est au bord d'un passage clouté qui traverse la rue Louis Delacarte en contrebas de la gare de Yerres. (Cependant il faudrait avoir de très bons yeux pour réussir à lire le texte du quai.)

    Je le recopie ici pour le plus grand bénéfice de Google:

    Le Passage par FUSION

    Le passage est une intervention artistique qui vient renforcer la fonction de cette signalisation: Passage piéton protégé.
    Par un effet visuel de trompe-l'?il, c'est un pont qui enjambe deux rives. Dans un court instant, pendant la traversée du passage, tout peut arriver si le promeneur ne fait pas attention.
    C'est aussi une métaphore de la vie: nous naissons, premier pas sur le passage, nous vivons, traversée et puis nous mourons, arrivée sur l'autre rive.
    Cette intervention n'est pleinement lisible qu'à la place d'une personne qui se trouve sur le quai en partance pour Paris, vue en plongée. Ce point de vue met en évidence le côté théâtral de l'intervention. Le spectateur qui regarde "Le passage" est un témoin de ce qui peut s'y passer.

    Cette réalisation donne lieu à une extension interactive sur le site Internet:

    www.noscouleurs.com partie FUSION, rubrique "Le Passage".

    Yerres, juin 2003

    Politique

    Un peu embarrassée jeudi soir : voilà-t-y pas que je me retrouve à (plus ou moins) parler de politique avec Kozlika et Anita (de La pêche à la baleine). Hum, je n'aime pas parler politique (chacun pense ce qu'il veut, je demande juste qu'on s'abstienne de me juger en trois coups de cuillères à pot en me collant une étiquette), et encore moins avec des gens que je ne connais pas (le risque de contresens est trop grand, et de toute façon je suis toujours au mauvais endroit pour mes interlocuteurs (je ne m'en plains pas, au contraire, je trouve ça rassurant)).

    — Pfou, moi ça m'est égal, qu'on laisse les gens travailler tranquilles, et ça me va bien.
    — Rien que ça, ça sonne déjà très sarkozyste.... [1]

    Travailler... Est-ce que j'aurais dû dire "vivre"? Quel est le contraire de travailler, pour moi? Pas se reposer. Se reposer, c'est quand on est épuisé, un état qui pour moi approche la maladie et ne ressortit pas à l'état normal de la vie: il n'y a aucune raison de "se reposer" (dormir quelques heures de plus suite à une semaine fatigante, c'est "récupérer"). S'amuser? Mais s'amuser consiste à exercer avec joie et facilité une activité qu'on maîtrise parfaitement. Et pour maîtriser quoi que ce soit parfaitement, que ce soit pêcher à la ligne ou faire des photocopies, il faut apprendre, faire des expériences, se tromper, recommencer. Il faut travailler.

    En fait il n'existe que deux activités, pour moi: travailler (apprendre, découvrir, connaître, savoir, s'améliorer) pour tout ce qui m'intéresse, ou servir (à quelqu'un ou quelque chose) pour tout ce qui ne m'intéresse pas. Le pire qui puisse m'arriver, c'est de perdre mon temps: ne servir à rien dans une activité qui m'ennuie.

    Je crois que je vais arrêter de me servir du mot "travailler". Personne ne peut comprendre spontanément ce que je veux dire, et c'est bien normal.

    Notes

    [1] ce qui intéressera peut-être celui qui a eu l'idée de me traiter d'anti-sarkozyste primaire il y a peu. Quand je disais que...

    Pour Dominique

    Il faut savoir que je n'ai pas d'autre moyen de le joindre entre deux séances de l'Oulipo.

    Le blog de l'éditeur singulier et une liste des Lolitas. Il faudra que je pointe par rapport à la liste que tu m'as donnée. (Il y a aussi un site).

    Les courses du samedi

    J'aime beaucoup cette affichette à la caisse:





    En lisant la première phrase je me demande ce qu'il en est des mineurs émancipés et des majeurs sous tutelle. Est-ce à eux que nous devons cette précision intriguante: les «mineurs de moins de 18 ans»?

    La dernière phrase me fait plutôt penser aux questions que se posaient Locke dans De l'identité: peut-on réellement supposer que quelqu'un «en état d'ivresse manifeste» se rende compte
    1/ qu'il est «en état d'ivresse manifeste»;
    2/ qu'il est dans un lieu public?

    Cela suppose donc que chacun soit suffisamment raisonnable et conscient pour quitter les lieux publics avant que son ivresse ne soit manifeste... donc non ivre... (non réellement ivre)... donc n'ayant aucune raison de quitter les lieux publics.

    RER, matin

    Train en retard à Yerres, nous poussons jusqu'à Villeneuve-Saint-Georges.
    Bonne idée, train plutôt vide. L'homme en face de moi discute avec l'homme à côté de moi:

    — Et alors, il paraît que vous n'avez pas de chauffage?
    — Ah si, il y a une centrale qui marche. Une sur huit. Le terrible, c'est qu'il y a une porte de cassée, ça fait un sacré courant d'air dans les ateliers.
    — Une porte cassée?
    — Ben oui, il y en a un qui a ouvert la porte pour passer avec un porteur, et pendant qu'il retournait à la machine, un autre a fermé la porte, il fait tellement froid; et l'autre a pas fait gaffe, il est passé à travers la porte avec le porteur, il a rien senti, c'est puissant ces engins-là, ça sert à déplacer les rames...
    — Et alors il fait froid?
    — Quinze en haut, huit à dix sur le pont, mais dans l'atelier, six. L'ennui, c'est qu'en dessous de cinq, on peut pas souder.

    Ils sont descendus à Villeneuve-triage. C'étaient des cheminots.

    Festival

    19h38. Le RER démarre devant mon nez au moment où j'arrive sur le quai gare de Lyon. Le suivant est indiqué "retardé", et le suivant, supprimé.

    Comme j'ai le temps, je décide de retourner attendre aux Halles, afin de pouvoir monter dans le train quand il arrivera (car c'est le deuxième effet KissCool: quand des trains sont supprimés, il y a tant de monde à vouloir monter dans les trains qui circulent que vous ne pouvez y accéder et restez sur le quai (avec une petite centaine de personnes, nothing personal). L'une des solution consiste à remonter la ligne d'une station en amont, car beaucoup de voyageurs descendent aux Halles, ce qui fait de la place (logique: je me dis que ceux qui connaissent ne vont pas comprendre pourquoi je précise, et que ceux qui ne connaissent pas ne comprendront pas quoi que j'écrive. Les expériences sont intransmissibles.)

    A partir de là, cela a tourné à la mauvaise farce. Je ne sais plus combien de variations deceptives (décevantes et trompeuses) la SNCF/RATP (la ligne D est SNCF, mais les Halles sont RATP, donc je ne sais pas) a réussi à nous donner. Si j'avais su, j'aurais pris des notes, mais évidemment, quand ça commence, on ne sait pas encore que l'on va avoir droit à un show exceptionnel.

    Au fur à mesure je songeais à Gordon Pym, à son sauvetage éternellement remis, tant et si bien qu'à la fin, on n'attend plus qu'il soit sauvé, mais quel tour Poe va bien pouvoir inventer pour une fois de plus décevoir notre attente.

    Les trains se sont succédés, allant tous à Corbeil (je suis sur la ligne de Melun).

    Nous avons eu (à peu près, de mémoire):
    - l'annonce d'un train pour Corbeil tandis que l'affichage sur le quai disait Melun (ce fut Corbeil);
    - l'affichage d'un train pour Corbeil tandis que l'annonce nous promettait Melun (mais nous avons cru l'affichage car il correspondait à ce qui était inscrit sur la locomotive elle-même);
    - l'annonce d'un train pour Melun et l'arrivée d'un train vide et non éclairé. Il a ralenti le long du quai, nous nous sommes réjouis à la perspective d'être tous assis, et il a commencé, très lentement, à accélérer et à prendre de la vitesse sans s'arrêter : «ce train ne prend pas de voyageurs, veuillez vous éloigner de la bordure du quai». (Les trains fantôme me donnent l'impression d'être dans des western);
    - l'annonce d'un train pour Melun dans lequel nous sommes montés (chauffé!: quel plaisir après les quais froids) avant d'en descendre quand le conducteur nous a prévenus qu'il allait à Corbeil (deux hommes m'ont demandé: «Vous êtes sûre qu'il va à Melun? ? Non, mais je le prends pour y aller.» Ils sont montés, nous sommes redescendus ensemble);
    - un train annoncé pour Melun, mais dont on nous a précisé quand il fut arrêté à quai, comble du raffinement sadique, qu'il allait à Melun mais aurait exceptionnellement pour terminus Paris gare de Lyon, «par suite des retards accumulés» (et là sur le quai, nous avons commencé à envisager sérieusement d'aller étrangler la tête de linote qui déclamait les annonces).
    - le conducteur de ce train nous a promis que le train suivant irait à Melun. Cependant nous ne l'avons pas cru, et nous avons eu raison.


    M'en fiche, une fois dans le wagon (plutôt vide), j'ai choisi ma place. (Bon évidemment il a bougé, et vu le temps de pose de mon téléphone, ce n'est pas exactement la photo que je voulais.)






    Arrivée chez moi deux heures plus tard, à 21h30. Plus de bus avec la neige. Mais je ne prend pas le bus :p

    On ne fait pas le poids

    Conversation dans l'ascenseur.

    — J'ai été dégoûté, tu te rends compte, au club de XX, ils sont tellement nombreux, que même en loisir ils arrivent à monter quatre ou cinq équipes! Nous, on n'arrive même pas à réunir trois cents kilos pour en faire une.
    — Les équipes, c'est au poids? demande, surpris, l'interlocuteur. (J'avais la même question silencieuse).
    — Oui, non, enfin oui, mais tu dois composer ton équipe: si tu présentes trois types alors qu'en face ils en présentent quatre, t'as l'air con. C'est pas facile, mais c'est intéressant.

    (Je n'ai pas tout compris, mais oui, j'ai trouvé ça intéressant.)

    Les bulles cérébrales

    Plus tard il m'est revenu que le président d'Havard dans The social Network était Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor, l'homme qui a bloqué le projet de régulation des produits dérivés.
    Que répondait-il aux jumeaux? «J'ai été secrétaire au Trésor et vous pensez que je ne sais pas reconnaître le bien (le Bien)?» ou «J'ai été secrétaire au Trésor et vous pensez que je ne sais pas reconnaître une idée qui va loin?» ou «J'ai été secrétaire au Trésor et vous pensez que je ne sais pas reconnaître une idée qui peut rapporter des millions?»
    Je ne sais plus; dans tous les cas, c'est savoureux.

    J'ai tapé ["larry summers" "produits dérivés"] dans google. De proche en proche, je suis arrivée à un article de Naomi Klein qui m'a fait rire et dont nous savons instinctivement qu'il dit juste, pour connaître le phénomène en réduction autour de nous.

    Extrait:

    And this brings us to a central and often overlooked cause of the global financial crisis: Brain Bubbles. This is the process wherein the intelligence of an inarguably intelligent person is inflated and valued beyond all reason, creating a dangerous accumulation of unhedged risk. Larry Summers is the biggest Brain Bubble we've got.

    Brain Bubbles start with an innocuous "whiz kid" moniker in undergrad, which later escalates to "wunderkind." Next comes the requisite foray as an economic adviser to a small crisis-wracked country, where the kid is declared a "savior." By 30, our Bubble Boy is tenured and officially a "genius." By 40, he's a "guru," by 50 an "oracle." After a few drinks: "messiah."

    Naomi Klein dans le Washington Post du 19 avril 2009


    Traduction à la volée (vous pouvez proposer des améliorations):

    Et ceci nous amène à une cause centrale mais souvent ignorée des crises financières systémiques: les bulles cérébrales. C’est le processus par lequel l’intelligence d’une personne sans conteste intelligente est enflée et valorisée au-delà de toute raison, créant une accumulation dangereuse de risque sans couverture. Larry Summers est la plus grosse bulle cérébrale que nous ayons.

    Les bulles cérébrales commencent au lycée par l'inoffensif sobriquet de "grosse tête", qui enfle jusqu'à devenir "un prodige". Puis intervient le passage obligé en tant que conseiller économique d'un petit pays bouleversé par une crise, à la suite de quoi le "prodige" est déclaré "sauveur". A la trentaine, notre homme qui mousse est titularisé et officiellement nommé "génie". A quarante ans c’est un "gourou", et à cinquante, un "oracle". Et après quelques verres : un "messie".

    No bollocks

    Vu Inside Job, et j'ai beau savoir que c'est un film entièrement monté pour indigner le bon peuple, et donc qu'il est normal que je sois indignée, je suis indignée. Entre la voix de Matt Damon et la musique, on pourrait se croire dans un film d'action. Les images de New York sont superbes.

    Si vous avez le temps, allez le voir. D'une certaine façon, c'est assez drôle, ces petits garçons pris les doigts dans le pot de confiture qui nient en vous regardant droit dans les yeux. Parfois ils ont la bonne grâce de bafouiller. Dans l'ensemble ils paraissent soit totalement stupides, soit totalement gonflés de leur importance. On aimerait les percer pour qu'ils dégonflent. (Skot ressemble un peu à Henry Paulson).
    Le journaliste m'impressionne, à ainsi ne jamais perdre son sang froid plutôt qu'en boxer un ou deux.
    Ce qui est moins drôle, c'est qu'absolument rien n'a changé et aucun responsable n'a été puni. On s'attendrait au moins à ce que leur fortune soit confisquée, non pour les réduire à la misère, mais pour les ramener à une vie plus ordinaire, celle d'un cadre médiocre faisant mal son travail...
    Les villages de tentes m'on fait penser à la fin des Raisins de la colère.

    — Nous attendons un tsunami, et tout ce que vous me proposez, c'est de choisir une couleur de maillot de bain! (Pas mal, Christine Lagarde).

    — Il n'y a aucune raison qu'un ingénieur financier soit payé quatre à cent fois plus qu'un vrai ingénieur. Un vrai ingénieur construit des ponts, un ingénieur en finances construit des rêves. Quand les rêves se transforment en cauchemars, ce sont les autres qui paie.

    Il faudra que je feuillette Traders, Guns & Money, le livre de Satyajit Das.

    Le droit

    François paraissait très malchanceux. Il s'écoulait rarement un trimestre sans qu'il n'ait un accident, un accrochage, en voiture. Peu à peu, nous finîmes par comprendre pourquoi: si c'était son droit, il passait. Estimez rapidement le nombre de portières que cela peut coûter en terme de priorités à droite refusées.

    Je me souviens avoir révolté un homme lors d'un dîner. Il était breton et plaidait pour les traditions. «On sous-estime les traditions. Elles garantissaient un monde plus chaleureux où l'entraide jouait un grand rôle. Par exemple, une veuve de marin était soutenue par le village, on l'aidait à élever ses enfants (etc)...»
    Habituée à me représenter la vie dans les petits villages (une certaine expérience), j'objectai: «Oui, à condition que cette veuve acceptât les conditions du village. Que se passait-il si elle prenait un amant, par exemple, ou si elle souhaitait mener sa vie à sa guise? Les traditions, c'est aussi une manière de mettre l'individu sous la tutelle de la communauté. Le droit crée un monde plus froid, mais il garantit une certaine liberté.»
    L'homme était absolument furieux.

    Droit défensif, droit offensif, un certain rapport à la liberté individuelle et au bon sens.

    Un projet commun

    La première fois que nous étions allés chez les L., les parents de François, j'avais été frappée par l'aspect de leur maison: non crépie, grise, ciment à nu. Au cours de la conversation, comme je demandais innocemment à Madame L. s'ils menaient des travaux de rénovation, elle m'avait répondu gentiment : «Quand nous avons fait construire nous n'avions pas d'argent; plus tard nous n'avions plus de projet commun.» Trente ans après, la maison était donc toujours dans le même état que lorsque le manque d'argent avait interrompu les travaux, le placoplâtre à nu dans certaines pièces.

    François était le benjamin, après trois filles. Quand il parlait de son enfance, il nous laissait toujours stupéfaits. Par exemple, à une époque son père avait installé sa jeune maîtresse dans une caravane dans le jardin. Mon féminisme jugeait cette idée révoltante:
    — Mais enfin, pourquoi tes parents ne se sont-ils pas séparés?
    — Et qu'aurait fait maman? Elle n'a jamais travaillé, elle s'est toujours occupé de nous. Un divorce l'aurait réduit à la misère. Papa l'a protégée.

    C'était une façon de voir, et après tout il n'y avait pas à juger. Mais c'était si étrange.

    Haldement incorrect

    Qu'une noire soit en charge de la lutte anti-blanchiment me fait rire.

    Vide

    Je me suis rarement autant ennuyée qu'aujourd'hui. Journée de conférences, à tenir ma tête entre les mains tandis que mes yeux se ferment. Buffet le midi. Pas envie de parler à qui que ce soit. Pensé à Orimont et au temps perdu. Une journée comme celle-là me vaudra(it) un sermon. Mais une part de moi-même — comment dire, ce n'est pas qu'elle accepte le système, c'est qu'il lui est complétement indifférent, et déjà là, donc bien pratique.

    Fini Kantorowicz.

    Selon les légendes ultérieures, il aurait, en chassant, tourné l'anneau du Prêtre Jean qui rend invisible et aurait soudain disparu aux regard de ses amis. (p.616)

    Les enfants lisent Le Seigneur des Anneaux et s'esbaudissent de ce qu'ils y découvrent qui n'est pas dans les films. Je songe à la dernière page de Fable de Venise:

    Il y a Venise trois lieux magiques et secrets: l'un dans la «rue de l'amour des amis», le deuxième près du «pont des merveilles» et le troisième dans la «calle dei marrani» près de San Geremia dans le vieux ghetto. Quand les Vénitiens — parfois ce sont les Maltais — sont fatigués des autorités, ils vont dans ces lieux secrets et, ouvrant les portes au fond de ces cours, ils s'en vont pour toujours vers des pays merveilleux et vers d'autres histoires...

    Maintenant un policier, puis Jacqueline de Romilly, puis Justine Lacroix puis Mauriac (Claude).
    Je ne vois pas pourquoi je me fatigue à écrire, je n'aime que lire. Ces derniers mois je m'étonne de ne plus rien lire de décevant, comme si j'étais entré dans un nouveau cercle. Chaque soir on me propose la carte France Loisirs en bas de l'immeuble où je travaille. Et je me sens honteuse de la refuser avec un peu de dédain (c'est le dédain qui me fait honte).

    Je photographie les panneaux de RER qui nous annoncent que la circulation est pertubée jusqu'à vendredi (un train sur deux) du fait de l'usure des essieux due aux conditions climatiques du début du mois.

    Long Island

    C'est le nom d'un coktail (j'en ai pris deux). Musclé, tequila, gin, et je ne sais plus quoi.
    Les lunettes avec un joueur de polo ne sont pas mal du tout.
    Je suis bourrée comme un coin(g), mais d'où vient cette expression? J'ai toujours imaginé qu'il s'agissait des coins des bûcherons qu'on mettait dans les troncs d'arbres, avec un obscur souvenir du loup Ysengrin se faisant avoir par Maître Renard...

    Le dernier voyage de Tanya

    Le dernier voyage de Tanya : vous saurez tout (sans doute un peu plus que vous ne souhaiteriez en savoir) sur la façon de rendre les derniers hommages à une "Meria".
    Intense sensation de poésie, paysage d'eaux et de ciel, passereaux, immortalité, chaque mot chaque indice ramassé utilisé avant la fin, le récit se clôt sur lui-même, en deux jours. Rien. Et le mot amour confondant étroitement ses deux sens français.

    Et toujours ces routes d'Asie.

    La Flûte enchantée

    Une version courte, vive et enjouée, pour le théâtre, en partie en français ce qui permet de tout comprendre sans sous-titre.
    Je n'étais pas très inquiète, connaissant la compagnie Ecla-théâtre depuis plusieurs années: jamais déçue.
    Cela s'est confirmé.
    Côté théâtre, plaisir des yeux, entre le décor, les costumes, les combats, les tours de magie, le feu, la fumée, etc.
    Côté musique, cinq instrumentistes s'accordant du regard et jouant par ailleurs des personnages, une reine de la nuit parfaite (Julie Mathevet) et Sophie Albert en Pamina délurée heureuse d'être sur scène.
    Et pour tous ceux que je n'ai pas cités.

    L'aspect shakespearien de l'intrigue est magnifiquement mis en valeur, l'alternance de tragédie et de farce, de raison et de volubilité, ce doute qui plane longtemps: qui est le "véritable" méchant, la reine ou Sarastro? (ce doute ne sera jamais véritablement levé: nous sommes dans un cas de «chacun a ses raisons»). Je suppose que le rapprochement de cet opéra avec La Tempête est une tarte à la crème.


    Il doit être possible d'y aller sans enfant, personne ne vous remarquera.

    Miss Chou Rouge

    Un live sms (comme il y a des live twitts) en direct de Mulhouse. Ce qu'écrase ce billet, honorable lecteur, c'est la perception des minutes qui s'écoulent entre chaque sms.

    20h25
    Je suis en train de manger au restaurant de l'hôtel et dans la salle d'à côté il y a une teuf (bien bourgeoise) qui s'encanaille (y'a des miss et leurs dauphines) des membres de la confrérie du... Chou rouge!! Si si, et ce n'est même pas du San Antonio... Il y a 5mn, l'orateur loquace et décomplexé a conclu sa présentation par ces mots: «chou rouge après chou rouge, notre confrérie a grandi»! Ils sont au moins cent!

    20h41
    ...la première dauphine de Miss Chou Rouge est en train de parler. Dommage, je ne peux pas la voir...

    20h57
    Pas de pb... J'en suis au dessert et ça continue de causer, et ça applaudit, ça se congratule et ça rigole. Beaucoup de femmes bien habillées (même pas en rouge!)... Même ma jeune et jolie serveuse attitrée a l'air concernée!

    20h58
    Je voulais dire consternée! (what a lapsus!)

    21h02
    Y'a des élus!! Jamais je ne pourrais sérieusement faire de la politique!

    21h16
    Ouahhh! Je viens de voir miss chou rouge, elle est super canon! On dirait Audrey Hepburn...[1]

    21h27
    Et la dauphine est une pouffe blonde. Décidément, je préfère les brunes.

    21h28
    Le spectacle va se terminer, je vais aller me coucher!

    21h29
    Au secours... Ils chantent... savez vous planter vos choux!



    Notes

    [1] Quelques recherches plus tard, je peux vous apprendre que Miss Chou rouge (en réalité Miss Roug'Chou) est également (en 2010) Reine du trèfle royal, Reine du carnaval de Buhl, Reine du vin nouveau, 2e dauphine de Miss Lentilles, 2e dauphine de Miss Muguet et 2e dauphine de la Reine de la bière de Baldersheim.

    Apprendre à voir

    Encore serrés comme des harengs ce matin. Impossible de lire: trop serrés, et de toute façon le livre en cours est trop gros (trop lourd) pour être lu debout, ça l'abîme et me fatigue.
    Il faudrait que je prenne mon ipod, ça doit faire un ou deux ans que je ne m'en suis pas servi, je ne sais même pas si la batterie tient encore la charge. Mais j'ai la flemme, je me sens débordée par les podcasts quand je m'abonne: quand trouver le temps d'écouter tout ça? Il y a longtemps que j'ai laissé tomber, pour éviter ce sentiment de noyade et de culpabilité.

    Derrière moi un jeune étudiant plutôt beau, un grand carton à dessins entre les jambes, est en conversation avec une jeune femme en manteau rouge, trop jeune pour être une amie de sa mère, trop vieille pour être étudiante: une voisine, une tante?

    — Et tu fais quoi en ce moment ?
    — Ça dépend. Hier j'ai eu un cours sur le nu.
    — Avec un modèle ?
    — Euh... oui....
    Silence plus long de quelques dixièmes de secondes. Dans mon dos, j'entends la femme le regarder plus intensément. Il reprend :
    — C'est très intéressant, j'ai beaucoup appris. C'est le cours où j'ai le plus appris. On comprend les proportions... dessiner une main... la lumière. Et puis on a un cours d'anatomie, on nous explique les masses musculaires. Il faut dire que j'ai un très bon prof.

    Et je pense à Adrien, ancien élève des Beaux-Arts, qui me disait que tous les corps étaient beaux — et à Michel, bien sûr.

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.

    1/ Non, c'est un prénom très banal.

    2/ Non. Je pourrais, je n'ai pas peur du noir. Mais il se trouve que les velux n'ont pas de rideau.

    3/ Oui.

    4/ Un peu. J'admire surtout la prouesse marketing.

    5/ Un an ou un an et demi. Une image chez ma nourrice.

    6/ Jamais sur le coup.

    7/ Pour ce que je n'aime pas, oui.

    8/ C'était le cas. Depuis que j'ai compris le processus, beaucoup moins. Je ne m'excuse qu'avec les gens qui s'excusent et donc plus très souvent, et surtout jamais avec les hommes (lol).

    9/ Le deux. Avant de me coucher.

    10/ Oui. J'aime beaucoup ça.

    11/ Non.



    Répondu le 27 mars 2020, le douzième jour de quarantaine.

    Yu-Gi-Oh

    — Il ne faut pas se faire avoir : parfois ils vendent des éditions spéciales, on croit que c'est des decks, en fait c'est juste trois boosters.

    Félix Nussbaum

    Un peu ahurie, trop de nostalgie, de culpabilité, de bonnes résolutions — pas assez de sommeil.
    Paul est mort, C. est parti, je suis libre (le mot naturel serait "seule", mais il ne convient pas avec son aspect triste. Ce n'est pas triste, c'est dépouillé.) Impression d'espaces et de temps infinis.

    Exposition Félix Nussbaum. Sobriété et dénument, et pourtant, une impression de richesse des tons, chaque couleur "pauvre" (beige, marron, brun, avec un petit carré de ciel bleu ou de torchon blanc ou de bandeau vert) travaillée dans son épaisseur. Est-ce par ce qu'il y a de très nombreux autoportraits qui vous regardent dans les yeux que l'on a l'impression que ce peintre vous parle? Il n'interroge pas, la toile est la réponse, il montre, il informe, parfois avec une imperceptible ironie qu'il est difficile d'attribuer à un point particulier du tableau (peut-être le pli de la bouche, l'ombre de barbe?). Ses tableaux sont des reportages intérieurs qui prévoient les massacres extérieurs (prévoient ou voient au loin). C'est sans concession: voilà. Voilà où nous en sommes. Dans la chambre sans meuble je peins des murs et ma tête et la fenêtre parce que je n'ai que ça. Et mes souvenirs du camp de Saint-Cyprien. Mais je peux aussi imaginer comment cela finira. Ou est en train de finir.

    Il ne se trompait pas.

    Je quitte le musée avec les Récits d'Ellis Island pour les photos. En 1976 ou 79 (je ne sais plus [1]), on pouvait rencontrer des gens qui étaient arrivés en Amérique avant la première guerre mondiale, avant la Révolution d'octobre, qui avaient connu les shelts inexorablement détruits. On pouvait marcher à côté de légendes vivantes, comme ces vieilles personnes aujourd'hui dans le métro de Berlin ou comme Svetlana Geier, des gens qui ne peuvent vous raconter leur histoire sans raconter une partie de l'histoire du XXe siècle.



    Notes

    [1] l'époque représentée dans Potiche. Je deviens de plus en plus sensible au fait que les époques ne se succèdent pas mais se chevauchent, et qu'il faut beaucoup d'attention pour se comprendre: plusieurs représentations du monde cohabitent sans arrêt autour de nous.

    Potiche

    La première minute, Blanche-Neige kitsch, annonce clairement la couleur: tout cela ne devra pas être pris trop au sérieux, et les dialogues parfois un peu creux un peu forcés un peu récités (c'est du théâtre, est-il volontaire que cela se sente imperceptiblement par instants?) ne feront pas oublier la loufoquerie de l'ensemble, et une certaine... hum, nostalgie est trop fort, pas de nostalgie (non, pas du tout, comme tout était lent et vide), mais plaisir, plaisir certain, à retrouver quelques minutes cette tranche de passé que nous (ceux qui ont au moins mon âge!) sommes capables de reconnaître.

    J'ai beaucoup aimé voir Gérard Depardieu et Catherine Deneuve danser ensemble, j'ai aimé imaginer leur complicité dans la maîtrise partagée de leur métier et la conscience réciproque de ce que l'autre a traversé depuis le début de sa carrière pour se retrouver là à faire les pitres ensemble...

    Une usine de parapluies: les Parapluies de Cherbourg?
    Intéressant, les questions laissées sans réponse, ou avec trop de réponses possibles. (Bon, je ne spoile pas).
    Féminisme, prise de conscience des femmes? Dans les entreprises familiales de province, cela n'a pas évolué tant que cela (ni les rapports sociaux, d'ailleurs).

    Catherine Deneuve a des jambes parfaites, mais si Depardieu grossit encore il va nous faire une crise cardiaque.

    La femme aux 5 éléphants

    J'attendais qu'on me parle de Dostoïevski et de traduction, c'est un documentaire sur Svetlana Geier qui parle de Svetlana Geier.

    Mais maintenant que vous êtes ainsi prévenus, vous ne serez pas déçus. Femme frêle aux cheveux blancs, inflexible sur les virgules ou l'imparfait.
    J'ai beaucoup aimé l'homme qui la relit ligne à ligne: «Ich kapituliere». (voir la bande-annonce)
    Cher monsieur, ce n'est pas exactement comme si vous aviez le choix.

    La vie de Svetlana Geier comporte deux miracles, deux exceptions: un père sorti des geôles staliniennes, un passeport allemand accordé à une étrangère pendant la guerre.
    Film lent, montage d'images d'archives, film qui suit une vie qui a suivi l'histoire: les purges, donc, la guerre, l'arrivée d'Hitler vu comme un libérateur par une partie de la population (et j'ai pensé à cette famine ukrainienne dans les années vingt ou trente dont on voit la trace sur les pyramides démographiques encore aujourd'hui), Babi Yar en quelque sorte occulté (A. choquée à la sortie: «— Mais comment a-t-elle pu travailler pour les Allemands qui avaient tué son amie? — Tu sais, elle le dit quand elle parle de son père: on oublie ce qui nous empêche de vivre»), et l'Allemagne: «Je serai toujours reconnaissante de ce que les Allemands ont fait pour moi», phrase étonnante, vaguement choquante pour des Français (en tout cas pour moi, tellement habituée à associer les Allemands à l'horreur).

    Mais les Ukrainiens avaient connu Staline...

    Les passages où elle parle de littérature ou ceux où on la voit traduire sont de purs enchantements.






    Svetlana Geier est morte le 8 novembre 2010 (le film a été tourné en 2008). Elle avait eu le temps de finir la traduction des cinq éléphants.

    Avant/Après




    Méditations

    En rangeant je tombe sur ce faire-part de décès que m'avait envoyé ma mère, et je découvre cette étrange faute, du moins ce que je suppose être une faute, si intense (et si ce n'est pas une faute, quelle formule magnifique):

    «Tant de recueillement et de prières souhaités,
    en mémoire de V. B.
    décédé dans sa 47e année.»

    Remise en perspective

    Rentrer à 22h32 pour se rendre compte que :
    1/ votre mari n'est pas là (pas de panique, honorable lecteur, sans doute une compétition de ping-pong);
    2/ que les deux gosses restants sont déçus de vous voir paraître si tôt, car ils espéraient regarder la dernière partie du Seigneur des anneaux tranquilles.

    «Bon OK. Vous faites comme si je n'étais pas rentrée, et je fais comme si vous n'étiez pas debout.»

    Malédiction

    — Tu vois, par exemple, l'année prochaine, le 11 novembre, ce sera un vendredi. Eh bien je suis sûr que ce sera le jour où j'aurais le moins de cours, parce que cette année, c'est le jeudi.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Ça a dû m'arriver mais je ne me souviens plus.

    2/ Non, plutôt synchroniques : il m'arrive de rêver de ce qui est en train d'arriver ailleurs, à un ami. Souvent en cas de mauvais moments.

    3/ Non.

    4/ Oui. La lutte contre l'extrême-droite.

    5/ Non. Moitié-moitié, sans doute.

    6/ Le 25 février 2020 (nous sommes le 27 mars 2020).

    7/ Oh oui.

    7/ Je ne sais pas. Un après-midi?

    8/ Coupable? Responsable. Souvent.

    9/ Moins qu'à ce qu'elles racontent et pensent.

    10/ Peut-être que c'est le sport qui donne chaud, et pas la ménopause.



    Répondu le 27 mars 2020, douzième jour de quarantaine

    Consolation berlinoise

    Je suis toujours un peu embarrassée de raconter mes aventures de RER, parce que ce n'est pas un sujet, et j'ai le faut pas s'plaignier de ma grand-mère polonaise dans l'oreille (et puis se plaindre de ce qu'on ne peut pas changer, hein, à quoi bon (et de ce qu'on peut changer... Bref)).

    Jeudi dernier
    - Aller, ligne D, accident dans la partie nord de la ligne, trains supprimés. Je laisse passer un train, trop bondé pour pouvoir y monter.
    - Retour, ligne A, accident sur l'est de la ligne. Trains immobilisés. Je prends la ligne 1 (j'y rencontre Matoo). Ligne 1 arrêtée, des personnes sont descendues sur les voies, l'électricité a été coupée.

    Vendredi dernier
    - Panne de réveil, préparation en quatrième vitesse, à l'heure sur le quai du RER D, trains supprimés (je ne sais plus pourquoi).

    Mardi
    - Aller : la pagaille, trains supprimés, pluie et feuilles mortes, je songe à Philippe[s] nous expliquant que si les roues patinent et se bloquent, l'arc de cercle devient droite et la roue (les roues) n'est plus ronde... Dans le premier train je parviens à faire monter A. (remords et tristesse de la voir dans cette galère que je ne peux lui éviter), dans le deuxième je laisse monter H. qui a une réunion. Je prends le troisième, quasi-vide alors que les deux précédents étaient archi-bondés. Hélas, des pipelettes s'installent à côté de moi et malgré ma boule quiès je ne peux ni lire ni dormir.
    Gare de Lyon, problèmes de RER A. Je prends la ligne 1, bondée, sans réussir à m'assoir alors que je l'emprunte pratiquement sur toute sa longueur. Quand je descends sur le quai à La Défense, j'entends une annonce: «l'accident de matériel est terminé, le trafic reprend normalement.»
    - Le soir, RER D gare de Lyon, 19h38. Il y a plus de monde sur le quai que normal, je suppose qu'un train a été supprimé. Le train qui arrive à quai est un train court, soit trois ou quatre wagons de moins que la normale!! Qu'on m'amène la triple andouille qui a décidé ça, que je l'étripe. Précipitation sur les wagons déjà pleins, entassement incroyable, odeur suffoquante de crasse due à la pluie et aux vêtements mouillés, les gens sont excédés, ils veulent monter dans ce train trop court, ils ne savent pas quand et si il y en aura un autre (une partie des voyageurs est pauvre, habitants de Villeneuve-Saint-Georges coincée entre la Nationale, Orly et la gare de marchandise. Ils n'ont pas de solution de rechange.)
    Inquiétude, ma fille n'est pas rentrée, son téléphone ne répond pas (elle avait cours jusqu'à 19h30; elle arrivera à 21h passées, comme une fleur, en expliquant qu'elle a discuté avec le prof. Well...)

    Aujourd'hui
    - Matin: ligne désorganisée suite à la panne d'un train entre Châtelet et gare du Nord, le train 8h06 est supprimé. Le suivant passe à 13, j'arrive à le prendre. A., partie de son côté avec des amies, me dira le soir qu'elle a pris le suivant (deux minutes de retard au lycée).
    - Soir: un train, à l'heure (19h18), à quai gare de Lyon, quasi-vide. Je suis joie et gratitude. Bon, le wagon n'est pas chauffé, mais on ne peut pas tout avoir non plus.




    Quand nous étions à Berlin, j'avais trouvé une carte postale qui posait la question:
    — Quels sont les plus grands ennemis de la Deutsche Bahn (SNCF allemande) ?
    Réponse:
    — Le printemps, l'été, l'automne, l'hiver.

    Cela m'avait fait rire et étrangement rassérénée.

    J'ai trouvé la paire

    J'avais la fille en rose, ce soir j'ai trouvé le garçon.





    Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu

    J'avais un peu hésité à y aller, E. ayant dit que cela lui avait donné le cafard.
    Je n'ai pas compris pourquoi.

    J'ai l'impression que c'est un film riche en fausses pistes.
    L'exergue shakespearien «Life is a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing» me faisait attendre une histoire absurde et injuste; en fait il s'agit d'une histoire logique et morale, respectant parfaitement l'enchaînement des causes et des conséquences: chaque personnage récolte ce qu'il a semé. Seules les deux femmes, mère et fille, ne commettent aucun méfait moral. Elles pourraient apparaître comme les victimes du récit, mais en fin de compte ce sont elles qui sont sauvées: la mère retrouve un compagnon, la fille se débarrasse d'un looser et a l'opportunité d'ouvrir sa galerie (non, pas dans le cadre du film. Mais elle va y arriver ;-). Tout se passe comme si une certaine passivité (ne pas décider de lutter contre le vieillissement ou d'avoir un fils (le père), ne pas décider d'abandonner son métier ou de voler un manuscrit (le gendre), ne pas décider de rompre ses fiançailles (la fille en rouge)), une façon de ne pas s'opposer au cours des choses ou de ne pas le forcer était finalement payante.

    Je ne peux m'empêcher de voir une certaine malice dans ce film. Comment ne pas penser à la vie de Woody Allen lui-même devant ce père qui abandonne son épouse d'une vie pour épouser une bimbo un peu pute? A-t-il voulu se moquer de lui-même, afficher son propre ridicule, ou a-t-il voulu se moquer de son entourage, lui signifier qu'il savait parfaitement ce qu'il pensait? Ou les deux?

    Autre fausse piste, le titre. Parce que bon, comme bel et sombre inconnu, on fait mieux.

    Faut pas pousser mémé dans les orties

    Est-ce que quelqu'un pourrait expliquer à Arlette qu'il est étonnant de paraître s'offusquer de ce que Patrick achète mon amitié avec des livres tout en pensant qu'elle-même lui était devenue indispensable à cause d'un groupe Flickr?



    Ou finalement non, ce n'est peut-être que très logique: penser que toute relation n'est qu'un marchandage, qu'il suffit d'y mettre le prix. (Cette remarque, bien sûr, pas bien méchante, juste ironique.)

    Quelques blogs, des photos et un article

    (J'en ai déjà signalé certains).

    Des maths illustrées ;

    les dessins de Matthieu M., commentés par Emm. (auteur du 6 mars) ;

    encore et toujours Antoine Bréa ;

    Guillaume (Touraine sereine) s'est réveillé ;

    ce blog sur les villes et l'urbanisme (je choisis un billet sur la Chine pour ce lien);

    le Flickr de la reine d'Angleterre ;

    une étude du procès d'Harry Potter d'un point de vue juridique.

    Cruchons

    J'ai appris que dire La Fenisse faisait quand même un peu plouc (quand je ne sais pas prononcer, je prononce à la française, le duc de Buckingant n'est nullement une surprise pour moi); qu'au Moyen-Âge la Bible et les textes sacrés étaient entourés de leurs commentaires et de leurs annotations, sur la page même (ce qui me fait penser à la Torah. En ce moment je me heurte sans cesse à des remontées du Moyen-Âge, est-ce la lecture de Kantorowicz qui me rend réceptive (non, je ne veux pas dire que la Torah vient du Moyen-Âge, je pense à la patristique)), et que des dragonnades ont eu lieu sous Louis XIV (je mettais cela beaucoup plus tôt).


    Cruchons très peu productifs, ce qui me met toujours mal à l'aise, comme si je trompais les participants, comme si je ne tenais pas une promesse.
    Rencontré Bashô, ce qui confirme ma thèse qu'on finit toujours par rencontrer les blogueurs ou les commentateurs quand on est fidèle suffisamment longtemps.
    Bashô recommande le film La femme aux cinq éléphants (les horaires sont un peu restrictifs). Je lui ai parlé de FB, partagée entre deux sentiments: c'est si pratique pour communiquer, partager des liens, aller vite (je me rends compte que je suis "piquée à la vitesse"); cependant faut-il encourager ce lieu qui nous fait vivre dans des maisons de verre et développe la paranoïa?

    Les livres continuent à venir à moi, deux Nabokov et une Bible en hébreu. Je les ai laissés au bureau, mon sac était bien trop lourd ce soir. Merci aux généreux donateurs.


    — Tu as vu? J'ai acheté un sac plus grand pour les Eglogues!
    — Ce qui me gêne, c'est qu'il soit ouvert, on peut te voler.
    — Tu crois qu'il y a grand risque? Je le regarde, dubitative.
    — Tu veux dire que c'est à souhaiter?







    Une conversation m'a fait me souvenir qu'à l'issue d'une semaine de conférences sur le roman au XXe en 1998, je m'étais dit découragée que je n'y arriverais jamais, que je partais de trop loin, que j'avais trop de lacunes. J'avais refermé mes livres. Aujourd'hui ces mêmes lacunes ne me dérangent plus (je veux dire que je les regrette mais je les assume), je sais que c'est en partie dû à l'accueil si généreux que j'ai reçu à Cerisy, aux gens qui ne m'ont pas considérée comme une intruse, et en partie à mon intérêt pour RC, qui me permet d'oublier tout ce que je ne sais pas pour ne penser qu'à chercher.

    Canopée

    Au centre de mon nouvel immeuble il y a une jungle et des poissons rouges.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Un café.

    2/ Je ne crois pas.

    3/ non. Je ne m'y tiens pas. Je n'aime pas les habitudes, je n'aime que l'inattendu.

    4/ Le simple, le moche.

    5/ Susceptible ?

    6/ En ne me couchant pas avant midi, puis en faisant la sieste et en repartant sur des horaires normaux.

    7/ Le plus rarement possible. Il faut vraimant que je sois déprimée ou très agacée.

    8/ La vie. Le nouveau, le soleil, les oiseaux, résoudre des problèmes, la musique.

    9/ Non. Mais plus tard, je peux rechercher la date d'un évenement (Carl Lewis, Andrieux/Rolland, etc).

    10/ Je soutiens. Presque trop, en fait.

    11/ Beaucoup de jours sans téléphoner !!

    12/ J'étais blonde, comme beaucoup d'enfants.

    13/ Non. Tous les trois ou cinq ans.



    Répondu le 27 mars 2020, douzième jour de quarantaine

    Interminable

    Lire Die unendliche Geschichte au rythme d'une page par jour risque de prendre un certain temps (cinq cent cinq pages, débrouillez-vous avec les bornes).

    Résumé

    Je ne peux pas rester au lit quand je ne suis pas fatiguée (bonne nouvelle: je ne suis pas fatiguée). Détartré la bouilloire, lessivé un mur (oui je sais). Roissy. Chinois (ou Vietnamien). Froid. Abbé Mugnier. Bilan énergétique (un grand beur qui parle sans arrêt et vous explique «qu'on n'a jamais trop de joints»), pressing, boulangerie, saumon, Die unendlichte Geschichte. Le blues de la rentrée.

    Berlin

    Autel de Pergame. Soudain il me paraît évident que quelque chose nous échappe irrémédiablement, quelque chose est hors de notre portée: nous ne croyons plus en ces dieux, nous ne savons même plus qui ils sont, que ressentons-nous réellement devant ces sculptures magnifiques de détails et de puissance? Elles ne sont plus que des statues entrées dans le jugement esthétique (Souvent dans les églises je me demande ce que voient et sentent les incroyants.)

    Porte d'Ishtar, porte du marché de Millet, façade de Mschatta, je préfère sans doute ses deux dernières œuvres parce que je ne m'y attendais pas. Monuments dédiés à des dieux ou destinés à impressionner le voyageur; à deux pas de là, Postdamerplatz, bâtiments célébrant le capitalisme et l'occident. C'est amusant l'architecture.

    Nous achetons un vrai plan de Berlin (autre que celui du guide vert ou celui aimablement donné avec notre abonnement au métro) et comprenons enfin pourquoi nous sommes épuisés: l'échelle n'est pas du tout celle de Paris, nous avons réellement beaucoup marché hier.

    Douceur du temps, magnifiques frondaisons rousses et or, glace à la cerise, Das Schloss, le musée du cinéma allemand est fermé le lundi.


    Pour des raisons à peu près inexplicables et un peu par hasard, nous échouons à la nuit tombée dans la basilique catholique de Berlin, qui semble être, je le découvre à l'instant, une église de garnison (???). Toutes les affiches sont rédigées en polonais.
    Dans la cour se tient une statue cachée par l'obscurité que j'ai réussie à trouver en photo.

    Berlin

    Rues larges, peu de monde. Il n'y a plus les énormes tuyaux baubourguiens qui nous avaient tant étonnés en 1997. Je me rends compte à quel point Paris me fatigue, combien je fais une overdose de foule. Kilomètres nous aurions dû prendre un vélo, Reichstag plus d'une heure de queue, non finalement non, «Berlin était la ville des cafés, comme Paris», une impression d'années 20, je sais que c'est moi qui projette, pratiquement au sens propre, qui transpose sur chaque image d'autres images, 1920, 1945, 1962, les images n'en finissent pas de se superposer. Je confonds tout, porte de Brandebourg et Alexanderplatz et Potsdamerplatz, nous aurions dû prendre un vélo, ambassades, synagogues, administrations municipales, régionales, fédérales, pas de policier, les photos de Kennedy, les deux cimetières juifs (en fait c'était le deuxième que je voulais voir), Hackesche Höfe, suite de cours recommandée par Gv (que répondrais-je à quelqu'un qui me demanderait que voir à Paris en deux jours? La cour du Palais Royal, sans doute, la donation Carlos Beistegui au Louvre et ? tenter d'entrer dans la bibliothèque Mazarine ou la bibliothèque historique de la ville de Paris? Je ne sais pas), une vitrine emplie de machines à coudre Singer, Checkpointcharlie le musée, Gendarmenplatz (Louis XIV aurait quand même dû se douter qu'il faisait une conn** quand les Berlinois sont venus courtiser les protestants suite à la révocation de l'Edit de Nantes), une soupe de lentilles, la serveuse m'apporte spontanément une petite (minuscule) bière, je pense que c'est à cause de mon âge car les jeunes filles ont droit à des versions pour hommes, musée Nolde, topographie de la terreur, le Mur longeait/coupait les quartiers généraux de la Gestapo, nous errons parmi les photos des bourreaux qui se photographient joyeusement. Sony Center, j'aime le Sony Center. Avoir eu une capitale occidentale à construire à la fin du XXe siècle, quelle aubaine pour les architectes.
    Nous essayons de dîner dans le restaurant prussien qui avait été si aimable en 1997, mais il est devenu à la mode dans le quartier chic de la ville: pas de table sans réservation.


    Mahler à Berlin

    Virée express à Berlin invitée par Gvgvsse à la deuxième Symphonie de Mahler par Simon Rattle. (Très) heureuse d'être là, à cause de l'invitation impromptue, miraculeuse, à cause de la grisaille secouée, à cause du bel automne, de la couleur des feuilles, de la douceur de l'air, de la Philharmonie bouton d'or, de Gv qui m'explique: «Quand Karajan a choisi cet endroit on lui a dit qu'il était fou, que c'était loin de tout; il a répondu: "un jour, ce sera au centre"». Interloquée, j'objecte que c'était un sacré pari malgré tout, qui aurait pu prédire cela? Réponse catégorique, royale: «Il ne savait pas que cela surviendrait si vite, mais c'était inéluctable: quel empire a vécu mille ans?»

    Gv me donne quelques indications: l'œuvre de Schönberg jouée tout d'abord, la Seconde Symphonie directement enchaînée, le chœur déjà présent dans la salle, les fanfares jouées dans le lointain, des coulisses...
    Je n'ose pas vraiment parler de musique, je me sens empêtrée dans les mots, un vocabulaire que je ne maîtrise pas. Je parlerais d'une atmosphère intime, la grande salle close comme une enclave protégée tandis que mon manque d'habitude me fait perdre régulièrement la musique que je cherche des yeux tandis qu'elle voyage d'instruments en instruments. Peut-être qu'il serait plus sage de carrément fermer les yeux, mais ce serait tout de même dommage, il n'en est pas question. Plaisir et surprise des contrastes de volumes et de timbres, de la musique infime à tonitruante, du son qui enfle et se tait, douceur du chant de la fin.
    Ovation, standing ovation, Simon Rattle, les solistes Magdalena Kožená et Kate Royal et le récitant de Schönberg Hanns Zischler reviennent saluer. Devant moi, un vieux monsieur en tricot gris et une vieille dame en rouge descendent laborieusement les marches un bouquet de roses blanches à la main. Je pense qu'ils souhaitaient l'offrir à Magdalena Kožená mais ils sont trop âgés, ils marchent trop lentement, elle a quitté la scène quand ils arrivent devant. Ils attendent, elle ne revient pas, ils confient leurs fleurs à Simon Rattle.
    La salle continue d'applaudir, les musiciens quittent leurs places, Simon Rattle revient, salue, se retourne vers les chaises vides et les associe aux applaudissements d'un geste de la main, tout le monde rit.
    C'est fini.

    Tandis que je balbutie quelques mots d'admiration, Gv commente sobrement : «Ce n'est jamais que le meilleur orchestre du monde... je me suis dis que si c'était ton premier concert Mahler, autant que ce ne soit pas par un orchestre de second ordre.» En moi quelque chose sourit d'une oreille à l'autre, amusée et gaie: oui évidemment, vu comme ça...

    Dehors, Gv m'explique comment sont dirigés les musiciens des fanfares en coulisse. Il me raconte une anecdote survenue lors de la Seconde Symphonie donnée par Pierre Boulez pour ses 80 ans (anecdote que je viens de retrouver dans son blog) et le lien Mahler-Klemperer. Je pense que je ne l'oublierai plus.

    15968

    Suite à une question de Gvgvsse, je m'aperçois que j'aurais seize mille jours le 30 novembre 29 novembre.


    mise à jour le 2 novembre
    Gvgvsse m'a rappelé que l'an 2000 était une exception à l'exception: les années se terminant par 00 ne sont pas bissextiles, sauf tous les quatre cents ans, et donc 2000 était bissextile (c'est tout de même étrange de l'avoir oublié quand on sait le nombre de jours que j'ai passé à tester cette règle dans les moteurs de tarification), et donc mon seize millième jour est le 29 novembre (qui me permet également d'atteindre le nombre de seize mille jours vécus à la fin de la journée (sauf si je me suis encore trompée, mais bon)).

    Prague à La table russe

    Une gomme Kafka, des cartes postales et une boîte d'allumettes ;

    • 19th Century Art in Bohemia ;
    • Harald Salfellner, Franz Kafka et Prague ;
    • Monet - Warhol. Mistrovská díla z Albertina museum a Batlinerovy sbírky.

    et puis Alix de Saint-André, L'ange et le réservoir du liquide à freins, qui aussitôt me fait me demander pourquoi j'ai quitté la Loire.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non. Je suis contente de ce que je commande.

    2/ Non.

    3/ Je ne suis pas célibataire.

    4/ Oui. Et des remords. Et on a beau dire, les remords c'est lourd.

    5/ Oui.

    6/ Non. Aucun.

    7/ Non.

    8/ Oui. J'aime bien.

    9/ Non.

    10/ Non. Jamais en fait.



    répondu le 26 mars 2020, le onzième jour de l'épidémie.

    Kaboom

    Plaisir pur du début: il y a longtemps que je n'avais pas vu autant d'acteurs aussi jeunes, aussi beaux, avec des dialogues aussi impertinents et décalés, tourner dans des couleurs aussi vives. Energie pure du début.
    Et puis ça dégénère en complot et en paranormal, on ne peut pas dire que cela aille franchement quelque part, cela ressemble à ces mangas sans queue ni tête où tout explose à la fin. Qu'importe.

    Kaboom et The Social Network. Si les films nous donnent un reflet de l'époque où ils sont tournés, nous avons là deux types de sociétés possibles, deux choix possibles: la société traditionnelle incarnée par The Social Network, où l'argent et le pouvoir permettent d'attirer les filles, et Kaboom fonctionnant selon les règles de Tricks, libre circulation du désir avec une prime aux gentils et aux pestes (qui sont des méchantes ayant choisi d'être gentilles). Dans cette seconde société, les grands cons faisant la collection de tongs colorées n'ont pas beaucoup de chances.
    Réjouissant.

    Through the looking-glass

    Quand je suis seule dans l'ascenseur, je pense toujours à La Dame de Shanghaï.


    Terrorisme

    Chaque fois que je trouve porte close («Suite au plan Vigipirate, cet accès est fermé, veuillez emprunter l'entrée principale») ou qu'on fouille mon sac et qu'il me faut passer dans un sas de sécurité (exemple: la TGB), je me dis que les intégristes ont gagné: ils m'ont privée d'un peu de liberté.

    La poste : motif de mécontentement 13256 bis

    Qu'on m'explique l'intérêt d'affranchir «soi-même aux automates» les lettres recommandées avec accusé de réception (ce que proclament avec fierté moult affichettes) si l'on est malgré tout obligé de passer au guichet faire enregistrer la dite lettre.


    Autre titre possible pour ce billet: Foutage de gueule.

    Quelques liens

    Des jeunes en colère pillent un magasin Damart;

    Günther, encore et toujours (je mets le lien vers un billet sur Bill Brandt. J'aime beaucoup ses photos de corps déformés par la perspective);

    LE site sur l'Iran (en anglais, désolée);

    comment peindre des pointes de sein à sa Barbie (même si vous ne lisez pas l'anglais il y a des photos);

    une vente de photos de Richard Avedon chez Christies le 20 novembre;

    les manuscrits de la Mer morte bientôt disponibles en ligne;

    le virus Stuxnet dans la guerre cybernétique;

    une histoire de la typographie

    et la mort de Mandelbrot.

    Merci beaucoup

    Gvgvsse m'a redonné le moral pour la semaine.



    Ce qui est amusant, c'est de choisir le lieu où écrire cela. C'est toujours sur ce blog un peu à l'écart, lu par les internautes que je connais depuis le plus longtemps, que je suis le plus chez moi.

    Mère indigne

    — Mais qu'est-ce que t'as sous l'?il ?
    — C'est rien, maman, t'inquiète pas, c'est juste un copain, il a pas fait exprès ch't'assure, y m'a donné un coup mais t'inquiète pas, les lunettes n'ont rien.




    Pour mémoire, il s'est fait casser ses lunettes en janvier dernier (tombées pendant que l'autre gosse lui mettait la tête entre les genoux «Mais c'est pas de sa faute, il faut rien dire, il a pas de chance en ce moment, déjà il a fêlé la vitre de la porte du conservatoire» (J'ai vu les parents, effectivement, c'est sans doute pas de chance, pas une brute), et mercredi, démonter et vandaliser son vélo sur le stade.

    The Social Network

    L'intérêt d'être à La Défense et de ne pas être trop occupée, c'est de pouvoir aller au cinéma. Et non pas de critique, plus jamais, que des associations d'idées.

    The Social Network. Grosse bouffée de nostalgie. Et encore, 2003, c'est déjà très tard dans l'histoire de l'informatique. Hier, je trainais à relire une fois encore les histoire de Dave Small. Ce qui me manque, ce sont les conversations auxquelles je ne comprenais rien mais qui vibraient de passion, les projets terminés à l'arrache à quatre heures du matin, les matins blêmes, le café noir, tout ce qu'on ne voit qu'à peine dans le film, mais que je déduis de quelques secondes du film (marrant, pas de cigarette: ça fume, ça fumait, un informaticien).
    Les gens vont retenir les filles faciles, le soleil et la Californie. De ce point de vue, le film est glaçant: filles prêtes à tout pour approcher le pouvoir et l'argent, mecs prêts à tout pour avoir les filles et donc... Au moins c'est simplement expliqué, pas difficile à comprendre.

    Mais le plaisir (ou la douleur) de pisser de la ligne, l'importance de l'idée, l'importance de croiser les bonnes personnes... Un succès technologique est rarement né d'une seule personne (est-ce Gilles de Gennes qui le rappelait dans son cours inaugural au Collège de France?), même si l'on ne retient qu'un nom.


    Pour ceux que ça intéresserait, les frères Winklevoss rament en pair-oar, le prince des bateaux: deux rameurs en pointe (une seule rame par rameur) sans barreur.
    La course à Oxford est bien sûr en huit, le bateau le plus rapide (l'aviron n'est pas très rapide, il y a beaucoup trop de frottements).


    En Bosnie ils n'ont pas de route mais ils ont Facebook. Ça m'a rappelé un reportage radio sur la guerre en Tchétchénie: des réfugiés dans un wagon regardaient Santa Barbara...


    Contrairement à ce que je lis ça et là, je n'ai pas trouvé que l'image de Zuckerberg soit spécialement négative. Elle est crédible, c'est tout. Les programmeurs ne sont jamais loin de l'autisme du joueur d'échecs. (J'ai pensé au Jeu de la dame.) Il me semblait même possible que Zuckerman ait donné son accord pour le scénario, mais visiblement non. Cependant les scènes-clé sont dites véridiques, ce qui est fort possible dans la mesure où il y a eu procès et témoignages (mais sont-ce des archives accessibles?).

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non.

    2/ J'étais au même endroit.

    3/ Non.

    4/ Oui, un peu. Je m'endors vite.

    5/ J'essaie de moins penser au passé et davantage au présent. L'avenir me paraît si… si identique. Si peu fun. Cette impression d'être déjà enterrée.

    6/ Je n'ai pas de poche.

    7/ Deux.

    8/ Non. Je devrais un peu plus parfois.

    9/ Je n'ai pas d'albums photo. Ceux de ma mère, pour trouver des photos pour remplir les jeunes années ici.

    10/ Oui. Mais surtout nous les oublions. Toute la famille les perd et les oublie.

    11/ Pas vraiment. Des couleurs vives. Mais aussi le blanc à cause d'Emily Dickinson.

    12/ Au début d'internet, oui. C'est rare maintenant. Amnesty international parfois.

    13/ Je les attire. Je les provoque rien qu'en existant, en étant moi. Alors que répondre? C'est une malédiction.

    14/ Ce qui cause cette malédiction.



    répondu le 26 mars 2020, le onzième jour de l'épidémie.

    Fatigue

    Encore au bureau. Pas pour travailler comme vous voyez, juste par flemme de rentrer. Mal à la tête, mal au dos, petit moral.
    J'aimerais que tout ce cinéma s'arrête. Ah oui c'est vrai, j'avais envisagé un vrai billet sur le sujet mais je n'ai pas le courage.

    Je sais juste que tout cela est ridicule. Et que cette fois-ci, je ne ferai pas comme pour la Constitution européenne, où je regardais incrédule mon entourage plaider pour le non en me disant qu'ils avaient perdu la tête, tellement persuadée qu'ils avaient perdu la tête que je n'ai même pas pris la peine d'affirmer qu'ils avaient tort et que c'était idiot.
    J'ai regretté plus tard de m'être tue.

    Donc cette fois-ci je vais quand même l'écrire: l'allongement de la durée de cotisation est inéluctable (en revanche on pourrait sans doute ne pas mettre d'âge minimal pour le départ en retraite), et le plus tôt sera le mieux.
    En 1946, la retraite fut destinée à permettre aux gens de se reposer après une vie de labeurs souvent harrassants. Pas d'aller se prélasser au soleil pendant quinze ans (soixante à soixante quinze ans). Elle n'était pas destinée à favoriser le tourisme. Ce n'est pas sa raison d'être première.
    Je n'ai rien contre le tourisme du troisième âge. Mais ce n'est pas une raison valable pour arrêter les trains, couper les routes, bloquer les lycées. Non, partir en retraite n'est pas un projet enthousiasmant. C'est un moment bienvenu que j'accepte avec gratitude en ayant conscience de vivre dans un pays riche.
    C'est tout.

    Vade retro

    L'injonction "Achète le livre si tu hésites" fait qu'il va me falloir éviter les librairies avec plus de soin que les pâtisseries (c'est plus ruineux).

    J'ai visité le musée judaïque, puis en attendant le début de la conférence de Ginzburg, j'ai traîné un peu au Cahiers de Colette et mangé une salade.

    Bilan:
    - Karl et Rosa, de Döblin (j'ai tant aimé Alexanderplatz);
    - Le livre noir sur l'extermination des Juifs en URSS, de Grossman et Ehrenbourg, qui m'avait rendue malade à sa sortie en 1993. J'ai hésité, et donc...

    Orthodontie

    — Tu as des élastiques oursons ? Bon, je vais te donner des béliers.

    Melville

    Tout bateau à moteur qui nous croise creuse des vagues profondes, et nous sommes ballotés, absolument impuissants. Je songe alors à Moby Dick ou aux récits repris par En Patagonie: mais quelle folie ce devait être de mettre une chaloupe à la mer pour tenter de repêcher un homme, et quelle folie plus grande, absolument impensable, de chasser la baleine dans ces conditions !

    (Pas étonnant qu'aujourd'hui les hommes s'ennuient tant.)

    Programme

    8h39. Maison vide. Je glande.

    Une semaine à me lever à 5h30 pour arriver au boulot quatre heures plus tard, entre les jours où il a fallu laisser passer trois trains trop bondés pour qu'on puisse y monter, ceux où il a fallu quarante-cinq minutes en voiture pour faire deux kilomètres (pour passer du RER D au A), ceux où bien installée dans le RER A (qui m'emmène directement à destination) il a fallu que je le quitte à cause de la tête d'oiseau de ma fille (qui se révèle infiniment vulnérable, infiniment vulnérable... je m'en doutais un peu, mais je n'avais pas conscience de la profondeur de son désarroi devant toute situation nouvelle. C'est bien la peine de nous parler comme si elle était un croisé partant en Terre Sainte).

    J'ai pris mon petit déjeuner, lancé une machine à tourner. Derrière moi sur la chaise un paquet de linge mouillé attend que je l'étende (le linge à étendre m'est ce que furent les patates à éplucher à Victor Klemperer.) Je n'ai pas pris ma douche. Je n'ai pas fini mon thé (un demi-litre).

    Je ne sais pas quand je vais partir. Je m'en fous. Je dirai que c'est à cause de la grève. Puis j'irai ramer deux heures, je passerai deux heures à somnoler pour m'en remettre, et je partirai pour la porte d'Orléans, où j'ai rendez-vous à 17h45 (pratique en période de grève).

    8h48. Je vais prendre ma douche. Ce serait bien que mes cheveux soient secs avant de quitter la maison.

    Toutes les moitiés ne sont pas égales

    Une phrase d'Au sud du sud m'est restée: Jean-Louis Etienne remarquait qu'inconsciemment, arrivé à la moitié de la traversée du continent antartique, le groupe s'attendait à ce que la marche devînt plus facile, comme si ayant fait la moitié du parcours, "la montée", la deuxième moitié, "la descente", devait être plus aisée. (Après tout, la terre est courbe).
    Evidemment, c'était faux, et d'une personne à l'autre, la marche fut d'autant plus pénible que l'illusion avait été profonde.

    Je songeais à cela en ramant: les parcours d'entraînement sont généralement circulaires, on rame, puis on fait demi-tour et on rentre au club. Une erreur (que nous avons presque commise samedi) consiste à ramer tant qu'on a des forces, et à faire alors demi-tour, totalement découragé à la perspective du chemin restant à parcourir.
    Cependant, et là est l'astuce (et là se prennent les mauvaises habitudes), l'entraînement en rivière commence le plus souvent à contre-courant. On a donc la certitude rassurante et plus ou moins consciente de toujours revenir au club, au pire en se laisser dériver.

    Sur un lac, ce parachute mental (et physique, mais il est d'abord mental) n'existe pas; tout le parcours présente la même difficulté. Par conséquent l'effort mental à fournir devient de plus en plus important au fur à mesure que la fatigue et les ampoules se cumulent.
    Je ne sais pas à quoi pensent les autres quand ils rament (je serais curieuse de le savoir). J'essaie de ne jamais penser au parcours, ni accompli, ni à accomplir. Je ne pense qu'au geste, à l'instant, au bateau, au bruit du bateau. Nous devons chercher le silence. Un bateau désuni se distingue par son bruit. Un bateau harmonieux devient silencieux.



    * Le départ dimanche: on attend que les soixante-trois bateaux soient à l'eau :



    * A l'entraînement le samedi (nous ne sommes pas très ensemble, mais c'est un peu normal):



    * Au ponton, à mi-parcours (nous n'avons pas l'air épuisé)



    Pour agrandir les photos, agrandir la taille des caractères du billet.

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.

    1/ Pas vraiment saigné mais taché des mouchoirs oui.

    2/ Des cartes postales. Des dessins d'enfants quand j'en reçois.

    3/ Des tartines et du beurre, un croissant, des céréales les jours de sports.

    4/ De plus en plus je tente de m'en débarrasser. Mais je procastine encore. Beaucoup de flemme.

    5/ Non. Et je n'aime pas mon prénom.

    6/ Jamais.

    7/ Non, je crois aux coïncidences.

    8/ Quelques-uns. Des vieux.

    9/ Oui. Moins depuis que j'ai découvert les tongs.

    10/ Je ne m'en rends pas compte.

    11/ L'aviron.



    répondu le 26 mars 2020, onzième jour de quarantaine.

    Racines

    En lisant L'Oeil du Quattrocento, je découvre que la méthode de prière des Exercices spirituels[1] utilisant la visualisation s'inscrit dans la continuité des modes de piété du Moyen-Âge. Ce n'est nullement une innovation par rapport à l'époque précédente.

    Plus surprenant (pour moi), cette méthode de visualisation encore enseignée aujourd'hui par les Jésuites est donc une survivance directe du Moyen-Âge, voire de l'Antiquité si l'on a tendance comme je le fais à rattacher toute méthode de mémorisation fondée sur la visualisation à "l'art de la mémoire" (cf. Frances Yates).

    Notes

    [1] Ignace de Loloya, 1491-1556.

    Féminisme

    The birthplace of Simone de Beauvoir and Brigitte Bardot may look Scandinavian in employment statistics, but it remains Latin in attitude.
    Le New York Times

    La France peut ressembler aux pays scandinaves par ses statistiques d'emploi, elle reste latine dans son comportement.

    Voilà qui me rappelle ces blogueurs prêts à la censure dans leurs commentaires ou à l'exclusion de leur blogroll de qui "parlera mal à une femme" ou "dénigrera le physique d'une femme", en ne s'engageant que mollement sur le fond: «Tout cela n'a pas tant d'importance».

    Très certainement une importance qui ne porte pas sur les mêmes sujets et ne s'appuie pas sur les mêmes principes.

    Je me surprends devant les bébés à avoir un mouvement de recul, «plus jamais ça», à ne penser qu'au travail et à l'emprisonnement que cela représente, et je reconnais dans ce mouvement ce que nous disaient les grands-mères et ma tante (à nous, les filles); et je pensais alors: «Elles disent cela parce qu'il n'y avait pas la machine à laver, les pauvres, aujourd'hui c'est beaucoup plus facile.»
    Tous comptes faits maintenant que j'en suis sortie (grâce à Dieu on ne s'en rend pas trop compte tant qu'on est "dedans"), non.

    Un dernier souvenir

    Nous demandons à l'un des Annecileviens de nous photographier sur le ponton. Il s'exécute de bonne grâce, chargé de trois ou quatre appareils :

    — On sourit. Ici on ne dit pas "ouistiti", mais "reblochon".

    Cas de conscience

    Sur le mur FB de Laurent, avec son aimable autorisation :

    — Tu sais, ce film des moines, là, ça m'a posé plein de questions... Je m'suis dit que j'étais qu'une tapiole qui commande des slips à 20 euros pièce en Australie, et que c'était pas possible, quoi... Toi, t'en penses quoi ?
    — Oh, moi, tu sais, j'fais pareil que toi, je viens de m'en commander, tiens, d'ailleurs...
    — Ah oui... Il faut dire que les frais de port sont offerts...
    — Ben ouais... "

    "Ils croient aux signes" (Mary McCarthy)

    En attendant que bout bouille l'eau du thé, je prends un livre au hasard sur l'étagère des livres empruntés-pas-rendus-parce-que-pas-encore-lus: The Stranger House, de Reginald Hill, auteur de romans policiers.

    Exergue de la première partie:

    Here's some advice a younster should listen to,
    helpful if taken to heart.
    Be loud against evil wherever you see it;
    never give your ennemy an even break.

    "The Sayings of the High one" Poetic Edda


    Soit à peu près :

    Voici un conseil à l'adresse des jeunes gens,
    d'un véritable secours s'il est pris à coeur .
    Elevez-vous contre le mal chaque fois que vous le verrez;
    N'offrez jamais à votre ennemi la moindre faille.

    "Les dits du très-Haut" de L'Edda poétique.

    Le lac d'Annecy à la rame

    Eh bien voilà, j'ai raté l'année dernière le 9 septembre 2009 à 9h09, et cette année à 10h10... eh bien, je devais être un peu au-dessus de Sévrier, puisqu'à dix heures nous avons entendu les cloches carillonner L'hymne à la joie... (dans la brume, sur le lac, dans le petit matin propre).
    Renseignement pris, c'est la patrie de la fonderie des cloches Paccard.
    Peu à peu les écarts se creusent, sur une telle distance il y a peu de surprise, la technique et l'entraînement jouent. Nous dépassons un équipage qui nous informe joyeusement: «On s'économise, c'est qu'il faut encore manger, après!»
    Nous n'allons pas jusqu'au bout du lac, nous tournons au niveau du rocher de Duinght. La brume est moins rasante qu'hier mais ne fait pas mine de se lever. Par moments le bateau glisse, nous sommes en train de faire des progrès (nous n'avions jamais ramé ensemble avant ce week-end).
    Le bonheur, ce sont les bénévoles qui sortent le bateau de l'eau et ramène nos pelles (rames) quand nous arrivons. Ça c'est du service, si ça pouvait être comme ça à chaque sortie... (le plus pénible à l'aviron, c'est avant et après: mettre le bateau à l'eau, l'en sortir).

    Apéro, douche, kir, string... Le club vend divers vêtements brodés de deux rames, dont des boxers (pour monsieur) et des strings (pour madame). Hélas, je n'ai pas d'argent dans mon sac de sport et quand j'arriverai à m'en faire prêter, il n'en restera plus. Zut, une bonne raison de revenir à Annecy...

    Repas, tartiflette, je dors dix minutes sur mes bras croisés, il paraît que beaucoup de bateaux se sont retournés l'année dernière à Venise, les Italiens sont formidables et élégants, les mamas vous encouragent en tapant sur les casseroles... «Tu pars au niveau de la place Saint-Marc, tu dépasses l'Arsenal, on fait le tour des îles Murano et autres, et on revient par le Caraveggio, et là quand tu arrives, tu es la star,...» dit-il en bombant le torse. «C'est vrai, enchaîne une autre, les Vénitiens sont formidables, ils sont tous là à nous encourager, ça donne un coup de fouet...»
    Allons, dès que possible...

    Nous avons retenu un train assez tard et nous n'avons rien à faire... Nous allons prendre un chocolat à l'Impérial (suivant en cela très fidèlement les conseils que Michel m'avait donnés vendredi). Les autres me regardent avec incompréhension griffonner mes cartes postales. «Des cartes pour un voyage de 48 heures, tu fais fort!»

    Arrivée dans le train, je m'endors aussitôt.

    Samedi, brume

    — Qui n'a pas de bateau?
    Nous levons la main, quatre femmes, c'est parti pour une yolette.
    Il fait très doux, ce n'est pas le froid mordant de mes souvenirs hivernaux. Pas de soleil non plus, idéal.

    Rémi se révèle un barreur hors de pair, il connaît parfaitement le lac et commente au fur à mesure: «Ici l'institut Meyrieux... là l'hôtel bleu, c'est le restaurant de Marc Veyrat, ou c'était, je crois qu'il l'a vendu... Là, dans la brume, vous apercevrez le château de Menthon. La veille de son mariage Bernard de Menthon s'en échappa par une fenêtre pour entrer dans les ordres, plus tard il fonda les hospices des deux cols du Saint-Bernard... Ici c'était une résidence d'Alcatel qui a été vendue quand Alcatel était au plus mal...»
    Puis le roc de Chère, terriblement dangereux quand le vent se lève; et en effet nous distinguons contre la parois des plaques commémoratives de divers accidents mortels. Ce roc sépare le grand lac du petit lac, «et au bout du lac il y a?... le bout du lac.»
    De nombreuses foulques, et une grèbe huppée que je vois plonger pour ressortir plusieurs dizaines de mètres plus loin. Impressionnant. Un sillage de bulles permet de suivre le parcours des plongeurs. Ce n'est pas aussi silencieux qu'on pourrait le rêver car le bateau est bruyant, coulisses et rames tournant dans les dames de nage.

    Au ponton, j'aide un bateau à accoster. J'attrape une rame, je tire, je demande: «Je peux vous aider, ce n'est pas contre votre déontologie?» (car j'ai remarqué que certains ne paraissaient jamais heureux d'un coup de mains).
    — Déontologie, déontologie, qu'est-ce que ça veut dire?
    — Est-ce que vous êtes impliqués ou concernés? reprend un autre.
    — Je vois qu'on en est tous au même point, me mar'-je.

    Après-midi descente des Alpages. Annecy absolument noire de monde, moi qui évite cela comme la peste le samedi à Paris (églises fermées, pas de confessionnaux)... Il fait très beau, je pars à la recherche de la tombe d'Eugène Sue. Dans le cimetière s'est réfugié un corbeau à l'aile abîmée. J'espère qu'il s'en sortira.
    Un couple d'une soixantaine d'années est assis sur un banc. Lui lit un magazine, elle crochète. Je m'informe. Ils n'ont jamais entendu parler de Sue. Je me demande s'ils sont assis là parce qu'il y a un banc, ou si c'est en face d'une tombe qui leur est chère.
    La personne suivante me dit «Ouh là, j'ai su, mais j'ai oublié, c'est le genre de chose qu'on voit une fois puis qu'on oublie.»
    La troisième personne m'indique l'arbre parasol qui sert de repère à la tombe parfaitement entretenue.





    Et une photo d'Annecy dans le soleil couchant:

    Blues du vendredi soir

    Je pars, et je ne suis pas très rassurée.
    Je pars ramer 28 km sans aucun entraînement, plutôt fatiguée et en manque de sommeil.
    Je pars, nous serons vingt, et je ne connais personne.

    Mais si je suis inscrite à cette randonnée il y a bien longtemps, quelque part en juin, c'est que je comptais que le paysage serait magnifique.
    Et il fait beau.
    Et il paraît que Rousseau...
    Je vais dormir dans le train.

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.

    1/ des morales (La Fontaine), des dictons. Beaucoup? Un certain nombre.

    2/ Non, je fais attention. Ce n'est pas toujours compris. (Je veux dire que le sens du dicton est compris, mais cela a un côté sagesse ancestrale mal acceptée aujourd'hui.)

    3/ Pas l'horoscope quotidien. Un collègue a dressé mon horoscope un jour en 1991, "ma" carte du ciel. Il a commencé à l'interpréter, je l'ai arrêté. Je ne voulais pas savoir.

    4/ Une voiture seulement, hélas.

    5/ Je n'ai pas l'impression. Plus aujourd'hui. Peut-etre plutôt douloureusement impressionnée par un cauchemar, parfois.

    6/ Des chansons de Brel, "le plat pays", "une valse à mille temps"

    7/ Oui. Souvent des films d'action. Et les Sergio Leone. Et Out of Africa.

    8/ Sur l'eau. En ramant.

    9/ Non.

    10/ Non. Mais je vais le faire. Je vais en mettre une de moi à la nage du huit.

    11/ De plus en plus l'ascenseur.



    répondu le 26 mars 2020, onzième jour de quarantaine.

    Marais

    A midi passée chercher mon billet pour Ginzburg au musée du judaïsme. Prétendre que lorsqu'on hésite à acheter un livre il faut l'acheter est criminel. Flâner à la fois vite (peu de temps, pause déjeuner) et longtemps dans la librairie, avec toujours les larmes qui montent dans l'accumulation de ce genre de livres. Pensées incorrectes, est-ce que tous les salariés sont juifs, le musée respecte-t-il les obligations légales de diversité? (Je deviens bizarre, c'est qu'on doit beaucoup m'embêter.)

    Comme Emmanuel Régniez avait attiré mon attention sur les 70 ans de la mort de Walter Benjamin, comme j'avais relu le matin même mes quelques mots sur la correspondance Strauss/Scholem, je vérifiai les livres de Gershom Scholem. J'ai acheté tout ce qu'ils avaient, je crois.

    • Gershom Scholem, Fidélité et utopie (je suis contente, je crois qu'il est épuisé);
    • Gershom Scholem, Sur Jonas, la lamentation et le judaïsme (Jonas, celui qui reproche au Seigneur d'être trop indulgent);
    • Gershom Scholem, La kabbale (inévitable);
    • Gershom Scholem, Benjamin et son ange (quand même);
    • Gershom Scholem, Walter Benjamin, histoire d'une amitié (l'amitié entre les grands hommes me fascine, me console, me réconforte);

    et un livre que j'avais en son temps hésité à acheter en grand format. Je l'ai pris en poche:

    • Avraham b. Yehoshua, Le Responsable des Ressources humaines. (J'ai commencé par celui-là, bien sûr, abandonnant Frédéric II pour quelques heures.)

    Tourné un peu en songeant à ma tentation de tenter d'apprendre l'hébreu, [en songeant] qu'il faudrait qu'un jour je raconte "mon histoire juive", [en songeant] que je semblais condamnée à (ou incapable de ne pas) retourner sur mes traces pour explorer chaque chemin abandonné trop tôt, [condamnée à] tous les reprendre pour vérifier que c'est avec raison qu'ils avaient été abandonnés. Chemin après chemin, il n'en reste plus beaucoup, je crois. Va venir le moment où il faudra avancer sans se retourner, où il n'y aura plus rien sur quoi se retourner, tous les souvenirs présents, vivants.



    Le soir, bibliothèque historique de la Ville de Paris. Daniel Ferrer et Jean-Jacques Labia, l'incroyable projet de Balzac et Stendhal, réécrire La Chartreuse de Parme à quatre mains. Comme d'habitude j'ai davantage appris en une heure qu'en vingt ans. C'est très étrange, la façon dont le creusement du détail permet de peindre des panoramas entiers. A regarder une seule ligne d'écriture, des pans tombent, Balzac était bibliophile, Stendhal non, qui pouvait prendre des notes sur un livre ou y rédiger un contrat. Détail sans intérêt littéraire, mais détail qui donnera un relief à certaines réactions des personnages. Cela minuscule détail parmi une foule de précisions plus directement dans le sujet, la bataille de Waterloo et celle de Wagram, «Waterloo fut la Berezina de Balzac», ses Scènes de la vie militaire restées au stade éternel de projet; reproches et compliments, compliments qui sont des reproches et inversement, qu'est-ce que le style... Mais enfin il semble qu'ils s'aimaient bien.

    Que j'aime cette bibliothèque. C'est drôle de se dire qu'au même moment dans Paris doivent se tenir des dizaines de conférences identiques, professeurs invités par des associations des amis de Trucmuche, tout cela gratuit, gratuit, qu'ai-je fait de ma jeunesse, ils me font rire ceux qui regrettent leurs nuits blanches et leurs beuveries, s'ils savaient ce que je regrette, ils seraient horrifiés.



    J'ai sommeil. Ménage dans la dropbox, mails, j'ai sommeil, je finis mon thé, le linge est étendu. Je ne vais même pas avoir le courage de lire.

    En passant...

    L'informaticien qui a donné le nom de bug au bug est une informaticienne. Elle s'appelle Grace Hopper, soit grasshopper (un bug!), le nom anglais de Petit Scarabée...

    Dimanche

    Marché. Sieste. Et toujours ce billet que je ne termine pas.

    Samedi

    Acheté des robes à A. Tout se passe à l'inverse de ce que je lis partout: j'ai l'impression que l'adolescence est un âge où les enfants ont envie qu'on les colle, que surtout on ne les lâche pas, qu'on ne les laisse pas seuls, qu'on ne les laisse pas tomber. Ils ont beau râler comme des putois, leurs réactions prouvent l'inverse de ce qu'ils proclament.
    Ou alors c'est juste A.
    Mais je crois que j'aurais bien aimé aussi qu'on s'occupe de moi.

    Fatiguée. Doigt surinfecté. Le bain d'Hexomédine dessèche la peau et décolle le vernis à ongle. Amusant.

    Vendredi

    Journée qui me rappelle ma classe de terminale. Les statistiques, ça va. Les probabilités, moins.

    Mon problème avec les probalités, c'est un manque de foi. Ou plutôt que je n'ai pas envie que ce soit vrai. Si même les miracles sont prévus, à quoi bon?
    Je me fais remarquer en murmurant sans réfléchir "une fonction affine" en réponse à une question du formateur. (Réponse juste, mais c'est surtout la tête de mes collègues qui me fait rire: certes je révise souvent dans la cuisine (H. et les enfants obligent) — en même temps ce n'est pas si sorcier.)

    Le soir aux cruchons, un nouveau, et une quasi-nouvelle. Chic alors: il nous faut des nouveaux, lentement, comme on incorpore des ingrédients dans une pâte.
    Plus tristement, nous apprenons que les propriétaires du Petit Broc changent. J'aimais bien les anciens.

    Malade

    Journée de réunion, après-midi planante, je rêve éveillée, sans doute à cause des médicaments.


    Il y a deux jours, j'avais photographié cela sur la porte du sas menant aux ascenseurs :




    Ça m'avait fait rire, mais finalement ce n'est pas idiot.
    (Je ne sais pas si on voit bien: la correction précise «Si vous êtes malade ON RESTE CHEZ SOI.»)

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Non. On ne me pose pas beaucoup de questions.

    2/ Oui. C'est précieux.

    3/ Oui.

    4/ Oui.

    5/ Plusieurs. Des voyages en train. Vers Moscou, St Petersbourg. Aux Etats-Unis pour voir les étoiles dans le désert.
    Je le ferai sans doute, si j'ai le temps.

    6/ Non. Impatiemment non. J'essaie plutôt de ne plus souhaiter que le temps passe.

    7/ Oh non. Ce serait utile pourtant.

    8/ Volontiers est peut-être beaucoup dire. Mais depuis le non aux Européennes, j'estime que c'est mon devoir de donner mon opinion.

    9/ Oui, un bracelet de ma mère, mon alliance.

    10/ Oui, un peu. Dix minutes le matin à la radio. Ensuite ce qui est filtré par les amis sur les réseaux sociaux.

    11/ Méthodes Boscher, la célèbre.

    12/ Oui. et à arracher les mauvaises herbes.



    répondu le 25 mars 2020, dixième jour de confinement.

    Conformité

    Un peu agacée, je finis par faire remarquer à la formatrice qu'il me semble peut-être inutile d'ajouter une charte à une charte, que suite à la déontologie et l'éthique, ça commence à faire beaucoup et que les différences ne me paraissent pas évidentes.

    J'ai droit à une réponse claire (enfin):
    - L'éthique ne concerne que chacun, il n'y a aucune obligation réglementaire à avoir un comportement éthique. On peut pourrir l'ambiance d'un bureau, être infect, cela ne rentre pas dans la sphère professionnelle (enfin, dans une certaine mesure, bien sûr).
    - La déontologie consiste à respecter les règles du métier, de l'ordre, du syndicat ou de la corpotation, écrites ou coutumières (on tend de plus en plus à les écrire). Elle peut être l'occasion de sanctions disciplinaires.
    - La conformité c'est «savoir où se balade la responsabilité pénale» (sic). Il s'agit de savoir (de suivre, de surveiller) par le jeu des délégations de pouvoir qui représente la personne morale et ira en prison si la loi n'est pas respectée. (Caricature, bien sûr, mais qui permet de comprendre.)

    Et soudain je comprends qu'il s'agit moins de soumettre les entreprises à une série de règles absurdes que de définir des responsables et des responsabilités.

    Retenue

    J'ai songé à me mettre à poil dans le RER pour évaporer la fièvre mais malgré les trois verres de champagne je me suis dis que ça ferait désordre.
    Je me suis abstenue.

    Détente

    C'est la première fois depuis une éternité que je reste à la maison pour un enfant malade (je n'arrive pas à me souvenir de la dernière fois: il y a dix ans, quinze ans? Est-ce que je l'ai jamais fait pour un autre enfant que l'aîné?)

    C'est cool.

    Je craque

    Je me demande combien de personnes, devant un "paquet abandonné" (boîte à chaussures, sac plastique) sur une chaise sur un quai, se dit: «Tant pis, ras le bol, je préfère exploser que prendre encore deux, trois heures de retard, être compressé, je préfère en finir, je préfère tout plutôt qu'obéir à leurs injonctions alors qu'en temps normal "ils" (la RATP, les agents de la RATP, la SNCF) se tapent de nous comme de l'an 40. Qu'on explose, ça leur donnera un sujet de conversation, un sujet de désolation hypocrite» (parce qu'ils n'en ont rien à cirer, de ce que nous pouvons devenir, il faut tout de même se rendre à l'évidence). (Et puis ça m'évitera de payer leur retraite pendant les vingt-cins ans à venir, idée qui m'insupporte au plus haut point: que mes cotisations sociales servent à tout le monde, sauf aux agents de la RATP et de la SNCF!!)

    Je crois que les grèves des transports me rendent vraiment furieuse. A la place des terroristes je choisirais un jour comme ça, un jour où les trains sont si pleins qu'on ne peut plus y monter, un jour où il n'y a plus de petits bonhommes verts pour nous dire de ne pas marcher au bord du quai (ce qui me donne envie de sauter, rien que pour les emm*** ), un jour où il y a tant de monde, tant de stress, que plus personne ne fait attention à rien, que les tourniquets sont ouverts, un jour où les "usagers" sont vraiment usagés, traités comme des kleenex, jetables et remplaçables.

    Kantorowicz

    Aile Denon, Le Greco, Murillo. Je comprends l'intérêt des expositions, les tableaux vus à cette occasion restent profondément gravés dans la mémoire, ils deviennent reconnaissables sans hésitation (Mantegna) Pourquoi? Parce qu'ils sont détachés du monde un instant, mis en avant?
    Tendance à mélanger les Italiens, surtout quand il y en a plusieurs de la même famille. Vu le tableau dont Le Bernin disait que c'était ce qu'il avait vu de mieux à Paris. Oublié le nom, oublié le peintre (un ange robe blanche d'un bleu porcelaine, ceinture rose. Deux syllables, ce n'est pas Lippi, ce n'est pas Bellini... Retti? (non, Reni, je viens de le trouver sur Google)). Ce n'est pas le tableau que je préfère (la déformation du cou de la Vierge), mais d'autres Reni me plaisent beaucoup. A suivre.

    Commencé Kantorowitz (Frédéric II). Emerveillement d'une lecture si fluide. Ce n'est pas difficile, c'est tout à fait facile, mais chaque phrase compte. Dense et fluide, une merveille, vraiment. Et puis il y a ses jugements du caractère des hommes, son attention aux hommes (Innocent III, Philippe de Souabe, Henri VI) qui me paraît si différent de ce que j'attends d'un historien (de ce à quoi je m'attends de la part des historiens, souvent si froids, si peu empathiques, que je ne peux pas les lire) et qui dessine Kantorowitz avec tant de chaleur.

    Grosse déprime en découvrant les séminaires de l'Item: mais pourquoi je perds mon temps à des trucs inutiles qui m'ennuient alors que je pourrais le consacrer à des trucs ''inutiles'' qui me passionnent?

    Tout le monde est malade à la maison. Le week-end sous la pluie n'a pas pardonné.
    Menace de sciatique.

    Allaiter

    Ce billet semble marquer le retour du bon sens.

    Je me souviens qu'ayant donné mon aîné (alors unique, pas encore aîné), bébé, à garder à une amie, celle-ci m'avait demandé, assez désemparée:
    — Qu'est-ce qu'il faut faire ?
    — C'est assez simple: quand il a faim, tu lui donnes à manger, et quand il est fatigué, tu le couches.

    Elle était restée très embarrassée mais j'étais partie sans pitié (et sans beaucoup d'inquiétude).

    Quelques années plus tard, devenue mère, elle m'avait dit en riant: «finalement tu avais raison, c'est tout à fait ça!»
    (ce qui fait toujours plaisir).

    La kermesse

    - Maurice Merleau-Ponty, Sens et non-sens - édition Nagel (7e édition)
    - Amours grecques (Anthologie palatine Livre XII - traduction par Yvan Quintin) - Publications Orientalistes de France
    - Rainer Maria Rilke Lettres à une amie vénitienne - Arcades Gallimard
    - Rainer Maria Rilke, Requiem - Fata Morgana
    - André Maurois, Le Monde de Marcel Proust - Tout par l'image, Hachette
    - Jules Romain, Knock - Poche1958
    - Reinaldo Arenas, Avant la nuit - Babel Actes Sud
    - Cavafy, Œuvres poétiques - Imprimerie nationale
    - Léon Tolstoï, Anna Karénine - poche 1960
    - André Gide, La symphonie pastorale - folio
    - André Gide, la porte étroite - poche 1959
    - Michel Pierssens, Lautréamont éthique à Maldoror - Presses universitaires de Lille
    - Guide bleu Italie 1962
    - Guides Modernes Fodor Afghanistan 1972
    - Iran - Nagel 1971
    - Islande - Nagel 1985
    - Le monde en images L'Italie - éditions Odé

    Mauvaises lectures

    O., douze ans :
    — Ça veut dire quoi, enlarge your penis ?



    Plus tard nous avons trouvé l'origine de cette question : chute d'un conte de fée dans le dernier Fluide Glacial.

    I would prefer not to

    J'arrive en retard, les bateaux (les équipages) sont déjà composés. Je croise Jean-Pierre:

    — Je crois que j'arrive un peu tard...
    — Oui, il va falloir que tu sortes toute seule. Ou alors tu sors en double avec le pompier.

    Sourire intérieur à la pensée de tous mes amis que cette idée ferait (fera) rêver. Mais cela m'intimide, et puis je ne suis pas folle, si je fais ça à mon âge avec ma condition physique, je ne vais plus pouvoir marcher pendant trois jours (honni soit qui mal y pense). Je secoue la tête en souriant et vais me changer.
    Finalement je me suis entraînée en salle.

    Saisie au vol

    — Jérôme avait Raphaël sur les épaules.

    Foudroyée

    Plus d'internet à la maison. La foudre a détruit la freebox. J'écris ces lignes avant de rentrer. De toute façon j'avais si peu le temps d'y passer le soir. Mais le matin, ça va me manquer.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui. 2/ Non. C'est justement ce que j'essaie de déterminer: ce qu'il faut que je sauve et du temps que cela prendrait (en minutes). Genre film catastrophe. Sans doute la thèse de Clémence Ramnoux, ce qu'il y a de plus précieux dans cette maison.

    3/ Oui. Deux ou trois opérations, des chutes.

    4/ Oui.

    5/ Non.

    6/ Oui. Essentiellement par omission.

    7/ Des pancakes aux myrtilles.

    8/ Un truc à la clémentine d'Yves Rocher. J'en mettais beaucoup trop, j'ai honte en y pensant.

    9/ Non.

    10/ Non.

    11/ J'aime être ailleurs quoi qu'il arrive.

    12/ Aucune idée. Sans doute que non.



    répondu le 25 mars 2020, dixième jour de confinement.

    Inception

    C'est bon: je ne supporte plus la voix d'Edith Piaf, et encore moins La Vie en rose.

    Qu'on me rende Jumandji et Blade Runner. Et La mort dans la peau. De l'action ET de la poésie.
    (En tout cas maintenant, on sait à peu près ce que donnera une adaptation des Neuf Princes d'Ambre.)


    Ah si quand même: un instant je me suis dit que cela aurait pu faire un intéressant Alice au pays des Merveilles (sur le pont, les miroirs, les mondes doubles). Mais ces secondes ont été vite oubliées. Quel navet.

    Allégorie de l'orchidée

    J'avais l'occasion de passer dans mon ex-bureau et j'en ai profité pour faire des scans (dur dur: je m'y suis reprise à trois fois (corruption de fichier au moment de la sauvegarde, jpeg au lieu de pdf, etc.) et je me suis aperçue qu'il me manquait neuf feuilles, de la page 171 à 187. Il va falloir que je revienne).

    Le bureau que je partageais avec Sylvie est encombré de plantes vertes. Elle me raconte que la personne qui m'a remplacée a la passion des plantes et ne supporte pas qu'on s'en débarrasse, qu'on les jette. Régulièrement elle ramasse sur le trottoir des orchidées abandonnées là par la DRH.
    «J'y pense souvent, me dit Sylvie: quand on a fini de fleurir, hop, sur le trottoir!»


    Sylvie avait encore quatre ans à travailler. Avec la réforme c'est devenu cinq ans quatre mois.

    Soir

    Appris qu'un blogueur très aimé est diabétique. Ça fait un choc. On a beau savoir que cette maladie est connue et maîtrisée, ça fait un choc.

    Passé à la Fnac de la Défense pour acheter un livre de classe (un "cahier d'activité"). Comme l'attente à la caisse était longue, pris l'un des livres à proximité, Jean Teulé, Mangez-le si vous voulez.
    Je n'aurais pas dû. Le titre est à prendre au sens littéral, terrible histoire d'un village devenu fou un après-midi de défaite, de sécheresse et de beuverie. Envie de vomir, pas tant de dégoût que de désespoir.

    Encore une journée étrange, solitaire et lente. Je réfléchissais hier tandis que notre hôtesse évoquait la foule parisienne qu'il m'arrive souvent de passer la journée sans parler à personne, si l'on excepte les sourires, inclinaisons de tête et salutations lors des croisements dans les couloirs.

    Retour

    Petit déjeuner. Nous restons mystérieux, nous ne disons rien ni de la veille, ni de la journée, juste au moment de partir:
    — Nous ne pouvons pas tarder, nous avons un rendez-vous.
    — Ah, vous avez un rendez-vous… (Il ne s'agit que de la messe, nous sommes méchants.)

    Nous prenons la route. Je dors.

    Malagar, la terrasse, la charmille, je contemple un paysage très peu abîmé (certes il y a des bâtiments neufs ou modernes, mais aucun d'un blanc éclatant, pas de route, pas de poteau électrique remarquable1). Je cueille une figue.
    Verdelais, apparemment célèbre par son pélerinage, que je ne connais pas. Eglise baroque roccoco, surchargée. Un père marianiste, Roger Geysse, fête ses soixante-dix ans de sacerdoce. Il a prononcé ses premiers voeux en 1940 en Belgique et évoque la fuite des séminaristes devant les Allemands. L'épopée prend des allures de miracle.

    Retour à Malagar. Selon le précepte de Patrick «Quand tu hésites à acheter un livre, achète-le» (je pourrais peut-être le faire graver sur ma tombe pour les passants), je cède à la tentation et prend la thèse de Natalie Mauriac-Dyers, Proust inachevé. Et trois bouteilles du domaine.

    Nous reprenons la route. Jean Allemand revient sur la structure du Temps immobile. Il a établi un relevé des entrées quotidiennes du journal collées et montées dans le Temps immobile, qui est un journal reconstitué en jeu de miroirs, bouleversant l'ordre chronologique, par fragments réfléchissants rapprochant les mois et les années. J. Allemand a établi un index qui permet de savoir si et où et comment (partiellement ou intégralement) telle entrée du journal quotidien a été utilisée, index que Patrick met progressivement en ligne.

    Ce qui n'a pas été repris est essentiellement d'ordre sentimental, et quoi qu'il en soit, Claude Mauriac est toujours resté très discret, même dans son journal quotidien. Ce qu'a surtout coupé Claude Mauriac, ce sont ses notations malveillantes (je ne peux croire qu'il y en avait beaucoup. La lecture du début du Temps immobile montre un homme si peu prompt à juger, à condamner... (voir les passages sur la prison des femmes après la Libération (p.163 dans l'édition Grasset), ou sur cette femme veuve d'un homme fusillé pour collaboration (p.297), ou encore sa condamnation de la méchanceté de Gide lisant sa préface à Armance devant un impuissant notoire (p.295))).

    Vers déclamés, Hugo, Claudel, Péguy, Mallarmé...
    Je colle des bribes, mais elles n'ont pas été prononcées dans cet ordre.
    — Il faut retrouver le premier vers et ensuite tout vient... Je connaissais toute la Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres. Hugo c'est facile, ce sont des procédés réthoriques... Ce qui est difficile avec Péguy, c'est que cela change à peine, c'est cela qui est difficile. Quand j'étais à l'hôpital après mon opération j'occupais mes après-midis à reconstituer les poèmes que j'avais appris.

    — Ce toit tranquille, où marchent des colombes, / Entre les pins palpite, entre les tombes; / Midi le juste y compose de feux (et je pense à une erreur que je fis autrefois en copiant du RC)... Les mots se cherchent, tremblants, hésitent, parfois coulent librement: Ouvrages purs d'une éternelle cause. Il faut dire "Ouvrages | purs d'une éternelle cause"; "Ouvrages purs | d'une éternelle cause", ça ne voudrait rien dire... Zénon! Cruel Zénon! Zénon d'Êlée! / M'as-tu percé de cette flèche ailée / Qui vibre, vole, et qui ne vole pas! / Le son m'enfante et la flèche me tue! / Ah! le soleil . . . / Quelle ombre de tortue / Pour l'âme, Achille immobile à grands pas! (Oserai-je avouer que je connaissais ces vers sans en connaître la source?) Le vent se lève! . . . il faut tenter de vivre! / L'air immense ouvre et referme mon livre, / La vague en poudre ose jaillir des rocs! / Envolez-vous, pages tout éblouies! / Rompez, vagues! Rompez d'eaux réjouies / Ce toit tranquille où picoraient des focs!
    Jean se tourne vers moi et précise: "Foc, f-o-c, pas p-h", et j'ai envie de rire.

    — Les trois dernières semaines de mon service militaire j'ai lu La Recherche et j'essayais d'apprendre les poèmes de Mallarmé... A la fin je n'étais pas bien vaillant, je devais peser cinquante-trois kilos.

    — La Vendée aurait dû s'appelait les deux-Lays comme il y a les deux-Sèvres, mais les députés du lieu étaient très laids et l'on a craint qu'ils y voient une allusion, alors le département a pris le nom de Vendée, ce qui crée une confusion avec la Vendée historique, celle de la révolte royaliste. Mais je ne crois pas qu'il ait jamais existé de région de ce nom, c'était le Poitou, la Marche.

    Que choisir pour sa vieillesse, où s'établir, région de France et mode de vie. Question sans réponse. J'entends cette remarque qui m'enchante par sa spontanéité: «Ma mère était très heureuse en maison de retraite. Elle disait: "Moi qui ai servi les autres toute ma vie, maintenant on me sert!"»
    Je n'y aurais jamais pensé.

    Je dors.

    Nantes, un café, une caisse de livres, je feuillette religieusement la transcription du cahier 54 de Proust.
    Retour, il y a énormément de monde sur l'autoroute, la conversation prend un tour plus familial. Qu'est-ce qu'une vie, que faire, jusqu'où pouvons-nous ou devons-nous intervenir dans la formation (au sens large) et dans la vie de nos enfants?
    Chartres, une dernière cigarette, je reprends la route, rock métal sur France-Musique, un dimanche soir ah bon, mais ce n'est pas désagréable. Dommage, beaucoup trop de noms, je confonds tout inévitablement, à la fin d'un morceau je ne sais plus si le présentateur parle du chanteur précédent ou du suivant.
    Note mentale concernant un livre écrit par un rockeur («Pour ceux qui savent l'anglais, très intéressant, très fin, très drôle, ça nous change des habituels livres des rockeurs d'un ennui infini» se lâche le présentateur): Things the Grandchildren Should Know de Mark Oliver Everett.

    Je me perds dans Tigery.
    Je suis rentrée.



    1 : Note à Demeures de l'esprit France Sud-Ouest.

    Départ, arrivée

    Yerres, Carré-Sénart, Chartres, Nantes pour prendre Jean, Saint-Clar. Il fait beau. Un orage, une tempête venant d'Espagne, est annoncé pour le week-end.

    Magnifiques chambres d'hôtes choisies à partir du site internet. Fatigués malgré tout. Nous dînons sur place à la pizzeria proche.
    — Ah, moi aussi je viens de Paris.
    — Et vous aimez le Gers ?
    — Non.
    Un peu interloqués: — Mais pourquoi vous être installé là, alors?
    — A cause d'une femme, mais elle m'a planté. Mais je vais en trouver une autre, bientôt.

    Ah.

    ------------------------
    PS :
    Aujourd'hui Jacqueline aurait eu 43 ans. C'est l'anniversaire de Roman de Roman Roi. C'est la date anniversaire du départ des Garnaudes. C'est la saint Renaud.
    Par ailleurs, H. m'annonce qu'il envisage de faire racheter son logiciel fétiche par son entreprise actuelle. Ça me fait plaisir, c'est son bébé.

    Difficile

    Retournée ramer à midi. Je l'appréhendais, je m'étais vraiment fait mal en juin, au cours d'une sortie calamiteuse en double skull scull.

    Pourquoi mon plus gros défaut (compenser le manque d'équilibre en me tordant le dos plutôt qu'en corrigeant la hauteur des mains) est-il réapparu au bout de huit mois d'entraînement? (Moi qui pensais qu'il s'était dissous dans mes vingt ans d'interruption...)

    Fatiguée ce soir. Du mal à me concentrer pour faire ma valise.

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.

    1/ Je voudrais mais je n'y arrive pas.

    2/ Oui.

    3/ Oui. Plus je vieillis plus je souris, parce que je n'ai plus peur que ce soit mal interprété. Et j'ai remarqué que les gens aiment ça.

    4/ Elles ne m'ont jamais beaucoup attirées. 5/ La capacité à relire un texte, à le mettre en forme et à le corriger.

    6/ Oui. j'adore les cacahuètes.

    7/ CE1, CM2. Surtout CM2.

    8/Oui, et d'en offrir.

    9/ Plutôt.

    10/ Non. APrès il faut ramasser.

    11/ Oui, j'aime bien imaginer. Plus sur le prénom que sur le physique.



    répondu le 25 mars 2020, dixième jour de confinement.

    Marre

    Arrive le moment où l'on n'écrit que pour consigner ce que l'on pense, non pour dialoguer mais l'inverse, parce que l'échange est impossible.
    Que les idées soient personnelles (pas dans le sens "être uniques", mais dans le sens "chacun fait son choix dans les rayonnages" (et ce qui est unique finalement, c'est le bouquet que l'on compose, ce qu'on apparie)) et que les convictions ne puissent être partagées (elles ne peuvent que se rencontrer, d'une personne à l'autre) est une expérience commune, qui nous ramène aux "goûts et les couleurs".

    Ce à quoi j'ai beaucoup plus de mal à m'habituer, c'est qu'il en soit de même avec les expériences. Si votre expérience contredit la pensée moyenne, elle est refusée comme nulle et non avenue. Au mieux on lui trouvera une explication psychologique/psychanalytique. C'est une impression étrange, l'impression de n'avoir pas vécu ce qu'on a vécu, puisqu'on vous dit que c'est faux. Ah bon. Pourtant j'avais bien eu l'impression... Mais non, tu rêves.

    Alors l'écrire dans un coin, pour résister. Je rêve peut-être, mais c'est écrit.

    Des hommes et des dieux

    Je le déclare, vous êtes des dieux, vous êtes tous des fils du Très Haut, pourtant vous mourrez comme des hommes, vous tomberez comme les princes.
    Psaume 82 6-7

    Très beau film. Le temps, l'espace, le silence, la voix, les voix, peu de musique, la peur qui monte, l'incompréhension (que se passe-t-il? qui tue qui, et pourquoi? que faut-il faire? qu'est-ce qui est juste, qu'est-ce qui est humble?).
    Presque rien, sauf un choix. «Si, j'ai le choix», dit frère Christian.

    Pensé à Dialogue des Carmélites, au Festin de Babette (un instant très court), à Simone Weil.

    Quelques surprises

    — J'ai fini Tristan et Iseult, mais je ne vois pas le rapport avec Florence.
    — Mais ça n'a pas de rapport avec Florence, c'était pour ton thème sur le Moyen-Âge!
    — Je me disais aussi...

    A. lit vite, très vite, et elle m'en redemande, elle semble prête à lire tout ce que je pourrai lui donner, je n'en reviens pas. En désespoir de cause (cela m'a paru malgré tout moins indigeste que le Que sais-je sur l'histoire de Florence) je lui ai donné L'Œil du Quattrocento ce matin, en espérant ne pas la dégoûter (ça a l'air d'aller) et je suis allée faire des provisions à midi. (Bon prétexte pour ne pas aller ramer. Il faudrait quand même que j'y retourne, sinon je ne sais pas très bien comment je vais tenir la randonnée sur le lac d'Annecy dans moins d'un mois).

    Exposition sur Anouilh dans le hall de la mairie de IIe (pas le temps de regarder).
    Un pepper hambuger au Saint John près de la Seine à Neuilly.

    A. m'appelle. Puisqu'elle ne fera pas de chinois (problème d'emploi du temps), elle voudrait s'inscrire en informatique. Euh... bon. (Dans un sens ça me fait plaisir (mon côté militante MLF, si vous voyez ce que je veux dire). Dans un autre, cela me fait peur, elle a tellement tendance à se comparer à son frère).

    (Complément le soir à dîner :
    — Tiens, j’ai rencontré un proustien aujourd’hui.
    — Un proustien ?
    Rien n’est très clair dans ses explications, je ne comprends pas comment elle a été identifiée comme personne à qui parler de Proust. Aurait-elle parlé de la maison de tante Léonie? Je retiens qu’une visite ayant fait à l’époque l’objet de toutes les résistances devient moins d’un mois plus tard un sujet de gloriole.)

    Réunion de collège pour O. Dieu que je déteste le collège, les années de collège, tout ce qui est collège. Beaucoup de profs nouveaux. Les profs de biologie (SVT, pardon) et de physique me font rire, ça ne m'étonnerait pas qu'ils en soient, l'un dans le genre Pierre Joubert, l'autre dans le genre gueule cassée (avec un indéfinissable accent de l'est). Pas mal. Le prof de gym explique benoîtement qu'un élève dispensé de sport n'est pas dispensé de cours, nuance. Il fait se pâmer toutes les MILF de la salle.

    Zut, j'ai oublié de passer chez Mme V.
    Zut de zut.

    Bibliophore

    • aller

    Michel Francesconi, La vitesse à laquelle nous oublions est stupéfiante

    • retour

    Michel Francesconi, La vitesse à laquelle nous oublions est stupéfiante
    Dominique Fernandez, Le dernier des Médicis
    Sarah Frydman, Contessina
    Sarah Frydman, Le Lys de Florence
    Sarah Frydman, Lorenzo ou la fin des Médicis
    Magdalena Nabb, Le gentleman florentin
    Rolf C. Wirtz, Florence

    Lundi

    Midi : Louvre, les acquisitions du département d’Arts graphiques. Un William Blake (qui illustre l’affiche de l’exposition), un Füssli, une magnifique miniature/enluminure dont je ne me souviens plus si les séraphins sont d’un rouge ou d’un bleu profond. Etrangement mon esprit a enregistré les deux. En sortant, je passe devant mon deuxième tableau préféré (le premier restant La Solana de Goya), une Circoncision du Baroche, qui me rappelle les couleurs du Greco ou de Marie Laurencin (oui je sais, c’est un peu contradictoire, peut-être).
    A quoi servent les tableaux ? A me perdre. Plaisir onirique pur.

    Soir. R. Problèmes de santé, problèmes vitaux, erreur médicale. Je glâne quelques explications qui alimentent ma culture générale et ma compréhension du monde.
    Le parc immobilier suisse est la propriété des banques, ce qui explique qu’il soit si difficile d’y acheter un appartement ou une maison. Les loyers garantissent les retraites (ceci très rapidement résumé).
    Autre résumé rapide : si les Américains attaquent si souvent les médecins, c’est que les assurances santé ne couvrent qu’une partie des frais d’hospitalisation. Avoir un membre de la famille en soins intensifs, c’est être ruiné. Attaquer en justice est l’une des manières d’espérer pouvoir subvenir aux besoins de la personne dépendante.

    Un très bon restaurant, et des gens charmants : L'Assiette aveyronnaise, à côté du Pied de cochon

    Métaphore vive

    — Griller un feu, c'est quand même bizarre quand on y pense.

    Difficultés

    Grande tension. Ce n'est plus vivable, il faut trouver une solution, un moyen d'évacuer cette paranoïa (quand chaque mot est interprété comme une accusation ou un reproche) qui prend des proportions destructrices.

    Trois lieux

    Une cathédrale, un appartement, un jardin.
    Un temps magnifique, surtout dans la cathédrale. Une chance.

    Du crémant d'Alsace, du saucisson de sanglier (corse), de l'andouillette, des macarons glacés, un magnum de rouge, des explications, des livres. "Synthèse et analyse", euh, je ne sais pas.

    «La Mort approche». Suis-je la seule à m'être sentie oppressée devant une coïncidence digne d'Edgar Poe?

    Femmes d'aujourd'hui

    Mes deux tantes vieilles filles lisaient l'une Femmes d'aujourd'hui, l'autre Bonne soirée.
    Jusqu'à mes huit ans nous passions les deux mois d'été chez elles. Je réunissais tous les numéros, je les classais afin de mettre dans l'ordre les épisodes les feuilletons (dont les romans-photos. J'avais une passion pour ces personnages figés au visage tourmenté dont une bulle exprimait le désarroi et les dilemmes) et je lisais les encarts centraux («en supplément une histoire d'amour détachable», promettait à peu près la couverture) plus ou moins en cachette, vaguement consciente que je n'étais pas censée lire à sept ans des histoires aussi violentes et terribles.
    C'est ainsi que j'ai lu très tôt des Barbara Cartland ou équivalent, enfin je suppose, je ne sais plus, cela ne m'a pas laissé grand souvenir.
    En revanche j'avais été très frappée par un rossignol saignant contre l'épine d'un rosier pour transformer une rose blanche en rose rouge nécessaire pour satisfaire le caprice de la bien-aimée d'un jeune homme, et très heureuse de retrouver cette histoire par hasard des années plus tard: il s'agissait d'un conte d'Oscar Wilde.

    Tout cela pour dire qu'il faut que je me renseigne: peut-être que ces numéros sont soigneusement classés et entassés dans le grenier de ma tante.

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.

    1/ Je dirais non, mais mon aîné me trouve superstitieuse, ce qui m'agace beaucoup. Cela m'agace suffisamment pour que je me demande s'il a raison (sinon pourquoi être agacée?) Croire au karma (espérer en) est-ce être superstitieuse?

    2/ Un peu. Je sais rester imperturbable pour décourager les assaillants.

    3/ Les chips.

    4/ Oui.

    5/ Oui.

    6/ Qu'elle est trop douce, trop enfantine.

    7/ Le jeudi.

    8/ Si je tombe dessus, s'il y a des photos… Je ne les recherche pas.

    9/ Non. Trop long. Sauf une fois, parce que les données de santé (c'était une application sportive) partaient aux US. J'ai changé d'application.

    10/ Le violon.

    11/ Pelouse, arbres, oiseaux. Framboisiers.



    répondu le 25 mars 2020, dixième jour de confinement.

    Gay friendly

    — Si tu as une copine, tu peux me virer de tes amis FB.
    — Et si j'ai un copain, maman, je ne te virerai pas.

    Fous rires. Départ.

    Irréversible

    O. est très triste du départ de son frère :
    — Plus rien ne sera jamais comme avant.

    Et parce que j'ai tendance à dramatiser, parce que j'ai connu ainsi des ruptures, j'ai l'impression que son enfance est terminée, à douze ans à peine.

    Sans compter que sur le fond, il a raison.

    Technique

    Assise à mon bureau, porte ouverte, je saisis une phrase qui émerge d'une conversation de couloir :

    « Le marquis de Sade utilisait la badine, c'est souple. »

    Nœuds

    François Mauriac ressemble beaucoup à mon grand-père : même silhouette, même forme de visage, même moustache. Cela m'en rend la lecture difficile, associée à une odeur particulière de savon et de cuir.

    La vie de bureau impose à mes heures de bureau une sorte d'hébétude.
    Claude Mauriac, Le temps immobile, p.138 (22 janvier 1942)

    Lorsque Paul fut appelé sous les drapeaux, il était déjà marié et avait un enfant (c'était en 1945 ou 1946. Il avait donc vingt-quatre ou vingt-cinq ans : est-ce que l'âge du service avait été décalé du fait de la guerre ? Cela paraîtrait logique. Mais pourquoi n'est-il pas parti en Allemagne en STO? Parce qu'il était étudiant? Il n'est plus là, il est trop tard, je n'ai pas posé assez de questions). Il travaillait alors à l'INAO. Je sais qu'il s'adressa à Claude Mauriac qu'il connaissait un peu (par son oncle ou sa belle-sœur?) afin de se faire exempter du service militaire — ce qui lui fut accordé.

    Je me demande si Hubert n'était pas le fils de cet oncle, André. Il me semble me souvenir vaguement d'une sorte de revanche familiale, le fils poursuivant la carrière interrompue du père.
    Si c'est cela, il me semble que cet oncle avait divorcé (à une époque et dans un milieu où cela ne « se faisait pas ») et que sa seconde femme avait connu le même sort qu'Odette Swann : elle n'avait été reçue par la famille et les amis de celui-ci qu'une fois devenue veuve. (Cette similitude de destin était le genre d'anecdotes auxquelles je m'accrochais pour convaincre Paul de l'intérêt de Proust, qui le fascinait et le révulsait).

    Comme tout cela est flou et brouillé. Je pensais avoir toujours le temps de demander des précisions, de toujours pouvoir démêler les fils le moment venu en posant quelque questions. Trop tard, trop tard.

    La lutte

    Pourquoi et avec qui évoquai-je cette excellente anecdote que j'avais découverte chez Damien? (Plus de deux ans... incroyable.)
    Je recopie, pour ne pas perdre, et fais une note mentale pour ce Ringolevio:

    «Our revolution will do more to effect a real, inner transformation than all of modern history's revolts taken together ! . . . In no stage of our advance, in no stage of our fighting must we let chaos rule ! . . . Nobody can doubt the fact that during the last year, a revolution of the most momentous character has been swelling like a storm among the youth of the West. Look at the strength of awareness of the young people today ! Look at our inner unity of will, our unity of spirit and our growing community of thought ! Who could compare us with the youth of yesterday ? We are unanimously convinced that strength finds its expression not in an army, in tanks and heavy guns, but rather ultimately expresses itself in the common working of a people's will ! The will that is uniting our groups with the conviction that men and women must be taught the feeling of community to safeguard against the spirit of class warfare, of class hatred and of class division ! . . . We are approaching a life in common, a common life of revolution ! A common life to work for the revolutionary advancement of peace, spiritual prosperity and socialism ! Toward a victorious renewal of life itself ! . . . Our job is to wake everyone up and do away with illusions ! So that when the people are finally awakened, never again will they plunge into sleep !
    «The revolution will never end ! It must be allowed to develop into streams of revolutions and be guided into the channel of evolution . . . History will judge the movement not according to the number of swine we have removed or imprisoned, but according to whether the revolution has succeeded in returning the power to the people and in the bridling of that power to enforce the will of the people everywhere ! . . . Power to the people !»

    Acclamation triomphale, standing ovation - Grogan reste immobile, attend que le silence revienne - Il explique alors qu'il refuse les applaudissements, parce que ce discours n'est pas de lui : il a été tenu pour la première fois au Reichtag en 1937 et son orateur était Adolf Hitler - Personne ne moufte - Emmett Grogan s'empresse de filer, alors que la foule, soudain consciente de l'entourloupe, explose de rage, casse tout et met le feu, déchaînée contre celui qui lui avait malicieusement désigné la duplicité de toute ronflante phraséologie révolutionnaire.

    (Cette anecdote se trouve dans Ringolevio d'Emmett Grogan, à lire absolument pour une connaissance lucide des sixties...)

    Aveu

    Entre le 20 août (à peu près) et le départ de C. j'ai relu les quatres derniers tomes d'Harry Potter (en anglais), car C. souhaitait les emmener en Suisse. Je crois que j'en suis désormais rassasiée pour un moment.

    Rentrée

    La fermeture éclair de ma combinaison (achetée en 1996, j'ai un repère) était si usée que je n'ai pas pu la remonter à midi. Dos à l'air du bassin à la nuque. Utilisé une épingle à nourrice et gardé ma veste. Déjeuner au Petit Broc (une tête de veau) avec ma fille avant sa rentrée au lycée. Un instant j'ai oublié mon état, j'ai enlevé ma veste pendant quelques minutes... personne derrière moi.

    Chic, un prétexte pour m'acheter deux robes.

    L'innocence des cœurs purs

    — Oui, évidemment, quand on appris la fraude, il y a eu comme un choc, et tout ce qu'on a trouvé à faire, c'est de téléphoner à la personne pour lui dire que ce n'était pas possible, qu'elle n'avait pas pu faire ça, qu'il devait y avoir une erreur, qu'on viendrait en parler lundi. Alors évidemment elle a eu le temps de faire le ménage sur son disque dur et d'effacer les traces. Donc il faudrait maintenant réfléchir à une procédure quand de tels cas se présentent.

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.

    1/ Bof. Plutôt non.

    2/ le bruit, la foule, le froid.

    3/ Peut-être. Le bon, la brute et le truand. Un film sur la compassion.

    4/ Non car je n'y consacre quasi aucun temps!

    5/ Ça arrive. Rarement mais ça arrive.

    6/ Non, sauf si c'est flagrant.

    8/ Oui. Tous les anniversaires m'effraient désormais. Je n'en reviens pas d'avoir l'âge que j'ai.

    9/ Je ne crois pas. J'ai toujours su que travailler avec les animaux était très dur, très triste.

    10/ Non, plutôt avec ce dont mes parents se débarrassent ou des héritages. J'aime beaucoup, ce sont des souvenirs.

    11/ Soit les éperlans (j'aime), soit une mauvaise brasserie (je n'aime pas).



    répondu le 25 mars 2020, dixième jour de confinement.

    Que faire ?

    R. plus d'une heure au téléphone. Après Lille, Cabourg, Fontainebleau, Nemours, voilà qu'il songe à s'établir à Bordeaux. Il a le même problème que moi, il ne sait pas ce qu'il veut, il cherche ce qu'il veut, ce qu'il doit, faire du reste de sa vie.
    Chez moi l'incertitude conduit à une certaine immobilité, au moins mentale, une attente et un qui-vive; chez lui à une perpétuelle agitation, à une suractivité qui donne le vertige.
    Cette question en cache une autre: il ne sait pas ce qu'il veut car il n'est pas sûr de ce qu'il vaut.

    Mardi

    Rangement, jetage (jet?), lessive, poussière, frais de virement à l'international, cahiers grands carreaux, Agnès une heure au téléphone. Ou plus. Je ne sais plus. Sodome et Gomorrhe première partie une fois encore. Je ne peux pas m'occuper de cette maison sans un récit. Il faut commander la suite. Orlando furioso fait, La Garlande fait.

    Temps qui m'échappe, encore.

    Lundi

    Mulhouse Paris Belle Epine Boussy soufflé au fromage équipe d'aumônerie.

    L'effet Toy Story

    Trois jouets perdus ce matin :
    - un Winnie l'ourson assis sous un abri-bus ;
    - un canard écartelé sur le trottoir ;
    - un petit lapin gisant sur la chaussée (j'ai ouvert la portière et profitant du feu rouge je l'ai ramassé. Il est brodé "Mathias" sur son tablier. Qu'est-ce que je vais en faire?)


    Ce soir, impromptu, train pour Mulhouse.

    Diagnostic

    Literal interpretation, and insensitivity to context, are not marks of rationality but mental disorders.
    John Kay

    Et dans ce cas-là, on fait quoi?

    Cinéma

    Les Français auront inventé les pires bandes-annonces (toujours trop longues) et les Américains les meilleures what? scènes post-films? scènes de générique de fin?

    Toy story 3: un cas exceptionnel de réussite sur trois films de suite.

    Crudités

    Palette à la diable. Sieste. Rangement. Harry Potter VI. Ennui. Cartes postales. Internet n'est pas rétabli.

    Chaque fois que je suis seule quand j'épluche des légumes, je songe à ce passage de Vivre avec une étoile (j'avais spontanément pensé qu'il s'agissait d'une danseuse étoile) où le narrateur, juif traqué à Prague, fait pousser des carottes entre les tombes, parce que c'est le lieu où la terre est accessible. C'est avec cette lecture que j'ai réellement compris l'impossibilité de vivre, au sens le plus biologique du terme, sans terre — et ce miracle de la transformation de l'eau, la terre, la lumière, en quelque chose de mangeable.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ J'aime à le croire. Mais je n'en suis pas sûre du tout.

    2/ Non. Je prends peu de photos, j'en garde encore moins, mais j'aime les photos du quotidien, du surprenant au quotidien.

    3/ Pas vraiment. pas beaucoup. Ce qui me surprend parfois quand je suis seule, c'est le silence. la qualité du silence. Je m'y moins.

    4/ Je dirais l'ouïe, mais comme tout le monde dit que c'est pire que perdre la vue, je ne sais pas vraiment.

    5/ Une caricature à Montmartre, il me semble. Il y a vraiment longtemps.

    6/ Oui !

    7/ J'aimerais me taire davantage. Je parle trop. (Ça ne répond pas à la question: je préfère parler mais je préfèrerais me taire.)

    8/ Je me lève très vite ou je me rendors. Je ne paresse pas au lit.

    9/ Plutôt dépréciatif, genre « c'est normal, je suis moins bien».

    10/ Non sauf ma fille qui comprend tout de travers, sans que je sache si elle est de bonne ou mauvaise foi.

    11/ Mon benjamin, je crois. Ma collaboratrice me fait confiance. Et quelques clients.


    répondu le mardi 24 mars 2020, neuvième jour de confinement pandémique.

    La maison de Mallarmé

    Elle donne l'impression d'être avant tout destinée aux enfants, avec des panneaux didactiques et des propositions d'activité ("toi aussi écris un poème à propos d'un objet que tu aimes beaucoup"). Mais ce n'est pas très gênant si l'on évite de lire ce genre de fadaises.

    Un éventail, une pendule, un secrétaire japonais, une lanterne magique.

    Les meubles, les photos, le calme et le soin apporté à la reconstitution et à la conservation d'une atmosphère sont très agréables.
    En cette fin d'été le jardin est avant tout un verger. L'envers de la feuille de cognassier est très doux. J'aurais dû ramasser quelques pommes. Les mirabelles pourissent au pied de l'arbre.

    Dans le cimetière de Samoreau, Olivier Larronde ne dort plus seul.

    Devoir

    — Mais pourquoi tu y vas? Tu n'as rien à leur dire, tu les détestes, ça ne sert à rien...
    — Je ne sais pas. Parce que ce n'est pas de leur faute, ce n'est la faute de personne... Parce que nous sommes mortels, parce qu'un jour il ne restera que nous pour s'occuper d'eux...
    — Mais en attendant, ce n'est pas la peine!
    — Parce qu'il ne faut pas couper les liens... Parce que je culpabilise, je leur fais de la peine parce que je suis moi et que je ne peux pas être autre chose pour leur faire plaisir...

    Souvent je pense à un autre passage de Proust, le jugement de la famille du narrateur sur Bloch, au début du Côté de chez Swan (c'est moi qui souligne):
    Il [Bloch] serait malgré tout revenu à Combray. Il n'était pas pourtant l'ami que mes parents eussent souhaité pour moi; ils avaient fini par penser que les larmes que lui avait fait verser l'indisposition de ma grand-mère n'étaient pas feintes; mais ils savaient d'instinct ou par expérience que les élans de notre sensibilité ont peu d'empire sur la suite de nos actes et la conduite de notre vie, et que le respect des obligations morales, la fidélité aux amis, l'exécution dune œuvre, l'observance d'un régime, ont un fondement plus sûr dans des habitudes aveugles que dans ces transports momentanés, ardents et stériles. Ils auraient préféré pour moi à Bloch des compagnons qui ne me donneraient pas plus qu'il n'est convenu d'accorder à ses amis, selon les règles de la morale bourgeoise; qui ne m'enverraient pas inopinément une corbeille de fruits parce qu'ils auraient ce jour-là pensé à moi avec tendresse, mais qui, n'étant pas capables de faire pencher en ma faveur la juste balance des devoirs et des exigences de l'amitié sur un simple mouvement de leur imagination et de leur sensibilité, ne la fausseraient pas davantage à mon préjudice. Nos torts même font difficilement départir de ce qu'elles nous doivent ces natures dont ma grand-tante était le modèle, elle qui brouillée depuis des années avec une nièce à qui elle ne parlait jamais, ne modifia pas pour cela le testament où elle lui laissait toute sa fortune, parce que c'était sa plus proche parente et que cela «se devait».

    Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, Pléiade (Clérac) t.I, p.92-93
    Cette dernière phrase est entièrement ma famille. (C'est ma traduction intime de common decency.)

    Berry roman

    Façade de l'église de La Celle dans le Cher (personne ne sait très bien ce que représente cette scène, ni ne sait dater ce bas-relief), et abbaye de Noirlac.


    La question de Caïn

    Parce qu'un passage lu il y a un an m'obsède en ce moment, je commence Histoire d'une âme. J'y trouve dès les premières lignes le mystère incompréhensible de l'élection:

    Ensuite, ouvrant le saint Evangile, mes yeux sont tombés sur ces mots: «Jésus, étant monté sur une montagne, appela à lui ceux qu'il lui plut[1].» Voilà bien le mystère de ma vocation, de ma vie tout entière et surtout le mystère des privilèges de Jésus sur mon âme. Il n'appelle pas ceux qui en sont dignes, mais ceux qu'il lui plaît. Comme le dit saint Paul: «Dieu a pitié de qui il veut, et il fait miséricorde à qui il veut faire miséricorde.[2]».

    C'est le mystère d'Abel et Caïn, "le sacrifice d'Abel agréa à Dieu" (faux guillemets, il ne s'agit pas de citation, mais de souvenirs): pourquoi? ou celui du fils prodigue: "Pourquoi pas moi?" demande le fils obéissant.

    Pourquoi lui et pas moi? (souvent le signe de la jalousie).
    Pourquoi moi? (le signe du refus (Jonas) ou de l'émerveillement, de la reconnaissance et de l'humilité (Marie)).
    Pas de réponse. Etre patient ou se montrer digne. C'est tout.

    Notes

    [1] Marc 3, 13.

    [2] Exode, 33, 18-19.

    Caen

    Le but du voyage était l'exposition Trésors de l'Accademia Carrara de Bergame, mais nous avons commencé par ''L'estampe impressionniste'', qui fut une magnifique surprise. (Les impressionnistes sans couleur... tout à fait inattendu, et très beau). L'éclairage est trè doux pour ne pas abîmer les œuvres, et il présente l'avantage de ne produire aucun reflet sur les verres, tous les détails sont parfaitement observables.
    Je découvre de nouveaux noms, Mary Cassat ou Félix Buhot. J'aime particulièrement les paysages "mouillés", pluie, mer, rivière. Je remarque une vue d'Osny... Il s'agit de recherches techniques tendant à rendre unique une lithographie.
    Le catalogue rend compte plutôt fidèlement d'une telle exposition, en noir et blanc et petit format (le plus souvent).

    «Quand tu suces un glaçon, que ce soit l'été ou l'hiver, c'est toujours aussi froid.»
    Déjeuner, discussion à bâtons rompus, éclats de rire et demande de photographies de groupe au serveur, dans la grande tradition touristique.

    Exposition Carrara, tout ce que j'aime de l'art religieux italien (les retables) puis la fantaisie ou la sévérité des portraitistes italiens, et toujours cette impression de reconstituer un caractère et un destin devant les visages hollandais. Un petit cours (un court cours) sur l'histoire de l'histoire de l'art, de l'influence de Morelli (la méthode morellienne) sur Berenson, puis Venise.

    Visite de la collection permanente, Le mariage de la Vierge, Abraham et Melchisédech, ce sont presque des amis à qui nous rendons visite (de vieilles connaissances internautiques que nous rencontrons IRL), les couleurs toujours plus vivantes quand elles paraissaient éteintes à l'écran, adoucies quand elles paraissaient criardes. Et puis la Vierge de Van der Weyden. (Je ne cite que les connus parce que je me souviens de leur nom. Ma préférence va souvent à des moins connus, que j'oublie dès que je les quitte des yeux, hélas. Je peux juste me souvenir que dans ce musée-là, je pourrai revenir, trois, quatre, cinq tableaux que j'aime m'attendront.) Doucement l'overdose se fait, il faudrait revenir souvent et en voir moins, bien sûr.

    Du hauts des remparts nous contemplons la ville. Ciel bleu très pâle au ras de l'horizon, nuages. Immeubles bas, peu d'ardoise, toits en terrasse. Nous visitons l'église Saint-Pierre, avec une abside Renaissance que j'aurais volontiers qualifiée de roccocco si la pierre avait été dorée plutôt que nue... C'est très impressionnant, mais ce n'est pas mon genre. Palais d'Estouteville, symétrie de David et de Judith, têtes à la main. Exposition contemporaine gratuite, du caoutchouc comme de la moisissure (si j'ai bien compris). C'est joli tout ce blanc.

    A pied dans la ville, librairies à la recherche (vaine) de Guillaume le Conquérant, de Paul Zumthor.

    L'abbaye aux Hommes est une surprise et un ravissement. Là pour le coup, tout à fait mon genre: le dépouillement roman et la hauteur gothique (j'espère que je ne dis pas trop de bêtises, j'écris sans recopier Wikipédia). Un beau Vignon.
    Une plaque pour célébrer le neuf centième anniversaire de la naissance de Guillaume le Conquérant (2 juillet 1027) et un tombeau trop neuf pour être honnête (tant pis, je suis enchantée de le voir, presque autant que si j'avais vu la Table ronde ou le Graal).

    Se souvenir: quand on ne sait pas à quel pays appartient un drapeau, répondre "balte". (Mais quel temps magnifique, doux à peine venteux. Un drapeau bleu bleu blanc (ou bleu noir blanc), un autre avec un mont en médaillon et trois étoiles, devant l'hôtel de ville, parmi d'autres.[1].)

    Dernières bières, tickets de tram, nous allons être en retard, mais non, c'est le train (qui le sera).


    Notes

    [1] identification à l'instant: Estonie (bravo Philippe!) et Slovénie

    Il n'est pas ici

    Paul n'est pas enterré à Montparnasse comme je le pensais. Il va falloir que je téléphone à son petit-fils.

    Bibliophore

    • Aller

    - Adorno, Des étoiles à terre (à rendre avec trois semaines de retard)
    - Claude Mauriac, Le Temps immobile, tome I
    - Agatha Christie, La fête du potiron, que lit A.

    • Retour

    - Claude Mauriac, Le Temps immobile, tome I
    - Agatha Christie, La fête du potiron
    - Ernst Kantorowicz, Frédéric II (envie irrépressible depuis l'Italie)
    - Jacqueline de Romilly, La Grèce à la découverte de la liberté
    - Michael Baxandall, L'Œil du Quattrocento

    Enquête sentimentale et dînatoire

    Les questions sont ici.

    1/ J'évite, par discrétion, sauf si l'attente est très longue, auquel cas il peut m'arriver de jouer, si je ne suis pas seule, au jeu «A ton avis, qui connais Emily Dickinson?» Ça permet d'imaginer des vies, de se raconter des histoires.

    2/ Faiblement pimentée. Sinon je n'arrive pas à manger.

    3/ A la lettre. Sauf les temps de cuisson, souvent plus long, et la quantité de sucre, souvent plus petite.

    4/ Non.

    5/ Oui. C'est la base.

    6/ Oui. Je suis old school (et très consciente de ne pas me tenir très bien. Cela dénote le milieu social.)

    7/ Pas spécialement. Ça tombe, on se salit, on savoure moins bien.

    8/ Oui! Ceux de la grande époque, je suppose, les caoutchouteux? Ils ont fait beaucoup de progrès.

    9/ Je ne crois pas.

    10/ Plutôt la cuillère (la soupe).


    répondu le mardi 24 mars 2020, 9e jour de confinement pandémique.

    Journée tranquille

    Fin du repassage.
    Fin du papier peint dans la chambre d'O.
    Fin de tous les épisodes de Mad Men dont je dispose.
    Je me souviens de Bruce nous expliquant, dans la cuisine d'Aubervilliers en 1992, les mutations de l'Amérique entre 1950 et 1960: «Les années 50 c'était comme Happy Days, "Hello, Dad, hello Mum", et dix ans plus tard: "Fuck you Dad!". Personne n'a rien compris.»

    Philippe et les voitures

    Le musée des Beaux-Arts possède deux portraits de Feydeau et de sa jeune femme, la fille du peintre Carolus-Duran (de mémoire). Ce Feydeau-là ressemble beaucoup à un ex-collègue de bureau, Philippe[1].
    Je pense à Philippe en repassant, tandis que Don Draper interdit la pâte à modeler à sa fille, de peur de salir la voiture, ou que sa femme s'étonne devant les enfants: «Papa vous a laissés monter dans la voiture avec du chocolat?». Je pense à Philippe expliquant que le cuir, c'est très résistant (une peau de vache, malgré tout, quand ce n'est pas de buffle), et racontant qu'un voisin à Jersey lavait les coussins de la Rolls à grande eau. Ça me faisait rire.

    Suite au rachat de notre entreprise en 2001, et au changement de société que cela avait signifié pour nous tous, et aux primes diverses que nous avions reçues, il s'était offert, sur les encouragements de sa femme, la voiture de ses rêves, une Mercedes. Et lorsqu'il traversait les petits villages de la Manche, sa région natale, il saluait parfois un paysan d'un appel de phare et d'un signe de la main:
    — Je leur fournis un sujet de conversation pour les trois semaines suivantes, disait-il en riant. Et fronçant le sourcil, empruntant les expressions du coin: «Mais qu'i c'est-i qu'ça peut bien être?»
    Et je riais encore, songeant à ma grand-mère. Je ne connaissais pas alors tante Léonie, sa façon d'envoyer Françoise chercher du sel chez l'épicier pour tâcher d'identifier un inconnu passé dans la rue.

    Notes

    [1] voir aussi Pierre V, roi du Portugal.

    Pélerinage proustien

    Comment expliquer Péguy quand la brume et la pluie noient la cathédrale jusqu'au dernier moment?

    - Suivre une messe en latin n'est pas difficile, chanter en modulant interminablement chaque syllabe beaucoup plus.

    - Je recommande chaleureusement la visite de la maison de Tante Léonie. Service à crème au chocolat et assiette à asperges inclus. Très belles photos, dont une du modèle de "Françoise" (cela m'émeut et me ravit).
    Je ne connaissais pas le pré Catelan, planté par le mari de "Tante Léonie". Je ne tiens pas à remplacer mes images mentales de lecteur par des modèles géographiques "réels" (non, jamais ce parc ne remplacera l'idée que je m'étais construite de la première rencontre de Gilberte et du narrateur), mais cela m'a permis de dédoubler des images que j'avais superposées: pas de différence pour moi entre la demeure de Swann et celle des Guermantes au cours de la lecture, comme si Swann demeurait chez les Guermantes... Cela ne me choquait pas, Swann vit dans les limbes tant qu'il n'est pas installé avec Odette.
    J'ai beaucoup aimé l'église d'Illiers. Pour une fois il est permis d'aimer le XIXe siècle (quelques fresques plus récentes, quelques statues) : qu'importe, du moment que Proust l'a vu. Le banc de la famille Proust est soigneusement capitonné de rouge.
    Trois madeleines, les villageois n'ont pas transformé Illiers en Proustland, c'est le moins que l'on puisse dire (un peu interloqués par les travaux en cours d'une future station d'épuration dans la ville, face à des pavillons d'une dizaine d'années: est-ce vraiment possible?)

    - Meslay-le-Grenet. La femme qui fait visiter (pas à nous) a un tic de langage qui m'exaspère mais que j'ai oublié maintenant que j'écris, ce qui me le fait regretter (ô paradoxes des blogs). Cette danse est très bien conservée dans sa fragilité, c'est-à-dire qu'elle est aussi bien effacée, bien pâle, bien mortelle... Un homme, un squelette, un homme, un squelette, et des commentaires en vieux français. Cette Mort est presque tentatrice, bien plus enjouée que les vivants qui paraissent répugner à la suivre.

    - Château de Tansonville (il ne se visite pas, nous observons à travers la grille («— Mais qu'est-ce qu'on fait là? — Nous soignons notre fétichisme.»)), château de Villebon, premier nom qui apparaît dans les brouillons avant celui de Guermantes. Le château est magnifiquement conservé, en briques rouges, tours et pont-levis. Sully est mort ici (trente et un ans après Henri IV), il est enterré à Nogent-le-Rotrou, contre l'église Notre-Dame, mais pas dedans, puisqu'il était protestant. Nous trouvons sur les murs un Tristan Camus qui m'enchante. Il pleut des cordes, la voix frêle de notre guide couvre difficilement le tambour de la pluie sur les parapluies, les pavés, les gouttières.
    Vieille tradition de service public qui tient les propriétaires successifs de ce château, au service des rois puis au service de la République.

    - Froid. Lait chaud, café et macarons. Peut-on convaincre les enfants de l'intérêt de l'art et de la littérature en les faisant rencontrer des gens qui aiment l'art et la littérature en riant et racontant des (quelques) bêtises ? Peut-on leur montrer qu'il s'agit d'une vision du monde habitable, ni froide, ni méprisable?

    A la maison

    Bricolage. Choix de papier peint. Arrachage de moquette. Allergie à la poussière. Repassage. Mad Men saison 2 (je m'obstine). Dispute stupide à partir de la blague classique du "comble pour un jardinier" (faire rougir ses tomates en leur montrant ses fesses). J'ai le chic pour les disputes stupides.

    Lille

    Le trajet Paris-Lille est bien plus court que je ne le pensais. Exposition Finoglio avec lecture de Laurent devant les tableaux de la Jérusalem délivrée. Formes des chevaux, couleurs des vêtements (vert, rose, violet somptueux), mêlées sanglantes en arrière-fond. Alain Fleischer plutôt discret. Importante collection permanente, si important que nous coupons la visite par le déjeuner (le billet est valable toute la journée). Fortifications Vauban (il faut réserver). Très bel ordonnancement des bâtiments, calme et silence de cet espace militaire. Guide pittoresque, énergique et vivante. Bières, cartes postales. J'ai oublié mon livre au restaurant. Ciel superbe au retour.

    Lausanne

    Premier jour de vacances. Aller-retour à Lausanne dans la journée (6 heures - 2 heures du matin (billet écrit quatre jours plus tard)). Ciel gris en région parisienne, soleil sitôt franchie la ligne de la Loire, brumeux dans le Morvan. En Suisse il ne pleut pas.


    Dans le (très) long couloir central de l'EPFL, un Cray XMP-48 a été transformé en fauteuil.





    Deux autres ordinateurs dans le couloir : un Cray 2 et un Cray T3d MC 256-8 (j'ai pris des notes dans le "brouillon" de mes sms.)

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Pas si bien que ça. J'essaie de progresser.

    2/ Non.

    3/ Oui.

    4/ Oui je les goûte, mais pour la raison inverse: si par hasard mon goût avait changé, si par hasard la façon de le cuisiner jouait un rôle…

    5/ Oui. J'en ai besoin.

    6/ Non ! (rire).

    7/ Pas spécialement parce qu'il est juif et ne travaille pas le samedi: c'est compliqué. Mais c'est l'homme le plus amusant que je connaisse, il m'émerveille par sa gentillesse et sa capacité à toujours trouver un aspect positif à tout.

    8/ Plusieurs.

    9/ Oui, bien sûr.

    10/ Oui. C'est bizarre.

    11/ Le un. C'est encombrant et je risque de le perdre.


    répondu le mardi 24 mars - neuvième jour de confinement pandémique

    Niveaux culturels

    Parfois le monde est bien fait. Prenons les derniers commentaires sur Véhesse, par exemple : ceux qui pensent que dartagnan75 a raison doivent être ravis de la façon dont il me répond, tandis que ceux qui le lisent avec le même œil que moi doivent contempler avec amusement la prose de ce garçon. Tout le monde est content, "pas de goût, que des niveaux culturels".
    Cependant je songe avec un pincement au cœur à ceux qui sont sur une marche plus haute de l'escalier, en me disant que j'aimerais bien les rejoindre, mais que je ne le peux pas, car je ne la vois pas, je ne les vois pas: je ne les reconnaitrais que lorsque j'y serai, mais je ne saurai pas alors comment j'aurai fait.

    K.310, acmé

    Bovino a été l'occasion de me plonger dans les journaux de RC. J'en ressens une grande joie, un grand plaisir, que je n'avais jamais ressenti jusqu'alors, les journaux m'affectant par leur noiceur, par leur ronchonnade. Est-ce la fréquentation de Flickr qui me rend ainsi plus tranquille? Est-ce le dialogue renoué au sein des pages, est-ce le quitus accordé par le journal, après les années difficiles sur le forum du parti?

    Je lis K.310 et je comprends mieux que l'auteur se soit plaint en juin 2003, (sur le site de la SLRC, c'est noté dans Rannoch Moor) du manque de réactions de l'opinion en général et de "ses" lecteurs en particulier. A l'époque j'avais trouvé que cela manquait de cohérence, de la part d'un auteur qui se prétendait éloigné du monde, d'ainsi quémander les réactions. Mais aujourd'hui je comprends et j'ai des remords d'avoir tant attendu. Dans K.310 RC se défend avec vigueur et rigueur, je comprends mieux qu'il ait attendu des commentaires, un soutien, du rire, et j'ai des remords.

    Ce qui m'étreint surtout, à la lecture du premier semestre, c'est la colère, la colère devant tout un petit monde sans rigueur, qui répète des phrases sans avoir réfléchi, juste pour pisser de la copie, juste parce qu'il n'y a aucun risque à écrire la même chose que le voisin. C'est un tout petit monde qui règle ses comptes, qui prend sa revanche :

    Il [un grand avocat] est persuadé (et je le suis aussi) que l'adversaire, pour moi, dans toute cette affaire, ça n'a jamais été les Juifs mais les journalistes, le corps des journalistes, la corporation des journalistes, que j'ai insultée de toutes les façons possibles, selon lui, et qui est trop heureuse de tenir, avec mes pages sur le "Panorama", une occasion rêvée de me faire payer tous mes péchés et d'en finir avec moi.
    RC, K.310, p.282

    Et puis malgré tout le rire, et la poésie.

    Mes pages préférées sont les pages 278 et 279. En deux pages, échantillon de tout ce que j'aime, de tout ce qui me soutient, dans l'espoir que peut-être, l'art et les livres ne sont pas tout à fait inutiles (quelles preuves en avons-nous, si ce n'est notre intime conviction, et notre expérience renouvellée? Inexplicable, impartageable, mais nous reconnaissons d'instinct ceux qui partagent cette même expérience, ce même espoir):

    Que "l'élite" ce puisse être, que ce soit, Jacqueline de Romilly aveugle et creusant Thucydidie, Claude Lévi-Strauss au musée de l'Homme ou tel étudit misérable dans sa gentilhommière au toit percé ou dans sa soupente parisienne, que "l'élite" tienne à la connaissance et au désir de connaissance, à l'étude, à l'usage, aux manières au temps, il ne faut surtout pas qu'une idée aussi déprimante puisse faire son chemin dans les esprits Ibid., p.278

    (Quoi que... je ne comprends pas pourquoi. Pourquoi est-ce que cette idée ne laisse-t-elle pas tout le monde parfaitement indifférent, sauf ceux qui aiment l'étude, parce qu'ils aiment l'étude, et qu'ils se sentent moins seuls à savoir que d'autres l'aiment aussi? Et en quoi cette idée d'une élite, veilleurs pendant notre sommeil, est-elle déprimante, et non pas rassurante?)

    Et puis les pages sur le bonheur, qui me paraissent si importantes («Mais à quoi ça sert, tout ça? ? C'est souvent ce que je me demande, épuisée vers deux heures du matin tandis que je m'endors au clavier. A pas grand chose, sans doute, mais voici une réponse possible: ça ne "sert" à rien, c'est un état d'esprit.

    Affirmation identitaire




    Vendredi soleil levant parking de la gare d'Austerlitz. Pas de seconde prise, la batterie de mon téléphone me lâchait. Le panneau en fer est d'un seul tenant avec le bac.

    Je recopie pour ceux qui auraient du mal à lire :
    « Je suis un olivier
    né en Provence
    il y a plus de 60 ans
    je ne suis pas une poubelle.
    Regardez bien autour de vous,
    il y en a une pas loin.

    (Hélas, le gobelet prouve que cette phrase digne n'est pas toujours entendue.)

    Grumpff !

    Moi à C. : — Quand tu m'as secouée pour me réveiller, j'étais en train de te parler. Je t'expliquais quelque chose, je n'arrive pas à me souvenir quoi.
    A. : — Tu veux dire que même en rêve tu donnes des explications ?

    Vrac

    - déposé un livre chez un sculpteur ;
    - ouvert un compte bancaire ;
    - vu Shreck IV. Bof. Les films qui expliquent qu'il n'y a pas de plus grand bonheur que la vie de famille (et qu'il ne faut pas se plaindre de l'enfer objectif que constitue la petite enfance pour les parents)... ce n'est pas forcément faux (ni forcément vrai...), mais ça sonne gnangnan dès qu'on le met en scène. Et puis l'intrigue est trop lâche.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Ça dépend. Par période. Un air de musique classique aussi, sans savoir ce que c'est.

    2/ Oui je crois. J'ai une idée des grandes directions.

    3/ Qu'il me renvoie une image pas trop fatiguée avec des yeux pas trop cernés.

    4/ De nombreuses, je pense. La flûte enchantée, Chopin, Le Maître et Marguerite, La Solana de Goya.

    5/ Je ne sais plus quand j'ai pleuré pour la dernière fois.

    6/ Sachant que j'écris au dixième jour de pandémie en France… chez moi sans doute.

    7/ Non.

    8/ Oui. C'est une obsession.

    9/ Parce que les gens ne répondent pas. Parce que finalement je ne suis pas sûre de souhaiter en recevoir. Je suis devenue très méfiante.

    10/ Je ne le sais toujours pas.

    11/ Bientôt vingt et un ans.

    12/ Le chêne, l'hêtre pourpre solitaire au milieu de la prairie

    13/ A Agadir la terre tremblait mais je ne le sentais pas.


    répondu le mardi 24 mars 2020

    Livre

    Au retour m'attendait le Guide littéraire de la France, dans la collection des Guides bleus (référence issue dans Journal d'un voyage en France, bien sûr).
    Je l'avais commandé il y a quelques semaines à un libraire de l'Ohio. Le voyage a été long, le livre est venu par bateau.

    A l'intérieur, quatre cartes de visite et aérogrammes collés : il en ressort que ce volume fut offert à l'abbé Astrick Gabriel[1] par Raymond Lebègue, co-auteur du livre.

    L'adresse de l'abbé sur le formulaire de l'aérogramme se trouve dans l'Indiana.

    Ô Eglogues.



    Notes

    [1] Pourtant dans l?article « Condemnation of the Nominalism in Paris during the Fifteenth Century » par Astrick Gabriel dans Miscellanae Mediaevelia, n° 9, Antiqui und Moderni, pages 446-447, j?ai trouvé une information importante.

    Remontée précipitée

    Tarente, vieille ville, Métaponte (une quatre voies à traverser (je veux dire: il faut tourner à gauche en coupant la route) à la sortie de la ville pour prendre deux cent cinquante mètres d'un quasi-chemin de terre pour rejoindre la route que nous voulons emprunter), Métaponte, le soleil, le ciel bleu, la gare de Métaponte, le musée de Métaponte, les ruines des bancs de l'amphithéâtre antique de Métaponte complétés sans solution de continuité par des poutres en acier ou en bois...[1]

    Matera... Plus le temps.

    Un restaurant à Bernalda[2], un tablier de cuisine comportant un escargot "Slowfood".
    Toujours pas de menu, cela nous convient parfaitement. Je commande une bouteille de Brachetto Spumante, un peu parce que j'aime ça, un peu parce que je ne peux résister au nom de conte Lorenzo Sormani. A la vérité, ce vin n'est pas un vin de table "possible" quand on aime le bourgogne, mais il a un parfum d'enfance... (on dirait de la limonade rosée).

    Et puis la remontée à travers le Basilicate, les montagnes, les ouvrages d'art (viaducs impressionnants), quelques règles qui se dessinent, (l'Italien en Mercedes est un gentleman, celui qui conduit une BMW est un fou dangereux), les voies d'accélération et de sortie ridiculement courtes.
    Autoroute ou quatre voies? En tout cas, gratuit. En approchant de Naples, certains balcons semblent surplomber la route, j'en remarque même un qui a dû être râpé par un camion.
    Nous rendons la voiture avec retard, mais peut-être parce que nous la couvrons de compliments, le supplément ne nous est pas facturé.
    Nous n'avons pas raté notre avion (soulagement et regrets).

    Que le monde est beau, bien-aimée, que le monde est beau !



    Notes

    [1] Avertissement à qui tomberait ici par hasard: aujourd'hui Métaponte vaut surtout par sa plage. Le reste n'est qu'allusion à Larbaud et Barnabooth...

    [2] La Locanderia, C.so Umberto I, 194

    La route qui va nulle part

    Cette après-midi nous décidons d'aller voir un autre château de Frédéric II, le château de Melfi.

    Nous reprenons la route fantôme, toujours aussi déserte (il ne s'agit pas d'une petite route de montagne enchassée entre les arbres, non, il s'agit d'une quatre voies jaunissante posée sur les champs. Par endroits les plaques de goudron commencent à se détacher, ailleurs des boules d'herbes folles roulent sur la chaussée. On se croirait dans un western.)

    Nous disposons d'une carte assez sommaire, je m'oriente un peu au soleil, nous prenons une nouvelle route, superbe, empruntant de longs viaducs incompréhensibles au-dessus de la campagne, sans que l'on comprenne ce choix de surplomber les champs plutôt que de poser la chaussée sur la terre. Le soleil descend, nous sommes partis tard, le déjeuner a duré longtemps, Massimo m'a résumé en français son intervention en français, dans cette langue parfaite, sans hésitation mais lente, suite de mots choisis avec soin, qui me fait goûter ma langue comme une langue étrangère et parler avec de plus en plus de surprise.

    A la sortie de cette route, je me trompe et nous fais prendre la direction "Nicolas de Melfi". Nous nous engageons sur une magnifique route suspendue, un moment parallèle à celle que nous venons d'emprunter. Nulle indication, nul village à l'horizon, nul croisement. Route suspendue et gratuite, qui ne va nulle part, qui n'apparaît pas sur la carte. Elle dure. Elle est longue. Il est impossible de la quitter, puisqu'elle est une interminable avenue entre ciel et terre.
    A la première sortie, qui paraît être également la fin de la route, (mais où sommes-nous?), nous profitons d'un rond-point pour faire demi-tour et emprunter dans l'autre sens cette route magnifique et inutile.


    (Melfi. Le corps central du bâtiment est cimenté. En 1231, les Constitutions de Frédéric II ont été signées (ou données?) ici.)

    Plumeau

    Sur le carrelage du restaurant, la grosse araignée noire avait de petits chaussons de poussière.

    Un film, une visite

    L'intervention marquante du jour portera sur B.Traven, auteur mystérieux dont on ne connaît que le pseudo. Les livres sur les voyages en mer me fascinent, il s'agit toujours de voyages initiatiques vers la mort.

    Autre choc de la matinée, un extraordinaire film sur Naples, Dreaming by numbers, qui décrit la passion napolitaine pour la loterie. Il existe un livre, le livre des Grimaces, qui permet de convertir tout fait, tout objet, en nombre, et donc de le jouer à la loterie. La réalisatrice commence par nous montrer une échoppe où se vendent les billets, puis choisit quelques personnages et leur fait raconter leur histoire et leur passion. C'est souvent déchirant, sont mis en lumière, sans geste, la difficulté de la vie quotidienne et la décision de ne pas en faire drame, de vivre malgré tout. Jouer à la loterie, ce n'est pas vivre, c'est décider de vivre. Quelque chose d'Affreux, sales et méchants court sous ce film, atténué par la générosité de la caméra.
    Un vieux monsieur, historien en train de devenir aveugle, raconte: «Moi je suis un bourgeois. J'ai recueilli Maria, je lui ai dit: "Maria, pourquoi tu joues comme ça? Tu pourrais économiser, mettre quelques sous de côté, pour l'avenir". Elle m'a répondu: "Monsieur, je joue parce que je veux pouvoir dormir la nuit". Et je me suis dit que j'avais des réflexes de bourgeois, économiser, c'était se construire un avenir, elle, elle ne pouvait qu'espérer vivre encore un jour».

    Ce matin au petit déjeuner Edgar nous a parlé d'un château à visiter. Il devait rentrer en urgence en Allemagne et nous a fait rire («Je ne vais pas partir sans payer, les Allemands ont suffisamment mauvaise réputation») et comme je m'étonnais de la gentillesse des gens du pays: «C'est parce qu'ils habitent en montagne. Ils n'ont jamais été envahis. Les Grecs étaient trop paresseux, ils se sont arrêtés dans les plaines. Les gens des plaines sont plus méfiants, c'est très difficile de faire parler les Calabrais. J'aimerais bien que Béatrice organise un colloque en Calabre, ça me permettrait d'étudier les gens sur place.» (Edgar est spécialiste des dialectes italiens, il étudie les variations et déformations du langage.)

    Nous nous renseignons au cours du déjeuner: «Mais oui, Castel del Monte, c'est le un centime!»
    Hein, quoi? J'imagine aussitôt un système de classification italien où nos étoiles au guide Michelin seraient remplacées par des centimes… Mais pourquoi UN centime pour un château à visiter absolument?
    Renseignement pris, il s'agit du château sur la pièce de un centime italien.
    Une route fantôme, que nous paraissons seuls à connaître, surplombée de ponts qui ne portent aucune route (A quoi peuvent-ils servir? Aux tracteurs? Hypothèse de H.: «Un type construisait des ponts, il a vendu des ponts, l'Union Européenne a payé.») Puis des oliviers à perte de vue, je n'ai jamais vu autant d'oliviers. Castel del Monte, du vent, la vue qui porte à des kilomètres, une architecture dépouillée, parfaite, si parfaite que certains doutent que le château ait jamais pu être habité tant il manque de commodités, tandis que d'autres imaginent des campements à la mode arabe au milieu des salles.
    J'achète le seul livre en français sur Frédéric II, une minuscule biographie destinée aux enfants, qui commence par «Imaginez qu'en ce temps-là il n'y avait pas de télévision ni de Wii» (citation de mémoire, mais je suis très proche).
    Je suis heureuse.
    Désir de Kantorovicz, désir irrépressible de Kantorowicz.

    H. veut voir l'Adriatique, nous passons à Trani, dont c'est la fête du saint patron.

    Le soir, il y a concert dans le cadre du colloque. Nous arrivons en retard, le concert a commencé. Chants traditionnels, juifs pour la plupart mais pas uniquement, recueillis tout autour de la Méditerranée. Je ne suis pas capable d'apprécier les variations de mélodie et de rythme (je n'ai pas le souvenir de la musique, je ne sais pas discerner), mais les variations des paroles d'un pays à l'autre m'impressionnent et m'enchantent (en fait, ce qui m'impressionne, c'est le noyau dur, ce qui résiste dans les transformations). La chanteuse, fort peu sympathique au demeurant, est un monstre polyglotte qui parcourt les pays méditerranéens à la recherche des derniers témoins de civilisations orales en train de disparaître. Elle recueille les chansons et les note. Et les chante.

    Deuxième journée

    Mise en forme de 5 à 7 heures, toujours dans la salle de bain. Je dors une heure. H. intervient pour diverses sauvegardes.
    Mon intervention est la première de la journée. Je ne crois pas que je trouverai un jour une plus jolie salle de colloque. Je suis le petit VRP de la camusie. Je ressens de la gêne à donner, via le filtre de l'objet du colloque (fatum et téléologie) une image aussi biaisée des journaux de RC. Le regard est partiel, orienté.

    Puis Médée, Dante, Michel Leiris.

    (Plus tard un intervenant, le seul qui ait connu Camus, me demandera: «Mais pourquoi les Eglogues?» La réponse condensée qui me vint fut «Ça me fait rêver».)

    L'après-midi est projeté un film formidable (La vie autrement) d'une réalisatrice belge Loredana Bianconi: interview de quatre femmes d'origine maghrébine ayant choisi de se couper de leurs racines pour vivre la vie dont elles rêvaient et racontant le prix de ce choix. Au-delà du sujet, ce sont quatre personnalités qui se dessinent, c'est très émouvant, d'une grande force de vérité, chaque femme réussissant sans en être consciente à être totalement des individus, uniques, et des archétypes.

    H. et N. sont fatigués et viennent me chercher. J'ai le regret de "sécher" la fin de journée. Je trouve impoli de quitter la salle alors que des intervenants n'ont pas encore parlé (ou plus radicalement partir, quitter la ville, dès qu'on a parlé. Mais il faut dire que si mon but est prosélyte, il est aussi de m'instruire, d'apprendre le plus vite possible auprès des meilleurs (ou tout au moins des passionnés, ceux qui préparent des interventions pendant leurs vacances?)). Ce n'est pas forcément le cas des autresparticipants, souvent professeurs.

    Première journée

    Désormais je ne peux plus travailler dans le patio. Entre cinq et sept je travaille assise sur le carrelage de la salle de bain, l'ordinateur sur les genoux. C'est stupide mais ça m'amuse, inexplicablement ces bizarreires m'aident à me concentrer.
    Je laisse mon ordinateur à H. avant de partir pour la journée afin qu'il mette en forme les citations sur keynote.

    A 9h30 le programme prévoyait le discours d'accueil de "l'échevin de la culture", sans que je sache si c'était le terme italien ou une impropriété belge (patrie d'adoption de l'organisatrice). L'échevin est un grand italien barbu décontracté en jean et chemise à carreaux...

    Interventions en français: Yourcenar, Léautaud, Morand et Nérimovsky.
    Le film de Sophie Calle, Prenez soin de vous. Nous ne voyons que vingt minutes choisies de son film, c'est très drôle (les passages sont très bien choisis), mais son idée de faire lire publiquement une lettre de rupture pour s'en moquer me révulse. Guérir une blessure par l'humiliation publique de l'autre, mais quelle horreur. Le comble est qu'elle sera sans doute surprise si le suivant la quitte sans un mot.

    Je me fais intercepter par H. au cours du dernier film de la journée que je ne peux donc voir en entier. Entretemps, en écoutant les interventions sur Yourcenar et Léautaud, j'ai eu une illumination sur la façon de terminer mon propre papier (les rapports entre destin et hérédité, mais c'est bien sûr!).

    Sortis très tard de table après que H. ait obligé X. à venir dîner comme il s'y était engagé.

    Je travaille jusqu'à avoir terminé (une heure du matin). Je remets au lendemain tôt (5 h du matin) le fait de tout copier sur Keynote puisque je n'ai pas d'imprimante: il faudra lire directement sur écran. J'espère malgré tout réussir à lever les yeux de mon texte... (Le problème est un problème de niveau de langage. Dès que je n'ai plus le soutien de l'écran, j'ai l'impression de parler atrocement mal, de façon très relâchée. L'écrit me rassure, non contre d'éventuels trous de mémoire (je pourrais parler sans avoir rien préparé), mais contre cette langue qui m'échappe et que je ne maîtrise pas. N. à qui j'explique mes craintes rit: «Oh oui, moi j'attends toujours les questions: on voit les gens qui lisaient un texte parfait, très léché, se mettre à parler naturellement, le décalage est souvent amusant.»
    Voilà qui n'est pas rassurant.)

    Repas du midi dans un restaurant que nous n'aurions jamais trouvé seuls. Buffet. Le restaurateur produit ses fromages. Je me damnerais (c'est peut-être ce que j'ai fait) pour cette ricotta.
    Terra e Sapori
    di Agata d'Alessandro
    Via Martiri di marzabotto, 5
    Bovino

    Une enquête sentimentale

    Les question sont ici sont ici.
    Réponses apportées le 1er octobre 2016.

    1/ Plutôt au moment où je m'habille.

    2/ Jamais je n'aurais osé leur demander une futilité. Ma mère nous racontait toujours combien elle avait été malheureuse à l'internat, comment les autres se moquaient d'elle parce qu'elle était mal habillée (on pourrait croire que cela l'aurait incité à nous habiller dans l'air du temps: mais non, c'était plutôt tu peux bien souffrir puisque j'ai souffert.)

    3/ Je devrais. J'essaie.

    4/ Oups. Quatre ans? je mange des crevettes depuis toujours. 5/ Non. Je reste le moins possible en maillot de bain. Mon corps m'embarrasse.

    6/ Oui. Cela ne me gêne pas beaucoup. Je dois être trop factuel et pas assez sentimentale, j'espère que cela ne laisse pas de séquelles affectives.

    7/ Non. Ouh lala. J'ai dû avoir droit à un «Fais attention» quand j'ai commencé à sortir avec mon (futur) mari.

    8/ Par expérience, c'est indécidable à priori.

    9/ Oui. Ce n'est pas un animal très intéressant.

    10/ Par périodes. C'est très déstabilisant.

    Insomnie

    Nuit de mardi à mercredi, de nouveau réveillée, un peu moins longtemps. Décidé de tout recommencer. Repartie de zéro.[1]
    Je travaille, j'avance lentement.

    Quand j'étais étudiante, les échéances me paraissaient des murs. J'avais l'impression que j'allais me fracasser contre, que le monde n'existerait plus, cesserait de tourner, au moment où l'échéance cherrait.
    L'âge et l'expérience venant, j'ai pris l'habitude de m'imaginer après, une heure après ou le lendemain, afin de maîtriser la panique, de me convaincre de l'écoulement inéluctable du temps, de relativiser tout cela (il faut dire que cela me rendait réellement malade de terreur; c'est ainsi qu'à vingt-deux ans j'ai interrompu mes études en dernière année tant l'idée du grand O me terrifiait (je les ai achevées plus tard, après avoir appris à relativiser (au moins un peu) en entreprise (à l'approche de 2000, un chef me disait encore : «Tu prends tout au tragique».)).
    L'inconvénient de cette méthode, c'est que j'ai le plus grand mal à me mettre à travailler: après tout, puisque quoi qu'il arrive le temps va passer, puisque tout cela n'a pas d'importance...
    Tentation de laisser tout tomber, d'abandonner. Je me retiens de le dire, de le formuler; je sais que si je prononce ces mots, la machine se mettra en route, pour accomplir ce que je désire et ne désire pas.

    Seule dans la journée. H. est parti à Bovino, à la recherche du wifi (succès sur toute la ligne: wifi gratuit pour le prix d'un capuccino dans l'après-midi, 80 centimes).

    18h30. Début officiel du colloque, accueil dans la cour, nous attendons des Français en retard (!), Béatrice est très inquiète que nous puissions être mécontents, nous la rassurons comme nous pouvons, il fait un temps magnifique dans un cadre superbe.

    Le soir, nous dînons comme les soirs précédents à Panni, auprès de nos hôtes qui tiennent également un restaurant, La Locandia di Pan. Pas de carte, à peine un menu, on s'obstine à nous demander ce que nous voulons, barrière de la langue, nous nous efforçons de faire comprendre que nous mangerons ce qu'on nous donnera: nous ne prenons pas grand risque, tout est excellent, les produits très frais (légumes, fromage, pâtes, fruits) cuisinés le plus simplement du monde, c'est délicieux. Je me souviens avoir lu que l'essor de la cuisine bourgeoise en France, terreau indispensable à une tradition gastronomique, date du mariage de Henri II avec Catherine de Médicis qui amena ses cuisiniers d'Italie.

    Notes

    [1] Ça me paraît tellement incroyable une semaine plus tard que j'ai vérifié la date sur le fichier: créé le 28 juillet à 2 heures 39, pour une intervention le 30 juillet à 10 heures, sachant que le 29 était entièrement occupé par des conférences. Visiblement je n'avais plus aucune notion du temps.

    Panni studieux

    Une chose que j'aime en montagne : l'ombre des nuages sur le paysage.
    Eoliennes à perte de vue sur les crêtes.

    Dans la nuit de lundi à mardi, réveillée à deux heures du matin. Je me suis levée et j'ai profité que nous fussions seuls dans la maison pour aller travailler dans le salon sous les toits, avec sa large baie vitrée sur l'horizon.
    Travaillé de deux à six heures, puis dormi deux ou trois heures.

    Journée très calme, au village. Journée studieuse chacun à notre ordinateur. Je me dis en contemplant notre chambre que nous n'avons besoin de rien de plus: quelques rayons d'étagères, peut-être. Mon idéal reste la cellule monastique, ou ce que j'ai connu de plus proche, la chambre de cité U.

    Panni désert

    Naples – Panni – Bovino – Foggia – Panni
    Location d'une voiture: Naples (Floride) nous promettait une corvette, dans la même catégorie Naples (Italie) nous octroit une Fiat 500 rouge vif, superbe, à la direction d'auto-tamponneuse, se faufilant partout (et heureusement. Je ne compte plus le nombre de demi-tours sur routes ou reculs dans des rues trop étroites paraissant finir dans des cours privées). Il me semble de plus en plus évident qu'il existe un rapport étroit entre les voitures fabriquées par un pays et sa topographie, la topographie de ses villes. Je suis trop française pour comprendre ce que disent de la France les voitures françaises (avoir inventé le monospace: qu'est-ce que ça veut dire?) mais je serais curieuse de comprendre le rapport des voitures japonaises au Japon.

    Atteindre Panni n'est pas de tout repos. Personne à la chambre d'hôte que nous avons réservée, il est quinze heures, tout semble désert.[1]
    Panni- Bovino, route improbable, je repasse en première dans les virages en épingle, à un endroit la chaussée s'est effondrée dans le ravin.
    — Eh ben dis donc, j'espère qu'il ne passait personne quand ça s'est effondré!
    — Si ça s'est effondré, c'est qu'il passait quelqu'un.

    Bovino, palais ducal (ou diocésain). Francesco est très serviable, il téléphone à Béatrice B., nous démêlons la situation. A huit ou neuf heures du soir, nous serons attendus à Panni pour dîner et retrouver notre chambre, Béatrice est navrée du contretemps.

    Foggia. Pas de parcmètre, mais un homme qui délivre des tickets quand il vous voit arriver (est-ce que c'est rentable? Plus besoin de gérer des contractuelles et un suivi des contraventions, en cas de dépassement de temps de stationnement il vient réclamer le supplément, accessoirement il surveille et donc protège les voitures. Un euro ving les deux heures, à combien est l'heure de Smic chargée, combien faut-il qu'il facture de voitures pour que son embauche soit rentable?) Un café, nous n'arrivons pas à nous faire comprendre, glaces, wifi, les magasins commencent à ouvrir (il est 17 heures, je vérifie les horaires d'ouvertures, 17- 21 heures, mais que cela doit être pratique quand on travaille dans un bureau), nous visitons le jardin. Je pousserais bien jusqu'à la mer mais nous sommes fatigués.

    Le soir je vois un épisode de Lost pour la première fois. C'est au restaurant, la télévision gueule, c'est en italien et je n'y comprends rien.

    Notes

    [1] Dans les jours qui suivront, nous apprendrons qu'il faut s'arrêter au café, en bas dans le village, devant la poste, pour demander les clés.

    Somatique

    Je me souviens qu'en février ou mars 1995, devant présenter un exposé sur Paul Ricœur auquel j'accordais une grande importance, je me réveillai avec une extinction de voix. Une amie lut l'exposé à ma place. (Le même jour j'avais rendez-vous entre deux avions avec une autre amie qui repartait à Tahiti. L'échange fut limité.)

    Bovino

    — Bovino, Bovino, mais qu'est-ce que vous allez faire à Bovino? Il n'y a rien à faire à Bovino!

    Le stress peut-il se traduire de façon ligamentaire? Coude gauche en mauvais état.
    Réalisé tard le soir que si je voulais avoir une version papier à emmener, j'avais vingt-quatre heure pour terminer, et non trois jours comme je le pensais.

    Eça de Queiroz

    Lundi, à la suite d'une série de déconvenues, je me suis retrouvée sur le terre-plein central de l'avenue du Général de Gaulle à Neuilly (métro "Pont de Neuilly", sortie "rue de l'église").

    A ma grande surprise, j'y ai découvert une statue de Eça de Queiroz, que je révère depuis la lecture des Lettres de Paris. (Et il paraît que ses romans sont meilleurs encore, ce qui à vrai dire me fait un peu peur.)


    Photo de téléphone, huit heures du matin, ciel maussade.


    2010-0720-EcaDeQueroz.jpg



    Sculpture d'Antonio Teixeira Lopes, selon une étude de 1903. Statue offerte par la ville de Lisbonne en 2004.


    (Je trouve ce visage admirable.)

    Une enquête sentimentale

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 1er octobre 2016.

    1/ pas spécialement.

    2/ Plutôt oui, car je sais que les enquêteurs sont payés au questionnaire. Mais c'est toujours plus long que ce qu'ils annoncent.

    3/ Oui, mais en avance d'un an, peut-être.

    4/ Non, pas souvent. A la limite c'est moi qui vais interrompre!

    5/ Dans les transports.

    6/ Au lycée, oui. De la solitude.

    7/ Maintenant oui, car qu'à douze ans j'ai coupé les ponts avec une amie parce qu'elle lisait Guy des Cars.

    8/ L'amour de l'argent (mon avant-dernière conseillère bancaire).

    9/ Avoir pris mon temps, avoir bien ramé, avoir appris quelque chose, avoir résolu un problème.

    10/ Plus maintenant. je me détache des animaux comme étant tout autre.

    11/ Non.

    Vacances

    — Et tu construis quoi ?
    — Je ne construis pas, je comble !
    — Tu combles en faisant des trous ? Il est pas près d'être fini, ton chantier !
    — Les trous, c'est pour remplir: il s'agit de remplir d'un mélange de béton, de cendres et d'eau les anciennes carrières de Paris qui s'affaissent. Ça s'appelle du coulis, je trouve ça joli…
    — Tu fais des trous pour combler des carrières avec du coulis ?!…

    Vocabulaire

    — Je n'ai plus que deux frags à finir.
    — Viens manger, deux frags, ça peut prendre un quart d'heure.

    Il paraît que je ressemble à un zougoumfritien.

    Finalement

    Il faut bien me rendre à l'évidence: j'adore lire RC.

    Folie II

    De nouveau la directrice. Très longue conversation. En huit jours, A. leur a offert un pot-pourri de son savoir-faire, un florilège de ses meilleurs moments. Je suis anesthésiée, navrée qu'elle fasse subir cela à un groupe de vingt-huit enfants, cinq animateurs, venus passer dix jours à pratiquer leur passion. J'ai proposé qu'ils la mettent dans un train et la renvoient à la maison mais il est trop tard, le stage se termine vendredi.

    La directrice a téléphoné dans un but thérapeutique, pour s'épancher elle. Ça fait plaisir d'avoir affaire à quelqu'un qui ne s'est pas laissé embobiner, et qui a les mêmes analyses que nous.
    Une nouveauté cependant: au lieu d'évoquer un traitement psychologique (ce que fait habituellement la plupart des gens), elle propose d'explorer une piste neurologique, à commencer par des examens sanguins approfondis.

    Je n'imagine pas me lancer là-dedans, mais j'en parlerai quand même à notre médecin. Après tout…
    Ce serait bizarre de se retrouver dans un cas bénin de L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau.

    Folie I

    J'ai évoqué autrefois ma terreur de finir comme Ruth Fisher, enterrée vivante entre la machine à laver et "les enfants à élever" (syntagme figé). Me revient en mémoire une émission d'Eve Ruggieri (j'entends encore sa voix prononcer les mots), en 1985 ou 1986, dans laquelle elle évoquait une jeune femme qui, venant d'apprendre la mort de son mari, hurlait d'affolement dans les couloirs du château de Versailles: «Pas le couvent! Pas le couvent!»1. Parfois devant les tâches ménagères et les heures de RER je hurle dans les couloirs de ma tête: «Pas le couvent! Pas le couvent!»

    (Qu'est-ce que je pense de Mad Men? Qu'est-ce que je pense de Don Draper, un personnage qui enferme sa femme, lui fait suivre une psychothérapie, interroge le psychiatre (ce qui pour moi est l'équivalent d'un viol de l'âme), mais n'est pas capable de lui confier sa vraie identité, ne lui parle pas, la laisse mourir à petit feu? Je n'en pense rien, tout cela m'est étranger, à mille lieues de mes préoccupations. Ce ne sont pas des personnages qui se battent, ce sont des personnages qui survivent. (A la rigueur Roger…) (Parenthèse dans la parenthèse: Et si l'on considère que la représentation dit une certaine vérité, à la fois sur les années 60 et les années 2000, il me semble que le personnage de la femme de Don Draper (son prénom m'échappe: Bett? Elisabeth?) est l'ancêtre (bien que la chronologie de la production soit inverse) des clinquants Desperate Housewives d'une part, Sex and the City d'autre part. De cela je tirerai une conclusion concernant mes goûts: je n'aime pas les téléfilms "vernis", qui montrent un monde où tout est brillant, au sens propre (la décoration, les vêtements, les couleurs) et figuré (la situation sociale, les métiers, l'éducation, etc).))

    Pas Ruth Fisher, donc.
    Mais en ce moment, c'est une question de Claire qui me trotte dans la tête:
    — Maman, pourquoi est-ce que j'attire toujours les dingues ?


    Note
    1 : Laurent m'apprendra qu'il s'agit de la princesse Palatine.

    Marais

    Déménagement (un étage, pas de meubles).
    Diabolo menthe.
    500 grammes de thé (rupture, on risque la crise de manque).

    Les rues sont très animées, beaucoup de magasins sont ouverts. Je regarde les chemises, je me marre devant les caleçons.
    — Ce que j'aime chez les gays, c'est qu'ils sont gais. Ils ont un sens du kitsch… ils en font toujours un peu trop, mais en le sachant…

    Ce que j'aime, c'est le sentiment de gaieté intérieure qu'ils me donnent (pas me donnent moi, le sentiment qu'ils l'ont, eux), de fantaisie, de légèreté. Il y a là un rapport à l'enfance, quel mot choisir, ni enfantin ni puéril… Juvénile?1
    Je cherche le plus discrètement possible une trace de gravité sur les visages, je pense à un billet récent de Matoo, au doigt cassé de R. dans une agression, au Journal d'un voyage en France. J'ajoute pour le bénéfice de C., je sais qu'il ne sait pas, moi-même j'ai du mal à le croire dans cette après-midi dorée du Marais:
    — On ne dirait pas que c'est fragile, que la plupart ont connu l'hostilité ou la connaissent encore… Matoo disait que dans certains quartiers il avait peur des gestes tendres.
    C. me regarde, interloqué.


    Note
    1 : pentimento: sentiment semblable sur des modes différents avec les geeks (pas les nerds), les oulipiens… Quel pourrait être leur point commun? l'aptitude au jeu, au rire, à l'écart, à l'échappée?

    Vitrine sociale

    Si ma mère n'était pas de ce monde, j'aurais toujours la ressource de me suicider. Mais, outre que rien n'assure que j'aurais le courage d'un tel acte, je crains le chagrin qu'elle en éprouverait, et plus encore celui qu'elle se sentirait tenue, par ses convictions, son éducation, par l'usage, d'en ressentir.
    RC, Hommage au Carré, p.49

    C'est drôle, c'est toujours ce que j'ai pensé de ma mère, à peu près: qu'un suicide ne lui ferait pas vraiment de chagrin, que cela lui causerait avant tout une honte sociale ("cela ne se fait pas") et a thrilling (enfin quelque chose d'un peu dramatique à raconter).

    (Dans la phrase de RC, reste ambigu le fait qu'il redoute le chagrin social parce que ce serait du chagrin ou parce qu'il serait artificiel).

    Pas de miracle

    Il y a dix jours dans la cuisine je remplissais machinalement le dossier du stage de chant qu'allait suivre ma fille. Celle-ci était présente, et je commentais en écrivant : « Vaccins... à jour, allergies... non, traitement médical... non, observations particulières...»
    Je relève la tête : «Tu vois, j'hésite toujours: est-ce qu'il vaut mieux les prévenir de ton caractère, ou est-ce qu'il faut te laisser ta chance? J'ai prévenu une fois, depuis je ne le fais plus.»
    Et plus loin : — Ah, et si ça se passe mal, ils peuvent te renvoyer, le voyage est à notre charge.
    Elle commente : — Triste.

    Ce soir nous avons reçu ce mail :
    Bonjour Madame,
    Bonjour Monsieur,
    Je me permets de vous contacter pour vous prier de m'appeler sur mon portable au 06 xxx.
    L'horaire le plus propice pour moi serait vers 20h.
    J'aimerais m'entretenir avec vous au sujet de A.
    Rien de gravissime, rassurez-vous.
    En vous remerciant par avance,
    cordialement,
    Isabelle X
    Directrice du séjour XXXXXX
    Non, rien de gravissime et rien de nouveau pour nous (la directrice, par contre, voulait s'assurer que c'était "normal". Normal, je ne sais pas, mais ordinaire, oui).
    Simplement une déception et du découragement, et l'assurance désormais que A. se sera rendue insupportable dans son prochain lycée au bout d'une semaine. Dans cette colonie, cela a pris cinq jours.

    Je me suis servie un verre.

    Une enquête sentimentale

    Les question sont ici sont ici.
    Réponses apportées le 1er octobre 2016.

    1/ Une religieuse.

    2/ Les deux, ça dépend de la vitrine. (Mais je me regarde beaucoup, j'avoue).

    3/ Non. Il y avait eu un accident à l'école et nous étions devenus prudents.

    4/ Longtemps. J'ai toujours un livre. Sauf si j'ai un rendez-vous après.

    5/ Un ciel bleu (ce qui signifie que je suis dehors).

    6/ Tant pis. Ça se passera peut-être bien (surtout maintenant avec les tablettes électroniques).

    7/ Oui.

    8/ Non. J'aimerais même que disparaissent les preuves que je l'ai tenue un jour !

    9/ Oui. Ou plutôt triste: comment, je suis si peu comprise ?

    10/ Oui.

    La Défense, lieu d'histoire

    Un homme m'a demandé si je cherchais quelque chose, j'ai dit que je voulais seulement voir l'ancienne gare [de Cahors], mais je n'ai pas osé expliquer pourquoi, de crainte de me présenter dans l'emploi fastidieux, et obscène pour le coup, chère Arcadie, de héraut de la poésie. Et pourtant il me semble que ce serait moins dur de travailler dans ces murs si l'on connaissait l'existence de ces lignes qui leur sont consacrées. Gare, ô double porte ouverte sur l'immensité charmante / De la Terre...[1]
    RC, Journal d'un voyage en France, p.468

    Certitude: La Défense est devenu pour moi un lieu "possible", habitable, vivant, un vrai lieu avec une histoire et non une place artificielle et inhumaine, du jour où j'ai découvert la statue de Barrias posée sur un pilier en plein centre du parvis (et curieusement invisible, in-remarquée, sur le fond de tours qui constitue l'horizon) et que j'ai appris que ce nom de Défense était un hommage aux Français qui avaient ici défendu Paris contre les Allemands en 1870.

    Notes

    [1] Valery Larbaud, Les Poésies de A. O. Barnabooth, in Poésie Gallimard, pp.38-39 et in Oeuvres, Pléiade, pp.51-52.

    Choix III

    — Espagnol, c'est complet. Il reste latin, grec, ou chinois.
    — Latin et grec ça sert à rien. Chinois.

    Un peu de politique: l'affaire Woerth

    Innocent, présumé innocent, coupable.

    Je n'en sais rien, mais qu'est-ce que ça change? soit c'est un naïf incompétent qui n'a rien vu, soit c'est un pourri corrompu (pléonasme) qui ment comme il respire. Dans les deux cas, démission: comment voulez-vous que cet homme aille défendre dans quelques semaines la réforme du régime des retraites face aux syndicalistes ou aux députés?

    En entreprise on hésiterait pas trois secondes: cet homme ne peut plus assurer les fonctions pour lesquelles il est payé, donc dehors!

    Feignasse !

    L'étage s'est vidé durant le week-end. je fais le tour des bureaux, récupère une carte de France, un calendrier, des aimants... Dans l'ancien bureau d'une personne de la DRH je détache une liasse d'éditoriaux photocopiés de je ne sais quel magazine. Il s'agit pour la plupart de conseils comportementaux, mais l'un a retenu mon attention:

    Vous voulez donc prendre un jour de congé. Regardons de plus près votre demande. L'année compte trois cent soixante cinq jours. Il y a cinquante deux semaines par an et chaque semaine vous disposez déjà de deux jours de congé. Il vous reste donc deux cent soixante-et-un jours disponibles pour le travail. Comme vous passez seize heures par jour loin du bureau, vous enlevez cent soixante-dix jours, ce qui vous laisse quatre-vingt onze jours de présence. Vous faites chaque jour une pause-café de trente minutes, soit un total de vingt-trois jours par an, ce qui vous laisse donc soixante-huit jours. Avec une pause de midi d'une heure par jour, vous utilisez encore quarante-six jours, laissant vingt-deux jours disponibles pour travailler. En moyenne, vous êtes malade deux jours par an, ce qui vous laisse vingt jours. Comme l'année compte cinq jours fériés et que l'on vous accorde en plus quatorze jours de vacances, il ne reste plus qu'un seul jour pour travailler! Je veux bien être pendu si je vous laisse prendre précisément ce jour de congé!

    Irrationnel, et pourtant

    Le 26 juin, nous avons appris que A. était sur la liste d'attente des admissions au lycée Y. Ce n'était pas prévu.
    Comme nous lui avions promis qu'elle n'irait pas dans son lycée "naturel" (le lycée prévu par la carte scolaire) afin de pouvoir repartir de zéro, dans un environnement où personne ne la connaîtrait (une nouvelle vie, une nouvelle chance, en quelque sorte), en dix jours nous lui avons trouvé par relations une place ailleurs, dans un lycée Z. dont les inscriptions étaient closes depuis février (il faut dire que son dossier plaide pour elle).

    Nous avons appris vendredi qu'elle était finalement acceptée à Y. Dilemme, où aller? Elle n'a pas voulu choisir, j'ai donc tranché: ce sera Y.
    Maintenant il faut dire à Z., que nous avons abondamment dérangé pendant une semaine et dont la responsable a été charmante, nous consacrant tout le temps nécessaire, que A. ne viendra pas.

    A. a des remords. Comment lui expliquer, lui communiquer, notre intime conviction que c'est aussi parce que nous nous sommes remués, que nous avons trouvé Z., que Y. l'a acceptée?
    C'est irrationnel et invérifiable, mais j'ai tant de fois constaté la vérité de l'adage "Aide-toi, le Ciel t'aidera".

    Couleurs, chaleur

    Chaleur, puces, moustiques, voisins qui font la teuf jusqu'à trois heures du matin... Rien à faire, j'ai trouvé l'hiver si long que je suis contente de me réchauffer enfin un peu.

    Je joue au camaïeu de bronzage en variant la largeur des bretelles des robes. En vérité c'est atroce. Mais on dirait que grâce à l'aviron je vais enfin réussir à bronzer un peu cette année.

    Contente

    Je ne développerai pas, mais ce soir, tout baigne (non, je ne parle pas de la température). Journée de réussite, mieux que si j'avais pris de la Felix felicis. A tel point que je suis passée (en vélib) vérifier s'il n'y avait pas une chambre à vendre rue Crémieux.

    Douche tiède-froide et au lit pour travailler à la fraîche demain.

    RER

    • mercredi soir

    "De multiples incidents sur la ligne A". Je prends la ligne 1, de La Défense à Gare de Lyon, soit vingt minutes de plus, à peu près. Lire debout, se souvenir des passages remarquables pour les noter quand je serai assise.
    Ligne D. Arrêt dix minutes en rase campagne. Nous repartons.

    • ce matin

    Très en retard. Normalement le dernier RER que je m'autorise est celui de 8h51 (ce qui me fait arriver vers 9h40 dans mon bureau). Il est 9h17 quand j'arrive sur le quai. Je vois tout de suite qu'il y a eu un problème, il y a beaucoup trop de monde pour cette heure déjà avancée. Le train précédent a été supprimé. Le train de 9h21 est un train court, c'est-à-dire avec quatre à cinq voitures de moins. Quand il entre en gare il est déjà plein, les gens sont debout dans les couloirs.
    Nous tassons, nous montons. Je me débrouille pour atteindre l'escalier, le but est d'obtenir un espace vital suffisamment grand pour pouvoir lire. Il reste de la place au milieu du couloir mais une dame refuse d'avancer, il faut passer derrière elle, au-delà d'elle (son excuse: elle a une main gauche mutilée (il lui manque deux ou trois doigts) et préfère se tenir de la main droite aux sièges. Pas de chance pour elle, j'ai dans mon service une femme avec un bras coupé au niveau du coude, je sais qu'elle, elle se débrouillerait pour avancer. Donc je fais remarquer à la voyageuse qu'il suffirait qu'elle fasse demi-tour sur elle-même pour se tenir à nouveau de la main droite — mais de l'autre côté de l'allée. Il paraît que je suis méchante. Entretemps une passagère assise se plaint que la même voyageuse l'a assommé à plusieurs reprises avec le sac à main qu'elle tient à l'épaule, c'est-à-dire au niveau du visage des personnes assises.)
    Pendant que nous débattons le train est arrivé à Crosne. De l'étage nous entendons les gens lutter pour monter dans le train, sur la plateforme bondée (c'est en prévision de ces luttes que j'avais entrepris de me réfugier à l'étage. L'expérience...) Quelqu'un panique, nous ne comprenons pas bien ce qui se passe, le signal d'alarme est tiré. Je sais que nous allons être arrêtés vingt minutes. Pensée pour tous les trains qui suivent, obligés de s'arrêter. Pensée, toujours, pour l'accident de 1988, exactement sur cette ligne: ce sont des freins mal purgés après un signal d'alarme tiré qui en ont été la cause.
    Nous allons repartir. Sonnerie des portes, brève lutte, un homme repousse des personnes qui veulent monter. Les portes sont enfin fermées, le train s'apprête à s'ébranler.
    A ce moment-là s'élève un hululement déchirant, interminable. Nous nous penchons vers les fenêtres, une jeune noire assise sur le quai, entourée de deux ou trois hommes, sanglote dans ses mains, coudes sur les genoux.
    Le train s'éloigne.

    • ce soir

    Quai du RER A bondé, encore des trains manquants, j'arrive à monter dans le wagon de tête, à m'assoir entre Châtelet et gare de Lyon. Deux, trois minutes. Dès que je m'assois je m'endors. Je rêve. Toute la journée je lutte contre la tentation de fermer les yeux et me mettre à rêver aussitôt.
    Quand j'arrive sur le quai du RER D, le train pour Melun que je vois défiler le long du quai ne ralentit pas pour s'arrêter, mais accélère pour s'éloigner (il faut toujours quelques secondes pour analyser ce genre de situation, pour comprendre ce que voient les yeux — un train qui roule, et en tirer les conséquences). Le Zuco suivant (ie, le RER pour Melun s'arrêtant à Yerres ("ayant pour mission" Melun)) est à 20h10.
    Je décide de prendre le premier train qui passe, pour n'importe où, et de descendre à Villeneuve-Saint-Georges attendre mon Zuco au grand air, le long de la Seine. Je prends donc un train à 20h, qui a la particularité de s'arrêter dans toutes les gares avant Villeneuve; le Zuco part dix minutes plus tard, les trains devraient coïncider à Villeneuve, je l'ai déjà fait.
    Je lis. Le train s'arrête, à peu près au même endroit qu'hier. Annonce: dégagement de fumée dans le train précédent, il faut attendre qu'il résolve son problème. Nous attendons un quart d'heure. Raté pour mon Zuco. Si j'avais attendu gare de Lyon, à l'heure qu'il est je serais presque arrivée à Yerres.
    Le train repart, s'arrête à la station suivante (Villeneuve-triage, Villeneuve-prairie?) et embarque tous les passagers débarqués par le train précédent. Je m'endors. Une grosse jeune fille plutôt jolie jacasse dans son portable, je l'entends à travers mes rêves. Nous arrivons à Villeneuve-Saint-Georges, il y a déjà beaucoup de monde sur le quai, je ne comprends pas bien pourquoi. Je descends attendre le Zuco, il est 20h28. Nous nous y entassons quand il arrive. Il reste deux stations à parcourir.

    Quelle température faisait-il ce soir?

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 18 septembre 2016.

    1/ Oui, mais pas longtemps. Ça me fatigue vite.

    2/ Le musée du Vatican.

    3/ Non

    4/ Oui. Je lis avec un crayon, alors forcément…

    5/ Non. Sauf à considérer que tout emploi dans un bureau se ressemble.

    6/ Du soulagement : "une bonne chose de faite". Et un engagement: "Et maintenant, L'île mystérieuse".

    7/ Cité des oiseaux (c'était bien une rue).

    8/ Non.

    9/ Non.

    10/ Non.

    11/ Oui.

    12 Oui.

    13/ En train parce qu'on peut faire autre chose pendant ce temps-là, tout en ayant conscience de la distance.

    Déménagements

    Au sein du même groupe :
    - été 1996 La Défense côté Seine (filiale)
    - été 1997 boulevard Haussmann (changement de filiale)
    - décembre 2001 boulevard Malesherbes (au siège)
    - février 2002 aux environs de la place Saint Georges
    - décembre 2003 rue de Washington (changement de service)
    - automne 2004 retour boulevard Malesherbes
    - automne 2006 déménagement dans une rue adjacente
    - mai 2009 La Défense côté Seine (retour dans la filiale de départ, mais pas dans le même immeuble qu'en 1996)


    À la fin de cette semaine, je devais déménager du côté de la Grande Arche. C'est reporté à la semaine prochaine, et pour cause: j'ai vu le plateau à midi, rien n'est prêt, au mieux les cloisons ne sont pas posées, au pire c'est la moquette.

    Je serai au sud, bureau très lumineux (et fenêtre qui s'(entr)ouvre, enfin!), mais vue sur la dalle de toit du centre commercial. Au loin le mont Valérien ? mais caché par un immeuble.

    Profitons donc de la vue actuelle de mon bureau.
    Ceci est un coucher de soleil hivernal, photographié comme toujours avec mon téléphone:

    Choix II

    Mon fils va ouvrir un compte en Suisse.

    Choix I

    — Ça fait drôle de penser que je vais mourir à soixante ans.
    — Si tu ne veux pas mourir, maigris. Reprenant, pensive: Enfin, ce n'est pas une garantie, c'est mettre les probabilités de ton côté.
    — Je ne sais pas si je tiens à la vie à ce point-là.

    Jalousies

    Si quelqu'un doit jouer un jour auprès de moi le rôle que j'ai joué auprès de Paul Rivière, il n'est pas encore né. Il naîtra dans trois ans.
    Je n'ai rien su des derniers mois de Paul, ni de sa mort, parce que pour sa famille je n'existais pas. Pendant dix ans j'ai déjeuné une fois par semaine avec cet homme, il m'a raconté des souvenirs d'enfance, il a partagé des soucis et des regrets, et pour sa famille je n'existe pas.
    Il avait peur de la jalousie de sa femme (femme que j'ai rencontrée une fois, moi-même accompagnée de mon mari. Janvier 2002, nous venions de passer à l'euro, sujet de conversation). Il faisait appel à son ancienne secrétaire pour venir l'aider à classer ses papiers, mais uniquement quand sa femme était absente. Il avait si bien intégré que les femmes étaient jalouses que j'avais découvert ces derniers temps qu'il me cachait que cette ancienne secrétaire venait régulièrement l'aider depuis qu'il était veuf (lui ayant un jour demandé, alors qu'il se plaignait de ses éternels problèmes de classement: «—Vous ne m'aviez pas dit que vous aviez eu une excellente collaboratrice qui venait vous aider? Pourquoi ne pas l'appeler? — Ah je t'avais parlé de ça? Elle vient, oui, de temps en temps...»). Il me cachait aussi qu'il voyait régulièrement une connaissance commune, rencontrée via le club littéraire de notre ancienne école. («— Vous avez des nouvelles de Claude? Quelle femme extraordinaire (etc). — Ah bon, tu l'apprécies? Eh bien j'ai déjeuné avec elle hier...»)
    Bref, la jalousie faisait partie de sa vie.
    Elle fait aussi partie de la mienne, je cache des situations pour simplifier les explications à donner, par paresse. C'est aussi pour cela que je n'ai pas appelé le petit-fils de Paul pour prendre des nouvelles, de peur de tomber sur l'épouse de ce petit-fils, de m'embrouiller dans mes explications, d'éveiller des soupçons qui n'avaient pas lieu d'être.

    Aujourd'hui, nouvelle situation: je suis surveillée par une femme jalouse qui me lit, décrypte mes moindres écrits (je n'ai sans doute pas de lectrice plus attentive), essaie de deviner la "nature de mes relations" avec X., nous traque lui et moi sur internet à travers toutes les traces que nous nous plaisons à y laisser.
    De temps en temps elle craque, elle envoie des lettres d'insultes à X., menace de se suicider, m'envoie des exhortations à bien m'occuper de X., s'excuse,... Oufffa!!

    C'est aussi pour ce genre de raisons que j'ai perdu de vue mon meilleur ami entre 20 et 23 ans: peur de la jalousie de son épouse. Nous avions tant traîné ensemble, nous étions si inséparables, que j'ai découvert après (je découvre toujours tout après) que tous nos amis pensaient que nous sortions ensemble. (Le plus drôle c'est qu'ils n'ont jamais fait d'allusions. Sans doute ne devions-nous pas donner l'impression de nous cacher, sans doute ne prêtions-nous pas le flanc à l'allusion, si visiblement sereins ensemble... Et pour cause, il n'y avait rien à cacher.)

    Je n'imagine jamais rien sur personne. Cela me met dans des situations ridicules (— Mais enfin, tu ne t'en doutais pas? — Tu sais, moi, tant qu'on ne me dit rien, je ne suppose rien) mais tant pis.

    Bbk

    Partie à l'heure où je devais arriver. Accident, bouchon, place de parking introuvable.
    Fièvre.
    Heureusement la pluie menace. Ce bbk sans pluie menaçante trahirait la tradition.

    — Alors, quand est-ce qu'il meurt?
    — Normalement en décembre.
    — Oh mais c'est loin!
    — Ça peut être beaucoup plus long: appel, cassation, cour européenne, ça peut durer cinq ans.

    Cigare, gaspacho dans mon verre de vin, puis vin dans mon verre de gaspacho. Les assiettes et les couverts sont en bois, on progresse. V. de plus en plus bleue et dorée, merveilleuse.

    — Tu as un blog? (Je me force, j'ai pensé: «Vous avez un blog?» Mais déjà que je me fais remarquer à tendre la main aux hommes que je ne connais pas...)
    — Non, mais je vais en avoir un, et il sera génial.
    WTF ??

    Cerisy. David Bellos. Le bleu dans l'impressionnisme.

    — P. n'est pas là?
    Insistance déplacée de ma part. Mea culpa.

    Je ne sais pas où est passé le temps. Quatre heures du matin, entassés dans la voiture, Pigalle animée, pont de Saint Cloud, Voulzy (depuis je chante les Nuits sans Kim Wilde), Guy Marchand. Inattendu.
    Le ciel blanchit.
    Je rentre au radar. Drame de l'inquiétude.
    Je dors. Ce n'est pas moi qui irai à Austerlitz.

    Coups de soleil

    Midi sur la Seine sans casquette. Ramé en double, avec ce genre de femme que je n'aime pas beaucoup (elles me font peur, je ne les comprends pas), les autoritaires sans poigne, ou les molles capricieuses: leurs désirs sont des ordres, et là où je hurlerais un très clair «StoOp!», ainsi qu'il est de tradition, elle élabore une longue phrase :«il serait peut-être temps qu'on s'arrête, non?»
    Et moi un peu méchamment de continuer de ramer. J'aime les traditions, moi.
    (Blague à part, elle était au un (selon la norme internationale, au deux tradition française), c'était à elle de donner les ordres et d'assurer la direction. Trois secondes représentent plusieurs dizaines de mètres dans un bateau lancé.)

    Paradoxal de mettre à la nage quelqu'un qui a aussi peu le sens du rythme que moi.
    Coups de soleil. Micro-insolation, mal à la tête.

    Passé en librairie. C'est fou comme c'est apaisant.

    Radio-Londres

    « Il n'y a pas d'incident dans les DMR. »

    Au féminin

    Complément suite à un commentaire reçu par mail.

    Il y a une auditrice, aussi. Jeune, intelligente. Blonde, forte poitrine. Je me dis que ce ne doit pas être facile tous les jours (de faire comprendre qu'on est pas une potiche). Elle n'a pas l'air d'en souffrir. Peut-être que je date.
    Elle mâche du chewin-gum (très discrètement).
    Elle s'appelle Annabelle, je complète "Annabelle Lee" sans même y songer, et ma pensée dérive vers Poe et Lolita. Je me demande si elle connaît. Je ne sais pas si j'oserai lui poser la question à la fin de sa mission.

    Une enquête (vraiment) sentimentale

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 18 septembre 2016.

    1/ Savez-vous quel était son nom ?
    Oui.

    2/ Où est-il allé ?
    Il est sans doute chez lui.

    3/ A-t-il habité dans cette avenue boisée ?
    Non.

    4/ Quelle était la couleur de sa chemise préférée ?
    Blanche.

    5/ Pouvez-vous décrire sa façon de marcher ?
    Le dos raide, se tortillant imperceptiblement.

    6/ Quel est le premier mot qu'il vous a dit ?
    Je ne sais pas. Sans doute quelque chose comme: "Ah c'est vous".

    7/ Avez-vous déjà vu une photo de lui ?
    Oui.

    8/ Ecrivait-il souvent ?
    Un peu.

    9/ Ou vous appelait-il dans la nuit ?
    Non.

    10/ Vous disait-il qu'il vous aimait ?
    Non. (Grosse engueulade, plutôt.)

    11/ Où alliez-vous quand vous l'avez rencontré ?
    Où étais-je, plutôt. Une assemblée générale d'association.

    Vagabonde

    En réunion depuis le début de la semaine, en "entretiens", plutôt, présente lors des interviews menés par l'audit groupe.

    Dans l'ensemble c'est passionnant.
    Mais parfois ma pensée vagabonde tandis que je contemple les avant-bras très poilus, et plutôt blonds, de l'homme aux cheveux blancs devant moi (tiens, je reconnais cette cicatrice au coude: un tennis elbow?); ou je m'interroge en regardant les pouces très courts de l'auditeur, si courts que j'ai cru un instant qu'ils leur manquaient une phalange: mais non, les deux phalanges ont la même longueur (donc la première bien plus courte que la norme), et la deuxième est ronde, quasi sphérique, autour de l'ongle.

    Perplexe

    A voir s'agiter certains fous on finit par se demander si ce ne sont pas eux qui sont normaux, et si par hasard on n'aurait pas loupé quelque chose (tant il semble impossible d'être à ce point illogique).


    Précision en 2015 : c'était une allusion aux réactions de JA.

    Chroniques de l'incrédulité

    Rappel: billet pour mémoire, archives en vrac. Le 24 février 2008 j'écrivais : «Bien. Je vais utiliser une forme à laquelle je pensais depuis quelques temps, le post baladeur: un seul post sur un thème, mis à la date du jour du dernier jour. Cela m'évitera d'ouvrir une rubrique "Sarkozy".<br /> J'ai entendu Sarkozy pour la première fois la semaine dernière (si si c'est possible), il a la voix, l'attitude et les mimiques assorties aux lunettes de soleil et à la gourmette, faut-il se réjouir de la cohérence du réel?<br /> Je note donc les dernières en date, pour mémoire, puisque ce blog a aussi (ou avant tout? non peut-être pas, finalement) une valeur d'archives.»<br /><br /><br /><br /> Il s'agit donc d'un billet qui s'allonge (malheureusement) au fil du temps.<br /><br /><br />

    <b>15 février 2008 : Une indécence pour couvrir une imbécillité</b><br /> Je n'ai pas spécialement l'intention de me mettre à suivre les stupidités présidentielles. Cependant, la dernière en date ("adoptez un petit juif de la Shoah") me paraît si répugnante que je vais la noter ici, afin d'en conserver une trace. <br /> De même je note le soupçon qui m'est venu aussitôt venu à l'esprit : s'agirait-il de créer un agitation telle qu'elle couvre la bêtise du premier interview de Mme Bruni-Sarkozy? (J'avais bien dit que son plus grand charme était son silence.) <br /> Après tout, les mêmes sphères sémantico-historiques sont concernées.

    <blockquote>Une phrase de la première interview que Carla Bruni-Sarkozy accorde depuis son mariage a suscité hier quelques remous. A propos du SMS que Nicolas Sarkozy aurait envoyé à son ex-femme, la première dame de France affirme, dans son entretien à « L'Express », que « Le Nouvel Observateur » (dont le site a publié l'information) « a fait son entrée dans la presse people. Si ce genre de site avait existé pendant la guerre, qu'en aurait-il été des dénonciations de juifs ? » Le directeur de la rédaction du « Nouvel Observateur », Michel Labro, a aussitôt estimé sur Rue89 que cette interprétation était « parfaitement hallucinante, assez incroyable et pathétique…, parfaitement imbécile ». Soucieuse de calmer le jeu, Carla Bruni a indiqué hier être « extrêmement désolée » si elle a « pu blesser quelqu'un ».

    <br /><br /><i>Les Echos</i>, <a href="http://www.lesechos.fr/info/france/4687019.html">le 14 février 2008</a></blockquote>

    <b>semaines précédentes</b><br /> L'affaire du stylo (<i>février 2008, Sarkozy empoche un stylo-plume lors d'un voyage officiel en Roumanie</i>), les déclarations sur les rapports de l'école et de la religion (<i>semblant reconnaître une prééminence de l'Eglise dans l'éducation</i>) (je n'en reviens toujours pas que les musulmans n'aient pas saisi l'occasion pour remettre le voile sur le tapis et exiger des écoles non-mixtes: quelle manque de réactivité), cette histoire de secte pas très claire… J'en oublie, c'est certain. <br /><br /> <b>semaine du 18/02/2008 : pression sur le président de la Cour de Cassation</b> - Intervention auprès du président de la Cour de Cassation pour lui demander de faire appliquer une loi dans un sens réprouvé par le Conseil Constitutionnel.<br /> - Nomination de Christine Ockrent à la tête de France Monde. (La presse européenne se moque de nous ou est choquée).<br /> - L'analyse d'un journaliste d'<i>El Pais</i> <a href="http://www.rue89.com/2008/02/21/courrier-international-et-sarkozy-lagardere-censure-aussi">traduite par <i>Courrier international</i></a> est menacée de censure par Lagardère (je copie/colle au cas où le lien ne serait pas pérenne):

    Le groupe Lagardère a réussi à faire encore plus fort que Métrobus, la régie publicitaire de la RATP: dans des boutiques Relay de tout le pays, les employés ont dû plier le haut de l'affiche pour que ce titre sacrilège n'apparaisse pas: "Vu de Madrid, Sarkozy ce grand malade". Quand le ridicule se joint à la censure...
    Cette inventivité s'explique simplement: Lagardère (propriétaire des Relay) a laissé la direction du magazine face à une alternative. Soit les affiches partaient à la poubelle, soit elles devaient être pliées. Courrier International, qui ne souhaitait pas gaspiller entièrement ses frais de promotion, a préféré plier. Ces affiches, de format vertical contrairement à celles censurées par Métrobus (lire ci-dessous), sont donc visibles à 600 exemplaires dans des Relay en France. Mais le haut est caché!
    article de Rue 89

    PS: penser à acheter Courrier international ce cette semaine.

    6 mars 2008 : Quand les Allemands ont de l'humour.

    J'hésite entre la honte et l'éclat de rire. Au cas où le lien se rompe, j'explique: il s'agit d'une vidéo dans laquelle Angela Merkel offre un stylo à Nicolas Sarkozy, l'un des accompagnateurs allemands précisant: "je crois que vous en faites collection".

    26 mars 2008 : En revanche, les Anglais ne sont pas toujours des gentlemen.

    Lors de la première visite officielle des Sarkozy en Angleterre, un tabloïd afficha une photo de Carla Bruni nue, datant de ses années de mannequin. (Cette visite fut par ailleurs un succès).
    Perfide Albion!
    (Je trouve cela tout à fait unfair.)

    14 juillet 2008 : Une Légion d'honneur déshonnorante

    Nicole Choubrac, vice-présidente chargée des affaires familiales au tribunal de grande instance de Nanterre, avait réglé la séparation du couple Nicolas-Cécila Sarkozy en octobre 2007.
    Elle a été nommée chevalier de la Légion d'honneur lors de la promotion du 14-Juillet sur le contingent du ministère de la justice.
    [source: Le Monde du 16 juillet 2008, p.8]

    28 octobre 2009 : "Nicolas Sarkozy aurait mieux fait de nommer son fils à la Cour des Comptes"

    Ce billet étant tombé dans l'oubli, j'avais renoncé à l'exhumer pour #jeansarkozypartout (c'est par ce tag que j'ai découvert l'affaire sur twitter, un soir à Cerisy, sans bien comprendre ce qui se passait).
    Le rapport de la Cour des comptes et la douche à 245 572 euros m'aura fait changer d'avis.
    - La présidence française de l'Union européenne a coûté 171 millions d'euros, soit à peu près le double de ce que dépensent en moyenne les autres pays lorsque c'est leur tour.
    - Début octobre, Jean Sarkozy, 23 ans, en deuxième année de droit, était pressenti pour devenir président de l'Epad, provoquant un tollé chez les gens sérieux, le rire chez les gens pas sérieux (jusqu'en Chine...). Charles Bremner parle de République bananière.

    juin 2010 : Ça devient inquiétant

    Il s'agit de moins en moins des frasques plus ou moins privées d'un garçon mal élevé, mais bien d'une conception de la vie ahurissante et malhonnête qui entâche toute la sphère politique.
    - Sarkozy se penche sur le football plutôt que sur les scandales qui touchent ses ministres, Madame Boutin et M. Woerth (par épouse interposée). Je note, toujours en cas de disparition des sources sur le net: «Les enregistrements pirates d'un maître d'hôtel indélicat révèlent les liens qui unissent Liliane Bettencourt (ou son entourage), Nicolas Sarkozy et le couple Woerth. Problème : l'héritière L'Oréal dispose aussi de comptes en Suisse...» Liliane Bettencourt a porté plainte. «Mais, alors que nos confrères de Mediapart sont assignés jeudi par la milliardaire et son conseiller, et sommés de retirer les conversations sous peine d'une astreinte de 10 000 euros "par heure de retard et par extrait", la question qui domine toutes les autres est simple : le public a-t-il intérêt à avoir connaissance de ces informations ? Et la réponse l'est tout autant : c'est oui. Les conditions de l'embauche de l'épouse du ministre du Budget au service de la milliardaire, la connaissance précise qu'avait Mme Woerth de l'évasion fiscale pratiquée par cette dernière, à l'heure où son mari multipliait les moulinets contre les comptes en Suisse, sont des sujets d'enquête d'intérêt public. Ne nous y trompons pas : contrairement aux termes hypocrites des deux assignations, ce n'est pas pour avoir violé la vie privée, que Mediapart est assigné. Meilleure preuve : comme c'est curieux, les plaignants n'assignent pas Le Point, qui a pourtant choisi, dans les mêmes conversations, des passages touchant bien davantage à la vie privée de la milliardaire et de son cher photographe, en prenant garde d'expurger tout ce qui pourrait éclabousser le couple Woerth.»
    L'affaire vue de l'étranger, par La Tribune de Genève.
    - (Passons sur les émoluments de Christine Boutin et les cigares de Christian Blanc).
    - France Inter remercie Didier Porte, Stéphane Guillon et (ce n'est pas encore sûr à l'heure où j'écris), François Morel. Ce n'est pas que je les regretterai tant que ça (je n'écoute pas France Inter), mais est-ce vraiment normal?
    - Une loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêts des élus locaux.

    Vite, vite

    Dans le RER (où nous avons cuit à l'étouffé une petite heure) :

    — La foudre est tombée sur l'armoire électrique de Villeneuve-Saint-Georges.
    — C'est ballot.


    En clair, plus d'électrécité pour les trains. Qu'on amène les chevaux!

    Dimanche

    Gueule de bois.
    Trois machines (de linge: il fait beau, enfin. Sorti les draps en lin.)
    Sieste, encore.
    Le reste du temps, je ne sais pas. Bricolé invisiblement.

    Samedi

    Avec Déborah :
    - tous les étages du Printemps de la Mode.
    - tous les étages mode des Galeries Lafayettes.
    - une salade de courgettes chez Ladurée.

    Maison, douche, sieste, re-départ.

    Très belle exposition de Marcheschi. Acheté des livres. Deux bières. Deux verres de vin. Titubant de fatigue.



    (Claude est en liste d'attente pour l'Alsacienne. J'ai très peur, j'entends déjà l'auto-dénigrement.)

    Le comble de la bêtise

    — Ils n'ont même pas l'intelligence d'être paresseux !

    Une journée bien remplie

    Roland Garros vétéran. Pour retourner à Paris à partir de Roland Garros, il faut aller jusqu'au terminus, c'est-à-dire tourner le dos à Paris. Et dans ce sens-là, la correspondance avec la ligne 9 n'est pas assurée. Il est tard, maman a trop parlé (un meurtre à P*gny? C'est possible ça? Une centaine de maisons au milieu de rien… Un vrai meurtre, avec un assassin venu d'internet et tout… «Ça montre bien les dangers d'internet»). Découragée, j'abandonne. Un thé rue Mayet avec A-C. Je n'ose pas lui demander de prendre le temps de regarder les livres, je sais qu'elle s'en moque. Mais je suis contente d'être passée à la librairie, je craignais qu'elle n'existât plus. La libraire est très âgée. Gare Montparnasse, La Défense, si je ne repasse pas au bureau j'aurai mauvaise conscience tout le we.

    Enquête sentimentale

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 18 septembre 2016.

    1/ Oui. Plus il est petit (premier mois) plus j'aime ça.

    2/ Ça peut arriver.

    3/ Non. Des petits coups de jus, il y a longtemps (j'ai l'impression que les objets sont beaucoup mieux isolés qu'avant.)

    4/ L'été quand les journées sont longues. L'automne s'il est indien.

    5/ Oui. Les cheveux noirs des Andalouses, les cheveux roux des Irlandaises. Epais et longs, oui.

    6/ Non. De façon générale, je trouve difficile de cuisiner les champignons, ils absorbent trop l'huile, ils deviennent caoutchouteux.

    7/ Pas sûr qu'elle ait porté du parfum. Elle montrait beaucoup de mépris pour tout ce qui lui paraissait relever de la coquetterie.

    8/ Oui, surtout si ce n'est pas moi qui organise! (Blague à part, je "pense", je commémore: je pense aux gens, aux événements, aux dates anniversaire. Cela ne prend pas obligatoirement une forme extérieure.)

    9/ Non. Je pense que je n'en sais rien au moment même.

    10/ Je n'en ai pas l'impression.

    11/ Non.

    12/ Oui, un bracelet qui faisait partie d'un assortiment de quatre que ma mère portait quand j'étais petite. J'adorais le bruit qu'ils faisaient quand elle tricotait. J'avais été très fière et très heureuse qu'elle m'en donne un quand j'ai eu mon bac, et un peu déçue qu'elle en fasse autant pour ma sœur et ma fille plus tard: j'aurais aimé récupérer les quatre, un jour. Trop tard, l'héritage est dispersé.

    Grève: je suis contre

    Ça m'agace cette grève pour les retraites. Le Livre blanc sur les retraites de Rocard date de 1991. Cela fait vingt ans qu'on aurait pu faire quelque chose, c'est-à-dire allonger la durée de cotisations. Je sais bien que ce n'est pas drôle, mais d'une part je suis autant concernée que la plupart des grévistes (et vu mon âge je m'habitue plutôt à l'idée que je n'aurais jamais de retraite telle qu'on la conçoit aujourd'hui, c'est-à-dire une étendue de grandes vacances, de temps libre), et d'autre part, ne pas cotiser suffisamment (par rapport aux équilibres budgétaires nationaux) entraîne une baisse tendancielle des pensions de retraite qui obligent de vieilles personnes, à 67 ans ou plus, à chercher désespérément des petits boulots pour survivre.
    Qui peut souhaiter cela?

    Il s'agit d'une première réforme. Il y en aura d'autres, par d'autres gouvernements. Il faut tendre à la transparence et à l'uniformisation des régimes. Seule la pénibilité est une raison de s'arrêter plus tôt.

    Un livre en ligne de Thomas Piketty : Pour un nouveau système de retraite.

    Un vieux billet promis

    La photo qui a remporté le 1er prix du concours l'aviron au féminin est la 107, et je la trouve tellement mauvaise, tellement représentative de la vision stéréotypée de certains hommes (de ce que doit être une photo gagnante représentant des femmes dans un monde sportif) que cela m'a un peu découragée d'en parler plus tôt. Il y avait tant de belles photos, axées sur la joie, l'effort, la technique, la nature... et choisir un talon haut sur une rame! Vraiment n'importe quoi, rien qu'à ce choix il me semble pouvoir faire le portrait robot de ceux qui l'ont choisie (sachant qu'il y avait sans doute beaucoup trop de photos et trop peu de votants pour qu'il soit réellement possible de départager les photos par un vote).


    Voici donc ma photo préférée. Paradoxe qui me ressemble, je n'ai pas voté pour elle, car je ne l'ai vue qu'après avoir voté. J'aime cette photo parce que l'idée est à la fois raffinée et amusante: ce n'est qu'un jeu, une mise en scène, que la compétition (couleur de l'équipe) permet de mettre en évidence.
    Elle représente ce que je pense de l'élégance: un superflu qui établit une complicité entre l'acteur et le spectateur, un plaisir offert et un plaisir reçu.





    En un j'ai voté pour celle-ci, par nostalgie, parce que c'est le souvenir que j'ai de nos retours sur la Loire en automne ou en hiver, dans le soleil couchant.





    En deux pour celle-ci, parce qu'elle est terriblement vraie, entraînant des sentiments ambivalents: «Chic, je ne porte pas, zut, je ne porte pas». C'est le condensé de tout le débat sur les règles de politesse: merci de me porter mes paquets (c'est lourd, je suis "petite et faible" (private joke)), vous ne devriez pas porter mes paquets (je peux me débrouiller toute seule, arrêtez de me materner).





    Et celle-là en trois, parce que je ne pouvais tout de même pas ne pas choisir une photo qui représente ce que veut dire ramer ensemble. «Ensemble», le mot et sa musique me sont si fort gravés dans la mémoire que j'en rêve. Se dissoudre individuellement dans la glisse du bateau, abandonner toute velléité de prééminence et savoir que c'est à ce prix que le bateau pourra glisser au mieux, sans à-coups.
    Quand se pose la question: «Si c'était à refaire...», je sais qu'il y a une chose que je ne ferai pas: abandonner l'aviron au lycée. Je sais pourquoi je l'ai fait, c'était stupide, et c'est l'un de mes plus grands regrets (pas pour le sport, non, pour l'ambiance et pour René).


    Relais H La Défense

    L'homme derrière la caisse est mince, visage ridé, fermé.
    Je tends mon magazine de hand, il le regarde.
    Sa bouche s'ouvre en une amorce de sourire, mi-goguenard, mi-désabusé:
    — Au moins un sport où on gagne.
    Silence. Il reprend (je ne l'aurais pas cru si bavard):
    — Ma fille parle de reprendre le hand l'année prochaine.
    — Au moins quand on les accompagne, on ne caille pas trop, on est à l'intérieur.
    Nous échangeons un regard, il sourit un peu.




    Pour ceux qui liront ce billet dans quelques mois: il s'agit du jour de l'élimination de l'équipe de France du Mondial 2010. Son comportement avait atteint un tel ridicule que nous en ressentîmes un certain soulagement: c'était fini.

    Cherchez-vous un conseil ou un assentiment?

    Rentrée tard après quelques verres avec un ami. Ai-je eu tort de ne pas le détourner d'un projet vaguement immoral? Il m'a quittée en insinuant que je lui avais apporté ma caution, il exagère un peu: si ce que je lui avais dit ne lui avait pas convenu, il ne l'aurait pas écouté.

    Parc Astérix

    Il a très bien vieilli, la végétation est superbe et les bâtiments sont bien entretenus.

    J'ai moins bien vieillie, je m'aperçois que les montagnes russes que j'aimais tant me rendent vaguement malades sans plus beaucoup m'amuser.

    J'ai découvert que O. connaissait le parc comme sa poche: on inscrit ses enfants à des excursions, on ne sait pas bien ce qu'ils y font, et quelques années plus tard on leur découvre des connaissances insoupçonnées.

    Froid de canard.
    Avantage : peu de monde, peu d'attente.
    Inconvénient : difficile de sécher après le "Menhir express".

    Dans l'après-midi je croise une jeune fille qui consulte un SMS et dit à ses amis: «C'est la catastrophe, il n'y a plus d'équipe de France, il n'y a plus rien». Elle rit d'un air stupéfait. Je crois à une défaite cuisante au cours d'un match.
    Ce n'est que le soir en reprenant la voiture que j'apprends la vérité (la grève des footballeurs qui refusent de descendre du bus, etc). Tant mieux, l'attention portée à la radio m'empêche de m'endormir en conduisant (très fatiguée suite à la soirée d'hier).

    C'est moi ou c'est eux ?

    Peut-être qu'il n'est pas tout à fait normal, en entrant dans une pièce pleine de monde, de compter le nombre de personnes avec lesquelles je suis fâchée.

    (Voyons: T., X., K.: trois, finalement ce n'est pas tant que ça. (Plus un, peut-être, je l'apprendrai lundi dans la journée.))



    (soirée chez Marcheschi en l'honneur de Finkielkraut).

    Encore du sport

    Course d'endurance autour de l'île de la Jatte, course de vitesse (très courte, nous fûmes très mauvais), un pique-nique, bu, ce qui s'est révélé dévastateur après l'effort et sous le soleil. Fatiguée, ce soir…


    Ponçage de yolette dans l'après-midi.


    RER soir de défaite

    Il sont cinq blacks sur deux rangées de siège se faisant face, deux filles trois garçons, le plus jeune a douze ou treize ans, du maquillage bleu blanc rouge sur la joue, les autres autour de vingt ans.
    Ils parlent parfaitement, c'est-à-dire que je comprends leur vocabulaire et qu'ils n'ont pas d'accent particulier (parfois c'est très dur…).
    Ils commentent le match avec humour, l'analysent, ils sont très drôles, dignes des meilleurs moments de bistrot.

    Un jeune mec arrive:
    — Vous plaignez pas, nous on a été battu par des Suisses !
    Eclat de rire général.
    — Et les collègues, y se sont foutus d'ma gueule, y m'ont demandé: «Elle était bonne la paëlla?»
    — Ah oui, va falloir se mettre à la fondue…
    — En tout cas c'est pas ce soir qu'on va manger du cassoulet.
    — M'en fous, j'ai l'air mexicain, j'peux dire que j'ai gagné. Et là j'vais chez des potes mexicains, y'a du chili con carne qui m'attend.


    J'ai été un peu surprise de cette association naturelle sport-cuisine-fierté nationale. Est-ce que vous auriez pris le cassoulet pour "nous" représenter?



    (Coupe du monde, Franc-Mexique, 0-2)

    La Défense, terre de France

    Ce matin je n'ai pas emprunté ma sortie de métro habituelle. (Quelle aventure!)
    Et j'ai pris l'escalier en colimaçon plutôt que l'escalier large. (Quelle aventure, bis.)

    Et je suis arrivée devant… une vigne.






    Le soir, match contre le Mexique vu au "Soleil" à Ménilmontant avec Tlön et Sko† et Slothorp.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Réponses apportées le 2 janvier 2015.

    1/ Non. Et je retiens les noms d'une part, les visages d'autre part, je ne sais pas apparier.

    2/ Non, je n'ai jamais vraiment démissionné, juste changé de poste dans le même groupe.

    3/ Non. Je suis très embarrassée par cette question, car il faut que je juge si je vais parler de mes études de théologie. En général je décide de ne rien dire. Je parle d'aviron ou de grec, éventuellement.

    4/ Non. Je suppose que je ne les vois pas, je ne fais pas attention. Mon entreprise est "vieillissante", toutes les femmes ont eu leurs enfants.

    5/ Régulièrement dans le RER. Une à deux fois par mois.

    6/ Non. Je n'ai pas de boulangère.

    7/ A ma mère, j'en ai peur (le dicton: "Regardez votre belle-mère pour savoir ce que deviendra votre femme" me paraît de plus en plus juste et ça m'affole).

    8/ Oui. Je regrette toujours cela.

    9/ Oui.

    10/ Aussi. Je crois viscéralement aux miracles.

    11/ Dans quelques cas j'ai écrit à quelques personnes autour d'elles pour essayer de retrouver des adresses. En vain.

    Naze

    Ah les vaches ils m'ont épuisée : toute la sortie à la nage (j'ai prévu de vous faire un cours de vocabulaire un jour mais pas maintenant: la nage, c'est le premier rameur de la file (installé au siège quatre…), celui qui donne le rythme à tous les autres, qui les traîne et les entraîne).

    Trois semaines sans ramer, je suis bien punie de ma paresse : les petits cygnes et les canetons ont eu le temps de grandir, zut.

    (Le principe était le suivant: très en retard sur un document à rendre, donc je me suis interdit de faire autre chose que travailler à ce document, moralité je n'ai plus rien fait du tout pendant trois semaines).

    Je suis vraiment fatiguée, je vais m'endormir au clavier.

    Ni oui ni non

    Contexte:
    Une orthodontiste a posé un appareil à ma fille en octobre 2008. Neuf cent quatre vingts euros par semestre (comme la mutuelle rembourse (après une avance des fonds de six mois tout de même), je n'ai pas refusé l'appareil transparent que préférait ma fille), une visite tous les trois mois (de dix minutes), quatre cent quatre vingt dix euros à chaque fois "par facilité de paiement".

    Nous nous sommes rencontrées ce soir pour mettre les points sur quelques i car les dates ont dérapé, nous sommes loin des semestres initiaux, et elle essaie de recoller aux dates prévues, y compris en rapprochant les dates des visites de façon absurde (deux visites à un mois d'intervalle, parce que les précédentes avaient cinq mois d'écart, est-ce que cela a un sens?) L'atmosphère est tendue.

    L'orthondiste m'assure que les semestres sont des forfaits à 980 euros. Elle insiste sur les mots "forfait semestriel", imposé par la Sécurité sociale. Je reformule : «Vous voulez dire que même si ma fille ne vient pas, je vous dois 980 euros?»

    Elle ne répond pas franchement, ni oui, ni non, mais par une phrase: «Ce sont des forfaits accordés par la Sécurité sociale. Vous êtes couverts jusqu'aux dix-huit ans de l'enfant, je vais continuer à contrôler sa dentition pour m'assurer de la stabilisation des soins.»
    Je reformule:
    — Vous voulez dire qu'une fois que j'aurai payé le dernier semestre indiqué sur l'échéancier, en février 2011, vous continuerez à la soigner gratuitement jusqu'à ses dix-huit ans? Mais ça change tout, je n'avais pas du tout compris ça.
    — Evidemment, vous n'écoutez rien.

    Je m'empare de l'échéancier: «Eh bien, je vais le préciser clairement, vous allez signer, et je vous laisse votre chèque de 980 euros». Je commence à écrire.
    Elle m'arrache la feuille: «N'écrivez pas sur mes originaux. Nous ne pouvons pas travailler dans la défiance; je vais vous faire signer une décharge et je vous rends votre dossier.»

    Tant mieux, c'est ce que je souhaitais. Mais tout de même, je m'interroge: est-ce qu'elle était en train de me raconter n'importe quoi, est-ce que j'ai mal compris ou est-ce que c'était vrai? Est-ce que les 980 euros sont dûs même en absence de visite, est-ce que les cinq semestres qu'il était prévu que je paie auraient couvert l'ensemble des suites du traitement jusqu'aux dix-huit ans de ma fille? (Je ne le crois pas, je pense qu'elle racontait n'importe quoi pour m'enfumer, mais j'aimerais bien savoir ce qu'il en est.)

    Très petit à petit

    26e sur 34. Je me suis souvenue que l'année dernière je m'étais promis de m'entraîner le dimanche matin (avec les "loisirs") pour être un peu moins nulle en fin d'année. Donc cette fois-ci je le note pour ne pas l'oublier.

    Jeudi Oulipo, Samedi Chateaubriand.

    En écoutant les conférences de l'après-midi sur Chateaubriand (de l'importance du voyage de Chateaubriand en Amérique, mais qu'allait donc faire George Sand toute jeune chez Sosthène de La Rochefoucauld, le pire coureur de l'époque, cet hypocrite prude à qui l'on doit les feuilles de vigne sur les statues de Louvre?), je repensais à cette question posée jeudi: «Quels sont les grands livres (grands auteurs) que vous n'avez pas lus?»

    Dante, Cervantès. La Comédie humaine (en entier). Guerre et Paix. Et il me "manque" des Dosteïevski.
    Et j'aimerais lire tout Shakespeare.

    Et les Mémoires d'outre-tombe.


    Chateaubriand : les vrais Républicains ne sont ni à droite ni à gauche. Ils pensent honneur et liberté (résumé personnel de la conférence entendue cet après-midi).

    Chateaubriand et Sand: ils se sont rencontrés, ils l'ont chacun raconté dans leur journal, ils l'ont chacun censuré (leur récit est resté dans les brouillons). C'est étrange et mystérieux.
    C. à qui je le raconte déduit, logique: «Il nous manque une lettre».

    ——————————————
    J'apporte quelques précisions cinq ans plus tard. Il s'agissait d'une intervention en colloque de Jean-Yves. C'était l'époque où JY bouillonnait à cause d'un billet de Jourde. Je crois que ce jour-là j'ai abandonné, il revenait sans cesse à la charge, j'ai donné mon accord pour tout ce qu'il voulait, une nouvelle plainte, cette fois en diffamation. Nous y avons entraîné Emm.

    C'est aussi ce jour-là que j'ai eu R au téléphone. Il voulait savoir si le mail qu'il envoyait à RC (pour lui proposer de garder son château était convenable).
    En regardant en arrière cinq ans plus tard, je ne peux me défendre d'un sentiment d'amertume.

    Coïncidence

    Mardi je feuillette Au nom de Vancouver. Je remarque en haut de page «Naples (Népeulsse)» (p.203). Je n'en lis pas plus mais souris à la prononciation de ce nom d'Europe (N'est-ce pas Levé qui a photographié les villes américaines au nom européen? Livre surprenant, comme tous les livres de Levé).

    C'est sans doute ce qui m'a permis de remarquer à la lecture du bon de réservation que H. s'était trompé en louant une voiture : Naples (FL) et non Naples (IT).
    C'est corrigé, il paraît que cela arrive sans arrêt. La voiture aurait dû lui mettre la puce à l'oreille, c'était une corvette… (dommage).

    Ladas

    Mercredi. Déjeuner très agréable avec Gvgvsse (allez-y, il vient de faire la mise à jour trimestrielle de son blog!)
    J'ai appris la vérité (si l'on peut dire, ce mot est un peu trop gros pour l'occasion: disons la réalité) sur les Ladas: je connaissais la deuxième, je pensais, à cause de la similitude des noms, que la première était de la même marque, qu'il ne s'agissait que d'une évolution dans la gamme.
    Eh bien pas du tout, mais la réalité est totalement conforme à la voiture que j'aurais spontanément imaginée pour Gvgvsse.

    C'est drôle comme un blog peut donner une idée, non pas des détails, mais de ce qui cadre et de ce qui ne cadre pas.
    Je suis contente des blogueurs que je lis. (J'en lis très peu, beaucoup moins qu'on se l'imagine en général). Je veux dire: je suis contente d'avoir choisi les blogs que je lis. Je suis contente de ne m'être pas trompée.

    Je me trompe davantage (voir énormément) quand il y a interactions, dialogues, échanges. Alors entre en jeu la folle mécanique de l'interprétation, de la culpabilité, des interrogations, des excuses qu'on trouve aux autres en s'accusant soi («Incroyable qu'il m'écrive ça, je dois mal comprendre…» et des mois pour accepter que non, je ne me trompais pas, c'était bien incroyable. Et inacceptable).
    Mais en lecture pure, je ne me trompe pas beaucoup.
    Voire peu.
    Ça me rassure.

    Britten, Venise, James Joyce. Trois heures d'escapade mentale. C'est déjà ça.
    Merci.


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    Le soir match de foot de coupe du Monde au café avec Tlön et Skot.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Oui, Patrick en a tant pris que j'ai fini par m'habituer à ma g***.

    2/ Elles ne sont pas encore vraiment rangées. Maintenant je me méfie : en avril il beau, en mai et juin, froid, en juillet il pleut : prudence, prudence (il faudrait surtout que je m'achète des robes chaudes pour l'hiver.)

    3/ Quand j'avais moins d'un an, une image assez floue. En fait je me souviens que je m'en souvenais vers six ou sept ans (tout ce qui se passe au Maroc date d'avant mes huit ans), et un jour j'ai compris de quel lieu il s'agissait: sans doute la nourrice chez qui j'ai été placée jour et nuit (à l'ancienne) jusqu'à mes dix-huit mois.

    4/ Non. Je n'aime pas l'eau et le chlore me fait gonfler les muqueuses du nez.

    5/ Oui, sans doute, à ceci près que je n'ai aucune idée de la chanson emblématique de mes treize ans. (En fait oui, je les adore toutes.)

    6/ Sur le présentoir des derniers livres reçus par la bibliothèque. D'une part l'auteur est "mon" évêque, d'autre part il traite du dialogue catholiques-musulmans: il tente de convaincre les catholiques hostiles de l'utilisté du dialogue. Le sujet m'intéresse, l'islamophobie m'inquiète car je suis convaincue que nous devons nous entendre entre personnes de bonne volonté de tous "bords".

    7/ Oui, c'est un moment de détente, où je ne fais rien pendant qu'on s'occupe de moi (le pied!)

    8/ J'enlève mes chaussures.

    9/ Hmm. Je ne sais pas vraiment. Plutôt le petit déjeuner.



    Répondu le 2 janvier 2015.

    Mardi

    Dernier cours sur Finnegans Wake avec Daniel Ferrer. Dommage, cela me faisait vraiment plaisir d'avoir cela dans ma semaine, malgré les difficultés d'organisation.

    Tradition culinaire

    Quand vous faites un "gâteau" au chocolat en faisant fondre quatre plaquettes avec du beurre et de la crème, et que vous faites resolidifier le tout au frigo, vous savez que le livre de recettes était anglais.

    Dîner

    — Maman, je vais te tuer !
    — Chic, enfin tranquille! Vous n'aurez qu'à vous débrouiller sans moi!
    — O., au lieu de tuer ta mère, si tu mettais la table?
    — Trop tard, elle m'a pris dans ses bras.


    ****
    Bon. Ceci, quand même, via le twitter d'IsaVodj : Helen Thomas: "Jews, go back to Poland" RT @ARTnewsmag An Israeli artist thought of that 2 years ago.

    Enquête

    Les questions sont ici.
    Répondu le 31 décembre 2014.

    1/ Oui, souvent. Il y en a beaucoup dans les environs.

    2/ Oui, en lui faisant un signe de main en cherchant son regard.

    3/ Oui.

    4/ Sans doute au même endroit, peut-être en train de faire la même chose (répondre à un questionnaire sentimental. J'en ai beaucoup à rattrapper!)

    5/ Non, mais elles tombent pour eux sans que j'ai à les donner, non? (Je pense aussi aux fourmis et à Dersou Ouzala.)

    6/ De nostalgie, sans hésitation. Saudad, peut-être.

    7/ Le désir que mon fils soit à l'heure à l'école. La compassion (presque culpabilité) qu'il ait à se lever si tôt, même si c'est lui qui l'a voulu.

    Chuck Norris au petit déjeuner

    Nietzsche a dit «Dieu est mort».
    Dieu a dit «Nietzsche est mort».
    Chuck Norris a dit «Merci qui ?»


    Jésus multiplia les pains et ils mangèrent.
    Chuck Norris multiplia les pains et ils mangèrent grave.


    Chuck Norris fait pleurer les oignons.


    Etc. Ça réveille.

    Complainte à l'eau chaude

    … un bain-marie
    on ne savait pas ce que c'était
    on a chanté l'Avé Maria.
    Mais un bain-marie
    ce n'est pas du tout laver Maria…

    Bon anniversaire, Clément

    Evidemment, il y en a moins à dire, discrétion oblige.

    1992, une nuit d'orage telle que le périphérique fut inondé dans ses parties les plus basses.

    Réflexion entendue : «Né à six heures un lundi matin? Il sera courageux!»

    Bon anniversaire, Matoo

    J'ai découvert Matoo en janvier 2004 (le 25, sans doute), en faisant une recherche sur versatile (pour des problèmes de traduction et de faux-amis).

    Je me fais un cadeau à moi toute seule : florilège de mes posts préférés (si j'en oublie, je les rajouterai plus tard), ce qui me permettra de les retrouver vite quand j'en ai besoin (car je les cite régulièrement, sur mes blogs ou IRL).

    Dans les premiers billets, un qui m'avait marqué était celui sur les petits pains au chocolat. J'avais admiré la façon dont Matoo avait rendu son billet aussi entêtant que Joe Dassin. Et la trouvaille de "ZarbiGuy".

    (Et là, c'est horrible, je pars à la recherche des posts qui m'ont marqués, je balaie les billets du regard, et je m'aperçois que je pourrais en linker des dizaines… Pas plus de dix, allons, pas plus de dix.)

    Matoo et la famille : le figuier, le tonton installé depuis en Australie, la grand-tante, personnage mythique, morte il n'y a pas si longtemps (j'y pense parfois, surtout en ce moment), et le cousin mort. (En relisant ce dernier post, qui est en fait l'un des premiers que j'ai lus, puisqu'en janvier 2004 j'ai repris le blog dans l'ordre, je me dis qu'inconsciemment, la puissance de ce billet a dû jouer quand dans mon désarroi après la mort de Jacqueline (novembre 2004), j'ai acheté la saison 1 de SFU.)

    Rebelle attitude: le coup du kilt.

    Les expressions matoosiennes: Rantanplan des steppes (devenu célèbre à la maison à cause du premier commentaire: «Comment, ce n'est pas le vrai Tigrou?» et Gné (utilisé fréquemment à table, le poing levé, comme tenant la pancarte).

    L'observation du quotidien: une petite maison", une tache, une plaque d'égoût, la barre de métro. (Vous avez compris le principe: Matoo réussit à la fois à regarder l'invisible et à dormir les yeux ouverts).

    Le sexe: un fantasme (cela m'avait beaucoup fait rire, parce qu'au même moment sur un forum conduit par un homosexuel notoire se déclenchait une campagne de protestation contre l'insécurité dans les transports… Question de regards), une analyse (en passant) du sewisme ambiant (mais il y en a d'autres, en particulier ce fascinant billet autour d'une actrice porno des années 70), et pour ceux qui ont le cœur bien accroché, le moignoning (attention, je ne plaisante pas, cela peut choquer) (école des pdblogueurs, du moins ceux que je lis: la tolérance. Tant que cela ne fait de mal à personne et rend heureux, ne pas juger, ne pas condamner.)

    Bon, il y a les vacances, les amis, les voyages (ça va souvent ensemble (ah oui, ce billet)), les souvenirs d'enfance (entre la première calculatrice et les dessins animés), Marc Aurèle, un peu le boulot, la drague et les mecs (et la recherche de l'ammûûûr que nous avons suivie toutes ces années (trois ans stables maintenant: c'est bôôô (mais non, je ne me moque pas, je suis contente))), les films, la musique, les comptes rendus de lecture. Je vous mets un billet "livres" en lien: je n'ai pas lu tous les livres cités, mais ceux que j'ai lus valent effectivement la peine.


    Et si vous ne lisez qu'un billet, lisez celui-ci.

    Aller-retour éclair en Beauce

    Ouzouer, Saint-Sigismond, Sainte Péravy-la-Colombe,… Ciel gris pluie intermitente toits bleus, je sais qu'entre tous les palais du monde, je choisirais peut-être, sans doute, une école de Beauce ou de Sologne, ardoise, murs blancs-gris, fenêtres encadrées de briques rouges et blanches.
    Peut-être, peut-être pas. Je songe souvent à «Heureux qui comme Ulysse», me demandant pourquoi l'on revient en France quand on a connu l'Italie. Entre la Possonnière et le Pincio… La différence est dans la sérénité. Si je ne finis pas à Venise je finirai à Blois.

    Je suis calme. Parfois les choses sont simples, évidentes. Pour certaines personnes, dès qu'on sait, on vient, c'est tout.

    Finalement les enterrements sont peut-être la meilleure des "fêtes" de famille, parce qu'ils ne sont pas réservés à la famille, parce qu'il n'y a pas d'invitation. On vient si on se sent concerné, par le mort ou les vivants. On vient pour être là, pour avoir mal ensemble, pour se tenir chaud tristement. Et ce n'est pas si triste car on évoque, on convoque, les bons souvenirs et les bons moments, les histoires un peu folles qu'on aurait sans doute dû éviter mais qu'on a eu bien raison de ne pas. Ce qu'on évoque, c'est la vie qui n'en finit pas de vibrer. On fait des projets. L'année prochaine, les 80 ans de René. Nous allons fêter cela tous ensemble. Nous allons sonner le ban et l'arrière-ban. Et nous viendrons. Seuls les morts seront excusés et encore, ils peuvent venir à l'état de fantômes. Ils seront bienvenus.

    Souvenirs

    Dans cette pièce, il y a très longtemps, j'ai appris à jouer à «La vache qui tache» (si, c'est un moment très important).
    Aujourd'hui, j'y suis retournée pour la première fois après toutes ces années.


    Fantasme

    — Tu as déjà eu envie de me quitter… pour un autre homme ?
    — Non, pas pour un autre homme, pour être seule… Parfois je rêve d'être seule dans une chambre d'hôtel, une chambre climatisée, de déjeuner sans que personne ne me bouscule, et de boire du Sprite Light.

    Crazy night : un film à la fois convenu et gentiment déjanté, sans prétention mais amusant.

    Anesthésie

    C'est drôle, la situation au milieu de laquelle je me trouve aujourd'hui m'aurait totalement paniquée il y a vingt ans. Maintenant je ne ressens rien. Ni chaud, ni froid, ni peur, ni colère, à peine un léger agacement. Un peu de mal à respirer par instants.
    Sinon, rien.


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    Précisions cinq ans plus tard: Avis à tiers détenteur ce matin sur le Crédit Lyonnais. Je viens de donner un RIB pour que mon salaire n'arrive plus sur le compte joint.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Par coagulation de choses vues, lues, vécues, par imitation ou différenciation, par goût de la simplification ou de la beauté ou de la vérité.

    2/ Ils s'enracinent essentiellement dans l'enfance. J'ai été très marquée par un ami de mon père, banquier, qui disait: «L'argent, ça sert à réaliser les rêves d'enfant.» C'est ce dont j'ai rêvé et ce que je regrette de ne pas avoir tenté parce que je ne savais pas qu'il était possible d'essayer. Rattrapper le temps perdu de l'ignorance. (Impossible, je sais. j'essaie quand même.)

    3/ La crasse, la peinture jaunie par le temps !

    4/ L'espoir de trouver une solution simple et définitive (sans espoir, hélas.)

    5/ Les rognons, le foie de veau.

    6/ Non. Je ne sais pas écrire cela (sauf à écrire quelque chose comme Dashiel Hammett. Celle-là, je pourrais l'écrire. Mais à qui envoyer ça que cela fasse rire? Je ne connais que des hommes abominablement romantiques: l'amour, c'est sérieux.)

    7/ Cela peut arriver. Mais ce qui me décide à ouvrir un livre, c'est surtout un autre livre. Les filiations spirituelles.

    8/ Rock ou valse. J'aurais tant aimé bien savoir danser !



    Répondu le 31/12/2014.

    Pas le temps

    Je gère mes soirées comme un manche, je ne fais rien, rien d'utile, et je n'ai rien le temps de faire. Remords et courrier en retard.

    Délation institutionnelle

    Billet simplificateur (ou simplifié): je donne les principes:

    La CNIL interdit à l'Etat de pouvoir identifier ses citoyens sous un numéro unique (comme le numéro de Sécurité sociale, par exemple. D'ailleurs ce numéro de SS est tabou, on se demande pourquoi. Ainsi les entreprises vous donnent un matricule, elles n'ont pas le droit d'utiliser le numéro de SS… indispensable par ailleurs pour gérer les relations avec les différents organismes sociaux).
    C'est gentil, ça part d'un bon sentiment. On se demande à quoi cela peut bien servir (le jour où un dirigeant mal intentionné voudra rapprocher les différents fichiers, cela ne lui prendra pas beaucoup de temps, surtout aujourd'hui), mais c'est touchant, cette volonté "de ne pas reconduire les erreurs du passé" (sachant que les listes de juifs en 40 et 41 ont été constituées par appel à la population: obligation d'aller se faire enregistrer. Quelle différence avec déposer un dossier à la préfecture quand on est sans papier? On est dans le déclaratif, la démarche volontaire, pas besoin de fichier préalable pour cela.)

    La lutte anti-blanchiment/anti-terrorisme (dite LAB-LAT) fonctionne à contre-courant de cette démarche. Elle impose aux entreprises opérant dans certains secteurs dits sensibles (la banque, l'assurance, etc) de s'informer sur l'origine des fonds déposés (héritage, gain au loto, vente immobilière, honoraires, contrat important, etc)1, mais plus encore, d'avoir une "vision globale" de leurs clients, c'est-à-dire de savoir regrouper les informations qu'elles détiennent sur chacun d'eux à travers leurs différents comptes, contrats et produits de placement, dans différents endroits de France ou de la planète. Ces entreprises doivent déclarer à Tracfin les fonds dont l'origine est inconnue (dont le client refuse de dévoiler la source), mais aussi les comportements louches (le plus souvent des opérations de placement dont le dénouement précipité fait penser à du blanchiment).

    Auparavant, cette vigilance constante ne concernait que certains types d'opérations finalement assez rares dans une vie ordinaire de petite banque de province ou de mutuelle niortaise. Mais désormais doit être déclarée toute opération qui, si elle était frauduleuse, serait passible d'au moins un an de prison: cela étend le champ de la vigilance à la fraude fiscale, beaucoup plus courante que le financement du terrorisme…

    Cela revient à attendre des banques et des assurances qu'elles se transforment en un vaste réseau de délation organisée.


    Note
    1 : Ce qui m'agace, c'est que l'Union européenne a refusé de mettre cette mesure en place au moment du passage à l'euro, alors que cela aurait été l'occasion rêvée de mettre la main sur les gros trafiquants… ou tout au moins d'assécher leurs capitaux en les empêchant de les convertir facilement.

    Calme

    La plus tranquille des journées depuis une éternité.

    Gâteau aux noisettes.

    Vaux, j'aime je n'aime pas

    Je n'aime pas les jardins à la française, écrasés de soleil, sans ombre.
    J'aime les croquis de Le Nôtre, son esprit géométriques et ses rêves. J'aime la bière locale (blonde: en 75 cl, elle n'existe que blonde) bue le long des haies en papotant.

    Je n'aime pas le hall d'entrée, vide, disproportionné, humide, sans chaleur ni humaine, ni mobilière, ni immobilière.
    J'aime la charpente, les outils et le vocabulaire des charpentiers. J'aime la vue du haut du clocheton. J'aimerais acheter une tuile (cinq euros) mais ce n'est pas prévu sur le site.

    Je n'aime pas le destin de Fouquet, la trahison de ses pairs (quoi qu'il ait fait par ailleurs), l'enfermement durant 19 ans, le passage brutal des fastes au dénument. Je frémis d'horreur quand je tente de me représenter l'ennui de toutes ces heures à vivre inutiles et vides.
    J'aime les photos de famille (dit-on Vogü-é ou Vogueuil?), le nom de duc de Praslins, la fidélité de Madame de Sévigné et de La Fontaine, et tous ceux qui furent fidèles alors que c'était dangereux.

    J'aime le jeune homme qui n'a pas froid dans la cuisine (sa position contre le radiateur, les mains inoccupées, me rappelle Fouquet représenté dans son cachot), les chasubles des prêtres taillées dans les robes de mariées.

    Je n'aime pas les réflexions des puristes, qui tordent le nez parce que les statues du jardin ne sont pas "d'époque" et que la bibliothèque a été reconstituée.
    J'aime le kitsch de la boutique de souvenirs, si commercial, mais témoignant d'un attachement naïf de la part des acheteurs, d'une sorte de ''worship'ing'', d'un désir d'adoration ou d'esbrouffe qui m'émeut ou me fait rire.

    La gloire c'est : signer une tuile de Vaux (de l'ardoise d'Angers) et qu'elle soit exposée sous vitrine plutôt que posée sur le toit.







    Note en mai 2015.
    Cette journée devait être une sortie cruchons mais finalement seuls Patrick et Aline sont venus. J'étais tellement en larmes que j'ai songé à annuler. Je m'en suis empêchée, me tenant à la conviction qu'il ne fallait annuler aucun engagement, que tout renoncement ne ferait que renforcer mon sentiment de vacuité et de ratage.
    J'ai caché mes larmes comme je pouvais, et au fur à mesure de la journée c'est allé mieux, grâce à leur conversation.

    Le manège de La Défense

    Lorsque j'avais vu cet éléphant, je m'était dit «Tiens, on dirait La maison à vapeur» (sans doute mon Jules Verne préféré, parce que ce doit être le premier que j'ai lu).





    Bingo, la décoration du manège est entièrement inspirée de thèmes julesverniens.


    Déjeuné avec Matoo. Il a perdu des joues et porte bien le costard.


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    Note le 23 mai 2015
    Je lui ai raconté la situation. J'ai beaucoup parlé, j'ai un peu honte en y repensant. Il a été très gentil.

    Je copie les notes que j'avais écrites dans la partie non publiée du blog. Je suppose que les "questions" étaient celles d'H. qui n'a pas compris pourquoi j'étais si bouleversée — plus tard, quand j'ai été capable de parler, il n'a jamais admis que j'ai pu avoir peur que les huissiers débarquent à la maison, jamais admis qu'il y avait quelques raisons de s'inquiéter, que cela aurait pu choquer les enfants.
    Donc les mots de l'époque que je n'ai pas mis en ligne parce que je ne voulais pas qu'on m'en parle, qu'on me demande de mes nouvelles: «Un chose est sûre, je ne sais pas répondre aux questions. Je ne peux pas répondre. Pas le courage, pas la force, la rage qui monte, tout de suite, la colère ne pas réussir à s'expliquer. Je suis autiste.

    Crise de larme.»

    Identité régionale II

    Ponton d'aviron. Mise à l'eau d'une yolette.

    — Fais attention, tu vas tomber à l'eau ! Mais qu'est-ce que tu fais ?
    — Je prends soin du matériel. J'ai été élevée dans l'idée que les hommes se remplaçaient plus facilement que le matériel.
    — Tu es bretonne ?

    Questions embarrassantes, il est vrai, mais qui ne sont pas situées au-delà de toute conjecture.

    - Le remplissage (l'emplissage) de la Méditerranée par l'Océan atlantique s'est terminé un 14 janvier, mais j'ai oublié l'année.
    - La mer est-elle haute partout en même temps sur la planète? (S'agit-il d'une translation d'une côte à l'autre ou d'une élévation de l'océan en son centre? (ce qui serait vraiment bizarre, mais bon)).
    - Il n'y a pas de marée aux Antilles.
    - J'aime beaucoup Joyce.
    - Quel est le plus vieux manuscrit, la plus vieille version, de L'Odyssée qui nous soit parvenu? Et où se trouve-t-il?
    - Tentative pour récupérer une affiche. Je progresse. Je sais maintenant qu'elle appartient au département des études cognitives (DEC).

    29 rue d'Ulm. Demandez M. Fernigaud et vous pourrez errer librement dans les étages. Prenez des photos en noir et blanc et vendez-les comme datant de Marie Curie (mais faites vite, dans deux ou trois ans ce ne sera sans doute plus possible).






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    Ajout en mai 2015 :
    Commencé les démarches pour ouvrir un compte à part. Je pense à ma tante qui avait dit à ma mère quand elle avait recommencé à travailler: «Tout plutôt qu'attendre les huissiers à la maison.»

    Matin blême

    Tout le monde est réuni autour de la table du petit déjeuner un jour de semaine, ce qui est exceptionnel.
    Tout le monde est silencieux, ce qui est également exceptionnel (six personnes, pas un bruit, même pas celui de la mastication.)
    Question de ma fille (d'un ton accusateur et moralisant, exactement celui des enfants de la pub Bob l'éponge qui passe au cinéma («Maintenant les parents vous allez vous amuser!» (Qu'on m'amène le réalisateur, que je l'écorche vif. Et tous les adultes qui ont accepté de tourner dans ce truc))): «Mais pourquoi on passe sa vie à la gagner?» Dans un sens je suis soulagée: enfin une question normale. Je lui dis tout de suite qu'il n'y a pas de raison et que vivre est un choix? Je réponds: «A cause d'Adam et Eve.» (Heureusement qu'elle n'écoutait pas sinon je me serais fait engueuler). Et j'ajoute, parce que c'est plus fort que moi et que je pense toujours à cette scène des Sept Mercenaires, quand l'un des héros morigène un petit garçon qui méprise son père paysan et admire les tueurs: «De toute façon la vie c'est très humble, pas très flashy.» (Heureusement elle est déjà partie. Phrase ridicule à prononcer, scène ridicule à raconter, je dois être un peu maso (plonger la tête la première dans sa peur, conversation inattendue dimanche par chat avec une personne rencontrée une unique fois en 2008… Igitur, la peur du noir dont on se souvient le jour. Ahlala la littérature…))

    Travaux dans la rue, circulation sur une seule file, le bus slalome. RER en retard, incident mécanique décelé à la sortie des garages, dans l'autre sens une personne est tombée en montant dans une wagon, il a fallu une "intervention", un train est supprimé à cause du retard pris.
    Trajet debout, je descends de mes chaussures et fais discrètement le trajet pieds nus (afin d'être stable, de lire sans me tenir ni abîmer le livre (ne pas en casser le dos — ne pas me casser la figure)).
    Finnegans Wake. «All the world's in want and is writing a letters». Is There Anybody Out There? Hey! It looks like You're writing a letter! (C'est si facile désormais que nous avons le principe et l'autorisation).

    Dernière épreuve, l'ascenseur. Un sur six en panne, comme d'hab. Qui s'arrête à presque autant d'étages que de personnes ascendantes. Portes poussives, qui hésitent à se fermer, prennent leur élan pour accomplir leur jonction en accélérant sur la fin, comme fières d'y parvenir.
    J'arrive dans mon bureau en me disant qu'Indiana Jones n'est qu'un petit joueur.

    Un peu surprise

    Soirée à l'opéra de Massy, selon une tradition désormais bien établie.

    Hum. Faire reprendre en bis par des collègiens une chanson célébrant le droit de cuissage… On se réconforte en se disant (en espérant) que les enfants n'ont pas compris ce qu'ils chantaient.

    Un rêve

    Dans les "Postsecret" du jour, cette photo :






    Cette nuit j'ai rêvé que je tenais la main de Paul Rivière pendant qu'il mourait (à la façon dont on meurt dans les films). Mais comme chaque fois que je rêve de mort, la mort est restée inatteignable, souffle suspendu, impossibilité de "rendre" le dernier souffle.

    Plus tard je devais me cacher (puisque malgré tout Paul était mort) car il m'avait donné son livret A avant de mourir et ses héritiers me poursuivaient.

    Je me suis réveillée, je me suis levée, et je me suis dit que tout était dit.

    Rien

    Jeudi 13 mai: Une lettre d'huissier. Vu Imogène. Catherine Frot est jolie et le film agréable, soigné dans les détails. Evidemment un peu vieux jeu, charmamment démodé.
    Vendredi : Ma boîte fait le pont. Pour une fois c'est moi qui du fond de mon lit entends les autres partir.
    Samedi : Est-ce qu'apprendre la belote à une Allemande, c'est trahir? Ménage. Kiwis.
    Dimanche : A ma belle-mère qui me demande "Et vous?" pour prendre des nouvelles, je parle du froid de cet horrible mois de mai.





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    Note cinq ans plus tard (mai 2015)
    Je précise que le titre de ce billet reflétait une amertume et un désarroi profonds: nous venions de recevoir une lettre d'huissier avec menace de saisie des meubles. Hervé était en plein déni (il y est toujours); ce n'était pas de sa faute, le RSI s'était trompé, etc. (mais je retrouverai dans les semaines et les mois qui suivraient, au hasard des déplacements de papiers à classer, des lettres AR qu'il n'avait jamais ouvertes; nous étions en mai et la déclaration d'impôts pour sa société n'était toujours pas faite, etc).
    Je me suis effondrée. Le soir même il me fallut un anti-spamodique, je n'arrivais plus à m'arrêter de pleureur, je suffoquais.
    Dans les semaines qui ont suivi, j'ai compris, j'ai découvert, que toutes ces années où j'avais techniquement subvenu aux besoins du ménage, j'avais continué à croire aux promesses qu'il m'avait faites avant qu'on se marie: qu'il prendrait soin de moi. En réalité, c'était l'inverse, c'était moi qui prenais soin de lui, depuis tout ce temps. J'ai été aveugle toutes ces années, complice de ce grand mensonge.
    Quelle importance? Eh bien une importance fondamentale dans ma vision de moi-même: finalement il ne valait pas mieux que moi, finalement il se trompait autant que moi, voire plus si on considérait les conséquences (je n'étais pas si nulle!). Et surtout, je ne devais pas croire ce qu'il disait. Je ne devais croire que ce que je voyais. L'amour n'était pas dans les mots mais dans les actes, et moi à qui il avait souvent reproché ma froideur, j'avais posé plus d'actes que lui. Toute ma vision du monde était à inverser, je me trompais, je m'étais trompée sur tout depuis très longtemps.

    Pour le moment, je suis en larmes, dans la cuisine, dans la métro, sous la douche, au bureau, et il faut que je le cache devant Déborah et les enfants. C'est épouvantable. Le monde s'effondre devant moi, je découvre que H. met les enfants en danger et qu'il ne le reconnaît pas.

    Cruchons III : une vraie question

    toujours Sidoine

    James Joyce considérait que son œuvre n'était pas immorale, mais celle de D.H. Lawrence, oui; Lawrence pensait exactement l'inverse.

    Cruchons II : charade

    due à Sidoine (Evidemment pour nous c'était un peu plus facile puisque cela venait dans le courant de la conversation. Indice: nous parlions du décorum des dîners à Sainte-Hélène) :

    Mon premier est un mode d'éclairage;
    mo second est une ville du sud de la France;
    mon troisième est un gaz;

    mon tout est un événement survenu en 1821.

    Cruchons I : Ramsès II

    Il manquera à ce billet la truculence de Laurent nous racontant l'anecdote vendredi dernier, au Petit Broc.

    Tout humain, même à l'état de dépouille, de cadavre, de restes mortuaires, circulant sur le territoire français doit posséder un passeport. C'est ainsi qu'on établit un passeport égyptien à Ramsès II lorsque sa momie vint en France à des fins d'analyses scientifiques.
    A la rubrique profession il fut noté : «Roi», et à ce titre il lui fut rendu les honneurs militaires à l'aéroport de Villacoublay à son arrivée comme à son départ.

    A l'époque, Mme Desroches Noblecourt était encore conservatrice des musées, et elle avait dans l'idée que Ramsès devait absolument revoir "son" obélisque. Valéry Giscard d'Estaing décida donc que le convoi ramenant la momie à Villacoublay ferait une ou deux fois le tour de la Concorde.

    Il est bien certain qu'avec de telles attentions nous sommes dans la délicatesse chère à Barthes.

    Réconfortant

    Allée ramer malgré le froid et mon tout petit moral.

    Axiome de base que j'ai pu vérifier une fois encore : les gens gentils sont gentils.

    L'attente me manque

    Je m'aperçois que si depuis le début de l'année les midis me semblaient vides, c'est que j'attendais. Si je me résolvais le vendredi à aller ramer, c'est qu'il était trop tard cette semaine-là. Toutes les semaines avaient un goût de désert, d'étendue plate illimitée. Je ne comprenais pas pourquoi. Je ne comprends que maintenant qu'il leur manquait leur ponctuation.
    Je n'ai plus à attendre et cela laisse un vide.

    ...

    En fait je ne me remets pas de la mort de Paul.

    La question du jour

    Pourquoi ai-je un message en provenance du portable de Gvgvsse en date du 8 mai 12h34 me disant mot pour mot (ni plus, ni moins): «Ma chérie, reste au lit»?

    Toutes les explications sont bienvenues.

    Un point sur les réseaux sociaux (enfin, surtout sur FB)

    Depuis quelques jours, les touitteux et blogueurs que je suis expliquent les derniers méfaits de FB et proposent des astuces pour s'en défendre.
    Je mets dans ce billet un peu tout ce que j'ai vu dernièrement (tout est disponible en français, c'est exceptionnel et souligne sans doute que l'inquiétude gagne):

    D'abord, pourquoi nous avons besoin de réseaux sociaux: un magnifique récapitulatif de l'évolution en cinq ans de la politique de Facebook concernant les données privées.

    Ensuite, les derniers développements de FB :
    - Comment FB partage ce qu'il sait de nous (un peu technique, mais cela amusera bien un ou deux lecteurs);
    - comment bloquer le bouton "j'aime" dans les sites hors FB afin d'éviter qu'ils n'aient accès à vos données FB (l'autre solution est peut-être de ne jamais cliquer sur "j'aime", mais je n'en suis pas si sûre. Pas bien compris ce point); ou à l'inverse pourquoi ne pas l'installer ou pourquoi le désinstaller de son site;
    - comment effacer son mur FB en quelques minutes (à mon avis, plus efficace que fermer ou demander une suppression de compte: on peut supposer que le dernier état de votre compte FB est celui qui finit par primer sur toutes les sauvegardes précédentes conservées dans les coulisses de FB. Si vous effacez votre mur, ce qui sera sauvegardé sera un mur vide (un peu comme lorsqu'on écrase un billet par un autre dans un blog: ce que conserve Google, c'est le dernier état du billet).

    Enfin, il faut savoir qu'il existe des réseaux pour à peu près tout (même si je ne sais pas trop comment les trouver). Voici dix exemples, ceux-là en anglais (se faire pousser des moustaches, aimer les vampires ou lire l'avenir, se retrouver entre baby-boomers (comprendre "aînés" pour ne pas dire "retraités"), entre génies, entre futurs divorcés, etc).

    Retour

    Hotel Bugatti à Molsheim, pique-nique dans les jardins du château de Lunéville, bergamottes place Stanislas, kebab à Sézanne.

    Identités régionales

    A prononcer avec l'accent haut-marnais:

    — Nous, dans ma boîte, on est pour ainsi dire espagnol; eh bien, y'a un gars qui m'expliquait, on dit toujours les Basques, mais tu peux avoir un chef d'atelier qui parle pas basque avec des ouvriers basques, mais tu peux pas avoir un chef d'atelier qui parle pas catalan avec des ouvriers catalans…
    — Oh moi j'dis rien, j'chuis une balibeux, alors… D'ailleurs à Nogent on l'dit bien, sans les balibeux, y'aurait pas d'vie. Enfin, ma maison elle est balibeux, mais mon garage il est fouéroux, le propriétaire quand il a vendu il m'l'a dit tout de suite.


    Une fois rentrée j'ai fait une recherche et je suis tombée sur le curieux blog d'un gendarme curieux.

    Au boulot !

    Retour à un peu de traduction de self-help blog (j'aime bien, ça me rajeunit. X. dans la panade à qui je demandais s'il voulait quelques liens vers ce genre de blogs me répondait mi-hautain mi-désabusé: «Mais je SAIS ce qu'il faut faire». Oui bien sûr. Mais ce que j'aime (pourquoi je préfère les blogs aux livres), c'est le côté "Non Jeff t'es pas tout seul": c'est pas possible qu'on en soit tous là… Ça me fait rire et ça me rassure.)
    NB: c'est à peine une traduction, plutôt une adaptation (par extraits).
    Mon conseil désormais : arrêtez de penser compliqué.

    Etre efficace, tel que je le pratique aujourd'hui, est simple: je prends la tâche la plus importante que je veux accomplir dans la journée, j'éloigne les distractions, et je m'y mets.
    Vous n'avez pas besoin de To-do-list, tout au plus d'une liste des choses à ne pas oublier. N'ayez qu'une liste, mais ne tournicotez pas autour. Choisissez une tâche, et commencez.

    De même, quand j'ai voulu me désendetter, j'ai essayé différents logiciels, j'ai planifié mes remboursements, j'ai traqué mes dépenses, etc. C'était compliqué, croyez-moi.
    Maintenant je sais que c'est simple: d'abord arrêter les dépenses inutiles. Ensuite se servir de tout ce qu'on arrive à économiser pour rembourser une dette à la fois (d'abord se constituer un fonds d'urgence d'au moins 500 euros), rembourser cette dette et s'attaquer à la la suivante.

    Quand j'ai commencé à blogguer en janvier 2007, j'ai étudié des douzaines de plateformes et de logiciels, de thèmes, d'offres publicitaires associées, d'ebooks, d'articles sur tous les sujets blogables possibles. C'était normal, puisque je découvrais le domaine.
    Mais aujourd'hui, je sais que c'est simple: choisir un sujet, écrire, publier. Il est ensuite possible de faire de la publicité sur twitter ou facebook, mais ça n'a pas beaucoup d'importance. Si vous écrivez intéressant ou utile, les gens vous trouveront. Ecrivez et publiez.

    Trouvez la façon la plus simple d'agir, et commencez. Vous apprendrez en avançant.

    Leo Babauta de Zen habits
    PS : La même ici: commencez à partir du point où vous vous trouvez (ce qui me fait penser à la vieille blague de mon père: «D'ici on ne peut pas y aller»).
    - un moteur qui semble agréger une liste de blogs de self help.

    AG de l'association des amis de Cerisy

    Je crois bien y être allée avant tout pour voir la bibliothèque de l'Arsenal (las, point de photo, plus de batterie, pas assez de lumière).
    (Mais aussi, je m'en suis avisée mélancoliquement, parce que toujours j'attends et j'espère: je n'arrive pas à croire que je suis la seule à m'intéresser à Cerisy, Coutances, à Joyce, à Proust,… Que sont mes amis devenus, mes professeurs, mes camarades de classe… Vraiment, je ne croiserai jamais personne venu du passé? Et pourquoi attendre cela, alors que je m'entendais si mal avec eux? au nom de la littérature, au nom du désir, au nom du désir d'avoir la preuve que tout cela n'était pas qu'illusion, pas que snobisme et prétention, que pour quelques-uns, au moins, c'était sérieux, important, engageant… (C'est ridicule, quel pourcentage de chances de croiser au hasard des gens si longtemps après dans des lieux aussi spécialisés? — Mais justement, parce que ce sont des lieux spécialisés…)). Mais bon.

    Je vous laisse découvrir le programme ici. Kafka m'intéresserait, mais hélas… ni temps ni argent. Une amie, blogueuse par ailleurs, intervient dans le colloque Poésie et politique au XXe siècle (et donc je vous le recommande chaleureusement).

    Rapport moral, rapport financier. La Poste, la SNCF, la RATP ont regagné un ou deux points dans mon estime (ce qui ne les fait pas monter bien haut) car ils participent au financement de Cerisy via un "Cercle des Partenaires". (La BNP devrait bien en faire autant pour ses péchés.)

    Histoire drôle pour terminer: impossible de mener des travaux à Cerisy sans avoir l'accord des Monuments historiques. Après des décennies d'expérience, cela se passe plutôt bien. Cette année est parue une nouvelle procédure dans le cadre de la simplification des rapports avec l'administration. Accord suspensif donc lorsque l'association demande l'autorisation de remplacer la porte des Escures (anciennes écuries transformées en chambres doubles (auxquelles je dois la connaissance d'Elisabeth)) par une porte identique: il faut… un permis de construire.
    L'épais dossier est constitué. Réponse de l'administration: vous êtes une personne morale, il nous faut… un plan d'architecte. Qu'à cela ne tienne, Cerisy avait un architecte sous la main (en train de travailler au projet d'aménagement d'une salle accessible aux handicapés). L'architecte fit un beau dessin, le dossier retourna à l'administration concernée… où il attend encore.
    La porte sera-t-elle remplacée avant l'été?

    Saccharine

    Finalement je découvre que le cinéma pourrait constituer un substitut de choix au fait de se bourrer la gueule.

    Mammuth

    Beaucoup aimé ce film, lent, tendre, absurde et sans ennui.
    Il donne l'impression d'avoir été tourné avec une caméra familiale des année 70, peut-être est-ce le cas.
    Yolande Moreau et Depardieu arrivent à donner avec rien, à partir des premières secondes où ils sont ensemble, une impalpable impression de tendresse.

    Film qui va nulle part, film autour de dingues pas si dingues, qui m'a rappelé, en plus maladroit, les films d'errance à la Jarmush ou la Kaurismaki. (Habituellement quand je trouve qu'un film ou un livre ressemble à d'autres "plus grands", c'est mauvais signe: le film ou le livre était inutile, application pénible de recettes mises au point ailleurs. Mais là, s'agissant d'un film français, je me dis que c'est un début. J'attends avec curiosité et espoir le suivant.)

    Quand j'y pense...

    Je continue d'indexer Vehesse. Ce matin, je tombe sur ça. L'ami, c'était Paul. J'ai prêté Douglas Adams à Paul… Ma folie (comprendre: mon inconscience) ne m'apparaît jamais que rétrospectivement.

    Cependant, s'il me l'a rendu en 2004, c'est que je lui ai prêté en 2003. Il m'est difficile de me représenter la vivacité de son esprit à cette époque. Les derniers souvenirs écrasent les impressions antérieures.

    J'avais pris très au sérieux son désir de "lire" (découvrir la littérature) et je tâtonnais, cherchant ce qui lui plaisait, ce qui lui aurait plu, ce qui lui aurait permis de discuter avec ses petits-fils (son grand souci), mélangeant les genres, les degrés de difficulté. Ce n'est que lentement que j'ai admis qu'il ne "lirait" jamais, il était trop tard, cela ne l'intéressait pas assez, il ne pouvait aller à la fin des livres (il les abandonnait sans les terminer).

    Je n'ai découvert/compris que très tard que sa passion littéraire aurait été les auteurs latins. Il en avait un souvenir vif, me confiant qu'à une époque il lisait La guerre des Gaules couramment dans le texte. Vers la fin, il avait souvent sur lui une mince plaquette bilingue de Cicéron ou de Lucrèce.

    Et ces mots de Fumaroli m'ont touchée au moment où j'en avais la preuve devant les yeux:
    C'est au cours de la brève vacance de l'enfance et de l'adolescence que sont semées (ou non) dans la jeunesse les futures ressources de l'esprit, de l'âme et du cœur, dont disposeront (ou non) l'âge adule et le grand âge. Je me retrouve maintenant, senex-puer, au temps des vendanges, lisant et relisant, mais aussi écrivant et réécrivant, étonné de trouver dans ces exercices un remède aussi efficace à la mélancolie de mon automne que l'avaient été, à celle de mon printemps, mes premières plongées dans la lecture.

    Marc Fumaroli, préface à Exercices de lecture, p.8 et 9
    (Et je m'inquiète, faisant le compte de ce que j'ai lu à l'adolescence: quelle pauvreté.)

    La Pérouse

    Je voyais Paul une fois par semaine mais je n'osais pas raconter nos rencontres ou ses souvenirs: j'avais peur qu'il ne découvre ce blog et qu'il me juge indiscrète. Ou qu'il le lise, m'obligeant dès lors à me censurer.
    (Je lui prêtais sans doute bien plus d'habileté qu'il n'en eut jamais: il s'essaya à l'informatique deux ans trop tard, j'aurais dû insister pour qu'il s'y mette dès qu'il m'en parla. Je n'ai pas osé, plus exactement je ne me sentais pas le droit d'insister, et deux ans plus tard, c'était devenu trop déroutant pour lui, il s'énervait trop vite quand il ne comprenait pas. Il voulait comprendre son ordinateur comme il avait compris sa voiture («Ma première voiture, je l'ai démontée et remontée pour comprendre comment elle fonctionnait»), il ne pouvait accepter d'utiliser sans jamais accéder au coeur du système (quoique dans ma folie je lui eus ramené un ouvrage de vulgarisation sur les ordinateurs (micro-processeurs, carte-mère, etc): s'il voulait comprendre, je voulais l'aider).)
    Aujourd'hui ce sont ses petits-enfants qui pourraient trouver ces lignes. J'ose imaginer qu'elles leur feraient plaisir, peut-être qu'ils y découvriraient des aspects inconnus de leur grand-père. Au pire il serait toujours possible de passer ces notes hors ligne.

    Ainsi, ce billet avait été rédigé après la visite privée de l'exposition La Pérouse au musée de la Marine à laquelle j'avais été invitée par Paul. A l'époque sa femme allait très mal et il était déjà fatigué. Il n'y avait pas de quoi s'asseoir (conférences (assis) (avec la présence d'un descendant de La Pérouse, aujourd'hui installé aux Etats-Unis, et de chercheurs, animés de la conviction que La Pérouse, en savant qu'il était, avait forcément protégé ses notes, son travail, et qu'il avait dû les enterrer (et leur vie entière à imaginer, à tenter de déchiffrer un code dans les documents retrouvés, un code qui leur permettrait de retrouver la malle forcément cachée… Il me semblait écouter Tournesol dans Le secret de la Licorne)); visite (debout); l'inévitable cocktail (debout): Paul était épuisé mais voulait le cacher, il me fallait donc faire semblant de ne rien remarquer.)

    Evidemment, depuis ce soir-là, le passage de Proust a acquis pour moi une nuance supplémentaire, illustrant ce point. (Proust parle donc de la deuxième expédition, celle de Dumont d'Urville qui trouva l'île (contrairement à d'Entrecasteaux) mais non les restes le La Pérouse).

    La Grèce ma revanche

    Evidemment la Grèce m'inquiète. Situation inédite depuis l'emprunt russe, il me semble. La confiance étant le fondement de l'économie occidentale, si l'on ne trouve pas de solution les conséquences risquent d'être dramatiques. Assèchement total du crédit.

    Cependant cependant, comme une envie de rire…
    J'avais été très agacée que nous fussions obligés de voler au secours des banques alors que c'étaient elles qui nous avaient mis dans la panade.
    L'idée qu'aujourd'hui elles doivent se porter au secours de la Grèce sous peine de se retrouver elles dans la panade me réjouit.

    «Si vous devez un peu d'argent à votre banque, vous avez un problème, si vous lui devez beaucoup d'argent, elle a un problème.» (Proverbe cité par un professeur dans les années 80 à propos de la dette du Tiers-Monde. (D'ailleurs je me demande ce qu'est devenue cette dette, on n'en parle plus. L'autre sujet de l'époque était "la dématérialisation des marchés financiers"1. Un jour (dans dix ans?) "mondialisation" sera oublié, remplacé par un autre gimmick.))


    Oui oui, je sais bien qu'au bout du compte, et dans tous les cas, ce sera nous, la population, qui paierons les pots cassés. Car nous représentons l'économie réelle (comme dirait Pierre Hadot, le métal se plie moins à la volonté que les idées et les constructions mentales.) Mais j'aime bien savoir que certains sont en train de transpirer.

    J'aimerais bien que quelqu'un se penche sur les avoirs des salariés et responsables des agences de notation. Aucun délit d'initié, pas d'enrichissement personnel, vous êtes sûrs?


    Note
    1 : Ah, et le trou dans la couche d'ozone, aussi.

    La tombe de Balzac

    Apparemment la concession arrive à son terme.





    «Concession en reprise administrative, s'adresser à la conservation.»
    Mais s'y adresser pour quoi? Pour la reprendre, pour racheter la place?

    bof

    Déprimée. Engueulée avec ma mère à cause d'une serpilière…

    Elle a voulu me prouver qu'elle avait raison à propos de la wassingue, elle est allée chercher un dictionnaire.

    J'ai explosé en lui disant qu'on s'en foutait, qu'on n'en avait rien à faire, qu'il fallait toujours qu'elle ait raison pour des trucs qui n'avaient pas la moindre importance.

    Elle a secoué la tête en disant "Je comprends beaucoup de choses chez A.".

    Trois jours pour rien. #fail

    rectificatif : pas tout à fait pour rien : durant nos trois jours d'absence les feuilles des chênes se sont déployées. Tout est vert désormais.


    J'ai vraiment hurlé. A la réflexion je pense que ça vient de la mort de Paul Rivière. La dernière fois que j'ai craqué ainsi, c'était après la mort de mon grand-père.

    Faner

    En avril poussent des jacinthes sauvages dans le jardin. Tous les ans je repousse le moment de la première tonte afin de ne pas les abîmer et les laisser se multiplier.

    J'ai appris à midi que c'était la bonne méthode pour ne pas avoir besoin de tondre souvent: attendre juin que l'herbe soit haute, la couper comme on ferait les foins. Ensuite elle repousse peu, bien moins qu'une pelouse ordinaire.

    Regarder les Ch'tis, c'est dangereux

    Fantastique explosion de violence autour d'une wassingue et d'une serpilière.
    Ma mère m'insupporte définitivement. Je ne suis pas chargée de guérir son insécurité. Elle m'emmerde.

    J'ai trouvé MON axe de progrès, le point à maîtriser: il faut que je supporte de laisser les autres avoir un ton triomphant et professoral même quand ce qu'ils disent est si évident que cela en devient stupide, même quand je savais déja ce qu'ils me disent, même quand c'est moi qui le leur avait appris, même lorsque cela démontre à quel point ils n'ont rien compris de ma vie.

    Vexée

    L'équipe française de handball a été bloquée en Islande1.

    — Ils ont dû rentrer en voiture…
    — Ça ça m'étonnerait!

    Eclats de rire général. La personne qui a prononcé la phrase se renfrogne.



    1 : par l'éruption du volcan Eyjafjallajökull.

    Green zone

    Film vide. Intéressant par sa portée politique. Chaque film de ce genre me ramène à Docteur Folamour.

    Le koala du zoo de Beauval

    Evénement européen: il y a eu une naissance de koala il y a quelques années, le zoo en attend une autre (à moins qu'elle n'ait déjà eu lieu? Une patte dépasse par moment de la poche maternelle: né ou pas né?)

    Le koala du zoo de B*auval ne mange que des feuilles d'eucalyptus, et encore, le haut des feuilles, et fraîches. Au bout d'une journée il faut jeter les feuilles sèches ou fanées. C'est l'animal du zoo le plus coûteux à nourrir: il n'existe que deux producteurs de feuilles en Europe, en Angleterre. (Ouf, l'Eyjafjallajökull ne les a pas condamnés à mourir de faim.)

    Faire part

    Chères amies, chers amis,

    Permettez-moi de vous informer d'une triste nouvelle. Notre camarade et doyen, Paul Rivière, nous a quittés le 13 avril dernier. Nous nous souviendrons longtemps de son élégance, de sa courtoisie, de sa grande culture et du plaisir évident qu'il éprouvait à participer de manière assidue à nos dîners littéraires, entouré de quelques groupies.

    Silence

    Il me vient une inquiétude d'écrire, le désir d'écrire beaucoup de bêtises pour remonter ensuite parmi les pages dissimuler ce que j'ai envie d'écrire — sans être lue, ou pas trop, ou pas trop vite, et pas par tous…
    Pourquoi ici, dès lors? Parce que paradoxalement, c'est l'endroit le plus discret, l'endroit immatériel; puisque c'est le lieu de la plus grande exposition, c'est le lieu de la moindre importance: ce qui est écrit ici ne peut pas, ne doit pas, être pris au sérieux.

    La douce profession d'avocat

    — Et ça va coûter combien, cette histoire? Parce que je vous préviens, si ça dure cinq ans, je ne pourrai pas donner ça tous les ans ou tous les dix-huit mois. Quand on me demande conseil au sujet d'une action en justice, je réponds toujours de ne se lancer que si l'on n'a pas besoin d'argent et qu'on a le temps.
    En d'autres termes c'est très zen comme principe: seul celui qui s'en moque peut attaquer en justice, celui qui n'a besoin de rien et accepte de tout perdre. Comment expliquer cela à ceux qui croient à La Justice et qui se pensent bafoués?)
    L'avocat acquiesce : — Oui, au Japon on dit que gagne celui qui tient le plus longtemps.

    Je n'ai pas ajouté, parce que je n'avais pas encore analysé la situation, que la multiplication des plaignants dans une même affaire multiplie les honoraires d'avocat mais divise les espoirs de rétribution de chacun quand la personne poursuivie n'est guère solvable.

    Autre proverbe : Un avocat est payé pour trouver des problèmes, pas des solutions.

    Il y a dix ans

    Un vendredi.

    On nous avait fait tellement suer pour notre mariage que je voulais fêter les dix ans, le "malgré tout", "le malgré vous", ma victoire, mon combat, ma joie, ma revanche, tout ce que vous voulez tant que ça explose de rire et d'énergie, tant que ça tourne le dos au malheur prédit, annoncé.

    Le bonheur, la volonté moins d'être heureuse que d'échapper à la morosité, à la tristesse, le refus de se morfondre dans la déprime (j'en veux au romantisme d'avoir fait croire à tous qu'être malheureux rendait intéressant: oui, à condition d'essayer de s'en sortir!)
    Je me rends compte que je ne peux rester amie avec des gens qui se complaisent dans leur état de malheur. Je m'en détache naturellement. Le seul combat qui vaille, qui a tout mon respect, est celui pour la joie1.

    Jacqueline : "tu étais déjà drôle à l'époque": drôle? j'étais drôle? Ô joie et bonheur, j'étais drôle et je le suis. Quelle merveille de découvrir cela, quel bonheur de l'apprendre, quel dommage de ne pas l'avoir su plus tôt! Les autres, ou au moins une autre (et quelle autre, celle qui compte plus que toutes les autres), me trouve drôle : perspective bouleversée, espoir de s'en sortir, je peux y arriver.




    Note
    1 : mais pour toi c'est facile à dire, tu as tout pour être heureuse. — Exactement! Il serait tout à fait indécent de se morfondre dans la déprime dans ma situation, je suis entièrement d'accord (mais dans la tienne aussi, mais tu n'y réfléchis pas (mais cela, je ne le dis pas, je le garde pour moi))..

    Observations aquatiques

    Un cygne joue dans les vagues produites par le canot moteur. Plus tard, je l'ai vu la tête sous l'eau brouter longuement les algues sur les parois d'une péniche. Le cygne semble avoir une impressionnante capacité respiratoire (ou pulmonaire? Comment dit-on?)

    Un gros poisson mort (cinquante à soixante centimètres) affleure tel une bûche à la surface de la Seine. Un corbeau surveille la dérive de la charogne, tente de s'y poser, s'envole quand le cadavre se dérobe sous son poids, se pose sur la rambarde d'une péniche, recommence, même jeu, n'abandonne pas.

    Musée Balzac

    «Balzac était très bavard. Les jours où il devait y avoir beaucoup de travail à l'étude, Maître Guillonet-Merville lui disait: "Demain il y aura du travail, restez chez vous"».


    Sur le mur de la maison de Balzac, rue Berton à Passy.


    Caramba, encore raté !

    O. (11 ans) : — Mais pourquoi Alice dit qu'il est arrivé six choses impossibles? Puisque c'est arrivé, ce n'est pas impossible?
    Aaaahhh… se pourrait-il que? Je suis contente. — Tu as raison, le livre Alice est plein de choses comme ça qu'on ne voit pas dans le film. C'est pour ça qu'on le donne aux enfants mais qu'en fait, ce sont les adultes qui l'aiment. Par exemple elle demande au chat quel chemin elle doit prendre. Le chat répond que ça dépend où elle veut aller. Alice dit: "n'importe où", et le chat répond: "alors n'importe quel chemin fera l'affaire".
    O. rit.
    — Attends, je crois qu'on a Alice quelque part, quelqu'un vous l'a offert.
    Comme je suis très motivée, je le trouve en quelques secondes. Je le lui tends, il le feuillette, le tient avec embarras, ne sait pas quoi en faire. Je tends la main:
    — Ça va, j'ai compris, rends-le moi. Inutile que tu le prennes pour me faire plaisir et qu'il traîne dans ta chambre. Je préfère le ranger.

    O. n'a jamais commencé un livre s'il n'y était pas obligé. Et encore moins terminé.

    Beaubourg

    Parti un peu en catastrophe voir les feuillages de Lucian Freud. Passé à la librairie du centre Georges Pompidou afin de préparer les enfants à ce qu'ils vont voir (et pour regarder les cartes postales: excellent endroit pour acheter une carte postale poilue).
    En feuilletant le catalogue Freud, A. tombe sur un homme nu allongé, sexe exposé en premier plan:
    — Je pensais que c'était interdit, me dit-elle.
    Je suis surprise. Ah tiens, malgré la télé qu'elle regarde et les BD qu'elle lit, elle imagine donc qu'il reste des sujets qu'on ne peut pas peindre, et qu'il y a des lois pour cela? Je réponds avec force:
    — Mais non! Mais évidemment, comme ce sont les hommes qui peignent, ils préfèrent peindre des femmes à poil.

    Nous étions venus voir Freud, nous aurons vu Erró (Des cartoons, chic!… Des cartoons, beeeuuuh… Réactions des enfants (11 à 14 ans) car nous avons remonté l'expositions Erró à l'envers et commencé par le plus hard, dans tous les sens du terme) et un film sur Patrick Jouin qui montre la réalisation de divers objets: chaudement recommandé pour toute personne fascinée par les conceptions industrielles, la machine à emboutir les cuillères à soupe, le laser à faire fondre des micros-particules de plastique (0,3 mm) ou la résine incorporée sous vide à une structure en carbone… (Mais où se trouvent donc ces usines magiques?)
    Nous apprenons à faire cuire les pâtes à la façon du risotto (??!) et qu'on se déplace en vélib dans les ateliers qui fabriquent la nouvelle sanisette parisienne (gratuite, lavée à l'eau de pluie recyclée).

    En sortant je me trompe de direction et nous passons par hasard devant cette affiche, qui répond très précisément à la question de A. posée beaucoup plus tôt. Hélas elle ne lit pas l'anglais.




    J'ai imaginé le public féminin entrant nu à Beaubourg et je me suis dit que cela ne gênerait pas grand monde, au contraire.
    Quel mauvais slogan.

    Alice de Tim Burton

    Vu Alice, donc. La jeune correspondante allemande que nous hébergeons était si contente à cette perspective. (J'ai l'impression qu'elle n'y croyait plus, à son grand désespoir, car «tous les élèves de ma classe l'ont vu»).

    Je n'ai pas compris les appréciations négatives que j'ai lu sur des blogs ici et là. Cela m'a juste laissé indifférente. Alice de retour au pays des merveilles, Alice treize ans plus tard, Alice traînée de force à une réception où elle ne veut pas aller:
    — Mère, est-ce que nous ne pourrions pas faire demi-tour? Personne ne s'apercevra de notre absence…
    — Si, ils s'en apercevront.
    Sans doute les deux phrases du film qui me réjouissent le plus.

    La jeune actrice qui joue Alice ressemble un peu à Sandrine Bonnaire (jeune, avant qu'elle ne devienne si mince, si décharnée).

    Sinon, voir le moment où la reine blanche, qui minaude en continu les mains à hauteur des épaules, montre un mouvement d'impatience quand elle voir le chien galoper vers le château et, sitôt les courtisans disparus, abandonne la pose et retrousse ses jupes pour courir vers le chien: moment du kitsch clairement exposé comme kitsch.

    Je ne peux plus regarder ce genre de film car j'y vois partout des allusions qui me paraissent non des variations "en hommage à", mais un manque d'idées. Comment ne pas penser à Narnia devant le loir (qu'on appellerait partout ailleurs une souris) susceptible et batailleur, et l'attente du retour d'Alice comme on attendait le retour des enfants dans Narnia? Et cette image de l'épée rendue à l'armure, moins le roi Arthur qu'Aragorn?
    Etc., etc.

    Pourquoi les échos enrichissent-ils les histoires dans un certain cas, les appauvrissent-elles dans d'autres? Une règle de ce genre serait-elle valable: une œuvre mineure ne peut faire signe vers une œuvre qui lui est supérieure sans mettre en scène sa propre médiocrité? (tandis qu'une œuvre appartenant à la sphère des œuvres majeures peut ou même doit faire référence à toutes les œuvres appartenant à ce même univers).
    Mais comment savoir, quand on est soi-même l'artiste, où l'on se situe?

    Deux derniers points: un bon film aurait établi davantage de liens entre le rêve et la réalité. Le lien jumeaux/jumelles est le seul qui existe, dommage.
    Conseil à Tim Burton: bel habit bleu d'Alice sur le pont du bateau: et si vous nous tourniez une Ile au trésor?

    Pas de nouvelles, très probablement mauvaise nouvelles.

    J'ai écrit une fois, en laissant une carte de visite dans l'enveloppe pour que la famille de Paul puisse me répondre. Rien.
    J'ai téléphoné. Ça ne répond pas.
    Le week-end dernier j'ai rêvé de lui. Je suis persuadée qu'il est mort.
    Hier je suis passée en bas de son immeuble, je pensais qu'il y avait une concierge. Non, juste un code, porte close.

    Il faut que je trouve le numéro de téléphone de son petit-fils et que j'appelle. J'ai pas envie.

    Trop culte

    — O., tu ne crois pas que tu devrais lire un peu?
    — Mais pourquoi?
    — Je ne sais pas, pour te cultiver…
    — Mais je suis déjà beaucoup plus culte que les autres !

    Marelle

    Quand vous marchez en talons sur les dalles de La Défense, vous jouez au vieu jeu qui consiste à ne pas marcher sur la ligne entre les carreaux.
    Si vous coincez votre talon entre deux dalles, vous avez perdu.

    D'où la démarche dansante de certaines femmes les yeux au sol, calculant le point d'impact de leur talon ou décidant de marcher sur les demi-pointes.

    Les moyens du bord

    — Aujourd'hui comme on n'a plus de grenouilles, on va disséquer des poissons panés.

    Une histoire de Ian Monk

    A l'oulipo, jeudi dernier. A prononcer ave l'accent anglais et les cheveux en crinière.

    C'est un type qui s'est coupé tous les doigts avec un massicot, les dix, comme ça, schhaffttt! Il arrive à l'hôpital et le chirurgien veut les recoudre.
    — Ils sont où, vos doigts?
    — Mais je les ai pas! Ils sont restés par terre, à l'atelier.
    — Mais il fallait les ramasser.
    — Avec quoi?

    La chauffeur de car

    Elle conduisait son car comme si c'était une R5, confiant à ma collègue que "elle avait regardé sur mappy, mais qu'ils donnaient toujours des itinéraires pour voitures".

    Avouons qu'elle se débrouillait bien pour faire demi-tour en ville et reculer sur trois cent mètres dans les petites rues de Massy en sens unique (parce que l'issue de la rue lui paraissait incertaine ou trop étroite).


    J'ai pensé à cela, même si finalement à la relecture c'est assez éloigné.

    Discussion autour de cinq pizzas, deux salades et une escalope au marsala

    Ah j'allais oublier : les tournesols respectent bien mieux la suite de Fibonacci que les marguerites.

    Coalition

    Je crois que je vais bientôt assister au retournement d'une règle de vie sociale.

    La règle est la suivante: les râleurs, les emmerdeurs, obtiennent ce qu'ils veulent; non parce qu'ils ont raison de le demander, mais parce qu'on est plus tranquille en le leur donnant. (Illustration: le gosse braillard à qui son père propose une trotinette pour le faire taire (tête déconfite de son grand frère, six ans, bien sage "Et moi?", murmure-t-il (il aura sa trotinette, je crois (scène vécue à Décathlon)), la collègue pénible qui obtient son bureau près de la fenêtre, l'invitée qui bouleverse le plan de table soigneusement réfléchi, ma sœur qui m'a condamnée au jambon/coquillettes toute mon enfance, etc.)

    Bref, il existe ce que j'appelle "la prime à l'emmerdeur" (et depuis que je l'ai repérée, j'essaie d'être attentive à ceux qui sont discrets, silencieux, souriants. Je milite pour une digue contre les emmerdeurs et une prime aux gentils.)

    Cependant l'effet peut se retourner. L'emmerdeur doit prendre garde à ne pas exaspérer TOUT le monde en MÊME temps contre lui.
    Je crois que c'est ce que vient de faire ma fille.

    Relations

    « Chez moi, il y a une invitation de la reine d'Angleterre sur le frigo. »

    Avec assurance

    A l'occasion de la sortie de son livre Le goût de vivre et cent autres propos, L'Argus de l'assurance interroge André Comte-Sponville.

    Interview qui enfonce quelques portes ouvertes, certes, mais c'est le lieu de sa publication qui me fait sourire: un magazine professionnel dédié à l'assurance.
    Et puis même l'évidence mérite d'être rappelée.
    […]

    Descartes conseillait de «marcher avec assurance en cette vie». Pensez-vous qu'il faille en toutes circonstances «marcher avec UNE assurance en cette vie»?
    Tout dépend de ce qu'on entend par là. Celui qui n'aurait aucune assurance, de nos jours et dans nos pays, c'est soit un miséreux qui n'a ni domicile ni voiture, et pas les moyens de se constituer un patrimoine, soit un irresponsable. Donc avoir une assurance, ou plusieurs, oui, bien sûr, il le faut ! En revanche, celui qui prétendrait s'assurer contre tous les risques serait une espèce de malade.
    C'est un peu la dérive de notre époque. Vous savez que beaucoup d'entre nous sommes assurés (notamment via nos cartes de crédit) plusieurs fois contre les mêmes risques. Tant mieux pour les assureurs. Mais est-ce bien raisonnable ? Certains, partant en vacances, prennent une assurance météo : ils veulent se faire indemniser s'il ne fait pas beau! Mais quand on n'est même plus capable d'affronter un risque météorologique mineur (qu'il pleuve en août, ce n'est pas une catastrophe!), c'est un signe de faiblesse davantage que d'intelligence. Et puis rappelons que l'essentiel n'a pas de prix. Vous pouvez prendre une assurance sur la vie, ou sur celle de vos enfants? Ils toucheront de l'argent, ou vous. Très bien. Mais cela n'a jamais empêché personne de mourir, ni tenu lieu de consolation.

    […]

    Etendu très largement, ce principe de précaution n'est-il pas un handicap?
    Il risque de le devenir. D'autant plus que ce principe, dont tout le monde parle et qu'on ne formule presque jamais, est souvent pris à contresens. Plusieurs de nos concitoyens lui donnent le sens suivant: «Ne faisons rien qui présente un risque, nous ne sommes pas capables de calculer exactement ni certains de pouvoir surmonter.» Bref: «Dans le doute, abstiens-toi!» Le problème, c'est que, comme il y a toujours un doute (le risque zéro n'existe pas), on s'abstiendra toujours !1
    C'est ainsi que ce principe de précaution devient un principe d'inhibition, qui risque de bloquer la recherche, de brider les énergies, de faire prendre du retard à notre pays. La bonne formulation de ce principe est à l'opposé: «N'attendons pas qu'un risque soit certain ni calculé exactement pour entreprendre de le réduire et de le surmonter. Bref: «Dans le doute, agis!» Principe non d'inhibition, mais d'action. La seconde formulation est, bien sûr, la plus juste. En pratique, je crains que la première ne l'emporte très souvent!

    Propos recueillis par Anne Lavaud, in ''L'Argus de l'assurance'' du 2 avril 2010



    Note
    1 : Remarque perso: pour les sociétés d'assurance, le problème se pose en termes légèrement différents. La jurisprudence tend à leur demander de payer pour des risques qui n'en étaient pas (officiellement) au moment du paiement de la prime des contrats à l'époque. (exemple : l'amiante). L'idée non avouée mais qui a tout de même donné naissance à une expression, les ''[deep pockets| http://en.wikipedia.org/wiki/Deep_pocket]'' (les poches profondes), est de faire payer les indemnités par ceux qui en ont les moyens, dans le cas présent les assureurs. Mais il ne faut pas se leurrer : les assurances répercutent ces charges inattendues dans leurs primes afin de maintenir leur équilibre financier. Cela revient donc à faire payer les clients d'aujourd'hui pour les clients d'hier. Pourquoi pas, c'est un principe de solidarité. Ce qui me gêne, c'est que cela ne soit pas expliqué. C'est du prélèvement caché, moins sujet à discussion que l'élévation des cotisations de Sécurité sociale (par exemple: ce serait une solution parmi d'autres) pour indemniser les victimes de l'amiante. Quand on dégoûte les assureurs à force de jugements rétroactifs de ce type, en leur faisant payer la réparation de dommages dont ils ne pensaient pas qu'ils rentraient dans la définition des contrats à l'origine, ils finissent par refuser d'assurer: exemple, les gynécologues-obstétriciens. On entre alors dans des cycles légiférants étranges dans lesquel toutes les cotes sont mal taillées.$$

    Wow, suite

    — Alors il y a un mort-vivant qui m'a demandé si je jouais souvent aux RPG. Je lui ai dit oui, mais que mon BG était un peu faible. Beau Gosse, il m'a demandé? Non, je lui ai dit, BackGround.

    — Parce que tu comprends, pour Pâques, tu peux devenir un lapin; et ça dure une heure. Moi je croyais qu'on enfilait juste un costume de lapin, mais non, tu deviens un lapin...

    Station Bir Hakeim

    Vendredi, huit heures du matin, je descends de la station Bir Hakeim.


    D'un coté des tuyaux:




    de l'autre une plaque :




    De plus près, il s'avère que les tuyaux sont des étais : il s'agit de maintenir les fondations des immeubles alentours pendant qu'on creuse la terre pour en construire de nouveaux.

    La plaque est dédiée à la mémoire des victimes des rafles du Vel d'Hiv.
    Je suis surprise, à la suite de je ne sais quelle association d'idée (Vel d'hiv => vélodrome => six jours de Bercy, sans doute), j'avais toujours imaginé que le Vel d'Hiv s'élevait sur l'emplacement de l'actuel palais omnisport de Bercy.





    Présentation des résultats de Gan eurocourtage. Je travaille à un article sur Eté pour une revue espagnole au café avant que cela commence (jamais eu d'AR. Jamais publiée).

    Cruchons

    • aller
      - ''Passage
      - La Folle Vérité
      - les romans de Virginia Woolf en un seul tome dans le livre de poche
      - Journal de Travers tome 2
    • retour
      - ''Passage
      - La Folle Vérité
      - les romans de Virginia Woolf en un seul tome dans le livre de poche
      - Journal de Travers tome 2
      - Duane Michals dans la pochotèque
      - Les Gommes
      - Binger, Du Niger au golfe de Guinée
      - Claude Mauriac, Travaillez quand vous avez encore la lumière

    Soulagement

    Enfin je peux débloquer la participation placée depuis cinq ans.

    Inquiétude

    J'ai l'impression de ressembler de plus en plus à Sonia Rykiel (en moins roux, les joues en plus ? donc les rides en moins).


    (Et comme j'ai mauvais esprit, je me demande si je ne devrais pas me teindre en roux Sonia Rykiel).

    Billet bête (pour changer)

    Le type devant moi à la bibliothèque avait cinq tomes des Cool memories de Baudrillard et deux CD audio, de Bachelard et Barthes. Est-ce que cela en fait un mec baisable?


    Je sais, c'est terriblement sexiste comme question. Mais
    1/ je ne sais pas quoi écrire et je veux aller me coucher ;
    2/ j'en connais qui font pas beaucoup mieux à partir de filles lisant des Actes Sud.

    Abstinence

    De L'Abécédaire de Deleuze regardé il y a quelques années en repassant, il me reste le souvenir de la tique… et celui de l'alcool: à un moment, il a fallu choisir entre travailler et boire.
    Deleuze a choisi de travailler.
    Choix simple, comme une évidence, adhésion à ce qui tient le plus à cœur.

    De l'amour (I)

    Le divorce des parents de Rémi me rappelle celui de mon oncle.

    Mon oncle se plaignait à sa mère, ma grand-mère:
    — Mais maman, je l'aime encore!
    — Pas elle, il faut t'y faire.

    Cela m'avait frappé, ce bon sens de ma grand-mère. D'où nous vient cette conviction que l'amour est forcément partagé? De Platon, de l'amour courtois? Du romantisme? Et pourquoi lorsque nous aimons sommes-nous convaincus que c'est réciproque, que si l'autre ne s'en rend pas compte, c'est qu'il se trompe, ignorant de ses propres sentiments; plutôt que nous dire que puisque ce n'est pas partagé, ce doit être nous qui nous trompons, ce ne doit pas être de l'amour?







    Tour supplémentaire récent :
    . Ma tante demanda le divorce (et l'obtint) en 1997.
    . Ma grand-mère poussa son fils à "se trouver quelqu'un", ce qu'il fit (ces deux fils ne lui ont jamais désobéi).
    . Mon (ex-)tante se remaria sans même prévenir ses quatre enfants, mes quatre cousins. Elle ne les invita jamais chez elle, son second mari ayant décrété: «Je t'épouse toi, pas ta famille».
    . Mon cousin le plus jeune en fut très malheureux (il avait lors un peu plus de vingt ans), nous déclarant, songeur: «J'aimerais comprendre pourquoi ma mère a épousé un con» (sachant que mon oncle a ses défauts, mais est le plus doux des hommes (dans le genre bourru et taciturne)).
    . En 2006, mon oncle finit par épouser la personne avec qui il vivait depuis huit ans.
    . A Noël dernier, ma mère buvant du petit lait m'apprit que le second mari de "ma" tante (celle que j'ai connu toute mon enfance, la mère de mes cousins) était plus ou moins un escroc, qu'il lui avait piqué beaucoup d'argent (elle possédait de nombreux appartements lui venant de ses parents) et qu'elle était en train de revenir chez mon oncle sous prétexte de voir ses enfants en famille... Je me demande comment la seconde épouse le prend.
    Elles sont à peu près aussi bavardes et aussi grippe-sous l'une que l'autre (mais la première beaucoup plus intelligente et marrante).

    Exprime la féminité qui est en toi.

    Il y a deux ans, j'ai suivi une formation pour apprendre à interroger les bases SQL. Le formateur free-lance avait appris l'informatique avec grand-papa, ne cachait pas son mépris pour les utilisateurs (que nous étions) et ses clients (pour lesquels il travaillait par ailleurs et qu'il citait en exemple). Bref, un type désagréable.

    Pour le déjeuner, nous nous sommes tous retrouvés à la même table, formateur et formés. Les conversations roulant bon train, nous nous retrouvâmes vite à parler Playstation, internet, blogs, WoW, etc., sauf une ou deux minettes larguées et le formateur, considérant ces jeux d'enfants avec le mépris qu'ils méritaient (mais en fait, largué aussi).
    Comme à l'époque je faisais quelques expériences sur WoW, je demandais à mon vis-à-vis combien il avait d'avatars (personnages), et sous quelle forme. Il hésita un peu avant d'avouer qu'il avait deux personnages masculins et une elfe. Je compris son hésitation en voyant un sourire goguenard se dessiner sur les lèvres du formateur, prêt à se lancer dans diverses variations sur les tendances efféminées que révélait ce choix. Je coupai court d'une ou deux phrases le remettant gentiment à sa place.

    Aujourd'hui, Caféine m'offre un nouveau point de vue sur la question (ce doit être ça, la pragmatique du discours): «Vous connaissez l'adage des joueurs de MMO non ? "Quitte à regarder un cul pendant des heures, autant qu'il soit sexy…
    Voilà qui me fait regretter de ne plus avoir mon formateur sous la main.

    Sourire jaune

    C'est fou le nombre de choses que j'aurai lues juste pour ne plus être impressionnée (ou moins…) par les gens qui les avaient lues (le cas de personnes qui en parleraient sans les avoir lues n'existe plus dans mon entourage, et j'en éprouve un grand plaisir et comme de la reconnaissance (envers le Ciel, le temps, internet, mon ange gardien, etc.))

    Vous ne me rattrapperez pas

    En février 2007, j'avais été très frappée par cette devise trouvée chez Rémi: «Il faut être heureux ne serait-que pour montrer l'exemple».
    Cette phrase impliquait que le bonheur (je n'aime pas ce mot qui résonne un peu gnangnan à mes oreilles, je dirais plutôt l'énergie, la joie, la décision de ne pas se morfondre, d'avancer) n'était pas un passe-temps égoïste, mais un devoir, un impératif moral.

    Depuis je me suis aperçue que cela recouvrait chez moi des motivations un peu plus perverses:
    - Il faut être heureux comme une revanche, comme une vengeance, contre tous les oiseaux de malheur, ceux qui semblent d'abord vous mettre en garde pour vous protéger mais qui tout compte fait paraissent tout déçus quand vous vous en sortez (ce n'est pas par méchanceté, c'est juste que ça les prive de leur pouvoir d'être votre dernier recours. Ils vous aiment à leur manière: la dépendance);

    ce qui m'amène à mon second point:
    - Il faut être heureux pour être libre, pour être hors d'atteinte.


    Et cependant, ce vocabulaire de fuite et d'évasion me laisse perplexe. Y a-il vraiment risque d'enfermement?

    Et boire de la Guinness à New York

    Après Paris, New York.

    ''Voilà vraiment des posts de feignasse, même pas une vraie traduction mais un résumé. Billet original ici, via un contact FB.


    Steve Rushin a écrit un roman, The Pint Man, L'homme à la pinte ou L'homme aux pintes. L'action de son roman se situe dans le pub Emerald Inn (la taverne Emeraude) et le New York daily News en a profité pour lui demander ses bonnes adresses :

    - l'Emerald Inn, 205 Columbus Ave., à côté de la 69th, pas loin de chez lui (et nous apprenons que Gandolfini, l'acteur des Sopranos, boit de la Guinness: pas très italien!)

    - le Dublin House, 225 W. 79th St. Malheureusement le quartier a changé. Ce pub résiste, parmi les derniers témoins de l?ancien quartier.

    - l'Old Town Bar, 45 E. 18th St. dans Union Square. Les murs sont chargés de livres, un héritage irlandais? Les toilettes favourites de Rushin parmi toutes les toilettes du monde, elles auront cent ans cette année.

    - l'Irish Haven, 5721 Fourth Ave. dans Sunset Park, Brooklyn. C?est ici que fut tournée la scène des Infiltrés où Leonardo DiCaprio commande un jus d'airelles.

    - le Rocky Sullivan's a déménagé à Red Hook, 34 Van Dyke St. en 2007. Le co-propriétaire en est Chris Byrne, l'un des fondateurs de l'orchestre irlandais new-yorkais Black 47. Il joue ici régulièrement dans son orchestre de hip-hop influencé par la musique celtique, Seanchaí.

    - l'Irish Rover à Long Island City, 37-18 28th Ave. . Un verre sur trois est gratuit. Ils ne font pas restaurant mais on peut se faire livrer des plats.

    - le Quays à Long Island City, aussi, 45-02 30th Ave. Avec un escalier capitonné menant aux toilettes: si vous avez trop bu et que vous tombez, ce ne sera pas grave.

    Gratitude

    Encore un blog qui m'enchante : thx, thx, thx, merci, merci, merci, un mot de remerciement par jour.
    La mise en page, le design, me plaisent beaucoup.
    Je traduis quelques billets (post-its).

    • Cher papier toilette en cours
    Merci d'être exactement de la douceur qui convient. Ni trop épais comme ces sweats pelucheux, ni trop fin que le papier crépon qu'on utilise pour décorer les salles des fêtes. Tu es le Boucle d'or des papiers toilette, le papier toilette "juste comme il faut". A bientôt et merci encore. Amitiés, Leah.

    • Chère conférence sur l'intersectionalité
    Je n'ai pas assisté à ta session et je n'ai pas vraiment compris quelle était ton objet, mais je te remercie d'avoir été l'occasion pour Patrick de séjourner chez moi à L.A. Tu as précipité la transformation de nos liens vagues en une amitié pleinement épanouie. Je ne peux te remercier assez pour cela. De tout mon cœur, Leah.

    • Cher miel,
    Merci d'adoucir ma gorge quand je suis malade et mes oreilles quand quelqu'un m'appelle par ton nom. Amitié sincère, Leah.

    • Cher rhume,
    Merci d'être venu avant mes vacances plutôt que pendant. Cela faisait un moment que nous ne nous étions vus et j'espère que tu quitteras bientôt mon corps. Bye! Leah

    • Chère honnêteté,
    Merci de nous avoir autorisé à dire que nous ne regrettions rien quelles que soient les conséquences. C'est si important pour moi. Tendresses, Leah.

    • Cher stabylo jaune fluo,
    Merci de m'aider à être attentive à ma lecture en cours, et dans le même temps de me ramener dans les années 80 quand tout avait ta couleur. Quel talent tu as! Amitiés, Leah.

    Plaies et bosses

    En troisième, j'avais mis au point une technique pour soigner les ampoules (attendre qu'elles sèchent): transpercer les plus gonflées avec une aiguille enfilée et laisser le fil dépasser de part en part. Faire un nœud. Ensuite, il suffisait de tirer un peu sur le fil pour débloquer le bouchon de lymphe qui se formait et garantir que l'ampoule dégonflât, en arrosant le tout d'hexomédine pour empêcher l'inflammation. L'intérêt de la méthode, c'est que la peau à vif continue à être protégée par la peau de surface pendant la cicatrisation. (Puis celle-ci se dessèche et il n'y a plus qu'à l'arracher.)

    Il m'est arrivé après des sorties dures d'avoir ainsi des petits nœuds sur chaque doigt, comme autant de paquets cadeau.

    Il est plus facile d'être à l'heure quand on a l'heure

    Je reporte une montre depuis une dizaine de jours. Ça change la vie, c'est tout de même beaucoup plus pratique que de passer son temps à surveiller l'ordinateur, les quais de métro, son téléphone, etc. Une montre, c'est son temps à soi, et j'ai soudain beaucoup plus de temps que lorsque je suis dans le flou, à dix minutes près.

    En octobre 2007, j'avais acheté la montre Corto Maltese en noir et blanc. Très vite, le bracelet s'est abîmé, la feuille imprimée se décollant du corps du bracelet.
    J'étais furieuse (et déçue, car cette montre me plaisait beaucoup), je l'ai rafistolé/consolidé avec du scotch, puis au lieu d'aller faire un scandale chez Swatch, j'ai arrêté de porter une montre.

    Jeudi dernier je me suis décidée à passer à la boutique du Louvre, non pour obtenir un quelconque dédommagement, mais pour acheter un bracelet normal qui tienne honnêtement son rôle de bracelet.
    Il en ressort que c'était une montre de collection, qu'elle s'est arrachée en quelques semaines, et qu'elle n'était pas destinée à être portée... (le tout expliqué très gentiment, avec embarras, voix off).
    Zut alors, ils auraient pu le dire, j'ai tout bousillé mon bracelet de collection. Si j'avais su, j'aurais acheté en même temps un bracelet solide (enfin, normal) et j'aurais procédé au remplacement dès l'achat. Après tout, je tenais à ce Corto Maltese, cela ne m'aurait pas arrêtée.

    J'ai maintenant un beau bracelet blanc et je porte à nouveau une montre. Deux montres, même, puisque le vendeur est allé jusqu'à me confier qu'il alternait entre les siennes pour les abîmer moins vite. J'alterne donc avec la Seiko que mon père a gagnée à un tournoi de tennis en 1987 et que j'utilisais jusqu'à l'achat de la swatch.


    Hommes en entreprise - deux scènes

    • 1/
    Si au début d'une réunion, alors que les participants (que vous ne connaissez pas) sont en train d'arriver et que chacun est encore debout se présentant un peu maladroitement, celui qui vient de vous serrer la main commence à discuter en descendant sa braguette, puis son pantalon, ne vous inquiétez pas: c'est tout simplement un motard.
    (Ce pantalon était si peu visiblement "pantalon de motard", et lui entrait si bien dans la catégorie "cadre supérieur", que je me suis demandé un moment si j'étais bien réveillée.)
    • 2/
    Conférence au siège social d'un grand cabinet de consultants. Le jardin est magnifique (j'apprends en tendant l'oreille qu'il est classé), et tandis que je bois un café en le contemplant, un homme catégorie "vieux beau" s'approche:
    — Quel jardin, n'est-ce pas!
    J'acquiesce. Il enchaîne:
    — Vous avez vu le bassin? Je vais protester auprès de la direction: quand je suis arrivé, il y avait trois canards mâles et une seule femelle, ils étaient tous après cette pauvre cane qui n'en pouvait plus, je vais protester pour qu'ils rééquilibrent les sexes…
    Pantoise. Je réponds avec prudence:
    — Vous savez, la Seine n'est pas loin, je pense qu'ils vont et viennent librement. Et puis ils ne peuvent pas nicher ici, c'est trop à découvert.
    Plus tard, je l'entendrai raconter l'anecdote à un jeune homme. Ce n'était donc pas une méthode de drague.


    Quand je quitte le bâtiment, il ne reste qu'un canard avec la cane.



    Photo prise à 10h30 ce matin.

    Le syndrôme de Saint Paul

    Parmi les comportements qui m'agacent chez les hommes, celui qui consiste à s'approprier les causes qu'ils viennent d'adopter : vous vous battez sur un sujet, pour une cause, depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois; ils n'y ont jamais fait très attention. Puis soudain ils l'investissent, s'en emparent (et tant mieux, le but est d'être nombreux, l'important, c'est la cause), et viennent vous expliquez ce qu'il faut faire, comment il faut s'y prendre, alors qu'il y a bien longtemps que vous avez mis les stratégies en place — sans eux, avant eux,— comme s'il fallait absolument qu'ils soient à l'origine des méthodes ou des solutions, comme s'il fallait que ce soit vocalisé par eux pour que cela devienne valable… (Mais qu'ils aillent l'expliquer à d'autres, nom d'un petit bonhomme, je ne demande même pas qu'on reconnaisse mon antériorité, je demande juste qu'on m'épargne le discours: je suis convaincue, puisque c'est moi qui vient de les convertir… Ah zut, c'est vraiment agaçant. (Inutile de le leur dire, il seront peinés ou en colère, incapables de le comprendre (et donc j'écris ici, défouloir, prévention, avertissement à tous les autres: please, arrêtez!!)))


    ajout le lendemain: En attendant un contre-exemple s'impose le paradigme: Saint Paul. Agacement devant Saint Paul, la notoriété de Saint Paul, le Romain cultivé venu tard, expliquant le Christ à ceux qui l'avaient connu… (Sacré Jésus: lui s'est entouré d'hommes simples, pas pénibles, et n'a converti un pontifiant qu'après sa mort: il n'a pas eu à le supporter (Saint Paul aurait-il expliqué au Christ sa mission? Je me demande… Je l'imagine très bien essayer.))

    En attendant je me recule discrètement, je me désengage. Je déteste qu'on me serine les leçons que j'ai moi-même écrites…

    Je finirai par ne plus défendre que ma propre cause.

    Peut-être aurais-je dû commencer par cela.

    Déformation

    Je lis : «Céline sur Proust...»

    et je me dis:
    — Mais ce n'est pas possible, Céline est une tante du narrateur, elle ne peut pas avoir d'avis sur Proust…

    Puis :
    — Ah tiens, la camériste de RC a lu Proust.

    Et ce n'est qu'en troisième pensée que vient : «Mais non, il s'agit de Céline!»
    Céline sur Proust: "S'il n'avait pas été juif, personne n'en parlerait plus! et enculé! et hanté d'enculerie! Il n'écrit pas en français mais en franco-yiddish tarabiscoté absolument hors de toute tradition française. Il faut revenir aux Mérovingiens pour trouver un galimatias aussi rebutant."

    Gérard Pesson, Cran d'arrêt du beau temps, p.35-36

    Les compliments étranges II

    Tandis que je tends mon verre :

    — Allons-y, de toute façon je ne dis déjà que des bêtises.
    — Ah, Valérie, vous êtes à votre meilleur !

    Mardi, toujours aussi divers

    • matin
    Assisté à un magistral cours d'assurance devant des consultants. Une envie de rire. Gonflée à bloc (beaucoup de mal à "redescendre", plus tard).
    • midi
    Un loupé. Désolée, Aline.
    • après-midi I
    Finnegans dans trois traductions françaises et deux italiennes. Exercice absurde et réjouissant. Tlön jette son gant au visage d'un Italien (je ne sais même plus pourquoi, un problème de goût, d'interprétation).
    • après-midi II
    RC au collège de France.
    • soirée
    Chez Flatters. Rencontré des contacts FB belges.

    Il fait beau

    Ramé en tee-shirt. En double.

    — Tu occupais quelle place dans ton double quand tu faisais de la compèt ?
    — Le deux, pourquoi ?
    — Et en quatre ?
    — Le trois.
    — Bref, la place du bourrin, quoi !


    En 1985, quand je suis revenue une ou deux fois au club ramer pendant mes vacances (après quatre ans d'interruption, mais la prépa me vidait si bien de mes forces qu'il me fallait un dérivatif), Jacqueline m'a dit en riant : «Tu as fait des progrès, ton coup d'aviron est plus féminin.»

    Je n'ai jamais su ce qu'elle voulait dire.

    Les compliments étranges I

    Il faudrait que j'écrive un jour une anthologie des compliments étranges que j'ai reçus.

    Samedi, en sortant du centre LGBT avec Matthieu et Patrick Cardon (dont le livre parle de ses aventures amoureuses au Maroc, c'est important pour la suite), j'évoque mes vingt ans de mariage.
    Patrick s'arrête, me regarde:
    — Vingt ans? Il a un sperme de meilleure qualité que le sperme marocain!, dit-il en tâtant la peau de son visage, ses poches sous les yeux.

    Je ris de bon cœur, en me disant que décidément, l'échelle des valeurs homo est quand même plus joyeuse: le voilà en train de parler d'éjac' fac' comme d'un produit de beauté, tandis que les préjugés et pratiques hétéros en font quelque chose d'abject et de méprisant (voir par exemple le bukkake).


    A ceux qui n'ont pas compris où se situe le compliment: Patrick prenant en compte mes vingt ans de mariage, trouvait que je ne faisais pas mon âge.

    Douleur à rendre sourde

    Hier, j'ai vu une lesbienne arc-boutée dans sa défense des femmes tenir un discours autiste: semblant tellement traumatisée que plus aucun dialogue n'était possible, interprétant tout au pire, ne recevant aucune parole, ni d'explication, ni d'apaisement. Ecorchée vive quasi au sens propre, impossibilité de tenir dans le temps et l'espace, hurlant de douleur au moindre effleurement.


    Féminisme :
    1er sens : visée légale, juridique. Obtenir dans les textes l'égalité des droits et des devoirs. Obtenir une protection qui contrebalance les tendances "naturelles" (historiques) de la société.
    Deux dangers : aller trop loin dans cette protection et inverser l'inégalité (cela n'arrive pas bien souvent, mais la garde des enfants fait partie de cette catégorie. Encore faudrait-il être certain que la garde des enfants soient un "avantage" et non un handicap); oublier tout ce que nos aïeules ont gagné, n'éprouver envers elle qu'un peu de mépris en soulignant leurs "outrances", arrêter d'être sur ses gardes.

    2e sens : visée sociale. Changer les mentalités. Beaucoup plus long, plus difficile. Ici les femmes doivent se prendre en main. A elles de ne pas accepter certains comportements, à elles aussi de s'interdire d'utiliser charmes ou pleurnicheries pour obtenir certains avantages. A elles de se faire respecter, de mériter le respect.

    3e sens : la défense des droits de l'Homme1 (et c'est à ce moment-là que notre lesbienne ci-dessus explose: non, défendre les femmes n'est pas défendre l'Homme. Eh bien à mon sens, si). Contre les hommes violents, contre la prostitution brutale, contre le mépris : violence faite aux femmes certes, mais faites à l'humanité. Et c'est une erreur d'en rendre tous les hommes responsables, sans s'appuyer sur ceux que la situation indigne autant que "nous".

    (Et la lesbienne quitta la salle quand fut soulevée la question épineuse de savoir s'il fallait ranger les pédés dans le camp des "gentils" (les homos) ou celui des hommes (les "méchants"). Ahuris, nous restions muets sans comprendre comment la discussion avait pu déraper si vite, dans un lieu pourtant privilégié, le centre LGBT.)



    Note
    1 : qui n'est jamais qu'une section du 1er. J'isole cette partie parce que je cherche à comprendre ce qui rend folle de douleur et de colère la femme rencontrée hier

    Il y a vingt ans

    Il est dix ou onze heures, H. m'appelle au bureau pour une broutille, comme il le fait souvent. La conversation s'achève.
    « A ce soir ! » dis-je machinalement en raccrochant.

    Dans les secondes qui suivent, le téléphone sonne. C'est de nouveau H., un peu affolé :
    — Tu n'as pas oublié qu'on se mariait cet après-midi ?

    Les arrières-salles

    (Trois interlocuteurs)

    — La génétique vous intéresse?
    — Mais tu es généticienne?
    — Mais non, pas du tout, et toi?
    — Non, non.
    — Moi ce qui me gêne dans la génétique, c'est que j'ai l'impression d'être indiscrète, de trahir l'auteur, d'aller dans la cuisine plutôt que de savourer le plat superbe qu'on vient de me servir.
    — Mais non, pas du tout.
    — Oui, pas du tout. Avec Proust on est déjà dans le salon...
    — Oui, un salon pas très rangé où le ménage n'est pas fait très souvent mais le salon tout de même.
    — On n'atteint jamais la cuisine. La cuisine n'existe pas, elle est hors d'atteinte.




    ----------------------
    Complément le 13 mars 2015 : après cinq ans il y a prescription. (Et puis je doute que ce billet soit référencé très haut par Google; seuls les fidèles le liront à l'occasion).
    Cette conversation a eu lieu à la pizzeria après une matinée sur Claude Mauriac à l'ENS dans le cadre d'une matinée sur l'autobiographie. J'y ai rencontré pour la première fois Jean Allemand. (Je représentais Patrick qui s'était cassé le pied après la mort de son beau-père). J'étais en face de Nathalie Mauriac Dyers (quelle émotion de manger une pizza en face d'une professeur religieusement écoutée au Collège de France!), à côté d'elle se trouvait Philippe Lejeune, à côté de moi Jean Allemand.
    Philippe Lejeune qui commentait Robbe-Grillet et Sarraute s'est tu en apprenant que j'avais un blog.

    Opium

    Hier, en rentrant de l'Oulipo, à presque minuit.





    Il y a quelques semaines, j'ai découvert que je ne pouvais me permettre de ne pas avoir de sommeil en retard: c'est la seule façon de supporter les transports en commun, léthargie comateuse, esprit fermé égaré absorbé par un recoin de ma mémoire.

    Soirée costumée

    — Nous, on a fait "orgie romaine", comme thème. Il y avait des vomitorium, mais on a été sage, personne ne s'en est servi. Mais un thème "soirée catholique", c'est génial... J'aimerais bien essayer.

    (Les fausses hosties de Babette sortaient de chez Israël, ce qui est tout de même un comble. (Ou pas: après tout, la traversée de la Mer rouge, tout ça…)).

    En torche

    Clément : Si je disparais entre vingt et trente ans, c'est pas que je vous en veux, c'est que je vous aurais oubliés.
    Moi : Tant pis. Comme je le rappelais à quelqu'un, les petits d'animaux s'en vont et ne reviennent jamais.
    Hervé : — Oui enfin... L'homme est connu pour avoir plus de besoins affectifs que le ver de terre.
    Moi : T'en sais rien. Qu'est-ce que tu sais des besoins affectifs des vers de terre?…
    Hervé : Oui, t'as raison, j'ai bien connu un lombric…
    Clément : … il s'est suicidé sur un hameçon…




    Hervé et Clément partent visiter l'école polytechnique de Lausanne.

    Mardi, journée étoilée

    • matin
    « Nous sommes les Minidoux de l'assurance. »1

    • après-midi
    PZ — Mais... c'est un livre que vous avez dans votre botte! (Le jeune homme est en santiags ou assimilés).
    X — Euh, oui…
    PZ — Vous transportez toujours vos livres ainsi? Qu'est-ce que c'est?
    X — Bel-Ami.
    PZ — Ah mais ça tombe bien! Se tournant vers moi: On va pouvoir regarder le lieu de naissance de Maupassant.
    Moi — Ah oui. S'adressant à X: Est-ce qu'il était normand, Maupassant?
    X — Mais oui, normand, bien sûr.
    PZ et moi — Oui, mais on veut dire: est-ce qu'il était né en Normandie?
    Je m'empare du livre, l'ouvre vers la fin.
    PZ — Les quelques précisions biographiques, c'est plutôt au début.
    Moi — Non, c'est un Folio classique… (sourire de connivence)

    Nous lisons : Maupassant, né à Dieppe, ou peut-être à Fécamp. Nous remercions le jeune homme éberlué tandis qu'un homme plus âgé qui a rejoint X tente de deviner mes origines à partir de la tessiture de sa voix.

    • soir
    Je découvre un jeu absolument génial du CCFD destiné à expliquer l'injustice sociale aux enfants (ou aux grands, mais les adultes, généralement, sont déjà au courant...). Le pays choisi est l'Afrique du Sud.

    L'idée est de mettre un bol rempli de bonbons au milieu de la table. Chaque enfant tire une carte et agit en fonction des indications de la cartes.
    Exemple:
    - 1. Coiffeuse de profession, vous avez été expropriée de votre quartier pour le réaménagement du stade en vue de la Coupe du Monde 2010. Vous avez perdu toute votre clientèle. Ne prenez pas de friandise.
    - 16. Anglais d'origine, vous avez diversifié vos investissements entre la Grande-Bretagne et l'Afrique du Sud. Vos affaires prospèrent. Vous pouvez prendre 8 friandises et en manger autant et aussi vite que possible.

    Je ris encore d'imaginer la tête des enfants privés de bonbons en train de regarder l'un d'entre eux s'empiffrer.

    La conclusion coule de source. Ce n'est la faute de personne (pas des enfants autour de la table), mais: «Les cartes ont été conçues pour que 80 % des joueurs reçoivent 20 % des friandises tandis que les 20 % restant reçoivent le reste, ce qui correspond approximativement à la répartition de la richesse dans le monde aujourd?hui.
    L'Afrique du Sud, pays emblématique concernant les inégalités nous interroge sur une meilleure répartition possible de la richesse. Tant que le système ne change pas, un accroissement des ressources n'améliorera pas la situation des « joueurs malchanceux ».





    1 : le responsable de l'audit groupe. je pense qu'il voulait dire Minmir (Minimir, mini-prix, mais il fait le maximum).

    La blague du mardi (je suis un peu décalée) (et un doute me vient: elle est sans doute très connue)

    — Ségolène, la tache qui rit.

    La différence entre assurance et solidarité

    Ce soir à 18h30, je serai .
    Je sais, c'est un peu tard pour prévenir, mais je doute que cela intéresse qui que ce soit. Et non, ce n'est pas professionnel, c'est ma façon de gagner du temps, d'apprendre en deux heures (enfin, d'apprendre: d'obtenir une première teinture) ce qui me demanderait des heures de lectures (que je ne ferais pas) et ce que les médias ne m'expliqueront jamais.
    Autre curiosité: découvrir la Cour de cassation et les ors de la République... (si vous désirez venir, n'oubliez pas de vous inscrire en ligne: il s'agit de mesures de sécurité).


    Cycle Assurance et protection sociale - Les risques marchands et non marchands : quelles clefs de répartition?
    Késako?
    Il s'agit dans le cadre de la directive européenne sur les services ("ex-Bolkestein", profondément remaniée) de croiser deux axes de réflexion:

    1/ Dans le cadre de la directive sur les services, que va devenir le secteur social, qui couvre «l'économie sociale, l'éducation populaire, le soutien aux familles, la politique de la petite enfance», financé par les prélèvements sociaux? Ce secteur devra-t-il être soumis intégralement à la concurrence pour obéir à la directive européenne?

    Définition du secteur non marchand : aucune définition n'est donnée à priori au niveau de l'Union européenne, il s'agit d'une appréciation au cas par cas, selon les pays, selon les équilibres nationaux, au fur à mesure des affaires jugées par la Cour de Justice des Communautés européennes. (Rappel en gros: vous payez votre femme de ménage, c'est du secteur marchand, elle est payée par les allocations familiales ou la sécurité sociale, c'est un service non marchand).

    Débat entre ceux qui pensent que l'Union européenne participe de la pensée libérale — ce qui est à peu près ce qu'on entend tous les jours dans les discours politiques, relayés et amplifiés par les médias — et ceux qui constatent, de facto, que l'étude de la jurisprudence de la CJCE montre que « la solidarité a progressivement acquis la valeur d'un principe juridique en Droit communautaire» tandis que «les systèmes de solidarité ont fait preuve d'une remarquable robustesse, du moins dans la vieille Europe»1.


    2/ Quelle différence entre l'assurance et la solidarité?
    Cette différence est fondamentale pour comprendre les choix de société que nous avons à faire, que nous allons devoir faire, mais elle est rarement expliquée.

    Je vais faire un détour dans mes explications en développant un exemple.
    Il existe en assurance la notion de "zonier". Le zonier pévoit des tarifs différents en fonction des risques que présente chaque zone géographique (la zone peut être la commune, le département, un pays (le risque de terrorisme, le risque politique, etc.),...)
    Pour donner un exemple s'appliquant à un particulier, s'il existe un zonier, vous ne paierez pas la même prime d'assurance contre le vol pour la même surface d'appartement protégée par les mêmes serrures à Tulle ou à Paris. Il peut ne pas avoir de zonier, ou sa maille peut-être plus ou moins fine: il s'agit de choix que font les assureurs quand ils construisent leur tarif (algorithme basé sur des statistiques). Par exemple, la Maif, mutuelle des instituteurs et des professeurs, a longtemps tarifé sans zonier, ce qui voulait dire que l'habitant de Tulle payait un peu pour l'habitant de Paris. C'était un système fondé sur la solidarité, typique d'un véritable esprit mutualiste (Juste ou pas juste? On peut considérer que l'habitant de Tulle payait le fait de courir moins de risques, on peut répondre que l'habitant de Paris n'avait qu'à choisir d'habiter Tulle... Etc.)
    S'il n'existe pas d'autre mutuelle ou assurance que la Maif, la situation est figée. Mais si le secteur est concurrentiel, l'assuré habitant Tulle choisira peut-être un jour une assurance ayant un tarif basé sur un zonier correspondant au niveau de risque que représente Tulle, c'est-à-dire faible. Il fera le choix de l'assurance contre celui de la solidarité.

    Question: jusqu'où peut-on mutualiser, jusqu'à quand peut-on faire payer ceux qui présentent le moins de risques pour ceux qui en présentent davantage?
    Réponse: tant que ceux qui présentent le moins de risques acceptent de payer pour les autres, tant qu'ils ne résilient pas leur contrat pour passer à la concurrence.

    Problème: la concentration des mauvais risques.
    Exemple encore: à la fin des années 90, la Macif avait entrepris de résilier tous les contrats habitation situés en zone inondable dans la vallée du Rhône2. Cela lui permettait de baisser ses primes et devenir très attractive pour les bons risques... tandis que les assureurs qui acceptaient les maisons à risques étaient logiquement obligés d'ajuster leur prime à la hausse et de devenir moins concurrentiels...3.

    C'est ce qui se passe dans un secteur de la santé fonctionnant librement: très vite, les meilleurs risques paient de moins en moins chers, tandis que les plus "mauvais" (cigarette, antécédents familiaux, métiers à risque, etc) n'ont plus les moyens de payer leur prime alors que ce sont eux qui en ont le plus besoin.

    Or un pays ne peut jamais s'abstenir totalement de soigner les plus démunis, non par humanité, mais par rationalité: car il y aura dans ce cas des risques d'épidémie (cf. la malaria, le sida, etc.). D'autre part, les soigner trop tard n'est pas une solution non plus: il coûte moins cher à la collectivité de soigner une bronchite qu'une pneumonie ou une tuberculose...

    Les pays (européens) (l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas) qui laissent le choix de leur assurance à leurs concitoyens ont dû mettre en place des systèmes de compensation obligeant les sociétés d'assurance attirant les meilleurs risques à reverser une quote-part à ceux prenant en charge les plus mauvais, péréquation compliquée à calculer et à rendre efficace.
    En France, la Sécurité sociale obligatoire permet la solidarité entrel les bons et les mauvais risques. Une législation fiscale plus favorable pour les complémentaires de santé qui ne font pas remplir de questionnaires de santé incite également à une répartition équilibrée des "bons" et "mauvais" risques.

    Vers quoi va-t-on aujourd'hui? Une privatisation de l'hôpital public (la crainte sous un gouvernement de droite... sachant que du fait d'une gestion défaillante, les hôpitaux publics coûtent bien plus chers que les hôpitaux privés à soins égaux fournis) ou une étatisation de la médecine privée (multiplication des contraintes pour les médecins afin de contrôler les dépenses de santé)? A la lecture des textes, les juristes eux-mêmes ne sont pas d'accord entre eux.

    Je vais donc aller écouter quelques interventions sur ces sujets ce soir.


    P.S.: Cette présentation est une présentation"d'amateur". Il est possible que j'y expose des partis pris dont je n'ai pas conscience, étant loin de maîtriser toutes les finesses du sujet.
    Mes partis pris conscients: je suis pour la Sécurité sociale "à la française" qui organise la solidarité (ce qui n'empêche pas souhaiter de la rendre plus efficace et moins coûteuse) et pour l'Union européenne qui, quoi qu'on en dise, ne l'interdit pas et aurait même tendance à la défendre. (Pourquoi ne dit-on pas davantage que l'Europe est souvent un recours pour les citoyens contre leur propre Etat?)





    Notes
    1 : Alain Supiot, M. E. Casas, J. de Munck, P. Hanau, Au-delà de l'emploi : transformations du travail et devenir du droit du travail en Europe : rapport pour la Commission des Communautés européennes, Flammarion, coll. «Flammarion Documents et Essais», Paris, 1999. (Notons pour ne pas donner une image contraire de l'opinion d'Alain Supiot par une citation isolée, qu'Alain Supiot pense justement que la CJCE vide le champ social de son contenu.)
    2 : Le contrat d'assurance est un contrat; il faut l'accord des deux parties, on ne peut parler d'un refus de vente.
    3 : En France, quand une telle situation dégénère, on assiste généralement à l'intervention du législateur. Exemple: la Corse.

    Retour de colonie de ski

    « Ils ont fait deux groupes, les glacés et les givrés. »

    Mélancolie et incompréhension

    C'est bizarre, cette façon de s'enthousiasmer pour les correspondances sans jamais écrire une lettre soi-même. On me répond "baisse de niveau", je pense "manque de courage". Le niveau monte quand on pratique. Pas si différent de la peinture ou de la musique.

    S'il faut que les correspondances soient ce qu'il y a de meilleur chez les auteurs ou les aristocrates (c'est en tout cas ce qui nécessite le moins d'efforts chez le lecteur), il ne restera rien des dernières années du XXe siècle : tout aura disparu dans les mails.

    Finalement, si tout le monde (ou presque) tient un journal ou un blog, c'est qu'il n'y a plus personne à qui écrire.

    Souvenir de rentrée en métro






    Photo tremblée: le temps que je réagisse, les portes s'étaient ouvertes, la jeune fille sortait.

    Vite vite

    Les blogs de Gwen : aujourd'hui à Bruxelles, hier à Tokyo, sa correspondance avec son amie Gâ.

    Des petits dessins, avec si peu de texte que Google traduction doit suffire à ceux qui ne lisent pas l'anglais.

    Et puis encore, car je ne sais plus si j'en avais parlé, ce reportage sur Tchernobyl qui me terrifie.

    Une artiste du papier ;
    des mathématiques ;
    un tableau récapitulatif du système de retraites français ;
    et j'oubliais : ce blog qui traque Hello Kitty dans les endroits les plus inattendus.

    Et encore : des dessins (des mondes) illustrant Alice au pays des Merveilles.

    Marre

    Fait suer, encore et toujours des séquelles de ce médicament. (Non, plus des coups de blues, mais ce sont les séquelles qui me dépriment (ou plutôt me mettent en rogne: pourquoi ai-je accepté ce que je savais ne pas me convenir? On se dit «Bah je ne vais pas faire d'histoires», et on se retrouve quinze mois plus tard à se dire que décidément, il vaut mieux avoir la réputation d'une emm*** que de dire oui)).

    Application

    Salle d'attente de l'orthodontiste.
    Je raffle trois magazines, remarque qu'ils portent une étiquette avec le nom et l'adresse du cabinet. Mais qu'importent à ceux qui volent les magazines d'avoir cela chez eux? Auront-ils honte? Ils en riront. Je n'ai pas pris au hasard: deux Gala, l'un avec les confidences de la mère de Carla Bruni (j'apprends que son fils Vittorio (ou Vincenzio?) est mort du sida à 46 ans), l'autre avec l'horoscospe de la rentrée (je sais, un peu tard. De toute façon je ne l'ai même pas lu, attirée par les images (et dans l'un des deux Sophie Marceau qui ressemble un peu à Ségolène Royal, et le "combat de Sharon Stone" pour prouver qu'elle n'est pas une mère indigne, une photo de Halle Berry en famille "qui souhaite un second enfant", et les princesses européennes de trois à six ans, boucles blondes et robes à volant), et Elle du 23 octobre 2009 avec en gros titre Love, comment le rendre accro.





    A l'intérieur, les pages correspondant au dossier ont été arrachées.

    Votez !

    Concours de photos : l'aviron au féminin. (jusqu'au 10 mars).

    (Je vous dirai pour lesquelles j'ai voté et pourquoi à partir du 11…)







    3 mars 2015 : la page n'existe plus. Je mets un lien vers le site de la FFA.

    Un 13 mars chargé

    - 10h à 13h : Jean Allemand, Club Nautique de France (mais non, je plaisante, je ne pensais pas y aller (s'il y a séminaire, je m'invite (private allusion)).

    - 16h : Rencontre-signature avec Patrick Cardon pour son livre Le Grand Écart ou tous les garçons s'appellent Ali, vignettes post-coloniales, Centre LGBT 63 rue Beaubourg 75003 Paris. (Patrick Cardon est éditeur. Il s'est engagé dans le combat gay et lesbien sous le nom de la comtesse de Flandres, dans les années 80. Je l'ai rencontré à l'occasion d'un AG de la SLRC (pour ceux que ça intéresse.)

    - 18h : rencontre avec RC (pour ceux qui auront les guts d'y aller sans aller à l'AG: on essaie de m'y pousser, je trouve cela très impoli (pas qu'on m'y pousse, d'y aller sans etc.). Qu'en pensez-vous?)

    Aviron

    L'aviron est une histoire de famille. La légende veut que mon père en ait fait étudiant, à Orléans, sur le Loiret. Il est obligatoire de savoir nager, ce n'était pas son cas, ses amis ne l'ont pas cru et ont signé la déclaration à sa place. (C'était pour faire du huit, cela ne portait guère à conséquence (avant qu'un huit se retourne…)) La légende veut également que l'équipage de La Source gagna les championnat de France — l'année qui suivit le départ de mon père. Avec lui ramait mon parrain, ce détail a son importance dans un autre embranchement de mon histoire familiale.
    Il y a quelque part une photo, de ces kodaks des années 60-70 qui sont devenus orange. Si je retombe dessus, je la vole.

    La première fois que j'arrivai au club d'aviron de Blois (large étendue de cailloux blancs devant le hangar) tout était désert. J'avais treize ans. Je fus accueillie, si l'on peut dire, par un garçon qui me parut bien grand (c'était un junior : dix-sept ans, dix-huit?). Il parut interloqué par cette drôle d'idée :
    — De l'aviron? Tu es sûre? Ce n'est pas plutôt du kayack que tu veux faire?
    Non, non, j'avais décidé que je voulais faire de l'aviron.
    Ce garçon s'appelait Castor, j'ai cherché hier son prénom, Michel, Christophe, Olivier? Non, Philippe. Castor, c'était Philippe, et Pollux je ne sais plus. Je me demande même si je l'ai jamais su. (Mais je me souviens du nom de famille de Pollux, et pas de celui de Castor. Bizarre mémoire.) Les deux étaient inséparables comme de juste, issus de familles de garçons, quatre garçons une fille, et tous ramaient.
    Vais-je écrire une histoire du club de l'aviron blésois en 1980? Ma partenaire d'aviron était Jacqueline, et lorsque j'ai ouvert un blog (mai 2006), j'ai été tentée par ce récit, à la mémoire de Jacqueline, morte en novembre 2004. Il m'avait semblé alors que je n'avais rien à dire, ou pas grand chose.
    Je n'ai rien à dire, rien d'autre que des éclats de mémoire, la transparence de l'air au-dessus de la Loire, les couchers de soleils mauve et or, la galère, les régates, les contrepétries, les chansons, les ampoules, et sans doute les gens, le lieu, les plus précieux de mon enfance… (Et la grande surprise, l'immense surprise, sera d'apprendre des années plus tard, fin août 1995 pour être précise, que ce club avait joué le même rôle pour nombre d'entre nous, tous ces autres rameurs dont j'étais bien loin de me douter que le club représentait pour eux la même chose que pour moi: un espace de liberté et de consolation (mais il faudra parler de René. Plus tard, plus tard.))

    J'ai essayé à plusieurs reprises de ramer ailleurs qu'à Blois : en 1987, avec l'école, dans le club où je suis maintenant, en 1991 et 92 à Joinville, dans le club d'Anatole (encore une autre histoire). Je n'y ai jamais réussi : en 1987 j'étais vexée de ramer en yolette (bateau de débutant), en 1992 j'ai vite été épuisée (je ramais le samedi matin, je dormais le samedi après-midi : tête de H…).
    Le bassin de Blois n'existe plus. L'été était installé un barage de faible hauteur, un à deux mètres. Cela suffisait à établir une retenue d'eau pour les planches à voile, les kayacks et pour nous: sans ce barrage, l'eau était beaucoup trop basse, nous risquions de casser les bateaux sur un banc de sable.
    Mais désormais ce genre de barrage est interdit (protection des saumons). Je ne sais pas où vont ramer les Blésois, je ne sais pas ce qu'est devenu le club. J'ai entendu dire qu'il allait ramer à Saint Laurent (la centrale nucléaire). Je ne sais pas si c'est vrai.

    C'est la première fois que j'arrive à ramer ailleurs, que je suis heureuse de ramer ailleurs, que les regrets ne m'empêchent plus de ramer.

    A serious man

    Finalement je comprends pourquoi j'aime les Coen. Ils ne font pas dans l'absurde (il n'y a pas de sens), mais dans l'incompréhensible (il y a trop de sens, nous ne savons pas lequel choisir, ni surtout qu'en faire et quelles conséquences en tirer si nous choisissons une interprétation).

    Oui, si nous choisissons un sens, il nous faut agir. Tant que nous ne choisissons pas…

    Rugby

    « Je mets la tête où vous ne mettriez pas les mains. »

    Aviron

    Pas de sortie aujourd'hui, trop de vent pas assez, l'eau p'était trop p'humide...

    Rameur en salle. Je prévois vingt minutes. Porte du hangar ouverte sur la Seine côté Nord, sur le bras où passent les péniches.
    Je me concentre sur le geste technique. En deux coups de cuillères à pot, Vincent a corrigé un défaut majeur de position que je traînais depuis trente ans (enfin, pendant trente ans je n'ai pas ramé), c'est devenu plus facile, plus fluide. L'aviron est un sport de glisse.

    Trois hommes entrent, et comme je m'étais mise sur le rameur du milieu, m'entourent. Je suis toute petite au milieu d'eux. Je constate que tandis que nous avons à peu près la même cadence (20 coups par minute (il faudrait que je descende à 15, pas facile), ils parcourent cinq cent mètres en 2min07. Il m'en faut 2'35''...

    Chaque fois je découvre le lendemain que je me suis fait mal quelque part, les épaules, les biceps (pas simplement des courbatures, presque des froissements. Et il me reste une douleur inquiétante au majeur droit depuis novembre)... Chaque fois en commençant je me dis qu'il faut que je fasse attention, que ce n'est pas raisonnable, je n'ai plus l'âge... Et tandis que j'atteinds dix-sept minutes de rame, je sens que les muscles des cuisses se mettent à trembler et ne répondent plus. Encore trois minutes.
    En fait j'adore ça. Ça m'amuse. Je suis curieuse de voir à quel moment ça commence à lâcher. Et comme je sors de Chatwin et des courses maritimes, j'ai l'impression d'être un navire en train de se démembrer.

    Mais cela vide la tête aussi. Impossible de réfléchir. Plus assez de sucre? Ce soir encore je suis comateuse (ou: ce soir, je suis encore comateuse). Et les joues me brûlent, la peau sur les pommettes ne se remet pas complètement de la suée.
    Je ne sais pas faire moins et de toute façon, je n'en ai pas envie.

    Recoin

    Au Louvre, il existe tout au bout des galeries de peintures italiennes et espagnoles une pièce de trois mètres sur trois contenant des icônes. On dirait un oratoire. On y est absolument tranquille, comme dans la plupart des pièces qui flanquent le hall principal.

    Toilettage

    Tout d'abord, j'espère que vous avez remarqué que l'ancien habillage rose « Cheshire cat » est disponible dans la marge.

    L'indexation du blog est terminée depuis une semaine (un peu plus de neuf cents billets représentant 4,2 Mo à ce jour. Il ne faut pas se fier au numéro des billets puisque ce blog a commencé ailleurs. C'est une indexation plus ludique que pratique, c'est-à-dire que les tags sont davantage destinés à tracer des coupes dans les années qu'à véritablement retrouver quelque chose.
    Les catégories « films », « visite », « La Défense », etc., ont été remplacées par des tags.
    Certains billets ne sont pas tagués, des tags évidents ne sont pas utilisés : tout n'est pas destiné à être trouvé facilement.
    Le tag « citation » toutes les citations, et le tag « bibliophore » est toujours réservé à Dominique. Normalement j'ai entré le nom de certains sites ou blogs dans l'index des œuvres, mais je n'ai pas été exhaustive (par défaut d'attention, pas par volonté).
    L'index "animaux" recense tous les tags utilisés dans les billets tagués "animaux" (c'est un faux index, décidé tardivement: en fait c'est un filtre).

    Si vous trouvez des erreurs, si vous souhaitez voir (ou ne pas voir) figurer certains tags sur tel ou tel billet, il suffit de me le demander, par mail ou dans les commentaires. Toutes les demandes seront examinées (mais pas forcément satisfaites).

    La fonction recherche est dans les choux. Cela devrait être réparé bientôt. Elle sera utilisable comme une recherche Google (avec les guillemets, plusieurs mots, les commandes intitle, inurl, etc.)

    Voilà. Maintenant j'attaque le travail sur l'autre blog. A raison d'un mois par jour, cela devrait être fini au début de l'été.

    (Merci à mon informaticien personnel.)

    Tu veux pas une pipe, pendant qu' tu y es ?

    Ce matin, un tweet m'a fait rire de bon cœur.

    Faisant référence à cette photo,



    il écrivait « Ça donne plutôt envie de fumer ».



    Eh oui, il faudrait choisir, à la fin : la fellation, pratique dégradante ou jeu (et plaisir) partagé ?

    C'est toute l'ambiguïté du discours masculin (je ne précise pas hétéro, puisque c'est le discours de référence.)
    Qui se livrerait de son plein gré à une activité qui, bien que procurant du plaisir, ne lui obtiendrait pas de la reconnaissance mais du mépris, ne serait pas considérée comme un don mais comme de la soumission? (Le même schéma se répète au niveau de la séduction: désirée la veille, méprisée le lendemain1. Mais ça va pas la tête? Tu peux t'mett'e la bite sous l'bras! (Bon, je m'égare)).

    Et c'est ainsi qu'en tant que fille, femme, bref, élément féminin de l'histoire, je me suis toujours sentie perdante dans ces histoires de sexe. Quasiment toute la littérature érotique est organisée ainsi : une place dégradante pour la femme, ou plus généralement une place dégradante pour le partenaire pénétré.
    Passons sur la bêtise du présupposé (nous ne savons rien de la jouissance de la pénétration, mais vous ne savez rien de l'inverse, héhé (ou alors si, vous savez, bande d'hypocrites!!))2

    A une lointaine époque, j'ai eu une nourrice noire pour s'occuper des enfants. Il était impossible de lui faire la moindre remarque; toute remarque prouvait que nous étions racistes. Ou comme dirait un ami, «elle avait intensément conscience de sa négritude».

    De même, j'ai eu longtemps « intensément conscience» de cette place de perdante, cette place de femme. Cela conduit à des interprétations perverties, à une paranoïa constante. On ne considère plus qu'un élément particulier de la gent masculine est con (si je peux employer ce terme dans ce billet), mais que tous les hommes en général mentent afin d'obtenir des gestes pour lesquels ils nous méprisent au fond d'eux-mêmes. Ici avoir beaucoup lu est plutôt un handicap, car 90% des récits tournent autour de ce thème (et le reste est souvent sirupeux).

    Ce n'est qu'en lisant Tricks et Notes sur les manières du temps, quand RC note que de nombreux amants de passage sont incapables de le saluer amicalement le lendemain et l'ignorent, que je me suis rendue à l'évidence : non, les hommes ne méprisaient pas particulièrement les femmes. Simplement, un certain nombre d'entre eux était de sombres malappris, ou plus simplement des êtres pas tout à fait finis, à qui il manquait une fibre fraternelle (de la fraternité entre les hommes et les femmes, si, si, entre les hommes et les femmes comme appartenant à une commune humanité), défaut discernable le lendemain seulement (dommage).

    Mais là, les concepteurs de cette campagne ont clairement affiché leur opinion3 et je lance ma malédiction : qu'il leur soit refusé à jamais toute pipe, tout jeu, tout rire, dans le plaisir partagé.




    1 : Parfois cela prend des chemins plus retors, comme lorsque Matoo raconte que la mariée a mauvaise réputation pour avoir accepté de coucher le premier soir — avec son futur mari (couple très libre visiblement, mais inégalité dans le jugement de l'un et de l'autre…))

    2 : Dire qu'on me demande ce que je trouve aux pdblogueurs ! Eh bien j'y trouve — au moins chez Matoo, je ne sais pas si je peux généraliser — une liberté de ton qui correspond à mon appréhension du réel, et c'est rassurant, une fois de temps en temps.

    3 : Passons sur ce qu'il faudra expliquer aux plus jeunes enfants qui poseront des questions. Derrière son horreur affichée de la pornographie enfantine, notre époque considère que tous les enfants savent tout sur le sexe, ses pratiques et autres, dès l'école primaire (estomaquée d'apprendre que mon fils avait eu un cours sur le sida et la façon de mettre un préservatif… en CM2 (dix ans).

    Fil de la plume

    Pas de Louvre aujourd'hui, pas de Finnegans Wake demain.

    Journée blanche. Plus le temps d'écrire. Comme chaque fois que j'ai longuement écrit mentalement sur un thème, je suis incapable d'en écrire une ligne. Tout me paraît sonner faux.
    De même, je suis incapable de préparer des billets à l'avance. Je n'arrive pas à les poster, je les écrase (ie, j'écris par-dessus).
    Ecrire sans réfléchir, vite; et publier, aussitôt.
    Sinon je n'y arrive pas, j'ai trop peur de ce que j'écris. Parfois tandis que j'écris la grammaire se délite, des règles imprévues s'imposent, dans une logique différente, je ne comprends plus celles qui existent. Parfois les mots se défont au fur à mesure que j'avance.
    Heureusement personne ne fait la différence avec mes fautes d'orthographe.
    Plus exactement, si vous voyez une faute d'orthographe, il y a toutes les chances pour que ce soit une vraie faute (lorsque les mots commencent à se désagréger, je fais un effort et je les recolle).
    Enfin bon.
    Si je pouvais disposer de mon temps.
    Journée pas passionnante.

    Projet

    — Et toi, tu veux des enfants quand tu seras grand ?
    — Ch'ais pas. J'vais essayer.
    — Oh, essayer c'est sympa. C'est réussir qu'est embêtant.

    Euh...

    Je viens de recevoir ce mail de la DRH :

    Dans le cadre d'une convention signée par le Groupe, impliquant les entreprises de la région parisienne et les ministères concernés, Monentreprise offre la possibilité aux collaborateurs de se faire vacciner contre la grippe A/H1N1 jusqu'à fin février.

    PS : « — Que pensez-vous des grogs?
    — Ah beaucoup de bien, il faut en prendre huit à dix par jour, dans la proportion de dix gouttes d'eau pour un litre de rhum »

    Quelques secrets de l'âge adulte

    Pas envie (ou plutôt peur) d'être trop perso. J'ai l'impression de sentir des pans entiers de moi-mêmes se détacher et flotter, partir à la dérive. Je les regarde s'éloigner sans rien ressentir, je me retourne avant même qu'ils n'aient disparu, je ne comprends pas trop ce qui se passe. Très très marre à nouveau, de nouveau.

    Afin de maintenir étanches les compartiments de la schizophrénie, je reprends l'exercice de cet été, un peu de traduction de blog en anglais. J'ai choisi un billet de The happiness project, nom que je ne sais même pas traduire (Objectif bonheur? un petit côté Martine pas pour me déplaire. Objectif: me coucher avant minuit.)

    Les phrases sont plus ou moins terre à terre, plus ou moins abstraites. Elles sont livrées en vrac, et c'est volontaire, je suppose.
    A classer du plus au moins vrai, de la préférée à la plus désagréable, de la plus à la moins utile, etc.
    • La meilleure lecture est la relecture.
    • L'ordre extérieur contribue au calme intérieur.
    • L'opposé d'une grande vérité est aussi une vérité.
    • On contrôle ce qu'on mesure.
    • Un peu chaque jour permet d'accomplir beaucoup.
    • Les gens remarquent moins vos erreurs et vos défauts que vous le pensez.1.
    • Il est confortable d'avoir beaucoup d'argent.
    • La plupart des décisions ne nécessitent pas d'intenses réflexions.
    • Faites attention à ne pas être affamé.2.
    • Même si vous pensez que c'est une imposture, fêter la fête des Mères et celle des Pères est un geste plein d'affection.
    • Si vous ne trouvez pas quelque chose, il est temps de ranger.
    • Les jours sont longs mais les années sont courtes.
    • Quelque part conservez une étagère vide.
    • Eteindre et rallumer son ordinateur plusieurs fois (sans précipitation) résout la plupart des problèmes informatiques (hardware).
    • Il n'y a pas de mal à demander de l'aide.
    • Vous pouvez choisir que faire; vous ne pouvez choisir ce que vous AIMERIEZ faire.
    • Le bonheur ne rend pas toujours joyeux.
    • Ce que vous faites CHAQUE JOUR a plus d'importance que ce que vous faites DE TEMPS EN TEMPS.
    • Personne n'exige que vous soyez parfait en toutes choses.
    • L'eau et le savon enlèvent la plupart des tâches.3.
    • Il est important d'être gentil avec TOUT LE MONDE.
    • Vous en savez autant que la plupart des gens.
    • L'auto-médication, c'est très efficace.
    • Mangez mieux, mangez moins, bougez plus.
    • Ce qui plaît aux autres peut ne pas vous plaire — et inversement.
    • Tout compte fait, les gens préfèrent que vous choisissiez leur cadeau de mariage dans leur liste.
    • Les plantes vertes et les albums photos prennent beaucoup de temps.
    • Si vous ne vous plantez pas, c'est que vous n'y mettez pas assez de cœur.
    • Ni repris, ni échangé.



    1 : M. de Norpois contredit ce point.
    2 : parce que cela rend hargneux (c'est le cas de l'auteur du billet, je le sais puisque j'ai lu son blog).
    3 : Est-ce une phrase à prendre au premier degré?

    Sandwich

    Hier.
    Fin du Timbre égyptien (j'attaque la postface), lecture de guides de la Cnil et rédaction d'une synthèse, correction d'une étude sur les services non marchands dans le contexte européen, quelques pages du chapitre huit de Finnegans Wake, quelques minutes d'une pièce de Steve Reich en concert live, annotation d'une proposition sur le dossier médical personnalisé, quelques lignes de Passage.

    (La numérotation des posts m'amusent: il y a trois jours, billet 1515 le 15 février. Je ne l'ai pas fait exprès.)

    Espace temps

    Parfois le temps se dilate, se contracte,
    en une seule diastole systole
    et me semble qu'est tenue
    la promesse déniée vingt ans plus tôt
    et je ne comprends pas.





    Cours sur Finnegans Wake avec Daniel Ferrer.

    Wagon froid

    Sur le quai, tandis que le train ralentit pour s'arrêter, l'appréhension d'un wagon vide et froid ferait presque espérer les wagons surpeuplés et malodorants.

    En face de moi, une grosse jeune femme noire à casquette chinée blanc et noir a dû manger un pain aux lardons, l'air empeste la charcuterie. Mon voisin tient sa baguette dans l'alignement de sa cuisse, la forme de sa chaussure correspond curieusement à celle du pain, miroir blond.
    Cinq rangs plus loin un homme lit Crime et Châtiment dans une édition de poche jaunie et cornée de Garnier-Flammarion. Il termine le tome I. Enfin, je suis persuadée que c'est le tome I. (Ce matin, mon voisin a fermé Ecrits sur l'hésychasme quand j'ai ouvert mon livre.)

    Je souffle. Pas de vapeur blanche. Plus de 6°, c'est déjà ça. Je lis à mi-voix, je marmonne pour me défendre contre la voix de la femme au téléphone. Je change de place. Le froid alourdit le métal de mes lunettes. C'est long. Je lis un peu.

    Pour Dominique : le 26 novembre 1976

    — Tu sais que je possède toute la collection du Monde depuis les années 70 ?
    — Ah bon ? Mais alors... Tu vas pouvoir m'aider à trouver un article que Camus a écrit à la mort de Malraux?
    Air surpris, coup d'œil circulaire pour appeler à l'aide. Deux ou trois voix s'élèvent en chœur :
    — Mais ce n'est pas possible, Camus était mort!
    Je mets une seconde à comprendre puis m'exclame avec soulagement:
    — Mais non, pas votre Camus, mon Camus!

    Merci d'avance.

    [Vendredi 26 novembre 1976
    RC, Journal de Travers, p.1280

    [Samedi 27 novembre, cinq heures. [Chron. du retard: jétais en train de découper trois exemplaires du Monde pour conserver autant de copies du petit entrefilet sur Malraux, qui est paru finalement hier [...]
    Ibid., p.1287

    Entre-temps j'étais allé jusqu'au Drugstore pour acheter Le Monde, parce que Samia m'avait signalé que mon commentaire sur Malraux y figurait alors que j'imaginais qu'il ne paraîtrais plus, maintenant, que dans le prochain Monde des livres, jeudi.
    Ibid., p.1289

    Proverbe africain

    Si tu veux aller vite, va seul, mais si tu veux aller loin, va ensemble.

    Oulipo, hier

    Le compte rendu a été déplacé.



    Juste avant de sortir de la TGB, l'un d'entre nous nous désigne en riant une affiche de circonstance: Le droit à la philosophie que je m'empresse de photographier (tout de traviole s'avère-t-il).

    (Le film "Le droit à la philosophie" sera diffusé le 18 février de 18h30 à 21h30, salle1, au Centre Parisien d'Études Critiques, 37 bis rue du Sentier, 75002 Paris.)



    Après la séance, pizza traditionnelle, en effectif réduit. Nous parlâmes rangement, collections, chaos, angoisse de la pile, syndrome de Diogène... et de livres et de fractures et de carte écrite à la main et de verre renversé.

    Au Louvre

    En adhérant à la société des amis du Louvre j'ai l'impression d'avoir loué le Louvre, d'y être désormais un peu chez moi. Fini l'impératif de voir vite un maximum de choses pour amortir mon billet, à moi le temps de la promenade. J'y entre pour rien, même une demi-heure, je ne regarde rien, j'arpente les couloirs et les escaliers, je mesure la hauteur des plafonds à mon essoufflement, je me souviens de Skot disant que le Louvre était vide si on évitait les salles italiennes ? je ne vais jamais dans les salles italiennes, je vais voir trois fois les expositions, j'apprends à m'orienter en regardant par les fenêtres, je fais des photos stupides (ie, qui ne valent rien) avec mon téléphone. J'aime la salle des caryatides, j'ai l'impression d'être au centre du château.

    A midi, j'avais l'intention d'aller voir la collection de dessins de Pébereau, mais je n'avais plus le temps (j'étais passée à la poste du Louvre, le plus agréable bureau de Paris que j'ai fréquenté à ce jour: je fais un détour pour avoir affaire à eux). Je suis restée au rez-de-chaussée, j'ai erré une fois de plus autour des murailles du Louvre médiéval, remarquant une sculpture très "tee-shirt mouillé" dans le cadre de l'exposition "De Smyrne à Izmir".


    2010-0213-LouvreDrapeSmyrne.jpg


    Une fois de plus j'ai visité la salle Saint-Louis, que j'oublie toujours et qui me serre le cœur. Toutes ces vieilles pierres me serrent le cœur; qu'ont-elles vu, combien de secrets politiques et d'intrigues amoureuses en hennin ? (toujours la surprise que le château illustrant Les très riches heures du duc de Berry ne soit pas imaginaire), que pensent-elles des touristes en short et des appareils photos, des ribambelles de gamins traînés ici qui chahutent par désœuvrement, regrettent-elles d'avoir été déterrées et réveillées il y a une vingtaine d'années?

    Ça se confirme

    Comme quoi, l'important est d'avoir les bonnes fréquentations.

    (Prochain Oulipo à la BNF: jeudi prochain).





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    Huit ans plus tard ce n'est plus d'actualité et donc ce n'est plus compréhensible : Bernard-Henry Lévy a utilisé Botul en note de bas de page de son dernier livre. Or Botul est un canular littéraire. (S'agit-il de la vengeance d'un nègre sous-payé ?)

    Je peux faire n'importe quoi quand je porte un slip rouge

    J'ai beaucoup ri quand j'ai découvert ce post dans le blog où je perds tout mon temps. Il m'a rappelé un Jeeves que j'avais lu peu de temps auparavant (Ça va, Jeeves?) dans lequel le majordome conseillait à un jeune homme atrocement timide de se déguiser en Lucifer lors d'un bal costumé: le costume lui donnerait le courage de déclarer sa flamme à la jeune fille qu'il aimait.

    (Dans un autre genre, ma sœur portait de la lingerie raffinée et un air revêche. Elle nous avait avoué que son plaisir était de penser « S'ils savaient ce que j'ai en dessous… »)

    Samedi soir

    Beau texte d'Oscarine Bosquet, Participe présent, mésanges et Rosa Luxembourg. J'écoute la voix dans la pénombre, douce et obstinée.

    Puis Simone, qui est Simone, « C'est toi l'Arabe », sa voix rauque et chantante qui me rappelle une amie de ma mère, j'apprends que Joseph était merveilleusement beau et qu'il aurait bien pu coucher avec la femme de Putiphar, puisqu'après tout les douze commandements n'existaient pas encore (ce qui me paraît aussi magiquement absurde que d'imaginer qu'avant Newton, les pommes flottaient dans les airs). Dans une version de l'histoire, Joseph finit par prendre la femme de Putiphar en pitié, elle qui l'aura aimé toute sa vie. Ils ont cent ans tous les deux. « Comment tu veux élever des enfants avec une histoire pareille ? »

    « Mon gynéco m'a dit : moi, j'ai coché la case garçon. » (C'est une bonne idée, désormais j'en ferai autant.)
    « Comment ça tu es fan de TrucMuche? Il faut te défaner. »

    Connais-je davantage Marie que Bernard, que dire des affinités immédiates, irraisonnées? Nous avons en commun quelques livres lues, c'est déjà ça.
    La théière oblongue de Simone ressemble moitié à un char, moitié à un canard, mais nul ne l'a vue.
    Elle aurait dû garder mes boucles d'oreilles, elles lui allaient très bien, et si j'avais été sûre qu'elle les portât, cela m'aurait fait plaisir.

    Marie a oublié notre projet d'échange culturel. Zut alors. D'un autre côté, le titre de mon billet de septembre 2008, dont je ne me souvenais plus, montre que je ne me faisais pas beaucoup d'illusions.


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    Dimanche

    Pas grand chose à raconter, ou alors ma vie. Peut-être qu'un blog sert à ça, possible. Marché, jardin, rien de palpitant. M'enfin bon, s'il fallait attendre du palpitant pour écrire. Pas envie d'y retourner demain. Il faudrait réussir à écrire d'épaisses couches de rien pour pouvoir cacher quelques éclats de réel à des endroits où personne n'aurait le courage d'aller les chercher. Mais cela prendrait beaucoup de temps.
    Continué les tas de feuilles. Presque plus de gazon, plus que de la mousse. Pourquoi les gens râlent-ils contre la mousse, c'est pourtant pratique, plus besoin de tondre.
    Une épine dans l'index gauche, impossible de la fixer, ma vue se trouble.

    Revue des deux mondes

    Durant le film, flambée de colère contre JYP. Il croit décidément avoir toujours raison. Il va faire planter Crépu rien que pour lui montrer qu'il a raison. Et JA va pouvoir me rire au nez: "Votre groupe n'a servi à rien, je suis publié dans la RDDM".
    Je suis ridiculisée sur tous les tableaux.

    Et puis en vertu du film vu aujourd'hui et des quelques réflexions conséquentes, décidé de laisser tomber. Ma foi doit me permettre de penser que si j'ai raison, je serai justifiée dans l'éternité, et que si j'ai tort… so be it.



    —————————————————

    Quelques explications : JYP refuse d'intervenir auprès de Crépu pour empêcher JA d'être publié au prétexte que cela n'a rien à voir avec notre affaire. C'est vrai factuellement, mais sur le fond, cela a tout à voir, puisqu'il s'agit de montrer JA sous son vrai jour et de le décrédibiliser : il n'est pas une personne sérieuse avec qui travailler.

    Une exécution ordinaire

    Vu ce film par hasard, c'est le billet que m'a délivré l'automate UGC, je ne sais pourquoi. Ma première pensée a été, oh non, c'est en VF, même les voix sonnent faux quand on se mêle de doubler (je veux dire: aussi faux que le jeu des acteurs français), le cinéma français c'est quand même quelque chose !
    Mais finalement, apparemment, c'est un film français, et les acteurs ne jouent pas faux, ils ne laissent pas s'établir cette impression d'éternité entre les gestes, comme s'ils se demandaient toujours "Zut, j'ai oublié ce que je dois faire ensuite" (le jeu des acteurs français : des trous de mémoire non pas à propos du texte, mais à propos des corps).
    Oui, un bon film s'agissant des acteurs. S'agissant de l'histoire… un peu mince, mais bon.

    « La mort d'un homme est une tragédie, la mort de millions d'hommes une statistique. » Ce serait de Staline.

    Cela me fait penser à internet, tous ces blogs, tous ces twitters, tous ces "statuts, toutes ces photos, juste pour oublier que nous somme mortels, juste dans l'espoir d'attirer l'attention, "Regardez-moi, regardez-moi" écrit Bonnefoy.

    Nous ne sommes pas une statistique, nous sommes poussière.
    Tout cela n'a pas beaucoup d'importance.
    C'est finalement ce qui me sidère le plus: l'importance que nous accordons à des événements, des actions, oubliées dans la semaine, dans le mois. Il faudrait tout vivre comme un souvenir anticipé, pour sa beauté de souvenir futur.
    Seul ce qui a la capacité à former un beau souvenir vaut la peine d'être vécu.
    Le reste est inutile.

    Des livres

    - RC, L'Amour l'Automne
    - Claude Lanzmann, Shoah (coffret livre + DVD)
    - RC, Journal de Travers tome 2
    - Philippe Lejeune, Signes de vie (le pacte autobiographique)
    - Sébastien Hubier, Littératures intimes
    - Michel Foucault, Dits et écrits I - 1954-1988 (pour "Qu'est-ce qu'un auteur?")
    - Philippe Sollers, Le Parc

    offert par Aline
    - Ossip Mandelstam, Le Timbre égyptien

    Mon cartable ne fermait plus. Un peu compliqué.

    Deux jours

    - jeudi
    Déjeuner avec Tlön

    - vendredi
    Cruchons restreints : Aline, Philippe, Laurent.
    Nous faisons des projets, Vaux-le-Vicomte et Plieux.

    Ethique

    Je découvre que Monentreprise s'est "dotée d'une charte éthique" pour afficher son engagement "sociétal".

    Dans la première partie de la Charte, elle s'engage à respecter (tout ce qui suit, jusqu'à mes commentaires, est un copié/collé):

    1. La Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 et la Convention européenne des droits de l'Homme


    2. Les principes de l'organisation internationale du travail (OIT)

    Adoptée en 1998, la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail est l'expression de l'engagement des gouvernements, des organisations d'employeurs et des organisations de travailleurs de promouvoir les valeurs humaines fondamentales - valeurs qui sont de première importance pour notre vie économique et sociale. Il s'agit de :
    • la liberté d'association et la reconnaissance du droit de négociation collective ;
    • l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire ;
    • l'abolition du travail des enfants ;
    • l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.

    3. Les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales

    Adoptés en 1976, et ayant fait depuis l?objet de plusieurs révisions, les principes directeurs constituent un ensemble de recommandations aux entreprises multinationales dans tous les grands domaines de l'éthique des affaires, dont l'emploi et les relations avec les partenaires sociaux, les droits de l'homme, l'environnement, la divulgation d'informations, la lutte contre la corruption, les intérêts des consommateurs, la science et la technologie, la concurrence, ainsi que la fiscalité.


    4. Les dix principes du pacte mondial de l'Organisation des Nations Unies.
    • Promouvoir et respecter les droits de l'homme reconnus sur le plan international ;
    • Ne pas se faire complices de violations des droits fondamentaux ;
    • Respecter l'exercice de la liberté d'association et reconnaître le droit à la négociation collective ;
    • Éliminer toutes les formes de travail forcé et obligatoire ;
    • Abolir le travail des enfants ;
    • Éliminer la discrimination en matière d'emploi et d'exercice d'une profession ;
    • Promouvoir une approche prudente des grands problèmes touchant l'environnement ;
    • Prendre des initiatives en faveur de pratiques environnementales plus responsables ;
    • Encourager la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l'environnement ;
    • Agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l'extorsion de fonds et les pots-de-vin.
    (Monentreprise a adhéré au Pacte mondial de l?ONU le 7 février 2007.)


    5. La Charte de la diversité

    En signant cette charte le 26 juin 2007, Monentreprise s'est engagé à :
    • Sensibiliser et former ses dirigeants et collaborateurs impliqués dans le recrutement, la formation et la gestion des carrières aux enjeux de la non-discrimination et de la diversité ;
    • Respecter et promouvoir l'application du principe de non-discrimination sous toutes ses formes et dans toutes les étapes de gestion des ressources humaines que sont notamment l?embauche, la formation, l'avancement ou la promotion professionnelle des collaborateurs ;
    • Chercher à refléter la diversité de la société française et notamment sa diversité culturelle et ethnique dans notre effectif, aux différents niveaux de qualification ;
    • Communiquer auprès de l?ensemble des collaborateurs notre engagement en faveur de la non-discrimination et de la diversité, et informer sur les résultats pratiques de cet engagement ;
    • Faire de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique de diversité un objet de dialogue avec les représentants des personnels ;
    • Inclure dans le rapport annuel un chapitre descriptif de l?engagement de non discrimination et de diversité : actions mises en oeuvre, pratiques et résultats.


    Je ne comprends pas très bien cette rage d'écrire l'évidence: est-ce que respecter la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 ne s'impose pas de facto à une entreprise française ?1
    Est-ce que le fait d'adhérer à la charte de la diversité ne signifie pas que nous entrons dans un monde contractuel, qui permet(trait) à ceux qui ne signent pas d'échapper à certaines contraintes légales qui spontanément me semblaient s'appliquer à tous, du fait de la déclaration des Droits de l'Homme, justement? Ou n'est-ce que de la publicité, de la communication ? Ou de la sensibilisation ?


    Faudra-t-il faire signer à tous les parents allant déclarer leur enfant à la mairie la Convention internationale des droits de l'enfant ?

    Et cette phrase: «Chercher à refléter la diversité de la société française et notamment sa diversité culturelle et ethnique dans notre effectif, aux différents niveaux de qualification» me semble ouvrir la porte à la pire des sélections, celle qui ne consiste plus à choisir une personne, mais une couleur, un sexe, une religion.


    Note
    1 Non, peut-être pas après tout: c'est la Déclaration de 1789 qui est annexée à la Constitution de 1958.

    A la dérobée

    Les gens descendent à Chatelet, d'autres montent, un espace se crée entre moi et ma voisine, nous sommes debout collées le long des strapontins, elle légèrement tournée vers moi, le dos au mur. J'observe ses mains, six à huit millimètres d'ongles, french manucure, comment peut-on travailler avec ça, elle est très jeune, plus petite que moi, chemisier blanc tailleur noir, pas de manteau c'est étrange, les yeux lourdement maquillés, la peau ocre, un peu vulgaire mais jolie. Dans l'espace créé par le départ de une ou deux personnes elle secoue son iPhone pour que l'écran repasse en lecture verticale. Elle a des écouteurs sur les oreilles.

    Comme la foule est moins serrée je peux ouvrir mon livre; je me plonge dans L'Inauguration de la salle des Vents, à la recherche de certains mots. Je ne l'ai pas relue depuis Journal de Travers, de nombreux passages acquièrent une nouvelle épaisseur. Je lis.
    p'têt pas rompu rompu, y z'ont jamais vraiment rompu, surtout que bon, officiellement, tu m'diras y avait rien à rompre, mais bon, quand même i z'étaient ensemble, et un beau jour crac tu sais pas trop pourquoi, p'têt pa'ce q'le mec il avait peur d'êt malade comme ça à l'étranger, hyperloin d'sa famille et tout, ou même pa'ce qu'i sentait bien qu'question soutien moral et tout, si tu vois c'que j'veux dire, ça allait p'têt pas être idéal-idéal, bon i's'barre bon ben l'aut' déjà là ça aussi déjà ça l'arrangeait pas mal, si tu r'gardes bien, ça voulait dire qu'il aurait pas à s'taper sept huit piges d'un mec que tu savais bien comment qu'tout ça barré comme c'était barré ça allait s'finir, et bon ben lui il était couvert, si tu vois c'que j'veux dire, i pouvait s'dire ben ouais o.k. d'accord o.k. tout ça c'est bien triste, mais quand même c'est pas mon problème, le mec i m'a quitté i m'a quitté, c'est quand même pas moi que j'l'ai laissé tomber pa'ce qu'il était malade, ça a rien à voir, et là pareil l'coup du téléphone … (p.302)
    Je sens un regard sur la page, un poids. Je relève la tête. Elle est en train de lire. J'imagine les mots arrivant à sa conscience, à sa compréhension. Nos yeux se croisent, je lui souris, elle me rend un sourire hésitant, étonné.

    Photo de classe

    — Kevin, rentre le ventre, sors la poitrine ! Jessica, le contraire !

    Mode lapin blanc

    - Démonté une poignée de fenêtre (pas encore remontée à l'heure qu'il est) ;
    - ramassé des feuilles (eh oui, ce n'est toujours pas fait) ;
    - coupé les tiges noircies des pivoines (ce devrait être fait depuis juin) ;
    - rangé les boîtes contenant les décorations de Noël (mais le sapin est "démonté" depuis une semaine: pas si mal) ;
    - pas écrit à ma grand-mère (94 ans hier) ;
    - pas écrit une poignée de cartes de vœux ;
    - pas fini le billet pour Elisabeth.


    Pas encore dîné.

    Profession de foi

    Je suis ennuyée, ce soir. J'ai peur de recevoir un coup de fil affolé de parents m'accusant d'avoir traumatisé leur enfant. J'ai simplement dit la vérité.
    Je me demande comment je peux réussir à raconter cela sans paraître comtesse de Ségur.
    Tentative.

    Dans notre commune la "dame de catéchisme" a disparu. Ceux qui veulent transmettre ce qu'ils peuvent de foi et de tradition catholique doivent s'en charger eux-mêmes. Cependant, ils ne peuvent le faire en "candidat libre", ils leur faut prêter serment d'allégeance à l'institution. Les parents inscrivent donc leurs enfants au catéchisme, ceux-ci sont regroupés par école, et les parents reçoivent chacun à tour de rôle le groupe dont fait partie leur enfant pour le catéchiser.
    Bref, chacun d'entre nous se retrouve deux fois dans l'année à donner une leçon de catéchisme à des enfant entre huit et douze ans.
    Des réunions de préparation sont organisées pour les parents; insidieusement l'Eglise en profite pour re-catéchiser qui elle peut. Certains parents sont effrayés par cette tâche, je dois avouer que je l'aime bien. Il faut dire que j'ai la chance d'avoir une formation plus poussée que la plupart, ayant fréquenté l'aumônerie après le bac, et puis j'aime ce contact avec les enfants qui mettent les pieds dans le plat sans s'embarrasser des convenances. (Ma plus grosse trouille, c'est qu'ils me demandent pourquoi la maison n'est pas remplie de SDF: oui, pourquoi? (j'avais déjà envie de la poser à mes parents quand j'avais sept ans: n'étions-nous pas censés avoir un pauvre à table et prêter nos vêtements ? Ce n'est que bien plus tard, en lisant L'Œuvre au noir, que j'ai réalisé que tout vendre et tout laisser, c'était (peut-être) davantage vivre en parasite qu'en saint homme. Et pourtant Saint François ? Saint Bernard, pourquoi eux ? Oui mais… Enfin bref. (Les ordre mendiants ont toujours été encadrés étroitement par l'Eglise, y compris récemment, voir les tribulations de Mère Teresa pour faire reconnaître l'ordre qu'elle voulait fonder.))
    Ma deuxième chance, c'est que les enfants de "mon" groupe sont attentifs et curieux.

    Ce matin, nous devons lire et commenter deux miracles : la guérison d'un lépreux et la résurection du fils d'une veuve (pas de chance, je préfère les paraboles).

    L'un des enfants qui l'année dernière suivait cela avec intérêt soupire, regarde ailleurs.
    — Ça ne va pas, Paul?
    — De toute façon, tout ça, ce sont des légendes. J'ai mon meilleur ami, son cousin est mort à une semaine, Dieu n'a pas pu vouloir ça. Donc tout ça, c'est juste des histoires.

    Bien. J'ai toujours touvé incroyables les gens qui essaient de rendre la mort supportable. La mort est insupportable. Mais est-ce que je me lance dans la démonstration du miracle comme négation par Dieu des règles que lui-même a mises en place? Ils ont onze ans.
    Allons-y pour mon seul "credo", leur dire ce que je crois, leur dire la vérité, la mienne en tout cas.


    — Nous allons tous mourir. C'est incompréhensible, on ne comprend pas bien pourquoi on naît si c'est pour mourir, mais c'est une chose certaine, nous allons tous mourir. Et c'est terrible quand ce sont des gens plus âgés que nous (je ne sais pas si vous avez perdu des grands-mères, j'aimais beaucoup la mienne), mais quand ils ont le même âge que nous ou qu'ils sont plus jeunes, ça paraît encore plus incompréhensible. Et on ne s'habitue jamais, et à chaque mort la question est la même: « Pourquoi ? » Comment leur dire cette douleur des adultes? Et pourquoi la leur cacher?

    Autour de la table ils se taisent. Ils sont cinq. Paul a toujours son air de défi.
    — Et le pire, c'est de perdre un enfant. Il n'y a rien de pire.
    Jordan intervient:
    — Mais si Jésus a ressuscité le fils de la veuve, c'est qu'il était bon…
    Continuons mon entreprise de destruction:
    — Non. Il l'a ressuscité parce qu'Il a eu pitié. Les gens étaient autour de lui, ils Lui faisaient confiance, ils croyaient qu'Il pouvait les aider. Il a eu pitié. Si vous lisez les Evangiles (je n'y crois pas beaucoup… (qu'ils vont lire, je veux dire)), vous verrez que cela arrive souvent : Jésus est en train d'enseigner, de raconter des paraboles, les gens arrivent autour de Lui et Le supplie, et Il n'a pas le courage de dire non. L'Evangile le dit souvent "Il eut pitié d'eux". Mais Il n'est pas là d'abord pour ça, Il n'est pas là pour faire des miracles.
    Et pour répondre à Paul, il y a encore des miracles. Pas beaucoup, mais quelques-uns. Plus exactement des guérisons inexpliquées, à Lourdes, par exemple. Mais l'Eglise a tellement peur de se faire accuser de charlatanisme qu'Elle mène des enquêtes pour prouver que ce n'est pas vrai, pour trouver des explications aux guérisons (Têtes des enfants.) Mais de temps en temps, on ne trouve rien: donc c'est un miracle.

    Je les regarde, je souris, reviens à leurs préoccupations (et puis, je me souviens si bien… Tout ce que je croyais au premier degré, tout ce qui n'a jamais marché…):
    — Mais inutile de prier pour avoir une bonne note si vous n'avez pas travaillé, ça ne marchera pas !
    Jérémy, avec son sourire craquant : — Pourquoi ?
    — Parce que c'est comme ça. Il y a une règle, c'est qu'il faut commencer soi-même: «Aide-toi et le Ciel t'aidera». Et je peux t'assurer que c'est vrai: on commence et il se passe des choses, les choses changent…
    — Et donc, Paul, ce bébé est mort, et je peux vous assurer qu'il n'y avait pas de raison particulière. C'est juste tombé sur lui. Cela arrive aussi dans les Evangiles, je ne les connais pas assez pour vous donner la page, mais cela arrive: un jour une tour s'écroule sur des gens et les tue, les gens autour de Jésus lui annoncent la nouvelle, un peu affolés, et il y en a un qui dit « Ils devaient avoir beaucoup péché pour mourir ainsi », et Jésus répond : « Non, veillez car vous ne savez ni le jour ni l'heure. » Il n'y a pas de raison particulière. Et très souvent ce n'est pas très juste à notre idée. Par exemple l'ouvrier de la onzième heure… C'est l'histoire du propriétaire d'une vigne qui emploie des gens pour faire les vendanges. A la fin de la journée, il décide de donner le même salaire aux gens qui sont arrivés tôt le matin et à ceux qui sont arrivés dans l'après-midi..
    Tous les enfants, révoltés : — Mais c'est pas juste !
    Je souris : — Non, à notre idée, ce n'est pas juste. Mais pourquoi ? Après tout, on ne prend pas sur la part de ceux du matin pour donner à ceux du soir. Ils ne sont pas volés. Pourquoi est-ce que ça les fâche? Ils pourraient être contents de voir que ceux qui ont finalement décidé de venir reçoivent la même chose, ils pourraient se réjouir… Après tout on ne sait pas pourquoi les autres ne sont pas venus plus tôt…
    Les enfants n'ont pas l'air convaincu.
    — Pourquoi est-ce que cette idée nous déplaît ? Pourquoi ça paraît injuste ? C'est parce que je réfléchis, j'essaie de comprendre ce que je sens parce qu'on aimerait des compliments. On aimerait qu'on nous dise que c'est bien, on aimerait qu'on nous dise qu'on a fait mieux que notre voisin. Mais Jésus ne fait jamais ce genre de compliment. Et quand Pierre veut essayer de lui faire dire que lui, Pierre, aura une bonne place au Paradis, Jésus répond que les premiers seront les derniers. Il n'est pas très encourageant. C'est même un peu méchant de si peu encourager Pierre. Mais cela veut dire que nous ne devons pas travailler pour une récompense, mais juste pour sentir en nous, en dedans de nous, que ce qu'on est en train de faire est bien. C'est d'ailleurs bizarre… Là je passe carrément à Simone Weil, je ne devrais pas… mais pourquoi est-ce qu'on ne fait pas ce qu'on sent qui est bien, et ce qui fait qu'on se sent bien, et qu'on préfère les plaisirs rapides qui font moins plaisir ?
    Ils sont paumés. Je reformule :
    Pourquoi est-ce que vous préférez jouer à la Gameboy plutôt qu'aider votre mère à faire la vaisselle? Vous savez bien que vous vous sentiriez mieux si vous aidiez votre mère? Je n'ose pas dire la phrase suivante: «Pourquoi vous ne préférez pas vous sentir la conscience tranquille.» Tout cela devient vraiment trop pontifiant. Je me tourne vers Jérémy :
    — Tu ne crois pas que ça ferait plaisir à ta mère, que tu l'aides ?
    Il a l'air surpris, comme s'il n'y avait jamais pensé.
    — Tu fais une drôle de tête. Tu n'y avais jamais pensé? Tu penses vraiment que ta mère aime faire la vaisselle, qu'elle est faite pour ça, qu'elle n'a pas envie de faire autre chose, elle aussi ?
    Il me regarde avec embarras. Les autres rient. Olivier surtout, qui sait bien que je passerais bien autant de temps que lui sur l'ordinateur. Visiblement Jérémy vient de découvrir quelque chose: sa mère n'était pas née pour faire la vaisselle. j'aurais au moins servi à ça.

    Mais s'ils racontent à leurs parents ce que j'ai dit, j'ai peur que ceux-ci ne soient pas très contents.

    Notre-dame de la Pentecôte

    8 heures, endormie et vaseuse. Vendredi. Messe à l'église de La Défense, un peu par curiosité, un peu parce que ce serait pratique si ça me convenait.

    Nous sommes une trentaine, et à ma grande surprise, seulement quatre ou cinq femmes.

    La lecture n'est pas une lecture mais une récitation: la jeune femme est aveugle, elle récite d'une voix claire, à peine hésitante vers la fin du passage, l'histoire de David et Bethsabée. Celle-ci me paraît longue, j'ai peur que la jeune femme se trompe, qu'elle ait un trou de mémoire. Jamais je n'avais écouté avec autant d'attention; je n'avais pas retenu les multiples péripéties de l'affaire, David invitant Ourias à sa table, souhaitant l'inciter à la faute pour couvrir la sienne. Si Ourias avait été moins pieux, s'il n'avait pas respecté la règle qui interdisait aux soldats de rejoindre leur femme en temps de guerre, David ne l'aurait pas envoyé à la mort.
    Il arrive souvent dans la Bible que la vertu ne soit pas récompensée, je n'y ai pas prêté suffisamment attention quand j'étais plus jeune.

    Grandir

    Je découvre (depuis quelques temps — mais pas si longtemps) le plaisir de la confiance, qui consiste à confier mes textes pour relecture en sachant que je recevrai les remarques et corrections comme une aide précieuse et espérée et non comme des critiques fragilisantes.

    Qu'est-ce qui a changé, est-ce mon âge, ou la découverte d'une estime réciproque à laquelle j'ai réussi à croire (c'est bien là le fantastique) ?
    Je découvre par moi-même quelque chose que doivent savoir tous les pédagogues, je suppose: que la confiance en soi vient de la confiance qu'on vous accorde.
    C'est fou ce que cela fait du bien.

    Informatique et Libertés

    Journée de formation aux obligations imposées par la CNIL, ou comment ré-inventer la bureaucratie au fur à mesure que le monde se dématérialise.

    Les principes sont simples et sains: une entreprise ne doit demander que ce qui lui est utile pour son commerce (inutile de vous demander votre carte grise pour assurer votre maison, votre diplôme de bac pour vous faire un crédit consommation), elle doit détruire ces données à l'issue du délai de prescription (c'est quelque chose qu'elle ne fait pas, qu'elle sait mal faire, qu'elle n'a pas envie de faire), et toute personne doit avoir accès aux données la concernant.
    Pour éviter des écarts de langage regrettables, des notations étranges, une entreprise doit conserver à l'esprit que n'importe quel dossier pourra être lu par son client ou par la CNIL: il faut rester correct en toutes circonstances et ne pas se défouler dans les zones de texte libre des logiciels de GRC (gestion de la relation clients) ni laisser traîner des post-its désagréables dans les dossiers papier. (C'est un peu plus subtil que ça: interdit par exemple d'écrire dans un dossier de prospection téléphonique: "ne pas rappeler, cancer en stade terminal", mais écrire simplement: "ne pas rappeler, raisons médicales" (cela pour respecter le secret médical). Une formation n'est donc pas inutile, le bon sens n'étant pas toujours suffisant à garantir la bonne application de la loi.)

    Les principes sont donc assez simples et logiques, une fois qu'on a attiré votre attention sur les points délicats.
    A partir de là, une organisation tentaculaire a été mise en place. Les données étant le plus souvent traitées par informatique, les entreprises sont censées décrire tout nouveau traitement pour l'envoyer à la CNIL (ce qui fait de la CNIL une gigantesque chambre d'enregistement des systèmes informatiques de la France entière, j'espère que leurs salles d'archives sont bien protégées). La CNIL s'étant aperçu du monstre de paperasse qui risquait de l'engloutir a autorisé les (grandes?) entreprises à conserver ces dossiers dûment complétés chez elles, auprès d'un CIL (correspondant Informatique et Libertés), lui-même régnant sur des CRILs (correspondants relais informatique et libertés désignés au sein de chaque entité, direction ou filiale)1

    Bref, il s'agit de ce que je déteste le plus: un boulot administratif très lourd, inutile pour le fonctionnement "réel" de l'entreprise et qui pénalise les entreprises de bonne foi, sachant que celles qui contreviennent à la loi sauront parfaitement le cacher.


    Note
    1 : On se demande pourquoi la mise à disposition sur simple demande du cahier des charges et des SFD (spécifications fonctionnelles détaillées) de tout traitement informatique n'est pas suffisante.

    Odeurs croisées

    Je n'aime pas que les couloirs du métro sentent la jacynthe (parfum entêtant de ces bulbes qu'on ramenait de l'école primaire pour les faire fleurir à la maison, première annonce du printemps) ou la pomme verte (pour toujours associée à l'odeur du shampooing dans les vestiaires après les sorties sur la Loire quand j'avais quatorze ans).

    J'aimerais comprendre pourquoi l'anorak de l'homme devant moi dans le RER hier soir sentait le Canard WC.

    Orientation

    Discussion au dessert avec de vieux amis. Retour sur nos années post-bac, sur nos études, sur les circonstances qui nous ont orientés vers telle ou telle école, telle ou telle formation.
    Tous mes choix ont été des choix "contre", des choix pour ne pas faire quelque chose, et non des choix "pour", des choix guidés par une envie, un désir. Une seule obligation, gagner sa vie, être indépendante, vite.
    Et il est un peu étrange de me dire qu'aujourd'hui encore, je ne sais pas "ce que je voudrais faire quand je serai grande".
    Si, une chose: partir à l'étranger.
    Mais ce n'est pas un métier.

    Logique

    Si la tartine ne tombe pas du côté beurré, c'est que vous l'avez beurrée du mauvais côté.

    Après- midi de tarot

    « Everything is under control : le bateau coule normalement. »

    Pour Elisabeth

    Pour Elisabeth : nous étions six, Nicolas, GEF, Alain, Dominique, Sophie, moi. Sauras-tu attribuer à chacun ses propos ?

    (Vrac et désordre, la conversation par bribes dans mes souvenirs. Je garantis que ce sont mes souvenirs, je ne garantis pas leur exactitude. Ce qui est sût, c'est que les sujets n'ont pas été abordés dans cet ordre).





    — Même si je ne lis pas l'anglais, j'ai la version américaine de Laura, il sort en mars. Les cartes sont reproduites en fac-similés et peuvent être découpées à l'attention des lecteurs inventifs qui veulent écrire leur propre roman. — Et qu'est-ce que vous pensez d'Eric Rohmer ?
    — Vous saviez que c'était le frère de René Schérer ?
    — Ah oui, un autre grand malade… Mais c'était les années 68, et puis il était fouriériste… Lui c'était les petits garçons, il allait se fournir dans les secteurs para-psychiatriques, tandis que Rohmer ?
    — Quoi, Rohmer ?
    — Il aimait les très jeunes filles, ses actrices passaient toutes à la casserole. Mais elles étaient volontaires, c'est comme Woody Allen : il fait tourner ses actifs au tarif syndical, et ils le savent, mais ils sont tous volontaires…
    Perceval m'a beaucoup marqué.
    — Mais ce fut un flop. A l'époque, si tu ne faisais pas quatre semaines sur les Champs-Elysées… Maintenant il y a les produits dérivés. Alors il a refait des films caméra sur l'épaule avec du papier Canson pour la lumière ?
    — ??
    — Tu ne savais pas ? Un jour un journaliste lui a demandé comment il faisait sa lumière, Rohmer a ouvert un tiroir de son bureau, a sorti une feuille de papier et a dit « Voilà, je mets la feuille derrière l'acteur, j'attrape le soleil, et je tourne. »
    — Et le dernier ? Daphnis et Chloé ?
    — David Hamilton revisité.
    X. rit.

    — Mais quand on est sur scène on dit souvent n'importe quoi. J'adore Vila-Matas, j'ai tout lu de lui. Dans ses livres il parle d'Achille Campanile ( ?? à confirmer), il dit que c'est un grand méconnu et qu'il l'adore, alors j'ai trouvé et acheté les livre de cet Achille Campanile, il n'y en a pas beaucoup, et quand j'ai rencontré Vila-Matas, je lui ai montré les livres d'Achille Campanile, et il m'a dit qu'il ne savait pas qui c'était ?

    — Il y a des coupes dans les traductions. Le premier paragraphe du Crime du golf, d'Agatha Christie, est plein de termes techniques de golf, il n'a pas été traduit.
    — Les Proust en ligne au Québec sont ceux de la collection blanche. On peut passer des heures à chercher une tournure qui n'y est pas (puisque tout le monde se sert des Pléiade comme référence).
    — Certains se targuent d'être de vrais proustiens parce qu'ils possèdent l'édition Clarac de la Pléiade. Cela veut juste dire qu'ils ont eu vingt ans avant la parution de l'édition Tadié…
    — Est-ce que l'édition du Borgès sera identique à la précédente, ou les notes vont-elles être revues ?
    — Identique, je crois.
    — La veuve s'était plainte parce qu'on avait utilisé des interviews de Borgès alors que celui-ci ne savait pas qu'il était enregistré. Elle criait à la manipulation.
    — Mais tout le monde le manipulait, même elle…

    — Mais alors, puisqu'on en parle, c'est quoi un mariage gris, ou noir ? Je n'ai pas suivi…
    — C'est quand l'un des deux était sincère mais pas l'autre, pour l'un des deux ce n'était pas un mariage d'amour.
    — Mais depuis quand faut-il s'aimer pour se marier ?
    — Je me souviens d'un témoignage indien qui disait : « Chez vous on s'aime pour se marier, chez nous on se marie pour s'aimer ».
    — Ça ne marche pas si mal d'ailleurs…
    — Je ne suis pas sûre que l'Inde soit le meilleur endroit pour juger de cela.
    — J'avais un ami tibétain qui devait venir se marier en France; sa famille l'a retenu au Tibet pour le marier de force. Il n'était pas heureux (et la jeune fille non plus d'ailleurs).
    [reprise]
    — Un mariage gris, c'est quand l'un des deux dit: «Je me suis fait baiser».

    — Vous n'y croyez pas, vous, à l'inconscient collectif ?
    — Moi j'ai écrit : « je t'ai reconnue! »
    — Mais ce n'était pas moi !
    — Comment, ce n'était pas toi?! [se tournant vers nous]. Il faut que je vous explique. J'ai eu une discussion avec X. sur "en vélo" et " à vélo". Elle me disait que seul "à vélo" était correct.
    — Je lui ai donné comme exemple "Julie et Cécile vont à bateau".
    — Et cette phrase, exactement celle-là, est sortie dans la liste Oulipo. Alors j'ai écrit: « je t'ai reconnue ! »
    — Mais ce n'était pas moi! C'est vraiment incroyable. Il y a des choses comme ça, dans l'air… Vous n'y croyez pas, vous, à l'inconscient collectif?

    — Chandler vendait des voitures sur la côte Ouest des Etats-Unis. Il avait tout, il vivait très confortablement; il était fou amoureux de sa femme qui avait trente ans de plus que lui, la femme parfaite, épouse et mère… Et puis elle est morte, il a été inconsolable et s'est mis à boire… il écrivait bourrée. Il y a sa correspondance, c'est surtout ses échanges avec ses éditeurs qu'il engueule, c'est extraordinaire…
    — Ah oui, je l'ai vu il y a moins d'une semaine, ça donne des phrases du genre : « Veuillez considérer que j'écris en patois suisse, mais si je décide d'agrémenter mon style velouté d'un néologisme argotique, vos ânes bâtés de correcteurs n'ont pas à y toucher » !!
    [Et moi je crois à des conjonctions dans le temps et l'espace, malgré tout : avoir rencontré Chandler par hasard une semaine avant chez des amis.]

    Tu sais que je conserve tous les exemplaires du Monde…?
    — Mais alors… tu vas pouvoir me servir, je cherche un article de Camus au moment de la mort de Malraux.
    — Mais (chœur à la voix indécise) ce n'est pas possible…
    Moi, réalisant ? Mais non, pas ton Camus, mon Camus! En 1976.
    — 1976… Hum, ce sont les cartons du fond, il va falloir tout déplacer…
    — Tu sais que tout est en ligne ?
    — Oui mais c'est payant, je me sers du moteur de recherche pour savoir quel journal consulter. Enfin, ce sont les suppléments littéraires que je conserve…1

    — Quand j'étais petit je lisais une bande dessinée qui s'appelait Pierrot. Et puis l'air du temps est devenu anti-BD, et du jour au lendemain on a arrêté de me l'acheter. J'ai été très malheureux parce dans le dernier magazine le héros, Pierrot, courait dans des galeries à l'intérieur d'une falaise, et l'épisode se terminait il était arrivé au bout de la galerie et elle débouchait à flanc de falaise, directement sur la mer, et la légende disait « Il regarda l'abîme sans fond ». Et moi j'étais petit, j'avais huit ans, et bien, j'imaginais vraiment un abîme sans fond, c'était vertigineux. Et il il y a deux ou trois ans, en passant devant un bouquiniste, j'ai trouvé la suite de l'histoire…
    — Et alors ?
    — Eh bien en fait, Pierrot regarde vers le haut, et il s'aperçoit que le sommet de la falais est tout proche, et il grimpe et il s'échappe comme ça.
    — Et vous avez acheté la revue ?
    — Non, même pas…

    — Vous savez mon outil a transformé les sites, le baraguoin2, eh bien, durant les vacances, il a commencé à prendre le contrôle d'internet…
    — Hein? Qu'est-ce que tu dis ?
    — Eh oui. Je ne sais pas comment ça se fait, Google a commencé à indexer des pages, et de plus en plus, naturellement; j'ai commencé à recevoir des mails d'universités, de municipalités, pour me dire d'arrêter… Je pense que c'est parce que Jean Véronis m'a fait de la pub cet été… Nicolas m'a aidé à arrêter le monstre, j'étais en train de prendre le contrôle de la Toile…
    — Terminator 3, quoi!!


    Note
    1 : Vérification faite, il semble que l'article de Camus n'est pas paru dans un Monde des livres. Tant pis.
    2 : free marche si mal que désormais le baragweb es

    Le grand sommeil

    «Mais non, bien sûr, la fille est complètement nympho, mais ce n'est pas une histoire de cul, non…»

    Bulletin de santé

    Paul va vraiment mal. Signe de son trouble, de son essouflement et de sa fatigue, il me vouvoie, alors qu'il était passé au tutoiement depuis au moins cinq ans.
    Ce soir j'ai compris qu'il ne souhaitait pas que je le rappelle : « Je vous appellerai quand j'irai mieux ».

    Il me reste à lui écrire.


    ———————————

    Je relis cela huit ans plus tard jour pour jour, en 2018.
    Je lui en ai voulu. Je ne sais plus si je lui ai écrit.
    Il a rappelé, quand ? en février, en mars ? Il a laissé un mot sur mon répondeur… et je n'ai pas rappelé. Je ne suis pas allée le voir à l'hôpital. Je ne l'ai pas revu avant sa mort.

    Cela me hante. Cela n'est pas rattrapable.

    Addict

    Le plus simple, pour réussir à écrire un billet, est encore d'avouer à quoi je passe mon temps actuellement: à lire des blogs de self-help. J'en ai déjà parlé, c'est quelque chose que j'adore, d'absolument addictif, je peux passer des heures à apprendre comment ne pas perdre mon temps.

    Et donc le dernier en date, c'est The happiness project, trouvé à partir de Zen habits.
    Je me sens un peu ridicule à avouer ce penchant, mais après tout, c'est moins grave que les fraises Tagada.
    Je me sens un peu ridicule à avouer ce penchant, et je me demande pourquoi : est-ce à cause du côté simpliste des recommandations, "Rangez votre tiroir et vous serez heureux"? Oui, bien sûr, c'est puéril. Nous sommes, nous cartésiens, au-dessus de ça. Et notre tristesse et notre mauvaise conscience proviennent de choses bien plus importantes qu'un tiroir…
    Ou est-ce parce que ce sont souvent des blogs emplis de bons sentiments, "souriez à votre voisin, faites trois bonnes actions par jour", morale de boyscout?

    Et cependant, ranger un tiroir me libère l'esprit. Ecrire mes cartes de vœux, téléphoner à Paul Rivière…
    Se libérer l'esprit, se concentrer sur l'essentiel. C'est si évident que cela va sans dire. Et je me sens ridicule à avouer que j'aime le voir écrit. Parce qu'après tout, cela va sans dire, mais je l'oublie si souvent.

    Je devrais vraiment proposer à ces blogeurs de traduire leurs blogs, je me demande s'il y a une "clientèle" en France pour ce genre de blogs.

    Le blog du jour focalise sur le devoir d'être heureux. Et prend pour modèle… Ste Thérèse de Lisieux (en français ici).

    Beaucoup d'autres citations dans ce blog, mais je ne vais tout de même pas pousser le crime jusqu'à citer Goethe ou Colette en anglais.


    A la réflexion (écris-je quelques heures plus tard), il est possible que l'impératif "Soyez heureux" ait pour nous, Européens, un relent totalitaire. Le bonheur, n'est ce pas la promesse du Meilleur des mondes, n'est-ce pas le leitmotiv de Demolition Man?

    Mais quel rapport entre ce bonheur-là et la joie d'Etty Hillesum ou de Ste Thérèse ?
    Et avec ranger un tiroir, écrire une carte, éviter de s'énerver ?
    Les petites choses… Il faut bien commencer par quelque chose.

    Mon ex

    J'ai trop traîné ce soir, état étrange, discuté une heure avec la personne qui m'a remplacée dans mon ancien poste. C'est drôle, elle m'a décrit un service que je ne reconnais pas, pratiquant intensément la médisance. Il faut croire que devant moi ils n'osaient pas. Ma célèbre "froideur" (lointeur) qui me protège malgré moi… (Il paraît aussi que j'ai laissé un bon souvenir. Voilà qui m'étonne davantage, il faut croire qu'ils aiment être bousculés.)

    Ma remplaçante m'a téléphoné le jour d'absence de mon ex-collègue, pour ne pas déclencher de crise de jalousie chez celle-ci. Je me rends compte que j'ai occulté, refusé de voir mais surtout de commenter, pour ne pas médire justement, le défaut de cette ex-collègue, son sentiment d'infériorité poussé jusqu'à la tyrannie, tyrannie qui peu à peu m'avait poussée à ne plus rien dire de mes découvertes de sites, à ne plus partager mes sources d'informations, à ne pas évoquer delicious twitter wiki, autant de dangers à ses yeux (mon amour du web collaboratif vécu comme une bizarrerie et un danger), à cacher mes enthousiasmes (multiples, un rien m'étonne) ; et ce soir, pouvant partager, j'ai passé comme un rien une heure à parler de google, de plan de sites, de publications/rapports/documents, de méthodes de recherches, d'astuces, de revues préférées… J'aurai beaucoup aimé ce métier, et je l'aurai quitté par colère et dépit de ne pas pouvoir travailler correctement.

    (Quatre mois que ma remplaçante est en poste… Quand je vois ce que je lui ai montré, je me dis qu'elle a dû en baver.)

    Souvenirs d'Haïti

    1986 ou 87. Le directeur de l'agence bancaire où je fais un boulot d'été me reçoit. (Pourquoi? Entretien d'embauche, accueil du premier jour? je ne sais plus.) La conversation dérive, je me demande bien comment, jusqu'à cette déclaration qui résonne encore dans mes oreilles:
    — Vous savez, si Bébé doc est tombé, c'est surtout à cause du sida. L'économie d'Haïti reposait entièrement sur la vente du sang; avec le sida, ils n'avaient plus rien à vendre.

    Abasourdie, je regardais le directeur sans comprendre.



    ————————————
    Commentaire en 2018 : le 12 janvier 2010, un tremblement de terre a détruit Haïti.

    Coup de jeune

    Durant les vacances de Noël, chez mes parents, je décroche le téléphone (parce que je n'en supporte pas la sonnerie):

    — Allô, Madame S. ?
    — Non, je suis sa fille.
    — Est-ce que je pourrais parler à ta maman ?

    Défaut rédhibitoire

    En 1992 ma sœur a vécu trois mois chez nous pendant qu'elle cherchait un appartement. Ce fut le moment où nous fûmes le plus proches, où elle parla le plus — de façon incompréhensible pour moi cela n'eut pas de lendemain.
    Un jour elle estomaqua mon beau-père en lui faisant le portrait de l'homme idéal — principalement en listant ses "défauts rédhibitoires". Je n'ai pas assisté à la conversation donc à mon grand regret je ne connais pas cette liste. A l'époque elle sortait d'une longue relation amoureuse (cinq ans, six ans ? On avait même parlé mariage) suivie d'une plus courte (dix-huit mois?).
    Peut-être aurait-elle dû se préoccupper davantage de l'impression d'ensemble plutôt que d'additionner les défauts et les qualités (essentiellement physiques) de ses partenaires: il faut croire qu'une personne est un tout non décomposable, car elle a décidément peu de chance dans sa vie amoureuse.

    Hier, j'ai profité qu'une vieille amie dont la nouvelle demeure m'avait désemparée il y a quelques semaines m'affirme alors que je n'avais rien demandé: « Je lis beaucoup » pour poser la question qui me brûlait les lèvres: «Mais tu as des livres? Où sont-ils, je n'en ai vu aucun…? »
    Réponse: « Oh, je les emprunte; les miens je les ai tous donnés quand nous avons déménagé. C.1 ne voulait pas de bibliothèque. »

    Après toutes ces années, j'ai enfin trouvé mon défaut rédhibitoire : un homme qui ne voudrait pas de bibliothèque. (Le plus drôle, c'est que C. est très fier de son Audi, achetée il y a deux ou trois ans 2. Lol. Finalement finalement…)


    Note
    1 : note de la rédaction: C. travaille en aménagement d'intérieur et ameublement.
    2 : allusion destinée uniquement aux lecteurs du dernier journal camusien.

    Soirée

    — Je suis confus…
    — Je vous confirme: vous êtes confus.

    — Je fais comme Kafka, je vais chercher le pain.

    Whisky, champagne, thé.
    Et tequila et foie de veau.
    Et feu de bois.
    Dans la cuisine, des pots d'épices ("safran yéménite") et un petit sachet de sucre ou de sel avec une citation: «I am a very good housekeeper. Every time I get a divorce, I keep the house. Zsa Zsa Gabor»

    600 g en un an, c'est beaucoup pour un chat (adulte). M. a mis au point un programme d'amaigrissement: la chasse à la croquette. Elle les cache un peu partout dans l'appartement, de temps en temps B. en retrouve qui moisissent paisiblement derrière les livres.
    — Avec moi, ça ne marche pas.
    — Evidemment, vous lui donnez des croquettes de régime! Moi je cache des croquettes "Roi des félins" ou "Festin gourmand".


    Avant ces agapes, traîné en librairie. Lu longuement La route des ossements, d'Anne Fine, dans "L'école des loisirs". Elle est décidément excellente. Elle et Robert Cormier, mes grandes découvertes des années 90, quand je ne lisais que des polars et de la littérature pour enfants.

    Dans la bibliothèque de B., je découvre Strindberg et van Gogh, Swedenborg, Hölderlin de Karl Jaspers.

    Tumbr et Flickr, dernièrement

    Je ne comprends pas bien comment fonctionne tumblr. Ça m'agace, surtout quand je laisserais volontiers un commentaire, quelques mots ("Killroy was here"). Mais apparemment cette forme de blog est destinée à relayer ce qu'on aime sans commentaire, entreglose tentaculaire de photographies (principalement).

    - Des photos et des citations. J'aime beaucoup car on ne sait jamais sur quoi on va tomber.
    - Marilyn Monroe (ce qui m'émeut ici, c'est la folie que représente ce site, cette collectionnite aigüe qui pousse le blogueur à trouver chaque jour quatre à vingt nouvelles photos… alors que j'aurais pensé que les photos de Marilyn existaient en nombre fini et recensé).
    - Starwars
    - Des livres et des citations

    Et sur flickr :
    - une collection de pin-ups
    - des écureuils jouant dans Starwars

    52 fois fois 2 par an

    Je prends des bonnes résolutions tous les lundis et tous les samedis.

    Anniversaire surprise

    Je l'ai prévenue il y a une demi-heure; je lui ai dit : « On sort, tu as juste le temps de sauter dans une paire de boucles d'oreilles. »

    Mouettes heureuses

    Mon téléphone s'obstine à voir l'hiver en bleu.
    (Le Louvre aujourd'hui à midi: les bassins sont partiellement gelés.)

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    Désiré, de Sacha Guitry

    Doux amer. La voix de Marianne Basler. Les toilettes monochromes. Réminiscences proustiennes. Décor dans son rôle de décor. Le plaidoyer initial de Désiré pour être embauché m'a rappelé Mlle Julie. La sourde/godiche. La pièce déjoue les attentes, plus proche de la tragédie (le sacrifice) que de la farce (la paillardise à la française); appel des corps qui ne peuvent se rejoindre, par respect de la parole. La mélancolie et la perte, les choix.

    Une très bonne soirée.

    Mauvais jour

    Rongée de remords et de mauvaise conscience.

    Hier

    Rien à écrire, rien de rien. Journée heureuse, appris que RC était invité au Collège de France, commandé un livre de Mauriès. Mauriès, Sollers, Compagnon, Camus, les disciples de Barthes qui n'en finissent pas de se souvenir (et de se jalouser, plus ou moins, en mineur). Qui était Barthes, la question grandit en moi au fil des mois. (Vu passer sur Fabula appel à contribution sur les relations de Barthes et du Maroc).

    Fin de journée éprouvante, colère, emportement (Entre autres, répondu vertement à un employé de la RATP qui s'avisait de vouloir m'empêcher de marcher le long du quai qu'il était bien temps de s'en préoccuper, alors que nous pouvions bien périr étouffés pendant les grèves, tout le monde s'en fichait. Parfois je rêve de scandale et d'esclandre, de provocation, de tribunal, que je puisse enfin gueuler à la face du monde ce que je pense d'eux. Et dire que je suis plus calme qu'il y a dix ans… (A l'époque, j'avais prévenu H. qu'un jour pas comme un autre il aurait peut-être à venir me chercher dans un commissariat, ou à téléphoner à un avocat…))

    Matin (ce matin) froid. RER non chauffé, comme le train le 24 décembre. Ce n'est pas comme ça que vous allez réussir le réchauffement climatique, Monsieur Guy Degrenne.

    Inquiétude

    Paul ne va pas bien. Voilà deux fois de suite qu'il décommande un rendez-vous, ce n'était jamais arrivé en dix ans.
    Que c'est difficile de constater ce corps qui ne répond plus, raide, somnolent.
    Il me dit en riant souhaiter des médicaments efficaces.
    Et j'ai le cœur serré car j'ai compris maintenant que passé un certain âge, les médicaments efficaces sont ceux qui vous tuent (et donc on ne vous les donne pas).

    Nostalgie

    Samedi, classé des papiers avec Out of Africa en fond sonore. Il y a longtemps que je n'ai plus besoin de le regarder, j'en connais les images par cœur. Pourquoi ce film-là ce soir, et ce besoin d'avoir le cœur fendu juste ce soir, en triant des bulletins de notes, des factures et des articles de journaux ?
    L'Afrique aura vraiment tout pris à Blixen, c'est une vaincue qui rentre en Europe.
    Il me reste cependant un doute sur la véracité de cette biographie. Il faudra que je reprenne dans Vies politiques de Arendt les références du livre écrit par le frère de la baronne (est-ce bien cela ? il me semble que c'est son frère).

    Est-ce pour cela que le lendemain, c'est le DVD que papa m'a donné il y a déjà trois ou quatre ans que j'ai regardé, en remplissant je ne sais quels documents administratifs ? Mon père a copié les films super8 familiaux, les films de l'enfance, c'est très flou, cela ne montre à peu près rien à quelqu'un qui ne connaît ni les lieux ni les personnes. Mon père a surtout fait d'excellents choix de fonds sonores, Sydney Bechet s'adaptant si bien aux images que les images semblent suivre la musique par instants.
    Je ne savais pas que certains moments, bien plus récents (1981) avaient été filmés.
    Pour les plus anciens, 1971 ou 72, les films viennent confirmer l'exactitude confondante de ma mémoire.
    Il ne reste rien, ni la maison d'Inezgane (occupée par des militaires), ni la ferme de ma grand-mère (vendue à un maréchal-ferrant), ni ma coéquipière de galère…

    Dans le rétroviseur

    Si le XXIe siècle commence en 2001, quand commence une décade? 2010 ou 2011?

    Hier soir encore, voulant parler de 2005, j'ai dit 1995… (J'avais bu, j'ai visualisé un cinq, j'ai dit 1995. Je ne passerai jamais vraiment l'an 2000.)

    1990: ne rien vouloir écouter et n'en faire qu'à sa tête.

    En 2000, regardant la décennie écoulée: impression d'avoir joué une bonne farce, d'avoir déjoué les malédictions et d'avoir gagné contre les oiseaux de mauvais augure. Je sais maintenant qu'en 2000 j'étais plus ou moins à bout de forces.

    En 2010 même jeu: aucun souvenir, rien vu passer. Desserré les contraintes en les refusant. Internet. RC (juin 2002). Les blogs (Matoo, janvier 2004). Constitution d'une bibliothèque camusienne. Quelques problèmes de santé graves dans mon entourage. Mort des grands-parents.

    Beaucoup de mal à imaginer les dix ans à venir, qui me paraissent beaucoup plus imprévisibles que les vingt ans précédents. Tenir. Tenir tout ce qu'on peut, le temps qu'il faut.

    Bilan bizarre

    Année objectivement réussie (changement de métier (pour faire quinze ou vingt ans plus tard celui que j'ai appris à l'école (no comment)), première intervention en colloque littéraire, reprise de l'aviron (ça me fait vraiment plaisir), réunion mensuelle des "cruchons" qui dure et perdure (et c'est un beau cadeau)), subjectivement décevante et émotionnellement fatigante.


    L'une de mes photos préférées de cette année: elle s'attache à des amis chers, à un moment précieux, et dans le même temps j'y trouve quelque chose d'absurde, de démesuré: il y a quinze ans, dix ans, cela n'aurait pas été possible, aujourd'hui c'est tout simple, à portée de tous, et j'en reste émerveillée.

    Lecture de L'Amour l'Automne dans un café parisien en novembre: Paris la nuit à travers les vitres, Auckland le jour dans l'écran.


    Pas de nouvelles, bonnes nouvelles

    Rentrée.
    Pas grand-chose à dire, ce qui dans le contexte fragile de Noël est une bonne nouvelle.
    Plus de sommeil en retard.

    L'écart

    Deux jours pour regarder la saison 1 de Happy days. Premiers épisodes maladroits tournant autour d'un seul thème, le timide Richie embrassera-t-il telle ou telle fille, toujours la plus jolie, parfois la plus gentille? La pédagogie à l'œuvre est assez simple: laisser les adolescents faire leurs propres expériences, afin qu'ils en tirent les conséquences. Puis les épisodes se font plus "sociaux" (ie problèmes de société), racisme, bombe atomique, blousons noirs, beatnicks, etc, vision 70's des années 50 américaines.

    Il n'y a pas tant de différences entre cette série et Six Feet under: une famille "gentille", avec des principes, pas vraiment de méchants, pas vraiment d'adversaires autre que la vie elle-même (devenue la mort dans SFU) et ses vicissitudes: comment vivre, comment apprendre à vivre? En trente ans l'art de la narration a évolué avec la maîtrise technique et le recul de la pruderie, tant sexuelle que sociale, avec cette narration plus détendue mais plus fine et plus acérée dans SFU, Happy days ayant introduit jusque dans la manière de filmer la timidité et la maladresse de Richie.

    Devinette pour Noël

    Pourquoi le Père Noël est-il si joyeux ?



    Parce qu'il connaît l'adresse des filles pas sages.



    source

    Ramenés du coiffeur

    Une litote

    En légende sous une photo de Nicole Kidman, sa fille et son mari, et à côté d'une photo de l'actrice soulignant son ventre de sa main en coupe:

    Depuis la naissance de Sunday Rose, Nicole Kidman et Keith Urban mettent tout en œuvre pour agrandir la famille.

    Gala du 2 décembre 2009.


    Un scandale

    Il s'agit d'un long article s'interrogeant sur la popularité de Berlusconi auprès des Italiens (J'ai pris des notes. Tête du coiffeur) L'article commente le silence du Vatican sur les frasques berlusconiennes, les quelques évêques s'étant offusqués l'ayant fait à titre personnel:

    Officiellement, le Vatican n'a aucun problème avec l'Etat italien — car beaucoup trop d'intérêt s'en mêlent. Mais l'affaire Dino Boffo a révélé un certain malaise entre la communauté catholique et la société berlusconienne.
    En septembre dernier, le journal catholique Avvenire s'est permis d'émettre une critique sur la vie privée du président du Conseil. Le lendemain, le quotidien turinois Il Giornale, propriété de Paolo Berlusconi — frère de Sylvio — a sorti un vieux dossier d'affaires de mœurs concernant... Dino Boffo, directeur de la rédaction d' Avvenire. Ce dernier, humilié en public, a été contraint de démissionner.

    Paris-Match, le 10 décembre 2009

    Voilà qui me rappelle l'affaire Buloz...



    Et sinon, un peu de pub pour mon coiffeur, qui réussit à avoir un salon à l'ambiance provinciale à cent mètre de la Madeleine, qui vous offre le champagne, du pain-surprise et de la bûche de Noël... (accessoirement, il coupe aussi les cheveux).

    Deux silhouettes

    Matin, dans le RER A.

    A ma droite, un jeune homme dort dans le coin, entre la fenêtre et la paroi. Visage poupin, très pâle, manteau bleu en laine, riche et lourd, chaussures noires pointus et cirées. Tant de jeunesse et une telle garde-robe, je songe à un jeune consultant. Il a posé ses pieds sur le rebord près du mur, sous la fenêtre, remontant les genoux vers sa poitrine. Instinctivement il a replié ses mains vers le creux de son ventre et tendu son dos en arc.
    Il me semble voir le fœtus qu'il a été, entre abandon et abandon.

    A ma gauche, dans le couloir, une belle femme d'une cinquantaine d'années, yeux très bleus, grande, blonde, fines rides, air d'ennui, porte un manteau en peau retournée coupé très large. Comme elle se tient à la barre centrale le bras assez haut, le manteau se déploie, et je songe à l'Afghanistan et Annemarie Schwartzenbach.

    Transports

    La veille au soir (le lundi, donc), vous avez choisi votre train, 9h21 pour Blois.

    Dans la soirée, vous êtes alertée par un commentaire d'une amie FB qui semble avoir beaucoup de mal à rejoindre Orléans. Vous vous souvenez alors de cet article que vous avez lu par-dessus l'épaule de votre voisin, de ce RER déraillé dimanche et des gens rentrés chez eux à minuit...

    Le matin, donc, vous décidez de vérifier si le train circule. Informations contradictoires entre deux pages de la SNCF, le site infolignes qui proclame qu'aucun train ne part de la gare d'Austerlitz, et le zoom sur la région ouest (qui ne s'ouvre que dans Firefox et pas dans Safari) qui annonce que les trains circulent normalement, avec un bandeau rouge nous assurant que les informations cette page prennent en compte les informations données par ailleurs (autrement dit, qu'elles sont les plus fiables).

    8h20, Rer D; 8h40 gare de Lyon; vous traversez à pied (très pratique), gare d'Auterlitz à 9h00 pour un départ à 9h21: le temps d'acheter tranquillement un billet et d'installer confortablement votre fille dans un wagon.
    Sauf qu'il n'y a pas de train. Deux personnes devant vous sont en train de se renseigner, les employés de la SNCF sont très aimables (vraiment), prendre le bus 24, aller à la gare de Bercy, il y aura des bus, des navettes pour Les Aubrais, puis un train pour Blois à partir des Aubrais...

    Et donc bus 24, ça sent le fromage, gare de Bercy, inhospitalière, sans café ni brasserie ni relais H. La navette s'avère être un train et non un car, et elle vient juste de partir (à 9h25). La suivante est à 10h. Vous abandonnez votre fille dans la gare pour aller travailler, pas trop inquiète, l'aventure c'est l'aventure, comment aller à Blois en passant par Strasbourg, ça lui fera un souvenir... (Elle arrivera finalement à 13 heures).

    Vous retournez à pied gare de Lyon. Tous les escalators sont immobiles, vous croisez des familles ou des femmes seules accompagnées de bouts de chou, chacun sa valise ou son sac à roulettes, comment vont-ils monter les escaliers, vous ne pouvez pas aider tout le monde. Vous prenez le RER A (en grève) jusqu'à la Défense, puis choisissez de prendre le métro de la ligne 1 sur une station pour aller plus vite qu'à pied.
    Les quais du métro sont désormais vitrés pour éviter les suicides. Il y a donc deux jeux de portes, celui de la rame et celui du quai.
    Le signal sonore retentit, les portes se ferment... se rouvrent... se ferment... se rouvrent... se ferment... se rouvrent... se ferment.
    Une station plus loin, elles ne s'ouvrent plus, vous ne pouvez plus descendre de la rame.

    C'est à ce moment-là que je me suis mise à rire de bon cœur.

    Plaisir du nom

    Finalement, ce que je préfère dans Là-haut, c'est la légère bizarrerie qu'ontroduit l'obstination du petit garçon à dire «Monsieur Fre-de-rik-sen», et la façon dont cela ralentit l'action même dans les moment les plus trépidants.

    Nostalgique par anticipation

    Cette après-midi m'est venu l'idée que l'année prochaine nous ne serons peut-être pas cinq à Noël.

    Combien de temps met le fût du canon pour refoidir ?



    J'espère que vous arrivez à lire: "Davantage de trains à tout moment de la journée".

    Train immobilisé en gare de banlieue.

    Cinq minute se passent. Le conducteur annonce :
    — Nous sommes arrêtés en gare.

    Dix minutes encore, ou plus. Il fait nuit, le wagon est silencieux. Dehors la neige ne tombe plus. Je lis (assise!). Le conducteur reprend avec énergie :
    — Le train va repartir dans... euh... incessamment sous peu.

    Noël bleu

    Le pub Renault (enfin... L'atelier Renault) a choisi une décoration bleue pour Noël, en harmonie avec ma chère R8.





    En terminale il y avait quatre redoublants. Laurent avait deux ans de retard (il avait eu un grave accident de moto dont le récit me fit donner du sang pendant des années), j'avais un an d'avance, il avait coutume de me dire qu'il aurait pu être mon père.
    Notre amitié commença par une monumentale gaffe: un jour qu'en sortant de cours de physique il annonça qu'il était pressé car il devait aller se faire couper les cheveux, je répondis (jouant à celle qui connaissait la vie) que tant que sa mère ne trouvait pas ses cheveux trop longs, ça pouvait bien attendre.
    — Ma mère est morte, me répondit-il très vite en me regardant à peine. Et il partit.
    Je restai pétrifiée.

    Au dernier rang, en cours d'histoire, il était à côté de moi et glissait des poils de barbe entre les pages de mon cahier en me disant que cela ressemblait à des poils de cul (Ils doivent y être encore si ma mère n'a pas jeté mon cahier). Il trouvait le prof trop gaulliste, lui dont le père était l'archétype de l'instituteur socialiste.

    C'est lui qui m'a prêté le Coran et un certain nombre de livres sur les religions orientales. Ils appartenaient à sa mère.

    J'avais pris l'habitude, dans l'état de dépression vague où je me trainais, d'aller marcher le long de la Loire le mercredi matin, entre huit et neuf heures (au lieu de travailler comme le pensaient mes parents). Il avait pris l'habitude de me récupérer sur le chemin du retour, m'effrayant la première fois qu'il s'arrêta pour me proposer de monter tant je pensais être tranquille et loin du monde (moment de stupeur avant de le reconnaître, sortie brutale du rêve).
    Il possédait une R8 bleue, pas Gordini, au volant et au levier de vitesse en bois.
    J'espérais secrètement récupérer cette voiture.
    Mais quelques années plus tard, quand le croisant je m'enquis de sa voiture, j'appris que j'arrivais trop tard: elle était partie à la casse.

    Ras-le-bol

    — J'm'en fous, puisque c'est comme ça, je vais lire un Agatha Christie.
    — Ah oui, ta vengeance sera terrible !

    Ralentissement

    Indexation — et test — en cours (voir colonne de droite). Blog en stand-by. Pas grand chose à raconter de toute façon.
    Les gens commencent à s'écharper pour une place en RER. Enervement, exaspération, froid. Et puis certains, adorables et déplacés, continuent à s'excuser s'ils vous bousculent, alors qu'il n'est même plus possible de vaciller tant nous sommes serrés...

    Une vie d'abondance sur une seule fesse

    Master class avec Zander.
    Si vous n'avez que quelques minutes, regardez les différentes façons de jouer du piano (au bout d'un an, deux ans, cinq ans,...) à 18 minutes de la fin: «La musique doit te pousser hors de ta chaise. Il faut jouer sur une seule fesse.»





    Vers les deux minutes de la fin : WFP : Wealth, Fame, Power = richesse, célébrité, pouvoir.
    Opposé à abondance.


    Réveille-toi, c'est de la culture !

    J'ai trouvé une vidéo sous-titrée en français dont le contenu est pratiquement identique (piano et Chopin contre violoncelle et Bach), le jeune homme en moins. (Ce qui est fascinant dans la première, c'est la façon dont le jeune homme paraît comprendre quelque chose.)

    Je n'aurais jamais dû

    Machine à café, toujours. D'où la conversation est-elle partie? De Liliane Bettancourt et du milliard d'euros... Cash ou œuvres d'art? Garder les tableaux ou les revendre? Et cela dériva un peu, jusqu'à ce que je pense aux récentes ventes des robes d'Audrey Hepburn ou du manuscrit de Laura.

    Hélas, je commençai à parler de cette seconde:
    — Dans un autre genre, vous avez vu que... ma voix s'éteint, je viens de réaliser que je m'apprête à parler de Nabokov à la machine à café... Euh non, ce n'est pas très intéressant... C'est nul de s'arrêter. C'est encore pire, condescendant, un peu. Mais parler de ce qu'on aime à qui ne l'aime pas, à quoi bon. Je me maudis. La jeune consultante en face de moi me regarde, interrogative, en attente. Et si...? Allons, on ne sait jamais, tentons.
    — Le manuscrit de Nabokov a été mis en vente, vous savez, son livre posthume qu'on vient de publier, Laura? Je m'entends dire ces mots, c'est n'importe quoi, quel pourcentage de chances de trouver au hasard des gens intéressés par Laura autour de la machine à café?
    A ma surprise, ma joie et mon soulagement, le visage de mon interlocutrice s'anime; miracle, non seulement elle connaît, mais cela paraît l'intéresser:
    — Ah Nabokov... Dire qu'on vend son manuscrit une fortune alors que Roman Polanski attend encore en prison!
    Ma mâchoire pend. Court-circuit encéphalique.
    — Euh... Tellement surprise que je ne réponds pas comme j'aurais pu répondre, et heureusement. Tellement surprise de tant de confusion dans les concepts et les faits que je réponds très doucement, très lentement:
    — Mais enfin, ça n'a rien à voir! Nabokov, c'est un livre! Supposant bien sûr qu'elle parle de Lolita. Dans le même temps je songe au livre de Tlön.
    — Oui, enfin bon, si, il a fait des choses, il suffit de lire sa biographie.
    Tant d'assurance... Jamais entendu parler de ça, mais plutôt de l'inverse, Nabokov affirmant la fiction, reconnaissant cependant avoir pris sur ses genoux des amies de sa fille pour mieux décrire les impressions de Humbert... (Où ai-je lu ça? Dans The annotated Lolita? Je ne sais plus.) Je me trompe? Ou se pourrait-il qu'elle confonde avec les nouvelles de Nabokov, dans lesquelles il parle souvent d'amours enfantines? Elle aurait lu les nouvelles de Nabokov (ce qui suppose un vrai intérêt) et me sortirait de telles énormités (ce qui suppose une ignorance certaine)? Restons à quelques données factuelles:
    — Oui enfin, lui il est mort, et personne n'a jamais porté plainte, que je sache.
    — Oui...

    Nous passons à autre chose.



    Complément
    Pas réussi à le vendre! Yesss! Bien fait pour Dmitri (je dois avouer que cette vente me choquait: non seulement le livre est publié contre la volonté de son père, mais le manuscrit est vendu tandis que l'encre des premiers exemplaires n'est pas sèche...)

    Les Sims (version décousue)

    Conversation (si on peut dire) de dîner: on m'a fait entrevoir les Sims. (Et toujours, sous ces artefacts, je cherche à saisir ce monde, que je ne comprends pas, qui ne m'intéresse pas et me fascine: que peut-on appréhender du présent et du futur à partir de ce qui est donné dans les jeux?)

    — Moi la fille était un peu plate alors j'ai installé un plug-in pour lui faire gonfler les seins.
    — ???!!
    — Mais non, c'est pas dans la version de base, c'est des geeks qu'ont développé ça!

    — Non, mais si tu le laves pas, le besoin hygiène i tombe à zéro et y devient tout vert, il moisit et il meurt. La mort vient avec sa grande faux et spflatch!

    — Tu peux faire crac-crac ou tu peux faire des enfants (faire crac-crac, c'est avec préservatif, les enfants c'est sans).
    — Oui, et pour faire crac-crac, il ne faut pas dormir!
    — Oui, les deux sont sur le lit, et il faut inscrire "détente" sur chacun, et alors tu as le choix "crac-crac" qui apparaît.
    — Et si les deux sont sur le canapé et qu'il y a "détente" sur les deux, il peuvent s'embrasser.

    — La mort peut devenir ton amie. Moi je l'ai draguée, et j'ai baisé avec la mort.

    — Tu as des objectifs de vie, ce qu'on appelle des objectifs à long terme. Parmi les objectifs, il y a "briser le cœurs de dix sims". Moi j'adore, je suis "malveillant, charismatique et baiseur magnifique".
    — Baiseur? Embrasseur?
    — Oui.
    — Et pour briser les cœurs, tu convoques tous tes amis à la même heure, ils se disputent et ils s'en vont. Lol.

    — Je voulais que mes enfants pirates un ordinateur. C'était des jumeaux de dix ans, normalement tu as des objectifs de vie quand tu deviens ado; ils ont piraté l'ordinateur et après l'un des deux avait "PDG" comme objectif de vie possible, et l'autre "voleur". J'ai pas compris...

    — Je n'ai pas beaucoup d'amis, mais je n'ai pas compris, je suis allée dans un cimetière, j'ai parlé avec des fantômes, et depuis j'ai pleins d'amis nouveaux...

    Une utilisation possible des blogueurs

    Ce matin, pour me donner une peu de courage, je pensais à la gorge de gvgvsse, au comprimé de Chondre et au gentil serveur de Matoo.

    Et voilà. Ce soir je suis toujours vivante. Ça marche.
    En fait j'ai un trac fou mais j'aime bien parler devant un auditoire. Ce qui me gêne, c'est de ne pas pouvoir marcher en parlant, ne pas pouvoir davantage bouger. Et puis je préférerais savoir de quoi je parle... Cette impression permanente de pipeau...
    Mais bon. Apparemment le sentiment d'imposture est un sentiment répandu.

    La mort du Père Noël

    En 1951, l'Eglise brûle le Père Noël à Dijon : non au culte païen. Un lecteur a retrouvé des traces de l'analyse de Claude Lévi-Strauss.

    Pour ma part, la débauche commerciale, les Pères Noël par dizaine dès début décembre (ce qui est à peu près inexplicables aux enfants), la compétition des grands-parents au pied du sapin afin d'être ceux qui offriront le cadeau à la fois préféré (compétition pour l'amour des petits-enfants) et le plus cher, le plus grand, le plus clinquant1 (compétition d'ordre social) m'ont écœurée depuis longtemps. Je crois que si la famille et l'école ne s'étaient pas chargés de me rappeler qu'il y avait un « secret » du Père Noël à cacher aux enfants, j'aurais totalement oublié de transmettre cette tradition, je n'y aurais même pas pensé : cadeaux mercantiles échangés le 24 ou le 25 décembre, voilà tout.

    Une légende pour être légende a besoin d'autre chose que de publicités télévisées et de statistiques de consommation de l'INSEE.





    1 ou tout au moins ne pas être celui qui offrira le cadeau le plus petit et le plus terne.

    D'un mot à l'autre

    En lisant Nabokov, je viens de réaliser que "tag" veut dire étiquette («peering at the price tags, as wishing to learn their museum names.» Spring in Fialta). Et je pense aux philactères des statues de Chartres. Peut-on dire qu'elles sont taguées?

    Et puis je me souviens que philactère a déjà été récupéré par la BD.

    Notes

    Depuis une semaine, divers tests sur ce blog qui sert d'environnement de recette à l'autre blog... Je n'ose plus trop écrire. Tant mieux, je n'ai pas grand chose à dire. A suivre.

    Hier, encore une soirée de folle compétition: on s'était moqué de moi la dernière fois en me disant qu'être dernière aurait eu plus de gueule, ce sera pire cette fois-ci: résultat encore plus médian.
    Très bon vin chaud par ailleurs.

    Vendredi : pas ramé, dormi. Le soir, cruchons.

    le sens du marketing

    Conversation de machine à café (ici, je redécouvre la vie en entreprise, oubliée dans mon poste précédent où la vie entière était phagocytée par le responsable du service: tout devait tourner autour de lui, de sa vie, de ses souvenirs, de son petit-fils. C'était intéressant deux ans, au bout de cinq ça lassait (si au moins il avait partagé son temps de parole... Comme disait une collègue, «il a son heure gratuite de psychanalyse quotidienne»). D'où mon goût pour les ascenseurs et les machines à café) :

    — Vous avez vu la pub Gillette? Vous savez, avec Thierry Henry...
    — Heu, non.
    — Il tenait un ballon à la main... Eh bien, ils l'ont enlevé !
    — Mais y sont cons! A leur place j'en profiterais! J'ui f'rais vendre, ch'ais pas, moi, des gants!

    Confiance

    L'évocation de Michel Bureau il y a quelques jours fait remonter des souvenirs.

    Il organisait parfois pendant les vacances d'été des voyages d'entraide en Afrique. Un tel projet avait été évoqué, j'avais besoin de détails matériels, pour estimer la possibilité d'y participer ou pas:

    — Ça se passe comment ?
    — Bien.

    De lui, je n'ai jamais obtenu d'autres renseignements.

    Souvenirs vétérinaires

    Je commence Les demeures de l'esprit, Grande-Bretagne, Irlande II et j'ai la surprises de tomber sur James Herriot : ça alors, je ne savais pas que c'était un auteur célèbre.

    Toutes les créatures du bon dieu est un livre que j'avais découvert en farfouillant dans la bibliothèque de mon oncle vétérinaire, je ne sais pas trop quand, au début des années 80, sans doute. Plus tard, j'avais eu le plaisir de le découvrir aux éditions L'école des loisirs; c'est le livre, avec Embrasser une fille qui fume, que j'ai offert à une amie pour faire vingt-deux heures d'avion. (Elle ne le sait pas, mais elle possède ainsi deux livres rares, épuisés tous les deux).

    C'était un livre joyeux, plein d'optimisme et d'anecdotes incroyables sur le métier de vétérinaire.
    Mais je les croyais, parce que mon oncle était vétérinaire.

    C'est avec lui que j'ai appris ce qu'était l'urgence : il prenait son café, un coup de fil affolé l'interrompait pour réclamer sa présence auprès d'un vêlage qui se passait mal, il disait «J'arrive», se rasseyait, et finissait son café.
    Il soignait ses enfants avec les produits vétérinaires, il suffisait de connaître leur poids et d'appliquer la posologie destinée au porc.
    Il se contemplait calmement, diagnostiquait ses maladies: «Je savais que mes accès de fièvre signifiaient que le foyer était infectieux». (Cette phrase a été prononcée alors qu'il racontait une opération qui avait failli lui coûter la vie, après plusieurs mois en réanimation suite à un coup de pied de cheval qui lui avait éclaté le foie.)

    Un jour il perdit son alliance dans une vache. Le plus étonnant, c'est qu'à la visite suivante, il enfonça sa main pour palper le veau et réenfila son alliance.
    Depuis il la porte à une chaîne autour du cou.


    PS: Par hasard, j'ai trouvé un vêlage. Ça ne se passe pas toujours aussi bien (voix pleine de regrets de mon oncle: ce jour-là il avait emmené un de ses jeunes fils avec lui), mais je vais vous épargner ça.
    C'est à ces contacts vétérinaires que je dois ma façon de considérer la santé en général et tout ce qui touche à la maternité en particulier (les vaches et les chattes font ça très bien, on doit pouvoir s'en sortir sans tout ce foin et tout ce marketing (d'un autre côté, l'accouchement sans douleur, quand vous voyez la tête de la vache ou de la chatte... On ne nous prendrait pas pour des andouilles par hasard?))

    Ascenseur de la Défense, encore

    Je suis dans un angle de l'ascenseur, dans la tour de l'entreprise. Un homme et une femme entrent, lui grand, les cheveux déjà gris bien que jeune, le visage rouge des gens pâles souffrant du froid, elle petite et vive, les dents irrégulières. Il poursuivent leur conversation en se plaçant chacun contre une paroi, me transformant en sommet involontaire d'un triangle.

    Elle : — Je me demande bien comment il a appris ça...
    Lui, avec une certaine violence : — Oui, qui est-ce qui lui a raconté ces conneries...?
    Puis, après un temps de réflexion : — Moi, je l'ai appris en fouillant dans un placard.

    Mais de quoi parlent-ils? D'un changement d'organigramme, d'une réorganisation, d'une suppression de poste? Du prochain déménagement dont les dates restent floues? A quel étage sont-ils entrés, que se passe-t-il dans ce service?
    Ils échangent un sourire de connivence, je suis gênée de paraître indiscrète, entre eux renfoncée dans mon angle, je balbutie alors qu'ils croisent mon regard:
    — Je ne sais pas de quoi vous parlez, donc ne vous inquiétez pas...
    L'homme me regarde droit dans les yeux, sourit, et dit:
    — De la découverte du Père Noël.

    Parents indignes

    Dimanche soir. Plus rien à manger, frigo vide (évidemment, puisqu'au lieu de faire les courses hier après-midi nous avons réhabillé ce blog).

    Parfois je me demande quelles séquelles va laisser sur les enfants le fait de vivre dans une maison pas rangée, sans ménage, le fait de se faire eux-mêmes des pâtes toutes les fois où nous préférons faire autre chose que la cuisine, de nous servir de banque (ie on leur taxe leur tirelire) chaque fois que nous avons un besoin urgent d'argent liquide (car nous avons été trop étourdis pour prévoir nos retraits d'argent...), dans une maison où seuls comptent les livres, les ordinateurs, le ping-pong...

    Bon après tout, on n'en est pas encore (quoique, finalement,...ça ne leur déplairait peut-être pas d'en être là.)

    Back to basic, je vais aller faire une Floraline.

    Nouvel habillage

    Cela fait un petit moment que je me sens gênée d'écrire des billets tristes sous des couleurs roses. Et puis j'avais repéré ce site et j'avais envie d'utiliser ces images. Donc voilà.

    L'ancien est disponible dans la marge à droite.

    Mon premier sapin cette année

    Je n'avais pas réalisé que nous étions si proches de Noël. Ce week-end, j'ai découvert que les pâtisseries vendaient déjà des marrons glacés.

    Sapin lumineux à la Défense devant les portes d'une entreprise, premier sapin de l'année, accompagné de chants sirupeux :

    /img>

    Quelques lieux

    Pas d'andouille à Guéméné le lundi.

    Belle église de Kernascléden. Admirable vue de la place, peu haute et ouvragée. A l'intérieur, des fresques, dont un chaudron contenant les damnés et l'une des six danses macabres connues en France.

    Redon. Eglise Saint Sauveur. Etonnante. Nef aveugle, plafond coffré à bois, partie romane, pas de lumière. Belles sculptures des chapiteaux, tour en trompe-l'œil, je veux dire destinée à contenir aucune cloche. Une affiche à l'entrée explique que Redon fut le berceau de la Bretagne...
    Pas de carte postale, rien.

    Restaurant chaudement recommandé: Le Saint-Martin à Sablé-sur-Sarthe, à deux pas de la place principale. Visiblement le chef s'y connaît en vin, la cave est impressionnante.

    Michel Bureau, s.j.

    Il y a quelques années, Michel accompagnait un groupe d'étudiants à Castel Gandolfo. Ils furent présentés au pape.
    Jean-Paul II passe, revient sur ses pas et s'étonne: «Un jésuite avec une moustache?»
    Puis il s'éloigne.

    (Il faut dire que la moustache de Michel était formidable.)

    Souvenir marquant

    Un ami :
    — Si si, je me rappelle bien de notre première rencontre, c'est avec toi que j'ai découvert le mot «intendance».

    (C'est ainsi que j'appelle l'ensemble des corvées qui concernent la survie quotidienne. Cette première rencontre remonte à 1995, à peu près.)

    La devinette du week-end

    Dédiée à Tlön et Marie:

    Quel est le pluriel d'un p'tit beurre ?

    Grosse fatigue

    La même vous déclare qu'elle apprend à ses filles à donner un grand coup pied dans les couilles à un type louche qui s'approcherait («Tu comprends, nous sommes une famille confiante, alors il faut que je leur apprenne à se méfier») et qu'elle est farouchement contre la peine de mort, qu'elle préfère tuer elle-même le meurtrier de ses filles («et qu'on me juge ensuite»).
    — Si je comprends bien, tu es pour les milices et contre l'Etat de droit ?...
    — Mais non, pas tout... (etc. Ton très offensé).

    Il paraît que j'ai été trop virulente, qu'il faut savoir laisser tomber...
    Eh oh, j'ai rien fait, et ce n'est pas moi qui ai commencé.

    Mais comment font-elles ?

    Je suis étonnée de voir des collègues toutes pimpantes s'exclamer avec satisfaction, à neuf heures ou quatorze heures à la machine à café : «Je viens de la gym» ou «Ah, je reviens du sport, ça fait du bien» (Pause. Attente des applaudissements. Elles n'obtiennent qu'un sourire poli tendance incrédule).

    Quand je «reviens du sport», je ne suis pas pimpante. J'ai le visage couvert de plaques rouges, je suis une loque qui a du mal à marcher, à pousser une porte, dont les mécanismes de transpiration sont encore actifs malgré la douche, qui n'a plus la force de couper son steack hâché et qui parle lentement, en se concentrant.

    A quelque chose le malheur est bon

    Une fois n'est pas coutume, je suis plutôt contente des Français, ou plutôt deux ou trois fois. Mon poste d'observation est un peu particulier, puisque c'est internet (j'ai remplacé le rideau soulevé à la fenêtre dans les villages par les blogs et twitter), mais il me semble valable, car il enregistre la même impertinence que celle entendue le matin aux comptoirs des cafés tandis que cadres et postiers succèdent peu à peu aux ouvriers du BTP arrivés plus tôt.

    1/ Au moment de l'hypothétique nomination de Jean Sarkozy à la tête de l'Epad, puis surtout au moment de la fable de Nicolas Sarkozy à Berlin le 9 novembre 1989, la blogosphère et twitter ont éclaté de rire, ridiculisant "les puissants" dans une sorte de liesse populaire qui m'évoquait les pamphlets et les refrains circulant à d'autres époques dans Paris.

    2/ La lamentable victoire des Bleus contre l'Irlande plongent les vrais supporters dans la consternation, et cela me rassure. Là encore, cette consternation se traduit par le rire et les jeux de mots (de mains, de vilains).

    Deux paires de mitaines

    Il y a vingt ans, je tricotais une paire de mitaines bleu turquoise pour mon amie Jacqueline. Je peux dater ce moment parce que je me revoie dans la chambre d'hôtel à Strasbourg où j'ai passé trois mois en formation, envoyée là par mon entreprise (les vingt ans de la chute du mur du Berlin, mes vingt ans de salariat... mais mon point de repère (pour le salariat) est plutôt la proclamation de la république hongroise en octobre 1989... Tien Anmen avait été réprimé en juin, je n'en reviens pas de ces journalistes/analystes politiques qui viennent nous expliquer que la chute du mur était prévisible... nous songions à Tien Anmen. Je regardais la télé dans des chambres d'hôtel, en octobre ce n'était pas encore Strasbourg mais Périgueux...)

    Il y a cinq ans, aujourd'hui ou le 16 ou le 17, je ne sais plus, j'apprenais la mort de Jacqueline.
    J'avais tricoté une autre paire de mitaines, rouge, pour F., quelques temps auparavant. F., dont je n'ai plus de nouvelles.

    Pierre Louÿs en tirerait la conclusion qu'il est dangereux de tricoter des mitaines pour ses amies.
    Heureusement, je n'en ai jamais plus tricoté.

    Quatre ?

    Dans l'ascenseur :

    — T'as pas vu l'écho ? Ah, ce n'est plus du tout pareil, maintenant le bébé, on ne le voit plus en 3D, mais en 4.

    Plus rien ne va de soi

    Je découvre mi-agacée mi-amusée "l'exigence de conformité" dans les secteurs de la banque et de l'assurance.

    Autrefois, on partait du principe que les individus se lavaient les mains, que les spectateurs écoutaient silencieusement les films au cinéma et que les entreprises respectaient la loi.
    Aujourd'hui le ministère de la santé vous apprend à vous laver les mains, les salles de cinéma tournent des clips pour vous apprendre des règles élémentaires de politesse et de nouvelles normes internationales (Solvabilité II et Bâle II) prévoient que les banquiers et les assureurs mettent en place des fonctions pour prouver qu'ils se préoccupent de respecter les lois.

    Ce que j'aime chez les sportifs, c'est leur tact

    L'entraîneur d'aviron, que je rencontre pour la première fois aujourd'hui, voudrait que je recrute pour son sport au sein de mon entreprise :

    — Non parce que tu comprends, surtout une femme! Une femme qui a la quarantaine, c'est bien mieux qu'un malabar de vingt ans, ça fait moins peur, on se dit si elle peut, je peux aussi !



    (Non mais lol, comme dirait Tlön junior. Pas étonnant qu'en ayant grandi en club, j'ai des côtés un peu rugueux.)

    Choix simple

    Entre le Modem et Spinoza, je choisis Spinoza.

    Plusieurs problèmes se posent alors, dont nous tâcherons de démêler les implications : qu'est-ce qui permet à Spinoza de qualifier une action de « bonne » ? Sur quels critères se fonder pour juger du bien et du mal ? Le spinozisme, en rapportant le bien à l'accroissement de la puissance d'agir, ne fait-il pas l'apologie du « chacun pour soi », du relativisme et de la concurrence sauvage entre les individus ?

    Julien Douçot, séance du 12 novembre 2009

    Férié

    De ces journées sans événement marquant autre que des événements familiaux, qui n'ont pas tout à fait leur place ici. (Parfois j'aimerais tenir un blog destiné à la famille, ces cartes postales que je n'envoie plus vraiment mais que j'ai tant envoyées, nouvelles courtes et distribuées entre tous (toutes: que des femmes, que des femmes (élevée dans la haine des hommes, dirait Mlle Julie)), en sachant bien que la rumeur aurait vite fait de redonner à chacune les morceaux du puzzle envoyés à d'autres. Se pourrait-il que mon goût de la mosaïque et du commentaire de blog vienne de là, de cette habitude d'écrire un peu à chacun en supposant que tous liront tous?)

    Je lis un livre d'un kilo six depuis le mois d'août. Je le promène, de métros en musées. J'ai une tendinite, je ne peux plus tendre le bras gauche. On m'a octroyé le droit de retourner au lit (plutôt que de réorganiser la cuisine) pour le finir une bonne fois, quatre-vingt pages, l'affaire d'une petite heure («Ça va, il y a du blanc», commente le plus jeune, étudiant la mise en page de ce livre interminable — lui qui ne lit que des mangas).
    Mais je ne l'ai pas terminé.
    Je me suis endormie.

    Mademoiselle Julie, de Strindberg, au théâtre du Nord-Ouest

    Je l'ai déjà écrit, le charme du théâtre du Nord-Ouest, ce sont ses salles toutes noires, l'absence de décor, la proximité des acteurs. Mademoiselle Julie se joue dans la petite salle, l'espace de la scène est donc bordé de sièges sur trois côtés.

    La pièce commence lentement, sur un constat: «Mademoiselle Julie est complètement folle!»
    Repas du domestique servi par sa promise, exposition de la situation, apparaît Mademoiselle Julie, scène de séduction (de drague) effrontée, malaise du domestique qui souhaite protéger sa maîtresse de la déchéance, sociale et humaine, qu'il sait fatale, sans pour autant désobéir aux ordres qui se font humiliants et impudiques...
    Puis la chair reprend ses droits et tout bascule.

    Pièce à voir absolument, magnifiquement jouée par Audrey Sourdive, Jean Tom et Nathalie Lucas.
    On en sort passablement secoué par la violence du texte et de la situation: pas d'issue, pas d'issue, pour celui ou celle qui ne saura pas tenir sa place, que ce soit une place attribuée par la nature ou par la société.

    Pour une critique plus élaborée, voir ce blog consacré au théâtre.

    Librairie Galignani

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    Gide, Louÿs, Valéry : Correspondances à trois voix

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    Gide, Louÿs, Valéry : Correspondances à trois voix
    Renaud Camus, Demeures de l'esprit, Grande-Bretagne II & Irlande
    Roland Brasseur Je me souviens encore mieux de je me souviens
    Edmondo de Amicis, La tentation de la bicyclette
    Jules Renard, Leçons d'écriture et de lecture
    Lucien Suel, La patience de Mauricette

    F.

    Elle a 43 ans aujourd'hui. Ma seule amie d'hypokhâgne, celle que les professeurs ne m'ont pas pardonnée, d'ailleurs. («Mais pourquoi avez-vous changé de place?» Qui m'avait posé cette question et pourquoi, quand j'avais changé de place pour m'installer à côté d'elle? Je ne sais plus.)

    Celle qui était si timide qu'elle riait nerveusement quand la prof d'anglais l'interrogeait — et celle-ci a cru jusqu'au bout que F. se moquait d'elle. (F. était très douée en anglais.)

    Celle avec qui j'ai mangé beaucoup de croque-monsieurs.

    Celle qui avait lu tout Duras, tout Woolf et tout James — dommage que je n'ai pas suivi son exemple à l'époque, j'aurais pris un peu d'avance — mais les Duras que je lisais lui appartenaient. J'ai encore dans ma bibliothèque son Vie et Destin et le Arendt sur le totalitarisme. Elle m'avait prêté Temps et Récit I dont j'avais entièrement gommé les soulignages à main levée pour les remplacer par des traits à la règle.

    Celle dont nous avons corrigé en urgence sur atari (logiciel: "Le Rédacteur") le mémoire de DEA d'histoire (L'assassinat du président McKinley) (et déjà mes tics de relecteur).

    Celle à cause de qui j'habite où j'habite aujourd'hui, ses parents nous ayant prêté leur maison en 1992 pendant qu'eux-mêmes partaient en vacances, nous permettant d'échapper à notre appartement quelques semaines et de découvrir cet endroit de la région parisienne.

    Celle dont je possède un pendentif, une croix dans un cœur, donné par sa mère à la naissance de ma fille, parce qu'elle ne croyait plus que F. aurait des enfants (puisque ce pendentif était destiné à une fille de F.)

    Celle à qui j'ai raccroché violemment au nez un jour de 1995, en décembre sans doute, exaspérée que célibataire sans enfant, elle ne soit jamais disponible pour nous voir et ne fasse preuve d'aucune souplesse dans son emploi du temps.

    Celle que j'ai revue dans un café en 2000, après l'avoir rappelée parce qu'elle me manquait, qui m'a avouée qu'elle était lesbienne et qu'elle n'avait pas osé nous le dire, qu'elle avait coupé les ponts avec toutes ses anciennes connaissances.

    Celle qui ne m'a plus jamais répondu, que je n'ai pas revue depuis, dont le prénom/nom existe à une dizaine d'exemplaires sur FB — j'ai écrit à toutes, en vain.

    Evidemment je pourrais aller sonner chez sa mère, qui d'après l'annuaire est sans doute veuve.

    Mais cela n'a guère de sens d'insister.

    A venir : Le procès de Charlotte Corday

    Benoît récidive et nous propose un nouveau spectacle, le temps d'une soirée:



    «C'est à une lecture que nous vous proposons d'assister, autour d'un verre, afin de découvrir le texte mettant en scène Charlotte Corday et son accusateur public, Fouquier-Tinville, au palais de justice. En assassinant Marat dans sa baignoire le 13 juillet 1793, Charlotte Corday signe l'entrée de la révolution dans « La Terreur ». Deux caractères s'affrontent alors : l'un légitimant son acte d'un point de vue politique, l'autre le jugeant inflexiblement. Cette guerre des nerfs alimentera le fanatisme révolutionnaire de part et d'autre.»

    Si vous y allez, envoyez par précaution un mail à info@chateau-de-villiers.com .

    Résumé

    - jeudi
    Oulipo. J. tombe devant la BNF et se casse un doigt. ''Annette'', pièce de Jacques Jouet.
    Dominique annote et corrige quelques points de ce blog (depuis le 25 mai. Au besoin il laissera des commentaires anonymes pour que je corrige ou complète mes billets). Il m'apprend que ''Laura'' de Nabokov est sorti (est trouvable sur le net) en livre (et donc pas en cartes à organiser soi-même: dommage).
    Toujours le même bonheur de la pizzeria post-BNF.
    J'apprends qu'une contrepétrie ne doit pas être trop compliquée pour être "pure".
    Contrepétrie impure, donc (et classique) donnée par Elisabeth: "L'aspirant habite Javel" 1.

    - vendredi
    Ma fille se fait voler son sac au collège, avec les clés et l'adresse de la maison. C'est le x-ième incident la concernant. Je commence à être réellement inquiète, elle est visée, je crois qu'il va falloir la changer d'établissement avant que le pire n'arrive (il n'arriverait peut-être pas, mais qui prendrait ce risque?)
    Je retrouve mes complices au café pour une nouvelle séance de lecture des Eglogues. Le soleil levant d'Auckland dans l'écran du portable connecté en wifi. C'est beau la technologie, mais je suis encore plus émue d'avoir une amie qui vit toujours demain.
    Le soleil de demain brille déjà, et au printemps.

    - samedi
    DT polio. Fièvre pour le week-end. Qu'ai-je fait le reste de la journée?
    Ah si, on songe à moi pour l'équipe d'aumônerie... Voilà aut' chose... je m'étais dérobée il y a six ans, cette fois-ci je suis bel et bien reprérée. Je me lancerais bien dans une licence de théologie.


    1 - On notera au passage l'ode à la main gauche de J.

    Un blog, quelle ouverture d'esprit !

    Ça m'a bien plu :


    2009-1105-blogueurs1.jpg



    Par ailleurs, vous pouvez voter ici pour le meilleur site de dessins on the web (ce qui est aussi un moyen d'en découvrir un certain nombre que je ne connaissais pas).

    Souvenirs de Lévi-Strauss

    Août 1985 - Je composte des chèques dans une agence du Crédit Lyonnais. A midi, je lis Race et Histoire et Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes en dépensant mon ticket restaurant dans un café tranquille qui diffuse Rue barbare de Bernard Lavilliers. Thé et croque-monsieur.
    Ces deux livres sont au programme de culture générale d'un concours que je dois passer en septembre.

    Décembre 1988 - Covoiturage entre Paris et Lyon pour assister au mariage de mon meilleur ami, ce qui n'était pas encore un cliché. Discussion dans la voiture avec un ami de P., ami légèrement dédaigneux, légèrement supérieur :
    — Tu as lu Race et Histoire ?
    — Oui.
    — Tu te souviens de sa conclusion ?
    Comme il me prend de haut et que je fais un complexe d'infériorité, je panique un peu:
    — Euh... Que l'évolution dépend de nos différences, de la différences entre les groupes et de leur façon d'interagir et de s'enrichir mutuellement ?
    — Il dit surtout que certaines races sont plus cumulatives que d'autres, savent mieux acquérir, conserver et accumuler du savoir et de la technologie.

    Il avait l'air très sûr de lui. Quatre ans après ma lecture je n'étais pas si sûre de moi. Mais il ne me semblait pas avoir lu ça, non, il ne me semblait pas avoir vu une telle interprétation, visant peu ou prou à organiser une hiérarchie des races (si tant est est que ce mot ait un sens: des cultures, des couleurs, des ethnies).
    Je me souvenais surtout de la crainte de l'homogénéisation et de l'homogénéité: si tout devenait pareil, homogène, il n'y aurait plus de progrès possible.
    Quand le mot "mondialisation" est devenu à la mode, employé à tort à travers, c'est à Lévi-Strauss que j'ai pensé.

    Après quelques années sur internet, je ne suis plus inquiète: tout tend à prouver que des groupes se reconstituent toujours. Les critères ont changé, il ne s'agit plus de nationalité ou d'ethnie, mais de langues, d'affinités, de goûts ou de sujets d'intérêt communs ne tenant aucun compte des frontières. Il existe toujours des groupes, des différences, des échanges, et ces différences ne constituent pas forcément des hiérarchies. Une chose est sûre: ce n'est pas homogène.

    Couleurs

    Cette vieille dame en béret bleu, imperméable rouge et valise anis lisait un livre rose : Réflexions sur l'esclavage des nègres, de Condorcet.

    (Etrangement, je ne trouve pas trace de cette édition sur internet).

    Chic

    J'espère ne pas me réjouir trop vite, mais selon toute probabilité, je vais sans doute pouvoir faire de l'aviron sur la Seine entre midi et deux.

    Ah l'odeur humide des vestiaires et les ampoules aux mains qui empêchent de tenir le stylo...
    Et comme je lis beaucoup trop de blogs de filles/ados en ce moment, je m'exclame: "je suis super contente!"

    Stage UCPA

    — Ouais, la dernière fois, j'étais vénèr, j'étais en équit', tous les beaux mecs y zétaient en tennis, alors cette fois-ci je me suis inscrite en tennis...
    — Mais moi y avait pus d'place en tennis alors je me suis mise en golf.

    L'heure où les carreaux passent de la transparence au reflet

    Phrase fétiche de Passage, phrase que j'aime beaucoup, évoquant l'arrivée de la nuit sans parler ni de la nuit ni du jour.

    Chaque jour j'assiste à l'inverse des fenêtres de mon bureau.

    Ville imaginaire, tremblante comme de l'eau, dans les carreaux le matin :






    Cases illuminées dans la nuit, comme autant de tiroirs:






    (Et toujours mes photos minables de téléphone. Désolée pour vous, je les aime ainsi.)

    rue Saint-Guillaume

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    Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz

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    Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz
    Jean-Yves Pranchère, L'autorité contre les Lumières
    Gershom Scholem, Leo Stauss, Cabale et philosophie

    Mystère

    Je quitte la maison le matin à 7 heures (période scolaire: sinon ça tend à déraper nettement).
    Je rentre au mieux à 19 heures (si j'arrive à partir du bureau. Non que je croule sous le boulot, mais je déteste tant les transports que je n'arrive jamais à partir).

    Mettons six heures de sommeil (on compensera le week-end — si on peut).

    Donc entre sept ou huit heures du soir et minuit, il faut faire tenir un repas, la vaisselle, souvent une machine à étendre, un peu de "family relationship" (tout de même), deux ou trois blogs à alimenter, les blogs des amis à lire, à commenter (pas souvent), FB, à lire, à alimenter, les mails à lire, répondre aux plus urgents/importants, écrire aux amis, twitteur à "vider" dans delicious...
    Ça ne tient pas.
    On voit tout de suite que mathématiquement ça ne tient pas.
    Et pourtant ça se poursuit, cahin-caha, comme ça peut... Il vaut mieux éviter de détailler, pour éviter de se faire peur.
    Toutes les méthodes de gestion du temps recommandent de décomposer ou lister les tâches. Si je fais ça, je suis morte. Je ne m'en sors que parce que les tâches s'interpénètrent, se fondent les unes dans les autres, je ne sais trop comment.
    C'est un peu comme nos finances, en somme: mathématiquement ça ne devrait pas "passer". Et pourtant, si.

    Pourvou que ça doure...

    Quai 234

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    Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz

    • retour

    Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz
    Jean-Paul Goujon, Dossier secret Pierre Louÿs-Marie de Régnier, éclaboussé de quelques gouttes de bière
    Jean Starobinski, Les mots sous les mots

    Les madeleines ont bien changé

    — Schrunch, mscrunch... J'aime bien le bruit que tu fais quand tu manges tes céréales, ça m'accompagne depuis que je suis tout petit.

    Les jeunes ont encore du vocabulaire

    A : — Mais t'es à poil !
    B : — Non, j'ai un slip.
    A : — Hum, il reste encore du poil.
    C : — T'as le persil qui dépasse du cabas ?

    Bois-le-Roi

    En retard.

    Je respire la forêt, les arbres et la terre, et je constate que tout cela m'est devenu étranger. Incapable de me partager. Soit entièrement la terre, les arbres, la forêt, soit la vitesse, la ville, internet.
    Seuls les livres peuvent appartenir aux deux mondes.

    La contrepétrie du week-end

    Patins à roulettes.

    Formule

    Troisième décès dans mon entreprise depuis septembre. (Maladies, pas suicides).
    Lundi, la comm interne a mis en ligne un message sur l'intranet. Il se termine ainsi :

    L'ensemble des collaborateurs de *** assurent son épouse et son fils de leurs plus amicales condoléances.

    Amicales?
    C'est possible, ça, des condoléances "amicales", dans le cadre professionnel, adressées à la famille d'un des dirigeants de la société?

    J'aurais volontiers écrit "navrées". (Est-ce possible?)
    Ce que je pense, c'est "impuissantes".

    Twitter, ça sert à ce qu'on en fait.

    Ah, que c'est reposant, quelqu'un qui explique ce que vous n'avez jamais pris la peine d'expliquer (c'est plus fort que moi: quand on commence par me dire «C'est nul!» ou «Faut vraiment avoir du temps à perdre» ou «C'est quoi ces gens qui se regardent le nombril» ou «J'ai autre chose à faire de ma vie»1, qu'il s'agisse de blogs ou de Facebook ou de Twitter ou de wiki, etc, l'envie d'expliquer quoi que ce soit disparaît totalement: il est hors de question que je justifie mes goûts et mes plaisirs à des personnes qui (me) jugent sans prendre de risques, sans avoir pris de risques. Juste envie de m'isoler et d'être tranquille avec ceux qui partagent sans juger.)

    Donc allez lire la liste (non limitative) de ce qu'on fait sur twitter. J'y ajouterais une dimension plus affective: on peut aussi y veiller sur ses amis et s'en servir comme d'un baromètre à moral.

    PS1: Ceci n'est pas un appel à vous servir de twitter. Chacun fait ce qu'il veut. Mais justement, chacun fait ce qu'il veut.
    PS2: Cependant, je remets un lien vers un mode d'emploi en français.

    Notes

    1 Nous sommes six ou sept milliards sur la planète: que faisons-nous d'autre que vivre?

    Arrrggghhh !!

    Relecture de rapport de stage : «Deborah et Marc sont venu(e)s... »

    — Mais enfin, non! Le masculin l'emporte! Tu as déjà vu des textes avec un "e" entre parenthèses?
    — Oui, sur les papiers administratifs.

    La montre de ma grand-mère

    La montre de ma grand-mère date des années 30. Elle se remonte tous les soirs, à l'ancienne. Je suis bien heureuse de l'avoir récupérée (si c'est le mot), ma grand-mère s'étant persuadée que je ne voudrais pas d'une montre mécanique.
    Elle n'a qu'une idée vague de mon amour des objets qui ont une histoire.

    Le problème de la montre de ma grand-mère, c'est qu'elle retarde. Elle retarde beaucoup. Le matin, je l'avance d'une demi-heure, elle est à l'heure vers une heure de l'après-midi. Elle a environ vingt minutes de retard en début de soirée.

    De cette façon, je n'ai jamais l'heure, ou à un quart d'heure près.
    Il est prévu que je la fasse réparer, mais ça m'inquiète un peu.

    Il n'y a pas que le tricot dans la vie, il y a aussi le sexe

    Il y a quelques jours, via le twitter de Bonpourtonpoil, je suis remontée à ce billet très instructif d'Aragne.

    Pour en avoir le cœur net, je me suis inscrite sur le site de ravelry et je peux donc vous proposer un blog en accès libre. (Ne ratez pas le dernier commentaire: "je suis en train d'en tricoter un pour ma mère, elle va adorer").

    Autre source, une photo.

    Pour ma part, j'ai décidé de la jouer soft et de vous proposer une grille (en chargement libre sur le site de ravelry) de rennes fornicateurs.


    La blague du week-end

    — Madame, vous êtes moche !
    — Monsieur, vous êtes soûl !
    — Oui, mais moi, demain, ce sera passé.

    Une table

    11h. Café noisette au comptoir.

    Une table de café carré, désertée.
    Un présentoir de jeu de hasard, deux verres de rosé, un stylo bic posé sur un ticket de jeu, une écharpe mauve poilue, un petit livre carré (7x7 cm, j'ai mesuré du regard) intitulé Un petit livre pour ma femme. De l'autre côté de la table, un paquet de Winston, un flacon tel qu'en donnent les laboratoires pour les examens d'urine. Il contient deux gélules encore dans leur emballage d'aluminium. Le rouge du bouchon du flacon est assorti au rouge du paquet de cigarettes.

    Plus tard, quand je me retournerai, ce sera l'homme qui sera assis du côté de l'écharpe et du livre.

    L'heure du choix

    Dans l'enfilade de la rue, au bout, on aperçoit le manège qui tourne sur la place.

    Je croise un homme très grand tout en bleu qui tient par la main un petit garçon tout en rouge.
    — Oh... On peut faire du manège ?
    — Ah non, c'est orangina ou manège, pas les deux.
    Silence.
    — Orangina !

    Prétérition

    Ce soir il n'y aura pas de billet.

    Le loir dans la théière

    C'est devenu un peu trop couru. La prochaine fois, plutôt de la Guiness chez les Ecossais.


    Sans compter qu'ils ne sont pas spécialement aimables : "portables interdits" ne signifie pas téléphones, mais ordinateurs interdits.
    Et puis trop de femmes blondes.

    Préjugé ou constat ?

    — Les premières filles furent admises à Sciences Po l'année du Congrès de Tours. Il y avait eu des résistances, l'un des directeurs soutenait qu'une fille, c'était cinq garçons qui ne travaillaient pas.
    — Il avait raison à double titre: si la fille est jolie, elle les déconcentre pour les raisons qu'on imagine, et si elle ne l'est pas, elle se lance dans l'agitation politique !

    Roxane

    Roxanne en musique d'ambiance quand je descends du RER à la gare de Lyon.

    J'ai connu une fille qui s'appelait Roxane, c'était au CE2, elle devait avoir huit ans. Plus tard quand j'ai découvert que ce que j'entendais "Rock scène" s'écrivait "Roxanne" j'ai pensé que son prénom devait provenir de là : mais je viens de vérifier, elle était née dix à onze ans avant la chanson (une légende s'écroule), il faut donc supposer des parents amoureux de Cyrano...

    Je n'aimais pas beaucoup cette fille, elle était grande à cheveux lisses, un peu bécasse, j'imaginais qu'elle aurait joué une version châtaine de Ficelle dans Fantômette tout à fait acceptable.
    Au CE2, et peut-être déjà au CE1, je remplissais un album d'images d'animaux sur le modèle des albums de joueurs de foot. Nous avions tous notre album, il contenait trois cent deux ou trois cent six images, nous passions nos récréations en négociations et trocs, nous fanstamions sur les cartes les plus rares, dont la dernière, une panthère noire.
    Tout mon argent de poche y passait — un dirham par semaine.
    Un jour, j'ai découpé et mis à la poubelle la dernière page qui permettait, en ultime recours, de commander à la maison-mère les images manquantes. Je ne voulais pas tricher. J'aurais toutes les images par achats et échanges — sans tricher.
    En découvrant que je m'étais fermée cette porte, ma mère m'a grondée.

    Je me souviens du jour où j'ai trouvé la dernière image qui me manquait — pas la plus rare, un guépard.
    Rituel, chacun arrive avec son paquet de cartes, le tend à l'autre, chacun regarde le paquet de l'autre, sélectionne les cartes qu'il voudrait récupérer... puis nous passons à l'échange, quelles cartes pour quelles cartes, et celles que nous refusons, arbitrairement, sans raison ou pour des raisons perverses, d'échanger.
    Poker-face en apercevant cette dernière carte qui me manquait, cœur battant, que personne ne remarque à quel point je la voulais, à quel point il me la fallait... Déjà je savais que montrer un trop grand désir était un moyen assez sûr de ne pas obtenir satisfaction (et quand je lis Proust, le narrateur désirant si fort être présenté à Mme Swann et le montrant, grave erreur, à M. de Norpois — c'est ce moment qui affleure aussitôt).

    Et voilà, elle était à moi, j'avais fini mon album — et la dernière carte, bien sûr, m'était venue de Roxane.

    Les mots de la famille

    Evêque, évêché, épiscopal.
    Chanoine, chapitre, canonial.

    C'est presque aussi fascinant que les noms d'animaux, ou les mots désignant les animaux :
    - cerf, biche, faon ;
    - lièvre, hase, levraut ;
    - sanglier, laie, marcassin ;
    - verrat, truie, porcelet ;
    - coq, poule, poussin ;
    - cheval, jument, poulain ;
    - bouc, chèvre, chevreau ;
    - bélier, brebis, agneau ;
    - etc.

    Fleurs de lin

    «Avant l'arrivée du chemin de fer, la Normandie n'était pas verte, elle était bleue.»

    Enfin du pipole

    Sur les murs du château de Cerisy, on voit une photo de Mme Heidegger accompagnant son mari.

    Mme Heidegger ressemble à Ruth Fisher (même allure, mêmes chaussures, même jupe, même chignon).


    Cucurbitacées

    Pourquoi des courges peintes sur le plafond de la bibliothèque du château de Cerisy?

    Des intervenants suédois ont émis l'hypothèse que la courge était le seul légume présent sur le fumier de Job, ce qui correspondrait bien à l'austérité protestante des bâtisseurs.

    le plus riche fonds documentaire constitué autour du Mont Saint-Michel

    «Le monde entier rêve du Mont Saint-Michel, nous, on l'a!» (commentaire enthousiaste du directeur des archives départementales de la Manche, un peu dépité du peu de cas que semble faire le Conseil général de la Manche de l'exposition organisée à Saint-Lô dans les locaux des archives départementales : «13 siècles d'histoire, 13 histoires du Mont Saint-Michel».

    Un peu de publicité donc: jusqu'au 31 décembre, l'exposition présente le Mont Saint-Michel sous différents aspects.
    Vu la passion que déploient les responsables de la-dite exposition, je ne peux qu'imaginer qu'elle est plus qu'intéressante.

    Qu'on la privatise!

    sur l'air de «Qu'on leur coupe la tête!»

    Ne m'envoyez pas de pétition pour la sauvegarde de la poste. Il est trop tard, bien trop tard, dans mon esprit.

    A quoi sert une poste qui ne vend plus de timbres (véridique, vécu au 4 temps de la Défense: «Je n'ai pas de timbre à 0,90 centimes, utilisez les automates» (Mais je ne veux pas de leur hideuse vignette bleue, moi, qu'est-ce que c'est que cette poste?)) et où poster le moindre CD ou livre de poche coûte plus de cinq euros, en colissimo, car il n'existe plus de tarif économique pour les paquets («Vous comprenez, c'est pour tracer les paquets.»: mais je me moque du traçage, moi, je veux juste que ça arrive, et ça n'arrivait pas si mal, avant le collissimo. J'ai reçu des livres du monde entier et ils arrivaient. Et s'il y a des vols, pourquoi devrais-je payer pour un suivi? Double peine.)

    Et j'ai trop râlé contre ces facteurs qui ne sonnaient pas à la porte mais mettaient directement l'avis de passage dans la boîte aux lettres — et quand on élève une protestation formelle (par écrit), on reçoit en réponse que cela ne dépend pas de la poste, qu'il s'agit d'une filiale (oui, il aurait fallu protester il y a des années, nous avons manqué de vigilance).

    Qu'on en finisse. Arrêtons l'agonie, abrégeons les souffrances. Mettons-la à mort, ça ira plus vite.

    Et installons des automates un peu partout, dans les gares et les bureaux de tabac, puisque nous ne pouvons plus avoir de timbres.



    Bonus : projet pour les P.T.T. en 1953

    Constat

    Le feu flambe. J'appuie mes pieds contre le pare-feu : «Tiens, je vais faire sécher mes chaussons.»
    Je me plonge dans mon livre.

    Quand je relève la tête, je constate qu'un mince filet de fumée s'échappe du chausson droit. Je le retire précipitemment de la grille, l'enlève, le retourne. Le tissu a l'odeur de brûlé moite qui sélève de certains repassages à fer trop chaud.
    — Mais la semelle brûle! Et en plus il n'a même pas séché!
    — Décidément, ta vie est un échec.

    Creux

    J'ai déjà comparé les blogs, ce blog-ci en tout cas, au trou dans la vase dans la légende du roi Midas: on écrit ici ce qui pèse trop lourd et dont on souhaiterait n'encombrer personne.
    Evidemment, cela devient de moins en moins vrai et de moins en moins possible au fur à mesure qu'on connaît ses lecteurs.

    On enterre sa peine dans le marécage mais les roseaux la colportent (ou encore, selon ce mot qui me fait beaucoup rire: «Ne t'inquiète pas, cela ne sortira pas d'internet»): on sait bien qu'on va en inquiéter un peu, au moins un ou deux au moins un peu. (Et on se prend à regretter d'avoir trop diffusé cette adresse).

    Alors on hésite: arrêter d'écrire le temps que «ça passe» (car selon mon expression, «ça passe toujours»), ou écrire factice, sur des thèmes n'engageant à rien? (ce qui est de toute façon le plus souvent possible la voie choisie ici.)



    Et je pense à Matoo: «Qu'est-ce qui ne va pas Choupinette?» et je ris.

    Le petit Broc

    *aller
    Gide - Louÿs - Valéry, Correspondances à trois voix

    * retour
    Laure Adler, Marguerite Duras pour J.
    quatre tomes du Journal de Charles Du Bos
    Paul Valéry - André Gide, Correspondance
    Gide - Louÿs - Valéry, Correspondances à trois voix


    Noisy: dragons dans le matin gris

    Hier matin tôt, Noisy-Mont d'Est.


    Intime conviction

    A la façon dont elle tenait ses fleurs, lys blancs et roses rouges, en attendant sur le quai du RER à la Défense, je fus persuadée qu'elle venait de les recevoir, et non qu'elle allait les offrir.

    Finalement, ce ne fut pas gênant

    En 2000 ou 2001, je dînai à la table d'un homme qui avait dépassé les soixante-quinze ans. Il nous racontait qu'enfant, il était voisin de la tante de Brigitte Bardot (dans l'est, vers Vitry-le-François? Peut-être que je confonds) et que celle-ci se lamentait:
    — Elle est bien gentille, Brigitte; mais elle n'est pas bien futée... Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir en faire?

    Idéogramme

    Lorsque j'écris quelque chose comme

    euh...?? Mais bon, lol !!

    j'ai l'impression de revenir aux signes égyptiens ou chinois.

    Tout cela se ressemble tant

    Si ce n'est pas la grippe, ce sont les courbatures dues au ménage (je n'aurais pas dû frotter si fort).
    Et cette impression de fièvre, ce n'est peut-être que l'allergie aux produits ménagers (tout ce qui se vaporise...)

    Egoïsme

    — Je crois que je suis malade.
    — Ça va, je n'ai rien attrapé.

    Basterds suite

    Je suppose qu'on doit pouvoir chercher le nombre de plans qui rappellent d'autres films :
    - le début, Sergio Leone ;
    - la fin, la voiture parmi les grands arbres de la forêt, Miller's Crossing ;
    - le cinéma, ou plutôt théâtre, la rencontre d'Hitler dans les toilettes, la devanture du cinéma après l'explosion : To be or not to be (celui de Lubitsch, bien sûr) ;
    - le feu qui dévore l'écran, la cuvette en forêt dans laquelle nous découvrons les bâtards, le café dans lequel aura lieu la tuerie : à identifier ;
    - le film ou un film avec Danielle Darrieux ;
    et sans doute des films de Pabst.

    Ce n'est pas une raison pour filmer en gros plan à vous donner le mal de mer une histoire qui n'avance pas. Once upon a time, c'est le début d'histoires qui vont vite, droit au but.

    Tout est fini entre Tarantino et moi

    Prodigieusement agacée.

    Peut-être que je n'irai plus jamais voir un film de ma vie tellement je me suis ennuyée. Tant de critiques élogieuses pour ça? J'abandonne, je laisse tomber, le cinéma n'est pas pour moi.
    C'est quoi, ce truc? Tarantino m'avait déjà énervée avec la pleurnicherie qui termine Kill Bill II («Oh ma chérie, tu es enceinte? Mais c'est merveilleux, je voulais te tuer pour t'ajouter aux cent cinquante deux morts que j'ai déjà sur la conscience, mais finalement je vais te laisser vivre, c'est sssiiiii merveilleux.»)

    Mais alors là... N'importe quoi, mais filmé en très gros plan, surtout. A part deux ou trois beaux ténébreux, je ne vois pas vraiment ce qu'on peut sauver de ce film. Seul réconfort en forme de paradoxe, j'ai pu m'apercevoir que les acteurs français jouant dans des films américains sont aussi mauvais que d'habitude, créant autour d'eux, de leurs corps, de leurs paroles, une sorte de vide, de blanc, comme si le temps était ralenti autour d'eux.
    Incroyable.
    Un moment j'ai pensé que Tarantino parodiait les films français, puis j'ai opté plutôt pour le pastiche. Si c'est le cas, il est vraiment très fort: réussir à faire volontairement du film français....
    Pour le reste... nous n'avons pas assez de chair sur le front pour que la pointe d'un couteau puisse s'y enfoncer autant sans rencontrer l'os (je regardais l'image et me tâtais le front, appuyant, appuyant: non, pas assez de chair).

    Le Paris imaginaire des Américains.
    Les plans du début, cette idée étrange et bonne d'avoir transposé le début d'un western de Sergio Leone dans la campagne française...
    Les langues, la façon de justifier les langues utilisées.
    Voilà, c'est tout.

    Quelques dons

    • aller

    - Correspondance à trois voix, Gide-Louÿs-Valéry
    - Etty Hillesum, Une vie bouleversée suivie de Lettres de Westerbork
    - Jules Supervielle, L'enfant de la haute mer (l'un des deux pour P., je ne sais pas lequel).

    • retour

    P. est arrivé chargé de livres. Quelques-uns viennent de la bibliothèque de X., deux de la sienne, vieux compagnons qu'il me cède, soit:
    - Novalis, Henri d'Ofterdingen, magnifique coïncidence que cette "Fleur Bleue";
    - Elie Faure, Les Constructeurs.

    Puis:
    - François Mauriac, D'un bloc-notes à l'autre;
    - Claude Mauriac, Travaillez quand vous avez encore de la lumière;
    - Anne Wiazemski, Jeune fille;
    - Paul Valéry, André Fontainas, Correspondance 1893-1945

    et :
    - Correspondance à trois voix, Gide-Louÿs-Valéry
    - Jules Supervielle, L'enfant de la haute mer.

    Dyslexie

    Chaque matin j'essaie d'entrer dans mon entreprise avec mon passe Navigo.

    Chaque soir j'essaie de prendre le métro avec mon badge d'entreprise.

    Le parfum de la dame en noir

    — Au fait, ce que tu appelles "sentir la maman", c'est du Chanel n°5.

    Là-haut

    Vu Là-haut pour l'anniversaire de O. (avec O. et un ami).
    Pleuré les trois quarts du film, autant aux moments tristes qu'aux moments gais (le moment où la maison apparaît repeinte et pimpante: pouf, en larmes).
    Pensé à Matoo.
    J'aurais bien regardé plus longuement l'oiseau et les ballons, surtout les ballons. Couleurs qui font du bien.

    Film sur tout ce qu'il faut laisser derrière soi, sur tout ce qu'il faut accepter d'abandonner, pour continuer à vivre. Dialectique du rêve: le rêve comme but, le rêve comme obstacle, le moment où il faut savoir l'abandonner pour continuer à vivre, de façon peut-être moins flamboyante mais plus riche, parce qu'on est désormais au-delà du rêve et non plus en deça.

    Kermesse de la paroisse II

    Après avoir monologué environ vingt minutes sans discontinuer assise à la table d'inconnus venus pique-niquer à la kermesse, une dame se lève :

    — Eh bien bonne journée! C'était très agréable de discuter avec vous!


    J'ai pensé à Oscar Wilde.

    Kermesse de la paroisse I

    J'aime cette kermesse du mois de septembre qui me permet d'acheter des livres de poche vieux. J'aime les livres de poche vieux.

    Cette fois-ci il y en eut un peu moins que les années précédentes. Une dame m'a tourné autour: «Les romans plus récents sont sur l'autre table...» (Je ne cherche pas des romans. Je ne cherche pas du récent), et comme je regardais les volumes blancs de la collection des prix Nobel: «Oh c'est très bien. Ce sont les prix Nobel... enfin les anciens... Mais c'est très bien!» (Je sais).
    J'ai résisté à la pulsion d'acheté le volume de Pontoppidan dont nous parle régulièrement RC (car je ne l'aurais pas lu) et je n'ai pas pris les deux tomes de la Bhagavad Gîtâ parce qu'ils étaient traduits de l'anglais (trois euros).

    Donc (je les prends dans l'ordre où ils m'arrivent sous la main):

    • Wodehouse, Sonnez donc Jeeve, pour le lire puis le donner à Tlön. Je l'ai pris à cause de l'édition: la découverte (??);
    • Louis Massignon, L'hospitalité sacrée, à cause de ce site, à cause d'Henri Corbin, à cause de RC (l'hospitalité), à cause de Jean-Yves (la religion et la théologie);
    • Hans Urs von Balthasar, Elisabeth de la Trinité et sa mission spirituelle, encore à cause de Jean-Yves, mais aussi parce que ma prof de philo prépare une thèse de théologie sur Balthasar (la première femme française admise à préparer un doctorat en théologie, je crois (à vérifier));
    • Emile Ajar, La Vie devant soi, parce que j'aime ce livre;
    • Anatole France, L'île des pingouins, grâce à Tlön et à cause du président Damien;
    • Henry de Montherlant, Les jeunes filles et le Maître de Santiago, à cause de RC, mais aussi de mes années de lycée, durant lesquelles j'ai lu beaucoup de Montherlant (le théâtre);
    • Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, parce qu'il était pratiquement neuf, que je ne savais pas si je l'avais et que le projet est de lire tout Nietzsche;
    • Nabokov, Le Guetteur. Un Nabokov que je n'ai pas, et en français. (Pratique. Moins bien, mais pratique);
    • Sacha Guitry, Mon père avait raison suivi de Désiré, parce que Tlön m'envoya un jour de déprime une vidéo géniale;
    • Marguerite Duras, Un barrage contre le Pacifique, à cause de Jérémy;
    • Brantôme, Les dames galantes, à cause de RC;
    • Jules Supervielle, L'enfant de la haute mer. Pour l'offrir. Il contient l'un des plus beaux contes de Noël que je connaisse. (Pour Patrick?)
    • Etty Hillesum, Une vie bouleversée, parce qu'il m'est absolument insupportable de voir ce livre-là vendu dans une brocante. Pour Patrick s'il ne le connaît pas (sinon pour Jean-Yves, mais il n'aura pas le temps de le lire);
    • Emmanuel Renault, Ste Thérèse d'Avila et l'expérience mystique, collection "maîtres spirituels". Parce que c'est ma sainte préférée et que ce livre n'est pas trop effrayant.

    Onze ans

    Onze ans, c'est un peu triste. On n'a pas reçu de lettre de Poudlard, on appartient définitivement aux Moldus.


    Trouvé sur le trottoir un stylet de Nintendo DS, petit drame; mais je n'ai aucun moyen de le rendre à son propriétaire.

    Désarroi

    Durant mes années de lycées, en particulier en première et terminale, je n'allais pas très bien, voire franchement mal (mais comme personne ne paraissait s'en apercevoir (malgré mes 8/5 de tension), je n'ai compris que des années après que j'étais allée réellement mal). J'ai passé mon premier trimestre de terminale à choisir la fenêtre du troisième étage par laquelle me jeter, sans rien dire à personne puisque la rumeur voulait que quand on en parlait, on ne le faisait pas...

    Il y avait dans la classe un redoublant, Emm. Rétif, très blond, aux yeux d'un bleu porcelaine (un iris étonnant, composé de mosaïque). Il était toujours gai. Le premier appel du premier cours de philo avait donné lieu à l'échange suivant:
    — Rétif, Rétif... Tiens, j'ai un cousin qui s'appelle Rétif!
    — Moi aussi.
    Eclat de rire général.
    On l'appelait Frite.

    Un jour, je me souviens de la salle, de la lumière, j'associe ce moment je ne sais pourquoi à l'image de Danton de Wajda qui faisait beaucoup de bruit à ce moment-là, il m'a dit quelque chose, je ne sais plus quoi, je me souviens de tout sauf de cette phrase, et je me suis dit: «Ce n'est pas possible, je ne peux pas leur faire ça.»
    Et j'ai continué à aller mal, mais j'ai abandonné mon projet.

    L'élève qui s'est suicidé l'autre jour dans la classe de mon fils fait remonter tous ces souvenirs. Lui n'a pas croisé Frite et je suis bouleversée.


    (Et quand j'écris ce genre de billet, je pense «Le roi Midas a des oreilles d'âne». Enterrer ici ce qu'on n'ose dire à personne, dans cette illusion que personne ne viendra y voir.)

    La célébrité

    La célébrité, c'est avoir un rendez-vous dans une gendarmerie et d'être accueillie la main tendue avec un large sourire:
    — Je vous reconnais, j'ai vu des photos de vous sur Facebook.

    Automne

    J'ai vu un vol d'oies sauvages au-dessus de Villeneuve-Saint-Georges.

    La blague du week-end

    Elle est ressortie hier, j'étais persuadée de l'avoir déjà racontée ici, mais je n'en trouve pas trace. Donc voici :

    Marie-Madeleine est sur le point de se faire lapider. Jésus prononce sa célèbre phrase :
    — Que celui qui n'a jamais péché lui lance la première pierre.

    A ce moment-là, une pierre traverse l'espace et atteint Madeleine à la tête.
    Exaspéré, Jésus se retourne et dit: «Maman, arrête de me suivre !»

    Bilan

    Trois morts cette semaine, deux dans ma société, un dans la classe de mon fils.

    Je suis fatiguée.

    Projet SLRC: j'ai fini

    Le projet commencé le 7 décembre 2007 est fini ce jour, 11 septembre 2009: j'ai repris tous mes billets sur la SLRC.

    Reste à savoir si je reprends les documents, pas non plus pérennes.

    Abandonnée

    La Défense, huit heures du matin. Seule sur le parvis.



    Osmose

    En ce moment je vois circuler de nombreux d'articles (en français, enfin: on dirait qu'ils ont tous été traduits pendant les vacances!) sur les conséquences d'internet en général et de Google en particulier sur la lecture, l'attention et l'intelligence (sachant que cette dernière est très bizarrement définie à partir des qualités recherchées par les DRH: Dieu me préserve de posséder une intelligence de ce type).

    Ai-je tort de ne pas me sentir concernée? Je suis sur internet depuis 2002. Je lis plus qu'avant, j'écris plus qu'avant, et, dernières mutations en date, j'ai le plaisir de vous annoncer un retour de la correspondance manuscrite et des longues plages de lecture (par opposition à la lecture en tranches de vingt minutes).

    Pourquoi?
    Parce que je féquente des gens qui écrivent et qui lisent, tout simplement. Il en existe sur internet. Parce qu'internet est juste un moyen de les trouver.
    En d'autres termes, la pratique d'internet obéit aux mêmes règles que la plupart des activités humaines: ce sont les gens que nous fréquentons qui nous font évoluer.


    Obaldia est interrogé par une jeune journaliste "doucement analphabète". Elle lui demande comment devenir célèbre:

    — Le meilleur moyen si l'on veut devenir célèbre, c'est de fréquenter des hommes célèbres; si vous voulez être riche, Dany — permettez que je vous appelle Dany —, si vous voulez être riche vous avez intérêt à fréquenter des gens très riches, ça finit par déteindre.
    René de Obaldia, Exobiographie, p.345

    Entraves

    Une vie de fille / de femme se caractérise par un ralentissement du pas : basketts et jeans, on court, illusion qu'il en sera toujours ainsi, mini-jupe et joie des jambes libres, grossesse, on ralentit, poussette, enfant de deux ou trois ans à guider, jupes serrées, talons hauts...
    (Ne disons rien des burqas ou kimonos traditionnels.)

    Je ne supporte pas les hommes qui encouragent les talons hauts et ne prennent pas la peine de régler leur pas sur le nôtre — ralenti.

    Une soirée

    Je rentre, tu m'aideras pour mes champs intertextuels?, FB (urgent) (oh, des photos!), mails (oh, un mot de S, un mot de G!), douche, mon araignée apprivoisée n'est pas devant le lavabo, étendre une machine, sortir les poubelles, ranger les manteaux, aller chercher le courrier (oh une carte postale!), le lire, ranger les chaussures, ranger les sacs, vider le lave-vaisselle (pas toute seule), dîner, faire la vaisselle, envelopper le cadeau pour les huit ans de Côme que j'enverrai en même temps que celui pour sa petite sœur née le 30 juin: mais non je ne suis pas en retard.

    Je m'endors au clavier. Merveille de l'amitié et de la littérature qui fait que samedi résonne encore. En retard sur tout, comme d'habitude. Tant pis.

    Bunker Palace Hotel

    Dans la maison de P., il y a une pièce réservée aux bouteilles de whisky, un abri anti-atomique, et sous la terrasse, une longue pièce froide dans laquelle les araignées, saisies vives par les glaces, restent suspendues comme des étoiles blanches dans leur toile.

    Les Eglogues à Chartres

    • Aller

    - RC, Journal de Travers I et II pour Jérémy
    - Jean-Yves Pranchère, L'autorité contre les Lumières pour Patrick
    - Sebastian Haffner, Histoire d'un Allemand, pour Patrick
    - Recueil de l'académie des jeux floraux, 1993, pour Philippe
    - Barthes dans L'Arc
    - Melville dans L'Arc, (J.)
    - Nabokov dans L'Arc, (J.)
    - Duane Michals, (J.)
    - Mahler dans L'Arc
    - Robbe-Grillet, colloque à Cerisy 1976
    - Robbe-Grillet, Projet pour une révolution à New York
    - Robbe-Grillet, La maison de rendez-vous
    - Robbe-Grillet, Les Gommes, (J.)
    - Otto Rank, Don juan et le double
    - Perec, W ou les souvenirs d'enfance
    - Nicole Lapierre, Changer de nom, (M.)



    • Retour

    - André Gide, Les caves du Vatican, donné par Tlön
    - Malègue, Augustin, ton maître est là, emprunté à Patrick
    - Trackl chez Seghers, emprunté à Patrick
    - Barthes dans L'Arc
    - Mahler dans L'Arc
    - Robbe-Grillet, colloque à Cerisy 1976
    - Robbe-Grillet, Projet pour une révolution à New York
    - Robbe-Grillet, La maison de rendez-vous
    - Otto Rank, Don juan et le double
    - Perec, W ou les souvenirs d'enfance

    Bouquiniste anglophone

    En sortant du bureau, je fais un détour pour passer 17 rue Monsieur Le Prince, où abebooks m'a dit que je trouverai la correspondance Wilson-Nabokov. La librairie est juste en haut des escaliers en face de la rue de l'école de médecine. Je ne l'avais jamais vue.

    Dan mon sac:
    - Hannah Arendt, Vies politiques (pour copier une citation au bureau, eh oui) ;
    - Barthes, S/Z, que je laisse normalement à la maison mais que j'ai pris ce matin parce que j'avais oublié mon "livre de RER" au bureau la veille ;
    - Correspondances à trois voix, Gide-Louÿs-Valéry, mon livre de RER.

    Brasero

    J'aime fumer sous la pluie, regarder ma cigarette se couvrir de tâches d'eau, observer avec curiosité, de l'eau ou du feu, lequel l'emportera pour détruire le cylindre condamné.
    Si l'on y ajoute le souffle, je tiens dans ma main trois éléments sur quatre.
    Ce n'est pas si mal.

    Rentrée

    — Tu as choisi quoi cette année pour noter tes devoirs? Un agenda ou un cahier de textes ?
    — Je n'ai rien. J'espérais que tu ne me poserais pas la question.

    Distance

    Demain ma sœur a quarante ans.
    J'ai été obligée de téléphoner à ma mère pour vérifier son adresse: elle a déménagé en février (je l'ai appris par hasard en avril) et a négligé de me donner sa nouvelle adresse.

    Je me demande si j'ai encore la carte postale jaunie et gondolée envoyée de Corse pour m'annoncer qu'elle s'était mariée civilement un mois plus tôt et qu'elle était enceinte. (Non non, on n'écrit pas que «Je t'embrasse» sur une carte postale).

    Elle est comme ça, ma sœur. Je n'ai rien à lui dire, mais ça me fait de la peine (et après tout, ce blog sert aussi à ça).

    Constellation

    Ce qui est étonnant quand j'écoute Paul parler, ce sont les mondes qu'il fait naître, qu'il a côtoyés. Sa grand-mère paternelle avait une sœur qui a eu un fils, Gaston Fessard, qui est donc un petit-cousin. Son père avait deux frères. L'un d'entre eux, qui avait réussi langues-O mais abandonna la carrière sous la pression de ses beaux-parents, écrivit un peu, dont quelques articles à la NRF. Il fréquentait Gide.

    Paul a été au collège avec Roland de la Poype, héros de Normandie-Niémen, et avec Jean Lefeuvre, l'un des artisants principaux du dictionnaire dit Le grand Ricci .
    Le frère aîné de Paul entra dans la résistance aux côtés du père Michel Riquet, qui fut déporté à Buchenwald avec Marcel Paul. Plus tard, celui-ci devenu ministre fit verser au père de Paul, liquoriste, une allocation d'alcool pur en pleine période de rationnement, sur la recommandation du père Riquet [1].

    Paul travailla à la première classification des vins (les Bordeaux AOC) plus ou moins sous les ordres de Claude Mauriac. L'une de ses belles-sœurs fut la secrétaire de de Gaulle, et c'est sans doute grâce à elle qu'il fut l'ami du médecin de Malraux.

    Son beau-père habitait à Ville d'Avray la maison mitoyenne de celle de Jean Rostand. Il était professeur de littérature à Condorcet. Il eut pour élève Obaldia (et Paul se souvient d'Obaldia dans la salle à manger) et Jacques Laurent, qui bien plus tard emmenait son professeur devenu vieux revoir la cathédrale de Chartres, pour laquelle il avait une passion.

    En dix ans de déjeuners hebdomadaires j'ai vu ainsi défiler des noms que je prends aujourd'hui la peine de noter. Je n'en reviens pas de tant de convergences (ou plutôt de tangentes, car Paul n'a jamais que côtoyé sans appartenir) autour de son seul nom.

    Notes

    [1] Je prends conscience qu'il y eut une fraternité entre les "revenus des camps" comme il y en eut une des tranchées: fraternité qui explique des courants souterrains débordant les classiques clivages politiques.

    Abiblie

    Partie trop vite, partie sans livre.

    Acheté les sirènes de Bagdad de Yasmina Khadra dans un relais H, suite à des commentaires lus chez un ami FB.

    A midi, Paul m'a apporté L'anthropologie sociale du Père Gaston Fessard de Frédéric Louzeau. Je ne lui ai pas dit — mais c'est peut-être pour cela qu'il me l'a apporté —, mais je ne lui rendrai sans doute pas.

    Capoue

    Je regarde les fines bretelles des robes et la peau nue et le bronzage et l'oisiveté et le soleil dévoilés.

    Et je souris: quelle époque bénie de vacances et de lézardage, pourvou que ça doure, regarde de tous tes yeux regarde.

    Ça ne durera pas.

    Exploit

    — Être inefficace à ce point-là, ça relève de l'effort !

    Bricolage

    Après-midi au jardin, les chattes sont contentes.
    Mal à la tête, vapeurs de lasure.

    Kung Fu, l'épisode avec Jodie Foster.

    Les mains sales

    L'année dernière, j'avais ri en voyant arriver l'annonce d'une journée nationale pour l'hygiène des mains . Cela m'avait paru grotesque à côté dela journée sans tabac, journée sans voiture, journée de la femme et un peu découragée par l'absurdité du monde, je n'en avais pas parlé.
    J'avais pensé à ma tante vétérinaire nous expliquant que nous étions en train de perdre ce qui nous avait fait faire tant de progrès au début du siècle: la propreté. Selon elle, si les maladies, la mortalité à la naissance, avaient tant reculé, c'était dû au moins pour moitié à des gestes simples: lavage des mains et désinfection des instruments médicaux.

    Durant l'été, j'ai vu apparaître les affiches à placarder dans les entreprises.
    Finalement, c'était prophétique.

    Grâce au blog de Charlotte, je rajoute un tableau de Linnea Strid :


    Péchés ici et là grâce à des contacts FB et twitter.

    Je ne sais plus quoi écrire. J'ai changé d'ordinateur (pour un plus beau, plus grand, plus puissant), et je n'arrive plus à rapatrier mes photos de téléphone, ça me déprime et je ne sais plus quoi écrire.

    Une descente de lit en peau de femme (j'ai mis un moment à comprendre) ;
    des ponts ;
    des maisons pour rêver (pas bien compris ce qu'était tumblr, il faudrait en ouvrir un pour essayer. Une sorte de twitpix en mieux?) ;
    un peu de sexe ;
    les égoûts de Moscou ;
    et une bonne explication de twitter, courte et en français.

    Rire

    Rops propose un frontispice à Louÿs pour sa revue, Louÿs s'en ouvre à Gide qui répond :

    Accepte, mon ami; il faut toujours accepter.
    Mes préceptes sur cela sont évangéliques: quand on vous remplit une main, il faut tendre l'autre.

    Correspondances à trois voix - Gide, Louÿs, Valéry, 3 juin 1891

    Voilà longtemps que je suis instinctivement ce précepte. Un ami me disait l'autre jour, au bout d'une journée passée avec moi: «Tu es une femme qui coûte cher!»
    (J'ai un peu honte, mais pas beaucoup.)

    Le fils de Léa

    Du côté de ma grand-mère maternelle, les femmes paraissent indestructibles. Presque centenaire, mon arrière-grand-mère, dont j'ai un souvenir vague, est réputée avoir encore braconné sur les terres du château de M*** la veille de sa mort.

    Ma grand-mère a quatre-vingt-treize ans. Elle s'ennuie, elle se plaint, elle supporte mal l'inactivité à laquelle la contraignent ses forces déclinantes et ses filles liguées "pour qu'il ne lui arrive rien". (Mais si l'on s'insurge devant cette tyrannie, ma tante Jacqueline répond: «Et s'il lui arrive quelque chose, qui s'en occupera?» Alors lâchement, nous nous taisons.)
    Ma grand-mère s'ennuie, elle devient sourde, elle aimerait que cela s'arrête, c'est long, elle s'ennuie.
    Ma grand-mère va bien, aussi bien que je nous souhaite à tous d'aller à cet âge, et même aujourd'hui.

    Sa sœur Léa va un peu moins bien. Elle a fêté ses quatre-vingt-dix-neuf ans fin juillet. Elle peine à marcher, elle est en maison de retraite où elle décida un beau jour de se retirer, sans raison précise. A l'époque elle était parfaitement autonome.
    Mais si ses jambes la trahissent, elle a gardé sa tête et son entêtement. Ma tante Jacqueline soupire: «On va aller lui souhaiter son anniversaire, elle va encore nous dire des méchancetés sur tout le monde. D'ailleurs les autres se plaignent, il y a une femme qui ma dit que Léa voulait tout le temps jouer à la belote, et qu'une fois en place, elle refusait de laisser jouer les autres, qu'elle ne voulait pas tourner.»
    Ça me fait rire, ça ne me paraît pas bien méchant et plutôt drôle.
    D'un autre côté je ne vis pas avec elle.

    Mon premier souvenir net de Léa remonte à 1996, je l'avais vue aux quatre-vingts ans de ma grand-mère. Elle était veuve depuis de longues années. Elle parlait tout le temps du «gosse», ce qui m'avait paru étrange. Renseignement pris (discrètement dans la famille), il s'agissait de son fils, un bon à rien (sic), qui après avoir coulé son épicerie (sic), vivait chez sa mère.
    «Mais il a quel âge?»
    Le gosse avait soixante ans.

    La semaine dernière un mail m'attendait. «Le gosse» s'était suicidé.



    (Et je relis ses lignes en me demandant si je fais du sensationalisme. Sur le coup j'étais très en colère contre ce cousin: quel imbécile, qu'allions-nous dire à sa mère? (Crise cardiaque, a décidé le psychologue de la maison de retraite.)
    Maintenant, je me dis que qu'il a sans doute passé une vie entière à se faire traiter de bon à rien. Que s'est-il passé pour qu'il décide que cela devait cesser? Est-ce que je m'écris un roman?)

    Numéro 9 de Shane Acker

    Pas compris l'intérêt ou l'utilité de ce film.

    On y trouve des morceaux d' Edward aux mains d'argent, de Terminator, des Eaux de Mortelune (l'esthétique de l'architecture), sans doute de Transformers et même les horcruxes d'Harry Potter. Un patchwork de contes contemporains, naïf, sans prétention.
    Mais ça tourne à vide.

    Finalement, ce que j'ai aimé, ce sont les variations des étoffes d'une poupée à l'autre, la magnifique façon dont le fil et la trame se resserrent autour de la bouche jusqu'à paraître de l'osier tressé, la façon dont le maillage bouge lors d'un froncement de sourcils...

    Pensées éparses

    - Pfiuu. Quelques photos et un grand coup de nostalgie.

    - J'ai repris le manuel d'allemand de cinquième de mon père, imprimé en 1955. J'aime bien le promener, le "sortir". Je le lis comme un roman, en tournant les pages. Ce n'est pas comme ça que je vais retrouver des réflexes.

    - Cet après-midi j'ai cherché sur Googlemaps l'emplacement de l'ancienne ferme de mes grands-parents. Stupéfaction d'apercevoir une piscine derrière la ferme. L'honnête ferme devenue lieu de plaisir... Oh, je n'aurais jamais dû regarder (Loth ou Orphée? Qu'importe, l'enseignement est le même, je le sais, pourtant).

    - Je pense à l'église d'Auvers-sur-Oise. Tout à fait mon genre.

    Les grues et la puissance de Dieu

    Il me semble parfois que les grues répondent à la question: «Dieu peut-il créer une pierre si lourde qu'il ne puisse la porter?»

    Peut-on bâtir un édifice si haut (pont de Millau, tours de Dubaï ou de Shangaï) si haut qu'on ne puisse utiliser de grue?

    Ici, la tour Axa à la Défense dans le soleil levant.

    Potager

    Il y a quelques jours, j'ai remarqué un potager en contrebas de la tour Gan eurocoutage.
    Un homme fait pousser des tomates et des courgettes au-dessus du boulevard circulaire, en dessous de la passerelle, entre les bouches d'aération du parking.


    Vue d'ensemble : en bas le boulevard circulaire, le triangle flou en bas à gauche est la balustrade de la passerelle, les tomates sont au pied de l'arbre.



    Vue de plus près (Photo de téléphone : les tâches rouges sont les tomates, les jaunes des fleurs de courgettes.):

    Paradis perdu

    L'Hacienda était un hôtel construit sur le principe de bungalows blancs éparpillés parmi les orangers sur une vaste étendue de pelouse (du kikuyu, sorte de gazon rampant dont les feuilles coupées par les tondeuses devenaient tranchantes et nous entaillaient de minuscules coupures quand nous jouions, en maillot de bain, à dévaler les pentes étendus de tous notre long en roulant comme des tonneaux).

    Les orangers côtoyaient les trois ou quatre courts de tennis et la piscine, près des bougainvilliers. De l'autre côté de la route se tenait "le ranch" — le club hippique.

    Pendant les sept ans que j'ai passés à Agadir, nous ne sommes presque jamais allés au bord de la mer. Nous allions à l'Hacienda, le soir après la classe, le week-end, durant les vacances scolaires... La "fatime" s'occupait de tout à la maison (sauf le dimanche).

    Ce week-end, ma mère a reconnu sans y penser: «Pendant sept ans, je me suis dit que je vivais au paradis.»
    Voilà qui est nouveau, elle a toujours soutenu que j'idéalisais mes souvenirs.

    Informations minuscules

    Ma mère revient de promener le chien une fleur en forme de parasol duveteux et rose à la main: de la marjolaine sauvage. Son autre nom est l'origan. C'est moins joli et lui convient moins.

    Van Gogh aimait beaucoup le cerdon, vin pétillant que je ne pensais connu que des habitants du Bugey. Eh bien pas du tout, une auberge d'Auvers-sur-Oise achète même la totalité de sa production à un viticulteur du cru.

    Des nouvelles de Blois

    Messe de l'Assomption à la cathédrale Saint-Louis. Rues doucement chaudes dans le soleil qui décline, rues grises et bleues et vides, silence.

    Je passe ensuite à la basilique Sainte-Marie de la Trinité. Je découvre avec stupeur que le terrain de l'ancienne caserne a été loti, que des sortes d'immeubles bas, ou grandes maisons, sont en voie d'achèvement au ras du magnifique bâtiment principal (cela aurait donc était un si grand manque à gagner que d'épargner une bande de terrain supplémentaire de cinquante mètres de large?); certains logements sont déjà occupés.

    Avis aux moins jeunes de mes lecteurs: il leur est désormais possible d'habiter sur les lieux qui connurent leur "trois jours".

    Au-delà du bien et du mal de Liliana Cavani

    Le cinéma Accatone s'est fait une spécialité de ces biographies étranges. Je suis sortie de celle-là perplexe, incapable d'estimer la part romancée du scénario (Il s'agit du ménage à trois Nietzsche, Rée, Salomé).

    Le film est interdit au moins de seize ans, sans doute à cause de ses scènes frôlant la pornographie homosexuelle. Le tout est violent, excessif, à mon sens inutilement grandiloquent. Ce n'est pas un film "documentaire", c'est un film dans la lignée des Damnés de Visconti.

    Lou Andréa Salomé veut être présentée comme une femme libre, mais pour ma part j'appellerais cela une allumeuse (est-ce un jugement moralisateur de ma part? Pourquoi tant d'affectation dans sa façon d'être libre? Est-ce un parti pris de Liliana Cavani? Mais pourquoi? Pour insister sur le scandale de la conduite de Lou Salomé à l'époque? Ou sur la folie du trio? Ou plus simplement sur sa dimension utopique, impossible?)

    Ballet, beau pas de deux. Les hallucinations de Nietzsche atteint par la syphillis sont superbes. Paul Rée est présenté comme un homosexuel refoulé : vérité de l'histoire ou invention du scénario?

    Plaisir d'entrevoir Venise en 1977. Qu'elle a changé: plus propre, plus pimpante, plus actuelle aussi: nous y perdons la sensation du temps qui passe, il est plus facile d'imaginer Proust dans la Venise de ce film que dans la Venise visitée ce printemps. Nostalgie.

    Plumes

    Celle-ci est trop belle, je la sauvegarde ici.





    L'auteur et historien indien Joseph Medicine Crow

    La mort de près

    Quatre hommes discutent à déjeuner :

    — Avec la tyrolienne, tu descends la montagne le plus vite possible...
    Un noir, hésitant: — Et si ça casse ?
    — Au pire, ça casse.
    Les autres, riant: — Oui, après tout, c'est fait, c'est fait.

    Un autre reprend: — Vous avez entendu l'histoire de ce couple qui a raté l'avion brésilien? Eh bien, il a pris l'avion suivant, et à l'arrivée, la femme s'est tuée dans un accident de voiture.



    (Je songe aux derniers films vus, entre le jeune homme qui veut vivre une vie non écrite et le jeune homme dont le film conclut à propos de sa vie: «C'était écrit».)

    Trois liens (en anglais, sorry)

    • un blog entièrement consacré à la pandémie de grippe à travers le monde, avec de précieux liens et ressources en marge
    • un blog dont j'ai souvent envie de traduire des morceaux (chunks), dont l'obsession, encore plus que simplifier, est de réduire le désordre (mais il me semble que réduire le désordre prend beaucoup trop de temps quand cela devient si obsessionnel. Et il me semble que de grandes pièces vides ne nourrissent plus assez l'âme, ne lui tiennent plus assez chaud. Ainsi, nous avons dû réduire l'âtre trop large de notre cheminée: le feu avait froid et ne prenait pas. Même le feu a besoin de chaleur.) Cependant, j'aime ce blog.

    Slumdog millionnaire

    Etranges résonances avec le film précédent: deux frères orphelins, l'aîné protégeant le cadet jusqu'à le cannibaliser, le cadet désespérant de pouvoir vivre son amour...

    Slumdog millionnaire est construit classiquement, par unités de récit en flash-back, tenues ensemble par un fil plus fort, l'histoire s'ouvrant vers la fin sur le présent et l'avenir, quand le spectateur assiste au présent de la vie du héros, et non plus à ses souvenirs.
    Ce n'est que tout à la fin, en entendant l'aîné constater, vaincu, à propos de son frère: «ce garçon n'abandonnera jamais», que j'ai compris que l'histoire de l'autographe, au début, donnait à voir tout le film, dans une construction classiquement en abyme[1]. Cela m'a fait rire, je n'aime que les héros obstinés.



    La question de la fin, sur Les Trois Mousquetaires m'a rappelé le témoignage émouvant de "lecteur", qui nous racontait l'admiration des Tchétchènes pour Alexandre Dumas, et le prestige de la culture française chez tous ces immigrés.

    Notes

    [1] Gide, Journal de 1893 : «J'aime assez qu'en une ?uvre d'art, on retrouve ainsi transposé, à l'échelle des personnages, le sujet même de cette ?uvre. Rien ne l'éclaire et n'établit plus sûrement les proportions de l'ensemble.» voir ici.

    L'arnaque était presque parfaite

    Vous pouvez y aller pour :
    - la beauté des acteurs principaux ;
    - la beauté des paysages, des images, des voitures, des costumes ;
    - la parodie des clichés des films policiers, d'aventure, d'arnaque.

    N'y allez pas si vous attendez de l'action trépidante, vous serez déçus.

    Il reste cette réflexion sur une vie jouée, la vie vécue: une vie jouée est malgré tout une vie vécue puisqu'elle nous rapproche tout aussi bien de notre mort. Qu'est-ce qu'une vraie vie, celle où l'on a peur, celle où l'on a le tract?
    Mais est-ce que le trac n'est pas justement la caractéristique des vies jouées, des fausses vies?
    Alors?


    La salle 2 du MK2 bibliothèque présente des banquettes pour deux avec accoudoir central relevable. Cela me rappelle le cinéma mythique du quartier latin dans les années 60 ou 70, dont les fauteuils étaient doubles.
    Impossible de me souvenir de son nom.

    Le MK2 a installé des banquettes face au vide, face à la bibliothèque.




    ajout du 10 novembre 2009 : il s'agit de l'Europa Panthéon, évoqué dans Je me souviens de Perec (souvenir n°3).
    Cf. Je me souviens encore mieux de je me souviens, de Roland Brasseur.

    Mauvais mélo (mais un mélo peut-il être bon?)

    — Tu es un diamant non taillé sans diamant à l'intérieur. Juste une pierre.

    Dieu joue aux dés.

    Du coup je songe sérieusement à revenir aux bonnes vieilles habitudes.
    Mon blog, je vais vous le graver sur des plaques de pierre et je vais en choisir un au hasard pour venir recupérer les notes sur le mont Sinaï.

    Dieu, le 30 novembre 2006

    Voilà: le secret est là : il n'y a pas de morale là-dedans, le choix se fait au hasard (le contraire d'un choix, finalement).



    (Du coup, mon moral remonte. Je vais écrire un peu au lieu de trier du papier.)

    Dormez braves gens, l'Etat veille

    Vendredi, un agent (une agente) de la CAF est passé vérifier que les enfants que nous déclarons pour toucher les allocations familiales
    - existaient réellement ;
    - étaient scolarisés.

    Pauvre dame, son travail ne paraissait pas l'enthousiasmer excessivement.

    J'espère que la lutte anti-blanchiment est menée avec le même soin.

    Temps réel

    Cela me rappelle les comptes à rebours à presque minuit le 31 décembre dans les films américains : dix, neuf, ...

    L'été, enfin

    C'est un classique, mais j'en connaissais plutôt la version Trocadéro.

    J'aime bien.

    Fatalisme

    Mes parents font du tourisme animalier. Cela les amène à prendre souvent de minuscules avions sur des lignes intérieures en Afrique ou en Amérique du Sud.

    Un jour mon père a vu une femme monter dans leur avion avec un sac, en redescendre sans.
    C'était peu après septembre 2001.
    Il a décidé de ne rien dire, ennuyé à l'avance d'attirer l'attention sur lui à propos de ce qui était probablement un incident sans importance.
    Il n'en a parlé à ma mère que lorsque l'avion s'est posé indemne, qui a été furieuse, incapable de comprendre cette tranquille acceptation des choses.

    L'attaque du métro 123

    Film sans surprise, de bout en bout : les situations, les dialogues, même le litre de lait, tout est prévisible et bien rôdé. Ce qui pourrait être nouveau (l'ordinateur portable qui filme la scène dans le wagon sans que les kidnappeurs soient au courant) n'est pas exploité, l'ambiguïté du maire dans la scène de la fin ne produit pas tout ses effets, et toute personne qui prend le métro chaque jour sait parfaitement qu'elle ne refuserait pas une voiture confortable pour rentrer chez elle après une journée éprouvante...

    Toujours le petit choc de voir New York sans les deux tours, et puis les mêmes images, les mêmes cadrages, la même musique... Film mécanique, donc, mais dans lequel on ne s'ennuie pas une seconde : tous les acteurs sont excellents, et je parierais volontiers sur le petit garçon à l'œil vif et à la vessie active pour devenir un grand acteur. (à surveiller)
    Il est fort possible que ce film se soit voulu un hommage à New York, un message d'amour à la ville. C'est à la fois raté et malgré tout réussi, dans sa maladresse même (puisqu'on y pense).

    Pour le reste... Film qui s'oublie, au tatouage et à la moustache de Travolta près, dont le look de loubard pour un ex-trader est absolument invraissemblable.

    Sosie

    — Oh! Une poubelle qui ressemble au droïde en forme de poubelle dans La Guerre des Etoiles!

    Pays de Cocagne

    Pour Patrick : pannonceau photographié au pied du moulin de Lautrec :



    samedi 1er août 2009

    Retour, à peine plus chargée.

    Roland Barthes, Le Bruissement de la langue
    Roland Barthes, Mythologies
    Roland Barthes, Le Degré zéro de l'écriture
    Reginald Hill, Midnight Fugue. fini le 22 juillet.
    Friedrich Nietzsche, Naissance de la tragédie. fini le 26 juillet.
    Le guide vert Midi-Pyrénées
    Jakob Arjouni, Happy birthday, Türke!. fini le 27 juillet.
    Balzac, Pléiade tome 1
    Jean-Yves Pranchère, L'autorité contre les Lumières
    RC, Théâtre ce soir
    RC, Demeures de l'esprit, Sud-Ouest, acheté à Castres le 23 juillet
    Charles-Louis Philippe, La mère et l'enfant. Le père Perdrix, acheté à Albi le 25 juillet
    Eugénie de Guérin, Journal, acheté au Cayla le 29 juillet
    Maurice de Guérin, Le Centaure, acheté au Cayla le 29 juillet.

    Château du Bosc

    Les Demeures de l'esprit - Sud-ouest veulent que le père de Toulouse-Lautrec est été légèrement dérangé, tant son obsession pour la chasse était forte, mais ce n'est pas ainsi qu'on le présente au château: tout juste excentrique, et l'on peut lire sur les mur de la nurserie transformée en musée intime la lettre émue et triste qu'il envoya à sa femme le jour de la mort de son fils.

    La jeune guide (1er août: nous sommes ses premiers visiteurs) insiste pour que nous oublions trois légendes: que le père aurait renié son fils, que les chutes d'Henri auraient été une chute de cheval et une chute dans l'escalier: non, non, des chutes bien plus banales, mais les os étaient fragiles (une maladie inconnue alors?).
    Je contemple l'arbre généalogique légitimiste, la photo dédicacée d'un prince de la maison d'Espagne (j'ai oublié son nom). Sur le piano, une coupure de journal datant d'août 1983 invite les personnes présentes en Autriche à assister à une cérémonie à la mémoire du comte de Chambord, mort il y a cent ans.

    Je n'ai pas compris l'explication concernant la chapelle: une lettre de Clément IX permettrait de célébrer la messe en absence de prêtre (en présence de la relique de la chapelle? ou en présence de la lettre?). Mais que veut dire ici "célébrer la messe"? Pas consacrer les hosties tout de même? Autoriser un laïc à lire le rite? C'était impossible au XVIIe siècle, il y fallait une autorisation expresse du pape? Aujourd'hui, c'est devenu si courant, tant de messes reculées sont dites ainsi, et d'enterrements sans prêtre…

    L'ensemble du cadre est magnifique: extérieur du château (les volets rouges), jardin, prairies, vals et forêts. Il vient des envies d'aristocratie, on aimerait vivre là. Ce doit être austère l'hiver. A qui appartient le château, son avenir est-il assuré?


    En chemin, nous nous arrêtâmes à Decazeville pour voir le chemin de croix peint par Gustave Moreau (vieux souvenir de Journal d'un voyage en France?) L'église a été construite entre le XIX et le XXe siècle. Le descriptif à l'entrée détaille le mètre carré de carrelage et le coût des boiseries au centime près. Etrange comptabilité d'apothicaire en ce lieu.
    Les tableaux sont là, accolés, éclairés, mais je n'ai vu nulle part mention du peintre, et nulle carte postale.

    Les mines de Carmaux et Notre-Dame-de-la-Drêche

    Visite du musée de la mine à Cagnac-les-Mines. C'est instructif, spectaculaire et émouvant. Magnifique travail de reconstitution de divers types de galeries effectué par six mineurs obstinés qui ont récupéré du matériel qui allait être enterré à la fermeture de la mine (je ne savais pas que toutes les galeries minières étaient comblées au fur à mesure de l'avancée de l'exploitation et de l'épuisement des filons).
    Tout cela a aujourd'hui été récupéré par la ville, le département ou la région (je ne sais), mais le site est tenu avec amour par des jeunes gens de la région dont on sent bien qu'ils souhaitent que ce qui s'est passé là ne soit pas oublié.

    Un beau site sur les mines de la région (sans prétention, dit-il, et c'est vrai: un site "prétentieux" sur la mine, c'est quelque chose de difficile à imaginer).

    Il s'y tient actuellement une exposition sur Jean Jaurès dont on célèbre le 150e anniversaire de la naissance (3 septembre 1859).



    Au retour, Notre-dame de la Drèche. Extérieur troubadouro-mauresque en briques rouges, intérieur étonnant, plan octogonal qui ne se laisse pas deviner de l'extérieur, peintures du XIXe siècle dues à un seul moine, dans un genre néo-byzantin. Je suppose qu'il ne faut pas aimer (le kitsch, toujours) mais j'aime bien, tant par son opulence que par sa naïveté.

    J'avais remarqué une "grotte Saint-Dominique" dans le Sidobre (mais je n'ai pu la retrouver sur le chemin du retour, au grand soulagement des enfants), Saint Dominique est dit avoir reçu le rosaire de Marie sur le site de Notre-Dame-de-la-Drêche, lieu de pélerinage.

    Pot-pourri

    Rêvé de Gvgvsse qui dans un décor de James Bond des années 70 feuilletait un Paris-Match présentant Margaux Hemingway.

    Tarot pour la première fois du séjour. C'est là que je peux juger la profondeur des changements en moi: il y a une époque où j'aurais tout abandonné pour jouer au tarot.

    Sidobre.

    Eglise de Lacrouzette. Granit. La Cène est belle, imposante, solennelle. Surprise de ne pas en trouver de photos lui rendant justice sur internet.
    Quand à l'église, il est étonnant de constater qu'un matériau comme le granit peut devenir étouffant. A visiter, pour se faire une idée personnelle.

    Le Cayla et musée de Gaillac

    Le Cayla le matin, en se perdant loin des grands axes (la revanche de la carte Michelin sur le GPS).

    Guide incroyable, qui se lance dans la description des journaux " de raison" (livres de comptes), expliquant leur épluchage minutieux par les historiens, l'intérêt de l'auto-suffisance alimentaire, le troc, etc. Je songe à Barthes, à «L'écriture n'a-t-elle pas été pendant des siècles la reconnaissance d'une dette, la garantie d'un échange, le seing d'une représentation? Mais aujourd'hui, l'écriture s'en va doucement vers l'abandon des dettes bourgeoises, vers la perversion, l'extrémité du sens, la folie, le texte...», mais bien sûr bien moins précisément, me rappelant «vers la folie, la perte, la perversion...» [1]. Les enfants bâillent. Peu à peu nous réfrènerons une épouvantable envie de rire.
    La mort de (tuberculose) de Maurice de Guérin fut ainsi racontée notre guide, que je soupçonne d'être un vieux garçon misogyne : «Il se maria, mais c'était un romantique, les réalités de la vie n'étaient pas pour lui, et l'amour fut de courte de durée. Heureusement, deux ans plus tard, il fut sauvé par la mort.»
    J'étais scandalisée, ressassant la phrase lue dans Les Demeures de l'esprit : «Ici repose mon ami qui ne fut mon époux que huit mois», épitaphe choisie par la jeune veuve (ce qui bien sûr ne dit rien de l'harmonie du ménage... Mais huit mois, c'est bien court pour en juger, surtout quand la maladie est présente avec tant de force).

    Horrifiés de découvrir la main droite d'Eugénie pieusement déterrée (en 1875) et conservée dans un tiroir du cabinet des curiosités...

    Le guide fut d'abord surpris par notre nombre, puis par nos achats. (Le Centaure et le journal d'Eugénie.) Cette seconde surprise m'a un peu attristée. Espérons que si personne n'achète, c'est que tout le monde possède déjà.



    Musée des Beaux-arts de Gaillac. Firmin Salabert, Henry Loubat (tableau de moissons qui me donne envie de voir le Henri Martin de Toulouse) et un sculpteur local, Jean-Jules Pendariès, pas mal du tout. Exposition de lithographies au sous-sol, Derain, Jean Rostand par Foujita (avec des grenouilles...), quelques beaux Picasso, des Duffy, deux Gromaire, des inconnus et un Terechkovitch qui a servi à l'affiche.



    Notes

    [1] Il s'agit de la quatrième de couverture d' Échange, citation extraite de RB par RB, citation pervertie, le mot "folie" ayant été ajoutée par RC (tout cela est expliqué dans Journal de Travers).

    Promenade de santé

    Parti pour une balade de une heure autour du lac de Rassize. Tellement agacée par ces soi-disant "randonnées" pour lesquelles on emporte quatre litres d'eau pour une heure que j'ai mis une robe légère et des ballerines au lieu des traditionnels short-basketts: grave erreur. Nous avons trop bien suivi le balisage, mangeant des mûres et grimpant en constatant avec un peu de surprise que nous nous éloignions de plus en plus de la rivière. Quand nous décidâmes de faire demi-tour, les enfants étaient si loin devant que nous n'étions même pas sûrs d'emprunter le même chemin qu'eux («Mais si, ne vous inquiétez pas: C. suivra le balisage jaune tant qu'il verra du balisage jaune.» (Je ne croyais pas si bien dire)) Trois enfants ont finalement abandonné et se sont arrêtés pour nous attendre. Quand nous les avons rejoints, C. avait disparu. Comment le retrouver? Au moment où nous apprêtions à faire deux équipes, l'une ramenant les trois enfants à la voiture, H. et moi partant à sa recherche, il s'est ramené comme une fleur (ou le bec enfariné).

    Ch. était furieux. Nous prenons le chemin du retour et G. se met à vomir au bout de cinquante mètres. Ch. furieux et moi partons seuls chercher les voitures.
    Fatiguée, muscles des cuisses à la limite d'être froissés, épuisée nerveusement (comment retrouver C., le malaise de G. est-il grave, que faire de la colère de Ch., etc).

    Sanglier décousu

    Rêvé d'une façon extraordinairement précise de Barthes, d'une œuvre de Barthes. Jean-Yves et Pascal étaient là.

    Tenu dans mes mains le commentaire de Barthes, dans un livre partant en lambeaux, à la couverture jaune à la façon des anciens Grasset. Livre de bibliothèque, bibliothèque lumineuse et interdite, sans doute dans la coupole du Panthéon (je savais que j'étais dans un lieu correspondant à peu près à la coupole du Panthéon). Histoire de chasse et de vengeance, de sanglier décousu. Lu la dernière phrase, dans le style désuet et si légèrement ironique de Barthes. Une sœur ayant vengé invisiblement son frère. Impossible de me souvenir de cette phrase pourtant si nette, si musicale.
    Puis second livre, tout petit, cinq centimètre sur cinq, couverture vive, jaune et rose, contenant le conte commenté par Barthes. Conte écrit par Barthes?

    Mais qu'ai-je donc amalgamé, la tapisserie du musée Goya, les chasses de Monsieur de Lautrec et Le bruissement de la langue? Quelle frustration de ne pas se souvenir des deux phrases si nettement lues. Il aurait fallu les noter au réveil (mais aurait-ce été possible?)

    Fini Arjouni [1]. Camomille et miel.

    Notes

    [1] en allemand, sans dictionnaire: compris l'esprit ;-).

    Tourisme

    Très mal dormi: fête au village, basses qui font trembler les murs de minuits à six heures du matin. Cette fois-ci, j'espère qu'un ou deux jeunes se tuent, afin de calmer les autres.
    Fini Nietzsche. A lire : Sophocle, Eschyle, Histoire de la Grèce.

    Promenade en forêt derrière Ambialet. Je rêve aussitôt de GR, de traversée des Pyrénées ou de Corse. Le problème est que je n'aime pas les sacs à dos. Avec un âne?

    Ambialet magnifique dans sa boucle de Tarn. Ma première carte postale pour l'Australie, pour un "ami" "pur FB".

    Belle église romane du XIe siècle, nue. Barrage électrique.

    Le soir, aligot (toujours la fête au village!) Organisation remarquable.

    Les grenouilles

    «Jean, son fils favori, spécialiste des grenouilles» Demeures de l'esprit, Sud-Ouest, p.362

    Les beaux-parents de Paul à Ville d'Avray avaient pour voisin Jean Rostand. Celui-ci enrôlait les jeunes gens du voisinage pour lui ramener des grenouilles et Paul se souvient de ces pêches qui permettaient de gagner quelques sous.

    (Je me souviens de l'une des premières dictées rentrée en France: j'avais été vexée de ne pas savoir répondre à une question qui concernait la pêche à la grenouille. Elle se pratique avec un chiffon rouge, je ne le savais pas.)

    C'est jeune et ça pourrait bien mourir

    Soirée soi-disant disco au village. Musique de fond jusque dans nos chambres et crissement de pneus à trois heures du matin. Je redoute qu'un de ces jeunes gens ne finisse dans un ravin. (Est-ce l'âge qui fait grandir en moi les pensées protectrices maternantes?)

    Harpe et violon

    Tour du lac de Bancalié. 10 km, le temps de penser. L'esprit occupé de Nietzsche, joie de découvrir comme un émerveillement de naître.
    Appris une première défection de blogueur, sans surprise. Après une première rencontre IRL, je ne lui faisais déjà pas confiance.

    Le soir, concert harpe et violon dans l'église de Réalmont. Celle-ci est très peinte, dans le style saint-Sulpice/Sacré-Cœur/IIIe République. Baldaquin doré au-dessus du chœur rehaussé d'angelots et de roses blanches. C'est un style qui emporte toujours mon indulgence de par sa bonne volonté, son désir de ne pas froisser et de convaincre.

    Isabelle Frouvelle et Henri Gouton. A l'entracte: «Je vous remercie d'être restés». Pas sûre que ce soit de l'humour...
    Les morceaux écrits pour ces deux instruments sont — en toute logique — bien meilleurs que les transpositions. Comme d'habitude, plus un morceau est connu, plus la transcription et l'exécution paraissent étranges, voire mauvaises (je songe aux Danses de Brahms).
    Un très beau moment de haute qualité. L'église est à moitié pleine, mais de personnes sachant ce qu'elles viennent écouter (sans doute plus que moi...): peu de touristes perdus.

    Le programme donne quelques repères biographiques pour chaque compositeur. Je le note ici pour mémoire, certains compositeurs m'étant totalement inconnus (j'irai faire un tour sur wikipédia).
    - Sonate n°2 en sol mineur de G.F. Haendel ;
    - Nocturne n°3 pour harpe et violon de Robert Nicolas Bochsa et Rodolphe Kreutzer (Bochsa: «l'un des personnages les plus farfelus de l'histoire de la musique», dixit le programme.) ;
    - Méditation de Thaïs de Jules Massenet ;
    - Danses hongroises n°1, 6 et 5 de Johannes Brahms («En 1864, il rencontre Wagner, qui par la suite le harcèle de sa malveillance.» : Ah?) ;
    - Sonate en ut mineur de Ludwig Spohr («Il se maria avec une harpiste, Dorette Scheidler».) ;
    - Berceuse de Gabriel Fauré (Belle transcription. Fauré est né à Pamiers: n'y a-t-il rien qui aurait permis de l'inscrire dans les Demeures de l'esprit?) ;
    - Duo op.156 de Nicolaï von Wilm (Compositeur letton. Œuvre très rarement jouée car la partition n'existe pas dans le public. Il existe un enregistrement de Menuhin et Zabaleta. I. Frouvelle a obtenu la partition de la veuve de Nicanor Zabaleta. Très belle pièce).
    - Playera-romanza andaluza de Pablo de Sarazate
    - Czardas de Vittorio Monti.

    Castres, Lautrec

    Levée à cinq heures. Deux heures de Nietzsche dans la maison endormie. L'instinct et la folie de Dionysos, la forme et la beauté d'Apollon, la raison froide de Socrate. Et Platon, le pauvre, sauvant les meubles.

    Castres, Jean Jaurès, Goya. Exposition Les Caprices, sorcellerie, prostitution, ignorance, exploitation des hommes par les femmes, des femmes par les hommes. Tromperie, avarice, luxure, monde sans tendresse ni générosité. Je songe à La Fontaine, mais ce que montre Goya me paraît bien pire, comme si l'Inquisition avait nourri la superstition et l'hypocrisie. Soudain la guerre d'Espagne (de 1936) acquiert un arrière-fond. Tant de bêtise et d'avidité menant à tant d'horreur.

    Acheté Demeures de l'esprit, Sud-Ouest. Emérveillée par le raffinement de Mme Toulouse-Lautrec dans la distance et l'exaspération: «Mme de Toulouse-Lautrec, lorsque son mari lui faisait l'honneur de débarquer chez elle, toujours sans crier gare, le place à table à sa droite, comme un invité, et non pas en face d'elle comme c'est l'usage entre mari et femme.»

    Lautrec. Belle église, trompe-l'œil derrière l'orgue et le chœur. Un homme (le prêtre?) nous allume très aimablement le chœur et nous propose le commentaire d'un tableau, le baptême de Clovis, établissant le parallèle Clothilde/Clovis, Hélène/Constantin. Il a cette réflexion qui sonne étrangement à mes oreilles de catholique républicaine: «C'est pour cela que lorsqu'on coupe le cou du roi, on remet en cause beaucoup plus que le roi...», évoquant par ce suspens le sacrilège de la mort de Louis XVI, dans un étrange écho à ma lecture de JYP.

    Au pied du moulin, pancarte botanique expliquant le pays de Cocagne. Je songe à Alphonse Daudet, d'un sud à l'autre.

    Albi

    Cathédrale d'Albi. Toujours la même frustration de connaître si mal l' Ancien Testament. Très beau musée Toulouse-Lautrec. 1864-1901. Je songe à mes amis nés en 1964. S'ils étaient morts en 2001... c'est peu. Proust né en 1871. Tous ces messieurs en hauts-de-forme... L'Anglaise du Star fait tellement Levet.

    Raté le musée Lapérouse. Dommage, cela aurait fait une belle carte postale. Lapérouse, bedonnant, sur la place en arrivant à Albi... L'imaginer amaigri, attaqué par le scorbut, sur une île du Pacifique... et Louis XVI, et le navire La Recherche parti à sa recherche. (Les Eglogues sont une maladie.)

    Réalmont. Prégnance des guerres de religions, omniprésentes dans toute la région. Calvaires au carrefour (IIIe République?), peints: métal ou céramique? Etrange pays. Les gens d'ici sont très aimables, je le note toujours quand je le constate en France.

    Vacances

    Dormi. Cascades d'Arifat. Dormi.

    Voyage

    Départ de Pigny. Passage à Nohant. Feuilleté encore le Frédéric Chopin de Tadeusz A. Zielinski (en réalité, je ne voulais passer à Nohant que pour le revoir et en retrouver les références exactes) et encore décidé de ne pas l'acheter. Pas trouvé le cours d'eau où se baignait George Sand. Mais était-il attenant à la propriété? Je passerais bien mes vacances ici, sous les tilleuls devant l'église.

    Descente vers le sud. Viaduc de Millau. Saint Antonin-de-Lacalm. Maison laide, intérieur vaste qui résonne.

    dimanche 19 juillet 2009

    Départ de Paris pour deux semaines de vacances

    Roland Barthes, Le Bruissement de la langue
    Roland Barthes, Mythologies
    Roland Barthes, Le Degré zéro de l'écriture
    Reginald Hill, Midnight Fugue
    Friedrich Nietzsche, Naissance de la tragédie
    Le guide vert Midi-Pyrénées
    Jakob Arjouni, Happy birthday, Türke!
    Balzac, Pléiade tome 1
    Jean-Yves Pranchère, L'autorité contre les Lumières
    RC, Théâtre ce soir

    Départ difficile

    Barbecue de blogueurs devenu un must, à faire traverser les océans et retarder les départs en vacances.

    La cinéphilie est un terrorisme. («Mais qu'est-ce que t'es con! T'es con comme une bite!»)

    Couchée à presque cinq heures, debout à huit heures, décidé de ne pas partir en vacances. Encore un billet et je retourne au lit.

    Objectif des vacances: bronzer


    Evidence

    Quand on passe son temps à écrire ailleurs que dans son blog, on n'a rien à écrire dans son blog.

    Fini le Rex Stout. J'aime bien.

    Harry Potter VI

    Moins pire que le 5, mais définitivement pour des gens qui connaissent le livre, il manque trop de détails. Un peu déçue (mais je ne me faisais pas beaucoup d'illusions) que toute la partie sur les parents de Tom Riddle ait été escamotée: très beau passage du livre, évoquant Le Domaine d'Arnheim.

    «J'avais un poisson rouge, il s'appelait Francis.»
    «Life goes on, then... *pouf* ».

    Rogue a les cheveux propres, Draco Malfoy a beaucoup grandi et joue un beau personnage torturé.

    Le parti pris sur les couleurs est étonnant, l'ensemble est très stylisé. Trop de gros plans sur les personnages, ça finit par être fatigant. Cela ne ressemble pas vraiment à un film, c'est presque un carnet de dessins.

    J'y vais pour voir les acteurs: c'est étonnant de voir grandir des enfants devant les caméras.

    C'est pas le moment

    - samedi : une bouteille de tokaji
    - dimanche : une ménagère en argent, deux Balzac, le pendentif de mon grand-père offert à ma grand-mère pour ses fiançailles
    - lundi : contre-flood
    - mardi : ménage. Retrouvé Rex Stout (chic!)
    - mercredi : bah...

    Enfin une explication rationnelle

    Les années de treize lunes sont des années à temps médiocre.

    Nous sommes dans la troisième année consécutives comportant treize lunes. Voilà pourquoi le printemps et l'été sont médiocres.

    L'année prochaine, retour à la normale.

    Bac de français : sans illusion

    Je regarde son sujet : quatre ou cinq pages contenant quatre textes, une première question qui consiste à faire plus ou moins une synthèse de ces textes.
    Les pages du sujet sont comme neuves, comme si elles n'avaient jamais été lues, pas une phrase soulignée, pas un mot entouré. Mon cœur se serre, qu'a-t-il fait de l'année, où était-il pendant les corrections de devoirs?

    — Tu as travaillé comme ça, sans rien souligner ?
    — Oui oui, je fais toujours comme ça, je déteste le stabylo.

    Mais je ne parlais pas de stabylo.


    Interview d'un ami, qui confirme :
    — Mais oui, j'ai toujours fait comme ça, je ne crayonne ni les sujets, ni les livres!
    — Ah. Et tu as eu combien au bac de français ?
    — Euh... 6.

    vendredi 10 juillet 2009

    • pour lire

    Jakob Arjouni, Happy Birthday, Türke! (dans le métro)
    Friedriech Nietzsche, La Naissance de la tragédie (une heure tranquille)
    Deutsch Synonyme

    • Détour pour porter à Jérémy les livres confiés par Marie à la dernières soirées des Eglogues

    RC, Rannoch Moor
    RC, Corée l'absente

    Calculer la TVA à partir d'un prix TTC

    On vous apporte la note de restaurant.
    — Vous pourriez faire apparaître la TVA ?
    Le serveur repart et revient... avec une TVA fausse. Il a multiplié le TTC par le taux de TVA.

    Donc faisons simple.
    Deux nombres à retenir :
    • 0,1639 pour la TVA à 19,6 %
    taux par défaut, taux "normal"
    • 0,0522 pour la TVA à 5,5 %
    - produits destinés à l'alimentation humaine (à l'exception des produits dits de "luxe", comme la confiserie, certains chocolats et produits chocolatés, margarines et graisses végétales, etc. qui sont soumis au taux normal),
    - abonnements au gaz et à l'électricité,
    - abonnements aux réseaux de fourniture d'énergie,
    - équipements et services à destination des personnes handicapées.


    Ce sont les coefficients à appliquer au TTC pour obtenir la TVA directement.

    (Pour les incrédules et les nuls en maths (pas forcément les mêmes) :
    119,6 x 0,1639 = 19,6 (j'arrondis);
    105,5 x 0,0522 = 5,5 ).


    A partir du 1er janvier 2012

    • 0,0654 pour la TVA à 7 %
    - les eaux et boissons non alcooliques,
    - les produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture, et de l'aviculture n'ayant subi aucune transformation,
    - les produits suivants à usage domestique : bois de chauffage, produits de la sylviculture agglomérés destinés au chauffage, déchets de bois destinés au chauffage,
    - les aliments simples ou composés utilisés pour la nourriture du bétail, des animaux de basse-cour, des poissons d'élevage destinés à la consommation humaine et des abeilles, ainsi que les produits entrant dans la composition de ces aliments (article 31 de l'annexe IV du Code général des impôts),
    - les produits suivants à usage agricole : amendements calcaires, engrais, soufre, sulfate de cuivre et grenaille utilisée pour la fabrication du sulfate de cuivre, ainsi que les produits cupriques contenant au minimum 10% de cuivre,
    - les produits antiparasitaires, sous réserve qu'ils aient fait l'objet soit d'une homologation, soit d'une autorisation de vente délivrée par le ministre chargé de l'agriculture,
    - les livres,
    - les médicaments, préparations magistrales et produits officinaux non pris en charge par la sécurité sociale,
    - les oeuvres d'art, objets de collection ou d'antiquité,
    - la rénovation et réparation de logements privés de plus de 2 ans (article 279-0 bis du Code général des impôts).
    • 0,0206 pour la TVA à 2,10 %
    - médicaments remboursés par la sécurité sociale,
    - certaines représentations théâtrales,
    - publications de presse.


    A partir du 1er janvier 2014


    Voir ici un résumé des évolutions.
    - 19, 6% devient 20 %
    - 7 % devient 10 %
    - 5,5 % et 2,1% demeurent inchangés.

    Les coefficients à appliquer au TTC pour obtenir la TVA directement sont les suivants :
    • 0,1667 pour la TVA à 20 %
    • 0,0909 pour la TVA à 10 %
    • 0,0522 pour la TVA à 5,5 %
    • 0,0206 pour la TVA à 2,10 %

    Hep, les blogueurs influents, vous ne voudriez pas sauver une librairie ?

    Ou au moins faire un peu de bruit pour embêter la BNP ?

    Il y a quelques temps nous nous émûmes (sur FB) de la très probable disparition de la librairie de France à New York, institution qui valait Shakespeare and Co en France.

    La même chose est en train de se passer inversement en France, fort discrètement :

    Mais où sont les funérailles d'antan, chantait Brassens, un thème que ne reprendra sûrement pas la librairie Brentano's, fondée en 1895 par Arthur Brentano, et mise en liquidation judiciaire par son propriétaire, BNP-Paribas depuis le 12 juin dernier.
    « Nous sommes désolés de vous informer de la fermeture définitive du magasin », peut-on lire sur des feuilles A4 scotchées sur les vitrines de la boutique.
    Située avenue de l'Opéra, cette librairie historique et anglophone a été prise à la gorge par le propriétaire des murs, BNP-Paribas, donc et n'a pas pu payer un loyer réévalué de 7000 € à 20.000 €, selon les informations de MédiaPart.
    C'est à la suite d'une décision judiciaire datant de 2006 que la cour d'appel de Paris a accepté l'augmentation de loyer, sur la demande de la banque.
    « Merci de votre soutien et de votre fidélité pendant toutes ces années », achève laconiquement l'équipe de la librairie. Nous avons tenté de contacter l'établissement, mais en vain.
    Depuis lundi, le magasin a ainsi fermé ses portes.
    source : fabula

    Bon évidemment, je comprends qu'entre Roland Garros et la librairie Brentano's, la BNP n'hésite pas. Vendre des balles de tennis au profit des jeunes en difficulté est plus médiatique que leur offrir des livres (surtout des livres en anglais (sachant que la partie française de la librairie a été fermée en mars 2007)).

    Des souvenirs personnels m'attachent à cette librairie (dans laquelle j'ai essayé de me procurer en vain le Raul Hilberg avant qu'il ne soit traduit), mais également des traces littéraires : une fois encore je mets en ligne ces quelques lignes de la préface à Cartes postales, de Heny Jean-Marie Levet :

    Il y avait Maroussia, dont j'ai oublié le nom de famille. Je l'ai emmenée un jour à la librairie Brentano pour lui montrer les portraits de Walt Whitman. En sortant, le vendeur, qui était mon ami, me fit un sourire en hauteur et me lança un clin d'yeux qui me laissa tout déconcerté, et dont je n'ai pas encore compris le sens exact. J'aimais beaucoup la librairie Brentano; même, de mes dix-huit ans à mes vingt-et-un an, elle a été mon principal lieu de plaisir. J'aimais à me sentir dépaysé, à la façon de des Esseintes dans les bars et les brasseries anglaises de la rue d'Amsterdam. Du reste, nous éprouvions tous le besoin de nous dépayser; nous affections de ne considérer Paris que comme une de nos capitales, et secrètement nous nous apppliquions la phrase de Nietzsche: «Nous autres Européens». Ce n'était pas pour rien que notre revue allait s'appeler: «L'Œuvre d'Art International»! Oh, les belles Américaines que je frôlais parfois —Excuse me— entre les corps de bibliothèque de chez Brentano! Je rêvais, non seulement de me faire aimer d'elles, mais aussi de leur faire connaître la littérature française contemporaine, de leur traduire, en quel anglais et avec quel accent effroyable, tu vois ça d'ici, les «Moralités légendaires», ou même «Maldoror». Mais elles étaient peu préparées pour cela, je crois; peut-être même qu'elles ne connaissaient pas Whitman! C'était probable en effet, car en fait de poètes américains, c'était surtout Ella Wheeler Wilcox qu'elles achetaient. J'étais un des rares clients français de Brentano, je veux dire des clients assidus, qui venaient trois ou quatre fois par semaine. Après avoir eu à mon égard une attitude très réservée, on finit par m'admettre, et par me laisser fouiller partout, même au sous-sol. A vrai dire, presque tout l'argent dont je disposais passait là!

    Valery Larbaud, conversation avec Léon-Paul Fargue, en préalable à Cartes postales (Gallimard poésie), p.48

    mardi 7 juillet

    Catégorie dédiée à Dominique, qui me demande quand il me rencontre : «Alors, qu'est-ce que tu as dans ton sac aujourd'hui

    • Aller

    Joseph Conrad, Des souvenirs
    Jakob Arjouni, Happy Birthday, Türke!
    Friedriech Nietzsche, La Naissance de la tragédie
    Deutsch Synonyme

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    Jakob Arjouni, Happy Birthday, Türke!
    Friedriech Nietzsche, La Naissance de la tragédie
    Deutsch Synonyme
    Arno Schmidt, Cosmas ou la Montagne du Nord (bibliothèque Malraux)
    André Gide, Pierre Louÿs, Paul Valéry, Correspondance à trois voix (bibliothèque Malraux)
    Allan Bloom, L'âme désarmée - Essai sur le déclin de la culture générale (bibliothèque Malraux)
    le catalogue de l'exposition Roland Barthes 2002-2003 au centre Pompidou
    Claude Mauriac, Bergère ô tour Eiffel - Le temps immobile 8.

    Collage obsédant

    Parmi les phrases qui me hantent, qui reviennent comme des refrains imagés :

    - Jamais ! Jamais ! (Isabeau, héroïne des Passagers du vent, punie par les sœurs, à qui l'on demande de se repentir alors qu'elle est victime d'injustice).

    - Pas le couvent ! Pas le couvent ! (Une jeune épouse apprenant qu'elle est veuve, hurlant dans les couloirs de Versailles (récit d'Eve Ruggieri en 1986 ou 87: quelqu'un saurait-il qui est cette jeune femme ?))(réponse bien plus tard: La princesse Palatine (merci Laurent)).

    - Help me, Obi Wan ! (La princesse Leïa, projetée par R2D2 en un hologramme tremblant).

    Tonalités

    Vendredi : passé chez W.W. Smith acheter Teenvogue pour elle, bien sûr. (Trop tôt, le numéro n'est pas encore sorti en France). Erré à l'étage avec toujours le même pincement au c?ur de se rappeler soudain qu'il n'y aura plus de nouveau Harry Potter. J'essaie de me souvenir de l'époque où ce conte n'existait pas, c'est un peu comme imaginer la vie sans internet. Certaines choses paraissent avoir toujours existé dès qu'elles apparaissent.
    Acheté le dernier Reginald Hill en me jurant de finir d'abord mon policier germano-turc (pour l'instant, je tiens).

    Samedi : déjà trop loin, je ne sais plus. Rangement, rangement rangement. Sans doute les seuls à sortir un week-end de soldes pour ne revenir qu'avec des articles non soldés. Glace aux noix de macadamia. Crise. Je n'irai pas chez F. ce soir. (Un jour tout cela finira mal, je suis fatiguée. C?ur froid, dirait RC.)

    Dimanche : dormi. Pas assez, mais dormi, enfin.

    Lundi : parce que je dors debout je lis debout, pour ne pas m'endormir. C'est logique, ça?

    Emmanuel Pouvreau

    C'est amusant de redécouvrir La Défense treize ans plus tard. Les arbres ont poussé. Je ne me souvenais pas qu'il y avait autant de sculptures. Je vais m'asseoir dans la chapelle (ou l'église?), pour le plaisir.

    Entre l'église et le Cnit, je remarque une plaque :




    Je recopie pour Google :
    En hommage à Emmanuel Pouvreau, 1900 - 1962, industriel, fondateur du Cnit.
    Médaillon réalisé par Paul Belmondo
    Inauguré par M. Jacques Gautier, premier vice-président du Conseil général des Hauts-de-Seine, président du Conseil d'administration de l'EPAD
    Le 21 mars 2007

    Escalator de la Défense, matin

    Derrière moi deux jeunes femmes discutent :

    — Et il fait tellement chaud dans les transports en commun! Tu fais comment, toi?
    — Je me mets à poil. Je ne me rhabille qu'au moment de sortir du bus.
    — Ah c'était toi? Je me disais aussi, quelle popularité, cette ligne !

    Pour Chondre

    Mon grand-père est mort en 1997 d'un cancer de la vessie. Ce fut long et douloureux, physiquement mais aussi moralement. Il n'acceptait pas la déchéance de l'hôpital (des choses toutes simples, comme d'être nu dans une chemise d'hôpital devant les infirmières), et des années plus tard, mon oncle pleurait encore de remords en évoquant pépé le suppliant de le ramener chez lui pour mourir: «Pourquoi je ne l'ai pas fait? Je ne savais pas qu'il restait si peu de temps».
    Mon grand père était shooté à la morphine, mon père disait en souriant : «Je ne sais pas ce qu'ils lui donnent, mais je ne l'ai jamais vu aussi bavard.»

    Mon grand-père est donc mort. L'année précédente, il avait fêté ses soixante ans de mariage.
    L'une des phrases dont je me souviendrai toute ma vie est une réflexion de ma grand-mère: «Il était malade depuis longtemps, quatre ou cinq ans. Parfois quand j'allais le chercher pour déjeuner [nous sommes à la ferme], je le trouvais plié de douleur, assis sur un seau. Nous n'avons rien dit parce qu'on voulait qu'on nous laisse tranquilles.»

    Cette dernière phrase me fend le cœur. Elle vise ma mère, qui ne vit heureuse que dans le malheur, s'agitant alors avec beaucoup d'efficacité (reconnaissons-le: on ne peut la prendre en défaut pour tout ce qui concerne l'organisation matérielle) pour tout organiser à son idée, et pour faire la morale.1 (A sa décharge, il faut savoir que maman est la femme au caractère le plus faible de la famille: elle ne peut prendre sa revanche que lorsque tou(te)s les autres sont affaibli(e)s par la maladie. (Et encore. Elle n'a jamais eu le dessus avec ma grand-mère, sa belle-mère.))

    Pour ma part, j'ai fait promettre à H., s'il m'arrivait quoi que ce soit, de la banale appendicite à la maladie la plus grave, de ne pas prévenir mes parents, pour n'avoir pas à supporter ma mère.

    Ceci dans une sorte de contrepoint au billet de Chondre, dont je partage l'éclat de rire (je le comprends tout à fait), sans savoir cependant ce que je déciderais ensuite (sans doute d'aller voir le malade, malgré tout, moins par compassion que pour n'avoir rien à me reprocher).



    Note
    1 : Elle est du genre à être déçue si un grand fumeur ne souffre pas (à en mourir) d'un cancer du fumeur. Un beau caractère proustien, en somme, à la Françoise.

    Iran

    A lire oli2be jour après jour mon cœur se serre d'angoisse.

    Je songe à Tienanmen, bien sûr, mais aussi à ces marins prisonniers de la Baltique, à leur mort silencieuse vécue en directe, je songe à ce billet terrible de Gvgvsse, je songe à notre impuissance, permanente.
    Plus le temps passe, moins je me résigne, plus c'est douloureux : est-ce normal?

    Je songe à Boulgakov, Les œufs. Dans ce conte, les soviétiques ont inventé un incubateur qui permet d'obtenir des poulets dix ou vingt fois plus gros que la normale. A la suite d'une erreur, ce sont des œufs de serpents qui sont mis dans l'incubateur. Les serpents sont invincibles.
    En plein mois d'août cependant, un gel brutal met fin au cauchemar.

    Je ne suis pas sortie de la pensée magique, je ne suis pas sortie de la pensée mythique. J'espère encore les Mers rouges qui s'ouvrent et le gel en plein mois d'août.
    Cependant, je suis consciente de ce ridicule.

    Cette fois-ci ce n'est ni les blogs, ni FB, mais une liste de diffusion

    Il n'existe pas de n°1 à la rue Albert 1er au Pecq. Mais Google extrapole et nous assure que si.

    Soleil, après-midi à l'ombre (mais pas d'un seringa, réservé à Nabokov), discussions à bâtons rompus.

    Des sorbets et des casse-têtes. Un mur de Rubix-cubes comme je ne savais pas qu'il en existait (j'aurai dû prendre une photo — mais je n'avais rien pour photographier).

    Il faut lire Arno Schmidt (qui décrit l'enfer des écrivains trop connus, bloqués dans un entre-deux, incapables d'atteindre l'oubli et le repos).

    avril 2006 - juin 2009

    Parfois des malentendus se dénouent, et malgré le soulagement qu'on en éprouve, il remonte une insurmontable tristesse à être enfin justifiée, à ne pas l'avoir été si longtemps.

    Je n'aime pas

    — Vous aimez Lio ?

    Si je réponds non, on comprendra que je n'aime pas Lio, qu'elle me déplaît. Ce n'est pas le cas, elle m'est juste indifférente. C'est une absence d'intérêt, pas une détestation.

    Quelle syntaxe pour cette réponse ?


    (Et sur FB, ce "J'aime/vous n'aimez plus", qui me fait toujours sourire. Je pense à Renaud Camus et à son horreur des verbes transitifs utilisés intransitivement. Quand cette option "j'aime" est apparue sur FB, je me suis dit que je n'utiliserais jamais quelque chose d'aussi bête. Mais finalement c'est si pratique pour marquer l'assentiment, l'approbation, l'encouragement, c'est si pratique quand il est un peu nunuche d'aller écrire «J'aime beaucoup ce que vous faites», que cette option me manque ailleurs, je la cherche sur les blogs ou sur twitter. Cette option puérile est devenue la marque d'une certaine discrétion et d'une certaine gentillesse, d'une complicité: qui l'eût cru?)

    Un chien

    Quand son avant-dernier chien est mort, ma grand-mère a voulu le remplacer.

    J'ai assisté à ce dialogue entre ses brus, ma tante et ma mère (je ne sais plus si ma grand-mère était présente, j'espère que non, mais sa présence n'aurait pas arrêté ses brus):

    Ma mère : — Elle ne va pas encore reprendre un chien! Et qui va s'en occuper quand elle sera morte? Il faudra le mettre à la SPA!
    Ma tante : — Je fais passer le bien-être des vieilles personnes avant celui des chiens.


    Curieusement, certains passages de L'Isolation de Renaud Camus (concernant le métissage des populations, la disparition de la culture, etc) me font penser à ce dialogue : est-ce qu'un paysage est plus important que les gens?
    Et je repense au bombardement de Dubrovnik, qui a davantage ému que celui des populations, et au bombardement des territoires de Babylone, ce qui n'a guère ému les Américains…
    Et je repense à Saint-Exupéry, cet extrait dans Lagarde et Michard: personne ne voudrait d'un pont qui coûte la vie d'un homme, mais tout le monde le traverse.

    PCA : plan de continuité d'activité

    La semaine dernière, formation PCA : comment assurer le fonctionnement minimal vital de l'entreprise en cas d'incendie, de panne des ascenseurs (dans une tour de grande hauteur), de pandémie,…
    Très intéressant, très curieux, avec de multiples anecdotes que je songeais à raconter ici — mais j'ai tout oublié. (Par exemple, l'une des personnes mortes dans le récent accident d'avion brésilien était la spécialiste des terminaisons nerveuses de la patte d'écrevisse. C'est sur ce modèle qu'a été conçu le bras articulé de la navette américaine. Ou encore: le jour de l'attentat à Londres en juillet 2005, toutes les personnes en charge des plans d'urgence en cas de terrorisme à Londres étaient… à Paris. Notre formateur ne croyait d'ailleurs pas à un hasard. Mais il croyait que l'incendie du Crédit Lyonnais en 1996 était un vrai incendie — on ne me fera jamais croire ça. Etc.)

    Comment savoir ce qu'on vaut en cas de stress avant d'avoir essayé? Les personnes qui font beaucoup de sport, ou de la randonnée ou de la voile, peuvent le savoir: que deviennent-elles, qui deviennent-elles, quand elles sont très fatiguées, qu'il fait froid, qu'elles ont faim? En quelle personne mesquine ou magnifique se transforment-elles?
    De mes années à veiller sur des enfants très jeunes, je ne garde que ces réflexes devant quelqu'un qui s'énerve, devient irritable ou méchant: le couvrir, le nourrir, le faire dormir.


    Je m'attends à de la malveillance informatique. PCA. Je sauvegarde ce qui compte pour moi, des liens, des listes, des adresses. Tant pis pour le reste.

    Zut, c'est encore raté pour 22 heures, et même pour 23.


    complément le 9 juillet 2009 : un certain nombre de personnes arrive ici en tapant "plan de continuité d'activité".
    Voici un lien officiel afin de bâtir une trame de PCA pandémie en entreprise.
    Plus généralement, les fiches du site www.risques.gouv.fr pour préparer la pandémie de grippe.
    Et des conseils suisses.

    complément le 21 août 2009
    Toujours les Suisses : je remets ici un document de Swiss Ré publié en avril 2007.

    Les tortues

    La tortue de Floride qui a envahi nos cours d'eau fait des ravages car elle est agressive: si vous tendez le doigt vers sa tête, elle essaie aussitôt de le mordre.

    A l'inverse, la tortue terrestre de nos climats est pacifique et craintive: si vous tendez le doigt, elle rentre la tête.

    Je rêve d'une tortue mutante: qui ne rentre pas la tête mais n'essaie pas de mordre (avant de savoir ce qui se passe).

    Marie, Chistophe (off), Jérémy, Patrick, Clément, Camille et des canards

    Arrivé en retard. (Il faut dire que trouver le 200 quai de Valmy quand on ne connaît pas...) Ecouté Marie derrière la porte de peur de faire trop bruit en l'ouvrant. Coin Coin (comme dirait Camille. C'est très conceptuel, comme concept).
    Marie possède un amour de chauve-souris en peluche.

    Comment un ami de vingt ans (au moins) peut-il passer à un mètre dans votre dos, ne pas vous reconnaître et s'en aller? Je suis bien embêtée.

    Le long du canal beaucoup de jeunes buveurs.

    Failli obtenir un french kiss de J., mais bon, Patrick photographiait, on n'a pas osé.

    Songé à un sujet de mémoire: Supervielle et Jules Laforgue (et Lautréamont), l'influence de l'Amérique latine sur ces trois poètes.

    Encore du vélib.

    Rentrée à deux heures. Mal aux pieds.

    Sabre au clair

    Quelques vers de Victoria, chanson d'Higelin (l'album live de Bercy). A chaque bataille
    Au plus fort des combats
    Je n'ai jamais douté de toi

    Bien fait

    Racheté des cigarettes.
    Mal à la tête.
    Twitter ne marche pas.
    Où vais-je écrire mes bêtises?

    Dormir.

    On fera mieux la prochaine fois (peut-être).

    Tournoi de ping-pong en équipe: un faible, un fort. Un double, le faible joue contre le faible, le fort joue contre le fort. Des poules, puis un tableau.
    Nous sommes arrivés 28e sur 33.

    A venir : Double Change - Chris Tysh et Marie Borel le 19 juin

    Appas m'ayant fait prendre conscience que je n'avais pas fait de publicité pour Renaud Camus à l'Ircam, je vous invite à venir écouter Marie Borel (amie de Renaud Camus, ayant publié Les animaux de personnes avec Jacques Roubaud) au point éphémère.

    Vendredi 19 juin 2009 de 19:00 à 20:30,
    au Point éphémère, 200 Quai de Valmy - Paris, 10e.

    Après l'Ircam

    Un très bon Côte du Rhône après du champagne et des canapés (pas de canapés pour moi ? mais trois coupes (je n'aurais pas dû)). Un projet lancé en l'air qui ne retombera pas (et c'est parti : Cerisy 2010, lire les Eglogues), du moins j'espère. Autant en emporte le vent, Deep Purple, la chansonnette, Brassens, Berio, Machiavel, le pouvoir, la disparition des gauchistes en 1978,…
    On a quand même dû parler d'autre chose en trois heures, peut-être un peu trop ri pour m'en souvenir, le serveur entraîné par notre gaieté a proposé de nous photographier tous les quatre, et si ça continue je vais finir par aimer les photos souvenirs.

    C'était bien.

    En faire moins, plus lentement

    Je crois que j'ai trouvé un moyen simple de remplir ce blog : traduire les billets qui me plaisent, pour tous ceux qui se plaignent de ne pas lire l'anglais (en attendant de faire des progrès en allemand.)

    Ralentissez maintenant !

    1 - Prenez une tasse de thé, surélevez vos pieds et regardez par la fenêtre d'un air vague. Avertissement : ne pas mettre cela en pratique au volant.

    2 - Faites une chose à la fois. Rappelez-vous que le multitâche est une faiblesse morale (sauf pour les femmes qui ont des fonctions cérébrales supérieures.)

    3 - Ne vous laissez pas entraîner à répondre à des questions. Une réaction n'est pas une solution. Soupesez, prenez votre temps.

    4 - Apprenez notre Manifeste Lent.

    5 - Bâillez souvent. Des études médicales ont démontré beaucoup de choses, et sans doute que bâiller pourrait être bon pour vous.

    6 - Passez davantage de temps au lit. Vous aurez une meilleure opportunité d'y cultiver vos rêves (mais pas vos aspirations).

    7 - Lisez les histoires lentes.

    8 - Passez plus de temps dans votre bain (cf. la lettre du à ne rien faire. (Oui, c'est le point le plus difficile.)

    10. Evitez le trop grand sérieux. Riez, parce que votre passage sur terre n'a qu'une durée limitée.

    Prenez un bain

    There must be quite a few things that a hot bath won?t cure, but I don?t know many of them.
    Il doit bien y avoir quelques malheurs qu'un bain chaud ne peut apaiser, mais je n'en connais pas beaucoup.
    Sylvia Plath
    Cette phrase rencontrée au hasard des pages d'un blog que je feuillette ces jours-ci m'a fait sourire.

    Je me souviens que vers 1993, j'avais eu l'occasion de rencontrer une femme qui proposait je ne sais plus très bien quoi, des bilans de santé ou des conseils de beauté, ou peut-être de la psychologie, impossible de me souvenir. C'était sans doute dans le cadre de ces offres gratuites proposées par le comité d'entreprise, le genre de choses qui ne viendrait jamais à l'idée spontanément mais dont on se dit en passant devant le pannonceau "bilan trucmuche, trente minutes, gratuit": «bah, après tout, au point où j'en suis, pourquoi pas…»

    Il en était ressorti que j'étais épuisée et à bout de nerfs. La dame m'avait gentiment conseillé (finalement, elle vendait sans doute de l'aromathérapie): «vous devriez prendre des bains, un bain pas trop chaud avec quelques gouttes de lavande…», en poussant vers moi une petite bouteille.

    C'est alors que j'avais réalisé que l'idée de prendre un bain m'était devenue absolument exotique, étrangère: se détendre, se laisser aller, était inenvisageable, sauf à prendre le risque de se liquéfier complètement et de ne jamais plus émerger de la baignoire, de s'écouler par la bonde — enfin — soulagement et tentation.
    Puis le temps a passé.



    (Demain, je traduis à la va-vite les règles du site Ralentissez!.)

    L'affaire Courjault

    Tout m'effraie dans cette histoire :
    - de si bien comprendre le non-désir de maternité de cette femme, sa terreur à l'idée d'un nouvel enfant, sa sensation «d'être débordée» (sic);
    - d'imaginer sa folle solitude (trois grossesses sans que personne ne se doute de rien?), son autisme affectif; et le lien entre cette solitude et cette terreur de maternité;
    - de ne pouvoir imaginer, et de ne pas souhaiter imaginer, ce que ressentent les enfants vivants: se sentent-ils vraiment aimés, "choisis", ou se disent-ils que leur mère est folle, qu'ils l'ont échappé belle?

    Je songe à Beloved, de Toni Morisson.

    Jugement lapidaire

    — Ça baise allégorique, dans c'bouquin !

    Yvan

    Entre six et huit ans, j'ai beaucoup joué dans les dunes avec Yvan. On lisait le journal de Mickey, il préférait Mandrake et moi Guy l'Eclair, il était mon principal fournisseur de Langelot.
    Bien sûr nous jouions aux agents secrets. Le méchant dans les Mandrake de l'époque s'appelait Le Cobra. Pendant longtemps la signature d'Yvan s'est terminée par un cobra.
    Il avait les yeux très bleus, un visage rond, sa sœur lui avait cassé une incisive avec une boucle de ceinture.

    Il avait une particularité incroyable à mes yeux : il ne mentait jamais, même pour se tirer d'un mauvais pas, même pour éviter de se faire gronder. Je l'admirais beaucoup pour cela, j'aimais ne pas dire où j'allais et je mentais beaucoup, ou pour reprendre l'argument d'un petit garçon : — Pourquoi tu ne m'as pas dit où tu allais? — Parce que tu me l'aurais interdit.
    (J'ai bien peur de fonctionner encore sur ce mode.)

    Mais ce trait de caractère qui semblait si bien répondre à ce qu'on attendait de nous quand nous avions six ou huit ans n'a pas tardé à lui poser des problèmes. A l'usage, on se rend compte que ne jamais mentir n'est possible que si 1/ on est parfait 2/ on vit dans un monde parfait.

    Plus tard, alors que séparés par des centaines de kilomètres nous avions perdu contact, sa mère racontait à la mienne les problèmes rencontrés :
    « Il n'avait pas fait son devoir de math, mais quand la prof lui a demandé s'il l'avait oublié à la maison, il a répondu qu'il ne l'avait pas fait.»
    ou
    « Quand l'inspecteur lui a dit qu'il marquait trop le stop, il a répondu que la dernière fois on lui avait reproché de ne pas l'avoir assez marqué.» (Tant et si bien qu'il a raté son permis quatre fois et qu'on a vu le moment où il devrait repasser le code).

    Il a passé deux semaines en classe préparatoire (math sup) avant de décréter que c'était une boîte de fous et qu'il ne restait pas chez les dingues. C'était vrai, bien sûr, et dans un sens je l'admirais d'avoir le courage de tirer les conséquences pratiques de ce que nous pensions tous, d'un autre côté je lui en ai un peu voulu de céder si facilement: à quoi bon les héros de notre enfance si c'était pour abandonner si vite?

    Etc, etc. Il a fait plusieurs CDD mais n'a jamais réussi à se faire embaucher de façon définitive. Avec sa maîtrise MIAGE, cela doit faire plus de quinze ans qu'il est au RMI, qu'il vit dans un foyer, qu'il vient tondre la pelouse chez ses parents (agrégés de math et de français) le week-end. Eux ne parlent jamais de lui, il n'apparaît même pas sur les photos du mariage de sa sœur.

    Où est-il, que fait-il, nous n'osons pas poser la question.

    (J'ai trouvé son frère sur FB. Il vit en Australie et ressemble incroyablement à son père. Lui ne doit pas se souvenir de moi. Il était si jeune quand j'ai quitté le Maroc: trois ans, quatre ans? Il était la terreur des apéritifs familiaux, il terminait tous les verres restés sur la table ce qui était un peu dangereux vu son âge. C'est drôle de contempler la photo d'un parfait inconnu vivant à des milliers de kilomètres en sachant cela de lui.)


    Nous avons appris il y a quelques jours que V. quittait E., après plus de vingt ans de vie commune. J'ai aussitôt pensé à Yvan: pourvu que E. ne se laisse pas glisser.

    Que dire ?

    Mercredi soir : concert d'enfants.
    Jeudi soir: théâtre, Yves-Noël Genod.
    Jeudi et vendredi : colloque sur le kitsch.
    Samedi : exposition Marcheschi à Nemours.
    Dimanche : assesseur en bureau de vote.

    Perte de mémoire, glissements. Le quotidien se délite. Ebahissement et silence. Joie et pleurs. Etonnement. Silence.
    Menace du silence et tentation du silence.

    J'ai pleuré en apprenant la mort de David Carradine.
    Je me rends compte qu'à côté des gens dont je découvre qu'ils étaient encore vivants quand j'apprends leur mort, il y a ceux que je pense encore vivants bien que les sachant morts.
    Exemple: Paul Newman.
    Autre exemple : Jacques Martin.

    L'Inde envahit la Suisse

    Comme les régions où étaient tournées certaines scènes du cinéma bollywood sont devenues trop dangereuses à cause du conflit avec le Cachemire, les réalisateurs les filment en Suisse.
    La Suisse est en surproduction agricole mais le gouvernement maintient les subventions afin de conserver à La Suisse son image de vaches et de paturages.
    Cette image attire les touristes indiens via les films Bollywood.
    Une vache dégage davantage d'effets de serre qu'une voiture.

    C'est bon

    La jupe rose a tenu, malgré les trois ou quatre kilos de différence avec 1990.

    Joyeusement

    Je devrais avoir peur (superstitieusement j'ai peur de ne pas avoir peur, et j'ai peur d'écrire cela), mais je suis simplement joyeuse.
    Et épuisée.


    Ma première intervention dans un colloque : sur le kitsch, je présente quelque chose sur Théâtre ce soir.

    Visualiser le gaspillage

    Sans doute les plus extraordinaires photos que j'ai vues sur le sujet, les plus belles et les plus flippantes.
    Ne ratez pas l'explication en bas de chaque photo.

    Intoxication

    Arrêter internet est plus difficile qu'arrêter de fumer.

    Soir

    Faudrait que je m'y mette.

    Timidité

    J'ai regardé par la fenêtre grillagée de la porte les deux silhouettes qui discutaient.
    J'ai fait un pas en arrière pour ne pas être vue.
    J'ai regardé la sonnette qui donnait accès au sanctuaire, ne laissant aucun espoir d'une entrée discrète.
    J'ai fait demi-tour et je suis partie.

    Mnémotechnique

    — 06 65, je me le rappelle, 64, c'est 38 fois 2…
    — 38 fois deux, ça ne fait pas 64.
    — Non, ça fait 76. Moins 7, 69.
    — C'est ça, que tu appelles mnémotechnique?

    Twitter

    Comme j'essaie de passer moins de temps sur FB, je twitte (c'est logique, ça?)

    Diverses analyses s'étonnent que les gens ne restent pas sur Twitter et abandonnent très vite. Twitter serait fait pour vendre une "marque" (soi-même) et découragerait les personnes n'ayant pas une mentalité de star (je simplifie).

    Je crois plutôt que Twitter se heurte à deux problèmes: d'une part on ne peut pas (il ne faut pas) y entrer seul (puisqu'il s'agit de choisir qui on lit et d'être choisit par d'autres, il vaut mieux être plusieurs quand on commence: ce n'est donc pas l'outil pour découvrir les réseaux sociaux, il faut déjà être inséré dans un réseau); d'autre part il n'est pas traduit, ce qui reste un obstacle pour 80% de la population française (et pourtant, quel outil formidable pour tenir les grands-mères et les arrières-petites cousines au courant de la vie quotidienne! Enfin de l'information continue!)

    J'ai découvert un site qui met les twitts en dessin, un autre qui collectionne les phrases des twitteux dont les chevilles gonflent.




    piqué ici.

    La vertu non récompensée

    Depuis quelques semaines que nous essayons de mettre un peu d'ordre dans les papiers, dans les pièces, dans la vie en général, les pépins ne cessent de pleuvoir; à croire que décidément la seule façon de vivre valable pour nous, c'est de courir au milieu du chaos, sauter par dessus le ravin pour échapper aux flammes, gravir l'escalier qui disparaît sous nos pas, s'engager sur la corde raide sans regarder l'abîme, courir plus vite que les ennuis sans regarder ni à droite ni à gauche, et surtout ne pas ralentir pour bêtement prendre le temps de faire son lit ou la vaisselle.

    Je songe à certaines vies si réglées, si rangées, aux tantes vieilles filles qui racontent sur leurs cartes postales la tonte de la pelouse (j'allais écrire le tondage, Ségolène sors de mon corps!) et la visite annuelle du chien chez le vétérinaire, et dont le grand événement de leur vie a été le jour où leur voiture a été volée. Je songe à nos cinq ou six vols de la voiture ou dans la voiture, l'année où tout le monde (sauf moi) a eu droit à son plâtre ou ses points de suture, aux divers problèmes financiers résultant de la conjonction d'un rappel d'impôts, d'un changement de mutuelle et, plus exotique, d'un changement de régime de sécurité sociale, je me dis que ça les rendrait folles mais que dans le fond, tout cela n'est pas grave. Ce n'est pas grave, «tant que la santé va, tout va»1, ça passera, et de toute façon, nous sommes mortels.

    Mais c'est fatigant. Il faut s'en occuper, tout se passe comme si le temps gagné grâce à la mise en ordre du quotidien devait se perdre dans le traitement de l'exceptionnel.

    Faut-il arrêter de mettre de l'ordre, faut-il, en application de la loi du chaos2 mais à l'encontre des préceptes issus de générations de vies ordonnées et méticuleuses, vivre plus ou moins au jour le jour, comme nous le faisons depuis dix ans, et arrêter de vouloir ressembler à une famille modèle? (En moi le fantasme de la famille modèle combat l'horreur de la famille modèle; j'aimerais y ressembler mais cela m'ennuie d'avance: est-ce cela qui génère les ennuis?)


    Notes
    1 : Ce cliché a arrêté de me faire sourire depuis que j'en ai expérimenté la profonde vérité: quand la santé ne va pas, non seulement le présent s'arrête, mais le futur se fige.
    2 : «je me garde […] d'attirer l'attention des implacables gardiens des lois de l'entropie. En outre, je laisse toujours une partition a l'état de chaos complet sur mon disque. Ce sacrifice aux dieux du désordre m'a jusqu'à présent évité leurs foudres.»

    Temps mort

    Week-end fini. Rien à signaler. Il fait chaud. Dans un moment d'optimisme, j'ai sorti les vêtements d'été.

    J'ai découvert une nouvelle façon de procrastiner: au lieu de bêtement buller sur FB, j'avance sur des sujets secondaires. Toujours ça de pris.

    (Ceci est un billet inutile. Mais trois ans de blog, quand même.)

    Question: est-ce bien sérieux d'aller travailler demain avec une serviette avec des hérissons bleus? La tentation est grande.

    Le jour de la serviette : hommage à Douglas Adams

    Le 25 mai, tous les amoureux du Guide galactique1 se promèneront avec une serviette: c'est towelday. Les fans de [Douglas Adams| célèbrent ainsi sa mort, survenue le 11 mai 2001: le temps de se donner le mot, et quinze jours plus tard naissait le premier towel day.

    Lundi, les Parisiens et banlieusards les plus accros pourront se retrouver gare du Nord à 20h30. Pourquoi une serviette? Parce que c'est l'objet le plus important quand vous faites du stop à travers la galaxie. Par cet objet vous renvoyez une image de sérieux, d'auto-stoppeur à qui l'on peut faire confiance.





    La serviette … est sans doute l'objet le plus vastement utile que puisse posséder le routard interstellaire. D'abord par son aspect pratique : vous pouvez vous draper dedans pour traverser les lunes glaciales de Jagran Bêta ; vous pouvez vous allonger dessus pour bronzer sur les sables marbrés de ces plages irisées de Santraginus V où l'on respire d'entêtants embruns ; vous pouvez vous glisser dessous pour dormir sous les étoiles, si rouges, qui embrasent le monde désert de Karafon; vous en servir pour gréer un mini-radeau sur les eaux lourdes et lentes du fleuve Mite; une fois enfilée, l'utiliser en combat à mains nues ; vous encapuchonner la tête avec afin de vous protéger des vapeurs toxiques ou bien pour éviter le regard du hanneton glouton de Tron (un animal d'une atterrante stupidité: il est persuadé que si vous ne le voyez pas, il ne vous voit pas non plus — con comme un balai, mais très très très glouton) ; en cas d'urgence, vous pouvez agiter votre serviette pour faire des signaux de détresse et, bien entendu vous pouvez toujours vous essuyer avec si elle vous paraît encore assez propre.

    Plus important, la serviette revêt une considérable valeur psychologique: si pour quelque raison, un rampant (= non routard) découvre qu'un routard a sur lui une serviette, il en déduira illico que ce dernier possède également brosse à dents, gants de toilette, savonette, boîte de biscuits, gourde, boussole, carte, pelote de ficelle, crème à moustiques, imperméable, scaphandre spatial, etc. Mieux encore, le rampant sera même heureux de prêter alors au routard l'un ou l'autre des susdits articles (voire une douzaine d'autres) que ledit routard aurait accidentellement pu "oublier"; son raisonnement étant que tout homme ainsi capable de sillonner de long en large la galaxie en vivant à la dure, de zoner en affrontant de terribles épreuves et de s'en tirer sans avoir perdu sa serviette ne peut être assurément qu'un homme digne d'estime.

    Douglas Adams, Le Guide galactique, p.40-41
    Alors à vos serviettes!


    Note
    1: Philippe Gloaguen, le fondateur du Guide du routard, a interdit que le livre s'appelle en français le Guide du Routard intergalactique, ce qui devrait être son titre.

    Laurence

    Hier soir m'attendait une lettre de ma mère contenant une carte postale et un faire-part de décès découpé dans le journal. Date de la messe, une fois de plus la date de la mort m'échappe : Laurence, 22 juin 1966 - mai 2009. Il me semble que maman m'avait parlé d'un cancer il y a quelques temps. Je n'avais pas fait très attention : un cancer, ça se "guérit" (enfin, ça s'ampute), non?
    Laurence était avec moi en terminale C. C'était une élève moyenne. Elle voulait faire médecine. Notre professeur de physique, la redoutable mademoiselle Guilbert, ne manquait jamais une occasion de lui rappeler son opinion: «Médecine? mais vous n'y arriverez jamais, ce n'est pas pour vous».
    Des années plus tard, Laurence m'a confié qu'elle avait failli envoyer à Guilbert une invitation à sa soutenance de thèse.

    Entre-temps, elle s'était spécialisée dans la rééducation des handicaps neuro-psychiatriques. Je l'avais eu au téléphone peu après la naissance de mon premier enfant, et alors que je lui faisais part de certains choix concernant mon accouchement, elle avait eu cette phrase qui m'avait fait frissonner rétrospectivement: «J'oublie toujours qu'une naissance peut bien se passer et qu'un enfant peut être normal».
    A l'époque, elle travaillait en réanimation néonatale.

    La dernière fois que je l'ai vue, c'était par hasard, aux Galeries Lafayettes. Elle était habitée par son métier, elle m'avait parlé du courage des malades les plus atteints, des jérémiades de ceux qui n'avaient comparativement que des affections sans gravité.

    Je pensais à elle de temps en temps. J'avais reçu un faire-part pour la naissance de son fils Quentin (1993), je me demandais si elle avait eu d'autres enfants tout en pensant que son métier était trop prenant pour cela.
    Le faire-part de décès m'apprend que j'avais vu juste.

    J'ai interrogé FB, trouvé son fils. J'ai imaginé le chagrin de ce garçon inconnu de quinze ans. J'ai contemplé sa photo et je me suis dit qu'internet donnait des réflexes bizarres.


    Nous étions vingt-quatre en terminale.
    Vingt-trois maintenant.
    Et je sais qu'à chaque nouvelle mort je me poserai la même question: pourquoi? pourquoi lui? pourquoi elle?; et de le savoir me fatigue de moi-même.

    Occlusion intestinale

    De la fin des années 80, j'aurai adopté deux produits: les Dim-up et les bouchons d'oreille en mousse (par opposition aux boules Quiès, en cire).

    Le bouchon d'oreille a de multiples avantages, en tout premier lieu celui de ne pas vous faire entendre votre propre cœur, ce qui est le défaut principal des boules Quiès.
    Généralement je n'en mets qu'une, car il s'agit moins pour moi de ne pas entendre que de me dés-intéresser, de cesser d'être sur le qui-vive. J'en mets également en cas de grande fatigue au milieu d'un entourage surexcité, afin d'éviter de commettre un meurtre (applicable aux petits déjeuners dominicaux, aux voyages en TGV, aux bureaux en open space, etc, les personnes à assassiner n'étant pas toujours les mêmes).

    Les bouchons d'oreille ont un inconvénient: les chattes les adorent et les avalent, sans que j'aie déterminé si c'était l'odeur de la mousse ou les traces de cérumen qui leur plaisaient.
    Ensuite elles vomissent, le bouchon gonflé de sucs gastriques et la pâtée pour chat.
    Beurk.

    Pour l'Europe : un peu de politique

    Je m'aperçois que j'ai si bien assimilé les principes républicains qu'il ne me vient jamais à l'idée d'exposer mes opinions religieuses ou politiques, elles font pour moi entièrement partie de la sphère privée, et un blog est déjà public.
    D'autre part, il me semble que chacun choisit le parti pour lequel il vote en fonction de son histoire personnelle, avec sa raison et son cœur, et qu'il n'y a aucune raison de vouloir le faire changer d'opinion. La sienne est forcément la meilleure pour lui, c'est celle qui lui convient le mieux, tautologiquement.
    Bref, je suis une bien piètre militante.

    Cependant cette fois-ci je vais faire une exception. J'ai trop regretté de n'avoir pas bataillé plus ferme lors du referendum sur l'Europe, ahurie que j'étais par la mauvaise foi et la violence des partisans du non (surtout, je ne croyais pas, je n'ai pas cru un seul instant, que le non pouvait l'emporter. C'était impensable, pas en France, pas la France).
    L'Europe est un rêve, mais c'est un rêve avec des bases techniques et juridiques complexes, alambiquées, rendues plus alambiquées encore par les différences de langues et de traditions qu'il faut respecter. Elle se met en place lentement, à coups d'essais et de reprises, tant bien que mal d'élections en élections (car elle subit tous les à-coups dus aux changements d'équipes en place, à la fois ceux résultant des élections nationales dans chaque pays et ceux résultant des élections européennes).

    Et je suis un peu agacée de savoir que ce que lui reprochent ses détracteurs, c'est-à-dire d'être compliquée et de se mettre en place lentement, est justement ce que ces mêmes détracteurs ne lui pardonneraient pas si elle allait vite, c'est-à-dire si elle écrasait tout en imposant tyranniquement sa volonté sans tenir compte des particularités nationales (perspective inenvisageable quoi qu'il en soit, l'écrire le fait percevoir immédiatement): la lenteur et le compliqué sont son handicap, sa contrainte et sa force, l'assurance de liens noués solidement. Après tout, le chemin parcouru en cinquante ans est impressionnant.

    C'est donc un rêve qu'il faut protéger et défendre.

    Je me rends compte que ce rêve est devenu pour moi inséparable d'internet et de la littérature, qu'entre les colloques réunissant des Espagnols et des Hollandais pour parler de la forme (littéraire et artistique) dans le bocage normand, des Ukrainiennes et des Italiens pour évoquer Poe à Nice, des Tchèques et des Allemands pour étudier la patristique à Paris, entre les projets Erasmus des uns ou Brigitte Sauzay des autres, entre les heures passées sur FB ou sur des blogs, l'Europe est devenue quelque chose de vivant et d'impalpable, que je serais très malheureuse d'abandonner, même si je peste à l'idée qu'ils ont autorisé que le chocolat belge surgras soit appelé "chocolat" (et autres râleries du même acabit).

    Réunion du Modem ce soir (j'ai ma carte, si si). Marielle de Sarnez venait à Yerres, avec pour invité d'honneur Sandro Gozi, député européen italien, qui devait nous parler d'économie tout en illustrant la volonté de différents partis nationaux de s'unir pour un véritable projet européen.
    Le slogan est simple: l'Europe économique doit être au service de l'Europe sociale. Sandro Gozi a très justement appelé à une harmonisation des fiscalités permettant de donner un sens à un espace économique de libre circulation. Il souhaite également que l'Union européenne puisse être représentée par une unique personne lors des sommets internationaux (comme le G20), plutôt que de présenter le ridicule d'être accompagné de représentants de chaque pays européen. Etc, etc: toute la difficulté est de trouver un équilibre entre ce qui est de l'ordre du projet (à court ou moyen terme) et ce qui est de l'ordre de l'horizon (ceux vers quoi l'on doit tendre, même si c'est à trente ou quarante ans).

    Quoiqu'il en soit, mon but ici n'est pas de vous convaincre de la pertinence des idées du Modem, mais de vous adresser une seule prière, de vous geuler une seule injonction: allez voter le 7 juin! Pour qui vous voulez, mais allez voter!


    Rappel : le traité de Lisbonne en 10 fiches, une revue de presse de la presse européenne et un site clair présentant les élections.


    Un petit mot de Rémi.

    Appel en faveur de Guillaume Cingal

    Certains d'entre vous ici connaissent Guillaume Cingal, maître de conférence à Tours, spécialiste de littérature africaine anglophone et ami1.

    Ces derniers mois, Guillaume s'est beaucoup investi dans les protestations contre le projet de réforme des universités.

    J'apprends ce soir l'histoire suivante:
    Le 31 mars 2009, Guillaume Cingal, directeur du département d'anglais à l'Université de Tours, avait organisé avec une collègue la proclamation solennelle des démissions de 75 universitaires de leurs responsabilités administratives et pédagogiques. Cette cérémonie, qui s'est déroulée sur le parvis des facultés de Lettres & Langues et d'Arts & Sciences humaines (site dit « Tanneurs ») en présence des médias, a été suivie d'une remise officielle de la liste des démissionnaires à la Présidence, puis d'une « Ronde des Pitoyables » sur la place Anatole-France. Un incident ayant éclaté entre les policiers et un SDF lors de cette ronde, Guillaume Cingal s'est approché de l'attroupement et a cherché à prendre des photos ; dans la confusion, il a été frappé au ventre par le policier qui avait contrôlé son identité sous prétexte que chercher à prendre une photographie était un acte répréhensible.
    Victime d'un malaise, il a été transporté aux urgences, mais à sa sortie de la clinique l'attendait un fourgon de policiers qui lui ont proposé de l'emmener au Commissariat pour porter plainte. Une fois là-bas, il a été mis en garde à vue pour « rébellion, outrage et violence sur policier ».
    La suite est disponible sur un site qui accueille des pétitions en ligne. (Bien entendu, Guillaume n'est pas l'auteur de cette pétition).



    Note
    1 : GC, ici, c'était lui.

    Moi mes souliers...

    Ce matin, à la recherche du point de vente SNCF au deuxième étage des Quatre-temps à la Défense, je contemplai incrédule l'épaisse moquette rouge sang couvrant la largeur de l'allée. De la moquette dans un centre commercial?
    Tout est si propre, si beau, si aseptisé, tout se ressemble tellement, tout brille. Depuis combien d'années n'avais-je pas mis les pieds dans un centre commercial?


    Pourquoi, entre 2001 et 2003 à peu près, ai-je systématiquement acheté des chaussures trop petites d'une demi-pointure?
    Deux paires sont dans un carton. J'essaierai de les vendre sur e-bay en septembre (je n'ai jamais rien vendu sur e-bay: quelle aventure!1.)
    Je porte la troisième. J'ai mal aux pieds. Comme je suis têtue, je ne veux pas m'en débarrasser avant qu'elles ne soient usées. Elles résistent, les bougresses.
    Avoir mal toute la journée fatigue, surtout dans les transports en commun.
    Je pense aux Chinoises, à la petite sirène.


    Suite à une remarque de Gilda, j'ai créé aujourd'hui un twitter destiné à ma mère.
    Reste plus qu'à prévenir ma mère.


    Note
    1 : citation tirée de la fin de L'homme de Rio (je ne pense pas que quelqu'un l'aurait identifiée.)

    Dur mois de mai

    Je vois mes soirées s'évaporer en réunions diverses tout le long du mois.
    Je ne sais plus quel engagement j'ai pris pour la Pentecôte. C'est ballot, comme dirait Zvezdo. (Un peu inquiète, en fait).

    Paradoxe

    Dans une tour dont les fenêtres ne s'ouvrent pas avec un restaurant d'entreprise au sous-sol, les seuls salariés à respirer le grand air dans la journée sont ceux qui sortent fumer.

    A votre avis ?

    Et soudain, ce week-end, la question a surgi : la femme de Monsieur Propre est-elle une MILF ?

    Hubert

    Le père de Paul Rivière avait deux frères. Tous les trois sont partis à la guerre en 1914 et, plus rare, tous les trois en sont revenus. Tous les trois se sont mariés en 1919 et trois enfants sont nés en 1920 et 1921.
    Les trois cousins étaient proches. Depuis dix ans que je déjeune avec Paul, il m'a souvent parlé de Hubert, ambassadeur à la retraite, de sa femme E., paraplégique et néanmoins accomplissant ses devoirs d'ambassadrice avec une parfaite dignité, et de leur majordome camerounais, qui avait souhaité les suivre après les avoir rencontrés en poste en Afrique.
    Hubert est mort début avril. Alors qu'il était tout à fait improbable que je le rencontrasse jamais, je ne peux que penser «Il est trop tard, maintenant je ne le rencontrerai plus», et c'est une idée étrange, tant je me suis habituée, à fréquenter internet, à finir par rencontrer les inconnus qui peuplent mon univers.
    Il est mort début avril et Paul me l'a caché, sachant que cela me ferait de la peine.
    J'avais bien vu que Paul n'allait pas très bien. J'avais attribué cela à la fatigue, c'était du chagrin.

    Paul avait déjà perdu son frère aîné en janvier. Cette seconde mort l'accable. Hubert était son dernier refuge, celui qui n'était jamais trop occupé pour ne pas le recevoir, celui qui partageait ses plus anciens souvenirs.


    Paul regrette que l'euthanasie soit interdite en France. Son défaut est l'impatience; il est entièrement tourné vers l'action, et même attendre la mort l'impatiente.
    — Vous êtes en excellente santé. Même si elle était autorisée, vous n'y auriez pas droit.
    — Mais à quoi bon? Qu'est-ce que je fais là?
    Je ris.
    — Vous avez de la chance de vous poser la question maintenant. Certains se la posent à quinze ans.
    — Et ils arrivent à vivre soixante-dix ans comme ça?

    Ma pire expérience professionnelle

    En 1991, j'ai été trois mois responsable paie chez Cedi sécurité (nom commercial: Alarme 2000), une PME familiale à Aubervilliers.

    Ce fut très instructif. J'y ai appris que certains commerciaux (nombreux) payés à la comm' se voyaient remettre des bulletins de paie à zéro tandis que d'autres (très peu, deux ou trois) roulaient en Porsche, que la famille du patron avait toujours raison, que les quarante-deux francs nets reversés à l'origine pour contre-balancer l'impact de la CSG ne devaient être décomptés qu'à partir de huit heures de travail (quota que n'atteignaient pas certains étudiants venant tenter le télé-travail) et qu'ils étaient ensuite proratisés en fonction du nombre d'heures de travail et arrondis (ce que ne savait faire aucun logiciel), que les soldes de tout compte devaient être calculés de plusieurs façons afin d'utiliser la plus favorable au salarié, que les trente jours de congés payés étaient des jours ouvrables, que le nombre d'heures de travail par mois était égal à 52 semaines / 12 mois x 39 heures (à l'époque), etc, etc.
    J'en ai conservé une profonde horreur de la fonction paie et un grand respect pour les personnes chargées de cette tâche ingrate et très technique.

    Les frères du patron travaillaient dans les ateliers, sa belle-sœur dans le bureau en face du mien. Elle était méchante et raciste et fumait comme un poêle (lorsqu'une stagiaire noire est arrivée, elle a mis un petit panneau sur l'une des portes des toilettes: «réservé aux CDI»). Son cocker dormait à ses pieds. Un jour il avait pissé sur le bas de pantalon d'un salarié, et sa maîtresse en riait encore quand elle racontait l'anecdote. Je pense souvent à elle: a-t-elle eu un cancer du poumon?

    Mon supérieur hiérarchique m'avait expliqué qu'il y avait tout intérêt à embaucher des personnes de 55 ans: elles avaient si peur de perdre leur emploi qu'elles étaient parfaitement dociles et l'on était sûr de ne pas s'encombrer pour plus de cinq ans au cas où il faille "alléger la masse salariale", comme on dit pudiquement.

    Nous allions déjeuner dans un restaurant arabe au milieu des garagistes carrossiers maquilleurs de voitures volées (le mur (de Berlin) était tombé deux ans plus tôt, le vol de voitures était en plein essor), j'avais l'impression de me retrouver à Levallois dans un roman de Gustave Lerouge ou Léo Mallet, c'est l'époque où Gainsbourg est mort, mars ou avril, la serveuse du restaurant a gagné quatre millions de francs au quinté+ avec une copine.


    Il y a deux ou trois ans, j'ai rencontré B. par l'intermédiaire de H. (Il est devenu l'autre actionnaire de "ma" société.) Par hasard et par extraordinaire, il avait travaillé chez Cedi comme commercial, vendant des systèmes de surveillance en porte à porte.
    Il nous a raconté les pratiques apprises en formation chez Cedi (le forcing, l'intimidation des vieilles dames, etc.) Il nous a donné les critères qu'on leur recommandait de prendre en compte pour choisir leur potentiel client victime durant leur porte à porte: le nain de jardin et la parabole. «Et s'il y avait en plus un portail électrique, nous n'avions pas droit de rater la vente!»

    Je pense souvent à cette entreprise. J'en rêve la nuit.

    Inquiétude

    La première chose que je vois en arrivant chez moi ce soir est la lunette arrière de ma voiture fracassée avec une telle force que le pare-brise est décollé de la carosserie.

    Je rentre dans la maison, interpelle : «Vous êtes au courant? Vous avez entendu quelque chose?»

    Personne n'a rien entendu. A priori cela s'est produit entre 18 et 20 heures. Vengeance ou vandalisme?

    Fête de famille

    Tentative d'instaurer une tradition, pourquoi pas.
    Réécriture de l'histoire: il est vrai que nous sommes réunis au nom de la grand-mère disparue, il est vrai qu'elle serait enchantée de nous savoir là, petits-enfants et arrières-petits-enfants, il est faux de penser qu'elle "aurait aimé voir ça", je ne me souviens, moi "la pièce rapportée", que de brouilles et de lettres vengeresses du temps où elle était en vie.
    Mais si certains le pensent nous nous taisons tous, et nous passons vraiment un bon moment, dont quelques longues minutes à réexpliquer aux plus jeunes qui est qui (— Doudou c'est mon beau-père — Ah, ouuiii! — C'est vous la mère d'Harry Potter?), et qu'ils oublient aussitôt comme de juste.

    Cette année un cousin nous accueillait chez lui, à la ferme. Poules et brebis. Je me rends compte que ce qui me manque le plus, ce sont les odeurs (et particulièrement les odeurs mécaniques, l'odeur de la graisse froide des outils et celle du cuir, puis celle des bêtes). Passé un long moment à regarder les agneaux, à les écouter bêler comme des bateaux perdus dans la brume: l'identification de la mère se fait à l'oreille. Ri à voir les agneaux de deux jours s'abattre dans l'herbe, plats comme des descentes de lit, une heure après leur première sortie au grand air.

    Toujours cette curieuse sensation, ce complexe à double sens: complexe de l'intello qui a peur de se faire mépriser par les "manuels", les gens de la terre, "ceux qui travaillent", peur que les "manuels" se sentent méprisés par les gens des villes, les intellos.
    C'est stupide, cela leur est bien égal, je n'arrive pas à vivre simplement dans l'instant.
    Toutes ces odeurs et toute cette ambiance me rappellent la ferme tant aimée. Je médite sur cette vie au rythme si différent. Est-elle vraiment tentante? Non pourtant, j'ai trop dans l'oreille les paroles de ma grand-mère: «C'est trop dur, la terre, je ne voulais pas que les garçons restent ici, c'est trop dur».
    C'est étrange de se dire que la génération suivante manifeste des velléités d'y retourner.

    Chignon

    Le fait de porter un chignon ou simili empêche de ne jamais appuyer sa tête sur les dossiers, fauteuils, murs, etc.
    Peu à peu le torticolis menace.

    Départ

    Vidé mes tiroirs. Il y a si longtemps que je suis partie que je n'éprouve rien d'autre que le stress d'oublier quelque chose.

    Effacé mes cookies, mon historique, mes fichiers temporaires. Sauvegardé mes favoris (professionnels). Rempli ma clé USB.

    Pris des bonnes résolutions (ne s'autoriser que les twitts du bureau… :-)

    AG de l'Association des amis de Cerisy

    Elle avait lieu ce soir, dans la salle des commissions de la Bibliothèque nationale. Ce lieu était l'un des motifs de ma venue, et j'ai eu raison, car l'année prochaine la salle sera en travaux.

    Rapport moral, rapport financier. Cette année l'association est en déficit de 50000 euros, après trois ans d'excédents. Ce déficit correspond peu ou prou à l'arrêt brutal en 2008 des subventions de l'Etat aux emplois aidés. «Or, continue le trésorier, avec la hausse brutale du chômage, les exonérations de charges sont de nouveau à l'ordre du jour, nous espérons donc que de ce point de vue, l'année prochaine sera meilleure.»

    Les colloques de l'année sont présentés un par un. L'association est inquiète: quelles conséquences aura la crise? Les gens vont-ils rester en France et venir à Cerisy, ou faire des économies tous azimuts et ne pas s'inscrire? Nous sommes invités à faire de la publicité. (Dans un sens c'est cher. Dans l'autre... une semaine ou dix jours logés et nourris (abondamment), dans la campagne la plus calme, l'air le plus propre, parmi des gens passionnants et passionnés... c'est beaucoup mieux qu'une semaine au club Med).
    Si je pouvais je suivrais le colloque sur Mauss, celui sur la jeunesse, celui sur Rilke, et sur Coutances, et sur la grammaire.
    Avis aux étudiants: ce colloque-là est subventionné généreusement, renseignez-vous auprès des organisateurs.

    En sortant je contemple la statue de Jean-Paul Sartre dans la cour, puis je rejoins les Halles par le Palais Royal.


    Litote

    — Cette année l'été a été un peu moins beau en Normandie, certains diraient humide.

    Les dents de l'Alzheimer

    «Ma mère ne peut plus s'habiller toute seule. Elle met son chemisier à l'envers et enfile ses bras dans les jambes de son pantalon. Quand je lui donne un stylo, elle le tourne dans tous les sens sans savoir quoi faire avec»: l'apraxie fait partie des signes de la maladie d'Alzheimer.

    Pour rechercher une apraxie chez ses patients qui ont des troubles de la mémoire, un médecin avait un truc qu'il estimait infaillible: «Imaginez que vous tenez une brosse à dents dans la main et montrez-moi comment vous vous brossez les dents», leur demandait-il. Les patients qui n'ont pas d'apraxie font le geste de tenir une brosse à dents, puis bougent leur poignet de droite à gauche puis de haut en bas devant leurs dents. Les patients qui ont une maladie d'Alzheimer, incapables d'imaginer une brosse à dents dans leur main, font le geste de se brosser les dents avec l'index.

    Un jour, questionné par sa grand-mère de 97 ans sur l'Alzheimer, le praticien lui raconte le coup de la brosse à dents: «Essaie, Mamy. ? Tu veux dire comme ça?», réplique-t-elle du tac au tac en faisant mine d'enlever son appareil dentaire et de le brosser. Éclats de rire… Un autre jour, un professeur de physique fait lui le geste de tenir une brosse à dents mais s'arrête, immobile, devant ses dents. «Professeur, montrez-moi comment vous vous brossez les dents! ? Mais, docteur, j'ai une brosse à dents électrique!»

    Dr Emmanuel de Viel, rubrique "L'histoire du jour" du Quotidien du médecin du 23 avril 2009
    dédié à Chondre et à sa grand-mère.

    Dernière incohérence

    C'est encore plus amusant que je ne le pensais: le recrutement pour mon remplacement n'a été lancé que vendredi, ma collègue est en vacances la semaine de mon départ, on m'a demandé (avec des supplications dans la voix, ce qui m'a fait plaisir) s'il était possible que je prépare à l'avance un certain nombre de travaux dont la diffusion est prévue les 15 et 30 mai… sans compter ceux qui sortent après-demain : soit faire en quatre jours le travail de quarante-cinq (ma hiérarchie devrait s'interroger soit sur mon efficacité, soit sur mon sous-emploi).

    Lu un livre de bibliothèque verte, ça repose.

    Le temps se fait court

    Dernière semaine dans mon poste actuel, je viens de réaliser qu'elle ne va comprendre que quatre jours: le temps de boucler les échéances habituelles, à peine le temps de me pencher sur un document que j'ai eu la folie de proposer de préparer pour lundi en huit, dans un domaine que je ne connais qu'en théorie, une théorie étudiée il y a vingt ans.

    Aucune nostalgie, aucun regret. Etrange de ressentir à ce point le désir de partir. La seule chose qui me manquera sera mon scanner.

    Retour

    Toujours le même plaisir du train de nuit — que je suis seule à goûter, grâce à mon sommeil inébranlable.

    Tarte aux fraises, lessive, nettoyage de FB, envie de tout laisser tomber. Il ne faut pas céder: si pour le mois à venir mes soirées me paraissent trop remplies pour bloguer, que ferai-je dans un mois? (Mais à vrai dire, j'ai des idées (au moins une)).

    J'ai toujours l'impression de laisser un peu de moi dans les endroits aimés, un moi qui continue à y vivre à la façon de L'Invention de Morel, sur des anneaux de temps parallèles.

    Dernier jour

    Les vacances consistent souvent à vivre plus ensemble que d'habitude dans un espace plus petit. Que faire lorsqu'on se réveille plus tôt que la maisonnée, où trouver un endroit pour lire ou écrire sans déranger les endormis?
    C'est ainsi que dès le mardi (lundi de Pâques: chiuso) je pris mes quartiers d'aube au café du coin, avec un col roulé et des photocopies d'articles de Broch. H. m'a rejoint deux jours après, ayant constaté que c'était le seul moment et le seul endroit où il pouvait travailler. Je m'entendais suffisemment bien avec le serveur (un sourire éclatant et des yeux magnifiques) pour que le prix des caffé latte soient très fluctuants, tendance baissière. Nous n'avons pas cherché à comprendre.
    Je n'ai pas osé aller lui dire au revoir après le dernier spritz (rouge: campari) en terrasse en fin d'après-midi.
    Mais nous avons prévenu de notre départ l'épicière que nous dévalisions chaque matin, de crainte qu'elle ne se retrouvât avec un monceau de ''croccante'' et de ''morbido'' sur les bras. (Nous avons mis quelques jours à découvrir qu'il ne fallait pas acheter le pain à 9h30 comme nous le faisions, mais attendre l'arrivée de son mari débarquant de Santa Martha les bras chargés du ravitaillement. Visiblement il n'y a pas de structure de grossiste ou de plateforme à Venise (et le cafetier allait acheter ses bouteilles de lait au fur à mesure à l'épicerie.)
    Nous n'avons pas ramené de pot de cinq kilos de Nutella. Dommage. Tant pis.
    Nous avons beaucoup observé les moineaux, plus malins que les pigeons, plus vifs, plus légers, s'envolant loin pour picorer leur miette tranquilles sans se la faire voler.
    Les chiens semblent avoir remplacer les chats. Les chats m'ont manqué.

    Evidemment, à prendre son petit déjeuner à 10h30, on ne met pas toutes les chances de son côté pour visiter les musées qui ferment à 13 heures ou 13 heures 30, ni pour atteindre les îles les plus éloignées en vaporetto avant l'heure de fermeture des églises.

    Dernier jour, valises à boucler.
    Question: ramenons-nous les passoires à thé achetés sur place? Poids: 50 grammes (on les a pesées). (Réponse: non)
    J'en ai profité pour peser mes livres (y compris les trois achetés sur place): 3,4 kg. On est loin des dix kilos annoncés et reprochés au départ.

    Dernier jour, derniers achats. Nous apprenons à une barman à faire le diabolo menthe, je prends mon premier spritz de la journée, nous achetons un sac Goldorak (si si, du genre qu'on achète à Londres), nous faisons un tour sur les Zaterre, le ciel, le vent, la lumière, nous étudions l'organisation sans faille d'une institutrice qui envoie une classe entière commander des cornets de glace (et tandis que j'écris les détails qui me reviennent, je pense à la Cantatrice chauve, à l'analyse du "profil Hatier": «paroles banales et conventionnelles»… Cela aurait-il déteint?).
    Dernier jour, nous remontons jusqu'au Rialto, voyons la statue du bossu, errons sous la halle du marché aux poissons, j'admire les sculptures des colonnes, toutes sur le thème de la mer. Nous aurons vu les trois plaques réglementant la taille des poissons (place Santa Margherita, quai des Tanneurs).
    Dernier jour, dernières glaces, les enfants m'entraînent devant le vendeur de glace figues-noix, car il est selon eux très beau.
    Moins que mon barman.
    Nous laissons les enfants rentrer à la maison.
    Yesss, l'église San Pantalon est ouverte.

    Dernier jour, retour à la gare, bien trop chargés. Nous arrivons très tôt: heureusement car l'heure sur les billets est fausse, c'est celle du train en gare de Mestre, pas en gare de Venise.

    Circularité

    Parce que Venise est une île, nous nous imaginons pouvoir la saisir, la contrôler. Nous sommes convaincus, peut-être inconsciemment, qu'il est possible d'en connaître toutes les rues, tous les passages. Nous ne devrions pas nous perdre sur une île si petite.
    Et nous nous perdons.
    La clé de Venise, quand on est piéton, ce sont les ponts.
    Il faudrait connaître tous les ponts.
    Venise est élastique, parfois certains chemins s'ouvrent, on découvre comment descendre de San giovanni e Paolo au quai dei Schiavoni par un chemin comme une coupure dans un flanc, d'autres fois on erre pendant des heures, à la recherche d'un point de repère qui se trouve sans doute dans un autre quartier de la ville.
    Toutes les cartes sont fausses car elles sont toutes simplifiées.
    Peut-être existe-t-il une carte exacte des canaux?
    Le plus utile serait une boussole. Seule certitude: rive droite ou rive gauche du grand canal.
    Le plus jeune cherchait les numéros un des sestiere. J'ai oublié de lui demander s'il en avait trouvé.
    Je faisais la collection des "Calle della Madonna": j'en ai trouvé trois, ou quatre.
    Parfois, étrangement, un quartier, une place, se fait amical. Je crois que nous avons sympathisé avec la place San Zacharia.

    La lumière

    Les enfants n'ont pas eu de chance: nous avons visité San Marco sous la pluie. La basilique n'a pas du tout le même aspect dans la lumière.

    De façon générale, les églises vénitiennes me paraissent particulièrement sensibles à la lumière. Une cathédrale française est plus ou moins sombre. Une église vénitienne change de couleur, de température. La douce et chaude Zanipolo vue l'année dernière était grave et mélancolique cette année, Saint-François-des-Vignes m'a gelé les os et l'âme, et Saint Marc était sombre et lointaine.

    Cependant la pluie ne rend pas la ville triste. La couleur du ciel s'accorde aux canaux, et c'est un camaïeu reposant, doux à l'œil. Le cœur de la ville paraît battre plus lentement, comme si elle s'était endormie.
    Je veux revenir à Venise en hiver et connaître le brouillard. Je veux traverser la lagune vers Torcello sur le vaporetto de nuit, dans le brouillard.

    Notes

    — Mais t'as pas de nombril !



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    Agenda
    San Polo, dei Carmeni, dei Frari, musée Correr.
    Harry's bar, restaurant Corte Sconta.
    Perdu un article d'Hermann Broch (comment est-ce possible?)

    (En fait j'ai des notes de ce genre jour par jour, mais j'ai pitié de vous (et j'ai conscience du ridicule, un peu). Je pourrai peut-être faire une thématique sur les parfums de glace: ce jour-là, figues-noix. (Non, cela ne fait pas partie de mes notes, je ne suis pas timbrée à ce point, c'est un souvenir associatif).)

    San Pietro

    L'herbe est coupée depuis la dernière fois.
    L'île est déserte, battue par le vent.

    Appris (en essayant un manteau vénitien. J'hésite : pas pratique dans le métro, mais tentant comme un rêve dans Paris gris) que souple se disait "morbido" (ce qui servira le lendemain à la boulangerie).

    De fondamenta nuove à Giovanni e Paolo

    Tandis que j'explore un rayonnage, une dame entre un peu affolée dans la librairie française près de San Giovanni e Paolo.
    — Ah, j'ai eu du mal à vous trouver! Vous auriez un plan de Venise?
    Le libraire lui en tend un :
    — Tenez, c'est le meilleur.
    — Ah merci, je suis fatiguée de me perdre.
    Et j'entends H. intervenir sans réfléchir :
    — De toute façon, vous vous perdrez quand même.

    A priori, il existe quelques études sur les cartes du Palais des Doges, épuisées, mais les titres étant en italien, il va me falloir un peu de dextérité pour les trouver.


    En cherchant à revenir dans l'église jésuite près de Fondamenta nuove, à quelques rues de la maison du Titien, nous sommes passés devant la vitrine d'un imprimeur exposant divers ex-libris, dont un chat au-dessus du nom de Joseph Brodsky. Je n'aurais sans doute pas osé entrer, mais H. a poussé la porte.
    Cet imprimeur est francophile, et je pense qu'on doit pouvoir passer une après-midi chez lui à écouter ses histoires (il est très bavard), qui sont un peu plus que des anecdotes: il a pratiqué l'imprimerie auprès des pères arméniens sur leur île (l'imprimerie n'existe plus, je n'ai pas compris si le monastère était fermé ou pas).
    Au grand ravissement d'H., il possède des jeux entiers de caractères en plomb et des plaques de marbre (et non en cuivre) pour imprimer de véritables lithographies. Je n'ai pas compris s'il possédait les caractères ayant servi à imprimer l'original de Pinocchio ou si l'original avait été imprimé là-même.
    Il reçoit des commandes du monde entier et a l'air connu. Son échoppe est minuscule. Son fils se tait, je me demande s'il poursuivra l'œuvre avec le même enthousiasme que son père.

    J'ai posé la question: il a été l'imprimeur de Joseph Brodsky, et il nous a montré une édition en russe de l'un de ses livres. Le chat de l'ex-libris avait été dessiné par Brodsky lui-même.

    Gianni Basso, Fondamenta nove. Calle del fumo, 5301.

    Parapluies

    Hier, achat de crème contre les allergies au soleil.
    Aujourd'hui, pluie.
    J'aime bien, la ville est plus calme, les parapluies sont grands et ronds (nous avons découvert qu'ils avaient plus de baleines que les nôtres: seize (et il existe une marque VS (non, je n'en ai pas acheté un)).

    Retour du Lido

    En famille

    — Parfois dans la vie, j'aimerais bien pouvoir faire pomme Z.
    — …
    — Mais je me demande ce qui se passerait si tout le monde faisait pomme Z en même temps.
    — Euh...


    Par définition, les vacances sont l'occasion de passer beaucoup plus de temps ensemble que d'habitude. Evidemment, en troupeau bruyant (quatre ados ou presque), on fait très touriste et j'en suis parfois un peu gênée. Cependant, je m'instruis.


    (minorité invisible)
    — Et moi je pensais qu'un re-noi, c'était un habitant de Rennes; alors quand mes copains me disaient: «t'as vu les deux renoi», je répondais: «mais comment vous le savez?», et ça les faisait rire.


    Qu'est-ce qu'une blonde paumée?
    Une tarte aux fraises.


    Qu'est-ce qu'une blonde avec des lardons dans les poches?
    Une quiche lorraine.


    Proverbe canin: si ça ne se mange pas, si ça ne se boit pas, si ça ne se baise pas, pisse dessus.



    Un jet d'eau, des jedis.


    Qu'est-ce qu'un nain sur le point de mourir ?
    Un nain fini.


    etc.


    ----------------------------
    Agenda
    Giudecca.
    Torcello, Burano.
    Arrivés trop tard à Torcello pour visiter la basilique.

    jeudi

    Venise. Brume, pluie, pas désagréable. Je termine Les balades de Corto Maltese, mais j'en ai lu tant de passages dans le désordre que j'ai réussi à me perdre dans le livre avant de me perdre dans la ville. Les lignes de vaporettos (i?) traversant l'arsenal semblent fermées.
    Longuement feuilleté Isolate abbandonnate della laguna venizia, illustré de photos noir et blanc de superbes bâtiments en ruine. Pas d'électricité (je suppose), pas d'eau courante, qui aurait le courage de relever ces murs aujourd'hui?

    Question: existe-t-il un livre (même en italien) sur les immenses cartes décorant l'une des salles du palais des doges?

    San Michele

    Les tombes de Pound, Diaghilev, Stravinsky, Brodsky, sont dans la partie "évangéliste" du cimetière, tout droit à partir de l'entrée.
    Je ne trouverai que les tombes de Pound et de Brodsky, qui leur ressemblent, d'ailleurs.

    Sur la tombe de Brodsky poussent un rosier et du lierre. Sur le rebord de la pierre dressée des mains ont posé une marguerite, un coquillage, des pierres, du gravier, des baies rouges. Je découvre sur la tombe à moitié masquée par le lierre une boîte aux lettres. Je fouille, j'extirpe, je lis le courrier du mort: un livre de Brodsky en russe, une prière, des lettres en différentes langues, une double photo représentant une cabane en rondins avec un panneau en cyrillique, je reconnais deux dates, 1965 et 1966.
    Le soleil décline, il fait bon. J'essaie d'imaginer la Baltique.

    OMNI

    — Mais y a pas de mozzarella là-d'dans!

    — Mais si, le truc mou que t'arrives pas à identifier.
    — Ah, çaaaa!




    Glycine à San Giobbe





    Agenda
    Hermann Broch en terrasse.
    Acheté les billets pour le bateau et un pass pour les églises.
    Visite de San Giobbe
    Discussion déprimante avec Hervé qui me dit de ne pas me faire d'illusions concernant le catéchisme et Olivier (nous préparons sa première communion). Réponse: leur éducation est un échec et je ne me fais pas d'illusion. Je n'investis que sur moi. Hervé choqué. Après m'avoir conseillé de ne pas me faire d'illusions, il est surpris de mesurer la profondeur de ma désillusion (!! comme il me connaît pas. Il semble persuadé que je dois être aveuglée par mon amour maternel, comme dans les clichés. Et il est persuadé d'être le seul à se donner du mal avec les enfants.)

    Rêves et souvenirs

    Deux chats prêts à bondir dans l'encoignure d'une porte surveillent un pigeon. Un cercle de touriste s'est formé pour observer la scène.
    Un touriste jette des graines au pigeon — en direction des chats.


    Trois heures de sieste. Je ne pensais pas être aussi fatiguée.
    Je m'applique à lire — on s'est tant moqué de moi à cause des livres "inutiles, tu ne les liras jamais", que j'emportais. Les balades de Corto, avec leur lot d'histoires horribles, de personnages torturés, sciés en deux, de restaurateur servant de la chair humaine ou de jeunes filles enfermées au couvent (sort à comparer aux plaisirs du sérail, selon les auteurs), me plongent dans une rêverie douloureuse.
    Venise est une ville sans nostalgie. Le temps s'y fond si bien que les souvenirs sont immédiatement présents, que l'histoire est toujours là. La dimension temporelle y est remplacée par la dimension onirique, et Brodsky a raison: le reflet est aussi une réalité.

    Trouvé un nouveau chemin vers les Zaterre, en me perdant de nouveau dans le labyrinthe et en voyant se déployer une nouvelle ville dans un quartier que je pensais bien connaître. Toutes les Venises se superposent, celles de mes souvenirs et celles de mes rêves; je me rends compte en revenant ici que je rêve très souvent de Venise. Je ne sais pas retrouver les lieux. La Venise de mes dix-huit ans possédait beaucoup plus de palmiers et de chats et de puits. Impossible de savoir où j'ai erré alors.




    Agenda
    Fini La cantatrice chauve (Je prépare mon intervention sur le kitsch de Théâtre ce soir. Grand stress, mon premier colloque). Etabli la liste des chose à lire et à faire.
    Santa Maria della Salute

    Pâques

    Le réveil sonne à 6h45. J'ai prévu large, afin d'assister à la messe de Pâques à Saint-Marc à huit heures. J'avais repéré la veille l'entrée sur la place dei Leoni; je pensais que cela donnait accès à une salle secondaire.
    Non, c'est à la nef que l'on accède. Je suis en avance de quelques minutes, je regarde un prêtre déplacer son escabeau pour allumer une à une les vraies bougies sous la coupole. Au fond, la pala d'oro brille tant qu'elle est indistingable.
    Ne pas trop regarder, rester discrète.
    Je ne me souvenais pas de tant de splendeur.
    Sur chaque siège, un livret en cinq ou six langues donne la liturgie du jour, les lectures bien sûr, mais l'ensemble du rite. J'hésite à en emporter un, mais qu'en ferais-je?


    Agenda:
    Arsenal, île San Pietro, le pont de bois est en réfection (sera-t-il remplacé?) l'église est fermée; ici il règne un parfum de bout du monde, de prairie et d'air salé.
    Musée de l'arsenal fermé.
    Froid à saint François des Vignes, déçue par l'église, j'en gardait un souvenir bien plus lumineux.
    Il fait un temps magnifique. Coups de soleil. Les lions de l'arsenal, le linge sur les cordes, etc.

    Retour - arrivée

    Sieste. A mon réveil, deux ans ont disparu, j'ai la sensation de n'avoir jamais quitté ce lieu.
    Retour dans nos pas, établissement de notre quartier général place sainte Marguerite.

    Le cri des martinets dans le soleil couchant — la marque des vacances — et le silence particulier, profond, qui s'écoute: il est possible de détacher les bruits sur le fond de ce silence, autonome.

    Trois V

    Vacances, valises, Venise.

    Oublieuse mémoire

    Je crois que je suis en train d'oublier ce blog.

    Pas de Cantatrice chauve dans les librairies (c'est une malédiction).

    Femme de paille

    Premier contrat décroché pour la boîte de geeks dont je suis actionnaire à 49 %.






    Explication sommaire en avril 2015:
    Boîte montée avec Bruno ?? (de Lyon) et qui n'aura jamais aucune concrétisation. Marque matérielle de la déprime de H. Début de la glissade aboutissant à l'huissier en avril 2010.

    Nullité technologique

    Visité Vaux-le-Vicomte dimanche. Il est possible de soutenir la restauration du château en achetant une ardoise.
    La coupole se visite: charpente, vue sur les toits et les jardin.
    Je n'ai pas de photos: je n'ai pas appuyé assez fort sur le déclencheur.

    Fait marquant

    Saint-Louis d'Antin.

    Tendresse






    Agenda
    Vaux-le-Vicomte.
    Déborah est venue quelques jours faire connaissance.

    Barbarie

    Une amie professeur d'histoire nous raconte qu'elle faisait conjuguer leurs insultes aux élèves à tous les temps et à tous les modes:

    que tu niquasses ta mère
    qu'il niquât ta mère
    etc.

    Ces enfants ont une imagination à la capitaine Haddock: «Ta mère a trois poils au cul.»
    nous eûmes trois poils au cul, vous eûtes trois poils au cul,... vous auriez eu trois poils au cul...

    Petit manuel de sexologie

    — Tenir cent pages sur la sodomie… C'est beaucoup.

    Vertu

    Lui, décidément, il me plaît.
    Il pratique ce que j'admire au plus au haut point, le courage quotidien (virtus, virtutis contemporaine ?)





    Commentaire le 2 avril 2015 : le blog d'Educator dans sa première forme a disparu (CPE dans le 93, en collège et lycée), laissant à jamais des traces à la maison (Rantanplan le gentil surveillant et l'histoire des collégiennes qui se battent: «elle a dit que ma mère, elle est pas vierge!», la façon de s'occuper d'un enfant en absence d'infirmière scolaire, les jeunes qui mettent leurs plus beaux atours pour passer leur examen, la fierté de certains quand ils réussissent). Je laisse ce billet pour mémoire, pour hommage.

    Souvenir du Collège de France




    photo de téléphone. local aveugle.

    L'alliance

    Elle est née le 18 octobre 1913, quelque part en Pologne.
    Elle est morte fin juillet 2001, à Vierzon. Les dates de mort m'échappent toujours.
    Elle s'est mariée en février 1936, le 8, il me semble. Elle est arrivée en France peu après, seule. Elle venait travailler, gagner de l'argent, avant de repartir en Pologne habiter la maison que pépé avait commencé à construire (il parlait très peu, mais un jour il m'a expliqué qu'il avait commencé à fabriquer les briques pour cette maison avant de devoir partir. Ça m'avait beaucoup impressionnée: fabriquer les briques avant de fabriquer la maison… J'aimais l'idée de faire cuire les briques comme on fait cuire le pain.)
    Il l'a rejointe en France, je ne sais pas pourquoi.
    La guerre a éclaté, les blocs se sont figés, ils sont restés en France.
    Un soir dans la cuisine, alors que nous buvions le tilleul destiné à améliorer leur condition cardiaque, ma grand-mère a découvert que mon grand-père n'avait pas porté son alliance durant la période où ils avaient été séparés, elle en France, lui en Pologne, cinquante ans plus tôt.
    Elle lui a fait une scène.

    Subvention

    Je me demande si les taxes que l'on paie sur les paquets de cigarettes sont destinées à financer les subventions versées aux agriculteurs pour qu'ils cultivent du tabac.


    JO du 26 mars 2009, texte 22 - Arrêté du 19 mars 2009 relatif à la mise en oeuvre de l?aide tabac dans le cadre de la politique agricole commune
    NOR : AGRP0906350A
    Le ministre de l'agriculture et de la pêche,
    Vu le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 modifié établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs ;
    Vu le règlement (CE) no 1973/2004 de la Commission du 29 octobre 2004 modifié portant modalités d'application du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil en ce qui concerne les régimes d'aide prévus aux titres IV et IV bis dudit règlement et l'utilisation de terres mises en jachère pour la production de matières premières ;
    Vu le code rural, notamment le livre VI (partie réglementaire),
    Arrête :
    Art. 1er. — En application de l'article D. 615-43-8 du code rural, les montants définitifs de l'aide par kilogramme pour les groupes de variétés I, II et III de tabac sont fixés pour la récolte 2008 à :
    GROUPE I : 2,95531 €/kilo,
    GROUPE II : 2,95531 €/kilo,
    GROUPE III : 2,79543 €/kilo,


    Art. 2. — Le directeur général des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires et le directeur général de l'agence unique de paiement sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

    Fait à Paris, le 19 mars 2009.
    Pour le ministre et par délégation :
    Par empêchement du directeur général des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires :
    La directrice générale adjointe des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, chef du service de la production agricole.
    V. METRICH-HECQUET

    (Non, non, je plaisante: je sais très bien que sauf dérogation accordée par la loi, la recettes d'un impôt ou d'une taxe ne peut être affectée à un emploi particulier, et que d'autre part il s'agit peut-être ici de financement transitant par l'Union européenne).

    Le contrat de mariage

    Je lis Balzac.

    Il y a quelques temps, Paul est arrivé déconfit à l'un de nos déjeuners hebdomadaires. Tout autant attentif à ne pas laisser trop de papiers à trier à ses héritiers que désireux de s'occuper, il range ses armoires, jette, classe, étiquette ses archives, me demande conseil sur ce qu'il faut garder («Gardez tout ce qui vous fait plaisir! — Mais qu'en feront-ils après moi? — Laissez-les juges, vous ne savez pas ce qui intéressera vos petits-enfants. Au pire ils jetteront, pourquoi jeter maintenant ce que vous avez envie de garder?»).

    Il venait de retrouver la correspondance échangée entre ses grands-pères, le père de sa mère et le père de son père, à l'époque des fiançailles de ses parents. Et lui qui adule sa mère dont le souvenir est encore grandi par l'absence tentait de dissimuler par un sourire l'humiliation filiale qu'il avait ressenti à la lecture de ces lettres: «Cela ressemble un peu à un marché entre maquignons.»

    Il y a des lectures qu'on devrait éviter aux fils, même ou surtout s'ils ont 87 ans.

    La ligne 14 rend hommage au métro de Moscou

    J'aime particulièrement à la station Madeleine de la ligne 14 l'odeur de station d'épuration qui vous saisit lorsque vous descendez l'escalier et attendez la prochaine rame.
    Je ris à voir la tête des touristes incrédules n'en croyant pas leur nez, empruntant la ligne de métro la plus moderne de Paris, descendant à l'une de ses stations les plus connues, pour renifler ces remugles si brutalement naturels tandis que des infiltrations roussâtres laissent des traces suspectes sur les murs.

    Hier matin, en haut des escaliers venant du quai, une plateforme destinée à un concert était en cours d'aménagement. Le soir, tout l'attirail électronique avait disparu, et l'estrade. Au mur avait été installé un gigantesque vitrail représentant une poule, un marteau et une faucille, et à droite et à gauche, en français et en russe, l'histoire de la poule qui a pondu un œuf en or.




    (photo de téléphone, toujours).


    précision le 30 avril 2009
    Il s'agit en fait d'un échange avec le métro de Moscou — c'est donc de l'art moscovite:
    La RATP a offert en 2007 un entourage Guimard de style art nouveau, inspirée du célèbre architecte français de la seconde moitié du XXe siècle, pour la décoration de la station Kievskaïa, à Moscou. En échange, l'artiste Ivan Loubennikov a imaginé "Ryaba la poule", un vitrail composé comme un patchwork qui raconte l'histoire de la Russie à travers divers éléments de la culture populaire (la faucille et le marteau, les boulons, les étoiles à cinq branches, les fers à cheval et les croix).
    source

    D'autres livres

    Hier - Seule distorsion dans une journée morne, passage dans deux bibliothèques différentes, la première parce qu'un livre commandé la veille doit m'arriver de la réserve (en Normandie, je crois), la seconde parce qu'il y a urgence.

    (Nouvelle contrainte: ne plus parler que de livres promenés éternellement sans jamais être lus.)

    - Hermann Broch, Création littéraire et connaissance, pour préparer juin ;
    - Honoré de Balzac, Le Contrat de mariage, pour préparer samedi ;
    - Guido Fuga et Lele Vianello, Les balades de Corto Maltese, pour préparer avril.

    Le futur n'a qu'à bien se tenir.

    Quelques livres

    Je trouve un Carmen à deux euros qui contient "la Vénus d'Ille" (c'est la commande qu'on m'a passée) à la devanture d'une librairie d'occasion.
    Dans les boîtes je trouve également un Zazie dans le métro (je n'ose pas avouer à Elisabeth et Dominique que je ne l'ai pas lu), La fin des Ambassades dont Camus a parlé à Bordeaux, et… La Princesse de Clèves, en poche de 1958, préfacé par Louise de Vilmorin (je n'en ai que la cassette, le livre lu par Michèle Morgan).

    Quatre livres, huit euros, je n'avais même pas les deux initiaux. J'ai la flemme de trouver un distributeur de billets.
    Tant pis, je rentre, je vais bien trouver à l'intérieur de quoi arrondir la somme afin de payer par carte.
    Je ressors avec Considérations inactuelles 1 et 2 en édition bilingue, tout ça parce que lorsque PB m'a lancé par boutade: «Vous pouvez aussi lire Nietzsche avec lui et le traduire», j'ai juste songé: «Ah tiens, c'est une idée, je n'y aurais pas pensé».

    Claude Lanzmann

    J'ai vu Claude Lanzmann au Collège de France cette après-midi. J'appréhendais ce moment, il a la réputation d'être tranchant et prétentieux, or c'est un de mes héros personnels à cause de son œuvre.

    Je me souviens de la première fois que j'ai vu Shoah, loin dans un quartier de l'ouest parisien, en 1986, et mon retour à pied dans les rues désertes, traversant la moitié de Paris jusqu'à la rue Cardinal Lemoine pour tenter de me remettre du choc (et la semaine suivante, recommençant pour la deuxième partie).
    Je découvrais l'extermination. Jusqu'ici je ne connaissais que les camps de concentration (confusion encore bien répandue, qui fait dire à Paul, 87 ans «On n'exagère pas un peu? Beaucoup sont revenus, non? » Et le cœur serré devant cette trace vivante d'antisémitisme français à la Bernanos, j'explique: «Non, ce n'était pas la même chose. Très peu sont revenus des camps d'extermination, on a des listes quasi-exhaustives, de trente à trois cents noms…» Mais je ne sais s'il me croit.).

    Je lisais mal l'anglais, à l'époque. J'ai repéré le nom de Raul Hilberg. J'ai tenté (en vain) de commander son livre chez Brentanos.
    Il est sorti l'année suivante, en 1988 (La destruction des Juifs d'Europe). Je travaillais chez Mollat, je l'ai lu aussitôt. Je me souviens de ma lecture hallucinée, des sondernkommandos, des bus, des trottoirs, du soleil, de tout ce mélange irréel, des gestes quotidiens qui occupaient toujours la même place.

    J'ai revu Shoah deux fois, en Dvd désormais, chez moi, toujours seule, la nuit. C'est un film que je trouve insupportable de regarder à plusieurs. (Et cette après-midi, malaise à ce que les extraits soient projetés sans que la lumière ne soit éteinte). Désormais j'en comprends la structure, qui m'avait échappée lors de sa diffusion en salle. Désormais je comprends les accusations de montage, la colère des historiens qui me fait rire. Désormais je considère que Lanzmann a été insupportablement violent avec les gens qu'il a filmés, provoquant les larmes, n'arrêtant jamais la caméra.
    Ce film est monstrueux.
    Et je bénis Lanzmann de l'avoir fait.

    Nicolas Sarkozy élève le niveau




    Un badge "Je lis la Princesse de Clèves" c'est tout de même plus élégant que "Touche pas à mon pote".

    Parfum

    Le parfum de Sophie m'emplit de nostalgie sans que j'arrive à identifier le souvenir qu'il m'évoque.

    «Ivoire, de Balmain», me dit-elle.

    Chansons à chanter fort et faux.

    J'ai été surprise de l'émotion causée par la mort de Bashung dans la blogosphère et sur FB. Je ne savais pas qu'il était tant aimé.

    Vers 13 ou 14 ans, quand nous partions en car, que ce soit pour aller visiter des caves à champignons ou participer à des compétitions sportives, nous choisissions des chansons devant répondre à un impératif simple: pouvoir être chantées fort et un peu faux, de préférence avec des paroles stupides.
    J'avais l'intention d'en trouver dix, mais finalement, trois c'est suffisant.






    J'aime beaucoup les paroles:

    Hier un homme est venu vers moi d'une démarche un peu traînante
    Il m'a dit : "T'as t'nu combien d'jours ?" J'ai répondu : "Bientôt trente"
    J'me souviens qu'il espérait tenir jusqu'à quarante.
    Quand j'ai d'mandé son message il m'a dit d'un air tranquille
    "les politiciens finiront tous un jour au fond d'un asile"
    j'ai compris que j'pourrais bientôt regagner la ville.





    Là encore, les paroles valent le détour:

    Moi je tricot' des napp'rons
    Avec le rest' des nouill's grimpé sur le balcon
    Eh oh eh ah
    Elle est si jolie
    Avec ses souliers vernis
    Ses taches de rousseur
    Sur son joli postérieur






    Bon, évidemment:

    Alors à quoi ça sert la frite si t'as pas les moules
    Ça sert à quoi l'cochonnet si t'as pas les boules.

    Bibliophore

    Nous riions un jour entre blogueurs de notre propension à ne jamais partir en vacances deux jours sans emmener trois livres (le livre en cours, un plus léger et maniable si les circonstances faisaient que le livre en cours ne pouvait être lu, un troisième au cas où les deux autres soient lus trop vite, (et autres variations)), trois livres qui devenaient une petite bibliothèque si l'absence devait atteindre la semaine ou les quinze jours (peur de manquer, désir de profiter, espoir, faim, soif, sensation de la présence, besoin d'être rassuré, peur de la solitude, que sais-je).

    Peu à peu je m'aperçois que je suis en train de reproduire le phénomène au quotidien. Je promène des livres toute la journée, tous les jours. Le gros et difficile que je lis comme la mer monte, avançant de dix pages, reprenant six pages plus haut, avançant de dix pages, au rythme des interruptions dues aux transports1, le petit commencé dimanche, trouvé par hasard dans une bibliothèque et que «je devrais vite terminer puisqu'il est écrit gros», le Susan Sontag parce qu'il faut que je fasse des photocopies, La Chambre claire pour retrouver les citations de Compagnon…

    Je n'en sens pas le poids.



    Note
    1 : Et je songe le cœur serré à l'injonction de Rosenzweig, «il faut lire vite», puisque les livres se comprennent à partir de la fin.

    Dolorosa

    Dimanche après-midi.

    L'enfant a dix ans et joue en compétition de tennis de table. Entre chaque service, il pleure, se tord, mime toute une comédie qui déconcentre l'adversaire.
    Généralement, il gagne ses matches.

    Une fois de plus la scène se prolonge. L'arbitre finit par intervenir en ordonnant à son adversaire: «Ne t'occupe pas de lui: quand c'est ton tour de servir, sers.»
    Comme par enchantement, tous les symptômes de l'autre disparaissent aussitôt.
    Cependant il gagne, ayant eu malgré tout le temps de déstabiliser l'autre enfant.

    Le match fini, l'arbitre ne peut s'empêcher de faire une remarque au père:
    — Le comportement de votre enfant est inadmissible, et il ne méritait pas vraiment de gagner.
    — Mais Monsieur, respectez sa douleur !

    Wonderbra

    Vendredi, RER.

    L'esprit dans le vague, je suis en train de m'endormir quand j'entends une voix claire affimer:
    — Si tu mets un serre-taille tu les remontes, mais si tu mets un bustier tu les fais ressortir.

    J'ouvre les yeux, je regarde. Deux jeunes filles, une blonde et une brune, sont assises de part et d'autre de l'allée centrale. C'est la brune qui a parlé. Elle mélange les codes, bague gothique articulée en plusieurs phalanges et kéfier. Elle continue son exposé avec beaucoup de précisions. En face de la blonde, le black aux casques dans les oreilles n'a sans doute rien entendu. Mais que peut bien penser le cinquantenaire plongé dans son livre en face de la brune?
    Je n'arrive pas à voir le titre du livre. Il a l'air passionnant.

    Dans le wagon, personne n'a bronché, pas un sourire.
    Je me rendors, entendant vaguement des conseils sur les vernis à ongles.

    Rien à bloguer

    Rien à bloguer (variation sur le thème «Qu'est-ce que je peux faire? Ch'ais pas quoi faire.») Il faudrait répondre aux commentaires ci-dessous — plus tard — et à mes mails — plus tard. Il faudrait que je vérifie la date de l'anniversaire de David — plus tard. Je me dis qu'il faudrait un autre jeu de couleurs pour ce blog, noir et gris, car certains jours j'ai honte d'aborder certains sujets sous les couleurs rose et mauve.

    J'ai perdu mes gants rouges.
    J'ai envie de fumer.
    J'ai envie de lire.
    J'ai envie de dormir.
    Je me mets à écrire comme les teenagers sur FB.
    Ou alors comme Valentin Zamor.
    C'est fun.
    (Mais pas trop longtemps).

    Je me demande ce que devient Serge.


    -----------------------------
    Je complète six ans après: en réalité j'avais quelque chose à bloguer, mais je trouvais indécent de l'exposer alors (cela explique ma phrase sur les couleurs de ce blog). Voici ce que je retrouve en marge du blog, non publié en 2009:

    - Lundi il y a quinze jours : début des travaux, poussière, camping.
    - Lundi il y a huit jours : déchirure de la cornée.
    - Mardi il y a huit jours : suicide au lycée.
    - Demain, enterrement.

    Explication que j'ajoute aujourd'hui 12 mars 2015 : Le suicide était celui d'une jeune fille en seconde au lycée de Clément. Lui était en première et la connaissait bien.
    C'était une jeune fille adoptée qui n'a pas supporté l'idée d'avoir été abandonnée. Elle s'est tiré une balle dans la tête sur le Pont des Arts, dit la rumeur. Et ceci flattait trop le goût du sensationnel pour que je le racontasse alors. Aujourd'hui je l'écris pour que cet événement et cette jeune fille ne soient pas oubliés.

    Principe de réalité

    Il faut bien me rendre à l'évidence: séparer la littérature (ou plus humblement les livres) du reste pour en faire deux blogs est totalement irréaliste, je m'en rends compte soir après soir quand je n'ai rien à écrire ici. Qu'écrire quand ma journée se résume à des somnolences emplies de cauchemars et un désaccord avec le cours de Compagnon? (Comment peut-on opposer les récits de vie "narratifs" (ayant la forme d'un récit) et les récits de vie "anecdotiques" (ayant la forme d'une succession d'épisodes) sans jamais parler du moment où l'on est en train d'écrire? Car pour écrire un récit, il faut se situer après, voire bien après: un récit s'écrit à rebours, c'est la fin qui ordonne le discours. Il est impossible de se penser récit si l'on écrit au fur à mesure).

    Enfin bon.

    Une rose et vingt centimes

    J'arrive tard sur le quai du RER D aux Halles, il n'y a pas grand monde. Je remarque sur le sol une rose blanche à la tige très longue, au moins soixante centimètres. Comment a-t-elle pu tomber là, par quel miracle n'a-t-elle pas été piétinée?
    Je la ramasse.

    J'ai oublié de déjeuner à midi (cela m'arrive souvent quand je suis seule). Vers quatre heures je suis descendue chercher un Mars (désormais il y a des produits Weight Watchers au chocolat dans le distributeur; le genre de non-sens qui me fait détester mon époque (si je mange du chocolat, je veux qu'il fasse grossir, nom d'un petit bonhomme, j'en veux pour mon argent!))
    Il est 20h43, j'ai de nouveau faim, allons-y pour le distributeur du RER. Il me reste un euro et des pièces rouges, pour un euro dix, je peux avoir un Kitkat. L'appareil accepte mon euro, pas mes deux pièces de cinq centimes, mais refuse de me rendre mon euro. J'aborde un couple de jeunes blacks affalés sur un siège; lui extirpe une pièce de vingt centimes de sa poche et refuse royalement mes dix centimes.

    Je mange mon kitkat ma rose à la main.

    Une journée

    Parfois je me dis que je devrais écrire l'emploi du temps réel d'une de mes journées, pour les lecteurs qui me rêvent.
    Mais quelle déception, aussi.

    Depuis une semaine, nous vivons tous dans le salon, chassés de l'étage par la poussière et les vêtements (les vêtements contenus dans la pièce à poussière ayant migré vers les pièces moins poussiéreuses). Je n'arrive pas à écrire dans le bruit (pardon: la musique — ou Proust: je défie quiconque d'écrire en écoutant la mort de la grand-mère).
    Aujourd'hui j'ai acheté des boules Quiès.
    Il faut que j'aille les chercher.

    Soirée crêpes en club de sport

    À quel signe un parachutiste aveugle reconnaît-il qu'il approche du sol ?

    Esprit du temps, fin

    Ce matin en haut des escaliers du RER m'attendait un militaire Famas au poing, l'air belliqueux. Ils étaient trois, à nous regarder sans nous regarder.

    Le temps que je trouve mon téléphone, ils avaient décidé de franchir les portillons: la photo est prise d'un peu trop loin.





    Je n'arrive pas à m'habituer à ces hommes armés et en treillis dans les couloirs du RER. J'ai l'impression d'un coup d'état imminent, de vivre dans une république bananière. Ça dure depuis combien de temps? Août 1995? (l'attentat dans le RER B à Saint-Michel). Cela n'est-il pas, n'était-il pas, destiné à être temporaire?

    Et je les plains, ces militaires: se sont-ils engagés dans l'armée pour faire le pied de grue dans les couloirs du RER? Quels sont leurs ordres? Leur arme est-elle chargée, balle engagée dans le canon? (si oui c'est scandaleux, si non c'est inutile).

    Esprit du temps, suite

    Hier, aux urgences, je suis surprise par l'apparition d'affiches qui n'existaient pas la dernière fois que j'y suis venue, il y a trois ou quatre ans.
    L'une rappelle que les violences physiques et verbales sont passibles de poursuites judiciaires, l'autre explique que la queue en salle d'attente mélange les urgences et les personnes ayant rendez-vous avec différents médecins, qu'il est normal que les gens ne soient pas appelés en fonction de leur ordre d'arrivée, que tout le mond sera reçu («ne vous inquiétez pas») et que personne ne sera oublié…

    Cette après-midi, en institut de beauté, je découvre ce nouvel et charmant avis placardé au mur: «les clientes à l'hygiène douteuse se verront refuser les prestations».

    WTF!



    ----------------------
    Pour mémoire: Hervé à l'hôpital, cornée rayée par la poussière due aux travaux dans la maison (nous avons supprimé la salle de bain dans notre chambre pour mettre du parquet et faire un bureau). Hervé est quasi aveuglé par la douleur.

    Décalage

    O., 10 ans, revient de colonie de vacances.
    — Ils ont trouvé que je parlais bizarrement.
    — Ah bon ?
    — Oui, ils ne comprenaient pas quand je disais «Puis-je»: «Puis-je avoir le broc?»
    — Mmm. Et c'est tout ?
    — Oui… euh… ah non, il y a aussi les monos, ça les rendait fous que je les vouvoie.

    Parfois j'ai l'impression de n'élever mes enfants que pour les rendre inadaptés au monde.

    Pourquoi moi ?

    Mais pourquoi je reçois ça ?




    (Mise à jour en 2015 en remplaçant le lien brisé par un lien équivalent).

    Gran Torino

    J'ai reçu hier une carte de ma mère: «Pour Renée, c'est toujours pareil, c'est effrayant de voir ce qu'une agonie peut durer.»

    Quand mémé resta seule, papa alla la voir une ou deux fois par semaine, faisant les 80 km dans la journée ou passant la nuit à la ferme. La ferme était très isolée; le reste du temps, ma grand-mère faisait appel à des amis ou à des voisins pour ses courses et ses médicaments.

    Suite à des complications diabétiques, son neveu obèse d'une soixantaine d'années est aujourd'hui amputé des deux jambes au niveau du genou. La peau cicatrise mal. Lui aussi vit grâce à ses voisins qui s'occupent de ses courses et de ses papiers administratifs (pas une mince affaire).

    Et tandis qu'on parlait de ce cousin durant le déjeuner de Noël, je me souviens de mon père disant d'une voix blanche de remords et de regrets : «Je crois que les inconnus sont bien plus généreux que la famille».

    Appelez-moi Anatole

    J'avais vu traîner ça chez Matoo, je crois, mais je n'avais pas de photo. Maintenant que j'en ai un stock à force de m'amuser avec photobooth, j'ai essayé.

    J'aurais peut-être dû m'abstenir. J'ai essayé trois photos différentes, avec toujours le même résultat.
    Ce doit être mes origines slaves qui remontent.


    Information asymétrique

    Sur un blog ou un forum, tout le monde est à égalité, ou à peu près, une fois les éventuelles inscriptions effectuées.

    La particularité des outils de "réseaux sociaux", c'est que vous ne savez pas très bien ce que voient les autres.

    Sur twitter, vous voyez les gens que vous "suivez", et chacun d'entre eux voient ceux qu'il suit. Comme personne ne suit exactement les mêmes, personne ne voit exactement la même chose. Cependant, vous pouvez aller farfouiller parmi les personnes que suivent ce que vous suivez... et suivre ceux qui vous plaisent, puisqu'il est autorisé de lire qui ne vous lit pas (sauf si ses informations sont protégées).

    Sur Facebook, c'est plus compliqué, puisqu'il existe des niveaux différents, amis, "amis d'amis", réseaux, "tout le monde", et que l'on peut donner des accès différents à chaque cercle. On peut ensuite repréciser une deuxième fois qui a accès à quoi, au niveau des photos, par exemple.
    Surtout, merveilleuse invention (!), on peut se rendre invisible: on entre un nom détesté, et soudain, vous n'existez plus à ses yeux (problème: si quelqu'un s'est ainsi rendu invisible à vous, vous ne pouvez plus, par définition, vous rendre invisible à lui, puisque vous ne le voyez plus pour pouvoir sélectionner son compte. J'espère que cela a été bien pensé et que toute personne se dissimulant ainsi à vous ne vous voit plus, par défaut).

    Ensuite, il y a des solutions pour suivre le compte de ses "amis" par fil rss, par mail, pour effacer ses propres traces sur sa page, etc. Mais vous ne savez jamais quelle information atteint qui. Vous ne savez pas ce que voient les autres. Il est troublant de se dire que personne ne voit exactement la même chose de la même page (par exemple, aucun d'entre nous n'apparaît jamais dans la liste des amis affichée sur la page de l'ami qu'il consulte: personne ne voit la même liste que son voisin).
    Certains commentaires d'inconnus chez nos "amis" peuvent être commentés, d'autres non. Certains liens d'inconnus sont accessibles, d'autres non.
    Etc, etc.

    Nous savons ce que nous voyons. Nous ne savons pas ce qui nous échappe sur la page que nous voyons (notre meilleur ennemi invisible y a peut-être écrit). Nous ne savons pas ce que voient les autres de la même page.
    Nous vivons dans un monde de réalités partielles qui se recoupent partiellement. C'est à la fois angoissant et amusant.

    Secret de fabrication

    Qui m'a dit récemment qu'il aimait le design de ce blog?

    L'idée et les couleurs des colonnes roses et blanches viennent de là:







    Note le 24 février 2015: Pour comprendre ce billet, cliquez sur "Cheshire cat" dans la marge. Le décor du blog a été modifié ultérieurement.

    Photo d'époque

    Dans les marges de la lecture de ''L'Amour l'Automne'' (cf.p.38):

    — La Dyane, c'était mieux que la deux-chevaux, non?
    — Oui, c'était la frange supérieure de la classe moyenne inférieure.
    — Tu as raison. Je me souviens que mes copines étudiantes avaient une deux-chevaux, puis quand elles devenaient institutrices elles avaient une Dyane.




    -------------------------
    (Je précise six ans plus (22 février 2015) : premier cruchons hors de chez Rémi, au Bouillon Racine (bien entendu, il n'est pas venu, il attendait sa femme de ménage). La conversation ci-dessus avait pour protagonistes Patrick et Pascal.)


    (Mais comment sommes-nous parvenus à l'insulte: «hétéro-trotskyste ! » ? )

    Fragonard et le génie de la langue



    Il y a au dernier étage de l'aile Sully quelques salles dédiées à trois donations. Ce sont devenues mes salles de prédilection, parce qu'en peu d'espace on traverse les siècles (foin des kilomètres de couloir à arpenter), tout en s'imaginant que ces tableaux ont été pendus à de vrais murs, aimés par de vrais propriétaires.

    La donation Carlos de Beistegui propose un petit Fragonard roux, poupin et luxurieux au titre évocateur, Le Feu aux poudres.

    Un angelot semble allumer le sein de la jeune femme avec sa torche, à moins qu'il n'allume sa torche à la pointe du sein: c'est indiscernable. De même, la trace rousse aux creux des cuisses est-elle flamme ou toison? Une seule tache de couleur dans les deux cas permet de figurer deux possibilités, éveillant la curiosité et une certaine frustration de ne pouvoir décider: voyons, que vois-je exactement?

    Et il me semble représentée en ce tableau du XVIIIe la souplesse de la langue française à son apogée, son élégance et sa finesse, et sa terrible propension à laisser percer les allusions et les double-sens libertins sous les tournures les plus innocentes ou les plus sérieuses.

    Finalement, la langue anglaise est peut-être l'art de la litote, du [je-dirais-même-moins|https://vehesse.eu/dotclear/index.php?2004/04/26] tandis que le français serait l'art du double-sens, de l'amphibologie.

    Dé construction

    «Dépassionnez-vous ! »
    «Déconcentrez-moi ! »

    C'est tout de même moins banal que «Concentrez-vous et passionnez-moi».

    Séparation

    Je regarde une jolie jeune fille et une beau jeune homme se séparer devant la station de métro. Il se penche pour l'embrasser, elle recule un peu avant d'avancer les lèvres, ils se bécotent.
    Et je me surprends à penser: «Mais vas-y, sotte, roule-lui un patin à lui ramoner l'âme!»

    Je descends l'escalier.

    Deux filles, trois ou quatre possibilités

    J'assiste à la conversation:

    « — Elle est blonde, toute mimi, très féminine. C'est une lesbienne, elle vit avec un trans...
    — Un trans... dans quel sens? homme vers femme ou femme vers homme? »

    Et les quelques secondes qu'il me faut pour comprendre ce qui vient d'être dit me font prendre conscience que décidément, ce monde m'échappe un peu.

    Agendas

    Durant des années (de onze à vingt ans?), on m'a offert traditionnellement l'agenda de l'Unicef (avec de grandes photos colorées des enfants du monde) à Noël. Je m'en servais pour noter les événements du jour, du genre «il a neigé», «Tartempion [un prof] est absent» et le titre des livres lus (pour tenir des statistiques).
    Je les ai systématiquement jetés tant j'avais honte de me relire.

    Coup de vieux

    Je déjeune avec Paul Rivière environ une fois par semaine depuis janvier ou février 2000.

    A l'origine, l'idée était d'échanger des connaissances ?nologiques (les siennes) contre des connaissances littéraires (les miennes). Nous avons donc tout naturellement commencé par nous rencontré dans un bar à vins, passage Puteaux (rue de l'Arcade), puisque je travaillais boulevard Haussman. Vins au verre ? nous comparions deux vins à chaque repas, j'apportais des échantillons de ma bibliothèque.

    Fin 2001, j'ai changé de lieu; j'ai travaillé deux ans à l'angle de la rue Saint-Georges et de la rue des Victoires. Changement de restaurant, découverte de "Chez Georgettes", ses oreilles de cochon aux échalotes et son fontainebleau.

    Fin 2003, j'ai atterri rue Washington: nous avons pris nos quartiers au Cercle de l'aviation sur les Champs-Elysées (avec un service détestable, d'une familiarité déplacé, et une cuisine très moyenne. Bizarrement Paul n'y semblait pas du tout sensible. Qu'importe, nous étions seuls dans une immense salle décorée de bouquets extravagants).

    Fin 2004, je suis revenue dans le quartier de la Madeleine. Nous avons erré un peu, il fallait trouver un restaurant pas trop cher (même si Paul, un jour que je lui faisais timidement remarquer que j'étais gênée qu'il m'invitât toujours, me déclara royalement que «j'étais son budget cigares» (j'ai le chic pour m'attirer des mots gentils qui sont objectivement des mufleries) (il avait arrêté de fumer quelques années plus tôt)) et pas trop bruyant, Paul devenant de plus en plus dur d'oreille.


    Un jour, Linda, la serveuse de notre premier bar à vins, a contacté Paul sur son téléphone portable pour prendre de ses nouvelles. Elle lui a arraché notre clientèle. Linda est portugaise, elle a une cinquantaine d'années, trois petits-enfants, une silhouette de jeune fille.
    Aujourd'hui, je ne sais pourquoi, l'air du temps ou ma tête, elle nous a apporté une coupe de champagne juste avant le dessert. Nous l'avons chaleureusement remerciée, lui disant qu'elle avait eu une bonne idée puisque nous avions quelque chose à fêter.

    — Ah bon ? Vous êtes grand-mère ?

    Avancée féministe

    Je suis contente qu'on envisage de m'offrir du vin (et quel !) plutôt que des fleurs.




    ------------------

    Neuf ans plus tard, j'explicite : déjeuner avec Olivier pour mon anniversaire. C'est au cours de ce repas qu'il prononça la phrase « Dépassionne-toi ! » (cela concernait un collègue. J'étais en train de lui raconter mes agacements de boulot.) J'ai parlé de H., de mon ressentiment devant ce que je ressens comme son mépris à l'égard de notre vie patiente de salariés qui ramenons la pitance au bout de chaque mois (et sa citation de la fable Le loup et le chien, très maladroite). Olivier hochait la tête en approbation. Nous sommes peut-être des chiens avec un collier, mais nous nourrissons nos famille. Cela représente un certain courage, un courage certain.

    Cavalcade

    67/ Je regrette de ne pas avoir fait plus attention le 20 février 2002 à 20 heures 02.

    68/ Ce jeu est addictif.

    69/ La moitié de mes cheveux au naturel seraient blancs, ou gris. J'aimerais voir ça, je suis curieuse des corps, de leur vraie évolution, du travail de la nature en nous, et en premier lieu, en moi.

    70/ La mort des autres me dévaste, mais la mienne m'intrigue. Je dirais bien ''«j'aimerais bien essayer»'', si ça ne paraissait pas aussi stupide.

    71/ Je m'imagine un jour avec de courts cheveux bouclés aux reflets mauves (ou bleus? je n'ai pas encore totalement décidé).

    72/ J'admire l'élégance de Jacqueline de Romilly, le rose de ses toilettes. C'est mon modèle pour plus tard.

    73/ Qu'Edwige Feuillère était belle dans De Mayerling à Sarajevo.

    74/ Slothorp m'a bien fait rire en déclarant qu'un jour, chirurgie aidant, il n'y aurait plus d'actrices pour jouer les vieilles dames, ou les vieilles femmes.

    75/ Un monde sans visage de vieux me paraît sans sel.

    76/ La jeunesse est belle.

    77/ Nous ne savons plus la perdre.

    78/ Nous ne voulons plus rien perdre.

    79/ Qu'y gagnons-nous?

    80/ Je n'ai jamais joué à un jeu plus égocentrique. C'est sans doute pour cela qu'il est si facile.

    81/ Ce matin j'ai vu un bas opaque filé. Je ne savais pas que c'était possible.

    82/ Je porte des Dim-up depuis que ça existe. La technologie a fait beaucoup de progès, ils ne serrent pas, ils accrochent.

    83/ Il y a bien longtemps, j'ai changé de tenue dans un confessionnal de Saint-Leu, rue Saint-Denis. Je ne sais plus à quelle occasion.

    84/ Deux ans pour vingt centimètres de cheveux. C'est long. Pouvait-on réellement constituer une dot en vendant les cheveux des filles?

    85/ Imaginer que les perruques poudrées des vieux magistrats étaient constituées de cheveux de jeunes filles ou de nonnes. Impression de perversité ou de sacrilège.

    86/ J'ai fini Sobrarbre.

    87/ J'utilise comme marque-pages les cartes postales de Zvezdo. Celles que je préfère viennent de Russie.

    88/ Je viens de râler et je suis embarrassée, j'ai des remords.

    89/ J'ai été en colère de façon quasi-continue entre 2005 et 2007. Les raisons en sont obscures et multiples. Le parti de l'In-nocence de RC est l'une des raisons les plus constantes de cette colère.

    90/ Je ne peux pas lire sans une table, et de préférence avec un crayon (exemple de construction foireuse).

    91/ J'aime les constructions syntaxiques foireuses.

    92/ Je n'aime pas la vulgarité.

    93/ J'aime le mauvais goût, à condition qu'il soit outrancier.

    94/ Je peux donner la date et les circonstances d'achat d'à peu près tous mes vêtements. Ma garde-robe doit avoir un âge moyen de cinq ou six ans. Peu de choses, beaucoup aimées, portées longtemps, jusqu'à tomber en lambeaux (littéralement: tissus atteignant la transparence à force d'usure, déchirures spontanées).

    95/ Je pense à la phrase de Swann : «Je ne trouve pas mes chapeaux, je les garde ! »

    96/ Dernière cigarette ce matin. Combien de temps?

    97/ Les taches de bleueur de Doris dans Le monde de Nemo.

    98/ Il y a une cadence dans ce jeu qui m'évoque les roues d'un train, les syllables martelant le souvenir. Blaise sommes-nous loin de New York, mais tu m'ennuies Jeanne et le fer à repasser ces soirées passées à repasser en écoutant des livres-cassettes j'ai commencé avec Cendrars sommes-nous loin de Montmartre il reste les samovars dans la plaine russe et les échoppes juives de New York et la lumière du salon l'odeur du linge la solitude et la lecture de Fado Alexandrino mais c'était bien avant huit ans environ les souvenirs sont toujours immédiats sans profondeur il n'y a pas de recul tout est là en ronde il n'y a qu'à fermer les yeux.

    99/ Quand je ferme les yeux je suis immédiatement ailleurs. Quand je rouvre les yeux il faut un centième de secondes pour me souvenir d'où je suis (mais je ne sais pas où je suis quand je ferme les yeux).

    100/ J'ai des remords concernant mon père. Je sais maintenant qu'il essayait réellement de m'aider quand j'avais seize ans. Mais ne pas vouloir d'aide et ne pas reconnaître l'aide proposée faisaient partie de mon mal.

    101/ Est-ce que Madame Aubert est morte? Voilà quatre ans que je devrais lui écrire. Chaque heure perdue est grave.

    102/ J'aime Marie Borel.

    103/ C'est beaucoup plus facile à écrire qu'un billet. Je pourrais garder cela pour en faire une cinquantaine de billets. Mais l'épaisseur permet d'espérer que les gens ne liront pas tout (je ne devrais pas sauter de ligne).

    104/ Je conduis le plus souvent pieds nus (pour ne pas abîmer mes chaussures) et d'une seule main (parce que mes voitures sont légères à la mains).

    105/ Intérieusement, j'utilise souvent un langage équestre pour désigner certaines sensations (un cheval franc, une bouche légère, des postérieurs engagés sous la masse).

    106/ J'ai remarqué avec amusement que je tiens les anses de mon sac comme des rênes, le pouce assurant le cuir sur l'index passé entre les deux anses.

    107/ Je pense à ce jeu tout le temps, c'est devenu une manie.

    108/ En cinquième, un sergent recruteur de l'armée (il n'était peut-être pas sergent) est venu au collège nous expliquer les carrières militaires. Pouvais-je devenir pilote de chasse? Non, pas les filles. Après le bac, je suis retournée poser la question. On me proposait de piloter des avions-cargos. Non, mais ils m'avaient bien regardée ?
    Je regrette aujourd'hui de ne pas avoir posé la question concernant les hélicoptères.
    De toute façon, je ne crois pas que j'aurais supporté l'armée plus de quatre secondes et demie.

    109/ Où est-ce que j'ai mis mon caddie?

    110/ La première fois que j'ai fait de la moto, c'était en stop en sortant du terrain de parachutisme de Royan. Il était inutile de tant se presser, c'était un dimanche de changement d'horaire, je ne le savais pas, j'avais une heure d'avance à la gare.

    111/ J'aime la vitesse et la mécanique. J'aime le kart.

    112/ Je regrette d'avoir vendu dans un dépôt-vente le pull que j'avais tricoté durant cette semaine à Royan. Je n'arrive pas à décider si sa couleur, mandarine légèrement scintillante, était hideuse ou layette.

    113/ Malgré le froid et la neige, de nouvelles pousses commencent à apparaître sur le rosier grimpant.

    114/ J'aimerais avoir un beau jardin, même une jungle plutôt que le terrain vague actuel. Si j'avais le temps, prendrais-je la peine de m'occuper du jardin?

    116/ Les roses anciennes.

    117/ Il est exclu qu'on touche au sapin derrière la maison.

    118/ Jack London, Fenimore Cooper, James Olivier Curwood.

    119/ Certains hommes semblent avoir une vision castratrice du jardinage: tout ce qui dépasse doit être coupé. Et même ce qui ne dépasse pas, car ça finira bien par dépasser un jour.

    120/ Nos thuyas sont si énormes, débordent tant, que toute entreprise d'élagage passant dans la rue s'arrête inévitablement.

    121/ Il faut revoir la décoration du salon. J'ai des idées. H. a peur. Il a souvent peur quand j'ai des idées.

    122/ Je n'ai peur de rien. J'ai peur des gens. Je me fais peur.

    123/ J'aime bien les hommes.

    124/ Je me dis parfois que la vie serait plus simple avec deux planètes séparées, hommes/femmes.

    125/ Ou encore plus simple, avec une planète pour moi seule, façon Petit Prince.

    126/ J'aime pas les gens.

    127/ Le Petit Prince m'ennuie, mais il faut bien reconnaître que je pense souvent à certaines de ses phrases.

    128/ Ne compter que sur soi, et encore pas beaucoup. (Alphonse Allais?)

    129/ Je fais la sieste à des heures bizarres, dès que j'en ai l'occasion: dix ou vingt minutes ou une heure et demie (pour tomber sur des cycles entiers de sommeil). (J'y vais).

    130/ Je lis la Grevisse comme un roman.

    131/ Mon téléphone portable me sert de minuteur, de réveil, d'appareil photo. J'envoie des SMS. Parfois, en désespoir de cause, je téléphone.

    132/ La lettre de Frédéric me donne des remords.

    133/ Il faut que je copie le CD de Bruno Coli pour Michel.

    134/ Bureau toujours pas rangé. Il faudrait poser une journée de congé pour cela. Mais je la passerais à autre chose qu'à ranger mon bureau.

    135/ Aller passer quelques jours chez D. dans le Jura en février me paraît une drôle d'idée.

    136/ Je bois mon thé dans une tasse d'un demi-litre achetée en 1985 à Versailles.

    137/ La soucoupe en est brisée et recollée, un éclat de porcelaine a sauté sur le bord où l'on pose les lèvres.

    138/ Elle est décorée d'un vélo à la Perec.

    139/ Galopent, galopent les chevaux du souvenir.

    140/ Est-ce que Roland a trouvé un éditeur ?

    141/ Je n'arrive plus à m'habiller le matin pour aller travailler.

    142/ Je ne sais pas traire les vaches. Ma grand-mère a essayé de m'apprendre à traire les chèvres. Je n'ai pas été assez appliquée. Je le regrette.

    143/ J'ai appris à monter à cheval au Maroc, sur des étalons. Mes jambes ne dépassaient pas les quartiers de la selle. J'ai pris des mauvaises habitudes.

    144/ Quand on tombait, il ne fallait pas lâcher son cheval qui ne rêvait que d'aller se battre. Rentrée en France, je me suis fait gronder parce que je ne lâchais jamais les rênes, quitte à me faire traîner dans tout le manège.

    145/ Les voisines, infirmières à la retraite, allaient se baigner dans la mer tous les jours, en toute saison. M. Lolmed, qui avait peur que le ciel ne lui tombe sur la tête, ou plutôt que la terre ne l'engloutisse (mais ça revenait au même) dormait dans le jardin sous une tente. Mme Bosc apprenait une fable de La Fontaine par semaine pour entretenir sa mémoire.

    146/ Qui se souviendra d'eux quand je ne m'en souviendrai plus ?

    147/ M. Bosc avait deux chiens deux chasse qui obéissaient au doigt et à l'œil. Quand il ordonnait down, les chiens s'applatissaient comme des carpettes et ne se relevaient que sur son ordre. C'était fascinant.

    148/ Je me souviens du jour où j'ai découvert que les nuages bougeaient.

    149/ Je me souviens des étoiles quand la nuit était encore noire.

    150/ La poutre de ma chambre chez ma grand-mère avait un défaut qui formait une tête de chien. Quand la chambre a été refaite, ce motif a été effacé. Mais de toute façon, j'ai changé de chambre.

    151/ J'ai rêvé que les châtaigniers de la ferme avaient été abattus.

    152/ J'ai passé beaucoup de temps à essayer de trouver des salamandres ou des tritons dans les trous d'eau en bas de la ferme. En vain.

    153/ Je regrette de ne pas avoir fait de planeur avec Paul quand il était encore temps.

    154/ Il ne faut pas attendre.

    155/ La première fois que je suis allée à Venise, c'était en cachette. C'était le 1er mai, les Italiens portaient des œillets rouges.

    156/ J'avais emmené Fable de Venise pour tout guide. J'ai beaucoup marché, beaucoup rêvé, rien visité.

    157/ Je n'ai pas aimé être enceinte (encombrant et voyant). J'ai aimé accoucher (mystérieux et incompréhensible).

    158/ Les gants ne réchauffent pas les mains. Ils gardent au chaud des mains chaudes (parole de gantier).

    159/ Les dames qui s'occupaient de notre blanchissage à l'internat étaient adorables. Elles reprisaient et recousaient de leur propre chef, sans se contenter de repasser.

    160/ Par manque de fil, au cours d'un stage d'aviron à Cholet, j'ai reprisé des collants de sport avec deux couleurs différentes, chaîne sur trame. Cela a beaucoup plu à mes compagnes de chambrée.

    161/ Quand j'entends Francis Cabrel, je pense à cette semaine de stage (une semaine de Francis Cabrel, et en particulier cette chanson que je n'ai jamais réentendue: La femme sur le trottoir d'à-côté (ou d'en face ? Je ne sais plus)).

    162/ Hemingway, Thomas Mann, Saül Bellow. BU de Nanterre.

    163/ Automne 1989. Périgueux et Strasbourg. Deux rivières, un même nom: L'Isle.

    164/ J'ai froid aux mains.

    165/ Blogguer est une drôle d'idée. Bizarrement, j'y arrive plus facilement quand j'écris beaucoup à côté, comme si cela faisait moins peur.

    166/ J'aime les R8 Gordini. Sur FB, si l'on cherche "R8", on trouve des floppées de groupes célébrant l'Audi R8 (que je ne connais pas).

    167/ Personne n'imagine comme sont jolis les poussins de pintade.

    168/ Quand le sort voulait que des animaux orphelins grandissent dans la cuisine (poussins, lapereaux, canetons), ils avaient la vie sauve. Ma grand-mère ne tuait pas un animal élevé dans la maison.

    169/ Parmi les deux mensonges de mon enfance, celui qui me cachait que les chevreaux étaient destinés à la boucherie (l'autre concernait le père Noël).

    170/ Il est probable que les boules de Noël rapportées par papa de Pologne pour sa mère ont été données à ma tante, depuis divorcée et sortie de la famille. En tout cas, on ne les a pas retrouvées. (J'y tenais beaucoup.)

    171/ Cette tante tenait des fonctions à la direction vétérinaire de l'Aveyron. Son service devait goûter (pour approbation) le roquefort. Elle nous en ramenait des quarts de meule. Pendant des années, j'ai mangé des tartines de roquefort au petit déjeuner, trempées dans du chocolat.

    172/ Elle possédait une règle en plastique avec des petits cœurs. Elle disait que c'était le compte de ses amants.

    173/ C'était peut-être vrai.

    174/ Le vêtement idéal est une djellabah.

    175/ Je ne porte pratiquement que des robes.

    176/ Nostalgie n'est pas assez grand pour ce qui m'étreint.

    177/ Il y a peu de temps que j'envisage la possibilité que l'avenir puisse être plus intéressant que le passé (janvier 2007 ? juin 2008 ? juillet 2008 ?)

    178/ Le premier prêtre que j'ai vu portait un tee-shirt avec une chauve-souris. Je me suis précipitée sur lui en m'exclamant : « Oh, une chauve-souris ! » et ma mère m'a grondée.

    179/ Les frères proposaient des ateliers après le catéchisme, et notamment la possibilité de construire des abats-jours en pots de yaourt qui me faisaient rêver. Egalement des inclusion en résine qui me paraissaient le top du top.

    180/ J'ai conservé des vibrisses de ma première chatte en me disant qu'un jour peut-être… je les inclurai dans de la résine (**shame**). La boîte qui contient les vibrisses contient également des tickets de métro jaunes (« t'as le ticket chic ») et une série de sucres illustrés par des visages de clowns naïfs.

    181/ J'ai admiré l'imagination d'une amie qui s'est déguisée en ticket de métro lors d'un bal costumé (c'était d'autant plus improbable qu'elle devait dépasser les soixante-dix kilos).

    182/ J'ai arrêté d'écrire à cette amie, agacée 1/ qu'elle ne donne des nouvelles que lorsqu'elle était en vacances dans des endroits exotiques 2/ qu'elle remercie l'ensemble de son carnet d'adresses par un mail circulaire alors que nous lui avions apporté une aide circonstanciée lors d'une recherche d'emploi.

    183/ J'ai continué à écrire quelques années à une amie après avoir quitté le Maroc. A douze ans, elle m'a dit que son livre préféré était La brute de Guy des Cars. J'ai emprunté un Guy des Cars, ai commencé à le lire, arrêté d'écrire à cette amie.

    184/ J'ai usé une paire de chaussures en deux mois en travaillant chez Mollat.

    185/ J'ai trois "amis" FB que je virerais bien: un parce que nous n'avons aucune affinité, le deuxième parce qu'il est lourd, le troisième parce qu'il devrait être plus présent.

    186/ Mon personnage WoW est un toren chamane. (Je ne m'en sers jamais, les enfants le font évoluer pour moi.)

    187/ J'aime le graphisme de WoW, mais c'est un jeu trop lent pour moi, il ne correspond pas à ma nervosité.

    188/ J'entends encore dans mes rêves le sabot des ânes sur la piste cyclable,

    189/ et les grillons, et l'appel à la prière du muezzin, et le coassement des crapauds.

    190/ Je revois le cheval de mon père s'enfoncer dans la mer droit vers le large. J'ai eu peur. J'en rêve encore.

    191/ C'était un cheval gris pommelé qui s'appelait Tempête.

    192/ Je suis tombée de Bébé Mistral qui s'était emballé, affolé par l'espace vide devant lui. Tandis que je ne me souviens de pratiquement aucun de mes camarades de classe en primaire et au collège, je me souviens du nom de tous les chevaux d'avant mes huit ans. Je peux même dessiner le plan des boxes.

    193/ L'odeur des graines de caroube dans le hangar empli jusqu'au plafond.

    194/ Je contemple souvent les balustrades de fer forgé de l'immeuble en face de mon bureau. Elles sont magnifiques.

    195/ Il faut que je retrouve la définition du traditionalisme. Pour cela, je dois ranger mon bureau. Je n'ai plus assez de place pour ranger, plus exactement, il faut que je change de méthode de classement pour contenir le flot croissant d'articles que j'imprime et conserve.

    196/ Pourquoi deux cents? Parce que cent était court. C'est le prochain nombre rond franchement rond.

    197/ J'espère que personne n'aura le courage de lire tout ça.

    198/ A qui reviendra ma bibliothèque ? Que va-t-elle devenir ?

    199/ Mon livre le plus précieux dans tous les sens du terme est la thèse de Clémence Ramnoux.

    200/ J'aurais aimé connaître Clémence Ramnoux.

    Appel international pour des listes de courses

    La personne qui s'occupe de la "page" concernant Anatole France sur Facebook nous adresse cette étrange requête :
    I address you folks, though, with an entirely different agenda.
    I was recently in Belgium, and in a visit to the supermarket I noticed a grocery list left behind in my cart by a previous customer. Being a foreigner I found it more fascinating than a local might have, and placed it in my pocket. I have since returned home (Tel Aviv) and recently encountered an abandoned list in a cart here as well, which I collected.

    I decided to take on a documentation project à la Sophie Calle and collect grocery lists from as many locations as I can to later form a current image of world wide capitalist life.

    I decided to address you folks, as you represent an amalgam of cultures. If any of you feel like participating in this project, It?d be awesome if you could send me an authentic supermarket list in your native language, stating the language, and if possible (but not necessary), a translation into English.
    It is very important that it be a real list, not one conducted for the project. Perhaps an old list of yours or one you find in a cart written by a stranger.

    I'm not yet sure what I will do with the lists once gathered. I will consult and brainstorm with different ppl form the art scene here and am,of course open to interesting ideas.
    If you feel like participating, message me and I'll give you my Tel Aviv address.

    Have a great day, folks.
    Meira
    Donc je traduis et résume: au lieu de jeter vos listes de courses — quand vous avez fini de faire vos courses, mettez-les sous enveloppe direction Tel Aviv. (Vous pouvez les accompagner d'une traduction en anglais, c'est mieux mais pas obligatoire).
    Ça c'est exotique !
    (Je me charge de récupérer l'adresse de Meira Marom si vous avez la flemme de vous en occuper.)


    complément le 10 février 2009
    PS1: ça y est, j'ai l'adresse.

    PS2 : précisions de Meira:
    La traduction n'a pas grande importance, mais si l'écriture est difficile à lire, ce serait bien de l'accompagner d'une copie en capitales.
    Merci de noter précisement où la liste a été utilisée (ville et pays) et le nom soit de la personne qui a écrit la liste, soit de celle qui l'a trouvée.

    La troisième mi-temps

    Après la séance de l'Oulipo, nous allons traditionnellement dîner dans une pizzeria. C'est très amusant, très instructif, et je ne connais à peu aucun des sujets ou auteurs évoqués. Mais je fais très bien semblant d'être à peu près au courant, sauf parfois (il faut bien obtenir quelques renseignements) :
    Botul ? Comme le botulisme ?
    et tout le monde rit.

    Notes à l'intention de Patrick et Jérémy : il faut fouiller dans les liens d'Elisabeth. Voir Alain Zalmanski (grand râleur devant l'Eternel) et Gilles Esposito-Farèse|. Jacques Tramu a fait une très rapide apparition (je savais qu'il voudrait voir ma tête ! (ce qui nous a permis de voir la sienne)).

    Random things (miscellanées)

    Finalement, c'est facile :

    32/ Ce matin, une jeune fille à vélo remontait le boulevard Malesherbes à gauche de la voie de gauche.

    33/ J'ai vu un moineau. Ils sont en voie de disparition.

    34/ La main sur un flanc comme sur une encolure.

    35/ Je me souviens du ciel au-dessus de la Loire à l'automne.

    36/ J'appartiens à la Loire.

    37/ En quatre occasions au moins, j'ai vu des hommes se branler en public: sur un pont au-dessus d'une voie rapide, sur le quai du RER D, sur les bords de la Loire (moi étant sur la Loire), dans des toilettes de train porte ouverte.

    38/ Dans ces cas-là je reste impassible.

    39/ J'ai cassé la vitre permettant l'accès à la clé de l'aile condamnée du lycée. Je me suis souvent réfugiée dans cette aile contenant les lits en vrac de l'ancien internat.

    40/ J'ai vu un caneton très jeune tomber du trottoir le long du jardin Jean XXIII sur le flanc de Notre-Dame. D'ou venait-il?

    41/ Je ne sais pas ce que je veux.

    42/ Etre lue est toujours une surprise.

    43/ Hier j'ai rencontré un fantôme de mon passé, variété "Oscar-dans-les choux". On a parlé du bon vieux temps. Je connais les légendes de l'assurance, de 1945 à 1960, le temps des "boîtes à chaussures" et des aristocrates devenant agents d'assurance.

    44/ Je n'ai pas encore abandonné l'espoir de croiser une fée ou un lutin.

    45/ Les gens sont si sérieux pour des choses qui n'en valent pas la peine.

    46/ Je ne comprends pas pourquoi on raconte tant de bobards sur la mort, sur le mort présent, la présence du mort: le vide est sidérant, l'absence absolue.

    47/ J'ai appris que Louis XVI et Marie-Antoinette étaient en deuil quand ils ont été arrêtés: ils venaient de perdre un enfant.

    48/ J'avais une ou deux choses à dire que j'oublie pour la deuxième fois.

    49/ A huit ans, j'avais un plan pour rejoindre Agadir à pied à partir de Blois: suivre la Loire jusqu'à l'Atlantique, puis suivre l'Atlantique jusqu'à Agadir (Tanger posait un problème).

    50/ A seize ans, c'était plutôt les rails de chemin de fer que j'envisageais de suivre lors d'une fugue (vers la Suisse. Pourquoi la Suisse? je ne sais plus.)

    51/ Si je ne vais pas chercher mon café, il va être froid.

    52/ Je n'ai pas envoyé deux cartes de vœux importantes. J'ai des remords. Il faut que j'écrive aujourd'hui.

    53/ Si je ne reprends pas en main la paperasse, je cours à la catastrophe; j'ai déjà raté une échéance importante samedi dernier.

    54/ Je pense que notre aîné est en train de nous rouler dans la farine (trop évasif): à quel sujet? (j'ai une idée).

    55/ J'ai acheté les billets allers pour Venise, j'oublie depuis trois jours d'acheter les billets retour. Est-ce volontaire ?

    56/ J'aime les gants, je pourrais dépenser des fortunes en gants.

    57/ Mais aussi en vaisselle, porcelaine, voilage, linge de maison, tapisseries.

    58/ Je n'aime pas l'odeur de la cigarette sur les gants.

    59/ De toute façon, je suis censée ne plus fumer depuis deux ans.

    60/ Je m'en fous.

    61/ Je vais avoir 42 ans. C'est un bon chiffre, la réponse à toutes les questions.

    62/ Je veux une serviette "Don't panic" pour mon anniversaire.

    63/ Je ferais sans doute mieux de m'en occuper moi-même. D'un autre côté, ce serait bête de me retrouver avec deux serviettes "Don't panic".

    64/ Je me laisse pousser les cheveux pour le plaisir littéraire de pouvoir utiliser l'expression "en cheveux".

    Recherche de mécanismes

    Prison Break saison 1. La question que se pose le scénariste est la suivante: quel est à ce stade du récit l'élément indispensable au plan d'évasion? Puis il le fait disparaître: un morceau de peau tatouée, l'accès à la cabane d'où part le tunnel, le jeu de la trappe dans l'infirmerie, etc.
    Oz saison 2. La question est "qu'est-ce qui pourrait déstabiliser ce personnage, quel est son point faible?" Adebisi et l'Afrique, Vern et ses fils, O'Reilly et son frère… La réponse est très souvent la famille. La famille est le lieu de la force et de la faiblesse.

    Ainsi fait-on survenir les péripéties. C'est assez simple. Beaucoup plus difficile, comment les résout-on ? Comment passe-t-on outre ?
    A étudier: les jeux d'entrées/sorties de personnages, car nous sommes en milieu clos. Faire entrer un nouveau personnage n'obéit à aucune règle, c'est l'occasion pour le scénariste d'exercer son arbitraire. Mais chaque personnage doit arriver avec une histoire déjà riche saturant l'espace de nouvelles lignes de force (un clan, une famille, un savoir-faire (la loi, le baskett, le violoncelle, la drogue, la haine raciale,…), des appuis extérieurs, etc) et obligeant chacun à se repositionner. Trois ou quatre phrases, quelques gestes, suffisent à chaque fois à faire comprendre les nouvelles hiérarchies au téléspectateur.

    Pierre qui brûle : cinq opérations, cinq lieux, cinq moyens, en crescendo: un musée, une prison, un commissariat, un asile d'aliénés, une banque; des uniformes, un camion, un hélicoptère, une locomotive, un hypnotiseur. Amusant de constater que le téléphone portable transformerait considérablement les derniers chapitres.

    Sac de dame

    Pour ne pas abîmer mes livres, je tends à privilégier les cartables.

    Mon voisin de bus (inconnu) se penche sur mon cartable ouvert:
    — Votre sac est bien rangé.
    Je ne comprends pas ce qu'il veut dire:
    — Je ne comprends pas, qu'est-ce qu'il a de spécial ?
    — Rien. Pour un sac de femme il est bien rangé.
    Je ne lui ai pas expliqué qu'il était impertinent, indiscret et pétri de préjugés.
    Le plus étonnant est que la scène s'est répétée pratiquement à l'identique à quelques jours de là — à cela près que j'ai compris tout de suite.


    Comme on se moquait de mon absence de "sac de dame", j'ai fini par trouver chez Loxwood le modèle idéal pour transporter des livres. Il existe en plusieurs tailles, plusieurs matières, plusieurs couleurs, qui changent à chaque saison (mais la forme reste la même).
    Problème: les jours de pluie ou de neige.



    2009-0203-sac-de-dame.jpg


    Vendredi dernier : jour d'Eglogues.

    Une chaise, un couloir

    Pendant les vacances de Noël, en ouvrant le quotidien régional chez mes parents, je tombe sur un article sur l'hôpital : photographie de couloir, gros titre accrocheur, rappel de la mort à Massy de cet homme qui n'a pas trouvé de lit aux urgences.

    Mon cœur se serre et j'espère que mon père n'a pas vu l'article (ce qui est impossible).
    Ma grand-mère est morte sur une chaise dans le couloir des urgences de l'hôpital de Vierzon un jour de juillet 2001 (tandis que je me souviens des dates de naissances, celles des morts m'échappent). Mon père venait de la quitter pour rentrer à Blois, elle s'est sentie mal, a appelé une ambulance ou un taxi. Elle avait quatre-vingt-sept ans, c'était l'été — avant la canicule de 2003 — on ne s'est pas occupé d'elle.

    C'est moins sa mort qui me touche (bien qu'elle me manque terriblement, et de plus en plus) que les circonstances de cette mort, l'humiliation de mourir sur une chaise d'hôpital en attendant que quelqu'un veuille s'occuper de vous.

    Ma grand-mère habitait une ferme très isolée. Elle avait des malaises cardiaques sans savoir qu'il s'agissait de cela. Le cardiologue lui avait donné une boîte de pilules ; elle devait en prendre une chaque fois qu'elle avait un étourdissement. Il m'avait expliqué à mi-voix : « Ainsi, en comptant le nombre de pilules manquantes, on saura combien de fois ça lui est arrivé ». J'avais admiré l'astuce.
    Ma grand-mère m'avait raconté qu'un jour qu'elle déterrait des pommes de terre, elle s'était sentie terriblement mal : « Je me suis dit: "si je meurs là, on me retrouvera dans trois jours, les corbeaux m'auront mangée. Il faut que je rentre à la maison pour mourir". »
    Elle concluait: «Et voilà, je ne suis pas morte».

    Tout ça pour mourir sur une chaise dans un couloir.

    Le parfum de Chondre

    Quand j'arrive, en retard bien évidemment, Kozlika et Franck, Chondre et Snooze, sont déjà là.

    Violent accès de jalousie en découvrant l'appartement de Matoo et Colin : certes il est spacieux, aéré, avec du plancher, avec une vue dégagée sans vis-à-vis proche, mais surtout, il est propre et rangé — moins de quatre semaines après leur emménagement. Quel est ce prodige? (Et c'est ainsi que je découvre que Matoo, malgré sa vaisselle sale, est maniaque. S'en suit une conversation compliquée sur les portes de tiroir et placard ouvertes ou fermées entre Chondre, Snooze et Matoo d'où il ressort qu'ils pourront jouer les couples échangistes, même si je ne sais quelle configuration recommander (faut-il mettre les fermeurs de portes ensemble, ou doit-on redistribuer les maniaques? Je ne sais.))

    Nous ne verrons pas beaucoup Colin puisqu'il est enfermé en cuisine (mais Matoo ne l'a pas encore voilé). En contrepartie, il est bien clair que Colin n'est là QUE pour l'argent de Matoo, qu'il abandonnera dès que celui-ci aura été ruiné par le loyer exorbitant de cet appartement.

    Discussion philosophico-juridique: le Pacs est-il un sous-mariage, un mariage du pauvre qu'il est déshonorant d'accepter quand on est homo ?
    Discussion sociologico-éthique: vaut-il mieux pour un couple homosexuel masculin adopter une fille afin d'éviter d'être soupçonné de pédophilie; les gens vont-ils présupposer qu'un couple homosexuel poussera leur garçon à l'homosexualité? («Moi j'aurais peur qu'il ne soit pas hétéro, déclare Matoo en souriant, c'est ma vieille homophobie qui ressort», et cachant son visage dans ses mains, simulant le désespoir: «Mon dieu! nous avons foiré son éducation!»)

    Au moment de partir, je fais la bise à Chondre et n'y résiste pas, il sent trop bon:
    — Qu'est-ce que tu utilises, comme lessive? Ça sent super-bon.
    — Ce n'est pas de la lessive, c'est mon parfum.
    La gaffe. Je suis drôlement embêtée, j'essaie de ne pas le montrer.

    Mais Chondre est parti dans des explications : il existe un blog sur les parfums, très probablement tenu par un "nez" de la profession, qui a parlé d'une ligne de parfums s'attachant à reconstituer les odeurs de propre. (In petto, je songe à l'odeur de sapin de Noël de Biff dans Embrasser une fille qui fume).
    Le parfum de Chondre, c'est donc Warm Cotton de Clean.
    Il faut que je me trouve ça.

    Les parents

    J'ai assisté hier a ce qui était sans doute ma dernière réunion de parents en primaire — sans nostalgie aucune.

    Préparation de classe de mer, j'ai déjà vu le numéro deux fois. J'admire l'instituteur impavide qui prévient les mêmes questions, les éternelles inquiétudes sans objet :

    — Aucun médicament ne sera administré sans ordonnance, inutile de fournir une valise de médicaments. Si vous bénéficier d'un protocole P.A.I. (ou A.P.I? de mémoire: autorisation administrative de dispenser un traitement sur les lieux scolaires pour une maladie chronique, le plus souvent l'asthme), tout se passera comme d'habitude. Quelle que soit la maladie nous appelons un médecin, et si nous appelons un médecin, nous vous prévenons. Donc ne vous EVANOUISSEZ PAS si nous appelons, ce n'est pas forcément grave.
    Une mère : — Et vous appelerez si vous administrez de la Ventoline ?
    L'instituteur : — Je ne vous appelle pas quand je le fais à l'école, pourquoi voulez-vous que je vous appelle de classe de mer ?

    — Prévenez-nous en cas d'allergie ou si vous respectez des interdits alimentaire. Le cuisinier est à notre disposition et fait de son mieux, alors merci de ne pas noter que votre enfant n'aime pas les épinards s'il n'aime pas les épinards: nous ferons des épinards quand même.

    — A l'aller, la valise est remplie de vêtements soigneusement repassés par la maman — ou le papa (je ne veux pas être sexiste) — au retour, non ! Alors prévoyez des sacs plutôt que des valises, et des sacs plutôt trop grands.

    — Nous les nourrissons, il est inutile de leur envoyer des colis de nourriture.

    — Ecrivez au moins deux fois (en dix jours). Le téléphone est interdit (et nous trouverons les portables !)
    — Mais pourquoi ?
    — Parce que cela déstabilise trop les enfants. Ils vous écriront deux fois durant le séjour, mais la correspondance est libre. Donc ne venez pas vous plaindre si vous recevez « je vais bien; tout va bien » (et je songe avec présomption que je recevrai mieux que ça, mon plus jeune a un brin de plume et a compris les principes).

    — En cas de décès dans la famille, ne prévenez pas les enfants par courrier, téléphonez au centre et demandez un responsable (non, je ne donne pas mon portable !)
    Et je reste ahurie que des parents puissent envisager de prévenir leur enfant de dix ans en classe de mer de la mort d'un être cher par une lettre.

    Etc, etc.
    J'admire l'humour et le dévouement de cet instituteur plutôt mal vu (il aime la discipline). Ses élèves ne grandissent pas (puisqu'il a année après année des CM2), il est plus surprenant que les parents ne grandissent pas non plus.


    Les parents ne cessent de m'étonner par leurs inquiétudes multiples, on dirait qu'ils ne peuvent survivre loin de leurs enfants (et ils imaginent clairement que l'inverse est vrai, quelle prétention). Comment ont-ils fait pour ne jamais se séparer de leurs enfants avant que ceux-ci n'aient dix ans ? Ont-ils donc tous de la famille sur place ou des mères au foyer pour les garder pendant les vacances ?
    L'instituteur rappelle cette vérité de base: Point de nouvelle, bonne nouvelle.

    Qui avais-je donc choqué ainsi ? Mes parents partis à l'autre bout du monde, je-ne-sais-qui me demanda s'ils étaient bien arrivés :
    — A priori oui, puisque la radio n'a annoncé aucun crash.
    On m'avait regardé avec horreur.


    J'en ai parlé à midi à Paul. Il m'a raconté que dans les années 30 au collège Sainte-Croix du Mans, une mère d'élève en 6e était venue se plaindre de ce que la professeur d'anglais parlait… en anglais.

    J'ai ri de bon cœur. Je me souviens de cette mère, lors d'une préparation de première communion, qui s'était émue de la violence de la mort sur la Croix : ne pouvait-on éviter cela aux enfants ?
    Le prêtre, avec un fin sourire: — Il est tout de même difficile de faire l'économie de la Passion.

    Variété

    Ce qu'il y a de bien avec soi-même, c'est qu'on en finit pas de se surprendre. Impossible 24 heures à l'avance de savoir dans quel état on sera 24 heures plus tard.

    Désordre

    La maison s'enfonce dans l'informe.
    Il faudrait que je songe à sortir le sapin de Noël (une semaine qu'on a enlevé les décorations, il perd toujours ses aiguilles aux milieu du salon).

    Il faudrait beaucoup de choses.

    Le train diabolique

    J'aimerais bien connaître le marketeur fou qui a inventé un TGV mettant onze heures à faire Nice-Paris, de nuit (20h38 - 7h40).

    Ce n'est pas un train couchette, ce n'est pas un train rapide, ce n'est pas un train où l'on peut s'allonger, ce n'est pas un train où l'on peut éteindre les lumières (mais certains compartiments sont éteints — au bon gré du contrôleur qui déclare l'extinction des feux — et l'heure du lever (vers 6 heures, même s'il aurait pu laisser les gens somnoler une heure de plus puisque le train avait une heure de retard)).

    J'étais furieuse.
    Curieusement, ma jambe gauche ne s'en remet pas.

    A Marseille où nous restons immobilisés en gare une heure, je tente de capter le wifi de la gare: payant.


    PS: le truc, pour ceux que ça intéresse, c'est de chercher un Nice-Paris Austerlitz.
    Ne jamais sélectionner Paris gare de Lyon pour les départs tard le soir, sauf pour les trains internationaux.

    Orimont

    Hier soir, rencontré LE Orimont.
    Cela m'a fait vraiment plaisir; quand je pense que je n'y aurais même pas pensé s'il ne m'avait envoyé un mail.

    Appris la définition d'une cagolle, ça peut toujours servir.
    C'est amusant de se déclarer lecteur "tardif" et avoir commencé à lire à seize ans par Erasme, Eloge de la folie.
    Question: vaut-il mieux commencer à seize ans par L'Eloge de la folie ou à cinq ans par Jojo Lapin va au marché ?

    FB IRL

    Dimanche. Nous avons rendez-vous avec Patrick au Chat noir (rue Jean-Pierre Timbaud), mais finalement nous nous installons en face, dans un café vide.

    Cette journée sera l'occasion d'apprendre bien des choses sur Patrick, en particulier qu'il est le traducteur-réviseur d'une biographie de Melville1 et le webmaster du site consacré à Claude Mauriac.
    Nous discutons agréablement; nous faisons connaissance: après tout, je ne le connais que comme commentateur de mon blog et participant des lectures de L'Amour l'Automne chez Rémi, nous n'avons jamais eu l'occasion de nous parler plus de cinq minutes d'affilé.

    Nous assistons à La Légende du grand Inquisiteur.

    A la fin de la représentation, moment d'hésitation. Avec mon célèbre sens des relations sociales, j'hésite à aller me présenter, je sais (via FB) qu'une amie de Benoît est dans la salle, j'ai peur de déranger, de m'imposer. Seul le fait de savoir qu'il me sera impossible d'expliquer ensuite pourquoi je ne suis pas allée me présenter me décide à y aller. Je balbutie quelques mots à genou en aidant à éteindre les bougies.

    On s'est bien amusé.

    Nous avons évoqué la mémoire comme muscle, le costume d'inquisiteur taillé sur mesure (et le nombre de boutons), la tricherie au niveau du chapeau (les deux pompons remplacés par une ganse 2, la possibilité que Benoît prenne feu (le bûcher grandeur nature, la vengeance de Jésus, «Il revient et il n'est pas content»); le théâtre aujourd'hui qui ne «ne sent plus assez le cul», Cécile Sorel qui jouait au Français puis terminait sa soirée en descendant les marches des Folies Bergères, les danseuses des Folies Bergères (danseuses ou pas? (Sajani, danseuse, faisait la moue)), la possibilité de jouer la suite du Grand inquisiteur ou une adaptation des Discussions obstinées 3 dans un filet façon Théâtre des deux boules 4, l'organisation d'un happening à Bruxelles pour surprendre Jean-Yves en tee-shirt "Pranchère lovers" (j'ai songé confier cette organisation à Naoki),…

    Benoît était le premier contact "pur FB" que je rencontrais.

    Patrick, C. et moi déambulons aux Halles afin de s'acquitter d'une vieille promesse: boire une Guinness ensemble. Cela prend un peu de temps et nous finissons par échouer au Hall's Beer que je vais de ce pas ajouter à ma liste.


    Note
    1 : Herman Melville par Lewis Mumford, première biographie écrite lors de la redécouverte de Melville dans les années 20.

    2 : Mais finalement, peut-être n'avions-nous pas les idées mal placées: Paul m'a appris hier que l'une des questions qu'on pose au pape lors de son intronisation est à peu près: "en avez-vous deux bien descendues?" (mais en latin, c'est tout de suite plus classe.) Est-ce une conséquence de la papesse Jeanne ?

    3 : C.: — C'est quoi "Discussions obstinées"? Moi: — Un débat sur la pornographie. C.: — Ça ne m'étonne pas.

    4 : C.: — C'est quoi le théâtre des deux boules? Moi: — Un cabaret porno où les ébats avaient lieu dans un filet au-dessus des spectateurs. On recevait de la sueur et autres… Benoît, mort de rire: — Ah tu connais?

    La nausée

    Résumé de l'éditorial de Renée Carton dans le Quotidien du médecin du 12 janvier 2009:

    Un chirurgien new-yorkais, Richard Batista, rencontre une infirmière; ils se marient en 1990, ont trois enfants. L'épouse souffre d'une grave insuffisance rénale. Après l'échec de deux greffes, le mari apprend qu'il est donneur compatible (une chance sur 700 000). En 2001 la greffe est effectuée avec succès.

    Aujourd'hui le couple est en instance de divorce. Le mari, qui se plaint de ne plus voir ses filles, rend la chose publique en réclamant la restitution de son rein qu'il estime à 1,5 million de dollars.
    Les juristes et les bioéthiciens se contentent de rappeler que le rein n'a aucune valeur puisque le commerce des organes est interdit aux Etats-Unis.

    Cadeaux de Noël

    Derrière moi dans la foule gare de Lyon, j'entends la voix claire d'une jeune femme:

    — Moi, j'aime rien de ce qu'on nous a offert.

    Et je dois avouer que ce que je redoute à Noël, ce sont ces cadeaux qui démontrent à quel point votre entourage n'a aucune idée de qui vous êtes, de votre vie et de vos centres d'intérêt. A ma grande surprise, cela tend à s'arranger après avoir été catastrophique il y a quelques années.

    Mon portrait par Facebook

    De temps en temps, je tombe sur mon "profil" hors connexion, c'est-à-dire tel que le voient les personnes ne disposant pas d'un compte FB.

    J'espère que vous m'auriez reconnue du premier coup d'œil:

    Alice est fan de :
    Célébrités / personnages publiques : Al Pacino, Marylin Monroe, Harry Potter book series, J.R.R. Tolkien, C.S. Lewis ;
    Musique : Pink Floyd, J.S. Bach, Antonio Vivaldi, Franz Schubert, Robert Schumann ;
    Fims : Terminator 2, Sergio Leone, Dead man, Le Bon, la Brute et le Truand, My Own Private Idaho ;
    Politiciens : Nelson Mandela, Rosa Luxembourg, Robert Schuman, Léon Blum.

    J'aime bien la façon dont le logiciel choisit parmi mes goûts ceux qui sont les plus partagés : surtout ne pas détoner. Excluons le bizarre.
    Je devrais ajouter les cinq chanteurs populaires du moment, les cinq best-sellers, Barak Obama et Gandhi : ainsi je serais parfaitement invisible, quels que soient par ailleurs mes goûts les plus louches et mes instincts les plus pervers.
    (Ne serait-ce pas une erreur logique, ce choix de présenter ce qui fait l'unanimité? N'est-ce pas justement l'espoir de trouver quelqu'un qui nous ressemble dans nos exceptions qui nous fait passer tant de temps en ligne? Le commun, nous pouvons le trouver autour de nous.)

    Allumer un feu

    Chaque fois que j'allume une cigarette avec la dernière allumette d'une boîte, mon cœur tremble.

    (De la cigarette comme brasero individuel).

    On ne s'est pas déjà vu quelque part ?

    Swann retrouvait dans son entourage les visages de tableaux célèbres.
    Pour ma part, j'ai tendance à croiser des personnages de séries télé.

    Jeudi après-midi, cérémonie traditionnelle des vœux dans mon entreprise. Après les discours, films, interviews, nous nous retrouvons à mille cinq cents sous une lumière tamisée, entre champagne, jus de fraise (excellent) et canapés (toujours pleins d'invention).
    Je remarque une femme. Je l'ai déjà vu, mais où ? Visage rond un peu écrasé, donnant presque l'impression d'être moins haut que large, bouche très large…
    Il m'a fallu quelques minutes pour comprendre qu'elle me rappelait la pute amie éphémère de Brenda dans Six feet under.

    Du regret comme mesure de l'action

    Je lisais mardi dans Biba (si si) "10 conseils avant de se lancer" (ou quelque chose comme ça, à vrai dire, je n'ai pas fait très attention).
    J'ai retenu ce témoignage : « Ma mère me disait à chaque rentrée, quand il s'agissait de choisir entre le petit cahier à petits carreaux et le grand cahier à spirales: "Ma fille, ne fais rien que tu risques de regretter". »

    Je prends mes décisions sur le mode inverse :«Fais ce que tu vas regretter de ne pas avoir fait» (ce qui me fait penser qu'il faut que je réserve un billet pour Nice).

    Compagnon

    J'envisage sérieusement d'y aller avec un tricot: si je ne prends plus de notes, le risque est important de m'endormir.

    Froid

    En attendant le bus, je prends conscience du métal qui transperce le lobe de mes oreilles.
    Dans le bus, le froid de la barre centrale traverse mes gants.
    Et je me souviens d'un dîner à l'internat, d'une élève en prépa-veto qui avait eu en colle la question suivante: "Pourquoi à même température ambiante le métal est-il plus froid que le tissu?" Timidement j'avais avancé que ce n'était qu'une affaire de perception, mais non, il y avait une véritable explication — je ne sais plus laquelle.

    Il a neigé

    Il a neigé, j'ai fini le paquet de cigarettes acheté mi-décembre et la Correspondance Sand-Flaubert.
    Demain j'irai chercher les deux livres commandés aujourd'hui à la bibliothèque — deux livres pour une semaine, moi qui en mets trois à en lire un.
    Demain recommencent les cours de Compagnon. Je me rends compte de l'épuisement moral où ils m'ont conduite l'année dernière à l'appréhension que j'éprouve. Je ne sais pourquoi j'y retourne. Sans doute à cause du nom de Montaigne.

    Si vous habitez Blois, si vous traversez Blois

    A Blois Vienne (quartier de Blois au sud de la Loire) se trouve désormais une librairie d'occasion qui fait café (avec des cakes faits maison) ou un café qui fait librairie.
    On peut s'y installer et lire toute l'après-midi.
    On y trouve un bon nombre de numéros de la revue Europe (un mètre cinquante de rayonnage, à vue de nez) et la défunte collection Orphée des éditions La Différence (ainsi que La Folie Almeyer de 1928, trois Tony Duvert, etc).
    Les tables sont en formica et le sol carrelé de petits carreaux sous un éclairage cru.
    Le tenancier a de la barbe.

    2009-0104-blois-liber-thes-100.jpg

    Liber.thés, 21 avenue du Président Wilson.

    2008 : année mémorable.

    Grande cuvée, la meilleure depuis 1995, meilleure encore.

    Des rencontres, la perspective d'une porte sur le mur de la cage.

    A l'année prochaine.

    Belote et chocolats

    Je passe mes journées à dormir, jouer aux cartes, manger du chocolat, lire, écrire.
    Ayant trouvé à qui parler sur FB, l'intérêt du blog s'amenuise à disparaître.

    L'une des dernières conversations en cours m'a rappelé cette vieille blague:
    à vingt ans, l'amour, c'est MMS : matin, midi et soir;
    à quarante, c'est MMS : mardi, mercredi, samedi;
    à soixante-quinze, c'est MMS : mars, mai, septembre;
    à quatre-vingt, c'est MMS : mes meilleurs souvenirs.

    Une église en situation de monopole est une église vide.

    Peter Berger, professeur de sociologie à Boston University, a longtemps cru que la sécularisation progressait avec le développement socio-économique. Depuis, il a changé d’avis et privilégie désormais une explication centrée sur l’offre. La demande de religion n’aurait pas grand-chose à voir avec le niveau de développement, mais beaucoup avec l’offre religieuse.
    Si les Américains vont davantage à l’Eglise et sont plus pieux que les Européens, c’est parce que le marché religieux est beaucoup plus ouvert aux Etats-Unis : des douzaines d’églises s’y font une concurrence acharnée pour attirer des adeptes, en leur proposant chacune une voie de salut particulière, et en répondant au plus près aux besoins des paroissiens. «Dans un marché aussi libre, l’offre est très différenciée», explique Mr. Finke. L’offre s’y adapte instantanément à la demande. Tout se passe comme s’il existait «une demande potentielle de religion qui ne demande qu’à être activée», explique Rodney Stark, sociologue à Baylor University. «Plus les membres du clergé sont préoccupés de préserver ou d’agrandir la part de marché de leur congrégation, plus vous aurez de monde dans les églises».
    Ce modèle explique aussi ce qui se passe en Europe. Les Européens ne seraient pas fondamentalement moins religieux que les Américains ; simplement, le marché religieux y serait beaucoup moins concurrentiel, les Eglises en place ayant historiquement réussi à imposer un quasi monopole. Or, nous dit Mr. Stark, «une église en position de monopole est une église vide».

    trouvé ici

    Nostalgie de Noël

    Finalement, ce que je regrette le plus des Noëls de mon enfance, c'est la pénombre de l'église et les rues désertes et éteintes du village à la sortie de la messe.

    Aujourd'hui il y a trop de bruit et trop de lumière. Tandis que j'aspire à un certain recueillement, on n'attend de nous toujours plus d'expansivité.
    Cela ne me convient pas.

    Contractions du temps

    Mettons que tout soit urgent jusqu'à 18 heures, demain.
    Tout ce qui n'aura pas été terminé à ce moment-là n'aura plus de raison d'être dès le surlendemain.
    Nulle accumulation de tâches, évaporation.

    Déjeuner dominical

    Chuck Norris et Superman ont fait un bras de fer.

    Celui qui perdait devait porter son slip par-dessus son pantalon.

    Aucune idée de titre

    - Mardi soir : explication de texte en groupe autour de L'Amour l'Automne. Ça commence à décoller, l'intérêt est que chacun a des centres d'intérêt différents (théâtre, musique, littérature, people) et que les discussions divergent avant de revenir au texte. Je crois que ce genre de livre est fait exactement pour ça: être lu à plusieurs voix, sucister autant de discussions qu'il contient de pistes (de la page 17 à 22 en une heure et demi: le livre fait plus de quatre cents pages). Il y a une tentative d'épuisement du monde, non par description exhaustive, mais par mots-clé permettant les associations.

    - Mercredi : journée minutée quart d'heure par quart d'heure. J'ai quand même réussi à dormir entre neuf et onze heures du matin (bénédiction). Camomille, mais il n'y a plus de miel.
    Le soir, écrit bien trop avant dans la nuit.

    - Jeudi : soirée (et nuit) idem.
    L'écriture saoûle, elle me laisse d'abord l' ubris, puis la gueule de bois, l'envie de ne jamais plus retourner sur les lieux du crime, une honte à me relire, un aquoibonisme généralisé.

    - Vendredi : Je cherche La Légende du grand inquisiteur et trouve ce que je ne cherche pas.

    Qu'a-t-on à bloguer quand on écrit? Ecrire qu'on écrit? Me voilà fraîche.

    Affaire Madoff : les fondamentaux

    Je me souviens, lors de ce colloque sur les finances publiques, du discours de Pierre Joxe. Il venait d'obtenir un poste ou une mission à l'ONU, nous avouant en riant que c'était le dernier examen (en date) qu'il avait eu à passer (un examen d'anglais, il me semble).

    «En survolant en hélicoptère une livraison de jeeps pour une mission de l'ONU en Afrique, nous nous sommes aperçus qu'au centre parfait de ce carré de centaines de voitures, extérieurement lisse et sans faille, il manquait des dizaines de véhicules. On ne pouvait s'en apercevoir à pied. Il faut revenir aux fondamentaux, à l'inventaire physique.»

    Je me souviens d'une de mes profs de comptabilité, expert-comptable, au physique à la Simone Signoret de la fin, qui proclamait «Un comptable, c'est un con derrière une table», qui nous racontait les inventaires à quatre heures du matin dans les usines de BTP sur les quais de la Seine, déroulant les câbles pour les mesurer avant valorisation.
    Je me souviens de la fraude de ce poissonnier d'Auchan qui, lors des inventaires de fin d'année, valorisait habilement la lotte au prix du merlan ou vice-versa, tandis que nous n'y voyions que du feu, incapables que nous étions de faire la différence d'un seul coup d'œil entre deux filets de poisson.

    J'ai appris à H. quand il a commencé à tenir sa comptabilité de société ce principe simple: à une écriture doit correspondre un justificatif, au justificatif doit correspondre un mouvement dans la sphère "réelle", un achat ou une vente, d'un bien ou d'un service (même les provisions pour risque ou les dotations aux amortissements ont pour origine un événement ou un bien réel (vient ensuite le calcul des encours de production et le début des ennuis. Passons.)).

    Mais qu'est-ce que la sphère réelle en finances? Où est l'argent? Existe-t-il? Ne s'agit-il que de manque à gagner, de gains potentiels qui ne seront pas réalisés? De quoi parle-t-on exactement?
    Quelqu'un le sait-il?
    Et au fur à mesure que se découvrent les crashs et les fraudes, j'ai l'impression que la réponse est non.

    Burn after reading, des frères Coen

    Attention, spoiler.

    Les frères Coen traitent toujours l'un des deux sujets suivants: la bêtise ou le mal, les deux se rejoignant parfois. (On peut noter un cas où ils ont plutôt traité de l'intelligence: dans Intolérable Cruauté et peut-être dans Miller's Crossing (sans doute leur film le plus indécidable).)

    Le dernier n'échappe pas à la règle: il s'agit d'une sorte de remake de Fargo plus absurde encore (car faisant bien plus de morts pour une raison bien plus futile (mais quelle raison? même cela est difficile à définir)).
    C'est un film dont l'avancée totalement cahoteuse (difficile d'imaginer moins rigoureusement tragique) n'a pas grande importance. Tout est tellement sous-déterminé, déterminé à la seconde qui passe et non par un mécanisme implacable remonté dès le début du film, qu'on s'intéresse à peine à la trajectoire du film.
    L'intérêt n'est pas là, il est dans ses dimensions horizontales. Chaque image ou presque renvoie vers des références. C'est un pastiche précis des films d'espionnage américains contemporains (The Good Sheperd: les chefs, les réunions d'anciens, le père, la voix du maître-chanteur au téléphone qui imite les films qu'il a vus (imitation de fictions dans la fiction, stéréotype reconnaissable en ce que nous, spectacteurs, partageons les mêmes références que le personnage), etc) tant et si bien que je doute qu'aucun réalisateur sérieux n'ose en tourner un dans la même veine désormais. C'est également le catalogue habituel des références aux propres films des frère Coen, les portes, les murs, les enfilades de couloirs, la vision à claire-voie dans le placard, les têtes en gros plan, les boucles d'oreille qu'on rajuste, les mêmes phrases, les mêmes gestes, les jeux de miroirs. Tout le monde ment.
    C'est un film totalement immoral : les hommes, bons ou méchants, meurent, les femmes, menteuses ou avides, survivent, il n'y a aucune raison à cela.

    J'aime beaucoup la fin, le fatalisme du ponte de la CIA, qui n'y est pour rien, qui n'a rien décidé, n'est pas intervenu, a juste demandé d'être tenu au courant "quand tout cela prendrait sens", qui constate les dégâts, les éponge, les oublie, et demande:
    — Qu'avons-nous appris?
    — Rien.

    C'est si proche des conclusions tellement plus ampoulées de Bodie of lies ou The Good Sheperd.


    edit

    A la réflexion, cela me rappelle mon père quand j'avais huit ans:
    Papa, pourquoi il y a des guerres?
    Pourquoi te disputes-tu avec ta sœur?

    Les frères Coen ont décidé d'illustrer la dispute avec la sœur plutôt que la guerre.


    edit bis

    Un blog (trouvant le film mauvais) à explorer.

    Scandale Madoff : Audiard avait raison

    Antoine de la Foy : — Vous avez l'air exceptionnellement détendu, Oncle Fernand, heureux de vivre !
    Monsieur Fernand : — Ah oui, ça, vous pouvez le dire. Maintenant que ma mission de tuteur est terminée, et croyez moi ... Et puis quant aux diverses affaires constituant la dote de notre petite Patricia, votre cher papa a accepté de les prendre en charge. Elles sont sans doute un peu particulières mais enfin, avec un vice-président du fond monétaire à leurs têtes, ben moi je pense que tout ira bien !

    dans les dernières répliques des Tontons flingueurs, avant le départ à la distillerie et à l'église.

    Le devoir de math

    — Et les courbes, tu les as tracées?
    — Euh... oui...
    — Et qu'est-ce que tu constates? Tu as regardé où elles se coupaient?
    — C'est que... j'ai un problème, j'ai mal choisi l'échelle, le point d'intersection est hors de la feuille.
    [??!!?]
    — ?!! Et tu n'as pas recommencé ton dessin?
    — Euh... non...

    Quelques temps plus tard, l'ensemble du devoir (à rendre pour le lendemain) est terminé.
    — Je peux aller sur l'ordinateur?
    Nous avons été si échaudés de tant de façons que désormais l'ordinateur des enfants est coincé à portée de regard de nos deux bureaux: plus question de jouer à n'importe quoi jusqu'à n'importe quelle heure.
    — Si tu as terminé, bien sûr.

    Deux heures plus tard, pris d'un doute soudain (nous avons vraiment été échaudés), H. demande:
    — Et ce devoir, je peux le voir?
    — C'est que... j'ai pas terminé de le recopier.

    Et c'est ainsi que jeudi soir, lorsque je rentrai à minuit et demie, il y avait de la lumière derrière les volets de C.: il recopiait son devoir qui aurait dû être fini deux heures plus tôt.

    Quatre jours


    - Samedi soir : concert du RSO (et du LGSO). J'aime ces gens que les contraintes d'une vie d'adulte n'ont pas fait abandonner leur passion. Comme d'habitude, des compositeurs totalement inconnus de moi au programme (Gustav Holst, Hamish MacCunn, Coates), c'est l'un des charmes de ces concerts (je lis très consciencieusement le programme). Ces musiques du tournant du siècle m'évoquent de la musique de films ou de dessins animés.

    - Lundi soir : Mensonges d'Etat. Un beau film, pas manichéen, composé par fragments. Je me demande si les intégristes musulmans regardent cela (de même que je me demande ce que les soviétiques (avertis) pensaient de Docteur Folamour).
    Le héros se fait mordre par des chiens enragés : série de piqûres antirabiques. C'était arrivé à mon père quand j'avais six ans: douze, vingt piqûres dans le ventre, réputées très douloureuses. Toutes mes poupées avaient le ventre percé de coups d'épingle.

    -Mardi soir: soirée de dédicace à la librairie Art et littérature. On boit, on rit, on chante sur fond de piano et de violon, Marc Lapprand et Nicole Bertolt rédigent des dédicaces dans leur livre Boris Vian, le swing et le verbe tandis que François Roulmann, le troisième auteur, avec sa cravatte Harry Potter, chante «Si j'avais un franc cinquante», on se dispute pour des esperluettes [1]. Jacinto est passé, Camille aussi, Roland (venu de Troyes!), toujours les mêmes, ça fait plaisir.
    Dans la librairie trône la porte du Tabou, le cabaret où jouait Boris Vian. François Roulmann l'a récupérée alors qu'elle partait pour la déchetterie. En temps normal, on peut la voir 10 rue de la grande Chaumière, adresse de sa librairie, spécialisée dans la musique du XXe siècle.
    Je rachète La Conjuration des imbéciles dans une version de Folio à couverture rigide. J'aime bien les expériences de Folio, les couvertures en fourrure ou en papier bonbon.
    A minuit et demie dans notre lointaine banlieue, C. et moi nous demandons si nous allons réussir à ouvrir les portières de la voiture enneigée et gelée.

    - Mercredi soir: je dois corriger de toute urgence un document écrit sur une vieille version de Word sous Mac, annoté sous une version récente de Word sous PC, rouvert sous Openoffice sous Mac. Voilà trois fois que le logiciel plante. J'abandonne. Je déteste l'informatique.


    Notes

    [1] merci à Kozlika

    Avant Noël

    Après-midi dans les gradins d'un dojo, à regarder des enfants passer leurs grades de karaté. J'ai mon Mac, mes Doc Martens, je suis plongée dans la reconstitution compliquée de certaines journées estivales.

    Un petit garçon de sept ans environ se précipite hors d'haleine vers ses sœurs à côté de moi, adolescentes arabes au visage triste, patient, d'un ennui silencieux.
    Le petit garçon suffoque, ravagé par l'information qu'il apporte:
    — Y en a qui... y en a qui... y en a qui disent que le Père Noël n'existe pas!


    Et je suis si triste de n'avoir rien à dire pour le consoler.


    (Ce matin, O. m'a dit avec réalisme: «Il fallait lui dire qu'il passera quand même»).


    Hier soir, Z. passant à côté d'un parc contenant des sapins à vendre, en face de Saint-Eustache :
    — Ça sent le sapin !

    Et je pense aux métaphores réanimées de RC (mais personne ne reconnaît jamais mes citations (d'autant plus que je ne me souviens plus de la citation)).

    11/01/2009

    Si voilà: «Je le remercie de "réinsuffler du sens dans les métaphores éculées"». Journal de Travers, p.634

    Une pub de bonne foi

    Le magazine Psychologies annonce fièrement en couverture :

    Cadeaux écolos : offrez-vous une bonne conscience.

    1/ Tiens, il dénonce le marketing écolo (green bashing), marrant.
    2/ Non, le mauvais esprit n'est pas dans la ligne éditoriale de cette revue destinée à nous convaincre que nous sommes meilleurs que nous le pensons.
    3/ Serait-ce à prendre au premier degré? (Mais alors, c'est pire! lol!)
    4/ Est-ce qu'ils se rendent compte que leur formulation n'est pas du tout "psychologue"?
    5/ Voilà qui est mettre la morale à bas prix.
    6/ C'est du joli pour un magazine qui veut mettre à jour —pour nous aider— nos mécanismes intérieurs.
    7/ Ne seraient-ce pas leurs mécanismes intérieurs qu'ils viennent d'étaler?

    Se noyer dans un verre d'eau

    Le webmestre et la documentation de my dear beloved compagny se font taper sur les doigts pour avoir mis en ligne sur l'intranet un document de la CNIL.
    Apparemment, des DRH de différentes entités du groupe ont téléphoné au siège parce que le-dit document contredit une synthèse diffusée par la direction juridique.
    L'auteur de la synthèse est en vacances (le plus probable est qu'il manque une ou deux phrases explicatives pour faire le lien entre le document brut et la synthèse adaptée à notre cas).
    C'est le branle-bas de combat, c'est terrible, c'est épouvantable, il faut retirer ce document de l'intranet, qui a eu l'idée folle et dangereuse de proposer en accès direct un document de la CNIL destiné aux employeurs et aux salariés?
    Ma collègue très émotive en est malade, c'est tout juste si elle ne vomit pas d'anxiété.

    Toutes ces bêtises me fatiguent.
    D'un autre côté, c'est curieux à observer.

    Infime geekerie

    Les deux trains qui me ramènent chez moi s'appellent Zyck ou Zuck.
    Les Zyck viennent de la gare du Nord ou de plus loin, il sont déjà bondés quand ils arrivent gare de Lyon, c'est pourquoi je préfère prendre un Zuck. Les Zuck partent de la gare de Lyon. Ils sont mis à quai vides, dix minutes avant de partir, ce qui permet de monter, de s'asseoir, de choisir sa place — près d'une fenêtre, pour pouvoir dormir, sous un néon lumineux, pour pouvoir lire —, d'attendre au chaud, et non sur les quais.

    Quand j'arrive sur le quai du Zuck, le train entre en gare, il vient vers moi à petite vitesse avant de s'arrêter, à quinze mètres environ. Je lève les yeux pour vérifier qu'il s'agit bien du Zuck attendu. Je lis en lettres lumineuses : Yoda.
    Yoda.
    Je baisse les yeux, je croise le regard du conducteur. Il m'a vue voir. Il a vu mon incrédulité et mon amusement. Nous échangeons un sourire complice, je dépasse la machine, je monte dans un wagon.

    Discrimination

    Je feuillette négligemment Le Figaro qui traîne sur la table. Des filles en robe de bal. J'adore. Je regarde les robes, les prénoms, je lis.

    — Oh, la fille de Carrie Fisher au bal des débutantes !
    Je relève la tête. Ma collègue me regarde, interrogative.
    — Ah oui, tu ne sais pas qui c'est... La fille de la princesse Leia, mais si, dans le premier Star Wars!

    Avec qui dansent-elles, ces jeunes filles? Où sont les hommes? Pourquoi n'avons-nous jamais quelques post-ados en smoking pour nous rincer l'œil?

    Que fait la Halde?

    Ce week-end, j'ai pris deux kilos.

    Nous avons acheté une balance électronique.

    Renée

    Ma grand-mère est née en 1916. A huit ans, elle fut placée comme fille de ferme.
    De place en place, elle arriva au service d'une famille avec laquelle elle sympathisa suffisamment pour que la fille de ses patrons devienne la marraine de ma mère.

    Cette fille est née en décembre 1923. Elle boîte et est bossue. Quand j'étais petite, nous allions chez elle une fois par an pour le nouvel an. C'était de longs après-midis d'ennui, on nous recommandait d'être bien sages. Les meubles étaient en formica, il y avait un baromètre en forme de maison avec un homme et un parapluie, une femme et une jupe printanière, qui étaient montés sur un axe obligeant l'un à être dedans quand l'autre était dehors, cela m'intriguait beaucoup mais on n'avait pas le droit de toucher, il y avait des cactus sur du sable coloré dans une coupe profonde, des napperons, cela sentait la cire, chez Renée, c'était exactement comme dans la chanson de Renaud: «Sur la tabl' du salon / Qui brille comme un soulier / Y'a un joli napp'ron / Et une huitr'-cendrier / Y'a des fruits en plastique».

    Renée vivait avec sa mère. Elle m'a offert trois ans de suite Les cavaliers de Joseph Kessel dans la collection "1000 soleils". J'imagine la conversation avec la libraire: «C'est pour une fille qui lit beaucoup et qui aime beaucoup les chevaux». Je remerciais poliment, je ne disais rien, on allait l'échanger le lendemain dans une librairie qui n'existe plus. Les conversations se composaient exclusivement de commérages et encore de commérages, j'apprenais à détester les commérages. Il y eut des histoires étranges, comme celle du tablier pleins d'écus amené dans la vacherie [l'étable] où ma grand-mère trayait les vaches (je regrette de ne pas avoir mieux écouté), ou mesquines, comme celle du réveil offert à une voisine: la voisine mourut, et comme Renée détestait l'héritier, elle profita d'une visite des pompes funèbres pour aller récupérer le réveil — «Il était tout neuf», précisait-elle.
    Et ma mère et ma grand-mère de hocher la tête autour de la table pour approuver.

    Un jour ma mère en mal de confidence, ou trouvant le secret trop lourd je ne sais, me raconta l'histoire de Renée.
    A dix-sept ans elle avait été engrossée par un garçon d'écurie. Celui-ci avait été bien sûr renvoyé, et l'enfant abandonné.

    Avec sa bosse et son pied-bot, Renée ne se maria pas. Quand sa mère fut veuve, elle vendit la ferme et acheta une minuscule maison à X. Elles y vécurent ensemble de longues années, trente ans au moins. Puis sa mère mourut. Renée resta seule dans la maison.
    Aujourd'hui, Renée est à son tour en train de mourir, seule, à l'hôpital. Elle ne peut plus se nourrir mais son cœur est solide. Ma mère et quelques amies lui rendent visite.


    Maupassant m'est beaucoup plus proche que Flaubert pour des raisons qui ne sont pas littéraires.

    Blues (artificiel)

    Je savais que prendre ce médicament me déprimerait et ça n'a pas raté (on ne me croit jamais).
    Y a plus qu'à attendre que l'équilibre se rétablisse, mais ça m'agace d'avoir le moral dans les chaussettes pour une raison aussi facilement évitable.


    En attendant la maison se transforme en tripot, tout le monde sait jouer à la belote. J'ai découvert un blog qui me paraît faire écho au Doigt coupé de la rue du bison.
    Cet été nous passerons au tarot (à cinq).

    Hommage à François Caradec

    Raté l'anniversaire d'Agnès. Pourtant la carte était sur mon bureau depuis une semaine.

    C'est drôle, ces gens qui ne veulent pas aller sur FB sous prétexte que leurs enfants y sont. Comme si on ne pouvait pas ne jamais se croiser.

    Ai-je convaincu Sophie de commencer par Twitter plutôt que FB, "parce que c'est plus facile"? (mais ça ne sert pas à la même chose). De toute façon, tout cela est très lent quand on ne dispose pas de nombreux amis inscrits sur FB au moment de s'y inscrire soi-même: il faut se faire accepter par de purs contacts internautiques, il faut commenter, être discret, cela dure des semaines voire des mois.

    Rencontré Saint_Glinglin, que j'avais découvert cette après-midi sur Twitter. Sans doute l'écart le plus court entre une rencontre internautique et une rencontre IRL.

    Soirée Oulipo à la TGB. Je suis la dernière à entrer, la salle est pleine. Hommage à François Caradec. Beaucoup de tendresse, beaucoup de retenue. Je suis émue de voir ces gens, ses amis, venir ainsi rendre hommage à un homme par des lectures, des poèmes, des chansons, du rire. J'éprouve le manque qu'ils n'évoquent pas. La grande affaire de la soirée est que le parler chien supérieur (Jacques Roubaud in La princesse Hoppy), indéchiffré à ce jour, sera révélé la prochaine fois ? dans deux semaines.

    La chair nous pèse au père Lachaise.

    Soirée pizzeria. Trop parlé, beaucoup ri, un peu bu. Le fontainebleau est le meilleur des desserts que je connaisse.

    Rentrée. C. nous a encore fait un sale coup aujourd'hui ? le jeudi ne lui réussit pas.

    Le portrait de l'homme idéal

    Le profil idéal1 pour échapper à toutes les maladies a d'ailleurs de quoi faire réfléchir.

    L'homme sans risque est
    « un employé municipal ou par exemple un embaumeur, efféminé, totalement dénué de vivacité physique ou mentale, sans ambition et sans esprit de compétition. Il n'aurait jamais tenté de se fixer ni d'atteindre le moindre but. Il aurait peu d'appétit, se sustenterait de fruits et de légumes, de maïs et d'huile de baleine, détesterait le tabac, refuserait avec mépris radio, télévision ou automobile. Sa chevelure serait abondante, son allure efflanquée et non athlétique, bien qu'il exerce sans cesse ses frêles muscles. Ses revenus, sa tension artérielle, son taux de sucre, d'acide urique et de cholestérol seraient faibles. Il aurait pris de l'acide nicotinique, de la pyridoxine et un traitement anticoagulant de longue durée sans interruption depuis sa castration prophylactique ».

    Son pendant féminin serait
    « un nain au chômage, faisant de la bicyclette, maigre, en pré-ménopause, hypolipidique et hypobéta-protéinémique, vivant dans une pièce surpeuplée de l'île de Crète avant 1925 et se nourrissant de céréales entières, d'huile de tournesol et d'eau ».

    Il est donc recommandé à tous ceux qui ne correspondent pas exactement à ces profils de tout faire pour s'en rapprocher…

    extrait de Si nous ne faisons rien, nous ne pourrons plus nous soigner demain ! de Mathias Matallah


    Note
    1 : Cité dans Idées Folles, idées fausses en médecine de Petr Skrabanek et James McCormick, éditions Odile Jacob, 1992

    Cerisy, la campagne de France

    La perspective d'aller à Cerisy avec ceux qui sont peut-être, après tout, "mes pairs", me paraissait parfaitement fastidieuse. Tout envie de voyage s'estompe — des villes et encore des villes : je me suis rendu compte que, désormais, j'aimais mieux draguer que de visiter quoi que ce soit; les villes ce sont avant tout des corps, pour moi, des visages, des poils, des peaux, des lèvres, des voix, des caresses, des draps sous la lampe (on verra après...).
    RC, Journal de Travers, p.1518

    Il faut avouer que draguer dans les profondeurs de la campagne normande... à moins de trouver son bonheur parmi les participants du colloque, c'est assez compliqué. (M'a fait rire cet Australien qui m'a confié, tandis que le car négociait comme il pouvait les routes du bocage: «J'ai l'impression que le terriroire français est beaucoup plus ouvert, beaucoup plus accessible, qu'il y a beaucoup plus de routes qu'en Australie.» (Well... yes.))

    Je suis rentrée de Cerisy reposée, avec une envie de déménager. Pour la première fois depuis une éternité (depuis combien d'années, en fait? avant la construction de l'autoroute passant par Vierzon), j'avais dormi une semaine dans des nuits silencieuses et noires. Point de routes, point de lampadaires. Le froid lui-même, que j'avais redouté, était accueillant, le corps s'adaptait sans effort à l'air frais mais propre.
    Et moi qui m'étonnais il n'y a pas si longtemps d'être devenue si citadine, je me suis aperçue que c'était faux: ce dont je n'ai pas envie, c'est de la demie-ville, la ville avec tous les inconvénients de la ville sans ses avantages, ses cinémas, ses expositions, ses conférences, ses concerts, ses bibliothèques...
    Mais j'appartiens à la vraie campagne, à la solitude, sans voiture et sans lampadaire.
    J'ai envie d'y retourner. Quand et où? (La Sologne? Les bords de Loire? Le Nivernais? Le plateau de Langres?)

    Dimanche, en sortant de la voiture à l'orée d'un bois, l'odeur et la nuit m'ont brutalement rappelé la ferme de ma grand-mère. Sept ans qu'elle est morte et ça ne passe pas. Pire, cela semble revenir. Dieu qu'elle me manque, mes souvenirs sont si vivants qu'il me semble les ressentir physiquement.

    Rien

    Grève. Malade. Pas lavé les cheveux. Oublié d'aller au Louvre. Pas le temps de passer à la librairie. Lu un passage amusant de Journal de Travers dans lequel un commerçant italien (en 1976) rend la monnaie avec des bonbons à la menthe. Un rien m'amuse.

    Depuis samedi une grosse mouche bourdonne le soir. C'est agaçant. J'ouvrirais bien le velux pour la faire sortir, mais ça m'embête qu'elle meurt de froid sur le coup (La mort saisit le vif). «De toute façon, elle a déjà pondu ses quatre-vingts œufs» me dit C.
    Ah.

    J'ai froid, il fait froid.


    complément le 27/11/2008

    (Comme quoi on a tous les mêmes problèmes: bzz.)

    Je suis comme ça, moi ?

    Demain, l'un des enfants participe à une compétition de karaté pour la première fois. Nous ne savons pas encore qui l'accompagnera.

    — Prends maman, elle est très forte pour repérer les faiblesses de l'adversaire: «Tu vois lui? Il boîte, vas-y, frappe dans la jambe!»
    Ils éclatent tous de rire (ils sont méchants).
    — Ben dis donc, j'espère que tu ne suivras pas de psychanalyse, ça serait joli!

    Une floppée d'Albert, quelques Pascal

    — Tu penses quelque chose, tu passes sous la douche, tu penses autre chose...
    — Oui, ça c'est Pascal.
    — ...??
    — Mais non! Pas toi, Blaise!

    Musée haut musée bas

    Je n'y serais pas allée spontanément, mais je n'ai pas regretté. Curieusement le film m'a bien plu, présentant à peu près tous les clichés sur l'art et les musées, de la part aussi bien des détracteurs de l'art moderne que de ses adorateurs.
    Tous les acteurs vivants français de plus de quarante ans sont présents dans ce film. C'est impressionnant.
    Belles photos de bites.
    Emouvantes Vierges.
    C'est reposant de voir la nature présentée comme une menace à une époque où elle est plutôt considérée comme menacée. «Ça change», comme dirait un ami.

    Le jeune homme qui est sorti derrière moi n'a pas du tout aimé. Il préfère la pièce, dit-il. Le principe des sketchs fonctionne au théâtre, pas au cinéma, soutient-il. Et il ne supporte plus Dussolier, «Pitié!»

    Je ne peux voir la publicité pour l'Armée de terre en début de séance sans penser qu'il y manque la «cellule de soutien psychologique» qui aidera la famille quand le beau jeune homme aux yeux clairs aura explosé sur une mine anti-personnelle (qu'on ne me prenne pas pour une anti-militarisme primaire: j'apprécie un minimum de cohérence et je déteste que nous soyons pris pour des cons).

    Vocabulaire de la crise

    Ce n'est pas que ce ne soit pas stupide, mais ça soulage. (dédié à Zvezdo, as usual).

    CEO : Chief Embezzlement Officer.

    CFO : Corporate Fraud Officer.

    BULL MARKET : A random market movement causing an investor to mistake himself for a financial genius.

    BEAR MARKET : A 6 to 18 month period when the kids get no allowance, the wife gets no jewelry, and the husband gets no sex.

    VALUE INVESTING : The art of buying low and selling lower.

    P/E RATIO : The percentage of investors wetting their pants as the market keeps crashing.

    BROKER : What my broker has made me.

    STANDARD & POOR : Your life in a nutshell.

    STOCK ANALYST : diot who just downgraded your stock.

    STOCK SPLIT : When your ex-wife and her lawyer split your assets equally between themselves.

    FINANCIAL PLANNER : A guy whose phone has been disconnected.

    MARKET CORRECTION : The day af ter you buy stocks.

    CASH FLOW : The movement your money makes as it disappears down the toilet.

    YAHOO : What you yell after selling it to some poor sucker for.$240 per share.

    WINDOWS : What you jump out of when you're the sucker who bought Yahoo@$240 per share.

    INSTITUTIONAL INVESTOR : Past year investor who's now locked up in a nuthouse.

    PROFIT : An archaic word no longer in use.

    trouvé sur le net, relevé par Le Nouvel Economiste du 13 novembre 2008

    Toutes ces années de synchise sans le savoir

    Dimanche : rien.

    Lundi : soirée chez Rémi. Tout le monde a été très sage. J'ai trouvé le moyen de me disputer avec Flatters sur la théorie de la critique (enfin, lui n'envisageait sans doute pas les choses de ce point de vue). Je me rends compte qu'il devient urgent que je réorganise VS jusqu'au bout, car moi-même je n'y retrouve plus rien. Tout est en chantier, il n'y a plus de logique dans le classement des billets.
    J'ai l'impression que mon mail freesurf est grave dans les choux.
    Une collègue a perdu sa mère samedi. Sa tante était morte mardi dernier. Elle les enterre respectivement jeudi et vendredi prochains. Son mari a fait un AVC il y a trois semaines environ (il est rentré chez lui, il n'est pas paralysé mais garde des troubles du langage. Il n'a pas conscience de ce qu'il lui est arrivé).
    Pourquoi écrire ça ici? Parce qu'il faut que je m'en débarrasse.
    Ah oui : dimanche, appris par un faire-part sur la porte de la boulangerie que le boucher de mon ancien village est mort.
    Cette mort me hante.
    J'apprends que la manie des parenthèses emboîtées jusqu'à l'inintelligible s'appelle la synchise (voir commentaire 83).
    Pas écrit sur les blogs, pas répondu aux messages FB, encore moins aux messages freesurf, et pour cause.

    Mardi : pas envie de me lever. Depuis que je dors moins bien j'ai besoin de dormir davantage.
    J'ai acheté trois livres, j'ai failli, je m'étais promis de ne plus en acheter avant d'avoir lu tous ceux achetés lors de la fermeture de ma librairie.

    Décision

    L'un des intérêts des (vestiaires des) salles de sport, c'est qu'on y voit de vrais gens avec de vrais corps, pas des images maquillées ou retouchées.
    Au total, presque tous les corps sont imparfaits, c'est plutôt rassurant. (Je suppose que je pourrais arriver à la même conclusion sur une plage, mais je ne vais jamais à la plage.)

    Deux constats : le gras est plus joli bronzé, la jeunesse fait oublier toutes les imperfections.

    C'est décidé, au printemps, j'essaie les UV.

    Les événements palpitants de ce jour

    Matin : Pris un RER plus tôt (ça n'a l'air de rien, mais c'est la première fois que cela arrive depuis la rentrée).

    14 heures: rencontré Claire B. Plus pince-sans-rire que je ne l'aurais cru(e), et encourageante. Elle m'a donné plusieurs noms et un mot d'ordre: oser.

    ?? : à partir d'un twitt de Kozlika, je suis arrivée dans un blog au nom rigolo : sauvons la terre au lieu de manger des chips (Ce n'est pas incompatible (mais personne ne reconnaît jamais mes citations)). Et là catastrophe, je lis des jérémiades sur les chaussettes et l'esclavage des femmes.
    Je crois que je vais faire ma Didier Goux: je vais râler en expliquant qu'elle a tort et que j'ai raison. Se plaindre d'esclavage en France, quand on tient un blog... Faut pas avoir honte.

    * Mode d'emploi féministe :
    Plier les chaussettes n'est pas obligatoire. Ni les mettre à l'endroit, ni les apparier. La chaussette sur le sol dans le passage peut y rester. La chaussette qui n'a pas atteint le bac à linge sale ne sera pas lavée. (S'il n'y a plus de chaussettes propres un matin: ah ben ça alors, ça c'est dommage...) Les moutons sous le canapé peuvent galoper: qui oblige qui que ce soit à y faire quelque chose? Ne font quelque chose que ceux et celles qui le veulent bien, pour des raisons qui leur appartiennent. Mais qu'ils ne viennent pas se plaindre en accusant la société (pas en France, pas dans nos sphères sociales (qu'on devine à travers nos blogs): un peu de pudeur, de grâce). 19h02: le Zuck est supprimé. Attendre celui de 19h17.

    20h30. Je cuis les crêpes préparées par A. Sirop d'érable et poudre de noisette.

    Soupçon

    Je crois que ce jeune homme-ci



    est le même que ce jeune homme-là.



    Avec ça, j'ai de quoi commencer un roman. (Et je viens de me rendre compte qu'il tient un œillet sur les deux tableaux.)

    Cadeau

    Gvgvsse m'a offert des cigarettes américaines de toutes les couleurs achetées à Moscou en souvenir de celles que fumait sa grand-mère.
    Elles sont si jolies et si inattendues que je n'oserai pas les fumer.


    Rangement macabre

    Tandis que je trie les papiers contenus dans l'armoire à dossiers suspendus afin d'archiver les dossiers les plus anciens que nous ne consult(er)ons jamais ("accidents du travail 2003", "naissances" (faire-parts, lettres de félicitations, quelques dessins), "nourrice 2000"), je me dis en étiquetant les boîtes qu'elles ne seront sans doute jamais rouvertes, sans doute jetées telles quelles après nous — qu'il serait sans doute aussi sage de les jeter tout de suite mais que je n'en ai pas le courage —, et que ce sera très bien ainsi.

    Quatre nuits avec Anna, de Jerzy Skolimowski

    Comme je n'ai pas pu voir Kanal qui passait à la cinémathèque, je me suis rabattue sur un autre Polonais.

    J'ai toujours la même avidité des paysages polonais, de la terre et des ciels. Ici, c'est un hôpital, des briques rouges, un clocher qui sonne, un mélange de modernité (hélicoptère) et d'intérieurs pauvres tels que devaient être les fermes françaises dans les années 50.

    Ce pourrait être un film muet. C'est pratiquement un film muet.

    C'est le film d'une passion violente et respectueuse d'un homme pour une femme.

    Il m'a semblé voir un film de Kaurimaski qui aurait choisi une veine baroque.

    C'est lent. Le récit est monté en mosaïque. On ne comprend que très lentement, il reste quelques hésitations sur la chronologie. Il faudrait sans doute le voir une deuxième fois, pour repérer les éléments qui indiquent la flèche du temps. Quelques personnes ont quitté la salle. Je regardai les arbres, la boue, le bouton, la boîte à musique. Les couleurs sont inégalement réparties, quasiment monochromes autour de l'homme. Ce sont les couleurs de la nature en hiver et des murs non peints. Autour d'Anna vivent les fleurs, les cartes postales, le vernis à ongles.

    La réussite du film est dans le contraste entre le peu d'événements représentés et la violence des sentiments ressentis.

    Gaffe

    L'amour chez les invertébrés.
    La punaise déprimée prend un verre; le barman mille-pattes tente de lui remonter le moral:

    — Je sais pas moi... Tiens, t'as déjà pensé à l'échangisme?
    — Je viens de me faire larguer, vieux. Tu veux que j'échange quoi?

    Claire Bouilhac, Fluide Glacial n°44, p.83

    Latence

    Je n'ai pas mes lunettes (je ne m'en sers que pour lire, les livres et les écrans, c'est-à-dire tout le temps, ou à peu près), mais j'ai la flemme de descendre les chercher. De toute façon, je les mets pour éviter de me fatiguer, et à l'heure qu'il est, ça n'a plus grande importance.

    J'essaie de me discipliner, de ne pas passer mes journées à twitter et facebooker. J'essaie de ne pas écrire, de ne pas lire, de ne pas penser. Juste agir de façon mécanique, à la chaîne comme employée du tertiaire. Maintenant que la nuit tombe à cinq heures, je n'arrive plus à quitter le bureau. Dès qu'il fait nuit, dès que j'ai l'impression d'être dans une bulle de lumière au milieu de l'encre, je n'ai plus envie de bouger, mais de continuer à être là, dans la lumière dorée en regardant le noir derrière la vitre. Un silence très profond règne.
    Je rentre hagarde.
    Ce soir je suis arrivée en avance au dojo où je récupère O. Je me suis assise dans le hall et je me suis plongée dans un livre. Des adultes arrivaient peu à peu pour les cours suivants, je relevais la tête quand ils poussaient la porte, alertée par le bruit, sans vraiment les voir; «Bonsoir» me saluaient-ils tous — il s'écoulait quelques secondes avant que je ne réalise qu'ils s'adressaient à moi et que je réponde.
    J'étais gênée à chaque fois de prendre conscience de ce temps mort pendant lequel je les avais considérés fixement — sans les voir.

    Hésitation

    Etat bizarre, je n'ose plus écrire. Tout me paraît incroyablement bête. Ce n'est pas que ce soit SSSIIII intelligent d'habitude, mais d'habitude, je n'y pense pas trop. Ecrire a quelque chose de diabolique, de dangereux. Surtout pour être lu.

    La nuit de l'élection

    Passé tard dans la nuit au QG du Modem du côté des Invalides, à suivre les élections américaines.

    Grande émotion quand l'élection d'Obama a été acquise. Immense espoir. Quelque chose s'est produit qui paraissait impossible. Bord des larmes.






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    Je n'avais rien écrit à l'époque. J'ajoute cela alors que Trump vient d'être élu (9 novembre 2016).






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    Elections de 2020. Nous attendons les résultats. Je retrouve sur FB le souvenir suivant, que je ne comprenais pas avant de venir lire ici:

    «Hier tout le monde était agressif, aujourd'hui tout le monde me sourit: c'est moi ou c'est les gens? Ils préfèrent ces boucles d'oreilles?»

    Quelques films peu connus que je reverrais volontiers

    • Antonia et ses filles et son annonce à la Little big man: «je vais mourir aujourd'hui», et la chevelure rousse de la petite fille.
    • Les neuf reines, avec son côté Usual suspects un peu raté, un peu trop lent, un peu poussif, qui ne prend sa véritable dimension qu'à la fin.
    • Reines d'un jour, pour le début (le mariage, le marié et la photographe), pour l'orthophoniste déjantée (Karine Viard, "trop" heureuse et qui ne l'accepte pas), pour la coupe de cheveux (son look et son prix), pour la pré-fourrière.
    • Mo, d'Yves-Noël François, avec Jean-Marc Barr, Jean Yanne, pour son concentré de mythe, Blade Runner, les souvenirs artificiels, R2D2 (que je voyais pour la première fois (si c'est possible)), la publicité de la pub superglu (celle du mec collé au plafond). Nous avons vu ce film par hasard l'été 1996 à l'UGC des Halles. Quand nous sommes revenus la semaine suivante pour le revoir, il ne passait plus. Il me manque, parfois j'en rêve. Là encore, il faudrait que je le revois pour tout comprendre.

    Je dois vieillir

    Depuis la rentrée j'ai passé tous mes week-ends à faire la cuisine. Celui-là, pour changer, je l'ai passé à faire le ménage.

    Violente allergie cutanée ce soir, peut-être due aux produits ménagers. Mes poumons sifflent comme ceux de la tante Denise, qui garde des séquelles d'une tuberculose mal soignée. J'aime bien, le bruit me tient compagnie. De temps en temps j'aspire à fond pour écouter les variations dans les sifflements de mes bronches puis j'expire en étant attentive à mon souffle épuisé. Mes yeux brûlent. Ce n'était pas une bonne idée d'oublier justement ce soir mes lunettes en allant attendre C. à la gare de Lyon. J'ai commencé la biographie d'Henry James par Edel. J'apprends que James père a terminé sa vie "converti" à Swedenborg (si je puis dire).
    Swedenborg me poursuit depuis si longtemps que je finirai bien par le lire.

    Ne pas parler de livre sur ce blog est une contrainte impossible à respecter. Les livres me paraissent décidément les seuls événements dignes d'intérêt.

    Un homme en colère

    Je ne sais si Charles Gave a raison ou tort (ses arguments sont convaincants mais je ne suis pas spécialiste). Ce qui me plaît, c'est la vigueur de sa colère. Il n'a pas écrit «Jean-Claude Trichet est un âne», mais on sent qu'il l'a pensé très fort.


    « Je dois écrire que la gestion de la crise financière par M. Trichet a été absolument calamiteuse. »

    [...]

    2. Sur le moyen terme, la croissance des profits dans n'importe quel pays est égale à la croissance du PNB nominal. Dans un système économique normal, les entrepreneurs ont donc une hausse de leurs revenus égale à la croissance du PNB, tandis que les rentiers touchent les intérêts que leur versent leurs fonds de trésorerie. Si les taux d'intérêt sont supérieurs au taux de croissance - les rentiers touchent plus que les entrepreneurs -, prendre des risques ne paie plus et l'économie s'arrête brutalement, nous avons donc une récession. Depuis un an, les taux sont au-dessus de la croissance en Europe et l'économie européenne est en train de s'effondrer. Il est vrai que la croissance économique n'est pas de la responsabilité de la BCE, mais il est encore plus vrai que la BCE n'est pas non plus censée suivre une politique qui tue la croissance. C'est pourtant ce qui a été fait.

    3. La crise bancaire a débuté il y a plus d'un an. Tout le monde savait que les banques dans le monde entier en général, et en Europe en particulier, étaient dans une situation difficile. Au printemps de cette année, tous les indicateurs avancés de l'économie européenne ont commencé à s'effondrer. En avril, il n'y avait plus le moindre doute que l'économie du Vieux Continent allait rentrer en récession. La quasi-totalité des banques se sont donc déclarées pour une baisse des taux courts en Europe. Patatras ! Juste après que la Fed et la Trésorerie américaine eurent sauvé Bear Stearns, trois jours après que M. Bernanke eut manifesté sa volonté de voir le dollar monter, la BCE a annoncé qu'elle allait monter ses taux en juillet. Toutes les banques commerciales furent prises à contre-pied et perdirent des milliards sur leurs positions, la courbe des taux s'inversant brutalement au lieu de se « pentifier », comme tout un chacun l'attendait. Ces milliards manquent cruellement aujourd'hui, comme chacun peut le constater. La responsabilité de la faillite de plusieurs banques européennes est donc à mettre au débit de cette décision insensée d'augmenter les taux courts en juillet. Les taux furent augmentés de 0,25 point, comme promis, et la BCE, pour faire bonne mesure, annonça qu'elle allait durcir les conditions de ses prises en pension pour certains papiers à partir de février 2009, déclenchant de ce fait un véritable effondrement des prix de ces mêmes papiers, et menant les banques à une faillite certaine compte tenu de la règle du « mark-to-market » (cf. nos précédents articles sur le sujet). On a du mal à imaginer pareille incompétence...

    4. Alors même que nous sommes dans la crise financière la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale, la BCE maintient ses taux à 3,75 %, à la place de les amener à toute allure à 1 %. Cela est très supérieur à la croissance du PNB nominal dans tous les pays européens aujourd'hui. Le système est lourdement endetté (sociétés, particuliers. Etats), le coût de la dette explose tandis que les recettes disparaissent, les faillites se multiplient et on va, peut-être, baisser les taux au printemps 2009 ? Maintenir les taux courts à ce niveau, c'est garantir que l'Europe va rentrer en déflation-dépression, ce qui relève maintenant d'une quasi-certitude. Un seul responsable à cet inéluctable désastre, la BCE, dont le gouverneur restera comme l'homme qui a organisé le troisième suicide de l'Europe en un siècle. Je suis absolument atterré de l'incompétence dont fait preuve la BCE, qui dépasse tout ce que je pouvais imaginer, et pourtant, je ne m'attendais pas à être « déçu en bien », comme disent nos amis suisses. Depuis que j'ai commencé à écrire ces chroniques dans Le JdF, et tout spécialement depuis ce printemps, je n'ai cessé de recommander au lecteur de sortir des pièges que constituaient l'Europe et l'euro.
    La seule solution, qui sera imposée par le marché, c'est bien entendu l'effondrement de l'euro. [...]

    extrait de l'éditorial de Charles Gave (charlesgave@gmail.com) dans Le Journal des Finances du 25 octobre 2008

    Soirée

    - 17h30 : j'arrive à Roissy. L'avion pour Hambourg qui doit partir à 18h40 est déjà affiché "départ retardé". A 18h05, nous remettons ma fille aux hôtesses. Comme elle est mineure, nous devons attendre le décollage de l'avion avant de quitter l'aéroport. Les cartes postales sont vendues à un prix exagéré, je renonce à écrire à ma grand-mère. (Je déteste qu'on se moque de moi).
    L'avion part à 19h40, sans explication. Je suis agacée.

    - 20h45 : théâtre de Vanves, projection privée d'un film très réussi sur le travail de Jean-Paul Marcheschi, avec un texte mesuré qui ouvre des horizons et tisse des liens. «La plupart d'entre nous, nous ne vivons que très peu durant notre vie.».
    Reste à savoir comment il sera diffusé.

    - 22h45 : Restaurant aux Halles avec deux couples d'amis. J'ai l'impression d'être la vedette féminine d'un de ces repas de Journal de Travers et j'ai envie de rire. L'un des participants semble sorti tout droit des illustrations de Pierre Joubert.

    - A pied jusqu'à gare de Lyon. Je n'ai pas d'écharpe, pas le courage de prendre un vélib. Il faudra que j'étudie les horaires des Noctambus. 1h50. Le car passe à 2h30. Il ne fait pas encore trop froid dans Paris, à Yerres, les vitres de la voiture sont couvertes de givre. J'espère que le rosier nain n'a pas gelé.

    Coluche, l'histoire d'un mec

    Les critiques sont mitigées, et je pense comprendre pourquoi: ceux qui vont voir ce film en pensant rire pendant deux heures devant des sketches doivent être très déçus. Ceux qui connaissent l'histoire de Coluche (et qui supportent le personnage, mais dans le cas contraire, pourquoi aller voir un tel film?) sont tristes. Ce film ne leur apprend rien mais leur rappelle beaucoup de choses.

    Ce film est un déclencheur de nostalgie. Je ne sais pas ce que peuvent y comprendre les trentenaires, les vingtenaires. Je repense à l'époque qui s'annonçait en 1980, dix à quinze ans de Reagan/Thatcher/Mitterrand/Jean-Paul II. La compagnie créole chante «T'es OK, t'es bath», Georges Marchais donne des interviews (je n'avais jamais vu Marchais à la télévision... je l'ai vu pour la première fois ce soir. Je vivais dans une famille un peu bizarre, pas de sexe, pas de politique, pas de films en noir et blanc, pas de films sous-titrés, pas de westerns, du sport, «t'as fait tes devoirs?» (et la réponse était toujours oui même quand c'était faux), et c'était tout), les postes de radio sont énormes, les lunettes aussi. Je n'avais jamais écouté un sketch de Coluche à la maison (trop vulgaire (plus tard, quand il animerait une émission sur Europe 1, je l'entendrais en revanche chaque fois que je serais dans la cuisine: ma mère n'écoute qu'Europe 1 («parce qu'on écoutait obligatoirement RTL chez moi quand j'étais petite» (Moralité j'écoutais RTL, Les grosses têtes et Julien Lepers... tout cela est tellement prévisible)))), mais j'avais une copine qui les connaissait par cœur, Coluche, Renaud, Magdane, Balavoine, un peu Desproges, que le monde était étroit et l'horizon resserré. (Coluche sur Europe 1, c'était le plus souvent insupportable de vulgarité. Il s'est passé pour Coluche la même chose que pour les Guignols de l'info: j'ai eu la chance de ne pas l'écouter en direct, mais de n'en connaître que les moments les plus pertinents, les phrases les plus justes, sélectionnés par mes amis.)

    Je me souviens de Jean-Louis disant dans les écuries, alors qu'on lui apprenait la grève de la faim de Coluche, «Coluche fait la grève de la faim? Mais non, il est au régime», je me souviens de la façon dont j'ai appris l'élection de Mitterrand, assise sur un seau dans le hangar à bateau après une régate, attendant que mes parents viennent me chercher, je me souviens de la mort de Coluche, de la rumeur qui a couru (était-ce vraiment un accident?) et du disque de Renaud. Souvent je me dis qu'il manque aujourd'hui un œil aussi vif, un esprit aussi prompt à saisir et saisir l'essence d'une situation. Je me demande ce qu'il l'aurait pensé des émeutes de 2005 ou d' Entre les murs, par exemple. Il ne faisait pas spécialement dans le politiquement correct. En tout cas, il se serait bien moqué des "cinq fruits et légumes par jour" sous la pub Coca zéro imitant James Bond, et ça m'aurait fait du bien. Personnellement, il me manque davantage que Philippe Muray.

    En regardant le film, l'accueil que les petites gens dans les villes touchées par le chômage (1,5 million de chômeurs, c'était effrayant et ça fait rêver) réservait à Coluche, je me dis qu'il ne faut pas chercher loin ceux qui ont voté Le Pen en 2002: on ne peut pas éternellement désespérer et Billancourt, et Longwy, et Saint-Etienne, et...
    Coluche, Le Pen, Bayrou : le système est à la recherche d'une possibilité de fonctionner autrement, mais il est trop bien verrouillé. Est-ce un bien, est-ce un mal?

    Le film se termine sur une allusion aux Restos du cœur. Quelques minutes avant, je venais de dire à H.: «J'ai beau savoir que c'est injuste, pour moi Mitterrand, c'est l'apparition des SDF». (Ç'avait été l'un de mes étonnements de retour du Maroc à huit ans: il n'y avait pas de mendiants. Etaient-ils enfermés? Dix ans plus tard, j'avais ma réponse.)

    Hier: deux approches de la lecture

    Midi

    Le livre est sur la table.
    — Qu'est-ce que c'est?... Ah, c'est en anglais...
    — Oh, c'est un policier. C'est le seul auteur de policiers que je lis encore, j'achète toujours ses nouveautés.
    — Ah, tant mieux si c'est un policier.
    — Pourquoi?
    — Eh bien, parce que c'est gros: un policier, on s'ennuie moins.
    — Vous savez, il y a longtemps que je ne lis plus de livres ennuyeux. C'est fini ce temps-là, je n'ai plus le temps. Quand un livre m'ennuie, j'en prends un autre.


    Soir

    — Tu veux un livre?
    Je me penche pour voir les titres que j'ai à portée de main... Un petit et un plus gros Melville, Cocorico et Le grand escroc, Stevenson...
    — Tu veux un petit livre? (Je pense à Bartleby, mais il est au rez-de-chaussée). Et puis non, toi tu préfère les gros livres, les trucs bien massifs, je crois.
    — Oui, les petits livres, c'est souvent plus difficile, il faut plus réfléchir.

    Soir de colère

    J'évite d'écrire quand je suis en colère. Ou alors, il faut que je trouve un sujet autre.

    Alors je me mets sur mon clavier, je fais un tour chez Bienbienbien, à partir de quoi je glisse ici, puis je joue à Splash[1], et ça va mieux.

    Et je me souviens qu'internet m'a sauver.

    Notes

    [1] Plus généralement (mais je suis comme les enfants, je joue toujours à la même chose).

    Collages

    Petit déjeuner. Machinalement je fredonne: «Ce petit chemin, qui sent la noisette,...».
    O., dix ans, et C., seize ans, relèvent brutalement la tête et me regardent avec ahurissement:
    — Comment tu connais ça, toi?

    Je les regarde interloquée mais déjà en train de rire intérieurement, comme à chaque fois que ces jeunots découvrent qu'une chose qu'ils pensaient leur être réservée (qu'il étaient seuls à connaître et pouvoir comprendre) fait partie du patrimoine commun depuis des générations.
    H. entre à ce moment-là dans la cuisine.
    — Dis-moi, «Ce petit chemin, qui sent la noisette,...», c'est de qui?
    — Maurice Chevalier, non?

    Je me tourne vers mes lascars: — Et pour vous, c'est quoi?
    — C'est la chanson d'un nain barde qui se promène dans un RPG.
    H. intervient, incrédule:
    — Un quoi?
    — RPG, un "role playing game".
    — Tu sais ce que c'est, un RPG 7?
    — Euh... Un bazooka?


    Oscar Wilde pensait que la réalité copiait l'art, Proust a écrit que nous ne voyions plus le même ciel depuis les impressionnistes. Depuis que je vois un peu plus de tableaux et d'expositions, il me vient à l'idée, en regardant les couloirs du métro et en écoutant les conversations, que la constatation continue de s'appliquer: la vie continue de copier l'art, mais nous sommes passés au pop-art, au ready-made, au collage, aux nouveaux réalistes, que sais-je encore.

    Un automne sous le signe de la plomberie

    Ce soir, descendre à la lueur d'une lampe torche les quelques marches de l'échelle pour atteindre le compteur d'eau dans la fosse sous les thuyas. Mémoriser les chiffres: 43869743 (quatre noirs, quatre rouges).

    Ne plus faire couler d'eau (chasse d'eau, douche, verre de minuit), d'ici demain.

    Renouveler demain le périple sous les thuyas, mais cette fois dans la rosée du matin.

    S'apercevoir (probablement, je vous tiens au courant) que le compteur a tourné, qu'il y a une fuite.

    Pickpocket de Robert Bresson

    Avant:
    — Tu vas voir quoi?
    Pickpocket, de Robert Bresson.
    — C'est bien? C'est quoi?
    — Je ne sais pas. Un truc psychologique, je suppose.
    — Aaah, un truc sanguinolant.

    Après:
    — Alors, qu'est-ce que tu en penses? Ça t'a plu?
    — Euh...
    (Et de parler pour dire un peu n'importe quoi de peur que mon silence fasse peur, alors que "aimer ou pas aimer" n'est pas vraiment la question).

    Le film commence par un texte qui nous résume en quatre phrases l'histoire et la fin: c'est le rachat du pécheur, c'est Raskolnikoff, c'est le jeu du chat et de la souris, c'est l'amour d'une jeune fille.
    Cela étant posé, il ne reste plus qu'à regarder comment nous allons parvenir à cette fin attendue. C'est un phénomène que j'ai déjà observé: connaître la fin d'un film ou d'un livre ne diminue en rien le suspense, mais déplace la curiosité du spectateur (ou du lecteur): il ne s'agit plus de savoir ce qui va arriver, mais comment cela va arriver, autrement dit, la curiosité devient attentive aux structures, aux mécanismes du développement du récit.
    Ici, il n'y aura pas à proprement parler de progression vers la fin. L'histoire avance et se répète, Michel est pickpocket par volonté et ne souhaite pas changer. Images noires et blanches, presque des dessins ou des photographies, fixité des regard et agilité des mains, la caméra devient main, remplace les doigts, gros plans, tension. Paris 1959, les Parisiens, les Parisiennes, la mode, les voitures, un arrière-plan que le cinéaste n'imaginait sans doute pas devenir si précieux, témoignage d'une époque. Images géométriques, des rectangles, valises, tables, pieds de table, le lit, les portefeuilles, camaïeux de gris.
    Il n'y a d'explications de rien, aucun lien entre les événements. Michel décide puis agit, il veut vouloir et prouve qu'il veut en agissant, alors que tout son aspect extérieur ne trahit que pusillanimité: il s'agit d'être courageux contre soi, de faire.

    Ce n'est que lorsqu'il décidera de devenir honnête qu'il faillira, et ce n'est qu'alors qu'il sera arrêté: ce dernier vol ne répond plus aux mêmes motivations que les précédents, il n'est pas la transformation en acte d'une volonté, mais au contraire une soumission à la passion du vol, malgré l'avertissement de la raison (l'homme qu'il s'apprête à dépouiller lui montre ses gains gagnés à la course précédente. C'est étrange, se dit Michel, ce n'est pourtant pas le cheval gagnant qu'il avait joué).
    Le triomphe final de l'amour, brutal, sans réelle progression, fait penser à l'abandon qu'un animal sauvage ferait de ses défenses, condescendant à être apprivoisé. C'est l'acceptation d'un lâcher prise, l'acceptation de sa propre vulnérabilité.

    C'est un film étrange. Dostoïevski voulait peindre les mouvements de l'âme, Bresson a rendu compte du mystère de soi-même pour soi-même: la volonté de Michel et Michel paraissent deux entités différentes.

    Revue du web à propos de la crise financière

    Un remarquable travail de concaténation des articles, dessins, vidéos, disponibles sur le web à propos de la crise financière.

    Ignobles Nobel cuvée 2008

    [...] on peut déjà se réjouir de la distinction obtenue par une chercheuse de l'École nationale vétérinaire de Toulouse, Marie-Christine Cadiergues : L'Ig Nobel de biologie pour une étude sur les sauts de puce (avec Christel Joubert et Michel Franc). Juste avant la semaine des Nobel, qui commence aujourd'hui avec la médecine, les Ig Nobel (« Ignobles Nobel ») sont remis à l'initiative de la revue scientifique humoristique « Annales de la recherche improbable ». Lors de la cérémonie à Harvard, un des vainqueurs de 2007, Dan Meyer, coauteur d'un rapport médical sur « les effets collatéraux de l'ingestion de sabre », a ouvert la soirée en avalant une épée, qui a vite été retirée par le Dr Thomas Michel, doyen de l'École de médecine. La capacité d'une amibe à sortir d'un labyrinthe, le Coca-Cola spermicide efficace ou sans effet (prix ex œquo pour les deux équipes parvenues à des résultats opposés), les faux médicaments chers qui marchent mieux que les faux médicaments bon marché (l'Ig Nobel de médecine, remporté par un économiste), la modification électronique du bruit de la chips pour dormer l'illusion du croustillant et de la fraîcheur, le principe légal de la dignité des plantes (Ig Nobel de la paix)... : les récompenses sont parodiques, mais les recherches sont sérieuses. « La recherche n'est pas forcément toujours de la grande recherche », dit à l'AFP Marie-Christine Cadiergues, dont le travail portait en fait sur la comparaison de deux espèces de puces dont l'une est en voie de disparition. « D'abord rire, puis réfléchir », dit Marc Abrahams, l'organisateur du prix. Un bon conseil ?

    éditorial de Renée Carton dans Le Quotidien du médecin, le 6 octobre 2008

    Emplettes

    Assisté à l'essayage d'une dizaine de jeans, d'une poignée de manteaux, de quelques pulls.
    Marché des heures dans la foule et le bruit.
    Je suis vannée. Tant pis pour la remarque pétillante censée égailler un blog.

    Nikita Nicolas, même combat !

    Ça doit être en train de faire le tour du web, mais tant pis pour l'originalité:

    (Précisons que j'aime bien ce slogan: je fais partie de ceux qui ont été élevés dans la religion du travail, et qui ne comprennent pas très bien qu'on puisse avoir des problèmes avec la DRH parce qu'on travaille trop.)

    A l'occasion, j'essaierai de mettre un meilleur scan en ligne.

    Qu'est-ce qu'on s'amuse

    On dirait Jean Yanne.

    (Ces internautes, aucun respect.)


    (Je ne sais jamais quel titre donner à ce genre de billet: quelque chose de racoleur ou d'énigmatique?)

    Quelques pluriels

    H. contemple la feuille sur laquelle il vient d'écrire quelques mots.

    — Ça ne va pas?
    — Non, je me demandais juste s'il fallait un s à pied.
    — Et alors?
    — Alors non, des doigts de pied, sans s.
    — Ça dépend combien il y a de doigts. A partir de six, il faut un s. Deux doigts de pied, sans s; six doigts de pieds, s. Si tu mets un s à deux doigts de pieds, on sait tout de suite qu'il s'agit d'un orteil par pied.

    Silence.
    — D'ailleurs, quatre fers à cheval, cinq fers à chevaux.

    Symétrie

    Il était une fois deux frères, H. et F., qui épousèrent chacun une femme (sans lien de parenté) ayant chacune une sœur qui eurent chacune deux filles.
    Les belles-mères de H. et de F. avaient de nombreux traits de caractères en commun, dont une tendance à prédire le pire et à s'épanouir dans le malheur: leur annonciez-vous que vous étiez heureux, elles se renfrognaient, on les voyait penser «tout cela ne présage rien de bon», tandis que leur annoncer une contrariété ou un drame provoquait leur compassion et leur aide — d'une remarquable efficacité d'ailleurs, soulignons-le.

    Les belles-sœurs de H. et F. (les sœurs de leurs femmes) épousèrent l'homme de leur rêve: l'une un sportif blond aux yeux bleus, l'autre (pharmacienne) un médecin qui reprenait le cabinet familial.
    Le sportif, terriblement égoïste et parfaitement infantile, délaissa sa femme et ses filles pour aller courir un peu plus d'Ironman qu'il n'était raisonnable (auparavant, il avait tout de même réussi à user les cartilages de son jeune berger allemand à force de le faire courir). Plus grave, le médecin roue sa femme de coups, et comme celle-ci a demandé le divorce, il tente de la faire interner en asile psychiatrique.

    Quelles règles déduire de ce shéma? Des règles sociologiques ou psychologiques? Les femmes morbides ayant deux filles en auront une heureuse en amour, l'autre malheureuse? L'atmosphère chaleureuse dans laquelle H. et F. ont baigné les a-t-elle poussé "naturellement" à s'amouracher de femmes potentiellement peu équilibrées (et à les tirer de l'ambiance morbide dans laquelle elles avaient grandi)? Que vont devenir les quatre nièces? Répèteront-elles l'étrange schéma (une heureuse, une malheureuse, deux à deux?), observera-t-on encore des effets de symétrie à la génération suivante?

    Deux jours

    Hier plombier.
    Aujourd'hui marché, soupe au potiron, futur lapin aux pruneaux.
    C'est à peu près tout. Même pas eu le temps de faire la sieste.
    Il n'y a plus de bière potable au frigo (que de la blanche, une espèce de truc sans corps).
    Hier soir, assisté à une représentation de chorale pour faire plaisir à un ancien collègue.
    Ce soir, regardé Les choristes, pour faire plaisir à ma fille.
    Tout cela présente une certaine cohérence.

    Pourquoi je blogue

    A l'origine par colère et frustration, aujourd'hui par entêtement.

    C'est un peu court? Oui, peut-être. Mais c'est à peu près ça. Mon penchant naturel est davantage le commentaire, les marges, la mosaïque éclatée entre différents blogs, sans lieu fixe.
    Quand j'ai claqué la porte du forum de la SLRC (le forum des lecteurs de Renaud Camus), j'espérais qu'H. développerait le site qu'il m'avait promis (disons que j'y croyais sans y croire, je connais le loustic), le cahier des charges était écrit; j'ai pensé que le blog était une solution temporaire pour ne pas cesser d'écrire, pour ne pas perdre l'habitude d'écrire (et pour ne pas faire à ce connard de FM le plaisir de me taire) en attendant l'outil que je rêvais. Et puis voilà.
    J'ai eu souvent des poussées de dégoût qui me donnaient envie d'effacer tout et de quitter la scène, mais je savais que mon état d'esprit était temporaire, tandis qu'un retrait serait définitif: j'ai passé outre chaque fois.
    Aujourd'hui je souffrirais davantage d'ennui, presque de désintérêt: tant des blogueurs que j'aimais lire n'écrivent plus ou presque. Je crois désormais qu'on arrête de bloguer quand on a rencontré suffisamment de blogueurs avec qui les relations ne nécessitent plus de blog comme prétexte.
    Je continue de bloguer parce que je ne veux pas m'arrêter. Je voudrais atteindre le 12 décembre 2012. C'est loin. Cette année j'ai raté le 8 août.

    J'ai fini par scinder mon blog en deux, par séparer le littéraire de tout le reste, d'une part par pitié envers ceux qui soupiraient de "mon blog chiant", d'autre part dans l'espoir de débarrasser véhesse de tout ce qui était personnel, que ceux qui venaient lire les compte-rendus des cours de Compagnon, par exemple, ne subissent pas mes états d'âme (idée qui me gênait beaucoup).
    Véhesse n'est pas vraiment destiné à être lu au fur à mesure. C'est plutôt une grosse malle dans laquelle je stocke ce que je ne veux pas perdre, ou tout ce que je veux avoir sous la main à tout moment où que je sois, du moment que j'ai un ordinateur.

    Alice est davantage le "vrai" blog, tel que je me suis fait une idée du bloguing en lisant Gvgvsse et Matoo. Il est pour moi les lettres manuscrites que l'on n'écrit plus, à cela près qu'il ne s'adresse pas à une personne mais à un groupe (assez homogène, comprenant peu d'inconnus: sans doute parce que blog a comporté tout de suite un grand nombre de liens, Google le référence très mal et ce blog est quasi invisible). Chaque billet est généralement écrit en songeant à un lecteur particulier (parfois à quelques-uns), chaque billet ou presque est destiné plus particulièrement à l'un d'entre vous (ne cherchez pas ce soir, c'est très logiquement Aymeric).


    Contrainte, dit-il. Ma définition : ce sont des règles qui évitent de réfléchir les jours où l'on a pas envie de bloguer, les jours où l'on n'a rien à dire, les jours où l'on dort debout. (— Mais si tu n'as pas envie de bloguer, tu ne blogues pas, où est le problème? — Mais si je fais ça, je n'aurais jamais envie de m'y remettre. — Et alors? tant pis (tant mieux), quelle importance, puisque justement tu n'auras pas envie? — Je veux atteindre décembre 2012[1]; je ne veux pas céder, même à moi-même, et puis zut.)

    La contrainte est simple: écrire tous les jours, chez Alice au moins les jours impairs, chez Véhesse au moins les jours pairs. Chez Véhesse ce n'est pas forcément écrire, ça peut être faire de la mise en forme dans les soutes. C'est d'ailleurs amusant, car je sais que cela doit se voir pour ceux qui me suivent par RSS (il est même possible que cela soit un peu agaçant) et que cela reste invisible pour les autres.


    Faire passer la chaîne? Je m'en sens de moins en moins capable, les gens qui ne jouent pas le jeu me vexent (si, si), et j'ai l'impression de toujours mettre les mêmes à contribution. Je propose l'inverse: si vous poursuivez la chaîne à partir d'ici, je vous mettrai en lien en fin de ce billet.


    edit le 8 octobre

    Je linke Rémi, qui a répondu.
    J'ajoute Zvezdo, qui me fait penser à quelque chose: je blogue pour impressionner mon fils (cela ne faisait pas partie des raisons initiales, mais il n'y a pas de petits profits).

    Notes

    [1] Cela n'est pas un engagement contractuel.

    Point de vue n° 3141

    Je l'achète de temps en temps, ou Gala, pour les photos et pour les articles toujours bienveillants, voire guimauve (ici se tient mon espace réservé de guimauve).
    Paul Newman en couverture, j'achète donc Point de vue.

    A noter :

    • Une photo étonnante réunissant Carla Bruni, la reine de Jordanie et l'épouse de Rupert Murdoch : trois femmes, trois continents, trois cultures (hum, où à grandi la femme de Murdoch? en tout cas, elle est asiatique), une identité de looks et de sourires.
    • le mariage de Julien Dassault : Proust cent ans plus tard.
    • Penélope Cruz me rappelle Marie Gillain.
    • Cinq pages d'interview de Dmitri Nabokov avec photos : «Le manuscrit forme un ensemble de 138 fiches de bristol, écrites au crayon — mon père utilisait un crayon n°2, assez fin, qui lui permettait de biffer son texte. Ces cartes sont numérotées, et un bon tiers est assemblées dans un ordre définitif. Le reste est un ensemble d'esquisses, de fragments, de disgressions qu'il est possible d'interpréter de plusieurs manières. Mon idée est de présenter la partie achevée de l'œuvre sous forme d'un livre, et le reste en fac-similé, que le lecteur pourra arranger à sa fantaisie. Il pourra battre les cartes à sa façon, se faire lui-même son petit Nabokov.»
    • En marge de l'exposition Mantegna au Louvre, la galerie G. Sarti présente 27 œuvres peintes entre 1325 et 1510 dans le nord de l'Italie. 137 rue du faubourg Saint-Honoré jusqu'au 15 novembre.
    • Le 4 octobre, la maison Tajan vend des arbres de collection. (Mais qu'est-ce que ça veut dire?)
    • Dans le cadre de la succession du comte et de la comtesse de Paris, des objets ayant appartenu aux Orléans (dont des souvenirs de Louis XVII et de sa sœur (je trouve cela lamentable de devoir se séparer de souvenirs de famille pour des raisons fiscales)) seront dispersés chez Christies le 14 octobre.

    Visite privée chez Christie's, à Paris: les 10, 11 et 13 octobre à 9 heures, et le 12 octobre à 14 heures, en compagnie de Vincent Meylan. Réservation impérative au 01 40 76 83 70 les 2 et 3 octobre et sur présentation de ce numéro de Point de vue.
    Donc si vous êtes intéressés, téléphonez d'abord, achetez le journal après!

    Aptitude inattendue

    — Je ne sais pas plonger mais je fais très bien le cornichon dans le vinaigre.

    Mamma mia : au secours !

    Enough is enough.

    C'est la dernière fois que je vais voir un film pour un acteur (en l'occurence Meryll Streep). Ç'aurait pu faire un bon clip de 10 mn, à la rigueur, sur fond de bacchanales bucoliques. Mais là... Failli partir au bout de dix minutes (non, au bout de cinq, dès que j'ai vu les demoiselles d'honneur hurler sur la jetée).

    Week-end

    H. commence la lecture de Pale Fire. Je tourne autour du canapé, impatiente et nerveuse à la façon dont les vieux films nous montrent les pères en devenir dans les couloirs des maternités.

    Le genre de week-end dont je me suis fait une spécialité: prévoir tant de choses à organiser que pour échapper à la pression je glandouille — quatre ou cinq ou six épisodes de Six Feet under. Cette folle de Lisa me fait penser à une blogueuse — dont je taierai le nom.

    Vendredi soir, réunion de parents d'élèves de première. J'apprends que les élèves doivent présenter au bac une liste de lectures personnelles en plus des œuvres étudiées en cours. Je concocte depuis deux jours la liste de mes rêves, que faire avaler à mon fils, Wilde, Corbière, Laforgue, Stendhal malgré tout, Vassili Grossman, je tenterai bien les pastiches ou les articles de Proust, et les cours de Nabokov sur la littérature... Et du théâtre grec, les tragédies, qui me paraissent suffisantes à expliquer l'ensemble des situations humaines.

    Nous avons de nouveau des radiateurs, les tuyaux de raccordement sont d'un rose noirci que je trouve plutôt joli, les radiateurs sont trop blancs contre les murs sales. Nous n'aurons plus à amasser des couvertures la nuit et à nous réfugier devant la cheminée le jour.

    Le Point du 28 août 2008 (je n'aime pas coller à l'actualité)

    • La piscine d'Aubagne où Alain Bernard a appris à nager va désormais porter son nom.
    • La première statue européenne de Bob Marley a été inaugurée dans un petit village de Serbie.
    • Un supporter enthousiaste a serré la main de Cindy Mc Cain, l'épouse du candidat américain, avec tant de force qu'elle souffre d'une entorse du poignet.
    • Le (nouveau déjà ancien) site de Phersu.

    Confidence

    J'aime bien Jamel Debbouze.

    Carole à l'Assassin

    J'ai pris une seconde photo à l'Assassin, une photo de Carole. Je ne sais pas si elle était là pour Embruns ou pas. Elle jouait avec des boules lumineuses qui changeaient de couleur avec la chaleur.
    Quand je lui ai demandé comment lui transmettre la photo, elle m'a dit qu'elle était sur facebook. La photo de son profil est encore plus jolie.

    (Photo dédicacée à Sk†ns, bien entendu, puisqu'il voulait savoir s'il y avait des nanas).

    20 minutes de bonheur, d'Oren Nataf et Isabelle Friedman

    Le but de la soirée de jeudi était donc d'aller voir 20 minutes de bonheur. J'ai soigneusement évité de lire le compte rendude Parapluie afin de ne pas être influencée quand je commencerais à écrire ici.

    En revanche, j'avais lu la critique du Monde proposée ex-ante par ce même Parapluie, et l'une des premières réflexions qui m'est venue à l'esprit après quelques minutes de film est: «Tiens, encore un film qui me donne l'impression de ne pas être en train de voir le même film que celui qu'ont vu les critiques».

    Je ne connaissais de ''Y a que la vérité qui compte'' que le principe, accompagné de tous les préjugés qu'une intello bien-pensante peut avoir sur ce genre d'émissions: «c'est mal, on profite du bon peuple, on fait pleurer dans les chaumières en mettant en scène le malheur de pauvres sous-cultivés qui acceptent de se montrer en spectacle pour le bonheur de passer à la télé (mais quelle ambition ridicule (les pauvres, ne pas avoir d'autre ambition que celle-là))», etc.
    Bref, le côté classique du donneur de leçon accompagné néanmoins d'une sincère envie de vomir: je déteste ce genre d'émissions, je n'aime pas non plus les jeux, je n'aime pas tout ce qui met en scène des gens dont ce n'est pas le métier, je ressens profondément que la caméra (être vu) ne peut que blesser.

    Mais bon. La critique était intéressante, il était possible d'ajouter à la panoplie de l'intello donneur de leçons celle du redresseur de tort (puisque ce film était — avait été — menacé d'interdiction («mais c'est dégueulasse... la censure aujourd'hui... la faute à TF1... temps de cerveau consommable... capitalisme»)), et surtout, Parapluie, jeune blogueur enthousiaste, proposait d'y aller en groupe, ça m'amusait (mon côté gang bang, aurait dit sk†ns).

    Le film est très intéressant, pas particulièrement choquant, contrairement à ce que j'avais cru en lisant la presse, même s'il contient deux ou trois passages non politiquement corrects («C'est ça, des homos de 21 ans qui s'aiment! Exactement l'âge des enfants de la ménagère qui est notre public principal! Et de quoi elle a peur la ménagère? D'apprendre que son fils est pédé! Alors bravo, prévoir trois sujets comme ça sur dix, vous êtes complètement à côté de la plaque!» (non-''sic'', mais fidèle à l'esprit)) mais pas forcément faux, comme tout non politiquement correct qui se respecte.

    On comprend assez vite qu'une telle émission est avant tout et surtout un produit marketing. L'important est de faire du chiffre (les premières images du film nous montre l'appareil qui permet de mesurer l'audience). Les producteurs sont "piqués au chiffre" de la même façon que les chefs de rayon chez Auchan: quel audimat, quel chiffre d'affaires, même combat.
    Le reste n'est que technique, mensonges et vidéo, avec quelque chose de sincère malgré tout qui parviendrait parfois, quelques secondes, à être sourdement émouvant.

    Le montage a insisté sur le consentement des personnes filmées, qui disposent à tout moment d'un droit de rétractation. Finalement,c'est un univers sans éclat, sans luxe, qui n'est même pas détestable, où l'on se sert de l'annuaire, où l'on ment au téléphone, où l'on offre du parfum pour les anniversaires dans l'équipe, où l'on boit du café, où l'on passe beaucoup de temps à écouter les gens et les regarder vivre («tu es entré dans sa chambre?») pour essayer de saisir le plus vite possible leur psychologie (j'ai eu l'étrange impression que le rédacteur en chef redoutait quelque chose, mais quoi? un suicide? (pourtant, le risque était limité, puisque l'émission était enregistrée)) afin de ne pas choisir de personnes fragiles, où l'on essaie de concevoir un produit au cahier des charges précis.

    Ce cahier des charges, à ma grande surprise, remporte mon adhésion: il s'agit de faire plaisir aux gens, à ceux qui viennent, à ceux qui regardent, on n'est pas dans le trash («On n'est pas chez Ardisson, ici!» ''sic'') mais dans l'émotion: l'objectif de tout cela, ce sont les larmes de joie, et rien ne doit ternir ces larmes: il faut des invités qui «portent leur histoire», suffisamment extravertis pour laisser couler leur larmes face aux caméras (malheur à l'invité renfermé sur lui-même) et des histoires auxquelles peuvent s'identifier les spectacteurs, qui idéalement devraient pleurer eux aussi devant leur écran.
    Ce n'est pas "mon genre", mais c'est un objectif qui n'a rien de méprisable. Certes, Bataille et Fontaine n'ont pas le beau rôle, parce qu'ils sont obsédés par l'audimat et qu'ils expliquent sans état d'âme comment l'atteindre. Le matériau sur lequel ils travaillent est de l'être humain, et l'important est la façon dont ce matériau va produire de l'émotion chez d'autres êtres humains. Ce que ressent ce matériau est secondaire. La façon froide dont Bataille, Fontaine, le rédacteur en chef et toute l'équipe rassemblent les éléments devant produire l'émotion est déroutante, met mal à l'aise et en fait définitivement des personnages peu sympathiques. Mais c'est le principe-même du système qui veut ça, et pas spécialement cette équipe ni ces présentateurs.

    Le débat avec les réalisateurs Oren Nataf et Isabelle Fridemann confirmera cette impression neutre: leur objectif n'est pas/n'était pas le scandale ni du sensationnel mais un témoignage. Ce sont deux personnages calmes, discrets, elle effacée, lui barbu, expliquant qu'ils ont commencé à tourner un peu par hasard, qu'ils avaient lancé l'idée presque comme une boutade, mais qu'à la suite d'un mini scandale (une invitée de l'émission ayant accusé je ne sais qui de viol) on leur a demandé de filmer la réalisation de l'émission presque comme une preuve que l'émission n'avait rien à cacher.
    Les réalisateurs nous expliquent avoir beaucoup coupé et énormément monté. Les relations étaient bonnes avec Pascal Bataille et Laurent Fontaine qui ont vu le film au fur à mesure du montage. Ils ont même donné des conseils pour rendre le film plus efficace, conseils qui ont été suivis.
    C'est le stagiaire (montré en début de film) qui s'est insurgé: ce film ne devait pas être diffusé, il donnerait une mauvaise image de la société de production. D'autre part, les premières critiques parues après la diffusion du film au festival de Belfort ont fait peur aux présentateurs:
    — Alors comment avez-vous réussi à être diffusé?
    — Notre chance est d'avoir été attaqués en justice: comme notre film n'a pas été interdit, c'est qu'il est autorisé.

    Il est fort possible que le stagiaire ait raison: ce film ne devrait pas être diffusé, non parce qu'il contient des vérités scandaleuses, mais pour la raison inverse: il démonte le mythe d'une télévision de luxe et de paillettes pour montrer des bureaux où l'on travaille, où l'on se pose des questions, où l'on fait des réunions d'équipe, où l'on prend des décisions en fonction d'un résultat à atteindre.
    Il montre un univers banal, un peu médiocre, plutôt morne, sans rien qui attise le désir.
    C'est une télé sans mystère, et elle a sans doute tout à y perdre.

    Les rencontres d'une semaine

    Mardi Marie

    Elle arrive en retard, j'ai eu le temps de prendre une bière et de lui envoyer (au bout d'une demi-heure, mon délai de grâce) un SMS paranoïaque («Tu m'as oubliée? J'ai donné une mauvaise adresse? Je me suis trompée de jour?»). Je repère sur le mur une affiche pour un spectacle-hommage à Boby Lapointe et une pour un film de Paul Newman. Apparemment il a filmé sa femme. Il faudra que j'essaie de voir ce film, j'aime beaucoup ces deux acteurs.

    C'est la troisième fois que nous nous rencontrons, ça fait deux ans que nous ne nous étions pas vues.
    Vous ou tu, je ne sais plus. Par écrit, vous. Ce soir-là, je ne sais plus. Tu, sans doute.
    Nous parlons, du Yémen, de Renaud Camus, des fous rires avec Renaud Camus, de ses chiens, de notre incompréhension de son parti, de "l'affaire" qu'elle avait sentie venir [1], (c'est une lectrice "historique", dès Passage), de l'ours Ben, de sa fille. Je lui raconte mes rapports à la littérature, cette façon de tourner autour depuis si longtemps, du K de Dino Buzatti et de ses deux fins, la véritable (le monstre marin offre une perle au narrateur) et celle que m'avait racontée le père d'une amie lorsque j'avais seize ans (à la fin, quand il est trop tard, le requin dit au narrateur: «Je t'ai tant aimé»), cette façon que j'ai de fuir la littérature à la façon dont le narrateur fuit le K et d'être toujours rattrapée.
    Nous parlons livres, voyages, amis; nous parlons je ne sais trop de quoi, toujours est-il que nous finissons par nous lever à une heure du matin lorsque les garçons du Reflet commencent à retourner les chaises sur les tables.

    Mercredi Embruns

    Comme j'avais ce soir-là une réunion à Yerres, je savais que je ne pourrais arriver que très tard. Qu'importe, depuis le temps que je suivais les Paris-carnets sur le web (janvier 2004), depuis le temps que je remettais les occasions d'y aller (d'abord parce que je n'avais pas de blog, puis parce que j'en avais un: je n'allais pas "en plus" passer mes soirées avec des blogueurs (ici, imaginer l'exaspération de mon entourage devant cette activité futile et obsédante)), cette rencontre-là ne pouvait pas être remise : c'était les adieux du capitaine, la fin d'une époque, la fin du canal historique de la blogosphère française (un peu de grandiloquence ne fait jamais de mal).

    Je n'avais rencontré Laurent qu'une seule fois, pour les trente ans de Matoo, il y a dix-huit mois. A peu près impossible qu'il s'en souvienne. Mais ce n'était pas grave: j'allais à ce Paris-carnet comme on fait un pélerinage, c'était un signe pur.

    Je suis arrivée à L'Assassin à 23h30. Il ne m'a fallu que quelques secondes pour constater que je ne connaissais personne (mais je connais si peux de blogueurs que c'était infiniment probable). J'ai repéré Embruns, je me voyais mal aller l'importuner. J'ai commandé une Guinness (horreur et damnation: une canette vidée dans un verre puis passée à travers je ne sais quel procédé à ultra-son pour la décanter!) et me suis installée au bar pour boire tranquillement en attendant de décider du mouvement suivant.
    Je regardais les têtes, certaines me paraissaient familières, sans doute vues en photos lors de compte-rendus de soirée publiés sur le web. Je riais de penser qu'il y avait peut-être dans la salle deux ou trois personnes que j'avais beaucoup lues, dont je connaissais la vie plus intimement que certaines de leurs connaissances, et que je ne savais même pas les reconnaître. Certains trouvent cela malsain, moi j'aime bien. C'est bizarre mais pas bien méchant, un peu mystérieux mais sans enjeu.
    — Ça t'arrive souvent de venir boire seule dans un café plein?
    Je me suis fait aborder par un petit mec, blogueur de son état, ayant visiblement déjà pas mal bu, plutôt marrant. Il tenait un discours d'une grande cohérence dans son incohérence, quelque chose de l'ordre de la sinusoïde lunatique, ouais moi j'ai un carnet d'adresses, rien qu'hier j'ai présenté un copain à Mathieu Kassovitz, Mathieu Kassovitz, quand je veux je quitte mon boulot, ch'uis très demandé, mais j'm'éclate là ou ch'uis, ch'uis mal payé, mon blog, il est lu par deux cents personnes, ça m'a pris du temps de comprendre que j'étais trop bon pour les autres, mais qu'est-ce que ch'uis, ch'uis rien, regarde-moi,...
    Etc. J'étais plutôt amusée, il me tenait compagnie. Je pensais «Tu t'es vu quand t'as bu». Je n'ai pas vraiment compris ce qu'il faisait là, apparemment il ne connaissait pas Laurent, il était venu entraîné par un ami. Je lui montrai Embruns.
    — Ah c'est lui? Il m'a donné un mail-opener, me dit-il en brandissant un @ en acier qui me sembla être un décapsuleur. Tu vois il est vachement sympa, je suis vachement sympa, il me connaît pas et il m'offre un mail-opener, j'en reviens pas de ma chance...
    — Tu veux dire qu'il n'a pas trouvé d'autre moyen de se débarrasser de toi, lâchai-je un peu sadiquement, d'une part parce que je le pensais, d'autre part pour voir comment il allait réagir.
    Mais il avait déjà disparu pour retourner voir Laurent. Je le rejoignis, ce qui me permis de dire quelques mots et de remarquer l'alliance de Laurent, sobre et large. C'est ainsi que je me présentai à Jujupiter, que je vis rouler un magnifique patin au capitaine (hélas, le temps de saisir mon portable, il était trop tard). Je mets en ligne une photo prise dans les minutes qui ont suivi, bien floue comme toute photo de paparazzi qui se respecte:

    Le temps de reconnaître Versac et je demandai à un grand brun qui parlait à Laurent : «Et toi, tu es qui?»
    Toujours la même hésitation: comment se présenter entre parfaits inconnus, comment donner LE trait qui permettra l'identification de façon rapide et certaine (pour ma part, je me présente généralement comme commentatrice chez Matoo: nous ne sommes pas si nombreuses) :
    — Eh bien... si tu lis Matoo... Je ne sais pas si tu as lu un post récent, où il parlait d'un certain Michel V...
    — Oui ?
    — Je suis Michel V.
    — Ah, celui dont Embruns disait qu'il était un hétéro irrécupérable?
    (Lol.)

    Je dois avouer que la coïncidence m'a fait plaisir: tomber sur l'un des personnages principaux d'un des posts récents de Matoo, visiblement vieille connaissance d'Embruns...
    Je me suis éclipsée peu après.

    Jeudi Parapluie et infundibuliforme

    Au départ le rendez-vous était samedi: je n'aurais pas pu venir, mais Matoo si. Puis les choses se sont inversées et je me suis retrouvée à Saint-Michel pour un rendez-vous foireux. (Parapluie a tiqué devant ce terme de "foireux": j'appelle foireux un rendez-vous dans un endroit large et populeux avec des gens qu'on ne connaît pas, qu'on n'a jamais vu, avec qui on a convenu d'aucun signe de reconnaissance et dont on n'a pas le numéro de téléphone. Je le savais avant d'y aller, je ne m'attendais pourtant pas à ce qu'il y eut autant de monde sur cette place.)
    J'expérimentai l'attente, brandis ostensiblement un livre au titre prétentieux, cherchai un jeune homme avec un parapluie. Je m'approchai des groupes, tentai de saisir des conversations, envoyai un mayday à Matoo qui ne me fut d'aucun secours.
    Bah, qu'importe, on se retrouverait dans la file d'attente ou dans la salle.
    En effet, la première chose que je vis en entrant dans la salle, ce fut eux, certitude, un groupe, très jeune (ils me lisent, mais il faut qu'ils le sachent: très jeunes!), installé au premier rang. Drôle d'idée. Je montai m'installer à ma place habituelle, dans le fond.

    Après le film, nous évacuons la salle par le fond. Je les attends, un peu mal à l'aise. D'une certaine façon le risque est gros: celui de les décevoir.
    Les sourires sont là, c'est bien eux. Ils me vouvoient, je proteste mais n'insiste pas: après tout, c'est bien naturel, et je trouve si pénible ces gens qui veulent à toute force qu'on les tutoie alors que le vous vous vient naturellement aux lèvres. Je me demande si je leur parais aussi vieille qu'ils me paraissent jeunes... (non, je ne tiens pas à avoir la réponse!).

    Après le débat, nous nous retrouvons au café place de la Sorbonne. Il y a là Parapluie, infundibuliforme, un ami à eux prof de math et deux jeunes filles encore étudiantes.
    Nous parlerons là encore jusqu'à la fermeture du café, décourageant le prof de math qui doit rejoindre sa banlieue puis les deux amies. Il fait froid, Parapluie tremble. Je n'ose écrire car je sais que les deux me lisent, que chaque mot sera pesé et donnera lieu à des discussions. L'un parle, l'autre moins, l'un est pâle, l'autre sombre, je découvre qu'ils sont pacsés, j'admire tant de décision.
    Nous parlons du film, de l'homophobie, de Beckett, de théâtre, de Censier, des relations familiales (jamais simples — toujours barges), de blogs, de l'expérience du Cern.
    — Pourquoi les objets ont une masse?
    Je commence juste (au moment où j'écris) à entrevoir ce que signifie la question et le fait qu'on la pose ainsi. Nous parlons un peu de physique, de mesure, de température, chaque fois je dis une bêtise, et parapluie, un peu gêné mais rigoureux, corrige comme il peut. Je m'aperçois avec horreur que je ne sais plus rien, que je confonds tout, je songe à Bouveresse et je me dis que désormais je m'interdirai toute allusion scientifique. Je me rends compte une fois de plus qu'il y a des modes, même en sciences, le vocabulaire de Parapluie n'est pas celui que j'ai appris.
    Nous parlons de Beckett et des animaux chez Beckett. — Il n'y en a pas. — Si, ils sont tous morts.
    Toujours la même surprise et le même soulagement de s'apercevoir qu'il suffit d'un intérêt commun pour pouvoir discuter avec des inconnus.

    Ils me raccompagnent jusqu'à Jussieu. Je trouve un vélib. Je m'endors dans l'autobus.
    Demain soir, encore une réunion.

    Notes

    [1] voir ici pour ceux que ça intéressent et qui ne connaissent pas.

    Blague éculée

    Etourdiment, j'annonce au dîner:
    — J'ai passé un vrai week-end de beauf : j'ai tondu la pelouse et j'ai lavé la voiture.

    Mon beau-père me regarde et répond impassible :
    — Ah non, il manque quelque chose pour un vrai week-end de beauf.

    Promesse d'ivrognes

    Marie m'emmène à Beyrouth et je lui montre les beautés de Vierzon.

    Grand messe

    Réunion semestrielle de service. Parmi les choses stupides de la vie, l'obligation de se lever tôt pour ÇA. Si au moins je pouvais faire quelque chose d'utile pendant ce temps-là, coudre des boutons ou tricoter. Je serais bien sage et j'écouterais, promis. Tandis que là, il est fort probable que je m'endorme.

    Enfin bon. La pensée du jour est ici.

    Niveau culturel

    J'ai épaté ma fille en répondant à toutes les questions des enveloppes d'apéricubes (heureusement, parce qu'il y a quelques jours, j'avais baissé un grand coup dans son estime quand elle avait appris que je n'avais pas lu tous les livres de la bibliothèque).

    Pierre blanche

    J'avais moins de huit ans. Ma mère me dit :
    — Tiens, ce jour est à marquer d'une pierre blanche.
    — Pourquoi ?
    — Parce que tu n'a pas pleuré aujourd'hui.

    Je fondis en larmes.

    Fièvre

    Au lit toute la journée, avec aucune autre occupation que mes sensation. Ma pensée qui occupe habituellement tout le volume de la tête est réduite à la taille d'une noix près de la nuque. Je ne bouge pas, des braises couvent dans mes poumons, mon corps bouillonne sans éclat, j'ai l'impression d'être remplie de liquide qui frémit à petits bouillons, au ras de la peau, sous la peau. Ce n'est pas désagréable mais un peu long, tout ce temps perdu, trop mal à la tête pour lire, j'essaie, je dors.

    Les jumeaux d'Angelina

    L'un de mes plaisirs de l'été: la couverture de Gala avec Angelina Jolie et ses jumeaux. A un mois, la petite fille a les mêmes lèvres que sa mère.

    Peter Doig

    La rubrique "expositions" n'existe pas. Ce n'est sans doute pas un hasard.
    Sur les conseils d'un grand manitou (dont je m'amuse désormais à deviner s'il sera plus embêté que je le cite ou que je ne le cite pas (Môôssieur n'étale pas ses sorties, LUI (mais cependant,... enfin bon, j'aime bien l'embêter))), grâce à qui j'avais déjà vu "Figurations narratives" au Grand Palais, je suis allée voir l'exposition Peter Doig. J'avais repéré les affiches dans Paris cet été, mais la figure de l'esquimau m'ayant évoqué Jean-Marie Gleize, j'avais été rebutée.

    X. m'ayant donc encouragée (et ayant attiré mon attention sur la date de fin prochaine de l'exposition), je suis allée voir Peter Doig.

    Je ne l'ai pas regretté.

    Grandes toiles. Tableaux amicaux, bienveillants. Omniprésence de l'eau, les arbres comme des algues. La critique parle de "paysages oniriques", je parlerais de paysages lacustres. L'eau est représentée sur la toile, peu à peu elle prend possession de la toile, sur le dernier tableau présenté, elle fait partie du tableau en tant que matière, la peinture délavée ayant coulé sur la toile comme de la peinture sur de la soie. Trop d'eau, aurait-on pensé si l'on ne venait pas de voir les quinze ans de peinture précédente.
    Toujours de l'eau, une flaque, un peu de mer dans un coin. Ou de la neige, collée comme du chewing-gum. Magnifiques sapins oranges peints comme au pochoir (peints au pochoir?), toile lisse, plaisant changement si l'on songe aux tartines habituelles.

    Peinture sereine.
    Je découvre cet usage qui consiste à offrir un tableau à un musée en hommage à un tiers : «Collection particulière. Don partiel et promis au Museum of Modern Art, New York, en l'honneur de Kynaston McShine».
    Voilà qui ne manque pas d'élégance.

    C'est étonnant comme certains tableaux peuvent avoir une présence humaine. On dirait des amis.

    Parmi les choses qui m'agacent

    Dans le RER, une fillette blonde d'une dizaine d'années en turquoise et sa mère en rose. La petite fille a l'air un peu faible en classe, j'ai l'impression qu'elle sort soit d'un cours de soutien, soit d'une séance chez un orthophoniste ou un psy scolaire. Elle s'installe à côté de sa mère et commence à lire à mi-voix pour avancer ses devoirs (Le mousse de ?? (je ne me rappelle plus)).
    — Ça veut dire quoi, ce mot ?
    — Je ne sais pas.
    — Tu chercheras dans le dictionnaire.

    Le manège se répète trois ou quatre fois de façon très rapprochée, ce qui signifie qu'une phrase ou deux n'ont pas été comprises. Ça m'énerve, pauvre gosse. C'est quoi cette manie, «tu chercheras dans le dictionnaire?» A croire qu'aucun parent ne se souvient combien il détestait chercher dans le dictionnaire (et même déteste: combien d'adultes recherchent dans un dictionnaire le sens d'un mot qu'ils ne connaissent pas?) Comment peut-on supporter de laisser lire sa fille en sachant qu'elle ne comprend pas ce qu'elle lit? Comment peut-on ne pas comprendre qu'il faut expliquer les mots, les passages difficiles, pour donner envie de continuer pour connaître la suite?
    «Vous comprenez, elle n'aime pas lire...» Quand on ne comprend rien, c'est un peu normal. (Ça m'agace!)
    Heureusement que j'étais de l'autre côté de l'allée et que j'entendais mal. Sinon, j'aurais tout expliqué (enfin... ce que je savais. Parce que le mât de beaupré et le haut-de-misaine, je n'ai jamais su vraiment ce que c'était, mais ça faisait également partie du charme de la lecture: ne pas tout comprendre).


    (Quoi qu'il en soit, les parents ont intérêt à s'y faire: les enfants ne cherchent plus dans les dictionnaires, ils tapent define:misaine dans Google.)

    Rêves

    Depuis Cerisy je me souviens de mes rêves, du moins du dernier avant le réveil, pendant quelques minutes, quelques heures. Quelques impressions persistent plus longtemps. Parfois il a un rapport avec ma dernière activité de la soirée, comme si ce rêve n'était qu'un prolongement de souvenir.

    Pendant les vacances, j'ai ainsi rêvé que:

    - GC se mariait. Nous étions tous en blanc, la mariée, brune, coiffée à la garçonne, portait un costume de marin blanc. Seule note de couleur, GC portait un kilt bleu.

    - le château de Plieux s'élevait en ruines sur un arrière-fond de village désolé à la manière des films italiens réalistes des années 60. Au premier étage, la deuxième salle, immense, révélait un immense vitrail aux tonalités rouges et magnifiques.

    - il me fallait fuir dans une maison sans issue. Fuyais-je devant J.K. Rowling ou m'aidait-elle à m'enfuir? Toujours est-il que je m'enfonçais dans mon lit qui m'absorbait comme une porte de placard.

    Je ne sais plus ce que je rêvais ce matin. Pourtant je voulais m'en souvenir, car Matoo était présent.

    La lente adaptation des entreprises de services aux évolutions technologiques

    Je ne sais plus ce que je voulais écrire. Ça m'agace.

    Aujourd'hui, j'ai arrêté de donner le change (au moins dans un domaine): on attendait de moi une liste de liens économiques astucieusement recueillis et chaudement recommandés par moi-même, je n'en ai donné que deux:
    - les 300 sites de référence en économie collationnés par Alternatives économiques,
    - les 4341 sites tous azimuts rassemblés par l'IAE de Paris Sorbonne.

    J'ai bien peur que cela ne plaise pas : en effet, cela prouve que le travail est déjà fait ailleurs et qu'il est stupide de le refaire. Or il est de bon ton de le cacher.
    (Une façon de donner une valeur ajoutée à ce travail serait par exemple d'organiser à partir de (certains liens de) ces listes un univers Netvibes[1], mais cela aussi, il faudra(it) que je le cache et que je le diffuse discrètement auprès de mes collègues intéressés. (J'explique pour ceux qui ne voient pas le problème: un univers Netvibes, c'est sur internet, c'est public: puis-je envisager sérieusement de diffuser sur internet la liste des sites que ma société utilise pour recueillir de l'information (ie, des sites aussi confidentiels que la Documentation française[2] ou l'Insee)? Je dois avoir perdu la raison.)


    A long time ago, j'ai commencé à travailler en comptabilité. A l'époque, les premiers ordinateurs individuels étaient sur les bureaux depuis deux ou trois ans (avant il n'y avait que des terminaux 3270), on découvrait l'ancêtre d'Excel (Multiplan ou Lotus). Un collègue m'a montré ce qu'était une clôture de bilan «avant»: des bandes papier crachées par les calculatrices à bande agraffées aux pages des cahiers de compte:
    — Chaque fois qu'on changeait un chiffre (NB: notamment un montant de provisions, je travaille dans un domaine où l'évaluation des provisions est très technique), il fallait tout recalculer, cela prenait des heures ou des jours.

    L'arrivée de Multiplan avait tout changé: tableaux croisés, résultats immédiats (même si certains vieux chefs désorientés vérifiaient les calculs des tableurs avec leur machine à bande), des heures et des heures gagnées, inoccupées: qu'en faire? Je suis arrivée dans les bureaux à la fin d'un âge d'or passé à jouer aux échecs et autres puisque l'ordinateur travaillait désormais à la place des comptables. Je suis arrivée à la fin de cet âge d'or, au moment où l'on commençait à comprendre que ce temps pouvait servir à autre chose, et notamment à vérifier les chiffres, la façon dont ils étaient constitués, ce qui se cachait derrière leur désincarnation (d'ailleurs, peu après, un énorme scandale financier éclata dans cette entreprise).

    J'ai l'impression de vivre cela à nouveau, dans un autre domaine: il est devenu absurde de stocker de l'information façon grand-papa, comme si elle était rare; l'enjeu aujourd'hui est de fournir vite et à faible coût la bonne information à la bonne personne au bon moment en s'appuyant (au moins en partie) sur ce qui est fait ailleurs.

    Cela vous paraît d'une effarante banalité?
    A moi aussi.
    Si seulement c'était banal pour tout le monde.

    Notes

    [1] à partir de celui-ci, d'ailleurs

    [2] qui d'ailleurs a son propre univers

    Un peu de surf se terminant en parabole

    Tout a commencé avec une recherche sur del.icio.us (dès que c'est technique, j'utilise peu Google directement) : j'ai tapé SQL.
    Dans la liste qui est apparue, j'ai choisi évidemment coding horror, au nom irrésistible.

    Bref, quelques clics plus tard, j'arrive sur ce billet au titre révoltant: "la quantité triomphe toujours de la qualité".

    Je parcours le billet d'un œil distrait en me demandant sur quel triste et banal constat je vais encore tomber. Le début est proprement révoltant (je résume pour les non-anglophones): un professeur en cours de poterie (je simplifie, le billet original a une tonalité plus artistique) divise arbitrairement sa classe en deux en début d'année. Ceux de gauche seront notés sur la quantité (la meilleure note ira à celui qui aura fait le plus de pots), ceux de droite sur la qualité (la meilleure note au pot le plus parfait).

    Mon sang de sans-culotte ne fait qu'un tour: voilà qui est tout à fait injuste, tout le monde sait qu'il est plus facile de faire beaucoup de pots que de beaux pots. Quel tyran, ce prof!

    Depuis, je ris en méditant la conclusion:
    Où étaient les plus beaux pots à la fin du trimestre? Du côté de ceux qui avaient fait beaucoup de pots, parce qu'ils avaient appris à faire de beaux pots en faisant des pots.

    To do list estivale

    • cette année : ranger OK
    • l'année prochaine : bronzer

    Le pied

    Vous aviez failli échapper à cela, mais suite au conseil de Sk†ns, je le mets en ligne.

    Mardi matin, afin de ne pas totalement perdre mon temps en formation (et parce que j'ai trouvé dans mon sac l'élastique donné par ma mère à cette fin), je me suis attachée les orteils.

    Ma vie trépidante, le retour

    (Alors, faut-il écrire ou pas quand on est d'humeur vengeresse et qu'on n'a rien à dire?)

    Ce soir je suis agacée. Très agacée. Je pense n'avoir jamais connu (subi) de formation aussi calamiteuse. Encore deux jours.

    Il fait gris. J'avais oublié que nous étions si nombreux à vivre à Paris et ses alentours.
    J'ai lu coup sur coup deux livres qui ne m'ont pas enchantée: Locus Solus (Roussel) et Conversions, d'Harry Mathews. La lecture de Locus Solus change considérablement la perspective de L'invention de Morel (Bioys Casarès).

    J'ai feuilleté Boni de Castellane sur une table du Virgin. Les photos constituent de parfaites illustrations de La Recherche.

    Blog Day 2008

    Pour répondre à l'invitation de Parapluie, cinq blogs que je n'ai jamais cités (ou presque).


    • l'un des rares blogs survivant de la première époque des blogs

    Lydia, découverte (à priori via Berlinette via Matoo (je me demande s'il est vraiment utile de faire des liens vers Matoo)) à l'époque où les blogs étaient encore rares, et où les "blogs de fille" n'existaient pas encore. J'ai beaucoup aimé ce blog dont l'auteur racontait ses difficultés (divorce, jeune enfant, solitude, etc) avec une force de caractère qui me remplissait d'admiration. C'est un peu mon blog Dickens: des moments difficiles, une histoire qui finit bien. C'est dans sa blogroll que j'ai découvert le blog des schtroumpfs.


    • pour les photos

    Le Nonist : j'ai souvent la flemme de lire, mais quel plaisir des yeux. Découvert je ne sais plus où ni comment, à l'occasion de ces photos auxquelles je reviens toujours. Les annexes du blog ne sont pas mal non plus (je n'ai jamais pris la peine de chercher à comprendre comment s'articulait l'ensemble: l'époque où je lisais de A à Z les blogs qui me plaisaient est révolue depuis longtemps).


    • une mine pour les Parisiens et pour les touristes

    Hôtels Paris rive gauche : expos, restaurants, photographies... et en plus il est bilingue. Il est desservi par son nom qui pourrait faire croire qu'il s'agit d'un blog publicitaire, ce qu'il n'est pas, ou si peu que je ne m'en suis pas aperçue. Je l'ai découvert en faisant une recherche sur le festival Chopin, suite à un post de Zvezdo.


    • du sport

    (Spéciale dédicace à Sk†ns, pour qu'il arrête de bouder). J'ai découvert grâce à Franck que Romain Mesnil tenait un blog. J'aime beaucoup l'idée qu'un sportif de haut niveau prenne le temps d'écrire, et j'aime cette opportunité de jeter un coup d'œil dans les coulisses.


    • design

    Ce blog est sans doute beaucoup plus connu que les précédents. Là encore, ce sont les photos qui m'ont d'abord retenue, et le bel aspect du blog, très techno (en partant du twitter de Cafeine).

    Avis aux fétichistes

    Bon, tant pis pour le niveau :
    je repêche ce matin dans la poubelle (ce n'est pas moi qui l'ai jeté) un DVD neuf, jamais regardé: Women of Desire de Robert Ginty avec Bo Dereck et Robert Mitchum (comment est-il arrivé chez nous? une offre jointe à l'achat d'un autre DVD? aucune idée).
    Comme j'ai du mal à jeter un DVD de cette icône des années 80, je lance un appel: y a-t-il quelqu'un pour recueillir ce chef-d'œuvre avant qu'il ne finisse à la poubelle?

    Relevons le niveau

    Je me suis souvenue qu'au lieu de désespérer mes lecteurs sérieux à parler d'Harry Potter, j'aurais pu évoquer la lecture à haute voix que je fis avant-hier au cours du dîner: quelques pages de L'Apocalypse, afin de vérifier le nombre des cavaliers (quatre, sortant des quatre premiers sceaux: un cheval blanc, un noir, un rouge comme le feu, un verdâtre pour la mort).

    Et tandis que je poursuivai ma lecture, sautant des lignes pour me concentrer sur la structure numérique (combien de sauvés, sachant que le premier fléau détruit un tiers, le suivant un tiers (soit un tiers de deux tiers?), etc) du texte, je songeais à cette vidéo effrayante et ces photos troublantes.

    Je vais finir par me coucher

    J'ai trop dormi aujourd'hui: je n'ai pas sommeil.
    J'ai trop dormi parce que j'avais de la fièvre. Allergie ou sinusite? Ou émotion d'avoir enfin réussi à ranger le dernier étage (y compris le transfert de quarante cartons d'archives et de jouets dans un réduit aménagé sous la charpente caché derrière des étagères: déplacer les étagères, vider le réduit (dans lequel il faut ramper parmi les toiles d'araignées (lâchement, nous y avons envoyé les enfants, sous prétexte qu'ils étaient plus petits)), monter les boîtes d'archives du rez-de-chaussée, extraire les cartons de jouets du grenier, trier, jeter, ranger, annoter, replacer les étagères)?

    Bon évidemment, il y avait quelques compensations à se traîner dans la poussière, comme se déguiser en ninja, par exemple.


    Commencé Conversions de Matthews. Je l'ai abandonné au bout de six chapitres pour entreprendre Locus Solus: Matthews s'est tellement inspiré de Roussel qu'il me semble préférable de lire dans cet ordre-là. Je me suis endormie.

    Constaté hier que sk?ns n'avait rien trouvé de mieux que de me référencer sous les mots "nue sous son tablier". Je me demande ce qui l'a poussé à choisir ça (je ne mets pas de tablier). Voilà une description qui 1/ me pousserait bien à écrire des bêtises 2/ me fait craindre que certains, peu portés naturellement à explorer les blogolistes, ne se retrouvent ici malgré tout.
    On verra.

    Le sommeil commence à venir. Voilà une semaine que nous vivons sous le signe de Harry Potter. Est-ce avouable, vraiment? Tout a commencé vendredi dernier, quand nous avons écouté en voiture le tome I (enregistré en 2000 lors d'une lecture par Giraudeau sur France Culture: j'y avais passé la nuit, c'était avant les podcasts, eh oui (et c'est stupide, je sais. Il est même possible que ce soit pour cela que je l'ai fait)). En arrivant, nous avons entassé les bagages dans l'entrée et nous nous sommes installés devant le II (le film), parce que je ne l'avais jamais vu et que j'aime voir les acteurs grandir. Puis nous avons regardé le quatre, que je n'avais pas vu non plus (en fait, je ne regarde pas beaucoup de films, je préfère les séries américaines prévues pour petit écran). Puis j'ai repris le tome IV en livre, pour vérifier certains points, notamment relire les épisodes du labyrinthe et du cimetière. Puis j'ai passé la semaine à rouvrir les livres, le VI pour le souvenir de Slughorn, la potion felix felicis, le tatouage de Harry, l'épisode du lac, puis celui de la mort de Dumbledore, puis le VII, "King Cross station", le sauvetage d'Olivander et de Luna, la capture de la baguette de Malfoy, le dernier souffle de Snape et ses souvenirs... Et ce soir, retour aux films, le III, puis le V (je ne regarde pas de façon continue, je me lève pour mes moments préférés, comme les enfants (les patronus, bien sûr, et les feux d'artifice de Fred et Georges)).
    Que quelqu'un m'explique ce que cette série console en moi.

    Florilège:
    un article littéraire sur l'utilisation et la déconstruction des stéréotypes dans le cycle Harry Potter;
    une interview de J.K. Rowling à Havard (à l'écouter, je me dis qu'il y a beaucoup de résonances entre les souvenirs de Conrad voulant devenir marin et les souvenirs de Rowling voulant devenir écrivain);
    et des muggles jouant au quidditch.

    En rangeant, j'ai retrouvé mes notes de patristique. Je crois que je commence à avoir sommeil.

    Invitation à bloguer des blogs

    Bon, c'est compliqué. Un filleul inattendu (mais ça tombe bien, je n'ai par ailleurs qu'une filleule (je sais, j'aurais dû dire neveu)) me demande de participer au Blog Day (je n'ajoute pas la bannière parce que ça me gonfle de faire des mises à jours ftp de mon blog).

    Si je comprends bien, il me faut trouver d'une part des blogs dont vous parler le 31 août, d'autre part inviter des blogueurs à vous parler de blogs le 31 août, c'est-à-dire qu'il me faut trouver deux séries de blogueurs : ceux que je lis sans que vous le sachiez (dont je vous parlerai le 31 août), ceux dont j'imagine qu'ils me lisent (pour lancer mes invitations).

    J'invite donc, sans savoir s'ils sont pour ou contre les manifestations bloguiennes collectives (c'est fou ce que certains réussissent à théoriser à ce sujet), Pradoc, Theobald, Rémi, Aymeric et Philippe[s] à participer au Blog Day.

    Journée confuse

    C. s'est cassé le petit doigt en le cognant sur le rebord d'un lit : deux heures aux urgences pour une radio et une attelle. Je lis Des souvenirs de Conrad en attendant dans la salle d'attente.

    J'ai ramené le passeport de A. à la mairie: elle porte un prénom "mixte", la préfecture l'a déclarée de sexe masculin, malgré la photo, le second prénom, l'extrait de naissance, les renseignements dûment donnés.
    C'était arrivé à mon cousin prénommé Alexis, déclaré de sexe féminin sur les registres de l'état-civil (Pourquoi? Nul ne le sait.) On s'en était aperçu au moment où il aurait dû faire ses trois jours.
    Incidemment, c'est aujourd'hui l'anniversaire de ce cousin.

    Les non-anniversaires des non-événements

    Parfois je rêve de tenir le blog le plus banal possible, à base de listes de courses, de menus, de nombres de machines à laver qui ont tourné, qu'il a fallu étendre, d'heures de repassage.
    Je me souviens du jour où l'on a annoncé avec ravissement à la radio qu'on avait retrouvé les carnets d'un homme qui dans les années trente avait tenu scrupuleusement jour après jour le compte de ses dépenses: les historiens et les économistes étaient enchantés de détenir un tel témoignage sur le prix de la baguette et la note de la blanchisseuse; le journaliste avait lu quelques pages des carnets, c'était mortellement ennuyeux. Un même effroi me saisit quand Braudel évoque les livres de compte vénitiens ou allemands permettant de reconstituer les échanges entre les marchands: les conclusions m'intéressent, mais qu'il m'ennuierait de travailler sur de telles pièces.

    Je suis fascinée par l'obstination qu'il faut pour noter les gestes quotidiens, banals, infiniment répétés, qui tissent le plus clair de nos journées. Cette obstination est sans doute l'autre nom de la bêtise dénoncée par Flaubert; maintenue suffisamment longtemps avec suffisamment de précision, elle acquiert une incontestable grandeur.

    Epuiser la contrainte, seule façon de la dépasser.

    Souvenirs de vacances

    * lundi
    Chez ma grand-mère du côté de Bourges.
    Après-midi à Issoudun : pélerinage sur les traces de l'enfance de H. Un peu décevant, comme il se doit. Superbes arbres de Jessé dans les hospices transformés en musée.
    Nous passons à quelques kilomètres de Civray, où est né mon père. Je n'y étais jamais venue.
    Le soir, réfugiés dans notre chambre, nous faisons côte à côte le ménage dans nos portables. H. exhume cette vidéo (c'est une vengeance: j'imite la cornemuse depuis la veille, quand il m'a imposé la bande-son du Jour le plus long).

    * mardi
    Cathédrale de Bourges (restauration avec quelques touche de polychromie (très joli)) et Palais Jacques Cœur (comme on dit chez moi, mais apparemment, il faudrait dire «la grande maison»).
    C'est la troisième fois que je le visite. Finalement, c'est un peu comme les traductions, on peut recommencer tous les cinq ans, il y a des modes. Celle en cours veut qu'on expose tout ce qu'on ne sait pas, tout ce qui n'est pas sûr, toutes les suppositions. Cela m'agace. Je préfère rêver en visitant, et douter en lisant.

    * mercredi
    Je continue à mettre à jour mon carnet d'adresse sur ordinateur, qui permet de synchroniser les anniversaires avec iCal. C'est une manie innocente et chronophage.
    Connaissez-vous Les cadavres ne portent pas de costard et les crises du héros déclenchées par les mots "cleaning woman"? Après le dîner, tandis qu'une partie d'entre nous regarde France-Suède d'un œil vague, ma mère nous fait une crise effarante sur le même modèle. Les mots déclencheurs sont "lièvre au chocolat". J'ai l'habitude de ces explosions incompréhensibles au téléphone (ou plutôt je les redoute, et je tremble de téléphoner), en live, c'est très impressionnant.

    * jeudi
    J'apprends la mort de Tony Duvert dans La Nouvelle République du jour. Je découpe l'article.
    Visite du château de Blois. Très belles polychromies dues à Félix Duban. Ma tante nous racontait qu'il y a quelques années ma grand-mère avait sursauté en écoutant la description du guide racontant de meurtre d'Henri de Guise à l'endroit même où ils se tenaient; je me souviens qu'on nous indiquait la pièce de l'assassinat; aujourd'hui on nous explique qu'on sait que cela s'est passé à l'étage, mais qu'on ne sait pas où: l'exactitude (ou l'imprécision, ce qui est ici la même chose) y gagne ce que le charme y perd.
    Quand j'étais enfant, la bibliothèque municipale occupait six pièces de l'aile Gaston d'Orléans, dont deux ouvertes au public: six mètres de hauteur, plancher, rayonnages jusqu'au plafond. Cela a disparu avec Jack Lang. Je pensais qu'il avait récupéré les pièces pour en faire quelques chose de grandiose, je suis affreusement déçue par de petites pièces basses de plafond et sans fenêtres: ce sont de petits décors aveugles et sombres.

    * vendredi
    Rentrés à la maison, tranquillement.
    Arrêt à Notre-Dame-de Cléry. Les hirondelles nichent dans les moulures des portails. J'aime profondément cette église, à cause de la chanson, de son histoire, de son délabrement. Je redoute le moment où elle sera entièrement restaurée.
    Il pleut.

    Les particules élémentaires

    Je ne suis pas exactement allergique, dans la mesure où je n'ai pas le nez qui coule pendant des heures ou des jours, à m'empêcher de respirer et de manger, mais je fais une réaction amusante (pour les autres) aux particules micronisées: j'éternue.
    J'éternue beaucoup: trois fois, quatre fois, huit, dix, quinze, vingt... Ça dépend. Ça fait rire. C'est épuisant.

    Me fait éternuer le tanin du vin rouge (les premières gorgées), la poudre mentholée sur les pastilles Vichy ou les chewing-gums à la menthe, le diesel, tout ce qui se vaporise (parfum, déodorant), l'odeur de la plupart des produits ménagers.

    Par conséquence, je supporte aussi peu la poussière que de faire le ménage.

    Rêve velu

    Nuit agitée. Je rêve, je ne me souviens de rien, ce n'était pas angoissant, mais c'était agité. Confirmation: au réveil, je suis seule, H. a déclaré forfait et est allé dormir ailleurs.

    Au milieu de la matinée, une image très nette d'un de mes rêves me revient : pour une raison ou une autre, je tendais la jambe pour la montrer, horreur, elle était poilue et frisée, châtain. J'en éprouvais de la gêne, sans plus.

    L'emploi du temps

    Il faut me rendre à l'évidence : je ne sais pas être en vacances. Tout le temps que je passe à ne rien faire (je suis très douée pour cela) me laisse frustrée de tout le travail (les projets/corvées toujours remis pendant l'année: «on fera ça cet été quand on aura le temps») qui n'avance pas, tout le temps passé au projets/corvées me laisse frustrée du temps que j'aimerais consacrer à ce qui compte vraiment pour moi (lire, apprendre, voir, m'amuser).

    Que faire ?

    J'ai au moins trouvé une règle : personne ne fait seul une corvée (ie, une tâche ménagère, du bricolage, du jardinage, ce que j'appelle l'intendance); à deux (ou plus) on s'ennuie moins, on papote, on se dispute, on est ensemble — ce qui n'arrive pas si souvent le reste de l'année. Bon évidemment, ce n'est pas forcément le plus rationnel ni le plus logique. Au diable l'efficacité.


    C'est douloureux de ressentir la fuite du temps avec encore plus d'acuité que pendant l'année. Je n'arrive pas à lâcher prise, j'aimerais pouvoir faire cinq choses à la fois.
    Impuissance.

    Wall-e

    Inévitable, évidemment.

    Qu'on m'explique pourquoi des gens vivant de sodas glacés dans des chaises longues décideraient de leur plein gré de revenir s'éreinter à cultiver des plantes dans un gigantesque dépotoir parcouru par des tempêtes de poussières.
    C'est bizarre, ce présupposé moral.

    Sinon, je n'ai pas fini de d'entendre «Ev' ah».

    Mais l'ensemble est charmant.

    13 août

    Cité de l'architecture. Relevé les noms des églises possédant des peintures murales dans l'Indre, l'Indre-et-Loir, le Cher et le Loir-et-Cher. Agacée par la mauvaise volonté des enfants. Je ne supporte plus leur mauvaise humeur, leur bouderie, leur façon de traîner les pieds. Que faire, sortir sans eux, les laisser devant leur ordinateur? A vrai dire, je préfère, je suis bien plus tranquille, mais je vais me faire traiter d'égoïste — ce que je suis, je le sais, et sans beaucoup d'états d'âme.

    Roissy, récupéré C. Pas vraiment envie de le revoir, il nous a si parfaitement oubliés que j'en ferais bien autant.

    De Roissy à Yerres, lu Les vacances du petit Nicolas, commencé Le petit Nicolas a des ennuis. C'est l'inverse de La Gloire de mon père: je ris aujourd'hui à Pagnol que je ne comprenais pas à douze ans, tandis que Goscinny qui me faisait rire me paraît maintenant bien mécanique, avec des ficelles à la Major Thompson.

    11 et 12 août

    • lundi : rien

    . Terriblement mal aux cuisses. Trop forcé hier. Je peux à peine descendre les escaliers. Cela m'impressionne, ça ne m'était jamais arrivé à ce point-là.

    . Je continue à décrire Cerisy, même si cela m'effraie et si je me sens ridicule. Ne pas penser.

    . Courses. Vérifié la présence de Play de Durex au Cora de Boussy-Saint-Antoine (je proposerais bien une enquête inter-blogs à travers la France et un repérage sur Google: cartes des grandes surfaces vendant Play.

    . Sieste avortée.

    . Equeuté les haricots verts puis terminé l'ourlet de la jupe jaune de A. en regardant Impitoyable. Etrange western. Réalisateur Clint Eastwood. Tout le film n'est qu'une longue parenthèse, commence par un arbre en ombre chinoise contre un soleil rougeoyant, termine de même. Tout le film est de guinguois, rien ne fonctionne comme il devrait. Mise en place de règles de morale et de justice dans un monde où les motivations et les mensonges des autres sont opaques: peut-on agir justement si l'on n'est pas omniscient? Tout tombe légèrement à côté, un peu trop fort sur certains innocents (mais pas tous), épargnant certains coupables (mais pas tous).
    C'est Olivier qui m'avait envoyé ce film après que je lui eus parlé de 3h10 pour Yuma. Il faut croire que je lui avais bien expliqué l'atmosphère, les deux films appartiennent à la même famille des westerns étrangement moraux, tendant à penser que la pente du bien est plus naturel que celle du mal, et que les braves types sont plus nombreux que les sombres salauds.

    . Quelques minutes d'attente, je rouvre Les Nuits attiques, parcours l'introduction. Lire, c'était presque toujours prendre des notes. (Eh oui.)

    . Le soir, réunion MoDem pour préparer des élections internes. Toujours la même envie de rire et le même plaisir à arriver dans cette petite rue de pavillons de banlieue avec le soleil couchant dans les yeux: cela ressemble tant aux rues des premiers Léo Malet, j'ai l'impression d'être dans 120 rue de la gare.
    Nous rentrons tard, agacés par tant de bavardages inefficaces. Visiblement, la plupart des personnes qui entrent en politique le font parce qu'elles ne savent que faire de leurs soirées.


    • mardi : l'Europe jusqu'à l'Oural

    . Pain perdu pour mon beau-père. Un peu raté, je n'ai pas le pain qu'il faut. Mais il est heureux de ce clin d'œil à l'enfance, et c'est l'essentiel.

    . Encore plus mal aux jambes qu'hier. Je ne peux pas descendre un escalier de face, je dois me mettre de côté, descendre une marche à la fois.

    . Le voyage de Primo Levi. Des cinéastes ont décidé de refaire en 2005 le trajet de retour de Primo Levi en 1946, d'Auschwitz à Turin, raconté dans La Trêve. Ce film est court pour un si long parcours: beaucoup de montage, de nombreux choix, une bande sonore intéressante. Le film commence sur des images de Ground Zero et énonce qu'en des temps troublés, il faut peut-être se tourner vers le passé pour comprendre le présent et prévoir l'avenir. Ce film est extrêmement monté, disais-je, partial, subjectif, mais d'autant plus humain et chaleureux. Pologne, plaques de rues, la place Ronald Reagan côtoie l'avenue Jean-Paul II, friches industrielles, extraits de L'homme de fer, interview de Wajda, une pub pour Crazyguides (je n'étais pas sûre que ce ne sois pas une plaisanterie jusqu'à il y a quelques secondes), Russie, des vaches, des kolkhozes, des routes, des forêts, des champs, des marchés et des étalages dans les rues, des statues et encore des statues, monumentales, un chanteur ukrainien mort d'avoir chanté en ukrainien, la tentation du nationalisme ukrainien, la musique des fêtes foraines ukrainiennes cinq ans plus tard — une jeunesse désœuvrée sortie tout droit de Liverpool. Chaleureuse Biélorussie dont les réalisateurs se moquent doucement, par vengeance d'avoir été suivis et encadrés par le commissaire du parti responsable de l'idéologie. La Biélorussie semble vivre heureuse et hors du temps, Primo Levi y a passé un été avec ses compagnons et a noté la bonté et la joie de cette terre et de ses habitants, soixante ans plus tard cela paraît encore vrai. En toute logique ce seront les prochains à être rattrappés par la folie occidentale, je ne leur souhaite pas. Ukraine, Tchernobyl, 50.000 personnes évacuées devant tout laisser derrière elles (et les images de l'herbe folle au milieu des grands ensembles (Tchernobyl est la catastrophe de ma jeunesse, elle m'aura marquée davantage que le 11 septembre: la chute du mur, la fin de l'appartheid, Tchernobyl, le 11 septembre, dates)); la Moldavie paraît une terre de désolation, on y regrette les kolkhozes, la terre est intégralement cultivée à la main, il n'y a pas de machine agricole. Roumanie, usine de sacs à main italiens, Hongrie, Primo Levi note qu'enfin la vieille Europe, leur Europe, apparaît devant leurs yeux, l'alphabet redevient lisible même si incompréhensible. Autriche, façade de la maison natale d'Hitler, Munich et une réunion de nationalistes allemands, Italie. Que va-t-il se passer maintenant, qu'allons-nous trouver, angoisse des revenants.
    Mario Rigoni Stern: «Cette année, je ne suis pas aller skier. Vous comprenez, à quatre-vingt ans passés, si je me casse la jambe, on me traitera d'imbécile». J'ai la surprise d'entendre des lignes que je reconnais aussitôt: en cadeau d'adieu, mon libraire m'a offert un petit livre hors commerce, Pour Primo Levi, c'est ce texte que j'entends, écrit (ou simplement publié?) après le suicide de son ami.
    Et tandis que je me souviens bien du film, j'en ai oublié la fin. Il boucle, il boucle sur la neige tombant sur Auschwitz, je crois.

    . Les affiches du cinéma du Reflet. J'ai raté A History of Violence, Parfum de femme a l'air intéressant, je ne sais pas si j'aurai le courage d'aller voir Aguirre, la colère de Dieu. Librairie la Compagnie, je n'ouvre aucun livre, suf Le jardin des Finzi-Contini dont je relis les trois dernières pages. Je passe devant le Collège de France, le tabac est fermé, je monte vers "la cantine", passe dans rue de l'école polytechnique, renonce à acheter des cigarettes, renonce devant la carte du bistrot, retourne au Russe de la rue de l'école polytechnique.

    . Bortsch, raviolis, verre de vin. Je lis Salceda.
    En face de moi, deux vieilles dames ont sympathisé. L'une parle russe, l'autre moins bien. L'une habite dans les environs de Versaille, l'autre rue de Crimée. La première prend avantage sur l'autre, décrit ses voyages, son apprentissage de la langue («Du bortsch, il y en a partout, mais ils sont très différents. J'en ai mangé en Sibérie, c'était autre chose!» Elle rit.) La seconde parle cinéma, évoque Ballerina, qui passe actuellement au Reflet, la première n'admet qu'au bout de quelques minutes qu'elle ne va jamais au cinéma. Elle part. La serveuse apporte à la première ce qui ressemble à une plaquette de beurre, enveloppée dans du papier argenté. C'est de la glace ou de la crème entourée de deux gaufrettes.
    Une autre table m'est cachée en grande partie. Un homme, une femme qui doit avoir soixante-dix ans puisque sa mère, en face, en a au moins quatre-vingt-dix. Je ne vois que le dos de la fille, son chignon, ses beaux cheveux d'un blond cendré. Il faudra retrouver cette couleur quand je ferai teindre mes cheveux. La mère a un très petit visage, des yeux incommodants à force d'être bleus, une auréole de cheveux très blancs. Elle est sourde mais conserve sa vivacité d'esprit. La fille parle: «Balbina était... Tu aurais aimé Balbina... Elle m'a beaucoup influencée... Sa grande maison... La Giudecca... c'est comme Prague... villes-musées...». Je pense à Hannah Arendt, à sa réflexion à propos de Rosa Luxembourg: seuls les Juifs des années trente auront été véritablement européens, de par leur multi-culturalisme et leur maîtrise de trois à quatre langues.
    Une troisième table est occupée par deux hommes d'affaire. Le blond saluera la serveuse en russe en partant. C'est un restaurant qui ne paie pas de mine, avec une carte très simple, visiblement apprécié de ceux qui veulent retrouver un peu du pays.
    Je songe. Peut-être faut-il adopter le point de vue de ces westerns étranges, peut-être faut-il abandonner cette idée d'entropie, de malheur, de déchéance, de désagrégation toujours en marche, et penser que la pente naturelle de l'homme est de chercher la paix, la joie et une certaine civilisation. Peut-être.

    . Retour à la maison. H. a trié le placard de O., jeté (seule façon de ranger, à mon avis), remis les étagères et le bureau dans la chambre. Il lui propose le grand lit à la place du sien, O. est enchanté.
    Je range un peu le dernier étage, tâche sans fin; pour une raison incompréhensible il faut toujours tout réorganiser (me voilà avec une pile de draps une place à devoir ranger. Je vais faire un échange avec les draps en lin de ma grand-mère actuellement dans un carton (j'ai tant de ces draps qu'ils ne tiennent pas tous dans mes armoires)). Et où va-t-on mettre ce matelas? Nous voilà avec deux lits superposés à donner ou à vendre.
    Je monte et descends des livres, reclasse des étagères. J'ouvre des livres, je suis agréablement surprise par quelques notes jetées sur un post-it en début de Comment j'ai écrit certains de mes livres, je parcours un numéro des Cahiers du Chemin (1971), tout était déjà là, et le sommaire du numéro de Formules qui représente les actes du colloque de 2001. Que faisais-je en 2001 durant l'été? Ma grand-mère venait de mourir, j'ai commencé un régime draconien, les tours étaient encore debout, j'étais encore à Sérénis, je ne lisais pas encore Renaud Camus.

    . Mes beaux-parents s'en vont. Il est 22 heures. J'écris.

    Mariage à l'italienne

    Terrible critique sociale. Je me demande quel accueil a eu ce film à sa sortie. J'ai pensé à Simone Veil évoquant le vote de la loi autorisant l'avortement: «Il y avait une hypocrisie terrible dans la salle. Certains députés étaient en train d'envoyer leur maîtresse avorter en Suisse au moment même des débats». (citation à peu près). (Non, Mariage à l'italienne n'est pas un film sur l'avortement mais sur la recherche de respectabilité d'une putain amoureuse d'un homme égoïste et inconscient — profiteur sans intention d'être méchant et de ce fait d'une terrible dureté.)

    Images de Naples envahi par les grues, images d'intérieurs bourgeois, performance des comédiens représentant trente ans de leur vie.

    Et puis, les touristes

    La première fois que j'ai vu des paysages de la Pologne, la forêt, les rivières, le ciel, c'était en 1985, dans Shoah, de Lanzmann.
    C'est aussi avec ce film que j'ai appris qu'Oswiecim était une ville actuelle, dans laquelle on vivait encore aujourd'hui.
    Ça ne me serait jamais venu à l'idée. Il faut dire que je n'avais pas imaginé que cela pouvait être une ville, je pensais que ça n'était qu'un camp, le nom d'un camp.

    Am Ende kommen Touristen. Je n'aurais pas traduit par Et puis, les touristes. J'aurais pris quelque chose comme Tout finit par des touristes, car c'est vraiment ce que je ressens, pour Auschwitz comme pour le reste. Tout finit par des touristes et des consommateurs.

    J'avais compris ce qu'était devenu Auschwitz en juillet 2007: un article du Monde sur Dix jours «polonais» de Henri Raczymow montrait une photo (de Léa Eouzan) non pas du camp, mais de ce qu'on voyait quand on tournait le dos au camp : des panneaux publicitaires pour des restaurants et des parkings.


    Je suis donc allée voir ce film : un jeune Allemand a choisi de faire un an de service civil plutôt qu'un an de service militaire. Il pensait aller à Amsterdam ou Anvers (je ne sais plus), il se retrouve à Auschwitz, à donner des coups de main ici et là et à servir d'aide ménagère-chauffeur à un vieux Polonais de 80 ans, ancien prisonnier du camp, qui vit là et aide à la conservation des valises des détenus appartenant au musée.
    C'est un film par petites touches, très bien fait, qui évoque la bizarrerie de cette situation («Eh les gars, les militaires allemands sont revenus à Auschwitz!» : rire général) et les relations du jeune Allemand avec le vieux Polonais, avec son responsable, avec sa logeuse. Il ne se passe presque rien, j'ai même pensé un moment que le réalisateur avait choisi de faire un "non-film", un film sur l'ennui, le temps qui passe, le quotidien, l'absolu contraire du pathos.
    Il n'a pas choisi cette voie extrême mais en est resté malgré tout assez proche.

    Ce n'est pas un film sur l'Holocauste, c'est un peu un film sur ce que c'est que vivre à Oswiecim aujourd'hui (et la réponse est creuse: «je suis née ici, que veux-tu dire? Je ne comprends pas»), c'est surtout un film sur ce qu'est vivre en Pologne aujourd'hui: l'omniprésence des capitaux et des investissements allemands, l'espoir que représente l'Europe. Le jeune homme allemand ne sait pas ce qu'il veut, la jeune fille polonaise le sait très bien: partir de là. L'opportunité lui en est offerte par un concours pour être traductrice à Bruxelles. (Sans illusion: «Quand je leur dis que je venais d'Auchwitz, ils ont eu l'air horrifiés. C'est pour cela qu'ils m'ont prise».)
    Et j'ai pensé aux nonistes : des enfants gâtés.

    Et c'est un film sur la vieillesse. A quoi sert-on quand on vieillit, comment accepter d'ennuyer les autres, de ne plus intéresser, de se tromper à vouloir réparer des valises pour qu'elles servent alors que ce qu'on attend de vous ce sont des restaurations qui préservent l'histoire?
    Questions parallèles du vieil homme et du jeune homme: je ne sers plus à rien, je vais chez ma sœur, dit le vieil homme après une ultime humiliation. Mais non, répond le jeune homme, vous témoignez, vous êtes utile. C'est trop compliqué ici, je rentre à Berlin, dit le jeune homme après une initiative malheureuse de plus. Ce que vous faites ici est formidable dit le touriste, quel investissement.

    Sans pathos. J'ai l'impression que nous allons voir de plus en plus de bons films allemands.

    Trois semaines

    — Tu pars où en vacances ?
    — Je reste chez moi.
    — ???


    - finir le boulot que j'ai ramené à la maison (avant la fin de ce week-end, si possible) ;
    - finir les trois billets en cours sur Cerisy ;
    . 1/ le 18/08/2008
    . 2/ le 26/08/2008
    - terminer les notes sur la patristique (il y a un fou qui me l'a demandé!) ;
    une le 30/08
    - mettre à jour mes blogsroll en répartissant les liens en fonction du "style" de mes deux blogs ;
    . fait à peu près le 13/08 + le 30/08
    - terminer la reprise/sauvegarde des messages écrits de la SLRC que je veux conserver ;
    . j'ai atteint juin 2005, il me reste un an à reprendre.
    - harmoniser les catégories ;
    - avancer les deux billets d'indexation de l'autre blog;
    - aller au cinéma ;
    . 10/08 : Mariage à l'italienne
    . 12/08 : Le voyage de Primo Levi
    . 14/08 : Wall-e
    . 24/08 : Babylone A.D.
    - voir ma grand-mère, passer chez mes parents ;
    . OK du 18 au 22/08
    - visiter quelques musées/églises/châteaux ;
    . 13/08 : cité de l'architecture
    . 18/08 : musée des hospices d'Issoudun
    . 19/08 : cathédrale de Bourges (assez vite), palais Jacques Cœur
    . 21/08 : château de Blois
    . 22/08 : Notre-Dame-de-Cléry
    - m'occuper du jardin (une heure par jour? deux heures?) ;
    . 09/08 : tondu la pelouse
    . 31/08 : les rosiers, un peu
    - aller en salle de sport (quatre fois par semaine?) ;
    . 10/08 (courbatures atroces); 16/08; 17/08; 23/08; 24/08; 29, 30 et 31/08
    - ranger cette rognûtdjû de maison (ou au moins le dernier étage, les papiers et les livres (je fais si souvent des allusions à mes classements de papiers que je n'ose plus en parler)).
    . journée du 15/08, après-midi du 17/08.
    . le 26/08, fin de la chambre, le 27/08, fin du 2e étage avec réorganisation des archives en prime, le 29/8, rez-de-chaussée.
    . le 31/08, premier étage

    Et puis, éventuellement, lire et bloguer un peu ...


    Un logiciel de To do list qui me plaît.


    A une époque, je faisais des emplois du temps précis que je respectais. Puis j'ai fait des emplois du temps précis que je ne respectais pas (grosse frustration). Puis j'ai arrêté de faire des emplois du temps quand je me suis aperçue que si j'additionnais tout ce que je devais faire à tout ce que j'avais envie de faire, cela ne tenait pas en 24 heures (sans sommeil, évidemment) (je favorise largement la deuxième catégorie depuis que les enfants ont grandi).
    Aujourd'hui j'essaie de m'organiser un peu plus.
    Mais bon. La vie matérielle ne m'intéresse pas beaucoup.

    Au bonheur des dames

    Sous-sol du Printemps, rayon lingerie, devant l'espace Chantal Thomass, un stand propose de vivre sa sexualité libérée :



    Je suis triste : même ça, la génération bling-bling aura réussi à le récupérer (car il faut bien l'avouer, ça avait son charme, les sex-shops sordides et les catalogues feuilletés en rigolant et en s'exclamant. Qu'est-ce que c'est cette sexualité bien aseptisée, bien clinquante, bien hygiénique, cet érotisme de pacotille? Quelle négation de tout mystère, aussi, même plus le droit d'être gêné(e(s)), obligation de regarder tout cela sans sourciller, même combat que les enfants à qui l'on apprend l'usage du préservatif à neuf ans sur les bancs de l'école. N'y a-t-il pas des régions que l'on devrait avoir le droit de n'explorer que volontairement?)

    Mardi

    Mon chef revient de vacances aux Maldives. C'est un passionné de plongée.
    Histoire des Asiatiques qui ne savaient pas nager mais qui plongeaient malgré tout quand on leur disait «Plonge!» (N'avaient-ils pas conscience que nager s'apprenait?)
    La première fois certains ont failli se noyer en mer. Ensuite, une fois les classiques tests de natation en piscine mis en place (dieu sait pourquoi ils avaient été omis lors de la première sortie en mer), plusieurs ont failli se noyer en piscine: ils sautaient, ils sautaient. Les maîtres-nageurs, désormais vigilants, se tenaient à trois sur le bord pour plonger dès qu'un corps ne remontait pas au bout d'une minute.

    Je trouve à la bibliothèque du CE Un Homme qui dort, la biographie de Perrec par Bellos, Pour un nouveau roman de Robbe-Grillet. Je résiste à l'envie de les lire, c'est tellement plus facile que la thèse d'Hermes.

    Dans l'après-midi H. m'appelle: le beau-frère de E. vient de se tuer en montagne, laissant trois orphelins, dont le dernier a 14 mois. E. a déjà perdu son frère jumeau et une sœur. Je songe à ses parents. Je songe aux tragédies grecques, aux familles que les dieux ne laissent jamais en repos. Toujours la même impuissance, et l'irrémédiable.

    Le soir, (c'est étrange de coller à la suite ces deux paragraphes. La vie continue, avec sa dureté et son indifférence (je nous hais d'être ainsi, mais peut-on imaginer que nous pourrions survivre autrement?)), Kung Fu panda à nouveau, parce que H. ne l'a pas vu. On y emmène ses parents. Le film résiste à une seconde vision, mais je préfère la version originale: la traduction des dialogues du panda en version cool ne me plaît pas. Est-ce la même tonalité en anglais? Je ne connais pas assez cette langue pour y être sensible.

    Restaurant chinois (le Bambou, dans le 13e). Il est classique de faire la queue pour y entrer, d'attendre son tour sur le trottoir. Des tabourets sont d'ailleurs empilés devant la porte. Ici, c'est presque la cantine, on complète les tables, pas une place ne reste libre (la dernière fois, nous étions trois couples à une table de six). Je mange des crevettes au sucre de canne. Mais la carte était fautive, il ne s'agit pas de sucre de canne, mais de canne à sucre. Je mâchonne les trois bâtons, écrasant la fibre avec férocité. Amusant et un peu écœurant (les bâtons sont imbibés du jus gras de la cuisson).


    Aujourd'hui (mercredi), Paul Rivière a quatre-vingt sept ans. On dirait qu'il va faire beau.

    Je continue dans la veine rien.

    - Lundi : retour au bureau. Les vacances commencent samedi, il y a quelque chose que je dois faire avant de partir que je n'ai pas envie de faire, tout en n'ayant qu'une idée vague du temps réel que cela va me prendre (un jour? deux?) Je devrais faire attention.

    - A midi, repérage de librairie. Ivan m'avait dit que la librairie la plus proche était la (le?) Livre sterling, 49 bis avenue Franklin Roosevelt. Beaucoup de poches, beaucoup de policiers, beaucoup de livres d'art. Au mur, des photos d'écrivains en noir et blanc, encadrées. Celle de Perec est un puzzle carré.Un gros investissement en "communication" (des étiquettes sur les livres avec l'avis du libraire). Un gros coup de cœur pour le livre d'un certain Sandro Veronesi, Chaos calme.
    Pas tout à fait mon genre, mais peut-être du potentiel. On dirait une librairie qui s'est adaptée au quartier pour survivre, mais sans abandonner tout à fait son idéal. On verra. De toute façon, j'ai épuisé mon crédit pour quelques temps. (Problème: comment ramener soixante livres (mais souvent des petits, des plaquettes, des format poches) à la maison et les ranger de façon "discrète"? J'ai commencé à vider une étagère entière en jetant des cassettes vidéo possédées depuis trois ou quatre ans, jamais regardées. Heureusement que les hommes ne voient rien, ne remarquent rien. Cette faculté n'en finit pas de m'étonner, que voient leurs yeux?)
    Le libraire, un ancien libraire, deux hommes, discutent:
    — ...plus grande librairie de Paris... Gibert...
    — Tout ça, c'est qu'une question de bol...
    — Plus je vieillis, plus je me rends compte d'une chose: quand on a une opportunité, il ne faut pas hésiter trop longtemps, il faut la saisir... C'est comme les femmes: quand une te dit oui, il ne faut pas réfléchir, faut y aller...
    Petit silence, ils se regardent.
    — J'allais dire quelque chose, mais il y a madame...
    — Mais non, tu vois bien qu'elle n'écoute pas, ça ne l'intéresse pas...
    ...
    — Et après on se dit, mais pourquoi j'ai fait cette connerie?
    — Oui, mais qu'est-ce que c'était bon...
    Rires. Ils sont heureux. Et je suis d'accord avec eux: il ne faut pas hésiter.

    - Encore des problèmes de RER pour rentrer. Il n'y a pas eu un soir sans problème de RER depuis le 18 juillet.

    - Salle de sport. J'aime transpirer, mais ce soir, on dirait que c'est ma cervelle qui s'est liquéfiée. Je n'arrive plus à penser.

    Soudain, une question

    Hier, je regarde pour la millième fois Les tontons flingueurs (enfin, quelques scènes, je suis en écoutant la bande-son, je regarde de temps en temps).

    Fernand est introduit dans la chambre du Mexicain. Le Mexicain occupe l'image, on entraperçoit une seringue, à l'arrière-plan, grâce à un miroir, on assiste à l'entrée de Fernand, accompagnés de seconds couteaux. Toute les personnages sont présents à l'écran grâce à ce miroir qui semble occuper tout le mur du fond de la pièce.

    Et soudain une question m'a traversé l'esprit: où étaient installées les caméras? Par quelle prouesse n'apparaissaient-elles pas dans le miroir?

    Toujours pas grand chose

    Je pense à l'époque où je lisais Matoo sans avoir de blog. Il posait de temps en temps le dilemme du blogueur : écrire tous les jours même sans avoir quelque chose à dire ou n'écrire que lorsqu'on a quelque chose à raconter?
    (J'adore ce genre de phrase: pur remplissage, écrire qu'on ne sait pas quoi écrire, c'est déjà écrire. J'ai commencé à lire la thèse d'Hermes sur Raymond Roussel, je me dis qu'il faut que je lise Les Mots et les Choses.)
    En fait, il y a toujours quelque chose à écrire, quelques notations qui identifient la journée comme différente de la veille ou du lendemain. Simplement, on craint que cela soit mortellement ennuyeux.
    La question devient donc: est-ce si important d'ennuyer les lecteurs?
    Malgré tout, je crois que la réponse est oui, en tout cas pour moi. Tant pis.

    Regardé la saison 1 de Six feet under à partir de l'épisode 6 (évidemment moins de temps pour lire ou bloguer. Mais j'ai repassé). Toujours le même étonnement devant la somme d'événements dans un épisode: à la fin d'un épisode, je me sens à peine capable de résumer ce qu'il est arrivé à chacun des personnages.
    Je me rends compte que j'ai été élevée dans un monde de fiction télévisuelle avare, toujours prêt à thésauriser les péripéties pour l'épisode suivant, dans un monde de films où il ne se passe rien, où s'ennuyer est esthétique. Mon dieu, que ça fait du bien d'avoir une histoire débordante d'événements inattendus, où les scénaristes n'hésitent pas à se mettre en danger, où, quelle que soit la gêne née de certaines situations, les dialogues sonnent toujours justes.

    Il faudra un jour que
    1/ je reprenne chaque épisode en notant exactement ce qui s'y passe (et la mort du début) (mais ce relevé doit exister sur le net, en anglais).
    2/ je comprenne ce qui me touche tant dans cette série. Je crois que je m'identifie à chacun des membres de la famille Fisher. Je crois que le principe des hallucinations, des films éveillés, de la projections des fantasmes dans la réalité, m'est très naturel.

    J'ai égaré Allen. J'ai commencé La bibliothèque de Villers.

    Pas de quoi faire un billet

    • mardi

    Métro. Bibliothèque Marguerite Yourcenar. Emprunté quatre livres neufs, jamais ouverts.
    Retour en vélib. Rue Vaugirard, rue des écoles. Une fille menue, bronzée, en robe de jersey souple jaune vif, sandales de corde à talons compensés, devant moi sur le porte-bagage d'un vélo. A hauteur de l'institut du monde arabe, emprunté la piste cyclable le long de la Seine. Il fait bon, les gens sont heureux, j'ai envie de faire semblant d'écraser un petit garçon mais il ne me regarde pas. Tant pis.
    Quelques couples danses dans l'un des hémicycles au ras de l'eau. C'est si lent que je ne reconnais pas la danse: tango, valse? Un air de cornemuse. Non, deux cornets courts (renseignement pris, il s'agirait de deux hautbois piccolo).

    Pas d'ordinateur disponible ce soir. Qu'à cela ne tienne, je lis dans un bain froid.

    • mercredi

    Rien. Je suis contente. J'ai lu un livre drôle, j'ai acheté des livres pour une somme déraisonnable à mon libraire qui ferme définitivement demain. Comme toujours, j'ai privilégié les livres que je ne retrouverai pas (une revue consacrée aux articles politiques de Dagerman en Suède, articles dans lesquels il a fait ses premières armes, un livre reprenant les lettres d'Izambard), les livres que je devrais avoir depuis longtemps (Tristes Tropiques, Arasse, Bouveresse), des éditions peu connues au format ou à la mise en page jolis ou curieux (Sillage, Le Sonneur, etc). Et un livre d'art sur Saint Augustin que je n'aurais jamais osé acheter si la librairie n'avait pas fermé). Il fait enfin chaud.

    • jeudi

    Trop orageux pour aller au cinéma à la Villette. Tant pis.
    C. est parti en Roumanie pour quinze jours sans même songer à me dire au revoir. C'est drôle, dans un sens je préfère, cela prouve qu'il est vraiment heureux d'y aller, dans un autre, je suis un peu choquée. Partir sans se retourner n'est pas mon truc. Mais partir sans se retourner est aussi le privilège de ceux qui n'ont pas encore pris conscience de l'éphémère des choses.

    • vendredi

    Matin. Il fait frais, enfin. Je reprends mes notes de Cerisy, j'ai trois billets parallèles à finir, j'ai laissé passé trop de temps, l'atmosphère m'échappe.

    Sale gosse

    Chaque fois que je siffle dans la rue les mains dans les poches, je pense à Patrick.
    Nous avions vingt ans (enfin, lui plus que moi), il tâchait — très gentiment — de m'enseigner quelques bonnes manières: «Une fille ne siffle pas dans la rue». Alors bien sûr, je sifflais.
    Nous passions nos soirées à discuter économie et littérature en mangeant une baguette et un camembert; vers minuit il me raccompagnait à la station du Luxembourg pour que je rentre à la cité U avant le dernier métro.
    Un jour il m'a avoué que s'il me raccompagnait ainsi, c'était pour s'assurer que je n'allais pas me promener au hasard dans les rues. Cela m'avait fait rire (comme si je n'avais pas pu faire ce que je voulais dès qu'il aurait eu le dos tourné) et émue (pas grand monde prenait la peine/le risque de prendre soin de moi).

    Il y a quelques jours je regardais un petit garçon de trois ans qui devait franchir le ruisseau débordant d'un caniveau pour traverser la rue. Il se concentrait, évaluait la distance. Puis il sauta avec décision — en plein milieu du ruisseau, éclaboussant sa nourrice. Je compris aussitôt à son sourire satisfait qu'il l'avait fait exprès, c'était exactement ce qu'il avait calculé avec tant de précision. La nourrice était furieuse, j'avais envie de rire.
    Un jour, j'avais fait le même mauvais coup à Patrick, sur le boulevard Saint-Germain. Il était trempé, j'avais largement dépassé mon objectif. Aujourd'hui encore, j'ai un peu honte quand j'y pense.

    Larchant

    J'ai profité d'une transversale Pithiviers Bois-le-Roi pour m'arrêter à Larchant. J'avais gardé de l'église Saint Mathurin en ruines un souvenir émerveillé, quelque chose venu du fond des âges dont l'absence de restauration permettait soudain de prendre conscience de la restauration de toutes les autres églises et de tous les autre monuments. On se mettait au centre de la tour au clocher manquant, on regardait vers le haut, on calculait la probabilité de se prendre une pierre sur le nez.
    Trois ans plus tard, j'ai été un peu déçue, les forces de l'ordre sont passées par là, ce sont désomais des ruines propres et blanches, bien sages dans leur robe de ruines.

    Plus de calmes blocs chus, mais encore des pierres contre le ciel, heureusement.

    (toujours des photos de téléphone).

    Je conservais de l'intérieur le souvenir d'une nef humide, de la paille s'échappant par poignées du plafond, une impression d'écroulement imminent sous le poids des ans et par absence d'entretien.
    Ai-je imaginé cela? Cela semble si loin. Le plafond est propre, la voûte du chœur formée de petites briques beiges ou ocres; des vitraux blancs éclairent le transept, des vitraux bleux la chapelle de la Vierge.
    Ai-je rêvé?

    détail d'un des vitraux blancs

    Blues

    Une semaine déjà, heureusement celle-ci a passé vite. Ce n'est pas que je m'ennuie, j'ai juste l'impression d'être en exil.
    Je bénis ma mémoire enregistreuse par associations, un seul détail fait resurgir un monde. Il me semble pouvoir écrire à l'infini, chaque fil tirant un souvenir, et pouvoir faire gonfler les histoires de l'intérieur, ce qui est bien plus amusant que les allonger. Quand le temps est circonscrit, on ne peut faire qu'un soufflé.

    J'ai reçu les photos commandées avant mon départ, elles sont en noir et blanc, dans le prolongement de la collection des années trente. Au dos une étiquette "Archives Pontigny-Cerisy, reproduction interdite". Le temps est immobile, machine de Morel, il ne me semble plus si cruel de revivre infiniment les mêmes gestes. Ce qui est cruel, c'est de ne pas les vivre. Que vaut une copie?

    Et maintenant téléphoner à ma mère et repasser le temps d'un épisode de Six feet under. Lequel parmi les cinq saisons?

    Modèle chinois / modèle occidental

    En première page du Figaro de ce jour :

    JO: les Chinois apprennent les bonnes manières

    Le deuxième [guide de bonnes manières édité par les autorités chinoises à l'usage de leurs compatriotes], dédié aux compétitions olympiques, incite, par mille et un conseils, à se comporter de manière civilisée sur les stades.


    Franchement, ces Chinois, quels barbares... Ce n'est pourtant pas difficile de bien se tenir, il suffit de prendre modèle sur les supporters européens.

    Bons baisers de Bruges

    Le titre exact serait Voir Bruges et mourir.

    Quel film étrange. J'allais voir un film irlando-belge de baston, un croisé de C'est arrivé près de chez vous et de Petits meurtres entre amis, et je tombe sur une méditation sur la rédemption.

    Une fois qu'on a compris cela, et si l'on n'est pas trop déçu, c'est bien fait, perfectible, mais déjà bien mené. On sent des tensions dans les dialogues, quelque chose qui irait dans le sens des dialogues fous des premiers Tarantino: dans les prochains films, peut-être...

    Méditation sur le péché, la bonté, la mort, la rédemption, le sacrifice, la responsabilité de ses actes, à l'aide de deux tueurs à gage dont l'un ressemble à un enfant boudeur, l'autre à un père attentif, un skinhead, une jeune fille peu recommandable (à mon avis), un nain raciste américain («Je suis américain mais ne m'en voulez pas» est sa phrase de présentation), une visite de musée (et Le jugement dernier de Bosch), une visite de beffroi, une visite d'église (et le sang séché du Christ), un tournage de film, dans une atmosphère brumeuse de décembre au-dessus des canaux.

    Etrange, étrange.


    Ceci dans la catégorie "Je vais au Saint-Lazare-Pasquier à l'heure du déjeuner".

    Eponyme

    Monter dans un wagon, s'installer à babord pour éviter le soleil, s'appuyer contre la fenêtre, s'endormir comme on tombe dans un puits.
    Rêvé de livres.

    Samedi

    Ange sur portail noir graffité à l'angle de la rue des Prés et de la rue du Moulinet.





    Un magasin consacré au tennis de table 6 rue du Moulinet, quelque chose de l'antre de M. Ollivander. Dans une niche, deux ampoules rouges illuminent un bouddha. Epaisseur de plaques en dixièmes de millimètre, stockage d'énergie, «vous tapez un peu fort ou tout le temps fort?», j'écoute en me disant que celui qui ne sait pas décrire ce qu'il ressent et ce qu'il cherche ne peut pas jouer au ping-pong.

    Un thé à la mosquée, je traîne H. jusque devant le château du jardin des Plantes pour qu'il voit carte géologique : «Oh, la carte BRGM! C'est la première que nous ayons faite sur Dry! Il faut vingt-sept vraies couleurs ''(NDB: au lieu de la quadichromie habituelle)'' pour l'imprimer et du papier très épais, ça coûte une fortune...» (etc).

    Gare de Lyon, nous récupérons C., je les abandonne pour un Vélib et remonte jusqu'à Ménilmontant. Il fait très beau, je fais quelques détours pour privilégier les petites rues, la jeune fille à qui je demande où se trouve le parking de vélib le plus proche de Notre-Dame de la Croix me l'indique en me précisant que je ne dois pas prendre le chemin le plus court car la rue, piétonne et en travaux, est en sens interdit. Je ravale une réponse ironique et remercie.

    Barbecue de blogueurs. Je n'en connais pas beaucoup. Enclave tranquille. Enfants. Soleil. Bouteilles. Discussions à bâtons rompus sur tout et n'importe quoi, surtout n'importe quoi.
    (Note après réflexion à l'intention de Virginie (si elle parvient jusqu'ici) qui s'exclama rieuse en apprenant l'un de mes pseudos (alors que nous étions parvenues à la conclusion que mon blog "manqu[ait] de chair"): «mais tu es très sexe, alors!» (non-sic, mais à peu près): la chair est dans les commentaires, chez les autres: c'est plus caché, donc plus facile.)
    J'ai perdu la notion du temps. Il fait de plus en plus froid.
    Je comprends pourquoi en arrivant devant la gare de Lyon: il est 4h20. Je prends le dernier car avant la reprise du trafic du RER.

    Je rentre de la gare à pied. Le soleil se lève, il fait tout à fait jour quand j'arrive chez moi. Il est six heures passées quand je me couche.

    Folle semaine

    Difficile réacclimatation. La foule de Saint-Lazare, les rues bouchées, l'atmosphère lourde. Les herbes folles du jardin, le courrier pas relevé depuis mercredi, la machine à linge à faire tourner.

    Dormir. On a beaucoup ri, beaucoup bu, beaucoup fumé, un peu trop mangé, et c'était un soulagement, cette absence de pisse-froids venant vous faire la morale pour vos poumons/leurs kilos/la planète.

    J'ai eu pour compagne de chambre Elisabeth Chamontin, joyeuse commère et extraordinaire réciteuse de vers, folle anagrammateuse (parmi ceux qu'elle a trouvés pour moi (j'ai oublié un deuxième que j'aimais bien), il y a "slave glaciaire": brrr...)).

    Mercredi ou jeudi (je ne sais plus), concours improvisé un "p'tit coup d'Queneau"/"un p'tit coup de Vian" dans cette cave aménagée suite aux éclats de 1968 (afin de s'amuser sans déranger ceux qui veulent dormir). Elisabeth nous donne un truc pour apprendre les alexandrins : les chanter sur l'air de "La mère Michel qui a perdu son chat" (et enchaîne aussitôt sur Molière ou Corneille, je ne sais plus).
    J'ai hâte d'essayer, moi qui suis incapable de citer trois mots sans me tromper.


    Et maintenant que va-t-il se passer? Sans doute pas grand-chose: lire et encore lire, trouver des lectures de poésie sonore, se mettre en chasse pour trouver les livres épuisés et les revues introuvables.

    Contre temps

    En réalité, ce jour-là, il faisait gris. Il a fait gris presque tous les jours, avec des variations, de la pluie au ciel dégagé quelques minutes. Nous cherchions le soleil durant les intercours. Evidemment, cela a limité la pétanque. Nous nous sommes rabattus sur le ping-pong (et le calva).



    Les tables laissent à penser que cette photo a été prise lundi dans la matinée (tentative de reconstitution minutieuse d'un temps totalement fondu dans la masse).

    En contrebas de la façade sud se trouve un vieux chêne un peu déplumé, à la couronne mal équilibrée (le parc a souffert de la tempête de 1999 mais les arbres qui restent sont magnifiques). Edith Heurgon nous a raconté qu'il lui avait valu une abondante correspondance avec Michel Tournier, qui voulait qu'elle le fît abattre pour dégager la vue.

    Hommage à Mireille

    Devant (ou derrière) la fenêtre où je tape quelques mots (que finalement j'oublierai de mettre en ligne) :


    PS: ma contrainte : toutes les photos de ce blog sont des photos de téléphone.

    Hors contexte

    Jan Baetens, avec un fin sourire :

    — De toute façon, je dépasse.

    Lénine, c'est plus ce que c'était

    — Nous étions d'extrême-gauche, nous avions tous beaucoup bu, on a décidé de faire tourner les tables et d'interroger les mannes de Lénine, et pour faire suer un copain du PC (NB : donc de droite), on a décidé de poser la question suivante : «Le parti communiste est-il encore un parti révolutionnaire?»
    — Non, a dit Lénine.
    Alors le copain, vexé comme un pou, a déclaré : «Ça prouve juste que quand on est mort, on est coupé des masses».



    Sinon, un professeur d'origine portugaise va nous ramener de l'absinthe du Portugal où il est en vente libre, promis juré.

    Bien arrivée. Bise.

    Jeudi. Salutations: «Reposez-vous bien». Je regarde mon interlocuteur comme s'il parlait chinois.

    Vendredi. Le fait que je prenne cette semaine de "vacances" a posé quelques problèmes d'organisation (nous avons découvert, ma collègue et moi-même, que nous étions presque indispensables) et par bonté d'âme, parce que je sais que F. est une grande angoissée, je rédige et lui envoie trois documents censés la rassurer. Pendant ce temps je ne fais pas ma valise. J'ai cru que je n'arriverais jamais à faire cette valise. Trop fatiguée, trop stressée. Et que se passerait-il si je loupais mon train? Déception et soulagement.

    14h57, gare Saint-Lazare, train pour Cherbourg. Ma voisine lit Conversions, d'Harry Matthew. J'ai rencontré ce titre il y a quelques jours, mais où?
    Le wagon est silencieux, impressionnant de silence. Ma voisine interroge le contrôleur pour savoir si le train s'arrête bien à Carantilly. Non, il y a très peu d'arrêts à Carantilly, vous savez. J'attends qu'il s'éloigne un peu pour la rassurer.
    A Lison descendent une quinzaine de personnes. Ça s'interpelle et ça se reconnaît, «je vous présente Tartempion, doctorante en...» Mon dieu, mais ils sont nombreux, de tous âges et de tous sexes, tous universitaires: qu'est-ce que je vais bien pouvoir dire quand ils vont me demander ce que je fais? Qu'est-ce que je fiche là?

    Nous semons la panique dans le "train intercités" entre Caen et Rennes, nous sommes une colonie de vacances heureuse et bruyante, les gens nous regardent, pas un ne se lèverait de son strapontin pour faire de la place ni ne se pousserait pour laisser passer une valise très lourde, j'écrase consciencieusement quelques orteils.
    Comme prévu, le train s'arrête à Carantilly, arrêt spécial pour Cerisy, "non indiqué sur les horaires de la SNCF", était-il précisé sur le programme. Ce détail me ravit: le train s'arrête en catimini en rase campagne pour faire descendre au cœur du bocage normand quelques illuminés venus du monde entier.

    J'ai une chambre dans les anciennes écuries. Les stalles ont été conservées. C'est très pittoresque et risque fort de déclencher une crise d'allergie (je supporte mal les odeurs de bois, d'humidité, de paille, l'odeur des vieilles fermes). Le bureau est minuscule, et surtout, nous serons probablement deux dans cette chambre. Ça ne fait pas mon affaire, je n'avais pas prévu de dormir beaucoup cette semaine, il faudra que j'aille travailler dans les pièces communes. Mais si je rentre tard ou pars tôt, comment ma cothurne supportera-t-elle mes allers-et-venues?
    On verra.

    Voilà. Je suis à Cerisy.

    Kung Fu Panda

    Dimanche, j'ai eu droit à Kill Bill II dans mon dos, mardi à La Guerre des étoiles 1 et 2 (ou 4 et 5). Finalement, c'était une bonne préparation à Kung Fu Panda.

    C'est l'histoire du chanteur Carlos qui s'attaquerait à Bruce Lee. Et qui gagnerait. Grâce au secret de l'ingrédient secret de la soupe à l'ingrédient secret.

    Voilà.
    J'ai toujours la même profonde admiration pour les films américains dépourvus de prétention et attentifs au moindre détail. Les scènes d'entraînement et de combat sont parfaites et pleines d'invention, et les règles les plus classiques sont respectées : c'est en voulant prévenir ce que l'on redoute que l'on provoque ce que l'on redoute (si le canard n'était pas allé alerter le directeur de la prison, rien ne serait arrivé), les scènes clés sont présentées deux fois, à la Shakespeare (scène en miroir entre l'entraînement et le combat final).

    Ce que j'admire le plus, c'est le sens du rythme dans la narration: aucun temps mort, tout s'enchaîne, et pourtant, il ne se passe rien ou pas grand-chose. On oscille entre les phrases-clichés à portée philosophique et les phrases très prosaïques, on frôle le ridicule, il en faudrait très peu pour y basculer, on l'évite toujours, grâce à une simplicité désarmante (sans doute ce qu'on appelle la fraîcheur). Tout l'imaginaire, tous les clichés véhiculés par les films de kung-fu sont présents (le vieux maître sage, le pêcher, la trahison, etc); d'une certaine façon on les attend, on s'y attend, mais ils interviennent toujours au bon moment, sans insister. Il n'y a jamais cette terrible impression du clin d'œil destiné à vous faire remarquer qu'on vient de vous faire un clin d'œil (ce qui fait la faiblesse du dernier Indiana Jones, par exemple). J'admire ce sens de la retenue.

    Ce panda n'a vraiment aucune qualité autre que celle de savoir faire la soupe.

    Mon préféré, c'est la tortue. Maître Shifu ressemble à un croisement entre Yoda et un ewok.
    Pour le reste, l'histoire est gentille, les personnages sont gentils, le méchant est méchant, c'est bien moins caustique que Shreck, par exemple. C'est reposant.

    Seul bémol, je regrette l'époque où les dessins animés avaient l'air dessinés. Aujourd'hui, les personnages sont de véritables marionnettes à l'écran: l'effet 3D est impressionnant, mais bon, je ne suis pas programmateur 3D, ça m'est un peu égal. Je suppose que lorsque la technique sera totalement maîtrisée, certains réalisateurs reviendront aux dessins, pour le plaisir. Pour le moment, on est dans l'innovation, tant pis.

    Lire Gvgvsse (truc et astuce)

    Même quand le lien principal semble en carafe, on peut accéder à sa page à partir des mois.

    (D'autre part, je signale à lecteur deux billets sur le travail.)

    Otages

    L'une des grandes ruptures de mon enfance est notre retour en France, en juillet 1975 (dont je n'ai pris vraiment conscience qu'à la rentrée, en septembre). Nous avions loué une maison à La Chaussée-Saint-Victor, nous n'avions pas la télévision, je me souviens de la cuisine, des flancs gris d'aluminium du four encastrable posé sur une table d'écolier, la radio parlait de Tabarly, d'Alain Colas et de Madame Clausse, prisonnière du Polisario Claustre. Personne ne se souvient de Madame Claustre, mais je me souviens des semaines à se demander si cette femme et ses deux collègues français seraient libérés ou tués, cela se passait dans mélangeait dans mon esprit avec la guerre dans le désert marocain, je me sentais concernée, l'un des otages était l'ami d'amis de mes parents, ils le connaissaient (et quelques années plus tard nous avons pris le thé chez lui à Annemasse)[1].
    Je me souviens des otages retenus dans l'ambassade américaine en Iran entre 1979 et 1981, cela n'en finissait pas et j'ai bien cru qu'ils seraient tous tués. Je me souviens de mes premiers drapeaux américains brûlés, de la découverte de la haine idéologique, impersonnelle, impossible à raisonner.
    Je me souviens confusément d'enlèvements et de meurtres, je n'y comprenais pas grand chose et cela ne m'intéressait pas, la bande à Bader, Carlos, le baron Empain, un doigt coupé, Patricia Hearst, les Brigades rouges, tout cela créait une rumeur confuse de monde violent, dangereux et absurde. Des avions étaient détournés et assaillis, il y avait des morts, j'ai su très tôt ce qu'était le syndrome de Stockholm (chez ma grand-mère, à côté des Pif gadget prêtés par la voisine, il y avait Sélection du reader's digest et ses histoires haletantes).
    Plus tard il y eut les journalistes enlevés au Liban, cela recoupait mes lectures de SAS, là encore cela dura des jours, le journal du soir commençait avec le visage des otages et l'énoncé du nombre de jours de captivité, il y avait les gens pour et les gens contre, c'était le début de l'"otage business" mais on ne le savait pas. Michel Seurat est mort, je pensais qu'aucun n'en reviendrait, je me souviens du livre de sa femme paru alors que je travaillais à la librairie Mollat, je ne peux pas entendre le nom de Jean-Paul Kaufmann sans tressaillir (je me souviens d'un jour pas si lointain où il est venu parler de cigares sur France Inter: j'en suis restée interloquée, comment pouvait-il être aussi futile après ce qu'il avait vécu, c'était le monde à l'envers, son histoire semblait m'avoir davantage marquée que lui).

    Ensuite j'ai dû faire moins attention ou la prise d'otage est passée de mode. Il reste malgré tout dans ma mémoire la prise d'otages dans l'école maternelle de Neuilly, l'angoisse pour les enfants et la fin pas très propre qui laisse un goût étrange (de l'art de faire un exemple pour dissuader d'éventuels imitateurs (et plus tard, la terrible fin de la prise en otage d'une école par des rebelles tchétchènes me rappellera Neuilly, ce qu'aurait pu être Neuilly, ce que n'était pas la France par rapport à la Russie)) et la délivrance spectaculaire d'un avion retenu à Alger. Depuis septembre 2001, personne n'a essayé de détourner un avion (si, une fois: les passagers ont maîtrisé le détourneur, la leçon a été bien retenue).

    Il y a eu il y a trois ans (2005) l'enlèvement de Florence Aubenas. Curieusement je n'ai jamais réellement craint pour sa vie, avais-je vieilli et étais-je blasée, ou le traitement journalistique de l'affaire me faisait-il trop considérer tout cela comme du cirque, quelque chose de pas vraiment sérieux et destiné avant tout à faire de l'audience?
    Il s'est produit un peu le même phénomène pour Ingrid Bettancourt. J'ai toujours pensé qu'elle s'en sortirait, qu'elle était une monnaie d'échange et qu'on ne tuait pas une monnaie d'échange. Je ne m'y intéressais pas et d'une certaine façon, je ne m'y suis jamais intéressée.
    Cependant, en décembre ou janvier dernier, pour la première fois, j'ai eu peur et pitié pour elle: que se passait-il? Pourquoi cette photo d'Ingrid Bettancourt blême et défaite? Voulait-on nous préparer à l'annonce prochaine de sa mort? Pour la première fois, j'ai eu peur pour elle, j'ai pensé qu'elle allait mourir ou qu'elle était peut-être déjà morte, j'ai espéré que "tout irait bien" et qu'elle s'en sortirait — non parce que c'était elle, mais parce que c'est à peu près ce que je souhaite à chacun.

    Et voilà. Elle est libre. Elle va bien. Je suis heureuse pour elle, mais plus que ça: lorsqu'on a comme moi une conception globale du bien-être et du mal-être de l'humanité, lorsqu'on se demande dans quelle mesure il est possible de faire reculer le mal (le mal et le bien sont-ils un jeu à somme nulle, ne peut-on faire croître l'un sans faire croître l'autre, ou est-il possible d'obtenir un total positif? (ou négatif...)), toute libération, tout acte positif, est un point gagné contre le malheur.

    J'entends dans les conversations et je lis sur les blogs des inepties: ceux qui pensent qu'elle n'est pas assez maigre, ceux qui la trouvent bête, ceux qui la trouvent intelligente, ceux qui jugent ses enfants, ceux qui font des calculs compliqués pour savoir si elle a été libérée au bon moment par les bonnes personnes pour la bonne cause..., ceux qui finalement se demandent, à voix haute ou à voix basse, si elle en valait la peine, si elle valait la peine de tant de mobilisation et d'attention, et se faisant, exposent seulement leur unique préoccupation: faire les malins, se faire remarquer, ne pensant pas plus aujourd'hui ce qu'ils écrivent que ce qu'ils écrivaient hier...

    Dimanche, je cherchais dans La Prédominance du crétin une référence aux «intellectuels pouf-pouf» (les marxistes fumeurs de pipe). Je suis tombée sur ce passage (il s'agit d'éditoriaux italiens écrits dans les années 70):

    Une guerre de larmes, déchirante, serpente à travers les milieux les plus illuminés d'Europe.
    «Pourquoi ne pleurez-vous pas sur le Cambodge?» «Personne ne peut nous accuser de ne pas avoir pleuré sur le Viêt-nam!» «Ceux qui n'ont pas pleuré sur Prague n'ont pas le droit de pleurer sur le Liban!» «Si vous avez pleuré pour les Biafrais, vous devez pleurer pour les Afghans!» «Faisons honnêtement notre autocritique: nos pleurs pour l'Iran sont moins copieux que nos pleurs pour le Chili.»
    Fruttero & Lucentini, La prédominance du crétin, p.126

    Il me fait penser a contrario au "cas" Bettancourt. Il est stupide de larmoyer sur commande pour exposer son bon cœur et ses convictions politiques.
    Il est abject de regretter d'avoir pleuré pour jouer les esprits forts.


    Notes

    [1] Non, vérification faite, les noms ne correspondent pas: c'est cet ami qui avait été enlevé par le Polisario, peu après, presque au même moment. Cette prise d'otage-là a duré beaucoup moins longtemps que celle de Françoise Claustre. Mes souvenirs ont confondu les deux enlèvements.

    Je somatise, mais à moitié

    Vendredi soir (ou samedi très tôt), je rentre boitant bas, le genou droit en compote, pour une raison inconnue (pas de choc, pas de chute).
    Samedi, la douleur persiste, une autre se développe dans l'articulation de l'épaule droite.
    Aujourd'hui, le foie est touché à son tour.

    Y a-t-il un acupuncteur dans la salle pour me dire si l'angoisse est liée au côté droit? Ou l'hémisphère gauche de mon cerveau serait-il en train de me lâcher?

    Hier soir

    A vingt heures, tandis que je traverse le parc du Luxembourg, l'orchestre des gardiens de la paix joue le final du thème d' Indiana Jones. Le soleil joue dans les feuilles, j'ai les larmes aux yeux. Du milieu de mes pensées sombres, je souris à ce clin d'œil.
    Plus tard, un son de trompette dans la rue qui monte vers la chapelle du Val-de-Grâce illuminée par le soleil donne à Paris un air italien, la Strada en couleur.

    Soirée parmi des executive women: carrières et voyages, thèmes des conversations. Je suis surprise d'être aussi loin de tout cela, j'aurais dû être comme elles, en bonne logique. Que s'est-il passé? Mais si le modèle est attirant de loin (avec des impressions d'avoir "raté ma vie", comme on dit), de près il me laisse froide, à me demander si ce n'est pas elles qui passent à côté de quelque chose.
    Ces questions sont vaines, ou théoriques: je sais désormais que les deux (ou quatre) possibilités sont toutes aussi exactes (finalement la physique quantique est facile à se représenter).

    Mon amie F. m'inquiète: à ce que j'ai compris, elle a mené l'année dernière trois emplois de front, un par obligation, un dans l'espoir d'échapper (dans le futur) au précédent, un dernier parce que les deux premiers ne rapportaient pas assez. Je comprends mieux que nous ne nous soyons pas vues pendant quinze mois et qu'il soit si difficile de trouver une date pour déjeuner ensemble.

    Domenech sauvé par Ingrid

    Caricature dans L'Equipe de ce jour :

    La foule, de dos, se presse pour apercevoir quelqu'un ou quelque chose. Au premier plan, deux hommes s'en détachent et s'apprêtent à sortir du cadre. Celui qui parle a la main sur l'épaule de l'autre:
    — Viens Raymond, on va s'éclipser discrètement pendant l'arrivée d'Ingrid et tu reviendras délicatement en septembre.


    (citation de mémoire. Je n'ai pas réussi à déchiffer le nom du dessinateur sur la feuille tremblante tenue par mon voisin de métro.)

    Trente-deux questions

    Theobald me propose de répondre à un questionnaire terriblement long et qui recoupe celui-ci.
    J'avais d'abord pensé ne pas répondre maintenant, parce qu'il faut réfléchir, mais en fait, c'est très facile, même si c'est long. J'ai juste l'impression de me répéter parfois (mais finalement, nous sommes sans doute condamnés à radoter).

    1) Quel(s) souvenir(s) avez-vous de votre apprentissage de la lecture ?

    D'une part, les genoux de mon père, d'autre part, la grande salle de la synagogue de l'école. (Ma salle de classe était en mezzanine au-dessus d'une très grande salle (à quatre ans elle me paraissait immense) dans laquelle je jetais des coups d'œil furtifs (je suppose que la balustrade devait être assez haute pour que je puisse à peine regarder par dessus). Nous n'avions pas le droit d'entrer dans cette salle quand les portes en étaient ouvertes à deux battants, elle m'intriguait, j'en rêvais la nuit. Des années plus tard, je me suis réveillée un matin en ayant enfin compris (une illumination): c'était une synagogue.

    2) Vos lectures préférées lorsque vous étiez enfant ?

    Voir questionnaire indiqué ci-dessus (que Teobald peut compléter, d'ailleurs).

    3) Aimez-vous la lecture à haute voix ? Comment ? Pourquoi ?

    Je suis fan des cassettes et CD de livres lus. Ça me permet de gagner du temps et 1/d'oublier les tâches ménagères 2/ ne pas m'endormir en conduisant.
    Je n'aime pas lire à haute voix parce que je ne comprends pas ce que je lis. Il ne reste que des sons.

    4) Votre conte préféré ?

    Christian Andersen, le compagnon de route.

    5) La meilleure adaptation cinématographique d'un roman ou d'une pièce de théâtre ?

    Max Ophüls, Lettre d'une inconnue (Stephan Zweig).

    6) Apprenez-vous par cœur certains poèmes, répliques de théâtre ou passages de roman ?

    Non. Incapable de me souvenir d'un vers sans le déformer (je dois connaître un quatrain de Laforgue).

    7) Avez-vous des livres ou des magazines dans vos toilettes ? Lesquels ?

    Une collection de tous petits livres Source de... (de joie, d'optimisme, de sagesse grecque, hindoue, arabe, chinoise, etc): des citations ou des proverbes. Je ne les lis jamais. Il y a bien longtemps que je ne lis plus aux toilettes (j'ai sans doute perdu l'habitude en Cité U et en internat).

    8) Avez-vous plusieurs lectures en chantier ? Combien ? Lesquelles ?

    Tout est toujours en chantier... Les Vagues de Woolf et Le structuralisme de Piaget (en Que sais-je).

    9) Le poète que vous ne cesserez jamais de relire / de vous réciter ?

    Baudelaire, Cavafis, La chasse au Snark.

    10) Le livre que vous avez lu le plus rapidement ? Le plus lentement ?

    (Il s'agit de temps subjectif, et non de durée réelle).
    Le plus rapidement: N'importe quel San-Antonio.
    Le plus lentement: La Roue rouge de Soljenitsyne, énorme comme un petit Larousse, que j'ai trimbalé avec moi pendant deux semaines dans le RER, au resto U, etc; Le Don de Humbolt de Saul Bellow (j'ai cru mourir d'ennui, mais je suppose aujourd'hui que je n'ai rien vu des allusions à la vie d'un intellectuel juif new yorkais); La Montagne magique de Thomas Mann.

    11) Le(s) livre(s) que vous ne rangez jamais dans votre bibliothèque et qui traîne(nt) toujours ?

    Tout traîne mais tout a vocation à être rangé.

    12) Préférez-vous les éditions de poche aux éditions originales ? Pourquoi ?

    Non. Les poches me fatiguent les yeux (mais sont plus légers).
    J'aime les livres imprimés au plomb, les caractères sont plus nets.

    13) Quel est votre rapport physique à la lecture ? Debout ? Assis ? Couché ?

    Assise à une table.

    14) Vos lectures sont-elles commentées « crayon à la main » ?

    Oui, mais pas forcément dans le livre. Il s'agit plutôt de relevé de citations fait dans les deux ou trois dernières pages du livre ou sur une feuille glissée en marque-page (ce genre de pratique évolue, je cherche ce qui m'est le plus pratique, ce qui me permet d'aller vite sans rien oublier).

    15) Offrez-vous des livres ?

    Je n'en offrais plus, mais depuis que je connais des blogueurs, je recommence un peu (ils ont nettement plus de chance d'être lus).

    16) La plus belle dédicace ? (Qu'elle soit de l'auteur ou de celui/celle qui vous l'offrît)

    La seule dédicace dont je me souvienne: un ami m'a offert pour mes vingt ans Portrait of the artist as a young man. J'ai eu la surprise de relire la dédicace il y a quelques mois: «En espérant que cela diminue ta peur des Jésuites».

    17) Quel est votre rapport sensuel au livre ? (son odeur, sa texture, le son des pages tournées, …)

    Extrême. Le texte change quand ce n'est pas la même édition, pas le même volume. Qu'un mot soit en bas de page, ou en haut, ou en fin de ligne, et le texte n'est pas le même.

    18) Quel(s) est (sont) le(s) auteur(s) dont vous avez lu l'œuvre intégrale ?

    San-Antonio (mais pas Frédéric Dard), Walter Farley, Georges Chaulet.

    19) Un livre qui vous a particulièrement fait rire ?

    Le Maître et Marguerite, La Conjuration des imbéciles.

    20) Un livre qui vous a particulièrement ému ?

    Lettres à sa fille de Calamity Jane.

    21) Le livre qui vous a terrifié ?

    Le Livre noir sur l'extermination des Juifs en URSS et en Pologne (1941-1945), de Vassili Grossman et Ilya Ehrenbourg.

    22) Le livre qui vous a fait pleurer ?

    Tous les livres d'animaux de Jack London ou James Oliver Curwood, tous les livres de Paul-Jacques Bonzon qui n'étaient pas de la série Les six compagnons.
    Tout livre peut me faire pleurer. Il suffit qu'il soit nostalgique. Football ombre et lumière doit être le dernier en date.

    23) L'avertissement / l'introduction qui vous a le plus marqué ?

    Celle de Nabokov à Lolita : les Américains ne peuvent supporter trois choses: un homme qui vive une vie heureuse et honnête sans être chrétien, un couple mixte blanc/noir, qu'on parle de sexualité à propos des enfants.

    24) Le titre le plus marquant / original / décalé / astucieux ?

    L'importance d'être constant, d'Oscar Wilde.

    25) Décrivez votre (vos) bibliothèque(s).

    Heu... Meuble ou contenu? Dans le salon, une bibliothèque sur mesure par rapport à la pièce et aux livres, commandée à Rouge d'Orient, quai de la Mégisserie (je précise au cas où cela rendrait service à d'autres, car on a vraiment peiné à trouver ce qu'on voulait à un prix abordable: du bois brut, pas quelque chose de trop lêché, trop vernis, pas de mélaminé, de collé, d'aluminium, de moderne... Des planches, quoi), dans les toilettes et le couloir, des étagères de poches du sol au plafond (11x19 cm, afin d'en mettre un maximum sans qu'ils prennent la poussière), à côté de moi sept étagères blanches glissées en retour sous la mansarde, où sont rangés les Renaud Camus et les livres afférents (Claude Simon, Nabokov, Ricardou, Robbe-Grillet, J-M Levet, etc).
    Je pense que d'ici trois ans il faudra qu'on "coffre" un mur de plus (je prépare psychologiquement le terrain).
    (En fait ça ne fait pas beaucoup de livres, contrairement à ce qu'on pourrait croire: beaucoup de place occupée par des BD, des encyclopédies, des livres policiers, de la SF...)

    26) Le(s) livre(s) dont vous vous êtes finalement débarrassé(s) ?

    Tous ceux dont je savais que je ne les relirais pas et qu'ils ne contenaient aucun passage favori, aucune citation pertinente, souvent des France-Loisirs hérités de l'enfance ou des livres achetés à la va-vite ou des livres reçus (un peu à côté de la plaque), les livres de cours sur les ressources humaines ou le marketing (j'ai conservé quelques ouvrages de référence en comptabilité).
    Je gère au plus près à cause de problèmes de place. Il n'y a plus grand chose à donner, même les livres qui ne sont pas "les miens" (les Tom Clancy, les Orson Scott Card, que je n'aurais pas achetés mais plutôt empruntés en bibliothèque) font désormais partie de mon univers, "mon papier peint" comme on dit à la maison.

    27) L'endroit le plus insolite où vous lisez ?

    ?

    28) Il ne vous reste que trois jours à vivre, que souhaitez-vous lire ou relire ?

    Trois jours... Malade ou en bonne santé? En étant seule à mourir ou parce que c'est la fin du monde?
    Je pense que je passerais plutôt mon temps à mettre de l'ordre dans mes papiers pour que les survivants ne soient pas trop ennuyés... (mon dieu, je crois que je les accablerais de recommandations en tout genre!) et peut-être à choisir à qui donner mes livres (une question qui me tracasse).
    Bon: la thèse de Clémence Ramnoux sur Héraclite.

    29) Votre livre d'art préféré ?

    ?

    30) La bibliothèque idéale ?

    La Mazarine, la bibliothèque historique de la ville de Paris.

    31) L'incipit qui vous a le plus marqué

    "J'avais une ferme en Afrique" (à cause de la voix de Meryll Streep dans Out of Africa).

    32) La fin qui vous a le plus marqué

    Hum. Celle du Maître et Marguerite ou la fin des Raisins de la colère, lorsqu'une femme nourrit au sein un homme affamé.


    Je n'ose plus "tagguer" qui que ce soit, j'ai l'impression d'être environnée de silence. Ceux qui n'ont pas de blog (lecteur?) peuvent répondre en commentaire, pas forcément à toutes les questions s'ils trouvent ça trop long. Est-ce que cela intéresserait Chondre? Il parle d'opéra, de cuisine, de sport, de bricolage, de jardinage, que lit-il à part Femme actuelle?
    (Au fait, Guillaume a répondu aussi.)

    Une librairie ferme

    Information pour les parisiens:

    La librairie de la Madeleine, 20 rue d'Anjou, ferme définitivement le 31 juillet. C'est une librairie minuscule, en devanture des éditions Diane de Selliers (je ne connais pas les liens financiers entre les deux).
    Elle ne brade pas les livres à un prix particulier, les livres non vendus étant neufs seront retournés aux éditeurs. Cependant, il vous intéressera peut-être d'y passer, car elle propose un choix de plaquettes de poésie, un bon nombre des volumes des éditions Sillages, Corti ou Fata Morgana, des livres d'art et de photographies.

    Je vais faire des économies l'année prochaine, mais sans doute quelques dépenses avant le 31 juillet.

    Les gadgets ne sont plus ce qu'ils étaient

    Ne manquez pas la revue de presse de Chondre. (Et moi qui était prête à embrayer sur Rahan, et surtout sur capitaine Apache [1]! Y a plus de jeunesse!)


    Notes

    [1] J'ai eu du mal à retrouver la référence, aucun lecteur de Pif ne semblait s'en souvenir et tous insinuaient que j'avais rêvé (Je lisais Mickey pendant l'année, Pif pendant les vacances). Heureusement, Internet m'a sauver.

    Gâteaux

    Au fur à mesure que les blogs se font plus silencieux, je passe du temps sur Flickr (de l'art de rêver ou de perdre son temps). Inattendue galerie de gâteaux ce matin.

    Dimanche

    Plus personne n'écrit, solitude. Je ne sais même plus ce que j'ai fait hier. Je me souviens avoir fumé en lisant une très mince plaquette de Bonnefoy sur Celan.
    Ce matin, déchiré une toile d'araignée en allant chercher la bêche, dérangé une autre araignée, bien différente, pendue à la bêche, une boule blanche d'œufs sous le ventre, utilisé la bêche pour déplacer une charogne d'oiseau grouillante avant l'arrivée d'amis. (Se souvenir de jeter les carcasses d'oiseau sans attendre).
    Joué au whist, selon des règles qui me paraissent très fantaisistes. Beaucoup ri.
    Mal à la tête.
    Un peu déprimée par moi-même: voilà plus de dix jours que je me promets de terminer un travail. Je ne l'ai toujours pas commencé. Je ne sais pas comment commencer. Je sais que je ne le saurai qu'en commençant.
    Procrastination.
    Je vais finir par me mettre dans une situation impossible.
    Feuilleté Whitman ce matin. (Je suis seule dans la cuisine, je prends un livre, le feuillette, le repose. De livre en livre au fur à mesure du désœuvrement. Des dizaines de livres feuilletés de jour en jour, de désirs éclos inassouvis. Je repose les livres sur les étagères, ils se fondent dans la masse. Il me reste des lambeaux de phrases.)

    Je souffre de ne plus lire "en tranches épaisses". Je sais que c'est la seule façon d'entrer dans le rythme des phrases. Toutes les lectures en tranches minces ne s'attachent qu'au sens, et encore, au sens lié à des raisonnements courts. Il faut que je réussisse à lire en tranche épaisse, sans m'endormir.

    Allons dormir, justement.

    Amour filial

    Un petit garçon, se jetant dans les bras de sa mère qui vient d'arriver à l'école où se déroule la fête de fin d'année (merguez, pêche à la ligne, maquillage, chamboule-tout, etc.)

    — Maman, maman, est-ce que tu as amené beaucoup de sous?


    ———————————
    Agenda
    fête de l'école. CM1, Olivier.

    Conséquences économiques du non irlandais

    Tant que le traité de Lisbonne n'est pas appliqué, le traité de Nice continue de gouverner l'Union Européenne. Dans ce traité, l'Union reste essentiellement une zone de libre-échange et de libre circulation du capital, sans coordination des politiques économiques, avec une règle d'unanimité et non de majorité qualifiée s'appliquant à de nombreuses décisions.

    Le traité de Nice implique une concurrence fiscale toujours forte ; l'absence de policy-mix coopératif entre la politique monétaire et budgétaire qui pose particulièrement problème en phase de ralentissement économique ; un pouvoir de blocage des décisions par les petits pays de l'UE.

    Sur le plan économique, le non irlandais est donc défavorable aux grands Etats membres, vis-à-vis des PECO notamment. Sur le plan financier, le non irlandais est favorable aux actions (concurrence fiscale, coûts salariaux), défavorable à l'euro (taux d'intérêt, zone monétaire sous-optimale).

    Flash-CDC-Ixis, 16 juin 2008
    Depuis que j'ai compris à quel point le traité précédent (refusé par la France) était avant tout une affaire juridique devant faciliter le fonctionnement des institutions (cela m'a pris un peu de temps, j'ai dû comprendre six mois après le referendum, en étudiant le site europa.eu (se déplacer dans ce portail nécessite de connaître les institutions, ce qui peut paraître étrange, mais bon)), j'en veux beaucoup aux politiciens et aux journalistes d'avoir si mal expliqué les tenants de l'affaire. Je soupçonne qu'eux-mêmes n'avaient pas tout saisi.
    Quelle stupidité de soumettre à un referendum une question du style «Souhaitez-vous accorder la personnalité juridique à l'Union européenne?»

    Et maintenant, qu'est-ce que je fais?

    Depuis janvier trois tests de personnalité dans trois contextes différents avec trois méthodes différentes et toujours le même résultat : je n'exprime pas assez mes émotions.

    Je n'arrive pas à faire coller ça avec mon impression de toujours en dire trop.

    A nos morts

    Hier, journée à la Défense.

    Je contemple longuement la vaste plaque de marbre fixée au mur dans un recoin formé par les couloirs qui se coupent à angles aigus dans cet immeuble moderne des années 70. Elle est gravée de plus de cinquante noms, sans prénom (et cela donne mauvais air à cette plaque, il est plus difficile de donner consistance à ces hommes sans les "Antoine", "Louis", "Armand" habituels), hommage aux salariés morts pendant la guerre de 14-18.
    Je ne savais pas que cette filiale du groupe était si ancienne.

    Plus tard, en remontant le parvis pour prendre le RER, je m'arrête devant une statue célébrant le courage des Parisiens durant la guerre de 1870 et replacée à sa place originelle en 1983, apprené-je grâce à une plaque, et tout à fait déplacée dans cet environnement, hissée sur une colonne pour atteindre le niveau du parvis. Drôle d'idée, mais émouvante, comme si l'histoire avait réussi à s'imposer malgré tout.

    Silence

    J'efface ce que j'avais commencé il y a une semaine. Ce qui n'est pas publié aussitôt ne l'est jamais, j'en perds le goût ou le désir.

    Il me semble avoir accompli une boucle et revenir aux temps où je ne surfais pas et ne lisais pas de blogs: j'écrivais sur un site, j'en lisais deux, aussi incroyable que cela puisse paraître, je n'avais pas conscience qu'il y avait un "autour", un ailleurs.

    Aujourd'hui il me semble que les blogs que je lis retournent progressivement au silence, moins de billets ou plus de billets, disparition. Je me sens gagnée par la même aphasie. Je résiste, mais je me demande bien pourquoi. Par moments j'ai envie de vider mon agrégateur, de fermer l'ordinateur et de ne plus jamais revenir.



    ------------------
    Agenda
    Dîner d'anciens élèves. Je n'avais pas envie d'y aller, Paul devait être là, j'ai fait un effort (il ne va pas très bien, il devient tranchant et agressif. Peut-être la période de colère du deuil?)
    Il est arrivé avec un petit dossier, le journal de voyage du père d'une petite-nièce qui était parti à la recherche d'Admunsen en 1927. Intéressant et émouvant.

    Soirée animée et gaie, beaucoup plus intéressante que la précédente du genre.

    Appris en vrac qu'il existait quatre bretons (quatre patois bretons), que baragouiner venait de "bara" et gwen ou gwin (tout en phonétique et de mémoire, donc ne pas s'attendre à de la précision), le pain et le vin (baragouiner : demander du pain et du vin), de même, Ardennes était d'origine celte, Ard-wenn ou Ar-dwen, le pays noir

    Variations

    Il me semble entendre dans cette conversation un écho de celle-ci, même si ce n'est pas le même angle, ni la même catégorie de protagonistes :

    Le père, contemplant le fils : — Trente secondes de plaisir, trente ans d'emmerdes !
    La mère : — Trente secondes… c'est pas si mal.
    Le fils (16 ans) : ? Trente secondes, vous êtes si nuls que ça ?
    La mère : — Ça dépend de ce qu'on compte.
    Le père : — C'est comme dans les accouchements, on compte à partir du moment où la femme crie.
    La mère : — T'as pas honte de dire ça comme ça devant lui ?

    Etc.

    Hommage à un blog disparu


    Melismes se cache ici.

    Festival du cinéma en plein air de la Villette

    Ça (me) demande toujours beaucoup d'énergie (difficile d'enchaîner deux soirs de suite, par exemple), mais cela reste un de mes événements préférés.

    A noter, Loulou, Laura, Lili Marleen, Gilda, Le bon, la brute et le truand

    (Zut, je viens de me rendre compte que je ne pourrai pas assister à la projection de ''Loulou'', film vu en 1987 ou 88 au ciné-club de l'école, et que j'aimerais tant revoir.)

    Des millions d'années entre les arbres

    Vendredi soir, en traversant le jardin des Plantes pour rejoindre la gare de Lyon, j'ai découvert une gigantesque carte géologique de la France recouvrant la façade du museum d'histoire naturelle. Elle est également représentée au sol, en matière stratifiée, on peut marcher dessus (elle doit faire dix ou douze mètres de côté).

    Le tronc des marronniers (sont-ce des marronniers? Je crois que oui (je ne me souviens plus très bien)) de l'allée qui mène du museum à l'entrée près de la gare d'Austerlitz a été ceint d'une large affiche plastifiée vert pomme avec un gros nombre blanc: les millions d'années de la vie de la terre. D'arbre en arbre je remonte le temps, je ne connais pas l'échelle, elle doit être expliquée à l'extrêmité de l'allée, mais je n'ai ni le courage ni le temps d'y retourner. Reproduction sexuée et sa conséquence, la mort (150 millions d'années? Je ne sais plus), apparition de l'oxygène qui tue les organismes vivants, apparition des premières bactéries, apparition/solidification de la terre tout au bout de l'allée, devant la Seine.

    C'est une très longue allée.

    Euro

    Vu Turquie-Croatie hier : c'est toujours aussi ennuyeux ?
    (Impressionnée cependant par les bonds en hauteur de certains joueurs (même si je n'en ai pas toujours vu l'utilité)).

    Le monsieur en gris a sans doute sali son costume.

    -------------------
    Agenda
    concert de jazz de Renaud, un pongiste.

    Sortie

    Ce soir, H. m'a emmenée au McDonald.

    (Et si je n'écris rien de plus, combien de malentendus à partir de cette phrase?)

    Paperasses et autre

    Dans la journée.
    Froid dans un bureau qui n'est pas le mien, j'ouvre la fenêtre pour couper la climatisation, odeurs de poubelle.

    Ce soir.
    Déclaration d'impôts, déclaration d'urssaf, facture de Cerisy, facture d'assurance, nouvelle carte vitale, trouver une photo. Une planche de timbres illustrée par Tex Avery. Il faut encore retrouver les certificats médicaux à remplir pour les colonies de vacances de cet été.

    Journée sans intérêt.
    J'ai acheté mes billets de train pour Cerisy et cette pensée me tient chaud.

    Une vocation avortée

    Quand j'eus fini de lire Le Seigneur des Anneaux, je savais ce que je voulais faire plus tard: la même chose que Tolkien. Je retournai le livre et lus "philologue".
    Parfois je regrette de ne pas m'être obstinée.
    Evidemment, cela aurait supposé que je fasse quelques efforts en latin. Et il était déjà trop tard pour choisir le grec en option.
    Et à vrai dire, je ne savais pas ce que voulait dire philologue.
    Spécialiste des langues, disait le petit Larousse.
    J'étais (je suis) nulle en langues.
    Dommage.

    Quand vous vous taisez, votre mari lève le nez

    Puisque cette note a été diversement interprétée, je vais donner l'arrière-plan personnel dans lequel s'inscrit ce minuscule incident.

    Je me souviens très précisément d'un collègue avec lequel j'étais en train de plaisanter qui me dit : «En somme, quand vous arrêtez de parler, votre mari sort la tête de son journal pour voir ce qui se passe».
    J'avais ri de bon cœur.

    Rentrée à la maison, je racontai l'anecdote à H. qui à ma grande surprise se fâcha: ces clichés étaient insupportables, c'était inadmissible d'être aussi conventionnel, etc.
    Je restai stupéfaite, à me demander si finalement mon collègue n'aurait pas eu au moins un peu raison (puisqu'il provoquait une telle colère), alors que j'avais pris ses mots comme une taquinerie destinée à se moquer de mon infatiguable bavardage.


    PS : en recherchant le mot steampunk chez Caféine (l'endroit où je lai rencontré pour la première fois) pour savoir si je pouvais l'appliquer à Indiana Jones (non), j'avais trouvé ça, qui ne devrait pas plaire à Holly.

    Indiana Jones et le crâne de cristal

    (Vu mardi soir).
    A lire ça et là quelques commentaires, j'avais peur de m'ennuyer. C'était moins pire que je ne l'avais craint — mais faible.

    Lorsqu'on va voir Indiana Jones, on n'attend pas un film qui fasse référence au fait qu'on va voir un film d'Indiana Jones. On attend de l'action, des dialogues, une certaine gentillesse contrastant avec des dialogues incisifs — et le sourire d'Harrison Ford.




    Trois exemples de référence dans la référence:

    1/ les couleurs et la lumière
    Les couleurs des scènes d'intérieur tournées en bibliothèque ou dans les cafés m'ont paru forcées, presque criardes, comme la couleur des films des années quarante (Autant en emporte le vent, par exemple). D'autre part, ces couleurs étaient trop lumineuses, comme vernies. J'ai ressenti un double malaise : on ne filmait pas une reconstitution de 1957, mais on tentait de filmer une reconstitution de 1957 comme si on était en 1957 (indice: la couleur), cependant en utilisant les produits actuels (indice: le côté vernis des couleurs).
    Une maladresse et une erreur se superposent donc.

    2/ La musique

    Le leitmotiv des films d'Indiana Jones intervient pendant certaines scènes d'action comme un contrepoint ironique: à quoi bon tourner une scène d'action en faisant en sorte de distraire le spectateur de sa frousse et du plaisir du suspense?

    3/ Le rappel de l'âge d'Indiana
    Une fois, deux fois… A la troisième ce n'est plus drôle et cela devient gênant, presque une incorrection.

    Ajoutons à cela quelques faiblesses de scénario et de dialogues, des incohérences (si le magnétisme du crâne était si grand, les voitures auraient-elles pu rouler? A quoi bon nous dire que Mac est un agent double voire triple puisque ce ne sera pas utilisé?), et l'on en conclut que trois, c'était suffisant.

    Mais bon, j'aime bien Harrison Ford (et je trouve Cate Blanchett émaciée).


    PS: Ben vlà aut' chose!

    Décalée

    Lorsqu'un intervenant a demandé à Emmanuel Falque si l'injonction de Hughes de Saint-Victor, il faut "lire le monde", était un concept ou une métaphore, j'ai dû être la seule à penser à Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages:

    — J'ai le glaive vengeur et le bras séculier.
    — C'est beau comme métaphore.
    — C'est pas une métaphore, c'est une périphrase.
    — Oh, fait pas chier !
    — Ça, c'est une métaphore.

    Attentif

    La dame à côté de nous, qui attend son café depuis un moment, fait un signe impatient au garçon pour se rappeler à son souvenir:
    — Mais je vous écoute, Madame, je ne suis pas votre mari, moi !




    -------------------
    Juin 2015 : je précise le contexte : déjeuner au café avec Tlön durant le colloque de patristique au Centre Sèvres.

    Jalousie

    Mardi soir en sortant du cinéma, je reçois un texto:
    10/06/08 21:05 - C francis rapel moi stp

    Comme il est toujours possible que cela soit important, je réponds:
    — Fx numéro.

    Le lendemain dans l'après-midi, je m'aperçois que le message est resté coincé dans ma boîte d'envoi. Au lieu de le détruire, je le renvoie. S'en suit l'échange de textos suivants:
    11/06/08 15:51 - Tu parle 2 koi?
    — Un sms reçu hier soir par erreur: c'est francis, rappelle-moi.
    11/06/08 15:57 - Nn pa par erreur c francis ki voulai ke tu rapel c la femme de francis
    — Je ne connais pas de francis.
    11/06/08 16:02 - Bin ci gabon!
    11/06/08 16:06 - Et toi alor tu es ki?
    — Une erreur de numéro. Effacez-moi de votre répertoire. Merci.
    11/06/08 16:09 - Bin di moi ki tu es stp
    11/06/08 16:13 - Alor t ki?

    Désormais je ne réponds plus, je sais qu'il n'y a rien a répondre. Elle m'appelle une fois, deux fois. Je coupe la communication. La troisième fois, par erreur, je décroche. J'entends sa voix, jeune, inquiète: «Allô? Allô? Pourquoi vous parlez pas? Parlez-moi» Mais je ne veux pas parler, je sais que ça ne servira à rien. Il faudra attendre que j'ai un homme près de moi à qui passer le téléphone afin de calmer sa jalousie.
    Elle rappelle encore, je décroche encore, méchamment. Même jeu. Elle raccroche, j'éteins mon téléphone.
    Vers huit heures je le rallume. Je trouve ce message:

    11/06/08 16:50 - Dsl c t vraiment une erreur pardon!

    Ramer à Venise

    Je songe souvent au club d'aviron de Venise (yoles de mer, apparemment) découvert derrière Maria de la Salute.

    Photos de la Vogalonga qui a dû avoir lieu en début de mois.

    Scission et baptême

    J'ai séparé le "privé" (non littéraire) du reste, ça permettra aux râleurs et aux gentils embarrassés (ceux qui timidement m'avouent que mes tartines concernant les livres ou Compagnon ne les enthousiasment pas plus que ça) de laisser tomber ce qui les ennuie pour se consacrer aux potins.

    Le nom vient d'une discussion avec Matoo et Chondre, un jour de représentation de Rigoletto: à l'époque, le copain de Matoo ne jurait que par un fruit puant le fromage; il assurait que ce fruit lui portait bonheur.
    Au moment de commenter chez Chondre, pour me différencier d'une autre Alice (blogueuse tandis que je ne l'étais pas encore), je signai donc "Alice du fromage".

    D'autres ici savent qu'Alice est mon pseudo le plus ancien, mon pseudo de commentatrice depuis 2004 (putain, etc).

    Et ce qu'il en est résulté

    Trois jours. (— Qu'est-ce que vous faites? — Nous pleurons en parlant de notre mère).

    Etonnament je n'ai pas envie d'être ironique. Etonnamment, je ne ressens pas le besoin d'être ironique pour me protéger.

    Un grand mystère entoure ces stages ou formation. J'ai compris pourquoi au bout de cinq minutes : la première règle est la confidentialité, rien ne doit sortir de la salle (évidemment, quand on sait que ce sont des entreprises qui envoient leurs salariés, et que l'animatrice/formatrice rencontre également les conjoints et les patrons…). Il s'agit de psychothérapie de groupe (heureusement que A. ne m'en avait rien dit!)

    Au bout de trois jours il ressort de tout cela que je n'aurais jamais fait le deuil de mon retour d'Agadir quand j'avais huit ans. J'ai un peu de mal à croire que ma tristesse latente s'enracine là, mais en y réfléchissant…
    Un autre élément mis en évidence est ma passion du secret héritée de ma mère. C'est assez amusant, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de constater (de moi-même, car personne ne juge ou n'explique ou n'analyse) durant ces trois jours que je ne répondais vraiment, sur le fond, à une question, que des heures après, incidemment et dans une autre discussion: il faut sans arrêt recoller les morceaux, un vrai jeu de piste.

    Comment je suis arrivée ici



    C'est une bastide de 1629 restaurée avec lenteur dans les terres derrière le Cap d'Agde. J'hérite de la chambre la plus austère, ce qui me convient parfaitement (tomettes et œils de bœuf).

    Trois jours pour être mangée à je ne sais trop quelle sauce, je n'aime pas les "psy", d'un côté ils me font peur, de l'autre je n'y "crois" pas (cependant ils me font peur).
    Je ne suis venue que parce que j'ai confiance en A., et qu'il y a si longtemps que je pleure dans son giron qu'elle a gagné le droit que je suive ses conseils et ses encouragements : «Tu devrais voir Frances, elle est formidable».
    Et puis elle m'avait fait confiance pour une sage-femme, je peux bien lui faire confiance pour une psy: accoucheuse pour accoucheuse.

    En début d'année, au moment où étaient décidés les budgets de formation, j'ai donc demandé ce stage de "développement personnel" sur mes heures de DIF (droit individuel à la formation).

    J'écris ses lignes sans les poster, je n'ai pas de connexion internet.
    Mais j'ai amené mon Macbook et des livres, je ne me déplace pas sans talisman.

    Début de séminaire de "développement personnel"

    On finira quand on aura terminé.

    Les faiblesses de la chair

    Supplément de L'Express du 29 mai 2008 consacré à la mobilité (en entreprise). Ces quelques phrases concernent les postes à l'international :
    Mais attention à la vie de famille, poursuit-elle ! Surtout si l'expatriation a lieu dans certaines régions du monde où, nécessité fait loi, des opportunistes qui y habitent apprécient beaucoup les «Occidentaux», en vue d'une idylle «incidemment» lucratives… «Les divorces vont alors bon train, la vie privée qui existait avant le départ est brisée et souvent la carrière avec», avertit Hélène Lacroix-Sableyrolles. Une grande enseigne de distribution, expatriant ses cadres vers l'Est, aurait d'ailleurs pris la mesure du problème, désastreux d'un point de vue humain, et réviserait avec attention sa stratégie RH promouvant les départs…
    Cela me rappelle un récent dîner, aux côtés d'un avocat spécialiste du droit pétrolier. Nous parlions des pays pétroliers, de la richesse et de la pauvreté qui s'y côtoient, j'évoquais le cas Vénézuela que je connais indirectement. La conversation dériva sur les expatriés, mon voisin me confia:
    — Les entreprises ont dû mal à garder leurs cadres [occidentaux] dans ces pays-là; les filles sont très belles…

    (Oui, oui, c'était la même soirée tact (il vaut mieux toutes les cumuler le même soir) (C'est drôle, il ne me viendrait jamais à l'idée devant un homme d'évoquer un autre homme que je trouverais beau, ou plus beau, simplement par peur de blesser, par gentillesse ou par politesse. Ce n'est même pas réfléchi, c'est instinctif. Parfois j'ai l'impression de ne pas avoir été élevée sur la même planète que mes contemporains. Est-ce une question d'âge, de milieu social, de sexe, de caractère?))

    Les seize ans de Clément

    Je n'aurais pas imaginé que cela se passerait comme ça.
    Je ne sais même pas si je lui en veux vraiment. Il faut sans doute que je le sorte de là. On ne peut pas payer, je n'arrive pas à trouver un autre boulot, et tout ça me rend dingue.
    Je suis en train d'abandonner.
    Mon fils vient d'avoir seize ans et je n'ai qu'une seule envie : être loin de lui. Après la patristique, il faudra que je fasse le tour pour trouver un autre lycée.

    L'anniversaire de Matoo

    — Je ne connais personne…
    — Oui, il y a beaucoup moins de blogueurs que l'année dernière, la mode passe1… À part les coxxiens, c'est surtout la base historique, les copains d'avant le blogging…
    — Tu n'aurais pas vu Jules… Julien… Il devait venir… mais il est peut-être reparti…
    — Jules? Quel Jules? Je ne connais pas de Jules.
    — Mais si, Jules, il avait un blog, avant, il y a longtemps… Je ne l'ai jamais vu, on ne se connaît que par internet, les commentaires… (J'hésite à dire qu'il est allé en Chine, je ne sais plus si c'est un détail public ou pas).
    Un grand type en T-shirt orange passe, d'après les photos glanées ça et là, un descriptif qui parlait d'1m91 (ou 87 ? Je ne sais plus), il me semble que ça pourrait être lui:
    — Lui… il ne s'appelle pas Jules?
    — Ah, Jûûûûûûllleeeees!!! Mais oui, mais fallait dire Athaldir!
    (Oui mais heu, j'avais totalement oublié ce pseudo venu du fond de la préhistoire blogosphérique).

    Remarques désabusées sur l'entreprise (pourquoi est-il si inconcevable d'expliquer qu'on est prêt à travailler de notre mieux pour rendre service au plus grand nombre sans y mettre d'autre foi particulière que celle du travail bien fait ? Pourquoi devons-nous absolument être enthousiastes et ambitieux, avoir des plans de carrière à dix ans («Comment vous voyez-vous dans dix ans? ? Ben euh…»2), connaissance commune et inattendue des xavières, analyse comparée des scénarios américains et français… (nous avons tout si bien compris que nous aurions aussi vite fait d'écrire notre propre scénario).

    Fumer sert à sortir dans la rue et à échapper à la musique insoutenable de l'intérieur. Nous sommes accostés sous je ne sais plus quel prétexte par un certain Cédric (non blogueur, ne cherchez pas) qui pose beaucoup de questions mais séclipse dès qu'on lui en pose deux. Beau sourire. Sous ses dehors libérés et provocateurs ce garçon est très conservateur, il paraît sidéré et vaguement choqué que je sois là. Au bout de quinze secondes, après m'avoir demandé mon âge, il me catalogue «décalée»:
    «Tes enfants, ça les fait pas flipper que leur mère soit à une gay party? ? Je ne suis pas à une gay party, je suis venue à l'anniversaire de Matoo.» Il n'est pas convaincu.
    — Et comment tu connais Matoo ?
    — Par internet. Je le lis. Et Jules aussi. Je ne connais personne ici. Je lis. Il me regarde comme si jétais vraiment bizarre: «Ah. Moi je suis de la vieille école». J'ai envie de rire.

    Au moment de partir, Grégoire me demande un autographe pour son coloc. Je signe « Pour Cédric, with love. Maurane »



    1 : En fait, cette année, c'est plutôt des FB… Je vais monter un observatoire sociologique à partir des anniversaires de Matoo.
    2 : Je devrais peut-être leur envoyer cela.

    Malaise

    Je crois que j'ai perdu un livre. Je ne le retrouve plus, le plus probable est que je l'ai laissé au kiosque à journaux en achetant le journal ce soir. Ou alors, plus grave, je l'aurais laissé sur un mur où je l'aurais posé pendant que je lisais le journal en terminant une cigarette. Ou je l'ai laissé sur le siège dans le train. Je n'arrive pas à me souvenir: en face de moi un jeune homme qui regardait un film, à côté de moi un homme qui ressemblait à un pasteur… ai-je dormi? Je ne sais plus, je n'arrive pas à me souvenir.

    On verra demain.

    Mais je me sens mal. C'est un livre de bibliothèque. Je n'ai perdu qu'un livre dans ma vie, c'était Récits de la Kolyma, tome 1, je crois, en livre de poche. C'était déjà un livre de bibliothèque, et à l'époque (1995, je pense), irremplaçable, car il était épuisé.

    J'espère que je vais retrouver ce livre. Lui aussi est épuisé. Ou alors j'espère que celui qui le retrouvera le rendra à la bibliothèque (cela m'est arrivé une fois, avec Le comte de Monte-Cristo: je m'apprêtais à expliquer que je l'avais perdu et à offrir de le rembourser, on me répondit qu'il était de retour en rayon. Soulagement.)

    Je pose mes livres n'importe où, j'erre dans la maison en psalmodiant «J'ai perdu mon livre», on me répond «Prends-en un autre» — ce que je fais, le plus souvent, tranquille, car je sais qu'il est quelque part dans la maison.

    Mais pas ce soir. Pour une fois la maison est rangée, le livre n'y est pas.
    Je ne supporte pas de ne pas savoir où j'ai mis ce livre.

    Projet professionnel (et Clément)

    Cette fois-ci, Clément a dépassé les bornes. Je laisse tomber. Qu'il se débrouille. Et si tout lui pète dans les mains, tant pis.

    Encore un entretien, hier. Et tout ce qu'ils voient, c'est ma vacuité, mon manque de désir, la futilité de tout cela. Peuvent-ils réellement croire qu'on puisse être enthousiaste à l'idée de paramétrer des logiciels ou de faire de la comptabilité IFRS?

    Je vais faire autrement. Je vais m'investir dans l'A*BS, et aller me promener dans le groupe pour faire de la formation : je me fixe un objectif d'une demi-journée par semaine. Il faut également que je lise la presse professionnelle (en documentation) et sans doute que je me forme un peu au web. Je pourrais peut-être trouver quelque chose au CNAM sur ce sujet.

    Prendre soudain conscience que le temps passe

    — Mère Teresa, oui, je crois que je connais, ça me dit quelque chose…
    — Eh mais t'es ouf, t'avais deux ans quand elle est morte !

    Bêtes à manger du foin

    Slogan imprimé sur des gâteaux 1er prix dans la famille des Prince et des BN: «Riche en fourrage».

    Semaine 21

    • Lundi 19 mai 2008
    Paul Rivière m'a invité à l'Ambassade d'Irlande pour la parution d'un livre sur John Law publié par un neveu. Puis dîner avec Claude X (de la BNF) et Paul.
    On me recommandre chaleureusement l'exposition Marie-Antoinette, apparemment très émouvante. J'apprends que le roi et la reine portaient le deuil de leur fils aîné quand éclata la Révolution.
    • Mardi
    Impeccable: désormais les enfants préparent le dîner. H. est déjà parti quand je rentre à 20 heures; je repars une demi-heure plus tard après avoir avalé deux Knacki Herta (l'inventeur de la Knaki est un bienfaiteur de l'humanité).
    • Mercredi
    Repas "littéraire" (réunion d'anciens élèves de tous âges pour un book-crossing autour d'un thème. Inévitable ce soir-là: 1968. J'en ai profité pour lire les deux Arendt publiés cette année-là en France, ''La crise de la culture'' et ''Vies politiques'', titres qui m'ont paru particulièrement révélateurs de l'atmosphère de l'époque (étant entendu qu'un livre paru en 1968 date d'avant 1968)).
    • Jeudi
    «L'impressionnisme est le mouvement le plus connu en France à cause des boîtes de chocolat. Il faudrait faire campagne pour qu'on mette Jasper Jones sur les couvercles de boîtes de chocolat; les Français découvriraient enfin l'art contemporain. (Picasso, ça va un peu mieux depuis la Xsara Picasso).»
    • Vendredi
    Librairie or not librairie? (fonds de commerce à acheter dans le 5e à deux pas de la Sorbonne) C'est tentant, mais je me demande bien avec quel argent. D'un autre côté, en janvier, mon horoscope me promettait de grands bouleversements cette année. On est déjà fin mai et je ne vois rien venir.
    • Samedi
    A défaut de beurrer des sandwiches, j'aurai enfilé des chamallows sur des brochettes (et réussi à en manger deux).
    • Dimanche
    J'ai passé le week-end avec cinq blackettes qui m'ont appris un peu de vocabulaire «Comment qu'è t'as r'calée!» (— Ça veut dire quoi, recalé? — Ça vous choque qu'on parle comme ça, Madame? — Pas spécialement tant qu'y a pas de gros mots. J'enrichis mon vocabulaire. Alors, ça veut dire quoi? — Repoussé, elle a voulu l'embrasser, l'autre l'a repoussée. (Je raconte l'anecdote à C. qui traduit (le vocabulaire est très régionalisé): — ah oui, elle lui a mis un vent.)

    Dieu est grand, nous sommes passés entre les gouttes.

    Café du matin, chagrin

    La semaine dernière, j'ai mis de l'eau dans le réservoir de la machine à café, j'ai appuyé sur le bouton.
    J'avais oublié de mettre un filtre et du café.

    Ce matin, je me suis appliquée: j'ai fait pivoter sur le côté le compartiment de la cafetière destiné au café, j'ai mis un filtre dans le compartiment, du café dans le filtre, puis je suis allée chercher de l'eau en laissant le compartiment ouvert, désaxé par rapport au corps de la cafetière.
    En revenant, absorbée dans mes pensées, j'ai versé directement l'eau froide sur le café. Le ploc des gouttes tombant sur les prises électriques le long du meuble m'a brusquement réveillée.


    PS1 : Sur la folie des femmes.
    Dans L'aliéniste, celui-ci juge sa femme folle quand elle se relève la nuit pour comparer l'éclat de deux colliers de couleurs différentes et tenter de choisir celui qui lui va le mieux. Pas un instant l'aliéniste n'entrevoit que s'il avait répondu à la question de sa femme («Lequel dois-je mettre?»), celle-ci ne serait pas devenue folle d'indécision.
    Faut-il en conclure qu'observer sa folie était plus intéressant que la regarder et répondre à sa question?

    PS2 : Je deviens totalement paranoïaque. Cela m'inquiète.

    Est-il temps de (re)devenir sérieuse?

    C'est fou ce que les gens ne vous croient pas.

    J'ai remis mon CV en ligne. En fait je déteste ça, je ne suis contactée que pour faire ce que j'ai déjà fait (normal), or je voudrais changer, au moins à la marge. J'ai remis mon CV en ligne simplement pour rassurer (peut-être) les boîtes chez lesquelles je postule (avec circonspection).

    Inévitablement, je me fais à nouveau contacter par des sociétés de consulting: je confirme, le marché du travail est tendu dans certains métiers.

    — C'est pour du consulting? Hmm, je ne voudrais pas vous décevoir, mais nous sommes parvenus à la conclusion que je n'étais pas faite pour ça.
    — Que voulez-vous dire? Vous savez, j'entends beaucoup de choses sur ce métier, il n'est pas forcément ce qu'on croit.
    — Eh bien, j'ai passé quelques entretiens où l'on m'a fait comprendre que j'étais sans doute un peu trop carrée pour ce métier, un peu trop abrupte. J'ai souvent trouvé que les prestataires qui travaillaient chez nous étaient trop "mous", j'ai compris que c'était une condition du métier, il fallait une certaine rondeur. Et quand j'ai fait un debriefing auprès de mes amis ou en famille, ils m'ont fait remarquer que l'aspect commercial du métier n'était pas pour moi1. Je serais mieux "en face", en entreprise, pour cadrer des prestataires.
    — Je commence à voir, une certaine franchise... Mon rôle est donc de vous convaincre de l'intérêt de passer un entretien chez nous.
    — Vous ne m'avez pas comprise. Je vous ai résumé ce que je sais pour vous éviter de vous faire perdre votre temps. Mais si vous voulez me voir, je viendrai.

    Et à ma grande surprise, je sentais que plus je lui exposais pourquoi je serai un recrutement impossible, plus il avait envie de me recruter.

    L'ennui, c'est que si tout ce que je lui ai dit est vrai, sa boîte me fait malgré tout envie: elle est extrêment spécialisée sur une seule fonction dans un seul secteur. J'aime ce qui est très technique.
    Mais bon. Je n'ai même pas un tailleur sérieux pour cet entretien.
    Un métier vaut-il une garde-robe? Oui, je suppose que oui. Je l'ai fait une fois à vingt-trois ans, je dois pouvoir le refaire.
    Mais quel ennui.


    1 : En réalité, JM a éclaté de rire en disant «Laisse tomber, Valérie, un consultant, c'est un commerçant à plus de cinquante pour cent, tu ne seras jamais capable de vendre de la merde!» (J'espère ne vexer aucun consultant qui lirait ces lignes. Pour illustrer mon propos, je me souviens avoir provoqué quelques blancs dans la conversation en faisant remarquer à des recruteurs que le bon prestataire, c'était celui qui quittait l'entreprise cliente: sa mission était terminée, il avait mené à bien son projet (ce qui n'empêche pas qu'il puisse revenir pour une autre mission. Mais j'en ai soupé de ses prestataires à demeure dont on sait pertinemment qu'ils coûtent plus cher que deux ou trois salariés (mais ce n'est pas la même ligne comptable))).$$

    Extrêmement fondue

    Décidé de l'avenir de ce blog.

    Tandis que je suggérais un nouveau nom, une recherche google nous fit découvrir le site extremefondue.

    Je musai derechef autour du nom "extrêmement fondue" :
    — Pas fondue, maman, complètement fêlée, oui !

    Pierre (saint)

    — Pierre, c'est l'homme du gag, celui dont on peut être sûr qu'il mettra le pied dans la flaque : s'il y a une chose à ne pas dire, il la dit, s'il y a une chose à ne pas faire, il la fait; mais il est toujours là, avec son enthousiasme et ses défauts.

    Matin

    Je reprochais à H. de ne pas lire mon blog.
    — Ton blog me fait de la peine, m'a-t-il répondu.
    Il a raison, mon blog lui fait sans doute de la peine, de ce que j'écris qu'il ne sait pas ou de ce qu'il sait qu'il préfèrerait que je n'écrivisse pas.

    H. me fait de la peine.
    Il me fait de la peine quand lisant un article que j'ai écrit pour une revue universitaire il me dit avec chaleur :«Je ne savais pas que tu écrivais aussi bien» (1/ envie de meurtre (car qui sinon lui devrait le savoir?) 2/ a-t-il vraiment les moyens (le niveau) d'en juger? 3/ l'aurait-il pensé/dit si je n'avais reçu les éloges des lecteurs chargés de sélectionner les articles pour leur revue?)

    Il me fait de la peine quand découvrant avec émerveillement le dernier Camus je le lui donne à feuilleter («Regarde!») et que je m'aperçois trois jours plus tard qu'il a bien regardé les photos comme je le lui enjoignais, mais sans même avoir la curiosité de regarder qui était l'auteur ni s'apercevoir qu'il s'agissait de la Grande-Bretagne. Comment mieux témoigner son indifférence?

    Je m'en fous, je me suis inscrite à Cerisy.

    Mai glorieux

    Avis relatif à un appel au mécénat d'entreprise pour l'acquisition par l'Etat d'un trésor national

    Au JO du jour AVIS DIVERS
    MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION
    NOR : MCCF0810806V

    La ministre de la culture et de la communication informe les entreprises imposées à l?impôt sur les sociétés d'après leur bénéfice réel qu'elles peuvent bénéficier de la réduction d'impôt sur les sociétés prévue à l'article 238 bis 0 A du code général des impôts égale à 90 % des versements qu'elles pourraient effectuer en participant à l'acquisition par l'Etat pour la Bibliothèque nationale de France du trésor national suivant : un ensemble de 26 affiches conçues par Henri de Toulouse-Lautrec, réunissant des pièces absolument uniques, demeurées dans un état de conservation remarquable, se composant notamment d'épreuves d'essais de couleurs, généralement vouées à la destruction, ainsi que d'épreuves d'état avec des remarques, type de documents d'une grande rareté en raison de leur tirage réduit. Cet ensemble extrêmement précieux permet de retracer les étapes de la genèse d'œuvres très célèbres, telles Ambassadeurs, Aristide Bruant dans son cabaret ou Le Divan japonais. Ces exemplaires rarissimes constituent des documents essentiels pour approfondir la connaissance d'un aspect capital de l'œuvre de Toulouse-Lautrec, qui a donné à l'art de l'affiche ses lettres de noblesse, ainsi que pour l'histoire de l'estampe en France.

    Sa valeur d'achat est fixée à 1 000 000 euros.

    Les offres de versement, établies selon le modèle prévu par l'instruction de la direction générale des impôts 4-C-6-02 no 184 du 24 octobre 2002, doivent être adressées à la direction des musées de France, 6, rue des Pyramides, 75041 Paris Cedex 01, où les dossiers relatifs aux trésors nationaux et oeuvres d'intérêt patrimonial majeur peuvent être consultés par les entreprises intéressées.

    Mon cousin norvégien

    L'un des oncles de H. a épousé une Martiniquaise enceinte d'un militaire américain noir. Il a adopté l'enfant qui est maintenant un beau jeune homme chocolat d'une trentaine d'années vivant à Béziers.

    Ce cousin nous a raconté ce week-end qu'il se fait passer pour norvégien. J'ai cru un instant que les gens supposaient simplement que l'Afrique avait immigré jusqu'au cercle polaire, mais pas du tout:
    — Parfois certains s'étonnent, ils me demandent si je ne suis pas un peu foncé pour un Norvégien. Je réponds que non, parce que je suis un Norvégien du sud, et qu'ils sont plus bronzés. Et comme j'ai voyagé en Norvège, je donne des détails qui sonnent vrai, et on me croit. Ils m'appellent Sven pendant des mois.

    semaine 19

    lundi 5 mai
    Cours de step. J'adore ça, je suis d'un ridicule achevé et ça me fait rire (mon côté maso). Il doit y avoir peu de personnes manquant autant de coordination que moi. Et je suis incapable de me souvenir de trois pas de chorégraphie. Et je suis incapable de suivre un rythme (H. était d'abord incrédule, désormais il est mort de rire quand il me voit taper dans les mains à contretemps d'une salle entière: «mais enfin, tu n'entends pas la batterie? Bom, bom bom?») Ben non. Enfin si, mais je ne parviens pas à me caler sur un rythme. Une des explications possibles serait que je pense trop (mais pas assez vite): au lieu de taper dans mes mains, je pense "il faut que je tape dans mes mains", et c'est déjà trop tard, j'ai pris du retard…

    PS. Merci, Jim, vraiment.

    mardi 6 mai
    ''Tea & tattered pages'' rue Mayet était ouvert. J'erre dans les rayons. Voyons… Il y a deux livres de Woolf, j'hésite devant un beau Capitaine Blood relié (édition Vintage 1922). Je cherche… je cherche quoi? quelque chose qui commence par un W… le titre c'est W… et l'auteur… un P ou un M, les deux je crois, puisque je ne savais pas où chercher chez WH Smith… (Je me demande si beaucoup de personnes se mettent à chercher un livre précis dont ils viennent d'oublier le titre et l'auteur parmi des milliers de livres dans une minuscule librairie). Ah si, Wolf solent. (Mais l'auteur m'échappe toujours et mon blogueur arrive).

    Restaurant coréen. Très jolies tuniques aux murs. Très bon, copieux, un peux gênée de manger copieux dans un restaurant coréen (à quoi certains répondraient que décidément, ma mauvaise conscience de gauche ne m'abandonne pas. Mais bon. C'est vrai que je suis un peu gênée, et gênée par l'indécence-même de cette gêne (on fait ou ne fait pas, on ne se paie pas le luxe de faire en étant gêné).) Le thé à la jujube sent la grenadine. Discussion sans même dire du mal des absents. On est bien. A faire plus souvent.

    mercredi 7 mai
    — Mettez-vous en avant, parlez de ce que vous avez à apporter, et ne dites rien de vos défauts si on ne vous pose pas la question, il sera toujours temps de les découvrir.

    (J'aime beaucoup dans la pub pour la clio "signe extérieur de richesse intérieure", l'homme qui commence: «Je ne fais pas la vaisselle» puis qui précise «mais je l'essuie».)

    jeudi 8 mai
    Ne rien faire à ce point… J'aime.
    Il fait beau, fenêtres ouvertes, velux sur ciel bleu, chants d'oiseaux.
    Grasse matinée, blog (non ça ne se voit pas), une heure au téléphone avec Agnès (je ne savais pas qu'il y a une différence entre les aubes masculines et les aubes féminines), barbecue, Pierre qui brûle de Donald Westlake, sieste, Oz saison 3 deux premiers épisodes.

    vendredi 9 mai
    Départ de H. et C. à 7h30 (championnat FSGT de tennis de table), sport, cigarette, glace plombière, Saint-Félicien, glace au chocolat, place nette sur la mezzanine, sieste de dix minutes, décidément il ne pleut pas, tonte de la pelouse, ampoules, pâtes fraîches, douche, lit.

    samedi 10 mai
    Vautrée toute la journée devant Oz saison 1 (puisque je ne veux pas terminer la saison 3 sans H.) en fumant un demi paquet. Manquait que la bière. Rien préparé pour demain.

    dimanche 11 mai
    Sport oblige, H. est à Tarbes avec C.
    Réunion de la famille de H. dans l'est de la France. J'emmène les deux plus jeunes.
    — Mais enfin, maman, pourquoi on y va? Tu n'as aucun lien avec eux.
    Je suis un peu choquée qu'il fasse une déjà une différence si nette entre les deux branches de la famille.
    — Mais vous? C'est vous le lien, vous appartenez autant à cette famille-là qu'à l'autre.

    Mouais. Ils voudraient surtout échapper aux trois heures de voiture et pouvoir jouer à l'ordinateur toute la journée. C'est toujours pareil, chaque fois qu'ils ont du temps libre, on leur occupe de façon inepte.

    Du blog comme instrument d'auto-discipline

    Parfois il me vient comme une paresse d'écrire.

    Ce n'est pas le célèbre "à quoi bon?", parce que, que nous l'avouions ou non, nous connaissons tous la réponse à cette question: on écrit que pour soi, pour le plaisir ou le besoin d'écrire. Toutes les autres raisons, de l'exhibitionnisme au désir de partage ou de diffusion des connaissances en passant par la prétention, sont secondaires. À "à quoi bon?", la réponse est "moi" (en d'autres termes, "parce que je le vaux bien"). Il me semble d'ailleurs que beaucoup de blogueurs arrêtent de bloguer ou ralentissent nettement quand ils ont tissés suffisamment de liens dans la vraie vie, quand leur recherche (inconsciente, sans doute, car qui aurait pu prédire il y a deux ou trois ans que les blogs seraient un moyen si efficace de rencontrer des gens et de se faire des amis (je me souviens de cette presse catastrophiste et ignorante parlant d'une génération qui ne vivrait que dans un monde virtuel "c'était terrible, qu'allait devenir la société?")) de contacts a été satisfaite: ils ont moins besoin d'écrire, ils ont trouvé autre chose qui les satisfait davantage que l'écriture.

    Ce n'est pas non plus le manque de sujets. Souvent il est vrai il me manque le type de sujets que j'aime tant chez les autres blogueurs, l'anecdote cocasse: un peu de mise en scène, un peu d'habillage, et hop, un billet court (parfois long, ce n'est pas un critère, mais j'envie de savoir faire court), drôle, bien enlevé. C'est ce que préfère chez les autres, c'est ce que je ne sais pas faire. Ma vie manque d'anecdotes cocasses isolées, elles ne sont souvent cocasses que suite à trois pages d'explications maladroites.
    Laissons tomber.

    Il reste deux types de sujets: les introspections (mais je crains d'écrire comme la blogueuse X.) ou les revues de livres (mais je crains que Y. ne se moque de moi (in petto, mais quand même)).
    Ce ne sont pas de véritables raisons pour ne pas écrire. Dès qu'on se met à écrire publiquement, on sait qu'on est ridicule, forcément ridicule, aux yeux d'un certain nombre de lecteurs (heureusement inconnus pour la plupart. C'est plus dur de savoir que c'est aux yeux de lecteurs qu'on connaît, encore plus aux yeux de lecteurs qu'on estime).
    Mais finalement ce n'est pas si grave. D'une certaine façon, on s'en fiche un peu malgré tout. Plaire n'est pas un bon critère d'action, notre époque semble même s'attacher à prouver que c'est un très mauvais critère (déplaire systématiquement aussi, d'ailleurs, comme ne le comprennent pas certains). (Alors quoi? "Rester soi-même"? Non, continuer à se chercher, continuer à élaborer les critères de son action: que veux-je faire? que voulais-je écrire? (pour un éloge du tâtonnement)).

    Non, il me vient une véritable paresse d'écrire: aligner un mot après l'autre, écrire le mot suivant si évident que j'ai envie de ne plus écrire qu'un mot sur trois ou quatre, de sauter les étapes intermédiaires entre le début et la fin du paragraphe, tant il me semble que la fin se déduit du début et qu'il est inutile de dérouler les étapes de la pensée. Mais sans cheminement, la pensée devient obscure, il faut tout écrire entre deux points, tracer la courbe. Je me sens paresseuse.
    Et pendant que j'écris, je ne fais pas autre chose, je ne lis pas, je ne regarde pas ou ne re-regarde pas la saison 1 de Oz, mais pendant que je re-regarde la saison 1 de Oz je n'écris pas; or il n'y a qu'écrire qui oblige à penser, à obtenir un certain affûtage du raisonnement. C'est un détour nécessaire qui oblige à poser devant soi les mots, les idées, les images, à trier, à ordonner, à jeter. C'est le moment où l'on ne peut plus tricher avec l'informe, l'à-peu-près.
    Est-ce si important d'affûter sa pensée?
    Pour moi, oui.
    Il reste que le blog n'est sans doute pas le meilleur lieu pour cela, ou même le lieu pour cela. Son intérêt, c'est qu'en étant public, il devient une sorte d'obligation morale: si je n'écris pas, il sera public que je n'écris pas.
    Et si j'écris sans publier?
    J'ai essayé: je ne m'y tiens pas.

    Dernière cigarette

    « Je ne veux pas mourir sans avoir revu une queue.»

    Oz saison 3, une prisonnière dans le couloir de la mort

    A contre temps

    Une autre chose qui fait rire les enfants, c'est que lorsque je rentre du sport, je n'ai même plus assez de force pour couper un steack haché. Avec gentillesse le grand ouvre mon yaourt.

    Iron Man

    En regardant ce film, je pensais à cette pub devenue célèbre (la définition sur Youtube est pourrie, mais le chargement est rapide).

    Iron Man est le film qu'il faut monter aux enfants (10-15 ans) pour les convaincre de devenir ingénieurs ou chercheurs.

    Pour le reste… c'est bien fait, Pepper est très jolie, c'est simpliste comme un Comics mais pas trop manichéen… Enfin bon, il y a d'autres urgences malgré tout.

    (On va encore m'engu*** parce que je vais voir n'importe quoi. Ça m'amuse, en fait. On a les provocations qu'on peut (parce qu'après tout, je pourrais ne pas en parler).)

    Une vie en trois lignes

    Au JO de ce jour, longue litanie des noms de personnes mortes sans héritier. Un nom, un prénom, une situation maritale et une profession, une date et un lieu de naissance (ou l'absence de date et de lieu, cette mention "inconnue" (et la date trace un arc de cercle par-dessus le XXe siècle)), une filiation, une adresse, à quoi bon écrire des romans?
    166 Jugements d'envoi en possession provisoire

    Par jugement en date du 9 novembre 2007, le tribunal de grande instance de Paris a, sur la requête du directeur de la direction nationale d?interventions domaniales, dont les bureaux sont à Saint-Maurice (Val-de-Marne) Les Ellipses 3, avenue du Chemin-de-Presles, ordonné les publications et affiches prescrites par l?article 770 du code civil préalablement à l?envoi en possession des successions de :

    1. Mme Escudier (Angéline, Joséphine, Françoise), veuve de Piereimend (Auguste), propriétaire, née à Khenchela (Algérie), le 26 décembre 1879, fille de Escudier (Michel, Paulin, Marie) et de Navelle (Elisa), domiciliée à Paris (8e), 11, rue de Rome, décédée en son domicile, Paris (8e) le 4 janvier 1966 (ordonnance du 13 avril 1988).

    2. Mme Ribreau (Séraphine), veuve Jay (Jules, Edouard), retraitée, née à Oyré (Vienne), le 3 septembre 1906, fille de Ribreau (Achille) et de Berger (Marguerite), domiciliée à Paris (10e) 7, rue René-Boulanger, décédée à Châtellerault (Vienne) le 24 mars 1988 (ordonnance du 19 mars 2003).

    3. M. Jay (Jules, Edouard), époux de Ribreau (Séraphine), sans profession, né à Saint-Martin-de-Belleville (Savoie) le 3 novembre 1901, fils de Jay (Emmanuel) et de Eybord (Julie, Célestine), domicilié à Paris (10e) 7, rue René-Boulanger, décédé à Paris (10e) le 23 septembre 1970 (ordonnance du 19 décembre 1996).

    4. M. Truong (Ky), célibataire, retraité, né à Dai Teit (Vietnam) le 24 février 1919, fils de Truong (Dinh), domicilié à Paris (12e), 76, rue de Picpus, décédé à Paris (12e), le 28 septembre 1995 (ordonnance du 16 décembre 1997).

    5. M. Kaminer (Michel), situation matrimoniale inconnue, retraité, né à Kharkov (Russie) le 1er février 1901, fils de Kaminer (Abraham) et de Wassilieff (Tatiana), domicilié à Paris (16e), 4, rue Parent-de-Rosan, décédé en son domicile le 25 février 1992 (ordonnance du 23 octobre 1996).
    Il y en a quarante-cinq pages.

    Déformation

    Lorsque je regarde les films d'action, je me demande toujours comment les personnages vont expliquer les dégâts à leur compagnie d'assurance.

    Au début de Terminator 2, comment le routier va-t-il expliquer le quart de sphère manquant dans la carosserie de son camion? Jamais une assurance n'acceptera de rembourser ça. Et le conducteur de taxi moscovite dont Bourne vole le véhicule dans La mort dans la peau, de quoi va-t-il vivre désormais? Est-ce qu'un conducteur de taxi moscovite est assuré?

    Ne faites pas lire les enfants

    Vous connaissez la BD Mafalda. Un strip fait fureur en ce moment à la maison:

    Première case : Mafada voit sa mère assise sur une chaise, pensive.
    Deuxième case: Elle s'approche de sa mère et lui dit : «Ne t'inquiète pas maman, je vais faire des études et je ne serai jamais une femme médiocre et frustrée comme toi».
    Troisième case : Mafalda a quitté la pièce. Elle déclare avec un grand sourire: «Ça fait du bien de rassurer sa maman».
    (Dernière case : la mère seule et désespérée se tient la tête à deux mains).

    C'est fou ce que j'entends souvent «Ça fait du bien de rassurer sa maman» ces derniers jours.

    3:10 to Yuma

    J'aime les westerns. J'aime les westerns à cause de l'âpreté des paysages, la terre jaune et le ciel bleu, entre les deux des chevaux et de la poussière.

    Ce n'est pas que 3:10 to Yuma soit vraiment mauvais, mais il donne envie de rire, ce qui n'est pas très bon signe pour un western. Il est plein de bons sentiments, c'est gentil. Il met en scène des conflits moraux (western: fable morale ayant pour objet d'apprendre ou de rappeler aux Américains et au monde le courage, les sacrifices, les compromis, les lâchetés, les saloperies, qui sont à l'origine de ce grand pays, les Etats-Unis d'Amérique (western: équivalent américain des mythes fondateurs grecs (l'intéressant de cette piste, c'est qu'elle fait du cinéma le vecteur principal de la tradition))) avec un peu trop de paroles. C'est un western verbeux.

    Il me semble assister à la tarantinisation du western: trop de paroles (mais dans Tarantino, c'est maîtrisé et souvent drôle). Ici, aucune retenue ne vient endiguer la débauche d'explications: nous saurons tout. Les péripéties s'enchaînent, il y en a un peu trop, on frôle l'invraisemblable, le méchant revient toujours, c'est un méchant très complaisant.

    Fais-je un contresens? Après tout, le ressort de l'histoire, c'est justement la parole, la capacité du méchant à raconter les mauvaises actions de ceux qui sont du côté de la loi et à faire parler les médiocres. C'est un méchant qui a beaucoup de patience envers la médiocrité, elle le rend indulgent, comme si ne pas être courageux et héroïque vous dispensait d'un certain nombre d'obligations morales. L'un des leitmotiv des dialogues tourne autour de la parole: «tais-toi», «ne lui parle pas», «je ne veux pas vous parler», «je vous interdis de lui parler», etc.

    L'une des idées intéressantes du film, ou peut-être l'idée principale, celle qui donne envie de pardonner les maladresses du film (car il est difficile de traiter de la morale, nous en avons fait récemment l'expérience), est l'idée qu'il existerait une pente du Bien comme il existe une pente du Mal. Ainsi l'explique le méchant: «C'est pour cela qu'il ne faut jamais faire une bonne action: un acte en appelle un autre et on se retrouve du côté de l'honnêteté (decency).» «On fait une bonne action et on se prend pour le Christ». (Et cette phrase est peut-être la clé de l'invraisemblable fin du film: il s'agit bel et bien d'une conversion.)


    Ben Foster est étonnant ainsi que dans une moindre mesure Russel Crowe et Christian Bale.
    J'ai rarement vu des acteurs monter aussi mal à cheval. C'est le genre de détail qui montre qu'on a changé de génération d'acteurs.
    Les images à la lueur de lampes à pétrole ou de feu de camp sont dorées, très belles.
    Il reste à voir la première version du film. Je suis curieuse de comparer les fins — et le traitement de la parole.

    Brève : des nouvelles de Tourainesereine

    Je me rends compte ce matin, en cherchant des photos de la Possonnière, que Guillaume semble continuer son blog sur Flickr.

    Semaine 17

    Samedi 19 avril

    Levée état caoutchouteux. Tellement à la bourre qu'on a fini au chinois. Après-midi dans un gymnase de Ste-Geneviève-des-Bois. Dans les tribunes, un canapé et un fauteuil en velours râpé. Je m'endors dans le fauteuil. Il n'y a pas de micro, l'atmosphère est étrangement calme malgré le poc obsédant des balles, je dors. Plus tard, un père et son fils de huit ans jouent à la DS sur le canapé. Le père refuse de jouer en réseau, il ne veut pas se prendre une tôle, avoue-t-il en riant.
    Il fait beau, la municipalité de Sainte-Geneviève a dû recevoir une dotation en tulipes. Elles sont magnifiques.

    Dimanche 20 avril

    On m'a laissé dormir. Je ne me souviens de rien.

    Lundi 21 avril

    Bêche et pioche. Ampoules. Chaque fois je pense à Martine, qui m'avait dit que l'un des passages qui l'avait le plus impressionnée dans Autant en emporte le vent (le film) était celui où Rhett saisit les mains de Scarlett venue lui rendre visite en prison et s'aperçoit aussitôt qu'elle a travaillé la terre et comprend qu'elle est dans la misère: les mains d'une vraie dame sont blanches et douces.

    Mardi 22 avril

    Je range l'étage en laissant tourner Out of Africa. Je connais si bien ce film que les dialogues me suffisent à voir les images. J'aime profondément la voix de Meryl Streep qui intervient en off dans la bande-son.
    Mail de Thessalonique: c'est oui !
    Corvée de pluches. Gratin dauphinois (du lait des pommes de terre de la crème, jamais de fromage). Beaux-parents.
    Lorsque je fais remarquer à H. que nous avons dix-huit ans de mariage depuis la veille, il s'exclame avec conviction: «Putain!!!». Parfois j'aimerais avoir droit à des réponses de roman-photos (mais résisterais-je alors à la tentation de me moquer?)

    Mercredi 23 avril

    Dans le RER, malendus agaçants avec notre voisine de banquette qui veut à toute force faire la conversation. Elle suppose: «? Journée à Paris pour une sortie culturelle?» Euh non, pas exactement: j'abandonne les monstres qui vont voir Bienvenue chez les Ch'tis pour ensuite manger au MacDo puis lire des mangas à la Fnac jusqu'à six heures du soir. Je me tais, je ne veux pas l'horrifier. Me font rire et m'agacent, ces gens qui veulent construire des enfances parfaites à leur progéniture. Je veux lui donner du n'importe quoi et de la liberté, afin qu'elle se fabrique des souvenirs.
    Le coiffeur me trouve une ressemblance avec Adeline, je ris, et encore plus en tapant ces lignes après avoir cherché une photo. Je regarde des photos de Gilardi dans Gala, et d'autres de J-Lo et de ses jumeaux (Rien de plus faux que ces photos, une mère de jumeaux ne ressemble pas à ça, et si elle y ressemble, c'est dommage). Je viens dans ce salon parce que les coiffeurs sont adorables. La shampouineuse est une jeune grosse blonde à la poitrine abondante, pas du tout 8e arrondissement, du genre à mettre en toute inconscience un soutien-gorge noir sous un haut rose trop transparent qui la boudine. Elle aussi est très gentille. J'aime les gens gentils, ils me rassurent, je peux traverser tout Paris uniquement pour retrouver des commerçants gentils (et puis il faut boycotter les cons).
    Je passe à la librairie, mes livres sont arrivés, je commence dans Vie politiques le chapitre sur Isak Dinesen, l'écriture d'Hannah Arendt est toujours aussi concise. (Et ce soir, en vérifiant l'orthographe de "Meryl Streep", je tombe sur cette phrase extraordinaire de Wikipédia à propos de Karen Blixen: «Sa syphilis semble avoir été guérie de son vivant mais pourrait avoir été une cause de sa mort.»)
    Vélib. Il fait beau. Arrêtée au feu devant l'Assemblée nationale, je contemple la Seine et les toits gris du Louvre qui flottent au-dessus des frondaisons des arbres le long des quais. Paris.
    Trois livres dans les bacs de Gibert, je confonds Le Ranch de Flicka et L'herbe verte du Wyoming (zut) et je trouve Le Jeu de la dame en grand format. T. le connaît, ça me fait plaisir.
    Cantine, rires, peine d'amour, vélos, côte, librairies, il faudrait sans doute que je recharge mon compte Vélib, ma carte ne me permet plus de retirer de vélo. J'arrive en retard chez Mariage.
    Ma mère arrive ce soir, stress. Ne pas y penser.

    Jeudi 24 avril

    Journée dans le jardin. Epuisée à midi par une matinée de piochage, j'ai honte. Jardiner une journée n'est pas qu'une utopie d'emploi du temps, c'est également une utopie physique: je n'en suis pas capable.
    Sieste. Je commence L'Aliéniste.
    Je tonds malgré tout la pelouse l'après-midi. Peu de temps après, il pleut. Je coupe mes ongles très courts pour me débarrasser de la terre et des traces d'herbe (je découvre sur wikipedia des précisions kâmasûtriennes sur l'usage des ongles... (mdr)).

    Vendredi 25 avril

    Nous ne sommes pas retournées travailler au jardin. Perdu la matinée je ne sais comment, en parlant avec ma mère, je suppose (ou en l'écoutant). Nous ne nous sommes pas disputées, nous ne nous sommes pas disputées, elle n'a pas pleuré, tralala...
    L'après-midi, maman veut rendre visite à une amie opérée à l'hôpital Pitié-Salpêtrière, elle craint de se perdre dans le RER, je l'accompagne. L'opération est impressionnante, ouverture de la boîte cranienne pour atteindre l'arrière de l'?il, un énorme bandage entoure la tête de l'opérée, on se croirait dans un film. Délicatement, la panseuse a laissé une oreille accessible. L'amie de maman n'a pas perdu son humour (assez remarquable vu les tribulations de sa vie par ailleurs). J'apprends que c'est elle qui m'a portée sur les fonts baptismaux en l'absence de ma marraine.
    Nous rentrons de la gare à pied. Soleil. Maman part. Deux jours sans se disputer. Elle a même paru apprécier les périodes de délire que sont (souvent) les repas. A retenir des conversations du déjeuner: dans l'hémisphère sud, le soleil se trouve de l'autre côté de l'écliptique, il convient d'en tenir compte lorsque qu'on essaie de planter sa tente au mieux pour la sieste (souvenir d'un voyage de ma mère au Bostwana).
    H. est rentré furieux d'un passage chez les revendeurs Apple rue du Renard: son écran 30 pouces vire au vert depuis deux ou trois semaines, en anglais le bug s'appelle "dancing pixels". Verdict: le défaut est connu, cet écran n'est pas réparé, les revendeurs en font l'échange standard, s'il n'est plus sous garantie, cela revient à en acheter un neuf... Une petite fortune. Quelques recherches sur Internet plus tard, nous trouvons la cause du problème et sa solution (c'est si bizarre que je l'écris ici, dans l'espoir de rendre service à quelques geeks égarés): l'écran chauffe trop, il convient donc d'en régler la luminosité et la bande passante (voir la réponse de Richard Jacobson ici (le 27 octobre 2005)), le logiciel de contrôle de l'écran se télécharge ici.
    Je ramasse Le Jeu de la dame qui traîne sur la table du salon, H. l'a relu hier, je l'ouvre, je m'y plonge, je prépare du thé.
    Je me demande si je vais bloguer ce soir, moins on blogue, moins on blogue, je ne sais plus si j'ai envie/le courage d'être sérieuse ou pas, par instants je voudrais ne connaître aucun de mes lecteurs pour me sentir libre de pondre soit des posts à mourir d'ennui, soit des posts total délire, mais je sais bien que les quelques personnes avec qui j'ai "naturellement" envie de discuter désormais sont toutes des blogueurs ? ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes avec toutes les autres (je m'ennuuuiiiie. Rien à leur dire).
    Je décide de me plonger dans cette recension lacunaire, temps qui passe. Il s'agit d'écrire ou de cesser d'écrire. Il n'y aura pas, as usual, de juste milieu ("le sens de la mesure", dirait le psychiatre dans Mrs Dalloway).
    Pendant que je tape ces lignes, H. et C. hurlent de rire en lisant les commentaires de ce post (si vous m'offrez le T-shirt trollesque des commentaires, je jure de le porter). C'est très geek, ce soir.

    Tautologies géométriques arrosées au cidre

    — Un courbe, c'est une droite qui n'est pas droite.
    — Oui, mais une droite, c'est une courbe droite.

    Moi, ça me fait rire, tant pis pour vous

    La blague initiale, je suppose, devait comparer les dégâts causés par les différents styles policiers. Elle a été enrichie par les militaires (ou les civils?) de la DGA (direction générale pour l'armement).
    Difficile d'expliquer ce qui me fait rire: c'est en partie un clin d'œil partagé (l'ami qui m'envoie ça travaille à la DGA et lance les appels d'offre pour l'achat de machines à attraper les lapins) et en partie professionnel (de vieux souvenirs).


    Nicolas Sarkozy veut savoir lequel des quatre services qu'il finance, la DST, le GIGN, la Police Nationale ou la DGA, est le plus efficace pour attraper les criminels.
    On affecte donc un bois à chaque service et on lâche un lapin dans chaque bois, charge à chaque service de retrouver le sien.

    Le GIGN encercle son bois, fait une sommation rapide, mitraille tout, met le feu au bois, saccage toute trace de vie. Très fiers et sans s'excuser (alors qu'une certaine presse prétend avoir les photos du lapin les bras en l'air) les ninjas rapportent le cadavre carbonisé du lapin et déclarent : "Mission accomplie".

    Les espions de la DST placent des micros, engagent des lapines bien roulées, soudoient des renards, truffent des carottes, font de l'intox dans les clairières, interrogent discrètement les plantes et les cailloux. Après un mois d'enquête, ils concluent : "L'affaire est close, ce lapin n'a jamais existé".

    La Police pénètre dans son bois avec le panier à salade, fait une rafle dans une clairière et revient le lendemain matin avec un sanglier bien amoché qui ne cesse de répéter: «Ok, ça va, ça va, je suis un lapin… Je suis un lapin…»

    L'ingénieur de l'armement observe le bois, le dessine, effectue un calcul vectoriel des probabilité de pénétration du lapin dans les fourrés, lance un appel d'offres pour l'achat d'une machine à retrouver les lapins, construit un centre d'essai, teste la machine, chope une belette, déclare la machine obsolète, essaie de revendre la machine à perte puis finalement la privatise et donne du blé à un Libanais pour qu'il la récupère, est convoqué par la cour des compte pour expliquer comment il a pu dépenser 30 millions d'euros pour une machine de merde, retourne au bois, aperçoit le lapin mais le laisse filer car c'est l'heure de la navette, revient le lendemain et organise une galette des rois pour parler de lapin entre collègues, puis finalement passe une annonce pour se faire embaucher par une tanière à lapins sur le retour. Il n'y arrive pas et se fait muter au CAD.
    Quant au lapin, il s'est fait chopper depuis plusieurs mois par le Libanais qui sait, lui, comment faire fonctionner la machine.

    Toute l'actualité de 1968

    Certains n'aiment pas les films Paramount, moi je déteste Le Nouvel Obs. Quand quelqu'un m'apprend qu'il lit Le Nouvel Obs, je m'ennuie déjà à l'écouter.

    J'ai découvert cette après-midi le site du Nouvel Obs sur 1968.

    Le travail accomplit m'étonne et m'enchante, tout me plaît, la possibilité de voir et écouter Salut les copains, de feuilleter le journal, de regarder les publicités, de découvrir l'actualité, soudain si proche, bien plus que par n'importe quel reportage télévisé.

    Vieille France

    Dîner. Je suis entourée par deux inconnus d'environ 60 ans (chacun à leur manière, ils m'ont assez vite précisé qu'ils étaient proches de la retraite).

    Mon voisin de gauche : — Et vous aviez quel âge, en 1968 ?
    Mon voisin de droite : — Si vous aimez nager, Bains de mer de Paul Morand... Morand n'est pas mon genre, mais Bains de mer… c'est un petit livre, une centaine de pages… enfin nager, pas en piscine, non, dans la mer, c'est un plaisir sexuel…

    Je n'avais pas été élevée dans l'idée qu'un homme s'adressait ainsi à une femme inconnue dans un dîner conventionnel.
    Muflerie ordinaire, de celle qui a oublié le tact, sans aucune méchanceté, ni provocation, ni rien.
    Je me sens goguenarde, j'imagine leur tête si moi aussi j'avais abandonné les conventions pour être un peu plus directe.

    Paternité

    Mélancolie

    — Ah ! lui dit-il, il y a eu de bien belles vies qui ont fini de cette façon… Ainsi vous savez… ce navigateur dont Dumont d'Urville ramena les cendres, La Pérouse… (et Swann était déjà heureux comme s'il avait parlé d'Odette). C'est un beau caractère et qui m'intéresse beaucoup que celui de La Pérouse, ajouta-t-il d'un air mélancolique.
    En 1791, le contre-amiral d'Entrecasteaux entreprend une expédition pour retrouver La Pérouse. Il passera à 40 miles de l'île où vivaient encore deux survivants de l'équipage de l'explorateur. Sans y aborder il la baptisera de loin La Recherche, du nom de son bateau.

    Visite avec Paul Rivière de l'exposition sur La Pérouse

    Soirée paisible

    Eu A-C au téléphone, longuement. Désormais elle dit de Jean qu'il est attardé. Il bave un peu. Il va être opéré pour un testicule non descendu le 22 avril. Je me suis engagée à aller la voir durant ma semaine de vacances. Il faudra que j'y pense.

    Les enfants jouent à Puissance 4 dans la chambre d'Olivier. Je suis heureuse ("mauvais riz"), quelle vie paisible, j'ai souhaité si souvent qu'ils jouent ensemble ainsi, ils étaient trop petits. Nous sommes trop pressés. Dieu, quelle bénédiction, ces enfants si gentils, solidaires, en bonne santé. Comment assez vous remercier?

    J'ai identifié un nouveau dysfonctionnement de moi-même : j'ai du mal à envisager de faire un métier qui me plaît dans un domaine qui me plaît et être payée. Bah…

    Il faut que je descende dire au revoir, me démaquiller. Je n'étendrai pas le linge ce soir. Demain matin, réunion préparatoire au pélerinage de Chartres, le soir concert de Claude et des problèmes vestimentaires en perspective. Quand vais-je transcrire Proust?

    Il n'y a plus de raison de surfer. Les amis n'écrivent plus.

    Un regard vers l'infini.

    En remontant le temps, nos télescopes les plus puissants rencontrent donc un mur, situés environ 380 000 ans après le Big Bang. De cette «année 380 000», nous percevons cependant un rayonnement, le rayonnement fossile, […]. Ce rayonnement nous donne la plus vieille image de l'univers que nous puissions ''voir'' — façon de parler puisque nous la captons à l'aide de radiotélescopes portés à bord de satellites spatiaux tels que COBE et WMAP. […] Nos postes de télévision qui sont sensibles aux ondes radio peuvent ainsi détecter une partie de ce rayonnement fossile. Environ 1% de la «neige» que vous voyez sur votre écran de télévision quand la station cesse d'émettre est due à ces photons fossiles de l'époque primitive. Vous pouvez vous dire que vous observez le commencement de l'univers avec votre poste de télévision!

    Le Monde s'est-il créé tout seul?, entretien avec Trinh Xuan Thuan, p.30
    Mon écran cathodique est en train de mourir. Il n'est pas tout à fait mort mais on parle déjà de le remplacer. Je n'en avais pas beaucoup envie, je n'en ai plus du tout envie.

    La vie est compliquée

    — Désormais je vise une place au Vatican. Je me sens bien au Vatican.
    — Comme Christine Boutin, alors.
    — ?!?
    — Tu ne savais pas? Elle occupe une fonction officielle au Vatican.
    — Ah? Bon. Alors oui, comme Christine Boutin.
    — Si tu deviens Christine Boutin, c'est une cause de divorce.
    — C'est embêtant, si je suis divorcée, je ne pourrai pas avoir de poste au Vatican.

    Presse-citon: jusqu'à la pulpe

    Pour mes lecteurs qui vivent hors de la blogosphère, l'affaire du jour, c'est ça (je ne mets pas presse-citron en lien car les connexions n'aboutissent plus: trop de tentatives. Les bases juridiques sont disponibles (comme d'hab) chez Me Eolas.

    Le plus énervant, c'est que d'après un site tchèque, Killie Minogue vient plus ou moins d'annoncer son mariage avec Martinez. (Je ne fournis pas de lien, ma connexion est trop pourrie, ça doit être disponible sur le site de Libé).

    Le paradoxe de Zénon

    — Mais tu ne t'es pas mis en pyjama !
    — J'ai commencé…
    — Viens voir ici… fais voir.
    Il approche, je regarde son pantalon, il est exactement dans la tenue dans laquelle je l'avais laissé.
    — Hmm... tu as commencé ?
    — J'ai essayé de commencer.

    Facebook

    Hier, j'ai passé six heures dans cette application. C'était une seconde tentative, la première datait de début décembre. J'avais fait un tour, je n'avais pas compris grand chose, je m'étais énervée sur une adresse mail mal redirigée, je m'étais désinscrite.
    Cette fois-ci j'avais quelques pistes. J'ai replongé, sans doute dans la foulée d'un projet wikisource (ne cherchez pas de lien direct, le seul lien, c'est le temps passé à regarder l'écran à se demander «et maintenant, quoi?», c'est l'amour de la connexion et du saut dans l'écran à la Gibson et des heures perdues.

    Je n'ai pas cherché la version française. Je ne comprends pas tout en anglais, du moins pas précisément (mais il n'est pas sûr que je comprendrais mieux en français). Il faudrait la possibilité, comme dans LinkedIn, de voir ce que voient les autres, une fois les différentes options de confidentialité choisies. Je crois que j'avais créé un second profil bidon en décembre, justement à cette fin (adaptation à l'informatique de la passion du démontage-remontage pour comprendre "comment ça marche"), j'ai eu la flemme de le réactiver. Je n'ai pas grand chose à cacher, mais je ne vois pas trop l'intérêt d'aller ennuyer le passant avec des détails… Et puis ça m'agace de ne pas savoir exactement ce que je fais. J'aime comprendre. Enfin bref.
    J'ai fait comme d'habitude, j'ai agi par imitation. J'ai trouvé deux ou trois profils très "chargés", et j'ai testé ce qu'il y avait chez eux. Tests en tout genre, bavardages futiles, petits cœurs et bêtises… La page de Richard Descoings, directeur de Sciences-Po, est à ce sujet impressionnante; j'espère que c'est son petit neveu qui la maintient, et pas lui. Ou alors il souhaite ne pas cacher son côté futile et près du peuple. Great of him, mais à son habitude, il en fait un peu trop. (Enfin, il y a deux comptes à ce nom, je parle du public, bien entendu (sachant qu'il y a un groupe "attention au faux Richie"…)).
    (C. qui passait dans mon dos s'est moqué de moi: je suis trop vieille ou trop intello pour ces bêtises, à ce que je comprends. Je l'interroge, fais une recherche sur le nom de sa professeur de français, qui a déclaré en "amis" les élèves de sa classe. Elle se sert de Facebook comme d'un outil de suivi pédagogique pour élèves branchés… Les temps changent.)

    Il en ressort que Facebook ne doit pas avoir la même valeur selon l'âge de l'utilisateur, et selon sa propension à la nostalgie.
    J'ai exploré les groupes comme je pouvais, noms de villes, noms d'auteurs, noms d'écoles, de lycées. Puis j'ai cherché des noms. J'ai dû me rendre à l'évidence, je ne me souviens d'aucun nom. Comment s'appelaient Castor et Pollux? Je revois leurs têtes, mais je ne sais même pas si j'ai connu leurs prénoms un jour. Si, Castor, c'était Philippe, voilà. Nom de famille, avec un ''l'' ou deux ''l'', ''au'' ou ''aud'' ou ''eau''? Bah, de toute façon… Quel sens cela a-t-il? Si je n'ai pas gardé contact, c'est que je n'avais pas l'intention de garder contact. Ou c'est que je n'ai pas osé, nous nous connaissions si peu. Jacques avec qui j'ai joué au tarot une année entière, dont le père visitant New York y était resté pour devenir taxi, Jean-Luc, absolument terne sauf quand il commençait à raconter ou décrire quelque chose, alors meilleur que le meilleur Frédéric Dard, et M.Météo, qui sortait avec une Marie-Jeanne… Je ne connais aucun nom, et Facebook ne me servira à rien. Et si je les trouvais je n'aurais rien à leur dire.
    J'ai retrouvé trois visages, Bruno est totalement lui-même, est-il encore avec Frédérique, Rémi, si doué, dont je vois qu'il a trahi la cause de la littérature et de la philosophie (je lui en veux), Claire, dont je disais à l'époque de Basic Instinct qu'elle ressemblait à Sharon Stone (avec dix ans de moins (elle posait pour les Beaux Arts, et il était impossible de lui en vouloir d'être aussi jolie car elle était délurée et intelligente et attentionnée), toujours aussi jolie, et qui visiblement a poursuivi d'époustouflantes études tant par leur niveau que leur variété. Il y a quelques photos en ligne, je suis contente de voir B. que j'avais vu quand il avait deux ou trois mois en 1991, je découvre qu'elle a eu une petite fille…
    J'ai découvert deux jeunes gens nés en 1989 qui doivent être les fils et fille d'amis perdus de vue. L'impression est étrange et très douce, je suis contente de les voir, ils ont l'air heureux.

    Est-ce indiscret, est-ce voyeur de ne pas contacter les gens que l'on reconnaît? Est-ce de l'espionnage, une impolitesse? Cela n'aurait aucun sens de les contacter, je n'en ai aucune envie, mais je suis heureuse d'avoir de leurs nouvelles, de savoir ce qu'ils sont devenus.
    J'ai l'impression de forer une carotte temporelle, d'observer les strates du temps, j'ai l'impression d'être en 84, 89, 92, et de voir l'avenir. J'ai l'impression d'être à la dernière page d'un roman du XIXe siècle dont l'auteur prend la peine de nous apprendre en quelques lignes l'avenir de chaque personnage.
    Mais il me manque beaucoup de personnages.

    Un des bonheurs possibles de l'homme

    Sur vehesse, j'ai mis en ligne une citation de Borgès. J'ai noté quelques mots dans les notes invisibles du blog. Aujourd'hui 18 avril 2020, je les copie ici.

    Il y a longtemps que je sais qu'il n'y a pas de colère ou de chagrin qui ne cède dans une librairie : au bout d'un moment j'oublie tout, et même les livres. Le temps et l'espace sont rangés sur les étagères, il suffit de passer les yeux sur les dos des livres, le contenu de chacun se déploie quelques fractions de secondes, un contenu purement imaginé, bien entendu, et c'est comme un exercie de rêves, de dos en dos. De temps en temps on tend la main et on en ouvre un, pour dissiper le rêve et reprendre contact avec le texte, la réalité. Ce n'est jamais ce qu'on pensait mais ça n'a aucune importance puisqu'on savait qu'on rêvait.
    C'est sans doute pour cela qu'il est si difficile de choisir un livre. Il faut en trouver un qui fasse d'avantage envie que le rêve.

    Repas post-électoral

    La conversation a roulé sur les villes, les cantons, les interco(mmunicipalités), les maires, les adjoints, les conseillers généraux, les présidents de conseils généraux, les élus en général, la revue des ex-, la revue des maîtresses et des amants. Je crois que je n'avais jamais autant entendu parler de cul que ce soir, ni en club de sport, ni en bureau des élèves, ni en foyer étudiant, ni sur les pdblogs.
    Mais c'était un peu triste, car au-dessus des parties de jambes en l'air planait le soupçon du commérage et de l'intérêt.
    Un bon sujet de Brigade mondaine, en tout cas. Nous avons décidé d'écraser une conseillère générale avec un camion-poubelle.

    Espace extensible

    — Tu as fait tes devoirs ?
    — Non, il faut d'abord que je finisse de ranger ma chaise.

    Statistiques électorales

    J'ai passé la journée de dimanche (8h-23h) dans un bureau de vote en tant qu'assesseur.

    1710 inscrits (le deuxième plus gros bureau de la commune), 995 votants. Une question théorique: quel est le nombre maximal de personnes qui peuvent être inscrites dans un même bureau? Autrement dit, combien de personnes peuvent au maximum passer en une heure? Cent vingt (trente secondes par personne), peut-être, ce qui veut dire que nous n'aurions pu faire voter tous les inscrits s'ils s'étaient tous présentés: est-ce légal? Ou faut-il admettre ce calcul pragmatique qui veut qu'on compte sur un certain pourcentage d'abstentionnistes? On doit pouvoir descendre à vingt secondes, voire quinze. Le plus long, c'est de trouver les noms dans le registre et de faire signer les gens.

    Au début, je contrôlais la carte d'identité et la carte d'électeur. Pour que le contrôle reste valable et non qu'il devienne un coup d'œil vague qui regarde sans voir, il faut s'intéresser à ce qu'on lit: nom, et surtout prénom, date de naissance, et surtout lieu. Je regarde les photos, quand les têtes ont trop changé je regarde la date de la carte d'identité, parfois très récente: les gens ont dû fouiller dans leurs tiroirs pour en extirper une photo datant d'il y a dix ans.
    Chaque fois que je me trouve dans une assemblée, je songe au bal des Têtes. J'ai une impression de théâtralité, de représentation. Je m'aperçois qu'il y a deux tranches d'âge qui n'ont jamais le visage (les rides, l'empâtement, une certaine dureté ou une certaine mollesse) que j'attends: la tranche d'âge de mes parents et la mienne... Il y a toute une catégorie de personnes qui a la tête des films noirs des années 60. Il n'y a pas grande différence entre les vingt et les trente ans, c'est vrai que les filles pas trop maigres sont plus jolies, au moins de visage: leur sourire s'épanouit mieux (plus exactement, les autres ne sourient pas). Je regarde, je regarde, les barbes, les cheveux, les moustaches, les échanges de regard sont gênés car on perd vite contenance à rester planter devant la table à attendre que le précédent avance.
    J'en étais à reconstituer les signes astrologiques et à faire des paris avec moi-même (quand verrai-je passer quelqu'un dont c'était l'anniversaire?) quand on m'a relayée à l'heure du déjeuner.
    Le plus jeune votant était né le 13 janvier 1990, la surprise a été qu'ils furent deux à être nés à cette date à se présenter dans la matinée.

    L'après-midi, quelqu'un a eu le malheur de me confier le registre des noms. Je ne l'ai plus lâché. Onze noms par page, onze dates, onze lieux. Pondichéry, Ventiane, Oran, Shanghaï. L'Italie en tête des lieux de naissance à l'étranger. Quelques Portugais, pas d'Espagnols (d'origine, je veux dire: je fais partie du bureau des cantonnales, il faut être français, contrairement aux municipales, où l'on peut être étranger). Quel pourcentage de chances de voir deux gauchers se présenter à la suite? Et deux personnes ne se connaissant pas dont les numéros se suivent sur le registre?
    J'appelle les noms. Je m'aperçois que si je prononce correctement un nom difficile, je trébuche généralement sur le prénom facile. Je suis un peu surprise de connaître tant de monde. Même en vivant en sauvage on finit par croiser des gens.
    Le père et les enfants ont le même nom, ils se suivent sur une page. La mère est inscrite à son nom de jeune fille, il faut tourner les pages. Je maudis les familles qui séparent le père des enfants en intercalant la mère: feuilletage, recherche, aller-retour.
    J'ai l'impression de jouer au bingo. Combien de pages remplies? (une), combien de pages vides? (aucune), et une page comportant une seule signature.

    En fin d'après-midi se présente une femme au prénom de Bathilde.

    Page après page

    J'avais trouvé la page 69, j'ai maintenant la page 48.

    complément : et 99.

    Situation I

    Lorsque j'étais en terminale, je lisais Fanshen, je ne sais plus pourquoi. Le midi, je m'échappais du lycée, je lisais en marchant, j'allais jusqu'à la basilique, je m'installais dans la nef, je lisais dans l'odeur d'encens.





    Parce que j'ai été très malheureuse au collège et que C. était très malheureux au collège, je l'ai sorti de là et je l'ai mis dans une boîte privée. Depuis il n'est plus malheureux, il vit avec décontraction, un club Med permanent, en quelque sorte.
    H. est furieux, râle à cause du prix et du je-m'en-foutisme de C. La seule façon de le faire taire (et encore, ce n'est pas sûr), c'est que je puisse financer cette école sur mes deniers (ou remettre C. dans le public (mais je n'aime pas l'échec)). Donc il faut que je change de boulot, que je retourne faire ce que je détestais, parce que cela paie mieux.
    Et tout ça juste parce que je suis têtue, car si C. m'en sera peut-être vaguement reconnaissant, il ne fera pas le moindre effort pour autant, et H. regrettera que le surplus de recettes serve à "payer cette école pour gosses de riches".
    J'en ai marre.

    Tout est relatif

    O., neuf ans, contemplant une photo d'identité de ses huit ans :

    — J'avais l'air jeune, quand même.

    semaine 10

    samedi 1 mars
    Je passe un quart d'heure au rayon des savons à chercher un produit pour la douche qui fasse aussi shampooing, en vain, jusqu'à ce que je me souvienne que ces produits ont pour nom "marine" ou "fraîcheur eucalyptus". Je me dirige vers le rayon des déodorants masculins: bingo. Une femme est visiblement censée se déplacer avec deux produits. Je suis agacée.

    dimanche 2 mars
    M. le Maudit à 11 heures à L'Arlequin. Je reste stupéfaite de l'exacte coïncidence avec la (non-?)réflexion actuelle sur la responsabilité juridique des assassins obéissant à une pulsion meurtrière.
    Après le film est prévu une séance de questions. Le premier intervenant me fait rire, qui veut absolument interpréter la foule des hors-la-loi comme la population allemande des années trente aux sympathies nazies. Il me semble plutôt que c'est nous, la foule informe de toutes les époques, que représente cette assemblée de repris de justice. Une phrase du film sur la loi et l'Etat destinés à protéger l'individu de l'arbitraire me fait frissonner: dans l'Allemagne des années trente, ce ne sera plus vrai longtemps.
    Après-midi, piscine.

    lundi 3 mars
    No country for old men.
    Il faudrait tout de même que les cinéastes français apprennent à faire une bande-annonce. Elles sont beaucoup trop longues. Je n'irai pas voir L'heure d'été, les acteurs sonnent faux dès la bande-annonce, ni Modern love, ni MR73, car j'ai bien peur d'avoir vu le meilleur, images et sons, dans les quelques minutes de la BA. Ninja panda ou Panda ninja a l'air déjanté.

    mardi 4 mars
    C. me réveille à 4 heures du matin. Il a une otite.
    Un entretien d'embauche près de la grande bibliothèque à 11 heures. Il fait froid, il y a du vent. Le quartier est agréable. Je remonte ensuite jusque dans le XVIIIe arrondissement pour rendre le Pléiade Contre Sainte-Beuve que j'avais emprunté. (Comme une idiote, je n'ai réalisé que trop tard qu'il contenait aussi les pastiches). C'est une mauvaise idée d'emprunter des livres aussi loin de mes traces habituelles, cela fait perdre trop de temps. Guinness et beignets de brie. Compagnon s'est coupé les cheveux; son cours tient mieux la route. L'intervenante est une petite femme en pull gris portant un énorme cartable rouge qu'on s'étonne qu'elle réussisse à porter.
    H. rentre ce soir.

    mercredi 5 mars
    Un entretien à 11 heures, cette fois-ci à Vincennes. Il fait magnifiquement beau. Paul, près de la Madeleine, puis Cyril (ami de Guillaume, pour lui remettre Journal de Travers de sa part), trois minutes, à Vincennes.

    jeudi 6 mars
    4 minutes. A la vue de la bande-annonce, j'avais peur d'un film larmoyant, en fait, c'est très bien. Quelques maladresses ou invraisemblances sont compensées par les actrices, et la bande-son est, bien entendu, irrésistible.

    vendredi 7 mars
    C. m'installe ''Eyes in the sky'' comme sonnerie de portable.
    Hervé cherche des idées d'applications à développer pour l'iphone. Je m'écroule en larmes. Je réalise que j'ai détesté l'époque Newton. Je ne veux pas que ça recommence. Je suis impressionnée par la violence de ma détestation, de mon refus de revivre cette période.

    samedi 8 mars
    Je trie des papiers en regardant successivement Get shorty, La Mort dans la peau et La Mémoire dans la peau. (Ça fait beaucoup de papiers, et de livres (liste des livres en cours retrouvés et mis en pile (le suivant étant généralement commencé parce que je ne sais plus où j'ai posé le précédent): Conférences de Borges (par besoin d'une citation), Les Essais de Montaigne (à cause de Compagnon), Don Juan et son double (commencé cet été, je ne sais plus pour quel livre urgent je l'ai abandonné), Théâtre ce soir, Viles Bodies (enfin retrouvé, je l'avais perdu depuis une semaine), Notes achriennes (presque fini, et comme il ne me restait que vingt pages, j'en ai emporté un autre pour les trajets en RER et je ne l'ai jamais terminé), Mrs Dalloways (emporté à la place de Viles bodies parce que je ne voulais pas paraître snob en lisant en anglais dans je ne sais plus quelle circonstance) et The Looming tower (interrompu pour reprendre des forces: il me déprime car je connais la fin) et de cartes postales. Lorsque j'aurai fini (cette nuit?), j'aurai terminé une tâche en cours depuis 1994 (date de l'avant-dernier déménagement)).
    Demain, je suis coincée de 8 heures à 23 heures dans un bureau de vote. Quand vais-je transcrire Proust?

    A propos du roman policier

    Sur le roman policier, René Girard, et quelques autres pistes.

    Ici, sous l'onglet "enquête" (je n'ai pas réussi à obtenir le lien direct), les Lyonnais sont invités à une enquête policière grandeur nature le 29 mars (m'énerve ce site qui ne permet même pas le copier/coller. Faut vraiment être stupide, comment veulent-ils qu'on leur fasse de la pub!)

    mise à jour de 17h04 : si les livres de 800 pages vous font peur, il est possible de les obtenir en petits morceaux. (Je me moque, mais c'est à peu près comme ça que j'ai lu La Bible à 18 ans.)
    (J'aime ce genre de billet, j'ai l'impression de revenir aux fondamentaux du web-log. Et puis, ce n'est pas fatigant.) (Ah, et puis j'ai trouvé quel film regarder à moitié en faisant du classement/rangement: Get shorty.)

    No country for old men

    Attention, spoiler.

    J'étais un peu inquiète en allant voir ce film, à cause de Slothorp qui le qualifie de raté, tout en qualifiant Miller's crossing de chef d'œuvre, ce qui m'amène à penser que nous avons quelques jugements communs.

    Depuis Fargo, j'ai coutume de dire que les frères Coen adorent l'Amérique mais détestent les Américains. Depuis Fargo, je distingue les films "d'intérieur" et les films de paysage, et dans les films de paysage, je regarde la quantité de ciel cadré dans les images. Depuis Fargo, je donne une couleur à chaque film: blanc pour Fargo, bien sûr, jaune pour O'brother, rose et bleu pour Intolerable cruauté, noir pour Lady killers. No country for old men est jaune et ocre et brun, de la couleur de Duel, avec cette qualité de lumière et de couleurs que je ne connais que chez les frères Coen, extrêmement nette et brillante.

    Il y a deux choses que j'aime chez les frères Coen: leur art de la stylisation et leur faculté d'accélération une fois qu'ils estiment que le spectateur a compris les lois internes au film. Par exemple, les meurtres (l'acte de tuer) filmés avec précision au début disparaissent peu à peu de l'écran, ils ne restent que les cadavres, puis les cadavres eux-mêmes disparaissent, il ne reste que le sang ou l'absence de sang (sur les semelles). La première fois que le tueur est blessé, nous assistons à la façon dont il se soigne, la seconde fois il s'éloigne en clopinant. On sait. Il est devenu inutile de voir. Plus le film avance, moins il donne d'images, au spectateur de combler les trous, de trouver les liens logiques, de franchir les abîmes, et tout cela provoque et accentue l'impression d'inéluctable: rien ne pouvait se passer autrement, la preuve, nous devinons ce qui s'est passé sans même qu'on nous le montre.

    Cependant, cependant… Ce qui est déstabilisant dans ce film, c'est qu'il y a deux cadres qui se chevauchent de guingois: un qui encadre le shérif, l'autre qui encadre l'histoire du cow-boy et du tueur. Cette seconde histoire obéit à peu près aux règles des films qui contreviennent aux archétypes (le méchant très méchant s'en sort, le gentil non), elle est filmée selon les principes de stylisation et d'accélération évoqués plus haut.
    L'autre cadre est beaucoup plus étrange. Autour du shérif, le temps ralentit. Le shérif remonte aux sources. Le film commence sur son monologue, le shérif raconte l'histoire de son père qui était déjà shérif sur cette terre, dans ce pays. Il se termine encore par un monologue du shérif, qui parle encore de son père. Le shérif a abandonné, il a vu trop de morts, il y a trop peu de sens dans tout cela, et on (il) ne peut protéger personne. Il ne veut plus de cette impuissance, il rentre chez lui, il devient inutile, même sa femme ne veut pas de son aide (— Tu veux un coup de main? — Franchement, je préfère pas.), il est désœuvré, il s'est volontairement désœuvré, ce qui lui est finalement aussi insupportable que son ancien métier: faire ou ne pas faire, les deux sont insupportables. Abandonner n'est pas un choix. Le seul choix, c'est de continuer. Ce n'est donc pas véritablement un choix non plus.

    Est-ce cela qui serait "raté"? Etait-ce une mauvaise idée d'entourer un film mi-policier, mi-western, mi-film gore, mi road movie, d'une bordure nostalgique, presque désespérée?
    Le spectateur américain repère du premier coup d'?il que l'action se déroule dans les années 70. Aux autres on donne quelques indications: la Ford est de 1977, la télé est en noir et blanc. Il m'a fallu du temps pour me rendre compte de ce brouillage, le même que celui de La Grande Illusion (par exemple): ce film censé nous montrer une histoire des années 70 nous montre avant tout l'époque à laquelle il est tourné: abandonner n'est pas un choix possible, il faut continuer.
    J'ai eu l'impression d'avoir vu un film politique, un film qui serait pour l'époque actuelle l'équivalent des films de l'époque de la guerre du Vietnam, mais avec un message inverse. Est-ce que j'ai trop d'imagination?

    J'ai ri

    Paul, 87 ans :

    — Ça ne m'était jamais arrivé, mais maintenant, je me demande certains jours ce que je fais sur terre.

    En attendant d'avoir fini ma transcription de Compagnon

    Deux liens que je ne veux pas perdre: autour de Led Zep et pas loin de Tim Berners Lee (via affordance.)

    Semaine 9

    dimanche 24 février
    Matinée dans les casseroles en écoutant Edwards (je crois, à vérifier (quand trouver le temps de mettre de l'ordre dans mon iTunes?)) sur le Graal. Non, peut-être pas Edwards, car avant j'en ai écouté un autre dont l'intitulé du cours était "En écoutant la littérature": lequel des deux était Edwards? Intéressante remarque sur Racine monté à Chicago en prose voire en slang, dans un hôpital, avec Phèdre nue buvant du coca (je mélange un peu tout, mais c'est le principe, il n'y a qu'à aller chercher dans les podcasts): qu'est-ce qui résiste dans le texte à toute manipulation? Pourquoi cela suscite-t-il toujours autant d'enthousiasme, pourquoi Shakespeare plaît-il autant en Afrique, par exemple?

    J'ai pensé à cette réflexion de Nabokov dans Feu pâle: «Je voudrais que vous vous émerveilliez non seulement de ce que vous lisez, mais du miracle que cela soit lisible». (commentaire du v.991).

    Tout serait à commenter tandis que je repense à ces cours. Je m'aperçois que les podcasts n'ont plus l'air en ligne. Je ne peux tout de même pas les retranscrire…

    Mes parents et mes nièces à déjeuner. Nous ne nous sommes pas disputés. Les Anouilh en pléiade pour mon anniversaire. Gallimard se met au marketing même pour sa collection la plus prestigieuse. (Je me souviens de Borges: «La Pléiade, c'est mieux que le prix Nobel, non?») J'ai lu tant d'Anouilh chez Pascale. Les deux tiers, apparemment. Je ne me souviens pas de grand chose. Le début autobiographique des Poissons rouges (les livres dans le sac à dos durant la débâcle (je crois. A vérifier, toujours. S'il ne fallait écrire que des choses avérées… Ces notes seront de vraies notes, c'est-à-dire non vérifiées.))

    Encore un CV à présenter de deux façons différentes. Dieu que je n'ai pas envie de le faire. Demain, on verra demain. Je me remets à Proust.

    mardi 26 février
    Une vraie journée comme je les aime. Déjeuner avec T. Histoire de trésor. Raconter des histoires, les mecs ne sauront jamais tout ce qu'ils ont à gagner à raconter des histoires (enfin, T. semble le savoir!). Karen Blixen sur des coussins, en train de raconter à Redford dans Out of Africa: «dans une rue de Hong-Kong habitait une jeune fille…» Cette fatalité de toujours finir par parler de cul, parce que finalement, c'est la seule chose qui compte, le cœur du monde, la seule chose qu'on aimerait comprendre et dont on ne peut jamais vraiment parler à/avec un tiers, parce qu'on met toujours en cause plus que soi.
    Après-midi Compagnon, 19h40 entretien d'embauche, c'est loin Boulogne, je n'irai pas à Boulogne, que c'est loin, la jeune fille est jolie, et jeune, et j'ai si peu de choses à dire, et toujours au bord de raconter des histoires, encore, parce que c'est la trame des vies.
    Je déplace le rendez-vous avec R., Beaubourg plutôt que Convention, il est trop tard et c'est trop excentré, je n'arriverai jamais à avoir mon train ensuite. R. est très en retard, perdu, je lis Vile bodies pratiquement dans le noir, j'ai cassé mes lunettes, ou plutôt mes lunettes se sont cassées. Je mange un fromage blanc aux amandes. Il me reste 27 centimes.
    R. arrive, que dit-on à quelqu'un qu'on n'a vu qu'un soir, le temps d'un rire et un peu plus, il y a plus de deux ans? Pas de nouvelles depuis, et puis un mail lundi soir: «Tiens, il n'est plus avec sa copine, il tente sa chance», ai-je pensé. Curieuse. Mais bon ça va, intéressant, gentil, belle voix, et pas à cran comme je le craignais. — J'ai pris vingt-cinq kilos. — Moi quatre. Rires. Coup d'œil. Ça ne se voit pas, tu as l'air en forme. Et toujours cette oscillation des hommes, qui aimeraient les femmes plus libres, sauf leur copine, ou leur femme… Que dire? Et une autre histoire de grand-père. «— Ça tu ne le racontes pas. — J'ai une autre contrainte, mon fils me lit.» Nous rions.
    Gare de Lyon après le dernier train, l'arrêt de bus a changé de place, le temps que je le trouve, le bus de 1h00 est parti, il faut attendre celui de 1h30, heureusement il ne fait pas froid. J'ai sommeil, je rentre à 2h22.

    mercredi 27 février
    Je fais remplacer mes lunettes. Demain je dois revoir R. Acheté deux cadeaux sur trois pour le Noël (! je sais, je sais) des garçons S. Mal au pied. Je lis Asking for the Moon. La dame qui me fait le paquet cadeau aux Galeries Lafayettes, sous ses airs de dragon, est attentive et prévenante: «C'est pour un garçon ou une fille? — Un garçon. — C'est pour savoir si je mets beaucoup de ruban, les garçons font parfois une allergie au ruban.» Ah.

    vendredi (ce soir)
    Que faire de ce post (écrit au fur à mesure des dates)? Le redécouper, le redistribuer selon les jours? Finalement je n'aime pas beaucoup pour moi-même la forme de journal anté-chronologique. C'est sans doute pour cela que je ne peux/pourrais pas faire d'un blog un journal. Un journal, je l'écris de haut en bas, pas de bas en haut, il me faut de l'épaisseur. Je ne flotte pas sur le temps, je me laisse couler.
    Revu R. hier soir. Longue errance derrière Montparnasse à la recherche de ruelles, il n'y en a plus beaucoup, Vaugirard, Cherche-Midi, Falguière, par hasard l'impasse où Brassens composa ses premières chansons, nous vivons un Paris imaginaire et égrainons les noms, San-Antonio, Maigret, Léo Malet, le travail de R. sur le Poulpe, l'extrême-gauche, l'extrême-droite, nous mélangeons les époques, que c'est facile de parler avec quelqu'un qu'on ne connaît pas si l'on dispose d'un socle suffisant de lectures communes, Reiser, comment faire de la caricature aujourd'hui, était-il plus facile de se moquer sous Pompidou qu'aujourd'hui sous Sarko, le SM, Marie L., nous dérivons, «Camus m'aura vraiment fait faire n'importe quoi…? T'es gonflé!», nous avons trop marché et R. fume trop, je suis impressionnée, il y avait longtemps que je n'avais pas vu quelqu'un fumer autant.
    Je suis en vacances ce soir, tant mieux, je ne supporte plus de devoir m'habiller pour aller travailler, je ne supporte plus d'être en représentation permanente, je ne supporte plus le théâtre, j'ai envie de rire.
    Je me souviens du 29 février précédent.

    Mes lunettes

    Mardi soir dans le métro, je tire mes lunettes de leur étui, j'ai dans la main une branche et un verre, elles se sont cassées au niveau du pont qui réunit les deux verres, la soudure a cédé.
    La femme sombre et trop maquillée en face de moi ne peut retenir un sourire, je lui en veux, j'ai cassé mes lunettes.

    Ma première paire datait de novembre 99, je m'en souviens très bien, ç'avait coïncidé avec les 35 heures: ayant étourdiment déclaré que lorsque je les mettais, je devenais si concentrée que je n'entendais plus rien (ce qui est toujours vrai, d'ailleurs, mais moins), Philippe avait ri et déclaré que c'était la solution des 35 heures: des lunettes pour la productivité.
    Je les ai perdues lors d'une algarade dans le métro, en septembre 2006.

    Lorsque je suis retournée chez l'ophtalmo, j'ai eu la fierté de constater que ma vue n'avait pas bougé (je surveille tous les signes du vieillissement, cheveux blancs, empâtement, raidissement, douleur, changement de la vue, avec curiosité et inquiétude: qu'est-ce que ça va donner? Toujours cette vie qu'on est obligé de vivre du premier coup, sans entraînement ni expérience). J'ai choisi des lunettes prune, en titane.

    H. m'a dit le soir que s'il y avait tant d'objets en titane qui circulaient actuellement, c'est qu'on démantelait les sous-marins nucléaires russes. Un abîme s'est ouvert, le même que celui qui s'ouvre quand j'essaie d'imaginer un nombre décimal de plus entre deux nombre décimaux, ou les étoiles derrière les étoiles, est-ce que le métal de mes lunettes avait connu les profondeurs de la mer baltique, les grandes pressions, qu'avait-il vu que je ne saurai jamais?

    Hier au petit déjeuner C. m'a dit que j'étais un monstre: j'avais grillé un ordinateur (par imposition des mains) et cassé des lunettes en titane.

    Face à la Sorbonne, Montaigne

    statue de Montaigne en face de la Sorbonne. Son pied a été si touché qu'il luit. Quelqu'un lui a mis un bouquet de tulipes dans les bras

    Brève

    Patrick Besson (dont vous savez tous désormais que c'est mon favori) fait de la pub dans le dernier Point pour un nouveau magazine, Service littéraire.
    Quitte à avoir de faux amis, mieux vaut se faire de vrais ennemis.
    François Cérésa

    Désolation

    Un blog me fait découvrir un dépotoir de livres.

    Je songe à la fin de Bartleby:
    Dead letters! does it not sound like dead men? Conceive a man by nature and misfortune prone to a pallid hopelessness, can any business seem more fitted to heighten it than that of continually handling these dead letters and assorting them for the flames? For by the cart-load they are annually burned. Sometimes from out the folded paper the pale clerk takes a ring: — the finger it was meant for, perhaps, moulders in the grave; a bank-note sent in swiftest charity: — he whom it would relieve, nor eats nor hungers any more; pardon for those who died despairing; hope for those who died unhoping; good tidings for those who died stifled by unrelieved calamities. On errands of life, these letters speed to death.

    C'est logique, ça ?

    La femme encombrée de paquets à qui je propose de porter sa valise en haut des quelques marches de la gare:

    — Oh non, je vais la porter, elle est beaucoup trop lourde!

    Phrase à clé

    Tu l'as trop écrasé, César, ce Port-Salut.

    Le nom sur le bout de la langue

    La lecture de Notes achriennes me permet de retrouver un nom que je cherchais depuis longtemps et qui m'échappait: celui de Sophie Desmarets (p.171).

    Sophie Desmarets a raconté un jour durant l'une des émissions des Grosses têtes auxquelles elle participait régulièrement que toute jeune actrice invitée dans une réception officielle (était-ce à l'Elysée? J'ai gardé ce nom en tête, peut-être à tort), elle avait eu comme voisin de table un malotrus qui s'était permis de douter de l'authenticité du roux de sa chevelure.
    Sans beaucoup réfléchir, elle avait alors déposé comme preuve de sa bonne foi un poil intime sur la nappe blanche.

    Le déclin culturel français

    Lorsque le Time a titré «Le déclin de la culture française», tout le monde a pris un air outragé et personne n'a admis qu'effectivement, très peu d'artistes français sont connus hors de France, ce qui traduit, si ce n'est un déclin, tout au moins un manque évident d'aura.
    Le Nouvel Economiste du 7 février 2008 fait sa Une sur le sujet et confronte les avis de Marc Fumaroli et de Philippe Dagen.
    Je cite :

    Lorsque l'édition européenne du "Time", du 3 décembre 2007, titre "Le déclin de la culture française", les réactions hexagonales, offusquées, scandalisées, sont unanimes. Et pourtant. Les chiffres prouvent que les arts modernes autant que contemporains - cinéma, livre, musique, peinture... - ne s'exportent plus, de la patrie qui les a tant vu prospérer, qu'en proportion infinitésimale.
    [...]
    Quelques personnalités de haute volée intellectuelle se sont insurgées dès les années 80 contre les choix politiques dans le domaine de la culture. Depuis le 3 de la rue de Valois, siège du prestigieux ministère inventé par André Malraux, une novlangue et une bureaucratie se mirent en place pour encadrer et subventionner les arts. A la fureur de Marc Fumaroli, académicien, professeur à l'université de Chicago, spécialiste mondialement reconnu du XVIIe siècle. Il dénonce, avec une colère non feinte, "le terrorisme de l'Etat culturel". Lorsque l'un des axes culturels, défini par l'exécutif, fut de "subventionner des espaces alternatifs et squats artistiques pour répondre au désir d'art des populations exclues de la culture", son sang ne fit qu'un quart de tour pour dénoncer "démagogie et démolition programmées des arts." Ce à quoi Philippe Dagen, critique d'art et voyageur sans bagage pour le compte du Monde, ajoute "l'Etat a mis en place une bureaucratie incompréhensible: elle a eu pour effet de créer la méfiance des marchands étrangers envers nos créateurs".
    [...]
    Flash-back. Depuis les années 80, la bataille pour l'exception culturelle a empoisonné les rapports de la France avec l'Europe et les Etats-Unis. La mise en cause du financement des arts hexagonaux par des nations adeptes de l'économie de marché a provoqué en notre beau pays un combat homérique. Combat remporté par Jacques Chirac qui fit voter par l'Unesco le statut "d'exception culturelle", texte ratifié par 148 pays. Ainsi, notre système d'aides (le cinéma bénéficie chaque année d'aides, directes ou indirectes, de plus de 500 millions d'euros, selon le Centre national de la cinématographie) fut mis hors de portée de toute attaque étrangère. Vingt ans après les premières escarmouches sur ce sujet, en est-on arrivé à l'effet contraire ? Philippe Dagen penche pour le oui. "Quand je rencontre des marchands d'art, que ce soit à Séoul ou à Hambourg, je constate leur méfiance envers le système français." Et de poursuivre, "ils ne comprennent pas cette omniprésence de l'Etat, signe que les arts n'ont aucune confiance dans leurs potentiels". Plus perfide, Fumaroli accuse "cet Etat culturel qui a adopté le nihilisme esthétique mondain comme un impératif démocratique, tout en se targuant d'une exception culturelle expurgée de son sens.''
    [...]
    Propos corroborés par Eli Broad, dans Le Monde 2, du 2 février. Le fondateur du Kaufman & Broad (immobilier) est l'un des plus grands collectionneurs d'art. Il confie sans ambages "nous voulons que nos investissements obtiennent des résultats tangibles". Et d'ajouter "dans l'éducation, nous voulons améliorer le niveau des études, dans les arts nous voulons former un public plus large". Tout est dit pour ce philanthrope américain, piqué de peinture, sculpture, architecture. Sans marché, point d'art vivant.
    [...]

    Benoît Delmas, in Le nouvel Economiste n°1418, le 7 février 2008

    La Convention municipale du Modem

    Dimanche, j'ai assisté à la convention municipale du Modem à la maison de la Chimie. Je n'ai aucune expérience de ce genre de rassemblement et donc aucun élément de comparaison, mais j'ai été étonnée que l'ambiance soit aussi chaleureuse, idéaliste, parmi des gens heureux d'être là. Pas de mépris, de regard hautain, de la part de notabilités installées depuis longtemps, en train de discuter de budgets à obtenir auprès d'amis bien placés, mais des échanges d'expériences et d'idées : «Et vous, vous faites comment pour...?». Mon cynisme me fait me demander combien de temps cela va durer, mais comme cela semble être l'inquiétude d'un certain nombre de participants, on peut supposer que cela durera un peu plus longtemps qu'ailleurs.

    Mes enfants sont unanimement d'accord pour trouver cet orange ridicule, mais c'est très gai, cet orange. Une écharpe en polaire orange à deux euros, cela ne se refuse pas.

    Après avoir nommé toutes les têtes de liste présentes dans la salle, ce qui était un peu fastidieux mais joyeusement géographique, François Bayrou a appelé à la tribune une vingtaine de candidats. Il était à la fois émouvant et encourageant de constater souvent l'inexpérience et l'enthousiasme des nouveaux venus, "les adhérents de mai", comme les a appelés un intervenant. Je pensais aux origines de la République, je me disais que cela devait ressembler à cela, chaque fois que dans l'histoire des gens se sont réunis pour essayer de changer les choses, le cœur plein d'utopie, ne sachant pas trop par quoi commencer mais retroussant leurs manches pour se frotter au terrain et à la réalité.

    Trois points à propos des interventions des candidats:

    Une opposition impensable
    Un nombre étonnant de candidats a raconté la même expérience. Se présentant dans des villes tenues par le même maire ou la même tendance politique depuis des dizaines d'années, ils rencontrent la même surprise et la même incompréhension de la part des équipes en place: «Comment osez-vous?» est la phrase qui revient. Ces maires ont l'habitude de ne pas être contestés et le prennent comme une attaque personnelle, et non comme le jeu naturel de la démocratie, qui prévoit la possibilité de donner le choix aux électeurs.
    C'est une constatation vraiment étonnante: nombre de maires ne conçoivent pas qu'on puisse s'opposer à eux. Je vais donner quelques noms et citer quelques interventions illustrant cet état de faits, dans l'ordre de montée à la tribune:

    • Michel Fanget, tête de liste à Clermont-Ferrand : il n'y a pas eu d'alternance dans cette ville depuis la dernière guerre.
    • Clotilde Ripoull à Perpignan : La même famille tient la ville depuis cinquante ans. La presse locale est manipulée/manipulatrice. Les sondages intervenus trop tôt ont été défavorables mais ce qui prouve que la liste MoDem inquiète, c'est que la gauche comme la droite lui ont fait des propositions de liste commune.
    • Mireille Alphonse à Montreuil : le même parti est au pouvoir depuis 1935 et le même maire depuis 1984. (Mireille Alphonse a fait rire toute la salle en ajoutant :«Et ce maire a intitulé sa liste: "Montreuil en plein élan".») Ce maire se targue d'avoir été élu avec 100% des voix en 2007 suite à un accord de désistement avec les socialistes: il n'y avait plus d'opposition. C'est un score de république bananière. (Avouons-le, j'ai adoré l'intervention de cette dame, son émotion, sa voix qui s'affermissait peu à peu, son humour, son punch, son idéal. J'aimerais beaucoup pouvoir revoir son intervention, qu'elle soit déposée sur Youtube ou Daylymotion).
    • Marie Darves-Bornoz à Bagneux : la ville est communiste depuis soixante-treize ans. Les élections se jouent traditionnellement entre gauche et droite extrêmes.
    • Christophe Ginisti à Issy-les-Moulineaux : le maire sortant, voulant faire de l'humour, lui a demandé: «Que venez-vous faire sur mes terres?» Le maire sortant se présente comme un centriste "historique" («préhistorique», a ajouté perfidement Ginisti), mais il n'est pas démocrate: il n'existe pas de salle municipale disponible pour tenir des réunions politiques. Deux salles sont disponibles à la maison des Associations pour cent associations répertoriées.
    • Caroline Ollivro à Rennes : le maire est le même depuis 31 ans. A Rennes les médias jouent le jeu, et les débats hebdomadaires dans la presse ou au niveau national ont lieu entre les trois familles politiques: gauche, droite, centre.

    Un accueil chaleureux
    Je ne sais plus lequel des intervenants a eu ces mots: «Nous vivons une campagne heureuse.» Tous les candidats ont raconté à peu près la même chose : la gentillesse de l'accueil sur le terrain (marchés, etc), l'intérêt de la population, son écoute. La liste MoDem est une liste qui "ouvre l'esprit", dans le sens où elle laisse entrevoir qu'il est possible de bousculer l'ordre établi et le fatalisme du «ça ne changera jamais». La population ne présente aucune agressivité à l'égard du MoDem mais une grande curiosité. Dans certaines villes où il n'y a pas eu d'alternance depuis longtemps, il devient un recours, l'instance qui permet de s'exprimer, de dire ce qu'on a sur le cœur.

    Des convictions simples
    Les listes MoDem ont en commun d'être variées, en âge, en origine politique, en origine géographique. C'est une sorte d'appel aux hommes de bonne volonté. (Ceci est purement subjectif: c'est ainsi que je le ressens. J'ajouterais bien, mon pessimisme reprenant le dessus: «Pouvou que ça doure». Mais il faut bien prendre le risque d'être optimiste de temps en temps.)
    Le credo et leitmotiv de leur programmes est "rendre la vie (quotidienne) plus facile aux gens" (transport, crèches, logement, urbanisme), et c'est l'enracinement de cette conviction qui fait que les élections municipales dans l'esprit MoDem sont forcément un enjeu local.
    Les listes présentent une forte croyance en la démocratie locale (elles proposent souvent le referendum d'initiative populaire).



    J'ajoute en PS les intervenants que je n'ai pas cités:

    • Gilles Artigues à Saint-Etienne
    • Olivier Henno à Saint-André
    • Eric Chevee à Chartes
    • Jean Luc Forget à Toulouse
    • Jean-Marie Vanlerenberghe à Arras
    • Olivier Gacquerre à Béthune. (Le maire sortant, c'est Jacques Mellick.[1])
    • Grégory Suslamarre à Boulogne/Mer
    • Eric Lafond à Lyon
    • Benoît Blineau à Nantes
    • Chantal Cutajar à Strasbourg
    • Corinne Lepage dans le 12e arrondissement à Paris
    • Jean-Luc Benhamias à Marseille
    • Marielle de Sarnez à Paris
    • Jean-François Mortelette à Blois
    • Yanick Leflot-Savain à Amiens
    • François-Xavier de Peretti à Aix-en-Provence


    Intervention de François Bayrou

    La matinée s'est terminé par un discours de François Bayrou.
    Je n'ai pas l'impression que la télévision a repris les analyses et les phrases qui m'ont fait sourire. Grâce à la retranscription en ligne, je fais un copier/coller:

    • le choix entre les deux tours de l'élection (avec le beau refrain rhétorique «je n'aurais pas imaginé»):

    J'ai vécu intensément, on va le dire comme cela, parfois douloureusement, la période qui nous a séparés de l'élection présidentielle et, si je puis vous en faire la confidence aujourd'hui, dans ma vie d'homme, personnel, dans ma vie politique, je n'ai jamais connu de moment plus difficile que l'entre-deux tour de l'élection présidentielle de 2007.
    J'avais évidemment avec le programme de Ségolène Royal de graves et profondes contradictions, notamment en matière économique, en matière de rôle de l'État, sur le SMIC, sur les 35 heures. J'ai appris d'ailleurs par la suite que si j'étais en désaccord avec son programme, elle ne l'était pas moins ! Mais cette contradiction ajoutée à l'état du parti socialiste, à l'inspiration du parti socialiste rendait évidemment, pour moi, impossible tout rapprochement, même si j'ai accepté un débat avec elle et même si, sur certains sujets en matière d'institution, il y avait évidemment des points de rencontre.
    D'autre part, il apparaissait aux yeux de tous y compris aux miens, depuis longtemps, que ce deuxième tour était joué à l'avance. Tous les sondages, toutes les enquêtes, et la seule observation du face à face entre les 2 candidats suffisait à donner cette certitude.
    En désaccord avec le programme de la candidate socialiste, considérant la victoire assurée de Nicolas Sarkozy, voyant la plupart des élus présents dans nos rangs à l'époque se précipiter pour monter dans le train du vainqueur, tout le confort, la prudence, le zèle de mes amis, le mouvement naturel des choses politiques, tout me conduisait, sinon au soutien, du moins au silence, dont nul ne m'aurait fait grief et dont beaucoup se seraient féliciter.
    Mais je savais, avec une certitude intérieure qui ne s'est jamais démentie, pour l'avoir beaucoup observé depuis des années, que, tant du point de vue des choix politiques que de sa conception du pouvoir et simplement de la vie, Nicolas Sarkozy bien loin de résoudre les problèmes qui se posaient au pays allait se trouver en contradiction avec les attentes de la France et les exigences de l'heure.
    Je n'avais avec lui aucune incompatibilité d'humeur contrairement à ce que l'on a écrit, mais je voyais la France, ses attentes, ses besoins, ses espoirs, et je le voyais lui, ses soutiens, ses méthodes, ses fascinations et je me disais : cela ne pourra pas aller.
    C'est au terme de ce débat de conscience que j'ai conclu que mon devoir était de dire à mon pays, d'une manière ou d'une autre, à mes compatriotes qui venaient de me manifester une aussi large confiance, le fond de ce que je pensais. J'ai ainsi prononcé la phrase que l'on m'a tellement et si souvent reprochée dans nos rangs, par tant d'experts et par tant de sages, j'ai dit : Je ne voterai pas Nicolas Sarkozy.
    Pendant ce long débat de conscience, je n'ignorais rien de la tâche qui, dès lors, s'imposerait à nous et du chemin de solitude dans le monde parlementaire qu'il nous faudrait suivre un moment, mais je voulais que cela fut dit, à ce moment, en notre nom, au nom d'une partie du peuple français, une fois pour toutes même si je devais être seul à le dire. (Applaudissements...)
    Il y avait une part des événements que nous avons vécus que j'imaginais très bien. Je savais parfaitement que les promesses faites étaient purement, simplement, strictement impossibles à honorer. Elles étaient, et ce n'est pas peu dire, plus impossibles encore à respecter que ne l'avait été aucun des trains de promesses fait par aucun des prédécesseurs de Nicolas Sarkozy à la présidence et, Dieu sait, pourtant, qu'il y en a eu pour n'être pas avare de promesses ! Mais celles-là étaient strictement impossibles à respecter étant donné leur accumulation, leur somme et l'état du pays.
    Cela, c'était la partie attendue de l'évolution des choses sur laquelle aujourd'hui les yeux s'ouvrent sans qu'il puisse y avoir en rien la moindre hésitation d'interprétation de la part des citoyens.
    J'étais pour le reste profondément inquiet, mais je dois dire que mon inquiétude n'allait pas jusqu'à imaginer que les choses iraient aussi vite. Je n'aurais pas imaginé la nuit du Fouget's. Je n'aurais pas imaginé l'utilisation perpétuelle de la vie privée, le goût affiché pour le showbiz, le luxe, le train de vie à grandes guides. Tout cela qui est, selon moi, en contradiction directe avec la France, en tout cas, avec ce que je crois être l'esprit, la tradition et l'âme de la France.
    Je n'aurais pas imaginé tant d'incertitudes et de contradictions sur la politique suivie, les dépenses pour une clientèle électorale quand il aurait fallu économiser, l'intervention continue sur tous les faits divers et, chaque fois qu'il y a un fait divers, l'annonce d'une loi alors que la loi précédente n'est pas encore appliquée, les pas en avant et les pas en arrière, les commissions de toute nature, auxquelles on assure, à toutes sans exception, qu'on suivra à la lettre toutes leurs recommandations et qui sont toutes démenties, desquelles ont le dos tourné, les annonces retentissantes de plans multiples et variés, les Grenelles de toute nature, le brouillage de toutes les pistes sous les yeux effarés, je ne sais pas si vous les avez vus pendant le Plan banlieue, j'ai regardé Nicolas Sarkozy et ceux qui l'entouraient, les ministres à la tribune, les yeux effarés des membres de ce qu'il est encore convenu d'appeler le gouvernement en attente du seul événement qui compte, le remaniement annoncé qui aura lieu après les élections municipales.
    Je n'aurais pas imaginé que l'on aurait en même temps la mise en cause des piliers de notre pays et de notre République, la liberté, l'indépendance de la presse, d'un côté, et la laïcité, de l'autre.
    Je n'aurais pas imaginé la cour, dans l'acception la plus monarchique et ancien régime de ce terme, la cour avec ces pompes et ses ors, le perpétuel concours de servilité, l'exposition publique des conseillers qui s'expriment comme s'ils étaient membres du gouvernement, élus de la majorité et l'exposition publique des conseillers, les grâces et les disgrâces des favoris -il paraît qu'il y en a une qui est en cours- et, au bout du compte, la vanité, la vacuité de tout cela qui n'est pas autre chose que du sable qui file entre les doigts de sorte que la question qui se posera nécessairement quand on fera le bilan très vite est une question qui n'est ni de gauche ni de droite ni du centre ni une question de majorité ni une question d'opposition. Ce n'est même plus une question de projet de société, c'est une question nationale : qu'en est-il dans tout cela de l'image de la France et de la réalité de la société de notre pays ?

    Je n'arrive pas à retrouver la petite phrase assassine concernant les maires UMP qui tentent désespérément de se démarquer de Sarkozy. Tant pis, elle a sans doute été prononcée à un autre moment.

    Bien entendu, ce que j'ai copié est anecdotique, dans le sens où cela ne fait que synthétiser une analyse que tout le monde peut faire aujourd'hui (ce qui est intéressant à la rigueur, c'est que l'analyse date de mai dernier).
    Le plus important est sans doute cet appel à faire de la politique (des choix et de la gestion) ensemble. L'opposition doit être associée aux choix municipaux, c'est une idée qui est revenue dans le programme de plusieurs candidats. C'est à nouveau un appel aux hommes de bonne volonté (aux hommes "compétents", dit Bayrou, moins utopiste).
    In petto, je me demande si cette idée est compatible avec une vraie démocratie: est-ce qu'elle ne consiste pas peu ou prou à annihiler toute opposition? Mais bast, nous sommes aujourd'hui si loin de ce gouvernement du bon sens et de la bonne volonté qu'il faut sans doute commencer par le mettre en place avant de prendre la mesure de ses défauts pour chercher à les corriger.

    Il y a d'autre part l'idée qu'il faut changer les institutions, ce qui m'inquiète toujours beaucoup. D'un autre côté, le monde a beaucoup changé depuis 1958, les rapports à la hiérarchie et au pouvoir ne sont plus les mêmes, et internet (l'internet collaboratif) ne va qu'amplifier ce mouvement dans les générations futures: des institutions dessinées aussi clairement pour soutenir le pouvoir d'un seul homme sont sans doute à revoir, au moins pour permettre un meilleur choix de cet homme (car le moins que l'on puisse dire, c'est que de ce point de vue-là, cela fait des années que le système ne donne plus satisfaction).


    Notes

    [1] Je n'en finis pas de m'étonner qu'une ville ait pu élire un menteur officiel, un fraudeur. Vous apprécierez ici la phrase «Signe des temps, l'ancien ministre socialiste a délaissé son bolide d'antan pour une vieille Peugeot dans laquelle il arpente les quartiers populaires.»

    jeudi 7

    Arrivée en retard au cours d'histoire de l'art. Il n'y avait personne dans la salle habituelle, montée jusqu'aux salles des terminales. Magnifique coucher de soleil sur les toits gris et inégaux. Pas trouvé le cours, peut-être était-il supprimé suite à la visite de la Cité de l'architecture la semaine dernière ?
    Pas cherché, à pied jusqu'à la bibliothèque Buffon, (pas de vélo), la plante des pieds brûlées par le nylon.

    Le Journal de Gide dans la Pléiade de 1951 commence par ces mots : «Avec Pierre.»
    Les notations de mai 1921 à propos de Proust ressemblent à celles de Proust à propos de la maladie de tante Léonie: malade véritable ou malade se mettant en scène ? Malade véritable, décide Gide. Je pense à cette phrase de Proust que j'aime tant à propos de sa tante: elle avait fini par mourir, donnant à la fois raison à ceux qui disaient que son régime finirait par la tuer et à ceux qui disaient qu'on avait tort de se moquer, qu'elle était réellement gravement malade. Et la notation de Gide: "je cite comme Proust, de mémoire" (que moi-même je cite comme Proust, de mémoire).

    Feuilleté Against Dryness repris en français dans L'attention romanesque (ce mot d'"attention" semble venir de Simone Weill: l'attention lui paraissait plus importante que la volonté.) Un peu surprise, ne ressemble pas à ce que j'attendais après avoir écouté Compagnon. Plaidoyer pour des personnages crédibles. (C'est drôle, je retrouve ici la remarque de Walser). Intéressante différence entre les "images" et les personnages. Seul Shakespeare aurait réussi à créer les deux à un même niveau. Iris Murdoch résolument contre le classissisme (qu'étrangement elle appelle romantisme) : contre le concept, l'épure, la stylisation, pour le foisonnement.

    Emprunté Charles Taylor (L'Identité de soi). C'est gros. Dans un siège devant les guichets d'emprunt dormait un homme très laid sentant le chochard. L'odeur de crasse chaude me fait éternuer. Pensée reconnaissante envers les bibliothécaires qui le laissent dormir au chaud, et interrogation: comment font-elles pour supporter l'odeur ?

    Rentrée à pied gare de Lyon. Trop chargée pour pouvoir lire en marchant.

    Le soir, feuilleté les deux Thibaudet que je possède à la recherche de l'éléphant. Pas trouvé.

    Lors d'une présentation du "buzz marketing"

    La ménagère de moins de 50 ans n'est plus l'étalon du consommateur.

    (Personne n'a même souri.)

    Etourdi

    Aujourd'hui j'ai eu droit à une variante de la dangereuse phrase : « Comme tu es jolie aujourd'hui ». Passée le premier moment d'incrédulité, c'était plutôt amusant.

    Repas de famille

    Ma grand-mère (à ma tante) : — J'ai comme tout mal au dos avec le matelas que tu m'as donné.
    Ma tante :— Que tu as récupéré sur le trottoir, oui. Moi, j'étais en train de le jeter.
    Ma grand-mère, se tournant vers nous pour nous expliquer :— Mais il était comme tout propre, c'était dommage de le jeter. Alors je l'ai pris et je l'ai ajouté sur mon lit.
    H., incrédule, moralisant et cachant son envie de rire : — C'est important de bien dormir. A quatre-vingt-dix ans, vous avez peut-être gagné le droit à un matelas neuf !
    Ma tante : — Mais elle en a un! Elle l'a mis ici (dit-elle en désignant un lit déguisé en canapé dans le salon).
    Moi, ayant peur de comprendre : — Tu dors sur un matelas destiné à la poubelle et tu as mis le neuf dans le salon où personne ne dort ?

    Etc.

    Parfois je flippe

    Ne cliquez pas si vous avez beaucoup d'imagination. (Aux autres, je recommande de cliquer sur le bouton "Now").

    La correspondance de Chateaubriand

    Arrêté du 28 janvier 2008 portant création d'une commission nationale pour la publication de la correspondance de François-René de Chateaubriand et portant nomination de ses membres

    NOR : MCCD0801547A
    La ministre de la culture et de la communication,
    Vu la loi no 46-2196 du 11 octobre 1946 modifiée créant un Centre national du livre ;
    Vu le décret no 93-397 du 19 mars 1993 relatif au Centre national du livre, modifié par le décret no 96-421 du 13 mai 1996,

    Arrête :

    Art. 1er. - Il est créé, pour une durée de trois ans, une commission nationale pour la publication de la correspondance de François-René de Chateaubriand. Cette commission a pour mission de veiller à l?établissement des textes et de favoriser la publication de l'ensemble de la correspondance de François-René de Chateaubriand.
    La commission approuve un plan de publication. Elle désigne les personnes chargées, sous son contrôle, de la préparation de chacun des volumes à paraître. Elle formule toutes observations et conseils scientifiques utiles.

    Art. 2. - M. Marc Fumaroli, de l'Académie française, est nommé président de la commission nationale pour la publication de la correspondance de François-René de Chateaubriand.

    Art. 3. - Le président du Centre national du livre est membre de droit de la commission. Il peut se faire représenter par le secrétaire général de l'établissement.

    Art. 4. - Sont nommés membres :
    - Jean-Claude Berchet, professeur émérite à Paris-III ;
    - Guy Berger, professeur émérite à Paris-VIII ;
    - Jean-Claude Bonnet, directeur de recherches au CNRS ;
    - Jean-Paul Clément, directeur de la maison Chateaubriand ;
    - Agnès Kettler, chercheuse au CNRS ;
    - Georges Liebert, responsable éditorial aux éditions Gallimard ;
    - Arlette Michel, professeure émérite à Paris-IV.

    Art. 5. - Le secrétariat de la commission est assuré par le Centre national du livre.

    Art. 6. - Le présent arrêté entre en vigueur le 1er février 2008.

    Art. 7. - Le directeur du livre et de la lecture est chargé de l?exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

    Fait à Paris, le 28 janvier 2008.
    CHRISTINE ALBANEL

    Grosse tête

    C'est bizarre d'avoir mal à la tête. Je pense à ces cervelles d'agneau frites qu'on mangeait quand j'étais enfant, des masses douceâtres et molles, et je ne comprends pas comment "ça" peut faire mal. Avoir mal à la tête m'intrigue et m'agace.

    L'adolescent de l'Elysée

    Dans un article plus drôle que méchant, Jean-Louis Bourlanges assène des petites phrases dont la teneur en vérité reste à évaluer.
    […] On s'étonne que le général en chef vive en sous-lieutenant.
    La Love story élyséenne a ceci de redoutable qu'elle figure au plan intime une double tendance à la fragmentation et à la discontinuité qui envahit l'action publique.
    […] Le désordre commence, disait Bergson, quand je range mes livres par ordre alphabétique et que ma femme de ménage les range par ordre de taille. Nous y sommes !

    Jean-Louis Bourlanges, L'Expansion, numéro 727, février 2008

    En terrase fin janvier

    Neuf et demi du matin, en terrasse à l'angle de la rue Tronchet et la rue Chauvau-Lagarde, un homme d'une cinquantaine d'années, un peu rond et un peu chauve, et sa femme sont assis en face d'un jeune homme d'une vingtaine d'années en manteau bleu marine, aux cheveux roux en bataille.

    — On s'assoit ici. C'est pas possible, le lardon vient à peine d'arriver qu'il commence déjà à nous faire chier !

    Je me suis retournée pour regarder l'homme qui venait de prononcer ces mots, nous avons échangé un long regard.

    Certains sont plus avantagés que d'autres

    — Mon bras gauche nage mieux que mon bras droit parce qu'il pense moins.
    — Conclusion: pour bien nager il vaut mieux être con.




    —————————
    Dix ans plus tard, j'explicite le contexte : afin de l'encourager, j'accompagne ma fille à des cours particuliers de natation (pour redresser son dos). J'apprends le crawl.

    Retour aux fondamentaux

    La Bible illustrée.

    Je recommande la lecture de Sur le pardon. (Prenez la peine de faire défiler les images en cliquant sur la flèche en haut à droite (recommandation pour les trop pressés et les internautes débutants).

    Sacré Patrick

    Je feuillette Le Point avant tout pour la chronique de Patrick Besson. Cette semaine, il propose «24 conseils au président de la République en vue de ses noces avec Mademoiselle Bruni».

    En voici quelques-uns :
    4/ Eloigner votre fils aîné de votre nouveau couple.
    5/ A la réflexion, le cadet aussi.

    9/ En cas d'échec à la prochaine élection présidentielle, vous attendre à redevenir célibataire.

    13/ En cas de chute de votre popularité, ne pas renoncer à votre voyage de noces sur le yatch ou dans la propriété d'un multimilliardaire français ou étranger: on n'a qu'une vie.
    14/ Ne pas avoir peur d'inviter Christian Clavier à vos dîners de couples, Carla a le rire facile, comme beaucoup de grande séductrices qui ont compris que les hommes se croient drôles.
    etc…

    Patrick Besson, Le Point, 17 janvier 2008
    J'aime bien Carla Bruni. Elle est suffisamment jolie, suffisamment silencieuse, suffisamment riche et assume suffisamment tranquillement son passé (et sans doute futur) de croqueuse d'hommes qu'aucun journaliste n'ose se moquer d'elle: elle laisse peu de prises (et certains doivent espérer avoir leur chance; après tout, Jean-Paul Enthoven faisait partie de la corporation).

    Continue, ma belle.

    Je tiens à proclamer que je trouve la couverture de Closer de cette semaine absolument indigne.




    -----------------------
    Dix ans plus tard, j'explicite : Closer montrait d'une part Cécilia Sarkozy non photoshopée, en maillot de bain avec cellulite, d'autre part Carla Bruni sous son aspect de mannequin.

    Psy

    Me voilà à rencontrer un psychologue analytique (enfin je crois, pas sûr d'avoir compris) et à l'écouter parler de ses expériences californiennes dans les années 70. Je retrouve les livres que je lisais à seize ans, à partir d'un livre à la mode à cette époque-là, Le corps a ses raisons de Thérèse Bertherat, qui a fait découvrir au grand public la méthode Mézières. Je suis contente d'avoir rencontré quelqu'un qui a fait l'expérience du rebirth et qui me dit que "ça marche", on revit effectivement sa naissance:
    — Quand je suis rentré en France, je suis allé voir ma mère et je lui ai demandé: «Pourquoi tu ne m'as jamais dit que j'étais né aux fers ? » Elle s'est retournée comme si je l'avais mordue: «Qui te l'a dit ? ». C'était une confirmation suffisante.

    Il paraît que je ne parle pas assez et que j'ai une fausse image de moi. Je confirme: j'ai l'impression de parler beaucoup trop.




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    J'explicite dix ans plus tard : M.B. m'a fait passé des tests. Il s'agissait de m'aider à changer de poste ou de métier. Non seulement il ne m'a pas aidé, mais il a dit à H. quelque chose du genre : « il y a trop de travail (à faire sur moi), je n'ai pas le courage ».
    Des années après, je trouve cela scandaleux. On ne dit pas cela à propos de quelqu'un qu'on était censé aidé.

    Formatage des journalistes: en 2003, déjà...

    Toujours durant mes désormais traditionnels classements du week-end, je retrouve une double page du Monde diplomatique consacré en février 2003 au Centre de Formation du Journalisme (CFJ).

    Extrait du chapeau:
    «Issue de la Résistance et porteuse, hier encore, de la conception rigoureuse et de l'éthique chères à Hubert Beuve-Méry, fondateur du «Monde», l'école de la rue du Louvre a subi une mue caractéristique. Avec l'argent-roi, le conformisme a pris le pouvoir. Ses diplômés n'ont plus besoin d'«aller aux ordres» pour servir les puissants: pour beaucoup d'entre eux, tout est déjà dans l'ordre… »
    […] Mais, depuis [les années 50], le journalisme est devenu moins souvent citoyen que lucratif. Des pans entiers du champ intellectuel ont basculé dans la conquête de l'Audimat et la quête du profit, et c'est de se renversement idéologique que témoigne clairement l'orientation du Centre, tant par sa pédagogie que par son vide intellectuel ou son discours libéral.
    « Un flash, c'est six, sept brèves, tac, tac, tac. Jamais une qui dépasse les quarante secondes. » Dans l'enseignement prédominent la mise en forme et la mise au format, avec des prescriptions qui se suivent et se ressemblent: «Autant que possible, évitez les subordonnées, les phrases supérieures à quatorze mots. » « 2mn15 pour un reportage, c'est énorme en télé, c'est énorme… Y a un problème de temps. » « Un sonore de plus de 15 secondes, posez-vous la question. » La question du sens, elle, ne se pose pas. Lorsqu'elle surgit, c'est le fait d'un élève, et l'enseignant l'enterre aussitôt: « Mais, en une minute, on a le temps de rien dire ! — Eh oui, s'amuse l'encadrant (rédacteur en chef adjoint de LCI). Bienvenue dans le monde de la télé ! »

    […] Les élèves ne parcourent même plus les essais qu'ils critiquent. Ainsi de Benoît, pour un ouvrage sur la guerre d'Algérie. « Poursuis ton papier sur le livre de Jacques Duquesne, lui conseille une intervenante de France-Culture. — Mais je ne l'ai pas ouvert ! — Pas la peine. Il faut faire vite. Lis juste une critique du Monde. » Une recommandation qu'elle renouvelle pour un film de Claude Lanzmann (non visionné) et une étude sur les «working poor». Nulle incompétence chez cette professionnelle: elle a incorporée le rythme de son métier, son appétit de productivité, et en a adopté les ruses. Car, loin de handicaper le journaliste, une méconnaissance des sujets constitue un atout: un savoir incongru risquerait de parasiter la synthèse; la complexité envahirait le chroniqueur, qui déborderait du format, dépasserait la minute, voire —extrême limite— les 1mn15…

    […] Au fil des années 1980 et 1990, cet économisme a progressivement imprégné toutes les formations au journalisme. Mais c'est plus flagrant encore au CFJ, qui est allé plus loin et plus vite dans son ajustement au marché. Un virage libéral, que des circonstances historiques expliquent.
    Traditionnellement, le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ) était gouverné paritairement, par une moitié de syndicalistes et par une autre de patrons. Au printemps 1998, il y eut un dépôt de bilan, suivi d'une privatisation de fait: RMC, La Vie du Rail, Bayard Presse, France 2, France 3, Le Nouvel Observateur, Hachette, etc., « sauvèrent » alors le CFPJ. Déjà, les employeurs contrôlaient largement la structure. Via la taxe d'apprentissage, qu'ils choisissaient de verser — ou non — à l'école. Via le recrutement dans leur équipe de nouveaux diplômés, surtout. Désormais, ils décideront directement, puisque TF1, Havas, l'agence Capa, Le Monde, Midi libre, France 3 entrent au conseil d'administration et placent Pierre Lescure (alors PDG de Canal+) à sa tête.
    Dans la trajectoire du Centre, cette faillite a permis une rupture: les gardiens du temple ont été limogés et les archives supprimés. Si bien que les traditions, et leurs dépositaires, ne sont plus là pour freiner l'ascension de l'argent-roi. Ce basculement se perçoit dans la pédagogie, avec un savoir-faire technique qui éclipse le savoir humaniste; dans le lieu, avec une bibliothèque rayée des murs; avec une hausse vertigineuse des frais d'inscription, multiplié par 2,3 en cinq ans. […]

    « Mais c'est terrible! se rebiffe un élève. Dans cette école on ne s'épanouit pas du tout. » Le responsable de la première année réplique, amusé: « Mais heureusement! Vous n'êtes pas là pour vous épanouir. Ce serait un très mauvais service à vous rendre que de vous épanouir. Parce qu'après, quand vous travaillerez dans les boîtes, il faudra bien vous résigner, après. » Que les jeunes entrent dans les rédaction déjà vaincus, c'est un louable progrès. Voilà qui leur épargne de futures désillusions et qui évite à leurs employeurs des conflits, des mutineries, des bouffées d'utopie. Les voilà prêts pour une éternité de publi-reportages, eux qui ont renoncé d'avance. Les voilà mûrs pour des « unes » sur le sexe en été, le salaire des cadres, le marché de l'immobilier, le palmarès des meilleurs lycées, le classement des grands vins français, eux qui, marchands de phrases cyniques, blaser avant leurs premiers pas, vivront du commerce des mots.

    François Ruffin

    Pelote

    Je commence des billets que j'écrase en écrivant par-dessus ou que je ne mets pas en ligne, à quoi bon ? Je les garde pour moi, seul inconvénient, ils ne sont pas indexés par Google. C'est pratique, Google, pour les aiguilles dans les bottes de foin.

    J'ai des courbatures, mal à la gorge, aux oreilles, au dos, les yeux qui pleurent. Pas de fièvre.

    J'ai un chef qui nous raconte pour la centième fois ses aventures de G.O. au club Med (moniteur de voile) dans les années 70. Nouveauté de la semaine : les souvenirs liés aux chansons de Carlos qui servaient de jingle pour signaler au bon peuple que le buffet était ouvert.

    J'ai réussi à caser "Bises et zou !" en réunion (de spécifications détaillées, pour ceux qui voudraient avoir une idée de l'ambiance).

    J'ai une chef qui me charge du compte-rendu de la réunion mais m'accable d'annexes en tout genre, pour le cas où "je serais perdue" (elle ne sait pas ce qu'elle risque, mais j'espère que les autres vont s'amuser, la minutie dans les notes prend des dimensions de révolte dans certaines situations (au moins la première version, je sais bien que tout cela finira poli et vernissé comme d'habitude)).

    J'ai deux pages à lire et à colorier (je vous jure que c'est vrai1) selon les critères j'aime/je n'aime pas, c'est vrai/c'est faux (j'ai volé un stabylo bleu au bureau, il me manquait une couleur).

    J'ai encore des cartes de vœux à écrire — à la famille, les dernières, je devrais y arriver en regardant Columbo. Finalement je ne vais pas détruire ce que j'avais copié hier. Je vais le mettre en ligne après minuit, ça fera le billet de demain. Demain sera long et sans doute pas très amusant.


    Note
    1 : ajout en janvier 2018 : le père d'un ami me faisait passer un test de personnalité pour m'aider à changer de boulot.

    La loi des séries, fin.

    Plutôt grognon, comme à chaque fois que je suis obligée de suivre le mouvement plutôt que d'être libre de m'organiser comme il me plaît. Pas une humeur pour bloguer, ça.

    Je viens d'annuler trois engagements à la dernière minute pour cause de force majeure: hier, ce soir, et un le 31 (pas encore annulé, mais j'ai découvert ce soir qu'il faudrait l'annuler demain (zut alors, j'avais trouvé un moyen de voir les salons de l'hôtel Meurice)). Je déteste ça.
    Mais bon, trois, je tiens le bon bout. Trois, c'est la fin de la mouise, tout devrait redevenir normal.

    Le billet qui m'a fait rire de bon cœur aujourd'hui.


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    Dix ans plus tard (2018), le blog de Franck n'est plus en ligne. Je mets une copie du billet ci-dessous.

    La première fois que j'ai la tête dans le cul chez le coiffeur

    J'espère que vous n'avez pas lu le titre trop rapidement : j'ai bien écrit "chez le coiffeur" et non "du coiffeur".
    Ces précautions prises, je peux vous narrer mon anecdote, révélatrice des étincelles que peut provoquer ma vivacité d'esprit lorsque je manque de sommeil.
    Vous aurez remarqué que ce n'est pas la première fois que je vous raconte l'une de mes aventures palpitantes chez le coiffeur. Souvenez-vous de l'haleine délicieusement mentholée de ma crinière ou de ma rencontre avec une actrice de Plus belle la vie.
    Aujourd'hui, c'est justement le coiffeur de l'actrice en question qui m'a coupé les cheveux, le titulaire habituel de la charge - le détenteur privilégié de la fonction, devrais-je plutôt dire -, n'ayant plus de case pour moi dans son agenda.
    Mon coiffeur du jour est très bavard - du moins pose-t-il beaucoup de questions, sur lesquelles je rebondis, autant par politesse que pour éviter d'avoir à parler, par de recurrents "et toi ?".

    Ainsi :
    "- Alors les fêtes ça s'est bien passé ? tu as fait quoi ?"
    "- Bah j'ai fait ça en famille sur Paris, ET TOI ?"

    Ou encore :
    "- Tu habites dans le quartier ?"
    "- Oui, dans la rue, même, ET TOI ?"

    Et même :
    "- Et ton copain, il fait quoi dans la vie ?"
    " - (...) [j'ai donné la bonne réponse mais je maintiens la confidentialité ici], ET TOI ?"

    Et puis, tête dans le cul, oblige, ça a fini par donner ça :
    "- Et tu fais quoi dans la vie au fait ?"
    " - (...), ET TOI ?"
    "- Ben moi je suis coiffeur"
    (putain, quel con je fais parfois…)

    Omar Ben Laden veut un visa pour Londres

    Je copie ici cet article de Stéphane Kovacs pour conserver une trace de la béance qu'il provoque. Car que penser? cet homme n'est pas responsable des actes de son père, et pourtant, comment ne pas souhaiter instinctivement le tenir à distance? C'est le moment où la loi doit contenir les pulsions.
    Le quatrième fils d'Oussama rêve de s'installer dans le Cheshire.
    Un visa de résident pour Mr Ben Laden ? Les fonctionnaires de l'ambassade britannique au Caire ont tiqué. Avant de devenir gentleman-farmer dans le Cheshire, de troquer son blouson de cuir pour une veste en tweed et de trouver une Britannique qui veuille bien porter son enfant, Omar Ben Laden, le quatrième fils de l'homme le plus recherché du monde, va devoir s'armer de patience…

    En septembre 2006, en vacances en Égypte, Omar Ben Laden, 26 ans, rencontre la Britannique Jane Felix-Browne, 52 ans, déjà cinq fois divorcée, cinq fois grand-mère. Il est ferrailleur à Djedda, en Arabie saoudite, elle est décoratrice d'intérieur à Moulton, dans le Cheshire (au centre du Royaume-Uni). «Spécialisée, précise-t-elle, dans les cabines d'avion…» Coup de foudre devant les pyramides de Gizeh et mariage au Caire, en avril dernier. Jane devient Zaina Al Sabah Ben Laden, et Omar divorce de sa première épouse, mère de son fils de 2 ans.


    «Je veux voir le monde»

    Mais les jeunes mariés ont beaucoup de mal à voyager. «Avec son nom, mon mari a souvent des problèmes dans les aéroports…» note ingénument Zaina. Avec son père, le jeune homme n'aurait pourtant «en commun que le nom, poursuit-elle. Son cœur est pur, il est pieux : un vrai gentleman».

    Omar affirme ne plus avoir de contact avec Oussama Ben Laden depuis l'an 2000. Il l'aurait vu pour la dernière fois en Afghanistan, où il effectuait, à 19 ans, un stage dans un camp d'entraînement d'al-Qaida. Un stage qui l'aurait d'ailleurs dégoûté des armes et de la violence : «Je ne veux pas combattre et mourir ­jeune, a-t-il expliqué à sa femme. Je veux voir le monde.»

    À commencer par le Che­shire, où sa dulcinée possède une magnifique maison. Le couple souhaite aussi avoir recours à une mère porteuse pour avoir un enfant ensemble. Mr et Mrs Ben Laden affirment avoir reçu l'assurance que la demande de visa, effectuée en novembre, aura le feu vert dès que l'ambassade britannique aura reçu les documents saoudiens du divorce, prouvant qu'Omar n'est plus marié qu'à Zaina.

    À Moulton, les Ben Laden promettent qu'ils continueront à vivre en « militants pacifistes». «Quand on est ensemble, Omar oublie le monde et tous ses soucis», proclame amoureusement Zaina. Avant de s'inquiéter : «Pourvu que le climat lui plaise !»

    Appel aux hommes de bonne volonté

    J'ai rencontré deux fois en deux jours le mot "actionnable".

    PITIÉ, PAS ÇA.

    Une voix d'outre-tombe

    Ce soir m'attendait un CD avec la voix de ma grand-mère, enregistrée par mon cousin en 1998. Il l'avait enregistrée car il avait choisi de faire son projet de fin d'études autour d'elle, du récit de sa jeunesse.
    Ma grand-mère est morte en juillet 2001. Je ne sais pas si j'arriverai à écouter ce CD un jour. Et pourtant, nous l'avons tant réclamé à mon cousin, nous l'avons tant espéré, nous avions si peur qu'il perde ou efface la cassette contenant la précieuse voix.

    Nouvel an suite : les résolutions

    Traditionnellement, ce sont plutôt les horoscopes annuels que je lis en début d'année : je lis tous ceux qui me tombent sous la main; par-delà la langue de bois (quoi qu'il arrive tout va bien se passer) il s'en dégage normalement une impression : calme plat, tempête, morosité ou énergie.


    Cette année semble davantage placée sous le signe des résolutions que des horoscopes (qui deviennent vraiment trop bizarres: horoscope breton, horoscope des fées, horoscope de la cuisine… Comment voulez-vous faire une synthèse de trucs aussi kitsch? (Et ce n'est pas Matoo qui me fera mentir.))
    Vendredi matin, je tombe coup sur coup sur une publicité et un article sur le sujet.

    L'article est paru dans l'Express style, supplément de l'Express, du 3 janvier. Le chapeau annonce : «Elles sont à la nouvelle année ce que la dinde est à Noël. Les résolutions sont toujours bonnes à prendre, que l'on s'y tienne ou pas…»
    La publicité, c'est un petit dépliant (plié) orange de JPMorgan Asset Management collé — avec cette gomme qui se détache quand on la roule sur les doigts — dans l'Agefi hebdo du 10 janvier. Ce dépliant comporte douze "bons points" détachables selon des pointillés.
    Il s'intitule Recueil de bonnes résolutions à partager, sous-titré "Quelles que soient vos résolutions, JPMorgan Asset Management vous aide à garder le cap."

    Donc voilà, je partage :
    • Penser à ne pas trop penser au travail
    • Dormir plus de 8 heures par semaine
    • Poser des week-ends de plus de 2 jours
    • Arrêter de fumer plus d'une semaine
    • Arrêter les régimes
    • Ne plus prendre de bonnes résolutions
    • Changer de sonnerie de portable
    • Garder au moins 1 point sur mon permis
    • Suivre les conseils que je donne
    • Penser à envoyer mes vœux avant le 31 juillet
    • M'acheter des chaussures de sport
    • Me servir de mes chaussures de sport

    (Bon je sais, c'est affreusement bobo, mais c'est surtout que cela vienne de JP Morgan AM qui me fait rire, et que ce soit publié dans l'Agefi Actifs ou l'Agefi hebdo)).

    Et puis tout de même, « suivre les conseils que je donne », c'est une résolution qui a beaucoup de classe.


    PS: Finalement, j'ai trouvé deux dépliants. J'en donne un au premier qui le demande.

    Occupation bizarre

    Ce matin, à 6 heures et demi, j'étais à genoux devant le ficus du salon afin qu'on puisse prendre une photo de ma tête «avec du vert dans le fond».
    (J'étais à genoux pour me trouver devant les branches les plus fournies du ficus, afin qu'on ne voit pas le mur à travers elles).






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    Explication dix ans plus tard : il s'agissait de faire une photo pour la liste des élections municipales (dans le camp du Modem).

    Gestion du temps, toujours

    Drink coffee : do stupid things faster with more energy !

    2008_0109-Drink-Coffee-Poster.jpg

    Bonne année ! (les huit lois du temps)

    Je n'avais pas voulu vous infliger cela pendant les vacances. Il s'agit d'un article de Management de décembre 2007: les huit lois du temps qui vous rendront plus efficaces. Ce qui m'amuse, c'est que ces huit lois ont toutes des noms, et que l'article indique leur origine. C'est pour cela que je le copie ici: pour garder trace de ces noms.
    Non seulement je copie des extraits de l'article, mais je vous inflige mes commentaires. Voilà donc un post totalement management de l'entreprise et self-help (je devrais avoir honte, mais cela m'amuse plutôt. J'ai lu récemment tant de blogs qui traitent de ce genre de sujet.)

    Loi de Douglas : rangez votre bureau
    Selon la loi dite de Douglas (dont l'origine s'est perdue), «les dossiers et les documents s'entassent jusqu'à remplir tout l'espace disponible.»
    Vrai. Intérêt de ranger: réel. Libère l'esprit et fait gagner du temps.
    Explication d'une amie bretonne à propos d'un chef dont le bureau était vide quand il partait:
    — C'est un marin.
    — Quel est le rapport ?
    — Dans un bateau, tout ce qui n'est pas rangé tombe et roule.
    Parfois quand je contemple ma cuisine je me dis que je devrais faire un stage de voile.

    Loi de Carlson : limitez les interruptions
    Dans les années 1950, en Suède, le professeur Sune Carlson a chronométré l'activité de dizaines de managers. Résultat : ils étaient interrompus toutes les vingt minutes en moyenne. Il en a tiré la loi des «séquences homogènes», selon laquelle effectuer un travail en continu prend moins de temps que le faire en plusieurs fois, car il faut au moins trois minutes pour se concentrer de nouveau, ce qui engendre fatigue et sentiment d'inefficacité.
    Pas grand chose à dire. Je crois que la seule façon d'être tranquille, c'est soit d'avoir très mauvais caractère, soit de décaler ses horaires, et "travailler" (ici, réfléchir) avant que les autres n'arrivent, ou quand ils sont partis (quand il tombe une sorte de paix dans les bureaux, à l'heure où il ne reste que la femme de ménage).

    Loi de Murphy : gardez une marge pour l'imprévu
    L'ingénieur à l'US Air Force Edward Murphy a édicté cette loi en 1949 à la suite d'une expérience mesurant les effets de la décélération sur les pilotes. Or l'assistant chargé d'installer les capteurs d'effort sur les chimpanzés cobaye les avait montés à l'envers... D'où ce constat: «Une tâche prend toujours plus de temps qu'on ne l'imagine. Et ce qui peut mal tourner tournera mal.» C'est pourquoi elle porte aussi le doux surnom de «loi de l'emmerdement maximal».
    Je suis ravie et surprise d'apprendre qu'il y a une origine identifiée à cette loi.
    Loi du métro: c'est toujours la rame d'en face qui arrive quand vous attendez.
    Loi de Murphy appliquée: plus vous aurez tout prévu, plus il arrivera autre chose, mais mieux vous ferez face à cet imprévu imprévu (jamais compris pourquoi, mais ça marche comme ça).

    Loi de Pareto
    En 1906, l'économiste italien Vilfredo Pareto a formulé ce constat devenu célèbre : 20% de la population concentre 80% des revenus. Ses disciples se sont ensuite penchés sur l'entreprise et ont observés que 20% du travail effectué produisait 80% des résultats.
    La loi des 20/80 est applicable à un nombre impressionnant de cas.
    Cependant, je ne suis pas forcément d'accord avec ça, cela dépend comment on définit l'essentiel. La gestion des priorités ne se fait pas forcément par rapport à "l'essentiel" mais aussi par rapport à l'urgence. La grande mode est de dire que l'urgent ne doit pas empêcher de traiter l'essentiel. Je dirais plutôt qu'il faut se débrouiller pour traiter les tâches suffisamment tôt pour que le plus grand nombre ne devienne jamais urgent.
    L'un de mes premiers chefs avait pour objectif une journée d'avance dans toutes les tâches. Dans cette journée d'avance se glissait alors la loi de Murphy, comme si la perfection appelait la catastrophe (la vertu appelle le péché?) Avec le temps, je me dis qu'il s'agit plutôt d'un rapport à l' ubris : la satisfaction de soi attire la colère des dieux… enfin bon.

    Loi de l'Ecclésiaste : variez vos activités
    Traduction pour les managers du XXIe siècle: afin d'être efficace, changez d'activité au cours de la journée.
    Oui, bon. Celle-ci me paraît inutile tellement elle va de soi.

    Loi de Parkinson : fixez-vous des délais
    En 1958, le professeur Cyril Northcote Parkinson a tiré une théorie de son étude de l'administration britannique: «Un travail occupe tout le temps prévu pour sa réalisation». Ou, autrement formulé: «Tout travail tend à se dilater pour remplir le temps disponible.»
    C'est en fait la loi de Douglas appliquée au temps. La plus vraie et la plus dangereuse, celle qui explique que les gens les plus occupés sont ceux qui ont le temps de faire le plus de choses et que ceux qui n'ont rien à faire ne font rien…
    C'est ma loi préférée, la dérive qu'il faut maîtriser à tout prix.

    Loi de Laborit : faites le plus difficile en premier
    Le biologiste Henri Laborit, rendu célèbre par le film « Mon oncle d'Amérique » d'Alain Resnais, a consacré sa vie à l'étude du comportement humain. L'inventeur des neuroleptiques a notamment montré que l'homme est doté d'un «programme biologique de survie» qui lui fait fuir le stress et rechercher en priorité le plaisir. Cette loi a été vulgarisée sous l'appellation de «loi du moindre effort».
    Je ne suis pas tout à fait d'accord: ce n'est pas le plus difficile qui est source de stress, c'est le remord. Faire en premier ce qu'on a le plus de remord de ne pas avoir encore fait, afin de se libérer l'esprit. Et de façon générale, commencer. Le plus stressant, c'est de repousser à plus tard. Le moindre effort, c'est donc de s'y mettre (élémentaire, mon cher Watson).

    Loi d'Illich : accordez-vous des pauses
    Penseur autrichien décédé en 2002, Ivan Illitch était une figure de la contestation capitaliste. Il a formulé les effets pervers du progrès technique et a énoncé la loi des rendements décroissants au bureau: «Au-delà d'une certaine durée, on devient moins productif, voire contre-productif.»
    Bizarre destin pour un penseur anti-capitaliste que de devenir un gourou de la productivité en entreprise… (est-ce que j'ai bien compris?)
    Je pense que cette loi n'a rien à faire là, c'est une reformulation d'un condensé des lois de l'Ecclésiaste et de Pareto. Le journaliste devait souhaiter une huitième colonne pour sa mise en page.

    Le chantage

    Il était évident qu'un film avec Pierce Brosnan n'ayant fait l'objet d'aucun affichage et passant dès sa sortie à l'UGC Orient-express serait un navet.
    Malgré tout, voulant comme souvent donner sa chance à une cause perdue, nous allâmes voir ce film, qui est bien un navet, et dont le seul intérêt serait à la rigueur d'illustrer l'écart entre la France et l'Amérique par rapport à l'adultère.
    Comme dirait en sortant une dame hilare d'une soixantaine d'années en forme de tonneau et aux cheveux oranges: « S'il fallait faire tout ça à chaque histoire de fesses ! »
    Tout le monde riait en sortant, soulagé que cela soit fini, ce faux suspens, cette histoire décousue...
    Et toujours cette même question: que faudrait-il changer pour que cela fasse un film potable ? Couper, déjà, beaucoup couper. Et ensuite ?

    Il reste que la carrière d'acteur me paraît bien aléatoire: elle dépend beaucoup des réalisateurs avec lesquels on travaille. Pierce Brosnan, Sharon Stone, pourquoi sont-ils des stars? On les aime davantage pour leur beauté, leur sourire, leur silence ou leur présence devant les objectifs des photographes que pour leurs films.

    Blade Runner

    Blade Runner une fois encore, au cinéma. Première version, sans voix off (me dit H., je ne me souvenais plus de la voix off) ni la fin trop claire mais consolante de la version de 1992. Première version de 1982 que je préfère.

    Je n'arrive pas à me souvenir de la première fois que j'ai vu ce film. Est-ce avant que je lise des BD de science-fiction et de la science-fiction? Quoi qu'il en soit, toutes mes lectures sont imprégnées de cette atmosphère lumineuse et sombre, poudrée, désespérée.

    Il y avait deux personnages féminins qui faisaient fanstamer les garçons de mon âge à vingt ans : la princesse Leïa (entre ceux qui avaient clairement vu qu'elle ne portait pas de soutien-gorge sous sa robe blanche lors de sa première apparition dans La Guerre des étoiles et ceux qui voulaient revoir la scène pour vérifier ce point) et Rachel, l'androïde glaciale et désemparée de Blade Runner. Lorsqu'ils parlaient de Rachel, il était évident que rêver et bander devenaient strictement équivalent, je n'ai jamais compris pourquoi. Que pouvait bien avoir Rachel qui les séduise à ce point? En y réfléchissant davantage, il me semblait que c'était plutôt ce qu'elle n'avait pas et c'était inquiétant et triste, donc j'évitais d'y réfléchir.
    J'ai dans mes armoires quelques tenues directement inspirées de Rachel, taille serrée et épaules exagérément marquées.

    Les fois précédentes, j'avais surtout été marquée par la poignante mélancolie de l'histoire, le destin sans issue, la stricte lecture d'une vie humaine à travers celle des robots.
    Cette fois-ci j'ai été davantage frappée par la construction rigoureuse, pratiquement découpée en chapitre, et la rapidité, l'efficacité du récit, par la fierté des créateurs, qui ne peuvent concevoir que leurs créatures/création puissent être dangereuses, par l'effacement des différences entre les hommes et les androïdes, parachevé par le dernier geste de Roy Batty, devenu capable de miséricorde. Les décors dont il est devenu si courant de se moquer m'ont paru très beaux, très cohérents et très Jules Verne : voilà un futur qui ressemble à ce qu'on imaginait en 1880, voilà un futur antérieur, avec des photographies sépia, un piano, des livres derrière le canapé.
    Il est difficile d'imaginer un futur plus présent, ou même déjà passé, originel: est-ce cela qui fait le charme de ce film? Ou est-ce l'importance centrale des souvenirs, ceux que l'on n'a pas si l'on naît androïde, ceux que l'on acquiert au cours d'une vie, androïde ou humaine, («Si tu savais ce qu'ont vu mes yeux, tu ne le croirais pas», «j'ai vu le soleil devant le bouclier d'Orion, …»), perdus à jamais à notre mort?

    Etourdie

    Hier, dîner de post-réveillon avec mes beaux-parents, feu dans la cheminée, potage de poireaux et foie gras.

    Au milieu du repas, j'ai trop chaud et commence à enlever mon pull quand une idée me traverse l'esprit tandis que j'ai déjà la tête cachée par le vêtement; je rabaisse précipitamment les mains pour me tâter les côtes et m'exclame étourdiment :
    — Ouf, j'ai eu peur de n'avoir rien dessous.
    Les têtes se sont tournées, tout le monde s'est tu puis a éclaté de rire tandis que H. et moi devenions tout rouges.

    Résolution du Nouvel an

    — Voudriez-vous, je vous prie, me dire quel chemin je dois prendre maintenant? demanda Alice.
    — Cela dépend beaucoup de l'endroit où vous voulez aller, dit le Chat.
    — Cela m'est à peu près égal…, dit Alice.
    — Alors peu importe le chemin que vous prenez, dit le Chat.
    — … pourvu que j'arrive quelque part, ajouta Alice en guise d'explication.

    Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles

    Choisir un chemin.

    Colle

    Un soir de ce mois, j'ai eu beaucoup de mal à me débarrasser d'un homme qui posait ce genre de question : « Est-ce que ce qui est arrivé devait arriver ? »

    Huysmans et Gustave Moreau

    Il y a longtemps que j'aurais dû visiter le musée Gustave Moreau. C'est en effet l'un des premiers peintres qui m'ait marquée quand j'étais au lycée et que je m'ennuyais : Salomé illustrait mon livre de français de seconde.
    J'ai travaillé trois ans à deux pas de ce musée, mais a-t-on idée d'être un musée qui ferme entre midi et deux ?

    Cette fois-ci j'avais une motivation supplémentaire, une exposition mettant en évidence les relations entre Huysmans et Gustave Moreau, et peut-être une deuxième motivation, un attachement à ce blog.

    Le musée Gustave Moreau est ce que j'aime, davantage une demeure particulière (comme celui de Delacroix) qu'un vaste établissement impersonnel.
    Evidemment, cela suppose que le public l'ignore, car il ne pourrait accueillir grande quantité de visiteurs à la fois.
    Il y fait trop chaud (c'est étonnant).
    Le premier étage est charmant, les pièces minuscules, gonflées de meubles et de tableaux qu'on peut à peine voir, retenus que nous sommes par une rambarde qui nous empêche d'approcher et de piétiner les tapis et casser la porcelaine. Tout cela est très chargé, c'est tout de même étrange d'avoir constitué son propre musée de son vivant. On pourrait vivre ici en enlevant quelques meubles et en ouvrant les fenêtres, Dieu qu'il fait chaud.

    Au deuxième étage se tient l'exposition, qui n'est qu'un prétexte pour visiter le musée: quelques pièces rassemblées là, le manuscrit d' À rebours, très raturé dans un gros livre relié, des lettres autographes (très belle écriture de Jean Lorrain), des extraits des critiques de Huysmans. Les ébauches et dessins préparatoires pour l'illustration des Fables de La Fontaine sont exposés, c'est inattendu et me plaît beaucoup: simplicité et précision du dessin, grande décision dans la couleur et dans le trait. C'est finalement ce qui me frappe dans les tableaux de Gustave Moreau: la décision, cette décision qui contraste si fort avec le déferlement des couleurs et des ors, avec l'atmosphère onirique et fantastique. Rien n'est flou dans ce monde vaporeux ou rêvé.

    Deux étages, quelques toiles immenses, tout le temps que l'on veut pour rester devant les toiles, peu de monde, la certitude qu'ici on a une chance de voir tout ce qui est exposé (deux pièces, ce n'est pas si grand), même si bien sûr au bout d'une dizaine de tableaux il vaut mieux arrêter et se dire qu'on reviendra.
    Le même titre sert à trois ou quatre toiles, on ne sait plus bien laquelle est l'ébauche de laquelle, j'aime beaucoup une Marie-Madeleine assise au pied du calvaire, les jambes tendues, dans une position inconfortable et laide laissant transparaître le désespoir. Je découvre les talents de copiste de Gustave Moreau qui paraît avoir copié les artistes les plus divers, au dernier étage se trouve une copie du Saint Georges de Carpaccio qui me paraît plus claire que l'original.

    Jeudi Compiègne

    Compiègne :
    - l'abbaye Saint-Corneille reconstruite et transformée en bibliothèque;
    - le cloître, inaccessible;
    - les rois sacrés ou enterrés là, aux noms évocateurs (Charles le Chauve, Louis le Bègue);
    - le café Saint-Corneille, ses tenanciers accueillants et ses croque-monsieurs moelleux;
    - l'église Saint-Jacques, qui a mon avis ne porte pas chance (comment peut-on se vanter d'être le lieu où vint prier Jeanne d'Arc le jour de son arrestation?), son étonnant sanctuaire regroupant des reliques d'un peu tout le monde, quelques os de saint Rémi, saint Benoît, sainte Cécile, saint Louis, sainte Victoire dont le crâne luit dans sa châsse, me rappelant la relique de la galerie Doria-Pamphili que je ne sais plus quelle femme de la famille avait obtenu d'emporter avec elle quand elle partait en voyage (ne jamais se déplacer sans son squelette préféré, oui, cela m'a marquée) et les arcs compliqués de ses absidioles, dus à la contrainte d'un espace trop étroit entre deux rues;
    - le château, triangulaire, lui aussi pour épouser une contrainte (j'aime les formes sous contrainte, ce sont les plus libres, celles qui font le preuve du plus d'imagination);
    - le jour gris, la brume vaporisée sur les statues emmaillotées de la terrasse, les arbres au loin perdus dans le brouillard;
    - les merveilleuses anémones des sièges (et le sentiment que broder ainsi pourrait constituer le but valable d'une vie);
    - l'ordonnancement si naturel des pièces s'ouvrant si naturellement sur le parc qu'il semblerait tout naturel de vivre là;
    - les œuvres de la collection de Nicolas Esterhazy (après tout ce sont elles qu'on est venu voir), une petite gravure de Dürer, la Salomé de Cranach, des partitions de Haydn, de Mozart, le (tableau de) Véronèse ne me convainc pas et j'ai oublié le nom de mon tableau préféré, d'un Espagnol je crois, un couple de paysans et un faune, en tout cas un chien magnifique sous la table;
    - mon tableau préféré parmi l'accrochage permanent : La revue des ombres de Victor Giraud.



    A la nuit tombante, nous fûmes à la clairière de l'armistice près de Rethondes. Le wagon n'est pas le véritable wagon de l'armistice, qui a été détruit en 1945 dans la forêt de Thuringe. Le véritable wagon avait servi sur la ligne Deauville-Trouville avant d'être affecté au service du maréchal Foch, et je n'ai pu m'empêcher de penser que Proust l'avait peut-être utilisé.
    Au milieu de la pelouse une grande dalle porte une inscription que je ne pus lire, vu le manque de lumière, qu'en montant dessus. Je n'ai pas noté la phrase, elle se terminait à peu près par «les peuples libres ont vaincu l'Allemagne guerrière qui voulait les asservir». Cette dalle date de l'entre-deux-guerres, elle a été emportée en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale, une discrète plaque sur le côté précise qu'elle a été récupérée avec quelques difficultés en 1949. (Je regrette de ne pas avoir noté précisément tout cela, le ton des deux inscriptions nous a fait rire (jaune), il signifiait très clairement que justice avait été faite et qu'il y avait des limites à ne pas dépasser).
    Le petit bâtiment sans prétention qui contient le wagon comprend également toutes une série de photographies sur les tranchées et les villages de France bombardés, c'est très instructif et émouvant.


    Pierrefonds est évoqué avec tant de mépris dans Corée l'absente que je voulais le voir. Las, il faisait trop noir, c'est tout juste si l'on distinguait la masse noire du château par instants. Le charcutier-traiteur sur la place de l'hôtel de ville collectionne les récompenses.

    Moi aussi je peux parler de Carla Bruni

    Carla Bruni ne m'avait jamais spécialement intéressée — ayant davantage l'occasion de rencontrer le nom de sa sœur (ou demi-sœur?), Valéria Bruni-Tedeschi, cinéma oblige — jusqu'au jour où mon amie F., venue déjeuner, nous dévoila les folles aventures de la famille Enthoven, ses voisins sur la Côte d'Azur.
    J'appris alors que Carla était sortie avec le père avant de débaucher le fils (suis-je en train d'enjoliver, ou F. nous raconta-t-elle des rendez-vous secrets dans les buissons en cachette du père?), fils qui dans le même mouvement abandonna Justine, fille de BHL.[1]
    Carla Bruni et Raphaël Enthoven ayant eu un garçon, F. concluait, pensive: «Je me demande à quoi pense le grand-père quand il se penche sur son petit-fils.»

    Jean-Paul Enthoven a écrit une critique des Antimodernes dans Le Point en mai 2005. C'est à lui que je dois ma découverte d'Antoine Compagnon.
    Et c'est à F. que je dois un beau succès auprès de mon chef, s'extasiant à son retour de vacances sur la "nana-canon" (il parle à peu près comme cela) que "se sortait" (même remarque) Jean-Paul Enthoven qu'il avait croisé sur une plage quelconque de la planète: «Vous ne savez pas qui c'est? Mais si, c'est Carla Bruni, celle qui...» Etc.

    Notes

    [1] Tout cela est raconté dans Rien de grave, roman à clé de Justine Lévy.

    Les nourrissons reconnaissent les « gentils »

    Ami ? Ou ennemi ? Les humains adultes évaluent en un instant leurs semblables pour distinguer le danger potentiel que peut représenter un individu. Pour cela, ils intègrent et traitent de manière automatique différents signes comportementaux, physiques et sociaux. Loin d'être le fruit d'une acquisition sociale, cette aptitude serait innée si l'on en croit Kiley Hamlin et coll. (Yale University) : dès l'âge de 6 mois, l'enfant est capable de jauger un comportement. « Nous montrons que des nourrissons de 6 et 10 mois prennent en compte une action individuelle (bonne ou mauvaise) envers un autre pour déterminer si l'individu est sympathique ou antipathique : le nourrisson va préférer un individu qui en aide un autre à accomplir une action à un individu neutre ; il va préférer l'individu neutre à un individu qui gêne l'autre dans son action. »
    [...]
    Soit un paradigme de choix, selon lequel un nourrisson indique ses préférences en faisant des mouvements pour aller vers celui qu'il choisit; soit un paradigme d'attente, dans lequel le nourrisson regarde plus longuement un événement inattendu ou qui le surprend. Premièrement, on a habitué les enfants à la présence d'un personnage en bois, avec de gros yeux collés, qui tente de grimper une colline, le «grimpeur». Deuxièmement, on a fait intervenir d'autres personnages. L'«aidant» qui pousse le grimpeur vers le haut et dont l'action alterne avec celle de l'«empêcheur» qui, au contraire, repousse le grimpeur vers le bas. Encouragés à faire un choix entre les deux derniers intervenants, en les incitant à aller vers eux, les enfants ont clairement exprimé leur préférence : ceux de 6 mois comme les autres vont vers l'aidant (association forte, p = 0,002), indiquant «qu'ils ont une impression distincte des deux personnages uniquement sur la base de leur action vis-à-vis d'un autre».
    [...]
    L'expérience initiale du grimpeur avec son aidant et son empêcheur leur a été montrée, mais ces personnages n'étaient plus seuls. Des personnages « neutres », grimpant ou descendant la colline sans interagir avec les autres, faisaient partie de la scène. Ce qui a permis aux nourrissons de manifester leur préférence de l'aidant versus le neutre et du neutre versus l'empêcheur, révélant des aptitudes à l'évaluation du bien et du mal : ils marquent leur affection pour les personnages capables d'aider un autre à atteindre son objectif et montrent une aversion pour ceux qui l'en empêcheraient. Selon Hamlin et coll., une aptitude d'adaptation biologique se serait conservée de manière préférentielle au cours de l'évolution. Un comportement coopératif est utile à des activités de chasse en groupe, de partage des ressources alimentaires, de protection en cas d'attaques.

    Le Quotidien du médecin, 22 novembre 2007, Béatrice Vuaille

    Peu après avoir lu cet article, j'ai découvert que les singes capucins avaient un sens inné de la justice. Comment réagiraient les capucins à l'expérience des gentils versus les neutres versus les méchants ? Voilà qui m'intéresserait. Préférer un personnage qui aide à un personnage neutre, c'est préférer davantage que la justice; quelle relation chronologique ou quelle hiérarchie existe-t-il entre le stade de la justice et le stade de la bienveillance, le deuxième présuppose-t-il le second, etc.?

    Ecœurée

    C'est drôle comme on se s'habitue pas à la lâcheté.

    (Finalement, un blog, c'est un peu comme le trou dans la vase du roi Midas: cela permet de mettre tout le monde au courant de quelque chose qu'on est censé ne pas dire ? et même ne pas penser, ne pas savoir.)

    Que dois-je en penser ?

    — Avec la tête que tu as, tu expliquerais que tu t'occupes de la reproduction des mouches en Mongolie intérieure qu'on te croirait sans doute.

    Fêter Noël en entreprise

    A l'instar de Nadine de Rothschild qui a publié un manuel de savoir-vivre en société, la très sérieuse Royal Society for the Prevention of Accidents et le syndicat TUC, au Royaume-Uni, ont édité conjointement un guide de savoir faire la fête en entreprise afin d'éviter que la Christmas Party, événement incontournable chez les Anglais, ne tourne au désastre. «Cela peut sembler une bonne idée après plusieurs verres, mais danser sur les bureaux ou photocopier ses parties intimes lors de la fête de fin d'année avec ses collègues peut se révéler dangereux, avertit fort judicieusement le manuel qui s'engage à fournir les lignes de conduite d'une fête sûre et réussie. Car si la photocopieuse se casse, vous allez passer Noël avec des morceaux de verre dans des endroits douloureux.» Les deux organisations déconseillent aussi aux dirigeants de décorer les locaux avec du gui, de crainte que les baisers échangés ne donnent lieu à des plaintes pour harcèlement sexuel, des fois que... Les ballons de baudruche sont à proscrire en raison de l'allergie au latex, et il faudrait éviter bougies, gâteaux flambés et cigarettes du fait des risques d'incendie. C'est à se demander si on autorise la coupe de Champagne. Que l'on se rassure, à ce sujet, une seule recommandation : se montrer indulgent avec ceux qui ont trop bu...

    L'Agefi, 15 décembre 2004 (feue la version papier)


    Le guide (ne pas rater en dernière page l'affiche à punaiser sur la porte).

    La contrepétrie du samedi

    Superman a une bouille incroyable.

    Voyage en Grande Garabagne

    Le nom de la Lybie Libye dans les conventions internationales est "Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste".

    ajout le 14/12/2007

    Via Embruns, je découvre le blog de Kadhafi.

    La bonne nouvelle du jour

    J'ai reçu ma première pièce slovène : 20 centimes d'euro.

    Matin

    7h07, RER plutôt plein, je m'assois à côté d'un jeune homme au look années 70 version propre, cascade de cheveux bouclés, coll roulé, et l'air très, très jeune. Il lit une partition, un second coup d'œil m'apprend qu'il s'agit de Chabrier.
    J'ouvre mon livre, mon voisin murmure je ne sais quoi, ni le nom des notes, ni l'air, on dirait qu'il lit des phrases, mais lesquelles?

    Plus tard il prend son téléphone. Il est tôt, le wagon est silencieux, engourdi, il fait plutôt chaud, on ne serait pas si mal si on ne regrettait son lit. Mon voisin parle à voix basse, mais c'est mon voisin, je l'entends, il est gentil, il me fait de la peine :

    — Allo, tu es réveillée ?
    — ...
    — Tu as bien dormi?
    — ...
    — Ah d'accord, tu n'as pas vu que je t'avais envoyé un texto.
    — ...
    — Mais pour rien...
    — ...
    — Mais parce que je t'ai envoyé un texto et que tu n'as pas répondu...
    — ...
    — Châtelet, Gare du Nord...
    — ...
    — Mais il n'y a rien à gare du Nord, c'est là que je descends...
    — ...
    — Bon, je sens que ça ne va pas...
    — ...
    — Non, non, c'est pas grave, je raccroche. Je t'embrasse, à tout à l'heure.

    Pauvre voisin.
    Je ne réponds rien aux gens qui me reprochent de "ne jamais appeler". Généralement j'ai déjà senti une ou deux fois que je les avais dérangés alors que je téléphonais pour rien, juste parce que j'avais envie de leur parler. Cela suffit.
    Je hais le téléphone.



    Au café, donc. MTVidol, je découvre les clips de trente ans de chansons. C'est bien, je n'en connais aucun.
    La Isla Bonita de Madonna: elle imagine vraiment que les danseuse de flamenco dansent comme cela? J'aurais imaginé Madonna plus professionnelle, mais elle était encore jolie, à l'époque.
    Let's Dance d'un Bowie outrageusement blond, Boney M et son chanteur en pantalon comique à force d'être indécent, Jean-Jacques Goldman et Pas toi. Dommage que les dates des chansons ou des enregistrements ne soient pas indiquées.

    Toto et Africa. Un podium en forme de livre. Un globe. Une carte. Des livres reliés dans des bibliothèques. La jungle, un peu, pas beaucoup, en arrière-fond.
    Et une secrétaire, toujours, en médaillon, entre le chanteur et je ne sais quoi, sa guitare, un meuble? Ce clip fait surgir mes souvenirs d'Au cœur des ténèbres, car ce qui m'a marquée dans ce livre, c'est moins le voyage en bateau, le fleuve, la fièvre, Kurtz, que l'étrange Parque du bureau de Londres, la tricoteuse de laine noire.

    Stratégie d'évitement (morne quotidien, je devrais en faire une rubrique)

    Mon chef prend son café de huit heures et demi à neuf heures dix, neuf heures vingt. Il nous fait la conversation durant le même temps, c'est-à-dire, pour résumer, qu'il nous fait le récit de quelques-unes de ses prouesses choisies dans un stock amassé durant un demi-siècle.
    Ma collègue infiniment amicale, bien élevée et indulgente lui donne habituellement la réplique, tandis que je me tiens en retrait, n'en pensant pas moins.

    Parfois ma collègue est absente.
    Alors je reste au café jusqu'à neuf heures dix, pour ne pas arriver trop tôt au bureau.

    Complexe tendance absurde

    Je lis Journal d'un voyage en France et je feuillette Corée l'absente[1]. Je m'absorbe dans ma lecture, je m'endors dans les trains, je ne sais plus quel livre j'ai en main, j'ai oublié qu'il y en a deux, et je m'étonne et m'émerveille qu'un journaliste parle de Buena Vista Park et de Tricks en 2004: bel effort, ce n'est pas si simple de se procurer Buena Vista Park.

    Il faudrait que j'aille me coucher mais je n'en ai pas envie, il faudrait que je me lève tôt pour ranger mais je n'en ai pas envie, je pourrais ranger maintenant puisque je ne me couche pas mais je n'en ai pas envie.


    Notes

    [1] que vous lisez tous en regardant les photos, bien sûr.

    Revelé dans les blogs de veille (veille sur la veille, donc)

    • Les requêtes du Google français, pour le plaisir de la carte (quand je pense que certains à qui je m'adresse en entreprise considèrent que personne n'utilise le net, que c'est totalement un mouvement parisien réservé à des geeks, des journalistes, des ados, des célibataires en manque, et quand même, pratique pour préparer ses vacances).
    • Je suppose que tout le monde connaît Digimind, d'un autre côté, je sais que j'ai tort de supposer cela. Je signale donc le livre blanc de Christophe Asselin sur le web 2.0 et la recherche d'information (l'inscription pour le télécharger est gratuite).
    • Dans ce blog, tout m'intéresse. A noter la question dévastatrice du Time du 1er décembre 2007, «Pouvez-vous nommer un seul artiste français encore en vie qui ait une importance mondiale ?», qui reprend exactement les observations de Renaud Camus (qui décidément est toujours en train de dire ce que personne ne veut entendre).
    • La méthode Getting things done (GTD), si terriblement américaine, résumée en français (j'adore décidément les livres de self-help, même si j'ai arrêté de lire des variations de "Comment gérer votre temps" en me disant que cela ferait toujours gagner ce temps-là de lecture).
    • Pour mes (deux) lecteurs qui s'intéressent à la Russie (la Russie m'inquiète), un billet sur la main-mise ou le risque de main-mise ou la probabilité de main-mise du pouvoir russe sur la toile russe (petit détour par le scandale de la Bank of New York).
    • Un billet triste à propos de la réforme des universités, contre la réforme des universités, que je reprends ici en vous encourageant à lire quelques billets des jours précédents. Je pense à H. qui me dit toujours que les meilleurs informaticiens sont les docteurs qui sortent d'université et non les ingénieurs (H. est ingénieur).
    • Un portail avec les outils de recherche sur internet les plus courants sous la main (simple, clair, sans fioriture).

    Ah, et puis, pas sur un site de veille, mais à ne pas manquer

    Une manifestation sans chemise que je vais regarder quand j'ai besoin de me remonter le moral. (Merci Melisme!) (Dans le reste du site, une autre idée amusante: le métro sans pantalon). Tout cela me rappelle les Flashmobs.

    La blague du dimanche soir

    Vous connaissez l'histoire de la chaise?

    Expérience vécue

    Un noir habillé de noir qui traverse la nuit une rue mal éclairée prend un risque.

    Encore de l'art contemporain

    Hier, autour de 18 heures, je feuillette Beaux-Arts magazine de novembre. Un article attire mon regard, car il reprend l'un des points soulevés par Commande publique: «Enquête sur les restaurateurs de l'impossible face à Koons, Hirst... L'art contemporain à durée limitée?»

    Je regarde les photos. Finalement, mon problème n'est pas que je n'aime pas l'art contemporain, c'est que je n'arrive pas à le prendre au sérieux. Si l'on excepte quelques œuvres affreuses, et quelques autres terrifiantes (et donc très fortes, sans doute les meilleures, supposé-je (mais qui a envie de vivre avec une œuvre terrifiante dans son salon, une œuvre qui vous donne envie de hurler de terreur ou de désespoir?)), j'ai toujours l'impression d'être en face d'une bonne farce. Les discours très abstraits sur le thème me complexent terriblement : quand je vois une gigantesque peau de banane suspendue au plafond, dont deux pans sont relevés à l'aide de câbles, découvrant l'empreinte d'un corps d'homme dans le corps de la banane, j'ai avant tout envie de rire. Ce n'est pas que cela ne me plaise pas, mais j'ai envie de rire, et je me demande pourquoi tout le monde ne rit pas: une impression de roi nu.


    Autre photo, petite, bleue. Il s'agit de paquets de Gauloises.

    Je copie la légende de la photo:

    Pierre Buraglio, Gauloises. 1978, assemblage de paquet de cigarettes, 200x200 cm.
    Pour assembler ce panneau de 336 paquets de Gauloises bleues, Pierre Buraglio avait utilisé des bandes de Scotch qui ont jauni avec le temps. Les restaurateurs les ont retirées et les ont remplacées par des matériaux plus stables, tout en s'interrogeant: la seule trace autographe de l'artiste étant d'avoir posé ce Scotch, en le retirant ne risquait-on pas d'annuler son geste?

    Le panneau me plaît, l'idée me plaît, la couleur me plaît... mais quand je lis cette légende, j'ai à nouveau envie de rire: comment peut-on être si pompeux devant une chose aussi ludique? Ou alors cette légende n'est pas pompeuse, mais tongue in cheek? Comment savoir, comment décider, je ne connais rien des codes de ce monde-là.
    Et je m'interroge: je croyais que ce qui comptait, c'était l'idée, davantage que "la trace autographe". L'idée d'un panneau de Gauloises subsiste, quel que soit l'adhésif. Alors? Y aurait-il réapparition de la technique, un artiste étant finalement jugé dans sa capacité à durer, au sens le plus concret du terme (sens de la matière, des matériaux, retour à l'antique problème de la conservation de la couleur et des textures)?

    La réforme des universités

    Il y a une semaine déjà, je découvrai cet appel, lancé par l'université Paris VIII, contre la loi dite "pour l'autonomie des universités". J'oscillai entre l'agacement et le rire: d'une part un ministre de Sarkozy déclarerait-il "le ciel est bleu", l'université de Paris VIII s'exclamerait en coeur "Parfois il est gris, d'autres fois il est noir" (et ce ne serait pas faux, bien sûr, néanmoins, pourrait-on considérer pour autant que le ciel n'est pas bleu? (sachant qu'en fait il est incolore, mais passons)); d'autre part il faut un certain souffle pour se déclarer publiquement contre "l'excellence": des professeurs et des chercheurs ne doivent-ils pas naturellement viser l'excellence, le meilleur en eux?

    Je ne pense pas que le financement privé soit la meilleure solution. Cependant, nous pouvons constater la faillite du système actuel: locaux vétustes (en 2002, les toilettes à la turque du Mirail à Toulouse, sans eau chaude ni savon ni sèche-main, m'ont rappelées celles de mon école primaire à Agadir en 1974), parfois dangereux, administration parfois incompétente et surtout sans volonté (histoire de l'étudiante visible/invisible qui avait un O et non un 0 dans son identifiant informatisé (ce n'est qu'un exemple, bien entendu: histoire de cette amie attendant sa bourse tandis qu'elle préparait son agrégation, ne prenant plus le bus, se lavant au gant de toilette pour économiser l'eau chaude, etc. (c'est Zola, je sais, Skot: 1995)), professeurs recrutés par cooptation (je suis pour la cooptation: il est normal de souhaiter travailler avec ceux dont on sait qu'ils ont les mêmes valeurs et les mêmes aspirations que vous, c'est même un gage de qualité — à condition de ne pas être médiocre soi-même!) alors que des concours sont ouverts pour pourvoir les postes vacants et que des candidats naïfs, ne connaissant pas ces subtils rouages français, passent des semaines à peaufiner leur candidature et leur dossier...

    Bref, le financement privé ne sera pas un remède universel: d'abord il sera probablement insuffisant, d'autre part la provenance et l'utilisation des fonds devront être contrôlés. Mais cette loi propose un changement, et au point où on en est, cela ne peut qu'être bénéfique: dans cinq ou dix ans, il sera nécessaire d'évaluer les résultats de cette politique et y apporter des réformes, de fond ou à la marge en fonction de ses résultats. En d'autres termes, je suis pour un pragmatisme raisonné.
    Sur ce site, on rit et se gausse de l'appel lancé par Sciences-Po, qui sans attendre part déjà à la recherche de fonds. Il est paradoxal que les auteurs de ce billet ne se rendent pas compte qu'ils sont en train de faire la promotion de ce qu'ils dénoncent: on peut penser ce qu'on veut de Richard Descoing, mais sa méthode offensive et très marketing a donné de bons résultats: Sciences-Po est une maison connue et reconnue, donc sa méthode est valable, du seul point de vue qui devrait intéresser les étudiants: trouver un emploi (et construire une carrière) à leur goût correspondant à leurs compétences et leur permettant de vivre.

    Les sphères plus littéraires et celles des sciences sociales seront-elles sacrifiées par des financements privés? Je ne le pense pas; cependant, il est probable qu'elles devront rétrécir en volume: moins d'étudiants, moins de professeurs, davantage d'exigence sur leur niveau (je suppose, cela n'engage que moi. (Mais peut-on réellement regretter qu'il y ait moins d'étudiants en psychologie?)) Je rappelle pour mémoire que Marc Fumaroli enseigne aux Etats-Unis depuis que le Collège de France a considéré qu'il avait atteint la limite d'âge pour un professeur, que les grands proustiens sont au Japon et que Claude Simon a d'abord été reconnu aux Etats-Unis (pour parler du peu que je connais, mais je suis sûre que l'on pourrait trouver d'autres exemples dans d'autres domaines des arts, de la littérature et des sciences humaines): le grand capital n'a pas fait disparaître toute aspiration à la culture.


    Enfin, pour le plaisir, bien qu'il s'agisse de faits un peu anciens, je mets en ligne le récit de Pierre Hadot à propos des nominations au CNRS. Vous pourrez m'objecter que cela a sans doute changé depuis, rien n'est moins sûr d'après ce dont j'ai été témoin à deux reprise dans un autre domaine. Vous noterez que dès 1968-69, Pierre Hadot citait l'étranger en exemple.

    J'ai appartenu au CNRS pendant quatorze ans à peu près. Etant donné la précarité de la situation des chercheurs à cette époque-là, qui était la période encore presque héroïque du CNRS, je m'étais inscrit dans un syndicat, la CFDT, pour être si possible défendu en cas de licenciement. Et comme d'ailleurs les effectifs de la CFDT n'étaient pas très grands à cette époque, j'ai même été obligé d'assumer certaines fonc­tions syndicales, dans le secteur des sciences humaines, alors que Mademoiselle Yon, biologiste, s'occupait des sciences exactes. Il s'agissait par exemple, quand les chercheurs ont eu le droit d'avoir des délégués dans les commissions, de choisir des représentants de la CFDT qui pourraient y siéger. J'ai moi-même été élu dans la commission de philosophie à titre syndical. Cela m'a permis de participer au fonctionne­ment du CNRS et de voir comment cela se passait. A mon humble avis, à cette époque, la manière dont les chercheurs étaient recrutés était assez défectueuse. C'était le principe do ut des [«je donne pour que tu donnes »] qui régnait.
    Exemple caractéristique : pendant une séance à laquelle j'ai participé, le président de la commission, qui avait quelques semaines auparavant choisi les rapporteurs qui devaient lire en séance leurs appréciations sur le dossier de tel ou tel candidat, avait donné le dossier de son poulain à Monsieur X, et avait pris, lui, pour en faire le rapport, le dossier du poulain de Monsieur X. Mais j'ai su après coup qu'il avait préparé deux rapports : un rapport favorable, dans le cas où Monsieur X remplirait le contrat, un autre défavo­rable, dans le cas où Monsieur X ne le remplirait pas. Il s'est trouvé que Monsieur X a rempli son contrat. Le candidat du président a donc été admis, et, par suite, le poulain de Monsieur X. Aux yeux de ce président, peu importait la valeur réelle du candidat de Monsieur X. Il était seulement un moyen de récompense ou de vengeance.
    Par ailleurs, le syndicat CFDT n'était pas très puissant au CNRS, du moins à cette époque, si bien que pour être admis comme chercheur, il fallait être soutenu par le syndicat national des chercheurs scientifiques, lié à la FEN. Lorsque, devenu directeur d'études à l'EFHE, après 1964, j'ai voulu présenter un candidat, qui était quelqu'un de tout à fait remarquable, et qui a fait ses preuves depuis, je n'ai pas réussi à le faire admettre. Pendant trois années de suite, j'ai présenté le même candidat, sans résultat. Après quoi je lui ai dit faites-vous présenter par l'autre syndicat; allez voir Untel. Il a été pris immédiatement, l'année d'après. Donc le recrutement ne se faisait pas selon la valeur des candidats, mais selon la politique syndicale.
    On nous avait demandé, en 1968 ou 1969, des conseils pour la réforme du CNRS. Dans une lettre au directeur des Sciences humaines de l'époque, j'ai écrit qu'il serait bon de choisir un système analogue à celui qui existe à l'étranger, soit en Allemagne, soit en Suisse, et je crois aussi au Canada, où, qu'il s'agisse du recrutement d'un chercheur ou de la constitution d'un laboratoire de recherches, ou d'une subvention pour un livre, on demande un rapport à des spécialistes extérieurs à la Commission et qui même, très souvent, sont étrangers au pays.
    Cette prépondérance de certaines personnalités universi­taires ou syndicales a nui, je pense, dans certains secteurs, au développement harmonieux du CNRS, au moins dans le domaine des Sciences humaines. Quand j'étais dans la Commission de philosophie, j'avais coutume de dire : dans la nature, c'est la fonction qui crée l'organe, mais au CNRS, c'est l'organe qui crée la fonction. Je voulais dire par là que, si le puissant professeur ou le puissant syndicaliste Untel avait envie d'avoir un laboratoire subventionné, il lui suffisait de présenter un vague projet de recherche, qui était tout de suite jugé indispensable, sans que la Commission se demande sérieusement si ce projet était vraiment urgent et utile, dans le cadre général de la discipline. J'avais d'ailleurs fait rire un jour une Commission de réforme du CNRS, en parlant, dans une métaphore terriblement incohérente, des « requins qui se taillent la part du lion ». J'avais l'excuse d'être furieux.

    J.C. : Vous n'êtes sans doute pas plus tendre à l'égard du fonctionnement des bibliothèques universitaires ?
    Je laisse de côté le problème bien connu de la Bibliothèque nationale de France, pour m'en tenir aux bibliothèques universitaires. Quand on a été dans les autres pays, et qu'on a vu des bibliothèques au Canada, en Angleterre, en Allemagne, en Suisse (je n'ai pas été aux Etats-Unis), on constate que les étudiants ont un accès aux documents beaucoup plus facile et plus abondant qu'en France. Au Canada, j'ai vu des bibliothèques où il y a des petits bureaux, dans lesquels les étudiants peuvent travailler et utiliser des ordinateurs. En Grande-Bretagne et au Canada, les étudiants ont accès aux rayons des bibliothèques. En Allemagne, il y avait un accès aux rayons à la biblio­thèque de Francfort; à Berlin, dans une immense salle, les étudiants avaient sous la main pratiquement toute la littérature utile, tous les livres de base, les collections de textes, les collections historiques. Dans la salle de lecture de la bibliothèque de la Sorbonne, il y a quelques dictionnaires, et puis — et c'est un progrès énorme —, la Collection des Universités de France (les textes bilingues du fonds grec et latin), mais finalement, c'est très insuffisant.
    Le plus préoccupant est que les étudiants, qui ont beau­coup de mal à trouver une place, ont toutes les peines du monde à obtenir les livres qui sont ou à la reliure, ou empruntés ou volés. Il y a plusieurs années, pendant un hiver, la moitié de la salle de lecture de la bibliothèque de la Sorbonne a été plongée pour partie dans l'obscurité; cela a duré plusieurs mois sans que la moindre réparation soit faite : ou bien les étudiants venaient avec des lampes de poche, ou bien ils ne venaient pas. À l'époque, j'avais fait une protestation auprès de l'administrateur de la bibliothèque, ce qui n'a servi à rien. Peut-être faute de crédit ! Mais n'était-ce pas un cas où des crédits auraient dû être débloqués d'ur­gence ? Il faudrait parler aussi de la grande misère des biblio­thèques de province. J'avais une fois critiqué devant Marrou la qualité d'une thèse de doctorat. Il m'a répondu : « Oh, que voulez-vous, il travaille en province. »

    Pierre Hadot, La philosophie comme manière de vivre, Albin Michel - 2001, p.81 à 85

    Certains repas sont plus fatigants que d'autres

    — Il m'a insultée; il m'a traitée de conique!

    — La structure du centre Beaubourg est globalement tubulaire, localement cylindrique.

    — Donc pour toi, aucun problème entre l'œuf et la poule?
    — Aucun, on a toujours d'abord un œuf.
    — Mais comment tu as l'œuf?
    — A la base, par un lézard. Enfin bon, sauf du point de vue théologique, dans ce cas, on a d'abord une poule: Dieu a créé la poule.

    — On est tous des cônes.

    — Mais Louis XIV était enfant, sa mère était gérante...
    — Gérante?
    — euh...
    — Celle-là, je te jure que je la mets sur mon blog.

    Observateur impartial

    Sur le trottoir rue Vaugirard, tôt le matin (il fait encore nuit), un vieil Arabe, visage tanné et bonnet de laine en jacquard, murmure en regardant la nuée de vélibs et les piétons pressés:

    — Y a quique chose qui va pas en France.

    Pourquoi réformer les retraites puisque nous serons morts étouffés ou privés d'énergie avant que le problème des retraites ne se pose vraiment ?

    Le dernier commentaire de Skot m'a rappelé cette courte étude publiée par Flash CDC Ixis le 16 juin 2004. Le rédacteur en est Patrick Artus.
    Cela se présente sous forme de sept pages pleines de chiffres et de graphiques :

    Introduction

    Nous montrons que la croissance mondiale, l’évolution de la consommation d’énergie des émissions de CO2 par unité produite, le déplacement de la croissance mondiale vers des zones peu efficaces technologiquement, et émettant beaucoup de CO2 par unité de production, devraient rendre les problèmes de ressources énergétiques et le niveau global d’émission de gaz à effet de serre insupportables avant que le vieillissement démographique ne devienne un phénomène global.

    Je ne recopie pas l'ensemble des données (graphiques extrapolant la population, les émissions de CO2, la productivité, le PIB, en Chine, en Russie, au Japon, au Etats-Unis et pour la zone euro à partir des chiffres de la World Bank, la DRI, l'EIU et CDC Ixis). (Je tiens le pdf à disposition sur simple demande). J'en arrive directement à la conclusion :

    Beaucoup de pays réfléchissent aux moyens d’équilibrer les régimes de retraite à l’horizon 2030-2040. A cette date, le vieillissement aura atteint les Etats-Unis et la Chine (graphique 13), au Japon et en Europe, la population de plus de 60 ans sera pratiquement égale à celle de 20 à 60 ans.
    Mais les calculs faits précédemment montrent que, même avec des hypothèses favorables, en 2040 la consommation d’énergie et les émissions de CO2 auront l’une et les autres été multipliées par 3 (voir graphiques 11 c/12 c), rendant probablement la planète invivable. Quelle est alors l’utilité du rééquilibrage des régimes de retraite ?


    Voilà. Nous pouvons donc vaquer tranquilles à nos occupations.
    (Je me demande encore si ces pages sont un canular. Elles négligent que rien n'est égal par ailleurs, et que les extrapolations sont sans doute toutes fausses. Par exemple, les extrapolations de population des années 1970 étaient toutes trop fortes par rapport à ce qui s'est réellement passé. Cependant, l'étude retient deux hypothèses de travail, dont une "optimiste". Alors?)

    Livres rares et précieux

    Un récent article du Point m'apprend que les éditions Puf vont publier des fac-similés des livres et manuscrits détenus par la fondation Bodmer à Genève.

    (Encore des idées de cadeaux de Noël).

    Les classiques sont increvables

    Lorsqu'une pièce s'intitule Tout Shakespeare en une soirée et qu'elle dure une heure, moi, naïvement, je m'attends à un condensé humoristique des pièces de Shakespeare — peut-être pas de toutes mais au moins des plus célèbres — reprenant leurs lignes de force et les personnages principaux. J'espère une espèce d'article Wikipedia sur scène, quelque chose de drôle et de vivant qui joue comme un aide-mémoire.

    Nous nous sommes retrouvés devant un tilleul (très beau, d'ailleurs, un magnifique poster scolaire) et deux acteurs auxquels je m'empresse de préciser qu'il n'y a rien à reprocher.
    Je retiens "les classiques sont increvables"; le pape baise la terre d'Autriche; l'archevêque de Vienne s'entend très bien avec le pape, après les répétitions ils boivent ensemble un demi-coca frappé (ayant décidé d'envoyer l'autre moitié aux assoiffés d'Ethiopie). Vienne n'est pas une bonne idée pour un Allemand, surtout le Burgtheather. "Nous avons sous-estimé la culture et la haine viennoises".

    Je retiendrai de cette heure pendant laquelle j'ai failli m'endormir (ce qui est très gênant dans une salle si petite) que décidément je n'aime pas le théâtre absurde, l'absurde ne me fait rire que "dans la vraie vie".
    Ici j'ai attendu Godot, et je me suis beaucoup ennuyée.


    Tout Shakespeare en une soirée de Thomas Bernhard au Théâtre du Nord-Est.

    Petites légumes

    Via Techbee, une série de photos de légumes qui vaut le détour.

    (Finalement, je suis en train de remonter aux origines du blog: signaler ce qui plaît (ou ce qui indigne), établir une sorte de surveillance croisée et généralisée de la toile. J'en profite donc pour signaler un arbre généalogique de Palamède, un cours d'agrégation, toujours sur Charlus, et des photos autour de La Recherche.).


    Màj: j'ajoute une grille de loto pour profs qui s'ennuient en réunion.

    Voiliers

    Comme dirait Louis XVI, "rien".
    Du vélo, des vélos, il fait froid. Beaujolais nouveau, pas trop mauvais, réchauffant.

    Pascal Perrineau analyse l'opinion des Français face à "l'ouverture" (mais le mot ne sera jamais défini. Par recoupement, on déduira qu'il s'agit du contraire du protectionnisme ou du conservatisme): rien de transcendant, même pas de quoi remplir un billet, mais il est drôle. Le grand clivage entre les Français aujourd'hui n'est plus la classe sociale ni l'opinion politique, mais la réponse donnée à la question «A votre avis, la mondialisation est-elle plutôt une chance pour la France?» 51% des Français répondent non, 48% oui.

    L'eurobaromètre permet de poser les mêmes questions dans tous les pays de l'Union européenne. Les Français font souvent partie des plus pessimistes. Nous sommes les premiers consommateurs d'antidépresseurs au monde.

    En passant devant l'hotel Lutetia, je remarque un tourbillon derrière une vitre:


    Il s'agit de minuscules bateaux en papier.


    Je n'ai pas retenu le nom de l'artiste, ce n'était d'ailleurs pas très clair. Ricardo quelque chose, sans doute.

    Ethique, finances publiques et solidarité

    Grâce à ce site dont je ne chanterai jamais assez les louanges (un travail indépendant et d'une telle qualité, poursuivi aussi longtemps : comment est-ce possible?), je découvre que la question «Peut-on éthiquement limiter l'offre de soins à un malade nécessitant des traitements coûteux pour des raisons budgétaires ?» (ainsi que l'Angleterre avait envisagé un temps de le faire: plus de dialyse au-delà d'un certain âge, pas de traitement du cancer du poumon si vous étiez fumeur, etc) a été très officiellement posée en France, et que le Comité consultatif national d'éthique y a très sérieusement répondu.

    Je vous laisse savourer le résumé de Gérard Bieth:

    [La] question [a été] posée en 2004 par l'ex-directrice générale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au Comité consultatif national d'éthique. Ce dernier a rendu un avis très prudent après trois ans de réflexion.
    Le CCNE émet un certain nombre de recommandations, notamment :
    - de réintégrer la dimension éthique et humaine dans les dépenses de santé, afin de permettre à l'hôpital de remplir de manière équilibrée l'ensemble de ses missions, et pas uniquement les plus techniques ou les plus spectaculaires.
    - d'adapter les échelles d'évaluation des activités en vue de traiter de manière appropriée les différentes missions de l'hôpital.
    - de se réinterroger sur la mission primaire essentielle de l'hôpital qui a dérivé vers un service public, industriel et commercial débouchant sur un primat absolu donné à la rentabilité économique.
    - d'ouvrir l'hôpital à une dimension réunissant le "sanitaire" et le "social" (dépendance, adolescence, précarité etc.), en promouvant autour de la personne une meilleure coopération de l'hôpital avec des structures extérieures (soins de longue durée, HAD, ...)
    - de s'assurer du maintien du lien social pour éviter que la personne ne sombre dans l'exclusion une fois le diagnostic fait et le traitement entrepris.
    - ou encore de rendre aux arbitrages leur dimension politique, sans les déléguer aux seuls responsables hospitaliers.
    En conclusion, le CCNE estime que "la garantie d'un accès juste aux soins de qualité n'est pas en contradiction avec une rigueur économique. L'adaptation permanente de l'offre de soins aux besoins démographiques, aux modifications épidémiologiques, aux progrès technologiques justifient plus que dans n'importe quelle activité humaine des choix clairs, courageux, explicites aux yeux des citoyens, et en même temps susceptibles d'être sans cesse remis en question en gardant comme objectif central le service rendu aux plus vulnérables".

    L'Avis n° 101 - Santé, éthique et argent : les enjeux éthiques de la contrainte budgétaire sur les dépenses de santé en milieu hospitalier est disponible ici.

    (Si je comprends bien, la réponse est non, malgré tout.)

    Cela demande réflexion

    Vendredi matin, je contemplais mélancoliquement quelques mots de la pub pour le combi volkswagen «[...] on change de femme, on change pour un homme, [...]», en me disant que décidément cette pub avait bien saisi l'air du temps, quand miraculeusement j'ai reçu un mail qui contenait quatre photos réconfortantes.









    Instructif

    Une solution simple pour remplir son blog, c'est de commenter celui des autres.

    Donc c'est l'anniversaire de Kozlika, et elle le fête en parlant d'un sujet ma foi rarement abordé.

    Dimanche

    Bizarrement, l'ennemi numéro 1 de mon blog serait plutôt le désœuvrement: autant dans un esprit de pure contradiction j'arrive toujours à l'alimenter lorsque j'ai mille choses plus urgentes à faire, autant je ne sais plus quoi écrire dès que j'ai du temps.
    Or j'en ai.
    J'ai si bien délégué en cette rentrée que je dois avoir gagné huit heures par semaine, destinées à l'origine à un projet plus personnel. Mais tout ce temps "libre" me donne le vertige et je n'en fais rien, je ne sais pas comment commencer.
    Alors je range. On ne chante pas assez les vertus tentatrices du rangement: cela occupe les mains, peu l'esprit et donne bonne conscience. Surtout, c'est une tâche quasi infinie puisqu'elle s'auto-génère.

    Pendant qu'on range, on peut penser à autre chose, par exemple se demander si ce blog n'est pas trop incohérent dans ses destinataires/destinations: d'une part destiné à être gougueulisé avec ses longs passages "fiches de lecture de quatrième" (il faut bien compenser la démission de certains (et quand un blogueur[1] vous aborde en vous faisant remarquer les décorations corinthiennes d'un immeuble hausmannien sur deux étages, vous vous dites qu'il n'y a plus le choix: arrêter ce genre de billets ou les poursuivre jusqu'à l'indigestion)), d'autre part destiné à quelques amis à qui je donne ainsi quelques nouvelles (et donc ne concernant pas les internautes de passage), sans compter les billets que je remplis de ce que j'ai vu ou lu afin de me servir de ce blog comme d'un index personnel.
    "Tu gamberges trop", me disait René.

    Dimanche soir, j'ai regardé La mort dans la peau, le deuxième film de la série donc, après avoir vu le troisième, La vengeance dans la peau, intriguée par ce billet. (La semaine précédente, je m'étais endormie avant la fin du premier, La mémoire dans la peau.)
    De film en film l'action s'accélère; c'est dans le deux que se fait la transition vers toujours davantage d'ellipses; dans le troisième on arrive en pleine vitesse. J'aime beaucoup les films "à suivre" qui sont pensés ensemble dès l'origine tout en restant compréhensibles indépendamment les uns les autres. Il ne me reste plus qu'à revoir le troisième, puis le deuxième, puis le premier, afin de suivre le maillage des renvois entre les trois. J'ai le soupçon que certains points de la chronologie sont indécidables, comme si tout était déjà là, ce qui est bien le moins concernant les aventures d'un amnésique.

    Notes

    [1] J'en profite pour signaler à ce blogueur qui s'étonnait du pointillisme de certains la date du 14 juillet 1884.

    La plus blâmable

    Fais-le, mon cher Lucilius: revendique tes droits sur toi-même, et le temps qui, jusqu'à présent, t'étais enlevé, soutiré, ou qui t'échappait, ressisis-le et ménage-le. Sois convaincu qu'il s'en va comme je l'écris: il est des instants qu'on nous arrache, il en est qu'on nous escamote, il en est qui nous filent entre les doigts. La plus blâmable est la perte par négligence. Aussi, si tu veux bien y prêter attention, la plus grande partie de la vie se passe à mal faire, une large part à ne rien faire, la totalité à faire autre chose que ce qu'on devrait.

    Sénèque, Lettres à Lucilius, début de la lettre I. traduction de P. Guisard, Bréal éditions.

    C'est la faute à Embruns. C'est à cause de lui que j'ai perdu mon temps à jouer à splash.

    Décalque

    En résumé, un paradis que je peux imaginer ne m'intéresse pas. (En revanche, je pense pouvoir me faire une représentation assez exacte de l'enfer.)

    Rentrer chez soi

    17h. Histoire de l'art. Vocabulaire : un triglyphe, une métope, une échine, un tailloir, un antéfixe, une acrotère, l'opisthodome ou adyton (en grande Grèce et en Sicile).
    L'architecture, la mimesis, Platon, l'Idée, la représentation de l'Idée, la représentation de la représentation...
    — Une colonne dorique n'a pas de base et repose directement sur les stylobates. Elle a vingt cannelures acérées. Oui, je sais, pourquoi s'ennuyer avec ces détails puisque les chapitaux sont faciles à reconnaître... Mais comment faites-vous quand il n'y a plus les chapitaux?
    Je n'y avais jamais pensé.

    — Si je vous dis 31 avant Jésus-Christ, à quoi pensez-vous?
    Silence dans la salle.

    — Il faut regarder la série Rome. La BBC s'est ruinée, mais c'est vraiment bien fait. Il y a même une scène sur le dépucelage d'Antoine: ça se passe dans un bordel, on lui présente quatre jeune filles et un jeune homme pour qu'il choisisse. C'est vraiment très bien fait.
    Personne ne dit mot ni ne sourit ni n'échange de regard dans la salle. La jeune professeur est d'un naturel parfait. Les choses ont tout de même changé en vingt ans.

    19h20. Bloquée dans le RER B. Un jeune homme en short de sport et chaussures de ville, bras nus, parle fort à ses trois camarades :
    — Mais est-ce que Jésus est vaiment à la base de ta vie?
    Silence.
    — Qu'est-ce que ça veut dire pour toi, s'en remettre à Jésus?
    Balbutiements.
    — Pour moi ça veut dire que...
    Il m'insupporte. Je regarde autour de moi, personne ne sourit ni ne fait attention, comment font-ils pour échapper à sa voix, le RER est très lent, s'arrête parfois dans le tunnel. Je vais m'asseoir plus loin, j'entends toujours le sermon, mon voisin lit Le Figaro, le combi volkswagen occupe une pleine page avec la légende «Il a appartenu à un troskiste, un maoïste, un socialiste et un sarkoziste sans jamais changer de propriétaire»[1]; je me déplace à nouveau, atteins l'espace vide de quatre mètres carrés en fin de wagon dans les RER B, deux noirs sont assis sur des chaises et parlent à mi-voix. Je me replonge dans les tristes démêlés de Fayçal I avec les Anglais.
    Aux Halles les noirs se lèvent et partent avec leurs chaises.

    19h35. Je cesse d'attendre le RER D et vais prendre le A.
    Le téléphone sonne:
    — Allô maman? Est-ce que tu sais à quelle heure doit rentrer O.? Il n'est toujours pas là, on commence à s'inquiéter.
    — Euh non. Regarde sur l'emploi du temps dans la cuisine.
    — Mais ce n'était pas un cours normal, le prof l'avait déplacé.
    Bon, si, l'horaire était indiqué, il était trop tôt pour s'inquiéter, je donne quand même quelques consignes: 1/ ne pas pas paniquer 2/ si O. n'est pas rentré dans vingt minutes (il suffit de rater un bus pour prendre beaucoup de retard) appeler Julien pour avoir le numéro du prof 3/ appeler le prof 4/ ne pas paniquer 5/ me tenir au courant.
    Je raccroche. De toute façon je suis coincée dans un wagon.
    Ce matin, jour de rentrée, les deux plus jeunes se sont levés dans une maison vide. Le benjamin est le dernier à avoir quitté la maison. Il lui est déjà arrivé de partir en oubliant de la fermer à clé.
    Je lis. En face, un jeune homme lit L'Equipe. Je repère une variante de la publicité pour le combi volkwagen. L'histoire de l'Irak dans l'entre-deux-guerres est particulièrement sanglante, de soulèvements en répressions.

    20h15. Le téléphone sonne:
    — Allô maman? C'est bon, il est rentré. T'es où?
    — J'ai pris le A, finalement.
    — Mais tu vas rentrer comment?
    — Je ne sais pas. A pied ou en bus.
    — Ben dis donc. Tu veux que je les fasse manger?
    — Oui, bonne idée.

    En quittant le RER, je remarque que mon voisin a abandonné L'Equipe. En attendant le bus, je jette les pages qui ne m'intéressent pas.
    Voici donc le texte de la publicité du combi volkwagen (qui fête ses 60 ans, ai-je appris en faisant un tour sur le net): «Il a transporté tous le idéaux de la terre. La porte devait être mal fermée.Tous les gars du monde qui se donnent la main, la libération de nos camarades, la libération sexuelle, la fin du capitalisme, du profit, de l'oppression, la lutte continue, le Vietnam libre, l'amour libre, l'odeur de l'encens qui brûle, l'odeur des fromages et du patchouli, les gourous, les shamans, les shakras, les maisons bleues, les livres rouges, la route de Katmandou, de Goa et la route again, les vestes afghanes, les tuniques indiennes, les auto-stoppeuses suédoises, les pattes d'éléphant et les gilets en mouton retournés... Quand on voit tout ce que le combi a perdu en route, on se demande comment sa réputation a pu nous arriver intacte.»


    Notes

    [1] Ce matin, je découvre les petites lignes : «Tout le monde change. On change d'opinion, on change pour la gauche, on change pour la droite, on change de coupe de cheveu, on change de chaussettes, on change de slip, on change de couleur préférée, on change d'habitudes alimentaires, on change de femme, on change pour un homme, on change pour devenir une femme, on change pour des énergies nouvelles, on change pour développer durablement, on change de médecin, on change de médecine, on change pour changer, parce que tout le monde change. Sauf votre vieux Combi: lui, à part quelques pièces, il est resté le même depuis 60 ans.»

    Mais pourquoi les canards de Barbarie ? et pourquoi 72 = 24 ?

    « Poussin d’un jour » : toute volaille âgée de moins de 72 heures et n’ayant pas encore été nourrie.
    Toutefois, les canards de Barbarie (Cairina moschata) ou leurs croisements âgés de moins de 72 heures et yant été nourris sont également considérés comme des poussins d’un jour.

    texte 18 du Journal officiel du 8 novembre 2007

    Rangement

    Passé la journée à trier des papiers. Plus un papier devient ancien, plus il est difficile à jeter; il est plus facile de se débarrasser de la facture d'un appareil acheté en 2005 et désormais hors garantie que d'une facture remontant à 1988 — surtout qu'il n'en reste qu'une d'aussi ancienne.

    Il y a surtout les coupures de journaux que je collectionne depuis 1990 sur tous les sujets, dès que quelque chose retient mon attention, les éditeurs, les auteurs, les libraires, la démographie, le dossier de l'eau au Proche-Orient, les activités de Khadafi junior, «la reconnaissance mutuelle d'Israël et de l'OLP, un tournant historique» (Les Echos, 10/09/1993), un article de Courier international de juin 1994 mettant en cause la France dans les massacres rwandais (traduction d'un article de Mark Huband paru dans The Weekly Mail and Guardian - Johannesburg), un portrait de Hans Blix, des coupures amusantes, etc.

    Mais on peu être un homme libre et avoir ses petites faiblesses. Une de ses notes de frais [d'Albert Londres] est restée fameuse: «Achat d'un cheval: 1.000 yen. Revente du cheval: 1.000 yen. Total: 2.000 yen.» Il fut réglé sans discussion. On raconte qu'autrefois la presse menait grand train...

    L'Agefi du 12 mai 2004, à propos du 66e prix Albert Londres (du temps où L'Agefi paraissait encore sous format papier).

    Evidemment, le classement n'avance pas vite puisque j'en profite pour googueuliser au fur à mesure, par exemple pour savoir ce que devient Laleh Seddigh, dont je possède un portrait paru dans le New York Times en mai 2005. Hélas, le conte de fée a l'air de mal tourner.

    En faisant une recherche sur le philarmonique de Berlin, j'ai trouvé un concours/classement de meilleurs blogs comme il s'en tient régulièrement. Celui-là est d'origine allemande. J'ai regardé quelques blogs français, assez vite: mes préférés pour le moment sont un blog tenu par un expatrié à Kinshasa (je simplifie) (j'ai décidément un faible pour les blogs d'expats, ils présentent de plus l'intérêt de donner en lien d'autres blogs d'expats) et un blog de photographies d'insectes et plus généralement de très gros plans de la nature (escargots, gouttes d'eau, etc).

    Bon, je retourne à mon classement.

    Quelques nouvelles

    • regardé Divine mais dangereuse pour expliquer à C. l'association d'idée qui avait mené au déguisement pour les quarante ans de O.
    • regardé 7 jours et une vie, sur la lancée. Edward Burns reste l'un des plus beaux acteurs actuels, étrange qu'on ne le voit pas davantage.
    • regardé Un jour sans fin pour la x-ième fois. Que d'efforts pour une journée parfaite.

    Oui, j'ai fait le pont.

    Attaqué le classement des papiers accumulés depuis deux ans dans un carton ayant contenu des oreillers. 60 x 50 x 35 cm de papiers. Retrouvé la carte de Ch. datant de janvier dernier, et donc l'adresse pour lui écrire.

    Coup de fil de mon garagiste qui a trouvé le billet que je lui ai consacré. C'est embarrassant. Il nous a donné l'adresse du garage où il travaille désormais.

    Malade. C'est pénible. (Retrouvé en triant et classant mon attestation de carte vitale. Elle est périmée).

    L'Afrique au présent

    Entre le président qui pense que l'Africain n'est pas entré dans l'histoire et les bonnes âmes de gauche convaincues que les campagnes africaines se vident parce qu'on y meurt de faim, c'est le même discours. La gauche pense que l'Afrique végète et qu'il faut faire un effort de générosité; la droite part du même constat pour prôner des solutions libérales. Tous nous trouvent nuls. La réalité est que l'Afrique atteint 5% ou 6% de croissance pendant que la France est à 1,8%.
    En jetant ce regard misérabiliste et compassionnel sur l'Afrique, la France se rassure elle-même. Elle a besoin de penser que l'Afrique ne va pas bien. Pendant ce temps, les gens de Dubaï, les Indiens et les Chinois ne nous disent pas que nous ne sommes pas entrés dans l'histoire, ils commercent avec nous.

    Lionel Zinsou, Associé-gérant à la banque Rothschild dans Le Monde, cité par Le Nouvel économiste du 4 octobre 2007.


    A la décharge de la France, une carte mondiale du nombre de médecins par habitants.
    Dans un genre un peu différent mais intéressant car méconnu, voir cette enquête sur les relations des universités (françaises) avec les pays en développement.

    Malédiction originelle

    — Qu'est-ce que vous êtes agaçante, avec vos questions !

    Le coût des sales cons (ou une certaine lassitude)

    Robert Sutton, un professeur américain de management à la Stanford Engineering Scool, a théorisé récemment la notion du "coût total des sales cons" en entreprise (CTSC). A la suite d'un très sérieux article dans la Harvard Business Review, il a rédigé un "petit guide de survie face aux connards, despotes, enflures, harceleurs, trous du cul et autres personnes nuisibles qui sévissent au travail".
    Objectif zéro-sale-con, Vuibert.
    Jean-Yves Dumay, Le Monde, cité par Le Nouvel économiste du 25 octobre 2007


    PS : Une collègue, dont c'est pourtant le métier et le devoir, hésite à signaler ce livre dans la revue de presse interne. Elle craint (elle est sûre, par expérience) que sa brève ne soit censurée par sa supérieure au motif qu'elle contiendra le mot "con".
    (Bah, finalement, j'ai tort de m'émouvoir, c'est exactement ce que la Harvard Business School Press a reproché à Sutton.)


    PPS: Je m'aperçois que le sous-titre français est bien moins élégant, bien plus "sale con", que le sous-titre anglais: "créer un environnement de travail civilisé et survivre à ceux qui ne le sont pas". C'est dommage.

    Un bal de têtes

    Fêté les 40 ans de O.
    Constaté une fois de plus que les visages et les corps sont le plus sûr signe du temps qui passe, puisque nous avons revu beaucoup d'inconnus rencontrés pour la dernière fois lors des 30 ans de O.

    Il y a dix ans, nous étions les seuls à avoir des enfants et nous n'en parlions pas, parce que ce n'est pas un sujet de conversation et que nous voulions avant tout oublier les soucis quotidiens lorsque nous étions en soirée. Dix ans plus tard, tous les autres ont des enfants entre zéro et cinq ans, qu'ils amènent en soirée et qui deviennent l'unique point de polarisation. Forts de notre expérience, nous repérons d'un coup d'œil les trois ou quatre solutions qui règleraient quelques dysfonctionnements mais prudents nous nous taisons.

    Nous rions avec effroi lorsque O. déclare à un blondinet de cinq ans pendu à son cou: «Quand tu auras quarante ans, c'est toi qui me porteras.»

    Appris incidemment que j'écrivais probablement en LISP sans le savoir: lot of insipide and stupid parenthesis (ce qui ne fera rire que les geeks, mais comme il ne doit pas en traîner ici, ceci est une parenthèse stupide de plus (CQFD)).

    Et pour Didier the Banished, une devinette: si les garçons jouent à Dongeons et dragons, à quoi jouent les filles ?

    Résumé frappant

    Entendu vers 7 heures sur RFM :

    «On dit souvent que le rugby est un sport de brutes joué par des gentlemen, Bernard Laporte va apprendre qu'à l'Assemblée Nationale, c'est l'inverse.»

    (Cette phrase serait de Jean Leonetti).

    Un lapsus

    C. m'envoie une carte postale de Florence. Le cachet de la poste porte la date du 19 octobre.

    C. a daté sa carte du 18 mai, et cela suffit à m'apprendre que le voyage fut heureux.

    Supporters dans l'Antiquité

    Lors des courses de chars organisées à Constantinople sous l’Empire romain, les tribunes étaient occupées par des spectateurs, qui prenaient déjà activement part au spectacle. Ils avaient constitué deux camps, les Bleus et les Verts, véritables groupes de supporters des deux principales équipes de chars. Pline le Jeune s’étonnait que la principale préoccupation des spectateurs soit non pas tant les capacités des conducteurs de chars ou des chevaux que la couleur de l’équipe gagnante ! Procope partage cette incompréhension dont il fait état dans son «Bellum Persicum»: «de longue date le peuple était divisé dans les villes [byzantines] en Bleus et Verts, mais il n’y a pas longtemps que, pour ces dénominations et pour les gradins qu’ils occupent pendant le spectacle, les gens dilapident leur argent, s’exposent aux pires violences physiques et n’hésitent pas à affronter la mort la plus honteuse. Ils luttent contre ceux qui sont assis du côté opposé (…). Est donc née entre eux une haine qui n’a pas de sens, mais qui reste pour toujours inexpiable». L’armée était ainsi régulièrement appelée à la rescousse afin de mettre fin aux désordres liés à la violence des supporters, et son intervention aurait sauvé de justesse le règne de Justinien en 532.

    extrait d'un rapport du Sénat, Faut-il avoir peur des supporters?

    Solidarité masculine

    Au marché, le vendeur d'oignons-pommes de terre au mari à qui la femme vient de faire une remarque :

    — Ne vous laissez pas faire, Monsieur. Allez, je lui mets plein de petits oignons pour la faire pleurer.

    Travaux et bricolage

    Il y a de la poussière de plâtre un peu partout, le ciment sèche au fond de la petite pièce, les trous du plafond ne sont pas bouchés, il faut acheter du carrelage, vite, vite.
    Ce soir est ma première soirée à la maison depuis la fin des vacances, impossible de faire tourner le lave-linge, les plombs sautent. Je savais bien que ce disjoncteur différentiel n'était pas une bonne idée. C'est la norme depuis la mort de Claude François, paraît-il: 50 mA, pour «ne pas retrouver un gosse les yeux hors des orbites».
    Nous avons un électricien poète.

    Pour cause de grève

    Dormi dans une chambre d'enfant. La nuit, des étoiles brillent sur la porte du placard.

    Un blog vous manque, et tout est dépeuplé

    Par curiosité, je lance une recherche sur "G vgvsse" dans Google, et je tombe sur cet aphorisme : «Le bonheur est le premier ennemi du blog.»

    Je crois que c'est très vrai, à condition de remplacer "bonheur" par "équilibre": il faut pencher un peu pour tenir un blog, que l'on considère qu'il faut manquer d'équilibre pour tenir un blog ou que le blog permette de trouver un équilibre (voilà qui me rappelle l'opium du peuple... je viens de passer une semaine trop catholique).

    L'aphorisme est plus loin corrigé, ou amendé: le couple est un autre ennemi du blog (je ne sais déjà plus si c'est le deuxième ou un ennemi inclassé).
    Sur ce point, je crois la relation beaucoup plus perverse. J'ai cru constater que lorsque qu'un blogueur était en couple, l'autre, non blogueur, ne lisait pas. Sauf de temps en temps, par accident, bien sûr. Et bien sûr, il tombait toujours sur les billets qu'il n'était pas censé lire.

    Roissy, 21 heures

    L'aéroport est presque désert. Nous franchissons une dernière fois la douane, machinalement, bonsoir, carte d'identité, merci, au revoir.
    Je quitte le guichet par la droite ; devant moi, de l'autre côté de la ligne que je m'apprête à franchir et donc en France, une femme d'une cinquantaine d'années s'agite, très visiblement ashkénaze avec ses vêtements marrons, beiges et violets, ses bas épais et son béret enfoncé jusqu'aux sourcils, elle parle à quelqu'un derrière moi :
    — Regarde encore ! Mais qu'est-ce que tu en as fais ? Tu l'as laissé dans l'avion ?
    Je me retourne, un petit homme barbu, poils gris, aux yeux tendres et perdus, fouille désespérément dans sa sacoche, désespérément et sans méthode me semble-t-il; il a sans doute glissé le précieux passeport à un endroit inhabituel "pour ne pas le perdre", ou peut-être même que c'est sa femme qui l'a, "pour ne pas que tu le perdes", il semble tellement sans défense. Ils paraissent sortis tout droit d'une nouvelle de Singer. Je franchis la frontière.
    Nous attendons les bagages, la technique du cougar pour ne pas avoir froid, la technique du tigre pour ne pas avoir chaud, les chaussettes gore-tex, l'homme est toujours de l'autre côté de la frontière que très respectueusement sa femme ne franchit pas, murmurant ses conseils et ses imprécations par-dessus la ligne, la douanière est une jolie jeune fille, la banque Palatine finance vos projets, je regarde le guichet; la douanière est sortie du poste, son arme de service pend sur sa hanche, elle fait la bise à ses collègues et se prépare à partir. Le petit vieux cherche toujours, mais en France; visiblement, de guerre lasse, la jeune fille l'a laissé passer. Sa femme continue à le morigéner, il a les yeux perdus dans le vide, toujours pratique elle part à la recherche des bagages.

    Pourquoi Lugano

    Depuis qu'H. avait vu Shine, il rêvait d'entendre David Helfgott. Il a donc entièrement organisé ces vacances autour du concert de ce soir.
    Personnellement, je trouve le film très agaçant dans son parti-pris émotionnel; quant à David Helfgott, si je trouvais amusant l'idée de l'entendre en concert (toujours cette tentative de donner corps à la fiction), j'étais méfiante : allait-on écouter un pianiste ou voir un animal de foire, il y avait là quelque chose d'ambigu qui me mettait mal à l'aise. Sans doute est-ce d'ailleurs pour cela qu'il n'y avait aucune publicité pour ce concert dans les rues de Lugano.

    Ce fut merveilleux.
    David Helfgott est entré en scène en chemise chinoise en soie rouge vif, d'une démarche sautillante, s'est approché du bord de la scène, a voulu serrer la main de quelques spectateurs au premier rang; mon cœur s'est serré, ça y est le cirque commence, ai-je pensé.
    Il s'est assis et a commencé à jouer aussitôt, sans attendre que la salle s'apaise.
    Il joue totalement tassé sur son tabouret, bossu, il me fait penser à Gould, et il parle en continu. Il ne chante pas, non, il parle, il marmonne la tête tournée, on ne comprend pas exactement ce qu'il fait, avec qui il poursuit cette conversation invisible à droite du piano, cela fait comme un bourdement d'abeille au-dessus du torrent de musique, c'est étrange mais pas désagréable, on se croirait en été. On ne comprend pas bien d'où vient la musique, il semble jouer par imposition des mains, les doigts le plus souvent tendus, longs au-dessus des touches. Il adopte des tempos très rapides mais il prend tout son temps, ses interventions au-dessus des touches ressemblent à des mouvements de pinceau, comme un peintre qui reculerait avant de décider d'ajouter un peu de jaune ou de vert, et c'est gai, vivant, incroyablement chaleureux.
    Au début du deuxième morceau, il s'arrête après une ou deux mesures. "Ça y est, quelque chose le dérange, il veut recommencer", pensai-je. Pas du tout, Helfgott, de sa façon évidente, marque un silence, puis continue sa ballade. Au milieu de la sonate Waldstein, il soupire avec conviction, genre "voilà, c'est fait", avec tant de naturel que la salle rit à mi-voix, et je sens que la tension qui règnait, et dont je n'étais pas consciente, s'est totalement évaporée.
    A la fin de chaque morceau il se lève très vite, tend les pouces vers le haut, serre des mains au premier rang (les enfants de la salle vont peu à peu, de morceau en morceau, oser venir, pour serrer ces mains), puis se rassoit et recommence à jouer aussitôt et très vite, sans attendre le silence, dans l'urgence, en marquant toujours magnifiquement les silences, les nuances, les contrastes.
    Il y aura quatre rappels. La salle s'est retenue, on voyait bien qu'il aurait pu jouer toute la nuit, et cela nous aurait fait plaisir. Mais cela n'aurait été ni très raisonnable ni très gentil.

    La Suisse

    Vieille habituée des Darwin awards, je n'étais pas enthousiaste à l'idée d'emprunter une ligne nommée Darwin Airline.

    En débarquant à Lugano, l'air sent la laiterie et la bouse de vache.

    Le cri du cœur du touriste épuisé

    Une petite pièce attenante à Sainte-Marie-Majeure sert de boutique à cartes postales ; une grosse Américaine erre devant la porte. La vendeuse s?interpose, l?entrée par cette porte est interdite.
    La grosse Américaine la détrompe, elle ne veut pas entrer, elle veut sortir.
    — No more church ! s'exclame-t-elle avec conviction.

    Problème de robinets version romaine

    Premier jour de vacances, debout à sept heures pour rejoindre deux amis sous les murs du Vatican à neuf heures dix.
    Le projet, formé la veille au soir, consiste à arriver tôt afin de faire la queue pour visiter la chapelle Sixtine. La Cité ouvre ses portes à dix heures.
    A neuf heures, la queue est déjà immense. H. commence son audit, il disparaît, revient, ses premiers relevés estiment à cinq personnes par mètre le nombre de touristes, la file devant nous fait six cents mètres. H. nous apprend que des cars entiers déversent des groupes à l'entrée du musée: pour eux, les portes sont ouvertes à partir de huit heures.
    Nous essayons de calculer la vitesse d'écoulement de la queue, afin d'estimer à quelle heure nous allons arriver aux portes du musée, sachant que nos amis doivent nous quitter à quinze heures pour prendre l'avion. C'est difficile, nous ne savons pas combien de guichets sont ouverts. Combien de temps faut-il compter par personne pour l'achat d'un billet, deux minutes, trois? Est-il raisonnable d'estimer qu'une personne paie en moyenne pour trois, accélérant d'autant l'écoulement (si l'on estime, comme H. insiste pour le faire, pour considérer que le paiement au guichet constitue le goulet d'étranglement du processus)?
    On rit, on suppute, il fait beau, le ciel est très bleu, H. nous achève en nous apprenant que le vendeur de pizzas au premier angle de la citadelle propose à la file devant sa boutique de réserver sa pizza pour midi.

    Nous abandonnons et nous allons nous promener sur le Forum.

    Le capitalisme, c'est beau

    Avons manqué nous étrangler pendant notre vol en découvrant que la compagnie Swiss nous proposait très sérieusement d'apaiser notre culpabilité de pollueurs par un don à l'organisation myclimate.
    Désormais les entreprises ne sont plus les seules à pouvoir acheter le droit de polluer. Je suis émue.

    Vacances romaines

    Je pars.
    La légère fièvre qui m'a tenue toute la semaine m'a enfin quittée.
    Il est idiot d'emmener Rome 1630, il doit peser plus d'un kilo et je ne l'ouvrirai sans doute pas.
    C'est plus fort que moi.

    I will be back.

    La démocratie, condition de la piraterie

    Dans une étude très originale, Peter T. Leeson décrypte les relations de pouvoir dans les bateaux pirates. Une gouvernance d'entreprise particulièrement démocratique!

    [...]
    Des principes démocratiques. Comment faire travailler des hommes d'équipage aussi nombreux et violents en bonne intelligence? Sur les bateaux commerciaux et les bateaux militaires, la solution était autocratique : le capitaine avait toute autorité et l'exerçait le plus souvent de manière tyrannique. Y compris pour son profit personnel, rognant par exemple sur les provisions distribuées afin de pouvoir les vendre plus tard. Des comportements qui faisaient fuir une partie des équipages vers... les bateaux pirates. Car il y régnait une répartition des pouvoirs bien différente, aux principes démocratiques avérés.

    Si le capitaine a toute autorité pendant les batailles, son pouvoir de dirigeant est sévèrement encadré. Il lui faut d'abord, pour devenir capitaine, être élu à la majorité des suffrages des marins et savoir au fil du temps conserver leur confiance. Les témoignages abondent de capitaines déposés par leur équipage pour cause de mauvaise gestion des batailles, des hommes ou pour couardise. Le capitaine ne dispose, par ailleurs, d'aucun privilège particulier: ses provisions et sa rémunération ne sont guère plus élevées que celles du reste de l'équipage.

    Des constitutions pour garde-fous. De plus, contrairement à la marine traditionnelle, le capitaine est loin de concentrer tous les pouvoirs. Il doit partager ses prérogatives avec un quartier-maître, élu également. Celui-ci est chargé de la distribution des provisions, du partage du butin et de la résolution des conflits entre marins. Les quartiers-maîtres pouvaient être choisis comme capitaines ; ils avaient donc tout intérêt à bien exercer leur fonction. Néanmoins, leurs pouvoirs de décision sont encadrés par des «constitutions» écrites dont le contenu est, là encore, défini de manière consensuelle; par les marins. Celles-ci fixent les règles de répartition des bénéfices et le montant des bonus pour les pirates les plus méritants, elles listent les comportements inacceptables (bagarres, jeux...), définissent les conditions d'indemnisation en cas d'accident du travail (500 pièces pour la perte du bras gauche, 600 pour le bras droit, etc.) et établissent la sévérité des punitions en cas d'infraction au code commun, le vol d'un autre pirate étant considéré comme la plus infamante. Les marins circulant entre les bateaux pirates, tous ont adopté le même genre de constitution afin de limiter le pouvoir discrétionnaire du quartier-maître. [...]

    extrait d'une note de lecture de Christian Chavagneux parue dans Alternatives économiques d'octobre 2007.

    Le travail de Peter Leeson est disponible en ligne : An-Arrgh-Chy: The Law and Economies of Pirate Organization.

    Ayaan Hirsi Ali et Peter Leeson

    Le blog d'Ayaan Hirsi Ali, l'ex-députée hollandaise dans une situation pire que celle de Salman Rushdie, puisque son propre pays ne veut pas assurer sa protection.
    En étudiant le sujet hier, j'ai découvert que le maire de Bruxelles avait interdit une manifestation qui souhaitait une minute de silence le 11 septembre "afin de ne pas embarrasser la population musulmane de la ville". Le maire n'était pas sûr de pouvoir assurer la sécurité des manifestants, a-t-il argumenté (ce qui n'est déjà plus la même chose que "ne pas embarrasser la population musulmane").

    Dans un autre genre et sans rapport : le site d'un économiste anarchiste.

    Et pendant que j'y suis à inaugurer cette nouvelle rubrique, j'en profite pour rappeler que Rémi a déménagé de Prague à Dubaï. Cette mésaventure m'a bien fait rire.

    -------------------

    Mise à jour le 3 juillet 2014: la page d'Ayaan Hirsi Ali.
    Concernant Rémi (Diligent), il est désormais plus actif sur Facebook que sur son blog.

    Ça devient vraiment n'importe quoi

    abracheumeuneu + Z = Zabracheumeuneu

    Au suivant !


    mise à jour le 3 octobre au petit matin : parce que c'est le plus discret des blogueurs, je vous signale la suite ici.

    Aaarg, Jean-Paul kill me !

    J'avais entendu parler de cela il y a deux ou trois ans, je ne savais pas qu'il existait un site[1]. L'article faisait remarquer à l'époque qu'il était impossible de faire de l'humour, en d'autres termes de jouer sur les allusions et les niveaux de langage, en globish: normal, ce petit-nègre n'admet pas les nuances.

    Il doit bien y avoir quelque part un comité pour la défense de la langue anglaise, il faudra que je cherche.
    Quand je pense que les mêmes personnes déplorent le langage SMS.

    Notes

    [1] source : Enjeux les Echos, septembre 2007

    What's in a name ?

    Ayant retrouvé avec plaisir mon petit volume de Fables, je le feuillette chaque fois que je le croise.

    Je lis des fables au hasard , tout à l'heure Le Loup devenu Berger, et je rencontre le vers: «Guillot, le vrai Guillot, étendu sur l'herbette». Une note de bas de page précise : «Diminutif d'une gentillesse un peu fade. "Il ne se dit guère qu'en poésie et en style pastoral." (Ac.)»

    Je me souviens d'un stage d'aviron, d'un voyage en car, d'un jeune homme répondant sans reprendre son souffle à la question d'un moniteur qui lui demandait son nom: «L'herbette, pas l'air con, la petite herbe».

    Quelques sosies

    Le lycée de mon fils propose une "activité" "Histoire de l'Art". Comble de la générosité, elle est ouverte aux parents et aux anciens élèves. Je me suis donc inscrite, bravant le ridicule de mon âge dans une classe d'élèves (tous volontaires puisque c'est hors programme) de seize à dix-huit ans.

    Premier constat: toutes les filles sont blondes (sauf une métis), du blond blé au blond vénitien.
    Deuxième constat : la prof ressemble à Karine Viard. Elle est un étrange mélange de "parler jeune" (elle est en doctorat et refuse de se poser en professeur) et de précisions («Moyennâgeux, c'est Les Visiteurs — enfin, ça ne vous dit peut-être rien, mais ce film c'est mon adolescence — [ou comment se sentir vieille à vingt-cinq ans], pour le Moyen-Âge on dit "médiéval".»). Elle est enthousiaste, amoureuse de son sujet et c'est plaisant.

    La semaine dernière, j'ai rencontré une présidente d'association qui ressemble à Dominique Lavanant à soixante ans (au physique et au moral). C'était moins bien.

    Google bombing

    Enfin, réflexions...

    Je tente un google bombing à moi toute seule: Racheumeuneu


    mise à jour le 28/09/2007 : j'en profite pour signaler que Berlinette a écrit le 26 septembre.

    Fou rire garanti

    premier épisode

    second épisode

    Rédiger une adresse

    Beaucoup d'internautes de passages arrivent ici en posant la question "comment rédiger une adresse?" (alors que je ne réponds qu'à la question «Comment rédiger une carte postale?»).
    La réponse matérielle à cette question se trouve ici.

    Une réponse plus complète et plus "française" se trouve dans Parlez mieux, écrivez mieux, ce livre désuet datant de 1974 édité par Reader's Digest.

    L'adresse

    Monsieur, Madame, Mademoiselle sont de jolis mots: ils méritent d'être écrits en entier devant le nom de votre correspondant; bannissez donc les abréviations pour ces trois mots, réservez-les plutôt aux avenues (av.), boulevard (bd) et autres squares (sq.): elle sont alors tolérables.
    Faites précéder le nom du destinataires de l'initiale de son prénom ou du prénom entier. Si vous écrivez à un couple, c'est l'initiale du prénom (ou le prénom) du mari qu'il faudra écrire après Monsieur et Madame (jamais Madame et Monsieur [...])
    Le prénom entier devra figurer s'il y a une Geneviève et une Gabrielle, un Georges et un Gaston, dans la même famille et à la même adresse; cela pour éviter toute confusion.
    Si vous destinez la lettre à toute la famille, vous pouvez écrire sur l'enveloppe:
    Monsieur et Madame R. B...
    et leurs enfants

    Si votre correspondant porte un titre, celui-ci doit en principe figurer sur l'enveloppe; mais peut-être ne souhaite-t-il pas le voir mentionné, pour des raisons diverse; renseignez-vous discrètement. Les titres de noblesse, le titre de docteur, les grades militaires précèdent toujours le nom. On écrira donc:
    Madame la Comtesse de N...
    Monsieur le Baron et Madame la Baronne de P...
    Monsieur le Docteur H...
    Madame le Docteur F
    Monsieur le Colonel et Madame V...
    Plus familèrement, on pourra écrire:
    Comtesse de N...
    Baron et Baronne de P...
    Docteur F...
    Le Docteur et Madame H...
    Colonel V...
    Le Colonel et Madame V...

    Notez que, pour les militaires à la retraite, on ne mentionne le grade que pour les officiers supérieurs (commandant, lieutenant-colonel, colonel dans les armées de terre et de l'air, capitaine de corvette, de frégate ou de vaisseaux dans l'armée de mer) et les officiers généraux (général dans les armées de terre et de l'air, contre-amiral, vice-amiral, amiral dans l'armée de mer).
    Les autres titres ou les professions qui équivalent à un titre sont placés au-dessous du nom:
    Monsieur P. S...
    Avocat à la Cour

    Monsieur X...
    Secrétaire perpétuel de l'Académie française

    Docteur C...
    Médecin-chef de l'hôpital de Nevers

    Monsieur A. P...
    Président du comité de lutte contre l'alcoolisme
    Ce dernier exemple est à la limite de l'acceptable, car il est bien long; de même, si votre correspondant possède plusieurs titres, n'en mentionnez qu'un: le plus important.

    Ecrivez le nom et l'adresse sur l'enveloppe aussi lisiblement que possible, non seulement pour faciliter le travail des P.T.T., mais aussi par courtoisie envers le destinataire. Si votre écriture est peu lisible, utilisez des capitales d'imprimerie.
    [suivent les recommandations des P.T.T., données en lien au début de ce billet].
    Si vous écrivez à l'étranger, le nom du pays doit être rédigé en français, sous le nom de la ville, du district, du comté, etc.
    Mrs C. W. JOHNSON
    80 St. Stephen's Road
    NORWICH NOR 90 09 S
    GRANDE-BRETAGNE

    Si vous écrivez poste restante, sachez que votre correspondant doit avoir au moins dix-huit ans, qu'il lui faudra présenter une pièce d'identité et payer une légère surtaxe.

    Si vous n'êtes pas sûr que votre correspondant se trouve à l'adresse indiquée (déménagement, vacances, déplacement prolongé, etc.), portez la mention«Prière de faire suivre», soulignée deux fois, en haut et à gauche de l'enveloppe.

    Adresse de l'expéditeur

    Sauf pour vos lettres mondaines, il est très recommandé de mentionner votre propre adresse, ainsi que votre nom, au dos de l'enveloppe, discrètement et lisiblement. Cette précaution évitera à votre lettrede tomber au rebut, si l'adresse de votre correspondant est incomplète, mal libellée ou inexacte. Au surplus, le destinataire saura, avant même d'ouvrir son courrier, qui lui écrit.

    Votre correspondant habite chez un tiers

    Il se peut que l'adresse à laquelle vous expédiez votre lettre ne soit pas l'adresse personnelle de votre correspondant. Vous la libellerez alors ainsi:
    Monsieur C.V....
    aux vons soins de Monsieur G...
    7, rue Thiers
    45000 ORLÉANS
    La formule «aux bons soins de», la plus correcte, peut cependant être remplacée par «chez» ou par c/o, abrégé de l'anglais care of.

    Résumé

    Week-end un peu difficile, à base de plombier, réunion de classe, goûter d'anniversaire, pique-nique à la kermesse, montage de cinq armoires et deux lits.
    La bonne vieille règle s'applique une fois de plus: chaque fois qu'on essaie de ranger et d'ordonner un peu cette maison, elle finit dans un désordre indescriptible.

    A la kermesse, trouvé Les Misfits (le livre (sous-titré Les désemparés, traduction qui me plaît)), et surtout, pour trois euros, Les Fables de La Fontaine éditées par René Radouant (1929) dans l'édition cartonnée gris pâle des classiques Hachette. Je soupçonne mon oncle d'avoir récupéré l'exemplaire que j'ai tant lu chez mes grands-parents (ce qui est sans doute normal, puisque c'était sans doute le sien).

    Les gens vous trouvent bizarre, il est possible que vous soyez simplement malade

    Samedi soir, désir de billet court après une journée fatigante et peu enrichissante (je crois que j'ai mangé trop de chamalows).

    Guillaume me fournit donc une idée simple et facile, le test en ligne. J'ai fait celui qu'il proposait, puis le site proposant "quel livre êtes-vous", je n'ai pas pu résisté.
    Au total, il me semble qu'il se dessine une certaine cohérence entre les deux tests, une cohérence un peu inquiétante.

    Tout cela m'éloigne de la discrétion prônée par Tlön, mais je ne pense pas que mon blog attire beaucoup de marketteurs: que pourraient-ils me vendre? Ce que je cherche n'est pas à vendre.


    Quel pays êtes-vous?

    You're South Africa!
    After almost endless suffering, you've finally freed yourself from the oppression that somehow held you back. Now your diamond in the rough is shining through, and the world can accept you for who you really are. You were trying to show who you were to the world, but they weren't interested in helping you become that until it was almost too late. Suddenly you're a very hopeful person, even if you still have some troubles.

    Si je comprends bien, j'ai eu des problèmes, mais je vais mieux.
    Je confirme, j'ai eu des problèmes, mais je vais mieux.


    Quel livre êtes-vous?

    You're Pale Fire!
    You're really into poetry and the interpretation thereof. Along the road of life, you have had several identity crises which make it very unclear who you are, let alone how to interpret poetry. You probably came from a foreign country, but then again you seem foreign to everyone in ways unrelated to immigration. Most people think you're quite funny, but maybe you're just sick. Talking to you ends up being much like playing a round of the popular board game Clue.

    Evidemment, en voyant apparaître ce titre, j'étais enchantée, mais après lecture du commentaire, je suis un peu embarrassée : ce n'est pas forcément faux, mais n'est-ce pas un peu théâtral et mélodramatique?
    Je suis retournée dans le test, j'ai coché des choix différents, pour tester le test. De tous les livres proposés que j'ai réussi à faire sortir de la machine, Pale Fire est de loin mon favori (ce qui est normal, puisque Pale Fire fait partie de mes cinq ou six livres favoris).

    Ariane et Barbe-bleue

    Ce matin, j'ai lu par hasard dans les Echos la critique de Michel Parouty:

    Une fois encore, une première à l'Opéra de Paris s'est achevée sous les huées. Gérard Mortier a beau dire et beau faire, le public parisien déteste cette esthétique qui lui est chère et qui a cours dans les théâtres allemands, celle d'Anna Viebrock, par exemple, qui signe mise en scène, décors et costumes de cet « Ariane et Barbe-Bleue ».
    Inutile de dire qu'elle n'a que faire du symbolisme dans lequel se noie le poème de Maurice Maeterlinck ; sa vision scénique ressemble fort à du recyclage de ses anciennes productions - on retrouve la ligne générale des bâtiments des « Noces de Figaro » ou de « Traviata » - et l'on est fatigué de ces robes tristounettes, de ces bureaux désaffectés et sinistres de la RDA des années 1950, qui brident l'imagination ou prêtent à rire, selon l'humeur, et gênent d'autant plus ici qu'on a souvent l'impression que leur disposition entrave les mouvements des comédiens. Seule pourrait être intéressante l'utilisation de la profondeur de champ, dont les effets sont relayés par la vidéo agissant comme un miroir grossissant et accentuant l'aspect carcéral des lieux ; mais elle tourne court, faute d'une vraie mise en scène.
    La suite ici

    J'ai ri en pensant à Gvgvsse qui attend la fin de l'ère Mortier.
    Je n'aurais pas dû.
    Ce soir, j'ai cru mourir d'ennui. Je suis désolée de n'être pas sensible aux charmes des lumières et autres, mais tout cela est bien trop statique à mon goût.

    Back to reality

    Trois jours passés à survoler (de très très haut) quelques notions de réseaux, filtres passe-bas, serveurs DNS, serveurs Apache, langages Python, HTML, XML, XHTML (j'aime beaucoup l'idée d'ajouter un X devant un langage pour certifier qu'on a programmé propre: on devrait tous Xécrire, Xcuisiner, Xconduire...: n'importe quoi!) m'a juste permis de comprendre quelque chose que j'aurais dû comprendre depuis longtemps: l'informatique, c'est la guerre, et celui qui programme en indépendant est à tout moment obligé de choisir entre le camp qu'il souhaiterait voir gagner et le camp dont il est probable qu'il gagne. (Heureusement, à long terme, rien n'est sûr, mais tout de même.)
    Les autres informaticiens (ceux qui vivent et meurent d'ennui en entreprise de plus de cinquante personnes) travaillent dans un environnement politiquement et techniquement contraint qui leur évite d'avoir à se poser ce genre de questions.

    Ce n'est pas très neuf, mais je suis toujours un peu triste de me heurter à ce genre d'évidences alors que j'essaie de les fuir.

    Un Otaku m'a interdit de devenir un Kévin

    Depuis cette vidéo que j'écoute presque chaque jour (ça met de bonne humeur au petit déjeuner), j'ai un désir secret:

    — J'aimerais bien jouer à WoW, pour voir ce que c'est.
    — Ah non, tu ne vas pas devenir un Kévin!
    — Gné ?[1]
    C. m'explique, pas trop vite pour que je comprenne (les notes de bas de page représentent mes interruptions (j'ai ajouté des liens pour les quelques lecteurs qui en sauraient encore moins que moi)) :
    — Un Kévin, c'est un joueur qui veut se faire passer pour un hard gamer[2] mais tandis que le hard gamer baigne dedans depuis toujours, le Kévin n'a que six mois d'ancienneté. Il parle en SMS, sur les forums il écrit sans arrêt «GG, mec»[3], il insulte les noobs[4] alors qu'il en est un et dit des trucs comme «Yo, j'ai upgradé de level en gagnant six PO et deux XP»[5]

    J' ai ressenti une certaine fierté à l'idée de pouvoir passer pour un Kévin. GG, mec.



    PS : Pour Matoo.

    Notes

    [1] cf. ici

    [2] un fan de jeux de vidéo

    [3] Good Game, mec

    [4] nouveaux

    [5] je suis monté de niveau en gagnant six pièces d'or et deux (points?) d'expérience.»

    L'élégance du blogueur

    Je n'aime pas les blogs de râleurs ou de pisse-froids, les blogs qui font la morale, les blogs qui sont contents d'eux-mêmes. Je n'en souffre pas puisque je les évite.

    J'aime les blogs tenus avec distance, dans lesquels «les petites contrariétés» deviennent des anecdotes amusantes ou des occasions d'auto-dérision, j'aime les blogs qui savent exprimer les sentiments sans appuyer (le plus difficile, il me semble; sous ce rapport Kozlika m'a plus d'une fois laissée sans voix), j'aime les blogs qui portent un regard étonné ou amusé sur le monde ou qui vont à la pêche sur internet et partagent leurs trouvailles.

    C'est pourquoi, en hommage à tous ces billets lus soir après soir pour mon plus grand bien-être moral, et bien que je sois furieuse pour un certain nombre de raisons, je vais parler de la vitrine du chocolatier 16 rue d'Assas, juste devant la station de Vélib où j'ai garé mon vélo afin d'aller emprunter à la bibliothèque le livre qui m'évitera d'attendre deux semaines que les circuits de la direction Achats crachent ce dont j'ai besoin dans les deux jours.

    Deux photos,



    la seconde bien évidemment dédiée à Chondre.
    (Désolée pour les reflets, je ne me suis pas méfiée (et puis je suis allée vite, je suis toujours gênée de photographier ainsi des objets qui me paraissent des objets personnels.)


    La relaxation, c'est plus difficile qu'on ne pense

    J'apprends qu'il existe dans ma bonne ville des cours confirmés de relaxation.
    Il y a dix places en cours pour les confirmés, douze pour les débutants : il faut croire que certains n'atteignent jamais le niveau confirmé.

    Battue, Madame Le Quesnoy

    Là, ce n'est plus la rubrique "on s'en fout", mais la rubrique "nawak".

    Dédié à Gvgvsse et Zvezdo, ceci est ma contribution au débat «Chantait-on mieux dans les églises de France avant Vatican II?» (Je dois avouer que la question m'a surprise, car je me suis rendue compte que j'étais en plein préjugé: à bien y réfléchir, je n'avais aucune idée de ce qu'on chantait dans les églises dans les années 50 ou 60.)

    Merci aux commentateurs de Caféine.

    Tout vient (presque) à point à qui sait attendre

    J'ai passé ma frustration de l'été sur des fringues.

    J'ai toujours rêvé d'avoir des cuissardes, les bottes de Barbarella ou de Yoko Tsuno, selon les références.

    A vingt ans, je n'en avais pas les moyens. J'avais acheté une pseudo-paire chez Eram, qui dépassait un peu le genou.
    Bien entendu, elles descendaient. Pour tenir, des cuissardes doivent être en cuir de très bonne qualité et s'ouvrir avec une fermeture éclair (au moins au niveau des chevilles) ou être composées pour partie de matière élastique.
    J'avais cousu quelques centimètres de ruban élastique à l'intérieur des bottes au niveau du genou, qui serraient bien fort la jambe, dans l'espoir d'empêcher la tige de s'affaisser. J'avais juste réussi à me blesser avec les coutures de ces bricolages, j'avais de drôles de cicatrices sur les jambes mais je mettais quand même mes bottes, même si elles tombaient, même si elles me faisaient mal, avec des petites robes en laine de couleur vive.

    En 2000, j'ai entrevu de loin chez un marchand de chaussures des cuissardes. Je les ai achetées et portées, même si c'était compliqué: ce n'était pas la mode, et aucun vêtement n'était prévu pour aller avec elles. Je rêvais d'un vaste pull Corto Maltese pouvant me servir de robe... En vain: si le pull était assez long il était trop large, et vice-versa. Je trichais, j'achetais des jupes (trop) courtes, des sur-vestes en soie trop longues, adoptant un look Matrix sans le savoir, tandis que ma collègue me racontait ses années 70, ses shorts en daim et le désespoir de son père.
    Je pouvais me le permettre, nous nous connaissions tous très bien, j'avais droit à des regards amusés et complices.
    Puis j'ai changé de boîte en conservant la plupart de mes collègues, mais en en gagnant d'autres. Le jour où un très beau métis m'a dit droit dans les yeux d'un air très sincère et très gêné «tes bottes... elle me font un effet...», j'ai arrêté de les porter au bureau.

    Depuis j'ai changé de service, je les porte de temps en temps, plutôt rarement, alors que depuis 2004 environ, c'est devenu un article courant dans les devantures des magasins de chaussures.
    Et cette année, enfin, joie et bonheur, sept ans plus tard, la mode est adaptée à mes cuissardes: petites robes courtes et rondes, grands pulls enveloppants...
    Je regrette un peu les années et les kilos en plus, mais tant pis: je sens que je vais reporter mes cuissardes. Et tant pis si je fais vieille peau, honni soit qui mal y pense. En tout cas, j'ai acheté trois robes, une en laine, une en velours, une en soie.
    Et je crois que je suis devenue copine avec la vendeuse, on a beaucoup ri et elle m'a fait promettre de repasser avec mes bottes. De toute façon j'ai l'intention de repasser, il faut que je convainc son collègue de me laisser un manteau (une forme et une matière admirables) à moitié prix, donc il faut que je lui donne envie de me le vendre... j'ai la carte de la vendeuse et le vendeur a ma carte... (finalement Matoo a eu raison de me faire regarder Sex and the City).
    I am happy.

    Bon, et pour vous récompenser d'avoir lu jusqu'ici et vous prouver que je pense à vous dans toutes les situations, ô lecteurs, une photo d'un détail de la toile de Jouy de la cabine d'essayage. Il paraît qu'il y a la même à Londres.




    PS: message personnel pour Jim: je reçois vos messages mais je ne peux pas vous écrire. Depuis mi-août, tous mes mails me reviennent. Mais je confirme que je n'ai pas de nouvelles positives. A suivre.

    Divers riens

    Je fais un deuxième billet, puisque le premier se devait d'être très court s'il voulait appartenir à la catégorie "Phrases".
    Je connais un blog qui possède une catégorie "On s'en fout", c'est très pratique, je devrais peut-être en créer une mais j'ai peur d'y mettre trop de choses.

    Quelques exemples :
    - Appris ce matin en passant à La Poste que les uniformes postaux utilisaient 11% du coton "éthique" utilisé en France.

    - Mon café diffuse MTV idole. J'adore, ça me rappelle l'époque des clips sur la 5 (1987?), Joe le Taxi and so on.
    Vu/entendu ce matin Mistral gagnant (Renaud pas encore soufflé par l'alcool: émotion) et la bande originale de Top Gun (des avions sur fond de couchers de soleil).

    Café matinal

    La serveuse:

    — Fais moins de bruit, j'ai des clients qui dorment encore !

    Quelques questions de traduction

    Je pourrais difficilement donner mon avis sur Max Dixon détective car j'ai dormi la plupart du temps (ce qui peut paraître déjà un jugement, mais pas tout à fait: je dors si facilement).
    C'est un film d'atmosphère plus que d'action, un film où les remords du héros sont attisés par l'amour. J'ai vu un gros plan de chaussures, des genoux, j'ai pensé à Crime et châtiments, et je me suis endormie.
    Une question demeure: comment Where the sidewalk ends est-il devenu Max Dixon détective? Voilà une façon radicale de résoudre les difficultés!
    Ce titre résume très bien le film, qui commence par un gros plan sur des jambes qui marchent sur un trottoir mouillé avant d'enjamber un caniveau qui déborde: ce "ends" représente-t-il une fin ou un commencement (là où se termine le chemin ou là où mène le chemin)? Le "sidewalk" (trottoir? inutilisable en français, trop connoté) est sans doute à la fois les actes (mauvais) et les tourments de conscience du héros. Le titre indiquerait donc une libération à la fin du film (la fin du chemin tortueux), mais également que ce chemin torturé et cette conduite peu recommandable étaient le moyen d'arriver au bonheur, ce qui est plus ambigu.

    Autre bizarrerie, La cinquième victime (1955) est la traduction de While the city sleeps. L'explication est plus simple: Quand la ville dort avait servi à traduire The Alsphat Jungle en 1950.
    Je n'ai pas fait assez attention, je ne compte pas cinq victimes, mais trois, quatre en comptant la tentative de meurtre...
    Je pensais le film des années 30 jusqu'à ce que Gvgvsse me détrompe: il aurait relevé d'une parfaite esthétique pour un film des années 30, établissant un archétype du genre; pour un film des années 50 il est trop parfait, il devient un pastiche de lui-même, un Cadavres ne portent pas de costard avant l'heure (les indices si faciles à décrypter, l'un des trois personnages importants du journal, amant de la femme du patron, habitant comme par hasard sur le même palier que la secrétaire fiancée au journaliste héros de l'histoire...).
    Gvgvsse n'a pas aimé, trop artificiel, je suis sortie de la séance plus hésitante: que venais-je de voir? Pas un film policier, si j'osais l'anachronisme, je dirais presque «un film sur la vie en entreprise», la lutte entre trois employés modèles manipulés par un nouveau patron incompétent, trois employés trop aveuglés par le goût du pouvoir pour songer à s'unir et faire front. Le manque d'ambition du héros lui sera reproché dès les premières images, heureusement, sa fiancée sera ambitieuse pour deux. Les femmes sont très ambitieuses, dans ce film, et parviennent plus ou moins à leurs fins — sauf la femme infidèle, on ne badine pas avec la morale.


    Dimanche, j'ai ouvert Les films de ma vie, de François Truffaut. Ses remarques m'ont surprise, elles ne sont pas fausses mais elle me paraissent outrées. Tirer de ce film une analyse de la dureté de Fritz Lang après l'épreuve du nazisme... cela me dépasse un peu.

    While the city sleeps nous montre les faits et gestes d'une dizaine de personnages qui gravitent autour d'un grand journal. Le directeur brusquement décédé, son fils, snob dégénéré et incompétent offre le poste à celui des trois candidats qui découvrira un étrangleur de jeunes femmes que Fritz Lang, qui cette fois rejette l'énigme policière, nous présente avant même, en pleine activité. Ce qui est passionnant dans ce film, c'est le regard de Lang sur ses personnages: une dureté extrême, tous sont damnés! Rien de moins mièvre et de moins sentimental, rien de plus cruel qu'une scène d'amour dirigée par Fritz Lang. [...]
    Fritz Lang multiplie les notations féroces sur chacun des personnages non dans un but satirique ou parodique mais par pessimisme. De tous les cinéastes allemands qui fuirent le nazisme en 1932, il est celui qui ne s'en «remettra» jamais, d'autant que l'Amérique, qui l'a cependant accueilli, semble lui répugner.

    François Truffaut, Les films de ma vie, p.92

    Le silence ou la forme

    J'ai froid aux pieds.

    Parmi tous les découpages possibles de la population blogueuse, il y a les blogueurs qui pensent qu'il vaut mieux se taire quand on n'a rien à dire (nous les nommerons "la mouvance Montherlant" par rapprochement très lâche avec une citation retrouvée par Zvezdo à partir d'une piste donnée par Gvgvsse) et ceux qui pensent qu'il faut écrire quoi qu'il arrive, qu'on trouve toujours quelque chose à dire (ceux-là se rapprochent de Paul Valéry, qui trouvait stupide de répondre qu'on n'écrivait pas "parce qu'on n'avait rien à dire" (citation à retrouver dans Pour une théorie du Nouveau Roman de Ricardou, que j'ai trop froid pour aller chercher)).[1]

    Ce n'est pas que je n'ai rien à dire, c'est que je n'ai pas le courage de le mettre en forme.

    Ce que j'aime bien quand je rencontre des blogueurs, c'est la petite curiosité des jours suivants: en parlera, en parlera pas, et en quels termes s'il en parle?
    La première fois, j'étais plutôt inquiète.
    Depuis, je savoure l'espèce d'étiquette qui règne, non écrite, qui fait que dans ce monde éminemment indiscret (sans compter les commères qui adorent les potins) chacun reste plutôt discret.
    Je n'ai fait promettre qu'une seule fois à quelqu'un le silence sur ce dont nous allions discuter. C'était une erreur: il était suffisamment bien élevé pour que ce soit inutile; à ma décharge, je ne l'avais que très peu lu puisqu'il n'était pas blogueur mais intervenait sur un forum.

    Tout cela me permet de rire quand j'entends les non-initiés faire des grands discours sur l'impudeur et l'exhibition des blogs: c'est un peu vrai et beaucoup faux. Cela ressemble plutôt à un jeu d'ombres et de lumière.
    Le plus grand plaisir, c'est tout de même que les héros soient "vrais" et sortent de leurs textes. Et qu'à l'occasion ils puissent compléter des histoires.

    Notes

    [1] voir ici.

    Hairspray

    Walt Disney au pays de Happy days, un pastiche à regarder au premier degré, pour la danse, le plaisir, le message (intégrons-nous! vivent les différences! arrêtons le racisme, tous les racismes, anti-noirs, anti-gros!), pour voir Travolta minauder avec ses petits yeux bleus enfoncés dans la graisse, pour voir Travolta repasser sur une table bien trop basse (il va se niquer le dos), pour voir Michelle Pfeiffer vamper Christopher Walken nul en géométrie, pour écouter des dialogues trop géniaux («une vie sans amour, c'est comme ma mère au régime»), pour attendre tout un film que Travolta se mette à danser...

    C'est kitsch, c'est chaleureux, c'est gai, c'est n'importe quoi, ça dégouline de bons sentiments, ça fait plaisir.

    Michelle Pfeiffer est une magnifique méchante, mais il faut dire que c'est sans doute le seul vrai rôle du film.

    La première fois qu'un de ses enfants vous apprend quelque chose

    Ce soir à table, j'ai pensé avec amusement à ce post de gvgvsse devant le franc succès remporté par le plus jeune avec cette phrase: «Adam part pour Anvers avec deux cent six sous», phrase qui condense la plupart des prépositions françaises (à, dans, par, pour, en, vers, avec, de, sans, si, sous ("si" est une anomalie dans cette liste, mais bon, ne compliquons pas)).
    Par quel miracle est-il le seul de nous cinq à avoir appris cette phrase?

    En vélo dans Paris

    Chaque fois que je prends un vélo dans Paris, je pense à Philippe qui m'avait confié: «Le vélo à Paris, ça ne marchera jamais. Et tu sais pourquoi? Parce que Paris est une ville construite sur des collines.»

    Et je pédale en me demandant si Pékin est plat, et je pédale en me demandant s'il y a beaucoup de vélos à Rome. (Le reste du temps je regarde le nom des rues: tiens, une rue des Gobelins qui donne dans l'avenue des Gobelins, tiens, un garage rue Toussaint (Toussaint quoi? entre l'avenue de Choisy et l'avenue d'Italie)).
    Rome et Paris, sept collines, douze collines, mais laquelle est laquelle?
    Voyons, les monts, Montparnasse, Montmartre, la montagne Sainte-Geneviève;
    Les parcs, les Buttes Chaumont, le parc Montsouris, le père Lachaise.
    Je compte mentalement sur mes doigts, ça fait six.
    L'Arc-de-triomphe, sept...
    Si j'en trouve sept, sachant qu'on oublie toujours un élément dans une énumération, faut-il déduire que Paris est construit sur douze collines? Et je pédale, me demandant si Belleville est sur la même colline que les Buttes-Chaumont, il me semble que vers Stalingrad ça monte, et la Butte-aux-cailles... Pas de doute, c'est douze.

    Les salles d'attente sont toujours aussi instructives

    Vu dans Elle du 5 décembre 2005 (citation approximative):

    Dans Bambi, la maman de Panpan, toujours de bon conseil, disait: «Mon fils, si tu n'as rien à dire de gentil, tais-toi.»

    Un classique du genre

    Je possédais le dessin depuis longtemps, je viens de recevoir le commentaire, n-ième variation du genre, mais qui me permet de mieux comprendre qui est Nelson Montfort. Vu les personnes représentées, cela doit dater de 2004.
    (La réponse de Vandamme me fait penser par sa syntaxe aux chansons de Yannick Noah.)



    La scène: Un poulet au bord d'une route. Il la traverse.
    La question: Pourquoi le poulet a-t-il traversé la route ?

    RENÉ DESCARTES : Pour aller de l'autre côté.

    PLATON : Pour son bien. De l'autre côté est le Vrai.

    ARISTOTE : C'est la nature du poulet de traverser les routes.

    KARL MARX : C'était historiquement inévitable.

    CAPITAINE JAMES T. KIRK : Pour aller là où aucun autre poulet n'était allé auparavant.

    HIPPOCRATE : En raison d'un excès de sécrétion de son pancréas.

    MARTIN LUTHER KING JR. : J'ai la vision d'un monde où tous les poulets seraient libres de traverser la route sans avoir à justifier leur acte.

    MOISE : Et Dieu descendit du paradis et Il dit au poulet : "Tu dois traverser La route". Et le poulet traversa la route et Dieu vit que cela était bon.

    RICHARD M. NIXON : Le poulet n'a pas traversé la route, je répète, le poulet n'a JAMAIS traversé la route.

    NICOLAS MACHIAVEL : L'événement important c'est que le poulet ait traversé la route. Qui se fiche de savoir pourquoi ? La fin en soi de traverser la route justifie tout motif quel qu'il soit.

    SIGMUND FREUD : Le fait que vous vous préoccupiez du fait que le poulet ait traversé la route révèle votre fort sentiment d'insécurité sexuelle latente.

    BILL GATES : Nous venons justement de mettre au point le nouveau Poulet Office 2003", qui ne se contentera pas seulement de traverser les routes, mais couvera aussi des oeufs, classera vos dossiers importants, etc.

    BOUDDHA : Poser cette question renie votre propre nature de poulet.

    GALILEE : Et pourtant, il traverse.

    ERIC CANTONA : Le poulet, il est libre le poulet. Les routes, quand il veut il les traverse.

    CHARLES DE GAULLE : Le poulet a peut-être traversé la route, mais il n'a pas encore traversé l'autoroute !

    JACQUES CHIRAC : Parce que je n'ai pas encore dissous la route.

    L'EGLISE DE SCIENTOLOGIE : La raison est en vous, mais vous ne le savez pas encore. Moyennant La modique somme de 10 000 € par séance, plus la location d'un détecteur de mensonges, une analyse psychologique nous permettra de la découvrir.

    BILL CLINTON : Je jure sur la constitution qu'il ne s'est rien passé entre ce poulet et moi.

    EINSTEIN : Le fait que ce soit le poulet qui traverse la route ou que ce soit la route qui se meuve sous le poulet dépend uniquement de votre référentiel.

    ZEN : Le poulet peut vainement traverser la route, seul le Maître connaît le bruit de son ombre derrière le mur.


    JEAN-PIERRE RAFFARIN : Le poulet n'a pas encore traversé la route, mais le gouvernement y travaille.

    JEAN ALESI : Je ne comprends pas, théoriquement, le poulet il avait le temps de passer.

    NELSON MONTFORT : J'ai à côté de moi l'extraordinaire poulet qui a réussi le formidable exploit de traverser cette superbe route: «Why did you cross the road? —Cot cot! —eh bien il dit qu'il est extrêmement fier d'avoir réussi ce challenge, ce défi, cet exploit. C'était une traversée très dure, mais il s'est accroché», etc.

    RICHARD VIRENQUE : C'était pas un lapin ?

    ORANGINA ROUGE : PASKEEEEEEUUUUUHHHH

    KEN LE SURVIVANT : Peu importe, il ne le sait pas mais il est déjà mort.

    JEAN-CLAUDE VANDAMME : Le poulet la road il la traverse parce qu'il sait qu'il la traverse, tu vois la route c'est sa vie et sa mort, la route c'est Dieu c'est tout le potentiel de sa vie, et moi Jean Claude Super Star quand je me couche dans Timecop quand le truck arrive je pense à la poule et a Dieu et je fusionne avec tout le potentiel de la life de la road Et ça c'est beau !

    FOREST GUMP : COURS POULET COURS !

    STALINE : Le poulet devra être fusillé sur le champ, ainsi que tous les témoins de la scène et 10 autres personnes prises au hasard, pour n'avoir pas empêché cet acte subversif.

    GEORGE W. BUSH : Le fait que le poulet ait pu traverser cette route en toute impunité malgré les résolutions de l'ONU représente un affront à la démocratie, à la liberté, à la justice. Ceci prouve indubitablement que nous aurions dû déjà bombarder cette route depuis longtemps. Dans le but d'assurer la paix dans cette région, et pour éviter que les valeurs que nous défendons ne soient une fois de plus bafouées par ce genre de terrorisme, le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique a décidé d'envoyer 17 porte-avions, 46 destroyers 154 croiseurs, appuyés au sol par 243000 G.I. et dans les airs par 846 bombardiers, qui auront pour mission au nom de la liberté et de la démocratie, d'éliminer toute trace de vie dans les poulaillers à 5000 Km à la ronde, puis de s'assurer par des tirs de missiles biens ciblés, que tout ce qui ressemble de près ou de loin à un poulailler soit réduit à un tas de cendres et ne puisse plus défier notre nation par son arrogance. Nous avons décidé qu'ensuite, ce pays sera généreusement pris en charge par notre gouvernement, qui rebâtira des poulaillers suivant les normes de sécurité en vigueur, avec à leur tête, un coq démocratiquement élu par l'ambassadeur des Etats Unis. En financement de ces reconstructions, nous nous contenterons du contrôle total de la production céréalière de la région pendant 30 ans, sachant que les habitants locaux bénéficieront d'un tarif préférentiel sur une partie de cette production, en échange de leur totale coopération. Dans ce nouveau pays de justice, de paix et de liberté, nous pouvons vous assurer que plus jamais un poulet ne tentera de traverser une route, pour la simple bonne raison, qu'il n'y aura plus de routes, et que les poulets n'aurons plus de pattes. Que Dieu bénisse l'Amérique

    Des bruits

    J'écrirai plus tard si j'ai le temps, en attendant, je suis heureuse de vous présenter ça, que je viens de retrouver.

    Parmi mes préférés, des pims au pamplemousse (14 mai) et des grenouilles (3 mai). Je n'ai pas encore retrouvé une conversation dans un magasin de farces et attrapes (poulet cru/poulet cuit, de mémoire, mais quatre ans après, c'est un peu flou).

    La Grande Illusion

    Le cinéma Racine présente cet été un festival des "films maudits". C'est ainsi que nous nous retrouvâmes hier soir devant La Grande Illusion, sans trop savoir ce que c'était, faisant confiance au nom de Renoir.

    C'est un film terriblement émouvant, moins à cause de lui-même qu'à cause de tout ce que nous savons qui attendait la France et l'Allemagne deux ans plus tard. C'est le témoin d'une époque à jamais révolue, celle où l'on pouvait encore concevoir une guerre en gants blancs, celle où l'on pouvait imaginer des prisonniers danser le french-cancan et manger du foie gras.
    En 1937 ce film devait permettre de croire à la paix, de se convaincre que toute paix valait mieux que la guerre, que les hommes comme la nature se ressemblaient partout et se moquaient bien des frontières (cf. l'une des répliques de la fin); en 2007 il permet de constater qu'on n'y croit plus, que la guerre semble une malédiction permanente, toujours à l'œuvre dans quelques points du globe, et qu'elle est animée par une haine viscérale qui empêche le respect de l'adversaire tel celui mis en scène par Jean Renoir: la grande illusion, c'est finalement celle-ci, avoir cru à une dignité de la guerre.
    Si le film ne tombe pas dans le cliché sentimental, c'est que sous l'apparente simplicité du propos le dilemme représenté est tragique, au sens classique du terme: confrontation de deux absolus, "les hommes sont frères" et "le devoir est le devoir", avec l'éternelle hiérarchie selon les sexes: la femme peut choisir la fraternité contre le devoir, l'homme doit choisir le devoir contre la fraternité.

    «Des enfants qui jouent aux soldats, des soldats qui jouent comme des enfants»: si le film est si drôle, si l'on rit si souvent, c'est que l'enfance, l'esprit de l'enfance, affleure chez les soldats. Si la guerre est un sujet sérieux, si l'on risque la mort, alors il est important de ne pas la prendre au sérieux, et je pensais au Caporal épinglé, à Exobiographie, à L'épopée du Normandie-Niémen, tous livres évoquant la deuxième guerre mondiale eux aussi dans cet esprit léger, ce refus d'être sérieux.

    J'aime particulièrement dans ce film son art de l'ellipse, son exigence de ne jamais rien montrer qu'on ait deviné: dès que le spectateur a compris ce que devraient être les images suivantes, la séquence est terminée, l'image fond, on passe à la suite. Il n'y a pas d'image inutile.


    Dans les petits plaisirs, Carette chantant «Si tu veux faire mon bonheur, Marguerite...».
    (Une recherche m'a amenée sur cet étonnant blog.)

    Le château de Grosbois

    Dimanche, ciel de pluie.



    Se casser le nez

    L'une des raisons pour lesquelles j'ai abandonné les visites de châteaux, expositions, musées, outre la réticence de mon entourage, c'est la difficulté à dompter horaires et calendrier. C'est un monde où l'exception est la règle et où le théorème de Murphy s'applique systématiquement: fermé le week-end alors que vous n'êtes libre que le week-end, ouvert le week-end alors que vous serez reparti, fermé à partir de 16 heures, ouvert à partir de 16 heures, fermeture exceptionnelle... Grrrrr. Cela m'exaspère.
    Il faudrait téléphoner systématiquement, ce qui m'exaspère également.


    Lundi, j'avais l'intention de visiter le musée d'Art moderne de la ville de Paris. Le bâtiment est désert, sinistre, les tables sur la terrasse prennent l'eau dans l'attente que celle-ci se transforme en mouss, les fenêtres sont sales, tout respire l'abandon. J'aurais pourtant juré que ce musée avait rouvert au printemps. Je feuillette fébrilement L'officiel des spectacles: le musée est ouvert tous les jours sauf le lundi.
    Je maudis les petits malins qui ont voulu se démarquer des jours de visite des musées nationaux, sur lesquels je m'étais intuitivement appuyée (jour de fermeture le mardi). Je suppose que cela permet d'avoir un musée à visiter le mardi...

    Qu'à cela ne tienne, un coup de fil à C. pour qu'il nous rejoigne à l'hôtel de Soubise, que nous tenons à visiter depuis les concerts "des jeunes talents" auxquels nous avons assisté. Nous arrivons essouflés, une heure avant la fermeture des guichets (en espérant que la fermeture des guichets ne coïncide pas avec la fermeture du musée): il était inutile de tant se dépêcher, le musée est exceptionnellement fermé pour réfection jusqu'au 21 août.

    Vendredi, j'emmène C. visiter le château de Champs, résidence de la duchesse de Pompadour avant qu'elle n'achète Ménard. A la suite de divers malentendus, nous n'avons pas déjeuné et nous nous arrêtons au café manger un sandwich (rillettes pour l'un, saucisson sec pour l'autre) et boire un coca. À côté de nous une femme sans âge dans un anorack léger gris/kaki parle toute seule en scrutant l'écran de télé par dessus son épaule: «douze, dix-sept, dix-huit, zut il m'en manque un, si j'avais coché le dix c'était bon». Elle a l'air désespérée, elle fouille dans son sac, se lève, va faire enregistrer une autre grille, je regarde l'écran, en bas à droite s'affiche «prochain tirage dans:» et les secondes défilent dans un compte à rebours. Il y a un tirage toutes les trois minutes, je suis éberluée, je m'empare d'une grille sur la table d'à côté pour lire les instructions.
    La femme revient, se rassoit, le manège se répète. Le patron qui jouait aux dés au comptoir avec un client vient s'assoir en face d'elle, visiblement il a perdu, il crie à la serveuse d'un air mi-furieux, mi-dégoûté: «donne-lui ce qu'il veut, trois sandwiches s'il veut.» Il ajoute à la cantonnade: «On croit qu'ils jouent aux dominos, mais ils en veulent à votre chemise.» Le client, un jeune homme, rit, penaud.

    Nous quittons le café. C'est le dernier bâtiment sur la route avant le château, et c'est surprenant, ce château ainsi dans la ville (une ville très basse, austère, sans grâce). Des douves, une grille, un aimable gardien qui nous invite à entrer: «Ce n'est pas payant? — Euh... Le château ne se visite pas, on a eu des problèmes d'infiltration l'année dernière».
    Je suis furieuse et déçue, je regarde C.; maintenant qu'on est là, autant visiter les jardins.
    Le jardin à la française est immense, quelques herbes folles profitent déjà des vacances des jardiniers. Une très belle fontaine représente Scylla, entourée de monstres qui ressemblent à des loups. Nous nous arrêtons lire quelques minutes sur un banc, mais le vent est trop froid pour rester immobiles longtemps. Au loin, entre les arbres, on aperçoit des immeubles et une tour de radiodiffusion, un autre monde.
    En revenant, un coup d'œil à travers les carreaux nous permet de regretter encore davantage que les visites soient suspendues. Qu'il vous suffise d'imaginer que le château a servi de décor au film Les liaisons dangereuses.

    La Vallée-aux-Loups

    Jeudi matin.

    A force de voir Guillaume et Philippe[s] visiter des lieux près desquels j'ai grandi sans jamais y avoir mis les pieds, j'ai fini par ouvrir le Guide vert de l'Ile-de-France.

    A ma grande surprise, j'ai découvert que la Vallée-aux-Loups se trouvait à une demie-heure de la maison : à cause sans doute des magnifiques photos du parc, je l'imaginais en Normandie, malgré un récent journal camusien me prouvant le contraire — «Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances».

    A 11 heures du matin, le parking était désert et j'étais la seule présente pour la visite guidée qui allait commencer.
    Le guide ayant eu un empêchement, une femme me tendit une feuille A3 imprimée et m'annonça que j'allais devoir faire seule la visite — en sa présence. Un peu surprise, je demandai: «Vous avez peur que j'abîme quelque chose?»
    Quelle stupide chose à dire, elle sourit sans répondre, mais je continuai, emportée par l'élan: «Vous allez vous ennuyer!»
    Ainsi commença la visite, lecture du paragraphe concernant la salle, observation de la salle, je regarde les meubles, observation de la vue (Quels arbres magnifiques, plantés de façon à donner de la profondeur au paysage. La pelouse est tondue sur trois niveaux, une bande rase de trois mètres, puis une bande d'herbes plus hautes, puis à quinze mètres de la friche), retour à la salle, lecture des cartouches le corps penché au-dessus du cordon de velours, la tête tordue, je pense que dans quelques années je ne pourrai plus lire si facilement, profitons pendant qu'il est temps (il n'y a pas si longtemps que j'ai compris que Mignonne allons vois si la rose n'était pas mufle, mais tout simplement vrai).

    Deuxième salle, le guide arrive transpirant, vouant le RER aux gémonies, racontant à sa collègue une sombre erreur d'annonce fausse et de mauvaise correspondance. Sans reprendre souffle, il enchaîne sur la description de la salle où nous nous trouvons. Récit de l'achat de la Vallée-aux-Loups, récitation de la longue phrase à propos du silence accompagnant la tyrannie qui a provoqué la colère de Napoléon, présentation d'un lourd volume et de ses gravures... Il dégage une étrange odeur, est-ce cela, le camphre? Tout le long de la visite, il fera preuve d'un véritable amour pour l'œuvre de Chateaubriand, me résumera Atala, rendra justice à Mme de Chateaubriand, s'attachera à se déclarer, à plusieurs reprises, profondément républicain, et se montrera par moment d'une étrange vulgarité, présentant le mur consacré aux maîtresses de Chateaubriand comme «Chateaubriand et ses copines» et utilisant le terme de sympa à propos de tout et de rien, une commode, les fleurs entourant le double escalier, un parquet bien restauré... Il fait une remarque amusante à propos de la «mode Atala» (vaisselle, gravures, etc), imaginant avec raison qu'aujourd'hui il y aurait sans doute des tee-shirts Atala.
    L'histoire de Madame Récamier venant mettre au propre la première version des Mémoires à la Vallée-aux-Loups vendue, sans avoir le droit d'y inviter l'ancien propriétaire, me serre le cœur.

    Une partie du bâtiment, sur deux niveaux, est une bibliothèque et un centre de recherche. Elle ne se visite pas, c'est un lieu d'études, mais comme nous seuls, il me fait entrer quelques minutes: c'est une bibliothèque qu'on a pris soin de meubler en plaquage d'érable, dans les tons du reste de la demeure.

    Je vais me promener dans le parc. Il est finalement le seul vrai témoin de l'époque, les pièces de la maison n'étant que des reconstitutions. La tour Velléda est minuscule dans la pénombre des arbres qui l'enserrent.
    Il fait beau, on entend au loin le grondement permanent des voitures, tout est si tranquille, la pelouse en friche est destinée aux oiseaux, il est interdit de quitter les sentiers, le milieu est fragile nous préviennent diverses pancartes.
    On passerait sa vie ici.

    Les Joyeuses Commères de Windsor

    Mercredi 15 août, soirée.

    Songe d'une nuit d'été nous ayant convaincu, nous retournons au théâtre du Nord-Ouest, cette fois dans la petite salle. Enfin, je suppose: en réalité il n'y a pas beaucoup de différence, les sièges sont plus mous, plus avachis, on dirait de vieux canapés, ils entourent la scène sur trois côtés.
    La grande faiblesse de cette représentation sera la chaleur et une persistante odeur de sueur. En effet, il est sans doute très difficile d'aérer cette salle, et l'air stagnant restitue les remugles de la représentation de l'après-midi.

    La pièce est plaisante, les acteurs convaincants, il s'agit d'une farce traditionnelle sur le thème du joueur joué. La troupe est plus âgée, ce qui convient bien aux personnages. Je suis inquiète les dix premières minutes, c'est très brouillon, je me dis que cette fois je ne vais rien comprendre (ma grande angoisse dès qu'il ne s'agit pas de livre, où l'on peut toujours remonter de quelques pages quand on n'a pas fait attention à un détail ou qu'on l'a oublié).
    Et puis non, comme souvent il suffisait d'attendre que l'intrigue se mette en place.
    Une fois encore le décor est minimal, une table, un banc, des verres, apportés et emportés par les acteurs. Entre les tableaux, un ou deux acteurs défilent avec une banderole pour indiquer le lieu de la scène à venir (en effet, les lieux changent continuellement), ils pourraient s'éviter cette peine, cela n'a pas grande importance, mais c'est amusant ces banderolles, "auberge de la jarretière" ou "maison de Gué" ou "jardin de Gué", etc. J'aime beaucoup cette abscence de décor, les décors qui veulent "signifier" m'effraient.

    La pièce est amusante mais moins surprenante que Songe d'une nuit d'été.
    Je note au passage que Shakespeare semble avoir une prédilection pour les pièces jouées dans les pièces, la mise en abyme de la représentation: je connais peu de pièces et je peux déjà citer trois cas, Hamlet, Songe d'une nuit d'été, et maintenant Les Joyeuses Commères de Windsor, sous une forme un peu différente. Ici, il ne s'agit pas d'une pièce de théâtre dans la pièce de théâtre, mais d'une représentation à huis clos, à l'usage d'un seul, Falstaff, caché derrière un pilier. C'est un moment intéressant car les actrices dédoublent alors leur jeu, de façon remarquable, pour jouer le fait qu'elles jouent.
    Jouer en effaçant la marque du jeu (à notre usage) et chercher l'illusion de la réalité, jouer en accentuant les marques du jeu (à l'attention de Falstaff mais bien sûr à la nôtre, puisqu'il s'agit que nous comprenions le double jeu) et montrer l'illusion du théâtre, ce double registre paraît une préoccupation de Shakespeare (conclué-je imprudemment après avoir vu cinq ou six pièces shakespeariennes dans ma vie).

    Flamme rose

    Les cartes postales, ter

    Il y a un an, pratiquement jour pour jour, je donnais quelques conseils personnels pour rédiger une carte postale.
    A ma grande surprise, ce billet qui n'était pour moi qu'un billet de vacances, quelque chose qu'on écrit vite durant les heures de l'été (un billet carte postale, en quelque sorte) connaît un grand succès: "Ecrire une carte postale" et ses variations représentent 40% des questions pour arriver ici en juillet et en août.

    C'est donc avec plaisir que j'ai découvert tout un dossier consacré à la carte postale dans Alternatives économiques n°260 de juillet-août 2007. Je vous livre des extraits du chapitre "La fonction sociale de la carte postale", qui cite Jacques Derrida qui en 1980 analysa le rôle de la carte postale dans La carte postale de Socrate à Freud et au-delà.

    Car peu importe la banalité du propos, les sujets abordés presque toujours les mêmes (le temps qu'il fait, les activités des enfants, la beauté du site). L'envoi d'une carte est d'abord un rappel — certes ritualisé – de son attachement affectif, le témoignage d'une pensée pour l'autre dans un contexte hors du quotidien. L'expression de cette pensée, alors que les repères habituels sont faussés, renforce le lien social. Et la carte postale devient un outil plus important qu'il n'y paraît de gestion de son réseau relationnel: familial, amical et, éventuellement, professionnel.
    La volonté d'établir ou de rétablir un échange fonde d'ailleurs le caractère du message écrit sur la carte: vivant, spontané. Les phrases courtes, souvent elliptiques, créent une illusion de conversation: l'expéditeur formule des questions, anticipe des réponses du destinataire par des «j'espère que», «je suis sûr que», etc. Autre caractéristique empruntée à l'oralité, l'emploi du présent: la carte postale l'utilise pour accentuer la dynamique de l'échange («je me baigne tous les jours..., demain je suis à Madrid et je rentre te retrouver à Paris»).
    [...]
    La carte postale une fois reçue, pourquoi hésite-t-on à s'en débarrasser? Elle passe du fond du sac à la bibliothèque du salon ou sur la porte du réfrigérateur. Et, finalement, on l'oublie au fond d'un tiroir ou on la range dans une boîte à chaussures. Rarement, on déchire ce petit bout de carton sitôt reçu et regardé. Car ce signe d'attention que les autres nous portent nous valorise. Le sentiment d'être digne de reconnaissance ou d'affection se renforce. Mais la carte postale valorise aussi l'expéditeur. D'ailleurs, il n'y relate que des événements heureux, ne tient que des propos optimistes. La carte postale est la preuve de sa capacité à s'extraire de ses repères quotidiens, à pratiquer des sports inhabituels (on marque d'une croix le sommet escaladé), à voyager loin et dans d'autres cultures. Ce «voilà ce que je fais d'extraordinaire» doit susciter l'envie du destinataire.
    Ainsi, la carte postale, mode de correspondance minimaliste, serait donc moins anodine qu'il n'y paraît. Concluons avec la phrase du philosophe Jacques Derrida: ''«Ce que je préfère dans la carte postale, c'est qu'on ne sait pas ce qui est devant et ce qui est derrière, ici ou là, près ou loin, Platon ou Socrate, recto ou verso. Ni ce qui importe le plus, l'image ou le texte, et dans le texte, le message ou la légende, ou l'adresse...»
    Alternatives économiques n°260, juillet-août 2007, p.68-69


    Cette vision de la carte postale comme esbrouffe n'est pas très encourageante, c'est à avoir honte d'en envoyer... heureusement que je ne fais pas grand chose d'extraordinaire de mes vacances.
    La carte postale remplace pour moi un coup de téléphone, un SMS, un mail (mais évidemment, en 1980, Derrida n'aurait pu écrire cela). Elle arrive vite, vingt-quatre heures le plus souvent, et même douze heures de Paris à Paris, si l'on a repréré les bonnes postes et les horaires. Elle me sert de textos post-it, de pense-bête, de marque-pages. Elle oblige à l'étranger à apprendre le mot "timbre". Et tandis que je ne connais aucun numéro de téléphone (qui a fait l'expérience suivante: ne pas pouvoir appeler d'un fixe parce que son portable étant hors batterie, il n'avait plus accès à son répertoire?), je connais pratiquement toutes les adresses par cœur (Truc et astuce : par expérience, je sais qu'il vaut mieux une adresse incomplète qu'une indication fausse sur l'enveloppe). Je pourrais en envoyer des quantités, à la façon des "spammeurs" sous Twitter, je me retiens: c'est louche tout de même, quelqu'un qui envoie trop de cartes postales. Alors je trie sur le volet les personnes à qui cela ne devrait pas paraître trop bizarre, cette manie de l'écrit, ou qui n'en sont plus à une excentricité près de ma part.
    (Ah, et j'allais oublier l'embarras d'écrire à un blogueur marié: inquiétude, puis-je vraiment écrire, ne vais-je pas embarrasser un ami? Et n'est-ce pas impoli de ne s'adresser qu'à la moitié d'un couple? (et je songe au froid «C'est qui?» de H. devant tout expéditeur inconnu, à sa tête qui signifie «Tu fais ce que tu veux mais j'ai le droit d'en penser ce que je veux» (ce qui est tout à fait exact, d'ailleurs)).

    Songe d'une nuit d'été

    Lundi soir.

    Cette pièce m'intriguait à cause du réseau d'allusions dont elle paraît le centre : Les Celtiques (Corto Maltese), Sourires d'une nuit d'été d'Ingmar Bergman, Comédie érotique d'une nuit d'été de Woody Allen, Le cercle des poètes disparus, etc.

    Je connaissais Obéron, Puck, j'avais vu la tête d'âne.
    Je ne m'attendais pas à rire autant et à sortir la tête aussi légère.

    Comment écrire sans rien dévoiler?

    Commençons par des renseignements généraux : le théâtre du Nord-Ouest présente l'intégrale de Shakespeare (34 pièces) jusqu'en mars 2008. Il a inventé la carte UGC du théâtre: pour 90 euros, on peut assister à autant de représentations qu'on le souhaite. Le programme est ici.
    Il propose également d'acheter une pierre du théâtre, pour garantir l'indépendance de la troupe. Malheureusement la part est chère, mille euros. L'initiative de la souscription est soutenue par l'association Miroir du Monde, qui semble tout à fait sérieuse.

    Nous entrons dans la salle par la scène. La salle est entièrement noire, le sol semble d'ardoise (je l'ai touché en partant, c'est une sorte de linoléum ressemblant aux sols des activités pour enfants), la scène descend lentement en marches basses d'environ un mètre cinquante de large. Il est sans doute possible d'y mettre quelques accessoires, mais visiblement elle n'est pas prévue pour cela. Les acteurs joueront sans décor, et je m'amuserai à composer un décor mental, celui des théâtres itinérants du Capitaine Fracasse.
    Bonne nouvelle, contrairement à la plupart des salles parisiennes, il y a de la place pour les jambes.

    La pièce commence. Les acteurs sont inégaux, jeunes, leur voix mettra un peu de temps à se chauffer. Ensuite, ce sera du pur plaisir, entre le texte, le jeu des acteurs, la mise en scène, vive, loufoque, qui représente avec un rare bonheur la lubricité, la folie, le désespoir, l'amour, et se moque gentiment des simplets et sans aucun doute des spectateurs: comment comprendre autrement que Shakespeare prévoit d'expliquer que le lion sur scène n'est pas un vrai lion (et autres fadaises, je ne veux pas en dire trop pour ceux qui ne connaîtraient pas), et qu'il aille jusqu'à expliquer trois fois la même chose, une fois en prévoyant un prologue (prologue au prologue), ensuite en faisant jouer le prologue (sorte de résumé de l'intrigue remplacé aujourd'hui par la feuille A4 fournie à l'entrée de la salle), puis la pièce racontée par le prologue...

    Les enchâssements et les jeux de miroir sont multiples, la traduction est vive et enjouée (bien meilleure pour la scène que celle donnée par mon édition Bouquins), les acteurs totalement imprégnés de leur texte et des mouvements de scène.
    Puck/Robin surtout est magnifique, à la fois comme homme et comme acteur, il a sans nul doute une formation de danseur, et son jeu comme son corps sont remarquables. Il vaut le déplacement à lui seul. Mais des rôles plus effacés sont également très bien tenus, et je vous recommande Thisbée, sans compter le mur...

    Il s'agit vraiment d'une pièce pour rien, au prétexte ténu, sans leçon ou moralité, absolument invraissemblable et s'en moquant, une vraie réjouissance. Incidemment, elle donne l'explication du déréglement des saisons en Europe et des inondations que connaît l'Angleterre: Obéron et Titania se disputent, seule leur réconciliation rendra sa régularité à la ronde des saisons:

    Pures inventions que crée la jalousie.
    Jamais depuis le temps du solstice d'été
    Je ne t'ai rencontré par bois, vaux ou collines,
    Par sources empierrées, ruisseaux bordés de joncs,
    Ou rivages marins, qui déroulent leurs plages
    Pour nos rondes rythmées par la chanson des vents,
    Que tu n'aies dérangé nos jeux par tes querelles.
    Alors les vents, lassés de leurs vains chants de flûte,
    Comme pour se venger ont sucé dans la mer
    Des brouillards contagieux qui, tombant sur le sol,
    Ont réveillé l'orgueil des plus minces rivières
    De sorte qu'elles ont débordé de leur lit.
    Aussi le bœuf a-t-il en vain tiré son joug
    Le laboureur sué our rien, et le blé vert
    A pourri sans que son enfance ait eu de barbe.
    Dans les prés inondés l'enclos demeure vide,
    Les troupeaux décimés engraissent les corbeaux,
    La boue vient envahir le terrain de marelle;
    Les sentiers du dédale entre les herbes hautes
    N'étant plus parcourus deviennent indistincts.
    Les mortels sont privés des plaisirs de l'hiver.
    Plus d'hymnes, de chansons qui sanctifient la nuit.
    Aussi la Lune, qui préside à tous les flux,
    Pâle de rage, rend humide l'atmosphère,
    De sorte que partout le rhumatisme abonde
    Et ce climat brouillé dérange les saisons.
    Les frimas à tête blanche se répandent
    Jusque dans le sein frais des roses cramoisies.
    A son front dégarni et glacé, le vieux Hiems
    Reçoit, pour se moquer, l'odorant chapelet
    Des beaux boutons de l'été. Et l'été, le printemps,
    Et l'automne fécond et le hargneux hiver
    Echangent leur livrée, et le monde ébahi
    A leurs effets dès lors ne peut les reconnaître;
    Or tout l'engendrement de ces maux est produit
    Par nos dissentiments à nous, par nos querelles.
    Nous sommes leurs parents, c'est nous leur origine.

    Titania dans la scène 1 de l'acte II. Traduction Jean Malapate dans les Œuvres complètes de la collection Bouquins, tome "Comédies I" p.683
    voir le texte original


    Parce que je ne la trouve pas sur le net, et pour remercier les acteurs de cette excellente soirée, je copie ici la distribution:
    Traduction : Jean-Michel Déprats
    Mise en scène : Nicolas Luquin
    Assistantes : Maïlis Dupont et Chloé Bernadoux
    Création lumière : Valentin Fraisse et Florent Enjalbert
    Costumes : Tatiana Hasan
    Scénographie : John Bercq
    Musique : Andréa Parias et Julien Gauthier
    Création maquillage et masque : Adeline Kœger

    Thésée / Obéron : Alexandre Texier
    Hyppolyta / Titania : Stéphanie Crame
    Puck / Philostrate : Julien Alluguette
    Egée : Marc Esterez
    Lysandre : Aurélien Bédéneau
    Démétrius : Nicolas Luquin
    Hermia : Nastassia auf des Mauer
    Héléna : Alice Dumont / N. Van Tongelen (je ne sais laquelle nous avons vue: une petite blonde au nez retroussé jouant très bien la colère et l'exaspération)
    Fleur des pois : Tatiana Hassan / Annabelle Boussaud
    Toile d'araignée : Florence Pasquier
    Phalène : Sandie Bassard
    Graine de moutarde : Béatrice Guiraud
    Nick Bottom : Nicolas Siouffi
    Francis Flute : Jean-Loïc François / Mickaël Viaud
    Peter Quince : Vincent Bramoullé
    Tom Snout : Alexandre Morand / Sébastien Coënt
    Snug : Christopher Garcia-Alvarez
    Robin Starveling : Claude Dos Santos
    Le chien : Chanel

    Les Misfits

    Hier soir.
    John Huston, Clark Gable, Marilyn Monroe, Montgomery Cliff

    N'ayant vu que les comédies de Marilyn Monroe, je ne m'attendais pas à une telle claque. A travers la rencontre de trois hommes et une femme, nous assistons à la fin de l'époque de la conquête de l'Ouest, au douloureux passage, pour les hommes qui vivaient selon ses codes, aux codes d'une civilisation moins violente, plus policée, moins libre aussi. C'est la conversion du chasseur en agriculteur, de l'homme renonçant librement à une vie indépendante pour accepter les contraintes de la société, c'est-à-dire une famille, par amour d'une femme mais aussi d'un pays, de sa terre et de sa faune. Ce film m'a paru appartenir à la lignée des John Steinbeck (Les raisins de la colère) et c'est sans surprise que j'ai découvert ensuite qu'il était écrit par Arthur Miller: il est proche de Mort d'un commis voyageur. C'est la fin d'une époque résumée dans ces quelques paroles, lorsque les hommes s'apprêtent à aller chasser des mustangs sauvages: «Avant, on les offrait aux gosses à Noël, les gosses aimaient cela. Maintenant ils préfèrent les scooters».

    Le visage de Marilyn Monroe diffuse toujours son extraordinaire douceur, cette qualité enfantine qui tout à la fois console et donne envie de la protéger. John Huston se moque d'ailleurs un peu des hommes dans les premières minutes du film qui montrent la voiture cabossée de Marilyn: les hommes provoquent des accrochages afin d'engager la conversation avec elle.
    Lorsqu'on connaît un peu la biographie de Marilyn, les scènes et les dialogues qui mettent en place son personnage, Roslyn Taber, jeune divorcée, serrent le cœur, on a l'impression poignante qu'elle raconte sa propre vie. Comment être moins seule, où trouver un homme qui ne soit pas obnubilé par lui-même et le désir de la posséder, mais qui soit capable de s'ouvrir et de partager une vie, la vie? Et comment y croire quand cet homme semble se présenter?

    Le film est extrêmement ramassé, concis, il donne tous les renseignements nécessaires à la suite de l'action sans jamais insister, par une suite de rimes visuelles ou dialoguées (par exemple, des photos de Roslyn danseuse de cabaret sont montrées une dizaine de secondes, de façon anecdotique mais inmanquable, ce qui permet à la fois d'attiser le désir du garagiste et de préparer l'un des dialogues cruciaux de la fin, quand Clark Gable fait remarquer à Roslyn qu'il ne l'a pas méprisée malgré cette profession, mais toujours admirée).
    La construction est très précise, privilégiant les plans poitrine, insistant sur les visages, faisant monter insensiblement la tension qui devient insoutenable lors de la capture des mustangs, ces derniers êtres libres sur la terre américaine.

    Les Simpson

    Mardi, à Blois, 14 heures.
    C'est très drôle, la caricature est violente, les clins d'œil incessants, mais ce n'est décidément pas mon genre d'humour, sans que je saisisse exactement pourquoi: trop sytstématique, sans doute, pas assez ambigu. J'aime les dialogues et les situations qui permettent les interprétations multiples.

    Les femmes et l'homme bon et croyant sont les seuls à ne pas être tournés en ridicule : s'agit-il d'une profession de foi du réalisateur? Je vois là en tout cas une signature très américaine: en Europe, le bon sens féminin ne serait pas ainsi mis en valeur (le bon sens ET l'indulgence, une indulgence qui confine à la bêtise: le féminisme, ou plutôt la féminophilie, de ce film m'étonne vraiment beaucoup) et l'homme croyant serait obligatoirement étroit et borné, afin de démontrer l'hypocrisie de tout esprit religieux.

    Ce décryptage du monde est, comment dire, du faux second degré: les dénonciations sont claires, le message profondément gentil.
    Je suis peut-être trop cynique pour les Simpson.

    Mais qu'a donc fait Tom Hanks? Il faudra que je fasse une recherche Google dès que j'aurai de nouveau une connexion internet (je poste d'un cybercafé).

    Tout cela ne m'empêche pas d'avoir beaucoup ri et de chantonner désormais «Spider-cochon, spider-cochon, il peut marcher au plafond...»

    Mirages

    Je ne sais pas si beaucoup d'hommes regardant Sex and the City s'imaginent que le monde contient autant de jolies filles, mais en tout cas, je sais qu'il ne contient pas une telle proportion de beaux mecs.
    C'est d'ailleurs amusant, le personnage masculin au physique le plus ordinaire est l'ami homosexuel, alors que dans la réalité, c'est généralement l'inverse.

    Du rapport à la réalité : dans Six feet under, je me retrouve dans pratiquement tous les personnages, ils me sont extraordinairement proches, dans Sex and the City il me sont tous étrangers.

    Crédulité zoophile

    — Arrête de bâiller comme ça, on dirait un hippopotame!
    — Je sais, c'est comme ça que j'ai séduit ton père. En frétilant des oreilles, aussi.
    — C'est vrai ?

    Un autre monde

    Quatre jours chez mes parents.
    Lundi, fin de matinée.
    Hier, j'ai réussi (ce n'est pas difficile, le difficile serait plutôt l'inverse) à faire pleurer ma mère en faisant remarquer au petit déjeuner après qu'elle eut crié à travers la maison aux enfants captivés par la télévision «Allez-vous laver les dents!» «Tu aurais dû être colonel d'active, tu aurais été bien plus heureuse». C. a précisé «Maréchal des logis chef», papa a ri et ma mère s'est mise à pleurer.
    Ce matin, considérant sans doute que j'avais assez dormi (à 9h30, certes, mais je suis rentrée hier très tard de chez ma grand-mère, et puis après tout c'est mon premier jour officiel de vacances), elle a fait entrer le chat dans ma chambre (j'ai entendu la porte qui s'ouvrait et se refermait), chat qui s'est mis à miauler dix minutes plus tard pour sortir.
    Je me suis levée.

    Après une journée passée hier avec mes tantes soixantenaires et leurs souvenirs de bureau («Ce qui a tué la vie de bureau, ce sont les horaires variables» (Je résume: Les horaires fixes obligeant à être présents de 8 heures à midi et de 14 heures à 18, il se développait une intense vie communautaire entre midi et deux heures, sorties sous les cerisiers, visites aux collègues en congé de maternité, atelier tricot ou crochet. En raccoursissant la pause déjeuner à quarante-cinq minutes, les horaires variables ont entraîné chacune à ne plus songer qu'à rentrer chez elles le plus vite possible.[1] (Et je voyais naître chez elles la nostalgie de cette vie policée et amicale, nostalgie que je comprends si bien en constatant que mes enfants ne connaîtront jamais le plaisir des interminables parties de tarot entre midi et deux en attendant la reprise des cours: il n'ont qu'une demi-heure pour déjeuner)), leurs regrets d'une organisation fixe, plus militaire, je songeais que toute une génération avait sans doute été marquée par sa vie en internat à partir de onze ans, seule manière d'aller au collège quand on habitait dans des communes reculées.
    Il y aurait sans doute une étude à mener sur les impacts de la vie en internat sur les comportements sociaux des enfants nés dans les années quarante.

    En attendant, n'ayant moi-même aucun goût pour la vie de caserne, je tape ici ma rage d'avoir été réveillée pour rien, au nom d'un principe.

    Notes

    [1] Un jour, je parlerais de Petit abécédaire des entreprises malheureuses, qui entre autres décrit concrètement les conséquences de 1968 sur la vie de bureau

    Les causes économiques de la progression de l'obésité

    Le post de Chondre m'a rappelé l'un de mes documents préférés sur l'obésité.
    Il s'agit d'un article qui explique l'obésité par la théorie économique, ce qui m'amuse. Cependant, c'est un article très sérieux, qui constitue à lui seul une véritable introduction à la théorie économique classique. D'autre part, il indique mathématiquement la façon de ne conserver le poids moyen que nous aurions eu en 1965 (cela aussi me fait rire: qui utilise cela comme critère de tour de taille?)

    En résumé, l'alimentation a connu la même évolution que le reste des produits : industriatisation, production de masse, baisse des prix, consommation de masse. En d'autres termes, il n'y a pas de différence entre l'évolution de notre rapport à la nourriture et celui de notre rapport aux objets. Prenons l'exemple de la montre: c'était un objet symbolique qu'on se transmettait d'une génération à l'autre, qu'on offrait pour les quinze ans ou la communion solennelle, elle est devenue dans les années 80 un objet de consommation jetable.
    La nourriture a connu la même banalisation. La différence, c'est qu'on ne mange pas sa montre, alors qu'avoir un comportement de consommation de masse avec la nourriture fait grossir. (C'est cela qui me fait rire: la démonstration scientifique d'une évidence).
    Finalement, le problème de l'obésité ne serait pas différent du problème de l'achat compulsif d'objets: la même incapacité à ne pas consommer ce qui est si facilement disponible, même au-delà de ses moyens ou besoins.


    L'article s'intitule "Les causes économiques de la progression de l'obésité". Il est paru dans Problèmes économiques n°2.860 d'octobre 2004. Il s'agit de la traduction résumée d'un article originellement publié par David M. Cutler, Edward L. Glaeser et Jesse M.Shapiro dans the American American association (vol.17, n°3, été 2003) sous le titre "Why have American Become more Obese?"
    Je vous en livre de larges extraits :

    [...]
    Notre théorie trouve une bonne illustration dans l'exemple de la pomme de terre. Les Américains en étaient grands amateurs avant la Seconde Guerre mondiale. Ils la consommaient surtout cuite au four, bouillie, ou en purée, et généralement à la maison. Les frites étaient rares dans les foyers et dans les restaurants, du fait du travail d'épluchage, de coupe et de cuisson qu'elles nécessitent. Ces activités sont très consommatrices de temps en l'absence d'équipement coûteux. Un certain nombre d'innovations ont permis après la guerre la centralisation de la production de frites. Quelques sites fonctionnant avec de nouvelles technologies sophistiquées concentrent maintenant l'épluchage, la coupe, et la cuisson des pommes de terre. Les frites sont ensuite congelées à -40° et envoyées sur leur lieu de consomamtion où on les réchauffe rapidement dans une friteuse pour la restauration rapide, et dans un four, voire un four à micro-ondes. Les frites sont devenues actuellement la façon la plus courante de consommer la pomme de terre et le légume préféré des Américains. Cette évolution se traduit dans les chiffres de consommation. La consommation totale de pommes de terre a progressé d'environ 30% de 1977 à 1995, un chiffre dû presque exclusivement à l'augmentation de celle des chips et des frites.
    La théorie du progrès technique a plusieurs implications que nous allons tester de façon empirique. En premier l'augmentation de la quantité de calories consommées repose surtout sur celle du nombre des repas plutôt que sur celle du nombre de calories par repas. Ce phénomène concorde avec la baisse des coûts fixes de la préparation des aliments. Ensuite, la consommation de la nourriture produite en masse a connu sa plus forte augmentation durant les vingt dernières années. En troisième lieu, les groupes présentant la prise de poids la plus marquée sont ceux qui se sont trouvés le plus à même de profiter du progrès technique. Les femmes mariés passaient beaucoup de temps à préparer les repas dans les années soixante-dix, ce qui n'était pas le cas des célibataires masculins. L'obésité a progressé bien davantage chez les femmes mariées. Enfin, nous montrerons que l'obésité au sein des différents pays est liée à la diffusion des nouvelles technologies alimentaires et des aliments industriellement transformés. L'alimentation et son système de distribution font partie des domaines les plus réglementés de l'économie. Certaines de ces réglementations sont explicites, comme la position ferme de l'Union européenne contre les aliments génétiquement modifiés ou la loi sur la pureté de la bière appliquée depuis longtemps en Allemagne. D'autres «régulations» sont d'ordre culturel, comme la croisade de José Bové contre McDonald's en France. Les pays dotés d'un degré élevé de réglementation destiné à soutenir une agriculture et un système de distribution traditionnels présentent des taux d'obésité moins importants.
    La profession médicale déplore, certes, l'augmentation de l'obésité mais on sait en économie classique que la baisse du prix de tout bien — en termes de coût financier et de temps — augmente l'ensemble du budget et favorise le bien-être général. Le problème de l'autodiscipline des consommateurs vient toutefois compliquer cette interprétation. La baisse du coût en termes de temps de la consommation alimentaire peut exacerber chez certains l'absence de contrôle de leur consommation. Et les 40 à 100 milliards de dollars dépensés annuellement en régimes alimentaires attestent de la présence généralisée de ce problème. [...]
    [...]
    Technologie, division du travail et obésité
    Plusieurs théories pourraient expliquer l'augmentation de la consommation de calories au cours des vingt-cinq dernières années. On pense à l'évolution des prix et des revenus dans la mesure où l'enrichissement de la population permet une alimentation plus abondante. Mais l'évolution des revenus semble impuissante à expliquer nos résultats. Le revenu et l'obésité ont actuellement une corrélation négative, au moins chez les femmes. Par ailleurs, le revenu réel des personnes faisant partie de la tranche de revenus la plus basse a enregistré une faible progression sur la plus grande partie de la période, alors que l'obésité de ce même groupe était en augmentation. L'accroissement de la consommation alimentaire pourrait également s'expliquer par la baisse relative du prix de l'alimentation, mais, de 1970 à 1999, l'indice des prix à la consommation n'a augmenté que de 3% de moins que celui des prix hors alimentation.
    Nous rejetons également la théorie expliquant l'obésité par l'augmentation du travail féminin, censée doper la demande de restauration en dehors du domicile — et la demande d'une alimentation moins saine [...]. Il n'est en outre pas établi que la prise de repas en dehors du domicile augmente la consommation de calories. Les restaurants peuvent proposer des repas à faible teneur calorique aussi facilement que l'inverse. Et il semble de fait que la substitution des repas préparés à la maison par des repas pris à l'extérieur n'ait pas augmenté le nombre de calories consommées par repas.
    La nouvelle théorie de la croissance de l'obésité que nous proposons ici se fonde sur la diminution du coût en termes de temps de l'alimention. Celle-ci a eu pour effet d'augmenter la fréquence et la diversification alimentaire et, par là même, le poids de la population.

    L'avènement de la préparation de masse
    La préparation d'aliment consommables s'est traditionnellement effectuée à partir de produits agricoles crus. Cette opération exigeait un laps de temps substantiel. le temps de préparation et de nettoyage a représenté jusqu'aux années soixante la majorité du coût total de l'alimentation. Les familles dépensaient en moyenne 15 dollars (en valeur de 1990) par jour, en 1965, en achats alimentaires, et consacraient quotidiennement 130 minutes environ aux tâches de préparation des repas et de nettoyage (Robinson et Godbey, 1997). Converti en salaire moyen féminin, ce temps représentait peut-être 20 dollars, soit 57% des dépenses alimentaires totales. Or, le temps passé à la préparation des repas a chuté de moitié pendant les trente dernières années.
    Il a toujourq été possible de préparer la quasi-totalité des aliments actuellement proposés, à condition de vouloir y mettre le temps. Des cuisinières ambitieuses pouvaient par exemple confectionner des petits gâteaux fourrés à la crème, mais cela représentait une opération très longue. Les innovations techniques intervenues depuis les années soixante-dix permettent maintenant aux restaurants et aux usines de faire ces préparations, en exploitant la technologie et le taux de marge. Les petits gâteaux à la crème sont maintenant vendus moins d'un dollar. [...]
    La majorité des innovations importantes a d'abord été le fait des Etats-Unis du fait de l'avance technologique de ce pays et de la taille de son marché. Les autres pays ont souvent limité l'accès de leur territoire aux produits alimentaires ou à leurs distributeurs (comme les établissements de restauration rapide) américains. L'alimentation constitue de surcroît un des domaines les plus réglementés de l'économie et de nombreux pays ont fait obstacle à l'introduction des nouvelles technologies alimentaires.
    La diminution du temps passé à la préparation des repas et aux tâches de nettoyage subséquentes constitue peut-être la manifestation la plus parlante de la révolution du coût en termes de temps de la production alimentaire. Le temps de préparation des repas a diminué de près de la moitié à la fois pour les femmes actives et celles au foyer. Cette évolution se fait à statut professionnel constant. Elle reflète la technologie et non l'appartenance à la population active.
    Les données sur la répartition des dépenses entrant dans le coût des aliments font également apparaître l'importance croissante de leur préparation commerciale. En 1972, les agriculteurs étaient responsables de 44% du coût de la nourriture. En 1997, seuls 23% du coût de la nourriture proviennent de l'agriculture. Le reste est le fait de la distribution. Cette constatation ne s'applique pas seulement à la restauration. Les dépenses non liées à l'agriculture représentent à l'heure actuelle 80% du coût de la nourriture consommée à la maison. Le travail accompli dans les supermarchés et les usines a remplacé celui effectué à la maison, une évolution ayant pour conséquence des économies de temps considérables pour les foyers.

    Les implications du progrès techniques
    La préparation des aliments implique des coûts fixes et variables. L'épluchage et la coupe des frites représentent par exemple des coûts marginaux en terme de temps, alors que la friture constitue généralement un coût fixe (dans la mesure où la friteuse est pleine). La préparation de masse implique la répartition de la composante de temps fixe sur un grand nombre de consommateurs. Elle fait en outre baisser le coût marginal de la préparation des aliments en substituant le capital au travail. Enfin, elle exploite la division du travail. La préparation des aliments est maintenant assurée par des professionnels et non plus par les particuliers, ce qui en diminue à la fois les coûts fixes et les coûts marginaux.
    La réduction du coût en termes de temps de la préparation des aliments devraient entraîner un accroissement des quantités consommées, en vertu du principe selon lequel la baisse de prix de tout bien en augmente la consommation.[1] D'après un modèle «quantité-qualité» standard de consommation alimentaire, à l'image de celui de Becker et Lewis (1973), cette augmentation peut se produire par différents biais : 1) la diversification de la nourriture consommée; 2) l'accroissement de la fréquence de la consommation; 3) l'adoption d'aliments industriels très caloriques et à forte saveur n'existant pas auparavant; ou 4) l'augmentation de la consommation générale de chaque aliment. Du fait de la baisse des coûts fixes, nous devrions voir attribuer la plus grande partie de l'augmentation des calories à la diversification de l'alimentation et à l'augmentation de la fréquence des consommations plutôt qu'à l'accroissement des quantités consommées par repas. Et, de fait, la réduction des coûts en termes de temps a un effet ambigu sur le nombre de calories par aliment. Si la quantité des repas et de la nourriture absorbée à chaque repas sont des substituts (du fait du rassasiement des consommateurs, par exemple), le nombre de calories absorbées à chaque repas devra diminuer.
    [...]

    La conclusion : Le temps gagné sur la cuisine doit être passé à marcher ou à courir. Au total, l'industrialisation alimentaire ne nous aura fait gagner que cinq minutes de loisir :

    Il y a eu en moyenne aux Etats-Unis une baisse du coût en termes de temps de la préparation des repas d'une vingtaine de minutes par personne et par jour de 1965 à 1995. A cette diminution de temps correspond un gain de 4,5 kg au cours de la période représentant une centaine de calories par jour, ou environ 1,6 km d'exercice quotidien. S'il faut 15 minutes pour marcher ou courir 1,6 km, le coût en termes de temps représenté par les 4,5 kg acquis est d'environ 15 minutes par jour[2] L'individu normal doit bénéficier de la réduction du coût en termes de temps de l'alimentation. Des 20 minutes gagnées sur la préparation des repas, on pourrait en passer 15 à faire de l'exercice et à perdre le poids acquis, et disposer encore de 5 minutes de liberté.
    [...]

    Finalement, les grands gagnants sont ceux qui considèrent que le sport (et l'endomorphine qu'il libère) est une forme de liberté.


    Notes

    [1] C'est moi qui souligne.

    [2] Le raisonnement économique classique (en mettant de côté l'actualisation hyperbolique) suggère que les individus qui ne font pas de sport estiment probablement que le fait de perdre du poids vaut moins que ces 15 minutes quotidiennes.

    Deux blogs, quelques dessins, à bas la poste.

    Grâce à Caféine (je n'aime pas que "les blogs de pd sympas" (je cite Zvezdo (pendant qu'il n'est pas là)), j'aime aussi les blogs de geeks sympas), je découvre Maliki (descendre avec l'ascenseur pour voir les archives (j'ai mis cinq minutes à trouver, mais je suis fatiguée)).

    Strip de ce jour sur La Poste (il faut éventuellement cliquer pour agrandir).
    Et en liens plein d'autres blogs... heureusement que c'est les vacances (Malheureusement s'annoncent quatre ou cinq jours sans connexion. Malédiction!)

    J'ajoute celui-là.

    Eve

    Mercredi soir.
    Retour au Parc de la Villette, pour la première soirée chaude de l'été. Je me suis tant dépêchée pour tâcher d'être à l'heure (mission accomplie) que je suis en nage. Je me déchausse, l'herbe est incroyablement douce, ils ont bien raison de recommander qu'on n'écrase pas ses mégots dedans. (Mais alors, où les écraser?)
    Comme d'habitude j'ai mon kit de survie, chaussettes, écharpe, ponchon. La première fois, il y a bien longtemps, que je suis venue à La Villette, j'avais refusé présomptueusement la couverture proposée avec la chaise longue: il faisait beau, au diable la couverture! Trois heures plus tard, transie, je comprenais pourquoi on proposait une couverture avec la chaise longue (l'un de mes regrets est de ne pas être allée à La Villette l'été de la canicule, en 2003 : on devait être bien).

    Le problème d'un film comme Ève, c'est que même sans l'avoir jamais vu, on en a tant entendu parler qu'on sait déjà certaines choses, et cela empêche de douter autant qu'on devrait douter: Ève est-elle vampirique, ou est-ce Margo qui est paranoïaque? Karen, la meilleure amie de Margo, semble bel et bien penser que celle-ci mérite une leçon, ce qui innocente Ève un moment aux yeux des spectateurs.

    J'ai trouvé au visage d'Anne Baxter quelque chose du visage de Joan Fontaine dans Lettre d'une inconnue. J'ai été amusée de constater que Marylin Monroe jouait pratiquement son propre rôle, celui d'une starlette prête à tout pour réussir (ce qui est d'ailleurs la condition du succès, est-ce Margo ou DeWitt qui l'affirme dès le début du film? les acteurs sont des êtres anormaux car ils sont prêts à tout pour leur carrière, leur carrière est la seule chose qui compte réellement pour eux, et c'est cette phrase qui est illustrée tout au long du film.)

    Est-ce une évolution courante ou cela m'est-il propre? Swann reconnaissait des personnages de tableaux dans les visages autour de lui; je reconnais mon entourage dans les personnages de romans ou les films: le héros d'Un jour sans fin c'est Frédéric, la photo de Grossman dans Carnets de guerre me rappelle Patrick, l'homme du souterrain, c'est X., Ève, c'est Anne, la collègue que je suis bien heureuse d'avoir quittée...

    Le jardin des Finzi-Contini

    Ce soir (hier soir) un coup de Vélib pour aller voir Le jardin des Finzi-Contini à Saint-Germain-des-Prés.

    Evidemment, mon attente était particulière, j'allais à la rencontre d'une référence. Je n'ai pas été déçue, les images fournies par le film correspondaient au décor que j'avais mis en place.

    La lumière de ce film est poudrée, elle auréole les choses et les visages. L'adaptation est très fidèle, on retrouve les moments importants, les détails, aussi (Yor, le nom des arbres, la fille de la fête foraine, le scandale dans la salle de cinéma...).
    Le film est plus explicite que le roman sur bien des points, à la fois concernant la vie des héros et les événements historiques.

    Des paysages, des rues, les arbres l'été et les arbres dans la neige, des visages, les chandails blancs qui ouvrent le film, Giorgio et Micol portant seuls des tenues assorties, blanc rehaussé de rouge, le regard de la petite fille dans les flash-back, les relations de chacun avec tous qui se distendent, le château qui s'éloigne dans le rétroviseur,...

    Un film lent, sans impatience et sans concession. Je me demande ce qu'on en pense quand on ne connaît pas le livre.

    Souvenir de pyjama

    L'année suivant mon bac, j'avais un magnifique pyjama, pantalon rose et panthère rose sur haut blanc.
    A l'internat, il m'arrivait de passer le dimanche en pyjama et d'enfiler vers quatre heures de l'après-midi un imperméable par dessus pour aller acheter un ou deux pains au chocolat, quand ma faim dépassait ma flemme.

    En repassant le pyjama que H. m'a rapporté l'autre jour, je me dis que je vais pouvoir recommencer à aller chez le boulanger en pyjama. A condition que personne ne s'en aperçoive, déjà que j'horrifie la maisonnée à prendre la voiture en peignoir pour déposer quelqu'un à l'école ou à la gare.

    Affreux, sales et méchants

    Parc de la Villette, mardi 24 juillet.

    A la fin de la projection, j'ai réalisé que cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un vrai film, un film qui ne soit ni gentil, ni joli, ni d'action, ni..., un film qui ne soit pas là pour faire plaisir, au réalisateur ou au spectateur, un film qui appartienne à tout ce qu'on veut sauf à la catégorie divertissement.

    J'ai trouvé une critique avec laquelle je suis globalement d'accord, je la mets donc en lien ce qui m'évite de la paraphraser en la dénaturant: ici.

    Le titre dit toute la vérité: les personnages sont affreux, sales et méchants. Que fait un spectateur confronté à des personnages affreux, sales et méchants? Il ne peut pas s'apitoyer (ils sont méchants), il ne peut pas condamner (la société ne leur a pas fait de cadeau, ils ne sont pas totalement responsables), il ne peut pas s'identifier (nous ne vivons pas dans des bidonvilles, nous qui allons au cinéma).
    Alors le spectateur regarde, il écoute, il comprend parfois et partage quelques réactions, il rit, il est pétrifié d'horreur, il n'entrevoit pas vraiment d'avenir, le temps est immobile, dans la crasse et la lubricité.

    Ce film tient magiquement en équilibre, il ne cherche pas à démontrer, il se contente de montrer. La misère, la crasse, la méchanceté, provoquent un sentiment de malaise et ce malaise se double d'un autre, celui de se rendre compte qu'on a envie de rire, qu'on rit, devant tant de bêtise, de roublardise, de ruse, d'obscénité comique dans son insistance. On voudrait croire qu'il s'agit d'une farce, d'une caricature, mais l'accumulation de détails, "de petits faits vrais", éloigne cette explication rassurante: il s'agit bien d'une vie possible. La mise en fiction est d'ailleurs minimale, tout le début du film n'est qu'une succession d'actes quotidiens qui ne constituent pas un récit, simplement la vie qui passe, puis prennent forme quelques anecdotes, quelques scènes, car il faut bien raconter quelque chose: la rencontre de Sybelle, le baptême, la vieille qui touche sa pension, la tentative d'assassinat, autant de scènes qui ne mènent nulle part.
    La dernière scène se clôt sur la première, il n'y a pas d'issue, et la fillette du début, maintenant enceinte, vient prendre sa place dans le cirque infernal.

    La faune et la flore

    Je fais le ménage le moins souvent possible et je n'ai pas le temps de m'occuper du jardin (ce que je regrette davantage que le ménage, les plantes étant les êtres les moins ingrats que je connaisse).

    Lorsque je veux m'occuper du jardin, je suis assez rapidement désarmée par la pugnacité des mauvaises herbes : je n'y peux rien, elles me font rire et me remplissent d'admiration. Quand la même plante, déracinée à deux ou trois reprises, repousse à un quatrième endroit, faisant même un coude pour aller chercher le soleil, j'ai envie de rire, et je ne me sens pas la force de lui refuser son bout de ciel si chèrement conquis.
    Au fond de moi, l'obstination des plantes me rassure : quelle que soit la malfaisance humaine, elles sont là, poussent dans les gouttières, prennent racine dans les failles, font éclater le ciment, le goudron… Allons, tout n'est pas perdu. Mais je fais un bien piètre jardinier, surtout si l'on songe qu'une chenille poilue obtient toute mon indulgence, pour peu qu'elle soit suffisamment bizarre. Je ne peux pas la détruire, même si elle mange les rosiers : Dieu sait quel papillon en sortira.

    En temps normal, l'agitation d'une maisonnée suffit à cantonner les araignées et les insectes dans les failles insoupçonnées de la maison, sans compter que de jeunes chats sont d'efficaces insectivores.
    Mais après une semaine d'inoccupation, la maison devient le royaume des araignées. C'est fascinant. Les faucheux (ou la même famille, ces araignées toutes en pattes) tendent des fils poisseux au ras des plafonds et dans les angles lumineux. Quand les œufs éclosent, les centaines de petites araignées prises dans le nuage de toile ressemblent aux nébuleuses célestes (j'ai voulu les prendre en photo avant de les aspirer, mais H. a trouvé profondément choquant que je veuille photographier mes futures victimes; j'ai eu l'impression d'avoir bafoué la convention de Genève).
    Il y a les grosses araignées noires, que j'appelle «araignées d'églises», parce qu?elles me paraissent avoir une prédilection pour les endroits sombres et anciens. À une époque, il y en avait une qui sortait chaque soir à l'endroit où je rangeais mes bottes. Je la tolérais, observant avec curiosité ses habitudes, jusqu'à ce qu'une seconde apparaisse : j'ai alors imaginé des grappes d'œufs, des dizaines d'araignées noires, et j'ai massacré tous les spécimens à ma portée. (Chaque fois que je tue un insecte ou une araignée, je me demande si c'est un mâle ou une femelle.)
    Je ne fais pas de chasse systématique aux araignées, surtout l'été : elles protègent des moustiques. Un jour, j'en ai vu une piquer et emmailloter un insecte à l'allure de poisson-chat argenté, d'un centimètre environ : je déteste cette bestiole, tout animal m'en débarrassant est un allié naturel.
    Mais les araignées les plus merveilleuses sont celles qui vivent dehors. Nous avons une espèce, grosse comme une pièce de un centime, cuivrée tigrée, qui tisse de magnifiques toiles entre des points incroyablement éloignés, trois à quatre mètres parfois (comment est-ce possible?). L'une d'entre elles est entrée par hasard dans la cuisine (elles n'essaient d'entrer qu'à l'automne en temps normal) et a tissé une toile entre l'évier et une chaise pendant la nuit. H. ne l'a pas vue et est passé à travers juste avant son départ.
    Sans cela, je n'aurais pas eu le courage de détruire un si bel ouvrage. J'aurais laissé mon araignée tranquille toute une semaine. Là encore, je suis sans défense devant tant d'adresse et d'obstination.

    Punk is not ded

    À midi, au cinéma rue Pasquier.

    J’ai enfin vu Persépolis. À lire les critiques ça et là sur différents blogs, je savais que c’était un bon film, je ne pensais pas le trouver si drôle et si émouvant. Je n’imaginais pas dire un jour de la musique d’Iron Maiden qu'elle constitue un fond sonore approprié à certaines images.

    Commençons par le plus rébarbatif : à travers un récit familiale, c’est un cours d’histoire, très simple, l’histoire telle qu’on la vit et non telle qu’on la comprend des années plus tard, de loin, expliquant d’une phrase le rôle déstabilisateur de la Grande-Bretagne après la seconde guerre mondiale, et plus tard celui de la CIA, luttant à tous prix, y compris le sort des populations locales, contre l’influence communiste. Il montre l’oppression au jour le jour, quand l’acte le plus simple aussi bien que les convictions les plus affirmées peuvent conduire à la prison, à la torture et à la mort.

    Le dessin est beau, plein d’inventions, sachant prendre des accents orientaux pour raconter l’avènement du père du shah, faussement naïf et simpliste quand il schématise la ligne des voitures ou des immeubles la nuit, tendre quand il souligne le flottement des foulards dans le vent, pudique mais explicite quand il montre ou suggère la mort, ironique dans ses détails. Dieu a de beaux yeux et une belle barbe mais il est dépassé par la situation (il paraît d’ailleurs un peu las lors de sa dernière apparition).

    Les dialogues sont drôles, à l’image de ce qui a fait le renom de Marjane Satrapi, toute déclaration un peu solennelle ou utopique étant suivie d’un contrepoint réaliste qui fait rire, ou plus tard, Marjane grandissant, pleurer, par sa justesse et son décalage : la réalité n’est pas une idée, c’est la réalité.
    La vacuité des adolescents nihilistes/anarchistes viennois est égratignée, sans appuyer, mais aussi l’inconscience de Marjane capable d’accuser un passant pour se débarrasser de la police. Le rôle des pays occidentaux est dénoncé en passant, sans insister, comme un fait, et non comme un sujet de débats ou de propagande.
    C’est un film qui montre sans démontrer, un récit qui rend hommage à un pays et une grand-mère disparue. C’est avant tout une histoire familiale racontée de façon tonique, un témoignage qui vise le particulier, et l’accuser de ne pas être assez politique (je crois que certains l’ont fait), c’est sans doute le juger sur un critère non pertinent ici.


    Et je me rappelle mon amie de lycée aînée de quatre filles, dont le père psychiatre avait fuit le régime iranien, qui me racontait comment sa mère, devant produire une photo d’identité où ses cheveux n’apparaîtraient pas et n’ayant rien d’autre sous la main, s’était fait photographier une bombe d’équitation sur la tête.

    Devinette

    A quoi reconnaît-on une chauve-souris qui fait du yoga?

    La cage dorée

    [...]
    Des scènes violentes ou à caractère sexuel, des échanges d'insultes et des rumeurs de viol ont ému une partie de l'opinion et des dirigeants politiques. Une bagarre entre les locataires de ce nouveau "Loft" a même dégénéré, la semaine dernière, lorsqu'une partie d'entre eux a voulu déshabiller une jeune femme avant de la jeter dans un étang. Des téléspectateurs ont composé le numéro de la police pour réclamer son intervention.
    [...]
    C'est en octobre 2006 que les dix candidats, jeunes et peu fortunés pour la plupart, ont été installés dans une luxueuse villa avec jardin et piscine dans le nord des Pays-Bas. Enfermés en permanence, ils n'ont que des contacts très réduits avec le monde extérieur. Le groupe a à sa disposition une somme de 6 millions d'euros. Chaque mois, les participants peuvent voter pour expulser l'un d'entre eux. Deux locataires sont partis après des incidents, un autre s'en est allé volontairement. Le dernier occupant des lieux gagnera la villa. Quelque 500 000 personnes regardent chaque jour "La Cage dorée" et 100 000 autres se connectent sur Internet pour suivre sa version intégrale, ce qui assure à l'émission de rester à l'antenne au moins jusqu'en 2008.
    Le 17 juillet, le public a pu découvrir comment l'un des participants, Jaap, dit "la terreur", était utilisé par la production pour rendre l'émission "plus spectaculaire". En pleurant, ce colosse de 24 ans affirmait participer à "un complot". La direction de Talpa se défend toutefois d'entretenir l'agitation dans la villa. Elle admet seulement organiser, "de temps en temps, une fête ou un événement du même genre" pour éviter les images de gens "allongés huit heures par jour sur un matelas et sirotant des cocktails".
    [...]
    Le Monde, édition du 28 juillet 2007

    Tout cela me rappelle étrangement On n'achève bien les chevaux: même récompense à la durée, même tricherie des organisateurs pour créer de l'événement, même désespoir des participants qui souhaitent tenir à tout prix.
    Seule la cruauté est peut-être plus grande, car c'est de la résistance psychologique pure qui est exigée des candidats, et non de la résistance physique, avec tout ce que cela peut entraîner de dérives violentes. Gagnera celui qui tiendra le plus longtemps, mais aussi celui qui réussira à effrayer tous les autres, absous d'avance par les caméras complices.
    Honte sur nous.

    Poésie potagère

    Au Journal officiel de ce jour, texte 18 :

    Art. 3. - Est prolongée, pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2007, l'inscription au Catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France dont les semences peuvent être soit certifiées en tant que « semences de base » ou « semences certifiées », soit contrôlées en tant que « semences standards » (rubrique a), des variétés de plantes potagères désignées ci-après :
    Ail : Clédor, Corail, Cristo (et son [ses] synonyme[s] Cristop), Gayant (et son [ses] synonyme[s] Artop), Jolimont, Moulinor, Primor, Vigor Max.
    Aubergine : Ronde de Valence.
    Aubergine déclarée hybride : Marfa, Mistral.
    Betterave potagère/betterave rouge : Crapaudine.
    Carotte : Suprême, Touchon.
    Carotte déclarée hybride : Nandor, Presto, Primo, Tancar, Vigor.
    Chicorée frisée : Frisela, Glory, Grosse pommant seule.
    Chicorée scarole : Blonde à coeur plein (et son [ses] synonyme[s] Dorée à coeur plein), Prada, Ronde verte à coeur plein, Vicor.
    Chou cabus déclaré hybride : Altess, Brigadier, Guardian, Judge, Picador.
    Chou de Milan déclaré hybride : Capriccio, Norma.
    Chou rouge déclaré hybride : Fuego, Redsky.
    Chou-fleur déclaré hybride : Escale, Jeff, Nominoé, Sérac, Taroke.
    Concombre : Le Généreux, Marketer.
    Cornichon : De Bourbonne (et son [ses] synonyme[s] Amélioré de Bourbonne), Fin de Meaux, Vert petit de Paris (et son [ses] synonyme[s] National).
    Concombre déclaré hybride : Darina, Edona, Gynial.
    Courgette déclarée hybride : Amalthee, Jédida, Sofia.
    Fenouil déclaré hybride : Amigo.
    Fraisier : Darsival, La Chapelaine, Milsei, Mount Everest, Sans rivale, Surprise des halles.
    Haricot à rames : Bannerol, Haricot maïs.
    Haricot nain : Aquilon, Blondor, Booster, Braimar, Calisto, Calypso, Coco blanc Gautier, Coco nain blanc précoce (et son [ses] synonyme[s] Coco de Carpentras), Coquette, de Rocquencourt, Duel, Fruidor, Impact, Liverte, Marfil, Michelet à longue cosse, Primel, Royalnel, Totem.
    Laitue : Amelia, Bacares, Ballon, Bérénice, Blonde de Paris (et son [ses] synonyme[s] Batavia blonde de Paris), Blonde maraîchère, Brunia, Cardinale, de Verrières (et son [ses] synonyme[s] d'hiver de Verrières), Dorée de printemps, Féria, Gloire du Dauphiné, Gotte jaune d'or (et son [ses] synonyme[s] Gotte dorée), Grosse blonde paresseuse, Hussarde, Kinemontepas, Kristine, Krizabri, Kublaï, Lores, Madrilène, Nadine, Sucrine, Têtue de Nîmes (et son [ses] synonyme[s] Cadières), Trocadéro (et son [ses] synonyme[s] Trocadéro à graine noire, La Préférée), Val d'orge, Verpia, Verte maraîchère, Vista.
    Lentille : Anicia.
    Mâche : Coquille de Louviers, D'Italie à feuille de laitue, Ronde maraîchère, Verte de Cambrai.
    Melon déclaré hybride : Amigo, Baggio, Brennus, Calipso, Capitol, Europer, Fiesta, Hélios, Jalisco, Jérac, Laser, Lunaduke, Luxo, Milky Road, Troubadour.
    Melon d'eau, pastèque déclarée hybride : Fabiola.
    Navet : Blanc dur d'hiver, de Croissy (et son [ses] synonyme[s] demi-long de Croissy, Précoce de Croissy), Jaune boule d'or, Marteau (et son [ses] synonyme[s] des Vertus marteau).
    Oignon : Elody, Printanier parisien.
    Piment, poivron : Doux italien, Piquant d'Algérie.
    Piment, poivron déclaré hybride : Buster, Campor, Denver, Forti, Livor, Madison, Nour, Ori, Predi, Siénor.
    Poireau : Atal, Azur, Castor, d'hiver de Saint-Victor, Flipper, Révil.
    Pois : Abador, Arkel, Auréole, Bamby, Cabree, Caribou, Carouby de Maussane, Cobalt, Douce Provence, Etna, Primdor, Télévision, Tézierprime.
    Radis de tous les mois : Bamba, Java, Novo.
    Radis de tous les mois déclaré hybride : Aviso, Clipo.
    Tomate : Cannery Row, Caraïbo, Carlin, Fline, Marmande VR, Raf, Roma VF, Saint-Pierre.
    Tomate déclarée hybride : Camélia, Catherine, Daïquiri, Fandango, Opéra, Ovata, Pétula, Rougella.

    Art. 4. - Est prolongée, pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2007, l'inscription au Catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France dont les semences peuvent être contrôlées en tant que « semences standards » (rubrique b), des variétés de plantes potagères désignées ci-après :
    Aubergine : De Barbentane (et son [ses] synonyme[s] Violette de Barbentane), De Toulouse (et son [ses] synonyme[s] Violette de Toulouse).
    Carotte, type fourragère : Blanche à collet vert hors terre, Jaune du Doubs (et son [ses] synonyme[s] Jaune obtuse du Doubs).
    Carotte : De Luc (et son [ses] synonyme[s] Demi-longue de Luc), de Meaux (et son [ses] synonyme[s] Longue lisse de Meaux).
    Chicorée frisée : de Louviers (et son [ses] synonyme[s] Fine de Louviers), de Meaux, de Ruffec, d'été à coeur jaune (et son [ses] synonyme[s] de Saint-Laurent), d'hiver de Provence (et son [ses] synonyme[s] d'hiver de Saragna), Grosse pancalière, Wallonne.
    Chicorée scarole : Cornet d'Anjou, Cornet de Bordeaux, Géante maraîchère.
    Chou cabus : Cœur de bœuf des Vertus (et son [ses] synonyme[s] Cœur de bœuf moyen de la Halle), Nantais hâtif (et son [ses] synonyme[s] Nantais Colas), Pointu de Châteaurenard, Précoce de Louviers (et son [ses] synonyme[s] Très hâtif de Louviers), Quintal d'Alsace (et son [ses] synonyme[s] Quintal de Strasbourg).
    Chou de Milan : d'Aubervilliers (et son [ses] synonyme[s] Hâtif d'Aubervilliers).
    Chou rouge : Rouge gros.
    Haricot à rames : Coco blanc à rames (et son [ses] synonyme[s] Coco gros Sophie), Michelet à rames, Or du Rhin (et son [ses] synonyme[s] Merveille de Venise), Soissons gros blanc à rames.
    Haricot nain : Coco nain rose d'Eyragues, Contender, Fin de Bagnols (et son [ses] synonyme[s] Bagnolais), Lingot (et son [ses] synonyme[s] Suisse blanc), Saint-Esprit à oeil rouge, Saxa, Soissons nain à gros pied, Triomphe de Farcy.
    Laitue : A couper feuille de chêne blonde à graine noire, Blonde de Doulon (et son [ses] synonyme[s] Patience), Blonde du Cazard (et son [ses] synonyme[s] Reine de juillet, Wunder von stuttgart, Henri Monville), Brune d'hiver (et son [ses] synonyme[s] Passion brune, Passion rosée), Craquerelle du Midi (et son [ses] synonyme[s] Craquante d'Avignon), de Pierre-Bénite, du Bon jardinier (et son [ses] synonyme[s] Rhénania), Frisée de Beauregard (et son [ses] synonyme[s] Reine des glaces), Grosse blonde d'hiver (et son [ses] synonyme[s] Bourguignonne), Merveille des quatre saisons (et son [ses] synonyme[s] Besson), Merveille d'hiver (et son [ses] synonyme[s] Mai Wunder), Passion blonde à graine blanche (et son [ses] synonyme[s] de Trémont), Reine de mai de pleine terre, Rouge grenobloise, Rougette de Montpellier (et son [ses] synonyme[s] Rougette du Midi à graine noir).
    Mâche : A grosse graine.
    Navet : A forcer nantais, d'Auvergne hâtive (et son [ses] synonyme[s] Rave d'Auvergne hâtive), d'Auvergne tardive (et son [ses] synonyme[s] Rave d'Auvergne tardive à collet rouge), de Milan à forcer à collet rose (et son [ses] synonyme[s] de Milan rouge extra-hâtif à chassis), de Montesson (et son [ses] synonyme[s] demi-long de Cambrai, de Peronne), de Nancy à feuille entière, Long du Palatinat (et son [ses] synonyme[s] Rosé de Verdun), Noir long de Calluire, Noir long, Rave du Limousin.
    Oignon : de Barletta (et son [ses] synonyme[s] Extra-hâtif de Barletta), de la Reine (et son [ses] synonyme[s] Très hâtif de la Reine), de Malakoff (et son [ses] synonyme[s] Extra-hâtif de Malakoff), de Moissac (et son [ses] synonyme[s] de Saint-Michel), de Mulhouse type Auxone, de Paris (et son [ses] synonyme[s] hâtif de Paris), de Vaugirard (et son [ses] synonyme[s] Très Hâtif de Vaugirard), Espagnol (et son [ses] synonyme[s] Valencia), Extra-hâtif parisien, Gros (et son [ses] synonyme[s] Blanc de Lisbonne), Paille des Vertus, Premier, Valenciana temprana (et son [ses] synonyme[s] de Valence hâtif).
    Persil : A grosse racine gros hâtif, Frisé vert foncé.
    Piment, poivron : de Cayenne, doux d'Espagne, Marconi.
    Poireau : Bleu de Solaise, de Liège, Géant précoce, Jaune gros du Poitou.
    Pois ridé : Lincoln (et son [ses] synonyme[s] Prodige), Merveille de Kelvedon, Onward, Téléphone à rames, Téléphone nain (et son [ses] synonyme[s] Daisy).
    Pois lisse/pois rond : Caractacus, Express à longue cosse (et son [ses] synonyme[s] Le Généreux, Bountiful),
    Nain très hâtif (et son [ses] synonyme[s] d'Annonay), Petit provençal, Plein le panier (et son [ses] synonyme[s] Fillbasket), Roi des conserves, Serpette Guilloteaux (et son [ses] synonyme[s] Merveille d'Etampes), Serpette nain cent pour un
    Pois mange-tout : Géant à fleur violette
    Radis de tous les mois : A forcer rond écarlate (et son [ses] synonyme[s] Rond écarlate hâtif), Cerise, Rond écarlate, Rond rose à très grand bout blanc (et son [ses] synonyme[s] de Sézanne).
    Radis rave : Blanche transparente (et son [ses] synonyme[s] A forcer blanche transparente), Noir gros long d'hiver de Paris (et son [ses] synonyme[s] Noir gros long d'hiver), Noir gros rond d'hiver, Noir long maraîcher (et son [ses] synonyme[s] Noir long poids d'horloge), Ovale blanc de Munich, Rose d'hiver de Chine, Violet de Gournay.
    Tomate : Cerise.

    Cavafy (le film)

    Mardi midi.
    Le programme du cinéma Accatonne sera valable jusqu'au 21 août. J'ai l'impression d'une liste sortie tout droit du Journal de Travers: Oscar Wilde, Goya, Absolute Wilson, La vierge des tueurs, Pier Paolo Pasolini (dont Salo ou les 120 jours de Sodome), Le cri et La Notte.

    En entrant dans la salle, je ressens la même impression que la semaine dernière en allant voir Wittgenstein: il n'y a qu'une poignée de spectateurs, ce qui me ramène au premier film que j'ai vu ainsi à Paris, en 1985. J'étais allée voir Les Fraises sauvages dans le grand cinéma de la place Saint-Sulpice (aujourd'hui disparu), il était 14 heures en semaine, j'étais seule et persuadée que pour cette raison la séance allait être annulée.
    Chaque fois que j'entre dans un cinéma presque vide, je ressens le même soulagement et la même gratitude: la séance aura quand même lieu.

    Le film commence par la lecture d'un poème de Cavafy (Londres, 1950) puis il s'enracine dans la journée du 29 avril 1933. Cavafy est à l'hôpital, il mourra ce jour-là, à la fin du film.
    Les images sont belles, le dialogue rare. Des ruines, des jeunes hommes, turcs ou arabes, leur regard, leur peau nue luisante de sueur, des costumes que j'associe aux colonies anglaises, clairs, élégants, on dirait un film sur mesure pour camusiens, à cela près qu'il traîne en longueur, que la musique est beaucoup trop présente, et qu'au bout de vingt minutes, on s'ennuie.
    Ma plus grande déception vient sans doute de ce que les poèmes lus ne sont pas ceux que j'aurais choisis.
    Il s'agit d'un film nostalgique montrant la fin d'un monde, un de ces films à la Gone with the wind comme Le jardin des Finzi-Contini, Guerre et paix, Out of Africa,... Les couleurs sont chaudes et dorées, elles pourraient être sépia.

    Un film à voir une fois, sans doute, pour mémoriser facilement quelques dates et une chronologie:
    - 29 avril 1863 : naissance à Alexandrie ;
    - les Arabes attaquent les magasins, la famille fuit ;
    - 1882 : Constantinople (la mer au soleil couchant);
    - retour à Alexandrie, la famille est ruinée, Cavafy est embauché dans l'administration de régulation des eaux du Nil, il y travaillera trente-trois ans ;
    - 1901 : premier voyage en Grèce (les ruines ocres et blanches) ;
    - 1903 : second voyage en Grèce...

    Maud Laforest, guitariste

    Dimanche, 16 heures.
    Nous abandonnons O. chez un ami et rejoignons Paris pour aller écouter Maud Laforest à la guitare à l’hôtel Soubise.
    Durant le trajet, C., qui revient d’un stage de planeur, me fait cours sur les courants ascendants («Il y en a de trois sortes: les pentes, les pompes et les ondes. […] L’onde c’est la plus dangereuse. Tu vois les cercles quand on lance un caillou dans l’eau? Et bien c’est pareil, l’air fait des cercles qui se déplacent, quand on prend le bord ascendant d’un cercle, on monte très vite, mais dès qu’on arrive sur le rebord du cercle, on redescend aussi vite…»). Il regarde les nuages et commence une dissertation sur les cumulus à fond plat.
    — À fond plat ?
    — Mais oui, regarde, le bas de tous les nuages est à la même altitude.
    Et je m’émerveille une fois encore de constater la variété des lectures du monde. Il suffit d’un stage de planeur pour que les moutons deviennent des ascenceurs.
    — Tu sais, moi, tout ce que je sais du planeur me vient de Yoko Tsuno.
    — Ce n’est pas si mal, mais elle n’aurait jamais pu utiliser les aérofreins en même temps que…
    Je ne sais plus. Mes souvenirs de Yoko Tsuno ne sont pas assez précis. Il me fait rire. Une chose est sûre: s’il fait du planeur en région parisienne, j’en ferai aussi.
    — C’était beau, l’endroit où tu étais ?
    — Oui, surtout en planeur !
    Suis-je bête. Evidemment, la Beauce aura moins de charme.

    Je lui parle du Velib. En arrivant à Paris, il comprend le phénomène: il fait beau, il y a des vélos partout. Je gare la voiture dans un parking.

    Nous arrivons devant l’hôtel Soubise. Devant les caisses, je m’aperçois que j’ai oublié mon portefeuille dans le panier des courses du marché.
    Nous faisons demi-tour. C. est déçu, je me sens très bête. De plus, nous n’allons pas pouvoir reprendre la voiture au parking. En commençant à marcher vers Bastille, je fais le tour des possibilités: rentrer en RER à la maison tous les deux puis revenir seule chercher la voiture, rentrer à la maison tous les deux et reprendre la voiture demain en allant travailler («Mais ça va coûter une fortune!»)… Dans tous les cas il y en a pour au moins trois heures, le dimanche il n'y a que deux RER par heure, et il n'y a pas de bus.
    — Tu veux m’attendre au café avec ton livre? Ce sera moins galère que le RER, je reviens te chercher dans trois heures et je paierai….
    Trois heures… non, trop long, ce n’est pas viable.
    — J’ai un chéquier, tu veux prendre une place et aller au concert pendant que je rentre à la maison chercher mon portefeuille?
    —Tu as ton chéquier? Mais alors nous pouvons prendre deux places!
    Je me laisse tenter mais ce n’est pas raisonnable. Je n’explique pas à C. le fond de ma pensée : le concert va décaler d’autant l'heure de notre retour, O. va s’inquiéter, ou avoir faim, ou pire, il ne rentrera pas, s'imposera chez son ami, que vont penser ses parents?
    Tant pis. Au pire nous prendrons un taxi.
    Nous achetons nos billets.

    Tandis que nous traversons la cour, C. me murmure: «C’est l’hôtel de Guise, celui de Pardaillan».
    Et la salle du concert, m’apprend-il, est l’ancienne salle des gardes où Pardaillan a défait (sic) quatorze gardes. Bizarre, il me semblait que c’était l’antichambre de la Princesse… (En fait, ce fut les deux, à des époques différentes). Je remarque des cartes postales en vente (on est dimanche, c’est fermé), il faudra que je revienne.

    Un homme nous présente assez longuement l’histoire de l’hôtel, je ne me souviens pas que nous ayons eu droit à toutes ces explications lorsque je suis venue avec Zvezdo. Ou est-ce que nous étions dissipés au point de ne pas avoir entendues ? J’ai un peu honte rétrospectivement. Mais non, je ne crois pas.

    Je vous livre des extraits du contenu du feuillet de présentation joint au programme du concert:

    L'hôtel de Clisson, l’un des rares vestiges parisiens d'architecture civile du 13e siècle, devint à la Renaissance propriété de la famille de Guise. Dès cette époque, l’hôtel particulier de l'actuelle rue des Archives connut une brillante activité musicale, notamment lorsqu'en 1660 Marc-Antoine Charpentier s'y installa au service de Marie de Lorraine, dite Mademoiselle de Guise, cousine de Louis XIV et dernière descendante de l'illustre famille.
    C'est dans ce cadre que furent conçues des pièces destinées à un ensemble de quinze musiciens et dont M-A. Charpentier participa à l'exécution en chantant comme haute-contre. Cantates et pastorales constituèrent l'essentiel de sa production pour la duchesse de Guise. De nombreux concerts furent organisés, dont un auquel le roi assista, émerveillé, au point de verser une pension au compositeur. A la mort de Mademoiselle de Guise en 1686, M.-A. Charpentier devint Maître de musique du collège Louis-le-Grand. Il fut ensuite nommé maître de musique des enfants de la Sainte-Chapelle, où il demeura jusqu'à sa mort le 24 février 1704.

    En 1700, l'hôtel de Guise fut racheté par François de Rohan, prince de Soubise, et son épouse Anne Chabot de Rohan. Sur les conseils de leur fils cadet, prince-évêque de Strasbourg, ils confièrent en 1705 au jeune architecte Pierre-Alexis Delamair le soin de restructurer le bâtiment.

    En 1732, à l'occasion de son remariage avec une jeune veuve de 19 ans, le deuxième prince de Soubise, Hercule-Mériadec, confia à l'architecte et décorateur Germain Boffrand le soin de redécorer entièrement l'intérieur du palais. François Boucher, Carle van Loo, Jean Restout et Charles Trémolières participèrent à l'œuvre d'embellissement.
    En 1762, le maréchal de Soubise, dernier prince du nom, demanda à son ami le compositeur François-Joseph Gossec de créer le Concert des Amateurs qui devait rivaliser avec le Concert Spirituel, créé lui-même en 1712 en réaction à l'emprise musicale de Lulli, auquel revenait sans partage le privilège royal. Avec 70 à 80 musiciens, le Concert des Amateurs avait une dimension symphonique, fait exceptionnel pour l'époque.
    Fr.-J. Gossec y fit jouer en création ses premières symphonies avant de partir diriger le Concert spirituel et de céder sa place à Joseph de Boulogne, dit Le Chevalier de Saint-George, exceptionnel violoniste qui était devenu le batteur de mesure du Concert des Amateurs, sous la direction du premier.
    Sous la direction de Saint-George, le Concert des Amateurs devint la meilleure formation symphonique de France et sans doute d'Europe. La foule se pressait à l'hôtel de Soubise pour y entendre la formation dirigée par ce beau métis, professeur de musique personnel de la reine. Lui aussi y donna en création ses symphonies, opéras ou quatuors à cordes. Sa renommée était telle qu'il fut chargé de commander à J. Haydn ses six symphonies dites parisiennes. Mozart qui, résidant alors à Paris, cherchait en vain à se produire, prit ombrage de la renommée du fameux chevalier, franc-maçon comme lui, et, malgré les suggestions de son père Léopold, se refusa à le rencontrer.

    Souvent dévolus à la musique, aux arts et plus largement à l'histoire, les différents hôtels qui se succédèrent sur Factuel quadrilatère du Centre historique des Archives nationales ont accueilli les créations de compositeurs qui leur étaient contemporains : M.-A. Charpentier, Fr.-J. Gossec, J. Haydn, Saint George. Aujourd'hui l'hôtel de Soubise renoue avec cette tradition : Jeunes Talents a fait créer ou interpréter des oeuvres du jeune compositeur Karol Beffa et de son maître Henri Dutilleux. Les concerts de la saison comme le Festival Européen confirment chaque année cette tradition: l'harmonie entre histoire et époque contemporaine.

    Le présentateur nous fait ensuite remarquer que vendredi prochain seront jouées des pièces très rarement interprétées ou enregistrées : les versions pour 4 mains de Petrouchka et du Sacre du Printemps, transposées par Stravinsky lui-même.


    Maud Laforest s’avance sur l’estrade, un sourire timide aux lèvres. Elle est grande, très mince, vêtue de noir. Comme elle porte un débardeur, son bras gauche est protégé sous le coude d’une large bande de tissu noir.
    Elle se concentre avant de commencer, puis se perd dans la musique. Les fenêtres sont ouvertes, par moments le vent fait bouger les rideaux qui balaient le parquet dans un chuintement. Les notes de guitare rendent leur son très particulier. La main droite de Maud Laforest, étroite, longue, blanche, se dessine sur le manche, tous les tendons des doigts transparaissent, c’est un écorché, on suit le muscle de l’avant-bras. Elle paraît heureuse.
    Mon morceau préféré sera un Capriccio diabolico op.85 (1935) de Mario Castuelnovo-Tedesco, un morceau vif, enlevé, malicieux. À ma grande surprise, il me semble reconnaître dans les dernières mesures le thème de Jeux interdits. C. soutient que j’ai rêvé.


    Pendant la première partie du concert, je me tourmente : comment récupérer la voiture à moindre coût (temps et argent)? Le plus simple ne serait-il pas d’emprunter de l’argent à un ami parisien? Qui serait là un dimanche après-midi à Paris, à qui oserais-je demander de l’argent ? Rémi, bien sûr, mais il doit être en vacances, Olivier, Florence… J’ai même songé à Zvezdo.
    Je somnole pendant Haendel, qui me paraît, cause ou conséquence, plutôt soporifique.
    — Haendel a écrit pour la guitare ? demandai-je à C. à voix basse.
    — Haendel a écrit pour tout, me répond-il en haussant les épaules.
    Ah.

    À l’entracte, prise d’une inspiration, je m’adresse tout simplement à la caisse : accepteraient-ils de me donner du liquide en échange d’un chèque ?
    Oui.
    Yeeess !!! J’obtiens quarante euros, nous avons même de quoi aller boire un diabolo menthe à L’ébouillanté derrière Saint-Gervais.

    Au retour, C. joue avec le vent pendant que la voiture roule : main verticale, main horizontale, main oblique dans le vent relatif:
    — Pop avait raison, comme ça, ça monte ! dit-il, ravi.

    Un sourire attirant

    Samedi 23h11, gare d’Austerlitz, le train arrive, je rejoins C., bronzé, heureux, ses vacances l’ont enchanté.

    Nous remontons le quai côte à côte, un homme en pull bleu ciel arrive en face de nous, sourire resplendissant et bras largement ouverts, il me regarde, mais qui est-ce, je ne le connais pas, je fais un pas hésitant vers lui…
    C’est alors que je me rends compte que son sourire s’adresse à quelqu’un derrière moi.
    Je regarde C., il a eu la même impression que moi, nous éclatons de rire tous les deux.

    Sur le coup, et encore maintenant, je ressens un étrange choc : j’ai réellement failli me jeter dans les bras d’un inconnu, simplement parce qu’il avait l’air si heureux de me voir.

    Raisons d'Etat

    Je réussis samedi matin à me lever plus tôt qu'en semaine avec pour objectif la séance de 9h10 aux Halles. Je laisse la voiture gare de Lyon, prend la rue Roland Barthes toujours aussi rêveuse (quelle douceur de savoir que cette rue n'est pas destinée aux voitures), tous les vélos sont au rouge, je vais à la station suivante (c'est facile, c'est ce que j'ai fait la veille), deux types de la maintenance sont perplexes devant la carte de la borne: visiblement ils ont pour mission de réparer une station de vélos, mais ils ne savent pas très bien laquelle, et ils ne savent pas lire une carte. J'essaie de leur indiquer comment aller rue Roland Barthes mais ça ne leur convient pas à cause des sens interdits, je leur fait remarquer qu'ils pourraient y aller à pied, cela semble les épouvanter.

    Les Halles, une place pour rendre mon vélo presque en face de l'appartement de Zvezdo, le film, pas le temps de boire un café.

    Raisons d'Etat est un beau film, un film long et lent, durant lequel on ne s'ennuie pas. Il couvre une durée de six à sept jours, du 19 au 26 avril 1961 (de mémoire, soit les jours qui suivent le débarquement de la Baie des Cochons : quelqu'un a trahi, qui est-ce?
    C'est l'occasion de divers flash-back qui permettent de retracer la vie du héros Edward Wilson.
    C'est un film mélancolique, sans pathos, très sobre. La question est classique, qu'est-ce qu'être loyal dans un monde de mensonges? Comment ne pas trahir son pays, comment ne pas se trahir?

    Peut-être un peu trop de gros plans, peut-être un peu trop de violons par moments, mais des scènes magnifiques, comme celle du lacet, par exemple.
    Ai-je rêvé, ou Matt Damon se tasse au fur à mesure du film?
    C'est un film très WASP. Un vieil Italien demande à Edward Wilson: «Nous avons la famille et la religion, les juifs ont leurs traditions, même les niggers ont leur musique, qu'est-ce que vous avez, vous? — Nous, nous avons les Etats-Unis d'Amérique, les autres ne font que passer» (are only visitors), répond Wilson.

    Je n'ai pas compris les quelques critiques que j'ai lues ça et là avant de voir le film, notamment que cela donnait une mauvaise image de la CIA — cela n'en donne qu'une image humaine — et que le héros se renfermait de plus en plus: il ne me semble pas qu'il soit davantage renfermé à la fin qu'au début. L'Histoire broie les individus, voilà tout.


    En sortant, je reprends un vélo, je passe sous l'appartement de Zvezdo et je vais rejoindre Tlön pour continuer nos gender studies. (Il a ses habitudes dans un restaurant où la serveuse est très jolie et très souriante).
    Tlön, très classe, a son propre vélo, et pas un vélo de prolétaire qu'on partage (non mais quelle horreur!).

    En Velib avec Gvgvsse

    Vendredi soir, Gvgvsse propose de me rejoindre à la Madeleine en Velib. Je lui fais remarquer par texto que cela risque de ne pas être très pratique avec mes talons de 10 cm.
    Il découvrira que ce n'était pas une façon de parler, je pense même que ces talons doivent en faire onze. Tant pis, je ferai du vélo nu-pied puisqu'il n'y a pas de picots sur les pédales (ce n'est pas pédaler qui est gênant avec des talons, ce sont les moments où l'on s'arrête: ça déséquilibre. Question d'habitude, après une première tentative, je garderai mes chaussures).

    Donc Vincent me fait prendre un ticket pour une journée. Je ne sais pas si j'aurais essayé sans lui, à lire les journaux je ne comprenais plus s'il fallait un abonnement ou pas. Les bornes sont à la fois simples et compliquées, je crois que la première fois il doit falloir prendre son temps.

    J'ai une illumination lorsque je gare mon vélo la première fois et que Vincent me fait remarquer que je peux réutiliser mon ticket pendant 24 heures: il suffit de rendre son vélo toutes les demi-heures, et en reprendre un, et c'est reparti pour une demi-heure gratuite... (mais Tlön a lu dans Libé qu'il fallait attendre dix minutes entre chaque emprunt. A vérifier (enfin, sans grand intérêt non plus, car on ne va pas changer de vélo toutes les demi-heures juste pour économiser un euro).

    Le soir près de gare de Lyon toutes les stations sont pleines, je ne peux pas rendre mon vélo. Je découvre la rue Roland Barthes avec beaucoup d'émotion, ce n'est pas une rue, plutôt une large allée sous deux rangées d'arbres que je ne connais pas. Je finis par garer mon vélo assez loin et reviens à pied.
    Le lendemain, j'emprunterai trois vélos dans la journée et j'attraperai un rhume. A 17 heures, je ferai cadeau de mon ticket à un couple en train d'essayer d'acheter un ticket (Il reste deux heures utilisables).

    Le jouissif du vélo, c'est de pouvoir emprunter les couloirs de bus, même ceux à contre-sens.
    Pauvres bus et taxis, les vélos sont une véritable plaie qui ralentit la circulation.
    Il faudra que je regarde combien de minutes je perdrais à prendre un vélo plutôt que la ligne 14. Avoir une carte intégrale et une carte vélib', cela me paraît redondant.


    PS: Vincent est un vrai chauffard à vélo.
    PPS: Ce billet, bien sûr, parce que je n'ai rien à dire.


    Adage de Gvgvsse à retenir : il faut surveiller les cons. (Je m'en suis déjà servi trois fois entre hier et aujourd'hui).

    Wittgenstein (le film)

    Vendredi, j'abandonne ma stagiaire d'été à 11h30 pour aller voir Wittgenstein au Reflet.

    C'est un film étrange, davantage une série de photos commentées que véritablement un film. Le fond est noir, le décor minimal. Les personnages sont habillés soit de façon classique, morne, universitaire anglais, soit de couleurs vives et excentriques. Il y a même un martien (vert).
    C'est un film qui repose sur les dialogues, qui veut montrer l'asociabilité, la soif de perfection, l'isolement mais aussi le désir de solitude de Wittgenstein.

    Je m'aperçois que je connaissais déjà sa biographie grâce à L'Amour l'Automne, je connais même davantage d'anecdotes qu'il n'en est montré. Le film m'a permis de mettre les événements dans l'ordre : Vienne, trois frères suicidés, un quatrième manchot (d'où le Concerto pour la main gauche de Ravel), Cambridge, la Norvège, la première guerre mondiale, prisonnier en Italie, le poste d'instituteur, le retour à Cambridge, la découverte de l'homosexualité, le désir de travailler comme ouvrier en URSS, la brouille avec Russell, la fuite en Irlande, le cancer, le retour à Cambridge pour mourir.

    C'est à peine un film. Cela a le mérite de baliser le chemin pour de futures lectures.

    Exemple de dialogue (de mémoire):
    Un élève : Professeur, je ne comprends pas.
    W : Pourquoi croyons-nous que le soleil tourne autour de la terre ?
    L'élève: parce que c'est ce que nous voyons.
    W: Et que verrions-nous si la terre tournait autour du soleil?
    L'élève se tait, puis répond: J'ai compris.

    Hier, 18h34, quai du RER D aux Halles

    Une black et une beurette discutent sur le quai en attendant le train. Elles ont autour de vingt ans, la noire porte un corsage blanc à pois verts, elle explique :
    « Alors ch’fais l’ménage, tu vois, et qu’est-ce que j’ trouve dans le placard ?... Un paquet de tampax ! J’ui dis c’est quoi ça, i’m’répond ch’ais pas, c’est pas à toi ? J’dis non, j’me sers pas d’ça, moi, c’est quoi c’truc ?! Oh rien, c’est mon ex qu’a dû le laisser. J’avais la rage, tu vois, j’ui dit tu m’jettes ça à la poubelle tout de suite ! Et après i’m’dit et dans la salle de bain tous les produits Yves Rocher, c’est à toi ? Ben non, j’ui réponds. Alors c’est pareil, ça doit être à une fille qu’a tout laissé. J’étais vénère, tu vois, i’ fait jamais le ménage… »

    Le reste s'est perdu avec l'arrivée du train.

    Two days in Paris

    Ayant décidé ce soir de me coucher tôt, je cherchai un horaire de film acceptable et décidai d'aller voir Two days in Paris, 18h05. Je réservai par internet une place pour l'UGC de Bercy et me rendai aux Halles pour m'étonner de ne pas réussir à récupérer ma place aux bornes. Passons (c'est pénible, ces absences)).
    Je me méfiais un peu, j'avais déjà repéré que les critiques de Zvezdo ne correspondaient pas à mon avis (une expérience avec Spiderman III, une autre avec je ne sais plus quoi), cela s'est confirmé: ce qui paraît lui plaire, le côté outrancier "anar-montmartrois" est ce qui me déplaît, la veine bite-chatte-poils-cul n'est pas trop ma tasse de thé.
    Mais le reste est excellent, les dialogues sont vifs, on se retrouve perpétuellement entre cliché et réalité, en train d'avoir envie de protester (mais non, les Français ne sont pas comme ça) et de devoir reconnaître qu'on n'est pas si loin d'une certaine vérité. D'ailleurs une phrase du début le dit expressément: «C'est un cliché mais c'est vrai». (Importance du cliché et des clichés, la photographie est omniprésente.) Il y a d'ailleurs un rapport étrange à la vérité dans ce film; même tout à la fin, je ne suis pas sûre que Julie Delpy nous dise, à nous spectateurs, la vérité sur ses amants.
    D'autre part, Julie Delpy a visiblement accumulé un lourd contentieux avec les taxis parisiens...
    Pas tout à fait d'accord avec la fin (no spoiler, promis), mais je confirme: au bout de deux ans, on ne connaît pas l'autre. Au bout de vingt-et-un non plus, d'ailleurs. (Tant mieux, le contraire serait d'un ennui profond).

    Le générique est étonnant, Julie Delpy est partout, montage, dialogue, musique, production, réalisation...

    En sortant, pour confirmer une théorie exposée en début de film, je rencontre Matoo qui me parle de téléphones comme j'entendais autrefois les mecs parler de voitures ou d'ordinateurs.

    Et maintenant, une glace devant la suite de Sex and the city (saison 1 épisode 2) and then to bed.

    Conversation à deux blogs (canon)

    Grâce à ce blog, j’avais repéré le «festival des jeunes talents» à l’hôtel Soubise. Le cadre semblait beau (j’aime les occasions d’entrer dans des endroits où je n’entrerais pas), le programme prometteur, je choisis naturellement un progamme chanté puisque c’est ce que je préfère et je proposai à Zvezdo de m’accompagner.

    L’hôtel est très beau mais un peu vide, je regrette le meuble à consignes en mélaminé installé en bas de l’escalier monumental, il y aurait de quoi tailler plusieurs robes de bal dans les rideaux. Comme je discute avec Z., je ne détaille pas le public. Des couples âgées, des enfants, c’est varié et peu (pas) touristique.
    La salle est au premier étage, grande, chaude (les fenêtres ne seront pas ouvertes, même le temps de l'entracte, dommage); au mur derrière l’estrade se trouve un grand tableau que j’essaierai de décrypter durant tout le concert: un navire empli de moines, de religieuses, de saints, est sur le point d’aborder le «port du salut», les occupants du navire remorquent deux barques et tentent d’aider à monter à bord par une échelle les passagers d’une troisième. Deux autres esquifs sont en train de couler, leurs passagers dévorés par des monstres marins, des cartouches indiquent les différentes hérésies auxquelles ils appartiennent. Les diables nautonniers ont de belles ailes vertes bordées de rouge. Le titre semble indiquer une typologie des religions : Tupus religionis.[1]

    Henry Bonamy est blond, tout mince dans une veste qui lui arrive aux genoux, compromis étrange entre la queue-de-pie et la veste classique. Les deux musiciens doivent avoir terriblement chaud dans leur costume sombre. Thomas Dolié a les cheveux plus longs que sur la photo dénichée par Zvezdo, son visage m’évoque un peu David Fischer (de Six feet under). (Je fais ma sejan, là).
    Bien entendu, je n’ai pas le recul que Zvezdo. Le chanteur me paraît agréable parce qu’il articule bien, et son agitation («il y met trop d’intentions», me dit Zvezdo (révolté par ce zhabité que je n’ai même pas entendu, me concentrant surtout sur les poèmes que je ne connaissais pas)) ne me déplaît pas : voilà un chanteur qui n’est pas loin du théâtre, pourquoi pas. Ce goût du mime semble mieux servir les textes légers, comiques ou satiriques, et Jules Renard lui convient mieux que Goethe.
    J’attends avec curiosité une occasion de le voir à l’opéra.


    Notes

    [1] Une recherche permet d?obtenir une photo et quelques détails : ce tableau saisi dans la chapelle des jésuites de Billon a joué un rôle dans le procès des jésuites devant le Parlement en 1762.

    Matin

    Gare de Lyon, sur le quai du métro de la ligne 14, je remarque une vieille dame, panama à large ruban noir et basketts grises à semelles épaisses. Elle est très élégante, grande, droite, elle porte un blazer bleu marine à boutons dorées, un chemisier italien à rayures grises et blanches, un pantacourt blanc. Son nez est pointu, sa peau très fine, ses cheveux blancs remontés en chignon. Quelle âge a-t-elle ? 80 ans ? Elle est américaine, elle me fait songer à Katharine Hepburn.

    Lorsque la rame arrive je la suis, afin de pouvoir la contempler encore. Au moment où la sonnerie des portes retentit un homme encore jeune, rubicond, dont les muscles commencent à se transformer en graisse, se précipite derrière moi et me bouscule un peu ; bien entendu les portes se ferment, son sac est coincé, on dirait une sacoche de portable, j’espère que non pour la pauvre bécane, il tire pour la dégager.
    Je me retourne, croise les yeux de la vieille dame, j’y lis la même pensée que la mienne et nous échangeons un large sourire: «Dieu que les hommes sont stupides à toujours jouer les fiers-à-bras».


    (Je devrais peut-être éviter de regarder Sex and the city au petit déjeuner en recousant trois boutons à mon chemisier que finalement je ne mettrai pas après y avoir découvert deux minuscules taches dans le dos).

    Post incomposé

    J'en ai marre de Safari, j'ai l'impression que Netvaïbes ("Netvibes", c'est plouc, m'a appris Matoo) le fait planter. Zou, sur Firefox. Il paraît, H. dixit, que c'est tout de même à l'usage (de programmeur) Opéra qui respecte le mieux les normes supposées être suivies (j'adore les posts simili-geek. À propos, ceux qui ont besoin d'être réveillés peuvent aller voir ça).

    Je suis en train de mettre de la sauce tomate partout. H. me bourre le frigo de plats micro-ondes avant de partir, parce qu'il sait que dans le cas contraire je vais manger des céréales toute la semaine à tous les repas — c'est gentil à lui d'y penser. Et donc comme il n'y a personne pour me rappeler les règles de la vie en société (il faut beaucoup de formes quand on dîne seul), je peux enfin manger devant mon ordinateur.
    Le problème, c'est que ça refroidit vite. Et puis ce n'est pas très pratique.

    Enfin bon, ce serait le bonheur si je n'avais pas si mal à la nuque. C'est la faute à Bruce Willis, ses films sont vraiment fatigants. Il faut qu'il arrête de boire, ses yeux se pochent de plus en plus. Ou alors il utilise la chirurgie esthétique à l'envers: il se les fait pocher pour avoir l'air intéressant (au fait, il paraît qu'Indiana Jones IV est en préparation). J'ai changé de portable aujourd'hui (l'ancien, c'était ça, je l'aurais bien gardé encore un peu, j'aime les dinosaures, mais il commençait à bugguer trop souvent. Dommage), et je pense que si j'apprends à me servir du nouveau un jour, je devrais moi aussi pouvoir hacker la Maison blanche.
    Je retiens que pour survivre, il faut dans la plupart des cas rester dans sa voiture, et qu'il ne faut pas jeter sa vieille CB. Sinon... rien à faire, les réalisateurs des Die Hard ne croient pas au terrorisme idéologique, la motivation des terroristes, in fine, c'est toujours l'argent.
    Les cascades... Argh, quelle chorégraphie, ça me fait vraiment de la peine de me dire que la plupart des scènes avec l'avion de chasse doivent être virtuelles. Autre tristesse, les méchants parlent désormais français (je les préfère arabes ou allemands.)
    Et puis, toujours, inévitablement, la fille du héros se fait enlever. Heureusement, celle-ci est moins nunuche que Kim Bauer (difficile de faire pire, remarquez).

    A midi, j'ai déjeuné avec Paul. Roland de la Poype a sorti un livre, L'épopée du Normandie Niémen, que Paul m'a offert. Le livre regorge d'anecdotes, et ce n'était pas ses chaussettes que La Poype avait perdues lors d'une cérémonie soviétique officielle, mais sa médaille, 35 grammes d'or. Ce livre s'inscrit parfaitement dans la continuité de celui de Grossman. Paul a tenté de joindre La Poype au téléphone pour le féliciter, mais celui-ci était absent. Il faudrait peut-être que j'avoue à Paul que j'avais écrit (jamais eu de réponse)... Bah, on verra bien.

    Hier soir, j'ai vu La Traversée du temps. Je n'y serais pas aller de mon propre chef, car je m'étais un peu ennuyée devavant Mon voisin Totoro et Nausicaa. Le grand soulagement, c'est que pour une fois les voyages dans le temps ne sont pas traités de façon tragique. Là encore, ce film est fatigant, l'héroïne passe son temps à courir et à tomber. Et à bien y regarder, sans voyage dans le temps, le film se terminerait de la même façon — à l'accident près.

    Quand je suis trop fatiguée, le monde se dérobe, je passe mon temps à vérifier que lorsque je pose quelque chose sur une table, c'est bien sur la table que je le pose, et non à côté (je tâte la table avant de poser le verre). Je vois des ombres dans le coin de mes yeux, toute ligne verticale, arbre, poteau, montant de portière, devient un fantôme possible. Il faut que je regarde l'objet en face pour qu'il retrouve sa qualité d'objet. Le pire ce sont les reflets dans les vitrines des magasins, qui s'animent au fur à mesure que j'avance.
    Le plus drôle (je dois passer pour un peu attardée), c'est le temps de latence entre une question posée et ma réponse: il faut que je réalise que c'est à moi que la question est posée (puis blanc) puis me souvenir, grâce à la mémoire immédiate, de ce qu'était cette question, puis la reformuler en moi-même, faire un effort de cadrage (de concentration) et enfin répondre.
    Je vais me coucher. Un peu de coca, peut-être.

    Dimanche ferroviaire

    8 h – lever. Dernières vérifications des valises, ce qui n’empêchera pas d’oublier lunettes de soleil et tongs de A. (J’ai comme l’impression que cela ne va pas lui manquer (hélas)).

    9h30 – départ

    10h35 – arrivée à la gare Montparnasse. J’y abandonne C., et lui abandonne mon livre Les aventures d’un tee-shirt dans l’économie globalisée puisqu’il a oublié le sien. (Il a quand même cinq heures de train à endurer). Cela va lui donner un petit air alter-mondialiste… M’étonnerait qu’il en lise plus de cinquante pages, mais un livre, c’est comme un doudou : une affaire de présence.
    Pour la peine j’erre une demi-heure dans la librairie de la gare et repars avec Notes d’un souterrain de Dostoïevski.

    11h30 – Je gare la voiture gare d’Austerlitz. Je prends les bagages de O. Nous traversons le pont Charles de Gaulle à pied.

    11h50 – Nous arrivons gare de Lyon au lieu de rendez-vous de départ de colonie de O. Une heure et quart à attendre, les organisateurs ont prévu large. Nous émargeons puis allons prendre un café. La voie du train n’est toujours pas indiquée. Notre voisin de table a un tatouage étonnant sur tout le bras droit, un motif de rectangles très art contemporain, Mondrian en noir et blanc. Voilà qui change des motifs celtiques ou hindous.
    J'achète les billets pour A. et moi, en pestant contre les écrans tactiles qui restent impassibles sous mes doigts. Ce n’est qu’après dix minutes et plusieurs tentatives que je découvrirai qu’il faut effleurer l’écran et non appuyer dessus comme une malade. A. est écroulée de rire.

    12h50 - Nous retraversons la garde de Lyon puisque bien entendu la voie du train est la plus éloignée possible du point où nous avions rendez-vous. Je préviens O. : « Nous ne resterons pas jusqu’à ton départ, sinon nous allons rater notre train. — C’est pas grave. » Visiblement la seule chose qui lui importe, c’est qu’on s’en aille le plus vite possible, qu’il puisse enfin lire son Picsou tranquille.

    13h10 - Retour à la voiture gare d’Austerlitz, je récupère les bagages de A. Nous trouvons des places dans notre train.

    13h35 – Départ pour Blois.

    21h21 – Gare de Blois, je rentre seule à Paris. Le train a dix minutes de retard. Je m’installe où il reste de la place, dans l'un des quatre fauteuils centraux des voitures. En face de moi un jeune homme avec un coup de soleil (beaucoup de coups de soleil en général, les gens ont vraiment voulu profiter de cette première journée ensoleillée), à côté de moi au jeune homme le bras dans le plâtre. De l’autre côté de l’allée, une famille occupe les quatre sièges, lui, géant, elle, très jolie, enceinte de cinq mois environ, et une fille et un garçon très blonds de 18 mois et trois ans. Ils sont calmes. Ils s’énerveront peu à peu, c’est inévitable, il est tard, bien trop tard pour eux.
    Je commence Dostoïevski en négligeant la préface de Todorov.
    Le petit garçon se met à chanter très fort « Papa a pété, papa a pété », les parents ne réagissent pas (ils ont raison), la petite fille joue à la dînette, son frère veut manger du bébé, le père s’insurge, la mère rit, je pense à Swift. Ils sont bruyants et incohérents, le jeune homme à côté de moi les regarde avec ébahissement, bouche ouverte, œil exorbité. Il n’est pas près d’avoir des enfants.
    La petite fille pleure, j’essaie de dormir.

    La petite fille pleure de plus en plus fort, le père est totalement inerte, la mère très calme, toujours aussi jolie (mais qu’est-ce qu’elle fait dans cette galère ?), déplie une poussette dans l’allée, y met sa fille et tente de la calmer en marchant.
    Quelques minutes passent, elle revient, le train s’arrête à Orléans, les deux jeunes hommes descendent, j’ai les quatre places pour moi seule, la poussette bloque le passage, le couple qui vient de monter ne peut pas avancer.
    Et c’est la catastrophe.
    Il reconnaît la famille de l’autre côté de l’allée, s’exclame, s’embrassent, parlent en français, en italien, tout le wagon en profite, le vacarme est ahurissant, ils s'installent en face de moi sans un regard et continuent à parler avec l'autre côté de l'allée. J’attends un peu, au cas où ils reviendraient à la raison et adopteraient un ton plus mesuré.
    Las.
    Je me lève et vais m’installer exactement à la même place dans l’autre partie du wagon. J’essaie de dormir. Le train est déjà en train de s’arrêter aux Aubrais, l’homme en face de moi rassemble ses affaires, je remarque ses mains, énormes, enflées, rouges, pelées, mais qu’a-t-il fait, la brûlure semble monter jusqu’aux coudes, il y a des tâches rouges sur les biceps. Ce n’est pas possible, il a voulu égoutter les frites à la main… Le voir saisir ses affaires avec cette peau à vif me fait mal, il ne paraît pas souffrir.

    Le train repart, le compartiment est calme, de l’autre côté de l’allée, à la place de la famille infernale, se trouvent deux jeunes hommes, l’un regardant une vidéo, l’autre lisant Courrier international.
    Je dors.
    Je suis réveillée par une voix, malédiction le DVD est fini et l’homme téléphone, interminablement, à voix haute, il est 23 heures passées, il raccroche, demande à son copain de rappeler la fille avec laquelle il était en conversation, il veut obtenir qu’elle les invite à venir dîner quand ils arriveront à la gare parce qu’il n’a pas envie de manger des tagliatelles, son copain résiste, il doit trouver comme moi que cela n’est pas tout à fait poli, la conversation s’éternise, je suis prodigieusement agacée par cette muflerie tous azimuths, je me lève encore et vais m’installer en première (après tout les contrôleurs sont passés). Je m’endors pour de bon.

    Je suis chez moi à minuit.

    Flemme

    Pas le courage de feuilleter tous les Corto Maltese pour retrouver la bulle : « Ce que tu cherches n'existe pas.»

    Et puis il est possible (mais pas tout à fait certain) que j'ai des choses plus urgentes ou plus importantes à faire de ma vie.



    réponse donnée en 2009 par JYP :

    C'est dans L'Aigle du Brésil, dans le volume Sous le drapeau des pirates, p.35. "Ne reviens pas trop vieux. Ce que tu cherches n'existe pas": Bouche Dorée à Corto Maltese.

    (Sous le drapeau des pirates reprend les trois premières histoires de Sous le signe du Capricorne.)

    Hier

    J'ai déjeuné d'un sandwich au roastbeef et d'un verre de rouge au comptoir du café à l'angle du boulevard Raspail et de la rue du Cherche-Midi. A une époque, l'un des serveurs de ce café était si beau que je faisais un détour rien que pour venir le regarder. Je suppose que c'était un étudiant, il faisait si peu serveur… Il n'est plus là mais les sandwiches au roastbeef, excellents, sont restés une habitude.

    A côté de moi, deux poivrots; pendant que l'un s'absente, l'autre demande laborieusement la note:
    — J'ai commandé ce verre, et puis j'ai offert celui-là à Monsieur, alors lui il m'a offert celui-là…
    — Donc un blanc et un kir, résume la serveuse.
    — Non, j'ai commandé ce verre-là, insiste le poivrot en montrant le premier verre.
    La serveuse impavide amène la note comportant le blanc et le kir.
    L'autre revient, je les entends discuter, impossible de lire, le jeune homme à ma gauche a des yeux bleus de l'exacte couleur de sa chemise et un pull bleu marine noué sur les épaules, «Quand on est solitaire c'est pour toujours», énonce l'un des poivrots, je ferme mon livre, «Dardanelles… mon grand-père… j'ai fait cuire des hérissons…», le jeune homme allume une pipe, son alliance est en or blanc.


    Le soir je fais les soldes, machinalement.
    Mon quota de robes sérieuses et de robes à bretelles (pour ce que ça sert cette année) étant épuisé, j'ai pu enfin faire dans l'irresponsable : deux robes cent pour cent viscose coupe nuisette femme enceinte, imprimées l'une comme les robes de Mireille Darc dans Elle boit pas, elle fume pas, mais elle cause, l'autre comme un couvre-lit de ma grand-mère que j'aimais beaucoup et qui a été donné, et une combinaison bustier très douce genre Babygro en plus sexy.

    Chic. Je ne vois pas trop quand je vais pouvoir porter ça mais c'est pas grave.

    Un pianiste pressé

    En découvrant ce billet de Zvezdo l'année dernière, je m'étais promis d'assister à au moins un concert du festival cette année (XVIe ou pas (il faut reconnaître que l'assistance est "marquée", j'ai même vu un col cassé et un nœud pap sur un jeune homme dont le plaisir était sans doute d'en faire un peu trop (en revanche, je suis sûre que la grande blonde devant moi n'imaginait pas que je verrais son Tupperware vide dans son sac à main))), j'aime les roses et Chopin, et j'aime ce nom de Bagatelle, trois raisons d'y assister.

    Evidemment, c'était loin de ressembler à ce que j'aurais imaginé, le parfum des roses dans le soir d'été: il faisait froid (H. m'avait apporté un pull à col roulé), il s'est mis à pleuvoir de grosses gouttes glacées pendant l'entracte (écourtée) à la suite de laquelle l'auditoire se moucha et toussa un peu trop à mon goût.

    Je fus ravie de constater que les Kreisleriana étaient au programme, un peu surprise par l'interprétation de Laurent Cabasso, extrêmement rapide, ne laissant pas le temps aux notes, dans les mouvements lents, d'atteindre leur plénitude. Je mis cela sur le compte d'une déformation de mon oreille, habituée à l'interprétation de Maurice Pollini. (Je réfléchissais en écoutant que j'étais une auditrice, une spectatrice, une lectrice, d'habitudes: qu'on me change l'instrument, l'interprète, l'acteur, la mise en scène, les voix d'un film, ou même la couverture ou le format d'un livre, et l'œuvre n'est plus la même, je ne la reconnais plus, j'ai perdu mes repères. Mon rapport aux œuvres est construit d'une accumulation de détails).

    Je dus reconnaître en écoutant Chopin que j'avais été indulgente en cherchant ainsi des excuses à Cabasso: les Mazurkas furent exécutées au sens propre, je saisis à peine la ligne mélodique de ces morceaux qu'il me semblait pourtant connaître, et les pauvres Mazurkas finissaient par se confondre avec les mouvements rapides des Kreisleriana, tout ressemblant à tout… Très étonnant.

    Bon, ce n'est pas grave, mon côté XVIe s'accomodera d'un autre concert, surtout s'il fait beau (et chaud). Cela donnera une seconde chance à H. (se raser) et à C. (ne pas mettre de baskett) de s'intégrer dans le décor. Et cela donnera une seconde chance à Chopin.

    Expériences

    Depuis vendredi je fais des expériences. J'ai ouvert un compte chez Netvibes et suivi les conseils de Zvezdo concernant les flux RSS (et je reperds le temps gagné à d'autres explorations), un compte chez Ziki que j'ai aussitôt détruit, un compte chez LybrariThing en me promettant de le remplir très lentement, et un twitter.

    J'en suis à essayer de comprendre Technorati Profile (c'est pour cela que j'écris ce post: pour faire un claim (yes!)). Ce week-end, ou plutôt lundi, il faudra que j'essaie d'exporter mes flux RSS de Netvibes. Dès qu'on aborde l'internet américain on a l'impression de passer de la campagne à l'océan. J'entends les mouettes (et je lis trop de geeks)).



    edit: comme je planque ce post dans les profondeurs dans la mesure où il n'est pas d'un intérêt grandissime, le vendredi dont je parle est le 6 juillet, c'est-à-dire demain par rapport à ce post…

    Librairie Tschann

    Une razzia chez Tschann, j'avais un peu bu. Ils ont le plus beau rayon de poésie que j'ai vu à ce jour dans la capitale, il faut dire que j'aime les livres aux formats étranges et aux pages non coupées.
    • Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille plateaux, parce que Guillaume m'a recommandé "Rhizome", et que ce livre d'occasion coûte plus cher que Mille plateaux neuf.
    • Mohammed Choukri, Paul Bowles, le reclus de Tanger à cause de la phrase obsessionnelle dans L'Amour, l'Automne, sur Gertrude Stein qui l'a "lancé" (ou pas).
    • Jacques Dupin, Échancré, cité dans L'Amour, l'Automne, mais surtout, du même, je découvre alors qu'il n'en est pas parlé, Écart.
    • Ezra Pound, Les Cantos, en bilingue (un vieux projet oublié jusqu'à ce que je vois ce livre).
    • Michel Foucault, Raymond Roussel
    • Maurice Sachs, Alias
    • Gilbert Lascault, Le Petit Chaperon Rouge, partout, pour ma sœur
    • René Char, Les Matinaux, pour La parole en archipel




    PS : Je précise cinq ans plus tard : invitée par Tlön chez Wajda. Ce restaurant deviendra plus tard le lieu des repas de rentrée avec Claude et Olivier.

    Mondes parallèles

    Dans l'amphithéâtre sombre je m'endors durant la présentation commerciale de Second Life, bizarre dérivé des nouvelles de Bradbury.
    Cauchemar, je crie, m'éveille, panique, m'a-t-on entendue?
    Non, je n'ai crié qu'en rêve.

    J'évite de me rendormir.

    250 tonnes de bidules

    La vocation viticole du parc naturel régional de la Montagne de Reims l'a poussé à organiser dès 1983 la collecte des films plastiques d'emballage et, depuis 1998, celle des capsules et des bidules.

    Ce « bidule » n'a rien à voir avec son synonyme qui désigne une personne ou un objet par un terme plus général et vague comme « machin », « chose » ou… « bidule ». Car celui-là est en polyéthylène et sert à capter, sous la capsule en aluminium, les dépôts de levure qui interviennent lors de la seconde fermentation du Champagne. En 1998, le parc naturel régional (PNR) de la Montagne de Reims (68 communes, 35 000 habitants, 50000 hectares, dont 9 000 hectares de vignes) lançait à Châtillon-sur-Marne son premier collecteur de bidules et de capsules. Il en récupère désormais environ 250 tonnes par an grâce aux 50 conteneurs répartis sur les communes viticoles du parc naturel régional. « Les viticulteurs jouent le jeu. C'est un succès. 90% des capsules et des bidules sont collectés » se félicite Cyrille Camboulives, l'une des chevilles ouvrières de l'opération. Avant déchets non recyclés promis à la décharge, les capsules et les bidules sont aujourd'hui expédiés vers la Moselle où la société «Recyclage 2000» les broie pour les réinjecter dans les filières de l'aluminium ou de la plasturgie.

    Horizons régions, (Les Echos), juin 2007, p.18

    Douce et Barbe-bleue

    Les CHAM (classes à horaires aménagés musique) de l'Essonne ont chaque année un "projet" qui se termine par une représentation à l'opéra de Massy. La participation des élèves se faisant sur la base du volontariat, j'y avais échappé l'année dernière pour cause de mise en scène avant-gardiste, ai-je cru comprendre: «Souffler devant tout le monde sur une balle de ping-pong, c'est trop la honte!»
    Il y a deux ans j'avais vu une représentation de Carmen, agréable mais qui ne m'a pas laissé grand souvenir, il y a trois ans Porggy and Bess.

    La représentation d'hier soir fut la meilleure de ces trois expériences. Il s'agissait de la réécriture de l'histoire de Barbe-bleue, Douce et Barbe-Bleue: quelques jeunes filles qui s'ennuient décident d'écrire un conte. Il faudra qu'il commence par «Il était une fois» et se termine par «ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants». Oui ou non? Le chœur n'est pas d'accord. L'histoire se déroule, Douce épouse Barbe-bleue, se montre trop curieuse (et c'est encore une histoire de clé), est condamnée à mort. Sa sœur Anne arrive, puis l'histoire bifurque, j'attendrai en vain ma réplique préférée «je ne vois que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie», les frères n'arrivent pas, Anne voit des bergers, des moutons, point de poudroiement ni de verdoiement.

    Le chœur-pousse-au-crime présentera successivement des ciseaux, un katana puis une tronçonneuse à Barbe-bleue («mais c'est n'importe quoi», s'exclame Barbe-bleue, et je ne lui donne pas tort), et Douce mourra dans d'atroces tressaillements.





    Le chœur chantera alors son regret : «Les histoires à l'eau de rose ont cependant quelque chose qui nous plaît…»


    Ce fut une belle représentation. J'ai l'amour particulier des costumes, des rideaux qui se transforment l'un en manteau pour Barbe-bleue, l'autre en robe de soirée puis, retourné, en robe de mariée, le troisième en jupes pour quatre péronnelles avant de devenir des casaques de mousquetaires, sans compter la table du salon qui servira de jupe à panier à la mère de Douce…

    Recommandation

    Pas le temps ce soir d'écrire, pensais-je.

    Et puis si: un post paresseux mais enthousiaste pour recommander une lecture savoureuse (le 19 juin 2007. J'ai retrouvé les archives, le blog n'est plus en ligne).

    Un peu de comparatisme économique

    Je disais jeudi à une collègue violemment anti sarkozienne que nous allions enfin savoir si oui ou non la baisse des impôts générait de la richesse, car cela n'a jamais été prouvé dans les faits, nous n'en sommes pour l'instant qu'à la théorie.
    J'ajoutais que si cela échouait, nous aurions droit à un plan d'austérité type 1983 afin de combler le déficit creusé par cette politique libérale et de respecter les critères imposés par l'Union européenne.

    Vendredi je reçois les quelques feuillets d'analyses économiques régulièrement publiés par Natixis dans Flash économie sous la direction de Patrick Artus. L'article du 11 juin 2007 s'intitule "Reagan 1981; Sarkozy 2007: des similitudes ?" Il conclut que la baisse des impôts n'a eu quasi aucun impact sur le marché économique américain et que la politique de dérégulation de la concurrence est sans doute la cause principale de la reprise américaine.

    Je n'ai pas assez d'expérience pour en juger (pour commencer, la prémisse est-elle exacte, peut-on comparer la politique économique de Sarkozy à celle de Reagan?), mais je copie ici les récapitulatifs de la politique fiscale et concurentielle de Reagan, parce qu'il peut toujours être utile de pouvoir les retrouver rapidement.


    Politique fiscale de Reagan
    En 1981, l'administration Reagan présente devant le Congrès son "Economie Recovery Act" : baisse massive des impôts (10% par an sur l'impôt sur le revenu pendant 3 ans), baisse des dépenses publiques (réduction de programmes fédéraux comme les assurances-chômage, les retraites, le Medicaid, les aides familiales, les bourses étudiantes...), rigueur monétaire…
    Concernant les baisses d'impôts, principalement:
    • diminution du taux marginal d'imposition de 70% à 50% (pour une fourchette antérieure de 14% à 70%);
    • réduction d'impôts pour les couples mariés;
    • déduction des dons caritatifs;
    • modification et libéralisation de la réglementation concernant la vente de la résidence principale;
    • encouragement à l'ouverture de comptes épargne retraite individuels via l'augmentation des déductions fiscales.
    Pour les entreprises :
    • Accelerated Cost Recovery System : déduction d'impôts pour dépréciation des dépenses d'investissement;
    • Réduction d'impôts pour les PME (revenu imposable entre 0 $ et 50 000 $).
    En un seul tour de scrutin, les deux chambres ont adopté cette législation qui imposait des réductions massives et générales dans tous les domaines de dépenses, défense exceptée : une réduction totale de 130,6 milliards de dollars au cours des années fiscales 1981-1984.

    Déréglementation sous Reagan
    Le mécanisme de base de la déréglementation avait été mis en place par J. Carter (compagnies aériennes en 1978 et transports routiers avec la Trucking Act de 1980). Le Fédéral Register de 1980 contenait une grande partie des réglementations adoptées par la suite, Reagan a accéléré le processus.
    Transport
    La déréglementation américaine de 1980 oblige toutes les entreprises de camionnage public à s'adapter à des régies de jeu plus concurrentielles en ce qu'elle vise essentiellement à réduire considérablement les barrières à l'entrée exigées par l'Interstate Commerce Commission (ICC).
    Communications
    1981 : le Fédéral Communications Commission (FCC) dérégule les restrictions sur les radios, mettant en place un système simplifié pour renouveler les licences de radio. Il incite le Congrès à rallonger les périodes de licences pour les radios et télévisions et autorise un système de loterie pour l'attribution des nouvelles licences.).
    Télécom
    Au cours des années 70, la FCC (Fédéral Communications Commission) a développé des mesures de sauvegarde de la concurrence. En 1984, le démantèlement d'AT&T a entraîné la baisse des prix et a élargi le choix des consommateurs sur les marchés des services longue distance et internationaux et l'ouverture des marchés des équipements de réseau.
    L'ordonnance antitrust de 1984 a obligé AT&T à abandonner ses filiales d'exploitation locales, créant 7 sociétés régionales (RBOC) qui sauf, dérogation, ne pouvaient fournir de services longue distance, interdiction est faite aux RBOC de fournir des informations. Ce démantèlement reposait sur l'idée que les réseaux de télécom locaux avaient les caractéristiques d'un monopole naturel : il institue la distinction entre services de télécommunications «longue distance» et «locales» via la définition de zones plus petites que les Etats.
    L'objectif est de faire en sorte que les sociétés régionales ne fournissent que des services de base soumis à réglementation.
    Il en a résulté le développement de la concurrence sur longue distance mais pas dans les services intra-Etats et locaux, les Etats ayant maintenu des restrictions légales d'entrée sur ces marchés jusqu'au début des années 90.
    La conclusion des analystes est la suivante : «Le point positif du "reaganisme" n'est donc pas sa politique budgétaire et fiscale, mais sa politique microéconomique qui a déclenché en particulier la modernisation de l'industrie des télécommunications.»

    Confiance

    — Ne me mens pas. Dis-moi que tu ne veux pas répondre, mais ne me mens pas. J'ai besoin de quelqu'un en qui je puisse avoir aveuglément confiance.
    — Ça n'existe pas.
    — Je sais.

    Mais je me demande s'il est réellement normal que lui le sache. Est-il normal de savoir cela à 15 ans? Je lui ai peut-être trop parlé, trop tôt en tout cas, ou il a compris trop vite.


    Le pas suivant, c'est bien entendu que je trouverais anormal qu'il ne me mente pas.
    Les parents n'ont pas à tout savoir de leurs enfants; de même que les enfants ne doivent pas tous savoir de leurs parents.


    Parmi les mythes destructeurs du XXe siècle, je compte ce mythe d'une transparence de l'être passant par la parole; tout devant ou pouvant être dit à tous à tout moment.
    Rien n'est plus faux; pour des raisons de vie sociale, bien sûr, mais plus profondément parce que la dissimulation de l'être est aussi ce qui permet la survie et l'unicité de l'être.

    Jean-Claude Brialy

    Dédié à un amoureux des potins.

    Comme je suppose que "mes" lecteurs ne lisent pas Figaro Madame, je recopie ici l'histoire d'un canular, pas bien épais et bien peu détaillé, dont on trouve un écho plus lointain mais plus personnel sur un blog :
    […] Je voudrais évoquer ici le souvenir d'un canular auquel il fut mêlé, à son insu d'abord, puis avec la bonne grâce qui faisait de Jean-Claude Brialy un esprit de si agréable compagnie. Chaque année ont lieu à Saumur les Journées nationales du livre et du vin. Il y a des signatures, des tables rondes, des animations, d'où les participants ressortent souvent en état de gaieté avancée. Comme Gérard Depardieu, Jean Carmet ou Claude Chabrol, Jean-Claude Brialy en était un adepte invétéré. Tout ce beau monde passait habituellement la nuit à l'hostellerie du Prieuré, dans le village de Chêne-hutte-les-Tuffeaux. Pour la session de 1999, l'écrivain Alain Robbe-Grillet y occupait avec son épouse, Catherine, la chambre 17. Pendant le dîner du samedi soir organisé dans les caves Bouvet-Ladubay, Irène Frain et votre serviteur rédigèrent, en les signant «Robbe-Grillet», plusieurs billets invitant certains convives à se retrouver à minuit dans la chambre 17 de l'hostellerie du Prieuré. Nous les fîmes porter par des serveurs à Claude Brasseur, Jean-Claude Brialy et trois danseuses brésiliennes qui devaient se produire pendant la soirée. L'objet du rendez-vous n'était pas précisé. Mais, eu égard à la réputation sulfureuse du couple Robbe-Grillet, tout était à craindre ou à espérer. Lorsque Brialy et Brasseur montrèrent à Alain Robbe-Grillet ces petits billets prétendument signés de lui, le pape du nouveau roman parut tomber des nues. Mais la fable de la chambre 17 avait pris corps. Lors de l'allocution qu'il prononça à la fin du dîner, Jean-Claude Brialy se livra à des variations virtuoses sur les mystères de la chambre 17, non sans profiter du micro pour y inviter un certain Philippe, qui lui avait probablement tapé dans l'œil.

    Personne ne peut dire ce qui se passa finalement dans la chambre 17 au cours de la nuit du 17 au 18 avril 1999. Le plus probable est que le couple Robbe-Grillet y dormit d'un bon sommeil saumurois. Mais on s'en amusa, et cela fit même l'objet d'une plaquette, Le Mystère de la chambre 17, où Denis Tillinac, Jean-Jacques Brochier, Jackie Berroyer et quelques autres donnaient leur version de cette nuit énigmatique. Jean-Claude Brialy, lui aussi, livrait ses réflexions lors d'un entretien : «Que ce soit une femme ou un homme qui l'ait inventé, l'important, c'est que tout le monde a couru après ce rêve. Même hagard, même complètement nase, même ivre mort ou à l'agonie, on aurait couru à la chambre 17, pour voir, pour savoir… À partir de maintenant, c'est de la légende, on y viendra en pèlerinage, on ira y dormir la tête pleine de rêves, on la donnera aux amants comme porte-bonheur, l'hôtelier en profitera pour la louer dix fois plus cher que les autres, c'est un rêve, je vous dis, la chambre 17, une grande leçon d'amour…». Bonne nuit dans la chambre 17, monsieur Brialy.

    Marc Lambron, "Souvenir d'un canular" in Le Figaro Madame du 16 juin 2007

    Drôle d'occupation

    Dans l'ascenseur d'une tour de la Défense appartenant à une grosse société, un groupe visiblement en-déplacement-pour-formation à Paris (valises diverses):

    — Ils sont rentrés tard ?
    — Je ne sais pas, après nous; ils avaient encore une girafe à finir.

    Billet rapide qui n'a peut-être rien à faire là

    La radio de l'Institut de France.

    Un blog très parisien (je regrette d'avoir raté l'exposition sur Calamity Jane).

    Pour Didier, un annuaire de sites économiques et un site "cool tools" sur la veille (un grand classique).

    Un institut danois qui tente de prédire l'avenir, avec malheureusement peu de documents accessibles: prospective sur la famille en 2017 et l'égocentrisme (études à visée marketing, bien entendu).

    Un site (le site?) américain qui étudie l'impact d'internet, économique et social.

    Un document qui me fait toujours rire: l'art de rédiger des polices d'assurance maritimes.

    Et quatre pages sur les pandémies de grippe pour faire bonne mesure.

    Ajout du 15 juin : Les aventures d'un tee-shirt dans l'économie globalisée est disponible en français.
    Le bulletin des bibliothèques de France (je vous propose par exemple un article de Maxime Rodinson sur la translittération).

    Anniversaire

    Cela fait cinq ans que j'ai découvert RC, cinq ans le premier juin exactement, en écoutant Répliques sur France Culture.

    — Tu as changé. Tu es sans doute davantage toi-même parce que tu as trouvé quelque chose qui te ressemble et que tu es plus heureuse, mais je préférais avant.





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    Huit ans après (2015), avouons que ces paroles m'ont percé le cœur (ce n'est pas pour rien que je les ai copiées ici, pour les conserver). Qu'est-ce qu'un amour qui ne souhaite pas le bonheur de l'autre, mais la conformité de l'autre à l'idée qu'on se fait de lui?
    C'est peut-être à ce moment-là que j'ai commencé à douter de cet amour si souvent proclamé: proclamé, certes, mais qu'en était-il réellement?
    Et aujourd'hui, avec la théologie, l'ensemble des questions posées par ce billet se pose de façon encore plus aigüe.

    Manque de curiosité

    Je suis peu curieuse, je crois que je ne l'ai jamais vraiment été. Lorsque j'étais petite, je pouvais attendre très longtemps avant d'ouvrir les cadeaux de Noël; mes parents louaient cette sagesse qui permettait d'attendre que ma sœur fût levée pour prendre les photos familiales. Cela ne me coûtait pas, je savais déjà que les cadeaux étaient plus beaux non déballés, ils permettaient de rêver, ils contenaient tout tant qu'ils n'était pas ouverts.

    Je ne pose pas beaucoup de questions, ou du moins j'essaie, pas de questions personnelles ou trop personnelles, et plus je rencontre de gens, plus j'écoute d'histoires différentes, plus il me semble que le nombre de questions susceptibles d'être posées diminue, que tout finalement peut être l'occasion de gaffes.%%% Je suis très douée pour les gaffes, à ce niveau-là, c'est presque de l'instinct.


    Je me souviens de deux occasions de curiosité: vers sept ans, j'ai repéré dans l'armoire de mes parents ce qui devaient être mes cadeaux d'anniversaire, et je les ai lus. Non seulement mes parents furent très peinés, mais en plus je m'aperçus que cela gâchait totalement la fête quelques jours plus tard: il n'y avait plus de surprise, plus de cadeau, plus rien.

    La deuxième fois, je devais être au lycée et ma sœur au collège. J'ai lu son journal intime dans lequel elle écrivait qu'elle souhaitait ma mort, que je gâchais toujours tout, qu'elle espérait voler du poison en cours de chimie pour se débarrasser de moi. J'ai refermé son journal (je me souviens de la lumière tamisée, ce devait être le début de l'été) et je suis sortie doucement de sa chambre.

    Vous pouvez laisser traîner n'importe quoi devant moi, je ne le lirai pas. Je ne fouillerai ni dans vos poches, ni dans vos sacs, je n'ouvrirai aucun calepin. Ce n'est pas de la discrétion, c'est de la prudence.

    Librairie La Madeleine

    Impossible de me souvenir pourquoi je suis passée devant la librairie. Je l'évite depuis que le libraire dresse un étal sur le trottoir. J'ai donc trouvé dans les livres d'occasion
    • Jonathan Swift, Récit complet et véridique de la bataille qui se fit vendredi dernier entre les livres anciens et modernes en la bibliothèque Saint-James aux éditions Belles-Lettres : un exemplaire invendable offert à l'origine en cadeau pour l'achat de deux ou trois volumes de la collection.
    Et
    • Hector Biancotti, Jorge Luis Borges, 14 juin 1986 (une plaquette minuscule aux éditions Sables) pour Tlön
    • Isaac Metzker , « Estimable rédacteur en chef…» qui paraît si drôle (mais en fait est poignant)

    Psalmus Hungaricus

    Je mets en ligne la page consacrée au Psalmus Hungaricus dans le programme du concert des Melo'men et Rainbow Symphony Orchestra associés.

    « En 1867, le « Compromis austro-hongrois » donne enfin aux Hongrois un gouvernement royal autonome qui décrète à nouveau, en 1873, la fusion des trois villes. Elle sera cette fois définitive. Mais l'histoire hongroise, douloureuse, se poursuit. À l'issue de la Première guerre mondiale, le traité du Trianon du 4 juin 1920 scelle le démantèlement du pays. La Hongrie perd les deux tiers de son territoire et près de 3,3 millions de personnes se retrouvent alors en dehors des frontières de la « Grande Hongrie » d'avant-guerre, avec la nationalité roumaine, yougoslave ou tchécoslovaque.

    C'est dans ce contexte qu'en 1923, le « Psalmus Hungaricus » est créé, en même temps que la « Suite de danses » de Béla Bartok. Le texte est une traduction libre du Psaume 55 par le poète hongrois Mihàly Kecskemêti Vég (XVIe siècle). Il raconte l'histoire du roi David qui implore Yahvé de le délivrer de la persécution de ses ennemis comme de la trahison de ses amis. Le sujet avait déjà une résonance particulière pour les contemporains du poète, alors sous domination ottomane. Il est évident qu'il a aussi trouvé un puissant écho trois ans après la signature du traité du Trianon. L'œuvre est ressentie comme une sorte de protestation nationale, dépassant largement la simple célébration du jubilé de Budapest. Pour le compositeur, elle représente plus encore puisqu'il sort d'une épreuve difficile : il a été sanctionné pour avoir exercé des responsabilités lors d'un gouvernement communiste entre-temps déchu.

    Un ténor solo tient le rôle de David tandis que le chœur commente. L'œuvre est en forme de rondo avec un thème vocal principal, Mikoron David nogy busultaban, qui revient continuellement, accentuant l'idée de complainte. La violence de l'introduction orchestrale traduit la douleur morale de David, en contraste avec le quasi silence du chœur qui expose le thème mélodique principal : le peuple assiste, muet, au drame de son souverain, puis pleure et gémit à ses côtés. Progressivement, l'espoir en Yahvé renaît, qui s'exprime dans une puissante explosion polyphonique, avant la conclusion apaisée, message de consolation.

    Kodàly est issu d'une famille de musiciens. Ses études musicales sont couronnées, à l'âge de 24 ans, par une thèse de doctorat en ethnomusicologie, consacrée au chant traditionnel hongrois. Il ne perdra jamais cet intérêt pour la musique populaire qui l'inspirera fréquemment. Pédagogue émérite, il a inventé une méthode d'enseignement de la musique, la « méthode Kodàly ». Outre une œuvre chorale très importante, il a composé de la musique de chambre et des pièces symphoniques.


    Psaume 55 Chœur
    Le roi David, accablé de souffrances,
    haï et persécuté par ses amis,
    le cœur plein d'un amer chagrin,
    abattu, s'adressa à Dieu :

    Ténor
    Père éternel, Seigneur, écoute ma prière,
    porte sur moi ton saint regard,
    toi mon Sauveur, mon Dieu, aie pitié de moi,
    car la peine de mon cœur est trop lourde.
    Jour et nuit je pleure et me lamente,
    morne est mon âme, mes forces m'ont quitté,
    mon cœur est lourd d'amères souffrances
    et de colère envers mes ennemis perfides.
    Si j'avais les ailes de la colombe,
    je m'envolerais et fuirais ce lieu.
    Si mon Dieu clément l'avait permis,
    je me serais déjà enfui bien loin d'ici.
    Je préférerais habiter les déserts,
    errer à l'abandon dans les gouffres obscurs
    plutôt que de vivre au milieu de ceux
    qui n'ont jamais respecté le droit ni la vérité.

    Chœur
    Le roi David, accablé de souffrances, etc.

    Ténor
    Nuit et jour ils trament des projets impies,
    sèment la discorde et les calomnies,
    cherchent à m'attirer dans leurs pièges
    afin de se réjouir de mes souffrances.
    La ville n'est que haine et courroux,
    querelles et violence habitent ces murs,
    on pille l'or, c'est le triomphe de la cupidité,
    la terre ne connaît rien de tel ailleurs.
    Souvent les impies tiennent conseil
    pour mieux tromper veuves et orphelins,
    ils offensent Dieu dans leurs pensées
    et dans leurs actes,
    l'orgueil les fait blasphémer son nom.

    Chœur
    Le roi David, accablé de souffrances, etc.

    Ténor
    Il serait plus aisé de supporter ces tourments
    si j'étais persécuté par des ennemis !
    Contre des ennemis, je pourrais me défendre,
    je n'aurais pas à boire
    la coupe amère de la souffrance.
    Mais mon ami, mon compagnon le plus fidèle,
    celui en qui mon cœur avait toute confiance,
    qui suivait jadis le même chemin que moi,
    c'est lui qui s'est révélé mon pire ennemi !
    Que la mort cruelle les punisse tous,
    que le perfide succombe à la violence.
    Maudits soient leurs sarcasmes vils et impies,
    maudite leur meute vile et scélérate.

    Ténor et Chœur
    Entends mes plaintes, ô Dieu, je t'appelle,
    je t'implore jour et nuit,
    apporte-moi le salut, délivre-moi
    de mes ennemis et du mal qu'ils m'infligent.

    Ténor
    Oh, mon cœur, réjouis-toi, ne tremble point.
    Dieu est ton réconfort, ton soleil,
    il délivre toutes les âmes de la détresse,
    il est ta lumière dans la vie et dans la mort.

    Chœur
    Toi, notre juge pour l'éternité,
    jamais tu ne toléreras
    les impies couverts de sang,
    jamais tu ne béniras leurs méfaits,
    ils ne vivront pas longtemps sur cette terre.
    Tu protèges le juste,
    toi la forteresse éternelle du fidèle.
    Tu relèves celui qui fut bassement humilié,
    tu écrases les présomptueux.
    Si, sur terre, tu le mets parfois
    à l'épreuve du feu ardent,
    tu l'élèves ensuite à la gloire éternelle.
    La délivrance, l'allégresse,
    la lumière sont sa récompense.
    Tu lui accordes puissance et magnificence.
    Ce sont les paroles de David dans la Bible
    au cinquante-cinquième psaume.
    Pour le réconfort de tous, un homme pieux,
    au cœur triste, en a tiré ce chant.
    »

    Zvezdo en concert

    Samedi soir, j'ai testé le Rainbow Symphony Orchestra.
    L'auditoire était bien plus varié, en âge et en sexe, que ne me l'avait laissé entendre Zvezdo (Ah zut, j'ai oublié de lui demandé s'il y avait un rapport entre Zvezdoliki et Zvezda (qui veut dire étoile, ai-je appris grâce à Grossman)). L'orchestre est une surprise, il est en tenue multicolore, c'est très joli. Je cherche une logique, il me semble que les cuivres sont bleus, mais c'est peut-être un hasard. (C'est un hasard, me confirmera à l'entracte Zvezdo en chemise orange (modem oblige), fatigué de l'éternel tee-shirt vert pomme de son voisin tandis que nous déplorerons conjointement que la chemise ne soit pas obligatoire).

    Pour le reste, je suis trop intimidée pour parler de musique. J'ai été enchantée d'avoir l'occasion d'entendre le Psalmus Hungaricus de Kodaly avec un excellent ténor (Laurent Doyen). Le programme m'a beaucoup plu, il n'y a guère que l'Adagio de Spartacus d'Aram Khatchaturian que j'ai trouvé sans intérêt (on attend que la musique se réveille, et elle ne se réveille pas. Moi qui m'attendais à quelque chose d'un peu guerrier…)

    J'ai été présentée à Gast et son ami (les non-blogueurs vivent dans l'ombre de leurs blogueurs), et Zvezdo m'ayant demandé où l'on pouvait boire une Guinness, je lui ai étourdiment répondu, pensant que c'était un test, un clin d'œil. Nous nous sommes donc retrouvés au pied de Saint-Eustache dans un pub bruyant.
    J'ai appris beaucoup de choses, en particulier que certains protestants français s'étaient réfugiés en Lettonie pour fuir les persécutions catholiques, que les offices protestants étaient interdits dans l'enceinte de Paris par l'Edit de Nantes (j'espère ne pas me tromper, j'étais si impressionnée de tant d'érudition sur un sujet si inattendu que je n'ai pas tout enregistré). Les trois hommes ont parlé politique (je n'ai pas suivi (Gast est "Vert")), puis nous avons changé de sujets (j'ai tout oublié à l'heure qu'il est (ah si, au moins cette question: quelle taille, quelle forme, quel fournisseur pour une bibliothèque (le meuble) idéale) (et encore une histoire de fenêtres (et une autre de plombier polonais (Zvezdo est très content du sien, avis aux gens dans le besoin))).
    Nous avons également évoqué la façon dont la Russie avait choisi, parmi trois religions (la juive, la catholique, l'orthodoxe) la religion orthodoxe parce qu'elle était la plus flamboyante, et je ne sais lequel des trois a murmuré «Imaginez s'ils avaient choisi la religion juive»… J'ai eu l'impression d'un abîme, cela changeait tout, mais tandis que j'essayais de mesurer les conséquences d'une Russie juive, Gast est parti sur le sujet de l'uchronie.
    Nous avons fini sur les livres de SF, enfin surtout Gast et moi, les deux autres un peu effrayés par la quantité de lectures culturellement incorrectes que nous avons ingurgitées au cours de notre vie.

    Gast a fini en beauté en nous résumant les aventures de Philémon (via un passage par Valérian (je préfère Laureline mais je ne l'ai pas dit)).

    On a retrouvé Linda de Suza

    Le 6 juin à l'O'buki (219 rue Saint Maur), soirée voyance avec Irma et Ingrid et visite de Linda de Suza (à partir de 21 heures). J'ai interrogé la patronne, eh non, ce n'est pas une blague.
    J'ai alors suggéré qu'il faudrait inviter Jean-Luc Lahaye, mais quelques personnes bien informées m'ont appris qu'il était en prison. Ah bon.

    Bien entendu je ne connaissais personne. Donc après avoir fait quelques instants la conversation à Embruns (je me dis que vu son dernier billet (Guy Môquet), mes lectures actuelles et notre point commun spontané et inattendu, nous avons peut-être davantage à nous dire qu'il n'y paraissait… (j'ai essayé de lui faire m'expliquer Twitter, il m'a répondu d'essayer (non, merci))), je me suis cramponnée à Chondre et ses amis dont Dr Nono (une sacrée langue de vipère. Si j'ai bien compris, son chat (11 mois et très possessif et tendre) met son couple en péril) et Franck, qui possède de jolies fossettes et à qui nous devrons bientôt la photo d'une des parties manquantes de Chondre (nous possédons le reste du puzzle, c'est un jeu de patience).

    Ce fut une de ces soirées que j'aime, où l'on dit beaucoup de mal de gens que cela fait beaucoup rire (puisqu'ils sont là pour l'entendre (dans la plupart des cas)) même s'ils ont dû se demander qui j'étais et ce que je faisais là (mais ils sont très polis). J'ai même vu Garoo, beau gosse (moi qui croyais qu'il vivait en autarcie entre son frigo et ses ordinateurs) et l'un des membres des Coquecigrues.


    Meilleure répartie de la soirée, une fille en couple (de filles) à une vendeuse de roses: non, on est venu sans nos maris.

    Anniversaires

    Quatre-vingt-un ans de Marylin Monroe.

    Quinze ans de C.

    Cinq ans que j'ai entendu parler de Renaud Camus pour la première fois.

    Et Matoo fête ses 31 ans.

    Faire-part

    La femme de Paul est morte samedi, elle était enterrée cette après-midi à Saint-Sulpice.

    La place Saint-Sulpice est encombrée de baraques en bois qui présentent des jeux éducatifs. Sans méfiance je m'engage à travers elles, toutes les issues sont bloquées, sans doute pour la sécurité des enfants, je suis obligée de faire un détour, chaque pas me coûte, j'ai mal aux pieds.

    La façade de l'église est en cours de restauration ("pendant les travaux les boutiques sont ouvertes"), d'immenses palissades se dressent, enfermant des outils ou des machines, elles cachent le corbillard. J'entre, je m'avance le long d'un bas-côté, un homme dort affaissé sur une chaise.
    Il y a beaucoup de monde et je ne connais personne. J'aperçois Paul, loin, au premier rang. Il est très rouge et paraît comme ratatiné.

    La messe commence. Le prêtre célèbre «la gentillesse et la bonne humeur» de la disparue. Aux visages autour de moi, je vois qu'il dit vrai.
    Je n'ai rencontré M. qu'une fois, c'était une petite dame courbée aux cheveux très blancs. Elle souffrait beaucoup du dos. C'était sans doute aux alentours de Noël 2001, je me souviens que nous avions discuté de l'imminent passage à l'euro. Nous étions allés voir, Paul, M., H. et moi, une comédie musicale, Irma la douce, avec Clotilde Courau, très jolie, à la voix un peu faible et un peu fausse (ce qui ne manquait pas de charme), puis nous avions pris un verre. Nos conjoints présentés et rassurés, les convenances respectées, nous continuâmes, Paul et moi, nos déjeuners hebdomadaires.

    La messe se poursuit, très classique, sans beaucoup de personnalisation. Paul m'a dit à plusieurs reprises qu'il souhaiterait un Salve Regina lors de son enterrement, en souvenir de vacances scoutes dans les Alpes italiennes avant la seconde guerre mondiale. Comment pourrais-je faire respecter cela, personne ne me connaît dans sa famille.

    Ma pensée vagabonde un peu. Une jeune femme au visage dur pleure en mâchant du chewing-gum. Sa petite fille sourit dans sa poussette. Les vieilles dames qui n'ont pas les cheveux courts ont de lourds chignons compliqués. L'émotion semble contrôlée, en réalité elle oscille, elle envahit l'assemblée par vagues. Vers la fin, toutes les femmes ont les yeux rouges, moi compris.

    Lorsque nous sortons, les gens se saluent, se sourient, avec ce sourire des enterrements que j'aime, ce sourire des gens qui ont le cœur gros et sont heureux de voir un visage ami, un visage qui comprend.

    Je retourne au bureau.

    Bestiaire

    Sur l'autoroute, juste devant nos roues, une cane et sa troupe de canetons minuscules et souriants finissent de traverser les six voies en se dandinant et disparaissent dans les fourrés.


    Rue du Louvre, un homme arrête les voitures pour permettre à une souris gris foncé de traverser sans être écrasée.


    Dans Carnets de guerre de Vassili Grossman acheté hier, la photo du chameau Kouznetchik m'enchante.



    Comment trouver notre vieille [division] amie de Stalingrad1 dans la poussière et la fumée, au milieu du rugissement des moteurs avec le cliquetis des chenilles des tanks et des canons automoteurs dans le grincement des énormes convois sur roues qui vont vers l'ouest, dans le flot de ces gamins pieds nus, des femmes en foulards blancs qui se déplacent vers l'est, de ceux qui ont fui devant les combats avec les Allemands et qui maintenant rentrent à la maison ?
    Des gens bien intentionnés nous avaient conseillé, afin de nous épargner les arrêts et les questions, de chercher une division caractérisée par une particularité connue de beaucoup : dans son régiment d'artillerie est attelé à un charroi un chameau surnommé Kouznetchik [«Criquet»]2. Ce né natif du Kazakhstan a parcouru toute la route de Stalingrad à la Berezina. Les officiers des transmissions ont l'habitude de repérer dans le convoi Kouznetchik et trouvent sans avoir à poser de questions l'état-major qui se déplace jour et nuit. Nous avons ri à l'écoute de ce conseil farfelu comme à une bonne plaisanterie, et nous avons continué notre chemin.
    Et voici que nous sommes de nouveau sur la grand-route, dans la poussière et le fracas. Et la première chose que nous voyons est, attelé à une télègue, un chameau brun, la peau presque à nu, qui a perdu tout son pelage. C'est bien lui, le célèbre Kouznetchik.
    Avance à sa rencontre tout un groupe de prisonniers allemands. Le chameau tourne vers eux sa tête peu avenante à la lèvre pendante : il est apparemment fasciné par la couleur inhabituelle des vêtements, peut-être renifle-t-il une odeur étrangère. D'un ton entendu, le conducteur crie à l'escorte : « Fais venir les Allemands ici, sinon Kouznetchik va les bouffer!» Et sur-le-champ nous apprenons tout de la biographie de Kouznetchik : lors des échanges de tir, il va se cacher dans les entonnoirs laissés par les obus et les bombes, il a déjà été recousu trois fois pour ses blessures et s'est vu décerner la médaille «Pour la défense de Stalingrad». Le commandant du régiment d'artillerie Kapramanian a promis à son conducteur que s'il amenait Kouznetchik jusqu'à Berlin, il serait récompensé. «Tu auras la poitrine entièrement couverte de décorations», a dit avec le plus grand sérieux, ne souriant que du coin de l'œil, le commandant du régiment. En suivant la route indiquée par Kouznetchik, nous sommes arrivés à la division.

    Vassili Grossman, Carnets de guerre, p.302-303



    1 Il s'agit probablement de l'ancienne 308e division de fusiliers, commandée à Stalingrad par le général Gourtiev et qui deviendra la 120e division de fusiliers de la garde en septembre 1943. Cette formation en majorité sibérienne avait défendu l'usine Barrikady à Stalingrad. Pendant l'opération Bagration, elle fut intégrée à la 3e armée.

    2 Le chameau Kouznetchik devint célèbre moins d'un an plus tard quand il arriva à Berlin et qu'on lui fit traverser la ville pour cracher sur le Reichstag.

    Librairie La Madeleine

    • Romain Gary, Lady L., toujours pour C. Un roman à l'écriture un peu artificielle mais surprenant à la première lecture.
    • François Truffaut, Les films de ma vie, parce que forcément, à lire Tlön et les autres, je finis par avoir envie d'avoir l'air moins bête.
    • Vassili Grossman, Carnets de guerre - De Moscou à Berlin, 1941-1945, parce Grossman est irrésistible. Je m'aperçois qu'avec ses petites lunettes et son air rêveur, il ressemble à Patrick.
    • Antoine Compagnon, Proust entre deux siècles, parce que je me suis soudain demandé lors des derniers cours si Compagnon ne trichait pas, s'il ne nous résumait pas son livre… (un premier feuilletage semble établir que non).
    Dans les exemplaires soldés de mon libraire:
    • Jean-Paul Sartre, Huis clos, pour remplacer le mien qui part en lambeaux.
    • George Steiner, Réelles présences
    • Emmanuel Lévinas, Autrement qu'être ou au-delà de l'essence
    Pour divers cadeaux que je projette :
    • RC, Eloge du paraître (x3)
    • RC, Le département du Gers (x2)
    • RC, Vie du Chien Horla

    Bah

    On s'absente deux jours qui paraissent deux mois, il semble que tout aura changé en rentrant.
    Et puis non, rien.

    La vie mode d'emploi

    […]
    Pour Nadine, les choses de la vie sont simples : les hommes se servent de leur intelligence pour devenir — ou, dans le cas du baron Edmond, rester — riches, et les femmes se servent de leur intelligence et de leur poitrine («Sans parler de ma jolie poitrine qu'il [le peintre mondain Jean-Gabriel Domergue] est le premier à admirer en véritable esthète») pour épouser des hommes riches.

    Patrick Besson, in Le Point, 10 mai 2007

    Cruauté

    Fin de la journée. L'ascenceur s'arrête, une voix susurre "ouverture des portes", j'entre, "troisième étage, sens descente", la porte se ferme, "fermeture des portes", un homme mince, la quarantaine, plutôt agréable, neutre tendance poli presque avenant, lève les yeux au ciel et dit : «On comprend pourquoi ils ont choisi une voix de femme».
    Je le regarde, un peu surprise, je ne dis rien. Il est obligé de continuer : «Parce que ce sont des pipelettes, elles parlent tout le temps».
    Je le regarde, enregistre le cliché, ne dis rien. Sans doute ai-je l'air encore un peu surprise, ou peut-être un peu moqueuse.
    Je me tais.
    Il commence à se décomposer: «Euh, je plaisantais, je ne le pense pas, bien sûr.»
    Je le regarde, souris largement et réponds froidement: «Mais si, vous le pensez.»
    Il est très très ennuyé, essaie de balbutier quelque chose, de se justifier, de s'excuser, mais trois étages, c'est trop court.
    Je sors, ("rez-de-chaussée, ouverture des portes") et bon prince, lui confirme: «Et vous avez raison, ce sont souvent des pipelettes».

    Petite Annonce

    Rémi vend son appartement au centre de Prague.

    (Trop tard pour Zvezdo. Je me demande combien de temps il va lui falloir pour rebrancher son ordinateur. Cela avait pris une éternité à Philippe[s].)

    La série que j'attends en DVD

    Il y a quelques jours j'expliquais à C. qui s'étonnait de je ne sais plus quelle information à la radio, qu'on passait sa vie à essayer de retrouver les impressions et les sensations de l'enfance. (Je lui ai épargné Proust).

    Un peu plus tard dans la voiture, nous écoutions l'horoscope déjanté de RFM: chaque jour l'horoscope est construit sur un thème, et ce jour-là, le thème était la Hollande, nous avons donc eu droit à douze clichés sur la Hollande (un par signe astrologique): les tulipes, les canaux, etc, et l'Ajax d'Amsterdam. Durant les quelques secondes où a été évoqué l'Ajax, le bruit de fond était un étrange grincement.
    Une fois l'horoscope fini, j'ai demandé à C:
    — Tu sais ce que c'était, le bruit sur l'Ajax?
    — Non.
    — C'est une référence à une vieille pub pour Ajax crème: la pub t'expliquait que sans Ajax crème, tu rayais l'émail («Ça raye l'émail», je l'ai encore dans l'oreille), et on voyait un patin à glace en train de pirouetter en rayant l'émail: c'est ce bruit que tu entendais.

    J'en ai profité pour lui expliquer l'autre bruit célèbre de ces années-là: une assiette propre lavée avec Paic citron, Peeeeurrrrrkkkkkkk (un post fétiche sur un produit fétiche).

    C. est très bien préparé pour vivre dans les années 80, de même que j'étais parfaitement préparée à vivre dans les années 50. Comme dirait Rémi, l'important, c'est de ne pas transmettre ses névroses.

    La série que j'attends, c'est celle-ci. Elle n'existe pour l'instant qu'en zone 1.


    Un demi-siècle de cravates

    La femme de Paul est en train de mourir.
    Elle était devenue très faible depuis septembre, elle avait si mal à la gorge qu'elle ne pouvait quasiment plus manger. Elle allait chez son médecin qui la renvoyait chez elle avec une tape sur l'épaule et la phrase informulée mais qui tranparaissait sur son visage: «C'est normal à votre âge».
    Paul se désolait mais n'arrivait pas à la faire changer de médecin ? «Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances»... En mars elle est entrée à l'hôpital, les examens ont révélé une leucémie. Les médecins ont prescrit des médicaments pour faire dégonfler sa gorge et l'ont renvoyée chez elle en lui conseillant de mener une vie tranquille et agréable.%%%

    Paul était en colère, mais également fataliste: «Ils m'ont dit qu'on ne pouvait pas la soigner, que les traitements risquaient de la tuer.»1
    La semaine dernière il a annulé un rendez-vous, ce qui a dû lui arriver une fois en sept ans. Sa femme était hospitalisée d'urgence.

    J'ai déjeuné avec lui jeudi. Il m'a dit ses craintes, en particulier de la voir souffrir. Il redoute l'acharnement thérapeutique. Il ne se sent pas la force (les forces) d'une hospitalisation à domicile. Il est fatigué.
    Depuis combien de temps est-il marié? Il s'est marié pendant la guerre, ou juste après. Cela fait donc au moins soixante ans. Au cours des mois, j'ai écouté beaucoup de récriminations contre sa femme, très bavarde, régentant l'appartement, interdisant l'accès de certaines pièces devant "rester libres pour les enfants" (qui ne viennent jamais), prenant à mon avis sa revanche sur ce mari qui n'a pas dû être très présent durant toutes ces années (Il a arrêté de travailler à 70 ans, me disait-il jeudi. Certains jours il me fait rêver en me racontant ses promenades à cheval quotidiennes au Bois tôt le matin avant d'aller travailler. Non, il ne devait pas être très présent).
    Mais tous ces agacements ont disparu depuis septembre, il ne reste que l'inquiétude.

    Nous avons parlé d'autres choses, des petites choses quotidiennes. Parce que j'évoquais la difficulté de faire tenir dans les armoires pendant trois semaines ou deux mois (selon les caprices du temps) les vêtements d'hiver et les vêtements d'été, il a ri: «J'imagine! Moi, j'ai toujours mes cravates.»

    Périodiquement il essaie de mettre de l'ordre, de classer, de ranger, les papiers, les vêtements, les livres. C'est ainsi qu'il y a deux ou trois ans il m'avait parlé de ses cravates: cinquante ans de cravates, toutes de marque. Qu'en faire?
    — Hermès coûtait cher, j'ai peu de cravates Hermès, précise-t-il.
    — Mais il y en a beaucoup, au total?
    — Je ne sais pas, deux cartons. Voyons…
    Il se tait, estime: — Peut-être deux cents?

    Que faire de toutes ces cravates? Qui a une idée?


    Note
    1 : Le risque de cancer se multiplient après 70 ans (une personne sur trois meurent du cancer après cet âge) mais les personnes âgées sont cinq fois moins représentées dans les essais cliniques, on ne sait pas et on essaie peu de les soigner. Voir ici un article de vulgarisation.

    Les Alpes, essai de photo prise d'avion



    Photo de A. en allant à Venise

    Michka détrôné ?

    Ce billet est dédié à mon compagnon de débauches littéraires.

    Knut, mascotte des marchands

    En quelques semaines, cette boule de poils a fait doubler le cours de l'action du zoo de Berlin (de 2.000 à plus de 4.000 euros). Knut, l'ours blanc né au Tiergarten fin 2006 puis rejeté par sa mère, est devenu un phénomène économique. Son image inspire de nombreux produits dérivés : tee-shirts, porte-clefs, chansons, sonneries de portable. Le fabricant de peluches Steiff a acquis la licence Knut, tout comme le confiseur Haribo.

    L'Expansion, mai 2007
    Dans le même magazine, une information dans un article consacré aux cadres trentenaires accros des jeux vidéo : «[…] Il vient d'acheter Stalker, un jeu atypique dont l'action se situe dans un Tchernobyl virtuel. »


    Je crée de ce pas une rubrique Revue de presse. Je pourrais remplir ce blog uniquement avec des brèves et le commentaire du Journal officiel.

    Librairie La Madeleine

    Billet (et quelques autres) en hommage à ma chère librairie de la Madeleine, qui ferma durant l'été 2007.
    • Martin Heidegger, Approche de Höderlin: impossible de résister à un livre qui réunit deux tels noms.
    • Joseph Moreau, Spinoza et le spinozisme: un Que sais-je, je déteste les Que sais-je. Acheté dans l'espoir (utopique) de le lire et d'y comprendre quelque chose.
    • Ludovic Roubaudi, Le 18 : au dilettante, pour remplacer le banal Folio acheté il y a quelques mois (contient une dédicace de Roubaudi à mon libraire).
    • Guiseppe Montesano, Dans le corps de Naples: à cause du titre et de mon voyage à Venise.
    • Rick Bass, Là où se trouvait la mer: parce que les pages sont tachées de café et que personne ne l'achètera.
    • Michel Serres, Esthétiques sur Carpaccio: j'ai un préjugé défavorable concernant Michel Serres, j'aime beaucoup Carpaccio, je ne sais rien de lui, le livre est mince (et gondolé), il sera vite lu, ce sera toujours ça d'appris.
    • J.M.R. Lenz, Cours philosophiques pour âmes sentimentales: le titre me fait rire et me rappelle d'autre part Cours de philosophie en six heures et quart de Gombrowitz. Même éditeur.
    • Thomas de Quincey, De l'assassinat considéré comme un des beaux-arts.
    • Leo Perutz, Le cavalier suédois: je sais que tous les Perutz sont bien même si je n'en ai lu aucun.
    • Ella Maillart, La voie cruelle, parce qu'il me semble que c'est ce livre que Catherine Rannoux identifie dans Fendre l'air, des choucas tournoyant devant une muraille "l'image pousse son cri", Saint-John Perse et Robinson Crusoë…
    • Annemarie Swarzenbach, Où est la terre des promesses: ces deux femmes me font rêver et comment résister à un sous-titre comportant le nom d'Afghanistan?
    • Andreï Guelassimov, La soif: la quatrième de couverture parle de Tchétchénie, d'ivrognerie… Pour compléter le tableau d'Anna Politkovskaïa et en hommage.
    • Rosamond Halsey Carr, Le pays des mille collines: mais où ai-je entendu ce titre? Parce que j'aime passionément La ferme africaine.
    • Paul Veyne, Sénèque, une introduction.
    • Fred Vargas, Pars vite et reviens tard, pour H., qui ne sait plus où est son exemplaire.
    • Les portraits de Renoir


    Au moment de payer, le libraire me demande timidement de lui régler en espèces les livres soldés: il vend en fait des livres personnels. Il regarde un à un ceux que j'ai choisis:
    — Ah oui, ça c'était très bien... Oui, celui-là, c'est pas mal, très violent (le livre sur Naples)…
    — S'ils vous manquent, je vous les prêterai. (Je pense au militaire de Milady, obligé de vendre ses livres, puis sa jument. Ici, il ne s'agit que d'un manque de place, je crois).

    Lassitude

    J'ai compris ce week-end pourquoi j'étais aussi désorganisée, pourquoi j'étais débordée sur tous les plans (boulot/intendance/perso) : apparemment, depuis mon opération de janvier, j'ai besoin de deux heures de sommeil de plus par jour.
    C'est énorme.
    Il paraît que c'est une conséquence de l'anesthésie (très longue), que cela va passer, qu'il faut attendre, qu'il faut compter un an avant un retour total à la normale.
    Deux heures de vie en moins par jour pendant un an.
    Il est inutile d'essayer d'aller plus vite, je sens très bien que je n'y arrive pas, le corps s'oppose.
    Il ne reste qu'à faire comme de coutume quand tout commence à partir de travers: adopter une discipline stricte pour retrouver une certaine prise sur la vie, pour calmer cet horrible sentiment d'impuissance que j'éprouve devant le temps qui m'échappe.

    Participation

    J'entends et je lis ici et là que le fort taux de participation est le signe que les citoyens ont renoué avec la politique, et que la démocratie française "va mieux" (elle était donc malade).

    Je fais l'analyse absolument inverse: il me semble qu'un faible taux de participation est le signe, dans les vieilles démocraties, que tout va bien, que les institutions ronronnent et que tout le monde s'ennuie. («Deux Pigeons s'aimaient d'amour tendre. L'un d'eux s'ennuyant au logis […]» doit pouvoir être étendu à l'ensemble d'un pays).

    La forte participation de dimanche est le signe d'un malaise, pas d'une réconciliation avec la chose politique.


    ajout à 18 heures :
    Les chiffres sur les Français vivant à l'étranger sont difficiles à obtenir. C'est pourquoi je copie ici quelques données fiables: 950 000 Français vivant à l'étranger se sont inscrits sur les listes électorales.
    Selon le rapport de la Banque mondiale, les Français vivant à l'étranger ont envoyé en 2005 à leurs familles restées en France 12,742 milliards de dollars (ces fonds rapatriés sont les remittances). La France obtient ainsi la cinquième place dans la liste des pays collecteurs de fonds, après la Chine, l'Inde, le Mexique et les Philippines.
    Les travailleurs immigrés travaillant en France ont pour leur part adressé à leur famille à l'étranger 2,5 milliards d'euros auxquels s'ajoute 1,4 milliard d'euros de salaires perçus en France et dépensés à l'étranger par les travailleurs saisonniers.
    Selon la mission opérationnelle transfrontalière dirigée par Pierre Mauroy, au moins 272 000 Français vont travailler à l'étranger chaque jour tandis qu'ils sont 11.000 étrangers à venir en France. La Suisse accueille 105.661 frontaliers, l'Allemagne 56.000, le Luxembourg 57.000, la Belgique 25.000, Monaco 28.000, l'Espagne 3.000.
    (source: Le Figaro économie du 23/04/07)

    Nous n'avons pas les mêmes valeurs

    Un jeune homme pressé, pantalon noir, chemise bleue, petit, brun et bouclé, lunettes, lourde serviette à la main, me double devant chez Hédiard un portable à l'oreille:

    — Oui, il y avait un message sur le répondeur, je n'ai pas bien compris, je crois qu'ils ne veulent pas livrer la Jaguar de papa à la maison, il faut passer chez le concessionnaire…

    Le reste se perd, il est déjà loin devant moi.

    Dépouiller

    La première fois que j'ai participé à un dépouillement, c'était à Aubervilliers, en 1991 ou 1992 (pour les européennes? je ne sais plus).

    H. était un vieil habitué de la chose, ses parents, militants socialistes dans une mairie de droite, ont toujours activement participé à l'ensemble des opérations qui entourent une élection.
    Pour moi c'était nouveau.

    J'adore ça. Je crois que c'est le moment où je me sens le plus appartenir à une nation, le moment le plus solennel d'une vie en république. Et cela prend une forme si simple, si humble: compter les enveloppes, faire des tas de cent, recompter les tas de cent, les attribuer chacun à une table de trois ou quatre personnes, une pour ouvrir les enveloppes, une pour annoncer le nom à voix haute, une ou deux pour faire un bâton en face du nom annoncé… Puis compter les bâtons, recompter les enveloppes, recompter les bulletins, à chaque table; faire les additions, signer le procès-verbal... Tout se déroule dans un silence religieux, au début de la séance lecture a été faite du Code électoral, tout rire, toute exclamation sont proscrits, la lecture d'un bulletin nul comportant des commentaires peut faire invalider l'élection dans la circonscription. De loin en loin un émissaire de la mairie vient prendre des nouvelles, savoir si nous avons bientôt fini, car il faut ensuite additionner les résultats au niveau de la commune puis les communiquer au préfet.
    Les résultats du bureau tombent, chacun reste impassible, les habitués savent que cela ne représente ni le vote de la commune ni le vote du pays. Puis les chips, le rosé, le retour dans les rues désertées, les "autres" sont devant la télé, ils en savent déjà plus que vous.

    A Aubervilliers, j'ai compris que si la banlieue votait "rouge", c'était peut-être parce qu'elle était ouvrière, c'était surtout parce qu'elle était habitée par d'anciens résistants: inéluctablement, cet électorat était en train de disparaître.
    A Aubervilliers, un ami américain a assisté au dépouillement en se moquant de nous, il était atterré par tant d'archaïsme: comment, le vote n'était pas électronique? J'ai beaucoup pensé à lui en novembre 2000. Je suis résolument contre le vote électronique, pour des raisons pratiques et affectives.

    Ce soir, à huit heures moins cinq, je serai présente pour le dépouillement (pour ceux que cela intéresse, il suffit de se porter volontaire quand on va voter, il est rare qu'il y ait trop de volontaires).

    Pourquoi les pdblogs ?

    Ce fut la question de Gvgvsse, me regardant dans les yeux, attendant visiblement une "vraie réponse", quand je le rencontrai en mai 2005.

    Evidemment, la réponse qui vient est "Pourquoi pas?"
    L'autre est "Quelle question bizarre, pd n'a jamais été un critère, je ne choisis pas selon ce critère".
    La vraie réponse est «Je ne sais pas».
    L'autre réponse est «Je ne l'ai pas fait exprès» ou «c'est un hasard» (une recherche sur versatile qui m'a fait tomber sur un billet de Matoo).
    La dernière réponse possible est «c'était peut-être inévitable pour une lectrice de Renaud Camus». (Absurde: j'ai commencé par Du sens et Répertoire des délicatesses du français contemporains, qui sont très neutres de ce point de vue: je le répète, l'homosexualité n'est pas un critère de choix).

    Quoi qu'il en soit, la question de Gvgvsse a continué de me turlupiner: est-ce que c'était bizarre, de ne lire que des blogs pd? Evidemment, la raison principale du phénomène, c'est qu'ayant commencé par lire Matoo, puis ayant circulé dans ses favoris, I was trapped. Finalement, celui qui m'a permis de sortir de cet enfermement, c'est Philippe[s] (trouvé, lui, par une recherche Google avec "Renaud Camus" en mots-clé), car ses favoris sont d'une autre nature (qui détermine un monde tout aussi clos).

    Mais la question reste, ou plutôt est ré-avivée, quand un ou deux de "mes" lecteurs masculins hétéros m'avouent ne pas accrocher avec mes blogueurs favoris. «Tant pis», pensé-je avec philosophie, ou «ça ne m'étonne pas», si je suis d'humeur sardonique.
    Je me souviens de la surprise de Matoo, et aussi de quelque chose qui ressemblait à du soulagement, quand papotant pour la première fois ensemble, il s'exclama «mais t'es pas une fille à pd, alors», me laissant interloquée (mais qu'est-ce que c'est et pourquoi préfère-t-il que je ne le sois pas?). Plus tard, au cours d'une soirée, un certain Yann me peignit un tableau moqueur de la FAP: «Ça commence à l'adolescence, elles sont grosses, moches,…» C'était méchant et moqueur, et j'ai plaint ces filles dont j'ai soupçonné le besoin de chaleur humaine et d'amitiés gratuites (mais après tout je n'en sais rien, ces mondes-là me sont à peu près inconnus). Mais bon, Yann, c'est spécial (pas du tout mon genre, mais ça me ferait bigrement plaisir de le revoir parce que par une de ces alchimies inexplicables, on s'amuse bien (les mêmes dispositions naturelles à la langue de vipère, je suppose).)

    Récemment, j'ai lu une phrase de Kozlika qui m'a arrêtée: «Ah tiens, c'est bien la première fois que je me sens d'emblée si à l'aise avec un hétéro.»
    Je ne dirais pas ça mais je comprends parfaitement ce qu'elle veut dire. Ce qui m'ennuie, c'est que je suis incapable de l'expliquer.
    Pourquoi ne serait-on pas spontanément à l'aise avec un hétéro? «Méfiance, méfiance, mais qu'est-ce qu'il me veut?»
    Pourquoi serait-on spontanément à l'aise avec des homos? (ce qui n'est pas mon cas, d'une part parce que je n'ai pas de "gaydar", je suis même totalement nulle (ce genre de catégorisation ne m'a jamais intéressée), d'autre part parce qu'il y a a des homos avec lesquels je suis très mal à l'aise…)
    La distinction de Kozlika est inopérante dans mon cas. Mais cependant… Il existe un soulagement (qui doit paraître incompréhensible à beaucoup) à NE PAS être l'objet d'intérêt principal. Je me souviens de mon amusement à constater que mes hommes préférés étaient finalement les hommes amoureux (d'une autre), les hommes passionnés (d'un sujet), les prêtres (qui peuvent entrer dans la catégorie précédente), bref, ceux qui n'ont d'autre intérêt à parler avec moi que le désintéressement et leur propre passion.
    Il est possible que je sois une exception, comment savoir, puisque je ne parle pratiquement qu'avec des garçons (comme dirait Kozlika) depuis toujours, sports et maths obligent.

    Finalement, j'aurai passé mon temps à faire oublier que j'étais une fille jusqu'au moment où je me serai rendu compte que ce n'était pas réellement possible, et qu'une paire de talons et un peu de maquillage et un sourire pouvaient obtenir beaucoup de choses1, ce qui est, avouons-le, profondément décevant.

    Enfin, j'ajoute que la phrase de Kozlika m'a rappelée les phrases de Nuruddin Farah: «Les femmes sont comme les fourmis, elles ont développé une sensibilité au danger, elles ont développé des antennes comme les fourmis pour interpréter un sourire, un cadeau… (un cadeau n'est jamais gratuit)». Nuruddin Farah m'a profondément étonnée, j'ai eu l'impression qu'il avait compris quelque chose : «il va falloir payer» est une arrière-pensée inconsciente, les femmes (ou juste moi?) ne croient pas beaucoup à la gratuité… Je me souviens de Marilyn Monroe, qui sortait draguer dans les bars pour s'assurer de sa séduction (oh ce doute des femmes), et qui disait toujours oui en posant pour seule condition «d'être gentil». Cette condition est si triste.

    Parfois je me dis que je suis complétement folle, très très parano (j'ai au moins un ennemi pour le penser) et que c'est totalement ridicule. D'autre fois je me dis qu'un homme blanc hétéro dans la société occidentale, c'est-à-dire dans une société entièrement taillée à sa mesure depuis des siècles, ne peut pas voir la société dans laquelle il vit, comme un poisson ne peut avoir conscience de l'eau, et je le plains un peu.



    Note
    1 : reconnaissons la grande complicité avec certains (généralement la catégorie "amoureux d'une autre") qui vous voient faire, le savent, et s'offrent le plaisir de céder malgré tout (je parle de sujets professionnels) tandis que je sais qu'ils savent et qu'ils savent que je sais… Cette complicité-là est merveilleuse. (En plus simple, il y a tous les gestes de la galanterie ancestrale qu'une bonne féministe devrait refuser mais que je trouve si agréable en compagnie d'un homme intelligent.)

    Les infos du matin

    Je me souviens parfaitement du moment où j'ai arrêté de m'intéresser à «l'actualité ». En septembre 1985, suite au tremblement de terre de Mexico, nous avons eu droit en direct pendant plusieurs jours à l'agonie d'une petite fille happée par la boue. Dans Paris, l'image de la fillette s'affichait sur les colonnes Morris et à la devanture des kiosques, il était impossible d'y échapper. Le traitement journalistique de cette tragédie, le goût du sensationnalisme, m'ont dégoûtée de «l'info». J'y songeais ce matin en écoutant, exceptionnellement et parce que je n'étais pas seule, France Inter, qui diffusait quelques secondes de la cassette envoyée par Cho Seung Hui1 à NBC. NBC devait-elle diffuser cette cassette, cela apporte-t-il quelque chose ? Non, mais cela permet de faire de l'audience.

    J'ai appris également la réouverture (ou la poursuite) de l'enquête sur la mort de Robert Boulin. A-t-il été tué et si oui, pourquoi, Robert Boulin avait-il menacé de rendre public des dossiers compromettants?
    Aussitôt j'ai pensé à Pierre Bérégovoy. Je ne pardonnerai jamais sa mort à François Mitterrand. Je ne peux voter pour une personne venue de l'entourage de Mitterrand. Viscéralement impossible. Seuls ses « ennemis » socialistes trouveraient éventuellement grâce à mes yeux.



    Note
    1 : Cho Seung-hui, est le tueur responsable de la fusillade de l'Université Virginia Tech du 16 avril 2007, dans laquelle 32 personnes sont mortes. Il s'est suicidé.

    Insidieuse propagande

    Oz est à la foi ce que Jack Bauer est à la torture.

    Le mystère des valises qui ne ferment plus

    Je ne sais si c'est le rhume rapporté de vacances (dû à l'air marin, au parfum des glycines, à la pressurisation de l'avion?), l'âge (puisqu'on dort moins en veillissant, c'est bien connu) ou la preuve que j'ai assez (trop?) dormi pendant les vacances, mais je suis réveillée depuis une heure et je n'arrive pas à dormir.

    Un post un peu exhibitionniste pour se remettre en jambes. Il s'agissait à l'origine de comprendre pourquoi les valises ne fermaient plus au retour ("Je ne comprends pas, on n'a pourtant rien acheté").

    Sont donc revenus dans nos bagages sans être partis avec nous quatre chemises, une chemisette, un chemisier, une robe, une cravate, une paire de chaussures pour homme (mais une autre a été jetée sur place: compensation), une paire de chaussures pour femme (pour aller avec la robe), Les élégies de Duino aux éditions Rivages, bilingue, commentées par Hannah Arendt, irrésistible (acheté au départ à Roissy, prise de la crainte soudaine de manquer de lecture avec "seulement" Le Journal de Travers (!)), Souvenirs du monde, Ricordi di un tempo perduto d'Elisabeth de Gramont (le titre en français repéré à la devanture d'une librairie d'occasion m'a fait espérer un livre en français, le livre est en italien mais le libraire était si aimable dans un français si parfait à l'accent si charmant que je n'ai pas eu le cœur de ne pas acheter le volume, je l'ai pris en me disant que je pourrais toujours l'offrir… Mais finalement les photos à elles seules valent la peine «a destra: Corise de Noailles, nata de Gramont, sorellestra di Elisabeth de Gramont. È considerata la prima sport-woman in Francia»), des spaghettis n°13 ("Aaaaah, on n'en trouve pas en France, ils s'arrêtent à 11!"), un maillot de foot du Brésil n°9 Ronaldo (je sais, je sais), deux petites briques de crème italienne "panne" (on en trouve difficilement en France chez certains traiteurs italiens), une bouteille de shampooing (même marque qu'en France, mais tandis qu'en France il est indiqué "au lait", en Italie il est précisé "au lait végétal" (?)), des ciseaux à ongles, des kleenex, de l'aspirine, de l'efferalgan, du spray pour la gorge, de la vitamine C (la pharmacienne ne parlait qu'italien (nous avons trouvé les Vénitiens adorables, jamais je ne serais aussi patiente qu'eux avec les hordes de touristes (à leur place, je créerais des endroits réservés aux citoyens (d'ailleurs ce n'est peut-être pas pour rien que c'est la Guidecca qui se repeuple))), un crayon souple de 60 centimètres de long, rouge, une gomme souple en forme de long boudin (25 cm) vert fluorescent, un crayon se terminant par un gens d'arme en métal, un canon taille-crayon, un tee-shirt noir brodé du lion de Venise taille M, c'est-à-dire n'allant à personne, une reproduction des Noces de Cana du Tintoret et le lot de dix cartes postales des Titien de la sacristie de Santa Maria della Salute, un miroir convexe comme celui des Époux Arnolfini (boutique Canestrelli à deux pas du rio de La Toletta, Dorsoduro 1173), une bouteille poussiéreuse d'encre Montblanc couleur bordeaux (pas vraiment en vente, je pense, elle décorait la vitrine d'un tabac sans doute depuis longtemps. Me voilà tranquille pour trois ans (le temps d'une bouteille) (cette couleur n'est plus vendue en France)), un arc en plastique rouge et trois flèches qui ont servi à attaquer l'Arsenal (si, si), une dague en plastique, des fils à scoubidou et Venise: une invention de la ville (XIIIe-XVe) (après une discussion sur les égoûts et les contraintes urbanistiques propres à Venise).

    Splash !

    L'une des spécialités culinaires vénitiennes est le foie de veau à la vénitienne, coupé en fines tranches avec des oignons. C'est délicieux. Une autre consiste en diverses variations à base d'encre de seiche. C'est dangereux.

    C'est ainsi qu'en faisant tomber un morceau de seiche de l'antipasti dans la sauce, H. a zébré sa chemisette blanche de pointillés noirs très Mirò. (Direction les toilettes, déhabillage pour enfiler l'une des chemises qu'on venait d'acheter, chemisette passée à l'eau courante, heureuse disparition des taches).
    Il avait commandé ensuite des spaghettis à l'encre de seiche et je songeais en contemplant la masse noirâtre que cela aurait constitué un merveilleux bizutage pour les lauréats de la veille... Mon dieu, surtout ne jamais avoir un tel plat à manger en société.

    Quant à moi, je savourai ma seiche et sa polenta. A la fin du repas, le patron en grand habitué vint me faire des grimaces pour me faire rire: l'encre de seiche colore atrocement les dents et les lèvres et donne un sourire insoutenable.


    Oniga
    camposanbarnaba.dorsoduro 2852

    Laurea

    Jeudi nous sommes réveillés par un défilé continu de gens sous nos fenêtres. (Les rues étroites sont très sonores, un pas dans la rue paraît un pas dans le couloir ou l'escalier.) Ces personnes sont italiennes, endimanchées, de tous âges, elles portent des bouquets ou des présents, mais que se passe-t-il et où vont-elles?

    Le défilé ne tarit pas. Petit déjeuner, fatigue générale, nous souffrons tous, qui de douleurs musculaires, qui de douleurs articulaires, ou de légère insolation, ou de rhume, j'abandonne ceux qui souhaitent se reposer et je sors avec C.
    Bien entendu, nous décidons de suivre le flot, aussi discrets qu'Astérix et Obélix camouflés suivant une légion romaine. Il fait très beau, il est dix heures, il souffle la perpétuelle brise vénitienne (je n'avais jamais pris conscience avant ce séjour plus long de l'aspect portuaire, maritime, pêcheur, de Venise. Venise sur l'eau, c'était un exotisme, une curiosité, un miracle architectural, Venise empire maritime, c'était de l'histoire et de la géographie et du commerce, mais la vie quotidienne et actuelle de Venise, une vie ressemblant à celle de n'importe quel port, je ne l'avais jamais ressentie avant ce séjour). La file s'étire le long du Dorsoduro jusque devant l'Académie d'architecture, là, sur le pont menant à Saint-Nicolas-des-Mendiants, un jeune homme et une jeune fille préhistoriques couverts de peaux de bêtes se font tartiner de mousse à raser ou de nutella et sont soumis à quelques épreuves. Deux personnes tiennent de grandes couronnes de lauriers.
    «Du bizutage!» soufflé-je à C. Mais cela n'a pas grand sens: un bizutage en fin d'année? La remise des diplômes? L'ouverture des inscriptions pour l'année prochaine? Et pourquoi les parents sont-ils là? Une affiche sur l'église utilise le terme "Laurea" : fête des lauriers ou fête des lauréats?

    Nous en profitons pour visiter Santa-Nicolo (premier baroque, agréable par sa dimension intime qui change de la volonté de spectaculaire des églises visitées jusqu'ici) et rentrons tranquillement. Sur notre chemin, plusieurs cafés annoncent qu'ils participent à ce qui me paraît l'équivalent d'un "pot de thèse": un pot de thèse généralisé dans tout un quartier? C'est décidément mystérieux.

    Nous rentrons. H. est finalement sorti lui aussi, et lui aussi a suivi le flot. Il a discuté (en anglais) avec un professeur: la tradition a trois cents ans, il s'agit de la remise des diplômes de fin d'année, les lauréats sont ainsi fêtés et gentiment chahutés tandis que discours et conférences sont prononcés à l'intérieur de l'université.

    Après le déjeuner H. et moi sortons prendre un café sur la place au bout de la rue, le long du canal. Sont attablés un lauréat, ses amis et sa famille.
    Le lauréat a une chevelure brune, lourde et bouclée de chérubin, il porte la couronne de lauriers sur les épaules, son sourire est éclatant. Il est nu, à l'exception d'un boxer blanc rendu transparent par endroits par la sueur, de hautes chaussettes crème et de fines chaussures italiennes.

    Carpaccio

    Dans l'obscurité de la petite salle de la confrérie dalmate (Scuola di San Giorgio degli Schiavoni, confrérie de Saint-Georges-des-esclavons, l'usage veut-il qu'on traduise ou pas ?) je reste suffoquée par la violence de Saint Georges et le dragon (1502) : membres épars, déchiquetés, à moitié dévorés, sorte de buste momifié…
    Je suis gênée par mon manque de références : une telle scène, de telles précisions, paraissaient-elles normales, naturelles, à l'époque, où peut-on imaginer que les guerres fournissaient le spectacle quotidien d'éclopés rongés par la gangrène, ou Carpaccio cherchait-il à choquer, ou — j'avoue que cela m'a effleurée: exagérait-il l'horreur de sa peinture, approchant la caricature par la précision trop grande de ses détails?
    Lorsque je regarde les toiles de Carpaccio, j'ai l'impression fugace qu'il rit, qu'il se moque de lui-même ou du spectateur ou des sujets qu'il peints, très peu, mais un peu tout de même: pourquoi cette envie de rire à regarder l'envolée des robes des moines fuyant comme des moineaux à l'approche du lion, le moine derrière Saint Jérôme paraissant presque horizontal dans sa précipitation ?

    Le lendemain, même incrédulité à contempler longuement le supplice des dix mille martyrs du mont Ararat («c'est gore» me murmure O., huit ans, qui frémit d'effroi) ou le martyre de Sainte-Ursule: cette précision dans l'horreur, crâne fendu entre les deux yeux, femme rattrapée par les cheveux pour être égorgée, cet élan dans le meurtre, étaient-ce des détails qui devaient naturellement servir à l'édification des âmes (mais cela peut-il réellement porter au désir de connaître le même sort?), ou Carpaccio n'avait-il pas une intention doucement ironique, celle d'avouer secrètement qu'il ne croyait pas — et qu'il déconseillait de croire ?

    J'aime les cheminées de Carpaccio, le rouge de Carpaccio, l'humour de Carpaccio — même si je ne peux décider si cet humour plus ou moins grinçant "existe", s'il était bien dans les intentions du peintre, ou s'il n'est dû qu'à mon imagination, à mon humeur et aux quelques siècles qui nous séparent: comment savoir?

    Les tombeaux

    De l'extérieur, Ss. Giovanni e Paulo est énorme, massive, à côté de la jolie façade blanche de l'hôpital (on se casserait bien la jambe, juste pour voir).
    A l'intérieur, ce qui frappe, c'est l'ampleur de la nef, rendue plus vaste encore par l'écartement et la rareté des piliers, ce qui fait que l'espace des travées fait corps avec elle. Un hall de gare, pensais-je irrévérencieusement, mais un hall lumineux, doré et rose de ses briques et de son dallage.

    La lumière fait toute la différence. Cette église parvient à la fois à être pataude par ses dimensions mal proportionnées et envoûtante par la franchise et la douceur de la lumière qui semble provenir autant des vitraux que des murs rosés.
    Je joue à me représenter la cathédrale de Metz dans cette lumière. Comme elle serait belle et perdrait de son austérité. Je pense aux moines de Saint-Michel dont les dortoirs se situaient face au Nord, pour signifier la souffrance de l'existence terrestre, et les tombeaux face à l'Est, dans l'attente de la Résurrection: ici, même face au Nord, la vie serait encore lumière.
    Je songe à nos cathédrales gothiques et nos églises romanes, à la pierre grise et froide, à la fraîcheur entre leurs murs et à l'obscurité, à l'austérité qui semble si naturellement accompagner la méditation qu'elle paraît en être la condition; et je les imagine ici, qu'est-ce que prier dans la lumière, l'âme ne se tourne-t-elle plus naturellement vers la joie et la louange?
    Dans quel mesure un esprit, une culture, un art, dépend-il du climat? (Vieille question qui me taraude: je crois qu'on n'oublie pas un ciel, la hauteur et la couleur d'un ciel.)

    L'église comprend les tombeaux de vingt-cinq doges. Ces tombeaux de pierre sont collés aux murs à trois ou quatre mètres de hauteur (mais comment tiennent-ils, ce doit être très lourd, ont-ils été ajoutés ou font-ils partie du gros œuvre?), seuls deux ou trois dans le chœur sont mieux observables. Je lis les noms, les dates, les hauts-faits. Tout cela ne représente rien pour moi. Comme à Saint-Denis, je regarde longuement ces tombeaux: comme ils sont petits, finalement. A quoi bon s'être fait dresser de tels tombeaux? Nous ne connaissons déjà pas les personnes les plus proches de nous, nous savons si peu de leurs aspirations, de leurs désirs, de leurs craintes, leur être nous échappe, que savons-nous de ces doges? Un nom, rien de leurs rêves, de leurs caractères, de leurs défauts… Et pourtant, un nom, nos pensées portées par ce nom, imaginant ce que nous pouvons de leur vie, portant toujours en filigrane cette question informulée: où sont-ils à présent, que sont-ils devenus?

    Je songe à Rannoch Moor, une phrase de Bonnefoy, Nulle civilisation …tatata… les tombeaux, à propos d'Et in Arcadia ego? Je ne sais plus. Nulle philosophie ne peut être prise au sérieux si elle ne réfléchit sur les tombeaux, affirme Bonnefoy. La phrase m'échappe, il n'en reste que la musique et la solemnité.1





    Note
    1 : Rentrée chez moi, je consulte Rannoch Moor. Page 404, note de bas de page: «Bien des philosophies ont voulu rendre compte de la mort, mais je ne sache qu'aucune ait considéré les tombeaux. […] Un objet de pensée qui n'est plus l'objet réel, apaisant d'un douteux savoir l'inquiétude originelle, frappe de vanité cette mélodie la plus sombre des mots qui masquent la mort.» Yves Bonnefoy, Les Tombeaux de Ravenne (1953), repris en folio dans L'improbable et autres essais.

    The little differences

    La référence est connue, c'est l'un des dialogues d'ouverture de Pulp Fiction:
    Vincent: You know what the funniest thing about Europe is?
    Jules: What?
    Vincent: It's the little differences. I mean they got the same shit over there that they got here, but it's just - it's just there it's a little different.
    Jules: Examples?
    Vincent: Alright, well you can walk into a movie theater in Amsterdam and buy a beer. And I don't mean just like in no paper cup, I'm talking about a glass of beer. And in Paris, you can buy a beer at McDonald's. And you know what they call a, uh, a Quarter Pounder with Cheese in Paris?
    Jules: They don't call it a Quarter Pounder with Cheese?
    Vincent: Nah, man, they got the metric system, they wouldn't know what the fuck a Quarter Pounder is.
    Jules: What do they call it?
    Vincent: They call it a "Royal with Cheese."
    Donc :
    - Le liquide vaisselle est bleu ou vert, pas jaune.

    - Les oranges sont sanguines.

    - Les boîtes à œufs contiennent quatre œufs (c'est cute).

    - Nous n'avons trouvé ni pack de yaourts (vendu à l'unité en pot familial) ni bougie d'anniversaire (pas assez de vocabulaire pour poser la question).

    - Chez le coiffeur, le shampooing se fait la tête en avant (comme chez certains Turcs).

    - J'ai mis trois jours à obtenir le caffelatte que je convoitais après l'avoir vu servi à une cliente un matin (à la décharge des Italiens, je vous rappelle que je ne suis presque pas sortie de ma cambrousse et facilement intimidée). J'ai essayé le capuccino, le caffe dupio en imaginant obtenir un café allongé (un café double (en réalité il s'agit d'un café moitié: la moitié d'eau pour la même quantité de café (c'est logique, quand on y pense))), le caffe con latte (le lait servi à côté du café dans un petit pot) et un dernier dont je ne me souviens plus (ça commençait par "ma"). C'est simple, j'ai essayé systématiquement tout ce qu'il y avait sur la carte.

    - Les cuvettes de WC dans les restaurants et les cafés (la règle reste à vérifier chez les particuliers) sont naines, plus haut que des WC à la turque mais plus bas que des WC en France.

    - Les poubelles sont bêtement des sacs en plastique (de ceux interdits en France) qu'on dépose devant sa porte, ce qui donne matin et soir aux rues et places de Venise un aspect dépotoir un peu désagréable mais surtout inattendu: le dépôt d'ordures n'est pas prévu sur les cartes postales. (J'ai réfléchi au problème. Je pense qu'en France on mettrait en place des containers avec obligation de s'en servir. On perdrait la vision éphémère des sacs poubelle pour la vision permanente des containers. Que vaut-il mieux?)

    Buona Pasqua a tutti

    Samedi soir, j'ai assisté à la veillée pascale à l'église des Carmes. Un cardinal officiait. Je suis arrivée un peu tard, trop tard pour le feu et la distribution des cierges, fins, très fins, beaucoup plus fins qu'en France.

    J'aime assister à la messe en langue étrangère. Le rite prend toute sa puissance, les rythmes permettent de reconnaître le sens, l'extérieur apporte la forme, le fond est intérieur.
    Je ne connais pas bien les rites de la veillée pascale, ce n'était pas une tradition familiale, on allait plutôt à la messe le dimanche matin. Je n'ai assisté qu'à deux veillées dans ma vie, et il m'a semblé que celle-ci, la troisième, se passait de façon légèrement différente, le nombre de lectures m'a surprise.
    L'assemblée se lève, le texte est lu, je me concentre le temps de reconnaître le texte grâce à quelques mots, puis je m'endors, épuisée. L'assemblée s'assoit, un prêtre commente le texte, je ne comprends pas, je dors profondément, l'assemblée se lève et chante, bien sûr je ne comprends pas le numéro des chants, je repère de loin la forme imprimée des strophes chez mes voisins et trouve la page adéquate, le chant est presque fini, c'est joli, plus joli qu'en France, plus doux et plus mélodieux (je déteste en France ces chants dont il faut bien reconnaître que La Vie est un long fleuve tranquille donne une image assez exacte), je chante, le texte suivant commence, je me rendors.
    Combien de fois? Dix fois, quinze fois? Je ne sais pas, je ne pensais pas que ce serait aussi long, je ne savais pas que j'étais si fatiguée, une fois mon genou fléchit tandis que je suis debout, mon sommeil était devenu trop profond.

    Qu'est-ce que je fais là? Ce matin j'étais à Paris, à midi dans l'avion, à six heures sur les Zattere à manger une glace… Qu'est-ce que je fais là? Je pense à Matoo, à Guillaume, à Veuve Tarquine, à leur fureur anti-Dieu, à la tristesse que cela provoque en moi parce qu'il n'y a rien à dire, d'une certaine façon ils ont raison mais moi aussi, mais il y a déjà un moment que j'ai décidé de ne plus réfléchir, de ne plus rationaliser tout cela.
    S'il n'y a rien nous ne le saurons pas (et c'est une bonne farce, réellement l'idée me fait rire); mais s'il y a quelque chose (ou "quelqu'un") cela ne fera pas grande différence d'avoir été croyant ou pas. L'important sera la vie menée. Et les critères de jugement ne seront pas humains, ce qui est profondément rassurant (et me fait regarder avec condescendance ces croyants si sûrs de savoir où est le Bien et le Mal: relisez les Evangiles, vous verrez, c'est surprenant, personne n'est jamais jugé comme il l'attend).

    Enfin bon. Je pense à Jules, à sa veillée de Noël à Saint-Marc (mais que faisait-il là?), finalement ce ne serait pas si difficile à organiser.

    Le cardinal nous libèrera d'un joyeux "Buona Pasqua a tutti", les gens se rassemblent, s'embrassent, sont heureux, c'est un village, une fête de famille.
    Je m'éclipse.

    Outils

    Je m'absente donc une semaine. Je n'ai pas eu le temps d'installer (de faire installer) un anti-spam sur ce blog donc pas de panique s'il est brutalement envahi par n'importe quoi, je ferai le ménage en rentrant. (C'est une évidence, mais comme je déteste voir le blog des autres soudain envahi de mauvaises herbes, j'ai à cœur de vous prévenir).

    Je ne sais pas si je pourrai écrire. Il y aura des e-cafés, bien sûr, mais la difficulté n'est pas technique : en vacances comme en week-end, le temps ne m'appartient pas, ce sont les moments où je suis le moins libre. C'est le temps de la contrainte. Il ne faut pas trop que j'y pense.
    On va dire que le besoin de vacances me rend pessimiste.
    Enfin, on verra bien.


    PS : J'ai hésité sur le livre à emporter : les cinq tomes restant du Vicomte de Vaullabelle ou Journal de Travers? Finalement j'emporte le tome I de celui-ci, uniquement pour ne pas être trop à la traîne de vos lectures conjointes… Cela m'ennuie parce que je sais que chaque page va faire naître des correspondances que j'aurai envie de vérifier et que je n'aurai ni ma bibliothèque ni Vaisseaux brûlés sous la main.

    À ce propos, pour ceux que cela amuse, je signale qu'il est toujours intéressant de faire une recherche sur un ou des mots dans Vaisseaux brûlés. (Utilisez le point d'interrogation en marge de droite).

    Yannick

    Il y a quelques années, entre 1996 et 2003, j'ai fait de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage en informatique, dite MOA. L'entreprise était petite, trente personnes, j'avais les informaticiens en interlocuteurs directs et cela se passait plutôt bien, compte tenu de mon caractère angoissé et soupe-au-lait. Un jour cependant, impossible de me souvenir pourquoi (démission d'une informaticienne ou montée en charge de l'activité? je ne sais plus), le responsable informatique recruta un prestataire de services qui devait me servir d'interlocuteur unique, lui se chargeant des relations avec les informaticiens. Cela avait l'inconvénient de me couper de cette équipe avec laquelle je m'entendais bien, mais l'avantage de confier le poste à une personne possédant les compétences informatiques que je n'avais pas.

    Ce garçon était très grand et portait les cheveux très courts, il avait mon âge et deux petites filles. Il s'appellait Yannick. Je le formais à ses futures fonctions et m'aperçus qu'il avait une étrange haleine: il sentait le vin rouge dès neuf heures du matin. Peu après il m'expliqua qu'il avait une rare maladie génétique du foie, et je mis son haleine sur le compte de la maladie.
    Il apparut assez vite qu'il était incompétent. C'était un excellent archiviste qui constituait de superbes dossiers sur lesquels il veillait avec un soin maniaque, à tel point que je ne les consultais qu'en cachette après son départ du bureau. Il rendait toutes les tâches plus longues à accomplir car il fallait attendre qu'il n'ait pas fait son travail pour le faire à sa place et pouvoir ensuite faire le mien.
    Un jour en rentrant d'une réunion avec des fournisseurs à laquelle il avait assisté avec Yannick, mon chef me regarda avec embarras et me demanda, entre question et affirmation: — Yannick boit? — Oui. Je n'osais pas te le dire, mais oui.

    Malgré cela, et bien qu'on ait prévenu le responsable informatique, il fut embauché en contrat indéterminé.
    Ma vie devint doucement un enfer, il fallait faire son travail, le mien, et réparer ses bourdes. Je me rappellerai longtemps du matin où il a oublié les manipulations indispensables entre deux programmes de correction de bugs, programmes que nous avions longuement testés ("recettés") en environnement de développement avant de les basculer en production, et où il me dit pour toute excuse: «Ça arrive à tout le monde de trop arroser un dîner entre amis». (Les programmes générèrent d'autres bugs qui s'ajoutèrent aux précédents, m'obligeant à un ou deux mois de tâches fastidieuses et délicates que je ne pouvais lui confier tant j'avais peur qu'il ne les baclât elles aussi en attendant que les informaticiens écrivissent un autre programme de correction et de rattrapage).
    C'est sans doute suite à cette histoire que je lui expliquai ma pensée dans la minuscule cuisine de l'étage, en particulier que je souhaitais qu'il se mît au travail et qu'il arrêtât de boire (je crois qu'exaspérée je me préparais un thé en essayant de l'éviter, redoutant ma propre colère, et que cet inconscient voulut me parler pour justifier l'injustifiable). Je dus parler un peu fort car on me regarda bizarrement quand je sortis de cette cuisine, une collègue moralisatrice me dit qu'«elle n'aimait pas quand je parlais comme ça» (et j'eus l'amère satisfaction de constater que la seule fois où elle travailla avec Yannick, elle alla pleurer auprès de son supérieur dès l'apparition du premier problème).

    Peu à peu je ne parlai plus que de Yannick, au bureau, à la maison, il devenait mon obsession, je ne savais plus que faire; je fis une mise au point avec ses collègues de bureau, un bureau d'hommes qui la jouait très «nous les hommes», en leur disant que c'était bien beau de parler cul et foot mais que la véritable solidarité «entre hommes» consistait en l'occurrence à surveiller Yannick; il disparaissait des après-midis au café, la hiérarchie était au courant mais trop lâche ou trop généreuse ou trop indifférente pour agir, sachant que cela aurait consisté à le licencier et donc qu'à aggraver son problème.

    Puis notre société fut rachetée par un grand groupe, Yannick partit dans une filiale et moi dans une autre. Son alcoolisme était désormais connu, un collègue qui choisit la même filiale que lui se chargea de le surveiller et de l'aider, la rumeur voulait que sa femme, de guerre lasse, l'ait quitté.

    Il y a une semaine j'ai été invitée au pot de départ d'un ancien collègue dans mon ancien service (j'ai été accueillie par un chaleureux «Tiens, ça faisait longtemps qu'on ne t'avait pas vue un verre à la main!».)
    J'ai appris que Yannick était mort.

    Réflexions en passant sur les vacances

    Je pars en vacances samedi. L'avion part à midi, je crois.

    Je ne sais pas comment je vais réussir à ranger mon bureau et finir mes travaux en cours, ranger la maison, faire le ménage (pour être tranquille en rentrant), repasser pour pouvoir préparer les valises. D'après mes calculs, il faudrait que je ne dorme pas les deux prochaines nuits, ce qui voudrait dire que je passerais les trois premiers jours de vacances à récupérer. Pas très rentable sur sept jours de vacances.

    Pour profiter de ses vacances, il ne faut pas partir fatigué. Sinon il vaut mieux rester chez soi.

    Bon, je vais aller repasser en regardant Oz. (Je préfère poster les billets très tôt que très tard, j'ai l'impression de prendre de l'avance. J'ai triché sur l'heure du précédent billet pour qu'il soit publié en date du quatre. En réalité je viens juste de le terminer). Et oui, j'ai déjà dormi, couché à neuf et demi ce soir, et si tout va bien je me recouche à quatre. Je vais être fraîche pour boire du Sauvignon à midi. (Cela n'est pas le moindre défaut du manque de sommeil: une furieuse envie de boire pour oublier tout ce qui ne m'intéresse pas, l'impossibilité de boire sous peine de dormir comme une bûche).

    Et ne me dites pas que ce n'est pas raisonnable: je le sais, je crois même que cela m'amuse, sinon je ne l'écrirais pas ici, n'est-ce pas. (Mais pas si sûr, il y a aussi le côté défouloir du blog).

    Qu'en pensez-vous ?

    Déclaration de Laurent Ruquier en couverture de Choc hebdo :

    « On croise un con par jour. »

    Layette

    A Inezg*ne vivait Madame Lolmed. C'était une pied-noir d'une soixantaine d'années. C'était chez elle qu'on allait quand on voulait téléphoner en France. À l'autre bout, en France, ma grand-mère n'avait pas non plus le téléphone et allait aussi chez une voisine. Il fallait se donner rendez-vous par courrier, une ou deux semaines avant: à telle heure, tel jour, se tenir près du téléphone.
    Pour moi, téléphoner est resté toute une affaire.

    Depuis le tremblement de terre d'Agadir dix ans plus tôt, le mari de Mme Lolmed ne dormait plus chez lui. Il couchait sous la tente, dans le jardin.

    Mme Lolmed tricotait perpétuellement de la layette. Quand on lui demandait pour qui c'était, elle répondait: «Il naîtra toujours des bébés.»

    Angelina Jolie

    J'aime Angelina Jolie. Evidemment, c'est beaucoup plus banal qu'aimer les mitochondries, mais tant pis, j'assume.

    La première fois que je l'ai vue, cela devait être dans Une vie volée, avec cette folle de Winona Ryder. L'histoire se déroule dans un asile psychiatrique pour adolescentes déboussolées (anorexie, tentative de suicide, violence, etc). Le film était nul, je crois, mais j'avais découvert Angelina Jolie. Elle était folle à lier, débordante de vitalité, drôle, violente et incontrôlable. J'ai cherché son nom et l'ai retenu.

    Plus tard j'ai dû la voir dans Sept jours et une vie. J'adore ce film, l'histoire est très simple : Angelina est une jeune journaliste ambitieuse, un clodo lui prédit qu'elle va mourir dans sept jours. Faut-il y croire, que va-t-elle faire de ces sept jours?
    Les quelques minutes où une troupe de CRS faisant barrage à des manifestants bat la mesure sur Satisfaction chanté a capella par une Angelina Jolie joliment beurrée se classent très haut dans mes moments préférés de cinéma.

    J'ai également traîné des amis à Lara Croft II. Ce sont encore des amis, mais désormais ce sont eux qui choisissent les films : c'était naze grave.

    Imaginez mon plaisir à découvrir un long article à elle consacré par le supplément de L'Express du 8 mars :
    Elle sort tout juste du tournage de Lara Croft, Tomb Raider et elle vient de découvrir le Cambodge. Elle a alors cette idée saugrenue de fuguer du décor. De s'aventurer dans les villages. L'expérience prend des allures de révélation : pays dévasté, champs truffés de mines antipersonnel, pauvreté, orphelinats… C'est Siddhârtha quittant pour la première fois son palais et qui se voit frappé en plein coeur par la misère du monde. «J'ai mesuré à quel point j'étais ignorante : je ne savais rien de ce qui se passait en dehors des Etats-Unis.» Le jeune prince devient Bouddha, la jeune Américaine frappe à la porte du HCR, c'est pareil: «J'ai cherché à m'améliorer, en devenant moins égoïste, moins futile.» Dans la foulée, elle adopte un enfant orphelin, un petit garçon cambodgien qu'elle appelle Maddox. Entre la jeune femme et le bébé se noue une histoire d'amour. Elle achète une maison et des terres au pays, finance des villages et des réserves, se met à l'étude de la culture khmère et du bouddhisme, dénonce l'industrie de l'armement, les mines antipersonnel… Elle fait Siddhârtha et Lara Croft à la fois.
    Enragée volontaire, elle n'y gagne pas que des amis. Avant de se coller un pavé diplomatique sur la langue, elle ne se gêne pas pour dire tout le mal qu'elle pense du gouvernement américain et de sa politique étrangère. Elle fait pire. A la fin de septembre 2001, elle envoie 1 million de dollars au Pakistan, dans les camps de réfugiés afghans. Elle sait ce qui se passe là-bas, elle y était quelques semaines plus tôt: «Ces gens allaient mourir ou geler à mort.» La réaction est immédiate : un flot de lettres d'insultes et de menaces de mort. «Quand j'ai envoyé l'argent, le pays avait déjà donné 275 millions de dollars pour les victimes du World Trade Center, plaide-t-elle. J'ai été triste une seconde, avant d'être vraiment en colère.»
    […]
    Elle a divisé son budget en trois : un tiers pour ses dépenses, un tiers pour ses enfants, un tiers pour donner. Elle gagne des sommes folles, et heureusement.
    […]
    Elle exploite son capital de notoriété, et elle redistribue les bénéfices. On peut regretter que les foules sentimentales prêtent plus de crédit à une actrice qu'à un directeur d'ONG. On peut regretter que l'émotion soit un levier plus efficace que la raison. On peut regretter que les dons privés remplacent l'argent public. Mais c'est comme ça. Elle avance sans se poser de questions paralysantes. Une fois qu'on a vu, dit-elle, on n'hésite plus. Fille de Babylone touchée par la grâce, Angelina Jolie est l'incarnation laïque et contemporaine de la rédemption. Une sorte de saint Augustin, sans Dieu mais avec une grande bouche.
    […]
    Cette plume alerte est celle de Marie Desplechin.

    Inventaire à ma gauche

    Il faudrait faire un billet court, aller se coucher, se lever tôt demain pour transcrire le séminaire n°12 avant le treizième.
    Je n'ai pas d'idée de billet court.
    Avant (de bloguer), je pensais qu'il se passait toujours quelque chose à raconter dans une journée. Maintenant je déchante: non, rien, depuis plusieurs jours.
    Une autre solution consisterait à aller lire le Journal officiel: on trouve toujours quelque chose à commenter dans le Journal officiel, c'est une mine. Mais je n'en ai pas envie.

    Je pourrais essayer de décrire le capharnaüm au milieu duquel j'écris. Le plateau du bureau doit faire un mètre sur soixante centimètres. J'ai exactement dix-huit minutes à tuer.
    Je commence: sous le clavier, un calendrier, derrière l'écran, le support de l'iPod et une pile de DVD encore sous cellophane (Alexandre Nevski, Le Cuirassé Potemkine, Hero, Cadet Rousselle), devant le haut-parleur de gauche, une trousse (20x15cm) à broder au point de croix, ma montre, la lettre d'une cousine de quinze ans, en pile, Échange, Été, une boîte qui contenait autrefois quarante cartes de voeux et en contient désormais quatre ou cinq, un protège-livre en cuir, deux chutes de tissu résultant du découpage d'un jean, des photos, des cartes postales, dix cartes triangulaires (pour envoyer des lettres amusantes, c'est immature, je sais), le numéro de juillet 2006 de La Revue d'histoire littéraire de la France, une pochette contenant des cartes en forme d'éventail (voir la remarque précédente, j'aime les cartes fantaisie), un marque-page Sonia Delaunay, le numéro des Infréquentables, deux feuilles de citations distribuées lors des cours de Compagnon, devant la pile, le minuscule magnétophone prêté par Diane, Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau, trois cassettes pour le magnétophone (les trois dernières heures de Compagnon and Co, dont une inutilisable), à côté de la pile, un billet de cinéma Fievel ou le nouveau monde daté du 24/02/1987 (c'était pour "un mensonge parmi dix", mais je n'ai pas osé raconter l'anecdote), un paquet de six cartes rectangulaires très longues et très étroites, roses, avec les enveloppes correspondantes, chocolat (voir remarque précédente), un feutre, mon stylo-plume, un stylo Tippex, deux cartes postales reçues, plus loin vers le mur presque sous l'écran, une boîte vide de Dim-Up poivre, un relevé bancaire, un pendentif, un relevé bancaire encore sous enveloppe…

    Fin des dix-huit minutes. C'était plutôt amusant, je continuerai un autre jour (bon prétexte pour ne pas ranger d'ici là).

    Avis aux amateurs (parisiens) : on brade

    En passant rue Danièle Casanova hier soir, je remarque une grande affiche blanche dans la vitrine de Brentano's. Au feutre est inscrit en grandes lettres maladroites «Pléiade - 20%».
    Je m'approche, un avis orange est scotché sur la vitrine, qui dit en substance: «Notre propriétaire, la BNP, ayant de décider de doubler notre loyer, nous sommes obligés de réduire notre surface et de recentrer notre activité. Le rayon littérature va être abandonné.» A l'intérieur du magasin, le déménagement a commencé.

    Donc si vous avez le temps de passer chez Brentano's (avenue de l'Opéra) aujourd'hui… (Pour ceux qui ne connaissent pas, il y a également énormément de livres de poche et de livres grand format dans cette librairie). N'empêche, cela me fait de la peine. Quand je pense que la BNP "communique" sur son mécénat culturel…
    Il y avait Maroussia, dont j'ai oublié le nom de famille. Je l'ai emmenée un jour à la librairie Brentano pour lui montrer les portraits de Walt Whitman. En sortant, le vendeur, qui était mon ami, me fit un sourire en hauteur et me lança un clin d'yeux qui me laissa tout déconcerté, et dont je n'ai pas encore compris le sens exact. J'aimais beaucoup la librairie Brentano; même, de mes dix-huit ans à mes vingt-et-un an, elle a été mon principal lieu de plaisir. J'aimais à me sentir dépaysé, à la façon de des Esseintes dans les bars et les brasseries anglaises de la rue d'Amsterdam. Du reste, nous éprouvions tous le besoin de nous dépayser; nous affections de ne considérer Paris que comme une de nos capitales, et secrètement nous nous apppliquions la phrase de Nietzsche: «Nous autres Européens». Ce n'était pas pour rien que notre revue allait s'appeler: «L'œuvre d'Art International»! Oh, les belles Américaines que je frôlais parfois — Excuse me — entre les corps de bibliothèque de chez Brentano! Je rêvais, non seulement de me faire aimer d'elles, mais aussi de leur faire connaître la littérature française contemporaine, de leur traduire, en quel anglais et avec quel accent effroyable, tu vois ça d'ici, les «Moralités légendaires», ou même «Maldoror». Mais elles étaient peu préparées pour cela, je crois; peut-être même qu'elles ne connaissaient pas Whitman! C'était probable en effet, car en fait de poètes américains, c'était surtout Ella Wheeler Wilcox qu'elles achetaient. J'étais un des rares clients français de Brentano, je veux dire des clients assidus, qui venaient trois ou quatre fois par semaine. Après avoir eu à mon égard une attitude très réservée, on finit par m'admettre, et par me laisser fouiller partout, même au sous-sol. A vrai dire, presque tout l'argent dont je disposais passait là!

    Valery Larbaud, conversation avec Léon-Paul Fargue, en préalable à Cartes postales (Gallimard poésie), p.48

    Fumer ou trembler, il faut choisir

    Un peu plus de quatre mois sans cigarette. J'ai envie de fumer. Lorsque je vois tous ces gens sur le trottoir, par petits groupes, en train de discuter dans la lumière tranquille du matin, j'ai envie de me joindre à eux.
    La revue «Neurology» publie une nouvelle étude américaine sur les liens entre tabagisme et maladie de Parkinson. L'objectif était de caractériser davantage les relations entre l'histoire du tabagisme et le risque de maladie de Parkinson en prenant en compte la durée du tabagisme, la quantité moyenne fumée, l'ancienneté du tabagisme et son influence à différentes périodes de la vie.
    […]
    En moyenne, ceux qui avaient fumé pendant le plus grand nombre d'années, qui fumaient chaque jour le plus de cigarettes, qui avaient arrêté à un âge déjà avancé et qui avaient arrêté depuis le moins de temps avaient le plus faible risque de Parkinson.

    Le Quotidien du médecin, vendredi 9 mars 2007, p.8

    Etrange question

    RER.
    Deux petites blacks, mignonnes, très jeunes, debout sur la plate-forme. J'arrive en cours de conversation:

    — Y m'a fait peur: t'as ton string qui dépasse, qu'i'm dit; j'ai pas compris, d'où est-ce qu'y dépasse, mon string ?

    ******************************************

    Et en l'honneur de la journée de la femme, un blog japonais (via un blog tchèque.)

    Le mensonge de Jules

    Chic alors: Jules m'a envoyé sa liste.

    Je vous laisse trouver son mensonge (c'est plutôt difficile car nous n'avons plus le soutien de son blog pour nous donner une idée de lui. (A moins que son blog ne soit quelque part dans les limbes?)

    1- J'ai déjà pesé 1kg250 ; j'ai déjà pesé plus de 100 kg.
    2- A trois ans, je me faisais vomir pour rendre ma mère malade.
    3- Je ne sais pas courir.
    4- A l'inhumation de mon père on m'a demandé qui j'étais.
    5- J'ai déjà envisagé de congeler le chat qu'on m'avait donné à garder, parce que celui-ci était mort.
    6- J'ai déjà couché avec certains de mes profs.
    7- J'ai déjà couché avec certains de mes étudiants.
    8- J'ai une maîtrise d'histoire grecque sans toutefois parler grec. J'ai soigneusement évité certains des partiels de grec en prétextant passer le concours de sciences po, proposé de rattraper les examens manquants en les réalisant chez moi et donné les exercices à faire à un ex qui avait fréquenté la rue d'Ulm.
    9- J'aime manger les crevettes vivantes.
    10- J'ai une grand mère qui affirme que les films classés X sur le câble ne lui ont vraiment rien appris.
    11- J'ai déjà assisté à la messe de Noël de la basilique Saint-Marc.

    Et Jules passe le relais à Gvgvsse.

    Un seul mensonge

    Guillaume relance la chaîne… Il s'agit donc de trouver le mensonge parmi dix affirmations. (Les instigateurs paraissent en être Roxane et Honey).
    Pfou, je dois avouer que je n'ai pas beaucoup d'idées. Ne soyez donc pas surpris si certaines affirmations vous rappellent d'autres listes, ce n'est pas un hasard.

    1) J'ai vendu par téléphone des abonnements au Figaro. Désormais j'ai peur du téléphone.

    2) J'ai lu La Montagne magique à cause d'un ami qui m'en disait le plus grand bien. Il ne l'avait pas lu.

    3) J'ai eu droit à un contrôle d'identité aux Halles. Comme j'en demandais la cause, le flic a insinué que je faisais le trottoir.

    4) J'ai fait régulièrement le mur à l'envers, non pour sortir de l'internat, mais pour y entrer.

    5) À dix-huit ans, je me levais spécialement le dimanche pour regarder Candy.

    6) Je n'ai pas lu À la recherche du temps perdu. J'espère que cela ne se voit pas.

    7) J'ai pris l'ascenseur avec Raymond Barre mais je ne l'ai pas reconnu.

    8) Depuis mon retour du Maroc à huit ans, je n'ai jamais quitté le territoire français. J'évite de parler voyages.

    9) Cela doit faire dix ans que je n'ai pas vu une exposition. J'évite de parler peinture.

    10) J'ai redoublé mon CP. J'écrivais très mal.



    Je passe le relais à writ, Mir, et Rose (mais verra-t-elle cet appel?), et puis à Jean Ruaud, qui à ma connaissance a été le premier blogueur que je ne connaissais pas à me linker (Merci. j'ai décidé de figer ma liste de liens par flemme diplomatique, mais je n'oublie pas).

    Jules, tu ne voudrais pas jouer dans les commentaires, où m'envoyer une liste à mettre en ligne, par hasard? Tu fais partie des blogs évaporés que j'ai lus si peu de temps, en arrivant trop tard dans leur histoire.

    L'importance d'être Constant

    J'avais envie d'aller voir cette pièce: il y a plus de vingt ans un ami m'avait tenu un discours enthousiaste sur l'intelligence de la traduction: «The importance of being earnest, L'importance d'être constant, ah, que c'est bien trouvé!», etc. Cet ami ne s'enthousiasmait pas souvent et je l'aimais beaucoup, j'en avais gardé une certaine curiosité pour la pièce, sans compter mon goût pour Oscar Wilde.

    J'étais malgré tout un peu inquiète. Je prévins H.:
    — Tu sais, la pièce ?
    — Oui ?
    — Il faut que je te dise... il y a la cruche de Taxi qui joue dedans...
    — Emilien ?
    — Oui, c'est ça.
    H. a fait une drôle de tête et a conclu charitablement : «Qui sait, c'est peut-être un rôle de composition».

    C'est un rôle de composition. Frédéric Diefentalh est très bon. (Et cela n'a rien à voir, il ressemblait étonnamment ce soir-là à Daniel Auteuil. J'ai appris à cette occasion que Gwendoline Hamon est sa femme. Finalement, lorsque Diefenthal baisa furtivement le poignet de Gwendoline Hamon au moment des rappels, il ne fit que perpétrer ce qui choque Oscar Wilde dans la pièce: «Le nombre de femmes à Londres qui flirtent avec leur propre mari est absolument scandaleux.»)
    Celui qui joue le moins bien est sans doute Lorant Deutsch. Nous n'avions jamais entendu parler de Marie-Julie Baup: elle est excellente. Elle ferait une merveilleuse Elisa dans Pygmalion de Bernard Shaw.

    Je n'ose plus rien dire sur les décors de théâtre depuis que j'ai appris qu'aimer les décors du style Au théâtre ce soir est horriblement ringard. Personnellement, je trouve cela reposant, de même que les costumes d'époque (ou à peu près d'époque, enfin bref, pas de notre époque): un canapé est un canapé et le mousquetaire n'est pas habillé en martien, oui, c'est reposant.
    Toujours est-il que j'ai un faible pour les pièces en costumes d'époque parce que les robes sont très jolies.

    Donc le décor est reposant, les acteurs jouent bien, dans ce style à peine forcé des pièces de boulevard, et le texte d'Oscar Wilde est immoral: il faut aller voir cette pièce.

    ALGERNON: En réalité, je ne suis pas du tout dépravé, cousine Cecily. N'allez pas croire que je suis dépravé.
    CECILY: Si vous ne l'êtes pas, alors vous nous avez tous trompés d'une façon vraiment inexcusable. Vous avez fait croire à l'oncle Jack que vous étiez entièrement corrompu. J'espère que vous ne menez pas une double vie, faisant semblant d'être dépravé, alors qu'en fait, vous êtes parfaitement vertueux. Ce serait de l'hypocrisie.
    ALGERNON, la regardant avec étonnement: Oh, naturellement je me suis conduit de façon plutôt irréfléchie.
    CECILY: Je suis heureuse de l'apprendre.
    ALGERNON: En fait, maintenant que vous soulevez la question, je me suis très mal conduit dans la mesure de mes modestes moyens.
    CECILY: Vous ne devriez peut-être pas vous en vanter, même si je ne doute pas que cela ait été fort agréable.

    Acte II, p 1467 dans la Pléiade
    En sortant, C. constate: «Finalement, le titre est à prendre vraiment au pied de la lettre».

    Robustement (hommage)

    Lorsque j'ai commencé à lire sérieusement des blogs, entre avril 2004 et février 2005, rayonnant à partir de Matoo et Gvgvsse, j'ai découvert un monde qui commençait déjà à s'estomper, j'arrivais déjà trop tard: les blogs de Mennuie et Manu n'étaient plus accessibles, celui de la Fille aux gants non plus, etc. (Matoo conserve les liens des blogs disparus, plus exactement, il n'efface pas les liens au fur à mesure. Je l'en remercie. C'est frustrant et nostalgique, je ressens un grand regret pour tous les blogs que je n'ai jamais parcourus, je déteste les blogs effacés, c'est encore plus triste quand il s'agit de blogs perdus, comme Gvgvsse m'a expliqué que c'était le cas de celui de Manu). Rien à faire, un blog qui n'est pas né avant 2004 ne sera jamais pour moi "un vrai blog" mais juste un effet de mode. Je suis très snob. En tournant un peu, je suis inévitablement arrivée chez Berlinette. I like her style. Je vous laisse lire un post sur les tournesols, un autre sur les pauvres, un troisième sur un chat,… Dommage qu'elle écrive de moins en moins. J'aime l'équilibre qu'elle parvient à trouver dans certains posts où le second degré n'est pas du second degré, où toutes les interprétations ne paraissent pas seulement possibles, mais vraies. Graine d'écrivain, à mon avis, mais je ne suis pas sûre qu'elle en prenne jamais le temps.


    Toujours est-il que j'ai cru m'étrangler en découvrant cela :




    Qu'en déduire, mon Dieu, mon Dieu : Patrick Artus lirait Berlinette?

    Comment l'entendez-vous ?

    J'ai une otite.

    Je découvre que j'utilise l'oreille droite pour le téléphone fixe et l'oreille gauche pour le portable.
    Enfin, quand les deux (oreilles) sont en ordre de marche.

    Digressions historico-politico-familiales

    En sortant de La vie des autres, H. évoque un souvenir d'enfant du début des années 70: sa grand-mère yougoslave naturalisée française, devenant hystérique à la frontière, refusant d'entrer en Yougoslavie où ses enfants l'emmenaient en vacances revoir sa famille. Elle craignait qu'"ils" ne la laissent plus repartir.
    J'évoque mes propres souvenirs, le kilo de café envoyé d'urgence en Pologne pour dépanner la famille qui avait emprunté du café à des voisins pour un mariage et n'arrivait pas à s'en procurer pour le rendre, un cousin éloigné de papa qui venait parfois à Vierzon avec sa fille voir ma grand-mère, mais jamais avec sa femme et son fils, qui restaient en Pologne pour garantir son retour. Ce cousin habitait près d'une église désaffectée, la nuit on venait le chercher pour être parrain lors de baptêmes célébrés en cachette. Il était parrain d'innombrables enfants.
    Je me souviens de ma découverte du mot apatride («Ça veut dire quoi apatride?») à côté du nom de Martina Navratilova lors des matches de Roland-Garros et de l'horreur que ce mot avait fait naître, apatride, pire qu'exilé, sans aucun lieu pour se poser ou se reposer.
    Je méprise les intellectuels occidentaux qui ont supporté le communisme. Je supporte mal un certain anti-américanisme. Quelles que soient les errances d'un président, les actions géopolitiques absurdes, violentes, hégémoniques, de soixante années de politique internationale américaine, on ne peut les comparer à ce qu'ont connu les pays du bloc soviétique, ne serait-ce que parce qu'on peut évoquer tranquillement cette politique brutale sans risquer sa vie (et je reste le souffle coupé devant un film comme Docteur Folamour, sorti en pleine guerre froide, un an après la mort de Kennedy). Les actuelles compromissions des pays occidentaux avec la Russie de Poutine ou la Chine me sont odieuses.

    Je me souviens d'un devoir d'histoire en terminale, le professeur avait eu un geste désabusé au moment de la correction: «Personne n'a compris l'enjeu de ce texte, il s'agit d'évaluer la possibilité et les conditions de la réunification de l'Allemagne», je l'avais regardé comme s'il était fou: réunification? mais c'était totalement impossible, comment pouvait-on seulement y songer?
    Je me souviens exactement de la première fois où j'ai entendu le mot pérestroïka, j'étais au lit à l'internat, j'écoutais la radio, le doute et la joie se mêlaient, fallait-il y croire, pouvait-on y croire, ne risquait-on pas d'être joué?
    Je me souviens de la décision de la Hongrie en septembre 1989, j'étais en formation à Périgueux pour mon premier emploi, je regardais la télévision le soir seule dans ma chambre d'hôtel, le monde entier retenait son souffle. En juin, les étudiants chinois de la place Tian Anmen avaient été écrasés, qu'allait-il se passer?
    Je ne comprends pas que Mikhaïl Gorbatchev ait totalement disparu de l'actualité, il est l'homme qui a le plus profondément changé le monde depuis 1945.

    Tandis que passe la bande-annonce de Goodbye Bafana, C., 14 ans, demande: «C'est qui, Nelson Mandela?» Mon cœur manque un battement, est-il possible de ne pas savoir qui est Nelson Mandela? Je me souviens du regard de profond mépris de mon voisin en classe de seconde, lycéen sur-politisé comme il y en avait quelques-uns (entourés de quelques filles à longues jupes qui sentaient le patchouli), parce que je ne savais rien du boycott des oranges Outspan.

    Parfois j'essaie d'imaginer ce qu'a pu être la décolonisation pour nos parents ou nos grands-parents, ou ce que c'était de vivre avant la seconde guerre mondiale. Le sentiment du monde est incommunicable, il ne peut qu'être imparfaitement reconstitué par recoupements successifs.

    La Vie des autres

    Zvezdo, Phersu, Matoo, avaient écrit sur ce film… Seul le billet de Matoo est encore accessible huit ans plus tard.

    Je m'attendais donc à ce que ce soit bien, mais cela m'a plu au-delà de mes attentes, je suis vraiment contente d'avoir pu voir ce film en salle. Bien sûr qu'on peut l'accuser d'être idéaliste, mais c'est justement ce qui fait du bien. Ce film réussit le tour de force d'être triste (tout le monde a les yeux rouges en sortant de la salle) et de vous laisser réconfortés. C'est une rare performance.

    Le reste du billet tient du spoiler.
    (Visiblement la fonction qui permet de cacher la suite du billet en mettant un lien "Lire la suite..." a dû être désactivée la dernière fois que le code de ce blog a été bidouillé. Tant pis).

    Mon moment préféré est sans doute le dialogue avec le petit garçon dans l'ascenseur:
    — C'est vrai que tu es de la Stasi?
    — Tu sais ce que c'est, la Stasi?
    — C'est des méchants qui mettent les gens en prison.
    — Je vois. Qui t'a dit ça?
    — C'est mon papa.
    — Ah. Et comment s'appelle... euh...
    — Comment s'appelle qui?
    — Ton ballon. Comment s'appelle ton ballon.
    — T'es drôle, toi. Ça n'a pas de nom, un ballon.
    Pour moi c'est le tournant du film, la fêlure. Et ce petit garçon joue très bien.

    J'ai envié le décorateur qui a eu en charge le décor de la chambre d'Albert Jerska.

    1984 fait bien sûr penser à 1984. J'ai été frappée que la structure du chantage exercé sur Christa-Maria Sieland soit exactement la même que celui exercé dans 1984: amener à trahir l'être aimé en mettant à jour la peur la plus profonde du sujet. Dans 1984, il s'agit de la peur des rats, dans La Vie des autres, il s'agit de la peur de ne pas remonter sur scène.

    Note huit ans après: chez Phersu, de mémoire, quelqu'un avait fait remarquer dans les commentaires que si l'agent de la Stasi avait correctement fait son travail au lieu de chercher à protéger les déserteurs (le mot exact m'échappe), ceux-ci auraient su qu'ils étaient écoutés lorsqu'ils firent un test et rien ne serait arrivé (ou: l'enfer est pavé de bonnes intentions).

    J'ai beaucoup aimé les fins successives qui s'emboîtent, donnant une couleur différente au film à chaque fois.
    - Si le film s'était arrêté au moment de l'accident de l'actrice ou au moment où Grubitz promet à Wiesler qu'il ouvrira le courrier le reste de sa carrière, il se serait agi d'un film classique dénonçant un régime politique et plus généralement illustrant l'implacabilité du destin, le peu de poids d'un homme face à l'Histoire.
    - S'il s'était arrêté sur le visage de Gorbatchev ou au moment où Wiesler apprend la chute du mur, il aurait illustré que «les méchants meurent aussi» et qu'«il y a tout de même une justice, il suffit d'attendre».
    - Lorsque le film nous montre Dreyman lisant son dossier, il se fait documentaire, illustrant la façon dont l'Allemagne a choisi vivre avec passé. (Et j'ai pensé à ce vitrail de la cathédrale d'Ulm consacré aux Juifs, montrant tout en bas les déportés destinés à être assassinés).
    - En se terminant comme il se termine, il donne une place prépondérante à l'art, mais aussi aussi à la gratitude et à la reconnaissance. C'est sans doute pour cela qu'on se sent aussi bien en sortant, un peu consolés, un peu rassurés.
    La dernière réplique est excellente.

    En faisant quelques recherches en écrivant ce billet, j'ai découvert le blog eurotopics.

    Primer

    Si vous allez voir Primer (film culte, 7000$ de budget, blablabla), je vous serai reconnaissante de m'expliquer ce que vous aurez compris. Il paraît que toutes les réponses sont dans le film. Mais je n'ai même pas compris la question.
    De plus, je ne vois pas l'intérêt d'un film composé uniquement de dialogues, pratiquement sans image.

    (Cela m'a rappelé le film d'amateur tourné en première par un ami fan de Spielberg. C'était la grande époque de E.T.. Il avait recruté ses acteurs parmi nous et tourné un remake parodique des séries américaines de l'époque. C'était incompréhensible mais nous étions heureux.)


    P.S.: Je viens de découvrir l'article de Wikipedia. Je vais l'étudier de près… A vous de voir si vous le lisez avant ou après… Mais euh… Je ne vous encourage pas à y aller…

    Pars vite et reviens tard

    H. étant un fan de Fred Vargas, nous sommes allés voir Pars vite et reviens tard.

    L'impression est mitigée. Je ne me suis pas ennuyée, ce qui n'est déjà pas si mal (cela renseigne peu. Précisons (au risque de faire hurler Patrick): je ne m'ennuie pas devant Tais-toi! ou Bernie ou 8 femmes ou Ridicule, je m'ennuie devant Chacun cherche son chat ou Y aura-t-il de la neige à Noël? ou La Comédie de l'innocence ou Merci pour le chocolat. A bas les films intimistes à la française!)

    La moitié des acteurs (dont Marie Gillain, je suis un peu déçue) ont l'air mal à l'aise devant la caméra. («Quel est le meilleur acteur français? Gérard Depardieu, hélas», est une paraphrase tentante.) Je n'ai pas réussi à trouver le nom de la black qui joue la pensionnaire sans papier (Lisbeth). Elle est bien.
    C'est un film pour Parisiens, de préférence flânant souvent près de Beaubourg. J'ai beaucoup aimé les images des places, des toits, des ciels, des feuilles d'automne, du cimetière, des maisons en briques rouges de Clichy, j'ai été agacée par la caméra toujours en train de bouger, de zapper, incapable de prendre son temps devant ce qu'elle montre comme si elle avait peur de nous ennuyer, incapable de nous imposer son point de vue, en un mot manquant d'autorité. Agaçant également les couleurs, trop vives ou assombries, comme vues à travers de la fumée. Jeu réussi sur les lumières floutées, en revanche.
    L'histoire tient moyennement debout mais ce n'est pas très grave.
    Pensé fugitivement à Tlön et à Conrad en entendant: «En Afrique, on perd très vite ses repères, tout devient possible.»


    En sortant, C. demande : Tu crois que c'est vrai, l'histoire du diamant à la main gauche pour se protéger de la peste?
    H. répond oui, il a vérifié après avoir lu le livre.
    — Tu as vérifié sur internet?
    — Oui…
    — Alors c'est l'histoire d'un mec qui lit Pars vite et reviens tard puis qui écrit un article dans wikipédia consulté ensuite par un mec qui veut vérifier les informations contenues dans Pars vite et reviens tard
    J'étais morte de rire et H. pas content.

    Ah, et puis il faut que je pense à mettre une pipette anti-puces aux chats ce week-end (c'est toujours moi qui me fait piquer, désormais je sais que j'ai le sang le plus chaud de la famille).

    Voilà qui explique tout

    Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, les électeurs vont avoir à se prononcer entre deux vénusiens.

    Françoise Hardy in Paris Match du 4 janvier 2007

    Dermatix en spray

    Les pharmaciens ne commercialisent pas ce produit, ils n'en disposent qu'en tube de 15 grammes. Le tube de 60 grammes et le spray se commandent auprès du fabricant.

    En faisant une recherche sur internet, j'ai trouvé des forums qui en parlent, mais les modérateurs effacent les coordonnées de l'entreprise.
    J'ai fait une recherche dans la presse et dans societe.com: Dermatix était commercialisé par ICN Pharmaceuticals France SA qui a changé de nom pour devenir Valeant Pharmaceuticals France SAS tout en changeant d'adresse de siège social pour passer de Versailles à Orsay!

    Après une longue traque, voici le numéro de téléphone où vous pourrez joindre une charmante dame pour commander du Dermatix en spray : 01 39 49 65 50. (Si les ventes décollent, j'espère qu'ils me proposeront une commission). Je lui ai signalé la difficulté qu'il y avait à trouver leur coordonnées, de même que la France n'apparaît pas dans la liste des pays du site Dermatix1.
    Ce numéro correspond à l'adresse suivante : 2 rue du pont Colbert, immeuble le Montcalm, RP3516, 75035 Versailles Cedex. C'est l'adresse où il faut envoyer vos commandes.

    Je mets en ligne un scan du bon de commande (je précise que je n'ai pas d'actions dans la société, je ne fais cela que pour vous faire profiter de mes recherches):





    Je mets également en ligne les informations que j'ai recueillies au cours de mes recherches. Le dernier article est destiné à vous recommander la patience: il faut compter deux ans avant de s'inquiéter.

    VALEANT PHARMACEUTICALS FRANCE S.A - RCS 382 407 575 : Modifications et mutations diverses
    BODACC n° B024 - 3 Février 2006 - Annonce n° 1737 - Référence : 06.9024.1682.000 - Yvelines (78) Ile-de-France (11) - Tribunal de commerce de Versailles
    RCS Versailles B 382 407 575. RC 05-B 1490. VALEANT PHARMACEUTICALS FRANCE S.A. Forme : S.A. Objet : Commentaires : modification survenue sur la dénomination.

    ScarTreatment
    Commercialisation d'un nouveau traitement pour les cicatrices en Europe
    Bâle, Suisse, October 29 /PRNewswire/ -- ICN Pharmaceuticals a annoncé la commercialisation en Europe de son gel breveté de remodelage des cicatrices, Dermatix(tm).
    Dermatix est le premier gel topique de silicone à séchage automatique utilisable pour améliorer l'apparence des cicatrices existantes et prévenir la formation de cicatrices anormales après un traumatisme, une lésion ou une brûlure. Il a été développé à partir du même polymère de base de longue chaîne que les plaques de gel topique de silicone, dont l'efficacité clinique a été démontrée pour les cicatrices hypertrophiques et chéloïdes. Dermatix peut également être utilisé en pédiatrie, car il ne contient aucun ingrédient actif et présente une biocompatibilité et une tolérabilité absolues lorsqu'il est employé conformément aux instructions.
    >Dermatix sèche pour former une pellicule de silicone souple et constitue ainsi une membrane hydrofuge et perméable au gaz qui agit comme une couche de peau supplémentaire. Il aide à aplanir, adoucir et atténuer la cicatrice tout en assurant le maintien de l'équilibre hydrique et de l'élasticité de la peau adjacente. Il s'est également révélé réduire la décoloration et les démangeaisons associées aux cicatrices.
    Simple d'utilisation, Dermatix est particulièrement adapté aux endroits très visibles et difficiles à traiter tels que le visage, les extrémités et les articulations. Ce gel transparent et inodore sèche rapidement et peut être utilisé avec des cosmétiques. Il convient aux peaux délicates et sensibles.
    Les plaques de gel de silicone sont fréquemment utilisées pour le traitement clinique des cicatrices hypertrophiques et chéloïdes depuis le début des années 1980. Leur efficacité est démontrée et elles sont désormais employées par la plupart des chirurgiens plasticiens. Résumant les techniques et pratiques de traitement, l'International Advisory Panel on Scar Management(1) a déclaré que les plaques de gel de silicone et les corticostéroïdes intralésionnels étaient les seuls traitements dont l'efficacité était suffisamment éprouvée pour faire l'objet de recommandations fondées.
    Selon le rapport, les plaques de gel de silicone doivent être considérées comme un traitement de première intention et prophylactique. Elles doivent être utilisées peu après la fermeture chirurgicale, une fois qu'un épithélium s'est formé sur l'ensemble de l'incision, pendant un mois minimum. Les recommandations mettent également l'accent sur la prévention plutôt que le traitement, en soulignant l'importance d'une excellente technique chirurgicale et de la prévention des infections post-chirurgicales. Les cotations et échelles de classification des cicatrices doivent également être aussi significatives que possible au niveau clinique pour permettre une identification claire des améliorations objectives.
    Il était auparavant difficile de démontrer scientifiquement l'efficacité des traitements pour les cicatrices en raison du manque de mesures objectives de ces dernières. Une nouvelle technique permet néanmoins de prendre des photos en 3D et de les convertir en données numériques. Le département de chirurgie plastique du Royal London Hospital utilise cette nouvelle technique pour mesurer l'efficacité de Dermatix dans la prévention des cicatrices anormales chez des patientes ayant subi une réduction mammaire. Le traitement est utilisé d'un seul côté, l'autre restant non traité à des fins de comparaison. Un chirurgien plasticien dispose désormais d'une bourse de recherche à plein temps pour réaliser cette étude, qui devrait prendre deux ans.
    Dermatix possède une marque CE en tant que dispositif médical de classe I dans l'ensemble de l'UE. Sa formulation brevetée est approuvée en tant que dispositif médical en Amérique du Nord.
    Référence: 1. Bayat A et al. BMJ 2003; 326:88-92
    Pour plus d'informations, veuillez contacter : Sally Robinson, Wavelength PR, +44 (0)1962 867540

    Abstract dermatologie
    Lundi 1er Novembre 2004
    Cicatrices hypertrophiques
    Toutes les cicatrices s'améliorent spontanément en 18 à 24 mois. A l'exception des cicatrices hypertrophiques, les traitements ne doivent être proposés qu'après cette période. Il faut distinguer les cicatrices hypertrophiques simples, qui ne dépassent pas latéralement les bords cicatriciels de la plaie, des cicatrices chéloïdes siège d'un processus hypertrophique important tant en épaisseur que latéralement. Il existe par ailleurs les cicatrices érythémateuses persistantes (plus de 2 ans) sans hypertrophie, par absence d'apoptose des néo-vaisseaux. Le traitement de base, incontournable des cicatrices hypertrophiques inflammatoires, repose en premier lieu sur la compression : casques et vêtements compressifs, plaques siliconées armées type cicacare et, surtout en pratique dermatologique, sur les pansements hydrocolloides (plaques épaisses ou fines suivant la localisation) qui sont moins onéreuses, tiennent bien et sont facilement adaptables. Il est indispensable de laisser ces plaques 24heures sur 24, pendant plusieurs mois ('effet traitant passant probablement par la non mobilisation de la cicatrice par les tissus avoisinants). L'application des plaques hydrocolloides permet par ailleurs de faire disparaître le prurit souvent associé. L'orateur n'a pas l'expérience du silicone liquide type Dermatix. Le deuxième traitement souvent utilisé repose sur les injections intra-cicatricielles de corticoïde retard. Elle ne doivent pas être faites au Dermojet mais à l'aiguille (26 à 30G) en infiltration rétrotraçante intradermique, le produit étant injecté au fur et à mesure que l'on retire l'aiguille. Il faut rester dans un plan tangentiel et ne pas injecter en sous cicatriciel. Il faut bien secouer l'ampoule avant injection afin de faire disparaître les cristaux et avoir une préparation homogène. Les injections seront espacées tous les 2 mois. Le laser à colorant puisé (595 nm pour les cicatrices hypertrophiques, 590 nm pour les cicatrices érythémateuses simples) peut aussi être utilisé, ainsi que les lasers semi-continus pour les télangiectasies. Les cicatrices chéloïdes ne sont pas améliorées par le LCP, le processus hypertrophique pouvant même être réactivée.
    D'après la communication du Dr T. Fusade


    1 : choisir [Belgium (french)] tant que France n'est pas proposée dans la liste: le site est très intéressant.

    La tête dans les étoiles

    Je suis repassée au bureau des objets trouvés de Beaubourg. Les hôtesses sont très jolies et très aimables (l'un sans l'autre, c'est moins bien).
    Elles m'ont laissé consulter sans difficulté le cahier des objets trouvés, ce que des agents plus aguerris ne m'auraient sans doute pas laissé faire. A voir la quantité de pièces d'identité, téléphones et bijoux qui sont déposés aux objets trouvés, on est soudain rassuré sur la gent humaine, quelle honnêteté.

    Je n'ai toujours pas trouvé mon chapeau, mais j'ai soudain pensé (trois mois, cela ne m'aura pris que trois mois!) qu'il faut que je téléphone à Flatters, le plus probable est tout de même que je l'ai laissé chez lui.

    L'exposition Hergé est gratuite. Dans l'immense hall d'entrée sont peintes sur le sol des insultes (végétarien! (j'ai pensé à writ)), des onomatopées (bing! bang! pif!) et des étoiles comme il en tourne autour de la tête des héros ou des malfrats quand ils se font assommer. C'est un agrandissement exact des étoiles des bandes dessinées, elles sont disposées de la même manière, ce qui fait qu'il reste un vide là où se trouverait la tête du personnage. Je reste quelques temps à observer les touristes qui s'allongent sur le sol la tête dans ce creux d'étoiles et se font photographier ainsi, dans un tourbillon d'étoiles multicolores.

    La dernière vidange

    Titre idiot, private joke: "Un vieux pleure dans son coin, son cinéma va fermer, c'était la dernière séance,…"

    Mon garagiste va fermer.

    Lorsque Ka a écrit un billet sur Mazda, j'ai failli en écrire un moi aussi. Mais Ka était célèbre, je ne le connaissais pas et mon blog existait depuis deux semaines, je n'ai pas osé.

    Mon garagiste va fermer, je suis triste, vendredi j'ai cru que j'allais me mettre à pleurer entre un pneu et un bidon d'huile, avec l'indécence de ceux qui font étalage de leur émotion devant qui souffre plus qu'eux.

    Ma première voiture, en 1989, fut une Mazda. A l'époque nous habitions Bordeaux. Mon beau-père — qui ne l'était pas encore — m'offrit cette voiture, ce qui me toucha beaucoup (Bon évidemment, c'était pour que je puisse entretenir son fils... Mais ne soyons pas mesquine. (Dans ma famille, le style était plutôt : "Ne lui offre rien, il va partir avec". (Ma mère me le dit un jour alors que j'offrais à H.... un peignoir.)))

    J'ai adoré cette voiture. Elle était moche, la pauvre, couleur doré métallisé dévitalisé par le temps, elle avait alors dix ans. C'était une 323, mais les numéros resservent éternellement chez Mazda, cela ne donne aucune indication sur sa ligne générale: elle ressemblait à une Visa.
    Elle avait un atout incomparable, c'était une propulsion, légère à la main, elle se conduisait avec deux doigts, une merveille. Elle craignait le froid, toussait beaucoup, mangeait de l'huile. Combien de fois ne me suis-je pas retrouvée le matin en escarpins et jupe serrée à examiner la jauge, à la grande réprobation des voisins, qui visiblement estimaient que ce n'était pas à moi de faire cela? Lorsque j'oubliais la clé à l'intérieur (cela m'arrivait régulièrement («Mais c'est pas vrai! Encore!»)), il suffisait de se procurer une paire de ciseaux pointus, d'introduire la lame la plus fine dans la serrure et de faire levier avec l'autre, doucement, en cherchant le déclic.
    On nous l'a volée une première fois en 1990. Je rêvais la nuit qu'on la retrouvait dans un tel état que H. refusait que je voie la carcasse. On l'a retrouvée un mois plus tard, intacte, sur un parking.

    En 1991, nous avons déménagé et nous nous sommes installés à Aubervilliers, carrefour des Quatre-chemins. Nous avons retrouvé l'arrière de la voiture enfoncé un matin. Accident de parking. Nous n'étions pas assurés tous risques. C'était grave pour nous, H. faisait son service militaire et j'étais au chômage; on tirait le diable par la queue. La voiture était garée devant le café en bas de chez nous, nous avons cuisiné le vieil Arabe qui le tenait, nous devions avoir l'air bien démunis et bien malheureux, il a dénoncé un de ses collègues de Pantin en nous faisant promettre de ne pas dire que c'était lui qui nous avait renseignés. Je me revois dans le café de ce collègue, à boire je-ne-sais-quoi, un constat dans mon sac, à me demander avec désespoir ce que j'allais faire s'il niait tout en bloc.
    Il n'a rien nié, l'air honteux il a tout signé sans rien contester. C'est ainsi que nous avons découvert le garage Idoux à la Courneuve, concessionnaire Mazda et agréé par notre société d'assurances. L'expert a accepté de réparer notre voiture (ce n'était pas évident car elle avait tout de même douze ans, mais elle était "très propre", comme ils disent dans le métier (ce qui veut dire sans défaut de carosserie, car nos voitures ne sont pas lavées bien souvent...)), faisant de nous des clients fidèles et reconnaissants, et nous n'avons plus changé de garagiste, même lorsque nous avons déménagé à Villecresnes (94).

    C'était un garage hors du temps, à l'extrémité de la ligne 7. A cent mètres du carrefour, on trouvait des ateliers coincés entre de petits pavillons de banlieue qui auraient fait bonne figure chez Gustave Lerouge ou Léo Malet. Il y avait au mur une photo que j'adorais, qui représentait le "vieil Idoux" et deux mécanos torse nu devant une traction avant. Nous n'amenions pas souvent la voiture chez eux puisque nous n'avions pas beaucoup d'argent, mais toujours elle en ressortait excellement réglée, consommant moitié moins d'essence pendant deux ou trois mois.

    En 1993, lorsque nous avons voulu acheter une voiture, nous nous sommes naturellement adressés à ce garage. H. a été persuadé un temps que je l'avais laissé acheter ce qu'il souhaitait, avant que je ne lui avoue que je l'avais poussé à acheter ce que je voulais, c'est-à-dire une voiture à la ligne coupée en souvenir de la Fiat 124 que mon père possédait quand j'avais six ou sept ans (Fiat aux sièges baquets, au levier de vitesse en bois et au volant cerclé de cuir, avec le moteur à l'arrière).
    Cette voiture aura bientôt 300 000 km. Maintenant qu'elle ne nous sert plus que pour de courts trajets, j'espère la garder encore dix ans. Pour l'anecdote, ajoutons que mon dernier fils y est né, ce qui fait que depuis qu'il a vu le film Tournage dans un jardin anglais, il rit beaucoup de savoir qu'à la question «Où es-tu né?» il peut répondre «Ici» n'importe où à condition d'être dans cette voiture.

    En 1999, on nous a volé "la vieille". Cinq ou six autres voitures de valeur aussi faible ont été volées la même nuit dans la résidence. La police municipale nous a dit fortement soupçonner les manouches installés sur le territoire de la commune mais manquer de moyens pour aller faire une perquisition, c'était trop dangereux. Ce qui me fait le plus de peine, c'est de savoir que cette voiture qui fonctionnait encore a été au mieux dépecée, au pire incendiée. J'aurais préféré qu'elle soit volée par quelqu'un qui s'en serait servi. Ainsi, c'est juste stupide et méchant.
    Cependant cette voiture nous rendit un dernier service: comme elle était assurée tous risques depuis plus de cinq ans (ridicule pour une voiture de cet âge, je sais. Mais je la prêtais beaucoup et je ne voulais pas que mes amis aient de problèmes), nous touchâmes une somme importante (13000 francs à l'époque) qui tombait à pic pour payer je ne sais plus quel facture ou acte notarié au moment où nous achetions la maison. L'âme de ma voiture survit dans un petit bout de la maison, me dis-je pour me consoler.

    Il y a deux ans nous avons acheté une 626 d'occasion, voiture raisonnable des gens raisonnables que nous essayons de devenir. Je ne désespère pourtant pas d'obtenir un jour une MX-5 (la Miata). Le problème, c'est que la production de la ligne que j'aimais a cessé (une voiture adoucie comme une savonnette qui aurait trop séjourné dans l'eau), remplacée par une ligne beaucoup plus agressive qui ne m'intéresse pas. Il faudra donc chercher dans les voitures de collection... mais j'ai le temps.

    Jeudi j'ai appris que le garage Idoux fermait: plus assez de clients sur place, à la Courneuve, trop grande fiabilité des Mazda (je le confirme), problème de place, de modernisation, de chèques impayés. J'y suis passée vendredi, j'ai vraiment cru que j'allais me mettre à pleurer, la nostalgie m'a saisie. Je regardais les rosiers et les volets clos, que restera-t-il de nous dans ce quartier, rien, et je n'y reviendrai sans doute jamais.

    Inattendu

    Entre la fin du cours et le début du séminaire d'Antoine Compagnon, ma voisine se penche vers moi.
    — Vous savez, me dit-elle avec sollicitude, ce n'est pas la peine de prendre des notes, il y a tout sur internet.
    Elle m'indique les feuilles que son amie tient à la main, feuilles sur lesquelles sont imprimées les transcriptions de sejan et les miennes.

    Poils (et pensées en rond)

    Moi aussi1, je peux (ce qu'il y a de bien avec Daniel Radcliffe, c'est qu'on le voit grandir et accéder à l'âge adulte. Chic.): j'ai adopté cette photo en fond d'écran.

    Oui, je sais, je n'ai pas grand chose à dire. Ou alors il faudrait virer perso, et j'hésite: après avoir mis en ligne tant de billets très littéraires, j'ai peur que les gens qui arrivent ici soient déçus, et je ne veux pas leur faire ça… D'un autre côté, après tout, hein…

    J'ai un peu de temps en ce moment, plus que d'habitude en tout cas. J'en profite pour dormir, pour attraper toutes les maladies qui traînent et pour lire.
    Je m'aperçois que je ne peux plus lire. Je ne dépasse pas vingt pages d'affilée. Je lève le nez, je rêve, je ne sais pas me concentrer, je fatigue.


    Me voilà bien.

    Je ne supporte pas les romans, qui me fendent inexorablement le cœur. Il y a longtemps que je me demande comment font ceux qui aiment la musique pour supporter certains morceaux (et ne parlons pas des opéras. Mais au moins, avec les opéras, on est tranquille: on sait qu'on est destiné à pleurer).
    Je sais qu'il n'est pas du tout fashion de poser ce genre de question (en littérature, tout au moins, en musique, je ne sais pas), puisque nous sommes censés tout lire d'une âme égale en nous pâmant sur le style, la tournure d'une phrase, la trouvaille d'un mot.
    Mais le sens reste et perdure et la littérature nous renvoie encore et encore de grandes gifles de mélancolie, de cruauté ou de dérision.
    Il n'y a guère que l'énergie de L'Odyssée, ces jours-ci, pour secouer mon pessimisme.
    Et j'ai commencé Histoire des deux restaurations. Quelle langue magnifique, claire et précise. Ecrit-on encore comme cela? Napoléon Bonaparte m'intrigue de plus en plus, il faudra lire le Mémorial de Sainte-Hélène.

    Allons, tout n'est pas perdu.





    Note
    1 : via Zvezdo

    Malade

    Dormi de neuf heures à midi, de deux et demi à sept heures.
    J'y retourne.

    Vie des animaux

    Cinq sensations que je ne retrouverai sans doute jamais (variation sur une chaîne qui s'estompe) :
    • Le goût des granulés que ma grand-mère donnait aux lapins;
    • L'odeur du lait artificiel pour les veaux au moment où mon grand-père ajoutait de l'eau chaude pour le délayer;
    • La langue râpeuse des veaux sur mes bras salés (comme une langue de chat, mais avec une surface de gant de toilette et non de timbre-poste);
    • La trompette ahurissante des pintades quand elles voulaient soudain signaler leur joie ou leur fureur (je n'ai jamais su);
    • La tête jaune du dernier poussin, curieux ou trop à l'étroit, émergeant du dos d'une poule brune ayant triplé de volume pour abriter tous ses petits (ce spectacle me manque tant que j'en rêve parfois).

    Paimpol et Cancale

    A Saint-Brieuc ce week-end pour fêter les deuxièmes 40 ans de l'année (il y en aura beaucoup d'autres en 2007). Je suis heureuse de voir A., qui vient d'avoir un troisième garçon en novembre, et inquiète pour elle, elle est épuisée. Les raisons n'en sont pas très gaies, je vais résister à la tentation d'épancher mon cœur ici.

    Nous avons rencontré un breton pur jus, tombé dans les huîtres quand il était petit. Il mange les huîtres avec un couteau et non une fourchette, il n'arrache pas la chair autour du pied mais le coupe au ras de la coquille et mange le tout. C'est effectivement très bon. Nous l'interrogeons, il nous raconte des souvenirs familiaux de mangeur d'huîtres, et à une de mes questions répond pensivement :
    — Il faudrait faire des tests à l'aveugle. Je ne suis pas sûr de distinguer la Paimpol de la Cancale.

    Je trouve très poétique qu'il y ait des gens pour distinguer la Paimpol de la Cancale. Je ne savais même pas qu'il existait des variétés d'huîtres portant ce nom. C'est ce qui m'enchante dans le réel et chez les gens passionnés: dès qu'on se penche sur un sujet, on découvre des nuances, des profondeurs, des vertiges insoupçonnés.

    Taches suspectes

    En novembre dernier, lorsque j'ai sorti ma carte de groupe sanguin pour répondre à la demande de l'anesthésiste, il a contemplé avec incrédulité l'espèce de torchon que j'ai sorti de mon portefeuille. (Et pourtant j'avais essayé d'amortir le choc: «Euh oui, j'en ai une, euh, elle est un peu bizarre…»)

    Ma carte avec la première détermination de groupe date de 1991. Comme il faut deux déterminations, j'en ai fait faire une seconde en 1994, mais pas dans le même laboratoire, qui a refusé de noter les résultats de son analyse sur ma carte de 1991. J'étais furieuse, j'ai donc découpé la partie utile de la carte de 1994 que j'ai agraffée sur la carte de 1991. J'ai rangé la carte rapiécée dans mon portefeuille.
    Quelques mois plus tard, j'ai emmené le chat chez le vétérinaire, et par facilité, j'ai mis mon portefeuille dans le panier à chat. Le chat, angoissé, a pissé dans le panier, trempant mes papiers que j'ai alors soigneusement fait sécher. Il leur en est resté quelques auréoles jaunâtres, notamment au niveau des plis, et pendant longtemps (c'est fini), une odeur bizarre…

    — Vous avez eu trois enfants avec ça? a demandé l'anesthésiste incrédule.
    Il n'a pas fait d'autre commentaire, mais la première chose qu'ont faite les infirmières mercredi dernier lorsque je suis entrée en clinique pour quelques jours (rien de grave), c'est une prise de sang à chaque bras.
    — Qu'est-ce que vous faites?
    — L'anesthésiste a demandé une détermination de groupe sanguin.
    — Ah. (Quel sournois.) Pourquoi aux deux bras?
    — Il faut une double détermination, effectuée par le même laboratoire.

    J'ai maintenant une carte neuve. Ça m'ennuie de jeter l'ancienne.

    Ce soir, un professeur de karaté

    La ceinture, ça sert à tenir le pantalon. Si on vous poursuit, la meilleure défense, c'est le footing.

    Cinq choses ramassées ce jour

    - Tlön m'a convaincue que continuer (à lire, mais ce peut être à écrire pour d'autres) la littérature ne servait à rien (mais je crois qu'il ne l'a pas fait exprès). Je devrais me remettre (me mettre) aux mathématiques.

    - Il m'a expliqué la différence entre Lui (et Elle. Non, je déconne) et Playboy : l'un était spécialisé dans les filles aux gros seins et petites fesses, l'autre, l'inverse. J'avais remarqué les seins, pas les fesses.

    - La fille aux allumettes passe au Champo. - La bande-annonce de Shreck 3 est disponible. Elle est décevante. Tant mieux (quand la bande-annonce raconte le film, il n'est plus nécessaire d'aller voir le film).

    - en exergue de Warwick, le faiseur de rois, de P. Murray Kendall
    «Or voyez-vous la mort de tant de grands hommes, en si peu de temps, qui tant ont travaillé pour s'accroistre et avoir gloire, et tant en ont souffert de passions et de peines, et abrégé leur vie, et par adventure leurs ames en pourront souffrir…
    « Mais, à parler naturellement (comme homme qui n'a pas grand sens naturel ni acquis, mais quelque peu d'expérience), ne [leur] eust-il point mieux vallu… eslire le moyen chemin en ces choses? C'est assçavoir moins se soucier et moins se travailler, et entreprendre moins de choses ; plus craindre à offenser Dieu, et à persécuter le peuple et leurs voisins, par tant de voyes cruelles… et prendre des ayses et plaisirs honnêtes ! Leurs vies en seraient plus longues ; leurs maladies en viendroient plus tard ; et leur mort en seroit plus regrettée et de plus de gens, et moins désirée; et auroient moins de doute de la mort. »
    Philippe de Commynes

    Dilemme

    Je suppose qu'il est normal de se demander de temps en temps à quoi bon bloguer, comme à quoi bon tout, finalement.

    Lorsque j'étais au CE2, nous devions faire un résumé de chaque livre que nous empruntions à la bibliothèque de la classe. J'avais horreur de ça. En plus, j'étais désavantagée, car j'aimais lire, je lisais vite, je pouvais lire beaucoup de livres pendant que les autres n'en lisaient qu'un, ce qui me faisait beaucoup de résumés à rédiger. C'était pénible, car bien entendu, pendant que j'écrivais ces résumés, je ne lisais pas, et franchement, raconter ce que je savais déjà me paraissait sans intérêt.
    J'avais résolu le problème en empruntant les livres en cachette pendant les récréations. Je les lisais puis les remettais en place, ni vue ni connue.

    Pour le blog, c'est un petit peu plus compliqué : si je lis au lieu d'écrire, cela va se voir. Et si j'écris, quand lire?

    Dans le TGV

    Dans le magazine distribué gratuitement dans le TGV, j'ai découvert dunes chantantes.

    Le second lien donné par l'article est celui-ci.

    Ma dune préférée est celle-là. (attention basses fréquences!).

    Les DVD et cassettes de deux semaines de vacances

    - Code Mercury
    Un Bruce Willis. Film de la catégorie "pour repasser".

    - Flicka

    - Le fils de Flicka
    délicieusement vieillot. Admirable dressage des chevaux, dressés à avoir l'air sauvage.

    - Le grand blond avec une chaussure noire
    Pas vu depuis vingt ans.
    Indispensable pour apprendre aux jeunes générations l'origine de la robe de Cléopâtre dans Astérix et Cléopâtre.
    De ce film, je gardais le souvenir du démontage des poupées russes. J'ai découvert quelques images fugaces de la Fnac en 1972.

    - Le retour du grand blond
    Bof.

    - Cars
    Il ne se passe strictement rien. C'est cousu de fil blanc. Quand je pense qu'on accuse les films Disney de mièvrerie… Les bonus sont bien.

    - Nemo
    Vu pour la n-ième fois. J'aime les tâches de rousseur de Doris. Je sais parler baleine.

    - Massacre en dentelles
    Intrigue inutilement compliquée qui me rappelle les livres d'Erle Stanley Gardner (collection Mystère). Venise en noir et blanc. Les robes, l'élégance des femmes. Les premiers dialogues d'Audiard. Nous avions vu cet été au cinéma Méfiez-vous des blondes.

    - Looking for Richard
    J'ai dû voir ce film trois fois à sa sortie (en dormant à des moments différents à chaque fois (pas parce que le film est mauvais, parce que j'étais très fatiguée!)), je l'ai offert quand il est paru en vidéo, je l'ai acheté quand il est paru en DVD, j'attends qu'il repasse au cinéma. Depuis ce film je considère Al Pacino comme le plus grand. J'aimerais le voir jouer au théâtre.
    Ce film se donne pour but de décomplexer les Américains face à Shakespeare. Quand je le regarde, je m'étonne toujours que les gens aient autant besoin de tout comprendre: il y a beaucoup de mots, de vers, que je ne comprends pas dans la traduction de Richard III (je ne connais pas le contexte historique), mais cela ne me dérange pas. Je songe au cours de Compagnon sur la désorientation: il est paradoxal qu'un lecteur aguerri ne s'inquiète pas une seconde de ne pas comprendre un texte, ou de ne pas tout comprendre d'un texte à la première lecture, tandis qu'un lecteur novice s'imaginera aussitôt qu'il n'est pas capable de lire un texte "aussi difficile" et abandonnera la lecture, sans penser qu'il lui suffit d'être patient et de continuer.
    Je me souviens que tous les Club des cinq commençaient de façon abrupte. On n'y comprenait rien. On apprenait la confiance.
    Ce film est un montage passionnant sur le travail des acteurs. Il est drôle de les voir s'enflammer pour leur personnage, pour défendre leur vision de leur personnage et obtenir de le jouer comme ils le souhaitent.

    - Dangereusement vôtre
    Décidément James Bond m'ennuie. Le méchant ressemble à l'acteur qui joue Malfoy.

    - Z
    Interdire Sophocle en Grèce au XXe siècle me paraît le plus bel hommage qui soit à la tragédie antique.

    - Trainspotting
    J'avais beaucoup aimé Petits meurtres entre amis, je n'ai pas raté Trainspotting tourné par la même équipe. J'aime énormément l'humour de ce film sur la drogue. Tous les personnages sont shootés à quelque chose, à la bagarre, à la bière, au tabac, à l'héroïne. J'aime la voix off, l'accent anglais/écossais, le vocabulaire.
    J'aime surtout Erwan MacGregor. Je crois que c'est à cause de Trainspotting que je l'ai aimé dans La Guerre des étoiles épisode 1 : les deux films sont si différents, et il a l'air si heureux de tourner dans La Guerre des étoiles. Durant tout le film son sourire proclame: « Regardez, j'y crois pas, je joue dans La Guerre des étoiles ». C'est sans doute une très mauvaise idée de la part d'un acteur, mais ça me fait rire. J'aime les gens heureux.

    - L'arme à gauche
    Claude Sautet 1964. Lino Ventura. Il ne se passe rien. Une atmosphère à la Joseph Conrad. De belles images de voilier à contre-jour. Une bande-son impressionnante: très peu de musique, pratiquement que du bruitage "naturel". Très dépouillé. Voix trop lente, mal assurée, inhabituelle, de Lino Ventura.

    - La Nuit des généraux
    Je demeure persuadée qu'on redécouvrira Joseph Kessel (qui signe l'adaptation du scénario avec Paul Dehn) dans vingt ou trente ans.
    Philippe Noiret en 1966, d'une grande élégance.
    J'apprécie toujours aussi peu Peter O'Toole, terriblement artificiel. (Est-ce dû au DVD? Le maquillage des acteurs se voient trop, c'est gênant.)

    Complainte ménagère

    L'un des charmes de la lecture de Renaud Camus, c'est qu'à peu près tous les sujets sont abordés au détour d'une page.

    Ainsi ce matin j'arrive au §125 de P.A. page 52 (première version du futur Vaisseaux brûlés, mis plus tard en ligne) :
    125. Avant même d'être une incapacité à gérer l'espace, le désordre domestique (au moins dans mon cas) me paraît être une incapacité à gérer le temps (796-797) : on sait bien qu'avant d'entreprendre ceci, il faudrait en finir avec cela, ranger ses vêtements de la veille avant d'enfiler ceux du jour, clore ce dossier avant d'aborder cet autre, finir cette phrase avant d'ouvrir cette parenthèse, ou de lui infliger cette note [*3]. Mais l'urgence vous tenaille (ne serait-ce que sous la forme du désir : on est impatient de faire ceci, de faire cela, on se dit que mieux vaut profiter de cette envie que l'on a de cet accomplissement particulier à ce moment donné pour se débarrasser du labeur qu'il implique, on saute les préliminaires, on choisit de les ignorer […], on effectue ce que nous invite à effectuer la détermination idoine que nous trouvons en nous, on se dit que ce sera toujours cela de fait), le téléphone retentit, quelqu'un sonne à la porte, vous allez être en retard à votre rendez-vous et vous ne pouvez pas laisser partir le courrier sans avoir répondu à ce malheureux réfugié algérien qui sollicite votre aide, ni écrit aux Duchemin qui viennent de perdre leur mère : tant pis, vous rangerez vos chaussures après, vous plierez plus tard ce pull-over abandonné, vous remettrez une autre fois ce disque dans son coffret (quant à faire votre lit, n'en parlons même pas !).
    L'ordre et le ménage représentent une forme de lutte contre l'entropie, finalement. C'est fou comme le chaos semble être l'état naturel du monde. Ce qui me laisse rêveuse dans le ménage, c'est la façon dont il est facile d'en faire une activité à temps plein : il y a toujours quelque chose de plus à faire, un placard à vider, une vitre à briquer, et puis les chaussures n'ont pas été cirées depuis longtemps, etc. Il suffit d'être un peu perfectionniste pour être englouti, ou au moins éternellement insatisfait.
    Est-ce plus facile quand on est myope? (Souvent je me dis que les myopes doivent être protégés des laideurs superficielles du monde. Voir moins, cela doit être reposant, quand il s'agit de poussière sur les meubles.)

    J'ai rapporté de Stokholm un magnet qui proclame : "A clean house is a sign of a wasted life". Mais le contraire ? Une maison en désordre approximativement propre est-elle le signe d'une vie réussie?

    2007-0107-A_Clean_House_wasted_life.jpg

    Tricherie

    Le problème avec ce blog, c'est que je ne sais pas faire court.

    Réveillon de la Saint-Sylvestre

    Au cours du réveillon, j'ai appris que se tenait à des dates variables une messe de rentrée du barreau dans toutes les grandes villes de France. A Paris, elle a lieu à la Sainte-Chapelle, vers six heures du soir, après le départ des touristes. A Lyon, la chorale qui l'accompagne semble de haute tenue. Je dois avouer que cette tradition me laisse ravie et stupéfaite (j'en connais un que je vais pouvoir taquiner).

    L'avocate à table ce soir-là ne connaît que deux occurences d'"irrépétible" dans la langue française. Ne connaissant pas ce mot, je m'en fais expliquer le sens. Je copie/colle la définition trouvée sur internet: «adjectif qui qualifie les frais versés par la partie qui a gagné le procès à son avocat , et qui ne sont pas incluses dans les dépens. A la demande de la partie gagnante, ces frais irrépétibles peuvent faire l'objet d'une appréciation du tribunal et s'ajouter aux condamnations principales et aux dépens mis à la charge de la partie perdante.»

    Mon amie ne connaît donc que deux occurrences de ce mot: une dans l'article 700, l'autre dans la dernière phrase de Cent ans de solitude. Comme je connais cette phrase par cœur («aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n'est pas donné de seconde chance»), je me permets de douter. On m'apporte donc le livre. La phrase est beaucoup plus longue que dans mon souvenir, avec je ne sais quoi de borgésien que je ne pouvais percevoir quand je l'ai lue (1985) puisque je ne connaissais pas Borgès :
    Mais avant d'arriver au vers final, il avait déjà compris qu'il ne sortirait jamais de cette chambre, car il était dit que la cité des miroirs (ou des mirages) serait rasée par le vent et bannie de la mémoire des hommes à l'instant où Aureliano Babilonia achèverait de déchiffrer les parchemins, et que tout ce qui y était écrit demeurait depuis toujours et resterait à jamais irrépétible, car aux lignées condamnées à cent ans de solitudes, il n'était pas donné sur terre de seconde chance.
    Claude et Carmen Durand ont-ils fabriqué un néologisme? Pourquoi avoir choisi irrépétible et non irrépétable?


    Trouvé sur les étagères de mes amis un livre de cuisine au Coca-cola. Avec une grande impolitesse, je le feuilletterai tout au long du dîner et leur en ferai une lecture choisie, pour leur plus grande horreur (jusqu'à ce que H. me le confisque). Je vous livre deux ou trois recettes. A mon avis, cela peut se tenter.
    Ragoût oublié
    500 g de viande maigre à ragoût

    2 pommes de terre coupées en quatre
    2 carottes coupées en rondelles
    2 oignons coupés en quatre
    1/2 tasse (120 ml, à peu près 120 g) de julienne de céleri branche
    1 cuillère à soupe de tapioca
    240 grammes de sauce tomate
    1/2 tasse (120 ml) de Coca-cola
    Mettez la viande, les pommes de terres, les carottes, les oignons et le céleri dans une casserole. Saupoudrez de tapioca. Mélangez la sauce tomate et le coca-cola et versez par-dessus. Couvrez hermétiquement. Mettez au four à 120°C et ne surveillez pas pendant 4 heures.

    œufs crèmeux
    3 cuillères à soupe de beurre
    3 cuillères à soupe de farine
    1/4 de cuillère à soupe de sel
    1/8 de cuillère à soupe de poivre
    2 fois 1/4 de tasse de Coca-cola
    3/4 de tasse de lait en poudre
    6 œufs
    Dans une poêle, faites fondre le beurre sur feux doux. Mélangez la farine, le sel, le poivre. Laissez cuire en remuant constamment jusqu'à ce que le mélange soit lisse et fasse des bulles (préparez un roux, en d'autres termes). Retirez du feu. Ajoutez le Coca-cola et le lait en poudre (il s'agit d'une béchamel au Coca). Remettez sur le feu et portez à ébullition. Laissez bouillir une minute en remuant constamment. Mélangez doucement les œufs jusqu'à ce qu'ils prennent. Servez sur des toasts chauds, des biscuits ou du riz.

    Riz brun pilaf
    4 tranches de bacon
    1/2 tasse de de julienne de céleri branche
    1 tasse de riz brun
    1/4 de tasse d'amandes effilées et grillées
    1/2 oignon émincé
    3 tasses de bouillon de bœuf (bouillon cube)
    1/2 tasse de Coca-cola
    1/2 cuillère à thé de sel
    Cuisez le bacon jusqu'à ce qu'il soit craquant, réservez deux cuillères à thé de la graisse rendue. Réduisez le bacon en miettes et réservez. Faites cuire l'oignon et le céleri dans la graisse du bacon jusqu'à ce qu'ils deviennent tendres sans brunir. Mélangez le bouillon, le riz, le Coca, les amandes, le sel et le bacon, portez à ébullition. Couvrez et faites cuire au four une heure à 160°C.

    Soupe à l'oignon française (dans la section micro-onde. H. a failli s'évanouir)
    3 cuillères à soupe de beurre
    3 gros oignons émincés
    3 tasses de bouillons de bœuf
    1/2 tasse d'eau
    1/2 tasse de Coca-cola
    1 cuillère à thé de sauce Worcestershire
    sel et poivre à volonté
    croûtons (en anglais: «croutons»)
    parmesan râpé
    Dans un plat à micro-ondes, mélangez le beurre et les oignons et couvrez hermétiquement. Cuissez à puissance maximum pendant 10 minutes jusqu'à ce que les oignons soient tendres. Ajoutez le bouillon, le Coca, la sauce Worcestershire, le sel et le poivre. Faites cuire puissance maximale pendant 10 minutes, puis à puissance moyennes pendant 10 minutes. Laissez reposez 5 minutes avant de servir avec des croûtons et du parmesan.

    Enfin, pour ceux qui seront sur la route dans les prochaines heures, cette recommandation que je traduis sans tout exactement comprendre:
    La prochaine fois que vous conduirez à travers une pluie battante et que vous peinerez à voir à travers le film gras que la route projette sur votre pare-brise (?? "the build up of road film on your windschield"), essayez un Coca-cola : aspergez votre pare-brise de Coca et passez les essuie-glaces.
    Je savais déjà que les ambulanciers aspergeaient de Coca-cola les taches de sang sur les routes afin de les faire disparaître, voilà maintenant le Coca-cola lave-glace. (A utiliser uniquement les jours de pluie, apparemment ce n'est pas bon pour la carosserie, il faut donc qu'il pleuve afin que la pluie lave le Coca qui tomberait sur la peinture).

    PS : Harry Potter est en pré-commande sur Amazon : sortie le 31 décembre 2007.

    Mon pismo prend sa retraite

    Ce billet N'est PAS de la publicité pour Apple. :-)


    Je n'arrive pas à me souvenir du moment où j'ai hérité du pismo. Je l'utilisais déjà en septembre 2002, j'en suis sûre. C'était un ordinateur de récup: à partir du moment où nous sommes sortis des perpétuelles fins de mois difficiles, H. a acheté un nouvel ordinateur (un nouveau Mac) quasiment tous les ans en trouvant à chaque fois un prétexte (s'il me lit il va être furieux), des gens prêts à lui racheter le précédent, quelqu'un de la famille intéressé par un ordinateur gratuit (assez rarement, en fait, car la famille est anti-Apple), la nécessité d'acheter un portable, etc.
    En 2002, je fus donc la personne qui héritai du pismo, avec un clavier et une souris extérieurs pour m'en servir en ordinateur fixe (je ne m'en suis pratiquement jamais servi comme d'ordinateur portable).

    Je n'arrive plus à démêler les années. Il y eut la fois où je provoquai un court-circuit en tirant sur le câble d'alimentation: une carte grilla, je me retrouvai sans ordinateur. Une carte fut commandée, installée, l'ordinateur démarrait mais le son ne fonctionnait plus. Quelques bidouilles plus tard, le son sortait à nouveau, mais uniquement sur des hauts-parleurs externes qu'il fallait brancher sur le portable.
    Le pismo avait été promis à C.; entretemps était sorti l'iMac, le coma de mon pismo avait été l'occasion de se procurer cette bête de course: un ordinateur neuf rien que pour moi (septembre ou octobre 2004, puisque par la même occasion H. m'offrit un iPod, le dernier joujou à la mode. Je n'en voulais pas (mon snobisme consiste à mépriser ce qui est à la mode), je m'y habituai très vite. J'espère qu'il va vivre encore longtemps.)
    Je ne me suis jamais vraiment entendu avec mon iMac, je ne sais pas pourquoi. Trop beau, trop neuf, le syndrome de «C'est beaucoup trop beau pour un chien». En tout cas, nous n'étions pas destinés à vieillir ensemble. Pour une raison inexplicable, il a grillé sous mes doigts en janvier ou février 2006. Il paraît que c'est rarissime. Est-ce parce que j'ai éternué du thé sur le clavier? J'ai un don avec les ordinateurs et les programmes. Je trouve toujours le défaut.

    Chance pour H., cela correspondait à la sortie du Mac mini. Il m'avait déjà annoncé qu'il fallait absolument que nous en eussions un à la maison, qu'il fallait qu'il le teste, que l'idée était géniale (et c'est vrai que...), que c'était destiné aux gens qui avaient déjà un écran et un portable, etc. Je ne voulais pas, toujours pas, de quelque chose bien trop beau (trop grand, trop puisssant, disproportionné par rapport à mes besoins) pour moi. Le Mac mini fut installé dans le salon pour les enfants et je récupérai mon pismo chéri, qu'il fallut faire passer sous Tiger ou Leopard ou Panter, je ne sais. C'était un peu lourd pour lui, mais toujours compatible.

    Il y a quelques mois, H. s'est offert le plus grand écran que propose Apple, un 30 pouces (taquinerie à part, il faut tout de même que j'écrive ici que vu ce qu'il programme, c'est justifié). J'ai alors hérité de son 23 pouces. Le pismo a eu du mal. Il a fallu lui rajouter une carte vidéo. Il mettait plusieurs secondes pour passer en veille, il en sortait en affichant un voile rouge. Il fallait le ménager, je pris l'habitude de ne jamais laisser plus de trois applications ouvertes à la fois (le mail, internet, et une troisième). C'était une contrainte. Peu à peu j'avais l'impression de voir vieillir une personne âgée, une personne pouvant de moins en moins se permettre de bouger. Son état se dégradait.
    Le pismo est devenu muet. La dernière vidéo que j'ai vue et entendue, c'est celle de la quinte juste. Je n'ai jamais osé avouer à Zvezdo que je n'avais pas écouté les illustrations de ses billets que je lis avec beaucoup d'attention et de plaisir (et maintenant, je vais aller écouter le billet sur Peter Grimes. C'était frustrant, tout de même.).
    Mais pas simplement muet, aveugle, aussi. Impossible depuis l'été de regarder les vidéos de Tlön ou de Matoo.
    Mon pismo était également asmathique, et j'aimais bien. Je l'entendais souffler quand je lui demandais quelque chose qui demandait de la ressource. Je n'aime pas abandonner les choses usées qui m'ont beaucoup servie. Il me semble que je leur dois quelque chose (Objets inanimés,...), avec eux disparaît un peu de nous-mêmes, aussi. Je ne disais rien à H., mais je savais que le pismo était en train de mourir.

    La prochaine version du système d'exploitation ne sera pas supportée par le pismo. H. a acheté le dernier Mac mini (le premier a été vendu pour être évidemment remplacé par le dernier iMac Core duo, vous vous en seriez douté) et a remplacé mon pismo jeudi, sans rien me dire. Le plus étrange est que je ne m'en suis pas aperçue (je dois expliquer que le pismo était invisible, posé sous le bureau). Il m'a envoyé une vidéo, m'a demandé de la regarder. J'ai protesté qu'il y avait longtemps que je ne pouvais plus regarder de vidéo. Puis j'ai essayé. Ça a marché, je me suis réjouie, sans m'étonner. Je ne me suis pas étonnée non plus de ne plus entendre le bruit de l'ordinateur, pas étonnée que la carte-son fonctionne à nouveau. Je me suis dit que j'avais de la chance. Je suis absolument disposée à croire aux miracles, aux fées et aux trois vœux.
    Je n'aurais toujours rien vu si H. n'avait pas fini par me le dire.
    Cet aveuglement, lui, m'étonne à chaque fois, cette inaptitude à voir ce qu'on ne veut pas voir, cette aptitude à considérer le réel comme figé tant que rien n'indique formellement qu'il a été modifié...

    Je suis soulagée. J'avais peur que mon portable s'éteigne un jour, un jour sans sauvegarde bien entendu. J'étais arrivée aux limites de l'exercice, même si je ne voulais pas l'avouer.
    Je suis contente de pouvoir aller regarder les vidéos chez les uns et les autres, de pouvoir faire des recherches sur Youtube comme tout le monde, de lancer les radioblogs de Zvezdo. Je vais pouvoir rapatrier ma bibliothèque iTunes qui était sur un autre ordinateur car trop lourde pour le pismo.
    J'espère que cet ordinateur-là me durera plus longtemps que l'iMac.


    Ça fait un peu étalage, tant pis, ou plutôt tant mieux, ce billet était un billet d'adieu, mais aussi une recension. Je sais que nous avons toujours les derniers produits Apple à la maison, H. dit que c'est faux, en écrivant ce billet j'ai réalisé à quel point c'était vrai (et je n'ai pas parlé de l'ordinateur qui supporte le réseau, ni des deux titanium successifs, ni des iPod mini, nano, shuffle, offerts aux anniversaires et Noëls des uns et des autres, je n'ai parlé que de ce qui me concerne directement.)

    Le Chevalier à la rose

    J'avais pris des billets pour cet opéra un peu par hasard, pour la valse et pour Richard Strauss. J'ai lu avec curiosité les billets des blogueurs musiciens m'ayant précédée.

    J'ai été un peu déçue par les voix, souvent couvertes par l'orchestre. En lisant le billet de Laurent, je me dis que je suis sans doute sévère. Mais tout de même... il me semble que les voix ont mis longtemps à se chauffer. Cependant elles étaient à leur meilleur dans les moments les plus émouvants ou les plus dramatiques, comme si les chanteurs portés par leur rôle trouvaient alors de nouvelles ressources. L'aspect liquide des miroirs, la salle renvoyée à elle-même en ouverture et à la fin, la qualité labyrinthique des plis du décor, m'ont énormément plu.

    A regarder évoluer la noblesse inaltérable face à la noblesse décadente, la bourgeoisie plus digne que celle-ci mais la confondant avec celle-là, il m'a semblé assister à l'illustration de certains des chapitres de Mensonge romantique, vérité romanesque que je suis enfin en train de terminer.

    La Maréchale m'a fait penser à une réflexion de Tlön (ou à Tlön rapportant les propos d'un autre blogueur, plus exactement) concernant les photos de Zohiloff : «Il a une façon très émouvante de photographier les femmes entre deux âges.»

    Défaite et dignité, fragilité, sensation intime du temps qui passe.

    Regrets et projet

    A midi, Paul me racontait qu'enfant, il avait gagné un baptême de l'air. Le lot était convertible en argent liquide: un baptême de l'air ou cinquante francs. Comme il n'avait pas un sou vaillant, il avait choisi l'argent et le regrettait amèrement aujourd'hui.
    J'ai un souvenir du même genre. Au début des années 70, mes parents faisaient chaque année en juillet le trajet Agadir-Vierzon en voiture avec deux petites filles: pour eux trois jours et trois nuits de conduite en se relayant, pratiquant sans dormir, pour nous un ennui mortel que seules les disputes venaient égayer. C'est ainsi qu'ils décidèrent une année de me renvoyer en France seule, en voyage accompagné. J'avais six ans, l'hôtesse de l'air me proposa d'aller visiter la cabine de pilotage de la Caravelle. J'étais intimidée, j'eus peur de déranger, je refusai. Je le regrette beaucoup.

    Après la guerre, Paul passa son brevet de pilote. C'était plus amusant qu'aujourd'hui dans la mesure où il n'y avait pas de contact radio avec le sol: la première fois qu'on s'élançait, on était réellement seul, d'où quelques émotions fortes au moment de l'atterrissage.
    Il y a deux ou trois ans, il m'avait proposé de faire un tour en planeur avec lui. J'avais refusé par peur de faire de la peine à H., qui lui aussi aimerait faire du planeur. Aujourd'hui, j'ai changé d'avis. Le temps se fait court, si je dois faire du planeur avec Paul, c'est au plus vite, dès cette année. Lâchement, je l'ai chargé de l'intendance et des détails pratiques.
    A suivre.

    Triste vérité

    Lorsque je croise des publicités pour des crèmes anti-rides ou amincissantes, je pense à ma s?ur qui travailla quelques années dans les laboratoires de Lancôme.

    — C'est vraiment efficace, ces crèmes ?
    — Si c'était efficace, nous n'aurions pas le droit de les vendre !



    Ici se situe la frontière entre la parapharmacie et la pharmacie, à ce que j'ai compris.

    Les voeux les plus veules

    transmis par un ami. Je le copie ici à toutes fins utiles.

    Please accept with no obligation, implied or implicit, my best wishes for an environmentally conscious, socially responsible, low-stress, non-addictive, gender-neutral celebration of the winter solstice holiday, practiced within the most enjoyable traditions of the religious persuasion of your choice, or secular practices of your choice, with respect for the religious/secular persuasion and/or traditions of others, or their choice not to practice religious or secular traditions at all. I also wish you a fiscally successful, personally fulfilling and medically uncomplicated recognition of the onset of the generally accepted calendar year 2007, but not without due respect for the calendars of choice of other cultures whose contributions to society have helped. And without regard to the race, creed, colour, age, physical ability, religious faith or sexual preference of the wishee.

    (By accepting these greetings you are accepting these terms. This greeting is subject to clarification or withdrawal. It is freely transferable with no alteration to the original greeting. It implies no promise by the wisher to actually implement any of the wishes for herself or himself or others, and is void where prohibited by law and is revocable at the sole discretion of the wisher. This wish is warranted to perform as expected within the usual application of good tidings for a period of one year or until the issuance of a subsequent holiday greeting, whichever comes first, and warranty is limited to replacement of this wish or issuance of a new wish at the sole discretion of the wisher.)

    Règle de vie

    — Mais pourquoi m'as-tu demandé de descendre ?
    — Parce que pipe.
    — Parce que quoi ?
    — Pas d'initiatives, pas d'emmerdes.

    Précision technique

    Après étude d'Agatha Christie et de Columbo, Tlön et moi-même sommes parvenus à la même conclusion : lorsque nous réaliserons nos meurtres parfaits, nous ne nous justifierons pas, nous tirerons d'abord.



    Note de bas de page dix ans plus tard (septembre 2016):
    C'était le début de nos rendez-vous hebdomadaires au Collège de France pour écouter Antoine Compagnon.

    L'âge du (départ à la retraite du) capitaine

    lettre retrouvée dans les archives de mon entreprise.

    à Monsieur Unvois
    Société Commerciale des Potasses et de l'Azote
    2, Place du Général de Gaulle
    68100 Mulhouse (Ht-Rhin) France

    Taipei, le 2 Juin 1973
    P.0. Box 68-986

    Cher Monsieur Unvois,

    En réponse à votre lettre du 22 Mai 1978, je vous signale que cette différence de ma date de naissance provient du fait d'un chevauchement de la dernière année de l'Empire sur la première année de la République d'où une réduction d'une année lors du calcul de ma date de naissance chiffrée en calendrier grégorien. Pour le mois il y a un décalage entre le calendrier lunaire et le calendrier solaire.

    Du temps de mon père qui vivait sous le régime impérial, la date de ma naissance a bien été inscrite comme étant l'année 1902 et ce sont les autorités de la République qui ont confondu la dernière année de l'Empire avec la première année de la République faisant ainsi avancer ma date de naissance d'une année en 1903. Comme preuve officielle de mon explication, je vous adresse ci-joint mon Permis de Conduire (Carte rose) délivré par le Préfet du Nord le 23 Novembre 1927 que j'ai retrouvé parmi mes vieux papiers pendant leur rangement.

    Pensez-vous que cette pièce pourrait convaincre la compagnie d'assurances à m'éviter la diminution de rente dont vous me parlez ou bien faudrait-il absolument que j'entreprenne des démarches auprès de nos autorités en vue de faire corriger cette erreur dans le calcul de ma date de naissance en année grégorienne, à moins que cette diminution de rente ne soit que vraiment très minime.

    A mon âge cette différence d'un an devient négligeable et ne devrait plus compter mais il est probable que mon âge se place justement dans une coupure de l'échelle de la rente et c'est bien dommage. Je regrette que je sois obligé de vous causer tout ce dérangement. Comme demandé, ci-joint photocopie du passeport de ma femme indiquant bien la date du 1er mai 1907 quoiqu'en réalite cette date devrait être celle de 1906.

    En ce qui concerne la future représentation de Producteurs à Taiwan, j'ai demandé à X* à Vienne si une décision était intervenue et il m'est répondu que la proposition que j'avais faite par ma lettre du 14 Février 1973 et dont vous avez copie sera remise sur l'agenda de la prochaine réunion du 14 Juin 1973. Je vais arrêter tous les comptes au 20 Juin 1973 et vous envoyer mes états comptables immédiatement après cette date, ce qui me permettra de quitter Taipei le 25 Juin 1973; en passant par San Francisco et Vancouver pour rendre visite a nos deux filles, j'arriverai à Paris le 13 Juillet 1973 et je me mettrai tout de suite en rapport avec vous.

    En attendant, je vous prie d'agréer, cher Monsieur Unvois, l'expression de mes sentiments dévoués.

    Dr. Txxx
    PJ. Photocopie de Passeport

    Tabac

    moi : Depuis que j'ai arrêté de fumer…
    H : Tu as arrêté de fumer, toi ?
    moi : Oui, depuis jeudi.
    C : Tu veux dire que tu n'a pas fumé trois jours.

    Ils sont méchants. Ils ont raison. J'ai tendance à ne pas fumer trois jours toutes les trois semaines, trois semaines tous les six mois. La dernière fois que j'ai "arrêté" ainsi, c'était cet été. Il a suffi que j'apprenne la crise cardiaque de JM pour en rallumer une aussi sec.
    Le dialogue ci-dessus avait lieu le 10 novembre. Je n'ai pas fumé depuis.

    En fait, pour moi, ce n'est pas très difficile, car je n'aime pas ça. Ça me donne envie de vomir. «Mais alors, pourquoi fumes-tu?» s'exclame le chœur, dépassé par tant d'illogisme.
    Je ne sais pas. Par ennui, parce que, au moins à court terme, cela présente moins d'effets secondaires que l'alcool, parce que la fumée de cigarette, c'est joli et que j'espérais (raté!) apprendre à faire des ronds, par esprit de contradiction, parce qu'arrêter en ce moment, ça donne vraiment trop l'impression de céder à une pression que je considère inacceptable.
    Mais lorsque le chirurgien qui doit vous opérer murmure dans sa barbe, sans même lever les yeux: «Cigarettes… ça augmente le risque de nécrose des tissus…» et passe à autre chose sans insister, vous vous dites que ça ne vaut peut-être pas la peine de s'obstiner pour quelque chose à laquelle vous ne tenez pas.

    Alors je bois du café, beaucoup de café. Je crois qu'on conseille à ceux qui arrête de fumer d'éviter les excitants. En réfléchissant, je me rends compte que j'ai besoin de mon point au cœur. Cigarettes ou cafés, qu'importe, du moment que j'obtiens cette présence. En réfléchissant un peu plus, je me dis que j'effectue un transfert: je transforme un malaise mental en malaise physique, je détourne mon attention de mon esprit vers ma poitrine.
    Ce n'est ni rationnel ni raisonnable.

    M'observer m'intéresse. Je trouve très pratique de s'avoir sous la main pour faire des expériences.
    Je regrette que Ben ex-Machinchose ait fermé son blog. Il avait annoncé en mai dernier une série de mesures qui m'impressionnait: arrêter de fumer, arrêter le café, arrêter de boire, manger moins. J'aurais aimé avoir des compte-rendus d'expérience et connaître les résultats: est-ce vraiment possible, et vraiment souhaitable, de se convertir ainsi à l'ascétisme brutalement? Est-ce que cela vaut la peine?
    Lorsque j'ai arrêté de fumer (à chaque fois que j'arrête), j'ai été malade : gorge, poumons, sinus. Il a fallu trois semaines pour que ça aille mieux. J'ai également arrêté de manger du chocolat et de boire de la bière depuis septembre: résultat, un gramme de moins toutes les quarante-cinq minutes, ce qui est beaucoup moins impressionnant que les résultats de Gvgvsse (mais je ne cherchais rien d'impressionnant, je voulais juste inverser la spirale).
    Je sais que l'intérêt principal pour moi, c'est de gagner en heures de sommeil: par expérience, je sais que la cigarette et les kilos en trop exigent que je dorme davantage. Pour moi, ça vaut vraiment la peine de se priver un peu pour gagner une heure de sommeil.

    Perdue

    Dans la vie de la plupart des femmes, tout, même le plus grand chagrin, aboutit à une question d'essayage.

    Le côté de Guermantes, Pléiade t.2 (1957) p.335
    J'ai détesté Proust d'avoir écrit cela. J'en ai parlé à un ami, qui m'a répondu que la remarque s'appliquait également aux hommes. Piètre consolation.

    Lorsque j'ai rencontré H. il y a vingt ans, nous réunissions à nous deux sept grands-parents. Nous avons enterré le sixième aujourd'hui, la grand-mère maternelle de H. Il ne reste que ma grand-mère maternelle.
    Je suppose que nous sommes censés nous résigner. C'est l'inverse qui se produit, la colère, la frustration, est plus grande à chaque fois. Ce n'est pas tant la mort que la fin de ces vies qui me révolte, ces vies dures, honnêtes, courageuses, terminées dans la souffrance ou l'ennui ou la folie pendant quelques semaines ou quelques années, et la mort à l'hôpital loin chez soi. J'ai l'impression d'une promesse trahie — comme s'il nous avait jamais été promis la justice en ce monde.
    Nous eûmes par la suite une conversation que je n'ai jamais oubliée. Nous passions la soirée chez elle, Lore et moi, avec Marie McCarthy et une amie à elle qui vivait à Rome, catholique croyante comme il apparut bientôt. Elle s'intéressait vivement à moi et me provoqua en me demandant à brûle-pourpoint: «Croyez-vous en dieu?» On ne m'avait jamais posé la question de manière aussi directe — et cela venant d'une presque étrangère! Je la considérai d'abord perplexe, je réfléchis puis dis — à ma propre surprise: «Oui!» Hannah [Arendt] sursauta — je me souviens de son regard presque épouvanté sur moi. «Vraiment?» Et je répliquai: «Oui. Finalement oui. Quel qu'en soit le sens, la réponse "oui" se rapproche plus de la vérité que le "non".» Peu de temps après je me trouvais seul avec Hannah. La conversation revint sur dieu et elle déclara: «Je n'ai jamais douté d'un dieu personnel.» Sur quoi je dis: «Mais Hannah, je ne le savais pas du tout! Et je ne comprends pas pourquoi, l'autre soir, tu as eu l'air tellement stupéfaite.» Elle répondit: «J'étais très ébranlée d'entendre cela de ta bouche, car je ne l'aurais jamais pensé.» Ainsi nous nous étions surpris l'un l'autre par cet aveu.

    Hans Jonas, Souvenirs, p.259

    Devinettes

    Je connais ces devinettes depuis si longtemps que j'espère que personne ne s'en souvient:

    M. et Mme Froid ont trois fils et trois filles : quels sont leurs prénoms?

    Inversement:
    Quel est le nom de famille des trois sœurs Anne, Justine et Corinne?

    La dernière, ma préférée du moment (et beaucoup plus récente):
    M. et Mme Liguili ont un fils. Quel est son prénom?

    Suis-je un vieux con ?

    Hier, j'ai bu deux Guinness avec JM.

    — Dis-moi, JM, est-ce que je suis un vieux con ?
    — ?!
    — Je vais t'expliquer. J'ai oublié un chapeau à Beaubourg, comme je n'ai pas trouvé de numéro de téléphone, j'ai envoyé un mail, «Madame, Monsieur, etc, signé Alice S***.» Ils ont répondu très vite, très gentiment, mais ils ont commencé leur mail par «Chère Alice» : tu trouves ça normal ?
    — Ça te choque ?
    — Non, ça me surprend, ça me fait rire. Après tout ils ne savent rien de moi, mon âge, qui je suis... Ils prennent un risque.
    — Je crois que c'est bêtement l'esprit étudiant, à Beaubourg, c'est le genre.

    Hum, j'ai bien l'impression que JM est aussi décalé que moi. Je ne crois pas que ce soit l'esprit étudiant, mais l'esprit du temps.
    C'est bizarre cette propension à copiner avec n'importe qui.
    Enfin moi je trouve.

    Régimes

    On a le choix entre les gens qui sont de mauvaise humeur parce qu'ils ont faim et ceux qui sont de mauvaise humeur parce qu'ils sont gros.

    Patrick Besson, in Le Point du 12 octobre 2006

    Sous la coupole

    Lundi, par la vertu du prix et de l'invitation de Rémi, j'ai assisté à la séance solennelle de la rentrée de l'Académie des sciences morales et politiques.

    Dans un sens c'était un peu décevant: j'attendais des ors et du velour cramoisi, il y avait de la pierre blanche et des fauteuils verts et gris. Les sièges sont disposés en croix, les rangs s'élèvent du centre vers les bords. La garde civile (?) est là lors de l'entrée des académiciens au son des tambours, les broderies des habits verts ne sont pas toutes les mêmes, cela dépend-il du couturier choisi ou du goût de l'académicien? Le tailleur de Madame Carrère d'Encausse est très seyant.

    Le garde des sceaux a été installé au centre de la croix laissé vide par les fauteuils, juste en face de la tribune. Impossible pour lui, donc, de s'endormir discrètement durant le long discours du président Damien, discours intéressant d'ailleurs, mais péchant un peu par le ton monocorde sur lequel il fut débité. Le président Damien fit remarquer que chaque fois qu'un thème lui avait été confié, celui-ci s'était retrouvé au centre de l'actualité: en 2005, tandis que l'académie des sciences morales et politiques se penchait sur la jeunesse et son malaise s'embrasaient les banlieues, en 2006, tandis que l'académie étudiait l'état de la justice en France éclatait l'affaire du petit juge d'Outreau.
    M.Damien fit très justement remarquer que si les prévenus n'avaient pas été placés en détention préventive au début de l'affaire, les médias auraient crié au scandale, puisque c'est bien connu les enfants ne peuvent mentir; et le président de raconter une nouvelle d'Anatole France, Monsieur Thomas: du temps de la guerre entre école laïque et école religieuse, un instituteur fut accusé de maltraiter ses élèves en les faisant asseoir cul nu sur un poêle rouge. Tous les élèves, habilement questionnés, témoignèrent en ce sens, jusqu'à ce que l'instituteur démontre qu'il n'y avait pas de poêle dans sa classe. Il fut réintégré, mais tant chahuté qu'on dut le changer d'académie. Las, «Il fut envoyé dans un village où l'on parle un patois qu'il ne comprend pas. Il y est appelé Grille-Cul. C'est le seul terme français qu'on y sache.»

    Je ne peux rapporter le discours, car je n'ai pas pris de note. Dans l'ensemble, M.Damien se déclare plutôt satisfait du fonctionnement de la justice. Son discours se terminait par trois conclusions, je n'ai retenu que la deuxième, à l'intention des magistrats et élèves magistrats: «Lisez Anatole France, vous y apprendrez tout ce qu'il faut savoir sur la justice», et de citer Le crime de Sylvestre Bonnard, La rôtisserie de la reine Pédauque à propos de l'affaire du canal de Suez et L'Île des Pingouins à propos de l'affaire Dreyfus.

    Enfin, le président Damien est passionné de médailles et décorations et compte s'y consacrer dès qu'il ne remplira plus la charge de président (passion qui se nomme la phaléristique). Il a chaudement recommandé un livre de Pierre Rousseau, Ordres et décorations de l'empire chérifien au temps du protectorat français au Maroc 1912 - 1956.

    Lors de la remise des prix (il y en a pléthore, et c'est un ballet bien réglé: chaque récompensé se lève à l'appel de son nom et de son prix, l'assistance applaudit, puis une fois l'ensemble de la section appelée (philosophie, droit, histoire, etc), tous les récompensés d'une même section se lèvent et sont réapplaudis, collectivement cette fois, tandis que crépitent les flashes), j'ai été surprise d'appendre que nombre d'entre eux ont été créés ou sont créés par de riches veuves honorant ainsi la mémoire de leurs maris.

    Catherine Chalier a été récompensée. Cela me fait plaisir. Je suis contente de l'avoir vue. Dieu qu'elle a l'air austère.

    Eclats de soirée

    Je suis passée chez Florence Loewy chercher mon catalogue de la Déroute. La librairie était minuscule, pleine d'amis d'enfance et assimilés de Nicolas Simarik. Impossible d'acheter le catalogue et de s'éclipser, il faut passer devant l'auteur-photographe pour accéder à la caisse, il serait impoli de refuser la dédicace qu'il propose si gentiment. La queue de quatre ou cinq personnes avance lentement. Devant moi, un couple aux allures de hippies des années 2000 (très beau manteau militaire avec un dragon taïwanais rouge sang brodé dans le dos) paraît expliquer qu'ils sont de véritables photographes de La Redoute, qu'ils trouvent l'idée formidable, qu'ils sont venus voir… Il a un fort accent nordique, je ne suis pas sûre de bien comprendre. Dans l'étagère, tout en haut, parmi tous ces livres de peintres, sculpteurs, photographes inconnus (je considère deux ronds de serviette en bois "punk not dead" gravé sur bois de hêtre vernis, signés et numérotés, trente exemplaires), je repère une plaquette bilingue des poèmes de Garcia Lorca. Je feuillette, magnifiques poèmes que je ne connais pas. Et 45 euros. Pas ce soir. A côté, une bibliographie des œuvres de René Char signé Pierre-André Benoît. C'est ce que j'aime dans le fait de lire encore et encore : le monde se transforme en un vaste réseau d'amitiés et de signes, il y a un mois, je n'avais jamais entendu parler de Pierre-André Benoît… J'apprends que le catalogue de la Déroute a eu aujourd'hui trois pages dans Libé et je ris jaune. Derrière moi, un vieux monsieur interpelle Isabelle Tardiglio, la présidente de l'association toulousaine qui a participé au projet. Lui fait partie d'une association de Montrouge, "mon Montrouge", ai-je cru comprendre. Son objectif: lutter contre le maire qui fait disparaître les petites maisons historiques de ce vieux village pour bétonner encore et encore. Je pense fugitivement à Anna Politkovskaïa, aux vieux chassés de chez eux à coup d'incendies pour récupérer les terrains… Isabelle Tardiglio et cet homme échangent leurs adresses.
    Je feuillette le catalogue. Certaines photos paraissent sous-exposées, c'est dommage, mais globalement, c'est réellement un catalogue étonnant. Il se produit le même mouvement mystérieux que lorsqu'on lit ou regarde une histoire vraie: on est touché différemment que par la fiction. Quelque chose remue. Ce sont de "vrais" gens, il est possible de les rencontrer, ce ne sont pas des mannequins, les immeubles sont vrais, les décors sont vrais, le mobilier, les pelouses, les posters au mur… Toutes ces personnes paraissent si présentes, si vivantes, alors que cette impression n'a lieu que dans la tête, puisque rien ne sépare objectivement ces photos des fausses photos d'un vrai catalogue de La Redoute.
    Bizarre, bizarre.

    De la librairie au Auld Alliance Pub il n'y a que quelques rues, je vais prendre une Guinness. Le pub est envahi par une poignée d'Ecossais, dont un en kilt (le tartan ne me plaît pas, blanc et bleu, trop fade). Je lis les dix ou vingt dernières pages de Douloureuse Russie tandis que les Ecossais chantent une version anglaise de Elle descend de la montagne à cheval.
    Pour résumer, les forces démocratiques en Russie sont apathiques, les forces au pouvoir ne s'intéressent pas au peuple et de toute façon sont incapables de lui parler, par peur ou manque de simplicité, les citoyens ne réagissent que lorsqu'on tue leurs enfants ou qu'on touche à leur salaire, le pouvoir soutient l'extrême-droite (Poutine recevant officiellement un hooligan connu pour sa violence!) contre la jeunesse qui se radicalise en se rapprochant de la gauche extrême, la violence et la corruption du pouvoir sont telles qu'elles poussent une partie des populations musulmanes à prendre le maquis.
    Le livre dans son ensemble est terrible, il dresse des portraits d'hommes et de femmes en pleine détresse, analyse les derniers événements politiques, passe ainsi sans arrêt du plus particulier au plus général. Kasparov est sans doute un nom à retenir pour l'avenir (Je l'espère. Il fait partie des opposants à Poutine). D'autre part, je vais sans doute écrire en faveur de Khodorkovsky, car Politkovskaïa est (était) persuadée que c'est son désir de transparence à l'occidentale qui l'a conduit à sa perte. Je signale également ce blog.
    La violence décrite par Politkovskaïa est omniprésente. Violence, arbitraire et pauvreté. Je crois qu'il faut vraiment lire ce livre. En tuant Politkovskaïa, j'ai l'impression que Poutine et son gouvernement ont proclamé: «Vous pouvez la croire, tout ce qu'elle a écrit est vrai.» En rentrant en métro, j'apprends par-dessus l'épaule de mon voisin que l'"ex-espion russe" qui enquêtait sur la mort d'Anna Politkovskaïa est mort à Londres.

    J'ai commencé Mensonge romantique et vérité romanesque. Cela fait dix ans que j'aurais dû le lire (1995, exactement).

    Un mail m'attend. Un ami qui travaille dans l'administration se plaint : l'expression "avis de retard" (annonçant un retard dans un projet) a été remplacée par "demande de prolongation de délai non chiffrée". Pourquoi? me demande-t-il.
    Son mail commence ainsi : «Depuis quelques jours, je me demande pourquoi. Il s'agit d'un point mineur, mais je suis sûr que toi, tu peux me comprendre.»
    Cela me fait plaisir.

    On n'est pas des boeufs

    Michel Charasse sur France Info ce matin, commentant les visites du président de la République et des candidats à la présidence de la République au Congrès des maires qui se tient à Paris actuellement :
    Ils viennent ici comme ils vont aux comices agricoles; là-bas ils vont voir des vaches, ici ils viennent voir des maires; ça impressionne peut-être les vaches, mais ça n'impressionne pas les maires.

    Anniversaire

    Il y a deux ans, j'assistais à l'enterrement de Jacqueline.
    C'était une amie d'enfance, lorsque nous avions treize ans, elle était ma coéquipière en double scull. C'est sans doute la personne qui m'a le mieux connue dans tout ce que peut avoir d'effroyable ma hargne et ma mauvaise humeur. Je me souviens de son sourire, de ses phrases, de son égalité d'humeur, d'un extraordinaire coup de soleil après une régate dans le golfe du Morbihan, de ses cigarettes, de ses yeux lointains, de la voix de Jérôme au téléphone "elle m'a quitté", de son fils mal élevé, de son frère incontrôlable, de son amour pour Juan Rulfo et Pedro Paramo, bien avant qu'il ne soit réédité (c'est ainsi que je le connais). Elle était tailleur de pierres.

    J'ai appris sa mort un matin, juste avant de partir travailler. Le téléphone a sonné, H. a décroché, parlé, raccroché. Il est venu me voir :
    — Jacqueline est morte.
    Je l'ai regardé sans comprendre :
    — Impossible, je suis en train de lui écrire.

    Je me suis souvent demandée ce que j'avais voulu dire. Rien d'autre que "je suis en train de lui écrire", je suppose. J'avais commencé une carte pour son anniversaire, le 17 septembre. Deux mois plus tard elle n'était toujours pas terminée.
    Est-ce que je crois réellement que si j'avais envoyé cette carte, cela aurait changé quelque chose? (rupture d'anévrisme, imparable).

    J'ai été bouleversée. J'avais l'impression d'avoir perdu mon double, une sorte de preuve ou d'épreuve de moi-même. Je n'avais personne à qui en parler, les personnes les plus proches étant celles qu'il faut le plus protéger de nos accès de désespoir (les moins proches étant indifférentes, il ne reste donc personne (l'un des avantages des blogs, comme de l'auto-stop : pouvoir écrire sans que ce soit ni important, ni indifférent)).

    J'ai fait deux choses : j'ai acheté les séries disponibles de Six feet under dont j'avais entendues parler sur les blogs de Matoo et de Ron, et j'ai littéralement tagué le blog de Gvgvsse.

    Je savais que H. n'approuverait pas que je regarde Six feet under. Je n'ai jamais su s'il craignait réellement que je devienne folle ou si ce n'était pour lui qu'une façon de parler. Il est vrai que je le crains parfois moi-même, mais je suppose que cela arrive à tout le monde (ou bien non? Comment savoir?) J'ai donc regardé tous les épisodes (deux ou trois séries disponibles, à l'époque) en cachette, quand il n'était pas là. Cela me berçait. La première série surtout s'attache beaucoup à l'accueil des personnes qui viennent de perdre un être cher. Je me suis noyée dans les épisodes, je les ai regardés des nuits entières. Ce téléfilm est magique, à un ou deux personnages près, je m'identifie à tous : comment un scénariste a-t-il réussi cela? Quelle connaissance de l'âme humaine cela demande-t-il? Je reste sidérée par cet exploit.

    A Noël (2004), j'ai découvert le blog de Gv. Il (le blog) avait alors deux ans et demi. Pour des raisons inexplicables, tant sa forme que la part donnée à la nostalgie (il n'avait pas encore son métier d'agent secret, je crois, ou c'était juste le début (je ne vais pas vérifier)), au regret, à une certaine tristesse et à la bataille menée pour ne pas y céder, aux objets (le parquet, la salle de bain rose, le parapluie orange, les pattes de moustique, les docksides...), aux flambées d'allégresse, à la façon de parler de la mort, de la quête de l'amour, de la musique, une façon intime, "de l'intérieur", chaude, rassurante, je me suis profondément attachée à ce blog. Il n'y avait pas de "mouchard" (cette liste dans la marge qui dénonce les derniers commentaires), alors j'ai écrit tranquillement et intensivement. J'avais totalement oublié, ou négligé, qu'un blog est aussi un blogueur.
    Plus tard j'ai eu honte.
    J'ai encore honte.
    Heureusement Gv n'a jamais paru trop m'en vouloir.

    Et puis la douleur de la perte s'est estompée. Il ne reste que la sensation qu'une porte s'est fermée, que certains souvenirs sont désormais obsolètes, sans raison d'être. Il reste la sensation aiguë de l'irréversible et de l'urgence : faire ce qui nous passe par la tête même si ce n'est pas totalement raisonnable, même si cela "ne se fait pas", tant que c'est beau, bon ou joyeux : après tout quelle importance, nous sommes mortels.

    RER B, jour ordinaire

    « En raison d'un afflux de voyageurs, les deux prochains trains sont supprimés. »

    Le catalogue de LA DEROUTE

    Depuis que j'ai assisté au colloque "Plaisir, souffrance et sublimation", je suis régulièrement informée des vernissages, tables rondes et autres manifestations qui se tiennent à la librairie La Mauvaise Réputation à Bordeaux.

    Ce soir, le message suivant m'attendait dans ma boîte mail :
    Même nombre de pages, même format, même présentation graphique, à première vue, "La Déroute", catalogue pastiche réhabilitant les cités, ressemble à s'y méprendre à son "frère jumeau" de La Redoute, le leader français de la vente par correspondance. La ressemblance s'arrête là car ce "pavé" de 1236 pages et de près de deux kilos, réalisé par Simarik et par les 600 habitants du quartier réputé difficile d'Empalot à Toulouse, vise, loin de tout objectif commercial, une réhabilitation, par l'art, de l'image des cités. Le but de ce projet est "d'améliorer le regard que l'on porte sur les quartiers", explique Isabelle Tardiglio, directrice de l'association toulousaine "Entrez sans frapper", à l'origine de l?initiative, et qui avait déjà organisé en 2002 une exposition de portraits géants d'habitants d'Empalot sur les immeubles de la cité.

    "Les médias mettent l'accent sur les choses négatives dans les quartiers. On parle essentiellement des voitures brûlées, des violences. J'ai voulu rectifier cela avec un pavé d'images, mettre l'accent sur les choses positives. C'est une oeuvre d'art collective, un véritable projet artistique plein de subtilités, créateur de lien social, qui dresse un portrait des habitants d'Empalot, à la manière de La Redoute, et montre un quartier pouvant s'apparenter à beaucoup d'autres en France et dans le monde. J'ai transformé le quartier en un grand studio tout au long de l'année". Simarik précise qu'il a pris un total de 22.000 photos des quelques 600 habitants de la cité d'Empalot, posant dans leur cadre de vie habituel, à la manière des mannequins de La Redoute proposant des articles à la vente. Le traitement des images et la mise en page ont été effectués par des bénévoles et par les habitants eux-mêmes, après initiation aux logiciels informatiques. De même, le "détournement" des slogans habituellement utilisés par le catalogue de La Redoute, a vu le jour au sein d'ateliers d'écriture.

    "La Déroute n'est pas une critique de La Redoute, mais de la société actuelle", souligne Nicolas Simarik, qui ne cache pas que ce pastiche n'a guère été du goût de la société de vente à distance. "Au début, La Redoute était très intéressée par notre projet, qu'elle pensait peut-être pouvoir le récupérer. Elle nous a envoyé vingt exemplaires de son catalogue de juin 2005, qu'on a épluché, décortiqué pendant un mois. Et puis, on s'est rendu compte qu'elle n'acceptait pas ce décalage humoristique."
    Les 650 habitants de la cité Empalot, co-auteurs du catalogue, qui a été tiré à 6.000 exemplaires et mis en vente dans les librairies au petit prix de 14 euros, sont venus nombreux à la fête organisée pour la sortie de La Déroute, dont ils ont reçu chacun un exemplaire gratuit.

    Nicolas Simarik sera présent à la Mauvaise Réputation le vendredi 17 novembre à 18h pour une présentation exceptionnelle du très étonnant et très réussi catalogue « La Déroute ».




    Plus je regarde les photos, plus les visages me plaisent.
    Finalement, on n'est pas si loin de Kaurismäki.

    PS : Simarik sera chez Florence Loewy 9 rue de Thorigny à Paris le 24 novembre à 18h30.

    Les Lumières du faubourg

    J'aime Aki Kaurismäki. Moi qui ne prends plus la peine d'aller au cinéma, je m'efforce de ne pas rater la sortie de ses films. Je suis donc allée voir Les Lumières du faubourg il y a dix jours.
    J'attendais tranquillement ce qui allait s'en dire sur les quelques blogs que je lis. C'est simple : rien.
    Alors je vais essayer.

    Le plus grand problème que je rencontre quand j'essaie de penser à ce film pour mettre mes quelques idées en ordre, c'est que je n'arrive pas à y penser de façon isolée : je n'arrive à penser aux Lumières du faubourg que par rapport à deux autres films, La fille aux allumettes, du même Kaurismaki, et Dancer in the Dark, de Lars von Trier.
    Cela m'a gêné pendant le visionnage du film, cela me gêne encore : on dirait que ce film, au moins dans ma tête, n'a pas d'existence propre, il est la version masculine de La fille aux allumettes. J'ai l'impression d'un tryptique : à la question "Est-il possible d'être sauvé ? " (ou : "l'amour peut-il nous sauver?"), La fille aux allumettes répond non, L'Homme sans passé répond oui, les Lumières du faubourg répond peut-être.
    Mon malaise, ou ma légère déception, provient sans doute de ce fait tout simple : il est difficile de s'entendre répondre "peut-être" quand la réponse précédente était "oui"…

    Quant au film lui-même, il me semble que c'est un Dancer in the Dark réussi: même noirceur, même exploitation du faible par le fort, même impossibilité, purement morale de la part du faible (qui trouve là sa grandeur) de se justifier, même condamnation sociale… Mais Kaurismäki, à la différence de von Trier, n'en rajoute pas, il fait ni dans le baroque ni dans le drame et tend strictement vers l'inverse, vers le moins d'effets : comment pourrais-je en montrer moins encore? s'interroge la caméra, les acteurs pourraient-ils parler moins, bouger moins, qu'est-ce qui est vraiment indispensable? s'interroge le réalisateur.

    Les images et les histoires de Kaurismäki obéissent toujours à une logique implacable. Chaque image parvient à être une totale surprise et une totale évidence : si les histoires extrêmement épurées de Kaurismäki, à la limite de la caricature, demeurent si expressives et si plausibles, c'est qu'elles obéissent impeccablement à des lois d'enchaînement de causes à conséquences que nous connaissons parfaitement, de même que nous savons que nous ne voulons pas reconnaître que nous les connaissons (et que nous allons aussi au cinéma dans l'espoir que cela se passera différemment à l'écran que dans "la vraie vie" (et de temps en temps, oui, il y a un miracle, comme dans L'Homme sans passé (mais cela peut arriver aussi dans "la vraie vie") et d'autres fois, non, il n'y a pas de miracle, un prêt bancaire sans caution ne sera pas accepté, non, ce n'est pas gratuitement qu'une jolie petite blonde drague un minable, oui, le minable se fera casser la figure s'il cherche noise à trois gros musclés, etc), et tout le poignant des Lumières du faubourg, c'est que nous savons à l'avance tout ce qui va se passer, inéluctablement, et que nous passons le film à espérer que nous nous trompons.

    Lorsque je pense à ce film, je pense au mot "politique" (c'était déjà le cas pour L'Homme sans passé), dans le sens fort et noble du terme — et c'est pour moi un émerveillement, il n'arrive pas souvent que j'associe noblesse et politique. Nous assistons à une démonstration qui dénonce autant les travers insupportables d'une société qu'elle illustre avec douceur et fatalisme les illusions, les forces et les faiblesses de la gent humaine.
    Lorsque je pense à ce film, je me dis que Kaurismäki raconte aujourd'hui ce que racontaient Hugo ou Zola ou Eugène Sue il y a plus d'un siècle à leurs contemporains, il réactualise la critique sociale à travers l'œuvre d'art, sans mièvrerie, avec tendresse et dureté.


    Il faut que je retourne voir ce film pour essayer de comprendre un détail : par quel miracle, quelle image, quelle expression, savons-nous (le spectateur sait-il) de façon certaine au bout de trois secondes que la vendeuse de saucisses est amoureuse du héros? Comment Kaurismäki nous le fait-il comprendre? Pourquoi cela m'a-t-il paru si évident?

    Vingt-six titres pour une année

    J'aime les jeux, les listes, les livres. Difficile dès lors de résister à une telle proposition (via Gilles Jobin, même si je sais qu'elle est suicidaire, car je vais bourrer (j'ai bourré) ma liste de tout ce que je ne prends jamais le temps de lire parce que c'est long ou compliqué (tout ne peut pas se lire par tranche de vingt minutes (je me rappelle à dix-sept ans avoir commencé La Critique de la Raison pure dans le RER, en me disant qu'il n'y avait pas de raison… C'était un Folio, je n'ai jamais dépassé la moitié de la deuxième page)) et que je ne tiendrai pas la distance.
    D'un autre côté, je n'aime pas perdre un pari.

    Le plus difficile à trouver ont été les lettres U et I (je n'en aurai plus pour 2008, à moins de retenir Uderzo malicieusement suggéré par C.), en revanche j'ai des A, B, K, M, en pagaille.
    Tout provient de ma bibliothèque, sauf Don Quichotte et La Naissance de la tragédie. Ceux qui attendent depuis le plus longtemps sont sans doute les Updike et Inoué (1987?).
    Le but de tout cela est de diminuer la "PAL", acronyme pour "pile à lire": cela m'amuse, donner un nom au phénomène des livres en retard, c'est l'institutionaliser.
    • Ian Rankin, Hide and Seek 13/01/2007
    • Sergueï Eisenstein, MLB, plongée dans le sein maternel 29/01/2007
    • Emmanuel Lévinas, Quatre lectures talmuldiques 06/07/2007
    • Witold Grombrowicz, Cours de philosophie en six heures et quart 08/08/2007
    • Virginia Woolf, Promenade au phare 20/08/2007
    • Qiu Xialong, Mort d'une héroïne rouge 22/08/2007
    • Yasushi Inoué, Le fusil de chasse 19/10/2007
    • * Eric Auerbach, Mimésis
    • * Yves Bonnefoy, Rome 1630
    • * Cervantès, Don Quichotte
    • * Dante, La Divine Comédie
    • * Finkielkraut-Sloterdjik, Les battements du monde
    • * Pierre Hadot, Wittgenstein et les limites du langage
    • * Henry James, Portrait of a Lady
    • * Reinhart Kosellek, Le Futur passé
    • * Stéphane Mallarmé
    • * Friedrich Nietzsche, Naissance de la tragédie
    • * Claude Orrieux, Histoire grecque
    • * Guy Petitdemange, Philosophes et philosophies du XXe siècle
    • * Pascal Quignard, La nuit et le silence
    • * Alain Steinsaltz, La Rose aux treize pétales
    • * Albert Thibaudet, La Poésie de Stéphane Mallarmé
    • * John Updike, The Centaur
    • * Vicomte de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations
    • * Frances A. Yates, L'Art de la mémoire
    • * Stéphane Zaganski, L'Impureté de Dieu
    Mon entourage me fait remarquer fort désagréablement que c'est une façon stupide de choisir ses livres.
    Dans l'absolu, c'est vrai, il serait ridicule de ne choisir un auteur qu'à cause de son initiale.
    Mais si l'on considère que ces livres sont dans ma bilbliothèque depuis quelques jours ou quelques années, et donc destinés à être lus, la contrainte imposée par le "challenge 2007" n'est qu'une façon de s'obliger à faire un choix, et c'est ce qu'il me faut : il m'arrive si souvent de ne pas savoir quoi lire en regardant ma bibliothèque.
    Oserai-je avouer que je me sens soulagée à l'idée de choisir parmi vingt-six (puisque l'ordre de lecture n'est pas imposé) plutôt que parmi tout ce qui traîne chez moi?


    Note pour mémoire
    C'est l'anniversaire de la chute du mur de Berlin. J'y pense toujours avec beaucoup d'émotion.
    9/11, 11/9, deux dates qui ont changé le monde, comme le fait remarquer Thomas Friedman.

    Regarder Adieu poulet

    pour
    • Lino Ventura, Patrick Dewaere, Victor Lanoux
    • Dewaere allumant sa cigarette dans la voiture de son collègue ayant arrêté de fumer
    • le même collègue sur une civière demandant une cigarette
    • les voitures des années 70
    • le père qui dit son fait au politicien par mégaphone et commissaire interposés
    • le politicien faisant campagne dans l'hospice de vieillards (et l'accent de la nonne)
    • les vingt ans de Valérie Mairesse
    • — Et si j'ai envie de rêver, moi? […] — Vous allez en prendre plein la gueule! — Oui. — Ils vont vous écrabouiller. — Oui, mais j'vais marrer un bon coup, mon p'tit camarade, et à mon âge, y faut pas rater ça.
    • les grues merveilleuses au-dessus de la Seine
    • «Gâche pas mon plaisir, mon p'tit camarade, laisse-toi aller… Essaie d'en prendre un p'tit peu, toi aussi.»
    • la partie de billard à trois bandes avec le juge
    • Lino Ventura : «Il faudra que je vous raconte un jour tout ce que j'ai dû inventer pour faire correctement mon boulot de flic.»
    • la scène de la fin
    • les mots de la fin

    Observatrice

    Lundi, la patronne du bistrot où je bois un grand café au lait :
    — Tiens, vous avez changé de livre.

    Les statistiques

    L'une des raisons pour laquelle je n'ai fait aucune publicité à ce blog à ses débuts, c'est que je voulais faire une expérience grandeur nature: comment l'information se diffuse-t-elle?

    Il a fallu environ cinq jours pour que Google me repère; ce n'est qu'ensuite que j'ai donné l'adresse aux parrains du blog (qui en ont assuré la promotion à eux tous seuls, à mon grand effarement (comme quoi le plus important, c'est la qualité des annonceurs)) et à deux ou trois camusiens. Depuis, il faut environ deux à trois jours pour qu'un billet soit indexé, ce qui n'est pas mal du tout pour un blog comme le mien, c'est-à-dire un blog vers lequel pointe très peu de liens. Google m'impressionne. Exalead.com met à jour ses index sous huitaine (ne pas généraliser, il s'agit de mon blog, un site sans grand trafic).
    Comme outil de statistiques, je dispose par défaut des analyses de "webalizer" fournies par free. Mes statistiques sont mises à jour tous les cinq jours; de temps en temps la cadence passe à trois jours, sans que je sache pourquoi.

    Depuis le début, j'ai entre 70 et 75% de visites d'origine française, et 17 à 20% de visites américaines : est-ce mécanique, partage ordinaire qui reflète le nombre des internautes américains croisé à l'utilisation de la langue française, est-ce beaucoup, peu, est-ce lié au fait que je parle de Renaud Camus (et je me dis qu'il faut que j'écrive de temps en temps son nom en entier plutôt qu'utiliser "RC")?

    Ce qui m'intrigue particulièrement, c'est la montée chinoise depuis un mois : j'ai eu jusqu'à 7 % de visiteurs chinois début octobre, je stagne maintenant autour de 2%, mais tout de même : qui sont-ils, et pourquoi ? (Jules, y es-tu pour quelque chose?) Sont-ce des Chinois chinois, ou des Français en Chine, ou des francophones en Chine, ou des Chinois francophones?
    Et pourquoi n'y a-t-il pas d'Indiens? Ils sont aussi nombreux que les Chinois, pourtant.

    Pour le reste, c'est assez classique, prédominance de la sphère francophone, Suisse, Belgique, Canada, un peu d'Afrique,…
    Apparemment, si je ne fais pas de contresens, un peu plus d'un accès sur trois à mon blog se fait via Google, ce qui me fait plaisir : deux personnes sur trois ne viennent pas ici par hasard… Les recherches Google (ou autres) sont très sages (naturellement, je ne suis pas celle que vous croyez). Webalyser ne donne que le "Top 20" des groupes de mots clé ayant permis d'accéder au blog, les questions bougent très peu d'une fois à l'autre. Je ne sais comment interpréter cet immobilisme : est-ce que cela veut dire que ce sont toujours les mêmes questions qui sont posées?
    J'aimerais bien connaître les questions par pays d'origine : qu'est-ce qui intéresse qui? Et j'aimerais bien savoir quel est le billet (quels sont les billets) qu'on a fait passer à la moulinette traductrice de Google : de quoi avait-on à ce point besoin qu'on ait pris la peine de mal le traduire?

    Et je rêve devant le camembert coloré des pays, en me demandant qui, et pourquoi D'où venez-vous, que venez-vous chercher ici, le trouvez-vous?

    Une tête de circonstance

    Jeudi soir, RER. Ils montent au dernier moment, il n'y a plus de place, ils restent debout. Ils sont jeunes, quinze ou seize ans, et joyeux. Elle est petite, vive, souriante, les dents blanches, les cheveux et les yeux très noirs, il est café au lait, le visage tavelé, intimidé, visiblement heureux d'être là avec elle qui est jolie et parle tout le temps.
    Je n'écoute pas mais j'entends, comme tous les voyageurs sur la plateforme. Peu à peu nous écouterons, nous sourirons.

    — … une vraie geule d'enterrement !
    — … (sourire interrogateur et embarrassé de qui ne comprend pas)
    — Tu ne sais pas ce que c'est qu'une gueule d'enterrement ?
    — Non, dit-il dans un souffle, sans perdre le sourire qui ne le quitte pas, mais gêné de son ignorance.
    — Mais c'est facile à comprendre, quand même!
    — …
    — Quelle tête tu ferais à un enterrement ?
    — …
    Il secoue la tête, souriant, non vraiment, il ne sait pas. J'ai dans l'idée qu'elle l'éblouit trop pour qu'il réfléchisse. La plateforme sourit, nous pensons tous la même chose.
    Elle éclate de rire :
    (Incrédule) Tu ferais cette tête-là à un enterrement? (Moqueuse et définitive) Eh bien, je ne t'inviterai pas à mon enterrement !

    La cuillère

    I unlocked the medecine chest in the second bathroom, and out fluttered a message advising me that the slit for discarded safety blades was too full for use. I opened the icebox, and it warned me with a bark that 'no national specialities with odors hard to rid of' should be placed therein. I pulled out the middle drawer of the desk in the study ? and discoverd a catalogue raisonné of its meager contents which included an assortment of ashtrays, a damask paperknife (described as 'one ancient dagger brought by Mrs Goldsworth's father from the Orient'), and an old but unused pocket diary optimistically maturing there until its calendric correspondencies came round again. Among various detailed notices affixed to a special board in the pantry, such as plumbing instructions, dissertations on electricity, discourses on cactuses and so forth, I found the diet of the black cat that came with the house :
    Mon, Wed, Fri : Liver
    Tue,Thu,Sat: Fish
    Sun: Ground meat
    (All it got from me was milk and sardines; it was a likeable little creature but after a while its movements began to grate on my nerves and I farmed it out to Mrs Finley, the cleaning woman.) But perhaps the funniest note concemed the manipulations of the window curtains which had to be drawn in different ways at different hours to prevent the sun from getting at the upholstery. A description of the position of the sun, daily and seasonal, was given for the several windows, and if I had heeded all this I would have been kept as busy as a participant in a regatta. A footnote, however, generously suggested that instead of manning the curtains, I might prefer to stift and reshift out of sun range the more precious pieces of furniture (two embroidered armchairs and a heavy 'royal console') but should do it carefully lest I scratch the wall moldings. I cannot, alas, reproduce the meticulous schedule of these transposals but seem to recall that I was supposed to castle the long way before going to bed and the short way first thing in the morning. My dear Shade roared with laughter when I led him on a tour of inspection and had him find some of those bunny eggs for himself.

    Vladimir Nabokov, Pale Fire, commentaire des v.47-48


    Ce fut Aureliano qui conçut la formule grâce à laquelle ils allaient se défendre pendant des mois contre les pertes de mémoire. Il la découvrit par hasard. Expert en insomnie puisqu'il avait été l'un des premiers atteints, il avait appris à la perfection l'art de l'orfèvrerie. Un jour en cherchant la petite enclume qui lui servait à laminer les métaux, il ne se souvint plus de son nom. Son père le lui dit : «C'est un tas.» Aureliano écrivit le nom sur un morceau de papier qu'il colla à la base de la petite enclume : tas. Ainsi fut-il sûr de ne pas l'oublier à l'avenir. Il ne lui vint pas à l'idée que ce fût là un premier symptôme d'amnésie, parce que l'objet en question avait un nom facile à oublier. Pourtant, quelques jours plus tard, il s'aperçut qu'il éprouvait de la difficulté à se rappeler presque tous les objets du laboratoire. Alors il nota sur chacun d'eux leur nom respectif, de sorte qu'il lui suffirait de lire l'inscription pour pouvoir les identifier. Quand son père lui fit part de son inquiétude parce qu'il avait oublié jusqu'aux événements les plus marquants de son enfance, Aureliano lui expliqua sa méthode et José Arcadio Buendia la mit en pratique dans toute la maisonnée, et l'imposa plus tard à l'ensemble du village. Avec un badigeon trempé dans l'encre, il marqua chaque chose à son nom : table, chaise, horloge, porte, mur, lit, casserole. Il se rendit dans l'enclos et marqua les animaux comme les plantes : vache, bouc, cochon, poule, manioc, malanga, bananier. Peu à peu, étudiant les infinies ressources de l'oubli, il se rendit compte que le jour pourrait bien arriver où l'on reconnaîtrait chaque chose grâce à son inscription, mais où l'on ne se souviendrait plus de son usage. Il se fit alors plus explicite. L'écriteau qu'il suspendit au garrot de la vache fut un modèle de la manière dont les gens de Macondo entendaient lutter contre l'oubli : Voici la vache, il faut la traire tous les matins pour qu'elle produise du lait et le lait, il faut le faire bouillir pour le mélanger avec du café et obtenir du café au lait. Ainsi continuèrent-ils à vivre dans une réalité fuyante, momentanément retenue captive par les mots, mais qui ne manquerait pas de leur échapper sans retour dès qu'ils oublieraient le sens même de l'écriture.

    Gabriel Garcia Marquez, Cent ans de solitude, p.56 éd Points Seuil
    Peu avant sa mort, ma grand-mère commença à distribuer ses biens, à répartir ses meubles et ses objets entre ses enfants et ses petits-enfants.
    Un jour, elle me tendit une cuillère à soupe, longue, pointue, profonde, lourde et noircie, ce qui me fait penser qu'elle doit être en argent, même si ce qu'elle me dit alors rend cette supposition improbable :
    — C'est le plus vieil objet de la maison. Elle appartenait au père de pépé, il a fait la campagne de Russie avec.

    Je ne me souviens plus : a-t-elle parlé du père de mon grand-père ("le père de pépé") ou du grand-père de mon grand-père? Et qu'est-ce que la campagne de Russie? Cela avait forcément un autre sens pour elle, polonaise née en 1913, que pour moi. Je n'ai pas osé lui poser la question, l'instant était trop émouvant et elle m'avait prise par surprise.
    Je regarde la cuillère. J'aimerais qu'elle sache parler, qu'elle me dise où elle est allée, dans quelles conditions, ce qu'elle a connu avec mon arrière-grand-père ou mon arrière-arrière-grand-père.
    Je me dis qu'il n'y a que moi qui sache ce qu'elle est. Si je me fais écraser demain, si le ciel me tombe sur la tête, personne ne saura ce qu'est cette cuillère (et moi, je le sais déjà si peu). Parfois je songe qu'il faudrait que je rédige une petite notice, que je l'attache à la cuillère. Mais alors il faudrait en attacher à tant de choses, à tant d'objets usés, abîmés, sans importance, conservés parce qu'ils ont une histoire qui représente un poids de souvenirs, mes souvenirs.
    Et je songe "à quoi bon", que valent des souvenirs transmis ainsi, artificiellement, sans une inscription (une ré-inscription, une nouvelle inscription) dans les souvenirs de la ou les générations suivantes? A quoi bon transformer la maison en musée, puisque tout est destiné à disparaître dans l'oubli, et que si tout ne disparaissait pas ainsi, nous serions bientôt noyés dans les souvenirs des autres, sans rien qui nous appartienne en propre?
    Et je reste inquiète, à me demander ce que deviendront tous ces objets aimés quand il n'y aura plus personne pour les aimer.

    Noumène

    Lorsque comme jeudi, un inconnu qui m'est présenté me dit : «Je sais qui vous êtes», j'ai envie de lui répondre : «Vous en savez plus que moi, et cela m'intéresse : qui suis-je?» (mais je m'abstiens).

    Salle d'attente

    J'ai appris ce matin que Catherine Deneuve n'avait accepté qu'une décoration, la médaille du mérite agricole, «en hommage à mon jardin», précise-t-elle.

    «Ne regardez pas mes mains, j'ai jardiné tout le week-end! A-t-on idée d'organiser une soirée le dimanche soir! Je n'ai pas sorti mes mains de mes poches, avec tous ces photographes, on ne sait jamais. J'ai passé deux heures sans boire ni fumer.»

    citation de mémoire, in Paris-Match du 15 août 2006

    Hier

    Longue journée hier : tout d'abord visite privilégiée avec guide individuel de la cathédrale de Chartres, visite malheureusement écourtée par l'action conjointe d'un suicide le matin et d'une Anglaise qui n'avait pas imaginé que son restaurant pût accueillir tant de clients le midi (la dernière cliente négociant âprement une assiette de soupe); redécouverte des longues robes romanes et des visages si doux, de la rosace et de l'obscurité particulière de cette cathédrale (je n'y étais pas venue depuis vingt ans, je pense). Commentaire suivi des vitraux et des statues, et comme toujours cette conviction qu'il serait bien temps que je relise la Bible.

    Dormi profondément dans le train, remis une religieuse dans le droit chemin à la gare Montparnasse, mangé deux gâteaux au gingembre, arrivée vers sept heures à la galerie.

    Je n'ai pas l'habitude de ce genre de manifestations, et pour tout dire, je les crains : je redoute le snobisme, le parisianisme (forme particulière de snobisme qui s'exprime surtout par des exclamations bruyantes de femmes, la particularité parisienne étant à mes oreilles le ton, l'accent, un côté poissonnière précieuse), les gens impolis qui se précipitent sur les cacahuètes et le kir, tout ce petit monde venu pour tout sauf pour les tableaux.
    Donc j'y allais craintivement.

    J'ai été enchantée. L'accrochage est très réussi, il y a une grande harmonie entre les proportions de la salle et celles des tableaux (ce n'est pas si simple, les tableaux étant souvent grands et la salle plutôt moyenne), l'alternance des tableaux sombres et clairs maintient la curiosité en éveil, et la salle (avant d'être pleine de monde) est suffisamment spacieuse pour permettre de prendre du recul devant les œuvres.
    Les tableaux sont très bien choisis, très représentatifs. J'ai retrouvé les volcans sur un mur, impression de croiser de vieux amis, un peu triste de me dire que s'ils sont vendus, je ne les verrai plus.
    Il n'y avait ni cacahuète ni kir ni grandes exclamations, les gens sont venus nombreux mais calmes, tranquilles, heureux d'être là. C'était bien.

    Plus tard, chez Jean-Paul Marcheschi, le besoin de m'assoir m'a rapprochée d'une petite blonde qui s'est avérée être la responsable de la galerie. Nous avons parlé un peu d'art (enfin, surtout elle, il valait mieux!), elle me disait être effrayée par la façon dont la France, les Français, vivaient totalement repliés sur eux-mêmes en matière de peinture et n'avaient aucune idée de ce qui se faisait à l'étranger. Elle me parla avec admiration des Allemands, de leur culture artistique, de leur façon d'aller spontanément vers les tableaux «les plus durs, les plus forts».
    Elle connaissait Jean-Paul Marcheschi depuis les années 1990, quand il exposait à la Fiac.
    Je lui ai demandé si elle savait qui était la minuscule vieille dame entourée d'attentions assise au milieu de la pièce.
    — Eh bien, vous savez peut-être que Jean-Paul a vécu longtemps avec un garçon qui est mort. C'est sa mère…
    Je l'interrompis :
    — Vous voulez dire que c'est la mère d'Oyosson?
    — Euh oui, sans doute… Vous connaissez? La mère d'Oyosson… J'ai senti les larmes qui montaient, assise sur le canapé, à côté de cette inconnue à qui j'aurais bien été en peine d'expliquer mon émotion.
    — Excusez-moi, je suis très émue… c'est très étrange, les livres, c'est comme si les personnes sortaient des pages… (Je me suis enfoncée dans une explication compliquée qui avait l'avantage d'éloigner l'émotionnel et nous avons changé de sujet.)

    Equilibrisme

    Hier, j'ai acheté des chaussures avec des talons de neuf centimètres.

    IRL (in real life)

    Hier, pour la première fois, j'ai appris qu'une amie de "la sphère réelle" (non internautique) avait découvert mon blog. Ça m'a fait un choc.
    Je n'ai parlé de ce blog à personne, personne autour de moi, exceptés deux proches que mes élucubrations n'intéressent pas, n'en connaît l'existence, comme personne ne savait que j'écrivais sur la SLRC (du moins à ma connaissance, parce qu'après tout…)
    Parfois je songe à un ou deux amis à qui je pourrais donner l'adresse, et puis je ne le fais pas, car ce serait irréversible.
    De même, personne parmi les gens que je connais "IRL" ne savent que RC m'a dédicacé un livre, je ne l'ai dit à personne (le plus exact serait sans doute de dire : je n'ai prévenu personne, les camusiens et quelques blogueurs l'ont découvert d'eux-mêmes, mon entourage n'étant ni camusien ni blogueur ne le sait donc pas.)
    Tout cela forme un mélange complexe de tristesse, de rancœur, de mesure désabusée de solitude, de besoin de secret, que je n'ai pas envie d'explorer.


    précision le 14 décembre 2009
    C'était du temps où ce blog ne faisait qu'un avec Vehesse…

    Boire de la Guinness à Paris

    Je n'arrive pas à trouver un site qui récapitule les bars qui servent de la Guinness à Paris.

    Je vais commencer une liste, toute petite, que j'enrichirai.
    1e arrondissement
    Quigley's Point, 5 rue du Jour - 01 45 08 17 04 A disparu en 2018.
    Un endroit pour une paix royale (je ne parle pas de silence, mais de serveurs absolument non-envahissants). Pratique pour donner des rendez-vous près des Halles (à condition d'aimer la Guinness): c'est juste en face de l'entrée de St-Eustache. Permet de grignoter, pas de prendre un vrai repas.

    Carpe diem, 21 rue des Halles - 01 42 21 02 01 Toujours un très bon restaurant mais ne sert plus de Guinness depuis des années (2010?).
    bar et restaurant
    à essayer : le camembert au sirop d'érable. De façon générale, bonne cuisine. Musique souvent trop forte. Jeux d'échec.

    Carr's, 1 rue du Mont Thabor - 01 42 60 60 26
    bar et restaurant
    Une déception. C'était autrefois un endroit irlandais "typique", avec feu de bois dans la cheminée l'hiver. Il est désormais tenu par un asiatique (marié à une Irlandaise? je n'ai pas très bien compris) Ils sont très gentils, mais la carte y a perdu, et le charme aussi.

    Hall's Beer, 68 rue Saint-Denis, 75001 Paris - 01 42 36 92 72
    bar et restaurant
    Honnête.

    2e arrondissement
    Kitty O'Shea's, 10 rue des Capucines - 01 40 15 08 08
    brasserie restaurant
    fabriquait autrefois un excellent pain, malheureusement abandonné. Cuisine en baisse.

    4e arrondissement
    The Auld Alliance Pub, 80 rue François Miron - 01 48 04 30 40
    pub écossais fermé le midi en semaine. Les murs racontent l'histoire de l'alliance franco-écossaise depuis plusieurs siècles (je ne me souviens plus des dates…)
    Mon deuxième préféré.

    5e arrondissement
    La Taverne de Cluny, 51 rue de la Harpe - 01 43 54 28 88
    étonnant de trouver un bar d'habitués à deux pas de la folie touristique.

    Connolly's Corner, 12 rue Mirbel - 01 43 36 55 40
    Petit, décoration à base de cravates et de tonneaux, balades irlandaises.

    8e arrondissement
    Le Bugsy's, 15 rue Montalivet - 01 42 68 18 44
    bar et restaurant
    à essayer : les beignets de brie. Photos des années 30 (prohibition), géniale photo dans les toilettes des femmes (un homme en costume et cravate sur la plage vérifiant avec un double centimètre la conformité de la distance entre le bas du maillot de bain et le genou dénudé d'une baigneuse).
    Celui que je fréquente le plus régulièrement actuellement.

    Le Week End, 3 rue Washington - 01 45 63 45 49
    bar et restaurant
    à trente mètres des Champs-Elysées, une ambiance de café de quartier le matin, une cuisine simple et soignée. Chaudement recommandé pour déjeuner simplement quand on est sur les Champs.

    9e arrondissement
    Au General La Fayette, 52 rue La Fayette - 01 47 70 59 08
    brasserie

    Molly Malone Lounge Bar, 21 rue Godot de Mauroy - 01 47 42 07 77
    bar café
    tout petit, une façade de bar à putes (d'ailleurs il y en a encore quelques unes dans la rue). Idéal pour rendez-vous discret.

    13e arrondissement
    Le Bistrot Irlandais, 15 rue de la Santé - 01 47 07 07 45 N'existe plus depuis 2012, 2014?
    restaurant
    excellent restaurant, et patrons adorables (au début de leur installation, ne prenant pas la carte bleue, ils vous donnaient une enveloppe pour leur envoyer un chèque quand vous n'aviez pas d'autre moyen de paiement).

    17e arrondissement
    The James Joyce Pub, 71 Boulevard Gouvion-Saint-Cyr - 01 44 09 70 32


    Boire de la Guinness en banlieue
    Neuilly
    St John 's Pub, 188, avenue Charles de Gaulles à Neuilly/Seine - 01 46 24 59 90
    Un intérieur comme je les aime, sombre avec du parquet et des maillots de rugby. Ompniprésence d'écrans de télévision tous branchés sur la même chaîne de sport. Cuisine irlandaise.


    Boire de la Guinness en province
    Loire Atlantique
    Café Le Transat, 7 rue Keroman à Piriac-sur-Mer (44420) - 02 40 23 62 10

    Une valeur sûre

    — Le meilleur ami de la femme, eh bien, j'vais vous dire, moi, c'est Picard ! D' toute façon maintenant y sont divorcés au bout de six mois, mais vingt ans après, Picard il est toujours là !

    (François du Saint Pourçain, rue Servandoni)

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    Agenda
    Ne manquez pas cette info.

    PS : Ce soir un immortel m'a fait la bise, vous croyez que c'est contagieux ?

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    quelques explications ajoutées le 20 septembre 2016.
    Ce soir-là, Paul et moi avons pris un verre avec René de Obaldia, qui était un élève du beau-père de Paul.
    Paul se souvenait les avoir vus tous les deux dans le salon de son beau-père, et des virées à Chartres (il était également question de Jacques Laurent, mais je ne me souviens plus de l'embranchement vers cette histoire-là.)

    Les traditions se perdent

    — C'est un volcan que tu es censé faire dans ta purée, pas une tête de mort !
    […]
    — Un peu de sauce dans tes orbites ?

    Souvenir de l'exposition coloniale de 1931

    Paul est au milieu (dix ans).




    Dites-moi que ce n'est pas vrai

    Il me semble — j'espère me tromper — qu'un nouveau seuil a été franchi dans l'incivilisation, dans l'inculture militante, dans l'imbécillité triomphante. Le Loft des années récentes a fait beaucoup de petits, qui par comparaison lui donnent à peu près l'allure d'une séance du jeudi à l'Académie française. En ce début d'été tout est Loft et sous-Loft, sur le petit écran. Ce qui me frappe c'est que l'état de délabrement, qui paraît avoir atteint son échelon ultime (mais on ne sait jamais), n'est pas seulement intellectuel, il est aussi moral : l'un ayant toujours impliqué l'autre, bien entendu; mais il me semble que jusqu'à présent ce n'était pas évident à ce point-là.

    Renaud Camus, ''Rannoch Moor (journal 2003)'', p.346
    Dans cette remarque camusienne, l'immoralité vient en dernier lieu, ce qui ne laisse pas de me surprendre.
    En effet, il m'a toujours semblé qu'elle était le ressort quasi unique de ces jeux et concours (le Loft, Greg le millionnaire, Koh-Lanta, l'île de la tentation, la ferme des célébrités, Star académie, le maillon faible, qu'est-ce que j'oublie?) C'est l'immoralité de ces jeux et mises en scène divers qui m'a choquée dès le début. Ce n'est pas la bêtise ou l'inculture ou la vulgarité des candidats que je trouvais (que je trouve) navrantes, puisqu'aussi bien ils étaient choisis précisément selon ces critères, c'est que des personnes plus intelligentes qu'eux (mais pas nécessairement moins vulgaires), les organisateurs, les producteurs, aient pu inventer des jeux aussi imbéciles ou dégradants, aient pu délibérément humilier, avec leur consentement —et qu'ils aient eu un trop petit Q.I. pour se sentir humiliés rend-elle la chose plus ou moins cruelle?—, des jeunes gens ou des adultes pas bien malins, prêts à tout pour un quart d'heure de gloire ou quelques milliers d'euros, et faire rire d'eux ou s'identifier à eux ou faire rêver d'être à leur place (quel est le pire?) des milliers de téléspectateurs.

    A-t-on jamais réfléchi par exemple au mécanisme très particulier du "maillon faible", où il importe d'éliminer non seulement les mauvais, les boulets, mais aussi, de façon plus subtile, les bons, les meilleurs que soi? Il s'agit de rester entre médiocres, dans une médiocrité juste assez brillante pour flairer le danger que représentent les candidats meilleurs que soi, dans une médiocrité moyenne entre médiocres moyens. L'immoralité, ici, vient du fait que l'excellence n'est ni reconnue, ni récompensée, ni désirable. Elle devient une tare. L'immoralité du "maillon faible", à mes yeux le plus immoral de tous ces jeux, est qu'elle habitue les téléspectateurs à considérer la supériorité intellectuelle, culturelle ou morale comme un danger: nous allons perdre si nous laissons des gens avec davantage de connaissances et de compétences vivre parmi nous.

    Je songeais à tout cela en regardant grâce à par la faute de Tlön Ségolène Royal se déclarer candidate à la présidence de la République.
    Je ne l'avais jamais vue à la télévision, jamais entendue, avant dimanche; je ne connaissais d'elle que des photos, des phrases, et les commentaires goguenards qu'elle suscite régulièrement. Sans bien comprendre l'engouement dont elle est l'objet depuis le printemps, j'imaginais qu'elle avait une voix, une présence, un certain charisme, quelque chose d'inexplicable qui aurait expliqué pourquoi tant de gens l'aimaient.
    J'imaginais qu'il y avait une raison, irrationnelle certes, mais une raison.
    Une fois de plus j'étais naïve.
    Elle parle mal, son débit est haché, elle se tortille et se balance, elle dit des phrases incompréhensibles, elle apostrophe Jean-Noël (mais qui est-ce?), se réjouit des foules "sentimentales et joyeuses"… Je n'arrive pas à y croire. Dites-moi que ce n'est pas vrai, comment cela est-il possible?

    Finalement je crois avoir compris. Les Français, tout au moins un nombre important d'entre eux, sont en train de choisir leur candidat préféré à la Star'Ac. Ils ont éliminé les bons, les mauvais, ont conservé un candidat médiocre, comme on leur a appris à le faire depuis quelques années.
    Il faudrait peut-être leur rappeler ou leur apprendre qu'ils ne sont pas en train de choisir quelqu'un pour six mois qui enregistrera un disque ou gagnera cent mille euros, mais quelqu'un qui sera président cinq ans et exercera de très lourdes responsabilités en politique intérieure comme extérieure.

    Je suis très inquiète, depuis dimanche. Je viens juste de prendre la mesure des dégâts.

    Note pour moi-même

    Si j'aime la littérature et me défie de la philosophie et du droit malgré leurs attraits intellectuels, c'est qu'il me semble que la littérature n'a pas l'intention ou la prétention d'influer sur le monde, tandis que les belles constructions philosophiques et juridiques finissent un jour par provoquer des catastrophes, une fois qu'elles ont imbibé les différentes strates du réel.

    Je me défie des systèmes et des utopies, ce qui garantit que le monde soit vivable, c'est son imperfection-même.

    Les gommes

    J'ai tendance à dire un petit peu trop ce que je pense (trop vite, trop tôt, problème de timing davantage que de fond (parce qu'après tout, le fond, hein, autant savoir à quoi s'en tenir)), et je suis heureuse d'avoir des amies qui me battent sur ce terrain.

    J'aime beaucoup le très sobre «Non merci, je ne bois que de l'excellent vin» de A., refusant par ces mots un verre lors d'un dîner chez des amis. (Elle voulait dire, bien sûr, qu'elle ne faisait d'exception à sa sobriété coutumière que si une bouteille rare attisait sa curiosité.)

    Le récit de Matoo m'a rappelé Florence. Nous avons quelques années d'écart, et tandis qu'elle passait ses premiers entretiens d'embauche, j'avais déjà un peu d'expérience et savais que lorsqu'on a vraiment besoin de travailler, il vaut mieux fermer sa gu…

    Elle avait passé plusieurs entretiens dans de grandes banques pour travailler à l'international, et elle jugeait froidement les méthodes quelquefois puériles des recruteurs. Ce jugement, elle l'exprimait devant moi, mais également en entretien, ce qui était plus risqué.
    Un jour, elle s'emballa devant un recruteur :
    — Tout de même, ces tests, c'est n'importe quoi! De la graphologie à l'astrologie, les entreprises ne savent plus quoi inventer. Il y a même une banque — c'est arrivé à une amie — qui demande de raconter la vie d'une gomme !
    — Oui, Mademoiselle, c'est nous, et j'allais vous le demander, répondit le recruteur penaud.

    Transes

    Je viens de terminer trois jours de "formation", sur un sujet tellement pipeau que je n'ose l'évoquer ici (de l'art de perdre son temps et d'enfoncer les portes ouvertes).
    Mais bon, un animateur, six autres cobayes, chacun extrêmement poli, courtois, aimable, et même intéressant, quand il parlait de son expérience et non du sujet du stage.

    Le problème, c'est que je dors. Si j'aime My own private Idaho, c'est aussi à cause des catalepsies du héros. Dès que j'arrête de bouger, de parler, de m'activer, je dors. J'ai parfois l'impression d'ouvrir la fenêtre et de planer comme le personnage de Folon, d'autres fois de tomber dans un puits, mais dans tous les cas, je m'évade du réel, je suis ailleurs.
    Ce n'est pas de la rêverie, je dors réellement, si je garde les yeux ouverts (dans un ultime sursaut de politesse, comme durant ces trois jours), ils se révulsent, ils deviennent blancs (j'ai recueilli des témoignages), je peux ronfler (horreur et malédiction), je peux tomber (debout dans un train, c'est arrivé une fois). Je peux dormir en marchant, j'ai un témoin, il m'a rattrapée alors que je partais dans le fossé (marche de nuit, Paris-Mantes, 52 ou 54 km je ne sais plus).

    Imaginez le supplice pendant trois jours, sept dans une salle, les tables en U, moi presque en face de l'animateur. Je lutte comme je peux, je me mords les doigts, je m'assois à l'extrême bord de ma chaise, je m'agite (on dirait que j'ai six ans). Et je dors.
    Si ce n'était le fait que ce n'est absolument pas prévu par la vie sociale, j'adore ça.
    Je ne tombe pas dans le sommeil, mais immédiatement dans le rêve, et pas dans un rêve léger qui mélangerait songe et réalité, comme dans les périodes d'endormissement ou de réveil : non, un rêve très lourd, épais, insaisissable, un autre monde, dont je ne me souviens pas et qui ne laisse ses marques que sur mon humeur : tristesse, colère, désespoir, apaisement, silence, calme, solitude (jamais joie ou rire).
    Comme durant ces trois jours je lisais par ailleurs Roland furieux, mes rêves me laissaient une impression d'étoffes riches, de velours rouge sombre et de galop de chevaux, de fuites et poursuites dans les forêts, quand j'émergeais entre deux transparents powerpoint, entre deux phrases…

    Est-ce que cela se voit, est-ce que cela s'est vu ? Un peu, beaucoup ? Comme c'est malgré tout très gênant et irrépressible, je préviens en riant, sans insister, au premier déjeuner pris ensemble : «Oh là là, je vais encore dormir cette après-midi !»
    Sourires polis et bienveillants.
    Je croise des regards l'après-midi, un visage qui mime l'endormissement en souriant : bon, donc je viens de dormir et cela s'est vu. Car je n'ai aucun moyen de savoir moi-même ce qui se passe, ce que je fais, combien de temps ça dure, quelques secondes, une, dix, trente? Plus? (Non, ce n'est pas possible que ce soit plus. Ou bien si?)

    J'ai lu un jour qu'il fallait sept minutes pour s'endormir. Je pense pouvoir m'endormir en trente secondes, une minute.

    C'est tout de même très gênant. J'espère ne pas avoir été trop impolie, j'espère que mon impression d'avoir passé des heures entières à lutter contre le sommeil est fausse, que ce n'était que quelques minutes et que mon embarras me fait gonfler ces minutes.
    Mais je ne peux en être sûre.

    Raid sur le Palais rose

    Paul a été durant trente ans environ le bras droit d'un important entrepreneur des BTP, "le principal concurrent de Bouygues à l'époque", me dit-il. (Cet homme est mort il y a une dizaine de jours, à Monaco.)

    Il m'a raconté à midi (et la suite de mon récit confondra les imprécisions de Paul et les miennes) qu'à la mort du dernier propriétaire du Palais rose, l'héritage devait être partagé entre trois familles. Les héritiers, peu sentimentaux, décidèrent de vendre pour récupérer le prix du terrain. Il fallait faire vite, le palais pouvait être classé d'un moment à l'autre. Antoine Bernheim, de la banque Lazard, assura la transaction avec la finesse et la célérité nécessaires, le patron de Paul, très satisfait de récupérer un tel emplacement dans Paris, détruisit le palais en deux jours.

    Paul commenta : «Je n'étais pas ravi.» Il rit : «Mais qu'est-ce que j'étais timide! En me promenant dans les décombres, j'ai osé ramasser un livre, un seul, de la bibliothèque. Je te le montrerai, il est relié. Le titre en est ''De quoi cela est-il fait?'', il décrit la fabrication des clous, de toutes sortes de choses. Il y a une dédicace, «A Boni».

    Il ajouta : «La femme de Boni faisait donner des cours particuliers de français à ses enfants. C'était M. Lebailly, mon futur beau-père, qui les assurait. Lorsque je lui ai raconté la destruction du Palais rose, il s'est souvenu qu'un jour qu'il passait dans la chambre d'Anna Gould accompagné de Boni de Castellane, celui-ci avait déclaré «Voici la chambre d'expiation».


    complément le 26 septembre 2006
    Vous savez bien, elle n'est pas mal, vue de dot, et ce genre d'histoires. Il fait construire avenue du Bois, avec son argent à elle, évidemment, le Palais rose, qui imite à la fois la cour de marbre, à Versailles, et le grand Trianon. Il a été plus ou moins question d'en faire l'ambassade de Chine, il y a quelques années, le saviez-vous? Mais il a finalement été démoli. Romain, qui habite alors la rue Pergolèse, à deux pas, voit un jour une porte entrouverte, après les premiers coups de pioche, et, curieux de visiter enfin l'intérieur, s'y faufile. Il erre entre des miroirs brisés, dans des salons vides, surchargés d'une ornementation compliquées, à demi arrachée, dont les rameaux, les guirlandes et les angelots baroques se sont écrasés sur les parquets, en mille morceaux.
    Échange, p.70

    Mais l'on ne peut jamais être sûr de rien, car dans une autre version, qui n'est peut-être pas entièrement incompatible avec celle-ci, il est le portrait du plus illustre dandy de l'époque: député à trois reprises, il s'élève contre la politique marocaine. Mais son épouse américaine, Anna, divorce de lui pour convoler à nouveau, aussitôt après, avec son oncle Sagan, non sans qu'ait eu lieu, entre les deux hommes, une parodie de duel dont les journaux, enchantés de ce drame familial, rapportent avec délices tous les détails. Cassellane comme s'obstine à prononcer son sosie, ruiné du jour au lendemain mais toujours très digne, se reconvertir dans le trafic en chambre des meubles anciens, et rembourse ses dettes.
    Ibid., p.91

    Vous parlez de l'architecte, ou bien du fameux dandy ?
    Ibid., p.203

    Who rules China ?

    En faisant un peu de ménage dans ma messagerie ce matin, je retrouve ce dialogue, reçu en novembre 2002.

    We take you now to the Oval Office.

    George: Condi! Nice to see you. What's happening?
    Condi: Sir, I have the report here about the new leader of China.
    George: Great. Lay it on me.
    Condi: Hu is the new leader of China.
    George: That's what I want to know.
    Condi: That's what I'm telling you.
    George: That's what I'm asking you. Who is the new leader of China?
    Condi: Yes.
    George: I mean the fellow's name.
    Condi: Hu.
    George: The guy in China.
    Condi: Hu.
    George: The new leader of China.
    Condi: Hu.
    George: The Chinaman!
    Condi: Hu is leading China.
    George: Now whaddya' asking me for?
    Condi: I'm telling you Hu is leading China.
    George: Well, I'm asking you. Who is leading China?
    Condi: That's the man's name.
    George: That's who's name?
    Condi: Yes.
    George: Will you or will you not tell me the name of the new leader of China?
    Condi: Yes, sir.
    George: Yassir? Yassir Arafat is in China? I thought he was in the Middle East.
    Condi: That's correct.
    George: Then who is in China?
    Condi: Yes, sir.
    George: Yassir is in China?
    Condi: No, sir.
    George: Then who is?
    Condi: Yes, sir.
    George: Yassir?
    Condi: No, sir.
    George: Look, Condi. I need to know the name of the new leader of China. Get me the Secretary General of the U.N. on the phone.
    Condi: Kofi?
    George: No, thanks.
    Condi: You want Kofi?
    George: No.
    Condi: You don't want Kofi.
    George: No. But now that you mention it, I could use a glass of milk. And then get me the U.N.
    Condi: Yes, sir.
    George: Not Yassir! The guy at the U.N.
    Condi: Kofi?
    George: Milk! Will you please make the call?
    Condi: And call who?
    George: Who is the guy at the U.N?
    Condi: Hu is the guy in China.
    George: Will you stay out of China?!
    Condi: Yes, sir.
    George: And stay out of the Middle East! Just get me the guy at the U.N.
    Condi: Kofi.
    George: All right! With cream and two sugars. Now get on the phone.

    (Condi picks up the phone.)
    Condi: Rice, here. George: Rice? Good idea. And a couple of egg rolls, too. Maybe we should send some to the guy in China. And the Middle East. Can you get Chinese food in the Middle East?

    Lucia di Lammermoor

    La mise en scène est terrifiante ou stupide, si la chanteuse s'en sort sans une entorse ou une fracture avant la fin des représentations, ce sera un miracle.
    Elle chante magnifiquement, pourquoi lui demander de courir, de traîner des cordes, de faire de la poutre? C'est un test, une épreuve pour Intervilles?
    Heureusement, elle chante magnifiquement, et l'on finit par oublier tout le reste.

    J'ai pleuré comme une Madeleine.


    (— Mais c'est idiot, elle n'avait qu'à se sauver et à épouser qui elle voulait.
    — Ma chérie, les tragédies sont toujours très bêtes, il suffirait de ne pas se préoccuper de son devoir, de sa famille ou de sa patrie, pour qu'il n'y ait pas de tragédie. C'est d'ailleurs pour cela qu'il n'y a plus de tragédie. Tu comprends?
    Elle n'a pas l'air convaincue.)


    ajout le 14 décembre 2009
    Trois ans plus tard, mon fils se souvient surtout que je me suis exclamée à un moment de la mise en scène: «Mais ils forniquent dans la brouette!»

    La peau des fesses

    Lundi, j'ai fait une longue promenade à cheval en forêt de Luzarche avec Paul Rivière.

    Lui n'a jamais arrêté de monter à cheval, il a été international dans une discipline peu connue, l'équitation d'endurance, il a été président de cette fédération, il a fait partie de la délégation française aux Jeux Olympiques de Stockholm. Il a une tonicité musculaire excellente, lorsqu'il s'est cassé le poignet il y a deux ans, le chirurgien a été tout étonné de sa capacité de récupération : Paul est une publicité vivante pour les bienfaits de l'équitation sur la musculature et les articulations.
    Moi, j'étais montée pour la dernière fois une heure en 2002, après avoir arrêtée l'équitation en 1984.

    Côté courbatures, je suis plutôt contente, j'en ai moins qu'en 2002, l'année dernière j'ai remusclé les obliques et les dorsaux. Les cuisses font mal, mais c'est davantage un problème de contact qu'un vrai problème musculaire.

    En revanche, il me manque entre vingt à trente centimètres carré de peau sur les fesses (3x7 ou 4x7). La peau est brûlée comme si elle avait frotté contre du bitume. Lundi soir, mardi matin, j'ai mis de l'éosine (produit rouge miracle pour les bébés.) Mardi matin, j'ai subi quatre heures de réunion : quatre heures à supporter les courbatures de muscles qui supplient qu'on les étire, quatre heures assise sur des fesses à vif.
    L'éosine, délayée par la lymphe qui coule de la blessure, a traversé les couches de tissu, quand je me suis levée, tout était rose. J'ai récupéré une robe au pressing, je me suis changée, je suis restée debout le reste de la journée, ce matin j'ai inventé un dispositif imperméable.

    Ma seule crainte, c'est que Paul ne me propose une nouvelle balade avant que je ne sois guérie. Car il est hors de question que je refuse comme il est hors de question que je lui avoue l'étendue des dégâts.
    On a sa fierté.

    A la mémoire de D.

    Cela s'est presque passé comme pour tout le monde. Je décrochai le téléphone qui sonnait et dit à H. :
    — Ne dis rien, je sais ce qui se passe.
    — Hein ? Mais comment es-tu au courant ?
    — Tu plaisantes, tout le monde est au courant.
    — Tu sais que le frère d'E. est mort ?

    D. avait fait une crise cardiaque en février. Il est mort en septembre, à trente-six ans, sans être sorti du coma. C'était le frère vrai jumeau de notre ami E., chez qui nous passons souvent une semaine l'été, dans le Dauphiné.

    Un soir que nous discutions des différences et ressemblances entre vrais jumeaux, E. nous livra l'observation suivante : « Nous n'avions pas forcément le mêmes goûts. Par exemple, il arrivait souvent qu'on soit d'avis opposé sur un film; mais lorsqu'on étudiait ce qui nous faisait l'aimer ou le détester, on s'apercevait que c'étaient les mêmes raisons qui nous menaient à des conclusions différentes. »
    Et il conclut : « Nous sommes bien plus prédéterminés que nous le pensons.»


    Laissez-moi vous confier le soulagement de voir E. revenir, cette année seulement, lentement, à une vie normale.

    Un projet ou un engagement

    Assumant le ridicule des références circulaires, j'avoue que je suis très touchée par les clins d'œil de Zvezdo et Gvgvsse. J'ai l'impression de tenir ma correspondance privée en public, et cela ne me déplaît pas. Je suis surprise que cela ne me déplaise pas.

    Après un premier post sur Paul Rivière, je n'en ai pas réécrit. Ce n'est pas que je n'avais pas de matière, c'est que je voulais mener à bien deux ou trois projets, et j'attendais que ce fût fait pour en parler. Mais ça traîne, ça traîne tant que malgré mon côté superstitieux, je vais parler de l'un d'entre eux : il s'agit de rencontrer Roland de La Poype.

    Un jour à déjeuner, il y a environ un an, je parlai de moto et le visage de Paul s'éclaira. Il me raconta ses premières escapades en motocyclette dans les années trente sur le porte-bagage d'un ami, quand ils sortaient de leur collège jésuite du Mans.
    Son sourcil se fronça, d'un air mélancolique et triste il ajouta : «Il s'appelait Roland de La Poype. L'un des pères l'avait pris en grippe, c'était vraiment terrible. Roland était son bouc émissaire. Il a fini d'ailleurs par être renvoyé de l'école. Il n'était pas méchant, mais il n'était pas très appliqué, toujours tête en l'air, toujours en train d'inventer quelque chose. Il était farceur.»
    Paul me regarda et continua: «Il a fait partie de l'escadrille Normandie-Niemen, tu sais. C'était quelqu'un. Staline l'a autorisé à ramener son yak en France pour service rendu à la patrie.»

    A noël dernier, Paul s'est vu offrir Une éducation manquée : Souvenirs 1931-1949, dans lequel Ghislain de Diesbach évoque cette anecdote :
    Beaucoup de futurs grands hommes, à commencer par Voltaire, ont été élevés chez les Jésuites et y ont fait, suivant la formule consacrée, « de solides études ». En chaque célébrité, l'ordre de saint Ignace aime à reconnaître un de ses chefs-d'œuvre, oubliant parfois l'époque où le brillant élève était indésirable. Un jour, au printemps 1945, nous en eûmes un piquant exemple.
    Quelques années avant la guerre, Mme de La Poype était venue supplier le préfet de ne pas renvoyer son fils Roland qui, paraît-il, donnait alors du fil à retordre à ses maîtres. Le Préfet avait refusé en ajoutant :
    — Croyez-moi, Madame, vous n'en ferez jamais rien de bon !
    Après la Libération, Roland de La Poype, lieutenant dans l'escadrille Normandie-Niémen, héros fameux de la guerre aérienne et abondamment décoré par plusieurs pays, était venu revoir son ancien collège où il avait reçu un accueil triomphal. Le Père Préfet avait promené fièrement son « cher enfant » à travers les cours de récréation, au milieu d'élèves admiratifs, et il avait complètement oublié le petit différend, survenu dix ans plus tôt…
    En attendant cette consécration, la gloire du collège était Antoine de Saint-Exupéry qui n'avait plus que quelques mois à vivre et allait bientôt lui donner son nom, ainsi qu'à la rue des Vignes, encore champêtre et sablée.
    Rentrée au bureau, je fis évidemment une recherche internet et tombai sur la biographie militaire et civile de Roland de La Poype. Je découvris alors qu'il était encore vivant et décidai d'organiser une rencontre entre les deux hommes. Cependant, comme il n'est pas si simple d'écrire out of the blue à quelqu'un, je prévoyai d'attendre janvier et le parfait prétexte des vœux du Nouvel An.

    Avant que j'ai pu mettre mon projet à exécution, le hasard s'en mêla : Paul revint tout excité d'une réunion de famille en Sologne (il redoute les réunions familiales, il n'entend pas très bien dès qu'il y a du brouhaha et s'ennuie beaucoup); il venait d'apprendre que le père d'une de ses nièces par alliance avait lui aussi fait partie de l'escadrille Normandie-Niémen. Ils avaient beaucoup discuté, la fille entretenant pour son père (mort après la guerre) une véritable adoration, et Paul avait décidé de contacter Roland par son intermédiaire. Zut, mon plan et ma surprise étaient à l'eau, mais ce n'était pas grave, puisque Paul allait s'en occuper lui-même (d'un point de vue de pure politesse, c'était même sans doute mieux).

    (Quelques temps plus tard, la nièce prêta à Paul quelques pages du journal de son père, où celui-ci décrit une alerte aérienne durant la nuit, la nécessité de s'habiller vite avec peu de lumière, "comme d'habitude, La Poype avait perdu quelque chose, une chaussette, son pantalon ou sa chemise".)

    Les semaines ont passé, Paul a obtenu le numéro de téléphone de La Poype, il l'a appelé, La Poype était absent. Paul n'a jamais rappelé.

    Nous en avons reparlé. J'ai appris quelques détails sur les années 1937 et 38 : La Poype, après s'être fait renvoyé du collège, s'était inscrit aux cours (gratuits? je crois que oui) que donnait l'aviation civile pour passer son brevet de pilote. «Tu comprends, me dit Paul, on sentait venir la guerre.» (Je n'avais jamais entendu parler de cela : ainsi, pendant les accords de Munich, on préparait la guerre?) Il s'était engagé dès que la guerre avait été déclarée. «Moi, dit Paul avec regret, j'ai fait ce qu'on me disait de faire, j'ai poursuivi mes études. Finalement, conclut-il avec un sourire mélancolique, être renvoyé a été la chance de sa vie.»

    Peu à peu, j'ai compris que Paul Rivière faisait un énorme complexe d'infériorité parce qu'il n'avait pas été résistant (son frère aîné a été dans la Résistance, si j'ai bien compris). C'est un remords, un regret, une culpabilité. «Tu comprends, on ne contacte pas un héros comme ça». J'essaie de lui répondre que Roland de La Poype sera ravi, qu'il ne doit pas évoquer souvent ses souvenirs d'enfance avec quelqu'un qui connaît les lieux et les personnes. Mais Paul n'est pas vraiment convaincu.
    — Pourtant, La Poype est resté très simple : je l'ai revu par hasard dans les année cinquante, il vendait des emballages en plastique de sa fabrication — mais quel type! quelle imagination! — on avait déjeuné ensemble. Il était toujours aussi simple et aussi droit.
    — Mais alors… vous voyez bien!
    Mais il n'y a rien à faire.
    Il faut que j'écrive à Roland de La Poype moi-même et que j'organise cette rencontre.

    Les mots en f

    J'aime les mots en f : farfelu, frivole, frivolité, frimousse, frisé, folie, fantôme, fiction, fumée, fumeux, faribole, fable, fabliau, fascinant, fascination, fronce, froncé, futile, futon, fuligineuse, farouche, féroce, furieux, flamboyant, fleuve, fil, fiole, flacon, flammèche, flemme, farine, fastigié, fabuleux, fatigué, famélique, frêle, fragile, foutaise, foudre, foudroyant, firmament.

    PS1 - petit plaisir
    La Slovénie adoptera l'euro en janvier prochain. (Devant mon air sincèrement heureux, ma collègue a éclaté de rire. Je suis une incomprise.)

    PS2 - grand soulagement
    Après huit heures d'opération à cœur ouvert, JM va bien. J'ai une furieuse envie de lui passer un savon pour nous avoir fait aussi peur.

    Mumm n'a pas besoin de Prince Albert

    Le dernier commentaire en date de Mumm sur ce blog fait référence à ce billet.

    Je vais donc dévoiler un moment fort de cette soirée dont j'avais soigneusement donné une image si sérieuse.


    Ce soir-là, Mumm, Livy et moi allâmes dîner dans une brasserie en face de la fontaine Saint-Michel. Je ne sais plus très bien comment nous en sommes arrivés là (je rappelle que c'était la première fois que je rencontrais Mumm et Livy, et que si Mumm était une vieille fréquentation internautique, je ne connaissais de Livy que son sourire), peut-être avons-nous évoqué l'un des derniers billets de Mumm qui parlait de son goût pour la vaisselle. Quoi qu'il en soit, je me retrouvai à raconter une histoire drôle, une histoire en fait moyennement drôle qui me fait surtout rire à cause des circonstances dans lesquelles je l'ai entendue, ce qui fait qu'il me faut raconter et l'histoire et les circonstances, ce qui rend le récit si laborieux qu'à la fin ce n'est plus drôle du tout.

    Néanmoins, ne reculant devant rien, je me lançai :
    «Ça me rappelle une histoire drôle qu'on a raconté à table un jour qu'étaient présents de nombreux copains. C'est deux petits vieux qui discutent : «Et toi, tu fais ça encore souvent?
    «— Bah oui, la Marie, el' m'empoigne la zigounette une fois par jour.
    «— Wouaouh, une fois par jour !?
    «— Ben oui. Je me mets sur le lit, elle la prend, elle la lâche, si ma zigounette tombe à droite je fais la vaisselle, si elle tombe à gauche, c'est Marie qui fait la vaisselle.
    On s'est tous mis à rire poliment, sauf une copine qui a demandé avec beaucoup d'innocence: «Je ne comprends pas ce qu'il y a de drôle»; avec tant de naïveté que nous avons éclaté de rire en nous exclamant en c?ur : «Ça tombe toujours du même côté!», laissant la copine rouge de confusion.»

    C'est alors que Mumm déclara :
    — Pas moi.
    — Hein?
    — Pas moi. La mienne est au milieu. Je n'ai jamais compris ces histoires de porter à droite ou à gauche.

    Plus tard, Livy suggéra un moyen de vérifier si la bite de Mumm était vraiment au milieu et elle se leva pour aller aux toilettes. Je me souviens du mouvement de recul de Mumm, et de l'éclat de rire de Livy : «Mais non, je ne veux pas vérifier ni moi-même ni maintenant». En face d'eux, j'étais morte de rire (intérieurement) et incrédule : pas mal pour une première rencontre.


    (Incidemment, ceci est mon centième billet en ligne.)

    Harcèlement sexuel

    Je sors du métro, station Madeleine, rue Tronchet.
    En arrivant en haut des escaliers, je remarque deux jeunes femmes qui s'insurgent, un certain émoi autour de moi, des yeux posés sur moi. Je m'informe:
    — Que se passe-t-il?
    — Vous n'avez pas vu? Un homme qui regardait sous votre jupe.
    Je me retourne. Je vois un dos qui descend l'escalier.
    — Celui-là? (Prête à redescendre pour le regarder dans les yeux, histoire de voir. Toujours curieuse de voir les gens en face, leur courage ou leur dérobade.)
    — Non, un noir, il s'est presque couché sur les marches.
    Je ne comprends pas vraiment, tout cela me paraît improbable (pourquoi moi? ce n'est pas moi que je choisirais pour ce genre de sport), trop bu, pensée lente. Je remarque:
    — Il n'a pas dû voir grand chose avec la forme de ma robe.
    Je m'éloigne.

    C'est drôle, cela m'est indifférent (plus exactement, je m'en fous). Il y a quelques années, j'aurais été furieuse et je me serais sentie humiliée. Aujourd'hui, ce serait plutôt du mépris. Tout ce que j'arrive à faire, c'est à penser à Skot (vous bloguez trop quand…). D'après Zvezdo, c'est un honnête père de famille (Bon. Toutes choses égales par ailleurs, je suppose). Il serait bien attrapé si certains venaient à pratiquer ce qu'il prose voir le 19 juillet.

    Et je me dis que cela fait un sujet de billet, rien ne se perd.

    Il ne faut pas confondre

    — Il m'a insultée, il m'a traitée de crétine!
    — Non, ce n'est pas cela une insulte. Il y a très peu d'insultes, con, connard, salaud, salope, c'est à peu près tout.
    — Mais qu'est-ce que c'est, "crétin"? C'est quoi la différence avec une insulte?
    — "Crétin", c'est une opinion. Une insulte, c'est vulgaire et grossier. Il ne faut pas insulter, car quand tu insultes, tu prouves que tu ne sais plus quoi dire, que tu as perdu. Il faut surprendre l'autre, utiliser des mots auxquels il ne s'attend pas ou se moquer de lui. Tu peux le traiter de chameau, par exemple. Pour t'entraîner, tu peux utiliser le vocabulaine du capitaine Haddock.
    — Marin d'eau douce, flibustier!
    — Tu sais ce que c'est, un flibustier?
    — Non.
    — C'est un pirate ou un corsaire. Tu sais ce que c'est, un corsaire?
    — Oui, c'est ça, répond-elle en promenant les mains le long de son buste.
    — Non, ça, c'est un corset.

    Motivons-nous pour retourner travailler

    Ce mail, daté du 25 août, m'attendait:
    Bonjour Alice,
    j'espère que tu as passé de bonnes vacances.
    C'est juste pour te dire de venir avec une petite laine lundi, parce que j'ai eu quelques problèmes avec la clim durant le mois d'août.
    J'ai eu TRES froid, et j'ai fait venir les techniciens 5 fois dans le mois (ils me détestent).
    Au mois de juillet, j'avais eu le même problème, avec les conséquences inverses : la climatisation ne marchait pas, il faisait TRES chaud. Cela m'était à peu près indifférent, mais le stagiaire qui partageait mon bureau paraissant suffoquer, j'avais fini par appeler un réparateur, beau, ce qui était inattendu mais plaisant. (J'avais d'ailleurs eu la satisfaction qu'il me fît du plat (je me suis crue dans une pub coca-cola): c'est très bon pour le moral.)

    Mon problème est le suivant : que mettre pour avoir chaud? (car je ne doute pas qu'il fasse très froid, je connais les caprices de cette climatisation).

    Retour

    Rentrés à 4 heures du matin. Il fait 17° dans la maison. Allumé le chauffage.

    Il manque une chatte (sur deux). En revanche, la chatte des voisins a élu domicile dans la maison, je n'ai pas encore réussi à la faire sortir.

    Bonne surprise, la maison était à peu près en ordre quand nous sommes partis, ce qui est rare (cela est dû à une invitation que nous avions lancée et oubliée : la veille de notre départ, notre ami O. appelle et demande innocemment : «Faut-il que j'apporte quelque chose ce soir (ie, vin, dessert)?» Euh… pourquoi tu viens? Bref, panique à bord, ménage et rangement en deux heures de temps (c'est à peu près tout ce qui peut m'amener à faire attention aux contingences matérielles. Il y a belle lurette que j'ai décidé de les négliger).
    Finalement, c'est bien.

    A peine arrivée, j'ai ouvert Rannoch Moor que je n'avais pas emporté en vacances («Mais qu'est-ce que tu fais?») : en feuilletant l'anthologie poétique de Gide dans la Pléiade chez un ami, j'avais trouvé la phrase suivante de Corinne de Mme de Staël en exergue à un poème de Jules Laforgue (Complainte des débats mélancoliques et litéraires) : «On peut encore aimer, mais confier toute son âme est un bonheur qu'on ne retrouvera plus.» J'étais persuadée d'avoir lu cette phrase dans Rannoch Moor, mais où?1 2

    Cherché dans les alentours de la page 142. Rien. Peut-être voir du côté du voyage en Écosse? (Je sais, tout cela ne fait que prouver que ce "repérage" des livres est illusoire : ce n'est jamais ce qu'on cherche qui s'y trouve. Je ne suis pas si naïve, je l'ai toujours su. Mais c'est aussi parce qu'on sait bien mieux ce qui s'y trouve qu'on est toujours en train de chercher autre chose. Ça n'a au fond pas grande importance, tout cela n'est jamais que prétexte et encore prétexte.)

    Matin.
    Bu un thé. Gratté la tête du chat. Constaté un peu désabusée que je reçois désormais des catalogues qui proposent des ceintures de maintien, des charentaises et des protections pour énurétiques. Musé un instant sur les services marketing de ces sociétés par correspondance. Ce ne doit pas être très amusant d'y travailler.

    Détail : la seule carte postale dans le courrier est due à une erreur du facteur (erreur de ville). Je la reposterai demain.


    Notes
    1mise à jour le 06/05/2007 : cette phrase se trouve p.216 d'Été.
    2mise à jour le 03/01/2008 : Corée l'absente, p.554.

    JM

    Lorsque j'ai eu JM au téléphone fin juillet (j'étais en train de boire une Guinness en catimini avant de reprendre le RER, histoire d'oublier la chaleur), nous sommes tombés d'accord sur un point : nous étions tout de même très nuls. Nous avions réussi à ne pas nous contacter, ni par mail, ni par téléphone, depuis janvier, depuis la traditionnelle présentation des v?ux des pontes de notre société, v?ux si arrosés que j'avais dormi chez JM plutôt qu'affronté la corvée du retour chez moi (et le lendemain, promenade tranquille jusqu'au bureau dans Paris hivernal qui s'éveille, dans les vêtements de la veille dans lesquels j'avais dormi).

    J'ai vidé la batterie de mon téléphone avec JM et nous avons déjeuné ensemble le lendemain.
    JM travaillait avec moi dans une petite filiale partagée entre deux grosses sociétés, l'une des sociétés en a racheté toutes les parts, nous sommes devenus salariés de l'autre, dans un service où nous avons été très malheureux, où il est encore très malheureux (j'ai changé de poste et de service au bout de deux ans, le temps de faire le deuil de notre filiale d'origine très aimée). JM, c'est le collègue avec qui j'allais boire une Guinness en terrasse dès qu'il faisait beau, en regardant et commentant les passant(e)s. Quand il a acheté sa moto il est devenu pénible, plus de Guinness : il fallait des cafés qui permissent de surveiller la bécane… heureusement, son inquiétude n'a duré qu'un temps. Je fume les mêmes cigarettes que lui, pour la bonne raison que lorsque j'ai commencé à fumer, c'est à lui que je taxais des cigarettes. Nous nous voyons peu désormais, étant sur des sites éloignés, et nous ne pensons pas à nous téléphoner, assurés que nous sommes de nous croiser à l'occasion.

    Lorsque nous nous sommes revus en juillet, nous avons (naturellement, car que faire d'autre?) parlé du passé (de mes anciens collègues, donc de ses actuels collègues), du futur, nous avons médit, un peu bu, beaucoup ri. Il m'a fait de la peine, aussi. Il a constaté:
    — Donc pour toi, tout va bien?
    — Oui, touchons du bois, je ne sais pas combien de temps ça durera, mais pour l'instant ça va, ça n'a même jamais été aussi bien. Comme disait je ne sais plus qui, je ne sais pas ce que nous avons fait dans une vie précédente, mais nous avons dû être des chics types pour avoir autant de chance.
    Il a ri (son rire est célèbre) et répondu :
    — Je ne sais pas ce que j'ai fait dans une vie précédente, mais j'ai dû faire de sacrées crasses!
    Je me suis moralement mordu la langue et promis de ne plus jamais utiliser cette phrase idiote, en sachant bien à quoi il faisait allusion: ses quarante ans passés, sa solitude affective et ses désillusions professionnelles. Toujours la même interrogation devant certaines personnes adorables: pourquoi sont-ce justement elles qui sont seules, et en souffrent?
    Il partait en vacances en moto au mois d'août.

    Hier, Céline m'a laissé un message : JM est à l'hôpital. "Le cœur ou la moto?", me demandé-je en l'appelant. (JM a une malformation cardiaque). Crise cardiaque, œdème pulmonaire, coma artificiel, loin de Paris parce que ça lui est arrivé en vacances et qu'il est intransportable.

    Je déteste ce sentiment d'impuissance et d'absurdité, cet éternel pourquoi.

    Vacances

    Au fond, un triangle de mer bleue, légèrement à droite, le phare de l'île du Levant. Le moutonnement des arbres, l'étonnante variété de leurs verts, couleur et matière, disposés en taches rondes, arbousiers, chênes, pins parasols, argentés des oliviers et des mimosas, quelques toits de tuiles gris et beiges. Le ciel au-dessus de cela remplissant les deux tiers du tableau. Et puis la piscine entourée de lauriers-roses, et puis cette villa, et puis ce balcon où j'attends (vraiment sans impatience) que les autres se lèvent, et puis cet hôte…

    Le plus merveilleux dans tout cela, c'est d'être là par pure amitié, sans avoir rien eu à demander, à réserver, à calculer.


    La bataille du crépi

    Le château de Jarcieu présente plusieurs caractéristiques intéressantes :

    - il est si difficile à trouver que l'association qui le gère a mis une affichette à l'entrée : "Nous ne sommes pas responsables de la signalétique routière, si vous avez eu du mal à nous trouver, nous en sommes désolés."

    - les deux derniers propriétaires, frères, "n'avaient pas les mêmes goûts", nous a indiqué pudiquement le guide : une ligne partage la façade au-dessus de la porte principale; à gauche la façade est crépie, à droite la pierre est apparente.
    Le frère préférant le crépi vivait sur place, le frère préférant la pierre ne venait que pour les vacances.

    - j'ai enfin vu la mythique tasse pour droitier. Dans le petit musée de la faïence attenant au château se trouve une tasse à chocolat pour moustachu : à environ un centimètre du bord à l'intérieur du récipient une plaque de porcelaine ferme un tiers de la tasse en ne laissant qu'un étroit passage pour le liquide à l'endroit où l'on pose les lèvres. Cette plaque empêche le liquide de toucher les moustaches. La position de la plaque par rapport à l'anse prévoit que la tasse soit tenue de la main droite.



    - Exposition sur les éventails. Langage des éventails.
    - Lieu où fut signé l'édit de Roussillon par Charles IX, fixant le début de l'année au 1er janvier pour toute la France.

    Conseil de rédaction

    Il y a quelques jours j'ai été émue par cette requête Google: "comment écrire une belle lettre d'amitié". Depuis, les requêtes de ce type ("écrire cartes de vacances", "quoi écrire sur une carte") se multiplient.

    Je vais donc ajouter un conseil personnel aux conseils de Parlez mieux, écrivez mieux:

    Si vous ne savez quoi écrire, choisissez un détail, une anecdote, survenus dans les les six ou douze dernières heures. Evitez absolument de vouloir résumer au dos d'une carte postale les six derniers mois à un ami à qui vous ne donnez jamais de nouvelles : aucun événement survenu dans les six derniers mois ne vous paraîtra assez important pour être raconté six mois après, et vous aurez l'impression de n'avoir rien à dire.
    En revanche, le pastis du midi précédent fera un très bon sujet, une fois que vous aurez précisé où, quand, avec qui, en faisant quoi, vous l'avez bu.
    Le curieux de ce conseil, c'est que de fil en aiguille vous vous retrouverez rapidement à en avoir trop à raconter, dans l'obligation d'écrire sur toute la carte postale, d'en commencer une deuxième, de courir acheter des enveloppes au Monoprix du coin...

    (L'écriture entraîne l'écriture, ici vous aurez droit à une citation de Paul Valéry quand je serai rentrée chez moi, promis.)


    ajout le 16 août 2007 (tout vient à point à qui sait attendre.)
    Ricardou parle du «simple entrain d'un porte-plume»:

    J'entre dans un bureau où quelque affaire m'appelle. Il faut écrire, et l'on me donne une plume, de l'encre, du papier qui se conviennent à merveille. J'écris avec facilité je ne sais quoi d'insignifiant. Mon écriture me plaît. Elle me laisse une envie d'ECRIRE. Je sors. Je vais. J'emporte une excitation à écrire qui se cherche quelque chose à écrire.

    Paul Valéry, Tel Quel II, Littérature, cité page 65 de Pour une théorie du Nouveau roman, de Jean Ricardou


    A voir

    La photo du jour.

    Nostalgie geekeste

    En juillet, des fourmis se sont installées sous le toit. H. a vidé le grenier pour les déloger et ce faisant a redécouvert sous les combles ses ordinateurs NeXT, un cube, une "pizza", trois écrans. Il les a redescendus d'un étage.
    Aujourd'hui, sous prétexte de faire du rangement, il a décidé de les rebrancher. Il a fallu retrouver les claviers, les souris, ouvrir les capots, passer les cartes électroniques à l'aspirateur pour les débarrasser des araignées et des cadavres de fourmis (bugs!).
    La station, puis le cube, ont redémarré du premier coup. H. est heureux.

    J'aime beaucoup ses articles. De temps en temps je vais les relire. Il me semble que celui qui voudrait comprendre dans quelle ambiance j'ai vécu entre vingt et trente ans, vingt et trente-cinq, peut-être vingt et quarante, n'aurait qu'à lire ça. Je ne suis pas informaticienne, je n'ai jamais programmé une seule ligne, mais j'étais là. Je me souviens des galères, des diagnostics incompréhensibles. J'attendais en silence, j'avais un livre ou j'allais jouer au tarot. J'avais appris à multiplier par trois ou par cinq tous les temps qu'on me donnait : "j'en ai pour une demi-heure" signifiait que j'avais deux heures devant moi, peut-être trois. Et les nuits, toutes les nuits blanches, sous prétexte que la communication avec les Etats-Unis marchait mieux la nuit… Un court récit de ce type me remplit de nostalgie :
    Ce terminal était rapide : dix caractères par seconde. Je l'avais monté à onze, ce que l'ASR-33 supportait, même s'il faisait un drôle de bruit (mais impossible d'aller jusqu'à douze). Cette vitesse correspondait à une transmission de 110 bauds, ce qui est la raison pour laquelle tous les programmes de télécommunication du monde doivent encore supporter cette vitesse lamentablement lente : quelque pauvre hère pourrait encore avoir, quelque part, un télétype. L'ordinateur disposait de disques durs d'environ 20 mégaoctets. Les trois quarts de ces disques étaient interdits pour une raison purement politique l'administrateur essayait d'obtenir un disque plus gros, et tentait d'appuyer sa demande par des plaintes d'utilisateurs mécontents, plaintes qui, il l'espérait, se multiplieraient à cause de l'espace disque insuffisant et l'aideraient à faire aboutir sa demande. Ma mémoire de masse personnelle consistait en bandes de papier perforé. Elles offraient une inépuisable source d'amusement : à la fin de la journée, on ramassait les minuscules confettis dans le perforateur et on les jetait dans les cheveux de quelqu'un. Quoi qu'on fit, l'électricité statique les maintenait dans la chevelure jusqu'à la fin du semestre. Même aujourd'hui, j'ai de ces bandes de papier dans ma boîte à souvenirs, et les regarder me fait chaud au coeur. Ma femme Sandy veut que je les jette. Argh j'avais aussi acheté une bande magnétique (!) et avais demandé aux opérateurs système d'enregistrer mes fichiers dessus. Ce qui avait probablement occupé deux mètres sur les 800 de la bande, mais quelle sensation !
    Ce que je préfère, c'est cet éditorial, qui théorise un certain nombre de mes observations, y compris hors du monde de l'informatique :
    Deuxieme Loi De Small (dite "Loi du chaos grandissant") :
    "Dans un ensemble de données informatiques, le désordre va toujours en augmentant. Toute tentative de réparation ne fait qu'augmenter encore le désordre."

    Je vous donne des conseils, je vous dis que ma Seconde loi est intuitivement évidente, que je l'ai toujours su… En fait, en un instant d'égarement et de naïveté, j'ai tenté de la violer, avec le brillant succès qu'on imagine. Que je vous raconte.

    Il y a quelque temps, j'ai décidé que les différentes versions de la vingtaine de fichiers de Spectre 3. 1 commençaient à devenir ingérables. L'horodatage des fichiers par l'horloge interne du ST ne marche pas très bien pour moi (pour une raison que j'ai mis un bon bout de temps à découvrir). Et souvent, il me fallait aller compulser les différentes versions d'un fichier pour savoir laquelle était la bonne, la dernière! J'ai alors décidé, bêtement, sans réfléchir, de créer le disque dur parfait bien propre. J'ai donc pris un disque neuf mais déjà rôdé, qui avait assez tourné pour avoir dépassé le stade de la mortalité infantile. Et j'ai commencé à mettre chaque fichier à l'endroit approprié, accompagné de commentaires et de documentations. J'ai créé des dossiers, un par version de Spectre: "1.51", "1 .75","1.9F","2. 3K", "2.65", "2.65C", "3. O", "3.1Dev", plus toutes les versions intermédiaires que seuls ont vues les bétatesteurs. (Chaque saut de numéro de version constitue autant de sueur et de larmes passées en test et en débogage).

    Pendant des jours et des jours, j'ai fouillé dans mes disquettes et mes cartouches Syquest. J'ai exhumé de vieilles versions, les ai vérifiées, copiées dans les bons dossiers. Un boulot fastidieux et rébarbatif où j'ai dépensé beaucoup d'énergie et de Pepsi.

    Dans chaque dossier, j'ai tout vérifié en assemblant les fichiers et en recréant la version correspondante de Spectre, que j'ai ensuite comparée aux disques de productions, dont Sandy a été assez maligne pour garder un exemplaire pour chaque version, en me menaçant des pires châtiments si je ne les lui rendais pas promptement. Et chaque dossier a ensuite reçu un fichier de documentation.

    Etais-je sot : j'ai même poussé le vice jusqu'à inclure sur ce disque les 19 versions bêta de Spectre 3. O. Puisque j'étais en train de faire LE disque parfait, autant les y mettre, n'est-ce pas ? Après tout, certaines applications Apple avaient montré une fâcheuse propension à tourner sur une version bêta mais pas sur la suivante (comme Pagemaker qui s'était mis à planter sur l'avant-dernière version bêta de Spectre 3. 0 ? un mauvais souvenir, il nous a fallu supprimer ce bogue en un temps record).

    J'ai aussi récupéré ici et là des fichiers divers, comme des docs sur le clavier du Macintosh et les codes qu'il émettait. Comme les autres, il aboutirent dans des dossiers soigneusement documentés. Inutile de dire que tout cela a pris un grand nombre de mégaoctets.

    Pour être sûr d'éviter les corruptions spontanées de fichiers, j'ai passé les fichiers à l'utitaire ARC. ARC compresse les fichiers, mais surtout, il calcule un CRC (Cyclic Reduncant Check, somme de contrôle redondant cyclique) pour chaque fichier. Il s'agit d'une sorte de signature du fichier, obtenue en calculant un polynôme avec chaque octet du fichier. Modifier un simple bit ou intervertir deux octet modifie le CRC, et il est presque impossible de modifier accidentellement le fichier en conservant le même CRC. J'ai donc fait une liste de tous les fichiers avec leur CRC. En cas de doute sur l'intégrité d'un fichier, je pouvais recalculer son CRC et voir s'il correspondait à celui de la liste.

    Enfin, j'ai relancé un programme qui recalculait le CRC pour chacun des 1500 fichiers et le revérifiait par rapport à la liste. J'ai imprimé les fichiers de documentation pour en conserver une version sur papier.

    Poussant un soupir satisfait, je me suis étiré, empli de la béatitude du devoir accompli. Je savais où se trouvait chaque fichier à cette seconde précise, et était certain de son intégrité. Il ne restait plus qu'à faire une sauvegarde de ce petit bijou d'ordre et de rigueur, qu'il m'avait fallu un bon mois pour fignoler… >En organisant ainsi tant de données, j'avais naturellement rempli mon barrage à ras bord, créant une situation d'entropie minimale et d'organisation maximale. J'avais défié les lois du chaos et violé la seconde loi de la thermodynamique appliquée à l'informatique. J'avais construit un château de cartes de vingt mètres de haut.

    L'univers n'attendait que l'occasion de m'apprendre à vivre. Notez bien qu'avec l'astuce des CRC, le coup classique de la corruption sournoise des fichiers devenait impossible, car j'aurais pu le détecter. Il ne restait plus qu'une possibilité.

    Comme vous le savez si vous avez lu mon article précédent, les lois de l'univers qui le vouent au chaos se mirent en oeuvre par l'intermédiaire de la mécanique quantique, et engendrèrent un continuum spatio-temporel dans lequel était inscrit mon tragique destin. Le destin en question consistant bien sûr à recevoir le fameux château de cartes sur la tête afin de niveler cet arrogant delta de haute organisation.

    Innocemment, j'ai éteint le système pour y connecter un lecteur de bande magnétique. J'ai mis le lecteur et j'ai rallumé.

    Le disque dur n'a pas réagi à l'allumage.

    Mes cheveux se sont dressés sur ma tête et j'ai été pris de sueurs froides.

    Pendant une semaine, j'ai tout essayé pour ressusciter ce disque. J'ai remplacé son circuit imprimé interne, son alimentation, je l'ai fait tourner à la main, je l'ai secoué pour décoller les têtes, enfin tout. En vain. Il était mort. Et je n'avais pas de sauvegarde. C'était la seule possibilité, elle s'était réalisée. Le delta avait été nivelé d'un coup. Paf.

    Meuh non, dites-vous, j'ai malencontreusement envoyé une décharge d'électricité statique a ce pauvre disque, ou alors c'est le câble SCSI qui n'était pas bon, ou encore l'alimentation qui a claqué a l'allumage et a bousillé le disque… Ben voyons. Non, désolé, ça ne prend plus, les coïncidences, j'en ai trop vues. C'étaient les lois inexorables de l'univers qui venaient de frapper.

    Depuis lors, j'ai pris l'habitude de ne jamais faire d'effort pour organiser mon disque dur. Oh, certes, je sais plus ou moins où sont mes fichiers, mais je me garde bien de trop augmenter mon niveau d'organisation, et d'attirer l'attention des implacables gardiens des lois de l'entropie. En outre, je laisse toujours une partition a l'état de chaos complet sur mon disque. Ce sacrifice aux dieux du désordre m'a jusqu'à présent évité leurs foudres.

    Je sais, je sais, ça a l'air idiot. Mais en tout cas, ça marche. Mon taux de pannes de disques est a son niveau historique le plus bas. Un de mes lecteurs, un Syquest souffrant d'un problème de moteur de rotation, a même eu l'extrême obligeance d'avoir une embellie finale et de se remettre à fonctionner, ce qui m'a permis d'y récupérer des mégaoctets de données prises sur des serveurs télématiques, au prix d'innombrables heures de téléchargement. Le Syquest a ensuite définitivement rendu l'âme, cinq minutes après que j'y ai récupéré le dernier fichier. De quoi se poser des questions, non ?
    J'adore cette histoire. D'abord elle est vraie, vérifiée, avérée. Je ne lui connais pas de contre-exemple, même hors informatique : le moment où l'on se dit : "C'est parfait" est toujours le moment où il vous arrive une tuile, le moment où l'on a enfin l'impression de maîtriser sa vie est toujours celui où elle vous échappe.
    «je me garde […] d'attirer l'attention des implacables gardiens des lois de l'entropie. En outre, je laisse toujours une partition a l'état de chaos complet sur mon disque. Ce sacrifice aux dieux du désordre m'a jusqu'à présent évité leurs foudres.»
    Il y a quelque chose de grec dans tout cela. Eviter d'attirer l'attention des dieux, règle de base. Personne ne se méfie autant que moi de l'ubris.
    Et puis cela fait une excuse en béton pour que la maison ne soit jamais parfaitement en ordre.

    Résister en poésie

    Madame Squ*n*bol, ma professeur de français de première, était très maigre. Elle devait avoir une quarantaine d'années, était toujours entre deux dépressions causées par la trop grande désinvolture de ses élèves envers la littérature. Elle s'habillait de couleurs vives, de vêtements "chics", et ma mère ne manquait jamais, lorsque nous nous promenions en ville, de me faire remarquer lorsque nous passions devant certaine boutique : «C'est ici que s'habille Madame Squ*n*bol».

    Son livre préféré était L'Oiseau bariolé, de Jerzy Kosinski, et j'ai pensé à elle lorsque j'ai appris le suicide de Kosinski un jour de mai, bien plus tard.

    Je lui dois en particulier la découverte de Jules Laforgue.

    Elle reste avant tout pour moi l'adolescente de quinze ans qui a eu l'idée, pour protester contre la nourriture infecte du réfectoire, de se lever au milieu d'un repas et de réciter Une charogne.
    Elle a été renvoyée trois jours.
    Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
    Ce beau matin d'été si doux :
    Au détour d'un sentier une charogne infâme
    Sur un lit semé de cailloux,

    Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
    Brûlante et suant les poisons,
    Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
    Son ventre plein d'exhalaisons.

    Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
    Comme afin de la cuire à point,
    Et de rendre au centuple à la grande nature
    Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;

    Et le ciel regardait la carcasse superbe
    Comme une fleur s'épanouir.
    La puanteur était si forte, que sur l'herbe
    Vous crûtes vous évanouir.

    Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
    D'où sortaient de noirs bataillons
    De larves, qui coulaient comme un épais liquide
    Le long de ces vivants haillons.

    Tout cela descendait, montait comme une vague,
    Ou s'élançait en pétillant ;
    On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
    Vivait en se multipliant.

    Et ce monde rendait une étrange musique,
    Comme l'eau courante et le vent,
    Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
    Agite et tourne dans son van.

    Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
    Une ébauche lente à venir,
    Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
    Seulement par le souvenir.

    Derrière les rochers une chienne inquiète
    Nous regardait d'un oeil fâché,
    Épiant le moment de reprendre au squelette
    Le morceau qu'elle avait lâché.

    Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
    A cette horrible infection,
    Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
    Vous, mon ange et ma passion !

    Oui ! telle vous serez, ô reine des grâces,
    Après les derniers sacrements,
    Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses.
    Moisir parmi les ossements.

    Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
    Qui vous mangera de baisers,
    Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
    De mes amours décomposés !

    Charles Baudelaire

    A chaque jour suffit sa peine

    Lors de mon premier emploi, j'ai travaillé avec une jeune femme dont le mari était boulanger. Elle ne parvenait pas à être enceinte et se désolait. Le médecin avait diagnostiqué un manque de vélocité des spermatozoïdes dû à la température trop élevée des fours à pain. Elle nous avait confié en rougissant un peu que le médecin leur avait recommandé de "noicir le calendrier" (conseil de bon sens bien souvent oublié dans les cas de stérilité relative, conseil qui dans le cas de cette jeune femme a porté assez vite ses fruits).

    En regardant le calendrier de ce blog en ce début de mois, mois d'août, mois creux, un peu vide et déserté, je me dis que me voilà à bleuir le calendrier.

    Mes coïncidences égloguiennes

    Varig

    Mes parents sont des gens casaniers, sans grande fantaisie (euphémisme). Cependant, depuis dix ans, ils partent à l'autre bout du monde (enfin, surtout l'Afrique et les Amériques centrale et du Sud) deux semaines par an pour observer la faune et la flore (en d'autres termes, ils se perdent dans le désert ou la jungle). Cette année, pour la première fois, ils ne sont pas partis en voyage organisé, ils ont réservé leurs billets d'avion et pris contact avec un guide brésilien qu'ils connaissaient pour retourner dans les franges de la forêt amazonienne.

    Je reçois jeudi soir ce message (sic) :
    «merci pour la reponse, pourriez vous passer chez varig 38 boulevard des champs elysees pour leur demander unesolution pour notre retour. il faut leur donner notre reference de reservatio : code xxxxxxxxx . cela suffit pournous retrouver sur leur planning> Nous serons a l aeroport le samedi 29 a partir de 19 heures. ils peuvent nous fairepasser par ou ils veulent. on sait que la compagnie a ete rachetee donc ils sont tenus de trouver une solution> mais il faut y aller et insister nos talents en portugais ne nous le permettent pas et les avoir au telephone est impossible. ils sont ouverts de 9 a 17 heures sans interruption. faites nous savoir si vous avez pu faire quelque chose. nous avons 6 heures de decalage horaire. nous regarderons demain soir. nous sommes a 1/2heure de petit avion de toute civilisation et le clavier n est pas comme nous.....bises»


    Dupin
    Rémi a obtenu le prix Charles Dupin (c'est très proustien, je trouve) pour son livre Leçons de droit social. Chic!
    (C'est digeste à petites doses : je conseille un chapitre par semaine. Très instructif sur le mécanisme des retraites, le financement de la Sécurité sociale ou l'Europe sociale. Le droit des contrats ou le droit du travail me passionnent moins).


    Private joke
    « Et je voulais parler aussi du prénom d'Alice. » Été p. 308
    (C'est le genre de coïncidence qui me fait du bien)


    Avec retard (hors Eglogues !)
    Et pour finir, un peu de googlebombing (je cite un post de Chondre) : "Comme déjà indiqué par Kozlika, Samantdi et Matoo, un petit malin n'ayant rien à voir avec l'équipe dotclearienne a acheté le nom de domaine dotclear2(point)com. Lorsqu'un internaute tape dotclear2 sur google, il tombe (pour l'instant) sur le site du parasite. Seule solution (avant de récupérer le nom), faire un bombing et permettre de renvoyer toute personne tapant dotclear2 ou dotclear 2 sur le site officiel de dotclear."

    Blonde attitude

    Mes grands-parents paternels étaient polonais.

    Le gène polonais étant apparemment aussi têtu que les Polonais, il réapparaît à la quatrième génération, et les réunions de famille offrent une impressionnante collection de petites blondes de un à huit ans, le plus souvent aux yeux bleus.

    Le frère, impressionné : — Vous avez vu toutes ces petites blondes ?
    La sœur, furieuse : — Je ne suis pas blonde, je suis châtain !
    Le frère, définitif : — Toi, tu es blonde intérieur.

    Chaises musicales

    La dernière chambre que l'on visite à Nohant est la chambre qu'a habitée la petite-fille de George Sand, Aurore Lauth-Sand, morte en 1961.

    Cette chambre ne ressemble plus à ce qu'elle était du vivant de sa dernière occupante. En effet, lors de travaux de restauration récents, on a découvert sous trois épaisseurs de papier peint le papier qui couvrait les murs du vivant de Gabrielle, la sœur puînée d'Aurore. Ce papier, fort beau, d'inspiration orientale, a été choisi pour couvrir désormais les murs de la chambre. Les meubles de Gabrielle retrouvés au grenier ont été réinstallés dans la chambre tandis que les meubles d'Aurore les remplaçaient au grenier.

    La chambre est fort belle, répétons-le, mais je suis un peu choquée. Comme il a fallu peu de temps pour chasser des murs l'âme de la dernière occupante.

    La comtoise

    Une fois à la retraite, mon grand-père répara la comtoise du salon. Il était le seul à avoir droit de la remonter, le seul d'ailleurs à savoir où était la clé.
    Quand mon grand-père est mort, il n'y a eu plus personne pour remonter la comtoise. Ma grand-mère était sourde, elle ne s'en rendait pas compte, cela ne lui manquait pas. Quant à moi, le silence du salon me frappait chaque fois au cœur.
    Je n'ai jamais osé demander où était la clé pour remonter la pendule. La mort de mon grand-père fut le silence des horloges.
    Quand ma grand-mère est morte, mon oncle, de par son droit d'aînesse, emporta la comtoise. Avec la petite somme d'argent tirée de l'héritage que mon père me donna, j'ai acheté une comtoise.
    Je ne supporte pas qu'elle s'arrête.

    Conseil pour ne plus pleurer

    Mettre des lunettes de piscine pour éplucher les oignons.

    Copieuse

    Ce matin, en commençant le numéro de L'Arc1 consacré à Herman Melville, je sélectionnais déjà mentalement les passages à recopier ici.
    Puis je me dis que c'était tout de même un peu exagéré, de tant recopier, c'était un peu trop facile, de remplir un blog avec des extraits.
    Puis je me rappelai que c'était pour moi l'intérêt principal d'internet : y mettre en ligne tout ce qui m'intéressait, pour l'avoir partout sous la main, et indexé, en plus (évidemment, cela n'aurait nul besoin d'être public, mais ne compliquons pas).
    Puis je me dis que j'avais toujours copié, et que je ne voyais pas pourquoi, sous prétexte qu'il s'agissait d'un blog, je devrais arrêter.
    Et je m'aperçus que c'était vrai : je recopie des livres depuis très longtemps.

    Lorsque j'avais sept ans ou huit ans, nous passions les deux mois de grandes vacances chez nos grands-parents, paternel et maternel, alternativement. Il fallait nous occuper, et j'avais déniché la machine à écrire qui avait servi aux études de BEP sténo-dactylo de ma tante dans les années 60. C'était une Underwood monumentale, sans doute des années 30 ou 402 sur laquelle je me mis à taper. Ma tante, perfectionniste, me dégotta une méthode et je me mis à apprendre à taper à la machine (dfg jkl, et variations, des pages entières, je m'en souviens encore). J'adorais le bruit de cette machine, et son odeur. J'écrivais de petits contes et mon grand-père réussit à me vexer et à me flatter d'un même mouvement en m'accusant de les copier.
    Non, pas encore.

    Quand j'eus neuf ans, mon grand-père nous offrit à Noël une petite machine portable Olivetti. Je ne réussis jamais à inventer le moindre texte sur cette machine : c'était l'Underwood ou rien. Mais quelques années plus tard (onze, douze ans (je date exactement mes souvenirs car je sais où ils se sont déroulés)), j'empruntais un livre à une amie, La cachette au fond des bois, d'Olivier Séchan (je m'en souviens bien, car je me demande encore s'il s'agit du frère de Renaud). Ce livre me plaisait, il était introuvable, je n'avais qu'une solution : le recopier.
    Je commençai donc à recopier ce livre de bibliothèque rose à la machine à écrire (je ne comprends pas bien pourquoi je lisais des bibliothèques roses à onze ans, mais bon. Je lis bien encore des bibliothèques vertes…). J'ai dû en taper la moité, je pense. Il m'a fallu dix ans pour éclaircir ce mystère : pourquoi les fins de lignes dans le livre étaient-elles alignées tandis que celles que je tapais à la machine, même si je ramenais le chariot au moment adéquat, ne l'étaient jamais?

    Il faut croire que l'expérience ne m'avait pas convaincue car l'autre livre que j'ai recopié, je l'ai recopié à la main : La Bague d'argent, lui aussi épuisé. Celui-là avait été emprunté à une voisine de ma grand-mère paternelle. (Il y avait très peu de livres chez mes grands-parents, on empruntait pour moi aux voisines les livres de leurs garçons de vingt-cinq ans : j'ai lu un peu plus de livres de scouts des années 50 qu'il n'est habituel pour une petite fille). Je me souviens de peu de choses, une amitié, le maghreb colonial, le désert, une fin dont le coup de théâtre était prévisible dès la page 50 quand on était une habituée du Bossu et du Capitaine Fracasse… Il y avait dans les premières pages de ce livre le dilemme de la torture : résister à la torture, certes, mais avait-on le droit de ne pas parler lorsque c'était un ami qui était torturé ?
    J'ai vérifié ce soir, ce livre est disponible chez quelques libraires.
    Je l'ai recopié dans un carnet à petits carreaux, sans sauter de ligne (je suis en train de me dire que je devais quand même beaucoup m'ennuyer).

    J'ai peu à peu abandonné ces solutions extrêmes pour me mettre à la copie extensive des extraits que j'aimais dans les livres que je lisais. J'ai des pages entières de Kundera, Hemingway, Thomas Mann ou Karen Blixen, copiées minusculement dans un carnet à tranche violette... Je m'en sers encore, je l'ouvre, j'ai l'impression de retrouver de vieux amis.

    Maintenant j'ai à disposition un scanner de compétition. Ce n'est certes pas le même charme, mais ce n'est pas aussi automatisé qu'on pourrait l'imaginer. La reconnaissance de caractères nécessite une relecture et des corrections minutieuses : l'important dans la copie, c'est le temps et l'attention incorporés.
    Ce qui est magique, c'est de pouvoir retrouver un mot parmi des centaines de pages. Cela n'en finit pas de me ravir.


    Notes
    1 : J'ai appris ce soir en passant chez mon libraire que les éditions Inculte rééditaient certains numéros de L'Arc.

    2 : Je l'ai demandée à ma grand-mère pour mes trente ans. Elle est sous mon bureau. J'attends de trouver une solution pour la faire réparer.

    Tapons un peu sur les produits Microsoft

    J'avais promis à Zvezdo de créer une catégorie spécialement pour ce genre de billets (afin qu'il ne les lise pas), mais finalement... ça l'intéressera peut-être.
    C'est un peu ancien — certains connaissent peut-être déjà — mais j'aime bien. Là encore, cela permet de réfléchir au formatage de la (de nos) pensée(s), à nos modes de réflexion. Donc voici Devenez beau, riche et intelligent, avec PowerPoint, Excel et Word.

    C'est évidemment un peu exagéré, certains trouveront la critique un peu facile, et l'auteur reconnaît sa mauvaise foi. Cependant, ça me fait toujours rire car tout est loin d'être faux.

    Extraits :
    Nous pensions naïvement que PowerPoint, Excel et Word, les trois logiciels qui composent la suite Office de Microsoft, n'étaient que de fidèles outils chargés de traduire notre activité. Lorsque vous n'avez pas le choix de votre outil, qui utilise qui ? Petit à petit, c'est notre activité qui est devenue le miroir de Microsoft Office. « Le média est le message », disait je ne sais plus qui.
    J'érige donc mon tribunal, évidemment de mauvaise foi, chargeant tour à tour du plus coupable au moins coupable les accusés PowerPoint, Excel et Word5. Chacun est responsable de créer des distorsions dans notre manière d'appréhender le monde. PowerPoint, Excel et Word sont les derniers cache-sexe de l'Incertitude et, par-là, les derniers remparts de la Certitude.
    - Power Point
    Les structures de présentation standards proposées par PowerPoint sont somme toute calquées sur un scénario Hollywoodien normalisé : camper le décor, créer l'inquiétude, montrer des faiblesses humaines vénielles (« à vaincre sans péril… »), happy-endiser en sauvant l'humanité et sa banlieue à la fin. Sans oublier, comme le suggère Succesful Presentations for Dummies, de placer un gag désopilant toutes les sept minutes. Nous sommes dans le Disney pour adultes : on nourrit le public de ce dont il veut bien se nourrir, c'est-à-dire d'histoires prévisibles de bons (évidement nous/je) et de méchants (forcément everybody else). Et, forcément, c'est nous qu'on gagne à la fin.
    - Excel
    Un modeste entrepreneur, actionnaire quasi unique de sa propre boite, ne se livre en général pas à cet exercice ridicule [budget prévisionnel à cinq ou dix ans]. À la rigueur, il fait un succédané de business plan, qu'on appelle un budget annuel. Il n'a pas besoin de s'écrire des objectifs à un, trois ou dix ans. Il sait qu'il fait pour le mieux, au jour le jour, essayant de saisir toutes les opportunités possibles avec les moyens dont il dispose et dans le contexte qui est le sien. À la fin de l'année, rétrospectivement, il se dit qu'il a fait une bonne ou une mauvaise récolte. Il continue à vivre selon une logique de paysan.
    Mais dès lors que vous montrez votre business à des financiers, vous sortez de l'ère agraire pour entrer dans l'ère industrielle. Vous devez raconter ce qui va se passer dans les trois ou cinq années à venir et jurer-cracher (poliment) que vous croyez à vos chiffres. Il faut une certaine dose d'entraînement ou d'autosuggestion pour ne pas avoir la voix qui tremble à ce moment-là. Au début, jeune naïf, vous pensez que vos interlocuteurs sont normaux et sensés, qu'ils vivent la vie comme vous et moi, une vie où parfois les trains ont du retard, où certains jours on oublie son parapluie alors qu'il pleut. Alors, vous insinuez que, dans votre projet, il pourrait y avoir un doute ici où là, que rien n'est jamais certain, mais que, l'un dans l'autre, vous pensez que votre plan est « jouable ». Malheureux ! À ces mots, votre interlocuteur argentier se redresse dans le capiton de son fauteuil de capitaliste et vous décapite. Bandant du menton, il vous toise et dit sèchement que des millions d'épargnants lui ont confié les économies de toute une vie, et que, jamais, il n'ira investir dans une affaire où des choses imprécises subsistent. « Mentez-moi, jeune homme, vous ne savez pas vendre votre dossier » semble-t-il vous dire.
    - Word
    Que peut-on reprocher à Word ? Après tout, ce n'est qu'un simple traitement de texte. On écrit des textes depuis des siècles, depuis que consigner par écrit nous a fait sortir de l'insupportable volatilité de la tradition orale. Word est en filiation directe de l'épopée de Gilgamesh, de l'Iliade et l'Odyssée, de la Vulgate, de Gutenberg et de toute cette histoire de la chose écrite qui a extirpé l'humanité de l'ignorance, de l'analphabétisme et de la barbarie.
    Et c'est bien pour ça qu'écrire fait peur.
    C'est moi qui souligne, bien entendu !

    Les 90 ans de ma grand-mère

    J'ai désormais deux bagues anciennes :
    - l'une est la bague que mon grand-père paternel offrit à ma grand-mère pour leurs 50 ans de mariage. Ma grand-mère avait laissé cette bague à ma mère en lui demandant de me la remettre après sa mort.
    - l'autre est la bague de fiançailles de ma grand-mère maternelle ; elle me l'a donnée hier.

    Lorsque je tends les mains, je vois deux destins; l'émotion m'étrangle.

    Mort dans un accident de voiture

    Jean d'Orgeix est mort mardi dans un accident de voiture. Pourquoi cela me paraît-il particulièrement stupide de mourir dans un accident de voiture à 85 ans? Comme s'il y avait des morts plus intelligentes que d'autres…

    Je suis triste.

    Je vais faire un tour sur le site d'allège-idéal, l'association qu'il avait fondée. Je lis quelques messages sur le forum, une discussion sur la décontraction de la mâchoire. Remonte à ma mémoire une phrase de Jean-Louis, mon moniteur d'équitation : «Valérie, tu connais la différence entre du steack hâché et de la viande hâchée ? Eh bien, tu es en train de faire de la viande hâchée» (décryptage : si heureuse d'avoir compris comment décontracter une mâchoire que j'en faisais trop, évidemment. (De temps en temps je prononce cette phrase mentalement : «C'est de la viande hâchée!» Qui comprendrait?))

    Des petites phrases : « Toujours aussi inefficace, Valérie! », des notions comprises tellement plus tard (c'est avec le rock que j'ai compris l'importance de la tension du bras, de l'équilibre et de la vitesse, l'importance d'une main fiable sur laquelle on puisse s'appuyer et la grande exactitude du terme de "cavalier" pour un danseur), des souvenirs idiots, un jeu de tarots usé en un été, le curage des écuries en pantalon blanc, un figuier, des haricots verts moisis, des querelles d'amoureux (protestations au matin de l'amant éconduit: «pas ici tu fais mal, pas ici tu chatouilles, pas ici t'as pas le droit», éclats de rire et rougeur de la dulcinée…), etc, etc.

    Obsèques à Auxerre le 11 juillet à 15 heures. Je réfléchis.

    Points de vue

    Feuilletant Point de vue en attendant le RER, j'apprends que Chloé Bouygues et Yannick Bolloré se sont mariés récemment. Mariage simplissime, ajoute le magazine, huit cents invités, précise-t-il.


    Conversation ce week-end sur la terrasse (mes week-ends sont passionnants (je deviens de plus en plus misanthrope)).
    Un ami : — Ma grand-mère est abonnée à Point de vue depuis des années. Ça me dépasse.
    Moi, généralisant : — Parce que vous préférez les nanas à poil. Nous, on regarde les robes et les chapeaux.


    Honnêtement, en quoi Closer ou FHM ou Interview sont-il le signe d'une plus grande évolution intellectuelle ?


    mise à jour le 1er septembre 2006
    Evidemment, Martin Bouygues n'a pas daigné venir au mariage de sa nièce en juin dernier. Motif? La fille de son frère Nicolas épousait le fils de Vincent Bolloré, son ennemi intime. Rien à  faire : ces deux-là , qui se connaissent depuis l'école primaire, sont irréconciliables. Il faut dire que le raid avorté de Bolloré sur Bouygues, en 1998, a laissé du sang sur les murs. L'empoignade a été d'une rare violence. Bouygues n'avait pas hésité à  embaucher des détectives de l'agence Kroll pour fouiller dans la vie privée de son assaillant. L'industriel breton avait répliqué en faisant appel à  l'ex-inspecteur Gaudino pour dénicher des jongleries comptables dans le groupe de BTP. Depuis, les escarmouches se multiplient. En septembre 2003, Bolloré a été mis en cause par TF1, dans un reportage de «Droit de savoir» sur «les dessous de Saint-Tropez», qui accusait le milliardaire d'avoir bénéficié de passe-droits pour construire sa villa. Furieux, il a porté plainte, persuadé que Bouygues avait donné des instructions aux journalistes. A l'été 2004, quand Bolloré s'est attaqué à Havas, Bouygues s'est empressé d'acheter discrètement un gros paquet d'actions, pour tenter — en vain — de voler au secours du publicitaire. Il y a laissé des plumes, mais quand on déteste, on ne compte pas…
    O.D. Capital septembre 2006

    Sans importance

    — Vous prenez cela trop au tragique !
    — Vous vous êtes trop investie.
    — Je ne pensais pas que vous étiez aussi affectée.

    Suite à mon départ du forum de la SLRC, les réactions de quelques lecteurs me surprennent et me font rire. Comment les gens peuvent-ils être aussi illogiques? Ne viendra-t-il à l'idée de personne que si je suis aussi affectée, c'est justement parce que je me suis investie? Et que si je suis en colère contre eux, c'est parce que je comptais sur eux ?

    Ecrire sur un forum, écrire sur un blog, ce n'est sans doute pas très important quand par ailleurs on a l'occasion d'écrire sur, ou de parler de, ou d'étudier, ce qui vous tient réellement à cœur. Mais lorsque c'est le seul lieu où vous pouvez formaliser votre pensée, lorsque c'est la contrainte que vous vous êtes donnée pour ne pas vivre comme un légume et finir comme Ruth Fischer ou Desesperate housewives, c'est important.

    C'est peut-être pathétique, mais c'est comme ça.

    Une banane dans l'oreille

    «A toute banane le malheur est bon», criait ma grand-mère en rasant mon grand-père avec une biscotte. Lui riait, se rappelait la tarte aux poils de sa jeunesse.

    (Pour annoncer au monde la renaissance de Touraine sereine. Je passe le relais à Philippe[s], si cela amuse writ ou Tlön (leur genre/pas leur genre?), qu'ils n'hésitent pas.)

    Question sur l'équipe de France de football

    Je n'entends parler que de joueurs "vieux" : faut-il en déduire que tout à l'euphorie d'avoir gagné en 1998, les responsables du football français ont oublié de repérer et former la relève?


    J'espère qu'il y aura quelqu'un pour m'expliquer ce point qui m'intrigue.

    Jack Bauer

    — Rendez-moi ma fille ! Où est ma fille ?!
    — Je veux protéger ma famille !
    — Passez-moi le Président.

    C'est très agréable de vivre sans télévision : on découvre tout avec quatre ans de retard, toujours par hasard et via les séries préférées des uns et des autres. C'est ainsi que je n'ai jamais vu Les Guignols, mais qu'à la grande époque (il y a dix ans, quinze ans ? Putain?) j'avais un ami qui les imitait à la perfection (du moins je suppose, puisque je ne connais pas les modèles), qu'en 1996 j'avais un collègue passionné de la série Urgences, qu'il y a dix-huit mois j'ai trouvé chez Matoo et Ron des commentaires sur Six Feet under qui m'ont intriguée…

    En mai dernier, à l'occasion d'un anniversaire, nous nous vîmes offrir les trois premières saisons de 24 heures chrono. J'ai donc passé cinquante-quatre heures de ma vie durant les six dernières semaines à regarder transpirer et s'époumoner Jack Bauer. Je suis fatiguée.

    Avant écrire quelques lignes à propos de ce passionnant sujet, jiai fait un petit tour sur les blogs afin de ne pas répéter ce qui avait déjà été écrit. Cela m'a confortée dans mon impression d'être perpétuellement décalée, puisque Sébastien Benedict parlait de Jack Bauer dès octobre 2004, mais cela m'a également permis de constater qu'à la faveur de la saison 5, la série était d'actualité.

    Alors doncque, pourquoi en faire un billet ?
    Parce que je suis déçue.

    Je crois toujours ce qu'on me promet, même quand je sais que je ne devrais pas.
    Imaginez dès lors ma curiosité et mon impatience de voir une série qui promettait du temps réel, c'est-à-dire exactement ce qu'on nous apprend à l'école qu'il est impossible d'obtenir dans une fiction, ou plutôt, exactement ce qu'une fiction s'attache à ne pas reproduire : quel ennui si chacune de nos actions prenait leur temps réel au théâtre ou au cinéma.
    Ce phénomène est clairement expliqué par Umberto Eco dans Six promenades dans les bois du roman:
    Parfois on recherche la coïncidence des trois temps (de la fabula, du discours, de la lecture) à des fins très peu artistiques. La temporisation n'est pas toujours un signe de noblesse. Je me suis un jour demandé à quoi on reconnaît scientifiquement un film pornographique. Un moraliste répondrait qu'un film est porno s'il contient des représentations explicites et minutieuses d'actes sexuels. Pourtant, lors de nombreux procès pour pornographie, on a démontré que certaines œuvres d'art recourent à ce type de représentations par scrupule de réalisme, pour dépeindre la vie telle qu'elle est, pour des raisons éthiques (on représente la luxure afin de la condamner) et que de toute façon, la valeur esthétique de l'œuvre rachète sa nature obscène. Comme il est délicat de dire si une œuvre a vraiment des préoccupations de réalisme, si elle a de sincères intentions éthiques, et si elle atteint des résultats esthétiquement satisfaisants, j'ai établi (après avoir analysé maints hard-core movies) une règle infaillible.

    Il faut savoir si, dans un film représentant des actes sexuels, lorsqu'un personnage prend une voiture ou un ascenceur, le temps du discours coïncide avec le temps de l'histoire. Flaubert met une ligne à nous dire que Frédéric a voyagé longtemps; dans les films normaux, quand un personnage monte en avion, on le voit débarquer au plan suivant. En revanche, dans un film porno, si quelqu'un […] ouvre un frigo et se verse une bière pour la siroter au creux d'un fauteuil, l'action prend autant de temps que cela vous prendrait chez vous pour faire la même chose.

    La raison en est très simple. Le film porno est conçu pour satisfaire le public par la vision d'actes sexuels, mais il ne peut offrir une heure et demie d'accouplements ininterrompus, ce serait fatigant pour les acteurs et cela finirait par devenir assommant pour les spectateurs. Il faut donc distribuer l'acte sexuel au cours d'une histoire. Or, personne n'est disposé à dépenser de l'argent et des trésors d'imagination pour concevoir une histoire digne d'intérêt, dont le spectateur se ficherait parce qu'il veut du sexe. L'histoire se réduit donc à une série minimale d'événements quotidiens : aller quelque part, mettre un pardessus, boire un whisky, parler de chose sans importance… […]. C'est pourquoi tout ce qui n'est pas sexuel doit prendre autant de temps que dans la réalité alors que les actes sexuels doivent prendre plus de temps qu'ils n'en requièrent en général dans la réalité. Voici donc la règle : si dans un film, deux personnages, pour aller de A à B, mettent un temps égal à celui qu'il faut en réalité, nous avons la certitude de nous trouver face à film porno. Bien entendu, il doit y avoir aussi des actes sexuels sinon Im Lauf der Zeit de Wim Wenders, qui montre pendant presque quatre heures deux personnes voyageant en camion, serait un film pornographique, ce qu'il n'est pas.
    J'ai donc commencé la vision de la saison un en me demandant si Jack Bauer allait faire mentir Umberto Eco.
    La réponse est non, hélas.
    Au début j'ai bien cru que 24 heures chrono tenait son pari et qu'il faudrait ajouter un chapitre à l'art de la narration. Bien sûr la multiplicité des personnages permettait de remplir les minutes du film sans qu'on suive jamais l'intégralité des actes d'un unique personnage (cf Sebastien Bénédict et sa "manière de linéarité biaisée"1), mais il me semblait que nos actions « vides », celles que l'on ne filme pas parce qu'elles sont sans intérêt — à moins d'y mêler du dialogue ou de l'action, — la longueur d'un déplacement ou d'un repas, par exemple, étaient réellement représentées dans leur épaisseur. Il m'a fallu un peu de temps pour me rendre compte que tous les trajets étaient vertigineusement raccourcis, les distances étaient abolies. Jamais les déplacements montrés à l'écran n'auraient pris si peu de temps. La vitesse se gagne non par l'accélération du temps, mais par la disparition des distances.

    Il serait amusant de faire le compte des heures réellement nécessaires pour vivre les événements de la saison trois, par exemple : combien de temps pour aller au Mexique et en revenir, sachant qu'il faut commencer par aller à l'aéroport…?
    Mais évidemment, ce genre de calcul serait idiot, ce serait accorder à cette série une prétention à la vraisemblance qu'elle n'a pas (du moins j'espère! Mon dieu, quel fatras et quelles incohérences! Je n'en reviens pas.)

    Cette série m'a beaucoup amusée en ce qu'elle s'oppose quasi-systématiquement à toutes les règles d'un récit bien construit. Elle bafoue une règle d'or du théâtre classique: ne jamais donner un élément qui ne soit utile à la suite de l'action (c'est ainsi que l'on a reproché à Corneille d'avoir esquissé une idylle entre l'Infante et Le Cid : ce détail n'est pas utilisé dans la suite de la pièce, il peut être enlevé sans dommage, donc il était inutile de l'introduire dans la pièce).
    Mais évidemment, une telle règle suppose une action rectiligne, une épure, une architecture anticipant dès le début sa fin : il y a dant tout récit classique une part d'inéluctable.
    Rien de tel ici, chaque minute ne dépend que des quelques minutes qui l'ont précédée, elle n'est pas comme la pointe logique de tout ce qui s'est passé auparavant.
    C'est un point qui m'a particulièrement impressionnée: cette série n'a pas de mémoire, elle est entièrement tournée vers l'avenir. Je crois que ce que je préfère dans 24 heures chrono, ce sont les résumés au début de chaque épisode. Il s'agit de l'aveu sans complexe que seuls comptent les deux ou trois épisodes précédents, voire uniquement le précédent. L'histoire, le récit, n'est pas conçu comme un tout, la quinzième heure a déjà oublié la dixième, seule compte la seizième. Chaque résumé doit permettre de comprendre ce qui va se passer, savoir ce qui s'est passé n'est absolument pas une préoccupation.
    Chaque résumé est ainsi l'occasion de contempler en moi l'incrédulité provoquée par une telle méthode. Au début, naïvement, je complétais mentalement les résumés (l'attentat contre le boeing dans la série un ou l'assassinat de Chapelle, par exemple). Je ressentais en effet une sorte de révolte à voir ces résumés qui ne résument pas, qui contreviennent à tout ce qu'on m'a appris. Plus tard, j'essayais de composer à l'avance le résumé que j'allais voir dans quelques minutes : quels étaient les éléments indispensables à la compréhension de la suite, quelles pistes les scénaristes allaient-ils abandonner?

    Et c'est étrange de se dire que ce manque de rigueur est sans doute l'une des forces de la série : c'est en cela, bien plus qu'en l'utopie d'un temps "réel", qu'elle ressemble à la vie. Tous les récits sont fictifs dans le sens où ils s'organisent en fonction de leur fin, c'est ce qui les différencie fondamentalement de la vie "réelle", où la fin est inconnue, où des pans entiers de notre passé sont inutiles pour comprendre notre situation actuelle (voilà une remarque très a-psychanalytique); la connaissance de quelques faits suffit à expliquer notre journée de demain.2
    (Et cette idée n'est pas très agréable.)

    Très vite, j'ajoute une dernière remarque, sociologique cette fois: j'ai été impressionnée (encore) par l'image de la torture donnée dans cette série. Elle est considérée comme normale, des hommes de la cellule anti-terroristes sont formés à cela, le président des Etats-Unis ordonne qu'on torture et assiste à une séance de tortures… sans qu'il y ait dilemme cornélien sur le respect de la personne humaine.
    Guantanamo ne devrait pas tant surprendre quand on a regardé 24 heures chrono. D'autre part, la population américaine semble totalement sous surveillance : satellites qui surveillent les voitures, banques ADN qui permet de retrouver un inconnu… Fantasme ou réalité? Quoi qu'il en soi cela ne paraît pas choquer grand monde.


    Notes
    1 : "Joies enfantines de la vitesse dans la 1ère, qui lance son sprint dès le départ, engage l'Amérique avec elle, ni plus ni moins, et concentre, en une fois, tout ce qui fait la grandeur d'un cinéma à nul autre pareil : art de la vitesse, justement, manière de raconter une (des) histoire(s) et, ne sachant faire que ça, le faire mieux que personne ; en multiplier, au même moment, les différentes pistes, toutes données au spectateur (à peu près) en même temps. C'est dans cet "à peu près" que se joue d'abord l'originalité de la série. Une manière de linéarité biaisée, lors même que l'usage du montage parallèle, associé au split-screen, n'est qu'un leurre. Une simple mise à plat dans la distribution des plans, qui cependant se suivent chronologiquement, là-dessus, le titre ne ment pas." (http://intimedia.kaywa.com/p81.html, blog disparu)

    2 : Je trouve un écho à cette remarque, qui elle-même est un écho au "présent" souligné par Sébastien Benedict, dans ces phrases de Victor Klemperer : «Mais autre chose agissait davantage sur nous — c'était la même chose chez Neumark et chez moi : l'impuissance de la mémoire à fixer tout cela dans le temps, toutes ces choses cruellement vécues. Quand ceci ou cela a-t-il eu lieu — pour autant que ce soit encore présent à nos esprits —, quand était-ce? Seuls quelques faits isolés restent gravés, les dates pas du tout. On est submergé par le présent, il n'y a pas d'hier, pas de demain, qu'une éternité. Là encore une raison pour laquelle on ne sait rien de l'histoire vécue: le sentiment du temps est annulé; on est à la fois trop apathique et trop excité, on est surchargé de présent.» in Je veux témoigner jusqu'au bout, p.544

    Souvenir d'un week-end englouti successivement dans une fête d'école, une AG d'association et une fête de club sportif

    On ne dit pas King-Kong, on dit kennis de kable.
    On ne dit pas ping-pong, on dit pénis de pable.

    Bon, je vais me recoucher.

    Un ange

    La rame de métro de la ligne 14 s'arrête. Devant moi, à travers la vitre, la nuque et les épaules d'une fille dénudées par ces débardeurs à fines bretelles qui font fureur cet été.

    Un choc : deux ailes d'ange, chacune de la taille de la paume, mignonnes comme un dessin italien, sont tatouées très haut dans le dos autour de la colonne vertébrale.

    Et tandis que je m'assois à côté d'elle, je me dis que je viens enfin de trouver le motif de tatouage idéal : deux ailes, deux grandes ailes couvrant tout le dos jusqu'aux fesses.
    Je sais bien que je ne le ferai pas. Et pourtant, si je trouvais le bon dessinateur…

    Quelques réflexions mal assurées sur le musée du quai Branly

    J'ai eu l'occasion de visiter mardi le musée des Arts premiers, comme il ne s'appelle finalement pas. Il faudrait évoquer trois sujets : le bâtiment en lui-même, les réflexions nées du principe même de ce musée, et tout de même les objets présentés.


    Je ne vais pas parler du bâtiment. Il est réellement immense, les collections sont présentées sur fond noir dans une salle elle-même peinte en noir (surtout en noir) ce qui multiplie les effets de miroir sur les vitrines, c'est à la fois beau et très artificiel, très emphatique. J'ai été un peu gênée, j'ai eu l'impression, à peine, qu'on en avait fait un peu trop.


    Je n'ai suivi aucun des débats qui ont entouré la création de ce musée. J'ai commencé la visite par les collections d'Amérique : sacs à frange des indiens d'Amérique du Nord, coiffes à plumes, tissages, puis remontée vers le Nord (ce musée est un musée géographique et non historique) et objets inuits. Etant restée sur l'idée que le musée s'appelait "musée des Arts premiers", j'ai presque tout de suite été obsédée par la question : tout cela a-t-il sa place dans un musée d'art ? Est-ce qu'un tapis de selle ou un sac à franges doit vraiment figurer ici ? N'est-ce pas un peu condescendant ? Et cette question n'est-elle pas elle-même condescendante et un peu snob ? etc… (pas à l'aise, non, pas très à l'aise)


    Tout cela nous entrainerait assez vite vers une définition de l'art. J'ai donc le choix entre me dérober ou écrire une définition de l'art en une demi-heure sur ce blog…
    Si je tente une définition non pas théorique et philosophique, mais purement pragmatique en observant ce que nous mettons dans nos musées d'art quand il s'agit de notre civilisation, j'avancerai que les objets d'art ne sont jamais réellement utiles. Ils appartiennent à la sphère du gratuit, de la décoration, de l'hommage. Une partie d'entre eux ont été élaborés comme prière ou soutien à la prière, ils sont un signe vers la transcendance. Ils sont finalement le geste humain inutile par excellence, celui qui ne concourt pas à la survie de l'espèce, ils sont le signe que nous sommes capables de nous préoccuper d'autre chose que de notre survie matérielle.
    Les peignes richement ornés, les coffres en bois sculptés, les hennins brodés sont présentés dans une perspective historique ou technique (musée du Moyen-Age, musée du costume,…), objets utilitaires décorés et non objets d'art. (Il faudrait ici faire une incursion dans certaines avenues de l'art contemporain, à commencer par certaine pissotière ou canettes de coca-cola... mais on est ici dans le second ou n<ième degré, où ce qu'on sait par ailleurs et ce qu'on tente de reconstituer des intentions de l'artiste compte autant si ce n'est plus que ce qu'on voit ou entend).

    Dans cette optique, je crois que j'enlèverais de ce musée une partie des objets présentés. J'enlèverais les armes, les cuillères, le sac de couchage en peau de phoque (très ingénieux: l'intérieur du phoque est vidé par une ouverture peu large, la peau est tannée, on obtient ainsi une enveloppe de phoque vide dans laquelle on peut se réfugier à condition de ne pas être trop grand. Mais qu'est-ce que cela a à faire ici?), les boucles d'oreilles, les plats, les jupes plissées, les tuniques (très belles, sans aucun doute). Je garderais les masque, les statues, certaines pièces tissées, celles dont la taille montre qu'elles ne sont plus destinées à être véritablement utiles.

    Peut-être que je suis excessivement puriste et que tout ce que je viens de dire est très bête. C'est fort possible. J'ai pensé par le passé tant de choses que je trouve aujourd'hui parfaitement stupides… On verra bien, si j'évolue, j'aurai une trace de ma position en 2006…

    La plupart des objets que je sélectionne ainsi (masques, coiffes funéraires, statues, totems) sont des objets d'une grande force. Certains sont beaux ou très beaux, d'autres sont hideux, mais tous dégagent une formidable impression de puissance. Nous sommes définitivement du côté de la magie et de la fascination, nous ne sommes jamais loin de l'envoûtement.
    Je pensais en les regardant que c'étaient véritablement des objets initiateurs de mythes; je pensais en les regardant que je ne pouvais pas les regarder, que je ne savais pas les regarder, a prima: je promenais avec moi mes préjugés et mes lectures, tout un imaginaire issu principalement de Jules Verne, des Mahuzier et de BD, Tintin, Les passagers du vent, Jonathan, Corto Maltese…

    Et tout cela me fait frémir. Je repense à Nuruddin Farah, à la finesse et à l'humour de cet homme, à sa façon de nous connaître, nous, hommes blancs, à sa façon de dire qu'il est chez lui partout en Afrique (sous-entendu: et pas ailleurs). Je serais curieuse de nous voir à travers ses yeux. Je serais curieuse de savoir ce qu'il pense de ce musée. Est-ce que ça le ferait rire, est-ce que ça le mettrait en colère, est-ce que ça le laisserait indifférent?
    Je repense à la correction que GC a apporté à mon texte sur Nuruddin Farah : Makerere university, la plus grande université ougandaise… totalement inconnue de moi. Je ne pense l'Afrique que par clichés, à travers des lectures enfantines ou post-adolescentes ou des textes datant des années vingt ou des photos de guerre ou de famine…

    Le grand reproche que je ferais à ce musée, finalement, c'est de ne pas nous permettre de nous situer dans le temps. S'il s'agit bien d'un musée d'art, il est intemporel et ça n'a pas d'importance, un bel objet, un objet puissant, le reste, c'est pour un objet d'art une définition donc une tautologie.
    Mais si ce musée revendique une dimension "civilisation", alors il doit impérativement nous donner des repères temporels. Dans le cas contraire, j'ai bien peur qu'il contribue à perpétuer un certain nombre de clichés, et que l'université de Makerere continue longtemps d'être ignorée au profit des masques de guerre ou des statues de la fertilité.

    Jusque là, ça va.

    Et voilà, vingt ans aujourd'hui.

    Je n'aurais jamais cru qu'il tiendrait vingt ans.
    Je n'aurais jamais cru tenir vingt ans.

    Je devrais sans doute écrire quelque chose de très romantique, mais je ne ressens qu'un certain amusement et un peu de fierté, comme si nous avions réussi une bonne farce.

    Hic !

    Le jeune homme blond avec le hoquet qui est descendu à la même gare de RER que moi à une heure passée ne sait pas que j'ai failli me retourner pour lui crier "Hou!".
    Cela ne m'a pas empêchée, après avoir récupéré ma voiture, de le rattraper et de lui proposer de le déposer à sa destination.
    Je l'ai regardé regarder ma voiture qui s'éloignait après l'avoir déposé. J'aime bien interloquer les jeunes hommes blonds.

    Manifeste anti-bretelles

    Je n'aime pas les bretelles de soutien-gorge qui dépassent. Remarquez, mon observation est inexacte, elles ne dépassent pas, elles sont carrément exposées.

    Mesdames, mesdemoiselles, si vous ne supportez pas de ne pas porter de soutien-gorge ou de porter un soutien-gorge sans bretelle sous un débardeur à fines bretelles, prenez au moins la peine d'assortir la couleur du-dit soutien-gorge, prenez la peine d'au moins un vague rappel de couleur : oui, une bretelle noire sous un haut blanc ou rouge est vulgaire, quelles que soient votre élégance et votre recherche vestimentaire par ailleurs. (Je suis également contre les bretelles transparentes, qui brillent et attirent l'œil).

    Il faut savoir renoncer ou investir : si vous savez que vous n'avez pas la bonne couleur de soutien-gorge au moment de l'achat du débardeur de vos rêves, n'achetez pas. Ou achetez le soutien-gorge assorti.
    Sachez renoncer, c'est un premier pas vers la distinction : à quoi rime un soutien-gorge sous des emmenchures américaines ou sous un dos nu se nouant autour du cou? All the point est de dégager les épaules et le dos, comme le nom "dos nu" l'indique, le port d'un soutien-gorge à bretelles devient ici un non-sens. Alors sachez renoncer à cette si jolie pièce de tissu si vous n'êtes pas capable de la mettre en valeur : elle est peut-être jolie, mais vous la rendrez moche.

    ------------------------
    Pendant que j'y suis, une brève :
    D'après un article du Figaro du 16 juin reprenant un sondage de FHM, Ségolène R. est sixième au classement des cent femmes les plus sexy de la planète, et deuxième des Françaises derrière Adriana Karembeu.

    Constat

    Quand j'ai mal aux yeux, j'entends moins bien.

    Vieillir

    Paul Rivière a 86 ans. Je l'ai rencontré en janvier 2000, lors d'une manifestation quelconque d'anciens élèves (nous avons fait la même école). Nous déjeunons ensemble environ une fois par semaine. Au départ, il s'agissait d'échanges pédagogiques : je lui parlais de livres, il me parlait de vins. Peu à peu nous avons simplifié le déroulement des déjeuners : nous parlons de tout, et nous buvons.

    Mercredi, il m'apportait une boîte de petits Monte-Cristo et une page découpée et volée le matin-même dans un Point de vue chez son dentiste. (Cela n'a l'air de rien, mais pour la première fois de sa vie l'automne dernier il a franchi sans ticket le portillon du métro. J'ai une très mauvaise influence sur lui).

    J'avais vu la fois précédente qu'il lisait le livre de Benoîte Groult, La Touche étoile, et je lui avais demandé de me le prêter. En effet, pendant les vacances de Pâques j'avais entrevu quelques minutes une émission de télévision (de Laurent Ruquier?) où Benoîte Groult avait répondu à une fadaise quelconque de Valérie Mairesse : «70 ans? Mais c'est la jeunesse de la vieillesse!»
    Je suis sûre que c'est vrai. A 86 ans, on doit avoir l'impression d'avoir loupé le coche à 70. J'ai tellement l'impression de l'avoir loupé à 25 que je ne veux pas recommencer la même erreur, je veux savoir ce que j'ai à perdre, je veux des témoignages : qu'est-ce que ça fait, vieillir? Que possédé-je aujourd'hui que je ne sais pas que je possède?

    En fait, il y a très peu de témoignages. Personne n'en parle vraiment. A fréquenter Paul Rivière, je me rends compte que lui n'a personne à qui en parler, personne que ça intéresse, personne avec qui faire le double mouvement d'oublier en parlant d'autre chose (principalement de ses souvenirs, mais pas seulement) et de parler, parler du corps qui se dégrade (il a perdu son appétit dernièrement, et me dit en riant qu'il a retrouvé la ligne de ses vingt ans), parler du classement des papiers, de l'appartement qu'il range; et nous ne l'évoquons pas, mais nous savons bien qu'il s'agit de préparer le travail des héritiers, de ceux qui devront "vider la maison de leurs parents"; et je lui donne des conseils, Dieu me pardonne, je lui dis que garder en fonction de ce que j'aurais aimé que mes grands-parents fissent. Que cela doit paraître glauque à lire, et pourtant : c'est utile, il est content et je suis intéressée, nous pouvons évoquer des problèmes que les gens autour de lui éludent. Car comment oser répondre à quelqu'un quand c'est sa mort qu'il organise ? J'ai parfois l'impression que le monde va s'écrouler autour de nous tant me semblent impossible ces conversations, parler de la mort avec quelqu'un de 86 ans prend une dimension monstrueuse que cela n'a pas quand on discute ou réfléchit avec quelqu'un de 40, 50 ou 60 ans : c'est de la sienne que nous parlons et nous le savons tous les deux; parfois je me demande comment il se fait que nous ne nous mettions pas, chacun pour une raison légèrement différente, à trembler ou hurler de terreur.

    A la question « Comment abordez-vous ce cap des 90 ans que vous allez franchir ?», Paul Ricœur répondait: «Je le vis tranquillement. La phrase qui m'accompagne toujours, c'est "être vivant jusqu'à la mort". Les dangers du grand âge sont la tristesse et l'ennui. La tristesse est liée à l'obligation d'abandonner beaucoup de choses. Il y a un travail de dessaisissement à faire. La tristesse n'est pas maîtrisable mais ce qui peut être maîtrisé c'est le consentement à la tristesse, ce que les Pères de l'Église appelaient l'acédie. Il ne faut pas céder là-dessus. La réplique contre l'ennui, c'est d'être attentif et ouvert à tout ce qui arrive de nouveau.» (entretien donné au Cahier de l'Herne)


    Le livre de Benoîte Groult, j'ai le regret de devoir l'écrire, n'est pas très intéressant. Il se parcourt de l'œil, tout juste trouve-t-on sa plume batailleuse revigorante. Deux passages, qui constituent pratiquement in extenso ce qu'il y a à retenir de ce livre (non, il a également de "beaux" passages sur l'avortement, sur "cette fatalité féminine" de ''tomber'' enceinte potentiellement chaque mois):
    Qui se souvient ici-bas qu'elle s'appelle Germaine ou Marie-Louise? Et qu'elle est toujours la petite fille d'autrefois qui flotte dans une peau distendue? Et qu'est-ce d'ailleurs un vieux monsieur sinon un galopin à moustaches qui voudrait toujours et encore jouer à touche-pipi?
    Moi, Moïra, moi, leur destinée, je ne me lasse pas de leur capacité d'enfance. Ce n'est pas méritoire d'être jeune quand on est jeune, on ne sait rien faire d'autre. Mais le tour de force que ça représente d'être jeune quand on ne l'est plus, ça me tire des larmes. Salut, les acrobates! Car les enfants, malgré des fulgurances, ne sont que des enfants. Eux, les vieux, cumulent tous les âges de leur vie. Tous ceux qu'ils ont été cohabitent, sans compter ceux qu'ils auraient pu être et qui s'obstinent à venir empoisonner le présent avec leurs regrets ou leur amertume. Les vieux n'ont pas seulement soixante-dix ans, ils ont encore leurs dix ans et aussi leurs vingt ans et puis trente et puis cinquante et en prime les quatre-vingt piges qu'ils voient déjà poindre. Et tous ces personnages qui récriminent, qui vous font reproche et n'ont jamais eu la part assez belle, il faut savoir les faire taire.

    Benoîte Groult, La Touche étoile, p.13


    Je voudrais comprendre comment l'amour et le respect des vieux, si puissants dans l'Antiquité, dans les civilisations africaines ou indiennes et même encore en Europe au siècle dernier, ont pu sombrer dans notre société moderne et ce qu'il adviendra quand ces vieux survivront jusqu'à cent vingt ans, ce qui ne saurait tarder?
    Le problème, c'est que pour écrire valablement sur la vieillesse, il faut être entré en vieillesse. Mais dans ce cas, elle est aussi entrée en vous et vous rend peu à peu incapable de l'appréhender. On ne saurait traiter du sujet que suffisamment âgé… on n'est capable d'en parler que si toute jeunesse n'est pas morte en vous.
    Je suis, me semble-t-il, à l'intersection de ces états, me considérant bien sûr comme l'exception dont je parlais. Assise, j'ai soixante ans. Debout, je me tasse un peu, d'accord, mais ma démarche reste alerte. Je suis insoupçonnable en terrain plat. C'est en descendant un escalier que je deviens septuagénaire. Je le descends avec ma tête car je ne fais plus confiance à mes jambes. Ces quelques dixièmes de seconde d'hésitation avant chaque étape d'un mouvement instinctif qu'il faut désormais décomposer, dénoncent l'atteinte irrémédiable.
    Chez moi, ce sont les amortisseurs qui ont flanché les premiers. Je n'ai plus que des bouts de bois dans les jambes, sans lubrifiant, ni ressorts. Le bois est bon, la densimétrie le prouve. L'ennui, c'est que les articulations n'articulent plus. Et comme les pieds ne sont pas des pneux, je roule sur les jantes. Et quand la route est pentue, je ressemble à ces petits jouets en bois articulés qui descendent un plan incliné avec des mouvements saccadés. Mon Dieu! La souplesse! Je n'avais jamais considéré la souplesse comme un bien inestimable. Toutes les priorités se modifient. C'est aussi une découverte que l'on fait car, contrairement à une opinion répandue, la vieillesse est l'âge des découvertes.

    Op. cité, p.27
    L'article que Paul a volé pour moi est un portrait de Benoîte Groult :
    Enfoncée jusqu'aux aisselles dans une combinaison de pêche, la hotte en bandoulière et le filet à la taille, une octogénaire patauge avec délices dans les algues de la baie de Derrynane, au bout du monde. Hier, le brouillard celtique avait effacé ce coin d'Irlande, au fond de l'Anneau de Kerry. Ce matin, l'univers a réapparu avec le soleil. L'écrivaine Benoîte Groult a suspendu pour une semaine interviews et émissions de télé pour se consacrer à la seule chose qui vaille vraiment : la pêche à la crevette.
    A 86 ans, elle a renoncé au ski et à la bicyclette, mais pas à traquer le bouquet royal. Fouillant énergiquement les touffes de laminaires avec son haveneau, elle peste contre la maigreur de ses prises. «L'été, elles sont trois fois plus grosses.» Alors elle brandit sa pelle et s'attaque aux palourdes, qui ont la maladresse de se signaler par deux petits trous jumeaux dans le sable. […]

    Point de vue, mai 2006 (sans doute. Je n'ai pas la date exacte)

    — Tu as déjà pêché la crevette? me demande Paul, prêt à partir dans ses souvenirs.
    — Non.
    Il me regarde attentivement:
    — Oui, je vois bien que ça ne te dit rien. Tu es une terrienne !
    Il rit.

    Billet bourrée

    Ce matin, baguenaudant chez Zvedo, je lis ce billet qui voudrait que Gv ait traité de « pathétique » la tenue d'un blog. (Gv dément vigoureusement).

    Rentrant de mon déjeuner hebdomadaire trop arrosé avec Paul Rivière (j'ai décidé finalement de lui donner un pseudo), j'écris cette note mélancolique qui vous fera comprendre
    1/ que je ne tiens pas l'alcool
    2/ pourquoi je ne voulais pas ouvrir de blog.

    Tenir un blog est pathétique quand/si cela consiste à envoyer au monde entier une lettre qui ne devrait être destinée qu'à un seul, mais que ce « un seul », on ne l'a pas sous la main, ou plus triste encore, qu'on le connaît sans avoir jamais osé le lui avouer, ou encore plus triste, qu'on le connaît, mais qu'on doute (euphémisme pour : être sûr) que nos billets, ces lettres quotidiennes, pourraient faire autre chose que l'ennuyer: «notre âme à coté du papier»1 ne l'intéresse pas (laissons de côté le cas diabolique mais non moins douloureux où l'on en profite pour écrire à qui ne vous lirait pas autrement (la logique de l'épuisement des possibles sera ma perte)).
    Alors on écrit un billet dans un blog, on envoie une bouteille à la mer, en se disant que peut-être, dans l'infini des possibles, une personne le lira et le comprendra, tant est longue notre solitude et non désespérable notre besoin de consolation2.

    Entre pari de Pascal et nouvelle de Borges.

    Je crée de ce pas une rubrique « Paul Rivière » et une rubrique « réflexions méta-bloguiennes », car il me semble que le blog, et internet en général, méritent bien que l'on s'arrête pour réfléchir au manque ou au besoin (et à l'apport) en jeu à cet endroit précis de la condition humaine.



    1 : cf. Cyrano de Bergerac, cf Matoo.

    2 : Stig Dagerman

    Quelques règles quand on fait du stop

    Heidi, furieuse que Biff l'oublie pour une partie de flipper, l'a planté là et est partie avec la voiture. La maison est à trente kilomètres. Biff marche. Une voiture s'arrête.

    Le conducteur se pencha et ouvrit la portière, côté passager.
    — Je vous dépose quelque part ?
    — Pendant un instant, Biff eut l'impression d'être un animal; devait-il se débattre ou se sauver? Mais il savait qu'il n'allait pas tourner les talons et s'enfuir, alors il monta dans la voiture.
    — Le conducteur aurait facilement pu être un tueur maboul. Vingt ans et quelques, de longs cheveux filasse, une vague barbe de quelques jours. Son vieux break était à la hauteur de la situation, lui aussi. Et il écoutait AC/DC. Mauvais signe. Biff avait lu quelque part que les tueurs maboul aimaient bien AC/DC, en général. Il y avait un chien à l'arrière. Le chien avait un bandana rouge noué autour du coup en signe de collier. Ça, c'était bon signe : en général les tueurs maboul n'étaient pas du genre à nouer des bandanas autour du cou de leur chien.

    Randy Powell, Embrasser une fille qui fume, p.246
    Je me souviens1 d'une fin de matinée de septembre que je faisais du stop dans les Corbières. C'était l'époque des récoltes, les fruits et bientôt le raisin. Toute la faune des saisonniers, tannée, musculeuse et malpropre, courait les routes. Une voiture s'est arrêtée, genre Ami8 beige, deux gars à l'avant à l'aspect pas très rassurant, maigres comme des chats de gouttière, un grand chien jaune à l'arrière, croisement de coyotte et de berger allemand. J'ai hésité. Je suis montée dans la voiture à côté du chien. Le conducteur a ri en démarrant.
    — Pourquoi riez-vous ?
    — J'avais parié avec mon copain que vous refuseriez de monter.
    Je ne lui ai pas dit que ce qui m'avait décidée, c'était le chien.


    En montant dans cette voiture, je ne respectais pas l'une de mes règles : ne jamais monter dans une voiture où il y a plusieurs hommes. J'avais des principes, plus ou moins rationnels, plus ou moins stupides. Il faut dire que la première fois que j'avais fait du stop, la personne qui s'était arrêtée pour me prendre était une femme qui m'avait dit plus tard : « J'ai hésité à m'arrêter, je me suis dis que tu draguais peut-être. » Cela résumait toute l'ambiguïté de la pratique. C'était une pro du stop, à l'en croire, elle devait son actuel emploi à l'auto-stop, et le père du bébé qui dormait à l'arrière avait également été rencontré en stop… (Je l'ai crue.) Elle m'avait donné des conseils :
    — Si tu n'as pas envie de monter, ne monte pas.
    — Mais je dis quoi ?
    — Rien, tu joues l'idiote, tu fais la demeurée, tu dis que tu as changé d'avis.

    Elle m'avait donné ce conseil absolument impossible à suivre, à moins de se résoudre à ne jamais monter dans aucune voiture : « Il ne faut monter que si le conducteur a un sourire d'enfant. » (Je n'ai rencontré qu'un automobiliste dont j'ai su au bout de dix secondes qu'il avait un sourire d'enfant. Le sourire d'enfant ne s'épanouit généralement qu'au bout de plusieurs minutes ou plusieurs heures. Ce n'est pas un critère utilisable quand il faut se décider très vite.)

    J'avais donc élaboré mes propres règles. Je pense les avoir toutes trangressées.
    - ne pas faire de stop à la nuit tombante ;
    - ne pas monter dans une voiture conduite par un Arabe (fruit de l'expérience: ils ne sont pas méchants, mais il sort du cadre de leur compréhension qu'une fille qui fait du stop ne soit pas une pute. Autant éviter les malentendus, pénibles à gérer et assez déprimants) ;
    - ne pas monter, donc, dans une voiture contenant plusieurs hommes ;
    - ne pas monter dans une GS à la carosserie abîmée ou repeinte.

    Ce dernier point est une généralisation hâtive tirée de quelques observations concrètes : la GS repeinte est (était, ça se passe il y a longtemps) conduite par un beauf pénible.
    Ce n'est donc pas sans une certaine envie de rire que j'ai appris que je ne serais pas montée en stop avec Pascal. Mais peut-être que sa GS n'était pas repeinte. Ou peut-être qu'il ne s'arrêtait pas pour prendre les auto-stoppeuses.


    Note
    1 : Je suppose que je suis censée penser à Perec chaque fois que j'écris, dis ou pense "je me souviens". C'est trop tard, je pense désormais, et à mon avis pour longtemps, à certains posts de Gvgvsse.

    Peu encourageant (réalisé sans trucage)

    Les trois dés du destin traînent sur la table de la cuisine.

    Le dos du carton d'emballage indique la signification de chacun :
    - Le dé rose parle de toi, il te dira quoi faire pour arriver à tes fins.
    - Le dé turquoise parle du temps, il t'indiquera le moment idéal pour passer à l'action.
    - Le dé violet évoque tes chances, il t'indiquera le résultat probable de ta demande.

    Je lance les dés.

    Rose : "Fais un effort"
    Turquoise : "Bientôt"
    Violet : "Peut-être"

    Des chiffres sur le pétrole

    • la production, l'offre, la demande, les réserves existantes, etc, le nombre de voitures particulières et commerciales, par zones géographiques et pays par pays : ici (lien non pérenne, fichier à sauvegarder s'il vous intéresse)

    • Une étude danoise plus ancienne (2004). Prévisions, perspectives, extrapolations de la recherche pétrolière.

    La FIFA, c'est mieux que l'ONU

    Entre 1997 et 2003, j'ai beaucoup travaillé avec des équipes d'informaticiens, une en particulier. Des geeks et des footeux. J'aime bien les footeux qui savent de quoi ils parlent (j'aime bien ceux qui savent de quoi ils parlent). Je me souviens du départ de Fernandez du PSG en 1996. Je savais que le PSG venait de gagner la Coupe d'Europe, je ne comprenais pas bien pourquoi l'entraîneur s'était fait virer.
    — Parce que le jeu n'était pas assez spectaculaire.
    — Ahh… Et il est plus spectaculaire, maintenant?
    — Non.
    Mais désormais le PSG perdait.

    En 1998, 2000 et 2002, au moment des coupes du Monde ou d'Europe, "mes" informaticiens avaient monté un intranet destiné à un loto sportif en interne. Comme nous étions peu nombreux, c'était très amusant.
    A l'usage, on se rendait compte que cela n'avait pas beaucoup d'importance d'y connaître quelque chose ou pas. C'était très vexant pour les vrais théoriciens de ce sport, capables de réellement bouder quand ils s'étaient trompés. Le plus grand ennemi du pronostiqueur, c'est l'affectif, le détachement de celui à qui tout cela est parfaitement indifférent lui permet de réaliser d'aussi bons pronostics, voire de meilleurs, que celui qui connaît la biographie de tous les footballeurs sur le terrain.

    C'est pourquoi, grâce à Vinvin qui m'a permis d'avoir une idée du tableau de départ, il me semble que la finale est évidente : Allemagne-Brésil.
    Pour le reste, ça m'est égal : je vis dans un monde sans télévision, presque sans radio, je vais vivre la Coupe du Monde par procuration, comme d'habitude, et cela ne va pas me manquer (!). J'adore les moments où la ville est vide mais qu'on la sent respirer à l'unisson, les moments où s'échappent de toutes les fenêtres le même cri, cette impression de communion. Je préfère que la France gagne parce que j'aime le bonheur palpable des gens le matin dans le RER.

    En 2002, J'ai lu La Terre est ronde comme un ballon, de Pascal Boniface. J'ai découvert quelques points d'histoire et de géopolitique intéressants : la Suisse, qui traditionnellement n'adhère à rien (elle a adhéré à la SDN en demandant un statut particulier qui respectât sa neutralité, elle n'a rejoint l'ONU qu'en… mars 2002) fait partie des sept pays fondateurs de la FIFA (fédération internationale de football association). La FIFA est l'organisation qui accueille les deux Chines, les deux Corées, la Palestine et Israël (qui joue parmi les équipes européennes pour les matches de qualification : il y a encore du chemin à parcourir…).
    Alors bon. Même si je trouve les supporters un peu lourds parfois (euphémisme), j'ai décidé d'être indulgente. Le football nous sauvera peut-être.


    Il est possible que je lise Les treize vérités sur le foot, de Just Fontaine. Ou alors, cadeau de fête des pères, puis je me l'accapare? A creuser.

    L'art peut-il lutter contre le spleen?

    (J'aime bien ces titres ampoulés comme des sujets de dissertation.)

    La lassitude de Tlön ou celle de Guillaume me rappelle cette constatation déjà ancienne : la littérature ne peut rien, ou pas grand chose, ou pas pour moi, contre les idées noires, la mélancolie, l'impression de se heurter aux parois de son être ou du monde. Je ne sais pas si c'est tout le monde, je n'ai jamais demandé.1

    J'ai essayé à plusieurs reprises de faire une liste de livres pour lutter contre les périodes de découragement, d'ennui ou de lassitude, une liste de livres qui donnent de la gaieté, de la joie de vivre, qui influent de l'énergie, une liste de livres littéraires qui rendent joyeux.
    Je n'y suis pas parvenue. Je peux trouver des livres apaisants, des livres qui font rêver ou rire, mais rien de suffisamment profondément joyeux pour qu'il en reste une envie de vivre une fois le livre refermé.

    J'ai essayé : La conjuration des imbéciles est très drôle, mais il y a quelque chose de triste dans le sort de héros, dans la façon dont nous ne pouvons pas, nous ne pourrons pas l'aimer, Le Maître et Marguerite, drôle, sort consolant de Ponce Pilate, destin doux des héros positifs, mais grinçant puisque les situations les plus absurdes ou comiques font référence à la réalité soviétique (il faudrait ne pas connaître cette correspondance avec la réalité historique), Feu pâle, drôlerie de cette histoire folle, mais justement c'est une folie, les poèmes de Cavafy, merveilleux mais pas gais, la Chasse au Snark, sans doute ce que je préfère, mais dont la fin pince un peu malgré tout, les souvenirs d'Evguénia Guinzburg, (Le Vertige et Le Ciel de la Kolyma) jamais amers, profondément humains et sages, qui réussissent à vous convaincre que tout cela vaut la peine, finalement, malgré tout. Mais ce ne sont pas des souvenirs qui rendent gais. Peut-être certaines pièces de Shakespeare? Je ne le connais pas assez, il y a peut-être là une piste.
    Difficile d'apporter des livres à un malade, par exemple : un peu de poésie, parce que ça se lit sans suite, La vie, mode d'emploi, parce que c'est gros mais que chaque chapitre peut se lire indépendamment, Notes sur les manières du temps, parce que les titres des chapitres à eux seuls suffisent à faire rire ou rêver.
    Toute poésie, toute littérature (tout art?) bien menées nous racontent la condition humaine, avec donc la mort à contre-jour, le temps, le vieillissement…

    Je ne connais pas de livre "littéraire" qui apporte de la gaieté et donne de l'énergie. Les livres peuvent apaiser ou faire rêver. La présence des livres suffit à m'apaiser: une après-midi en bibliothèque (à condition que le mobilier ne soit pas moderne) ou en librairie suffit à calmer l'inquiétude qui me ronge parfois. Il ne s'agit pas de lire, mais d'être debout parmi les livres. C'est suffisant. Ils sont tous là, à disposition, le temps ralentit, le cœur aussi. Nulle inquiétude à l'idée qu'on ne pourra tous les lire, puisqu'ils sont là, et sérénité de savoir qu'il nous survivront: nous mourrons, ils seront encore là. Je ne connais pour la gaieté que le n'importe quoi, l'absurde sans prétention. J'ai une prédilection pour les héros qui n'abandonnent jamais et s'en sortent toujours, Blueberry ou Thorgall ou Bruce Willis. J'aime les livres de la collection L'école des loisirs. Je regarde les robes des stars dans Gala et Point de vue (Guillaume, rassure-toi, il y a longtemps que je ne sais plus qui sont toutes ces stars, notamment les chanteuses. Je ne connais que leurs noms.) Je regarde quatre épisodes de ''Starky et Hutch'' (vivent les DVD) ou des ''Têtes brûlées''. Je prie pour qu'un jour sorte la série des "Happy days", avec Richie le gentil et le dieu Fonzy. Une heure de rock m'infue davantage de vitalité qu'une heure de musique classique. La peinture, grâce à la couleur, peut être plus efficace: si l'on choisit soigneusement sa toile de Rotkho (par exemple), on peut y puiser de l'énergie.

    Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire, finalement. J'ai du mal à lire ce que je n'ai jamais lu, j'ai peur d'ouvrir un nouveau livre, quel poids nouveau de malheur, de mélancolie ou de réflexions douces-amères va-t-il m'apporter? Et c'est ainsi que je me suis détournée des romans, par fatigue, par appréhension. Les essais ou les livres théoriques sont bien moins prenants, demandent moins de force vitale.


    Note
    1 : M. Duras, L'Amant.

    Le six juin 2006 à 6 heures 06

    Merci à Gvgvsse, à son 16935e jour, qui a attiré mon attention sur cette conjonction.

    Dessine-moi un caribou

    J'ai commencé à surfer sur le net en septembre 2001. J'avais essayé six ans plus tôt, cela m'avait vite agacée, trop de "bruit".

    Le six septembre, notre petite société était rachetée à 100% par l'un de ses deux actionnaires, et tandis que le portefeuille clients était basculé dans le système de cet actionnaire, les salariés attendaient d'être réintégrés dans la société de l'actionnaire évincé.

    En attendant, nous n'avions rien à faire (cela a duré trois mois). On jouait à Tetris en réseau, j'ai vaguement essayé d'écrire une ou deux pages en html, et j'ai commencé à surfer. Au début je n'avais strictement rien compris, je récupérais conscieusement des adresses dans les magazines. J'ai récupéré celle-ci (enfin, pas exactement, elle a un peu changé, mais le contenu est le même) dans l'Echo des savanes. (J'avais acheté L'Echo des savanes après le 11 septembre à cause d'un dessin de Wolinski qui me coupait le souffle : un poivrot, repoussant comme Wolinski sait les dessiner, disait au patron du bistrot en regardant les avions se diriger vers les tours sur un écran de télévision : «précision, ponctualité… pas du travail d'Arabe, ça»)).

    J'espère que vous n'avez pas cliqué trop vite, c'est quand même n'importe quoi, et je n'ai (n'aurais) pas eu le temps de vous prévenir... J'ai toujours rêvé de ce que nous aurions fait des années plus tôt au lycée avec ce genre de passe-temps à disposition pendant les longues heures de cours. Mon préféré est peut-être celuici, mais je n'en suis pas sûre.


    Plus sérieux (si je puis dire. Disons : plus ambitieux) il y a lui (je ne sais plus chez qui j'ai piqué ça, il y a déjà longtemps (deux ans?)).
    J'aime la fixité des dessins en trois plans, et une action entièrement contenue dans le texte (un peu dommage quand on ne comprend pas tout, mais on ne va pas chipoter (je suis en train de me rendre compte, commentaires de Zvezdo à l'appui, que je ne fais que commenter de l'anglais. Bizarre. Ça va me passer, je pense.))

    Celui-là est sans doute mon préféré, avec bien sûr celui-ci.

    Un de perdu

    J'avais un ami multilingue qui se targuait de littérature.

    Quand je lui disais que je lisais Borges, il me répondait :
    — Et que lisez-vous?
    Histoire de l'infamie.
    (Moue de mon ami)
    — Ce n'est pas le meilleur, vous savez. Vous le lisez en espagnol?
    — Non, je ne sais pas l'espagnol.
    — C'est dommage, c'est bien meilleur en espagnol.

    Le même :
    — Ah, vous lisez le journal de Klemperer! C'est très bien Klemperer, je l'ai lu il y a vingt ans, c'est vraiment très bien.
    — Vous lisez l'allemand? (NB: il n'est traduit en français que depuis dix ans environ).
    — Non, je l'ai lu en anglais quand j'habitais New-York.
    Mais lorsque je lui propose de lui prêter le dernier Harry Potter en anglais, il refuse, au prétexte que son anglais est trop rouillé. (Je précise qu'il le lit dès sa parution en français.)

    Le même, après que j'ai lu Pale Fire en français, parce que j'avais fait au plus rapide:
    — Il faut connaître le russe pour apprécier les jeux de mots russes que Nabokov traduit littéralement en anglais, c'est un grand plaisir. Mon amie américaine qui ne connaît pas le russe ne les voit pas, d'ailleurs.

    Il paraît qu'il lit l'hébreu, aussi.
    Je ne l'ai jamais vu lire autre chose que du français.
    Il se targue toujours de littérature, mais ce n'est plus mon ami.



    Pour la fonction bloc-note de ce blog, je recopie ici des lignes que j'avais déjà mises ailleurs, parce que je les aime profondément.

    Il s'agit de deux postfaces écrites par Nabokov, la première pour sa Lolita anglaise (1955), la deuxième pour sa Lolita russe (1967), qu'il a traduite lui-même.

    dernière phrase de la postface de Nabokov à Lolita :
    «My private tragedy, which cannot, and indeed should not, be anybody's concern, is that I had to abandon my natural idiom, my untrammeled, rich, and infinitely docile Russian tongue for a secon-rate brand of English, devoid of any of those apparatuses ?the baffling mirror, the black velvet backdrop, the implied associations and traditions? which the narrative illusionist, frac-tails flying, can magically use to transcend the heritage in his own way.»
    Nabokov dans la postface de sa Lolita russe :
    «I am only troubled now by the jangling of my rusty Russian strings. The history of this translation is a history of disillusion. Alas, that "marvellous Russian" which, I always thought, constantly awaited me somewhere, blooming like true spring behind hermetically sealed gates to which I kept the key for so many years ? that Russian turns out to be non-existent. And behind the gates there is nothing, except charred stumps and a hopeless automn vista, the key in my hand is more like a lock-pick.»

    Traduction de Irwin Weil dans TriQuaterly n°17, winter 1970, p.282

    Je ne sais exprimer le sentiment de regret et de nostalgie qui naît de la confrontation de ces deux textes: avoir passé sa vie à la poursuite d'une chimère, pour découvrir qu'il s'agissait d'une chimère.

    La princesse Stéphanie à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies

    «Pourquoi ne pas souligner les actions culturelles et caritatives de la princesse Caroline ou celles de la princesse Stéphanie, notamment en faveur de la lutte contre le sida, action qui la conduira demain à New York où elle sera reçue par Kofi Annam et prononcera pour la première fois un discours à la la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies ?» s'interroge dans le Figaro de ce jour Me Lacoste, avocat et ami de la famille Grimaldi.


    Curiosité : Albert de Monaco regarde-t-il 24 heures chrono? La mythique honnêteté du Président des Etats-Unis David Palmer lui inspire-t-elle sa conduite, est-ce pour cela qu'il a reconnu l'existence de sa fille Jazmin Grace?

    Jazmin Grace, future Mazarine Pingeot?


    Que de questions. Aujourd'hui, Marylin Monroe aurait eu 80 ans.

    Amateur

    Quelle était la phrase exacte ? «When I make mistakes, they tend to be long ones» ? Je ne sais plus exactement, j'ai vu ce film Amateur en 1994. Elle était prononcée par Isabelle Huppert, en train d'expliquer qu'elle avait été nonne dix ans avant de quitter le couvent. Ça m'avait plu.

    Le montage particulier de ce film m'a marquée : à plusieurs reprises, la réplique d'un personnage commence à la fin d'une scène et se poursuit sur la suivante, scène n'ayant visuellement aucun rapport avec la précédente, tant et si bien que cette réplique devient une sorte de voix-off qui commente des images qu'on ne comprend pas. Cela donne l'impression d'une erreur de montage, d'un décalage de la bande-son. Ce n'est qu'à la seconde vision du film, quand on a la connaissance du futur, qu'on comprend la précision de ces répliques chevauchantes qui s'appliquent bel et bien aux deux situations.

    J'aimerais revoir ce film. Il est en vente d'occasion à 99 euros sur Amazon. Est-ce que le plaisir de revoir Martin Donovan vaut ce prix-là?

    Lire, écrire, bloguer, etc

    Tlön ayant signalé une critique de Rannoch Moor par Michel Crépu dans la Revue des deux mondes, j'ai récupéré l'article et l'ai transmis à Franck. (Il apparaît d'ailleurs que Crépu doit être un lecteur régulier, car il aurait déjà fait une allusion à La Dictature de la petite bourgeoisie il y a un an. A suivre.)

    Je remarque dans cet article une phrase que je commenterais volontiers : «C'est curieux, je ne supporte absolument pas les rappels historiques, sous sa plume en tout cas.»
    Quoi de plus naturel que de commenter cette phrase sur le site de la SLRC ? Quoi de plus artificiel que de la commenter ici, à grands renforts de liens ? La tentation est grande de fermer ces pages à peine entrouvertes, de prendre mes cliques, mes claques, et de retourner dans mon milieu naturel. Quatre ans d'habitudes, de soins, de chemins si souvent empruntés, ça ne s'oublie pas si facilement, et les pas, les doigts, la pensée, ne comprennent pas bien ce qu'ils font ici à taper du wiki dans une fenêtre dotclear...
    Sauf que ce n'est pas mon milieu naturel, sauf que je n'y suis pas souhaitée, sauf que je n'ai rien à y faire. C'est une étrange sensation, à laquelle il faut que je me fasse. (Mon oncle lors de son divorce se plaignait à ma grand-mère:
    — Mais maman, je l'aime encore.
    — Pas elle, il faut t'y faire.)


    Ces quatre ans à écrire sur le forum de la SLRC se soldent donc par un échec. Il faut me résoudre à l'idée que j'étais devenue (à moins de l'avoir été depuis le début, ce qui est tout à fait possible) insupportable: trop magistrale, trop sérieuse, trop seule. Se résoudre à cela n'est pas trop difficile, car je le savais depuis longtemps.
    Ce n'est pas difficile aussi parce qu'il y a longtemps que je sais que je n'y trouverai pas ce que je cherche: un répons ou du répondant, un dialogue. Las!

    Ce qui est difficile, c'est de peser la mesure de déloyauté (sans oser utiliser le mot de trahison) envers le site de la SLRC. Pour qu'il y ait trahison, il faudrait qu'il y ait eu engagement préalable, convention. Il n'y a jamais rien eu, et j'ai sans doute plus donné que reçu (Hmm. Non, bien sûr. J'ai reçu une dédicace. J'ai reçu le nom de ce blog. Oui, c'est sans doute cela le nœud de l'affaire, l'origine de ce sentiment de trahison que je porte en moi.)


    J'aimais sur le forum être dans un lieu ouvert, ouvert à tous. J'espérais, j'ai espéré jusqu'au bout, que vienne quelqu'un qui m'enchanterait, que j'aurais eu plaisir à lire, qui m'aurait appris quelque chose sur la lecture et sur la littérature, quelque chose de précis, de simple, d'évident, que je puisse comprendre.
    Je n'en reviens pas, finalement, d'avoir pu croire et espérer si longtemps («Quand je fais des erreurs, elles sont généralement très longues», le personnage d'Isabelle Huppert dans Amateur).
    Il n'est venu personne, il ne viendra personne.
    Pas grave. Maintenant que je l'ai compris et accepté, je vais m'y prendre autrement. J'essaierai d'assister aux cours de Compagnon à la rentrée. Je vais lire Thibaudet.


    Et me voilà avec un blog. Ça m'intimide, heureusement que je suis têtue et en rogne.

    Typologie des blogs. Depuis que j'en lis, j'ai eu le temps d'y réfléchir. Trois types principaux se dégagent:
    - les exhibitionnistes, qui se dévoilent parce qu'ils aiment se montrer;
    - les professoraux, qui font des exposés magistraux sur des sujets qu'ils aiment (parfois qu'ils n'aiment pas, mais ne compliquons pas) et qui souhaitent faire partager leur passion;
    - les amicaux, qui souhaitent partager leurs histoires, leur solitude, leurs éclats de rire, ceux qui attendent un peu de chaleur humaine et de communion.

    Bien entendu, un blog(ueur) est rarement un type "pur". Le plus souvent il mêle les trois, avec une ou deux fortes dominantes. Les blogs poétiques, artistiques, sont plutôt exhibitionnistes, ce qui confirmerait que faire de l'art, c'est bel et bien mettre ses tripes sur la table (la réciproque n'est pas vraie, un blog peut être exhibitionniste sans être artistique). Les blogs critiques font partie de la seconde famille.

    Je n'ai pas de préférence pour un type particulier. Tout dépend du ton, de la manière, des affinités électives.

    Bon. Je vais aller regarder le début de la saison 3 de 24 heures chrono. Il paraît qu'elle est nulle.

    Printemps

    C'est l'époque des beignets de fleurs d'acacia, mais tous les arbres ont été élagués si haut que je ne peux atteindre les fleurs.

    Au bon goût de brûlé

    Question à O., sept ans:

    — Et tu sais ce que ça veut dire, S.P. ?
    — Saveur pompier !

    Les routiers sont sympas

    Un commentaire chez Guillaume m'apprend la mort de Max Meynier.

    Lorsque j'étais en terminale, je faisais mes devoirs à la dernière minute. J'avais pris l'habitude de travailler la nuit, 22 heures-2 heures, ou même de me coucher tôt pour me relever, 1heure-5 heures, pour redormir deux heures à l'aube. J'écoutais la radio, très bas. C'était un vieux poste qui ne recevait pas la FM et que la calculatrice HP parasitait.

    Je n'ai jamais écouté Macha. J'ai beaucoup écouté Max Meynier. La nuit, les routes, les messages (les naissances, les anniversaires, les galères, les pannes).

    Quelques années plus tôt, m'ennuyant beaucoup, j'avais entrepris de lire tous les livres de la bibliothèque du collège, en commençant en haut à gauche (non, je ne connaissais pas Sartre!) Le classement voulait que la première étagère fut consacrée à la collection Fantasia, de grands livres beiges dont les couvertures s'ornaient de lignes dorées formant des losanges, avec une étoile aux intersections des lignes.
    J'ai dû lire une centaine des livres de cette collection, dont le souvenir est à la fois vif et brouillé (c'est-à-dire que je confonds tous les titres et toutes les histoires.) L'un d'entre eux racontait l'histoire d'un garçon qui faisait une fugue et voulait devenir routier. Voyage initiatique: à la fin du livre, les divers routiers l'avaient convaincu de devenir aviateur... Je crois que cela s'appelait Et pourtant l'aube se leva. Mais cela conviendrait tellement mieux à un livre sur la deuxième guerre mondiale que je me dis que je dois me tromper. Je pense souvent à cette phrase, à ce titre: Et pourtant l'aube se leva (Et il y eut une nuit, et il y eut un matin).

    Plus tard, j'ai fait beaucoup de stop. Je traversais régulièrement la France, Paris-Bordeaux (pas dans l'autre sens, dans l'autre sens j'étais pressée, en retard bien sûr, donc je prenais le train). Ce sont les professionnels de la route qui s'arrêtent pour prendre les auto-stoppeurs, les VRP et les routiers; plus rarement des étudiants.
    Je confirme : les routiers sont sympas. Les VRP, c'est plus divers, ils sont plus obsédés, plus matois, plus alambiqués. Les routiers sont sympas, simples, directs, vous proposent la botte au bout de cinq minutes et n'insistent pas. Je me souviens d'un Agenais jeune, aux boucles d'angelot, qui répétait justement «On n'est pas des anges».

    J'aimais beaucoup le stop. Les gens qui prennent un stoppeur ont envie de parler. J'ai appris ainsi le circuit de la fabrication des chaises entre la France et l'Italie, la technique du séchage des prunes pour en faire des pruneaux, les caractéristiques du secteur des groupes électrogènes, les amours et les peines de certains, leurs problèmes concernant les enfants, des histoires de vengeance... Je me souviens d'un routier hollandais qui faisait la navette deux fois par semaine entre Amsterdam et Barcelone. Son camion était le plus beau, le plus neuf, le mieux équipé de ceux dans lesquels je suis montée. Il parlait un étrange sabir et m'a détaillé à peu près toute la législation du transport routier en France et toutes les façons de la contourner. Il m'a raconté qu'à une époque il faisait la navette entre la Hollande et l'Arabie Saoudite: dix-sept jours de camion. Il était très gentil, très tendre, je regrette encore de ne pas avoir fait une exception à ma stricte ligne de conduite et ne pas lui avoir dit oui.

    Les parkings d'autoroute le week-end, avec les grands camions au repos comme des bêtes punies, me remplissent de nostalgie.

    Bonsoir, Max.

    Le CSS et les saumons

    A l'aide des conseils de Kozlika d'une part, de l'aide en ligne de Dotclear d'autre part, j'ai donc installé ce blog. Bien entendu, je l'ai installé trois fois. La première fois j'ai entré en clair mon nom et mon prénom dans la fenêtre de création du premier utilisateur, qui est également l'administrateur; or je ne voulais pas qu'ils apparaissent ainsi. Persuadée que ce n'était pas modifiable puisqu'il s'agissait des données de l'administrateur, j'ai décidé de tout mettre à la poubelle. La deuxième fois, parvenue à l'étape du paramétrage de la base de données, l'installation s'est arrêtée en remarquant "il semble que Dotclear est déjà installé sur votre machine", ce qui fait que le processus s'est interrompu avant que j'atteigne la fenêtre de création du premier utilisateur.
    J'ai donc tout remis à la poubelle et cette fois-ci pensé à soigneusement effacer tous les cookies, pour parvenir strictement au même résultat.
    C'est alors que je me suis aperçue qu'il était simplissime d'effacer mon nom et prénom, que ces champs n'étaient absolument pas protégés.

    Je me suis ensuite penchée sur les conseils de Kozlika pour changer les styles. Et j'ai découvert CSS.

    H. m'a tendu CSS, la référence, d'Eric Meyer chez O'Reilly. J'aime beaucoup les couvertures de cette collection, qui restent cependant un mystère: des saumons pour un langage nommé Cascading Styles Sheets, c'est encore logique, mais pourquoi un rhinocéros pour Javascript, un mouflon pour Perl ou des hippocampes pour les algorithmes en C ?

    C'est ainsi que ce livre technique de cinq cents pages se termine par :
    « Les saumons ont une place importante dans l'écosystème car leur carcasse pourrie fertilise les lits de rivière. Cependant, leur nombre est en diminution ces dernières années. Les raisons en sont la destruction de leur habitat, la pêche, les barrages bloquant leur passage, les pluies acides, la sécheresse, les inondations et la pollution. »

    Cela m'enchante.

    (Je ne me fais cependant aucune illusion, cette page risque de rester ainsi encore très longtemps: pas beaucoup de temps, pas beaucoup d'importance...)

    Entrée en matière

    Les parrains de ce blog sont (même s'ils ne le savent pas) :
    • Phillipe[s], qui me voulait blogueuse dès l'été dernier;
    • Zvezdo, qui m'en a réclamé un à grands cris en janvier;
    • Guillaume, qui me dit avant-hier quand je lui confirmai que j'en ouvrais un : «Eh bien, c'est pas trop tôt!»

    Je dédis ce premier billet à Jules puisque «Citer est un vice dont je ne me lasse pas».
    «Nous avons suivi l'ordre du hasard, celui de nos notes de lecture. Selon que j'avais eu en mains un livre, grec ou latin, ou que j'avais entendu un propos digne de mémoire, je notais ce qui me plaisait, de quelle sorte que ce fût, indistinctement et sans ordre, et je le mettais de côté pour soutenir ma mémoire, comme en provisions littéraires, afin que, le besoin se présentant d'un fait ou d'un mot que je me trouverais soudain avoir oublié, sans que les livres d'où je l'avais tiré fussent à ma disposition, je pusse facilement l'y trouver et l'y prendre.»
    Aulu-Gelle, Les Nuits attiques, éd. Les Belles Lettres
    Je crois que tout est dit : blog aide-mémoire ou pense-bête, et parce qu'on est curieux malgré tout de savoir s'il y a de l'écho.

    Le mariage de mon oncle

    Mon oncle a donc épousé celle qui est désormais ma tante — après dix ans de vie commune. C'est difficile de la considérer comme ma tante, j'aimais tant la première femme de mon oncle, elle me manque.

    Je n'avais pas anticipé ce mariage, je n'avais pas prévu de toilette, je me suis habillée comme une cruche. Ça m'ennuie, je suis immobilisée ainsi sur les photos pour l'éternité.

    Mon oncle connaît tout le monde ici: bien qu'il soit divorcé, le prêtre a acepté de bénir leur union.
    Nous avons fait de belles photos de famille, j'aurai une belle photo de mon oncle et de mon père.

    J'ai fumé devant la salle des fêtes, en me dissimulant. Mon plus jeune cousin l'a remarqué et m'a dit «Alors, on se cache pour fumer?», ce qui était quand même ridicule à trente-neuf ans. C'est lui aussi qui m'a interrogé sur RC et mes interventions sur la SLRC. J'étais très embarrassée, très embarrassée d'une part parce que j'ai du mal à être lue, d'autre part parce que RC est réactionnaire. C'est dur de reconnaître que je soutiens un réactionnaire. J'ai bafouillé, je n'ai pas défendu ma cause ou la sienne. Dommage.
    Je ne l'ai pas défendue parce que je n'avais pas envie de passer pour réactionnaire, mais pas envie non plus d'être sur la défensive, comme si je devais m'excuser de mes goûts.

    Cela a joué quand j'ai arrêté la SLRC et commencé à bloguer. Bien sûr il y a eu l'insupportable François Matton. Mais il y a eu aussi mon cousin. Je n'avais plus vraiment envie de rester sur la SLRC et de porter son étiquette.

    Hommage à Matoo

    En toute rigueur, ce texte n'a rien à faire là. Je le reprends parce que ça me fait plaisir.

    Vous trouverez ça et là dans le site de Matoo des tarlouzes, des dèpes, des tapioles (peut-être le mot le plus utilisé), des tapettes, des "garçons sensibles" (j'adore cette expression), des pétasses dans le sens de pédés, des cœurs de midinettes,... S'il y a un monde dont Matoo se moque, c'est bien celui des homos, enfin, d'un certain type, celui qu'il connaît le mieux, tout en en catégorisant d'autres, les homos bobos, les folles de la gay pride, etc. Si l'on voulait lui reprocher quelque chose, ce serait peut-être d'en rajouter dans le cliché concernant les dèpes. Sur le thème, il force le trait, c'est certain, sans que je sois toujours sûre que ce ne soit qu'un jeu (serait-ce parfois une défense?) Comment vous dire, tout cela n'a pas grande importance, ces mots qui seraient violents ou méprisants ailleurs sont ici employés avec tendresse.

    Je me demande souvent ce qui me retient sur son site et dans son écriture, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle est plutôt étrangère à ce que je lis par ailleurs. Je pense que c'est un rapport à l'enfance, à l'émerveillement, à la capacité intacte de regarder autour de soi et à être heureux (ce qu'il appelle son optimisme fataliste), également à un bonheur des mots (pas de doute, j'ai acquis du vocabulaire, même si je serais à peu près incapable de m'en servir.(lol))
    Aussi étrange que cela puisse (me) paraître, il m'évoque des livres d'enfance, des choses comme La gloire de mon père, des textes sans cynisme, sans humour noir, sans rien finalement de ce que je cherche aujourd'hui, c'est-à-dire le rire qui permet de tenir à distance un monde comme il va qu'on n'est pas très sûr d'apprécier. Matoo, c'est la possibilité d'aimer à nouveau le monde comme il va, malgré ses imperfections (mais quelle époque a jamais été parfaite?)

    Et puis Matoo, mon phoenix, est parfaitement conscient de ne pas toujours utiliser les bons mots aux bons moments (voir les commentaires). Il reconnaît qu'il utilise parfois un mot au sens inapproprié simplement parce qu'il le trouve joli (je sais, quelle hérésie), il sait qu'il fait de "vraies" fautes (celles qu'on ne fait pas par étourderie). Il me surprend par sa maîtrise de la retranscription du langage parlé (j'avais commencé à donner un lien vers un post récent, mais finalement, j'ai eu peur de vous choquer (parce que là, le discours (hétéro) qu'il rapporte dépasse nettement le mysogine)). Il écrit sérieusement sans se prendre au sérieux. Il cherche. Il lit. Il va à des expositions. Il est conscient de ce qui lui manque dans les domaines "culturels"; non seulement il cherche à combler le manque, mais en plus il influence les lecteurs de son blog.

    Il aime lire, et je veux croire qu'il fait lire, aussi bien le dernier polar américain que Marc-Aurèle. Il y a deux façons pour la littérature de mourir: qu'il n'y ait plus d'écrivains (dignes de ce nom), et qu'il n'y ait plus de lecteurs (dignes de ce nom). Et je suis toute étonnée de me rendre compte que, sans vraiment pouvoir le rationaliser, aussi loin que Matoo puisse paraître du lecteur idéal tel qu'on l'imagine sur ce site, c'est sur lui (et ses pairs, ceux qui ont la même joie, la même curiosité) que je parierais pour faire survivre le goût des livres et de la littérature encore quelques années, parce que si je crois que la littérature classique telle qu'on la conçoit ici survivra dans les universités, je crois que c'est par des lecteurs fous et curieux que la littérature en général a une petite chance d'être sauvée.

    Comment RC a changé ma vie

    Si j'avais lu Renaud Camus à vingt ans, je n'y aurais sans doute rien compris et l'aurait refermé pour longtemps, voire pour toujours. J'avais vu son nom plusieurs fois sur les rayonnages des librairies ou des bibliothèques: quand même, fallait douter de rien pour s'appeler Camus et écrire sous ce nom en espérant être lu!

    En flânant sur le site me revient à la mémoire la réflexion de Eudes : il faut que les livres de Renaud Camus arrivent au bon moment dans notre vie. Il s'agit vraiment d'une rencontre, c'est très étrange. C'est sans doute à rapprocher des divers messages de remerciements ici et là sur le site, Eudes, Gab, Frédéric, Henri, Jean Paul,… (Pardonnez-moi d'ainsi nommer, mais je veux illustrer que cela n'arrive pas une fois par hasard: cela arrive souvent, à l'échelle du nombre de personnes intervenant sur le site).

    Renaud Camus a sans doute changé ma vie. Je crois qu'il a surtout changé la vie de mon entourage:
    C — Mais en fait, ça fait combien de temps que tu lis Renaud Camus?
    Moi — Un an et demi
    C — Seulement un an et demi ?!
    H — Heureusement pour nous!

    Il n'a pas tort, mon Dieu, il n'a pas tort.

    ———————

    Ce billet était à l'origine un message sur le site de la SLRC.

    La fin

    Nous étions invités le soir à un cocktail par l'entreprise. Le 5 ou le 6, j'aurais juré que c'était un vendredi, mais maintenant que j'écris cela quinze ans plus tard, je m'aperçois que le vendredi est un 7. Tout est toujours un peu faux.

    Durant ce cocktail, nous avons appris que notre société était vendue. Plus exactement, notre équivalent "Vie" était racheté par une grande banque mutualiste, et nous faisions partie des conditions de vente: reprendre également la société "Iard" (incendie et autres risques divers, tout ce qui est assurance de biens par opposition aux assurances de personnes).

    Nous aurons le choix entre suivre notre patron qui rejoint la maison-mère ou intégrer les équipes de la banque.

    Mon monde s'écroule. C'est fini.

    Vent léger dans le linge

    Il fait beau. Je suis en train d'étendre le linge. Hervé vient me voir, me prend dans ses bras, me dit: «ta mère vient d'appeler, ta grand-mère est morte.»

    Je ne sens rien, je ne pense rien. Le soleil continue de briller, le vent soulève un peu le linge et son odeur de frais.

    Un coup de téléphone dans la nuit

    V. a appelé: le frère (vrai jumeau) d'Eric vient de faire un infartus, il est à l'hôpital (père de trois enfants. Le dernier a trois mois).
    Eric est en catalepsie. A bout de ressources, V. a pensé à Hervé.

    Il s'habille, s'apprête à partir. Je lui tends un paquet de gâteau en pensant à San-Antonio, évoquant la sagesse paysanne devant une personne anéantie par la mort d'un proche: «Heureusement elle va manger».

    Et maintenant, l'attente.

    Précipitée

    Ma mère appelle ce matin: ma sœur qui était venue lui rendre visite au début de son congé pour maternité est à l'hôpital, poche des eaux fissurée.

    Elle a finalement accouché avec six semaines d'avance, la petite est dans le service des prématurés, ses poumons et son cœur ne sont pas encore complètement développés.

    Ce qui m'étonne, c'est la réaction de ma mère dans le stress: Patrick, mari de ma sœur et père du bébé, a appelé pendant que Caroline était à l'hôpital. Et ma mère, au lieu de lui dire que sa femme était en train d'accoucher (au lieu de l'appeler pour le prévenir dès le début) lui a répondu que ma sœur… était chez la voisine.

    Comment mieux illustrer qu'aux yeux de ma mère, ses beaux-fils seront toujours des étrangers?

    Prêt

    écrit le 10 novembre 2015.

    Au moment de jeter une offre de prêt (je récupère la signature de H pour faire un montage pour l'autorisation de conduite accompagnée!), j'en note les détails ici: 30.000 FF empruntés le 4 décembre 1998 (offre datée du 24/11/1998).
    Prêt sur trois ans
    Coût (intérêt, assurance, etc) : 4158,22 FF
    Echéance : 940,51 FF

    O. a à peine trois mois. H. est en train de créer A*k*m. Un seul salaire, le mien.

    Notre future maison

    Il y a quelques temps H. discutait avec son coiffeur:
    — Nous voudrions acheter une maison. Toi qui croises plein de monde, tu ne connaîtrais pas quelqu'un qui vend, par hasard?
    — Si, moi.

    Hervé connaît cette maison pour y être allé plusieurs fois dépanner l'ordinateur. Mais pas moi. Visite aujourd'hui. Il fait magnifiquement beau.

    Le jardin est très grand, mais en fait nous n'en n'achèterons qu'une partie: le fond va être loti pour construction et le côté, sans clôture qui indique une limite, n'appartient pas au coiffeur. Il en a l'usage mais son propriétaire devrait lui aussi vendre la parcelle. Encore plus loin sur le côté un terrain clos et boisé est lui intouchable, sauf modification du POS.

    La porte ouvre sur un couloir lambrissé. C'est très joli tout ce bois. L'escalier est en revanche très abîmé, presque blanc au niveau le plus usé des marches. Une pièce du rez-ce chaussée comporte une étagère, plutôt des casiers, sur tout le mur. Elle ou ils est remplie de 33 tours de jazz, c'est impressionnant.

    A l'étage il n'y a que deux chambres, ce qui m'ennuie pour nos trois enfants. Dans celle du garçon (des propriétaires actuels) se trouve une cabane en bois fixée au mur, ce qui me ravit.
    Le magnifique, c'est la baignoire monumentale en arc de cercle de la "suite parentale" sur fond de carreaux provençaux. C'est beau, cela fait envie (si je retrouve une photo, je la mettrai en ligne).
    Cette pièce n'a de plafond que sur la moitié qui correspond au plancher d'une mezzanine, l'autre moitié monte jusqu'à la charpente, ce qui donne une hauteur de plafond appréciable (pour moi les plafonds sont toujours trop bas). Une porte sur la mezzanine permet d'accéder à un grenier sur le côté, au-dessus de la chambre des enfants.

    C'est grand, c'est aéré. H. est enthousiaste. Il n'y a que deux chambres pour les enfants (plus la pièce des disques en bas, mais elle est en bas et la porte est vitrée), pas de garage. Surtout c'est toujours aussi loin de Paris. J'aurais préféré un appartement à Vincennes, quelque chose qui me permette d'aller travailler en vélo en cas de problèmes de transport (je suis obnubilée par la grève de 1995).
    Mais H. est enthousiaste, il ne veut pas d'appartement plus petit plus près de Paris, il veut de la place, un jardin.
    Bon, OK.

    Ce n'est pas pour tout de suite: le coiffeur, Philippe, prévoit de déménager en juin 99. Nous allons signer une promesse d'achat et mettre notre appartement en vente.

    Baptême de Claude

    Je retrouve dans ma Bible le livret du baptême de A.

    Bernard avait accepté de venir la baptiser. Je me souviens que lorsque j'étais allée demander au prêtre de la paroisse l'autorisation de la faire baptiser par un prêtre ami (le problème est d'avoir accès aux registres paroissiaux), il avait accepté à une condition: que nous venions présenter A. à la communauté un dimanche.
    Je ne l'ai jamais fait et c'est resté comme un remords. Ce que je ne savais pas alors, c'est que cette présentation fait quasi partie intégrante du rite.

    J'avais choisi en première lecture le songe du roi Salomon. J'aime beaucoup ce texte: l'homme à qui Dieu offre tout choisit la sagesse.

    Nous sommes allés au restaurant. Nous n'avions pas beaucoup d'argent, le nombre des invités était restreint: parents, grands-parents, frère et sœur, parrain, marraine. Ni les oncles ni les tantes, H. en a beaucoup trop. Ce fut très gai, je m'en souviens vaguement comme d'une journée joyeuse, heureuse.

    Plus tôt dans la voiture ma sœur m'avait fait de la peine: nous étions les seuls, nous avait-elle dit, à lui avoir souhaité son anniversaire quelques semaines plus tôt. En effet, elle avait démissionné de Lancôme au printemps précédent pour suivre son ami dans l'Ain où il venait d'être nommé receveur des postes, une place inespérée alors qu'il s'attendait à passer plusieurs années en région parisienne. Ma famille (ma mère, mes tantes, ma grand-mère) lui en voulait et la boudait.

    Village Voice

    Crack Down de Val Mc Dermid. La date d'achat est noté sur la première page. 55 francs

    Billet créé le 8 janvier 2016 alors que nous posons un faux plafond dans les toilettes du bas (c'est le lieu des poches policiers et SF). Je vais me débarrasser de ce livre par manque de place.

    Village Voice

    Kick Back de Val Mc Dermid. La date est noté sur la premeière page. 55 francs

    Aujourd'hui 8 janvier 2016, je vais me débarrasser de ce livre par manque de place.
    Aujourd'hui 8 janvier 2016, la librairie Village Voice a disparu depuis deux ou trois ans. C'était une librairie étrange: je savais à peu près où elle était, mais jamais exactement, et j'errais dans les rues adjacentes jusqu'à trouver sa devanture bleue qui se dérobait toujours. C'était Patrick qui me l'avait fait découvrir du temps où nous allions déjeuner au RU de Mabillon (le pire RU de Paris à l'époque). Je n'étais pas très à l'aise à l'intérieur, elle était trop léchée, je ne me sentais pas assez riche.
    Et voilà, elle n'existe plus.

    Quand à Val Mc Dermid, c'était, à l'époque de l'achat, ma tentative de reconstituer le petit miracle de ma découverte de Reginald Hill. Tentative infructueuse, avouons-le. Je vais abandonner ce livre dans le métro sans regret.

    Ce billet est le premier des billets d'une tentative systématique de reconstitution du temps perdu à partir des dates que je peux retrouver, dans les livres, les tickets de cinéma, les factures, les dates de fêtes de famille, etc.
    Je tente une reconstitution à partir de faits bruts. Peut-être sera-t-il possible d'amalgamer un peu de chair autour de ces indices.

    Juillet 96. Ma fille n'a pas un an. J'ai négocié mon départ de G** en mars ou avril, je cherche du travail sans me presser. Je cherche dans les boîtes d'intérim, je n'ai pas envie de m'engager, j'ai envie de voir ce qui est possible. Mes deux premières expériences professionnelles ont été très désagréables.

    L'incendie du Crédit Lyonnais

    Un post de Gilda me permet de dater quelque chose dont je me souviens très précisément mais que j'aurais été incapable de dater.

    Quoique. 1996, évidemment : peu après la naissance d'A., après mon départ négocié de G** (mars?), après la semaine de stage d'anglais avec AC (avril).

    AC travaillait avec moi à G**, nous nous y étions rencontrées et devenues amies (elle est la marraine d'O.) Elle avait quitté G** en 1994 pour aller travailler à Tahiti et était rentrée récemment en France. Nous nous aidions mutuellement: je la motivais et la briefais avant ses entretiens d'embauche, elle me disait comment négocier mon départ (demander un an pour obtenir six mois, etc: sans elle je n'aurais jamais osé; là, je me contentais de suivre ses indications, en m'interdisant de réfléchir).

    Nous avions vécu les années Pétriat (vingt ans plus tard j'apprends son destin) ensemble, nous avions résisté ensemble à une hiérarchie bête (et concernant la mienne, méchante), nous nous tenions les coudes.

    Je ne sais plus qui a appelé l'autre cette après-midi-là en apprenant l'incendie du Crédit Lyonnais, mais je me souviens de moi dans le salon à Villecresnes, de nous au téléphone en train de rire souffle coupé, incrédules : «ils ont osé», dans notre reconnaissance instinctive de ces magouilles dont nous avions souffert ensemble pendant trois ou quatre ans.
    Jamais, même une seconde, avons-nous cru que ce n'était pas un incendie criminel, volontaire, une façon de faire disparaître la preuve de malversations. (Je ne sais plus pourquoi cela paraissait si évident à l'époque: affaires Adidas, MGM (Metro Goldwyn Mayer))?

    Plus tard, en 2011, j'ai appris lors d'une formation à la "gestion du risque" que les archives du Crédit Lyonnais avaient brûlé au Havre le même jour, ce qui me parut la preuve définitive que c'était bien un incendie criminel.

    Flop

    Ma chef était très bête et très méfiante.

    Par souci d'économie de place système, mon écran de veille était noir, il ne présentait pas les tubes colorés se déplaçant en continu qui étaient alors à la mode.

    Elle entre dans le bureau, regarde mon écran et demande:
    — Tu ne travailles pas?
    Je réponds sans réfléchir:
    — Non, pas aujourd'hui.

    Elle m'a crue.

    Réunion de crèche

    Je place ceci le 8 octobre: naissance le 1er juin: dix semaines de congés maternité, quatre pour allaitement, quelques congés payants : ce doit être à peu près la bonne période. Cela permet de faire un compte rond avec la réunion de rentrée de terminale de O. le 8 octobre 2015, vingt-trois ans plus tard.

    Cette réunion parents-assistantes maternelles avait été assez agaçante car je croyais peu au "projet pédagogique" avec des enfants de trois mois à trois ans. (Et l'odeur entêtante des couches et du désinfectant hante mes rêves. Je détestais cela, je détestais entrer dans les locaux, je détestais les jouets baveux, j'avais horreur de laisser mon bébé là-dedans. Tous ces crève-cœurs silencieux que je n'avais pas le droit de dire. Je pensais à Zola et à la mine pour me dire que cela aurait pu être pire. Piètre consolation. Je crois que je m'en veux encore de ne pas l'avoir sorti de là, ne pas avoir pris un congé parental. J'avais la tête farcie "d'une loyauté due à l'employeur" qui vingt ans plus tard me paraît infiniment ridicule: vingt ans plus tard, je sais que mon bébé est allé en crèche par loyauté envers une entreprise qui ne sait même pas que j'ai existé. Quel manque de justesse dans l'évaluation de l'essentiel.)

    Les employées de la crèche étaient gentilles (je crois que celle qui s'occupait de Clément s'appelait Sylvie, je me souvient de sa silhouette et de sa tête), la directrice était une maîtresse femme qui boîtait à cause de la polio. Je ne l'aimais pas. Elle savait toujours tout mieux que nous («votre enfant a faim», m'a-t-elle dit un jour. Mais après que j'eus expliqué que je l'allaitais encore, elle était satisfaite: et pourtant, si mon enfant avait faim, que je l'allaite ou pas ne changeait rien, si? Soit il avait faim, soit il n'avait pas faim, c'était indépendant de ce que je pouvais expliquer. Mais allaiter, c'était bien, moralement irréprochable. Quelle hypocrisie, quelle manque de logique.)

    Prêt à la consommation

    Retrouvé dans les archives un contrat de prêt à la consommation : vingt-cinq mille francs pour huit mois, signé à Aubervilliers.

    Le mont Saint Odile

    H. m'appelle vers huit heures pour me dire: «il me reste un document à imprimer et j'arrive». Trois heures plus tard il n'est toujours pas là.

    J'écoute la radio dans la cuisine, un avion a disparu dans la brume, il ne répond plus, où est-il, des flashs d'information pour dire que l'on ne sait rien — jusqu'à la découverte de débris; cela a pris des heures, et pendant ce temps-là, j'attends H.

    Nous habitons Aubervilliers, il travaille près de Rungis, il a toute la région parisienne à traverser. Je tourne en rond dans la cuisine en essayant d'établir quelles sont les démarches les plus rationnelles: appeler ses parents ou le commissariat? Mais quel commissariat? ou les hôpitaux? Mais je ne les connais pas non plus.

    Depuis ce jour je n'attends plus les gens en retard. Passé une demi-heure, je fais ce qui était prévu afin de m'occuper et d'éviter de dramatiser.



    Billet écrit par décalque du billet du 22 août 2017.

    Interdit aux stagiaires

    C'est ce que je découvre ce matin sur l'une des portes des toilettes des femmes.

    Evidemment, qu'il n'y ait actuellement qu'une seule stagiaire dans les bureaux et que cette stagiaire soit noire ne peut être que coïncidence.

    Librairie

    le ciel bûle (sans majuscule).
    Dans ce livre je trouve la mention "Strasbourg, le 25 novembre 1989".

    J'étais en formation au Auchan de Strasbourg : deux à trois semaines à Périgueux, puis le reste de l'année à Strasbourg, seule dans une chambre d'hôtel au Campanile. Ça ne se passait pas très bien durant la semaine, j'avais des problèmes d'intégration au sein de l'équipe.

    Ce week-end-là, j'ai passé le samedi après-midi dans la librairie Kléber. Je crois que c'est ce jour-là que j'ai compris combien la seule présence des livres avait sur moi un pouvoir apaisant.

    J'ai acheté Tsvetaeva que je ne connaissais pas.

    L'enlèvement de Joséphine Dard

    Je me souviens de cette semaine, la semaine où nous avons appris (par la radio, toujours la radio), que la fille de Frédéric Dard avait été enlevée puis libérée. Je me souviens de ma fenêtre, de la lumière dans ma chambre. La remise de rançon avait été très maligne, à base de poulie descendant dans le noir.

    Je me souviens de ma surprise que Joséphine soit vivante (car depuis mon enfance, depuis Christian Ranucci, tout enlèvement d'enfant était sans espoir, on m'avait inculqué cela) et de mon étonnement de voir advenir dans la réalité un enlèvement d'enfant que San-Antonio avait vécu un an plus tôt dans Du bois dont on fait les pipes.

    Après cet enlèvement, l'écriture des San Antonio a changé, plus violente mais aussi plus fantastique, comme s'il s'agissait de décrire des événements qui ne pouvaient pas se produire. Moi qui en était une grande amatrice, j'ai été quasi dégoûtée après la lecture de Fais pas dans le porno, un livre d'abord publié en feuilleton en 1985 dans Le Matin de Paris dans un effort commun de plusieurs personnalités pour sauver ce journal.

    Amandine

    Souvenir de voyage vers Habère-Lullin (semaine de ski):
    Tandis que nous roulons, nous apprenons par la radio la naissance du premier bébé-éprouvette français (le 24 février). Cela ne me dit pas grand chose, mais je m'en souviens car la nouvelle a ému mes parents qui l'ont commentée. (Pour en dire quoi? Je ne sais plus, sans doute s'étonner que cela soit possible et saluer cette prouesse française. Que ce soit français était important, pour le commentateur comme pour mes parents, il me semble).

    La panne

    J'étais en cours de géographie quand les lumières se sont éteintes. 8h27, il faisait encore nuit. C'était une professeur que je n'aimais pas beaucoup. (L'année de cinquième n'est pas un bon souvenir: beaucoup de professeurs que je n'aimais pas beaucoup). Je ne sais plus comment elle a réagi. Je ne sais plus ce que nous avons fait pendant quatre heures. Y avait-il du chauffage? Avons-nous mangé chaud? Je ne sais plus.

    Je me souviens de ma surprise le soir à apprendre que tout le monde en France avait connu la même panne. J'avais aimé cette communion dans les problèmes: pour moi, jusqu'à ce jour, une panne d'électrécité était toujours locale. Peut-être parce que j'avais grandi au Maroc, c'était pour moi quelque chose d'assez courant, moyennement exceptionnel: manquer d'électricité deux ou trois heures le soir, s'éclairer à la lampe de camping, j'avais déjà vécu cela, de temps en temps.
    Mais soudain cela devenait un événement dont on parlait à la télé.


    En regardant Poivre d'Arvor sur l'INA, j'apprends que la plus forte consommation de l'année intervient le troisième mercredi de décembre (en 1978. Est-ce encore vrai en 2019? Et qu'en sera-t-il quand nous serons à l'énergie solaire ou éolienne?)

    Je retrouve «On n'a pas de pétrole, mais on a des idées.»

    L'année des trois papes

    — Le pape est mort !

    Qui me l'a annoncé? Je ne sais plus. Je sais que c'était au collège, et à la récré. Je venais d'entrer en cinquième. Comment un élève de cinquième avait-il pu apprendre ça, à la récré, au collège, et pourquoi cela l'intéressait-il?

    Je me souviens ne pas y avoir cru. Cela ne représentait pas grand chose pour moi, mais mes parents avaient eu l'air si émus par la mort du précédent, et celui-ci était pape depuis si peu de temps…

    Ce n'est que bien plus tard (au moment de la vogue de Nostradamus, dans les années 80?) que j'ai appris qu'on l'appelait, ou l'appellerait, "le pape de la demi-lune", ce qui correspondait à une prédiction de St Malachie.

    Et ce n'est qu'en 2019 que j'ai découvert l'expression «l'année des trois papes».

    Au coin de St Marc, une statue rappelle ce pape venu de Venise.

    Martine

    J'avais pour première langue allemand, c'était à l'époque le moyen de reconstituer les classes de niveau supprimées par la réforme Haby qui était en place depuis cette rentrée (je n'ai pas eu de chance. J'aurais aimé être au collège avant la réforme Haby. Oui j'étais et je suis élitiste.)
    La conséquence, c'est que nous avons été la même classe composée des mêmes élèves pendant les quatre années de collège.

    C'est ainsi que je suis devenue amie avec Martine, que sans doute je n'aurais jamais fréquentée sans cela (nous n'avions pas grand chose en commun). J'étais mise à part en tant que grosse tête, elle faisait partie de ses filles mal dans leur peau qui n'étaient pas effrayées à l'idée de fréquenter d'autres mises à part.

    Elle était passionnée de vélo. C'est grâce à elle que je sais qu'un vélo de course n'a rien à voir avec un vélo ordinaire (étant montée sur le sien et ayant failli me casser la figure).
    Elle jouait au foot, aussi, ce qui était une rareté à l'époque (et c'est ainsi que je sais qu'un terrain de foot, c'est très très grand. Respect.)
    Je lui dois Renaud, Balavoine, les sketchs de Roland Magdane (je m'en serais passée), mais aussi, plus étrangement, Martin Gray. Et les imitations du Collaro show (à partir d'octobre 1979, me dit Google).

    Et si je place ici ces quelques mots en son souvenir, c'est qu'elle est arrivé dévastée par la mort de Claude François.
    Je n'aimais pas Claude François, je ne l'aime toujours pas: ni sa musique, ni sa tête, ni ses costumes, ni ce qu'on racontait sur les Claudettes (je n'ai pas attendu MeToo pour avoir un instinct très sûr).
    Mais même sans cela, même si je l'avais apprécié, il m'était incompréhensible d'être dévastée à ce point par la mort d'un chanteur, d'une star, d'un étranger en somme.

    Quarante-deux ans plus tard, je me souviens de ce chagrin, de ses larmes en récréation.

    Un souvenir vivace

    Je me souvenais de «La lune, papa» (— Qu'est-ce que tu regardes? — La lune, papa) mais je n'avais jamais été capable de retrouver de trace de ces épisodes de dix à vingt minutes qui passaient entre sept et huit heures ce soir.

    Ce matin de mai 2019, nous étions en train de discuter Gilets Jaunes, du fait que la France était divisée en quatre (cf. les élections de 2017) et donc ingouvernable, mais:
    — L'a-t-elle jamais été? Quand on voit ce que dessinait Goscinny avec Astérix…
    Débat : Goscinny, les années 50 ou 60? Après 68?
    — Avant 68: il a commencé dans Pilote.

    Un tour dans wikipédia, premier album en 1961, trois ou quatre ans plus tard des tirages à un million d'exemplaires, le premier satellite français nommé Astérix.

    Et soudain je me souviens: cette série que je cherche, elle était de Goscinny. Elle est là, dans Wikipédia. Ce sont les Minichroniques, que j'aimais tant.
    Il y a eu deux saisons, uniquement pendant les vacances de Noël. C'était le moment où je regardais la télé tandis que les autres ne la regardaient pas, je suppose: voilà pourquoi personne ne s'en souvient quand j'en parle.
    Et ce Noël 76, c'était le premier Noël dans la maison que mes parents avaient fait construire. Ils avaient passé l'été à faire les papiers dans la canicule.
    Je me souviens de regarder les épisodes debout adossée au chambranle de la porte du salon, endroit qui serait mon lieu de prédilection pour regarder la télé pendant de longues années — jusqu'à ce que je quitte la maison, jusqu'à ce que mes parents réorganisent le salon et changent la télé de place.

    Eh bien sûr, elles sont disponibles sur l'INA.

    J'espère que je ne vais pas être (trop) déçue.

    Dépression

    Nous sommes définitivement revenue en France en juin ou juillet 1975.
    Dans mon souvenir, c'est une période très sombre: d'abord au sens littéral, puisque je découvre l'hiver, les jours qui raccourcissent et le froid; ensuite mes parents étaient déroutés de découvrir les cancres qui étaient leurs élèves (alors qu'au Maroc ils avaient les meilleurs); enfin à cause de la radio, du "second choc pétrolier" (syntagme figé, je ne me souviens pas avoir entendu parler du premier) et de la chasse au gaspi.
    Tout était triste et noir.

    En fait, rien ne s'est jamais arrangé par la suite (smiley rire aux larmes): graphique trouvé en avril 2019:


    2019-0402-dette-publique.jpg

    Jeu de piste

    Et tandis que nous discutions du BAFA d'O. (de l'opportunité de faire son stage technique en revenant d'une semaine à Naples pour rentrer la veille de retourner en classe deux mois avant de passer le bac), je leur ai avoué un de mes meilleurs souvenirs d'enfance: durant l'année de catéchisme, nous avions fait un week-end de camping (dormir sous la tente, quelle aventure) avec un jeu de piste dans les dunes qui m'avait émerveillée (boussole, carte, mystère, le Club des Cinq enfin).

    Et plus tard dans la grande tente lors de la réunion qui rassemblait les résultats des différentes équipes, j'avais osé poser la question qui me taraudait — et je n'avais pas eu de réponse mais tout le monde avait ri, donc j'en avais déduit que la réponse était sans doute non, mais sans en être tout à fait sûre (j'aurais tellement aimé que ce soit oui):
    — Mais c'est vrai que les Martiens ont débarqué?
    (et quarante-deux ans plus tard mes enfants ont ri eux aussi.)

    Et plus tard, dans un moment de creux, j'étais repartie dans les dunes refaire le parcours du jeu de piste, et plus tard encore, une "grande" m'avait dit, stupéfaite: «Mais tu n'as pas eu peur toute seule?», et je n'avais pas compris: peur de quoi?

    Et nous avions fait des déguisements en papier crépon et c'était facile et rien n'était grave et rien ne devait être parfait. Nous étions juste joyeux et heureux.


    (Date imaginaire, bien sûr: je l'ai choisi avant ma communion et au printemps, mais peut-être était-ce pendant les vacances de Pâques ou plus tard en juin: comment savoir?)

    Opération

    Date retrouvée dans mon carnet de santé. Ablation des végétations à Bourges, pendant que nous sommes en France pour les vacances d'été. J'ai sept ans.
    Je suis dans mon lit d'hôpital, on m'a offert Fantômette et le géant et Fantômette et la maison hantée (deux dessinateurs différents, le second utilisant des formes plus rondes, plus vagues).
    Je lis. A côté de moi, une poupée également offerte, un baigneur, chauve (cheveux moulés), une robe vichy rouge.

    Pendant l'opération je me réveille. Je suis assise, un peu penchée en arrière. On me rendort au masque. J'aime l'odeur du chloroforme.

    Plus tard ma tante dira: «quand je suis arrivée dans sa chambre, elle était en train de lire, j'ai cru qu'on ne l'avait pas encore opérée. Mais si, c'était fini, et elle était exactement dans la même position que quand je l'avais quittée.»

    J'ai lu trop vite les deux Fantômette. Pendant les jours suivants j'ai été gavée de glace.

    Ce jour-là, ma mère a acheté pour mon père un porte-clé St-Christophe dont je voudrais "hériter" (c'est une semi-plaisanterie, c'est l'attachement aux objets toujours connus, en particulier ceux qui ont fait "la campagne du Maroc"). Aujourd'hui (janvier 2016) il est fondu à la manière dont le pied de St Pierre à Rome est fondu.

    Hacienda

    J'ai appris à nager dans cette piscine, mais je ne sais pas quand. J'ai aussi appris à monter à cheval, mais je ne sais pas non plus à quel âge: six ans, sept ans? Je cassais les pieds à mes parents depuis longtemps, mais il n'y avait pas de poney, j'ai commencé directement sur des étalons (les chevaux n'étaient pas castrés, il n'y avait pas de jument, si l'on tombait il ne fallait pas lâcher les rênes pour éviter que les chevaux aillent se battre avec les autres).

    Ingeborg Bachmann est morte

    J'écris cela tandis que je lis Une visite à Klagenfurt d'Uwe Johnson.

    1973. J'avais six ans. Je ne sais pas en quelle classe j'étais, je suis toujours obligée de repartir de mon bac : 1984.
    sept 83 : terminale
    sept 82 : première
    sept 81 : seconde. Lycée (fin des horribles années de collège)
    sept 80 : troisième.
    sept 79 : quatrième
    sept 78 : cinquième
    sept 77 : sixième
    sept 76 : CM2
    sept 75 : CM1. Rentrée en France
    sept 74 : CE2
    sept 73 : CE1
    sept 72 : deuxième CP école Paul Gauguin
    sept 71 : premier CP école juive
    sept 70 : entrée à l'école, première année de maternelle.

    Ingeborg Bachmann est morte alors que je venais d'entrer en CE1, l'un de mes très bons souvenirs d'école. Nous faisions des "auto-dictées", «Si j'avais quatre dromadaires», «à l'enterrement d'une feuille morte».

    Question :«l'avion se promène dans le ciel… : pourquoi le poète dit ça alors que nous savons que l'avion va très vite?
    — Parce qu'il est très loin?
    — Oui, bravo, c'est ça.»
    Et j'étais heureuse, si heureuse que je m'en souviens encore.


    Mon livre de lecture racontait des histoires. La première était celle d'une petite fille malade, Claire, que ses parents ne pouvaient envoyer au soleil par manque d'argent. Alors les hirondelles ne partaient pas, les arbres retenaient leur souffle pour ne pas perdre leurs feuilles, le soleil brillait plus fort pour que l'hiver ne vienne pas et que Claire guérisse.
    Il y avait l'histoire d'un oisillon coucou prisonnier de son nid en grandissant et qui me faisait pleurer, l'histoire du sucre d'orge inventé à partir d'une stalactite…

    Des années plus tard j'ai essayé de retrouver ce livre en écrivant à mon instituteur rentré en France mais il ne souvenait pas du titre. Si j'avais une piste je pourrais sans doute le retrouver sur Abebooks ou priceminister.

    Cette année-là nous avons lu Le Petit Prince. La rose, le baobab, le jardin, le mouton, le serpent, tout cela date de cette année-là.
    Je me souviens que je n'avais pas compris la fin: comment avait-il pu rejoindre le ciel en étant mordu par un serpent? Je ne comprenais pas. J'avais le soupçon que cela voulait peut-être dire qu'il était mort mais ça n'avait pas de sens parce que d'abord il n'y a pas de mort dans les livres qu'on donne aux enfants (je ne l'exprimais pas aussi consciemment, mais je le ressentais instinctivement) et qu'ensuite, quand on mourait, on ne rejoignait pas "sa" planète précisément. Les risques d'erreur de planètes étaient trop grands. Etre mordu par un serpent me paraissait un moyen de transport trop alléatoire.

    Rentrée

    J'aurais dû entrer en deuxième année de maternelle. Mais il n'y avait pas de Français ni en deuxième année, ni en troisième année. Alors je suis entrée en CP.

    C'était à l'école juive d'Agadir qui allait de la première année de maternelle à la Terminale. Tous les élèves partageaient la même cour de récréation et j'agaçais ma mère en parlant «des grands comme vous».

    La salle de CP était installée dans une mezzanine au-dessus d'une grande salle solennelle. J'ai rêvé de cette salle longtemps. Les portes pour y accéder étaient au rez-de-chaussée, des portes imposantes et une salle interdite. C'était étrange de voir dans la salle sans avoir le droit d'y entrer. Ce n'est qu'en réfléchissant à cette image qui revenait dans mes rêves sans vraiment comprendre ce qu'elle était et où elle était que j'ai compris que c'était une salle de synagogue — enfin, une salle qui servait au culte.


    Chèvre au biberon

    Vierzon, l'été qui a suivi ma première année d'école. Ma sœur a deux ans à peine, moi quatre ans et demi.
    Nourir les chevreaux était un grand moment de bonheur.


    Le bonheur

    L'année de la naissance de ma sœur (en septembre), mes parents ont passé l'été au Maroc.

    Cette photo est pour moi l'image du bonheur.



    Je me souviens que ma tante m'a dit un jour: «tes parents étaient faits l'un pour l'autre. Ils ont eu raison de s'éloigner de la France après leur mariage».
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